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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 08 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Politique familiale

Mme Valérie Lacroute

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie

Bilan du CICE

M. Yves Blein

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

2. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

3. Questions au Gouvernement (suite)

Refonte de l’éducation prioritaire

M. Joël Giraud

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Financement de la réhabilitation et du désamiantage des logements outre-mer

M. Jean-Philippe Nilor

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer

Hausse de la fiscalité

M. Dino Cinieri

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Accord UE-Canada

M. Paul Molac

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Réforme du marché du travail

M. Thierry Mariani

M. Manuel Valls, Premier ministre

Virus Ebola

Mme Monique Iborra

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Handicap et temps périscolaire

M. François-Xavier Villain

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Péage de transit poids lourds

M. Gilles Lurton

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Protection de la ressource en eau

M. Philippe Folliot

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Consultation des enseignants

M. Sylvain Berrios

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Politique de l’alimentation

M. Guillaume Garot

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Livraison de matériel aux forces armées libanaises

M. Alain Marsaud

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Priorité jeunesse

Mme Régine Povéda

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

4. Transition énergétique

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 11 , 350

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Amendements nos 1871 , 755 , 1683

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 764 , 768 , 772 , 1872 rectifié , 1571

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le Premier ministre, des mesures catastrophiques sont annoncées dans votre projet de loi de financement de la Sécurité sociale : remise en cause de la prime à la naissance ; remise en cause du congé parental ; baisse de l’allocation pour les enfants entre 14 et 16 ans, soit 4 500 euros pour une famille de trois enfants ; décalage du versement de la prestation d’accueil du jeune enfant. Et j’en passe.

Hier, vos réponses à nos questions ont été plus qu’approximatives. Cerise sur le gâteau, on apprend ce matin que le président du groupe socialiste veut moduler les allocations familiales en fonction des ressources !

Monsieur le Premier ministre, depuis 1945, notre système d’allocations familiales repose sur le principe intangible d’universalité, qui a toujours fait consensus à gauche comme à droite. Nous avons été scandalisés par cette annonce de mise sous conditions de ressources, qui remet en cause ce principe essentiel de notre pacte républicain. Nous avons été choqués d’entendre que le rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, Gérard Bapt, considère les allocations familiales comme « de l’argent de poche » pour certaines familles.

Plusieurs députés du groupe UMP. Honteux !

Mme Valérie Lacroute. Les allocations familiales ne sont pas un revenu complémentaire. Elles ne vous sont pas distribuées parce que vous avez tel ou tel revenu, mais parce que vous avez des enfants. En aucun cas, elles ne sont de l’argent de poche ! Il n’y a pas d’enfants de riches, pas d’enfants de pauvres. Il n’y a que des enfants ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Depuis deux ans, vous détruisez la politique familiale. Plutôt que de vous attaquer aux familles, remettez en question la gratuité de l’aide médicale d’État pour les étrangers en situation irrégulière ! Quel est votre objectif, monsieur le Premier ministre ? Réduire l’autonomie des femmes, ou tout simplement les renvoyer dans leur foyer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée Valérie Lacroute, je réponds à votre question, comprenant que vous souhaitez que, du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous évoquions exclusivement la branche famille.

Vous ignorez peut-être que l’accueil de l’enfant et le soutien aux familles ne se déploient pas seulement grâce à la branche famille et à la caisse d’allocations familiales. L’ensemble des politiques publiques mobilisées pour l’accueil des enfants et le soutien aux familles représente aujourd’hui entre 80 et 120 milliards, si l’on compte les avantages de la politique fiscale, l’action des collectivités territoriales, l’ensemble des prestations servies aussi bien pour le logement des familles que pour l’accueil des jeunes enfants de moins de 3 ans dans l’éducation nationale. Dans ce décompte, je n’inclus pas l’effort sans précédent consenti par le Gouvernement en matière d’accueil et de formation des enfants par l’éducation nationale.

Sans sous-estimer la somme de 700 millions d’euros demandée cette année à la branche famille, il convient de la relativiser à l’aune de cet engagement de l’État de 120 milliards.

Vous avez évoqué la proposition faite par le président du groupe socialiste d’un débat sur la modulation des allocations familiales. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015 conserve et protège l’universalité des prestations familiales. Néanmoins, pour bien défendre notre politique familiale, il n’y a pas de débat tabou. Cette proposition, à l’initiative du président du groupe socialiste, n’est pas celle du Gouvernement, mais je pense qu’elle donnera lieu à l’Assemblée nationale à un très beau débat sur notre politique familiale, ses qualités, son excellence et le moyen de la faire évoluer, dans le cadre du redressement des comptes publics. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

Bilan du CICE

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Blein. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, le CICE, ça marche ! C’est la conclusion de deux rapports publiés la semaine dernière, l’un par France Active, chargée de son évaluation, l’autre par la mission d’information présidée par notre collègue Olivier Carré et dont j’étais le rapporteur. Après une première période d’appropriation, après avoir acquis la conviction que le CICE était bien installé dans la durée, les entreprises françaises montrent qu’elles ont bien reçu le message et veulent utiliser le crédit d’impôt pour investir, préserver et développer de nouveaux emplois.

Certaines évolutions du CICE sont attendues, par toutes les entreprises, qui pourraient faire valoir leur créance dès le paiement de leur acompte d’impôt sur les sociétés, par les entreprises ayant opté pour l’imposition forfaitaire avant sa création, par l’économie sociale, dont la compétitivité est déséquilibrée dans certains secteurs, tels que l’aide à domicile ou les activités éducatives.

Le CICE doit également être promu comme un outil d’enrichissement du dialogue social, auquel contribuera la mise en place des observatoires paritaires régionaux. De surcroît, comme sa destination sera parfaitement identifiée dans les comptes, il pourra être l’objet de discussions sur la stratégie de l’entreprise, ses projets et ses perspectives.

En 2015, puis les années suivantes, le regain de compétitivité et d’investissement de nos entreprises aura enfin des effets positifs sur l’emploi.

Je suis convaincu, comme de nombreux acteurs de l’économie, que le CICE a vocation à fusionner avec d’autres dispositifs et à être transformé en un allégement massif de charges, encore plus lisible et ainsi définitivement ancré dans la structure des coûts de notre économie. Monsieur le Premier ministre, quel bilan dressez-vous de cette première étape de montée en charge du CICE, et quelles sont les perspectives de moyen terme pour ce dispositif central du pacte de solidarité et de responsabilité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député Yves Blein, deux rapports, dont celui auquel vous avez contribué avec beaucoup d’autres parlementaires de tous ces rangs démontrent clairement, pour reprendre votre expression simple et claire, que le CICE, ça marche !

Ce dispositif fonctionne tout d’abord parce qu’il correspond à la réalité du monde des entreprises. Elles en avaient besoin et, depuis mai dernier, elles ont pu, d’une manière ou d’une autre, inscrire dans leurs comptes ou parfois toucher le chèque d’une somme qui correspond aux allégements de charge et de cotisations calculées sur les salaires, pour un montant total de 11 milliards. Jamais une telle somme n’avait été mise en jeu. Chacun doit savoir aujourd’hui que le CICE est devenu une réalité.

Vous proposez des mesures pour simplifier ou améliorer le dispositif. Elles sont les bienvenues car il est toujours possible de faire évoluer cette mesure.

Je voudrais enfin faire passer deux messages. Tout d’abord, le CICE n’est pas limité à cette année. Il se poursuivra en 2015 et les années suivantes. Pas moins de 6 milliards seront ajoutés dans le budget 2015, ce qui portera à 12 milliards l’effort en direction des entreprises. Ce dispositif est prévu pour une longue durée, les entreprises doivent inscrire leur politique dans le long terme pour mobiliser ce CICE au profit de l’investissement et de l’emploi.

D’ailleurs, votre rapport a démontré que telle était bien la volonté des entreprises : l’investissement et l’emploi.

Mon deuxième message se rapporte au dialogue social. Oui, il faut en discuter au sein des entreprises mais également aux niveaux régional et national car le suivi de l’utilisation des sommes relève de l’intérêt général et concerne tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

2

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Je salue la présence dans les tribunes de Mme Tong Thi Phong, vice-présidente de l’Assemblée nationale de la République socialiste du Vietnam, accompagnée d’une délégation de cette assemblée. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent)

3

Questions au Gouvernement (suite)

Refonte de l’éducation prioritaire

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la ministre de l’éducation nationale, vous avez annoncé il y a quelques jours les principes de la refonte de l’éducation prioritaire. Elle est indispensable car la France est la championne au sein de l’OCDE des inégalités scolaires. Pour les malheureux perdants, la nouvelle d’une sortie risque de susciter une très grande amertume chez les parents d’élèves et les enseignants concernés par cette « disqualification » surtout si elle leur paraît injustifiée.

Le ministère s’est basé sur un indice social obtenu en croisant quatre critères sociaux réputés transparents et scientifiques qui peuvent, comme tous les critères statistiques, faire l’objet de critiques d’ordre méthodologique.

Maire d’une commune classée en ZEP où 80 % des emplois privés sont saisonniers, j’apprends que je croule sous les CSP + – catégories socio-professionnelles favorisées – car être moniteur de kayak deux mois d’été et de ski quatre mois d’hiver vous classe dans une catégorie supérieure, même avec six mois de chômage.

Le pourcentage d’élèves en retard à l’entrée en sixième suscite également des interrogations. C’est justement parce que ces écoles bénéficient de moyens supplémentaires que l’on fait moins redoubler les élèves, notamment dans les ZEP rurales.

Enfin, le taux de boursiers est à prendre avec beaucoup de précautions, le chiffre peut grandement varier d’une année sur l’autre quand, par exemple, la commune compte de nombreux logements sociaux avec des déménagements fréquents ou d’un établissement à l’autre, les ZEP rurales n’ayant que rarement une assistante sociale à plein-temps pour remplir les dossiers.

Je suis conscient de la priorité qui a été accordée au budget de l’éducation nationale, priorité réaffirmée en 2015 malgré un contexte difficile.

Je suis également conscient que l’augmentation du nombre de postes d’enseignants a permis depuis 2012 d’enrayer la spirale de la fermeture des classes ou des écoles rurales.

Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les critères qui se retrouvent au cœur de cette réforme car les élus sont soucieux de leurs effets, notamment au sein des territoires ruraux.

Quelles concertations seront menées dans les territoires avec la communauté éducative, les élus, les parents pour redéfinir la carte de l’éducation prioritaire ? Quels moyens subsisteront pour les établissements qui sortiront du système ? Quelle place sera celle de la ruralité et de la montagne dans la réforme plus globale de l’allocation des moyens ? Enfin, peut-on généraliser, dans ces territoires, les conventions pour l’aménagement du territoire scolaire à l’image de ce qui a été expérimenté l’an dernier dans le Cantal ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Joël Giraud, oui nous réformons l’éducation prioritaire, en particulier parce que ses résultats mitigés ces dernières années nous conduisent à repenser les moyens de la faire réussir, tout simplement, notamment en revalorisant véritablement, comme nous le faisons depuis 2012, le travail des enseignants sur place, et en accompagnant les élèves, les enfants, dès leur plus jeune âge, y compris avant leurs trois ans.

Mais nous la réformons aussi car il s’agit de s’adapter à une réalité sociale. Aujourd’hui, la carte de l’éducation prioritaire est assez déconnectée de la réalité des difficultés sociales. Pour la réactualiser, nous nous appuyons sur un indice social, que vous avez rappelé et qui a vocation à mesurer la difficulté sociale, notamment grâce à la proportion de catégories socio-professionnelles défavorisées et au taux de boursiers. Cet indice présente l’avantage d’être objectif et transparent. Il s’est malheureusement avéré que les difficultés sociales ainsi mesurées sont souvent corrélées à un échec scolaire important, ce qui explique que nous réformions l’éducation prioritaire.

Nous faisons également en sorte de prendre en compte la réalité du terrain. J’ai demandé au rectorat d’ouvrir la concertation avec les élus locaux – vous êtes concerné – pour ajuster cette nouvelle carte au plus près de la réalité.

C’est vrai, des établissements sortiront de ce cadre, d’autres y entreront. C’est le principe d’une réforme mais je veillerai à ce que rien ne se fasse brutalement, y compris en prévoyant dans les établissements sortants que les enseignants puissent continuer à bénéficier des indemnités liées au dispositif de l’éducation prioritaire, pendant les trois prochaines années.

Surtout, je conduirai une autre réforme que celle de l’éducation prioritaire, celle, plus générale, de l’allocation des moyens par académie pour correspondre à la réalité du profil sociologique de chaque établissement, dans chaque territoire, y compris en zone rurale.

La jurisprudence Cantal, que vous venez d’évoquer, vous est ouverte. Nous sommes à votre disposition si vous travaillez à restructurer le réseau des écoles pour que les effets de la démographie soient annulés pour partie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Financement de la réhabilitation et du désamiantage des logements outre-mer

M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Philippe Nilor. Madame la ministre des outre-mer, la politique d’aide à l’amélioration de l’habitat, qui avait suscité beaucoup d’espoirs en 2011 avec la loi relative au logement indigne outre-mer, essuie déjà un échec patent en Martinique.

En effet, la faiblesse de la ligne budgétaire unique, la LBU, par rapport aux autres territoires, l’incapacité des propriétaires à financer au moins 20 % du coût de l’opération et l’interprétation restrictive de la dégradation du bâti par la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement excluent les plus démunis des dispositifs existants, condamnant ainsi près de huit mille logements à l’insalubrité.

Pire, 70 % des constructions ont un « potentiel amiante ». Les bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux sont eux aussi touchés. Plus de trois mille produits contenant de l’amiante ont été utilisés pour les toitures, les façades, les cloisons, les peintures ou encore les réseaux d’assainissement. Des lotissements en accession sociale à la propriété, cofinancés par l’État jusqu’en 1997, sont chargés d’amiante, et des familles nécessiteuses sont désormais contraintes de financer le désamiantage de leurs maisons avec une aide plafonnée à 9 000 euros alors que les travaux atteignent allègrement le montant de 45 000 euros. À l’évidence, les risques sanitaires n’ont pas été objectivement mesurés.

Je ne me contente pas de révéler un nouveau scandale ; je présente également des propositions visant à généraliser la production du document technique amiante, à reconsidérer le plafond de 80 % de financements publics, notamment en cas de présence d’amiante, et à domicilier une déchetterie de classe 3 pour réduire le coût du désamiantage affecté par les tarifs du transport systématique des déchets vers la France.

Madame la ministre, au-delà des sept objectifs énoncés le mois dernier et traduisant votre « ambition pour l’habitat outre-mer », quels moyens concrets entendez-vous développer pour remédier aux carences de la politique du logement social en Martinique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

Mme George Pau-Langevin, ministre des outre-mer. Vous m’interrogez, monsieur le député, sur les questions relatives aux aides au logement à la Martinique, et particulièrement sur les problèmes rencontrés en matière de résorption de l’habitat indigne et de désamiantage.

Comme vous le savez, ce Gouvernement a pris la question du logement à bras-le-corps. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) J’ai récemment présenté les grandes orientations d’un plan logement adaptant dans les outre-mer les programmes gouvernementaux. Adaptation des financements, octroi des garanties, stratégie foncière, maîtrise des coûts de construction et des loyers de sortie, transition énergétique : telles sont les priorités que j’ai fixées et qui donneront lieu à des engagements de l’État envers ses partenaires.

Vous avez appelé mon attention en particulier sur le plafonnement des aides à 80 %, mais je précise que chaque préfet est en mesure d’apprécier la situation en fonction du contexte local, et je pense que ce sera le cas.

D’autre part, vous m’indiquez que les règles en vigueur peuvent provoquer l’abandon de certains projets de réhabilitation. Il convient donc de réévaluer cette situation dans le cadre du plan logement outre-mer. À mon sens, toutefois, la Martinique n’est pas particulièrement maltraitée pour ce qui concerne la LBU.

S’agissant du désamiantage des logements, je partage votre analyse sur les surcoûts existants. Ils s’expliquent pour partie par l’absence de filière de traitement de l’amiante dans les outre-mer. Nous allons nous pencher sur ce sujet avec Mme la ministre de l’écologie pour trouver une solution permettant de pallier cette carence.

Enfin, je tiens à réaffirmer la priorité accordée au renforcement de la lutte contre l’habitat indigne, qui constitue un véritable motif de préoccupation dans les outre-mer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Hausse de la fiscalité

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dino Cinieri. J’associe à cette question mes collègues Damien Abad et Paul Salen.

Monsieur le Premier ministre, vous promettiez une relance du pouvoir d’achat mais, une fois de plus, les Français ne peuvent que constater les nouvelles incohérences de votre majorité !

Vous prétendez ne pas augmenter les impôts, mais le taux de prélèvements obligatoires pour 2015 reste incroyablement élevé et, malgré vos annonces en trompe-l’œil, rien ne baisse dans le budget que vous nous proposez ! Hausse de quatre centimes par litre d’essence, hausse historique de 15,2 % du prix du timbre, hausse de la redevance audiovisuelle qui, d’après le Président Hollande, devrait même concerner les tablettes numériques et les smartphones, hausse de la taxe de séjour pour l’hôtellerie : en ce début d’automne, alors que nos concitoyens ont reçu leurs avis d’imposition, c’est donc cela que vous leur promettez pour 2015 !

Et je n’oublie pas le matraquage des familles ! La prime de naissance est divisée par trois à partir du deuxième enfant, soit 600 euros de moins pour les jeunes parents ; le montant du complément de mode de garde diminue pour 20 % des familles ; le report de la majoration des prestations familiales fait perdre 1 560 euros aux familles.

M. Bernard Roman. Respire !

M. Dino Cinieri. Monsieur le Premier ministre, arrêtez vos beaux discours lénifiants et vos effets d’annonce sur les baisses d’impôts ! Il faut passer aux actes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu accroîtra encore davantage l’effort qui pèse sur les classes moyennes, alors qu’il faudrait les soulager !

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. C’est faux !

M. Dino Cinieri. Allez-vous enfin lutter contre la fraude aux prestations sociales au lieu de pénaliser les familles qui sont l’avenir de notre pays ?

Qu’allez-vous faire pour les Français – 1,2 million en tout, soit une hausse de 20 % en deux ans – qui ont dû demander un délai de paiement à leur centre d’impôts ou emprunter auprès des banques ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Vous faites, monsieur le député, des amalgames(« Non ! » sur les bancs du groupe UMP.) en regroupant en une seule et même question divers sujets qui ne relèvent pas tous du projet de loi de finances en cours d’examen par votre commission des finances. Je pense notamment à la taxe de séjour, dont la responsabilité, je le répète, incombe aux collectivités territoriales, ou encore au prix du timbre qui, vous en conviendrez, n’est pas inscrit dans le projet de loi de finances.

Je vous répondrai néanmoins en insistant sur le fait – vous l’avez dit – que dans ce PLF comme dans l’ensemble des textes qui vous sont proposés, les prélèvements obligatoires diminueront pour la première fois.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Philippe Meunier. Le diesel augmente de quatre centimes !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous nous aviez habitués à la hausse des prélèvements obligatoires ; pour la première fois, ils vont diminuer !

Vous avez fait allusion à la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Là encore, vous avez raison…

M. Christian Jacob. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous supprimons en effet cette première tranche. Je tiens à insister sur ce point : vous laissez en effet entendre que les uns paieraient pour les autres. Comment finance-t-on la réduction d’impôts de 3,2 milliards ?

Mme Valérie Pécresse. Par la hausse du coût des péages !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous le savez, madame Pécresse : il s’agit tout d’abord de réintégrer dans la réduction d’impôt déjà adoptée par votre Assemblée à l’occasion de la loi de finances rectificative de 2014 les deux milliards d’euros prévus sous la forme d’une réduction des cotisations salariales que le Conseil constitutionnel a annulée.

Mme Valérie Pécresse. Vous le ferez grâce au quotient familial !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’y aura donc pas de prélèvements supplémentaires pour les classes « supérieures » pour financer cette réduction d’impôts, contrairement à ce que vous faisiez en votre temps, puisque vous financiez la plupart de vos dépenses par l’emprunt.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Telle est la volonté du Gouvernement, et telle sera la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Accord UE-Canada

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur l’accord économique et commercial entre l’Union européenne et le Canada. J’y associe ma collègue Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de notre Assemblée.

L’hypothèse qui semble retenue à ce jour par la Commission européenne est celle d’un accord non ratifié par les Parlements nationaux. Cet accord fait pourtant peser de nombreuses craintes sur les services publics, la santé, l’environnement et le secteur agricole. En effet, l’accord sur la question des quotas d’importation de viande bovine constitue une véritable menace de déstabilisation des filières d’élevage européennes.

M. Antoine Herth. Très juste !

M. Paul Molac. De même, s’agissant des OGM, ce projet suscite d’importantes réserves, sachant que le Canada a été le premier pays à les cultiver à grande échelle.

Au-delà de ces questions déjà fort préoccupantes, l’accord avec le Canada inquiète d’autant plus qu’il pourrait laisser présager un éventuel accord avec les États-Unis dans le cadre du TAFTA.

Le point crucial de ce texte est bien l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends fondé sur des tribunaux d’arbitrage privés auxquels les entreprises canadiennes ou les entreprises américaines ayant une filiale au Canada pourraient recourir pour contester les lois ou décisions publiques qui pénaliseraient leurs profits. Cela porterait atteinte au droit des États, dont la France, de réglementer dans l’intérêt général. De telles clauses dans d’autres accords ont par exemple ouvert la voie à la contestation du salaire minimum en Égypte, de la sortie du nucléaire en Allemagne ou des messages sanitaires sur les paquets de cigarettes en Australie, et cela pourrait être le cas en France, par exemple, pour l’interdiction de l’extraction des gaz de schiste.

Cette clause d’arbitrage a soulevé de telles réserves dans le cadre du TAFTA que la Commission européenne a suspendu les négociations sur ce point.

Est-il dès lors légitime de prévoir de telles dispositions dans l’accord avec le Canada ? Et si l’Union européenne accepte ce précédent, pourra-t-elle défendre autre chose lors des négociations avec les États-Unis ?

Je souhaite donc savoir, monsieur le Premier ministre, si le Gouvernement compte s’opposer à ce mécanisme d’arbitrage entre les États et les investisseurs et si les Parlements nationaux, dont le nôtre, seront associés à la décision ? (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député, vous posez une question fondamentale concernant les négociations commerciales de notre pays.

Le 26 septembre dernier, le sommet UE-Canada a conclu à la fin des négociations bilatérales, après cinq années de longues et difficiles discussions. Mais pour apprécier cet accord, nous devons le considérer sous différents aspects.

Le premier tient à la nature même de cet accord. Je vous confirme qu’il s’agit d’un accord mixte, ce qui signifie qu’il sera soumis à la discussion par les Gouvernements et le Parlement européen puis à une ratification par les Parlements nationaux des États de l’Union.

M. Richard Ferrand. Très bien !

M. Jean-Luc Laurent. C’est la moindre des choses !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Le deuxième est la façon dont nous apprécions le fond de l’accord ainsi que les différents secteurs ouverts à la négociation. Sur ce point, il s’agit selon nous d’un bon accord. En effet, pour la première fois, le Canada accepte d’ouvrir ses marchés publics au niveau national, provincial et local.

En outre, nous avons obtenu la protection de 42 indications géographiques françaises. Là encore, avec le Canada, c’est une situation totalement inédite.

Reste la question du mécanisme d’arbitrage investisseurs – État. Celui-ci pose de nombreuses questions de fond que vous venez d’indiquer, monsieur le député : accessibilité de la justice, droit des États à édicter des normes et à les faire respecter, indépendance des arbitres.

Ces sujets sont sur la table aujourd’hui. J’aurai l’occasion d’échanger avec la représentation nationale sur ce sujet et d’associer la société civile au sein d’un comité stratégique auquel j’ai décidé de faire participer des associations comme ATAC, et vous aurez le dernier mot ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC –Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Réforme du marché du travail

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, nous pourrions tous ici être d’accord sur ce point : en matière d’amour, il n’y a pas de déclarations, il n’y a que des preuves. Or, à l’occasion de votre passage à Londres, vous avez à nouveau manifesté votre amour pour les entreprises. Et dans l’un de ces mots d’amour, vous avez annoncé que vous souhaitiez ouvrir le chantier de l’assurance chômage en évoquant les deux pistes que sont le montant des allocations chômage et la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Vous dites vouloir remettre à plat les conditions d’indemnisation du chômage afin d’inciter les demandeurs d’emploi à reprendre le travail.

Toutefois, dès ce matin, vous avez été contredit par le premier secrétaire du parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, pour qui la réforme « n’est à l’ordre du jour ni du Gouvernement, ni de l’Assemblée, et n’est pas plus sujet de réflexion pour le ministre concerné ». (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.) Il a même ajouté que le parti socialiste y était opposé, et le président de l’Assemblée nationale est allé dans le même sens.

Monsieur le Premier ministre, nous commençons à être habitués à ces effets d’annonce, souvent peu suivis d’actes, surtout s’il s’agit de se faire applaudir à tel ou tel endroit, avant de revenir en arrière à la demande des parlementaires socialistes.

S’agit-il d’une posture de votre part afin de préparer l’avenir, s’agit-il de convictions, ou s’agit-il de propositions que votre majorité ne suivra pas ?

Il y a un mois, le ministre du travail avait provoqué un tollé au sein de votre majorité en voulant renforcer les contrôles de la part de Pôle Emploi. Confirmez-vous, monsieur le Premier ministre, que vous voulez réellement remettre à plat les conditions d’indemnisation du chômage ? Avez-vous le soutien de votre majorité pour engager cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrice Verchère. C’est une bonne question !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, monsieur le député Mariani, comme chacun d’entre nous je prépare l’avenir.

M. Christian Jacob. Cela se voit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La France est engagée dans un vaste mouvement de réformes, nécessaires pour améliorer sa compétitivité.

M. Christian Jacob. C’est d’une reconversion dont elle a besoin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces réformes doivent également concerner notre marché du travail, et nous n’avons pas besoin de réagir à tel ou tel titre de la presse pour le rappeler.

Personne – pas plus la majorité que l’opposition, les syndicats que le patronat – ne peut dire que notre marché du travail fonctionne bien. Il doit donc être réformé. Depuis deux ans, nous avons engagé des réformes importantes avec pour méthode le dialogue social. Ce fut le cas pour la sécurisation de l’emploi, la formation professionnelle, ou encore la directive d’application pour lutter contre les fraudes au détachement des travailleurs, qui est un sujet préoccupant. Cette directive a été transposée dans notre droit national grâce à la proposition de loi de Gilles Savary.

D’autres réformes importantes sont engagées, que je vous rappelle rapidement : la négociation sur le dialogue social dans les entreprises, la représentativité des salariés – demain, jeudi 9 octobre, nous aborderons la question des seuils qui devra aboutir avant la fin de l’année –, l’assouplissement de l’ouverture dominicale des commerces, sur la base des recommandations du rapport Bailly qui fait actuellement l’objet d’une concertation et sera sans doute proposé à votre vote dans le cadre du projet de loi que prépare le ministre de l’économie.

Est également posée la question de la réforme de la justice prud’homale, aujourd’hui trop lente et trop aléatoire dans le cas d’une rupture du contrat de travail individuel.

Sur chacun de ces points, la place est faite au dialogue social et à la concertation, mais le Gouvernement prendra ses responsabilités.

L’assurance chômage est l’un des éléments du fonctionnement du marché du travail et connaît aussi des évolutions régulières, à travers chaque négociation avec les partenaires sociaux, dont je rappelle que ce sont eux qui gèrent ce régime paritaire. Ainsi le récent accord de mars 2014 a créé les droits rechargeables qui sont entrés en vigueur le 1er octobre.

La question de l’efficacité et de l’équité des règles de ce régime se pose à chaque négociation et c’est un débat légitime qu’il faut aborder sans caricatures : nul ne peut penser sérieusement que le haut niveau du chômage en France résulte d’un refus des chômeurs de travailler. Cette stigmatisation est inacceptable et vous ne l’entendrez jamais dans ma bouche.

Inversement, les questions des devoirs associés à leurs droits des chômeurs, de leur accompagnement par Pôle Emploi, de l’incitation à la reprise plus rapide d’une activité font partie de l’assurance chômage. Les partenaires sociaux auront à se les poser à nouveau lors de la prochaine renégociation de l’assurance chômage, au plus tard en 2016, au terme de la convention actuelle.

À plus court terme, la renégociation de la convention tripartite État-Unédic-Pôle Emploi sera l’occasion d’avancer dans cette direction. Comment favoriser la reprise d’un emploi, réduire le nombre d’offres d’emploi non pourvues, mieux accompagner les chômeurs de longue durée ?

Mon Gouvernement veut réformer parce que notre pays en a besoin, et non parce que l’Union européenne l’exige. C’est une exigence dans un pays qui connaît depuis de nombreuses d’années un haut niveau de chômage et cette réforme assurera aussi la pérennité de notre modèle social, même s’il doit se réformer et de réinventer.

Nous avons pour méthode le dialogue social, le respect des partenaires sociaux, mais il faudra avancer et le Gouvernement et le Parlement devront, sur ces différents sujets, prendre leurs responsabilités.

Ces réformes, monsieur le député, vous le savez vous qui représentez nos compatriotes de l’étranger, je les explique avec les mêmes mots : ceux que j’emploie devant l’Assemblée nationale je les utilise aussi pour convaincre nos partenaires étrangers car j’en ai assez de cette vision négative de notre pays. Notre pays est une grande puissance, une grande puissance économique ; il a toute sa place dans la compétition internationale et dans la mondialisation ; il a des atouts. Pour qu’il soit au niveau de la globalisation économique, il nous faut le réformer. Vous pouvez être sûr, monsieur le député, que j’ai la volonté de conduire ces réformes parce qu’elles sont utiles à la France. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Virus Ebola

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Monique Iborra. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des affaires sociales. Partout en Europe, on prend des mesures pour faire face à la maladie qui touche durement le continent africain : le virus Ebola. En Espagne, de vives réactions ont récemment eu lieu et en France une jeune infirmière, aujourd’hui guérie, a été prise en charge avec rapidité et efficacité. Partout en Europe, au moindre signe suspect de maladie, des mesures de sécurité maximales entrent en vigueur. Néanmoins, l’inquiétude grandit parmi nos concitoyens et il nous semble que la situation exige une très grande transparence. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons connaître, madame la ministre, les dispositions prises par le Gouvernement pour faire face à une éventuelle arrivée du virus dans notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. L’Afrique est durement touchée et le bilan s’aggrave de jour en jour. Plus de 8 000 personnes ont déjà été touchées et on déplore 4 000 décès. Sans doute ce bilan est-il sous estimé. La France envoie donc d’importants moyens en Afrique afin d’aider à combattre la maladie là où elle tue fortement. Vous avez raison, madame la députée, des cas ont été identifiés aux États-Unis et une aide-soignante a été contaminée en Espagne. Dans ce contexte, des inquiétudes sont susceptibles de naître et j’y suis attentive. Je tiens à vous le dire de la manière la plus transparente qui soit, madame la députée : il n’existe aucun cas d’Ebola sur le territoire français à l’heure à laquelle je vous parle.

Le risque zéro n’existe pas, c’est pourquoi nous sommes mobilisés depuis des mois. Nous avons identifié douze centres hospitalo-universitaires capables de prendre en charge des malades dans des conditions de sécurité maximales, comme l’a été à l’hôpital Bégin la jeune infirmière dont je salue la guérison. Le professionnalisme des équipes soignantes de l’hôpital Bégin a été tout à fait remarquable. Nous avons placé en alerte renforcée le réseau de surveillance de l’Institut national de veille sanitaire, qui fonctionne sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de répondre aux professionnels de santé et identifier d’éventuelles situations qui pourraient inquiéter. Nous sommes mobilisés, madame la députée. Toutes les informations seront données et toute la transparence sera toujours faite, comme cela a été le cas à propos de la jeune infirmière qui a été soignée. Nous sommes mobilisés, madame la députée ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Handicap et temps périscolaire

M. le président. La parole est à M. François-Xavier Villain, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François-Xavier Villain. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Il ne vous échappe pas, monsieur le Premier ministre, que la méthode par laquelle votre gouvernement met en œuvre les réformes a cet extraordinaire effet de mobiliser contre elles toutes celles et tous ceux qui y sont intéressés et qui devraient en être les acteurs. Cela est vrai de la réforme territoriale, du projet de réforme des professions libérales et enfin de la réforme des rythmes scolaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’absence de concertation, de pragmatisme et de bon sens est la marque de fabrique de vos réformes. J’illustrerai mon propos, qui n’a rien de polémique, par la difficulté vécue quotidiennement lors de la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires. Les difficultés de sa mise en œuvre sont nombreuses, je n’en évoquerai qu’une seule : l’accueil des enfants en situation de handicap. Dans ma ville, où j’ai recruté 120 animateurs pour 1 800 enfants, quarante enfants en situation de handicap bénéficient d’une assistance à la vie scolaire.

M. Pascal Terrasse. Bravo !

M. François-Xavier Villain. Ces professionnels compétents n’interviennent évidemment que dans le temps scolaire et rien n’a été imaginé, pensé ni anticipé pour accueillir les enfants dans le temps périscolaire. Sans accompagnement, un tel accueil est évidemment impossible. Les services de l’éducation nationale ne savent que répondre. Aucune concertation n’est engagée …

M. le président. Merci, cher collègue, nous avons bien compris le sens de la question.

La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Tout d’abord, nous sommes tous ici, et sur tous les bancs, attachés à ce que l’école soit plus inclusive et accueille tous les enfants en s’adaptant à la situation de chacun, en particulier des enfants en situation de handicap, ce qui signifie non seulement leur ouvrir les portes mais aussi mettre des adultes à leur disposition pour les accompagner quotidiennement. C’est ce que nous faisons. Nous sommes sans doute tous d’accord ici mais c’est la première fois, grâce à la loi de refondation de l’école votée en 2013, que les textes comportent le principe d’une école inclusive.

Nous en voyons d’ailleurs déjà les conséquences pratiques car nous avons recruté lors de cette rentrée 2014 350 AVS supplémentaires et nous en recruterons autant à la rentrée 2015. Outre le recrutement de personnels nouveaux, nous faisons en sorte que les actuels AVS titulaires d’un contrat à durée déterminée, donc précaire, soient « CDIsés ». Dès cette rentrée, 5 000 d’entre eux le seront et 28 000 en quelques années. Il en résultera une professionnalisation et une qualification accrues et donc une sécurité améliorée pour les élèves ainsi accueillis. Vous m’interrogez, monsieur le député, sur le temps périscolaire. Je rappelle ici que les activités périscolaires relèvent de la responsabilité des communes. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI et certains bancs du groupe UMP.)

M. le président. Inutile de crier, mes chers collègues !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Elles doivent bien entendu, comme n’importe quel service public, respecter l’égalité entre les enfants, qu’ils soient ou non en situation de handicap. Tout cela pour vous dire, monsieur le député, que mon ministère, j’en prends l’engagement ici, est tout à fait prêt à faciliter la mise à disposition des AVS que nous avons formés, qualifiés et CDIsés auprès des collectivités qui accepteront de les embaucher sur le temps périscolaire afin qu’ils suivent les mêmes enfants une journée entière. Cela me donne l’occasion d’inviter chacune des communes concernées par les rythmes périscolaires et donc par les rythmes scolaires à s’inscrire dans un projet éducatif local, tant il est vrai que nous serons collectivement meilleurs si nous travaillons ensemble. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Péage de transit poids lourds

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. J’y associe mes collègues UMP bretons.

Monsieur le Premier ministre, votre ministre des transports vient d’indiquer que l’entrée en vigueur de la nouvelle écotaxe, désormais baptisée péage de transit poids lourds, serait une nouvelle fois repoussée. Sage décision pour un projet qui coûtera 600 millions d’euros par an aux entreprises de production, dont seulement 14 % seront payés par les transporteurs étrangers. Avec une recette nette de 350 millions d’euros, soit une perte de 42 %, quel est l’intérêt d’un tel impôt ?

Ce sixième report illustre votre incapacité à mettre en œuvre l’écotaxe, notamment parce qu’il vous est impossible de justifier l’obligation d’une majoration forfaitaire du prix de transport hors des routes écotaxées. D’ailleurs, comment justifiez-vous le maintien de portiques désormais situés sur des routes non écotaxées ? Est-ce à dire que vous voulez, à terme, revenir aux 15 000 kilomètres initialement prévus, au lieu des 4 300 kilomètres affichés aujourd’hui ?

Le nouveau système annoncé de majoration de prix est tout aussi critiquable, puisque les entreprises de production qui donnent à transporter se verront appliquer une majoration du prix de transport pouvant aller jusqu’à 12 %. Nos agriculteurs, notre industrie agroalimentaire et bien d’autres secteurs seront une nouvelle fois lourdement pénalisés.

Monsieur le Premier ministre, il ne suffit pas d’aimer les entreprises, il faut le leur montrer par des actes. Alors, allez-vous trancher entre une hausse du prix du gazole pour tous les Français, comme le propose votre ministre du budget, et une nouvelle taxe sur les sociétés autoroutières, comme le propose votre ministre de l’écologie ? Allez-vous faire le choix de l’emploi et abroger définitivement l’écotaxe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Permettez-moi d’abord de rappeler que le système de l’écotaxe a été inventé par le gouvernement de M. Fillon. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le marché a été signé quelques jours avant le résultat de l’élection présidentielle, avec des sociétés privées, à des prix totalement exorbitants, avec des profits totalement inconsidérés. Et le contenu même de votre question, dont je vous remercie, la complexité même des sujets que vous avez évoqués, montrent quel dispositif absurde a été instauré, dispositif que ce gouvernement a en effet dû réajuster (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) pour le rendre un peu plus cohérent et un peu plus supportable.

Nous avons donc réajusté, d’ailleurs grâce à des travaux parlementaires, ce système de l’écotaxe pour le transformer en péage de transit, c’est-à-dire essentiellement toucher les camions venus de l’extérieur qui utilisent nos infrastructures sans rien payer.

M. Dominique Bussereau. Mais non ! C’est n’importe quoi !

Mme Ségolène Royal, ministre. Bien sûr, un certain nombre de questions subsistent. Je dois vous dire, pour avoir appelé encore ce matin l’ensemble des fédérations de transporteurs routiers, que la publication, la semaine dernière, des superprofits des compagnies autoroutières, que vous aviez privatisées (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste), a mis le feu aux poudres (Mêmes mouvements).

Vous voyez donc le système que vous avez mis en place. Le dialogue continue. Je recevrai demain matin, à partir de neuf heures, avec Alain Vidalies, le secrétaire d’État aux transports, l’ensemble des fédérations de transports routiers, pour essayer de trouver une solution qui, cette fois, sera à la fois crédible, juste, efficace, et surtout simple. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste).

Protection de la ressource en eau

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, mes chers collègues, nul ne conteste la légitimité de la politique de protection de notre ressource en eau. Mais, monsieur le ministre de l’agriculture, on marche sur la tête ! La décision d’étendre les zones dites vulnérables aux régions aux pratiques agricoles extensives, dans le sud-ouest en général et dans le Tarn en particulier, sera un coup fatal à l’élevage de ces territoires.

Récemment, un jeune agriculteur de ma circonscription me disait avec raison : « nous obliger à investir dans un toit pour couvrir de la merde – du fumier – alors que des gens dorment dehors, c’est qu’il y a dans notre société un truc qui ne tourne pas rond ! ».

Mme Claude Greff et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Philippe Folliot. Oui, quelque chose ne tourne pas rond avec cette directive européenne. En effet, tous les pays ne l’appliquent pas de la même façon, et en France vérité d’hier – 40 milligrammes par litre – ne l’est plus aujourd’hui – 18 milligrammes. Comment comprendre de tels changements de normes, scientifiquement contestables, avec pour conséquence d’affaiblir dangereusement l’agriculture française ?

Alors que les caisses de l’État sont vides, que les agences de bassin sont siphonnées et n’ont plus les moyens, comment de petits éleveurs vont-ils pouvoir supporter une mise aux normes dont le coût s’élève de 30 000 à 60 000 euros par exploitation ?

De plus, la façon de délimiter ces zones, sans concertation avec les agriculteurs, pose problème. Ainsi, la commune d’Ambialet, à cause d’une parcelle non agricole de 2 000 mètres carrés située sur le mauvais bassin versant, voit ses 3 500 hectares impactés. C’est un exemple parmi d’autres, injuste et incompréhensible.

Alors même que les agriculteurs, ceux qui nous nourrissent chaque jour, ont connu un été très difficile avec une pluviométrie exceptionnelle, l’embargo russe et les effets de la crise économique qui se font plus que jamais ressentir, entendez-vous, malgré la grogne de nos campagnes, maintenir ce funeste plan ? Par quels dispositifs comptez-vous accompagner ces éleveurs pour leur éviter d’aller vers la faillite ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué, à propos de la directive nitrates, des conjonctures actuelles difficiles pour l’agriculture. Je voudrais rappeler que ce sujet ne date pas d’aujourd’hui, mais de 2010, et que cette condamnation, qui a été reportée avec la saisine de la Cour de justice, a eu lieu au mois de septembre de cette année.

Il fallait donc trouver une solution pour répondre à des questions posées par la Commission européenne sur l’application d’une directive signée, je le rappelle, il y a bien longtemps. Pour les zones vulnérables, les critères qui ont été utilisés ont été discutés. Néanmoins, nous le savons aujourd’hui, il existe aujourd’hui sur ces critères, s’agissant en particulier de l’eutrophisation de l’eau, des expertises scientifiques que nous avons demandées ; et nous engagerons avec la nouvelle Commission une discussion sur la base de ces expertises, qui pourra le cas échéant aboutir à une modification des cartes telles que nous les avons dessinées.

Vous évoquez également la question de l’élevage. Vous considérez que parce que les zones vulnérables sont ce qu’elles sont, il y a nécessairement des investissements à consentir. Vous avez même évoqué les couvertures d’effluents d’élevage. Cela ne correspond en rien à une nécessité liée à la question des nitrates.

M. Philippe Le Ray. C’est faux !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Ce qu’il nous faut faire, c’est éviter au maximum les investissements et, lorsqu’ils seront nécessaires, aider à ces investissements et, surtout, à la modernisation des exploitations.

J’ajoute un dernier point. Nous raisonnons depuis longtemps exploitation par exploitation. Je souhaite, avec Ségolène Royal, ouvrir un débat sur le lien entre la méthanisation et un stockage plus collectif des effluents d’élevage, qui évitera de dépenser de l’argent public élevage par élevage et qui garantira la pérennité du stockage pour toutes les exploitations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Consultation des enseignants

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Sylvain Berrios. Madame la ministre de l’éducation nationale, la réforme des rythmes scolaires repose sur l’obligation de cinq matinées de cours par semaine dès la maternelle.

À la rentrée, vous avez traîné des maires devant les tribunaux…

M. Jean-Luc Laurent. À juste titre !

M. Sylvain Berrios. …parce qu’ils refusaient la mise en place d’une matinée d’école supplémentaire.

Or, le 25 septembre dernier, l’éducation nationale s’est affranchie de cette contrainte, seulement un mois après la rentrée, en décidant de fermer les écoles pour les enfants quatre matinées par an, afin de permettre la tenue d’une consultation des enseignants. Dans de nombreux rectorats, la date de la première matinée de fermeture des écoles a été arrêtée le lundi 13 octobre sans mise en place du service minimum d’accueil. Qui va donc organiser et payer l’accueil des enfants ?

Prenons l’exemple de ma commune, Saint-Maur-des-Fossés, où la plupart des parents font une heure de trajet matin et soir en RER pour se rendre à leur travail : croyez-vous qu’ils puissent poser une demi-journée un lundi matin pour garder leur enfant et arriver à 15 heures au travail, pour en repartir à 18 heures ? Mais dans quel monde vit ce gouvernement dit « normal » ?

Dans le Val-de-Marne, nous avons été un certain nombre de parlementaires à signer une lettre, restée sans réponse, demandant le report de cette demi-journée, contre laquelle, d’ailleurs, se sont prononcés l’ensemble des syndicats.

Les fédérations de parents d’élèves ont déposé une requête en référé pour annuler la décision de la rectrice.

Pourtant, dans un courrier adressé au président de l’Association des maires de France, vous avez indiqué être attentive aux problèmes rencontrés.

Aussi, madame la ministre, je vous demande de donner des instructions fermes aux recteurs, afin que cette journée de consultation du 13 octobre soit reportée un mercredi ou un samedi matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Berrios, l’année qui vient est une année charnière pour la réforme de l’école, non pas par plaisir de réformer, mais pour régler le problème – auquel, vous l’aurez noté, nous sommes confrontés – en matière de performance scolaire.

Il est notamment nécessaire de revoir le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, autrement dit, ce que tous les élèves de France doivent avoir maîtrisé à la fin de leur scolarité obligatoire. Ce n’est pas un petit sujet, d’autant plus que les programmes, année par année, en découlent.

Ce sujet – un immense sujet, en fait –, nous avons décidé de ne pas le traiter à la va-vite, de ne pas l’imposer d’en haut, comme cela a été fait par le passé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons donc décidé d’associer à la réflexion tous ceux qui seront amenés à appliquer ce socle commun, à savoir les personnels de l’éducation eux-mêmes.

M. Christian Jacob. Pas le lundi matin !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est vrai, plus de 800 000 personnels d’éducation, d’enseignement et d’encadrement vont être consultés.

Mme Bérengère Poletti. Vous ne répondez pas à la question !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’objectif est qu’ils puissent travailler ensemble pour définir ce que doit être ce nouveau socle. Pour ce faire, nous avons banalisé une demi-journée pour qu’ils puissent y travailler, y compris avec les personnels municipaux : je pense aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – les ATSEM –, qui sont concernés par l’éducation des enfants.

Ce n’est pas la première fois que l’on met en place une telle demi-journée banalisée : mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous êtes fort bien placés pour le savoir. Je vous renvoie, par exemple, au débat sur la réforme Thélot ou la réforme des lycées : à chaque fois, la demi-journée banalisée, sous la droite comme sous la gauche, a été mise en œuvre.

M. Michel Herbillon. Mais pas sur le temps scolaire !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Néanmoins, je suis d’accord sur le fait qu’il faut le faire de manière exceptionnelle. C’est d’ailleurs la seule fois que nous le ferons cette année, du moins sous cette forme, sur le temps scolaire.

Par ailleurs, j’ai conscience que cela peut créer des difficultés aux élus et aux parents. C’est la raison pour laquelle, dans certaines académies où les difficultés sont très prégnantes…

M. Jean-François Copé. Le problème se pose partout !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …j’ai demandé aux recteurs de déterminer, avec l’ensemble des acteurs locaux, une date qui convienne à tous. Plusieurs académies ont d’ailleurs modifié leurs dates après les avoir consultés. Je sais que c’est le cas de la vôtre, monsieur Berrios, pour avoir parlé à la rectrice.

Aussi, je ne doute pas que nous trouverons une date qui convienne à tout le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Politique de l’alimentation

M. le président. La parole est à M. Guillaume Garot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Guillaume Garot. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis la crise de la vache folle, le lien de confiance entre les Français et leur alimentation s’est distendu. Récemment, la fraude des lasagnes à la viande de cheval n’a pas arrangé les choses.

Nous devons néanmoins rester fiers de notre gastronomie, qui représente une image très forte pour tirer nos exportations agroalimentaires.

La filière agricole et alimentaire, qui emploie plus d’un million de personnes dans notre pays, a déjà fait, il faut le reconnaître, de réels efforts pour assurer la qualité de nos produits.

Mais il est possible de faire mieux pour que chacun ait accès à une alimentation saine et sûre : c’est, à mon sens, une question de justice sociale. De la même façon, il est légitime que les consommateurs soient mieux informés sur ce qu’ils mangent, par l’étiquetage le plus clair possible.

L’enjeu, aujourd’hui, est de mieux produire, de mieux se nourrir, mais aussi de moins gaspiller. Il faut en effet accélérer et généraliser la lutte contre le gaspillage alimentaire, comme le souhaite Ségolène Royal, pour diviser par deux le gâchis alimentaire d’ici à 2025, alors que chaque Français jette entre 20 et 30 kilos de nourriture chaque année.

Monsieur le ministre, vous avez présenté ce matin en conseil des ministres les orientations de la politique de l’alimentation. Pouvez-vous nous dire quels leviers vous envisagez d’actionner, pour que le modèle français d’alimentation soit plus que jamais celui de l’excellence pour notre bien-être, mais aussi pour nos emplois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, le programme national pour l’alimentation poursuit quatre objectifs. Le premier d’entre eux a trait à la justice sociale et à l’accès de tous à l’alimentation. Je veux rappeler l’engagement du Président de la République et du Gouvernement pour défendre le plan d’aide aux plus démunis à l’échelle européenne, qui permet aujourd’hui à des associations de poursuivre le travail engagé en faveur de l’accès à l’alimentation.

Le deuxième objectif concerne l’éducation. Il est mis en œuvre à travers un programme et des projets relatifs à la diversification alimentaire et l’utilisation de tous les recours nécessaires pour que, dans les écoles, on ait des produits d’origine française et diversifiée : je pense en particulier aux fruits.

Le troisième objectif est celui de la lutte contre le gaspillage. Monsieur le député, vous aviez engagé, lorsque vous occupiez les fonctions de secrétaire d’État à l’agroalimentaire, un grand travail sur ce sujet. Il se concrétise à la fois par les accords que l’on a conclus avec des industriels et par l’engagement des chefs et de la restauration collective à limiter un gaspillage qui, actuellement, s’élève à environ 20 kilos par ménage et par an : ce doit être une cause collective.

Le quatrième objectif, très important, consiste à territorialiser l’offre et la demande alimentaires.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Aujourd’hui, dans la restauration collective, on importe plus de 70 % de ce que l’on consomme. On va donc développer, sur la base des plateformes que l’on avait mises en place, des systèmes de connexion entre les offres agricoles et maraîchères existant sur le plan local, dans les départements, et les besoins exprimés par les cantines scolaires, les hôpitaux et les maisons de retraite.

M. Philippe Le Ray. Ça existe déjà !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il y a là un gisement et une demande qui doit être satisfaite par des produits français.

Par ailleurs, vous avez évoqué la crise de la vache folle. Pour restaurer la confiance des consommateurs face à ces crises alimentaires, nous avons mis en place récemment le label « viandes de France ». Aujourd’hui, ces viandes de France, qui sont de qualité, doivent être disponibles dans toute la restauration collective : tel est l’enjeu de ce programme national pour l’alimentation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Livraison de matériel aux forces armées libanaises

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Marsaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense, et j’y associe mon excellent collègue M. Jean-Frédéric Poisson.

En décembre 2013, les autorités d’Arabie Saoudite ont proposé à la France de mettre en place un financement de 3 milliards de dollars afin d’équiper l’armée libanaise, comme vous le savez, monsieur le ministre. Cette opportunité était présentée comme un bon moyen pour la France de relancer son industrie de l’armement, et permettait à l’Arabie Saoudite de montrer sa bonne volonté, d’une part à l’égard de notre industrie, d’autre part, à l’égard du Liban, afin que ce pays puisse enfin moderniser sa défense nationale.

Or, depuis cet accord, il ne s’est rien passé. Aucune arme n’a été livrée, alors même que l’armée libanaise doit faire face à une offensive djihadiste sans précédent de l’État Islamique sur la frontière est de la Bekaa. Les engins blindés et missiles obsolètes ne permettent pas une résistance efficace de la part de cette armée.

Les hélicoptères de combat qu’il était envisagé d’inclure dans la livraison font cruellement défaut. Dans cette offensive, le Liban joue peut-être la survie de son modèle et, en tout état de cause, sa sécurité, à laquelle nous sommes tous ici attachés.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Alain Marsaud. La population libanaise ainsi que 25 000 compatriotes qui vivent entre Beyrouth, Tripoli et Saïda nous font part quotidiennement de leurs interrogations et inquiétudes. Je suis aujourd’hui leur interprète auprès de vous, monsieur le ministre de la défense.

Quelles sont les raisons pour lesquelles le processus d’accord et de livraison semble être stoppé ? On nous parle d’une commission jugée excessive par la partie saoudienne… Les autorités françaises sont légitimement dans l’attente d’une réponse saoudienne qui tarde à venir ; pourquoi ? Si ce processus devait être réactivé, sous quels délais pourraient être envisagées les premières fournitures d’armes compte tenu de l’urgence de la situation ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député Alain Marsaud, je vous remercie de votre question. Vous avez rappelé avec raison que, à la fin de l’année dernière, le roi Abdallah d’Arabie saoudite a exprimé l’intention de demander à la France de fournir aux forces armées libanaises des matériels militaires pour un montant de 3 milliards de dollars.

Pour répondre à cette initiative, la France a développé un plan d’équipement – vous l’avez évoqué – qui devrait permettre aux forces armées libanaises de disposer de moyens nouveaux, à la fois terrestres, aéroterrestres et navals. C’est une nécessité. Vous avez raison de souligner le fait que les forces armées libanaises constituent le dernier rempart de sécurité face à la menace qui pèse sur ce pays : en sus des divisions confessionnelles qui traversent ce pays en raison de l’afflux de réfugiés, le danger est celui de Daesh, comme on l’a vu cet été avec l’attaque de la ville d’Ersal.

Depuis lors, et je serai très précis puisque vous m’interrogez avec raison, ce projet a été validé par la France, avec les forces armées libanaises, en prenant en compte les différentes demandes qui ont été exprimées, en particulier par le chef d’état-major des FAL, le général Kahouadji. Comme il s’agissait d’un projet complexe, associant plusieurs entreprises françaises, nous avons également construit un schéma contractuel qui vient d’être validé par les autorités saoudiennes. Par conséquent, tous les travaux sont terminés et le Président de la République a indiqué hier à M. Hariri que les conditions étaient désormais remplies pour la finalisation de ce projet.

M. Patrick Devedjian. Quand allez-vous livrer ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce projet crucial, particulièrement nécessaire, indispensable pour la sécurité du Liban, va être mené à son terme.

M. Patrick Devedjian. Quand ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le Gouvernement y est particulièrement attaché et nous avons déjà commencé à agir en permettant aux forces armées libanaises de rénover une partie de leur parc aéroterrestre d’hélicoptères. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Paul Molac. Très bien !

Priorité jeunesse

M. le président. La parole est à Mme Régine Povéda, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Régine Povéda. Ma question s’adresse à M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

« Aider la jeunesse, c’est donner un horizon à toute la France, à toute la société. » C’est par ces mots que le Président de la République a réaffirmé la priorité donnée à la jeunesse au cours de ce quinquennat.

Le Gouvernement mène une politique volontaire pour notre jeunesse. Face aux difficultés à trouver un emploi, à se loger, à se faire entendre, une partie de la jeunesse est dans le doute. Notre majorité a voulu répondre aux principales préoccupations des jeunes.

Pour l’emploi, dès 2012, nous avons mis en place les emplois d’avenir et les contrats de génération. Depuis un an, certaines missions locales expérimentent la « garantie jeune » pour accompagner l’insertion professionnelle des plus précaires, des plus éloignés de l’emploi. Les missions locales du Lot-et-Garonne, et plus particulièrement celle de Marmande, ont été pilotes de ce dispositif, qui aujourd’hui concerne 468 jeunes dans le département et qui a déjà permis l’embauche ou l’engagement dans une formation de la plupart de ces jeunes.

Je sais, monsieur le ministre, que vous soutenez tous les acteurs locaux qui s’engagent pour les jeunes dans notre pays : missions locales, élus, collectivités territoriales, entreprises, associations. De plus, sur la question du logement, le Gouvernement a tenu sa promesse de généraliser la caution pour tous les étudiants boursiers. L’État se portera garant pour eux.

L’engagement citoyen des jeunes est également au cœur de notre politique grâce au service civique, qui favorise la mixité sociale, la citoyenneté, l’action par le bénévolat. Cette mesure doit être confortée.

Alors que le Président de la République se rend aujourd’hui à Milan pour un sommet européen sur l’emploi, des mesures qu’il a initiées vont être annoncées. La jeunesse de France et d’Europe a besoin de notre engagement.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, apporter des précisions sur la pérennisation des actions déjà engagées et sur les actions européennes envisagées ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Madame la députée Régine Povéda, je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre première question : vous allez à présent subir ma première réponse. (Sourires.)

Vous avez raison de dire que la mobilisation est nécessaire pour la jeunesse. De nombreux jeunes ne font plus confiance aux pouvoirs publics pour améliorer leurs conditions de vie et nous ne pouvons nous satisfaire d’une telle situation.

C’est donc avec beaucoup de volonté et de détermination que je reprends le flambeau de la jeunesse. C’est, pour ainsi dire, une mission pour laquelle je sais pouvoir compter sur l’ensemble de mes collègues du Gouvernement. Avec non seulement le suivi des emplois d’avenir, comme vous l’avez indiqué, mais aussi la revalorisation des bourses étudiantes, la mise en place d’une garantie locative ou le développement du programme Erasmus Plus, nous travaillons pour la jeunesse de ce pays.

Et nous voulons par-dessus tout que tous les jeunes trouvent une solution d’emploi ou de formation. C’est notamment l’objet de la garantie jeunes, que vous évoquez à juste titre. Elle permet à des jeunes qui n’ont aucun diplôme, aucun réseau, aucune expérience, d’avoir le pied à l’étrier, de se professionnaliser. Ils sont 10 000 jeunes à bénéficier de ce dispositif dès cette année, ils seront 40 000 l’an prochain et 100 000 en 2017.

L’autre objectif primordial est l’apprentissage, modalité d’insertion très efficace : le nombre d’apprentis sera donc porté à 500 000 à la fin du quinquennat.

Le Président de la République lui-même est en ce moment à Milan pour négocier l’enveloppe européenne de crédits alloués à la lutte contre le chômage des moins de 25 ans. La France est en pointe sur ce sujet et entend bien le rester, notamment grâce au programme Initiative pour l’emploi des jeunes, qu’il faut renforcer financièrement et prolonger jusqu’en 2020.

Nous voulons que la jeunesse puisse s’engager et vivre des expériences exaltantes, enrichissantes, qui la forment et la forgent. C’est aussi l’objet du service civique, pour lequel nous prévoyons 100 000 engagements à l’horizon de 2017.

Madame la députée, vous constaterez que la Priorité jeunesse est non pas un slogan mais une préoccupation permanente du gouvernement de M. Manuel Valls. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Transition énergétique

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de six heures et vingt-neuf minutes pour le groupe SRC, dont 429 amendements sont en discussion, quatre heures et trente-deux minutes pour le groupe UMP, dont 1 112 amendements sont en discussion, deux heures et trente minutes pour le groupe UDI, dont 97 amendements sont en discussion, une heure et sept minutes pour le groupe écologiste, dont 216 amendements sont en discussion, une heure et vingt-sept minutes pour le groupe RRDP, dont 80 amendements sont en discussion, une heure et huit minutes pour le groupe GDR, dont 70 amendements sont en discussion, et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n11 à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 11 et 350.

La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n11.

M. Jacques Lamblin. Madame la ministre, au fil des heures de ce débat, il apparaît que nous sommes tous d’accord sur un point : nous devons tout faire pour diminuer la production de gaz à effet de serre. En revanche, il y a un désaccord majeur sur les voies à suivre.

Vous affichez des buts, en particulier celui de réduire de 30 % l’énergie nucléaire en 2025. Cet objectif est incompatible avec la volonté de diminuer les gaz à effet de serre. Nous lui opposons une stratégie globale.

Pour nous, en effet, la transition énergétique n’est pas une fin en soi. Ce qui compte, c’est le résultat, c’est la diminution de la production de gaz à effet de serre. Pour cela, il faut « décarboner », ou « décarboniser », je ne sais pas, notre mode de vie.

Le premier poste d’économies est le transport. Nous sommes assurément d’accord sur ce point : développer les véhicules électriques ou les véhicules hybrides à faible consommation est un bon axe puisque le secteur des transports consomme une part considérable des énergies fossiles. Cela suppose d’utiliser de l’énergie électrique – et l’énergie électrique décarbonée, jusqu’à preuve du contraire, pour le moment, c’est le nucléaire.

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Et l’hydraulique ?

M. Jacques Lamblin. Deuxième poste possible d’économies : le bâtiment. Pour cela, il faut certes améliorer l’isolation des bâtiments, ce que vous proposez, à juste titre. Mais faut-il se contenter de vouloir isoler au-delà du raisonnable les bâtiments ? Ne faut-il pas plutôt trouver un équilibre optimal entre isolation du bâtiment et utilisation d’énergie pour le chauffer, dans une proportion raisonnable ? Là encore, l’énergie électrique aurait toute sa place pour remplacer le gaz, le fioul ou le charbon – et donc l’énergie électrique nucléaire.

Enfin, d’autres ressources pourraient être mieux exploitées. Le texte est muet, ou à peu près, sur la biomasse ou le biométhane, qui méritent un développement majeur. L’hydraulique est déjà là. Quant à l’éolien, il faudra en améliorer le rendement et l’utilisation.

Outre notre mode de vie, il faut aussi préserver la compétitivité de notre industrie et le pouvoir d’achat des ménages. En Allemagne, l’électricité industrielle est 40 % plus chère qu’en France et la facture d’électricité des citoyens est 100 % plus élevée que celle des Français. Là encore, la différence est liée au nucléaire.

Pour ces raisons, il nous semble que les seules énergies renouvelables ne permettent pas de lutter efficacement contre les gaz à effet de serre, comme vous le prétendez. Pour y parvenir, il faut du nucléaire, même si c’est à côté d’autres énergies.

Ce nucléaire ne peut toutefois pas être utilisé ou mis en avant n’importe comment. L’énergie nucléaire électrique doit être produite avec un maximum de sécurité. Sur ce plan, des efforts restent à faire. Ainsi, lors de son audition par la commission de la défense nationale, ce matin, le directeur général de la gendarmerie nationale déplorait les contraintes juridiques qui empêchent de sécuriser au maximum nos centrales nucléaires.

On peut aussi innover, ce n’est pas interdit, en allant vers les centrales de quatrième génération. Des Superphénix améliorées, si vous voulez.

M. Denis Baupin, rapporteur. Superphénix dégradé, ce serait difficile !

M. Jacques Lamblin. Avec la technologie de quatrième génération, les réserves énergétiques se montent à peu près à cinq mille ans. Ce n’est pas rien. On ne peut rayer cette option sans y regarder de très près. Le stockage de l’énergie peut aussi être une voie d’innovation intéressante, de même que l’amélioration de la performance du photovoltaïque.

En un mot, chers collègues, votre attitude à l’égard du nucléaire me semble davantage idéologique que construite, réfléchie.

M. Guy Geoffroy. Voilà !

M. Jacques Lamblin. C’est le reproche principal que l’on peut vous faire. Voilà pourquoi nous tenons vraiment à conserver la capacité nucléaire française.

Enfin, j’ajoute que celui qui vous parle n’est pas un fondu du nucléaire. Je pense au contraire être relativement objectif.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est entendu !

M. Jacques Lamblin. Le premier véritable parc éolien de France a été inauguré dans ma circonscription, par un ministre de l’environnement d’ailleurs, il y a une dizaine d’années. Ce territoire compte également les premières centrales de biométhane, que j’ai soutenues de tout mon poids. Elles sont certainement plus présentes dans ma circonscription que dans aucune autre en France. En outre, nous cherchons à mettre en valeur la ressource bois-énergie.

Je ne suis donc pas un ayatollah du nucléaire, comme vous pouvez être parfois des ayatollahs des énergies renouvelables – pas nécessairement vous, madame la ministre, mais certains de ceux qui vous soutiennent. En tant que maire, je fais tout mon possible pour favoriser, dans ma ville, les transports en commun, notamment le train, le covoiturage, le tri des déchets ou l’incinération des déchets pour chauffer des immeubles et des logements. En un mot, j’essaie de faire de l’écologie. Mais je ne suis pas un écologiste. L’écologie, on la fait sur le terrain, pas entre le XVème et le XXème arrondissement.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n350.

M. Julien Aubert. Bonjour madame le ministre, j’espère que vous allez bien. En ce moment, nous passons beaucoup de temps ensemble et l’opposition est évidemment attentive à la santé du ministre, qui est un peu le baromètre de la bonne ambiance dans cette salle. (Sourires.)

Vous avez souhaité à plusieurs reprises la « coconstruction ». D’où cette question : à quoi reconnaît-on une loi coconstruite ?

Une loi coconstruite entre la majorité et l’opposition est forcément un compromis entre le texte du Gouvernement et le texte de l’opposition.

Comme je vous l’ai dit à plusieurs reprises, nous avons travaillé toute l’année pour parvenir à une dizaine d’amendements que nous jugeons extrêmement importants, ou clivants, et qui motiveront évidemment notre vote sur ce texte. Naturellement, si ces amendements fondateurs sont repoussés, il ne faudra pas vous attendre à ce que nous qualifiions cette loi de consensuelle. Comme je sais donc que vous êtes très impliquée dans la coconstruction, je me permets d’attirer votre attention sur le présent amendement.

Quel est son objet ? Il vise à substituer à la réflexion capacitaire la notion de potentiel nucléaire. Pourquoi ? Premièrement, parce que nous pensons que votre loi pose un problème juridique, madame le ministre. Et comme justement nous voulons être constructifs, nous serions extrêmement ennuyés, en cas de censure du Conseil constitutionnel, d’être obligés de rejouer ces moments épiques que nous vivons ensemble ! Le problème du raisonnement basé sur la capacité nucléaire, c’est que cela gèle la propriété d’EDF sur l’intégralité du parc, et que cela introduit un biais : si un concurrent voulait exploiter une nouvelle centrale, il serait obligé de demander la fermeture d’une autre. Au regard du droit européen, on peut quand même s’interroger sur ce point.

Deuxièmement, à vous qui êtes une ministre qui se veut pragmatique, il n’aura pas échappé qu’inscrire un chiffre dans une loi crée une rigidité, puisqu’il ne s’agirait pas d’un objectif mais d’un plafond. Ainsi, si d’aventure on devait fixer un chiffre supérieur, ce dont je doute très profondément, alors il faudrait un débat au Parlement. Cela peut être intéressant d’un point de vue politique, mais vous avouerez que l’opération serait quand même assez lourde. En outre, la notion de capacité est réductrice : on n’envisage dans ce texte le nucléaire que comme une force de production d’électricité. Or le nucléaire, ce n’est pas seulement cela.

M. Damien Abad. Tout à fait !

M. Julien Aubert. Le nucléaire, c’est un modèle social qui apporte un coût bas d’énergie. Le nucléaire, c’est une filière qui emploie deux cent mille personnes directement et quatre cent mille indirectement. Le nucléaire, ce n’est pas seulement une filière de production, on vous l’a déjà dit, c’est aussi une filière de démantèlement en plein essor, une filière de retraitement, une filière d’enfouissement et une filière de production.

L’important n’est donc pas tant de réfléchir dans l’optique étroite de la capacité que de réfléchir à ce que nous voulons faire de cet héritage. Pour répondre à cette question, nous voudrions vraiment coopérer avec vous et vous convaincre sur le fond afin de parvenir à un accord. Ainsi, si l’on considère que le nucléaire doit évoluer dans le mix énergétique et qu’il y aura vraisemblablement une réduction de la part qu’il représente dans l’électricité, mais que pour autant l’idée n’est pas de démembrer un fleuron de l’industrie française mais d’encourager les filières d’exportation lorsqu’on le peut, alors dans ce cas l’objet de cette loi devrait être la conservation et la sanctuarisation du potentiel nucléaire.

Le potentiel nucléaire ne se réduit pas à une capacité : ce n’est pas parce qu’on a un gigawatt de moins que l’on n’a plus de potentiel ! Il recouvre aussi tout ce que j’ai cité : le personnel, les filières et l’idée que nous avons un trésor national. Certes, ce trésor correspond à une époque et sera amené à se réduire dans la part de la production d’électricité ; néanmoins, il faut faire attention et avancer avec précaution.

Nous considérons donc que si les énergies vertes doivent augmenter dans le mix énergétique français, nous devons pour autant conserver cet avantage comparatif, notamment à l’exportation et à la production. Voilà pourquoi nous souhaitons plutôt stabiliser le potentiel nucléaire français : on retrouve ainsi la notion de stabilité qui est au cœur de votre projet de loi – vous ne voulez pas augmenter le potentiel nucléaire, nous en sommes d’accord – mais d’une façon qui permet d’élargir le débat et, plutôt que de se limiter à la capacité nucléaire, de s’inscrire véritablement dans une dynamique plus large en réfléchissant en termes d’industrie et de potentiel.

Voilà, madame le ministre, des arguments importants. Nous espérons que nous serons entendus, pour que la coconstruction débute maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Nous avons très largement débattu de ce sujet, tant en commission que cette nuit dans l’hémicycle. Vos amendements visent à remplacer l’objectif de réduction de la part du nucléaire par un objectif de stabilisation : vous comprendrez bien que c’est totalement incompatible avec les objectifs du texte et va à l’encontre des engagements du Président de la République et du Gouvernement. C’est bien la programmation pluriannuelle de l’énergie qui définira les stratégies d’évolution du mix. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. J’ai bien entendu l’argumentaire de M. Aubert, mais tout cela est déjà prévu dans le projet de loi avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui définira les stratégies d’évolution du mix. EDF présentera un plan stratégique pour atteindre ces objectifs, ce qui inclura forcément une stratégie soit de prolongation, soit de fermeture, soit de renouvellement des centrales. Par définition, il n’y a donc pas d’opposition de conception ni de point de vue entre le plafonnement de la capacité et le plafonnement du potentiel. Vos amendements étant satisfaits, je vous suggère donc de les retirer.

M. Julien Aubert. Non !

M. le président. Sur les amendements identiques nos 11 et 350, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. M. Aubert s’étant inquiété de la bonne santé et de la bonne forme de Mme la ministre, permettez-moi de saluer Mme et MM. les rapporteurs, de m’assurer qu’eux aussi vont bien et de vous dire tout le plaisir que nous avons de vous retrouver après cette nuit extrêmement courte.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. C’est gentil ! Nous allons bien !

Mme Cécile Duflot. Et moi ?

M. Martial Saddier. Je vous salue également, madame Duflot !

Plusieurs députés du groupe SRC. Et nous ?

M. Martial Saddier. La soirée ne fait que commencer ! Chacune et chacun d’entre vous aura droit aux salutations de l’ensemble des parlementaires UMP !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Comme vous êtes aimable !

M. Martial Saddier. Nous nous sommes donc quittés hier soir, vers une heure du matin – nous étions ensemble, madame Duflot – après un scrutin public et une heure de débat sur le cœur du texte.

M. Jacques Lamblin. Le cœur du réacteur !

M. Martial Saddier. Nous recommençons aujourd’hui nos travaux avec un amendement qui est peut-être la dernière chance offerte à la majorité de ne pas se fracturer, madame la ministre, et aussi la dernière chance de sauver le modèle énergétique, de ne pas casser l’outil, la filière que la France a mis presque cinquante ans à ériger.

En effet, je voudrais revenir sur ce qui s’est passé hier soir, mes chers collègues. Mais avant, je salue l’arrivée du président de la commission spéciale, M. François Brottes.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’étais déjà là !

M. Martial Saddier. Je rappelle que, sur le coup de minuit, un scrutin public sur un amendement nous a permis d’apprécier la position du président Chassaigne, qui est monté résolument au créneau pour défendre la filière historique qui fait la force de la France. Nous avons aussi pu apprécier la transparence d’un certain nombre de députés de la majorité qui n’ont pas hésité à voter les amendements de l’opposition, ce que nous saluons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Bravo !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cela fait un peu « redite », tout ça !

M. Martial Saddier. Nous saluons par là même la transparence et la clarté des débats. Et nous espérons retrouver d’ici à la fin de la soirée nos amis radicaux de gauche qui subitement, vers minuit cinq, étaient partis, probablement pour se réunir…

M. Julien Aubert. Ou ce qu’il en reste !

M. Martial Saddier. …afin de mieux arrêter la position de leur groupe sur la filière du nucléaire.

S’agissant de cet amendement, je pense très sincèrement que raisonner en termes de potentiel permet d’éviter que ce texte ne casse un outil, une filière industrielle qui nous sont enviés dans le monde entier. C’est extrêmement important.

M. Damien Abad. Exactement !

M. Martial Saddier. Je fais partie de ceux, vous le savez, comme beaucoup sur les bancs de l’UMP au sein de la commission du développement durable, qui sont favorables à l’évolution du mix énergétique. Cela a été parfaitement expliqué hier soir. Mais on ne peut raisonnablement, mes chers collègues, sacrifier la filière nucléaire tant que la France ne se sera pas donné les moyens de bâtir une véritable filière d’une énergie alternative, se concrétisant par la mise en place de TPE et de PME, d’une véritable filière de grandes industries et d’un potentiel de production.

Mesdames et messieurs, madame la ministre, vous mettez la charrue avant les bœufs puisque vous prenez la décision de casser la filière et de fermer les réacteurs avant même que nous ayons la preuve que la France a la capacité de monter une filière industrielle alternative, et avant même que le potentiel de production d’énergie alternative soit mis en œuvre concrètement dans notre pays. Voilà la différence fondamentale entre vous et nous : vous anticipez sur la base d’un accord idéologique et politique, parce que Mme Duflot est là jour et nuit pour veiller à ce que l’accord politique entre les Verts et le PS soit respecté. M. Baupin est également présent mais, étant rapporteur, il est obligé de se montrer un peu plus œcuménique !

M. Henri Jibrayel. Provocateur !

M. Martial Saddier. Mme Duflot veillant au grain, le texte ne se préoccupe pas de bâtir une filière alternative respectueuse de l’environnement et de la faire monter en puissance avant de diminuer le nombre de réacteurs et de fermer les centrales les plus anciennes : votre préoccupation est d’inscrire dans le marbre de la loi, coûte que coûte, quelles que soient les incidences pour les femmes et les hommes qui travaillent dans ces filières énergétiques, quelles que soient les incidences aussi, et c’est plus grave, pour la facture énergétique de nos concitoyens, l’accord politique passé entre M. Hollande et les écologistes à l’occasion de l’élection présidentielle.

M. Julien Aubert. Accord funeste !

M. Henri Jibrayel. Vous êtes hors sujet !

M. Martial Saddier. Cet amendement vise donc à vous donner une dernière chance, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés de la majorité : nous pouvons raisonnablement afficher le maintien du potentiel nucléaire puis, lorsque nous aurons des productions alternatives plus respectueuses, ce que nous souhaitons tous, le diminuer petit à petit. Vous faites l’inverse. C’est extrêmement grave pour toutes les femmes, tous les hommes, toutes les familles qui vivent de ces filières. C’est extrêmement grave pour l’indépendance énergétique de notre pays. Enfin, c’est catastrophique à terme pour la facture énergétique de nos concitoyens, qui n’ont vraiment pas besoin de cela après le matraquage fiscal qu’ils ont déjà subi depuis deux années ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Madame la ministre, vous ne pouvez pas nous répondre que nos amendements sont satisfaits ! Il peut y avoir un clivage entre nous, nous pouvons considérer les choses différemment, mais vous ne pouvez pas nous dire que ces amendements sont satisfaits par le texte lui-même ! C’est une chose de parler des capacités de production nucléaire, et c’en est une autre de parler du potentiel nucléaire. Si, avec Julien Aubert et d’autres collègues, nous avons déposé des amendements basés sur le potentiel, c’est justement parce que nous voulons parler de la filière nucléaire dans son ensemble. Notre vision du nucléaire est industrielle : nous considérons la filière dans son ensemble, et pas simplement en termes de production.

Avec ces amendements, nous tenons donc à vous rappeler les deux erreurs que vous faites dans ce texte, et qui nous semblent majeures. La première consiste à définir a priori un objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, par idéologie rappelons-le, la seconde à opposer le nucléaire aux énergies renouvelables. Nous pensons à l’inverse que les deux sont complémentaires et que stabiliser, renforcer ou consolider le potentiel nucléaire n’est en rien incompatible avec le développement des énergies renouvelables. Je ne vois pas en quoi le fait de garder nos centrales, de les consolider et de ne pas fermer des réacteurs empêcherait de développer le parc éolien, l’énergie solaire ou le photovoltaïque.

Mme Cécile Duflot. Il suffit de regarder la réalité en face !

M. Damien Abad. Nous pouvons au moins nous retrouver sur un point : il existe un gros défaut français, et plus encore socialiste, qui consiste à vouloir casser ce qui marche. Or la filière nucléaire, ça marche, qu’on le veuille ou non ! Ça marche en termes de sécurité, ça marche en termes d’emplois, et ça marche aussi en termes de CO2. On peut toujours améliorer les choses, on peut toujours aller plus loin. Je soutiens d’ailleurs des projets comme celui d’ITER, à Cadarache, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) qui vise à passer du stade de la fission à celui de la fusion. C’est d’ailleurs un projet qui engage la France à l’international. Quelle serait notre crédibilité politique si nous remettions en cause un projet qui engage plusieurs parties prenantes, et pas uniquement la France ou l’Europe ?

Voilà ce que nous voulons vous dire au travers de ces amendements : qu’il faut faire preuve de davantage de pragmatisme et qu’il est dommage de fixer des objectifs a priori alors que le pourcentage de la part du nucléaire dans le mix énergétique doit être la résultante de choix politiques et économiques. Ce chiffrage n’est qu’une conséquence d’un certain nombre de politiques qui sont menées, et non un objectif premier. C’est une vraie différence entre nous !

Si je respecte votre position, il y a une chose que nous ne pouvons pas admettre : c’est que vous disiez que nos amendements sont satisfaits. Ils sont tout sauf satisfaits, sinon nous ne serions pas là en train de débattre de ce clivage. Avec mes collègues du groupe UMP, nous voulons rappeler notre attachement à la filière et aussi, au-delà des mots et des actes, affirmer qu’il n’y aurait rien de pire que de la démanteler et de la mettre à mal uniquement pour remplir des objectifs de pourcentage fixés a priori, que nous ne parviendrons de toute façon pas à réaliser sans que cela n’entraîne des conséquences économiques, sociales et environnementales importantes.

Nous vous proposons, au travers de ces amendements, de réintroduire un peu de pragmatisme, un peu de bon sens. Le pragmatisme n’empêche pas l’idéologie, mais il permet de proposer des idées au service de la réalité du terrain et de nos filières. Stabiliser et consolider notre potentiel nucléaire n’est en rien antinomique avec la volonté de développer les énergies renouvelables. C’est commettre une erreur funeste que d’opposer ces deux voies : c’est le renforcement des deux et la complémentarité entre notre parc nucléaire et les énergies renouvelables…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Damien Abad. …qui nous permettront de mettre la France sur les rails de la transition énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Sordi.

M. Michel Sordi. Contrairement à certains de nos collègues, certains experts pensent que notre consommation d’électricité est appelée à augmenter, pour au moins quatre, voire cinq raisons. D’abord, notre croissance démographique est la première d’Europe et dès lors qu’on est plus nombreux, la consommation d’énergie augmente mécaniquement. Ensuite, la multiplication des outils de communication dont les particuliers disposent ne peut qu’accroître la consommation énergétique, de même que la promotion de l’usage des véhicules électriques dans nos villes et nos campagnes – je fais installer moi-même dans ma commune des bornes de recharge pour alimenter des voitures électriques. Il y a aussi l’effet des progrès de la domotique, que j’observe également dans ma commune : les logements sont désormais équipés en appareils automatiques très consommateurs d’électricité. Enfin le retour de la croissance, que j’appelle de mes vœux, provoquera une augmentation de la consommation électrique dont nos industriels ont besoin s’ils veulent produire, vendre et exporter.

Une réduction de 50 % de la part du nucléaire signifierait donc un changement dans nos modes de vie, et je ne pense pas que les Français y soient prêts. Nous sommes tous d’accord ici pour défendre les énergies renouvelables. Je pense simplement que cette réduction de la part du nucléaire se produira d’elle-même, si ce n’est en 2025, du moins en 2035, sans que nous devions réduire notre capacité de production annuelle, sans bouleversement et sans remise en cause de notre filière nucléaire.

Je pense en particulier à la fermeture programmée de la centrale nucléaire de Fessenheim, dans ma circonscription, qui entraînerait la suppression de deux mille emplois, directs ou indirects – des hommes et des femmes sur lesquels pèse aujourd’hui la menace de voir fermé un établissement rentable, qui produit l’équivalent de 80 % de l’énergie consommée dans ma région et alors qu’il n’existe aucune alternative industrielle susceptible de compenser cette destruction d’emplois. Sans compter qu’il nous faudra indemniser nos voisins suisses et allemands, ce qui nous coûtera environ cinq milliards d’euros selon le rapport Mariton.

J’espère que le bon sens triomphera et que nous laisserons nos centrales poursuivre leur activité jusqu’à ce que la production d’énergies renouvelables soit suffisante pour satisfaire une demande énergétique appelée à s’intensifier dans les années qui viennent.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais profiter de cette explication de vote pour préciser la position que j’ai exposée cette nuit et qui ne me semble pas avoir été bien comprise.

Les députés du Front de gauche ne sont pas a priori opposés à une réduction de la production d’énergie nucléaire. Ce que je conteste, c’est la fixation d’une date que je trouve arbitraire…

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. André Chassaigne. …et qui ne correspond pas au calendrier des autres objectifs fixés dans la loi, avec des échéances à 2030, voire 2050. Par ailleurs, le chiffre de 50 % me semble tout aussi arbitraire. Ce sont ces deux éléments que j’ai remis en cause.

En revanche, je ne suis pas partisan d’une stabilisation du potentiel nucléaire français. Ce que je dis, c’est que la part du nucléaire dans le mix énergétique évoluera en fonction des avancées technologiques, en particulier en matière d’énergies renouvelables. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Votre proposition de stabiliser le potentiel français, chers collègues, encourt donc les mêmes reproches de rigidité que nous faisons au projet du Gouvernement.

J’ai une deuxième raison pour ne pas voter vos amendements : la politique énergétique ne relève pas d’un décret en Conseil d’État ! C’est à nous de la définir, chers collègues, et c’est en fonction de ce que nous aurons inscrit dans la loi qu’elle sera mise en œuvre par les opérateurs.

Telles sont les deux raisons pour lesquelles je ne voterai pas ces amendements.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je vous félicite, madame la rapporteure, d’être parvenue à affirmer sans rire qu’il fallait tenir l’engagement du Président de la République. Si cet engagement n’est pas tenu, rassurez-vous, ce n’est pas grave : les Français ont l’habitude. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Voyons, je vous taquine !

Plus sérieusement, madame la ministre, je trouve qu’il y a quelque chose de contradictoire, ou du moins d’illogique, à affirmer comme vous le faites que les capacités de production seront maintenues mais que la production sera diminuée du tiers. Une telle solution cumule tous les inconvénients. Si l’on considère, comme le font les Verts, que le nucléaire est dangereux, maintenir tous nos sites en activité revient à maintenir exactement le même niveau de risque. En revanche, si leur production diminue, les frais fixes augmentent relativement et donc le prix de revient du nucléaire augmente.

Le problème c’est que vous raisonnez comme si nos connaissances et notre savoir-faire dans le domaine du nucléaire devaient rester dans les trente prochaines années ce qu’ils sont aujourd’hui. Or rien ne vous autorise à penser que cette technologie n’est pas susceptible de progrès. Nous devons nous inscrire dans une dynamique de progrès et non seulement maintenir nos capacités de production, mais améliorer encore, par la recherche notamment, la performance de notre technologie nucléaire, tant son potentiel ne peut être négligé. Je pense notamment à la technologie de quatrième génération, ou surgénération. Si nous parvenons à mettre au point cette technologie, cela représente cinq mille ans de réserve énergétique pour le monde. Ce n’est pas rien ! Cela mérite une vraie réflexion.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Votre argumentation m’a d’autant moins convaincu, madame la ministre, qu’elle me semble trahir un malentendu quant au fond de nos amendements. Le problème doit venir de nous puisqu’André Chassaigne, dont j’apprécie au plus haut point l’honnêteté intellectuelle, n’a pas non plus, de toute évidence, compris notre proposition. Je vais donc essayer de la réexpliquer, en particulier ce que nous entendons par « potentiel ».

Votre réponse, madame la ministre, portait sur le potentiel électrique, à savoir l’état électrique dans un point de l’espace. Quant à moi, j’utilise ce mot au sens du Larousse, c’est-à-dire l’ensemble des ressources dont un pays peut disposer. Ce n’est donc pas la même chose que la capacité de production, même s’il y a un lien. Ainsi, le Japon n’a quasiment plus aujourd’hui de capacité de production nucléaire, mais il garde un potentiel nucléaire : il est capable de se doter de l’arme nucléaire en six mois s’il le souhaite. Si néanmoins il ne restaure pas sa capacité de production, il finira par perdre tout son potentiel parce qu’il perdra toute sa recherche.

Dans cette affaire, madame la ministre, il s’agit aussi d’hommes et de femmes. La centrale de Cadarache, dont Damien Abad a parlé tout à l’heure, c’est 4 500 personnes. Il vous sera très difficile de les convaincre qu’on va réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité sans réduire les effectifs à Cadarache d’ici dix ou quinze ans !

Si l’on réfléchit en termes de potentiel nucléaire, nous avons un outil exceptionnel qui nous permet d’exporter dans le monde entier des centrales, et un savoir-faire en matière de démantèlement, d’enfouissement et de retraitement. Le message qui nous voulons envoyer, c’est que nous souhaitons conserver ce potentiel tout en réduisant notre capacité nucléaire. Cela signifie qu’on peut très bien réduire la capacité nucléaire française, la production d’électricité d’origine nucléaire, mais que le législateur entend garder l’avantage acquis, le savoir-faire, les outils qui nous permettront d’abord d’augmenter la part de la production nucléaire, si cela s’avérait nécessaire, et ensuite d’exporter et de produire une énergie à bas coût pour les Français. C’est ça, la notion de potentiel.

Nous sommes d’accord avec vous, monsieur Chassaigne, sans vouloir nier nos différences de sensibilité : nous ne considérons pas, nous non plus, qu’il ne faut rien changer à la situation telle qu’elle existe depuis 1973. Ça c’est la position caricaturale que les écologistes aimeraient nous voir endosser. Ce que nous disons, c’est que le nucléaire est une énergie essentielle pour réussir la transition énergétique parce qu’elle permet de stabiliser notre réseau, qui peut être déstabilisé par les énergies électriques intermittentes.

La technologie nucléaire a fait la preuve qu’elle permettait de produire une électricité peu coûteuse. Le savoir-faire et l’avance technologique de la France dans le domaine du nucléaire sont universellement reconnus. Il serait suicidaire, au prétexte de diversifier le bouquet énergétique français, d’en venir à scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Songez que nous élaborons des prototypes, que nous sommes en avance dans la technologie de quatrième génération et que nous accueillons sur notre territoire le projet ITER, qui est un projet d’avenir !

Pour moi, il n’y a pas de contradiction entre la conviction que l’électricité de demain ne sera pas seulement d’origine nucléaire et la volonté de conserver notre avance dans ce domaine.

Honnêtement, madame la ministre, il n’y a plus beaucoup de domaines où nous sommes en avance. Allons-nous délibérément condamner une industrie qui fonctionne sous prétexte que quelques personnes lui reprochent des coûts théoriques et des risques potentiels ?

J’en reviens aux amendements : j’espère qu’André Chassaigne aura compris que les deux notions ne sont pas contradictoires. Qu’on se donne un objectif de capacité, très bien, mais faisons-le en respectant l’outil ! De grâce, ne cassons pas l’outil ! La notion de potentiel est englobante, totalisante, et rassemble tous les atouts dont ce pays peut s’enorgueillir.

Enfin, un des arguments du président Chassaigne portait sur le recours à un décret en Conseil d’État. Il s’agit par là de répondre à une objection qui a d’ailleurs modelé cette loi. À l’origine, le Gouvernement voulait inscrire dans la loi la fermeture de certaines centrales. Or, le Parlement n’a pas la possibilité d’en décider. C’est pourquoi nous avons choisi la solution du décret, adoptant la position juridique du Gouvernement.

Mais vous avez raison : il aurait été intéressant pour nous de discuter ici de l’avenir du parc : quelle partie du parc renouveler, quelle partie soumettre au grand carénage, quelle partie remplacer par la troisième génération, quelle partie au contraire abandonner… Voilà des questions importantes. Les aborder nous aurait permis de parler d’aménagement du territoire.

Parce que derrière ces grands objectifs théoriques et ces pourcentages, il y a quand même des sites, des emplois, des bassins et il aurait été intéressant que le législateur, avec toute la connaissance du territoire qui est la sienne, puisse souligner les répercussions et les déséquilibres du plan.

Répartir nos atouts, répartir notre potentiel, tel est l’objet de ces amendements.

Quant à la notion de stabilisation, que veut-elle dire ? Qu’aujourd’hui, nous sommes parmi les premières nations dans le nucléaire, qu’il s’agisse de la production ou du savoir-faire, et que nous souhaitons rester premiers, quels que soient nos choix capacitaires.

Madame le ministre, je me permets d’insister. Ce n’est pas de l’obstruction.

Mme Clotilde Valter. Oh !

M. Julien Aubert. Si de si nombreux députés ont voulu appeler votre attention, c’est parce que nous sommes très sérieux.

M. Martial Saddier. Et très inquiets !

M. Julien Aubert. Il arrive un moment où il faut se demander si l’on parle pour faire du théâtre, pour se faire plaisir, ou pour traiter le sujet.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’allais vous poser la question !

M. Julien Aubert. Je vois que vous avez répondu : vous préférez faire du théâtre !

M. Henri Jibrayel. Provocateur !

M. Julien Aubert. En ce qui nous concerne, madame le ministre, nous avons entendu votre souhait de coconstruction. Nous l’avons entendu, nous nous y sommes préparés, nous avons travaillé et nous avons déposé dix amendements clés. Celui-ci en est un. Il trace une ligne rouge. D’un côté, il y a ceux qui sont contre le nucléaire et qui souhaitent le moins de références possible à cette industrie. Je les comprends : quand on est opposé à quelque chose, on veut une sortie totale. Ils se félicitent donc de toute mesure qui viendra accélérer le calendrier. Nous, de l’autre côté, nous sommes attachés au nucléaire, favorables à une évolution, mais conscients des risques économiques liés à votre stratégie : nous pensons donc que notre formulation sera plus sécure que celle que vous avez proposée.

Mme Geneviève Gaillard. Parlez français !

M. Christophe Borgel. « Sécure » est-il validé par l’Académie française ?

M. Julien Aubert. Nous pensons que c’est un point dur. C’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public : les gens qui s’intéressent à cette question sauront qui défend ici les emplois dans le nucléaire et l’avance en recherche et développement, et qui en réalité, sans le dire, veut tout simplement sortir du nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin, rapporteur. Nous parlons beaucoup, depuis plusieurs jours, de Fessenheim. M. Sordi défend cette centrale, de façon légitime, puisqu’elle est dans sa circonscription, mais il omet parfois quelques données.

Pour que l’information de la représentation nationale soit complète, il est important de savoir que, depuis que nous avons commencé ce débat, la centrale de Fessenheim a produit zéro kilowatt-heure d’électricité, puisque ses deux réacteurs sont arrêtés : l’un pour maintenance et rechargement, l’autre on ne sait pas pourquoi. Peut-être, monsieur Sordi, le savez-vous ? Peut-être l’exploitant vous a-t-il dit pourquoi le réacteur n2 a été fermé ce week-end, ce qui n’était pas prévu, et pour combien de temps ?

Quand on nous dit que Fessenheim produit 80 % de l’électricité de l’Alsace…

M. Michel Sordi. L’équivalent !

M. Denis Baupin, rapporteur. …on a le sentiment que la fermeture soudaine de ses deux réacteurs serait une catastrophe, que l’Alsace ne serait plus éclairée, que le réseau de transport d’électricité s’écroulerait. Or, de fait, nous sommes dans cette situation où les deux réacteurs de Fessenheim sont à l’arrêt simultanément, ce qui arrive d’ailleurs souvent, vu leur état de vétusté.

Comme on nous dit tout le temps que cette centrale de Fessenheim a été rénovée, qu’elle est particulièrement sûre, peut-être monsieur Sordi avez-vous aussi des éléments sur l’incident qui est survenu le 9 avril dernier ? La lettre de l’Autorité de sûreté nucléaire est particulièrement inquiétante. Cet incident a en effet causé une inondation, certes dans la partie non nucléaire de la centrale, mais faisant apparaître que les systèmes de sauvegarde n’ont pas fonctionné, que les barres de contrôle ont été déclarées impossibles à manoeuvrer et qu’un certain nombre de tuyaux d’évacuation étaient bouchés, ce qui a rendu la situation particulièrement inquiétante.

Je dis cela non pour stigmatiser particulièrement la centrale de Fessenheim…

Plusieurs députés du groupe UMP. Oh, non…

M. Jean-Luc Laurent. Pas du tout !

M. Denis Baupin, rapporteur. …mais parce qu’il est à craindre que cette situation se retrouve dans beaucoup de centrales et que la petite histoire qu’on voudrait nous raconter, selon laquelle cette centrale serait totalement neuve et exempte de difficultés…

M. Martial Saddier. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Denis Baupin, rapporteur. …doit être rectifiée. Chacun doit se rendre compte que, oui, il y a des problèmes dans cette centrale, parce qu’elle est ancienne et qu’au bout d’un certain temps, ce qui vieillit tombe en panne régulièrement. Quand c’est un réacteur nucléaire, évidemment, c’est inquiétant. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Michel Sordi. On ne peut pas laisser dire n’importe quoi !

M. Jean-Luc Laurent. Ça n’a aucun sens ! Juste l’exacerbation des peurs !

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon.

M. Christophe Bouillon. Je serai bref, parce que nous avons déjà beaucoup discuté de cette question, y compris cette nuit.

Je voudrais remercier le président de la commission spéciale d’avoir organisé beaucoup d’auditions : plus de quarante heures. Nous avons reçu deux cents acteurs du monde de l’énergie. Et parmi eux, qui a dit « Ce texte est un texte équilibré parce qu’il réserve au nucléaire une place de choix » ? Je sais que M. Aubert aime à citer Boileau, Apollinaire… Mais non, c’est Proglio !

M. Julien Aubert. Chacun ses poètes ! (Sourires.)

M. Christophe Bouillon. Ce texte, c’est la vérité, est équilibré, et le mix qu’il établit aussi. Ce qui n’est pas équilibré, c’est votre position.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas possible d’entendre des choses pareilles !

M. Christophe Bouillon. Vous cherchez à faire peur. Ce n’est pas en répétant une contre-vérité que vous en ferez une vérité. Notre groupe votera contre ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voudrais apporter encore quelques précisions sur notre analyse sur cette question de la production d’énergie nucléaire.

D’abord, je voudrais bien rappeler que la maîtrise publique, pour nous, est essentielle : c’est une garantie qui doit être absolument respectée.

M. Charles de Courson. Est-ce sûr ?

M. André Chassaigne. Ensuite, nous oublions dans ce débat une dimension importante du texte, que j’ai déjà évoquée en défendant un amendement : la sûreté nucléaire. C’est un rôle nouveau, amplifié, qui est donné à l’ASN en la matière, notamment sur la base des travaux réalisés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire.

La fermeture ou la prolongation d’activité d’une centrale ne viendra pas, je le pense, d’une décision purement politique, mais s’appuiera sur l’avis déterminant de l’ASN. Celle-ci dira si l’exigence de sûreté nucléaire permet ou pas la fermeture d’une centrale en activité.

Un dernier point : je l’ai dit et je le répète, tout dépend de l’équilibre économique et des solutions alternatives.

M. Martial Saddier. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Tout dépend des progrès qui pourront être faits au plan technologique pour le développement des énergies renouvelables dans le mix que nous souhaitons.

M. le président. La parole est à M. Michel Sordi.

M. Michel Sordi. Je voudrais tout de même répondre à M. Baupin, le marchand de peur, celui qui veut faire peur aux gens pour qu’ils craignent le nucléaire. En Alsace, nous vivons très bien avec la centrale de Fessenheim. Dans la communauté de communes, vous y êtes passé monsieur Baupin, les gens vivent très bien. Fermer cette centrale priverait les collectivités locales de près de 50 millions d’euros qui aujourd’hui alimentent les caisses de la commune, de l’intercommunalité et du département. Cela supprimerait deux mille emplois, directs ou indirects.

Monsieur Baupin, ce sont des entreprises, des sous-traitants, qui vont fermer. Ce sont quatre cents maisons qui vont être vendues parce que les agents EDF seront mutés sur d’autres sites. Ce sont des écoles et des classes qui vont fermer. Compte tenu de l’impact sur le commerce local, ce serait une catastrophe économique, d’autant que, c’est dit dans votre rapport, monsieur Baupin, l’État n’a rien fait pour préparer cette fermeture. Ce n’est pas moi qui l’ai écrit, c’est vous.

Quant aux arrêts de tranche, ce n’est pas de nature à m’affoler. Aujourd’hui, il y a un rechargement et un arrêt : cela veut dire que les systèmes de sûreté, les automatismes fonctionnent bien. (Rires sur les bancs du groupe écologiste.)

Ne riez pas comme ça. C’est ainsi dans toutes les centrales de France.

M. Jean-Luc Laurent. Et dans d’autres industries !

M. Michel Sordi. Trois cents millions d’euros ont été investis à Fessenheim durant ces trois dernières années, pour les travaux de tranche. Aujourd’hui, 15 millions d’euros sont consacrés aux travaux consécutifs à Fukushima. Nous n’avons pas d’incidents, sinon de niveau 1, avec des dispositifs qui fonctionnent bien et qui sont rassurants.

Je ne peux donc entendre votre raisonnement. Ce que j’ai dit, c’est que Fessenheim produit l’équivalent de 80 % de la consommation alsacienne. On nous dit qu’on peut fermer deux réacteurs sans conséquence. Mais il va falloir pomper sur le réseau allemand et sur le réseau suisse ! Il va falloir, comme EDF l’a prévu, dans les années qui viennent, tirer de nouvelles lignes à haute tension pour desservir le site. Or les premiers qui manifestent, comme vous, pour la fermeture de Fessenheim, se hâteront de manifester lorsqu’on posera le premier pylône dans la plaine d’Alsace !

J’ai déjà mentionné l’étude qui envisage les énergies de substitution qu’il faudra bien trouver après la fermeture de Fessenheim. Il y a l’hydraulique, mais je rappelle que le Rhin a son étiage en période hivernale, contrairement à d’autres fleuves. Il est en pleines eaux l’été, à la fonte des glaciers. Or, les consommations d’énergie maximales, c’est au mois de décembre, entre dix-huit et vingt et une heures !

Le photovoltaïque ne sert à rien non plus, parce qu’il n’y a pas de soleil entre dix-huit et vingt et une heures. Quant à l’éolien, il fonctionne à hauteur de 30 %. Dans la plaine d’Alsace en effet, les installations sont mal orientées. Il faudrait les placer sur les crêtes, mais alors ce sont d’autres associations environnementales qui entameraient des procédures, au nom de Natura 2000, des zones protégées, du grand tétras et de la petite grenouille… Bref, on n’arrive pas à implanter des installations sur les crêtes. Et sur le versant alsacien, nous n’avons pas le potentiel. Les Allemands l’ont. Ce n’est pas moi qui le dit, ce sont les cartes.

Enfin, pour ce qui est de la géothermie profonde, nous allons bien sûr la développer, mais nous n’avons pas ce qu’il faut. Alors, vous êtes gentil, monsieur Baupin, vous qui êtes ici dans votre coin, mais vous n’êtes pas en Alsace, vous ne connaissez pas nos problèmes. Vous les voyez de l’extérieur. Moi, je suis ici pour défendre aussi les intérêts de ma région. Le rapport sur la fermeture vous a été remis, mais vous l’ignorez, parce que vous êtes comme ça. Mais non, il ne faut pas fermer Fessenheim : c’est une usine qui a tout son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je n’ai pas compris pourquoi M. Bouillon n’aimait pas Apollinaire : peut-être parce qu’il est mort avant d’avoir rejoint l’Académie française ? Mais à citation, citation et demie. Qui a dit : « Je ne crois pas que l’objectif des 50 % de part du nucléaire dans l’électricité française soit réalisable. Moi, je ne suis pas président, je ne suis pas celui qui est chargé d’assumer le volontarisme politique : je suis juste un expert » ? Bernard Bigot, président du CEA !

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Monsieur Sordi, engager une transition ne suppose évidemment pas que, du jour au lendemain, des communes et des régions soient mises en difficulté. Je note tout de même que vous pointez une vraie question : la concentration d’un certain nombre de moyens, en particulier du temps de la taxe professionnelle, dans certaines communes qui bénéficient alors d’une aisance considérable par rapport à d’autres.

M. Michel Sordi. Avec une redistribution et une péréquation à la clé.

Mme Cécile Duflot. Cela constitue donc une vraie question alors que le débat sur la localisation des installations a été passé sous silence. Comme l’a rappelé le président de Rugy, certaines communes du département de la Manche y trouvent 50 % de leurs recettes. Forcément, cela soulève un problème.

Mais il faut être franc : la fermeture d’une centrale nucléaire ou de réacteurs ne peut pas se faire sans accompagnement. La leçon du démantèlement de la centrale de Brennilis, c’est qu’il y a besoin de plutôt plus d’emplois pendant le démantèlement que pendant l’exploitation…

Plusieurs députés UMP. Et après ?

Mme Cécile Duflot. …quoique dans le cas de Brennilis, la question de l’exploitation continue de se poser.

Second sujet : nous sommes des gens responsables et personne ne peut aujourd’hui éviter de se poser les questions soulevées par des situations extrêmement difficiles comme celle de Fukushima ou comme, moins grave – je nous le souhaite – l’identification d’un problème générique sur des centrales d’une même génération, qui aboutirait à des fermetures brutales pour des raisons de sécurité et donc à un effet « falaise ».

Nous devons anticiper de telles situations. Se déplacer sur le site de Fessenheim comme l’a fait la commission d’enquête sur le coût de la filière nucléaire afin de réfléchir non seulement au coût mais aux conséquences de la transition et de la fermeture, cela relève de la responsabilité des uns et des autres.

Faisons un exercice par l’absurde : si nous comptions ici même 350 députés écologistes décidant aujourd’hui, comme je vous le proposerai tout à l’heure par amendement, de sortir du nucléaire, nous ne fermerions pas pour autant toutes les centrales du jour au lendemain !

M. Michel Sordi. Il faudrait rallumer les bougies…

Mme Cécile Duflot. Nous assumerions cette réalité que la nucléarisation de la France a toujours été décidée au plus haut niveau. Évidemment qu’il faudrait organiser la transition !

Je souhaiterais donc qu’on échappe aux faux débats et que chacun fasse preuve de responsabilité, y compris ceux qui parmi nous sont aussi des élus locaux. Je comprends certes les positions nées de préoccupations locales mais, monsieur Sordi, je pense que l’on peut dire aux salariés qui travaillent dans le secteur nucléaire, en faisant preuve d’un vrai sens des responsabilités, que oui, nous pouvons réfléchir sur ce sujet et que si la France fut capable d’être le pays de l’excellence nucléaire, elle peut être celui de l’excellence du démantèlement. En la matière, il y aura du travail sur l’ensemble de la planète pour quelques années !

Nous devons donc travailler sur ce problème. Pourquoi n’y parvenons-nous pas ? Parce que, autant que faire se peut, nous avons essayé d’empêcher le débat, de l’enfermer, de le nier, de faire comme si la question ne se posait pas.

Assumons la réalité ! Assumons le vieillissement de nos centrales ! Assumons le risque ! Assumons l’alternative ! Oui, soulevons le débat de la présence des éoliennes et de ses conséquences ! Nous le ferons, et notamment par exemple pour les zones littorales, qui évidemment comptent parmi les plus ventées.

Je suis prête, nous sommes prêts à ce débat qui mérite beaucoup plus que des caricatures…

M. Michel Sordi. Il n’y en a pas.

Mme Cécile Duflot. …et des positions inquiétant inutilement en particulier les salariés. Je pense que nous pouvons le faire. Nous avons été capables de faire des choses beaucoup plus compliquées dans notre histoire que d’engager la sortie progressive du nucléaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Beaucoup de choses ont été dites, y compris hier soir et dans la nuit puisque nous avons déjà débattu de cette question très importante. Je souhaite que nous discutions de manière apaisée de cette filière industrielle majeure pour notre pays.

M. Martial Saddier. Bravo ! Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il s’agit de préparer l’avenir à l’horizon de 2025, 2030 et, même, 2050. Ce que nous déciderons engagera notre pays. Notre responsabilité est éminente et même, d’une certaine façon, passionnante.

J’observe que l’opposition formule des arguments sincères, et d’autres idéologiques. Le Gouvernement, avec la majorité et la commission spéciale, a veillé à proposer un texte équilibré. Cela signifie que le projet n’oppose pas les énergies les unes aux autres et fait des choix indépendamment de toute considération idéologique : ni sortie du nucléaire – point de vue que je respecte d’ailleurs, nous sommes en démocratie – ni tout nucléaire – ce que je respecte également, même si je pense que ce n’est pas le bon choix non plus dans l’intérêt de notre pays.

Le choix que nous avons fait est assez simple et ne correspond pas à ce qui a été dit : nous voulons protéger le potentiel actuel tant qu’il n’y a pas eu de montée en puissance des énergies renouvelables. Je remercie M. Chassaigne d’avoir nuancé et explicité ses propos tout à l’heure. En effet, il n’y a pas d’opposition entre le plafonnement de la capacité actuelle à 63,2 gigawatts et la montée en puissance des énergies renouvelables.

Hier, l’opposition proposait la suppression de toutes les énergies renouvelables électriques.

M. Julien Aubert et M. Martial Saddier. Non ! Ce n’est pas vrai !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous répondrez, mais vous avez déposé un amendement en ce sens ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il est là.

Cela représente tout de même 50 000 emplois ! Faisons donc attention à ce que nous disons, faisons attention aux postures idéologiques. EDF est tout de même une grande entreprise ! Certes, l’État, c’est-à-dire les Français, est actionnaire à hauteur de 85 %, mais l’entreprise est cotée en bourse ! On ne peut faire valoir des arguments idéologiques qui ne correspondent pas à la réalité.

Je vous informe d’ailleurs que la Commission européenne vient de donner son feu vert à EDF pour construire deux réacteurs EPR au Royaume-Uni…

M. Julien Aubert. Cela fait quinze jours.

Mme Ségolène Royal, ministre. …en considérant qu’il n’y avait aucune distorsion de concurrence. Ce marché s’élève à plus de 20 milliards d’euros. Le potentiel et le savoir-faire français continuent bien de s’exporter !

Pour ce qui est des arguments sincères, si certains parmi vous craignent que le nouveau mix énergétique porte atteinte à une filière d’excellence, je veux leur assurer que tel n’est pas le cas.

En effet, d’une part nous maintenons le potentiel de 63,2 gigawatts…

M. Martial Saddier. Et le prix de l’électricité ?

Mme Ségolène Royal, ministre. …d’autre part nous espérons bien que les technologies de pointe continueront à créer des emplois et à déployer leur potentiel dans le cadre des choix de modèles énergétiques que feront les autres pays.

Notre responsabilité, c’est de diminuer la part du nucléaire. J’ai expliqué pourquoi. Chaque énergie a ses avantages et ses inconvénients. Ne faisons pas comme si l’énergie nucléaire était sans inconvénient, même les énergies renouvelables en ont ! Par exemple, aujourd’hui, nous ne maîtrisons pas le stockage de l’énergie – à exception de l’hydroélectricité, qui est par définition l’énergie renouvelable stockable. Cela viendra, et constituera même la prochaine révolution industrielle.

Aujourd’hui, il n’est donc effectivement pas possible de promouvoir le « tout renouvelable ». Quant à l’énergie nucléaire, je ne reviendrai pas sur ses inconvénients : importation d’uranium, grave problème que constitue le legs de déchets radioactifs aux générations futures… Peut-être parviendrons-nous un jour à résoudre ce dernier problème ?

M. Michel Sordi. Quid des projets de stockage ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Il est évident que nous devons continuer la recherche dans ce secteur, ne serait-ce que pour ne pas léguer nos stocks aux générations futures pour des dizaines de milliers d’années. Peut-être parviendrons-nous à en faire des combustibles pour les centrales de quatrième génération, pourquoi pas ? Bref, comme je l’ai dit hier, le développement de la recherche doit se poursuivre.

Notre responsabilité, c’est bien de réaliser le mix énergétique. Pourquoi ? Parce que de toute façon la quasi-totalité des centrales seront en fin de vie à l’horizon 2025, 2040 ou 2050, parfois plus. Nous avons donc l’occasion, et il faut la saisir, de repenser notre modèle énergétique. C’est même une chance que de pouvoir le faire ! Si des générations de nos centrales n’arrivaient pas en fin de vie, nous n’aurions même pas le choix de changer de mix énergétique. Là, nous avons ce choix et il serait particulièrement coupable que, pour des raisons idéologiques liées au tout nucléaire – car il faut être aveugle pour considérer que c’est là un modèle supérieur à toutes les autres énergies et qu’il ne faut surtout toucher à rien – nous ne nous efforcions pas même de repenser le mix énergétique.

Il n’était pas évident de parvenir à un équilibre. Je remercie, à ce propos, les parlementaires pour l’ensemble de leurs travaux et pour les rapports qu’ils ont réalisés. Si nous parvenons à concilier le maintien du potentiel – nous verrons ce qu’il en sera en 2025, peut-être ne sera-t-il plus utile dans son intégralité, mais aujourd’hui il est maintenu, ce qui constitue un choix stratégique très important – et le passage de la part du nucléaire dans la production de l’électricité de 75 % à 50 % – car il convient de varier le mix énergétique, aucun autre pays ne dépendant à 75 % d’une seule énergie – c’est que nous faisons le pari de la montée en puissance des énergies renouvelables, comme l’a dit M. Chassaigne.

Nous nous situons à l’horizon de 2025. Ce n’est pas pour demain matin ! La montée en puissance des énergies renouvelables permettra de faire baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité tout en maintenant le potentiel global. Par conséquent, si la croissance entraîne une augmentation de la consommation d’électricité et si la part du nucléaire baisse dans la production d’électricité, l’augmentation de la part des énergies renouvelables conservera à ce schéma toute sa cohérence et son équilibre.

Le groupe écologiste a fait un effort en expliquant hier qu’il s’agissait de la part de ses membres d’un compromis. Eux souhaitent que nous sortions du nucléaire et peut-être engageront-ils une telle sortie s’ils parviennent un jour aux responsabilités.

M. Michel Sordi. Dieu nous en préserve !

Mme Ségolène Royal, ministre. Tel n’est pas le choix du Gouvernement mais je reconnais l’intelligence de leur attitude à travers ce compromis. Je demande que l’opposition bouge également et se dirige vers ce compromis.

M. Damien Abad. Compromission !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous n’avez pas nié, messieurs Saddier et Aubert, que vous étiez d’accord quant à un plafonnement de la capacité nucléaire.

M. Martial Saddier. Nous l’avons dit.

Mme Ségolène Royal, ministre. Vous ne partagez donc pas la logique du tout nucléaire et de la fuite en avant pour des raisons idéologiques. Le texte, de ce point de vue, est parfaitement équilibré.

J’en viens à vos arguments quelque peu politiciens, dus à votre besoin de justifier votre vote contre ce projet. Pour marquer l’opinion publique, vous considérez qu’il suffit de dire que les socialistes cassent le secteur du nucléaire. Voilà ce que vous dites ! Eh bien, nous ne nous laisserons pas faire. Je ne peux pas accepter que vous caricaturiez ainsi la position du Gouvernement. En tenant de tels propos, vous ne rendez pas service à l’entreprise EDF, et vous portez atteinte aux intérêts stratégiques de notre pays. En laissant penser que la souveraineté populaire, à travers l’Assemblée nationale, décide de porter atteinte à nos intérêts industriels majeurs, vous leur portez vous-mêmes atteinte. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je rappelle qu’il s’agit d’une entreprise cotée en bourse et que vous ne pouvez pas en parler ainsi. Quant aux intérêts stratégiques de notre pays, je vous rappelle que l’on nous entend et que l’on nous écoute au-delà de nos frontières. Vous ne pouvez pas dire des choses pareilles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Je vous rappelle que nous sommes en temps programmé et que chaque groupe politique décide librement de l’utilisation de son temps de parole. Monsieur Aubert a donc la parole.

M. Julien Aubert. Que la majorité souffre notre existence !

Madame le ministre, la caricature des positions de l’opposition que vous venez de faire est incroyable. Vous persistez… (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Vous remarquerez, madame le ministre, que nous vous avons écoutée en silence !

Vous persistez donc à répéter en boucle qu’à l’UMP, certains seraient favorables au tout nucléaire. Chers collègues de l’UMP, certains d’entre vous défendent-ils cette option ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Julien Aubert. C’est non ! Soyez rassurée, madame le ministre !

M. Sébastien Denaja. Monsieur la députée !

M. Julien Aubert. Vous avez osé dire que nous avions déposé un amendement pour interdire les énergies vertes électriques. Chers collègues, vous souvenez-vous que nous ayons défendu un tel amendement ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Julien Aubert. C’est non, madame le ministre !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Si !

M. Julien Aubert. De deux choses l’une : soit vous n’écoutez pas l’opposition, soit vous êtes de mauvaise foi.

En l’occurrence, pour que ceux qui nous écoutent et nous regardent soient bien informés, je précise que l’amendement que nous avons déposé visait à développer les énergies vertes, notamment les énergies vertes non électriques. Dans la bouche de Mme le ministre,…

Plusieurs députés du groupe SRC. Madame la ministre !

M. Julien Aubert. …on dirait que l’UMP veut la mort de l’industrie intermittente électrique ! Et vous comptez continuer le débat en caricaturant avec une mauvaise foi aussi caractérisée vos adversaires démocratiques ? Mais qu’est-ce que c’est que cette manière de conduire le débat ?

M. Henri Jibrayel. Respire !

M. Julien Aubert. Le maximum maximorum, c’est cette définition de la coconstruction législative : le fait que l’opposition rejoigne le point de compromis trouvé au sein de la majorité ! En fait, l’idée de la démocratie de Mme Royal, c’est que l’UMP intègre la majorité parlementaire !

Mme Frédérique Massat. Nous n’en voulons pas !

M. Julien Aubert. Il n’y a plus qu’à faire un parti unique ! Non mais !

M. Henri Jibrayel. Respire !

M. Julien Aubert. Fort prosaïquement, j’ai considéré longtemps qu’il fallait être deux pour trouver un compromis : l’opposition arrive avec un projet, la majorité, dont les Verts – pour me référer à un certain amendement – présente son point de vue et la rencontre a lieu à équidistance de ces deux points de vue.

François Mitterrand disait que quand la France rencontre une grande idée, elles font, ensemble, le tour du monde. Moi, je vous propose que la majorité rencontre l’opposition : elle fera peut-être le tour de l’hémicycle !

Et quand vous nous reprochez un positionnement idéologique, quelle caricature ! Avez-vous vu comment vos alliés les écologistes prennent en otage la majorité ? Eux, au moins, ils sont logiques et cohérents. Qu’il s’agisse du mariage pour tous ou du nucléaire… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Sébastien Denaja. Assez ! Enlevez-lui sa pile !

M. Julien Aubert. …ce sont les écologistes qui ont la position la plus cohérente. Même si je les combats parce que je suis idéologiquement à l’opposé de leur vision de la société, ils ont au moins le mérite de la cohérence. Ils défendent leur position, on sait où ils se situent.

M. Christophe Borgel. Nous sommes ici pour débattre du projet de loi, pas de la position des différents partis politiques !

M. Julien Aubert. Et vous venez nous proposer, en fait de compromis, d’adopter l’accord électoral que vous avez conclu pour faire élire François Hollande ? Vous marchez sur la tête, mes chers collègues !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Ce n’est pas du tout ce qui a été dit !

M. Julien Aubert. Et vous expliquez que c’est nous qui caricaturons le projet de loi ? Vous marchez sur la tête, vraiment ! Une caricature à ce point, c’est incroyable !

Nous sommes au pied du mur, madame le ministre.

Mme Audrey Linkenheld. Madame la ministre !

M. Julien Aubert. Les intentions que vous affichez sont fausses. Vous prétendez que nous avons envie de faire échouer ce texte, mais ce n’est pas le cas. Demandez au président de la commission spéciale, M. Brottes : si nous avions voulu faire de l’obstruction en commission pour empêcher l’examen du projet de loi, il nous aurait suffi de venir jusqu’au samedi, et le texte ne serait probablement pas arrivé dans l’hémicycle. Si nous avions voulu obstruer cet hémicycle, nous aurions déposé chaque amendement en deux cents exemplaires. C’est cela, l’obstruction ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au contraire, nous avons travaillé, nous avons organisé l’ « Autre débat sur la transition énergétique », fondé sur une autre doctrine énergétique. Vous ne l’appréciez peut-être pas, mais il s’agit d’un travail important, qui a été réalisé par une centaine de personnalités. Nous sommes arrivés ici avec le produit de notre réflexion et nous attendons maintenant d’en discuter. Et en fait de discussion, vous nous expliquez que si nous n’adoptons pas votre point de vue, il ne peut pas y avoir de compromis ! Cela limite quand même les possibilités de dialogue…

Par ailleurs, bien que nous ayons répété nos arguments à l’envi depuis le début, vous ne nous écoutez pas. Vous continuez de dire que nous ne voulons rien changer, que nous sommes pour le tout nucléaire. Tout cela n’est pas sérieux.

M. Christophe Borgel. Le monologue du député Aubert !

M. Julien Aubert. Mais revenons-en aux amendements. Vous vous êtes enorgueillie, madame le ministre, qu’EDF vende des centrales au Royaume-Uni. C’est très bien, en effet ! À l’heure où le nucléaire représente 75 % de la production électrique française, EDF peut effectivement vendre des centrales au Royaume-Uni. La grande question, et c’est pour cela que la notion de potentiel est cruciale, c’est de savoir si nous serons toujours capables d’en vendre lorsque la part du nucléaire sera descendue à 50 %.

Vous savez très bien qu’un pays qui se détourne d’une industrie a beaucoup de mal à expliquer aux autres pays qu’il faudrait lui acheter sa technologie. Si cet argument ne vous convainc pas, ce n’est pas une question d’intelligence, parce que vous avez très bien compris ce que nous voulons dire. La réalité, c’est que vous avez besoin de nous. Vous vous croyez dans une pièce de théâtre Nô.

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai, on se croirait au théâtre…

M. Julien Aubert. Vous avez besoin d’une opposition qui soit physiquement présente. Même si elle dit que vous avez tort, même si elle vote contre, il faut que vous puissiez dire que cette loi a été adoptée avec l’opposition. Eh bien, non ! Que les choses soient claires : cette loi ne fait pas l’objet d’un consensus.

M. Christophe Borgel. Parce que vous êtes sectaires !

M. Julien Aubert. C’est même la première fois en quarante ans qu’une majorité rompt le consensus national sur la stratégie énergétique, par entêtement et surtout par aveuglement. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Lorsqu’on n’écoute pas ses adversaires politiques, c’est que l’on n’a pas envie de discuter. Vous êtes dans un monologue permanent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Sébastien Denaja. Guignol !

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Je n’avais pas l’intention de reprendre la parole, mais puisque vous m’avez personnellement mis en cause, madame la ministre, amicalement certes, je voudrais tout de même vous répondre.

Je reviendrai d’abord sur l’amendement que M. Aubert et moi-même avons défendu hier soir. Il visait, vous le savez parfaitement, et c’est du reste un point sur lequel vous et moi sommes d’accord, à ouvrir et à élargir les possibilités, pour tous les territoires, de développer les énergies renouvelables, d’origine électrique ou non. Nous pensions notamment à toute la filière du biogaz. L’objectif de notre amendement était celui-ci, et non ce que vous avez dit.

Pour en revenir maintenant aux amendements qui vont être soumis au scrutin public dans quelques instants…

Mme Audrey Linkenheld. Espérons !

M. Martial Saddier. …ni moi ni aucun député n’est favorable au tout nucléaire, pour la simple et bonne raison que le tout nucléaire n’existe pas. Le tout nucléaire n’existe pas, et ni Martial Saddier, ni Julien Aubert, ni aucun député de l’UMP ne défend le tout nucléaire.

Nous nous posons juste une question, à laquelle nous n’avons eu aucune réponse au cours des trois jours et des trois nuits qu’a duré le débat en commission, ni au cours des trois jours et bientôt trois nuits de débat en séance. Le président Chassaigne, qui nous rejoint sur ce point, l’a lui aussi posée tout à l’heure, en revenant sur les débats d’hier soir : sur quelle base avez-vous défini la date de 2025 et la proportion de 50 % ?

Vous nous reprochez d’être dans l’idéologie, madame la ministre, mais vous savez très bien que cette date et ce chiffre ne sont en rien issus d’un débat d’ordre technique, financier ou relatif à la sécurité. Ils sont le résultat d’un accord politique au sein de la majorité !

Mme Geneviève Gaillard. Et alors ?

M. Martial Saddier. Vous venez d’ailleurs de le reconnaître, en saluant le compromis accepté par les écologistes, et je vous remercie pour votre honnêteté intellectuelle. Mes chers collègues, l’objectif de ramener la part du nucléaire à 50 % à l’horizon 2025 est donc le fruit d’un compromis, au sein de la majorité, entre les écologistes et le parti socialiste.

Plusieurs députés du groupe SRC. Et alors ?

M. Henri Jibrayel. Où est le problème ?

M. Martial Saddier. Je l’accepte. Mais acceptez à votre tour, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés de la majorité, que nous puissions ne pas partager cet accord politique. Nous pensons que c’est une erreur, même si nous sommes d’accord pour dire qu’il faut améliorer le mix énergétique.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ah ! Vous commencez donc à être convaincu, monsieur Saddier !

M. Martial Saddier. Je l’ai dit tout à l’heure et je le répète : il faut réduire la part du nucléaire, mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Or, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, vous n’avez toujours pas répondu à nos questions sur l’impact technique et financier de cet objectif de 50 % à l’horizon 2025. Quelles seront les conséquences de ce choix pour la filière industrielle née, il y a quarante ans, de notre choix de développer le nucléaire ? Nous n’avons pas cessé de vous poser des questions précises sur ce point et n’avons reçu absolument aucune réponse. Quel impact ce choix aura-t-il sur les territoires qui portent depuis quarante ans ces filières industrielles ? Nous n’avons pas eu le commencement d’un début de réponse sur toutes ces questions ! C’est de familles dont nous parlons, c’est de nos concitoyens, d’hommes et de femmes qui vivent de ces filières industrielles depuis plusieurs décennies !

Par ailleurs, quel impact ce choix aura-t-il sur la qualité de l’air ? Vous connaissez mon engagement personnel sur ce sujet. Madame la ministre, 30 % des particules fines qui polluent notre pays proviennent des émissions étrangères de l’est de l’Europe, et particulièrement des industries qui produisent l’électricité à partir du charbon. Nous n’avons pas le début d’un commencement de réponse, sur ce sujet non plus, alors que 30 % de la frontière française, depuis Lille jusqu’aux Alpes du Nord, sont actuellement pollués par des émissions de particules fines qui proviennent en grande partie des centrales à charbon venues compenser l’arrêt du nucléaire.

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est la faute de Mme Merkel !

M. Martial Saddier. Je ne porte pas de jugement sur les décisions qu’ont prises les autres pays, je dis seulement que cet argument scientifique est irréfutable. Or je répète que nous n’avons eu aucun élément de réponse, ni au cours des débats en commission, ni en séance.

Enfin, quelle est la conséquence du choix énergétique qui a été fait par la France du général de Gaulle, puis de Valéry Giscard d’Estaing, et qui a ensuite été assumé pendant près de quarante ans ? C’est un coût de l’électricité réduit pour notre industrie et pour nos concitoyens. Vous savez tous, mes chers collègues, qu’en Allemagne le prix de l’électricité des entreprises est compensé par les particuliers. Votre choix, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés de la majorité, est-il donc de faire porter demain le coût de l’électricité pour nos industries sur les Françaises et les Français, qui n’en peuvent plus et qui n’ont plus les moyens de payer ni leur facture d’électricité, ni leur facture d’eau, ni les impôts que vous n’avez pas cessé d’augmenter depuis près de deux ans ?

M. Christophe Borgel. C’est une caricature !

M. Martial Saddier. J’en viens pour finir, madame la ministre, à votre dernière interpellation. Vous avez dit que nous n’avions pas le droit, en tant que députés de la nation, de parler comme nous l’avons fait d’un groupe français qui a une dimension internationale et qui est coté en bourse, car c’était lui faire de la mauvaise publicité et le malmener. Je vous retourne le compliment, madame la ministre. Le Président de la République, le Gouvernement, les députés de la majorité et vous-mêmes ne pouvez pas nous donner des leçons, la main sur le cœur, en défendant EDF alors que les décisions que vous vous apprêtez à prendre dans cet hémicycle mettront à mal ce fleuron de l’industrie française. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Michel Sordi. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je tiens à m’adresser à nos collègues de l’UMP, d’abord pour saluer les propos de Mme la ministre. Elle a dit très clairement, en mettant cartes sur table, que la position de fond du groupe écologiste était et reste à terme la sortie du nucléaire. Je vous invite d’ailleurs, mes chers collègues, à consulter les résultats d’un récent sondage réalisé par l’institut CSA : le compromis réalisé dans ce projet de loi, car il s’agit bien d’un compromis, est soutenu par 73 % des personnes interrogées et la sortie du nucléaire à l’horizon 2050 par 60 % d’entre elles ! Vous voyez bien que, loin d’être le choix d’un parti, ou même deux, cet objectif est ancré dans la réalité économique et politique de notre pays.

Il faut par ailleurs cesser de répéter que ce choix serait le fruit d’accords politiques conclus en catimini.

M. Michel Sordi. Bien sûr que c’est le cas !

M. Guy Geoffroy. La ministre vient elle-même de le reconnaître !

M. François de Rugy. Le Président de la République, François Hollande, s’est engagé devant les Français en toute transparence, avant d’être élu, y compris au cours du débat qui a été vu par des millions de Français et qui l’opposait au président sortant, M. Sarkozy, candidat à sa réélection. Ce dernier n’a pas hésité à instrumentaliser comme jamais l’entreprise publique EDF, puisqu’il est allé tenir un véritable meeting de campagne sur le site de Fessenheim (Applaudissements sur quelques bancs des groupes écologique et SRC), ce qui m’a profondément choqué, en tant que citoyen attaché à la neutralité des entreprises publiques et de leurs dirigeants.

M. Henri Jibrayel. Bravo !

M. François de Rugy. Nous avons d’ailleurs été nombreux à être choqués par le comportement de certains dirigeants qui ont fait campagne ouvertement pour un candidat contre un autre, en s’immisçant dans le débat politique.

Au terme d’une longue campagne, et après ce débat qui a eu lieu plusieurs jours avant les élections, les Français ont pu voter en toute connaissance de cause. Et ils ont voté pour le candidat François Hollande, qui a été élu Président de la République…

M. Guy Geoffroy. Hélas !

M. François de Rugy. …et qui a dit sans discontinuer depuis deux ans et demi que les engagements de ramener la part du nucléaire dans la production d’électricité de 75 à 50 % d’ici 2025 et de fermer la centrale de Fessenheim d’ici à la fin de son mandat serait tenu. Ces choses ont été dites en toute transparence, le choix politique des Français s’est fait en toute transparence et ils l’ont confirmé dans les enquêtes d’opinion ces derniers jours encore.

Enfin, et la ministre a eu raison de pointer cette contradiction, vous ne pouvez pas continuer à dire que vous n’êtes pas pour le statu quo, que vous ne seriez pas opposés à voir la part du nucléaire dans la production électrique passer de 75 à 50 % et que c’est seulement la date que vous contestez, tout en demandant, par des amendements qui vont être soumis au vote dans quelques instants, à « stabiliser le potentiel nucléaire français en mettant en œuvre des programmes de renouvellement des centrales existantes et en allongeant leur durée d’activité ». Je ne sais pas comment vous comptez faire passer de 75 à 50 % la production d’électricité d’origine nucléaire en stabilisant le potentiel nucléaire, en allongeant la durée de vie des centrales les plus anciennes et les plus dangereuses et en en construisant de nouvelles !

Je reconnais que M. Sarkozy – je ne sais pas si vous le soutenez, monsieur Aubert – avait lui aussi été très clair. Il avait dit qu’avec lui, non seulement l’EPR de Flamanville verrait le jour, mais que toutes les centrales seraient maintenues et qu’il voulait même en construire une autre à Penly, je me demande bien avec quel argent, pour accroître encore notre capacité nucléaire.

Vous ne pouvez donc pas prétendre que vous êtes favorables à la diminution de la part du nucléaire ou au développement des énergies renouvelables. Vous savez très bien que l’on ne peut pas maintenir la capacité de production nucléaire existante, développer les énergies renouvelables et faire des économies d’énergie. J’espère d’ailleurs que vous n’êtes pas contre les économies d’énergie ! Sinon, cela signifie que vous êtes opposés à la maîtrise des factures et donc à une politique bénéfique pour le pouvoir d’achat des Français et la réduction de leur facture d’énergie.

M. Julien Aubert. Mais c’est n’importe quoi ! Vous n’avez rien compris ! Quel homme de mauvaise foi !

M. François de Rugy. En outre, mes chers collègues, à qui allez-vous vendre toute cette électricité ? Croyez-vous que nos voisins européens nous attendent pour acheter de l’électricité ? Vous savez tout de même que c’est le contraire ! Vous critiquez beaucoup les Allemands – sur ce point seulement : pour le reste, c’est votre modèle universel. Vous dites que bien que l’Allemagne soit la première puissance économique d’Europe, sa politique énergétique est très mauvaise. Mais sachez que cette Allemagne nous vend plus d’énergie électrique qu’elle ne nous en achète !

Voilà pourquoi nous voterons clairement contre cet amendement et continuerons avec ténacité et persévérance, comme le fait la ministre de l’écologie, à mettre en œuvre l’engagement que nous avons pris devant les Français en 2012. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 11 et 350.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants59
Nombre de suffrages exprimés55
Majorité absolue28
Pour l’adoption13
contre42

(Les amendements identiques nos 11 et 350 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 1871, 755 et 1683, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 755 et 1683 sont identiques.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1871.

M. Damien Abad. Je tiens tout de même à répondre à M. de Rugy que l’accord dont il a parlé ne s’est pas vraiment fait devant les Français, mais plutôt entre amis.

M. François de Rugy. Vous n’avez pas regardé le débat télévisé ?

M. Damien Abad. Vous avez le droit de faire des accords, mais il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître.

L’amendement n1871 est un amendement de repli, et il répond en partie aux interrogations soulevées par M. Chassaigne.

S’agissant de la notion de stabilité dans le nucléaire, il a déclaré craindre que cette notion ne nous enferme et ne prolonge le statu quo. Cet amendement tend à faire évoluer le mix énergétique, mais en fonction de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables. Il tend donc à lisser la réduction de la part du nucléaire en fonction de l’amélioration de ces performances. C’est une prise en compte du principe de réalité, et je suis sûr que M. Chassaigne et d’autres députés de la majorité vont le soutenir. Sans idéologie, nous proposons de lisser l’évolution de la part du nucléaire et des énergies renouvelables dans le mix énergétique.

La deuxième objection soulevée par M. Chassaigne était qu’une telle décision ne pouvait relever d’un décret en Conseil d’État, car c’est à la représentation nationale qu’il revient de définir la politique énergétique. Je peux partager ce point de vue. Plutôt que de fixer a priori un objectif de 50 %, de manière idéologique ou arbitraire, cet amendement pragmatique a pour objet de permettre à ceux seront aux responsabilités dans les prochaines années de prendre en compte l’évolution des performances économiques et techniques, que ni vous ni moi ne connaissons aujourd’hui.

C’est un amendement de bon sens qui permet de ne pas opposer nucléaire et énergies renouvelables et de bien prendre en compte le progrès technique, les améliorations techniques et économiques qui peuvent être faites, et aussi le fait que nous avons la chance, en France, de connaître une croissance démographique qui aura une incidence sur notre mix énergétique, comme l’a rappelé M. Sordi. Je pense donc que cet amendement pourra recueillir l’assentiment de plusieurs membres des groupes de la majorité.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 755 et 1683, je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Julien Aubert. Cette fois-ci, nous n’y sommes pour rien !

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n755.

M. Claude de Ganay. Le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte affirme que l’énergie nucléaire fait partie de l’avenir sans pour autant ouvrir de perspectives sur le parc existant ou sur les nouvelles constructions.

Il ne faut pas se tromper de transition : l’objectif prioritaire de la loi doit rester la réduction de la consommation d’énergies fossiles. En 2013, celles-ci ont représenté 70 % de la consommation énergétique et 69 milliards d’euros d’importations. Il s’agit avant tout d’engager une transition énergétique et non une transition électrique.

Réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025 est contraire à l’objectif d’une transition énergétique raisonnée et financièrement viable sur le long terme. Aussi, l’équilibre du mix énergétique doit se faire en temps et en heure, à mesure de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables.

Le présent amendement tend à adapter la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité au regard de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n1683.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI voudrait faire entendre une voix quelque peu différente, madame la ministre, puisque l’UMP n’est qu’une des composantes de l’opposition.

Tout d’abord, il faut être athée en matière énergétique.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Charles de Courson. Je m’explique : il ne s’agit pas d’être pour le nucléaire, pour l’éolien, pour le pétrole, le gaz ou que sais-je encore. Il faut être pragmatique et se souvenir que dans l’histoire économique mondiale, et celle de notre économie, les énergies se sont substituées les unes aux autres en fonction des contraintes de l’époque, des coûts, et des utilisations – puisque seulement certaines énergies permettent le développement de l’automobile par exemple.

L’évolution de la part relative des énergies n’a pas à être fixée dans un texte de loi. Il faut être en France pour oser dire que la part du nucléaire sera de 50 % en 2025 ! L’évolution des parts relatives des énergies est fonction d’un ensemble de critères, comme l’évolution de la structure de la demande, de l’offre, des prix et des caractéristiques techniques. Sur le fond, il est donc assez curieux de vouloir déterminer cela dans la loi.

Par ailleurs, le fait de fixer à 50 % la part de la production électrique fournie par le nucléaire en 2025 n’est pas cohérent avec le maintien de la capacité de production des cinquante-huit réacteurs au niveau actuel, puisque deux réacteurs supplémentaires seront mis en fonctionnement à Flamanville en 2016.

D’où vient d’ailleurs ce chiffre de 50 % ? Madame la ministre, il ne faut tout de même pas dire de contre-vérités : ce chiffre résulte d’un accord politique entre Martine Aubry, alors responsable du PS, et les Verts, accord repris par François Hollande.

Plusieurs députés du groupe écologiste. Non ! Non !

M. Charles de Courson. Laissez-moi vous poser une question, chers collègues de la majorité – relative – actuelle : de quel droit une minorité, puisque c’est ce que vous êtes, voudrait-elle imposer ses choix au reste du pays ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Charles de Courson. Vous savez que lorsque nous reviendrons au pouvoir, nous abrogerons cela ! (Exclamations sur les bancs des groupes écologiste et SRC.) Et nous ne le ferons pas en fixant la part du nucléaire à 75 %, ni à 60 %, ni à quoi que ce soit d’autre.

Le groupe écologiste n’est d’ailleurs pas cohérent puisqu’il propose, dans un amendement dont nous débattrons plus tard, de fixer l’objectif à zéro. C’est sa liberté, et notre groupe politique est pour le pluralisme, mais cela veut dire que c’en est fini du consensus énergétique français. D’ailleurs, l’attitude des écologistes le rend impossible. Ce consensus était possible avec le parti communiste, le parti socialiste, l’Union pour un mouvement populaire et nous-mêmes. C’est fort regrettable car en matière énergétique, nous avons besoin d’une stabilité dans le long terme. Les députés écologistes ont voulu agir ainsi pour des questions politiques, mais il n’existera plus de consensus en la matière.

Par ailleurs, si cet article était voté et appliqué tel qu’il est actuellement rédigé, il serait contraire aux intérêts du consommateur français. Madame la ministre, nous vous avons posé à de multiples reprises une question sans jamais avoir de réponse, l’étude d’impact étant muette sur ce point : de combien va augmenter le prix de l’électricité pour les consommateurs en 2025, vu le mix énergétique que vous souhaitez et qui figure, lui, dans l’étude d’impact ?

D’après un calcul que j’ai fait sur un coin de table, en me fondant sur l’étude réalisée par la Cour des comptes pour répondre à la question que nous lui avions posée sur le prix de revient réel des différentes formes d’énergie, j’arrive à une augmentation d’au moins 30 à 35 %. (Protestations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Julien Aubert. Qu’il est bon ce Charles de Courson !

M. Charles de Courson. Si ce n’est pas cela, dites-nous combien, madame la ministre ! Si les énergies éolienne et hydrolienne voient leur production passer d’un million de tonnes d’équivalent pétrole – situation en 2012 – à 8 millions de tonnes, le prix de revient de l’électricité sera plus cher qu’actuellement. Donc, de combien augmentera-t-il ?

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la contribution au service public de l’électricité, qui a pour objet de compenser le surcoût des énergies renouvelables, représente déjà 5 % de la facture d’électricité. Il nous a été indiqué qu’elle représenterait près de 15 % vers les années 2020. Pourquoi pas 10, ou 20% ? Les électeurs français ont le droit de savoir quel sera l’ordre de grandeur de l’augmentation. Jamais vous n’avez voulu répondre, madame la ministre.

Il convient aussi de s’intéresser au coût de la fermeture des centrales nucléaires. Il est indiqué dans l’étude d’impact, même si c’est implicite, qu’avec un taux de croissance de 1,8 % du PIB, il faudra fermer à peu près dix-neuf des cinquante-huit réacteurs français. Mais si l’on retient le taux de croissance potentiel, estimé par la Commission européenne à 1 %, ce n’est plus dix-neuf réacteurs qu’il faudra fermer, mais près de la moitié !

Je vous ai posé deux questions sur ce point, et vous n’y avez pas répondu en commission. D’abord, faudra-t-il indemniser le producteur ? Et si c’est le cas, de combien ? Madame la ministre, vous ne pouvez pas vous contenter de qualifier nos deux collègues, M. Goua, qui appartient au groupe socialiste, et M. Mariton, de farfelus. On peut dire d’eux ce que l’on veut, mais ce ne sont certainement pas des farfelus !

M. Sébastien Denaja. S’agissant de M. Mariton…

M. Charles de Courson. À la première question, aucun des juristes que nous avons consultés ne répond que non, il ne faudra pas indemniser le producteur. Tous disent qu’il faudra indemniser. Le débat, et c’est l’objet de la deuxième question, est donc de savoir à quelle hauteur. Le rapport de MM. Mariton et Goua estime ce coût entre un et trois milliards d’euros par réacteur et retiennent l’hypothèse moyenne de deux milliards, ce qui peut se discuter. Mais rien ne figure dans l’étude d’impact sur cette question, qui est quand même fondamentale. Nous aimerions en savoir plus, madame la ministre, car s’il faut fermer entre dix-neuf et trente réacteurs, le coût sera donc compris entre 40 et 60 milliards d’euros !

M. Denis Baupin, rapporteur. Et quel serait le coût de la prolongation de durée de vie de ces réacteurs ?

M. Charles de Courson. Il faut donc répondre à cette question juridique et ne pas utiliser cet argument dans le cas de Fessenheim, qui est très particulier car le quart de la production est vendu à prix coûtant, hors amortissement, à trois électriciens suisses et allemands qui ont cofinancé la construction de la centrale. Fessenheim est donc une coopérative et l’indemnisation de sa fermeture sera plus coûteuse que pour les autres centrales, exception faite de Chooz et de Tricastin qui elles aussi vendent une partie de leur production à prix coûtant.

Nous aimerions donc que vous répondiez à ces deux questions, madame la ministre. Mais au fond, pourquoi faut-il fermer des réacteurs ? Y a-t-il un problème de sécurité ? Nous en avons suffisamment discuté, pendant des années, et nous avons finalement créé l’Autorité de sûreté nucléaire. C’était la sagesse. Cette autorité déclare-t-elle donc qu’il faut fermer les centrales ?

M. Denis Baupin, rapporteur. Elle estime qu’il ne faut pas les prolonger !

M. Charles de Courson. Elle ne dit pas cela. C’est cette autorité qui décidera s’il faut fermer des centrales ou pas. Elle délivre des autorisations d’exploitation valables jusqu’au contrôle suivant, et si elle détecte des problèmes lors de ces contrôles, elle peut demander l’arrêt. Mais c’est l’Autorité de sûreté nucléaire qui le fait, pas le Gouvernement, ni le Parlement.

Actuellement, il n’y a donc pas de motif de sécurité qui justifierait une fermeture. Sinon, la centrale aurait déjà été fermée par décision de l’ASN. Je note d’ailleurs que l’autorité de sûreté nucléaire américaine considère qu’un certain nombre d’investissements, notamment le renouvellement des couvercles et la rénovation du système de sécurité, permettraient probablement de prolonger la durée de vie d’une centrale jusqu’à soixante ans. Nous verrons bien ! En la matière, je suis empirique.

Par ailleurs, quelle est la portée de l’alinéa 28 ? J’ai le plaisir et l’honneur de vous dire qu’il ne sert à rien. À ma connaissance en effet, la majorité actuelle restera au pouvoir au plus tard jusqu’en 2017. Au nom de quoi veut-elle s’engager au-delà sans consensus politique ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Faire de la politique, c’est avoir une vision à long terme !

M. Charles de Courson. Dernière observation : la fermeture de centrales qu’implique le scénario présenté à la page 52 du rapport est irréaliste. Vous annoncez le maintien de la production nucléaire actuelle jusqu’en 2020. Expliquez-moi comment il sera possible de ramener la production de 29 à 20 millions de tonnes équivalent pétrole au cours des cinq années suivantes, ce qui impliquerait au minimum la fermeture du tiers des centrales, ou de la moitié d’entre elles si la croissance est de 1 %, ou peut-être même encore plus si les économies d’énergie sont renforcées ! Cet alinéa est donc totalement inutile.

Mes chers collègues, la vraie question est très simple. Tous ceux qui ont un peu de bon sens reconnaissent qu’il faut réduire la part carbonée de nos énergies. Pour atteindre cet objectif, le nucléaire présente un avantage remarquable, puisque sa part carbonée est extrêmement faible – contrairement à ce que l’on dit souvent, il existe une petite part carbonée liée à l’investissement dans la centrale : la construction fait appel à des énergies qui ne sont pas toutes décarbonées. Cet élément important explique que la France ait, par rapport aux autres démocraties de même niveau de développement, l’une des meilleures performances en matière d’émissions de gaz à effet de serre par habitant.

Notre amendement n1683 est plein de sagesse. Il prévoit un objectif de réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité « à mesure de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables ». Cela suffit amplement !

M. Martial Saddier. Nous sommes d’accord !

M. Charles de Courson. Surtout, n’adoptons pas ce genre d’alinéa pour faire semblant. Il résulte simplement d’un mauvais consensus politique, puisque même les Verts, qui proposeront un peu plus tard de réduire à 0 % la part du nucléaire dans le mix énergétique, ne le respectent pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Bonne démonstration !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Je rappelle une nouvelle fois que l’alinéa 28 se rapporte à un objectif structurant et qu’il reviendra à la programmation pluriannuelle de l’énergie de définir l’évolution des trajectoires de la production d’électricité. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous avons entendu une très longue explication sur un amendement finalement assez simple et qui, à mon avis, est satisfait.

M. Damien Abad. Mais non ! Arrêtez de dire cela !

Mme Ségolène Royal, ministre. Les performances économiques et techniques des énergies renouvelables vont s’améliorer, et le mix énergétique sera bien évidemment fixé en fonction de cette amélioration. Il est question là de l’horizon 2025, 2030 ou 2050. Nous allons tout faire pour que la performance des énergies renouvelable s’améliore, c’est une évidence. Ces amendements sont donc satisfaits, et je suggère à leurs auteurs de les retirer.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je suis subjugué par la démonstration de M. de Courson, qui est l’inventeur de la taxe locale sur l’électricité rénovée et qui connaît donc bien ces questions.

M. Charles de Courson. Un petit peu !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Son amendement à ce sujet devait bien faire douze pages…

M. Charles de Courson. Treize !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Rien de moins… J’admets donc qu’il connaît ces questions. Mais la ministre vient de le dire : votre amendement est satisfait, monsieur de Courson. C’est comme si nous précisions, à propos d’un objectif de destination en voiture, que pour atteindre cet objectif, il faut rouler. Votre amendement est à peu près de la même nature. Évidemment, ce sont les économies d’énergie que nous serons capables de faire et la montée en puissance du renouvelable et du stockage qui nous permettront d’atteindre, pas à pas, l’équilibre et l’harmonie que nous souhaitons. Ce n’est pas un secret, nous l’avons déjà dit et nous l’avons démontré. Il s’agit d’une évidence : je vous invite donc à retirer votre amendement.

Je souhaite revenir sur deux ou trois points. Monsieur de Courson, vous nous accusez de jouer aux apprentis sorciers, de ne pas avoir pensé à tout et de vous cacher certaines choses. Mais au cours de la législature précédente, monsieur de Courson, votre groupe politique était très impliqué sur ces questions. Le Grenelle de l’environnement évoquait déjà un objectif à 2050 : dans les textes qu’elle a adoptés, l’ancienne majorité n’a donc pas hésité à fixer des horizons assez éloignés – tout en s’épargnant un débat sur le nucléaire. Cela évitait de parler des choses qui fâchent, ou d’approcher même de loin la question du mix énergétique français. On retirait l’essentiel de la discussion, et on débattait du reste : on s’amusait, comme dans une cour de récréation, considérant que les choses sérieuses ne devaient pas être débattues au Parlement.

Ce n’est pas ce que nous faisons actuellement : le Gouvernement n’a pas hésité à évoquer la totalité des sujets, y compris celui de la part du nucléaire dans la production énergétique de notre pays. Nous y passons du temps, et c’est normal : nous avons été frustrés pendant des années ! Il ne s’agit pas des déchets ou de l’Autorité de sûreté nucléaire : comme M. Chassaigne a eu raison de le rappeler, cette assemblée a joué un rôle moteur pour assurer la transparence du fonctionnement de l’ASN et pour adopter un texte assez fondateur sur les déchets, c’est exact. Mais, au cours de la législature précédente, nous n’avons pas abordé la question du mix énergétique.

En matière d’énergie, le bilan de la majorité précédente est assez considérable. L’éco-PTZ est un échec total.

M. Bertrand Pancher. Que faites-vous ? Cela fait quand même deux ans et demi que vous êtes aux responsabilités !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le Gouvernement est en train de le réformer pour qu’il puisse être utilisé. Et en matière de CSPE, nous avons hérité d’une dette de 5 milliards d’euros. J’ai bien dit 5 milliards !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Eh oui !

M. Charles de Courson. Elle sera bientôt de 15 milliards !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il a fallu que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault trouve une solution, et le gouvernement actuel agit dans sa continuité, pour épargner à EDF les conséquences de l’irresponsabilité qui fait partie de l’héritage de l’ancienne majorité. Une dette de 5 milliards d’euros, rendez-vous compte !

M. Charles de Courson. Cela représente 5 % du montant de la facture d’électricité.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Non, c’est déjà 10 %.

M. Charles de Courson. Non, c’est 5 % plus 5 %.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cinq et cinq font dix, merci, monsieur de Courson. Je n’ai pas fait beaucoup d’études, mais je pense que nous sommes d’accord sur ce point !

Souvenez-vous, chers collègues, du stop and go en matière d’obligation d’achat d’électricité photovoltaïque.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Catastrophique !

M. Bertrand Pancher. Ce dispositif est définitivement stoppé !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il a été à l’origine d’une bulle spéculative, d’une catastrophe industrielle nationale. Chers collègues de l’opposition, votre bilan n’est quand même pas terrible ! Vous nous donnez des leçons, vous nous accusez d’improviser. Or notre pragmatisme et notre manière d’aborder l’ensemble des questions devraient nous éviter ces quelques écueils. Je vais citer quelques autres exemples.

M. Julien Aubert. Avant de créer un chef-d’œuvre, il faut d’abord faire un brouillon !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pour ce qui est du brouillon, nous ne sommes pas déçus.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Vous avez fait le brouillon, nous allons faire le chef-d’œuvre !

M. Martial Saddier. Fait personnel !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Avec M. Aubert, c’est une sorte de répétition générale permanente : peut-être qu’un jour, il jouera la première ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. Pas du tout, c’est la première fois que je dis cela !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En tout état de cause, vous avez privatisé Gaz de France et modifié le statut d’EDF, alors que M. Sarkozy, alors ministre de l’économie, avait déclaré ici-même qu’il ne le ferait jamais.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Eh oui !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il se trouve que j’ai quelque peu suivi ces questions. Pardon de rappeler le passé, monsieur Aubert, mais à l’époque, j’étais un peu l’Aubert de l’opposition…

M. Charles de Courson. Vous étiez excessif !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …et j’agaçais ceux qui étaient en face.

M. Julien Aubert. Alors que moi, la majorité m’apprécie !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Elle vous adore ! (Sourires.) Certes, à l’époque, il n’y avait pas de temps programmé.

Lorsque vous avez donc modifié le statut d’EDF, vous avez oublié deux choses. Je l’ai déjà dit en commission mais je tiens à le rappeler en séance publique, parce que nous y reviendrons. D’abord, à l’époque, vous auriez dû remettre les pendules des concessions hydroélectriques à zéro. Dans le cadre d’un changement de statut, c’était possible. Aujourd’hui, à cause de ce changement majeur de statut, nous sommes obligés de trouver des solutions un peu compliquées à mettre en œuvre, mais que nous avons réussi à introduire dans ce projet de loi.

M. Charles de Courson. Mais non !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. À l’époque, vous avez aussi considéré que les 30 milliards d’euros d’actifs des réseaux de distribution d’électricité appartenant aux collectivités étaient la propriété d’EDF : vous les avez donc valorisés dans le cadre de l’introduction en bourse de l’entreprise. C’est plus qu’un faux-nez, c’est une erreur lourde, considérable ! Ne venez donc pas nous donner des leçons en nous accusant d’improviser. Nous faisons les choses beaucoup plus sérieusement que vous.

Je prendrai un dernier exemple, car la liste pourrait être très longue et je ne voudrais pas abuser de votre patience.

M. Julien Aubert. De toute façon, nous sommes en temps programmé !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Sous une majorité de gauche, l’État a donné à GDF, pour quelques francs symboliques, le réseau de transport de gaz aujourd’hui appelé GRTgaz, afin que cet établissement public dispose d’un actif significatif qui lui permette de passer des accords avec un certain nombre d’autres entreprises à travers l’Europe. Lorsque vous avez fusionné GDF avec Suez pour créer le groupe GDF Suez, la corbeille de la mariée contenait ce réseau de transport de gaz, que nous avions presque donné à GDF. Or, qu’a fait le GRTgaz du groupe GDF Suez quelques mois plus tard ? Il a revendu à la Caisse des dépôts – il ne pouvait y avoir que des actionnaires publics –, pour un montant de l’ordre d’un milliard d’euros, un réseau qu’il avait reçu pour quelques centaines de milliers de francs. Je n’ai pas les chiffres précis sous les yeux, mais à votre place, chers collègues de l’opposition, je ne serais pas fier de ce montage.

Je pourrais continuer à égrener une série de faits parfaitement exacts qui vous ont mené à une improvisation incessante en matière d’énergie. Aujourd’hui, nous discutons d’un texte solide, qui fixe un horizon clair,…

M. Julien Aubert. Non, il est myope !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …qui traite de l’ensemble des sujets et qui, dans le cadre des programmations pluriannuelles de l’énergie, nous amènera progressivement à modifier le mix énergétique français, en responsabilité et en transparence devant le Parlement. C’est quand même une autre façon de faire que celle que vous avez utilisée pendant de nombreuses années ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Tout à fait !

M. le président. Sur l’amendement n1871, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Sordi.

M. Michel Sordi. J’ai interrogé ma permanence parlementaire, et je veux d’abord rassurer M. Baupin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe écologiste.) L’arrêt de la tranche n2 de Fessenheim n’est pas un incident, pas même un écart de sûreté – il ne sera même pas classé au niveau 0 – mais un arrêt pour maintenance qui a été annoncé à la commission locale d’information et de surveillance le 2 octobre. Arrêtons de faire peur, monsieur Baupin !

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous êtes d’accord avec moi, les deux réacteurs de Fessenheim sont arrêtés !

M. Michel Sordi. L’autre réacteur est en maintenance. Arrêtez de faire peur !

Quels sont celles et ceux qui ont visité la centrale de Fessenheim ? J’invite Mme la ministre et tous mes collègues à faire le déplacement. M. Bataille avait répondu à mon invitation, de même que M. Brottes. Quant à M. Baupin, il avait fallu le tirer… (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous êtes gonflé ! C’est scandaleux !

M. Michel Sordi. J’ai dû vous le demander, monsieur Baupin…

M. Denis Baupin, rapporteur. J’y suis allé en qualité de rapporteur de la commission d’enquête relative aux coûts de la filière nucléaire !

M. Michel Sordi. C’est moi qui ai demandé à ce que cette visite soit organisée, et je vous remercie d’avoir accepté. (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Michel Sordi. J’invite tous mes collègues à se rendre sur place, car la meilleure manière de juger de l’état d’une installation, c’est encore de se déplacer et d’aller la visiter du haut en bas, du grenier à la cave, pour y faire des observations. Comme celles et ceux qui connaissent l’installation, celles et ceux qui viendront la visiter s’apercevront qu’elle ne ressemble en rien à la caricature qu’en fait M. Baupin, dont je trouve les rires un peu déplacés.

Je veux aussi répondre à Mme Duflot, qui prétend que le démantèlement des installations nucléaires va créer de l’emploi. Je réfute cet argument. On procède à des démantèlements depuis des années, comme nous avons pu le constater avec M. Brottes quand nous nous sommes déplacés dans la vallée du Rhône, où des centrales de première génération au graphite ont été démontées.

M. Jean-Paul Chanteguet. Oui, mais le démantèlement est maintenant terminé !

M. Michel Sordi. Des chantiers de démantèlement sont en cours. La technologie est donc maîtrisée : il ne s’agit pas de nouveaux métiers. On ne créera pas des dizaines de milliers d’emplois. Ces chantiers s’étalent dans la durée et utilisent, en réalité, peu de main d’œuvre.

Par ailleurs, nous sommes bien sûr tous favorables aux énergies renouvelables. Ce qui me choque, c’est que l’on décide d’arrêter deux tranches de centrale dans le cadre d’un accord électoral. La fermeture de Fessenheim était une promesse du candidat Hollande, elle résulte d’un accord électoral mais ne correspond pas à la réalité technique et financière de la centrale. Voilà ce que je regrette. Cette mesure risque de coûter 5 milliards d’euros à EDF, donc aux contribuables et à celles et ceux qui paient chaque mois leur facture d’électricité. Pour de la pure idéologie, ce n’est pas acceptable.

Tout à l’heure, M. Baupin a évoqué la balance des exportations et importations d’électricité entre l’Allemagne et la France. Il est vrai que l’année dernière, quantitativement, nous avons importé d’Allemagne un peu plus d’énergie que nous n’en avons exporté. Mais il faut tout dire. Ainsi, lorsque les Allemands produisent trop d’énergie éolienne, il faut qu’ils s’en débarrassent et nous la leur achetons à un prix modeste. Au contraire, quand l’éolien est à l’arrêt ou qu’il fait très froid, nous leur vendons de l’énergie nucléaire à un prix fort. Voilà la réalité : il ne faut pas seulement prendre en compte les quantités, mais également les sommes qui s’y rapportent ! Arrêtons de déformer en permanence les propos des uns et des autres !

Comme je l’ai déjà dit à Mme la ministre, des appels d’offres portant sur des installations photovoltaïques ont été lancés à l’échelle nationale, mais pas un seul projet n’est situé au nord de la Loire. Ils sont concentrés au sud, bien sûr, car il y a plus de soleil qu’au nord ! Si vous voulez fermer des centrales, laissez donc aux régions concernées – j’en reviens à la notion de région – l’opportunité de répondre et de définir leurs projets d’investissements.

Voilà ce que je voulais dire et à l’intention de M. Baupin, je vais répéter un certain nombre de choses, car il a l’impression que nous sommes parfois des antinucléaires.

Mme Geneviève Gaillard. C’est l’impression que vous donnez !

M. Michel Sordi. Je suis maire depuis 1995 et dans ma commune, monsieur Baupin, j’ai fait du photovoltaïque – 2 000 mètres carrés. J’ai développé un chauffage réseau urbain, pour 15 000 habitants, de la cogénération au gaz. Je vais inaugurer une chaudière biomasse. J’ai réalisé deux usines hydroélectriques sur un canal usinier.

Mme Geneviève Gaillard. Vous en faites des choses !

M. Michel Sordi. J’ai donc fait ce qu’il fallait. Qu’avez-vous fait, vous, en tant qu’adjoint aux transports à la Ville de Paris pour améliorer la qualité de l’air et lutter contre les émissions de CO2 ? (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Denis Baupin. On peut en parler.

M. Michel Sordi. Donneur de leçons !

M. Denis Baupin. Scandaleux !

M. le président. Évitez les mises en cause personnelles !

La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je constate qu’avec notre débat sur l’énergie, les esprits s’échauffent (Sourires) et que le réseau de chaleur pourrait utiliser cette énergie renouvelable ! (Sourires)

J’ai également constaté une asymétrie dans la majorité : une hypermnésie du président Brottes et une forme d’amnésie de la part des écologistes qui ne se souviennent plus vraiment de ce qui s’est passé durant ces deux dernières années. Je mets cela sur le compte de la fatigue et par conséquent, bon soldat, l’UMP propose une pause de dix minutes afin que tout le monde retrouve ses esprits, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-huit heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette que le président de la commission spéciale ne nous ait pas encore rejoints, car je souhaiterais lui dire – sans esprit polémique, comme lui-même sait le faire avec sa grande expérience – que la majorité actuelle n’a pas de leçons à donner aux éventuelles majorités successives en matière d’héritage dans le domaine de la gestion des entreprises publiques : je pense par exemple au montage des trois établissements publics à caractère industriel et commercial, ou EPIC,  avec notamment l’EPIC de tête, associant la SNCF et RFF, que vous venez de nous léguer.

En deuxième lieu, je tiens à rectifier également une affirmation égrenée depuis lundi et répétée aujourd’hui encore par Mme la ministre et par M. le président de la commission spéciale, mais qui a cependant été contrebalancée dès hier soir par M. Chassaigne, selon laquelle jamais la représentation nationale n’aurait été appelée à parler du nucléaire ; jusqu’à présent, tout aurait été fait dans la plus grande opacité, et ce serait grâce à la majorité actuelle que le nucléaire serait pour la première fois abordé en toute transparence aux yeux des  Français à la faveur d’un texte soumis à l’Assemblée nationale.

Or, mes chers collègues, comme le savent M. le président Brottes et de nombreux autres parlementaires qui étaient déjà présents, nous lui avons consacré soixante-quatre articles de la loi n2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et la sécurité en matière nucléaire, qui a animé notre assemblée durant plusieurs jours et plusieurs nuits. Là encore, vous ne pouvez pas affirmer que c’est aujourd’hui la première fois que, grâce à vous, le nucléaire serait abordé.

Enfin, je tiens à dire à M. le président de la commission spéciale, afin que cela figure au compte rendu de nos débats, que le résumé qu’il a fait de la question de l’hydroélectricité est un peu fort de café. Chers collègues de l’UDI, vous savez en effet que nous avions décidé, avec M. Jean-Louis Borloo, d’aller vers l’harmonisation de l’hydroélectricité, où les concessions avaient alors des durées différentes. Ces durées n’ayant pu être harmonisées à l’époque, M. Borloo avait proposé et obtenu un compromis pour attendre cette harmonisation.

J’en viens maintenant à l’amendement dont nous débattons, et je tiens à saluer nos collègues de l’UDI, ainsi que M. Damien Abad, puisque nous avons un amendement en commun. La parfaite démonstration de M. de Courson rejoint celle que nous n’avons cessé de développer depuis hier soir pour ce qui concerne la date de 2025, le pourcentage de 50 %, l’accord politique, rappelé par M. de Courson et reconnu par les écologistes, et le coût de l’électricité, car ce qui nous préoccupe in fine est son impact sur la facture énergétique de nos concitoyens.

Or, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, ce qui nous sépare, est le « pari sur l’avenir » que vous avez évoqué tout à l’heure à propos du développement des énergies alternatives qui doit compenser la réduction de la part occupée aujourd’hui par le nucléaire. Monsieur Brottes, je vous ai également entendu dire qu’on en serait « capable ».

Il y a là une différence essentielle : sur le fond, nous sommes d’accord, mais peut-on prendre un risque quant à l’alimentation et à l’indépendance énergétiques de notre pays ? Peut-on faire un « pari » à propos de cet enjeu majeur pour la position de la France en Europe et dans le monde, pour l’industrie de notre pays, pour la filière énergétique et, in fine, pour la facture d’électricité de nos concitoyens qui, comme l’a très justement relevé M. de Courson, augmenterait de 20 %, voire de 30 % ou 40 % ? À cette question que nous cessons de marteler en commission et dans cet hémicycle, nous n’avons pas de réponse technique, rien qu’une forme d’idéologie sans réalité que l’on nous jette au visage.

Madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, madame la rapporteure, mes chers collègues de la majorité, vous avez encore de nombreux articles et de nombreuses heures de séance pour nous apporter des réponses précises et, si cette augmentation n’est pas votre objectif, de nous rassurer et de rassurer les millions de Françaises et de Français inquiets des répercussions de ce texte de loi.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Vous aurez du mal, monsieur Saddier, à trouver un vote du Parlement sur le lancement du programme électronucléaire français. Je n’ai certes pas eu le temps, en vous écoutant, de procéder à une recherche historique sur ce point, mais si vous trouvez un tel vote, je serais heureux de le savoir…

Monsieur de Courson, je citerai trois chiffres, car vous en avez demandé et, pour vous avoir côtoyé pendant cinq ans, de 2007 à 2012, au sein de la commission des finances, je sais que vous êtes rigoureux en la matière.

Chers collègues de l’UMP, entre 2007 et 2012, années où vous étiez aux responsabilités, je ne pense pas que vous ayez souhaité réduire la part du nucléaire ni développer les énergies renouvelables, car vous avez étranglé successivement l’éolien et le solaire. Durant cette période, les tarifs de l’électricité pour les particuliers ont augmenté de 6,3 % par an, soit en cinq ans 35 % d’augmentation de la facture pour les Français ! C’est concret, précis et irréfutable. Vous le voyez, monsieur de Courson, les chiffres que vous avanciez tout à l’heure pour faire peur sont donc finalement en ligne avec ce qui s’est produit ces dernières années.

Pour ce qui est des coûts de production de l’électricité nucléaire, je rappelle que la Cour des comptes a fourni des chiffres à la commission d’enquête sur les coûts du nucléaire – commission pluraliste, comme toutes les commissions d’enquête parlementaires. Il me semble du reste que M. Sordi a participé aux travaux de cette commission, ce qui aurait pu lui éviter de dire tout à l’heure une grosse contrevérité. La commission d’enquête s’est en effet rendue, à la demande de son président, M. François Brottes, et de son rapporteur, M. Denis Baupin, sur le site de la centrale de Fessenheim, ce que n’avait jamais fait aucune délégation parlementaire. J’en reviens aux chiffres : selon la Cour des comptes, les coûts de production de l’électricité nucléaire ont augmenté de 21 % sur les trois dernières années. Ce ne sont pas là des élucubrations sur le futur, mais la réalité constatée.

Quant aux investissements nécessaires pour prolonger la durée de vie des centrales – car telle est la voie dans laquelle veulent absolument s’engager certains de nos collègues – ils s’élèvent, selon les chiffres de la Cour des comptes, à 110 milliards d’euros. Voilà un chiffre concret.

Le choix est donc devant nous, et tel est l’objet de cette loi : soit nous investissons ces sommes colossales, et nous les faisons payer à nos compatriotes sur leur facture d’électricité, pour prolonger le fonctionnement de vieilles centrales parvenues en fin de vie – car leur durée de vie prévue était de 40 ans, âge qui sera celui de Fessenheim en 2017 – ; soit on investit pour disposer d’un mix énergétique beaucoup plus équilibré et pour que la France puisse enfin profiter des centaines de milliers d’emplois qui peuvent être créés dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie. Monsieur Sordi, je n’ai pas entendu ne fût-ce que le son de votre voix lorsque près de 15 000 emplois ont été supprimés par une simple décision politique qui n’a fait l’objet d’aucun débat dans cette assemblée – il s’agissait en effet d’un décret pris par Mme Kosciusko-Morizet – et qui a tué la filière solaire en France. Jamais jusqu’alors un secteur économique n’avait fait l’objet d’un moratoire imposé par décret, rayant de la carte 13 000 emplois. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je tiens à exprimer mon désaccord avec la position de Mme la ministre et de M. le président de la commission spéciale, pour qui l’amendement est satisfait.

Se fixer pour objectif de « réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité de 50 % à l’horizon 2025 », comme le fait l’alinéa 2 de l’article 1er, n’est pas la même chose que de viser à réduire la part du nucléaire en fonction de l’amélioration des performances économiques et techniques des énergies renouvelables. Ce sont là deux évolutions différentes. Notre volonté est en effet de lisser le processus dans le temps, et, plutôt que de mettre en place des objectifs a priori, de prendre en compte les évolutions techniques et les performances économiques du secteur des énergies renouvelables, afin d’éviter ce que vous-même avez dénoncé, à savoir les effets « stop-and-go », les allers et retours auxquels ont donné lieu certaines énergies renouvelables.

Cet amendement est un amendement de bon sens, un amendement pragmatique qui permettra précisément de sortir du faux débat, de la fausse querelle sur le chiffre arbitraire, ni justifié, ni justifiable, d’une réduction de 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité à l’horizon 2025. Les meilleurs objectifs sont ceux qui sont atteignables, réalistes et pragmatiques, non pas ceux qui créent des ambitions qui débouchent, hélas, trop souvent sur des frustrations.

En outre, le groupe UMP croit à l’idée de l’évolution technologique et de la performance économique. Le nucléaire lui-même évolue en termes de sûreté, de sécurité et de renouvellement de son parc. Au-delà de la question de savoir s’il faut fermer ou non des réacteurs, ce qui m’inquiète est la modernisation de nos centrales, ou plutôt le non-engagement de cette modernisation, votre volonté de non-renouvellement, c’est-à-dire la perte de notre dernier avantage comparatif par rapport, entre autres, à l’Allemagne.

Ce serait dommage, et je serais heureux de connaître l’avis de votre secrétariat d’État au commerce extérieur sur cette remise en cause de la filière nucléaire. Comment vendre ce nucléaire à l’étranger si nous-mêmes nous imposons en France des contraintes et des barrières dans ce domaine ? Comment justifier et valoriser ce qui est un atout majeur à l’exportation, au même titre que le luxe ou l’aéronautique, tout en affirmant que ce qui est bon pour nos clients n’est pas bon pour nous ? Le signal donné à nos entreprises et à notre filière et un signal négatif. Vous voulez polariser le débat sur des objectifs chiffrés qui, on l’a bien compris, sont issus d’un compromis entre les différents pans de la majorité et ne permettent pas de répondre aux attentes des différents acteurs.

Je respecte votre position, mais je ne puis entendre que cet amendement serait satisfait, comme si on s’était mis d’accord en décrétant un consensus. Un consensus ne se décrète pas : il se crée. C’est notamment le cas du consensus énergétique, qui se crée par des volontés communes et par des propositions qui vont dans le même sens. Force est de constater qu’aujourd’hui – ne vous en déplaise, madame la ministre – ce consensus est rompu, et qu’il ne l’est que pour de funestes raisons idéologiques, et non pas en raison d’une divergence de choix stratégiques. On le regrettera vite et l’on se rendra compte que ce texte est soit contre-productif, soit totalement inefficace, qu’il ne sera pas appliqué et qu’il sera rapidement corrigé dans l’avenir.

Vous nous avez demandé tout à l’heure de faire des compromis. Or, la rédaction que nous proposons pour l’alinéa 28, qui ne correspond pas à notre souhait final, exprime notre volonté de retrouver le consensus énergétique qui caractérisait la France et assurait à notre pays un avantage comparatif aujourd’hui remis en cause, avec les conséquences que cela peut avoir à terme pour l’ensemble de notre filière.

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Franchement, l’inscription dans la loi de l’objectif de 50 % d’énergie nucléaire en 2025, c’est vraiment la grosse blague de l’année, madame la ministre ! Personne n’y croit ! C’est impossible !

Puisque nous sommes là, à bavarder en cette fin d’après-midi, je vais vous faire une confidence. Je ne sais pas si c’est vous qui êtes à l’origine de cette proposition du parti socialiste, avec les Verts, mais j’avoue que lorsque j’en ai pris connaissance, je me suis dit : « c’est fortiche, et c’est cohérent avec leur stratégie ! »

Vous étiez en effet favorable à un fort développement des énergies renouvelables. Réduire ainsi la part de l’énergie nucléaire d’ici 2025 signifiait, me suis-je dit, que vous alliez faire un carton avec les énergies renouvelables ! Car il n’y a pas trente-six solutions pour y parvenir : faire des économies d’énergie, ou accroître la part des énergies renouvelables.

Mauvaise pioche ! Depuis deux ans et demi, en matière d’énergies renouvelables, c’est la catastrophe ! Excusez-moi de vous le dire ainsi ; nous en débattrons plus tard si nous en avons encore le temps. On supprime le principe de bonification des tarifs d’achat de l’électricité et l’on constate que l’on a complètement décroché ces dernières années.

François de Rugy objectera que c’est en raison du moratoire sur le photovoltaïque, décidé sous l’ancienne majorité. Ne refaisons pas l’historique, tout le monde connaît la raison de ce moratoire : en un ou deux ans de temps, nos objectifs en matière de photovoltaïque avaient doublé. Une pause s’est donc imposée. À l’époque, vous nous aviez dit : « Quand nous reviendrons au pouvoir, vous allez voir ce que vous allez voir ! » On a vu ce qu’on a vu : en matière de photovoltaïque, il n’y a plus rien. Quant à l’énergie éolienne, ce n’est pas compliqué : il n’y en a pas davantage, il y en a même moins qu’auparavant.

Vous savez d’ailleurs très bien que le syndicat des énergies renouvelables estime qu’à ce rythme, la part des énergies renouvelables atteindra à peine 17 % en 2020, bien en deçà de l’objectif de 23 % fixé par le Grenelle de l’environnement. Jamais vous ne parviendrez à compenser la chute draconienne de la part de l’énergie nucléaire par le développement des énergies renouvelables ! Et, reconnaissez-le, vous n’avez pas le courage d’augmenter le tarif de l’électricité. Pour parvenir à un tel taux d’énergies renouvelables, ce n’est pas une augmentation annuelle de 5 % qu’il faut, mais de 10 % !

J’ai donc pensé que, pour arriver, sans énergies renouvelables, à réduire la part de l’énergie nucléaire à 50 %, vous deviez avoir un truc. J’ai imaginé que vous vouliez « cartonner » avec les économies d’énergie. Manque de chance, madame la ministre, vos déclarations sur les certificats d’économie d’énergie – on ne veut pas d’écologie « punitive », on ne veut pas faire d’efforts –, qui d’ailleurs ont fait bondir à de nombreuses reprises les membres écologistes de votre majorité, montrent bien que votre solution n’est pas là.

Je me suis alors dit : ce ne sont pas les énergies renouvelables, ce ne sont pas les certificats d’économie d’énergie, donc il doit y avoir autre chose. C’est forcément les politiques sectorielles, et j’ai pensé que vous alliez mettre le paquet sur le logement, en obligeant à des rénovations beaucoup plus importantes. Mais là encore, quelle déception ! 160 000 logements anciens rénovés par an : jamais on n’a connu un chiffre aussi faible. Peut-être alliez-vous infléchir la politique des transports ? Mais avec une déclaration telle que celle que vous avez faite tout à l’heure, madame la ministre, qui revient à un saccage de l’écotaxe poids lourds, vous partirez du Gouvernement avec un boulet que vous traînerez toute votre vie – le milliard d’euros que l’État devra rembourser à Ecomouv’ – sans que rien ne puisse plus se faire en matière d’infrastructures de transports.

Cherchez l’erreur ! Il aurait fallu renoncer à une promesse de campagne intenable. L’amendement de Charles Amédée de Courson est tout simplement un amendement de cohérence : jamais la part du nucléaire ne sera de 50 %. Vous pouvez vous consoler, chers collègues de l’UMP : ce risque ne sera jamais pris, puisque l’on ne fermera jamais nos centrales, au rythme où nous en sommes. Peut-être même en ouvrira-t-on d’autres !

Non, madame la ministre, cette loi n’accélère pas le changement de notre modèle énergétique. C’est un petit pas, accompagné de beaucoup de cafouillages et d’erreurs. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai avec enthousiasme l’amendement de notre collègue Charles Amédée de Courson !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais d’abord vous dire, madame la ministre, que mon amendement n’est pas satisfait, puisqu’il vise à se substituer à l’objectif des fameux 50 % en 2025. Je ne le retirerai donc pas.

Pour la quatrième ou la cinquième fois, je vous demande de nous dire de combien il faut augmenter le tarif d’électricité pour atteindre l’objectif de la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % en 2025. M. de Rugy a rappelé que le tarif avait déjà augmenté de plus 6 % par an ces cinq dernières années, soit de 35 % au total. M. Pancher a indiqué que, selon les experts, l’augmentation devait être d’au moins 10 % par an. Pouvez-vous répondre à cette question, puisqu’elle ne figure pas dans l’étude d’impact ?

M. Martial Saddier. C’est incroyable !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, si un tel objectif est maintenu, il faudra fermer, avec votre hypothèse de croissance à 1,8 %, 19 réacteurs nucléaires. Deuxième question à laquelle vous n’avez pas encore répondu : faudra-t-il indemniser le producteur, c’est-à-dire EDF ? Si oui, quel est l’ordre de grandeur du coût de l’indemnisation de la fermeture de 19 réacteurs ? Nous aimerions enfin obtenir une réponse sur un problème aussi grave !

Monsieur le président Brottes, vous êtes quelque peu excessif lorsque vous dites que ce projet de loi est un grand texte sur la politique énergétique. Pourrais-je vous rappeler, cher collègue, que 65 % du bilan énergétique français sont composés de gaz et de pétrole, et que le texte ne contient pratiquement rien là-dessus ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Si !

M. Charles de Courson. Non, pas du tout. Le projet de loi porte à plus de 80 % sur les problèmes d’électricité. Alors, ne dites pas qu’il s’agit d’un grand texte ! Par ailleurs, vous ne répondez pas à toutes mes objections, et tentez de vous en tirer en critiquant le bilan du gouvernement précédent.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Lequel a laissé des traces !

M. Charles de Courson. Mais cela fait déjà deux ans et demi que vous êtes au pouvoir ! Vous ne pouvez pas vous en tirer comme cela, vous devez répondre aux questions.

Vous ne voulez pas vous attaquer aux problèmes de fond, qui ont trait à l’économie, à l’équilibre, dans l’espace et le temps, entre l’offre et la demande d’électricité. En d’autres termes : comment peut-on avoir un système régulé, au tarif le plus bas pour le consommateur ? C’est cela, une bonne politique énergétique !

Enfin, monsieur de Rugy, vous avez évoqué le rapport de la Cour des comptes, mais en omettant de rappeler quelques chiffres, tant sur le nucléaire que sur l’éolien et le solaire. La Cour des comptes n’a pas dit que le coût de l’éolien, même dans ses formes les plus évoluées, était strictement identique au coût de revient complet – y compris les études, déjà financées – du nucléaire. Il y aura donc un surcoût.

Si j’ai bien compris, votre intervention consiste à dire : « on a bien augmenté les tarifs de 6 % par an pendant cinq ans ; continuons, mais probablement à un rythme supérieur. »

M. François de Rugy. J’ai dit qu’il fallait sortir de cette spirale !

M. Charles de Courson. Peut-être connaissez-vous mieux que la ministre la réponse à la question que je lui ai posée ? Personne dans la majorité, jusqu’à présent, n’a osé y répondre. Cela n’est pas convenable, s’agissant d’un débat aussi grave et sérieux.

Enfin, vous parlez de la prolongation des centrales. Peut-être faudra-t-il en prolonger un certain nombre ; peut-être n’aura-t-on pas besoin de toutes les centrales ? Cela dépend de l’évolution de l’offre. Je ne suis pas de ceux qui prônent le zéro nucléaire, ni de ceux qui visent le 50 %.

Mais savez-vous quelle sera la demande d’énergie électrique en 2025 ? Pensez-vous qu’elle aura baissé ? Ce n’est pas ce que dit le texte, qui table sur une quasi stabilité des besoins, autour de 40 millions de tonnes équivalent pétrole, comme le montre le schéma page 52 du rapport. Si vous retenez cette hypothèse, alors il faut aller encore plus loin. Tout cela n’est pas cohérent.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin, rapporteur. J’invite tous ceux qui ont entendu Bertrand Pancher se lancer dans un grand plaidoyer en faveur de l’écologie et des énergies renouvelables à relire ses interventions contre nos amendements à la proposition de loi Brottes, sur la simplification de l’éolien.

Monsieur de Courson, en matière de coûts, la comparaison est vite faite entre le nucléaire et l’éolien. Le coût du mégawatt heure de l’EPR – dont la construction en Grande-Bretagne vient malheureusement d’être autorisée par la Commission européenne, ainsi que l’a indiqué Mme la ministre – sera, avec un tarif garanti, de 110 euros. Le coût du mégawatt heure éolien est de 80 euros. Même si l’on y ajoute le coût de stockage pour les énergies variables, qu’EDF chiffre à 10 euros du mégawatt heure, il reste largement inférieur au coût de l’énergie produite par l’EPR.

Je veux remercier M. Sordi, qui a eu l’honnêteté de reconnaître que l’Alsace n’était pas encore revenue à la bougie depuis que les deux réacteurs de Fessenheim ont été arrêtés, il y a de cela cinq jours. Nous ne sommes donc pas dans une situation où la fermeture des réacteurs de Fessenheim serait une catastrophe pour le fonctionnement électrique de l’Alsace !

M. Michel Sordi. Cessez donc !

M. Martial Saddier. Nous ne sommes pas en plein hiver !

M. Denis Baupin, rapporteur. Puisque vous pouvez vous prévaloir d’un contact aussi rapide, monsieur Sordi, n’hésitez pas à demander à l’exploitant quelle a été sa réponse à la lettre comminatoire que l’Autorité de sûreté nucléaire lui a adressée le 24 avril, suite à l’inondation survenue dans la centrale. Cela bénéficierait à l’information de tous.

S’agissant du récit de la visite que nous avons effectuée à Fessenheim avec le président Brottes, j’ai bien noté que votre fébrilité vous avait amené à tenir des propos qui, je l’espère, ont dépassé votre pensée et qui surprennent de la part d’un homme aussi courtois que vous. Je regrette que davantage de députés UMP n’aient pas participé à cette visite.

Mme Arlette Grosskost. Beaucoup y sont allés !

M. Julien Aubert. Nous nous y sommes rendus sans vous !

M. Denis Baupin, rapporteur. Si cette centrale est aussi extraordinaire, ils auraient pu tous venir se rendre compte à quel point les autres sont vieillottes. Pour ma part, j’ai trouvé cette visite très instructive, et je suis fier qu’elle ait pu avoir lieu à la suite d’une demande de commission d’enquête du groupe écologiste.

M. Damien Abad. C’est M. Sordi qui l’a demandée !

M. Denis Baupin, rapporteur. Cette visite sur le terrain a permis de rencontrer les syndicalistes et les collectivités territoriales. Nous avons pu nous rendre compte, comme l’a expliqué Cécile Duflot tout à l’heure, qu’un accompagnement social et territorial serait nécessaire lors de la fermeture des installations. Cela a été le cas pour le réacteur Superphénix.

J’ai déposé un amendement, que je défendrai vendredi – j’espère que vous serez encore là pour le voter – afin que l’État rende un rapport sur l’accompagnement des fermetures. Qu’elles interviennent au bout de quarante ou de soixante ans, ces fermetures auront lieu de toute façon, et il faudra accompagner les territoires, les salariés et leurs familles. Cela est légitime et doit être pris en compte par les pouvoirs publics, s’ils veulent être à la hauteur de leurs responsabilités.

Enfin, monsieur Sordi, je suis très heureux que vous vous intéressiez à Paris et à l’impact de la politique que nous avons menée contre le dérèglement climatique. J’ai eu l’honneur d’être le maire adjoint aux transports de cette ville, et je peux vous dire que vos collègues de l’UMP ont combattu le tramway, les vélib’, les couloirs de bus et les pistes cyclables. Pendant que nous mettions en place cette politique, Mme Kosciuzko-Morizet, au Gouvernement, faisait tout pour que l’on accélère la dieselisation du parc automobile. Alors oui, nous sommes fiers de ce que nous avons pu faire à Paris. Cela ne préjuge en rien de ce que vous avez pu accomplir dans votre propre ville et sur votre propre territoire, en matière de lutte contre le dérèglement climatique, mais je pense que nous n’avons pas vraiment de leçons à recevoir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Monsieur Saddier, je voudrais rectifier vos propos concernant l’hydroélectricité, sujet que je connais un peu. Le président Brottes a expliqué ce qui s’était passé lorsque nous avons transformé l’entreprise EDF en SA. Nous aurions dû prolonger l’ensemble des concessions hydroélectriques du parc, comme l’ont fait de nombreux pays européens, pour ne pas nous trouver dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, à nous questionner sur le renouvellement des concessions et sur la manière de conserver cette industrie d’excellence qu’est l’hydroélectricité française.

M. Borloo s’était engagé en 2010 à renouveler par remises en concurrence successives l’ensemble des concessions hydroélectriques dès leur arrivée à échéance, c’est-à-dire sans harmonisation de date, ni logique de chaîne hydroélectrique. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Je vous assure que cela s’est bien passé ainsi. Vous pouvez d’ailleurs le demander à M. Straumann qui a rédigé avec moi le rapport d’information relatif à l’hydroélectricité. Vous y retrouveriez, parmi les observations sur lesquelles nous avions insisté, la liste des inconvénients que présentait cette remise en concurrence pure et simple. Nous avons d’ailleurs réfléchi ensemble aux moyens de s’attaquer au renouvellement des concessions hydro-électriques en s’adaptant à la spécificité de chacune des vallées pour préserver cette industrie dont l’excellence est reconnue internationalement. Je voulais vous apporter cette précision pour corriger vos propos.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je voudrais, rapidement, réagir aux propos de maître d’école de M. de Courson qui nous demande pourquoi nous ne sommes pas plus précis. Rappelons tout de même que la facture de la consommation d’énergie d’une entreprise, comme d’un ménage, comporte deux éléments, le volume de consommation et le prix de la consommation. Par conséquent, lorsque l’on s’engage dans une démarche volontariste de réduction significative de la consommation, l’augmentation du prix n’entraîne pas forcément celle de la facture. J’espère que mon raisonnement n’est pas trop compliqué à suivre.

M. Charles de Courson. Il n’est pas exact.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’invoquerai ensuite l’héritage, au risque d’agacer les nouveaux.

M. Julien Aubert. Ah ! Un peu d’archéologie !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur Aubert, l’EPR de Flamanville est-il un site archéologique ?

M. Julien Aubert. C’est l’avenir !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Comment se fait-il que l’ancienne majorité, initiatrice de l’opération, ait annoncé un coût de 3 milliards alors que nous en sommes à 8 milliards ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Parce que cela coûte cher, le nucléaire !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je ne fais de reproche à personne parce qu’il s’agissait d’un prototype et que, compte tenu des exigences nouvelles, l’évaluation était difficile ; mais lorsque vous prétendez que vous auriez pu être meilleurs que nous en l’espèce et chiffrer le coût de l’opération, vous oubliez que vous-mêmes, vous n’avez pas su faire preuve de précision à l’époque et que tout n’est pas si simple.

Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes, tellement cité par M. de Courson, nous délivre deux informations, l’une que nous devons regarder en face et l’autre qui a réjoui nos amis écologistes. Tout d’abord – je parle sous le contrôle de Denis Baupin qui a appris ce rapport par cœur (Sourires) –, l’État n’ayant jamais décidé de renouveler le parc des centrales les plus anciennes, nous sommes obligés de les prolonger si nous voulons qu’elles continuent à exister car la décision de renouvellement n’a pas été prise en temps utile. Héritage !

En effet, compte tenu des échéances, si l’on veut que les réacteurs continuent à tourner, la décision de prolongation prévaut et pas celle de renouvellement en raison du temps nécessaire pour instruire et investir dans un renouvellement.

M. Martial Saddier. Héritage de plusieurs majorités !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pardonnez-moi de vous rappeler, monsieur Saddier, que vous avez détenu le pouvoir pendant dix ans. J’ai souffert assez longtemps dans l’opposition pour ne pas l’avoir oublié.

M. Martial Saddier. Préparez-vous, on revient !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Deuxième élément qui pourrait réjouir les écologistes, en particulier Denis Baupin, la Cour des comptes a conclu à une augmentation du coût de production nucléaire depuis le dernier rapport. Vrai ou faux ?

M. Denis Baupin. Oui, nous en sommes bien tristes.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Pourquoi ? Parce que les durées d’arrêt pour maintenance sont plus longues qu’elles ne l’étaient par le passé. Si l’on fait le ratio entre le temps de production réel et le nombre de kilowattheures produit, il est normal que la réduction du temps de production conduise à l’augmentation du prix du kilowattheure. C’est une conséquence du vieillissement. Là encore, j’invoquerai l’héritage.

Monsieur de Courson, vous nous demandez d’évaluer les coûts pour l’avenir. L’on vous répond globalement qu’il est nécessaire de considérer plusieurs aspects de la question, mais je vous renvoie à vos propres turpitudes. Pendant dix ans, entre le coût de l’EPR, l’absence de décision de renouvellement, l’allongement des périodes d’arrêt, vous avez assumé une augmentation significative du coût de la production nucléaire dans ce pays.

Mme Clotilde Valter. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Peut-on véritablement comparer le problème d’un prototype expérimental comme l’EPR avec les mesures que vous proposez ? Je ne le crois pas.

M. Denis Baupin. Expérimental ?

M. Julien Aubert. Oh, disons que c’est le premier prototype, le premier de la série en France si vous préférez. Il n’est jamais bon de se tromper dans un devis.

M. Jean-Yves Caullet. Cela peut arriver.

M. Julien Aubert. Cela étant, toute personne qui a un jour entrepris des travaux chez elle sait que la facture peut être différente du devis et qu’il faut rester prudent.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Vous avez des spécialistes à l’UMP !

M. Julien Aubert. Je vois que vous avez envie de parler de l’affaire Cahuzac, mais vous ne m’attirerez pas sur ce terrain.

M. Jean-Yves Caullet. Dans les campagnes électorales, cela arrive aussi….

M. Julien Aubert. Je ne veux pas polémiquer avec vous, monsieur le président Brottes.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Moi non plus.

M. Julien Aubert. Oui, le coût a dérapé, mais notons tout de même que, s’il n’est jamais bon de se tromper dans le budget, vous ne pouvez pas comparer la mise en place d’un premier réacteur et la fermeture d’un réacteur, car, dans ce dernier cas, le coût n’est pas seulement budgétaire, il est aussi social. L’EPR crée de l’activité économique, de l’emploi. Certes, nous pouvons déplorer un dérapage budgétaire mais au moins aura-t-il contribué à la croissance dans notre pays. En revanche, lorsque l’on réduit la voilure, il est intéressant de se poser la question du coût global pour la société.

J’en profite, puisque vous avez asséné à mon émérite collègue Charles de Courson toute une série de chiffres, pour vous rappeler que vous n’avez pas fourni beaucoup d’efforts pour chiffrer le coût de la réduction d’un tiers de la production nucléaire. À ma connaissance, à aucun moment vous ne vous êtes risqués à mettre un orteil sur un début de commencement d’évaluation d’impact.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On a chiffré la prolongation, c’est pareil.

M. Julien Aubert. Non car chiffrer la prolongation, c’est chiffrer l’alternative. La prolongation, nous l’évaluons à 35 milliards d’euros.

Mme Cécile Duflot. Et allons-y !

M. Julien Aubert. Mais oui ! La Cour des comptes l’évalue à 110 milliards d’euros, mais j’ai déjà expliqué à M. Baupin, qui souffre vraiment d’amnésie à court terme, que ce chiffrage prenait en compte le coût du Grand Carénage proprement dit et des investissements que l’on devait forcément réaliser en parallèle. Je maintiens par conséquent mon chiffre de 35 milliards d’autant plus qu’il ne vient pas de moi – je n’ai malheureusement pas vos compétences – mais de l’Union française de l’électricité.

Quant au scénario exploratoire, je vous l’ai dit à plusieurs reprises, 190 milliards d’euros d’éolien et de photovoltaïque seraient nécessaires pour remplacer 20 gigawatts de nucléaire. Ce chiffre provient d’un scénario pensé par l’Union française de l’électricité à partir des chiffres de la commission de régulation de l’énergie, la CRE, et de la Cour des comptes. Expliquez-moi, à partir du calcul que je vous ai maintes fois décrit, quels éléments vous permettraient de contrebalancer mon chiffrage ? Pour le moment, l’opposition a un chiffrage et assume depuis le début le travail du Gouvernement : nous sommes obligés de colmater votre texte au dernier moment alors que vous avez mis deux ans à le rédiger, sans aucune étude d’impact. Nous faisons un effort de chiffrage – 190 milliards d’euros – mais le Gouvernement ne nous propose aucun contre-chiffrage ! Et pourtant, qui dispose des services du ministère ici ? Vous ou nous ?

Comment se fait-il qu’avec un assistant parlementaire, j’obtienne davantage d’informations sur le chiffrage que tout le ministère de Mme Royal ? C’est tout de même un comble !

Je ne vois qu’une réponse. Comme je crois les services de Mme Royal parfaitement compétents – il faudrait d’ailleurs leur rendre hommage car ils sont bien à plaindre de devoir accoucher d’une telle loi dans des conditions de travail aussi catastrophiques – c’est que Mme le ministre ne veut pas d’un contre-chiffrage, pas plus que le président Brottes.

En réalité, votre approche du nucléaire est exactement la même que votre approche du gaz de schiste. Vous faites des calculs économiques avec l’actif mais sans le passif, ce qui est beaucoup plus facile. D’un côté vous dénoncez le coût du nucléaire en allongeant à l’infini l’addition et les milliards, de l’autre vous annoncez des mesures que vous ne chiffrez pas. Et il faudrait vous croire sur parole !

Si l’on veut faire un calcul économique, il faut que le Parlement dispose des deux évaluations, celle de la poursuite du nucléaire et dans quelle proportion, et celle de vos mesures.

Comme je sens que les écologistes et vous êtes un peu mal à l’aise et que vous n’avez pas écouté ce que je vous ai dit la dernière fois, je vais vous répéter ce chiffrage afin que personne ne puisse prétendre que l’opposition ne fait pas son travail. Peut-être M. de Rugy, qui préfère en général rigoler sur les bancs, finira-t-il par proposer un contre-chiffrage, ou bien nous aurons une proposition de la majorité.

Rappelons les éléments du chiffrage : 20 gigawatts de nucléaire installé produisent 140 térawattheures d’électricité. Pour produire 140 térawattheures d’électricité, sur la base d’un 50/50 éolien/photovoltaïque, il faut fabriquer 70 térawattheures d’éolien, 70 térawattheures de photovoltaïque. Est-ce que tout le monde suit jusqu’à présent ? J’ai peut-être parlé trop vite la dernière fois mais j’ai aussi remarqué que vous n’écoutiez pas toujours.

Parce que le taux de disponibilité de l’éolien est plus grand que celui du photovoltaïque, il faut 35 gigawatts d’éolien pour produire 70 térawattheures d’éolien et 70 gigawatts de photovoltaïque pour fabriquer 70 térawattheures de photovoltaïque. Par conséquent, 70 gigawatts de photovoltaïque et 35 gigawatts d’éolien font 105 gigawatts d’énergie verte, pour remplacer 20 gigawatts de nucléaire.

Selon les comptes de la Cour des comptes et de la CRÉ, nous aboutissons à un coût total de 190 milliards d’euros. Ajoutons qu’en termes de physique, pour obtenir l’équivalent de 70 gigawattheures de photovoltaïque et selon le calcul que j’ai soumis aux spécialistes de l’Union française de l’électricité,….

Mme Cécile Duflot. Et la marmotte ?

M. Julien Aubert. Je ne comprends pas ce que la marmotte vient faire ici mais je vous laisse la responsabilité de vos propos. Vous avez un avantage, vous ne serez jamais contrôlés par la police du langage.

Selon mes calculs, 70 gigawatts de photovoltaïque représentent 657 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques ! Rappelons qu’il y a environ 1000 kilomètres carrés de toits orientés vers le sud, ce qui imposerait de recouvrir 70% des toits de ce pays par des panneaux photovoltaïques.

Inversement, 35 gigawatts d’éolien représentent 20 000 éoliennes. La France en compte environ 6 000 et je parle sous le contrôle de nos amis qui s’y connaissent mieux que moi. Par conséquent, il est proposé aux Français, dans ce projet de loi, de construire 20 000 éoliennes, 657 kilomètres carré de photovoltaïque, de dépenser 190 milliards euros pour financer l’ensemble, de démanteler vingt centrales avec un petit tarif calculé par M. Mariton de 5 milliards par centrale. Si l’on multiplie 5 milliards par 20, nous obtenons 100. En y ajoutant les 190, nous en arrivons à 290 : le compte est bon ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je regrette à nouveau que Mme la ministre ne réponde toujours pas aux questions qui lui sont posées : de combien le tarif de l’électricité augmentera-t-il ? On retrouve un brin de Coluche chez le président Brottes, c’est formidable.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est un compliment.

M. Charles de Courson. Il nous dit qu’il ne peut nous répondre parce qu’il ne sait pas. Vous allez tous voter en sachant que vous ne savez pas. C’est formidable ! Vous ne savez pas de combien augmentera le tarif de l’électricité si on porte la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Et que savez-vous, vous ?

M. Charles de Courson. Mais ce n’est pas ce que je vous propose, moi. Je n’ai donc pas à vous répondre sur des mesures que je ne propose pas et que je ne défends pas.

Deuxièmement, vous nous parlez du coût de l’EPR, nous accusant de n’avoir rien fait : vous tombez mal ! Les spécialistes de l’Assemblée – j’ai quelques amis dans cette noble maison – vous répéteront ce que j’ai toujours dit : l’EPR ne coûterait pas deux fois plus, mais plutôt trois fois plus que prévu ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Denis Baupin. Quelle surprise de vous l’entendre dire !

M. Charles de Courson. Je suis un homme libre ! Savez-vous seulement ce qu’est un homme libre ? J’en ai fait la preuve tout au long de ma vie politique : ce n’est pas parce que mon groupe pense de telle manière que je vote en conséquence ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je suis l’un des seuls membres de cette Assemblée qui ait voté deux fois contre un projet de loi de finances alors même que j’étais membre de la majorité ! Qui en a fait autant ici ? Qu’ils se lèvent ! Personne ne le fait. Mon indépendance d’esprit n’est donc pas en cause !

Ensuite, monsieur Brottes, vous nous reprochez de ne pas avoir fixé de délai de prolongation pour les réacteurs nucléaires. Et vous, qu’avez-vous donc fait ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Leur renouvellement !

M. Charles de Courson. Prolongation, renouvellement ou mélange des deux, peu importe : qu’avez-vous fait ? Voilà deux ans et demi que vous êtes au pouvoir…

M. Jean-Yves Le Déaut. Et vous l’avez été pendant dix ans !

M. Charles de Courson. … et, à chaque fois, vous vous défendez en nous reprochant d’avoir mal fait les choses. Vous êtes au pouvoir depuis deux ans et demi, monsieur Brottes !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Précisément, et nous faisons une loi. Nous y voilà !

M. Charles de Courson. Vous n’êtes plus dans l’opposition, monsieur Brottes !

M. Damien Abad. Assumez !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous agissons !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n1871.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants52
Nombre de suffrages exprimés51
Majorité absolue26
Pour l’adoption15
contre36

(L’amendement n1871 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 755 et 1683.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants52
Nombre de suffrages exprimés52
Majorité absolue27
Pour l’adoption15
contre37

(Les amendements identiques nos 755 et 1683 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n764.

M. Claude de Ganay. Les dix-neuf centrales nucléaires réparties dans toute la France sont ancrées dans les territoires. Chaque centrale contribue en moyenne à hauteur de 30 millions d’euros par an de taxes et d’impôts locaux et irrigue en emplois l’économie locale. Bon nombre des 2 500 entreprises de la filière sont implantées dans des territoires qui connaissent des difficultés économiques et industrielles.

Le système français comporte de nombreux mécanismes de solidarité entre territoires, par des échanges d’électricité et une péréquation tarifaire, à laquelle les Français sont très attachés. L’Association des maires de France a voté récemment à l’unanimité en faveur de la préservation de « cet outil de solidarité entre territoires urbains, ruraux et ultramarins ».

Le présent amendement tend à assurer une transition énergétique compatible avec le développement harmonieux des territoires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich.

M. Michel Heinrich. Je souhaite apporter quelques compléments à la discussion. Nous venons d’évoquer le manque d’études d’impact concernant le coût de fermeture d’une centrale. En l’occurrence, il s’agit tout de même de fermer dix-neuf réacteurs.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Mais où avez-vous donc vu cela ?

M. Michel Heinrich. Une étude de M. Rémy Prud’homme, professeur d’économie à l’Université de Paris-XII, démontre que la fermeture de la centrale de Fessenheim provoquerait la perte de près de 14 000 emplois, outre les 2 000 emplois situés sur place. Selon lui, en effet, cette centrale produit environ 13 millions de mégawatts-heure d’électricité à un coût extrêmement faible, de l’ordre de 25 à 30 euros par mégawatt. Cette énergie sera remplacée par celle que produisent des centrales à gaz ou des éoliennes, à des coûts allant de 70 à 150 euros par mégawatt, disons un coût moyen de 80 euros.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est de la science-fiction !

M. Michel Heinrich. Un simple calcul démontre donc que la production d’une électricité de remplacement coûterait en réalité 650 millions, ce qui correspond à peu près à 12 000 emplois. En règle générale, on estime qu’une augmentation des taxes de l’ordre d’un milliard d’euros équivaut à la perte de 18 000 emplois ; à 650 000 euros, ce nombre est de 12 000 environ, auquel il faut ajouter les 2 000 emplois supprimés dans la centrale elle-même – soit une perte totale de près de 14 000 emplois. En clair, l’amendement présenté par M. de Ganay démontre à quel point la fermeture d’une centrale ou d’un réacteur peut affecter un territoire.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. La politique énergétique racontée aux enfants !

(L’amendement n764 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n768.

M. Claude de Ganay. Forte de ses 220 000 salariés, la filière nucléaire est la troisième filière industrielle de France, derrière l’aéronautique et l’automobile. Son grand dynamisme à l’exportation et le renouvellement de ses effectifs vont lui permettre de recruter 110 000 personnes d’ici 2020.

La filière nucléaire offre des emplois durables non délocalisables. L’attrition y est de 6 %, soit trois fois moins que la moyenne dans l’industrie. La France maîtrise l’ensemble de la chaîne de valeur de la production nucléaire, ce qui permet de capter une plus grande proportion des emplois. Un euro investi dans le nucléaire crée jusqu’à trois fois plus d’emplois que dans une autre filière de production d’électricité.

Les perspectives de croissance pour les entreprises de la filière à l’étranger sont excellentes et pérennes. Les industriels français sont internationalement reconnus sur un marché en forte croissance qui compte 430 réacteurs en exploitation – qui sont autant de clients en biens et services – et plus de 70 réacteurs en construction. L’ensemble de la filière exporte des biens et des services pour un montant de 6 milliards d’euros.

Le présent amendement tend à assurer une transition énergétique garante de l’excellence de la filière nucléaire française et de la pérennité de ses recrutements sur le territoire national.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Avis défavorable. J’en profite pour interroger M. de Ganay et ses collègues : où avez-vous donc lu ou entendu que le projet de loi vise à fermer dix-neuf réacteurs ? Vous êtes bien seuls à le prétendre !

M. Michel Sordi. Ne faut-il pas ramener la consommation à 50 % du mix ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Science-fiction !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Avis défavorable.

(L’amendement n768 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 772, 1872 rectifié et 1571, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Claude de Ganay, pour soutenir l’amendement n772.

M. Claude de Ganay. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec les trois amendements que je viens de présenter.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n1872 rectifié.

M. Damien Abad. Le calcul aboutissant à dix-neuf réacteurs…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. …est une invention !

M. Damien Abad. Non, ce n’est pas une invention.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Alors c’est un fantasme !

M. Damien Abad. Non ; tout le problème que vous avez avec ce projet de loi, c’est que vous refusez de dévoiler la vérité !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Science-fiction à l’UMP !

M. Damien Abad. J’attends votre réponse avec impatience, madame la ministre, et nous en débattrons dans les amendements qui arrivent en discussion. La réduction à 50 % de la part du nucléaire dans notre mix électrique aura forcément un impact. Nous vous avons posé la question de ce que serait cet impact sur les tarifs de l’énergie ; pouvez-vous éclairer l’Assemblée ? M. de Rugy l’a fait pour le passé, il serait bon que vous puissiez, puisque vous êtes désormais aux commandes, le faire pour le présent et pour l’avenir. Il est important, en effet, que nous sachions si l’augmentation annuelle sera de l’ordre de 5 %, de 10 % ou davantage !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Et pourquoi pas une baisse ?

M. Damien Abad. Tant que vous ne répondrez pas à cette question, vous laisserez la voie ouverte à toutes les extrapolations ! Il vous appartient de répondre et d’assumer.

J’en viens à l’amendement. M. le président de la commission spéciale nous déclare que les prix vont baisser ou tout au moins se stabiliser. Dans ce cas, il ne verra aucun inconvénient à adopter le présent amendement qui vise à préciser que l’on réduit la part du nucléaire « sous réserve qu’il n’y ait aucun impact sur le prix de l’électricité, ni sur les émissions de gaz à effet de serre ». Ainsi, nous allons enfin retrouver le consensus énergétique qui manque tant dans cet hémicycle !

Si, au contraire, vous émettiez un avis défavorable à cet amendement, alors il y a un loup. Derrière l’objectif de 50 %, vous nous cachez quelque chose concernant les moyens. Or, le rôle de la représentation nationale est d’éclairer, y compris concernant ce loup et, donc, sur les moyens qui seront engagés pour parvenir à l’objectif de 50 %. De deux choses l’une, en effet : soit cet objectif n’est qu’un affichage destiné à calmer une partie de votre majorité, et vous savez dès lors que vous ne le respecterez pas, ce qui vous dispense de nous indiquer les moyens que vous y consacrerez, soit vous souhaitez vraiment l’atteindre et, dans ce cas, il en résultera un coût et tout une série de conséquences – comme on le verra au fil des amendements concernant le prix de l’énergie ou encore la sécurité d’approvisionnement.

À ce stade de la discussion parlementaire, madame la ministre, nous devons être éclairés : vous devez notamment répondre à la question fondamentale posée par M. de Courson, car elle est loin d’être anodine. Les Français attendent une réponse : à défaut d’un pourcentage précis, indiquez-nous au moins une trajectoire ou une fourchette. En l’état, nous n’avons rien et, comme vous le savez, la nature a horreur du vide.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n1571.

M. André Chassaigne. Je précise que cet amendement, qui a beau être en discussion commune avec les deux précédents, en est pourtant différent sur un point au moins : il ne s’appuie que sur une seule réserve, qui devrait tous nous réunir. Il s’agit de l’impératif absolu…

M. Michel Piron. Catégorique, aurait dit Kant…

M. Damien Abad. Disons plutôt un objectif prioritaire !

M. André Chassaigne. L’impératif absolu, la priorité des priorités formulée sur tous les bancs de cet hémicycle, est celle-ci : limiter les émissions de gaz à effet de serre. C’est pourquoi nous n’avons, dans cet amendement, retenu que cette seule réserve. Nous réaffirmerions ainsi avec force et solennité ce qui doit être notre priorité, en s’appuyant en particulier sur les préconisations du GIEC et, surtout, sur le fait qu’il y a urgence !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Il s’agit une nouvelle fois d’empêcher la concrétisation de l’objectif de réduction de la part du nucléaire dans notre mix énergétique. Plutôt que d’adopter une attitude conservatrice, la majorité préfère parier sur la réussite de la transition énergétique et, de ce fait, la commission donne un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. M. de Ganay vient de déposer un amendement concernant l’emploi. Je suppose donc qu’il a examiné les statistiques en comparant les différentes filières. Vous avez notamment évoqué les excellentes perspectives à l’exportation de la filière nucléaire française. Je sais que la méthode Coué fait parfois partie intégrante du discours politique mais, en l’occurrence, vous aurez bien du mal à convaincre ! Le seul projet d’exportation de l’EPR concerne le Royaume-Uni, et vous savez qu’il est extrêmement contesté, y compris devant les instances européennes, sans doute en raison de subventions cachées, en dépit desquelles EDF affiche tout de même un prix de sortie de l’électricité très supérieur – je le dis à M. Abad – au prix actuel de l’éolien terrestre. La comparaison est simple : le prix actuel de l’éolien terrestre est nettement inférieur à ce que serait dans dix ans le prix de l’EPR britannique.

Certes, M. Aubert trouve normal que le prix de l’EPR français ait été multiplié par trois.

M. Michel Sordi. Il le faut bien, vu le rééquilibrage que vous souhaitez !

M. François de Rugy. Je rappelle que M. Oursel lui-même, le président directeur général d’Areva, qui construit l’EPR, a évoqué un dérapage ou un accident financier concernant ce projet, que ce soit en France ou en Finlande. Chacun sait donc bien que les perspectives à l’exportation sont sinon nulles, tout au moins mauvaises.

S’agissant de l’emploi, monsieur de Ganay, sachez que la production d’électricité éolienne crée trois fois plus d’emplois que le nucléaire et que la production d’énergie solaire en crée neuf fois plus, pour une raison simple qui tient à une loi de la physique et du capitalisme, et j’espère que M. Aubert le reconnaîtra : c’est que la production d’énergie nucléaire est une industrie extrêmement capitalistique qui exige des investissements très lourds, et de ce fait une centrale nucléaire n’est pas une industrie de main d’œuvre.

Le nucléaire crée donc peu d’emplois, et vous le savez, monsieur Abad, et cela nous oblige à nous demander si nous devons prolonger les vieilles centrales – ou en construire de nouvelles, ce qui revient au même : cela exigera des investissements colossaux, car la durée de vie des centrales est connue. C’est comme cela que fonctionne l’économie capitaliste, il est étonnant que nous, écologistes, soyons obligés de vous le dire.

M. Damien Abad. Ce sont les Verts qui vont nous apprendre l’économie !

M. François de Rugy. Je m’intéresse à l’économie dans les entreprises et je préfère que l’on crée des emplois dans des milliers d’entreprises réparties sur tout le territoire, dans le bâtiment pour réaliser des économies d’énergie, dans les énergies renouvelables et dans de nouvelles industries qui disposent de filières à l’export. Je souligne que les contrats à l’export d’Areva concernent des installations éoliennes, tandis que dans le nucléaire il faudra bien consentir des investissements extrêmement lourds pour prolonger des centrales qui arrivent en fin de vie.

M. Michel Sordi. Cela va de pair !

M. François de Rugy. La différence entre une centrale nucléaire et une centrale à gaz, à charbon ou au fioul, c’est que vous ne pouvez pas vous permettre d’attendre qu’elle tombe en panne car le risque est trop important. Heureusement, nos entreprises sont responsables et ne prendraient pas un tel risque – et vous ne les inviteriez pas à le faire.

M. Michel Sordi. Ce risque n’a-t-il pas été pris à Fessenheim ?

M. François de Rugy. Ces investissements sont d’une importance majeure et vous le savez. Pour l’avenir, si nous maintenons notre capacité nucléaire installée, compte tenu de l’âge de nos centrales, il nous faudra investir, selon la Cour des comptes, 110 milliards d’euros. Par ailleurs, si nous devons construire de nouvelles centrales, le kilowatt-heure sorti de l’EPR sera plus cher que celui issu des éoliennes terrestres.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur de Rugy, je vais vous donner un exemple très concret du mal que fait l’idéologie dans notre territoire. Dans le département de l’Ain, dont je suis l’élu, nous avons un certain nombre de projets de parcs éoliens. Ce qui se passe à Innimond, petite commune de 400 habitants, est le symbole de l’échec de votre stratégie énergétique. Dans cette petite commune, sous la pression des ministères, un projet éolien a vu le jour. Car nous savons tous que les ministères concernés donnent des consignes très fermes à l’administration centrale et aux préfets pour leur demander d’accélérer l’implantation d’éoliennes, et cela y compris dans les régions où il n’y a pas de vent ! Mais brasser beaucoup d’air et produire peu d’énergie, vous avez l’habitude !

M. Julien Aubert. Bravo !

M. François Brottes, président de la commission mixte paritaire. C’est l’expert qui parle !

M. Damien Abad. Monsieur de Rugy, ce projet éolien est actuellement à l’étude. J’imagine que pour vous qui êtes un écologiste convaincu le paysage a du sens, or les éoliennes ne sont pas sans impact sur le paysage. Dans ce village tranquille, situé en plein cœur du Bugey, au pied des monts du Buzet, où jusqu’à présent les gens ne faisaient pas de politique, où tout le monde s’appréciait, aujourd’hui, à cause d’un projet qui ne tient pas la route parce qu’il n’y a pas suffisamment de vent dans le pays pour que les éoliennes produisent de l’énergie, la commune est divisée et pendant les réunions publiques, les habitants se déchirent et l’on entend des invectives de plus en plus violentes.

Voilà le résultat concret, dans les territoires, de l’idéologie que vous voulez mettre en place. Et malheureusement, des villages comme Innimond, nous en avons beaucoup dans notre pays.

Il ne s’agit pas d’être par principe pour ou contre l’éolien, mais d’être pour là où il fonctionne et contre là où il ne fonctionne pas, ce qui est le cas dans certains lieux.

Ne nous expliquez pas, monsieur de Rugy, que nous engager dans l’éolien terrestre permettra de réduire la part du nucléaire. Vous êtes beaucoup trop sérieux pour cela !

Sans faire de jeu de mot, le ver est dans le fruit (Rires sur les bancs du groupe UMP - Exclamations sur les bancs du groupe écologiste) du fait du problème originel de ce projet de loi. Car cet objectif a priori de réduction de 50 % de la part du nucléaire vous lie les mains. Nous ne sommes pas opposés à la réduction du nucléaire dans le mix énergétique, mais si l’objectif est fixé a priori, cela entraînera des situations comme celle du petit village d’Innimond.

La responsabilité de chacun est de retrouver la raison et de cesser de s’adresser des anathèmes. Nous avons autant besoin du nucléaire que des énergies renouvelables, et nous avons besoin d’investissements.

Monsieur de Rugy, n’allez pas nous dire que les investissements sont trop lourds et que la modernisation des centrales coûte cher, alors que ce gouvernement est incapable de faire des économies et de définir des priorités… Tout est lié : ce texte dont nous poursuivons la discussion, le projet de loi de finances que nous allons bientôt examiner et le projet de loi de financement de la sécurité sociale dont nous pourrions discuter longuement compte tenu de ce qui s’y prépare. La vérité est que notre pays a plus besoin de dépenses d’investissements que de dépenses de fonctionnement qui nous coûtent chaque jour extrêmement cher.

Cet objectif a priori de réduction de 50 % de la part du nucléaire a des conséquences sur le prix de l’énergie, sur la filière nucléaire, sur la sécurité de nos approvisionnements et il en aura demain sur notre balance commerciale. Dire aux Français « Ne vous inquiétez pas, nous avons fixé un objectif » est un mensonge. Mais comme aurait dit Keynes, d’ici à 2025 nous serons tous morts…

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Ces débats ont au moins un intérêt : à défaut de chiffrages, nous approchons les mythes véhiculés par les écologistes. Il faut se serrer fermement les côtes pour garder son sérieux lorsque nous entendons M. de Rugy nous expliquer qu’une éolienne crée trois fois plus d’emplois que le nucléaire et le photovoltaïque en crée neuf fois plus !

Chers collègues, avez-vous déjà regardé une éolienne ? Moi qui l’ai fait, je n’ai jamais vu d’emplois greffés sur une éolienne car elle fonctionne toute seule. Je n’ai jamais vu non plus de personnes travaillant sur des panneaux photovoltaïques, hormis dans les phases de construction et d’installation. Quand on m’explique que le rapport est de un à dix, je serais très intéressé de connaître la source de cette information.

M. Denis Baupin. Mme Merkel !

M. Julien Aubert. Mme Merkel ? Elle a bon dos ! Vous citez moins volontiers ses chiffres lorsqu’elle vous parle de rigueur ! Vous prenez en Allemagne les chiffres qui vous intéressent. Ce doit être une forme de schizophrénie…

Lorsque quelqu’un cite un chiffre, j’aime bien savoir de quel document il provient. Je pourrais, moi aussi, affirmer que le nucléaire produit dix fois plus d’emplois par kilowatt-heure.

Par ailleurs, le photovoltaïque crée peut-être beaucoup d’emplois, mais malheureusement il les crée en Chine : 80 % de la production de panneaux photovoltaïques se situent en Asie. Comme disait Lénine, les faits sont têtus. Vos emplois se trouvent en Chine, tandis que les emplois créés par le nucléaire sont en France.

Mme Véronique Massonneau. C’est caricatural !

M. Julien Aubert. Je suis très heureux d’apprendre qu’une industrie crée des emplois, mais si c’est dans un autre pays, mon intérêt est amoindri. Je suis très content pour les Chinois, mais si nous faisons le calcul coût-avantages, le nucléaire l’emporte ; il s’agit d’emplois réels et d’une filière qui existe. La centrale de Cadarache, par exemple, emploie 4 500 personnes.

M. Alain Leboeuf. Oui !

M. Damien Abad. Cela nous engage !

M. Julien Aubert. Ce sont de vraies personnes et une véritable économie, face à vos théories. En fait, ce que vous proposez, c’est de raser quelques centrales nucléaires en attendant vos 20 000 éoliennes qui produiront neuf fois plus d’emplois.

M. Damien Abad. Ce n’est pas sérieux !

M. Julien Aubert. Il faudrait vous croire sur parole, mais lorsqu’on vous demande vos sources, vous nous répondez « Mme Merkel » !

Je vous cite des faits : quand Bosch est sorti du photovoltaïque en Allemagne, 3 000 postes ont été détruits, alors que le nucléaire est stable aussi en termes d’emplois. Lorsqu’une centrale existe, c’est pour 40 ans, et pendant ce temps elle génère des emplois. Les énergies que vous défendez, elles, sont intermittentes en termes d’emplois. Une entreprise peut se lancer dans le photovoltaïque en 2012 et fermer ses portes en 2014.

Vous citez beaucoup Mme Merkel, de la CDU, mais jamais Sigmar Gabriel qui est pourtant un socialiste. Il est étonnant que vous ne citiez pas les socialistes allemands car ils ont reconnu que lors de la transition énergétique à l’allemande, tout le monde a pensé qu’ils étaient fous et qu’ils en avaient totalement sous-estimé les conséquences.

Certains défendent l’immigration choisie, vous c’est « la citation choisie » avec le chiffre choisi. On cite Mme Merkel, mais pas M. Gabriel ; on cite Mme Merkel à propos des éoliennes, mais vous ne l’approuvez pas en matière de politique monétaire. Bref, vous avez des œillères. Honnêtement, si l’homme de la rue regarde ce débat…

M. Michel Piron. Il ne vaut mieux pas !

M. Julien Aubert. …il doit se demander, en entendant M. de Rugy dire que l’éolien produit trois fois plus d’emplois que le nucléaire, sur quelle planète il vit.

M. Damien Abad. C’est du grand de Rugy !

M. Julien Aubert. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait Polytechnique ou l’ENA pour réaliser qu’une centrale, dont la durée de vie est de 40 ans et qui n’est pas délocalisable, crée plus d’emplois que vos panneaux photovoltaïques construits en Chine et qui subissent les variations du marché.

J’en reviens à l’amendement. (« Ah ! »sur les bancs du groupe SRC.) Excusez-moi, mais depuis le début de ce débat nous essayons de faire triompher le bon sens. Vous voulez des exemples ? Je vais vous en citer d’autres. Tout à l’heure, les écologistes nous ont expliqué que le taux d’effectivité du nucléaire de 80 % était lié au vieillissement des centrales. Cela n’a rien à voir ! Je vous rappelle que ce taux atteint 94 % aux États-Unis, pourtant leurs centrales ont le même âge que les nôtres et sont même un peu plus vieilles. Cela dépend de l’opérateur.

En matière de sûreté, vous expliquez qu’une vieille centrale est dangereuse, mais je vous informe qu’une centrale rénovée est plus sûre qu’une nouvelle centrale.

M. Denis Baupin, rapporteur. Quelle est votre source ?

M. Julien Aubert. Devant le tsunami de votre mauvaise foi, les experts doivent s’arracher les cheveux.

Pour en revenir à la filière nucléaire française…

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous n’avez pas le monopole de la science !

M. le président. Monsieur le président Baupin, il serait intéressant, pour la qualité des débats, de cesser de type d’échanges.

M. Julien Aubert. Monsieur Baupin, je vous renvoie au rapport de l’OPECST, puisque vous demandez ma source ; et je suis certain que si Christian Bataille était présent dans l’hémicycle il vous aurait répondu.

En l’occurrence, vous comprenez bien l’idée qui sous-tend notre amendement, chers collègues. Nous parlons, nous, des vrais gens, de la vraie filière qui existe vraiment, celle du nucléaire, et des gens qui y travaillent. Par conséquent, appeler de nos vœux une évolution du mix énergétique dont l’impact sur l’emploi ne soit pas négatif nous semble tout à fait concret et compréhensible pour les gens qui nous regardent, par-delà les propos fumeux selon lesquels les domaines du photovoltaïque ou de l’éolien compteront en 2030 ou 2040 neuf, dix ou vingt-cinq fois plus d’emplois qu’aujourd’hui, ce que d’ailleurs je souhaite, car cela crée de l’emploi, mais il faut arrêter d’avancer des chiffres sans présenter les sources.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je serai bref afin de conserver une partie de mon temps de parole pour discuter du projet de loi jusqu’au bout, si possible.

M. Rémi Pauvros. Oui, quand même !

M. André Chassaigne. Ce que j’ai à dire est assez désagréable à entendre, mais j’avoue éprouver un malaise face à la façon très désagréable dont se déroulent les débats.

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

M. André Chassaigne. Vous avez pour objectif, à droite, d’épuiser votre temps de parole afin de partir le plus tôt possible.

Mme Ségolène Royal, ministre. Afin de partir en week-end ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Chassaigne. Vous ne participerez donc pas au débat sur les soixante-deux articles qui suivent l’article 1er. C’est une forme de jeu parlementaire qui m’est personnellement assez désagréable, d’autant plus qu’elle est assortie de quolibets. Vraiment, le débat n’est pas sympa, il est même très désagréable !(Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Déaut. Il a raison !

M. André Chassaigne. Je ressens les choses de cette façon et je tenais à le dire, sans provocation, car cela vient du cœur. J’en viens au fond, car je suis ici pour avancer des arguments et je le fais avec sincérité. Nous tombons d’ailleurs d’accord sur certains points, chers collègues de l’opposition, mais j’essaie de le faire honnêtement et à l’écart du jeu parlementaire auquel vous jouez. Vous avez répondu globalement, madame la ministre, madame la rapporteure, aux amendements parmi lesquels se trouvait le mien. Je pense bien franchement que le mien, qui pose comme seule réserve le strict respect des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, comporte une autre dimension, mais enfin je ne veux pas polémiquer là-dessus. En fait, madame la ministre, vous avez répondu uniquement par un acte de foi.

M. Damien Abad. C’est bien le problème !

M. André Chassaigne. Vous dites que cela ne peut pas se produire et que la politique que vous mettez en œuvre ne mettra pas en danger notre objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Je vais à mon tour m’attirer les quolibets, qu’on a assez facile dans cet hémicycle aujourd’hui, en citant Georges Charpak, prix Nobel de physique. J’attends que fusent les quolibets de certains bancs…

M. Julien Aubert. Très bien !

M. André Chassaigne. Georges Charpak disait : « N’oublions jamais que le droit au rêve ne prend toute sa valeur qu’accompagné du droit à la lucidité ».

M. Damien Abad. Exactement !

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je réponds immédiatement, positivement et publiquement à l’invitation de M. Abad à me rendre à Innimond.

M. Damien Abad. Avec plaisir !

M. François de Rugy. Je serai vraiment très heureux de rencontrer les investisseurs désireux d’investir dans un projet éolien là où il n’y a pas de vent. Il s’agit d’une race d’investisseurs que je ne connais pas, ceux qui veulent investir pour perdre de l’argent ! S’il y en a, je serai très heureux que vous me les présentiez, cher collègue, et je leur dirai très sincèrement, si en effet il n’y a pas de vent, qu’il vaut mieux aller investir ailleurs, car notre pays compte beaucoup d’autres projets éoliens susceptibles de très bien marcher. Notre grand et beau pays, comme aurait sans doute dit le général de Gaulle, compte 300 fromages mais aussi de nombreuses façades maritimes où nous avons la chance d’avoir des vents. Nous sommes en Europe le pays par excellence qui est fait pour les énergies renouvelables ! L’énergie solaire bénéficie de la façade méditerranéenne et du bassin méditerranéen, l’énergie hydroélectrique de nos montagnes !

M. André Chassaigne. Et la géothermie !

M. François de Rugy. L’énergie éolienne peut profiter de façades de vent différentes et on trouve dans une même journée des endroits où les éoliennes tournent à plein régime et d’autres où elles tournent un peu moins. N’oublions pas la ressource en bois, les ressources déchets agricoles qui peuvent servir à la méthanisation, et ainsi de suite ! Quel dommage de ne pas vouloir en profiter ! Je tiens aussi à rassurer notre collègue Chassaigne : les énergies renouvelables ne seront pas émettrices de CO2. L’un de vos amendements émettait en effet la réserve qu’aucune augmentation de CO2 n’ait lieu.

M. Damien Abad. Les nôtres aussi !

M. François de Rugy. Mais notre projet consiste à baisser la part de l’énergie nucléaire et augmenter celle des énergies renouvelables ! Certains pays voisins ont une tradition charbonnière et vous savez très bien qu’il existe en Allemagne un lobby charbonnier extrêmement puissant, qui d’un côté finance la campagne du parti majoritaire de Mme Merkel, tout en rassemblant énormément d’adhérents dans les bassins miniers, fiefs du deuxième parti allemand, ce qui explique pourquoi on y a substitué au nucléaire le charbon, d’autant plus que cette ressource y est abondante, ce qui n’est pas le cas chez nous.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est bien la première fois que je vous entends l’admettre !

M. François de Rugy. Il n’existe donc aucun risque qu’en France on transforme des centrales nucléaires en centrales à charbon ! Notre projet consiste à baisser la part de l’énergie nucléaire et augmenter celle des énergies renouvelables.

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai demandé la parole car M. Chassaigne nous a mis en cause tout à l’heure. Je voudrais que les choses soient très claires. L’opposition, dans la Cinquième République, ne contrôle pas grand-chose, comme chacun sait.

Mme Frédérique Massat. Sauf votre temps de parole !

M. Julien Aubert. Nous ne contrôlons pas la procédure d’urgence, qui nous a été imposée, ni celle du temps programmé.

M. Jean-Yves Le Déaut. Qui l’a créé ?

M. Julien Aubert. Elle nous a été imposée alors qu’initialement Mme le ministre avait exclu d’y avoir recours afin de ne pas nous infliger la double peine une fois retenue la procédure accélérée. Le groupe UMP a très sérieusement préparé le débat et d’ailleurs les participants du monde de l’énergie nous l’ont dit. Cela ne s’est jamais vu au groupe UMP… (Rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Voilà les quolibets ! Nous avons pris six mois et quarante-cinq heures de débat, qui n’ont pas été une succession de monologues comme l’a été le débat sur la transition énergétique au cours duquel les gens lisaient leurs papiers, non ! Après quarante-cinq heures de débat avec une centaine d’entités, nous sommes arrivés à un diagnostic qui a fait l’unanimité des participants, contrairement à celui issu du débat sur la transition énergétique. Un seul bémol est venu la nuancer, le syndicat des éoliens déplorant notre manque d’allant sur les énergies électriques, que l’on retrouve d’ailleurs dans les positions que nous défendons.

Nous avons abouti à dix propositions qui résument notre doctrine et nous avons bâti la position de notre groupe autour de dix propositions. Face à quoi on nous propose un temps resserré en raison duquel, sans même obstruer le travail mené en commission, la moitié des amendements ne pouvait en tout état de cause être discutée dans des conditions acceptables. Le débat parlementaire, qui devait prendre toute son ampleur, est réduit par la volonté du Gouvernement à trente heures. Nous ne sommes pas les seuls à parler dans cet hémicycle, les écologistes le font aussi. Nous défendons nos amendements et il y a peut-être débat, mais le problème c’est qu’il n’y a pas échange. Pourquoi n’y a-t-il pas échange ? Parce que nous assistons à un dialogue de sourds !

M. Damien Abad. Parce que nous n’obtenons pas de réponse !

M. Julien Aubert. De ce dialogue de sourds, chers collègues, si vous avez bien réfléchi et bien écouté tout à l’heure, nous avons eu tout à l’heure un exemple à propos d’un amendement important pour nous, relatif au potentiel nucléaire. À ce que nous concevions comme une main tendue pour mener une coconstruction, la majorité n’a répondu que par la caricature de nos arguments, prétendant que nous sommes favorables au tout nucléaire, et nous invitant ensuite à nous raccrocher au compromis trouvé avec les écologistes. Cela n’est pas acceptable ! C’est un dialogue de sourds ! Dès lors, nous avons bien compris que tout le travail préliminaire sur lequel repose notre construction doctrinale ne sera pas favorablement accueilli et qu’il n’y a pas de place pour nous dans la grande arche de la transition énergétique.

Nous en tirons les conséquences et le débat ne change presque rien pour nous dès lors qu’en tout état de cause nos amendements sont systématiquement rejetés. Je ne parle pas des petits amendements visant à améliorer le texte, qui d’ailleurs sont généralement présentés par plusieurs partis car ils touchent à des sujets techniques, donc de fond. Par exemple, à propos de l’amendement relatif au potentiel nucléaire, même vous n’avez pas répondu favorablement, monsieur Chassaigne, alors qu’à mon avis il reposait sur une vraie réflexion. Voilà donc la question qu’il faut se poser : qu’attend-on d’une loi sur l’énergie ?

Nous avons mis sur la table tout ce qu’on pouvait y mettre pour aboutir à une loi de consensus. C’est à tort que Mme le ministre nous a accusés tout à l’heure de chercher une occasion de provoquer le conflit. Non ! La dizaine d’amendements dont il est question, ceux qui portent sur le potentiel nucléaire en particulier, sont un vrai point dur, notamment avec les écologistes. Pour nous, l’objectif de 50 % en 2025 est à la fois irréaliste et terriblement nuisible à l’économie. Nous voulons donc le modifier. Nous constatons que le Gouvernement ne veut rien entendre, il ne faut donc pas s’étonner si le débat ne se déroule pas dans de bonnes conditions. Nous sommes coincés pour trente heures avec des gens qui d’une part ne veulent pas nous écouter et d’autre part parlent à notre place en caricaturant ce que nous disons, alors que nous avons fait un effort extrêmement important de subtilité des positions et de chiffrage, dont s’est d’ailleurs dispensé le Gouvernement !

Si encore le Gouvernement présentait un chiffrage, on pourrait discuter des hypothèses, des données et des paramètres, mais non, on ne nous répond pas ! Nous avons déjà eu ce problème lors de la discussion de nombreux autres textes, comme la loi Alur. Les Français se demandent pourquoi la loi n’est pas toujours bonne, mais on fait de la participation, tout le monde est consulté aujourd’hui, on auditionne au milieu de travées désertes, les gens parlent dans le vide, personne n’est là pour écouter et en fin de compte l’opposition n’est de toute façon pas écoutée ! Voilà comment on en vient à un dialogue de sourds ! Le pire, c’est que les positions défendues par l’UMP sont approuvées hors de cet hémicycle par certains députés socialistes qui, contraints par la logique de parti, n’en pensent pas moins mais ne veulent pas mettre en danger le Gouvernement, tout en sachant très bien que sur certains aspects, au fond, nous avons raison ! Alors, à qui la faute ? Nous, nous ne contrôlons rien !

M. Rémi Pauvros. On a remarqué !

M. Julien Aubert. Si le Gouvernement veut rédiger une loi par la coconstruction, l’opposition est là. Mais nous accuser de consommer notre temps libre – notre temps de parole pour partir en week-end…

M. Christophe Bouillon. Lapsus révélateur !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Quel aveu !

M. Julien Aubert. Qui peut penser cela ? À un moment donné, il faut placer les gens devant leurs responsabilités ! En commission spéciale, nous vous avons proposé de faire une nuit blanche, de continuer l’examen du texte jusqu’au bout de la nuit et de faire le maximum pour voter ensuite ! Mais la majorité s’en fichait et vous vous êtes sentis très à l’aise de terminer le texte en examinant 1 400 amendements en une journée !

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure. Dont mille identiques !

M. Julien Aubert. Et tous seuls, car vous n’avez ni les radicaux, ni l’UDI, ni l’UMP, ni le parti communiste, mais ça ne gêne personne ! Dès lors, quelle est la valeur d’une loi examinée dans des délais compressés ? Je ne jette d’ailleurs pas la pierre au président Brottes, car il essaie de faire avec ce qu’on lui donne, mais en réalité, même avec toute la bonne volonté du monde, examiner un texte de loi de soixante-cinq articles, qui a vocation à fixer la stratégie énergétique de la France jusqu’en 2050 et à harmoniser tous les engagements de notre pays sur les gaz à effet de serre, en trois jours de commission et quatre de séance publique, et mettre tout cela sur le dos de l’opposition qui n’a pas décidé du calendrier, je trouve que c’est un peu fort de café !

M. Martial Saddier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je tiens à dire à mon collègue de Rugy que je serai très heureux de l’accueillir dans le Bugey, car nous avons l’habitude de faire des déplacements ensemble et vous êtes tout à fait le bienvenu, cher collègue. Nous en profiterons pour faire un déplacement un peu plus large afin de rendre visite aux agriculteurs, auxquels vous expliquerez un peu les normes environnementales. Nous irons aussi dans le secteur de Surgy pour y discuter ensemble de filières industrielles et de politique industrielle, et nous irons voir les Belleysans qui attendent l’élargissement du projet autoroutier, et auxquels je suis sûr que vous apporterez satisfaction.

En tout cas, je serai très heureux de vous accueillir et de vous démontrer par a + b comment on peut, dans un village, briser un consensus par idéologie. Vous le savez comme moi, monsieur de Rugy, car vous êtes un républicain comme moi ! Je suis sûr qu’une fois revenu de ce voyage en Bugey, vous aurez des idées nouvelles sur ce que doivent être le pragmatisme et la politique dans ce pays ! Quant à ce que nous a dit M. Chassaigne, je salue la manière dont il expose ses idées ; mais on ne peut pas honnêtement reprocher à l’opposition d’occulter et de fuir le débat, mon collègue Aubert l’a très bien dit. Franchement, la procédure du temps programmé nous pose un certain nombre de problèmes !

M. Christophe Bouillon. Vous l’avez inventée !

M. Damien Abad. Oui, mais vous ne l’avez pas remise en cause ! C’est trop facile de dire que nous l’avons inventée ! Vous avez tellement défait ce qu’a fait Nicolas Sarkozy au seul et unique motif que c’est lui qui l’avait fait que, si le temps programmé ne vous plaisait pas, libre à vous de le modifier !

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Ah, le bouclier fiscal ! 600 milliards d’euros de déficit !

M. Damien Abad. À un moment donné, il faut assumer ! Vous n’êtes plus dans l’opposition, mesdames et messieurs de la majorité, et quand on est aux responsabilités, si quelque chose ne vous convient pas, si vous êtes en désaccord avec la procédure du temps programmé, changez-la, vous avez la majorité pour le faire ! Qu’attendez-vous donc ?

Honnêtement, nous assistons à un simulacre de débat. Même si c’était hors micro, madame la ministre, je ne peux accepter d’entendre que nous ferions tout cela pour pouvoir partir en week-end. Franchement, ce n’est pas sérieux.

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est vous qui n’êtes pas sérieux !

M. Damien Abad. Ce n’est pas sérieux, et ce n’est pas digne de votre fonction. Franchement, le débat sur l’énergie mérite mieux que cela.

Mme Ségolène Royal, ministre. En effet.

M. Damien Abad. Il me semble que nous pouvons nous rejoindre là-dessus. Il n’est pas sérieux de votre part de faire de ces déclarations intempestives qui montrent que vous perdez en sérénité au fil des heures, comme nous l’avons hélas déjà vu il y a quelques jours.

Aujourd’hui, je vous dis « chiche », madame la ministre. Vous nous dites que nous ne pourrons pas débattre de tous les articles. Supprimons donc le temps programmé sur ce projet de loi, et discutons article par article ! Au groupe UMP, nous sommes prêts à aller jusqu’au bout du texte, quel que soit le temps que cela prendra.

En décidant le temps programmé sur ce débat énergétique, vous avez choisi de faire une parodie de débat. C’est dommage : le sujet méritait mieux.

J’ai été le porte-parole du groupe UMP sur le projet de loi consommation. Je puis vous dire que nous n’avons pas rencontré ces difficultés. Nous avons eu un vrai débat, sur des sujets de fond, avec, il est vrai, des divergences, mais aussi, permettez-moi de vous le dire, un ministre qui avait le courage de répondre aux questions. Et cela me gêne tout de même un peu qu’après avoir été interrogée une, deux, trois, quatre, cinq fois, vous n’osiez pas même esquisser ne serait-ce qu’un début de réponse.

Je vous repose donc la question de l’impact de la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique sur le prix de l’énergie. Nous attendons une réponse ! Pour éviter que le débat ne s’enlise, il faut apporter des réponses. Je ne m’explique décidément pas pourquoi, là où d’autres ministres ont le courage d’affronter le débat et de répondre très concrètement aux interrogations de l’opposition, vous refusez de nous répondre et vous bornez à nous adresser des fins de non-recevoir.

Pourquoi refuser un débat serein et apaisé ? On peut avoir des divergences de vues, mais aussi des convergences ici ou là. Pour ma part, je respecte toutes les positions, car il y va de la démocratie et de la République. Je dis simplement qu’il est regrettable que vous vous contentiez à chaque fois du minimum, là où nous aurions justement besoin de réponses argumentées et concrètes pour pouvoir – pourquoi pas – dégager un consensus sur notre politique énergétique.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je partage l’impression de M. Chassaigne : il y a un certain malaise dans le déroulement de ce débat.

M. Julien Aubert. Que vous avez créé !

Mme Ségolène Royal, ministre. En même temps, c’est votre libre choix. Les électeurs de vos circonscriptions qui vous voient ne peuvent qu’être déçus. Vous êtes des parlementaires aguerris, expérimentés ; vous connaissez bien ces sujets. Il est donc regrettable que l’intelligence collective ne puisse pas fonctionner et que vous préfériez la répétition perpétuelle des mêmes arguments pour faire obstruction au débat et gagner du temps afin de pouvoir rejoindre dès ce soir vos circonscriptions. Ce n’est pas, je crois, une belle image de la représentation nationale. Vous prenez vos responsabilités, mais nous prenons aussi les nôtres, et nous continuerons à débattre de façon sérieuse pour anticiper le futur et agir dès maintenant dans l’intérêt des Français.

Lorsqu’on exerce des responsabilités publiques, un seul critère permet de faire le tri entre ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire : ce que nous faisons est-il utile ? La répétition des arguments que vous nous infligez dans le seul but de gagner du temps de parole et de pouvoir partir dès ce soir – nous en prenons d’ailleurs acte – est-elle utile ?

M. Damien Abad et M. Julien Aubert. Répondez à la question !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous verrons bien si vous êtes parmi nous ce soir jusqu’à une ou deux heures du matin, et vendredi. Nous jugerons sur pièces. Mais utilisez au moins le temps qui vous est imparti pour faire progresser le débat, avancer de nouveaux arguments, faire des propositions…

M. Julien Aubert. Pour danser, il faut être deux !

Mme Ségolène Royal, ministre. …et passer aux articles suivants. Cela ne vous enlève rien : vous pourrez partir de toute façon, puisque vous aurez épuisé votre temps de parole.

M. Damien Abad. Très bien. Maintenant, il faut répondre !

Mme Ségolène Royal, ministre. Avancez donc de façon constructive et créatrice sur les différents sujets, au moins pour que ceux qui nous regardent sur internet – la démocratie s’est modernisée – ne soient pas déçus et puissent comprendre les enjeux énergétiques, qui sont certes assez complexes, mais que nous voulons justement mettre démocratiquement à la portée de tous.

Vous m’avez interrogée à plusieurs reprises sur le prix et sur les coûts. Vous dites qu’à chaque fois, j’ai refusé de répondre – mais je ne vais pas vous répéter toujours la même chose ! Je me refuse à entrer dans votre logique et à apporter la même réponse à chaque question que vous posez.

D’autre part, je vous ai dit que je ne voulais pas opposer les énergies les unes aux autres, et vous ne cessez de le faire : celle-ci serait plus coûteuse que celle-là, celle-là moins coûteuse que celle-ci… La problématique n’est pas là. Je pourrais moi-même entrer dans votre jeu…

M. Damien Abad. Je vous demande juste d’entrer dans le débat !

Mme Ségolène Royal, ministre. …et faire des comparaisons entre le prix du mégawattheure nucléaire, qui est supérieur – cela a été dit – à celui du mégawattheure de l’éolien terrestre. C’est pourtant un argument que je me refuse à utiliser pour expliquer que l’énergie nucléaire doit revenir à sa juste place. Vous savez aussi que le rapport de la Cour des comptes évalue à 110 milliards d’euros le coût de la prolongation des centrales. Ce n’est tout de même pas rien ! Qui va payer ? Ce sont les consommateurs, sur leurs factures. Et il faudrait chasser cela d’un revers de main, et faire de la politique politicienne sur ces sujets ?

La responsabilité qui est la nôtre n’est pas d’opposer les énergies les unes aux autres, mais de savoir quel est le meilleur investissement public et privé. Nous avons la responsabilité d’offrir le meilleur rapport qualité-prix, tout en réalisant les objectifs qui sont fixés dans ce projet de loi, à savoir la lutte contre l’effet de serre, les économies d’énergie, l’indépendance énergétique, l’utilisation des énergies renouvelables… Nous savons que plus le marché des énergies renouvelables va monter en puissance, et plus le prix d’installation et de fabrication va baisser. C’est une loi économique classique.

Nous devons comparer ce qui est certain aujourd’hui – les 110 milliards nécessaires pour prolonger la durée de vie des centrales et la montée en puissance des énergies renouvelables, dont le coût va baisser. C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas opposer les énergies les unes aux autres. D’ailleurs, prenez garde : si vous ne vous fondez que sur les prix et les coûts, l’argument va se retourner contre ce que vous essayez de démontrer, à savoir que la seule solution serait le nucléaire.

M. Damien Abad. Ce n’est pas un argument, c’est une question !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je viens de vous répondre, monsieur le député, avec courtoisie et avec précision.

M. Damien Abad. Vous n’avez pas répondu à la question !

Mme Ségolène Royal, ministre. Dans ces conditions, nous devons faire monter en puissance les énergies renouvelables et réduire la part du nucléaire. Je n’y reviens pas : je l’ai expliqué longuement, et j’ai répondu tout aussi longuement, depuis deux jours, sur ce sujet. Ne vous laissez pas prendre au piège du coût soi-disant inférieur de la production d’électricité nucléaire : cela ne correspond pas à la réalité. Vous noterez que je n’utilise pas cet argument pour vous dire qu’il faut remettre le nucléaire à sa juste place – une place qui n’est ni marginale, ni dérisoire : elle est importante, mais elle doit être complémentaire.

Vous donnez des leçons de calcul et d’arithmétique ? Mais en 2005, vous aviez évalué le coût de l’EPR de Flamanville à 3 milliards d’euros ! (M. Denis Baupin s’esclaffe).

Vous étiez aux responsabilités ; M. de Courson était à la commission des finances. Et ce coût s’élève finalement à 8 milliards d’euros. Ai-je utilisé cet argument ? J’aurais pu, comme vous, instrumentaliser de façon politicienne les différents coûts.

M. Damien Abad. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas d’accord avec vous que nous instrumentalisons de façon politicienne !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je ne l’ai pas fait. Certes, c’est un prototype. Il n’empêche que vous avez sous-évalué son coût. Or qui a payé les 8 milliards ? Ce sont les consommateurs, sur leurs factures d’électricité. Et il faudrait ne rien dire, ne rien regarder ? Soyons sérieux !

Je vous propose de poursuivre le débat, d’aborder d’autres sujets, de faire en sorte de ne pas opposer les énergies les unes aux autres. Chacun peut garder son point de vue, mais au bout du compte, nous avons la même préoccupation : quel est le meilleur modèle énergétique pour les Français ? Et ce modèle est un modèle diversifié – c’est ce que nous proposons ; c’est un modèle rationnel – c’est ce que nous proposons ; c’est un modèle qui renforce l’indépendance énergétique – c’est ce que nous proposons ; c’est un modèle qui a pour ambition de redonner du pouvoir d’achat aux Français ; c’est enfin un modèle fondé sur l’investissement dans les nouvelles formes de production d’énergie créatrices et innovantes, où se joue une compétition mondiale dans laquelle la France doit être offensive. À force de répéter qu’il n’y a rien à faire dans les énergies renouvelables et que la performance énergétique est marginale…

M. Damien Abad. Nous n’avons jamais dit cela ! Cessez de caricaturer ! Vous n’êtes pas en campagne électorale !

Mme Ségolène Royal, ministre. …vous allez décourager les entreprises qui sont en train de se positionner sur ces marchés industriels du futur, dans lesquels nous avons beaucoup d’emplois à créer. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(Les amendements nos 772, 1872 rectifié et 1571, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly