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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 14 octobre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage aux prix Nobel français

2. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

3. Questions au Gouvernement

Disparition de LCI

M. Alain Tourret

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Reconnaissance de l’État palestinien

Mme Jacqueline Fraysse

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Politique du Gouvernement

M. Bruno Le Maire

M. Manuel Valls, Premier ministre

Budget de l’éducation nationale

M. Patrick Bloche

M. Manuel Valls, Premier ministre

Abandon de la taxe poids lourds

M. Bertrand Pancher

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Projet de loi de finances pour 2015

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Compte pénibilité

M. Pascal Popelin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Loi relative a la transition énergétique

M. Denis Baupin

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Grand paris

Mme Valérie Pécresse

M. Manuel Valls, Premier ministre

Demi-journée banalisée dans l’éducation nationale

M. Jean-Christophe Lagarde

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Situation dans la ville syrienne de Kobané

M. Franck Gilard

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Grand Paris

M. Jean-Yves Le Bouillonnec

M. Manuel Valls, Premier ministre

Réforme territoriale

M. Patrick Hetzel

M. Manuel Valls, Premier ministre

Crise des légumiers

M. Stéphane Travert

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

M. Martial Saddier

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Suspension et reprise de la séance

4. Transition énergétique

Explications de vote

M. Patrice Carvalho

M. Christophe Bouillon

M. Julien Aubert

M. Bertrand Pancher

Mme Cécile Duflot

M. Jacques Krabal

Vote sur l’ensemble

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. Manuel Valls, Premier ministre

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

5. Vacance de sièges de députés

6. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - Projet de loi de finances pour 2015

Présentation commune

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Présidence de M. Denis Baupin

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Rappel au règlement

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

Motion de rejet préalable ( Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

Mme Valérie Pécresse

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

M. Éric Alauzet

M. Paul Giacobbi

Motion de rejet préalable (projet de loi de finances pour 2015)

M. Charles de Courson

M. Dominique Baert

Mme Véronique Louwagie

M. Éric Alauzet

M. Philippe Vigier

7. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux prix Nobel français

M. le président. Après Patrick Modiano, qui a reçu jeudi dernier le prix Nobel de littérature, la France a de nouveau été mise à l’honneur hier : le prix Nobel d’économie a été décerné à notre compatriote Jean Tirole, président de l’École d’économie de Toulouse.

En votre nom à tous, je tiens à leur adresser les félicitations de la représentation nationale. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Portugal-France de l’Assemblée de la République portugaise, conduite par son Président, M. Carlos Alberto Gonçalves. (Mmes et MM. les députés ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

3

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Disparition de LCI

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Alain Tourret. En 2008, c’était Jean-Marie Gustave Le Clézio qui obtenait le prix Nobel de littérature ; aujourd’hui, c’est Patrick Modiano, cet écrivain à la finesse indéfinissable. Cette même année 2014, Jean Tirole obtient le prix Nobel d’économie. Comme vous venez de le souligner, monsieur le président, deux prix Nobel pour la France, en littérature et en économie, c’est du jamais vu, et cela réduit à néant le pessimisme de M. Zemmour, qui ne parle que de déclin et de décadence ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste .- Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Aujourd’hui, nous apprenons qu’une chaîne d’information en continu, LCI, dont la qualité fait l’unanimité, est condamnée à disparaître au motif que le CSA lui interdit l’accès à la TNT gratuite. D’aucuns parlent d’assassinat. Ces mots sont durs, mais ils sont l’expression du désespoir de journalistes et de techniciens, dont 248 risquent de perdre leur emploi.

La suppression d’une chaîne d’information, comme la disparition d’un journal, c’est une part de liberté qui disparaît, c’est la démocratie qui est atteinte, c’est la République qui est touchée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe UDI.)



Le Président de la République s’en est ému le 8 octobre, estimant que la situation pouvait être réexaminée. Le Gouvernement peut ne rien dire, ne rien faire, en constatant que le CSA est une autorité indépendante qui peut se prononcer en fonction des impératifs publicitaires. Nous ne pouvons accepter une telle neutralité ! Si le CSA a pour mission de participer à la disparition de la liberté d’informer, il n’a plus vocation à exister. Dans tous les cas, la loi qui lui confie un pouvoir aussi exorbitant doit être modifiée !



Ma question est donc simple : le Gouvernement accepte-t-il la situation créée par la décision du CSA d’interdiction du passage de LCI à la TNT gratuite ? Le Gouvernement accepte-t-il la disparition de cet espace de liberté ? Que compte-t-il faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, je souhaite d’abord excuser ma collègue Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, qui participe aujourd’hui au nom du Gouvernement à l’inauguration d’une exposition sur le Maroc médiéval au Louvre.

M. Marc Le Fur. C’est plus important !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Vous connaissez l’importance des liens de notre pays avec le Maroc !

Vous nous interrogez, monsieur le député Alain Tourret, sur la décision du CSA relative à LCI. Comme vous le savez, la majorité élue en 2012 a renforcé les pouvoirs du CSA, et notamment son indépendance, tout en permettant de revoir les statuts des chaînes. C’est donc une décision qui a été prise par une instance indépendante, après un travail sérieux, difficile. Vous comprendrez, monsieur le député, qu’il ne nous appartient pas de la commenter. Le cas échéant, il incombera au juge de se prononcer sur sa validité juridique.

Bien évidemment, le Gouvernement est particulièrement préoccupé par la perspective évoquée de la suppression de LCI, en raison tant des problèmes que cela pose en matière de liberté et de pluralisme de la presse, que des suppressions d’emplois annoncées qui concerneraient non seulement LCI, mais aussi TF1 et MYTF1 – puisque ces questions sont aujourd’hui sur la table.

Nous sommes au côté des personnels concernés, journalistes, techniciens, pour qu’il y ait une issue positive. TF1 doit examiner véritablement toutes les solutions de reprise qui pourraient être proposées. En tout état de cause, monsieur le député, soyez assuré que la direction du travail interviendra pour défendre l’ensemble des droits des salariés.

M. François Rochebloine. C’est nul !

Reconnaissance de l’État palestinien

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. La marche nationale pour la Palestine arrivera à Paris place de la République samedi prochain, 18 octobre, et constituera le lieu de convergence de multiples initiatives locales. Ces actions attestent de l’émotion légitime face à la situation faite au peuple palestinien. Les cinquante jours de bombardements de cet été, les milliers de morts – dont des centaines d’enfants –, de blessés et de personnes déplacées sont des actes insoutenables contre les civils palestiniens et une violation incontestable du droit international qui nécessitera plus de 4 milliards d’euros d’aide à la reconstruction de Gaza et à ses victimes.

Jusqu’à quand allons-nous tolérer cette succession de destructions et de reconstructions meurtrières, tout comme l’inacceptable blocus infligé aux populations ?

Certes, vous ne manquez jamais, monsieur le ministre des affaires étrangères, de rappeler le souci du Gouvernement d’agir pour une paix durable entre Israël et Palestine. Nous avons bien en tête votre déclaration du 29 août, en pleine offensive israélienne, prononcée lors de la conférence des ambassadeurs : « La paix passe par la solution des deux États, ce qui signifie qu’il faudra bien, à un moment, reconnaître l’État palestinien. »

Très bien, mais alors, pourquoi la France n’a-t-elle toujours pas reconnu l’État de Palestine, à l’instar de 134 pays, dont sept de l’Union européenne, auxquels viennent de s’ajouter la Suède et peut-être demain la Grande-Bretagne ?

Cette reconnaissance est, vous le savez, le préalable à une paix durable. C’est aussi contribuer à la sécurité d’Israël en accordant les mêmes droits et les mêmes devoirs aux deux États au sein de la communauté internationale.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, prendre l’engagement devant notre Assemblée, que la France, à son tour, va enfin reconnaître l’État palestinien ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la députée, allons au fond : la France, depuis très longtemps, s’est déclarée favorable à la solution des deux États. Je pense qu’une immense majorité de cette Assemblée partage cette opinion : deux États, vivant en sécurité, sur la base des frontières arrêtées en 1967, avec Jérusalem pour capitale. À partir du moment où nous disons qu’il faut deux États, il y aura nécessairement une  reconnaissance de l’État palestinien. Cela va de soi, c’est logique.

La seule question qui demeure est celle des modalités pour agir le plus efficacement possible. Nous en avons discuté dimanche au Caire avec le président Mahmoud Abbas, j’accueillais hier John Kerry et j’ai rencontré ce matin le ministre des affaires étrangères de la Palestine.

Nous ne voulons pas d’une décision symbolique, nous voulons être utiles à la paix. Jusqu’à présent a prévalu l’idée que la reconnaissance devait être liée à la négociation. Or, dès lors que la négociation est impossible ou n’aboutit pas, la France doit prendre ses responsabilités. Nous travaillons dans cet état d’esprit avec l’ensemble des partis, notamment les Palestiniens.

Notre action n’est pas seulement symbolique, elle tend à être utile à la paix. Et je vous le confirme, le moment venu, il y aura bien une reconnaissance de l’État palestinien. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, vous êtes un homme de conviction. Quel dommage que votre majorité et votre Président de la République ne vous laissent pas la liberté de les mettre en œuvre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous êtes pour le déverrouillage des 35 heures : supprimez-les tout de suite, vous rendrez service à l’activité en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



Vous êtes pour la TVA sociale : remplacez le CICE, trop compliqué pour les PME et les TPE, par un allégement immédiat des charges sur les salaires. (Mêmes mouvements).

Vous êtes pour une réforme de l’indemnisation du chômage : n’attendez pas 2016 pour la réformer et accompagnez immédiatement, aujourd’hui, tous les chômeurs qui cherchent un emploi, une formation ou une qualification.

Monsieur le Premier ministre, vous étiez à Londres il y a quelques jours où vous avez rencontré le Premier ministre britannique, M. Cameron. Vous lui avez dit « My government is pro-business ». Je suis certain que cela lui a fait plaisir ! Je suis certain également qu’après votre départ il s’est dit « Where is the beef ? », « Où sont les réformes ? ». Car les réformes, vous en parlez, mais jusqu’à présent, vous ne les faites pas, monsieur le Premier ministre. Vous vous contentez d’un rafistolage fiscal qui inquiète les Français, les retraités qui voient venir l’augmentation de la CSG, les familles prises en étau entre la baisse du quotient familial et l’allégement des aides familiales, qui inquiète tous ceux qui prennent leur voiture le matin et qui voient augmenter le prix du diesel, qui inquiète tous les commerçants qui n’arrivent plus à payer leur RSI. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)



Puisque vous êtes un homme de conviction, monsieur Valls, dites-nous quelles sont vos convictions et quelles sont celles du Président de la République si vous les connaissez ! Quel discours devons-nous croire ? Celui que vous tenez à la gauche ou celui que vous tenez à Paris, à Bruxelles, à Berlin et à Londres ?

Sortez de l’ambiguïté, dites-nous vraiment quelle sera votre marche à suivre dans les prochaines semaines ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je vous remercie pour cette question aimable, sympathique, et visant à la paix des ménages. (Sourires.) J’ai déjà eu l’occasion de répondre la semaine dernière à une question relative à l’assurance chômage, mais je rappellerai quelques éléments que chacun a bien en tête.

L’assurance-chômage est gérée par les partenaires sociaux depuis 1958. Ce sont les organisations patronales et syndicales interprofessionnelles qui négocient régulièrement les règles de l’indemnisation du chômage. Elles viennent de le faire au printemps 2014 et le Gouvernement a agréé la convention négociée, laquelle est pleinement entrée en vigueur le 1er octobre dernier. Elle comporte des innovations importantes comme l’instauration des droits rechargeables pour les demandeurs d’emploi afin d’encourager la reprise d’activité. Les partenaires sociaux ont fixé au printemps 2016 l’échéance de cette nouvelle convention.

M. Marc Le Fur. On ne demande pas un inventaire, mais une décision !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est de leur responsabilité et en agréant la convention, le Gouvernement s’est lui-même inscrit dans le calendrier. Pour autant, nous ne devons pas nous interdire de parler de l’assurance-chômage d’ici là. Les partenaires sociaux l’ont eux-mêmes prévu puisque, en vertu de la convention, des rendez-vous seront pris tous les six mois pour suivre la mise en œuvre de la situation financière du régime.

Parallèlement, nous travaillons à l’élaboration de la convention tripartite État-Unedic-Pôle Emploi.

Ce sera l’occasion d’avancer, de proposer des pistes pour un meilleur fonctionnement du marché du travail.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est vrai que nous avons le temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Face au déficit du régime, au taux de chômage que nous connaissons, tous les éléments du débat sont posés et je ne doute pas que cette question reviendra à un moment ou un autre. C’est ainsi, en tout cas, que nous devons la traiter, dans le respect absolu des partenaires sociaux.

Cela étant, monsieur Le Maire, le débat ne se situe pas à ce niveau. Dans un instant, le Parlement se prononcera sur un projet de loi essentiel, celui de la transition énergétique, avant d’être saisi du projet de loi de finances initial qui fixe les priorités du Gouvernement. Là est le vrai débat : entre l’action du Gouvernement et vos propositions. Il doit avoir lieu devant les Français, ce que vous faites ici en me posant cette question. Je vous réponds à nouveau très clairement : voulons-nous changer, oui ou non, la réduction du temps de travail et le nombre d’heures travaillées par chaque salarié, dans ce pays, chaque semaine ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Voulons-nous passer l’âge du départ à la retraite à 65 ans ? Non ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Voulons-nous économiser 100 ou 150 milliards supplémentaires en mettant en péril le pacte social et le pacte républicain français ? Non ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP, applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plutôt que de jouer la diversion et d’essayer de nous piéger, jouez votre rôle. Dites clairement aux Français ce que vous voulez : remettre en cause le modèle social.

Puisque vous faites allusion à l’Angleterre, j’ai appris quelque chose lors de mon déplacement en discutant avec les uns et les autres : je ne veux pas d’un projet thatchérien. C’est ce que vous voulez porter, mais nous le refusons car nous voulons au contraire sauvegarder et enrichir le modèle social français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC., vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous êtes en train de couler !

Budget de l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Patrick Bloche. Monsieur le Premier ministre, la priorité donnée depuis plus de deux ans à la jeunesse et la refondation de l’école de la République sont des grandes ambitions du quinquennat. Et de fait, suite au vote de la loi de 2013, les chantiers engagés sont multiples, qu’il s’agisse de la priorité donnée au primaire grâce, entre autres, au dispositif dit « Plus de maîtres que de classes », de la refonte de l’éducation prioritaire, de la remise en place de la formation des enseignants, de la scolarisation des enfants de moins de trois ans dans les territoires les plus défavorisés ou encore du retour à la semaine de quatre jours et demi dans l’intérêt même des élèves. C’est en ce sens qu’il a été prévu de créer 60 000 postes en cinq ans.

M. Marc-Philippe Daubresse. L’école va bien, en somme ?

M. Patrick Bloche. Plus que jamais, à l’heure même où notre pays éprouve la fierté – cela vient d’être rappelé – que deux de nos compatriotes soient honorés la même année du prix Nobel de littérature et du prix Nobel d’économie, il faut rappeler l’objectif d’excellence de notre système éducatif et faire vivre la belle promesse républicaine d’égalité entre tous les enfants de France.

Aussi, monsieur le Premier ministre, alors que débutera cet après-midi, dans cet hémicycle, l’examen du projet de loi de finances, pouvez-vous nous confirmer que l’éducation nationale redeviendra en 2015 le premier budget de la nation, illustrant ainsi la priorité donnée à l’avenir de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, je ferai à M. Bloche une réponse complémentaire de celle que je viens de faire à M. Le Maire.

Vous avez raison, monsieur Bloche : comme l’ont dit M. le président puis M. Tourret, et suite à nos déclarations d’hier, je tiens à saluer M. Jean Tirole, lauréat d’un nouveau prix Nobel après celui qui a récompensé Patrick Modiano. Je l’ai dit hier et je veux le redire ici : c’est l’occasion pour chacun d’entre nous, selon ses responsabilités ici et en dehors de l’hémicycle, de saluer l’excellence française. Naturellement, nous devons affronter les difficultés avec lucidité ; mais rappelons aussi combien notre pays dispose d’atouts et combien il faut les valoriser. Il est consternant d’entendre parfois tenir – à l’étranger mais aussi en France même – un discours contre notre pays, contre ses atouts, contres ses valeurs et contre des hommes et des femmes qui portent haut la science, la recherche, l’enseignement et la culture. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Fourneyron. Exactement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La France est une grande puissance économique, la cinquième du monde et la deuxième d’Europe. Nous agissons dans le monde par notre diplomatie et par nos armées. Cela dit, l’une de nos forces réside dans nos universités, nos chercheurs et, au fond, cette jeunesse qui ne demande qu’à regarder l’avenir. Elle est l’un de nos atouts.

C’est pour cela que l’éducation est notre priorité. C’est pour cela qu’avec une augmentation de 1 milliard d’euros, le budget de l’éducation nationale redevient enfin ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-dire le premier budget de la nation. C’est la preuve de l’engagement de la nation et de l’État pour l’avenir. Parce que notre démographie est un atout, la jeunesse n’est pas un problème ; elle est au contraire une solution pour l’avenir de la France.

C’est cet engagement qu’il faut retenir. À l’heure où nous entamons la discussion du budget et où nous débattons de l’avenir de l’Europe et des risques de récession que connaît la zone euro, c’est en affirmant nos priorités – l’éducation, l’enseignement supérieur, la recherche, mais aussi la sécurité et la justice – que nous montrons, monsieur le député, que c’est ici, au Parlement, que l’on décide de l’avenir de la France et du budget de la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Abandon de la taxe poids lourds

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Pouvez-vous, monsieur le Premier ministre, nous confirmer la quasi-décision du Gouvernement d’augmenter la durée de concession des autoroutes avant la fin de l’année ? Si c’est le cas, pouvez-vous nous expliquer la cohérence entre cette mesure et les attaques frontales que vous avez menées ces derniers jours contre les concessionnaires, confondant au passage les bénéfices, importants, et la rentabilité du capital qui, elle, est tout à fait normale ? Vous n’aimez pas les concessions, dites-vous, mais vous vous apprêtez à les prolonger…

Si vous ne pouvez pas répondre à ces questions, car nous avons bien compris la tactique de l’écran de fumée, comment qualifiez-vous dès lors l’abandon définitif de la taxe « poids lourds » ? S’agit-il d’une faute politique ? De recul en recul, vous avez cédé sur tout. Est-ce plutôt une grave erreur environnementale ? L’abandon d’un pilier de la fiscalité verte vient d’ailleurs de provoquer la démission, hier, de notre plus grand économiste sur le climat en France, Christian de Perthuis, que le Président de la République a chargé d’une mission. Ou alors est-ce un vaste scandale économique ? Un milliard d’euros partant en fumée : il est vrai que les médias commençaient quelque peu à manquer de matière…

Si vous êtes gêné, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous au moins indiquer aux Français comment vous compenserez cet énorme manque à gagner et confirmer les propos de votre ministre de l’économie et des finances qui envisage une augmentation de deux centimes sur le gasoil en excluant les camions – un comble ! –, et une somme supplémentaire de 250 millions d’euros à trouver – mais où ?

Enfin, et je regrette que vous n’ayez que deux minutes pour répondre à cette dernière question : comment pensez-vous vous engager dans une vaste politique environnementale sans réorienter notre fiscalité ? Pour tous les écologistes sincères de France, et ils sont nombreux, c’est un très grand mystère ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je vous remercie, monsieur le député, pour cette question copieuse, qui aborde de nombreux sujets que vous connaissez fort bien. Je saisis cette occasion pour vous remercier d’avoir été très présent au cours du débat sur le projet de loi relatif à la transition énergétique, qui sera mis au vote dans quelques instants.

Ce texte comporte un volet très important relatif aux transports propres. Soyez convaincu que le Gouvernement agit en ce sens, non seulement par les dispositions du projet de loi, mais aussi pour résoudre l’ensemble des problèmes que vous avez soulevés.

S’agissant des autoroutes, le Gouvernement et le Parlement sont destinataires de rapports de la Cour des comptes et du rapport de l’Autorité de la concurrence, qui contient plusieurs propositions pour remettre de l’ordre en matière de tarification des autoroutes.

M. Jean-Luc Laurent. Un ordre juste !

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous avons demandé aux sociétés concessionnaires de formuler des propositions sur ce point pour savoir comment elles entendaient donner suite aux recommandations de l’Autorité de la concurrence.

En ce qui concerne l’écotaxe, qui a été inventée par le gouvernement de M. Fillon,…

M. Dominique Bussereau. Vous l’avez votée !

Mme Ségolène Royal, ministre. …nous avons dû gérer une situation difficile. En effet, une taxe n’est acceptable que si elle est juste et simple, et si elle atteint son objectif. Or, l’écotaxe n’était ni juste ni simple, et elle n’atteignait pas son objectif, (« Mais vous l’avez votée ! » sur les bancs du groupe UMP) car elle était répercutée sur les chargeurs, en particulier les producteurs de fruits et légumes, qui connaissent déjà assez de difficultés pour ne pas avoir à payer une taxe supplémentaire.

Enfin, concernant le transport propre, monsieur le député, vous savez que le projet de loi comprend des mesures très importantes pour, par exemple, encourager l’achat de véhicules propres dans les flottes des administrations, et pour aider les Français à abandonner leurs vieux véhicules diesel polluants grâce à une prime de 10 000 euros par véhicule propre acheté.

Vous avez ainsi la preuve, monsieur le député, que le Gouvernement travaille avec bon sens et détermination ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Projet de loi de finances pour 2015

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le Premier ministre, l’examen du projet de loi de finances pour 2015 et de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 débute cet après-midi. Pourtant, il semble que le sort de votre budget soit déjà scellé à Bruxelles puisque l’on parle d’un avis réservé de la Commission européenne, comme en témoignent vos multiples déclarations et celles des membres du Gouvernement pour essayer de séduire Bruxelles en annonçant des réformes – réformes dont votre majorité ne veut surtout pas.

Votre budget n’est à la hauteur ni des attentes, ni des enjeux français. Tout d’abord parce que vous remettez en cause la trajectoire de réduction du déficit public en reportant les objectifs de la France. En clair, vous êtes incapable de tenir vos engagements et vous faites le choix délibéré de laisser filer le déficit et la dette.

Mme Clotilde Valter. Bravo !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ensuite, parce que vous promettez une baisse d’impôt qui n’existe pas.

M. Jean Launay. C’est faux ! C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Henri Emmanuelli. Six ans au pouvoir !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le taux de prélèvements obligatoires ne baisse pas : ce que le Gouvernement donne d’une main, Bercy le reprend de l’autre. Vous supprimez la première tranche de l’impôt sur le revenu, mais vous augmentez la fiscalité du diesel qui concerne tous les Français. Vous allez accentuer l’hyper-concentration de l’impôt et faire peser davantage encore l’effort sur les classes moyennes.

Les baisses d’impôt annoncées par le Gouvernement ne sont qu’un leurre. En réalité, les impôts n’entrent plus dans les caisses de l’État – 5,5 milliards en moins pour l’impôt sur le revenu. La situation est très préoccupante.

Enfin, vous parlez constamment d’économies, mais ce que vous proposez consiste à dépenser moins par rapport à ce qui était prévu, pas de faire de réelles économies. Et plusieurs milliards d’euros ne sont, à ce jour, pas documentés.

Monsieur le Premier ministre, face aux risques venant de Bruxelles, on parle aujourd’hui d’un plan B, d’un nouveau budget, que votre Gouvernement s’apprêterait à présenter. Qu’en est-il ? Est-ce à dire que cet après-midi, nous allons discuter d’un plan A tandis que vous gardez le plan B pour demain ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Madame Dalloz, nous allons avoir le temps de discuter de tous les points qui composent la loi de finances ici même, à l’Assemblée nationale, qui est le lieu où s’exerce la souveraineté nationale.

Je m’étonne du peu de confiance en vous-même que vous manifestez ! C’est ici que vous allez vous exprimer et faire valoir vos arguments, et non à Bruxelles. Je vous donne un conseil, madame : vous serez plus forte si vous ne vous appuyez pas sur Bruxelles pour animer le débat démocratique que nous aurons ici même. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous manquez de mémoire, car c’est vous – ou d’autres à l’époque – qui avez délibérément, par deux fois, en 2003 et en 2007, violé les règles qui s’imposent à nous, et à ce titre vous ne pouvez aujourd’hui nous donner des leçons.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous êtes au pouvoir depuis trois ans !

M. Michel Sapin, ministre. Je vous rappellerai simplement deux principes.

Le premier est un principe que nous partageons tous en tant qu’européens. Lorsque plusieurs pays ont la même monnaie –et certains d’entre nous ont participé au long cheminement qui a donné le jour à une monnaie commune, l’euro, et nous pouvons nous en féliciter –, on partage alors avec les autres certaines valeurs telles que la confiance que l’on doit avoir les uns envers les autres, en particulier concernant le regard que chacun porte sur le budget des autres.

M. Sylvain Berrios. Vous n’avez la confiance de personne !

M. Michel Sapin, ministre. C’est ce que nous faisons dans le dialogue à Bruxelles et, pour ce qui nous concerne, dans le respect des traités – que vous, vous n’avez pas respectés.

Le second principe, madame la députée, c’est que je ne connais qu’un seul endroit où l’on peut rejeter, repousser, censurer et amender un projet de budget : c’est ici même, et vous aurez l’occasion de le vérifier. Nous verrons alors qui exerce vraiment la souveraineté nationale et qui est majoritaire dans cette assemblée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Compte pénibilité

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, la semaine dernière, quelques jours après l’instauration des droits rechargeables à l’assurance chômage, notre majorité a concrétisé un nouveau droit majeur pour les salariés.

Un député du groupe UMP. Quelle majorité ?

M. Pascal Popelin. En application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite, discutée et votée ici même, les décrets du 10 octobre dernier concrétisent la création du compte personnel de pénibilité qui sera pris en compte pour calculer la durée de cotisation des salariés.

Quatre facteurs de pénibilité seront intégrés dès le 1er janvier prochain : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail en horaires alternants, le travail en milieu hyperbare.

Très concrètement, les salariés évoluant dans ces contextes bénéficieront de droits nouveaux pour réduire leur durée de cotisation, pour alléger leurs horaires de travail ou pour bénéficier d’un accès privilégié à la formation.

Mme Claude Greff. Pourquoi pas pour arrêter de travailler ?

M. Pascal Popelin. La concertation portant sur la prise en compte des six autres facteurs se poursuivra tout au long de l’année 2015.

Les gesticulations de M. Gattaz, qui remet en cause de manière pure et simple – pour reprendre l’expression qu’il a employée ce matin – un principe pourtant admis par le Medef, n’entameront pas notre détermination à donner vie à cette grande avancée sociale.

Madame la ministre, loin des caricatures qui alimentent la chronique afin de détourner le débat public des vrais sujets et de la réalité des réformes soutenues par notre majorité, pouvez-vous préciser à la représentation nationale les avancées concrètes que nous pouvons attendre de l’instauration du compte pénibilité ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, vous avez raison de souligner l’importance de la réforme en matière de pénibilité qui a été votée par le Parlement. Cette réforme va permettre à des centaines de milliers, voire à des millions de salariés, de bénéficier d’un droit nouveau.

Concrètement, il s’agit de faire en sorte que des hommes et des femmes qui, au cours de leur vie professionnelle, ont été exposés à des facteurs de pénibilité comme le travail de nuit, le travail répétitif, le port de charges lourdes, l’exposition à des substances toxiques, bénéficient d’un départ en retraite anticipé, de droits à la formation ou d’une retraite progressive.

Les décrets d’application pris en faveur de ce droit nouveau, qui est un droit social majeur, ont été publiés vendredi dernier, le 10 octobre.

Le temps de la concertation a été engagé et il se poursuivra, pour ce qui reste à faire, au cours de l’année 2015.

Quoi qu’il en soit, dès le 1er janvier 2015 se mettra en place le compte pénibilité pour des centaines de milliers de salariés, et dès l’année 2015 ce sont un million de salariés qui pourront bénéficier de ces droits nouveaux.

Toutes les gesticulations de la terre n’y changeront rien, monsieur le député, et je regrette que le patronat en soit encore à chercher la surenchère alors que le temps qui s’impose est celui de la mise en œuvre. C’est un droit social majeur qui se met en place et c’est à ce droit que nous devons consacrer nos efforts et notre énergie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Loi relative a la transition énergétique

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, nous sommes appelés à voter aujourd’hui une loi majeure relative à la transition énergétique.

M. Claude Goasguen. Il n’y a rien dedans !

M. Denis Baupin. Lorsque nous sommes en désaccord, nous le disons, mais si des avancées ont lieu, nous le disons aussi. En l’espèce, nous le disons sans ambiguïté : cette loi constitue une avancée très importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Un député du groupe UMP. Non !

M. Denis Baupin. Non seulement notre Parlement est appelé à voter la stratégie énergétique du pays pour la première fois, mais surtout la loi prend des virages historiques comme la priorité à la sobriété, à l’efficacité énergétique et aux énergies renouvelables et la réduction concomitante de notre dépendance aux vieilles énergies fossiles et nucléaires. Avec cette loi, notre pays s’inscrit dans le grand mouvement de la communauté internationale aux yeux de laquelle la seule énergie d’avenir, c’est l’énergie renouvelable. Avec cette loi, nous pourrons créer des centaines de milliers d’emplois et redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Avec cette loi, nous pourrons aussi regagner de la souveraineté nationale.

Mais nous disons tout aussi clairement que la loi ne constitue pas pour nous un aboutissement ; c’est un point de départ. Nous serons donc très attentifs à l’allocation des moyens nécessaires, budgétaires en particulier, à la mise en place de dispositifs fiscaux de bonus-malus visant à aider nos concitoyens ainsi que les acteurs économiques à adapter leur comportement, à la réalité de la décentralisation de la politique énergétique et du rôle de stratège de l’État en matière de politique industrielle, à la fermeture promise de la centrale de Fessenheim et évidemment à l’utilité de la politique menée pour mettre la France et l’Europe à la hauteur de l’enjeu de la conférence climat. En votant cette loi cet après-midi, nous franchirons une étape majeure.

M. Claude Goasguen. Historique, même !

M. Denis Baupin. Chacun l’aura compris, nous sommes déjà impatients de préparer les suivantes. Pouvez-vous donc, madame la ministre, préciser la feuille de route ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. En effet, mesdames, messieurs les députés, la loi de transition énergétique, à laquelle je vous remercie d’avoir apporté nombreux et sur tous ces bancs votre concours, sera soumise tout à l’heure à votre vote. Pour la première fois, le Parlement est saisi du modèle énergétique français. Nous préparons l’avenir en agissant tout de suite !

M. Serge Grouard. C’est faux ! Tout était déjà dans le Grenelle de l’environnement !

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est une loi d’action, une loi de mobilisation, d’équilibre et d’espoir. C’est une loi d’action, car elle aura des effets immédiats, en particulier dans la filière du bâtiment. L’objectif est de créer 100 000 emplois dans les filières du bâtiment, de la croissance verte et des énergies renouvelables en donnant aux Français les moyens d’accomplir des travaux d’économie d’énergie. J’espère d’ailleurs que le crédit d’impôt de 30 % des frais de travaux d’isolation et d’amélioration de la performance énergétique des logements sera voté dans le cadre du projet de loi de finances.

C’est une loi de mobilisation car elle s’appuie sur la mise en mouvement des territoires, en particulier les territoires à énergie positive et les territoires zéro déchet où seront créés des emplois dans les filières d’avenir. C’est une loi d’équilibre car elle n’oppose pas les énergies les unes aux autres. Enfin, c’est une loi d’espoir, car elle rend aux Français la maîtrise de leur énergie comme de leur consommation et du pouvoir d’achat en abaissant le montant des factures. Elle donne aux entreprises, grandes, petites, moyennes et artisanales, la possibilité de créer des activités et des emplois dans les filières traditionnelles du bâtiment et dans les filières nouvelles de l’éco-construction. Enfin, grâce à elle, l’Europe sera exemplaire pour les conseils européens des 24 et 25 octobre prochains et la France sera exemplaire pour accueillir le sommet mondial sur la planète. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Grand paris

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Pécresse. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et j’y associe mes collègues franciliens. Le projet du Grand Paris lancé par Nicolas Sarkozy est un projet magnifique.

M. Razzy Hammadi. Mais sans financement !

Mme Valérie Pécresse. Après quinze ans d’immobilisme, il donnait enfin à l’Île-de-France une ambition à la hauteur des enjeux de la région capitale et apportait une réponse à la thrombose des transports, à la crise du logement et à la crise tout court. Mais encore faudrait-il que le projet voie le jour ! Vous avez annoncé hier, monsieur le Premier ministre, des financements sans précédent pour les transports du Grand Paris.

M. Jean-Luc Laurent. C’est une bonne nouvelle !

Mme Valérie Pécresse. Mais nous ne saurions prendre des vessies pour des lanternes et demandons des preuves !

M. Razzy Hammadi. Vous ne craignez pas le ridicule !

Mme Valérie Pécresse. Où est l’argent ? Pour l’instant, nulle part ! J’ai interrogé M. le ministre du budget qui n’a pas su me répondre ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qui paiera ? La taxe de séjour sur les hôtels de luxe a été abandonnée, l’écotaxe aussi. Dans ce contexte et après toutes ces reculades, il est évident que ce sont les Franciliens et les entreprises franciliennes qui paieront 100 % de la dépense ! Quel impôt augmenterez-vous, monsieur le Premier ministre ? La taxe sur les bureaux ? La taxe d’équipement sur les ménages ? De combien ? Qui peut croire que cela suffira ?

Vous vous gargarisez d’augmenter de 1,4 milliard d’euros les crédits des transports d’ici à 2020. Cela semble beaucoup mais cela ne représente en réalité que 87 millions d’euros supplémentaires par an, soit une goutte d’eau face au mur des besoins, à la vétusté du réseau dont le drame de Brétigny porte témoignage et à la nécessité de construire Éole, dont le budget s’élève à 3,3 milliards d’euros, pour décongestionner le RER A qui transporte chaque jour un million de voyageurs ! Dès lors, répondez à nos questions, monsieur le Premier ministre ! Il faut un plan ORSEC pour les transports en Île-de-France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je suis toujours étonné, madame Pécresse, du ton dont vous usez pour évoquer un sujet qui devrait nous rassembler. J’ai fait un certain nombre d’annonces relatives au logement et au transport comprenant, dans le cadre des contrats de plan, un plan de mobilisation pour les transports et la gouvernance en Île-de-France, dont le montant s’élève à 1,4 milliard d’euros.

M. Marc-Philippe Daubresse. Sans aucun crédit de paiement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans le cadre du contrat de plan et de la loi de finances, avec les recettes déjà prévues dont il a déjà été rappelé qu’elles seront complétées, nous serons au rendez-vous !

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est de la monnaie de singe !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous en avons débattu avec le président de la région, Jean-Paul Huchon, avec les présidents de conseils généraux, avec la maire de Paris et avec l’ensemble des élus. Nous serons au rendez-vous. En effet, à l’annonce du projet de Grand Paris par Nicolas Sarkozy alors Président de la République, tous les élus d’Île-de-France, dont j’étais, ont salué la vision dont il procédait. Mais les annonces relatives au métro n’étaient pas non plus accompagnées des financements prévus. Je me suis contenté hier, madame la ministre, de faire correspondre aux projets de l’argent, une méthode et des objectifs.

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous n’avez aucun crédit de paiement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À propos de logement et de transport, j’aimerais que les élus de la région Île-de-France et l’État s’accordent au moins sur l’essentiel, c’est-à-dire assurer la nécessaire attractivité de la région capitale tout en répondant aux attentes des usagers du métro et du RER au lieu de polémiquer. En matière de financement, nous serons au rendez-vous !

M. Marc-Philippe Daubresse. Il n’y a pas d’argent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Permettez-moi enfin, madame Pécresse, de relever une contradiction. L’une de vos collègues a fustigé cet après-midi le Gouvernement au sujet des dépenses, proposant 100 voire 150 milliards d’euros d’économies supplémentaires, et vous demandez, vous, un plan ORSEC ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Où est l’inconséquence ? Où est l’incohérence ? La logique et la cohérence sont de notre côté !

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous réalisons des économies, nous gérons le budget du pays, nous rappelons que le vote du budget incombe au Parlement tout en définissant et appliquant des priorités dont vous avez beaucoup parlé étant ministre mais sans rien faire pour la région Île-de-France ! C’est bien ce gouvernement qui répond à l’attente des Franciliens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Demi-journée banalisée dans l’éducation nationale

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Par circulaire, madame la ministre, vous avez prévu une consultation nationale sur la maternelle et une demi-journée banalisée consacrée à cette consultation. Pourquoi avez-vous ainsi souhaité décider de priver les enfants de classe, puisqu’elle a lieu pendant les heures de classe, alors qu’existent des dizaines d’heures de concertation pédagogique dans le temps de travail des enseignants, mais en-dehors du temps de la classe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pourquoi laisser ainsi les enfants à la charge des familles ou des collectivités locales, qui ne peuvent jouer les supplétifs du ministère de l’éducation nationale ? Avec les députés UDI, nous désapprouvons ce choix et cette méthode.

Il y a mieux, madame la ministre : dans le rectorat de Créteil, qui concerne les départements du Val-de-Marne, de la Seine-et-Marne et de la Seine-Saint-Denis, la demi-journée banalisée était prévue hier matin. Parce que les parents d’élèves du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne ont saisi la justice pour contester la décision de Mme la rectrice, celle-ci a renoncé à cette demi-journée mercredi dernier. Mais en Seine-Saint-Denis, les parents d’élèves n’ont pas saisi la justice et la rectrice a décidé qu’aurait lieu hier dans ce département, donc dans le même rectorat, cette demi-journée banalisée, laissant à la charge de familles si souvent précaires socialement, à faibles revenus, le risque de mécontenter leur employeur en perdant une demi-journée, voire une journée de travail.

Je ne comprends pas, madame la ministre – et j’imagine que vous y serez sensible, monsieur le président, vous qui êtes élu de Seine-Saint-Denis –, pourquoi la Seine-Saint-Denis a été ainsi discriminée. J’aimerais que vous nous expliquiez pourquoi votre administration fait une différence entre les enfants dans le même rectorat. La Seine-Saint-Denis a le droit d’être traitée à égalité avec la Seine-et-Marne et le Val-de-Marne. Tel n’a pas été le cas hier. Pouvez-vous nous dire pourquoi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Jean-Christophe Lagarde, chaque fois que l’éducation nationale s’apprête à adopter une réforme majeure, parce que nous savons que ce sont les enseignants qui seront conduits à l’appliquer, nous préférons les consulter sur le contenu de la réforme plutôt que d’en décider dans un lointain bureau, tout en haut. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Comme sur les rythmes scolaires !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous êtes particulièrement bien placés sur ces bancs pour le savoir… (Mêmes mouvements)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues ! Écoutons la réponse !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …puisque cette façon de procéder – la consultation des enseignants – est une démarche classique, qui a d’ailleurs été répétée à de nombreuses reprises, bien qu’exceptionnelle, en 2008 lorsqu’il s’est agi de réformer les programmes, en 2010 lorsqu’il s’est agi de réformer le lycée, et enfin cette année.

Comment consulte-t-on les enseignants – je voudrais faire preuve de pédagogie ? Soit nous voulons recueillir leur avis individuel, et nous les consultons sur leur temps libre ou leur temps de formation – c’est ce que nous pratiquons le plus couramment ; soit nous voulons recueillir leur avis collectif, leur avis d’équipe, parce que la réforme que nous introduisons concerne l’ensemble des établissements, et nous le prenons, c’est vrai, de façon exceptionnelle, sur du temps scolaire – une demi-journée banalisée. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

Cette demi-journée banalisée va concerner les 800 000 personnels de l’éducation nationale ; dans les deux tiers des académies de France, elle s’est déjà déroulée, elle a eu lieu.

M. Michel Herbillon. Pas dans le Val-de-Marne !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. J’ai conscience des contraintes que cela a pu imposer aux parents ou aux élus locaux. Je vous prie de bien vouloir accepter que cette demi-journée soit exceptionnelle : il n’y en aura qu’une dans l’année, mais elle est indispensable (Huées sur plusieurs bancs du groupe UMP) si nous voulons que l’ensemble des enseignants et des personnels éducatifs s’approprient au mieux la réforme du socle commun de connaissances (Mêmes mouvements) et des programmes que nous entamons, et qu’ils puissent tout simplement bien exercer leurs missions, dans l’intérêt des enfants eux-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation dans la ville syrienne de Kobané

M. le président. La parole est à M. Franck Gilard, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Franck Gilard. Monsieur le Premier ministre, au mois d’août 1944, la ville de Varsovie s’était soulevée contre l’occupant nazi, sous les yeux impassibles de l’Armée rouge, dont l’élan a été sciemment stoppé par Joseph Staline afin de donner le temps aux Allemands d’écraser la résistance nationale polonaise. La répression fit près de 200 000 morts et blessés.

Aujourd’hui, la ville kurde de Kobané, située en Syrie, est assiégée depuis quelques semaines. Progressivement, elle est investie par les forces fanatisées de Daech, et l’on peut préjuger que les massacres vont s’amplifier avec la chute vraisemblable de cette cité malgré les 2000 frappes de l’aviation alliée, principalement américaine.

Tout cela se déroule sous l’œil impavide de l’armée turque qui, l’arme au pied, empêche l’acheminement des renforts kurdes et attend sans états d’âme l’issue de cette tragédie fatale. Sans doute fallait-il que les Kurdes périssent, et tout a été fait pour qu’il en soit ainsi.

Monsieur le Premier ministre, pourriez-vous nous donner des précisions sur les motivations qui justifient l’immobilisme passablement monstrueux de l’armée turque, et sur ses rapports antérieurs avec les djihadistes de Daech ? Pensez-vous que nous puissions continuer à négocier une adhésion de la Turquie à l’Union européenne (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI et sur quelques bancs du groupe écologiste) face à un comportement aussi incompatible avec les valeurs qui justifient notre intervention au Kurdistan syrien ?

Enfin, chacun a pu noter qu’outre l’obstruction de l’armée turque, les raisons de la chute de Kobané – très vraisemblable – sont également dues au manque d’armement des Peshmergas kurdes. Monsieur le Premier ministre, où en sont les livraisons d’armes tant promises à ceux qui se battent contre la barbarie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député Gilard, le martyre de Kobané, puisque ce que vous avez dit est malheureusement exact, se déroule sous les yeux de la communauté internationale, sous les nôtres, et même si la France n’est pas à l’origine de cela, c’est une évidence, aucun Français ne peut détourner les yeux.

Comme vous l’avez souligné, il y a urgence ; et face à cette urgence, la position de la France est que tous ceux qui sont en position d’agir sur le terrain doivent le faire immédiatement. La coalition d’abord, par des frappes pour entraver Daech. Elles ont commencé, elles doivent être accrues, et la France n’est pas hostile à l’instauration de ce que l’on appelle une zone de sécurité. Les Turcs ensuite, et vous avez eu des mots forts qui auront eu un écho dans toute cette Assemblée, en laissant passer des défenseurs kurdes. Et nous-mêmes, en soutenant les forces de l’opposition syrienne ; car on ne peut d’un côté dire « Vive l’Europe ! » et, de l’autre, ne pas avoir l’attitude qui convient – j’ai eu l’occasion de le dire à mon collègue des affaires étrangères, que j’ai reçu la semaine dernière. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mais pour épouvantable que soit ce drame, il ne doit pas nous faire oublier non plus la responsabilité de M. Bachar el-Assad dans tout cela, qui ne lève pas le petit doigt pour sauver Kobané et qui continue de s’acharner contre Alep, contre Idlib, contre Hama et d’autres villes de Syrie en bombardant et en affamant les populations. Il n’est pas question de dédouaner l’un en accusant l’autre ; car nous avons deux adversaires, et l’attitude de la France sur le plan international sera de refuser de laisser Kobané continuer à être une ville martyre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Grand Paris

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le Premier ministre, comme vous venez de l’évoquer, le projet de la métropole du Grand Paris a connu, ces derniers jours, plusieurs avancées décisives.

Le Conseil des élus, au sein de la mission de préfiguration, a validé, à une très large majorité, la création, au 1er janvier 2016, de la métropole du Grand Paris, en vous formulant plusieurs propositions d’évolution de son organisation et de ses compétences.

De manière tout aussi essentielle – et c’est sur cela que je souhaite vous questionner – s’est tenu hier matin le comité interministériel, qui a réuni, sous votre présidence, les membres de votre Gouvernement en charge des grandes stratégies de l’État pour les territoires.

Dans l’après-midi, vous avez été accueilli à Créteil par notre collègue Laurent Cathala, sur le site Créteil-L’Échat, à l’occasion de la cession du foncier sur lequel va être réalisée une gare de la ligne 15 du futur Grand Paris express. Ce site de Créteil-L’Échat est emblématique de tous les enjeux attachés non seulement à la réalisation de ce grand réseau de transport de banlieue, mais aussi à la construction d’une métropole du Grand Paris, dans le cadre d’un partenariat entre l’État et ses grands opérateurs ainsi que les collectivités territoriales et locales : enjeu de la mobilité, avec la réalisation de ce réseau de métro automatique servant au quotidien à la vie des habitants ; enjeu du logement, avec la réalisation de logements adaptés à leurs besoins et à leurs moyens ; enjeu du développement économique par le renforcement des stratégies et des dynamiques d’accueil des entreprises ; enjeu du réaménagement urbain et de la restructuration des grands quartiers de ces communes, pour en améliorer la fonctionnalité et l’équilibre ; enjeu, enfin, du développement durable, dans tous les aspects du progrès environnemental.

Dans le même temps, nous avons conscience que cette démarche est une chance extraordinaire non seulement pour notre territoire francilien, pour la région francilienne, mais aussi pour toutes les régions de France et pour notre pays lui-même. Elle l’est aussi pour la place que notre grande métropole capitale tient et doit continuer à tenir en Europe comme dans le monde.

Monsieur le Premier ministre, quelles sont les grandes orientations de votre démarche ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jean-Yves Le Bouillonnec, je vous remercie de votre question. Vous qui connaissez parfaitement ces sujets, qui avez présidé Paris métropole et beaucoup contribué à la définition des orientations que j’ai eu l’occasion de présenter, vous avez vous-même, dans votre question, indiqué ces grandes orientations. Je les avais d’ailleurs déjà évoquées, d’une certaine manière, dans ma réponse à Mme Pécresse.

Vous avez raison de souligner que soutenir la région capitale, c’est évidemment aussi contribuer à soutenir notre pays. Dans quelques jours, au Sénat, j’aurai l’occasion, comme je le fais régulièrement devant les assemblées d’élus, de présenter le projet de réforme de nos territoires, qui concerne tant les contrats de plan État-région, le débat que vous aurez sur la dotation aux collectivités territoriales, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, que les projets qui concernent nos métropoles : je pense à Marseille et, bien évidemment, à Paris.

C’est une ambition pour la France, qui passe d’abord par la concrétisation, l’accélération de la mise en œuvre du Grand Paris des transports, qui concerne douze millions de Franciliens, au moyen de la rénovation des lignes RER – je pense plus particulièrement aux lignes C et D.

Ce faisant, c’est un moyen de renforcer l’attractivité de la capitale : chaque année, soixante millions de visiteurs – tant des acteurs économiques que des touristes – se rendent en Île-de-France. Nous en parlons souvent avec Laurent Fabius : nous avons un effort tout particulier à engager dans ce domaine pour tenir notre place dans la compétition mondiale entre les grandes capitales. C’est un enjeu bien sûr essentiel pour l’attractivité comme pour les usagers.

De ce point de vue, les nouvelles lignes de métro du Grand Paris express, comme l’amélioration du réseau existant, sont des priorités…

M. Christian Jacob. Vous êtes candidat aux régionales ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais je souhaite insister tout particulièrement sur les lignes qui faciliteront le déplacement de banlieue à banlieue, comme sur celles desservant Orly et Roissy.

Le Grand Paris, c’est aussi l’intervention concrète pour débloquer la construction de logements.

M. Marc Le Fur. Paris n’est pas la France !

M. Manuel Valls, Premier ministre. De fait, les cinq sites que nous avons évoqués hier, qui seront suivis d’une quinzaine d’autres sites, avec une intervention plus directe de l’État, doivent permettre la construction de 70 000 logements.

Vous l’avez dit aussi : notre ambition est de faire du Grand Paris le modèle de la ville de demain, une métropole dynamique, solidaire, qui nous permette également de lutter contre les fractures territoriales. Ce sujet a été évoqué à l’instant. La politique de la ville, la politique scolaire, les politiques de droit commun doivent aussi y contribuer.

M. Christian Jacob. La campagne des régionales a commencé !

Mme Valérie Pécresse. Cela fait dix-sept ans que vous êtes au pouvoir, assumez votre bilan !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour cela, monsieur Le Bouillonnec, vous le savez, il faut également créer les institutions qui nous permettront d’avancer ensemble. Les élus de la région ont bien avancé, ont conclu un accord qui permettra de construire l’avenir.

Des sujets restent toutefois à débattre. Il faut en particulier éviter de porter atteinte à la simplification nécessaire qu’attendent les Français et les Franciliens. Par ailleurs, la fiscalité doit soutenir le développement économique et promouvoir la solidarité entre les territoires.

Je sais pouvoir compter sur vous, monsieur Le Bouillonnec, pour poursuivre ce projet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Réforme territoriale

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le Premier ministre, à l’issue de la rencontre que vous avez eue avec des élus socialistes au sujet de la réforme territoriale, le député Bies vous a prêté des propos qui ont profondément choqué nos concitoyens. La première affirmation, c’est qu’il serait désormais impossible d’envisager que la région Lorraine et la région Champagne-Ardenne restent séparées. Qu’en est-il pour vous ?

La deuxième affirmation, c’est que vous auriez dit qu’une Alsace seule serait une Alsace repliée sur elle-même. Vous imaginez aisément que de tels propos ont fortement choqué les Alsaciens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela a créé un très vif émoi et d’ailleurs, lors de la manifestation de samedi dernier, qui a rassemblé plus de 15 000 personnes pour défendre le projet d’une nouvelle Alsace unie, ces déclarations ont été source de désapprobation.

L’Alsace, en effet, est une région ouverte sur la France, sur l’Europe, sur le monde, naturellement multiculturelle, plurireligieuse et entreprenante dans tous les domaines.

M. André Schneider. Absolument !

M. Patrick Hetzel. Albert Schweitzer, Auguste Bartholdi, nos industriels, nos universités – avec leurs prix Nobel Jean-Marie Lehn, Jules Hoffmann et Martin Karplus : tout cela fait le rayonnement de l’Alsace et de la France par-delà notre Hexagone.

Je n’imagine pas un seul instant que vous ayez pu prononcer de telles paroles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Alors !

M. Patrick Hetzel. Pouvez-vous le confirmer devant la représentation nationale et rassurer les Alsaciens sur le fait que votre Gouvernement prendra en compte leurs légitimes aspirations, que vous laisserez le Parlement décider librement, en écoutant le peuple d’Alsace, les élus régionaux et les conseillers généraux, qui se sont prononcés, toutes tendances confondues, à plus de 95 % en faveur d’une Alsace unie ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, le Sénat sera saisi, le 28 octobre prochain, en deuxième lecture, du texte qui a été voté par une large majorité, au mois de juillet, en première lecture ici à l’Assemblée nationale.

J’ai déjà eu l’occasion de dire au président Larcher que le Gouvernement serait évidemment très attentif à l’évolution du débat concernant la carte régionale. Je me réjouis surtout que le Sénat se saisisse cette fois-ci pleinement de ce texte important, de cette réforme qui vise à créer de grandes régions et qui sera suivie, en décembre, du texte porté par Marylise Lebranchu et André Vallini sur les compétences. Il s’agira également d’une étape très importante.

Il y a eu un débat à l’Assemblée nationale, et le texte du Gouvernement, porté par Bernard Cazeneuve, a évolué. Le projet de loi prévoyait que l’Alsace et la Lorraine soient réunies. Le président de la région Alsace, comme celui de la région Lorraine, soutenaient ce projet. Des amendements venus de tous les bancs de l’Assemblée nationale – je dis bien : de tous les bancs – ont permis la création de cette grande région Champagne-Ardenne-Lorraine-Alsace, ainsi que de la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Encore une fois, le Gouvernement sera attentif à l’évolution du débat, en rappelant un certain nombre de principes, concernant le nombre de régions, leur viabilité économique et, bien sûr, la volonté des parlementaires, à laquelle je porterai une attention particulière.

Monsieur le député, j’ignore quels propos l’on me prête mais, en tout état de cause, je respecte profondément l’Alsace et ses élus. Je reçois les parlementaires de la majorité ; je recevrai très prochainement les présidents de la région et des deux conseils généraux. Nous poursuivrons évidemment le débat, de la manière la plus républicaine qui soit – comme c’est toujours le cas avec les parlementaires alsaciens. Je n’oublie d’ailleurs jamais la place des parlementaires alsaciens, ici, au premier rang, car j’aime et connais trop l’histoire de mon pays pour ne pas rappeler ce fait.

Monsieur le député, je vous reprends uniquement sur un mot que vous avez prononcé, et je sais que c’est la conviction d’un républicain comme vous : il n’y a pas de peuple alsacien, il n’y a qu’un peuple français. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes GDR et UMP.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans le cadre de la réforme que nous menons, je serai extrêmement attentif à ce qu’il n’y ait pas de dérives. Nous constituons de grandes régions ; nous devons évidemment tenir compte – je viens de le faire – de l’histoire, de la culture, et je sais quel est le poids de l’histoire en Alsace et en Moselle. Nous devons être respectueux de cela et de la tradition d’ouverture de votre région.

En revanche, je m’opposerai avec la plus grande détermination, la plus grande fermeté, à tout projet qui viserait à défaire notre pays et la nation : la France, monsieur le député, est une et indivisible. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Crise des légumiers

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Stéphane Travert. Ma question s’adresse à M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Je souhaite y associer ma collègue Geneviève Gosselin-Fleury, députée de la Manche.

Monsieur le ministre, la filière légumière traverse une crise sans précédent dans le département de la Manche. Malgré son dynamisme et son savoir-faire, cette filière est confrontée à de nombreuses difficultés : une conjoncture défavorable affectant lourdement les trésoreries ; de mauvaises conditions climatiques ; une inflation normative ; le déficit croissant de la consommation intérieure de légumes produits en France ; enfin, l’impact de l’embargo russe.

À cela s’ajoute le sentiment des professionnels de ne pas être dans un dialogue constructif avec la grande distribution et la restauration collective, qui ne rétribuent pas les exploitants à hauteur de leurs coûts de production.

Pourtant, la Manche est le deuxième bassin de cultures maraîchères à l’échelle nationale. Concentrée sur trois zones de production – Val de Saire, côte ouest, baie du Mont-Saint-Michel – avec un chiffre d’affaires de 140 millions d’euros, cette production représente 200 000 tonnes de légumes produits par an pour 3 000 emplois, aujourd’hui en danger.

Après la perte de 30 % de chiffre d’affaires et la mobilisation des légumiers dans un climat apaisé et constructif, une table ronde en préfecture de la Manche a réuni tous les acteurs et l’ensemble des parlementaires du département afin de soutenir cette filière d’excellence, qui constitue un enjeu majeur pour l’avenir de l’agroalimentaire français.

Face au risque grandissant de cessation d’activité pour de nombreuses entreprises, pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quelles mesures d’urgence vous souhaitez prendre pour répondre à la détresse légitime de ces exploitants et mettre en œuvre l’indispensable sensibilisation de nos compatriotes à travers une communication ciblée sur la mise en avant des produits issus de nos territoires ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué la filière légumière, en particulier la situation de votre région. L’actualité a pu laisser penser que nous nous occupions de manière plus spécifique d’autres régions, mais il va de soi que les légumes sont cultivés partout en France et que les difficultés sont partout les mêmes.

Vous avez souligné, et je vous en remercie, qu’un dispositif a été mis en place dans chaque préfecture pour venir en aide aux exploitations et aux entreprises, qui connaissent des difficultés à cause de la crise que vous avez parfaitement décrite. Ce dispositif a pour objet de mobiliser les services de l’État sur plusieurs éléments : les cotisations à la Mutualité sociale agricole, les reports et parfois les annulations, les reports de remboursements d’emprunts – un point très important –, ainsi que les allégements fiscaux, en particulier la taxe sur le foncier non bâti. Dans le même temps, nous aurons à travailler de manière plus globale sur les allégements nécessaires à un certain nombre d’exploitations.

Tel est le dispositif qui a été mis en place et qui fonctionne au cas par cas, avec la mobilisation de l’État et des régions. Nous avons là le moyen de répondre à l’urgence.

Vous avez par ailleurs évoqué l’embargo russe. Sur ce sujet, nous devons mobiliser des moyens européens, et travailler en même temps sur la promotion des produits français.

Vous avez également abordé la question des relations avec la grande distribution, qui est également très importante. À cet égard, M. Emmanuel Macron et moi-même devons rencontrer, le 23 octobre, me semble-t-il, les représentants de la grande distribution au sujet de la valorisation des produits français. Il est absolument nécessaire de valoriser cette production, notamment parce qu’elle est d’une qualité largement supérieure aux autres.

Enfin, vous avez évoqué la restauration collective, un autre sujet sur lequel il faut s’organiser. On en parle aujourd’hui parce que nous sommes en crise, mais on n’en parlait pas auparavant. Il faut que les choses soient claires : on doit aborder cette question avec une perspective de long terme. Les enfants de France méritent des produits, des fruits et des légumes, de France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul et Mme Isabelle Attard. Très bien !

Taxe foncière sur les propriétés non bâties

M. le président. La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Martial Saddier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. J’y associe mes collègues parlementaires de Haute-Savoie, en particulier Virginie Duby-Muller et Lionel Tardy, concernés par la taxe foncière.

La majoration de la valeur locative applicable en matière de taxe foncière sur les propriétés non bâties a connu une hausse brutale, automatique et totalement disproportionnée à la suite de l’adoption de la loi de finances de 2013. Cette mesure, catastrophique pour les propriétaires, prévoit une taxation plus importante du foncier dans les zones tendues en matière de logement.

En effet, à l’augmentation de 25 % de la valeur locative des terrains concernés, il faudra ajouter désormais un montant forfaitaire majoré par le taux communal au mètre carré de 5 euros par mètre carré pour 2015 et 2016 et de 10 euros par mètre carré à partir de 2017.

Au total, ce sont 1 151 communes qui sont concernées sur l’ensemble de notre territoire dont 60 sur le seul département de la Haute-Savoie. Une première mobilisation des élus locaux et de nombreux parlementaires avait permis d’obtenir deux avancées : le report d’une année de l’application de la taxe sur le foncier non bâti et l’exonération des terrains agricoles.

Ces avancées étaient certes non négligeables mais elles ne vont malheureusement pas permettre de rendre le dispositif davantage acceptable pour nos concitoyens. À titre d’exemple, mes chers collègues, pour une parcelle de 800 mètres carrés, une majoration de 2 000 euros la première année puis de 4 000 euros chaque année s’appliquera.

De plus, cette surtaxe foncière suscite inquiétude et incompréhension de la part des maires chargés d’envoyer la liste des terrains concernés aux services fiscaux ; une grande première !

Preuve également que le zonage choisi n’est pas pertinent : de nombreuses communes situées en zone rurale, soumises à la loi montagne ou à la loi littorale, éloignées des agglomérations, devront mettre en œuvre cette disposition.

Alors que l’examen du projet de loi de finances pour 2015 va débuter cet après-midi, allez-vous, monsieur le Premier ministre, revenir sur ce dispositif ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député Martial Saddier, l’objectif de cette majoration introduite par le Grenelle de l’environnement en 2011 vise à lutter contre la spéculation et à inciter à la construction. La loi de finances de 2013 l’avait rendue obligatoire à compter de 2014 dans les vingt-huit agglomérations où existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logement.

L’entrée en vigueur de cette mesure de libération du foncier a déjà été reportée d’un an par la loi de finances de 2014 du fait de plusieurs difficultés de mise en œuvre, en particulier le recensement par les communes des terrains constructibles. Les terrains agricoles, y compris les terres en jachère, sont exclus du champ de la majoration automatique. Cette mesure permet de ne pas renchérir le coût de la détention des terrains à usage agricole situés en zone constructible.

Monsieur le député, le problème peut toutefois aussi résulter de certains documents d’urbanisme trop généreux. Les collectivités ont ainsi la possibilité de réviser leurs documents d’urbanisme pour réduire le nombre de terrains constructibles touchés par cette majoration. En Haute-Savoie, vous l’avez rappelé, 60 communes entrent dans ce dispositif en raison d’un foncier cher, du fait de la proximité du département avec la Suisse.

Soucieuse de répondre aux préoccupations exprimées, notamment afin de ne pas pénaliser les plus petites communes, j’étudie la possibilité d’adapter le champ d’application de la majoration automatique. Je peux d’ores et déjà vous dire que le zonage sera révisé pour apporter des réponses aux points que vous avez soulevés. Il est notamment envisagé de le calquer sur le zonage du logement intermédiaire en zones A et B1.

M. Bernard Accoyer. Et le taux ?

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Transition énergétique

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2188, 2230).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à l’issue de nos débats, qui ont été riches, sur ce projet de loi, je confirme ce que j’en avais dit dans la discussion générale.

De grandes ambitions sont affichées : construire un nouveau modèle énergétique plus diversifié, plus équilibré, plus sûr, plus participatif, visant à relancer la croissance tout en luttant contre le réchauffement climatique, pour réduire le chômage et la facture énergétique de notre pays.

Mais ce projet se donne-t-il les moyens de ses ambitions ?

M. Guillaume Chevrollier. Non !

M. Patrice Carvalho. Selon les évaluations de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, il faudrait mobiliser entre 10 et 30 milliards d’euros supplémentaires, chaque année, par rapport au niveau actuel des investissements énergétiques - 37 milliards d’euros - pour parvenir au mix énergétique avancé.

Or il n’est envisagé d’investir que 10 milliards d’euros sur trois ans, sous forme de crédits d’impôts, de chèque énergie et de fonds pour accompagner les collectivités locales, les particuliers, les entreprises et les banques. À cette aune, les objectifs fixés semblent illusoires.

Il y a donc fort à craindre que ce projet de loi ne soit, au final, qu’une loi d’affichage. Il présente, en outre, à nos yeux des dangers pour le modèle énergétique français, qui a pourtant fait ses preuves en fournissant à nos concitoyens l’énergie la moins chère d’Europe en raison des choix faits et de la maîtrise publique que nous en avions.

Les énergies renouvelables, nous dit-on, doivent prendre le relais du nucléaire, dont la part doit être ramenée de 75 % à 50 % dans le mix énergétique d’ici à 2025.

Le nucléaire n’est évidemment pas un horizon indépassable mais sa réduction n’est sérieusement envisageable que s’il s’accompagne d’une montée en puissance et en efficacité des énergies renouvelables.

Or l’expérience montre que nous n’y sommes pas. Il suffit de regarder ce qui se passe en Allemagne où, en raison de la fragilité et de l’intermittence des énergies renouvelables, on les double de centrales à charbon, ce qui fait exploser les tarifs pour le consommateur et accroît les émissions de CO2 que l’on prétend réduire.

J’évoquais, à l’instant, la maîtrise publique. Elle a été mise à mal au cours de ces dernières années. L’Europe libérale exige que les lois du marché s’imposent aussi dans le secteur de l’énergie au nom d’une concurrence libre et non faussée. C’est ainsi qu’il a fallu faire évoluer les statuts de nos entreprises publiques. L’État perd peu à peu la maîtrise des tarifs pratiqués. Gaz et électricité ont flambé et la précarité énergétique s’accroît.

Ce projet de loi s’inscrit dans cette dérive, notamment lorsqu’il ouvre à la concurrence l’exploitation des concessions hydrauliques.

La cerise sur le gâteau, au cours de nos débats, aura été l’annonce de l’enterrement de l’écotaxe – ou plutôt de ce qu’il en restait. Le report modal n’a plus aucun sens, dès lors que le tout-routier se trouve conforté, au détriment du ferroviaire et de la voie d’eau.

Outre le gouffre financier que représente cette ténébreuse affaire, nos concitoyens paieront deux fois : une première fois en faisant le plein, en payant l’augmentation des taxes destinée à compenser ce que les poids lourds ne paieront pas ; une seconde fois en réglant leurs impôts locaux pour l’entretien des routes que ces mêmes poids lourds auront dégradées.

Nous sommes à l’opposé de la transition énergétique et de la lutte contre les gaz à effet de serre.

Pour notre part, nous nous sommes efforcés de faire des propositions pour réussir une véritable transition énergétique sur la base d’une maîtrise publique de la politique énergétique.

La quasi-totalité de nos amendements a été repoussée.

Pour toutes ces raisons, nous émettrons un vote négatif. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’aborderai le texte soumis au vote sous trois angles.

D’abord, le contexte. C’est celui de l’urgence. J’en compte au moins trois.

L’urgence climatique, d’abord. Le changement climatique est en cours. Ses conséquences sont de plus en plus dramatiques. Ne rien faire coûtera plus cher que d’agir. Certains ici se conduisent comme ces plagistes auxquels on vient d’annoncer l’imminence d’un tsunami et qui se précipitent pour ranger les transats.

L’urgence géopolitique, ensuite. Les conflits et les guerres du moment nous rappellent combien la France est exposée d’un point de vue énergétique. La question de l’approvisionnement et de l’indépendance énergétique se pose avec une acuité particulière. Un pays ne peut plus dépendre d’une seule énergie. Le mix énergétique, c’est bon pour l’avenir et cela va dans le bon sens.

L’urgence économique, enfin. L’accès aux ressources, de plus en plus difficile, les rendra de plus en plus chères. Il faut développer les énergies renouvelables, briser tous les plafonds de verre qui empêchent leur déploiement. Il faut également consommer moins d’énergie sans brider la croissance. L’efficacité énergétique le permet. Une meilleure isolation des bâtiments est une formidable source d’économies et un gisement d’emplois important.

Le deuxième angle, c’est le prétexte. Pour ne pas voter ce texte, certains ont cherché tous les prétextes possibles. Le premier, répété en boucle jusqu’à l’étourdissement, ce sont les conditions du débat.

Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Quarante heures d’auditions en commission spéciale. Quarante-cinq heures d’examen des amendements en commission spéciale. Plus de quarante-six heures de débats dans l’hémicycle, c’est presque un record ! C’est bien plus que pour la loi sur la consommation, pour la loi sur l’agriculture ou encore que pour la loi ALUR. Le temps, vous le voyez, n’a pas manqué.

Ce qui a manqué à certains, vous l’aurez vu, c’est le sens des responsabilités. La chronique d’un départ annoncé a pu faire sourire. En vérité, c’est une brique supplémentaire au mur de discrédit qui parfois entoure notre assemblée.

Le deuxième prétexte, c’est la fable de l’abandon du nucléaire. La France est la deuxième puissance électronucléaire au monde, en volume, derrière les États-Unis, et elle le sera encore en 2025, avec cette loi et son objectif de ramener à 50 % la part de la production d’électricité d’origine nucléaire.

Le reste, la comparaison avec l’Allemagne, n’est pas sérieux.

Le troisième angle pour aborder cette loi, c’est tout simplement de regarder le texte. Il a été enrichi, par les rapporteurs et par la coconstruction que vous avez fait vivre, madame la ministre, avec beaucoup d’éclat. Chacun s’est plu à remarquer votre écoute et votre présence tout au long du débat.

Ce texte permet à notre pays de respecter ses engagements européens et internationaux pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et développer les énergies renouvelables. À la veille de la conférence sur le climat à Paris, c’est la moindre des choses.

Il contient des mesures fortes pour engager la rénovation des bâtiments : création d’un fonds de garantie pour la rénovation énergétique, mise en place du tiers financement, intégration de la performance énergétique dans les critères de décence des logements. Ce texte réforme la gouvernance du centre scientifique et technique du bâtiment, le CSTB, cible mieux les certificats d’économies d’énergie, rend les collectivités et les associations éligibles au dispositif.

Dans le domaine des transports, il permet, par la commande publique, le développement de la voiture électrique. Il comprend également la création du plan de mobilité rurale et le renforcement de la lutte contre la pollution atmosphérique avec les zones de circulation restreintes. Il traite du problème du transport de marchandises en milieu urbain, et encourage l’usage du vélo et le covoiturage.

Avec ce texte, l’économie circulaire se retrouve enfin dans le droit positif. Un objectif ambitieux de réduction des déchets ménagers est affiché ; les principes de proximité et d’autosuffisance sont consacrés ; l’obsolescence programmée, condamnée ; la filière du papier recyclé, soutenue.

Avec ce texte, la simplification est en marche pour favoriser la production d’énergie renouvelable. L’autorisation unique est généralisée. Mieux, les habitants et les collectivités pourront participer financièrement aux projets. Le sujet, déjà ancien, des concessions hydrauliques trouve enfin une solution qui préserve l’intérêt général. Dans le domaine de la sûreté nucléaire, l’information des citoyens est améliorée.

La prolongation de la vie des centrales n’est ni automatique, ni impossible. Pour lutter contre la précarité énergétique, le chèque énergie est créé.

Plusieurs plans sont mis en œuvre comme autant de rendez-vous pour le Parlement qui sera, véritablement, le pilote du mix énergétique.

Enfin, ce texte tient compte de la spécificité des territoires d’outre-mer et de leurs potentialités.

Mes chers collègues, au moment de voter ce projet de loi, pensez au contexte, balayez les prétextes et considérez le texte. C’est à cette aune-là que le groupe SRC votera pour. Trois fois pour ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame le ministre, nous allons nous prononcer sur une loi politique chargée de solder les comptes de l’accord partisan conclu entre les Verts et le parti socialiste en 2011.

M. Damien Abad. Très bien !

M. Julien Aubert. Quel gâchis ! François Hollande avait annoncé un texte majeur du quinquennat, il en a résulté un texte escamoté, examiné à la va-vite, voté sur un coin de table,…

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Il n’a pas encore été voté !

M. Julien Aubert. …deux ou trois grands principes vagues et idéologiques perdus au milieu d’une multitude de mesures techniques, le tout non chiffré. Or construire 20 000 éoliennes, 600 kilomètres carrés de panneaux photovoltaïques et démanteler vingt réacteurs en dix ans, tout cela a un coût.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est de la science-fiction !

M. Julien Aubert. Madame le ministre nous avait annoncé une loi consensuelle de coconstruction. Au final, faute de temps, la majorité aura examiné à la hache et en un seul jour 70 % des articles en commission spéciale, et 98 % des articles du projet de loi en séance publique.

Mme Cécile Duflot. À qui la faute ?

M. Julien Aubert. La majorité est restée seule avec elle-même, car l’opposition a boycotté ce simulacre de travail. Afin de cacher la grossièreté de la manœuvre, la majorité a crié à l’obstruction.

M. André Schneider. Eh oui !

M. Julien Aubert. Certains médias ont complaisamment relayé le discours officiel, en mettant sur le dos de l’UMP l’absence de débat. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.

Faut-il rappeler que la discussion de ce texte a débuté sur un mensonge ? Ségolène Royal s’était engagée, devant la presse et devant la commission spéciale, à ne pas recourir au temps programmé.

M. Damien Abad. C’est vrai !

M. Julien Aubert. Faut-il rappeler que le mariage pour tous, autre texte majeur, a eu droit à cent trente-six heures de débat à l’Assemblée ?

Faut-il rappeler que l’UMP a déposé 1 423 amendements, soit la moitié du total, à comparer aux 137 000 amendements déposés par le groupe socialiste sur le projet de loi de privatisation de GDF-Suez en 2006 ! Où est l’obstruction ?

M. Jean Glavany. C’était bien plus grave !

M. Julien Aubert. Au final, vous n’avez écouté ni les acteurs consultés en amont, comme l’a vertement rappelé Delphine Batho, ni repris les conclusions de l’autre débat sur la transition énergétique. Aucune – j’ai bien dit aucune – des dix propositions phares issues de notre travail n’a trouvé grâce aux yeux de la majorité. Quelle coconstruction ! À quoi sert le Parlement ? Les écologistes s’enorgueillissent d’avoir obtenu une interdiction moins tardive des sacs en plastique. On a les victoires que l’on mérite !

M. Damien Abad. C’est une honte pour la plasturgie !

M. Julien Aubert. Pourquoi nier que dans la majorité, les radicaux ont boudé la fin des travaux en commission spéciale et que les communistes eux aussi se sont alarmés de ce qu’ils ont qualifié de « Gosplan » ?

Pourquoi nier que dans les rangs mêmes du parti socialiste, plusieurs députés se sont désolidarisés du Gouvernement, tant sur la forme que sur le fond des débats ?

On aurait attendu une autre attitude d’un ministre qui a tant vanté les mérites de la démocratie participative. Aucun responsable de l’opposition n’a été approché, en amont ou pendant l’examen de ce texte, pour examiner sérieusement nos propositions. Madame le ministre a même osé nous dire que la coconstruction consistait à rejoindre le point d’équilibre de ce texte conclu entre le PS et les Verts sur le nucléaire !

Dans ces conditions, la majorité montre une audace certaine pour reprocher à l’opposition d’avoir épuisé son temps de parole sur l’article 1er de ce texte, en multipliant au passage les attaques ad hominem.

Mme Frédérique Massat. Douze heures !

M. Julien Aubert. Oui, nous pensons que consacrer douze heures de notre temps de parole à un article fondateur qui fixe tous les grands objectifs de la stratégie énergétique de ce pays pour cinquante ans, c’est parfaitement normal. Oui, nous pensons qu’un article qui propose de manière farfelue de réduire d’un tiers la voilure nucléaire, malgré la contre-performance allemande, malgré le risque pesant sur une centaine de milliers d’emplois, malgré le coût faramineux de la transition – 290 milliards d’euros –, cela mérite débat.

Où sont le sérieux et la compétence ? Est-ce notre responsabilité si, après avoir expliqué à sept reprises quel était notre chiffrage du plan Royal de fermeture accélérée du parc nucléaire, nous n’avons eu strictement aucune réponse ?

Où est la caricature ? Est-ce notre faute si après avoir expliqué que nous souhaitions remettre en cause l’horizon de 2025, qui nous semble insoutenable, tout en étant favorables à un objectif de 50 % d’électricité d’origine non-nucléaire dans le mix énergétique, nous nous sommes entendus taxer de partisans du statu quo favorables au tout nucléaire ?

Où est la mauvaise foi ? Est-ce notre problème si, après avoir déposé des amendements pour privilégier les énergies vertes non-électriques, nous nous sommes vus caricaturer par madame le ministre qui a osé nous dire que nous avions déposé des amendements pour interdire les énergies vertes ?

M. Jean Glavany. Vous n’avez besoin de personne pour vous caricaturer !

M. Julien Aubert. Où est l’instrumentalisation médiatique de ce texte ? Est-ce notre responsabilité si, du fait d’une fuite orchestrée par la majorité socialiste, le seul article dont s’est emparé le monde médiatique, ce n’est pas un article de votre projet de loi, madame le ministre, mais l’article, au masculin ou au féminin, qui précède le mot président ?

Confrontée à un mur de mauvaise foi et de surdité, l’opposition a effectivement épuisé son temps de parole sur l’article 1er, à force de vouloir raisonner un pouvoir solitaire qui ne voulait rien entendre.

Les écologistes, qui s’étaient endormis pendant les débats, se sont réveillés trop tard, ne pouvant que constater que l’écotaxe avait disparu pendant leur sommeil. Il reste les sacs en plastique, on a les victoires que l’on mérite !

M. Jean Glavany. Il l’a déjà dit !

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Répétition ! Ce discours manque de souffle !

M. Julien Aubert. Quant aux autres avancées de ce texte, qui sont pétries de bonnes intentions, elles sont hélas desservies par une absence de réflexion sur les moyens à engager.

Le groupe UMP votera contre ce texte qui est l’incarnation même de ce que les Français réprouvent : un passage en force sur la forme, de grands principes mais aucun moyen financier derrière, un volontarisme totalement irréaliste dans les conditions d’exercice actuel du pouvoir. Cette loi ne vivra donc pas bien longtemps et voici son épitaphe : ci-gît la transition énergétique, que portait Madame Royal. Ce qu’elle fit de mal, elle le fit bien. Ce qu’elle fit de bien, elle le fit mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, comment en sommes-nous arrivés là ? Comment ce qui était un grand engagement du Président de la République est-il devenu une loi si petite et imparfaite ?

En deux ans, le temps était plus que suffisant pour élaborer dans de bonnes conditions un grand texte sur un sujet si crucial. Pourtant, que d’hésitations, de renonciations, de non-dits, de vérités tronquées, d’allers-retours entre versions officielles et officieuses !

Il faut reconnaître que depuis deux ans, vous avez fait très fort ! Les trois piliers de l’économie verte se sont complètement écroulés : jamais aussi peu de logements anciens rénovés, paralysie totale du financement des infrastructures de demain et écroulement des énergies renouvelables, personne n’aurait fait pire !

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. Si, vous !

M. Bertrand Pancher. Après une valse de ministres de l’environnement, vous êtes arrivée, madame la ministre. Vous avez osé en rajouter une couche : en pleine loi sur la transition énergétique, vous avez osé pilonner l’écotaxe poids lourds, baisser la garde sur les certificats d’économies d’énergie et revenir sur la hausse programmée de la contribution climat-énergie. Madame la ministre vous faites très fort, vous êtes une vraie professionnelle !

Alors cette loi ? Les objectifs en sont d’autant plus ambitieux que leur terme est lointain, sans que jamais il n’ait été répondu à nos questions très précises sur les moyens à mettre en œuvre. Vos pirouettes et vos sempiternels « Pas d’écologie punitive ! », madame la ministre, sont des attrape-nigauds qui ne convainquent personne.

Plutôt que de présenter un texte quasi prophétique, il aurait été préférable de se concentrer sur des objectifs à court terme et des mesures efficaces à financer rapidement.

Il est évidemment nécessaire d’afficher une vitrine écologique ambitieuse. Pour autant, devons-nous tous garder la tête dans le sable en pensant qu’il suffit de pleurnicher sur les conséquences du réchauffement climatique pour que tout se mette en place spontanément ?

Que de contradictions ! Réduire la part du nucléaire dans le mix électrique, nous y sommes favorables, mais dans quelles conditions ? Ramener cette part de 75 % à 50 % d’ici à 2025 sans que le développement des énergies renouvelables n’ait encore explosé et que la consommation énergétique ne se soit considérablement réduite, c’est une plaisanterie. Si on le faisait, il faudrait afficher l’augmentation annuelle du prix de l’électricité – 10 % en moyenne – pour financer les énergies renouvelables, et mettre en œuvre des politiques draconiennes de certificats d’économies d’énergie. Or vous faites tout le contraire.

Abandon de la fiscalité écologique, renonciation à l’écotaxe, yo-yo sur les politiques de logement, mécanisme très imparfait pour relancer les énergies renouvelables, mesurettes en matière d’économie circulaire, annonces de prélèvements sur l’ensemble des agences chargées du développement durable, tergiversations de tous ordres depuis plusieurs mois, tout cela ne fait que montrer l’amateurisme du Gouvernement sur les questions environnementales.

Nouvelle preuve de cet échec – en fallait-il encore ? – la démission hier de Christian de Perthuis, président du comité pour la fiscalité écologique, qui s’est dit très déçu par le manque d’impulsion du Gouvernement sur la question de la fiscalité.

Notre pays a d’urgence besoin d’une stabilité et d’un cap clair et ambitieux pour espérer retrouver son leadership sur la scène européenne et internationale. Il a besoin de leaders visionnaires qui incarnent un nouveau développement, un développement humain, c’est-à-dire à la fois économique, social et environnemental. Nous devons expliquer à nos concitoyens que demain il faudra consommer différemment, tenir compte dans les prix des biens et des services des coûts sociaux et environnementaux, bref abandonner nos vieilles habitudes pour retrouver enfin de vraies richesses.

Vous êtes englués dans les vieux modèles. Si peu de dispositions de cette loi montrent comment aboutir aux quelques grands objectifs de bons sens que personne ne conteste. À l’UDI, nous pensons encore et toujours que la transition énergétique est une étape nécessaire, de plus en plus urgente pour l’avenir de notre pays, de notre continent et de notre planète.

Malheureusement si votre texte comporte certaines dispositions intéressantes, il n’est pas à la hauteur de ce défi et n’entraînera pas dans son sillage, comme l’avait fait le Grenelle de l’environnement, les citoyens, les collectivités, les syndicats, les ONG et les entreprises. Il y a trop d’écart entre des objectifs si ambitieux et des moyens si dérisoires.

Nous ne nous sommes pas dérobés, nous avons été très présents pendant l’analyse de ce projet de loi, et je tiens à rendre hommage à nos collègues polynésiens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI).

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est vrai !

M. Bertrand Pancher. Nous demeurons avec nos doutes, madame la ministre. Pour autant, toute petite avancée en matière environnementale est un progrès, même très modeste. La majorité du groupe UDI, tout en déplorant le manque d’ambition de ce texte, s’abstiendra donc sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le Premier ministre, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les députés, le débat sur le projet de loi de transition énergétique s’achève et – je vous l’annonce sans davantage de suspense – les écologistes voteront en faveur de son adoption.

Les écologistes l’adopteront car, même s’il ne réalise qu’une somme de petits pas pour l’avenir, ce projet de loi fixe des objectifs salutaires et nécessaires pour notre pays. Dans ce travail, je tiens à saluer l’implication de la ministre, du groupe socialiste et des groupes de la majorité, et bien évidemment de l’ensemble de mes collègues écologistes. Tous ont été présents à un moment ou un autre et, ce n’est un mystère pour personne, nombre d’avancées de cette loi sont dues à des amendements écologistes adoptés en commission ou en séance publique. Notre groupe en est particulièrement fier.

Madame la ministre, en présentant ce texte à l’Assemblée Nationale et en acceptant la tenue d’une commission spéciale, vous avez trouvé des personnes avides de débats et de propositions. Cela a permis, chose historique, le premier débat démocratique sur la politique énergétique de la France.

Permettez-moi de formuler un regret à l’adresse de mes collègues de l’UMP : ils ont réussi l’exploit d’écouler douze heures de leur temps de parole sur un seul article, c’est très regrettable.

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas une raison pour s’endormir dans l’hémicycle !

Mme Cécile Duflot. L’enjeu nous appelait à dépasser nombre de clivages, je regrette que vous n’ayez pas souhaité franchir le Rubicon de la prise de conscience écologique.

Notre modèle politique, économique et énergétique vire à l’obsolescence, et nous traversons l’un de ces moments où il faut se jeter à l’eau pour faire avancer l’histoire de toute l’humanité. En cet instant, à cette tribune, notre sentiment est double. Nous, écologistes, ressentons de l’espoir et de la déception.

De l’espoir, d’abord, car la loi contient des avancées que je veux ici saluer.

Tout d’abord le double objectif – qu’il nous reste à concrétiser – de réduire de 75 % à 50 % la part du nucléaire et de diviser par deux la consommation d’énergie d’ici à 2050. Mais aussi des mesures techniques qui pourront faire avancer nombre de choses : l’obligation de rénovation des logements, la mise en place du tiers financement, la création d’un chèque énergie pour les ménages les plus modestes, la lutte contre l’obsolescence programmée, la réduction des déchets ou l’interdiction des cultures dédiées à la méthanisation grâce à un amendement de Brigitte Allain.

Le vieux monde était habitué à considérer le progrès comme une course vers l’accumulation de richesses. Cette loi amorce une idée neuve : le progrès passe par une gestion plus raisonnée, plus collective, plus participative de nos ressources.

Enfin, en ouvrant la voie vers l’économie circulaire – et je veux ici saluer mon collègue François-Michel Lambert pour ses apports – ce texte nous invite à redéfinir notre rapport à la production.

Je tiens donc à saluer la part d’innovation de ce projet de loi. Pourtant, l’honnêteté commande de dire que le Gouvernement, sur de nombreux points, demeure encore loin de ce qu’il faudrait faire.

C’est ici que pointe la déception. Qu’il est difficile d’avancer sur l’inéluctable chemin de l’écologie ! Le vieux monde pèse de tout son poids ! Les lobbies nous freinent, les habitudes nous engoncent, le conservatisme nous entrave.

Nier cette réalité revient à nier l’ensemble des objectifs de ce projet de loi. La transition énergétique nécessite des investissements ambitieux, précis et ciblés. Disons-le aussi et surtout, l’absence d’investissement pour la transition aura un coût supplémentaire.

Alors oui, le flou demeure quant au financement de la loi. Madame la ministre, vous avez été claire sur les gaz de schiste, et c’est une très bonne chose. Il s’agira d’être aussi claire sur le financement de la transition énergétique. Oui, cette loi est entachée de la suspension de la taxe poids lourds, mesure pourtant votée à l’unanimité de cette assemblée et qui est si efficace ailleurs en Europe. Oui, cette loi est d’ores et déjà menacée par la réduction du budget du ministère de l’écologie. Oui, cette loi est fragilisée par l’absence d’une stratégie concrète de baisse de la part du nucléaire dans la production d’électricité, en commençant par la fermeture de la centrale de Fessenheim.

Au fond, toutes les ambiguïtés ne sont pas levées quant à la volonté du Gouvernement en matière d’écologie. Je pense ici à Pénélope, dont la légende raconte qu’elle tissait le jour et défaisait son ouvrage la nuit. Je veux croire que nous n’agirons pas de la même manière et que les quelques avancées ne préparent pas de nouveaux reculs. Alors, il conviendra de mettre un terme à l’imprécision et aux allers-retours constants qui font de l’écologie un rendez-vous indéfiniment ajourné, au gré des intérêts des uns ou des autres. Pourtant, en matière d’écologie, pour reprendre dans un autre contexte une expression d’Aimé Césaire, « l’heure de nous-mêmes a sonné ».

Espoir et déception, disais-je. Alors, comment se décider ? Madame la ministre, malgré vos déclarations de ce matin qui nourrissent nos inquiétudes, nous faisons une fois encore le pari de l’espoir, car depuis toujours, les écologistes s’acharnent à saisir le moindre interstice pour y intégrer les évolutions nécessaires. Croyez cependant que notre lucidité est en éveil. Vous trouvez aujourd’hui des écologistes qui soutiennent des avancées nécessaires et attendues. Sachez que vous rencontrerez dès demain des écologistes vigilants et exigeants, sur le terrain comme dans les institutions, pour veiller à l’effectivité réelle de ces avancées.

Dans ce combat, les écologistes sont en première ligne. Ils ne souhaitent demeurer seuls plus longtemps, puisque le résultat de cette bataille ne concerne rien de moins que notre avenir commun. Je salue donc ici les consciences qui progressent, mais je sonne une nouvelle fois le tocsin : il est plus que temps d’agir radicalement. C’est notre mission d’élus de la République, mais c’est surtout le devoir évident de notre génération de terriens. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après quatre-vingts heures d’auditions et de débats législatifs en commission et cinquante-deux heures d’examen en séance publique dans notre hémicycle, après de longues journées et de longues nuits de travail, après un parcours pour le moins chaotique – il faut le reconnaître –, c’est un texte validant des compromis importants et des sujets essentiels qui est proposé au vote de notre assemblée.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises : les députés du groupe RRDP, en particulier notre collègue Joël Giraud et moi-même qui avons largement participé au débat, accueillent avec bienveillance un texte équilibré dans ses grandes lignes. Nous partageons ses grandes orientations, qu’il s’agisse de la décarbonisation de notre économie et de la diminution de notre dépendance aux hydrocarbures, de la croissance verte et des 100 000 emplois potentiels qu’elle induit, de la préservation de notre environnement, avec notamment des progrès sur la mobilité douce et la rénovation thermique, ou encore de la lutte contre les gaz à effet de serre.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, nous aurions préféré un vrai débat, plus transparent et sans tabou, sur le sujet sensible du nucléaire, même si nous sommes satisfaits des mesures relatives à l’information du public et à l’amélioration des conditions de sûreté.

En séance, nous regrettons la stratégie stérile d’obstruction et d’épuisement du temps législatif programmé poursuivie jusqu’à l’absurde par certains de nos collègues. Au-delà des contraintes de temps, nous reconnaissons l’état d’esprit constructif du Gouvernement, du président de la commission spéciale…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Merci !

M. Jacques Krabal. …et des rapporteurs, qui a garanti la qualité du travail accompli, quand ce dernier a pu s’effectuer sans polémique.

En commission comme en séance, nous avons examiné plusieurs milliers d’amendements et en avons adopté quelques centaines, dont une trentaine déposés par les députés radicaux et apparentés.

Je pense d’abord aux amendements relatifs à la rénovation thermique et à la mise en place d’un carnet de suivi obligatoire dans les logements neufs dès 2017, qui sera généralisée à partir de 2025.

S’agissant de l’économie circulaire, parfois caricaturée par quelques collègues de l’opposition, quelquefois par méconnaissance, nous nous réjouissons de l’adoption des amendements, certes qualifiés de médiatiques, d’anecdotiques ou de symboliques, mais qui ne méritent pas d’être caricaturés, relatifs à l’extinction programmée de la vaisselle jetable, et surtout des sacs plastiques non biodégradables qui peuvent être remplacés dès maintenant par des sacs en papier recyclables, favorisant ainsi l’emploi local.

En matière de transports, nous saluons les aménagements permettant le développement des véhicules électriques et des autres types de véhicules propres.

Enfin, le sujet de l’énergie hydraulique a fait l’objet d’un grand travail de concertation afin de maintenir une gestion contrôlée par le public et d’éviter une concurrence brutale imposée par Bruxelles.

Parmi les trente ou quarante amendements radicaux adoptés ou satisfaits, certains ont nettement enrichi le projet de loi. Par exemple, nous avons redonné du sens au beau mot « sobriété », lui aussi trop souvent caricaturé ou compris comme un synonyme de « décroissance ». Mes chers collègues, l’énergie la moins chère est celle que nous ne consommons pas. Favoriser la sobriété énergétique, c’est faire la chasse au gaspillage pour réduire la facture énergétique de la France, qui s’élève aujourd’hui à 70 milliards d’euros par an. D’ailleurs, plusieurs amendements visant à favoriser la sobriété de l’éclairage public et limiter le gaspillage et la surconsommation ont également été adoptés. Il s’agit d’une question importante, sur laquelle nous pouvons avancer, afin d’économiser facilement plus de 3 milliards de kilowattheures, sans aucune conséquence néfaste pour nos concitoyens.

En matière de lutte contre la précarité énergétique, qui passe notamment par le chèque énergie et les tarifs sociaux, nous nous félicitons de l’adoption de notre amendement qui repousse la fin de la trêve hivernale énergétique du 15 au 31 mars, à l’instar de la trêve hivernale locative. Nous saluons également une ouverture sur la possible mise en place d’un mécanisme de bonus-malus pour les propriétaires bailleurs en fonction de la performance énergétique.

À travers nos amendements sur l’agriculture, nous voulons enraciner l’emploi en encourageant les filières locales. Si l’amendement relatif à l’élevage des ruminants a connu un petit succès médiatique, nous montrons que l’ensemble des questions agricoles tiennent à cœur au groupe RRDP.

Enfin, une alliance transpartisane a permis d’adopter des amendements instaurant différentes obligations et incitations visant à favoriser l’usage du vélo.

Nous nourrissons aussi des regrets, par exemple sur les certificats d’économies d’énergie, ou encore sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Sur ces sujets, notre assemblée a été encore trop timide.

En définitive, madame la ministre, c’est un texte plutôt équilibré qui résulte de nos débats. S’il ne règle pas tous les problèmes, il permet de réelles avancées, notamment pour concilier les exigences de maintien et de création d’emplois avec la croissance verte et la nécessité de préserver notre environnement. C’est dans cet état d’esprit positif, animé par la volonté d’une participation constructive, que le groupe RRDP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants565
Nombre de suffrages exprimés533
Majorité absolue267
Pour l’adoption314
contre219

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous venons de vivre un grand moment parlementaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Ségolène Royal, ministre. …avec l’adoption de ce projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste), que le Premier ministre avait présenté comme un moment fort de ce quinquennat.

Je remercie très chaleureusement l’ensemble des parlementaires pour leurs travaux, tout particulièrement François Brottes, le président de la commission spéciale (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste), l’ensemble des rapporteurs, qui ont été très présents, et tous ceux qui ont siégé nuitamment.

Après des centaines d’heures de travail, voilà que l’Assemblée nationale démontre que l’on peut réconcilier la croissance, l’écologie et le social, que l’on peut préparer l’avenir de la planète en agissant tout de suite pour l’emploi et le pouvoir d’achat des Français, et enfin que l’on peut inventer notre futur en redonnant du pouvoir d’achat et en déclenchant tout de suite la croissance verte,…

M. Yves Fromion. Il est où, le pouvoir d’achat ?

Mme Ségolène Royal, ministre. …en particulier dans les métiers du bâtiment.

Nous avons voulu que ce grand moment parlementaire que nous vivons fasse l’objet d’une co-construction, grâce à un dialogue très fructueux entre l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Mesdames et messieurs les députés, vous avez enrichi et étoffé ce texte, vous lui avez donné de la dimension. Je sais que vous aurez maintenant à cœur de le mettre en mouvement dans vos territoires et vos circonscriptions,…

M. Yves Fromion. On en reparlera !

Mme Ségolène Royal, ministre. …pour donner aux entreprises, qui attendent la transition énergétique – elles le disent à 75 % –, aux familles, qui attendent la baisse de leurs factures, et aux territoires, qui sont imaginatifs et ont souvent anticipé la transition énergétique, les moyens de se saisir de ce texte et de l’appliquer concrètement.

Pour terminer, je veux vous redire que tout citoyen a deux patries : la sienne et la planète. En adoptant ce projet de loi, vous servez l’une et l’autre : soyez-en remerciés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mme Ségolène Royal a dit l’essentiel. À mon tour, je veux saluer le travail du président et des rapporteurs de la commission spéciale, qui ont suivi très attentivement l’ensemble de ces débats. Je rappelle que cette loi était un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement : elle fait honneur à notre pays et servira de référence partout, en Europe et dans le monde.

M. Marc Dolez. Ben voyons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ainsi que la France prépare le grand rendez-vous sur le climat. Cette loi doit beaucoup à Mme Ségolène Royal et à son engagement. Il s’agit d’un moment fort pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jacques Myard. C’est de l’enfumage !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Vacance de sièges de députés

M. le président. Le 28 septembre 2014, M. François Baroin et M. Alain Marc ont été élus sénateurs à compter du 1er octobre.

Le président de l’Assemblée nationale a reçu du Président du Conseil constitutionnel une lettre l’informant qu’aucune requête n’a été déposée contre l’élection de M. Baroin. En revanche, une requête a été déposée contre l’élection de M. Marc.

En conséquence, en application de l’article L.O. 137 du code électoral, il est pris acte de la vacance du siège de député de la 3circonscription de l’Aube. La vacance du siège de la 3circonscription de l’Aveyron ne sera proclamée, le cas échéant, qu’après la décision du Conseil constitutionnel.

6

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

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Projet de loi de finances pour 2015

Discussion commune

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 (nos 2236, 2245) et du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la rapporteure générale, mesdames, messieurs les députés, je souhaite tenir devant vous un discours de vérité et de volonté.

Mme Karine Berger. Ah !

M. Michel Sapin, ministre. Ce projet de loi de finances pour 2015, accompagné de ce projet de loi de programmation des finances publiques, est en effet une étape que je pense décisive dans la mise en œuvre des engagements qui ont été pris devant vous au printemps. Nous nous sommes engagés sur des mesures en faveur de la croissance et de l’emploi et, dans ce budget, nous les mettons en œuvre.

Nous nous sommes engagés sur des mesures de maîtrise des dépenses et, dans ce budget, nous honorons cet engagement. La situation est certes plus difficile, en France comme en Europe, mais nous avons un cap et nous devons ne pas en dévier. Qu’il s’agisse d’économies de dépenses, de baisses de prélèvements sur les entreprises ou de baisses d’impôts sur les ménages, tout ce qui vous a été annoncé au printemps figure aujourd’hui dans ce texte. Tout ce sur quoi nous nous sommes engagés est aujourd’hui confirmé ou concrétisé.

Pourtant, la conjoncture ne nous y aide pas. Notre zone monétaire, la zone euro, traverse, vous le savez, une période de croissance faible, trop faible alors même qu’elle n’a toujours pas retrouvé globalement le niveau d’activité qu’elle connaissait avant la crise il y a six ans. L’inflation a atteint ses plus bas niveaux historiques – plus 0,3 % en septembre pour la zone euro – et ne retrouvera qu’à l’horizon de 2017 sa cible proche de 2 %.

Les décisions sans précédent prises par la Banque centrale européenne nous y aideront, c’est indéniable. Mais son président Mario Draghi a reconnu lui-même que la politique monétaire ne peut pas tout ou pas tout de suite. Cette situation pèse sur la capacité de nos économies à résorber leurs déséquilibres et sur celle de nos États, mais également des acteurs économiques – ménages et entreprises – à se désendetter.

Les derniers indicateurs ne sont pas bons, y compris chez nos partenaires qui jusqu’ici étaient les moteurs de la zone euro. En Allemagne en particulier alors que l’activité a déjà reculé de 0,2 % au deuxième trimestre, l’indice de production industrielle qui vient de paraître s’est replié de 4 % en août et les exportations de 5,8 %.

L’Italie rencontre de très grandes difficultés et devrait connaître en 2014 sa troisième année successive de récession. L’Espagne, dont l’économie avait heureusement redémarré – je dis « heureusement » car son niveau d’activité est encore inférieur de 6 % à celui de 2008 –, s’interroge et exprime des inquiétudes pour les mois à venir. Je le sais pour m’être entretenu aujourd’hui avec le ministre des finances espagnol.

Face à cette situation dans la zone euro plus difficile que prévu, il y a néanmoins des facteurs d’optimisme qui peuvent nous aider. Je pense notamment à la dépréciation de l’euro depuis quelques mois et à la baisse continue du prix du pétrole, ce qui va dans le bon sens.

Le contexte a donc évolué depuis le printemps et continue d’évoluer. La principale question qui se pose à nous aujourd’hui, celle à laquelle nous devons répondre, c’est l’adaptation de nos politiques économiques à ce contexte. Il ne s’agit plus d’apporter une réponse immédiate à une crise financière. L’enjeu aujourd’hui est de retrouver rapidement plus de croissance pour plus d’emploi. Nous devons éviter le scénario de l’enlisement dans une période de faible croissance et de faible inflation qui ferait peser des risques de déflation en cas de nouveau choc d’ampleur et qui, en augmentant durablement notre chômage structurel, pourrait peser sur notre potentiel de croissance.

Quelle est alors la voie ? Mario Draghi l’a dit et ne le cesse de le répéter : dans un contexte comme celui-ci, il vaut mieux faire trop que trop peu. J’en suis moi aussi convaincu.

Quatre leviers d’action doivent être actionnés par les autorités publiques. Face au risque d’une inflation durablement très faible, la politique monétaire doit rester accommodante et continuer à soutenir l’activité. Le rythme de consolidation budgétaire, autrement dit de réduction des déficits publics, doit être adapté face à une faiblesse de la demande qui pèse sur la croissance et l’inflation…

M. Pierre-Alain Muet. Très bien.

M. Michel Sapin, ministre. …et donc sur nos capacités à réduire les déficits eux-mêmes. Cette action doit être accompagnée de réformes en profondeur, à tous les niveaux pour relever la capacité de croissance de nos économies à moyen et long terme.

Enfin, il y a besoin d’un pont entre le court terme et le long terme, entre l’offre et la demande et ce pont, c’est l’investissement, public et privé. Aussi devons-nous soutenir le plan d’investissement proposé par le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

Je n’ai pas entendu autre chose que ce que je viens de vous dire en fin de semaine dernière aux assemblées annuelles du Fonds monétaire international. Le chef économiste du FMI – un autre économiste français de talent, Olivier Blanchard – a dit publiquement son inquiétude quant à la situation européenne : « Il y a un risque que la reprise dans la zone euro s’arrête, que la demande s’affaiblisse davantage et que la faible inflation se transforme en déflation. Il s’agit de continuer de soutenir l’activité à l’aide de la politique monétaire et d’ajuster le rythme et la composition de l’ajustement budgétaire de manière à favoriser à la fois la reprise et la croissance à long terme. »

M. Pierre-Alain Muet. Excellent.

M. Michel Sapin, ministre. Christine Lagarde, directrice générale du FMI, n’a rien dit d’autre quand elle a affirmé publiquement le même jour : « La consolidation budgétaire doit se faire à un rythme mesuré et bien calibré ».

C’est dans ce cadre, décrit plus haut par les autorités du FMI, qu’il nous faut penser nos politiques économiques, globalement en Europe et, bien sûr, en France.

Cela suppose d’abord d’être prudents sur notre scénario pour la France. La croissance sera encore très limitée en 2014 : 0,4 %. Elle ne commencera, je n’oserai pas dire à accélérer, mais à reprendre très progressivement à partir de l’an prochain, devant s’établir à 1 % en 2015. L’inflation, extrêmement faible en 2014, même en France, s’établissant à 0,5 % hors tabac, contre 0,9 % l’année dernière, ne repartira à la hausse que lentement : 0,9 % en 2015 et un peu plus au-delà. Le Haut Conseil des finances publiques, que vous avez auditionné à juste titre et qui joue un rôle extrêmement important dans l’ensemble de notre dispositif institutionnel, a qualifié ce scénario d’optimiste.

La prévision, chacun le sait, est un art particulièrement difficile – tous ceux ici qui ont exercé des responsabilités sont bien placés pour le savoir. Les aléas sont toujours importants, dans un sens ou dans l’autre – on les préférerait dans un sens, mais on les voit plus souvent dans l’autre ! Je me bornerai à faire remarquer que cette prévision de 1 % de croissance pour l’année prochaine est identique à celle du FMI, qui l’a fait paraître après la nôtre, publiée la semaine dernière, et à celle publiée par l’OCDE à la mi-septembre, et qu’elle est même légèrement inférieure à la dernière sur laquelle s’accordent les économistes.

Quoi qu’il en soit, ce scénario est évidemment soumis à des aléas qui peuvent jouer dans les deux sens, mais il dépend également des décisions que nous devons prendre au niveau européen.

Depuis le début de la législature, le Gouvernement et la majorité ont pris leurs responsabilités. Nous avons fait face et avons tenu bon sur une stratégie économique qui repose sur deux piliers.

Le premier pilier, ce sont les politiques d’emploi, d’investissement et de croissance. Nous avons agi sur tous les leviers, que vous connaissez comme moi : les emplois d’avenir, la loi de sécurisation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle et le nouveau programme d’investissements d’avenir. Nous devons continuer à utiliser ces outils.

Nos entreprises ont besoin d’être plus compétitives pour recréer de l’emploi et investir. Elles bénéficient cette année déjà de près de 11 milliards au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi, le CICE. Votre assemblée a par ailleurs voté la première étape du pacte de responsabilité et de solidarité avant l’été. Ainsi, en 2015, avec le pacte et la montée en charge du CICE, ce seront de l’ordre de 12 milliards d’euros en plus pour les entreprises, soit 23 milliards sur deux ans. Ce sont autant de marges pour que les entreprises puissent conquérir des marchés, embaucher, former leurs salariés, moderniser leur outil de production. C’est cela qui est le plus utile. Je suis confiant sur le fait que, dans chaque entreprise, les salariés eux-mêmes et les chefs d’entreprise veilleront à ce que l’usage qui sera fait du CICE permette durablement à leur entreprise d’être plus forte. Aux entreprises maintenant – direction et salariés – de passer à l’acte.

Le second pilier de notre politique est l’assainissement de nos finances publiques, que nous menons bien évidemment en parallèle à nos efforts de compétitivité. Les mesures que nous avons adoptées depuis 2012 ont déjà produit des effets, même si la faiblesse de la croissance masque en partie les résultats obtenus.

Permettez-moi d’appeler votre attention sur ces chiffres. En effet, les chiffres du déficit, surtout ceux de l’année 2014, peuvent laisser penser que les efforts ne paient pas. Or, rien ne serait plus faux. Si, comme le comprendront les nombreux spécialistes ici présents, on corrige la mesure du déficit des effets du cycle économique, comme le fait d’ailleurs la Commission européenne, il apparaît que le déficit structurel, qui traduit les déséquilibres réels de nos comptes, corrigés du cycle économique actuel, aura été quasiment divisé par deux entre 2011 et 2014. Ce déficit structurel atteint aujourd’hui son plus bas niveau depuis 2001. Cela ne se traduit peut-être pas dans les chiffres, mais il s’agit bien là de la réalité économique après les efforts réalisés depuis trois ans.

C’est donc en cohérence avec ces stratégies que M. Christian Eckert, secrétaire d’État au budget, et moi-même vous présentons aujourd’hui le projet de loi de finances et la trajectoire pluriannuelle des finances publiques. Malgré un contexte économique difficile, le Gouvernement maintient la stratégie économique présentée au printemps et respecte ses engagements.

L’effort de maîtrise de la dépense sera intégralement respecté, avec un plan de 50 milliards d’euros d’économies de 2015 à 2017, dont 21 milliards d’euros dès 2015. L’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi seront mises en œuvre selon le calendrier prévu. La montée en charge du CICE et le déploiement du pacte de responsabilité et de solidarité représenteront une baisse de prélèvements pour les entreprises de plus de 40 milliards d’euros à l’horizon 2017. Nous allons ainsi restaurer, pour les entreprises, l’intégralité des marges perdues entre 2007 et 2012. Dans le même temps, nous poursuivrons la baisse de l’impôt sur le revenu pour les ménages à revenus modestes et moyens, comme nous nous y étions engagés dès le printemps. Nous avons cependant pris la décision d’adapter le rythme de réduction des déficits à la situation macroéconomique du pays, que je décrivais en commençant mon propos.

Je donnerai à ce propos quelques éléments d’explication. Notre politique économique est inchangée par rapport à nos déclarations du printemps dernier, sur lesquelles vous vous étiez prononcés à propos du plan de stabilité, mais le déficit se réduira plus lentement que prévu, du fait des circonstances économiques que j’ai décrites. Nous ne cherchons pas à compenser les effets de cette croissance et de cette inflation trop faibles, car ce serait contre-productif pour l’activité économique de notre pays.

Les spécialistes noteront sans doute que la réduction de notre déficit structurel sera d’un point de vue comptable moindre qu’au printemps. Cet ajustement est aujourd’hui évalué à 0,25 point de PIB en 2015. Cette révision réelle et clairement affichée de notre effort structurel tient à la conjonction d’effets comptables – je n’entrerai pas dans le détail du changement de système de comptabilité européen de la révision de la croissance potentielle – et d’une faible inflation.

De fait, chacun ici en est conscient, les recettes publiques dépendent étroitement de la croissance, mais aussi de l’inflation. La dépense publique réagit plus tardivement et plus difficilement à l’évolution de l’inflation, a fortiori lorsqu’il est décidé de ne pas revaloriser un point d’indice ou certaines prestations. Au total, la stratégie de redressement des finances publiques est rendue moins efficace du fait de l’extrême faiblesse de l’inflation.

Faudrait-il alors, dans une situation économique difficile, avec en particulier une inflation très faible, faire plus d’efforts parce que la mesure de ces efforts se serait dégradée ?

La question de l’adaptation du rythme du déficit doit donc être posée clairement, pas par-derrière ou subrepticement, comme elle l’est au niveau de l’ensemble de la zone euro. C’est en effet la question que nous posent les observateurs extérieurs et que nous sommes plusieurs à poser au sein du Conseil européen et de l’Eurogroupe. J’insiste à ce propos sur le fait que nous ne demandons pas une remise en cause des règles budgétaires européennes – il en irait de notre crédibilité collective. Cependant, il est tout aussi important de montrer que nous sommes collectivement capables d’utiliser les « flexibilités » qui permettent la prise en compte de la réalité économique dans l’application des règles européennes.

Ce projet de loi de finances et le projet de loi de programmation qui l’accompagne tracent une perspective de réduction de nos déficits publics à un rythme qui prend en compte le taux de croissance. La conséquence en est que le déficit baissera, en l’état de nos prévisions de recettes et de dépenses, passant de 4,4 % en 2014 à 4,3 % en 2015, pour passer à nouveau sous le seuil de 3 % en 2007. Quant aux objectifs d’économies que nous avons fixés, soit 21 milliards d’euros en 2015 et 50 milliards d’euros sur trois ans, ils ne sont pas remis en cause.

J’insisterai maintenant sur l’importance des économies, car c’est grâce à elles que nous pouvons financer les baisses de prélèvements, en particulier la réforme du bas du barème de l’impôt sur le revenu qui vous est proposée. C’est grâce à ces économies que nous pouvons redonner 3,2 milliards d’euros aux ménages moyens et modestes. C’est aussi grâce à ces économies de dépenses que nous pourrons faire bénéficier 9 millions de foyers fiscaux d’une baisse de leur impôt sur le revenu. C’est grâce aux économies de dépenses que nous avons pu faire en sorte que ce budget soit le premier depuis cinq ans qui ne prévoit aucune mesure susceptible d’alourdir d’une manière ou d’une autre l’impôt sur le revenu des personnes physiques. C’est également la première fois depuis cinq ans que la part totale des prélèvements dans la richesse nationale baissera.

Nous avons besoin de faire des économies de dépenses pour pouvoir baisser les impôts. Nous en avons aussi besoin pour retrouver des marges de manœuvre dans les budgets publics. J’insiste sur ce point, car nous avons dans ce budget des priorités que nous devons financer : la jeunesse, les investissements d’avenir, l’emploi, la solidarité, la sécurité, y compris le budget de la défense dans le contexte que vous connaissez. C’est aussi cela un budget : ce sont des choix, des priorités pour le service public, car celui-ci ne peut vivre indéfiniment à crédit, chacun le sait dans son for intérieur. Or, la première condition du maintien d’un service public est de pouvoir lui assurer un financement pérenne, et l’assumer nous-mêmes aujourd’hui, sans le reporter sur nos enfants ou petits-enfants demain. Nous devons à tous les Français de bien gérer l’argent public, mais tout particulièrement à ceux qui ne possèdent rien, car le service public est leur seul patrimoine.

Ce sont donc ces choix stratégiques que nous mettons en œuvre par les économies prévues par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Sur l’État et ses agences, 19 milliards d’euros en trois ans, dont 7,7 milliards d’euros dès 2015. Les dépenses des ministères, qui sont le cœur de l’action de l’État, diminueront, quant à elles, de 1,8 milliard d’euros par rapport à leur niveau dans le budget initial pour 2014. Cela n’était jamais arrivé depuis des années : le total de la colonne « dépenses de l’État » en 2015 sera inférieur de 1,8 milliard d’euros à ce qu’il était en 2014. Sur les collectivités locales, ce sont 3,7 milliards d’euros d’économies par an, pour un total de 11 milliards d’euros.

M. Nicolas Sansu. Plutôt 12,5 milliards d’euros !

M. Michel Sapin, ministre. Sur l’assurance maladie, 10 milliards d’euros, dont 3,2 milliards d’euros dès 2015, traduits dès le projet de loi de financement de la Sécurité sociale – PLFSS – qui vous sera soumis la semaine prochaine. Enfin, les autres organismes de protection sociale apporteront le solde des économies, pour plus de 6 milliards d’euros en 2015.

Toutes les administrations publiques sont donc concernées, mais il est clair que l’État montre l’exemple, car c’est sur l’État que la réduction des dépenses pèse proportionnellement le plus. Ces économies sont décisives pour notre crédibilité vis-à-vis des Français, des Européens et des observateurs extérieurs. Elles seront réalisées en totalité, pour poursuivre la réduction du déficit et financer les baisses d’impôts.

C’est l’engagement que nous avons pris et que nous respectons aujourd’hui. C’est l’orientation que vous aviez votée au printemps et que nous mettons en œuvre dans ce projet de budget, malgré la difficulté de la situation : réaliser les économies prévues et tenir les engagements pris, en direction des entreprises et des ménages est indispensable.

Notre pays a besoin de préparer l’avenir, de financer ses priorités et de surmonter ces difficultés économiques : c’est en tenant fermement le cap fixé que nous y parviendrons et ce projet de budget me semble nous en donner les moyens.

Ces engagements, le Gouvernement vous demande donc de les examiner et de les confirmer. Il vous demande de réaffirmer les grands axes de la politique économique et budgétaire de la France. C’est ici, souverainement, qu’il revient d’en décider. Cette responsabilité est considérable, car ce budget s’inscrit aussi dans un contexte européen où se joue une grande partie de notre avenir.

Nous portons une stratégie pour la France et pour l’Europe, et c’est cette stratégie qui doit nous permettre de retrouver plus de croissance et plus d’emploi. Cet objectif constant que nous poursuivons, c’est le cap que nous avons fixé en accord avec nos partenaires européens, dont nous partageons le destin commun. C’est cette cohérence dans la stratégie et dans les objectifs poursuivis qui permettent aujourd’hui à la France de faire entendre sa voix en Europe. Je compte sur votre assemblée pour le garder à l’esprit tout au long du débat parlementaire qui s’ouvre aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, je reviendrai tout d’abord sur un constat : celui de la gravité de la situation économique et budgétaire.

Le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de programmation dont vous commencez l’examen marquent la moitié de la législature. Avec le recul de ces deux premières années, nous pouvons dire que nous avons la responsabilité d’assumer une situation économique et budgétaire qu’aucun gouvernement ni aucune majorité n’a sans doute affronté depuis plusieurs décennies : une situation de croissance faible et d’inflation très basse, qui fait peser un risque de déflation et de déséquilibres budgétaires et commerciaux rendant le pays dépendant de financements extérieurs.

Il y a eu un événement déclencheur : la crise de la zone euro. Sans entrer dans les causes de cette crise, qui sont multiples, je me contenterai d’en souligner les conséquences, qui sont des tensions très fortes sur le refinancement de plusieurs États de la zone euro, la mise en place de plans d’ajustement budgétaire drastiques dans ces pays, qui ont traversé des récessions profondes et, en conséquence, l’assèchement d’une part importante de débouchés commerciaux.

Cependant, cette crise n’aurait sans doute pas eu l’impact profond que nous constatons aujourd’hui si les réformes nécessaires avaient été accomplies entre 2002 et 2012.

Mme Valérie Pécresse. Vous les avez détricotées !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2012, l’impréparation du pays à faire face à cette situation était frappante. Il faut le dire et le rappeler : la situation de la France en 2012, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, était très dégradée sur tous les plans – économique, budgétaire et commercial. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le pays entrait dans une crise profonde, à laquelle il n’était absolument pas préparé à faire face. J’en donnerai quelques exemples : le déficit public était supérieur à 5,3 % et le déficit structurel proche de 5 %, la trajectoire de dette était en forte hausse, avec plus de 900 milliards de dette supplémentaire entre 2002 et 2012.

Mme Valérie Pécresse. Et ça continue !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous savons pourquoi la dette va aujourd’hui dépasser 2 000 milliards d’euros. Des destructions massives d’emplois, des marges des entreprises au plus bas depuis les années 1980 : oui, mesdames et messieurs les députés, la situation du pays en 2012 était très dégradée.

C’est l’affaire de cette législature, de ce gouvernement et de cette majorité que d’assumer cette responsabilité, d’apurer un passif de dix ans, fait de déficits chroniques, de croissance à crédit, de cadeaux fiscaux à crédit,…

Mme Valérie Pécresse. C’est ce que vous faites aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …de montée des inégalités, en l’absence de toute réforme structurelle majeure pour repartir de l’avant et redresser ce pays. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Pécresse. Vous vous décrivez vous-même !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Que propose l’opposition ?

M. Dominique Baert. Rien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce constat d’une situation historiquement dégradée est factuel : les chiffres l’établissent. Pour sortir de cette situation, chacun a son idée : faut-il abandonner l’assainissement des comptes et les laisser repartir à la dérive ? Ce serait repousser le problème à nos enfants et prendre le risque de voir les taux d’intérêt remonter et tuer l’amorce de reprise, en renchérissant le coût de financement de l’État et donc des entreprises. Faut-il augmenter la TVA de 3,5 points,…

M. Henri Emmanuelli. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …pour prélever près de 30 milliards d’euros sur les ménages et les marges des entreprises quand, dans le même temps, ceux qui font ces propositions préconisent de supprimer l’ISF ?

M. Guillaume Larrivé. Vous savez que c’est vous qui êtes au pouvoir ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Faut-il supprimer le statut de la fonction publique, avec pour seul objectif de le remplacer par des contrats à durée déterminée de cinq ans ?

M. Régis Juanico. Eh oui, voilà ce que propose l’opposition !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Faut-il réaliser 100 milliards d’euros d’économies, au lieu de 50 ? Mais surtout, quelles seraient les mesures concrètes derrière ces 100 milliards d’euros – ou 120, ou 150 ? Le report de l’âge légal de la retraite ? La privatisation de notre système de soins ? Une baisse de dotations aux collectivités locales qui irait bien au-delà de 3,7 milliards d’euros par an ? L’abandon de certaines missions de l’État ? La baisse du nombre d’enseignants, de magistrats, de policiers, d’aides-soignantes ? La paupérisation de la fonction publique ? Toutes ces propositions, nous les rejetons avec force ! Fort heureusement, nous ne pouvons que constater que vous ne les avez jamais mises en œuvre !

Pour notre part, nous proposons une voie par laquelle nous faisons face à cette responsabilité historique en restant fidèles à nos valeurs de solidarité, de justice sociale et de progrès social. Cette voie mène à l’apurement du passif financier qui entrave l’action de l’État depuis trop longtemps. Nous avons du reste obtenu des résultats dès la première moitié de la législature, avec une diminution de moitié du déficit de l’État et une diminution de moitié du déficit structurel.

Mme Valérie Pécresse. Pardon ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est vrai que des premières mesures d’assainissement avaient été prises dès 2011.

Mme Valérie Pécresse. Merci de le reconnaître !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais il est tout aussi vrai que ces mesures étaient bien insuffisantes et trop tardives pour compenser les baisses d’impôt financées à crédit mises en œuvre entre 2002 et 2011. Je veux faire quelques rappels : ainsi, la baisse de 30 % de l’impôt sur le revenu entre 2002 et 2007, promesse que le président Chirac avait tenue, a profité surtout aux plus aisés et n’a eu d’autre effet que d’accroître les inégalités et d’alimenter la croissance à crédit.

Autre exemple : la loi TEPA de 2007. Rappelez-vous quelle réforme était considérée comme la plus urgente au début de la législature précédente : ce n’était pas le soutien à la production, ni la lutte contre les délocalisations, ni l’amélioration des conditions de vie des plus modestes ;…

Mme Valérie Pécresse. Et la défiscalisation des heures supplémentaires ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …c’était le bouclier fiscal, la baisse des droits de succession et de donation, qui a bénéficié aux plus aisés ; c’était aussi, comme l’a souvent répété Pierre-Alain Muet, cette arme de destruction massive de l’emploi qu’était l’avantage fiscal accordé aux employeurs sur les heures supplémentaires,…

M. Guy Geoffroy. Et aux salariés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …une mesure anti-emploi et prise complètement à contretemps. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Présentation partiale !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non seulement nous prenons nos responsabilités, mais nous avons également à assumer celles de nos prédécesseurs.

Nous avons la responsabilité de réduire les inégalités, qui ont fortement augmenté pendant dix ans. Nous avons adapté les efforts que nous avons demandés aux Français aux capacités de chacun. Oui, même si des efforts sont demandés à tous, nous avons souhaité qu’une contribution spécifique soit le fait des ménages les plus aisés.

Mme Valérie Pécresse. Nous aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est vrai pour l’impôt sur le revenu : les chiffres que le Gouvernement a transmis à la commission des finances le rappellent. Il n’y a pas eu de hausse générale de cet impôt, mais des efforts ciblés, avec la tranche à 45 % et une recherche de justice pour assurer qu’à revenu égal, l’impôt dû soit égal, en soumettant par exemple les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu.

C’est vrai aussi pour l’ISF, que certains disent vouloir supprimer dès qu’ils le pourront, comme ils ont institué le bouclier fiscal dès qu’ils l’ont pu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais c’est vous qui avez rétabli le plafonnement de l’ISF !

M. le président. Madame Dalloz, s’il vous plaît !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et cela restera vrai, madame Dalloz, jusqu’à la fin de la législature : la justice fiscale, la réduction des inégalités demeureront, de 2012 à 2017, un principe intangible de notre politique fiscale.

Mme Valérie Pécresse. Avec quatre millions de chômeurs ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, si nous avons demandé une contribution plus importante à ceux qui ont plus, nous avons également apporté une aide à ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés, et nous continuerons à le faire. Ce projet de loi de finances en est encore la preuve, avec un allégement d’impôt sur le revenu de 3,2 milliards d’euros…

M. Guy Geoffroy. À crédit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …au bénéfice des classes moyennes et des ménages modestes. Avec la réduction d’impôt de cette année, ce sont, en tout, neuf millions de ménages qui bénéficient d’une baisse d’impôt.

M. Dominique Baert. Tout à fait.

Mme Valérie Pécresse. Et qui paye ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rappelle que là où vous aviez décidé pour deux ans le gel du barème de l’impôt sur le revenu et supprimé la demi-part dont bénéficiaient les personnes isolées avec enfants,…

Mme Valérie Pécresse. Vous ne l’avez pas rétablie !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …nous avons dès notre arrivée majoré la décote et les seuils permettant de bénéficier d’exonérations ou de taux réduits de prélèvements sociaux et locaux, puis réindexé le barème,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez maintenu le gel du barème la première année !

M. Henri Emmanuelli. Eh oui, c’est vrai, le gel a été maintenu : c’est horrible, mais c’est un fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …ce que nous faisons également dans ce projet de loi de finances.

En outre, nous engageons des dépenses en faveur des plus modestes : oui, ce sont de nouvelles dépenses, car notre volonté d’économies n’est pas aveugle, elle repose sur la priorisation des actions publiques. Ces dépenses, nous les gageons par des économies par ailleurs, et nous les assumons pleinement car elles sont indispensables : c’est la revalorisation de 10 % des minima sociaux au-delà de l’inflation ; c’est la « garantie jeunes » et la revalorisation des bourses étudiantes ; c’est le principe d’accueil des sans domicile fixe, par lequel nous essayons de sortir de la rue ceux qui n’ont plus rien alors qu’avant 2012, on fermait l’accès à l’hébergement d’urgence quand il n’y avait plus de crédits.

M. Henri Emmanuelli. On les jetait à la rue !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce sont donc des mesures fiscales, des mesures budgétaires pour réduire les inégalités car, dans l’héritage que nous avons reçu, il y avait aussi des inégalités de revenus en forte progression, alimentées par des mesures fiscales injustes, des inégalités qu’aujourd’hui nous avons commencé à réduire en mobilisant tous les moyens de l’État.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Quelle caricature ! Vraiment, c’est désolant !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je veux évoquer maintenant les questions de croissance et d’emploi. Nous avons trouvé, dans cet héritage, un modèle de croissance financé à crédit, un taux de chômage en forte progression – en un mot, un tissu productif qui n’avait absolument pas été préparé à la crise que nous traversons aujourd’hui. Là encore, nous avons pris nos responsabilités : avec le CICE, avec le pacte de responsabilité, c’est une modification profonde de notre système fiscal que nous mettons en œuvre pour soutenir l’emploi et l’investissement.

Je n’ai pas le souvenir, avant 2012, d’une réforme fiscale pour soutenir l’emploi et l’investissement. Ou plutôt si, il y en avait eu une : la réforme de la taxe professionnelle, qui visait l’investissement.

Mme Valérie Pécresse. Ah, tout de même ! Et il y avait le crédit d’impôt recherche, également !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais cette réforme fiscale, comme toutes les autres que vous avez menées, a été financée à crédit.

Mme Valérie Pécresse. Les vôtres aussi !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ou, plus exactement, elle a d’abord été financée par la dette puis, quand vous vous êtes aperçus que cette époque de cavalerie budgétaire était révolue, vous l’avez financée par les hausses d’impôts des plans Fillon successifs :…

Mme Valérie Pécresse. Et vous, que faites-vous d’autre ?

M. le président. Écoutons M. le secrétaire d’État, chers collègues !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …le gel du barème de l’impôt sur le revenu, la hausse des taxes sur les contrats d’assurance maladie – bref, des mesures générales et indifférenciées.

La première étape du pacte a été votée avant l’été – je n’y reviens pas : vous en connaissez l’ampleur et les modalités. Je voudrais insister sur un point, néanmoins : le pacte et le crédit d’impôt compétitivité emploi mobilisent bien entendu des montants importants pour l’emploi ; mais c’est surtout une nouvelle manière de soutenir l’emploi. Nous avons mobilisé les moyens traditionnels, par exemple les emplois aidés, et nous sommes à l’écoute de la représentation nationale pour accroître l’effort en la matière car l’emploi est notre priorité, et il faut répondre à l’urgence. Mais les emplois aidés ne sont qu’une solution temporaire : il faut que des emplois pérennes soient créés, des emplois de long terme pour que ceux qui aujourd’hui n’ont pas d’emploi puissent voir leur horizon se dégager, pour qu’ils puissent se projeter dans l’avenir, au-delà du terme de ces contrats.

C’est la raison pour laquelle nous mobilisons de nouveaux outils, adaptés à l’économie ouverte dans laquelle nos entreprises évoluent désormais. Il faut que ceux qui en sont aujourd’hui à l’écart participent demain à la production, car c’est pour eux la condition d’un emploi stable et c’est, pour la société dans son ensemble, une condition impérative pour maintenir notre cohésion et pour construire notre avenir. Il n’y a de richesse que d’hommes : il n’est donc pas acceptable que plusieurs millions de Français restent à l’écart alors qu’ils ont des compétences, des savoir-faire, de l’énergie et de la volonté pour faire avancer le pays et apporter leur pierre à l’édifice commun.

Je veux à mon tour, à la suite du ministre des finances et des comptes publics, M. Michel Sapin, évoquer les mesures d’économies. Nous menons donc l’assainissement des comptes sans renoncer à la réduction des inégalités, en finançant un effort exceptionnel en faveur de l’emploi. Cet assainissement, nous le menons d’une manière qui n’a pas de précédent dans notre histoire budgétaire récente. Quand, au cours des années récentes, il a fallu réduire rapidement le déficit public, tous les gouvernements ont choisi des hausses de prélèvements : cela a été le cas en 1995, en 1996, puis en 2011 et aussi – je ne le renie pas car c’était absolument nécessaire – en 2012 et en 2013. Aujourd’hui, c’est par la réduction de la dépense publique que nous pourrons continuer l’assainissement des comptes et baisser les impôts. Plus exactement, nous ralentissons la progression de la dépense publique, qui devrait augmenter à un rythme proche de l’inflation sur le triennal.

Mme Marie-Christine Dalloz. La sémantique a toute sa place !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et, monsieur le président de la commission des finances, je vous confirme que la dépense ne va pas diminuer en valeur.

M. Guillaume Larrivé. Bel aveu !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais je pense que nous gagnerions tous à sortir de ce faux débat, qui permet invariablement à l’opposition, qui n’a jamais atteint un tel ralentissement de la dépense, de faire penser que nous ne ferions pas d’économies, alors que son bilan en la matière est tout simplement indigent. Je le répète, avec les 50 milliards d’euros d’économies que nous proposons, la dépense publique ne progressera que de 0,2 % en volume par an, là où elle augmentait en moyenne annuelle de 2 % en volume entre 2002 et 2012.

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez avec ces références ! Comment a-t-elle évolué entre 2012 et 2014 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avec ce plan d’économies, nous réduisons le poids de la dépense publique dans le PIB, alors qu’il a augmenté de 4,5 points entre 2007 et 2012.

Si l’on ne veut pas se limiter à un débat stérile, il faut dire clairement quelles économies on souhaite mettre en œuvre. Nous le faisons avec notre plan à 50 milliards, et nous donnons des chiffres. Je n’ai, du côté de l’opposition, entendu qu’un chiffre, ou plutôt plusieurs, d’ailleurs variables d’un candidat à la primaire à l’autre, dont je suppose qu’ils sont eux aussi calculés en écart au tendanciel de progression de la dépense publique ; mais j’attends toujours des détails sur les dépenses publiques qui baisseraient en valeur !

M. Henri Emmanuelli. Il n’y en a pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’agit-il des pensions de retraite ? Des traitements des fonctionnaires ? De la remise en cause de telle ou telle prestation sociale, et laquelle dans ce cas ?

M. Guillaume Larrivé. L’aide médicale d’État, par exemple : cela représente 500 millions !

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez de parler des autres : parlez-nous plutôt de votre programme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quand on se prévaut de faire 100, 120 milliards ou beaucoup plus d’économies, en tout cas beaucoup plus que celles que le Gouvernement vous propose, il faut avoir le courage de dire lesquelles – surtout quand, tout en prétendant faire plus d’économies, on critique toutes celles qui sont proposées et on refuse de les voter au Parlement !

M. Dominique Baert. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour notre part, nous assumons pleinement le ralentissement de la dépense publique car il nous permet de poursuivre la réduction du déficit et de financer nos priorités.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle réduction ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous ralentissons donc le rythme de la progression de la dépense publique, à 1,1 % en valeur l’an prochain. Compte tenu de son évolution spontanée de 2,7 %, il est indispensable, si nous voulons tenir nos engagements, de prendre les mesures nécessaires pour en limiter la dynamique. Je sais que des craintes ont pu être exprimées sur l’impact de ce programme d’économies de 21 milliards d’euros en 2015, qui risquerait, selon certains, de se traduire par une remise en cause de notre modèle social, l’abandon par la puissance publique de certaines de ses missions ou une dégradation des moyens d’action de l’État.

A ceux qui expriment ces craintes, je veux d’abord dire, après Michel Sapin, que notre programme d’économies ne remet en cause ni la légitimité de la dépense publique, effectivement indispensable à la cohésion de notre société et facteur essentiel de redistribution et d’investissement, ni les protections accordées aux plus démunis.

Les économies que nous proposons partent d’un constat : depuis des années, voire des décennies, nous avons accumulé, superposé, juxtaposé les dépenses en partant du principe qu’il suffisait d’accroître la dépense publique pour résoudre les problèmes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et vous continuez !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il nous faut reconnaître collectivement que ce n’est pas vrai : la dépense publique a augmenté de 2 % par an en volume entre 2002 et 2012, sans que pour autant la vie des Français s’en trouve sensiblement améliorée.

M. Charles de Courson. En effet.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est le chemin inverse que nous empruntons aujourd’hui. Les économies que nous vous proposons ont été mûrement réfléchies ; elles ont fait l’objet d’échanges entre ministres pendant plusieurs mois, l’objectif n’étant pas de procéder à une diminution générale et indifférenciée de la dépense, mais de cibler les dépenses les moins utiles. Je voudrais vous en donner quelques exemples.

Nous versons des aides agricoles nationales : ne faut-il pas réfléchir à leur articulation avec les aides de la politique agricole commune ? Nous aidons l’outre-mer et nous déployons d’importants moyens pour soutenir l’activité et l’emploi dans ces territoires : ne faut-il pas articuler ces interventions avec les dépenses fiscales qui existent déjà, voire avec celles que nous renforçons ? Nous mobilisons un ensemble de moyens pour faciliter l’accession à la propriété : pourquoi ne pas orienter ces dispositifs vers l’accession dans l’immobilier neuf, pour permettre à la fois l’accès au logement et le soutien à la construction ?

Voilà, entre beaucoup d’autres, les propositions que le Gouvernement vous fait dans ce projet de loi de finances. Toutes sont guidées par un principe : utiliser l’argent public au mieux, l’affecter aux usages les plus pertinents. Certes ces mesures vont remettre en cause certains intérêts particuliers, mais toutes poursuivent un même objectif d’intérêt général : que l’argent des Français soit utilisé le mieux possible.

Parmi les craintes qui ont été exprimées, certaines portent spécifiquement sur l’incidence sur l’investissement des baisses des dotations aux collectivités locales.

La commission des finances a d’ailleurs adopté quelques amendements visant à soutenir l’investissement local, dont l’un est assez coûteux. En effet s’il était adopté, le déficit public se creuserait de 0,2 % et nous accorderions aux collectivités territoriales un soutien financier plus important que celui que nous offrons aux ménages modestes et aux classes moyennes.

M. Nicolas Sansu et M. Gaby Charroux. À juste titre !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est prêt à discuter de propositions de soutien de l’investissement local, à condition qu’elles soient proportionnées au problème posé et qu’elles ne remettent pas en cause l’effort d’économies attendu de toutes les administrations publiques.

Or je crois que l’ampleur du problème est peut-être surestimée.

Il y a tout d’abord un point sur lequel tout le monde pourra être d’accord : l’investissement local va diminuer cette année et l’an prochain.

M. Henri Emmanuelli. Aïe !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais cette baisse, nous le savons tous ici, est directement liée au cycle électoral : l’année des élections municipales et l’année suivante, la dépense d’investissement diminue – je parle des décaissements effectifs –, beaucoup de projets ayant abouti avant les élections et le démarrage de nouveaux projets demandant un peu de temps.

Rien ne permet de dire que la baisse des dotations va accentuer ce mouvement car les collectivités locales disposent de plusieurs moyens pour continuer à financer leur investissement.

Elles peuvent bien entendu dégager des marges sur leurs dépenses de fonctionnement. J’entends dire que la forte croissance de ces dépenses – plus de 3 % par an – au cours des trois dernières années serait due aux décisions de l’État. C’est une partie de la vérité, mais ce n’est certainement pas toute la vérité. Nous savons que les charges de fonctionnement des collectivités sont trop dynamiques et qu’elles doivent faire l’objet d’une attention particulière.

J’entends également dire que les dépenses de fonctionnement des collectivités seraient trop rigides pour être significativement réduites d’une année sur l’autre réduire. Mais la baisse des dotations n’a pas été découverte le 1eroctobre : elle a été annoncée dès le printemps par le Gouvernement, et une première étape avait déjà été mise en œuvre en loi de finances initiale pour 2014. Nous ne prenons pas les collectivités par surprise, elles savent depuis un bon moment qu’elles doivent dégager des marges sur leur budget de fonctionnement.

Il faut également rappeler que certaines collectivités disposent de ressources de trésorerie importantes, qu’elles peuvent mobiliser ponctuellement pour financer leur investissement.

Je rappelle qu’en moyenne, les dotations de l’État ne représentent que 28 % des recettes totales des collectivités, que 60 % de leurs recettes sont des recettes fiscales, qui progressent naturellement avec la progression spontanée de l’assiette et  la revalorisation des bases qu’il est de coutume que le rapporteur général propose par voie d’amendement. Pour cette raison, la dépense locale devrait progresser au rythme de l’inflation sur le triennal.

Je sais que ces chiffres sont des moyennes : certaines collectivités peuvent être plus dépendantes aux dotations de l’État, d’autres peuvent disposer d’une capacité d’absorption de cette baisse de ressources moins importante.

M. Dominique Baert. Je le confirme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’hétérogénéité de la situation des collectivités doit être prise en compte. C’est d’ailleurs pour cela que le Gouvernement souhaite engager une réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui renforce la péréquation. Cette réforme, qui devrait pouvoir être votée dans le cadre du PLF pour 2016, sera bien entendue menée en concertation avec l’Assemblée nationale et le Sénat. En outre, l’effort de péréquation est accentué dès ce PLF.

J’entends dire enfin que la baisse des dotations de l’État va aggraver la crise du bâtiment. Mais cette crise est déjà prise en compte par ce PLF, qui prévoit un soutien de 1,3 milliard d’euros en faveur de ce secteur et donne la priorité aux opérations de rénovation énergétique qui permettent de remplir immédiatement les carnets de commande.

Ce sont 700 millions d’euros qui sont prévus au titre du crédit d’impôt pour la transition énergétique. C’est une réforme des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir qui vise à libérer le foncier nécessaire à l’engagement d’opérations de construction de logements, se traduisant par un effort de 160 millions d’euros en 2015 et de 280 millions d’euros en 2016.

Ce sont également 120 millions d’euros de hausse des autorisations d’engagement de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, dès 2014.

Les collectivités territoriales doivent faire des économies : pour nos concitoyens, il serait incompréhensible qu’elles ne réalisent pas d’efforts à hauteur de leur part dans la dépense publique, comme le fait l’État, comme le font les organismes de protection sociale. L’impact de la baisse des dotations sur l’investissement local peut être absorbé.

M. Henri Emmanuelli. Non !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est prêt à rechercher avec vous, au cours de la discussion parlementaire, les moyens d’assurer que les économies préservent bien la capacité d’investissement des collectivités et qu’elles portent en priorité sur le fonctionnement, à la condition que ce ne soit pas l’occasion de remettre en cause l’effort d’économie : toute dépense nouvelle, toute perte de recettes devront être intégralement gagées pour ne pas dégrader le solde.

Je veux dire un mot de la transition énergétique, certains exprimant la crainte que les économies proposées nous fassent perdre toute capacité de mettre en œuvre nos politiques en la matière.

Cette crainte doit être dissipée : nous faisons des choix, nous diminuons certaines dépenses, mais nous en augmentons d’autres. Vous connaissez les priorités du Gouvernement : l’emploi, la jeunesse et l’éducation, mais également la transition énergétique.

La qualité de l’action publique ne se mesure pas à l’aune de la quantité d’argent public supplémentaire que l’on y consacre. Elle doit s’apprécier en fonction de la cohérence des moyens mobilisés.

Or les moyens que nous mobilisons en faveur de la transition énergétique forment un tout cohérent.

La contribution climat-énergie poursuit sa montée en charge, pour atteindre plus de deux milliards d’euros l’an prochain et quatre milliards d’euros en 2016. Cette fiscalité verte, nous l’avons définie conformément aux principes constitutionnels d’égalité devant l’impôt et elle a été validée par le Conseil constitutionnel. Je remarque en passant que, quand nos projets sont censurés par le Conseil constitutionnel, ce qui arrive à tout gouvernement, nous ne les abandonnons pas : nous les retravaillons pour pouvoir les mettre en œuvre, ce PLF en est la preuve.

Cette fiscalité verte est indispensable pour contribuer à changer les comportements. Elle crée des incitations à la réduction de la consommation d’énergie, en particulier la consommation de gazole dont nous connaissons tous les effets nocifs pour la santé et 1’environnement.

En parallèle, nous mobilisons des moyens financiers pour soutenir la rénovation thermique, car celle-ci est un investissement et permet de donner immédiatement de l’activité à des entreprises qui en ont besoin. C’est pourquoi nous avions, l’an dernier déjà, abaissé le taux de la TVA sur ces opérations. Dans ce PLF, nous vous proposons de renforcer le crédit d’impôt pour la transition énergétique.

Enfin, tout en mettant en place la fiscalité verte et en mobilisant des moyens financiers pour la rénovation thermique, le Gouvernement prévoit une diminution des crédits du ministère de l’écologie sur le triennal. Preuve que nos choix de mobiliser des moyens pour soutenir les interventions les plus utiles ne nous empêchent pas de réaliser des économies par ailleurs.

La bonne gestion, ce n’est pas seulement utiliser au mieux les deniers publics ; c’est aussi mettre en place, dans le cadre de la loi de programmation qui vous est soumise en même temps que le PLF, des règles de gouvernance des finances publiques en fonction des objectifs que vous propose le Gouvernement. J’en donnerai trois exemples.

L’article 22 du projet de loi de programmation propose d’instituer une revue de dépenses annuelle. Chaque année, des thèmes d’investigation seront définis, et les constats et les conclusions issues de cette revue vous seront transmis avant le 1ermars. Sur cette base, la procédure budgétaire, qu’elle soit administrative ou parlementaire, pourra être alimentée d’idées, de propositions qui enrichiront les débats et permettront de poser clairement les enjeux.

L’article 11 fixe un objectif d’évolution de la dépense locale. En effet, celle-ci fait partie de la dépense publique, elle a un impact sur le solde budgétaire, et les objectifs que fixe la représentation nationale valent aussi pour cette dépense. Cet objectif propre à la dépense locale sera exprimé en comptabilité générale ; il permettra de servir de repère pour apprécier la progression des dépenses des collectivités locales. Chaque année, il fera l’objet d’un avis du comité des finances locales. À partir de 2016, il sera décliné par strate de collectivité.

Enfin l’article 12 reconduit le principe d’une mise en réserve de crédits de l’État et de l’assurance maladie pour assurer le pilotage de ces dépenses en cours de gestion.

Nous proposons d’ailleurs d’augmenter à 8 % le taux de réserve sur les crédits hors personnel, car la réserve crée une pression vertueuse sur les ministères pour les inciter à gérer au mieux leurs dépenses dans l’année.

Ces règles de gouvernance vont permettre d’améliorer la gestion des finances publiques. À chaque loi de programmation, elles sont complétées et je crois que nous arrivons aujourd’hui à un corpus de règles qui a permis le renforcement des bonnes pratiques au cours des dernières années.

Pour 2014, le déficit de l’État est revu à 87 milliards d’euros, en hausse de 3,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative. Les dépenses ont été maîtrisées. Celles du budget général et les prélèvements sur recettes étaient prévus à 379,7 milliards d’euros en loi de finances initiale et ont été revus à 374,6 milliards, mais les recettes fiscales sont revues à la baisse de 5,8 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative.

C’est la dégradation du contexte macroéconomique qui est le principal facteur d’explication : du fait de la faible inflation, de la faible croissance et de la chute de la construction, la TVA connaît, à elle seule, une moins-value de 2,2 milliards d’euros.

Cet écart s’explique aussi par la prudence de nos prévisions : nous avons pris une marge de prudence, pour répondre à la recommandation de la Cour des comptes. Pour 2015, le déficit de l’État serait en forte baisse pour atteindre 75,7 milliards d’euros. Les dépenses des ministères et les ressources fiscales affectées aux opérateurs diminueraient en valeur de 1,8 milliard d’euros, Michel Sapin l’a indiqué tout à l’heure.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous propose pour 2015 de réaliser un montant d’économies important, plus de 21 milliards d’euros : il a été détaillé tout à l’heure, je n’y reviens pas. Ce montant, vous les connaissez depuis la présentation du programme de stabilité, en avril. Et à ce moment-là, nous avions entendu des doutes, sur certains bancs, quant à notre capacité à prendre les mesures qui permettent de tenir ces engagements.

Eh bien, mesdames, messieurs de l’opposition, le Gouvernement a mis sur la table l’ensemble des mesures qui permettent de faire ces économies : nous les avons exposées en commission ; elles sont détaillées dans toute la documentation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et vous, vous qui proposez plus de 100 milliards d’euros d’économies, vous allez voter sur ces mesures ; si vous votez contre, alors dites-nous quelles alternatives vous envisagez !

Nous engageons aujourd’hui le débat : il est utile, il est nécessaire. Et ce montant d’économies sera intangible – ce qui signifie que tout allégement de l’effort qui pourrait résulter d’amendements devra être gagé par d’autres économies complémentaires dans un autre secteur.

Car une gestion sérieuse de l’argent public, c’est ce que le Gouvernement et le Parlement doivent à tous les contribuables, en particulier aux plus modestes, qui participent au financement du service public en payant la TVA, en payant la CSG, en payant leurs impôts locaux et leurs cotisations sociales. En effet, tous les Français paient l’impôt, y compris les plus modestes. Mais tous les Français ne paient pas l’impôt sur le revenu. Et quand le Gouvernement prend des mesures pour éviter que des ménages modestes et les classes moyennes soient soumis à l’impôt sur le revenu, il y a effectivement une plus grande concentration de l’impôt sur les ménages les plus aisés. Non pas que ces ménages vont payer plus du fait de cette réforme du bas de barème : à revenus égaux et à situation de famille inchangée, ils ne paieront ni plus ni moins. Mais le montant de l’impôt sera réparti entre un nombre moins important de contribuables.

Oui, nous sortons de l’impôt une fraction des ménages, pour alléger leurs prélèvements. C’est assumé, c’est juste et ce n’est sûrement pas improvisé. Car ce budget pour 2015 est un budget de justice fiscale. C’est un budget pour la réduction des inégalités et c’est enfin un budget de gestion sérieuse de l’argent des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, nous nous retrouvons, comme chaque année à l’automne, pour examiner le projet de loi de finances qui va dessiner les grandes lignes directrices du budget de la France en 2015 et de la politique économique de notre pays.

Cette année, l’exercice recouvre deux particularités. Première particularité : nous examinons, en plus du projet de loi de finances, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. C’est le quatrième réalisé sous le Véme République et le deuxième dans le cadre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne.

C’est-à-dire que nous nous astreignons, via cette loi de programmation, à donner de la perspective à nos choix budgétaires d’aujourd’hui et à les traduire sur plusieurs années.

Deuxième particularité : le contexte économique mondial et européen. La crise financière, vous le savez mes chers collègues, a débuté il y a maintenant sept ans. Certains prédisaient, il y a sept ans, qu’une crise financière de cette nature, c’est-à-dire une crise financière qui déforme les bilans bancaires et qui, de fait, entraîne des réactions en chaîne, durerait plusieurs années. Nous avions alors peine à les croire, mais ils avaient raison, parce qu’une crise de cette nature est comparable à un tremblement de terre : il y a des répliques.

Ces répliques ont eu lieu. La première, en août 2011, s’est traduite par une crise du refinancement des banques. Depuis, notre économie a connu un rebond, en 2012 et en 2013. Mais aujourd’hui, si nous ne sommes pas vigilants, il pourrait y avoir une nouvelle réplique, qui prendrait alors la couleur de la déflation.

La déflation, c’est un poison à mort lente. On ne ressent pas nécessairement ses effets au départ : c’est insidieux.

C’est la baisse de la valeur des actifs dans les comptes des entreprises et dans les bilans bancaires. C’est un arrêt de l’activité économique : on attend et on ne fait rien.

Loin de moi l’idée de peindre ici un tableau inquiétant… Tout simplement parce que je suis intimement convaincue que nous avons les moyens de lutter contre ce danger sournois qu’est la déflation.

M. Henri Emmanuelli. Tiens !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces moyens passent bien sûr par les talents que compte la France. Et cette année 2014 l’a démontré avec l’attribution, au mois d’août, de la médaille Fields à Artur Avila et, hier, celle du prix Nobel d’économie à Jean Tirole. Ce sont deux figures emblématiques du génie français, ce génie tantôt envié, tantôt décrié, mais qui ne laisse pas indifférent. C’est un génie qui intrigue, parce qu’il n’est jamais là où on l’attend ; c’est un génie que je qualifierai « d’ingénioral », c’est-à-dire capable de faire preuve de pragmatisme pour affronter les situations.

Pour l’illustrer, il y a un chiffre que je ne me lasserai jamais de répéter, dans cet hémicycle ou ailleurs : celui du rang de la France dans l’innovation mondiale. Ce n’est pas moi qui l’invente, c’est l’agence américaine Reuters. Le rang de la France dans l’innovation mondiale est le troisième, car notre pays représente 13 % de l’innovation mondiale.

Dès lors, il est essentiel que tous ces talents puissent aussi trouver une traduction dans la création d’activité économique, ici, dans notre pays.

Y parvenir, c’est sans doute réussir à faire converger plusieurs choses. J’en vois trois, qui ont une importance équivalente, l’une ne sachant prendre le pas sur les deux autres.

La première, c’est le soutien à l’investissement. On l’a dit de nombreuses fois dans cet hémicycle, mais je le répète : l’investissement des entreprises françaises a baissé depuis le début des années 2000.

M. Henri Emmanuelli. C’est la cata, ça !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La deuxième, c’est le soutien au pouvoir d’achat des ménages, autrement dit des Français. C’est à la fois de la justice sociale et de l’efficacité économique.

La troisième, c’est la réduction de notre déficit.

Ces trois objectifs ne sont pas opposables. Sacrifier le soutien à la croissance pour assainir rapidement les finances publiques se révèle contre-productif…

M. Henri Emmanuelli. Ah ah…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. …puisque sans croissance, les recettes publiques diminuent, ce qui contraint à de nouvelles augmentations d’impôt pour tenter de compenser les pertes de recettes, au risque d’entrer dans un cercle vicieux.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais abandonner l’objectif de réduction du déficit public est tout aussi contre-productif, puisqu’à terme, cela met le pays en situation de dépendance vis-à-vis d’investisseurs étrangers pour le financement de sa dette, ce qui finit par nuire à la création de croissance économique et donc à l’emploi.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Henri Emmanuelli. Alors, que faire ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais répondre, monsieur Emmanuelli.

Les deux projets de loi que nous commençons à examiner ce jour visent à faire converger vers ces trois objectifs de manière équilibrée. Ce n’est certes pas simple, mais c’est réalisable.

Tout d’abord, le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2014 à 2019 a deux grandes vertus.

Première vertu : il est ambitieux en termes de gouvernance des finances publiques. Ainsi place-t-il sous des objectifs de croissance toutes les composantes de la dépense publique, qu’elles concernent l’État bien sûr, mais également les organismes de sécurité sociale – nous avons déjà un ONDAM – et les collectivités territoriales, en prenant le soin d’associer chacun au débat.

En outre, nous aurons des objectifs de réduction en euros courants : c’est un débat que nous avons de manière récurrente en commission des finances et qui trouve ici une traduction.

Nous proposons également d’aller un peu plus loin avec des amendements qui visent notamment à décliner plus précisément ces objectifs et à améliorer l’information du Parlement.

La seconde vertu de ce projet de loi de programmation réside dans ses objectifs. J’entends celles et ceux, surtout à la droite de l’hémicycle, qui n’y verraient qu’un report de deux ans de l’objectif sur le déficit structurel.

M. Jérôme Chartier. C’est le cas !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est vrai, ce projet de loi prévoit un report de deux ans de l’objectif sur le déficit structurel : je le reconnais. En adaptant le calendrier de retour de la France vers l’équilibre budgétaire à la situation économique et sociale de notre pays, le Gouvernement fait le choix de protéger la croissance. Le niveau de croissance observé en 2013 et attendu pour 2014 est quelque peu insuffisant pour atteindre le niveau de déficit que nous avions initialement prévu.

Si le niveau de dépenses est conforme à la prévision inscrite dans la loi de finances rectificative du 8 août 2014, le niveau de recettes est légèrement inférieur à celui envisagé. Atteindre le niveau de déficit prévu supposerait soit d’augmenter les impôts, soit de réduire encore plus les dépenses. Dans les deux cas, du fait du cycle économique dans lequel la France et l’Europe se trouvent, cela aurait un effet récessif et donc contre-productif pour atteindre l’objectif initial.

Ce report est économiquement judicieux. Je rappelle à toutes fins utiles à nos collègues de l’opposition qu’il est prévu par le traité, notamment dans son article 3.

Maintenant, sur le projet de loi de finances qui est la déclinaison pour 2015 des objectifs inscrits dans la loi de programmation, je voudrais commencer par un petit rappel.

Pour mémoire, l’ensemble des dépenses publiques – État, sécurité sociale, collectivités locales – augmentait chaque année de 37,5 milliards entre 2002 et 2007. Chaque année, nous avions 37,5 milliards d’euros supplémentaires de dépenses !

M. Henri Emmanuelli. Et M. Chartier a laissé faire !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Entre 2007 et 2012, les dépenses publiques augmentaient chaque année de 34,1 milliards d’euros. Entre 2013 et 2014, elles ont augmenté de 20,4 milliards d’euros par an.

J’espère que nos collègues de l’opposition, ici, dans cet hémicycle, redonneront crédit à l’actuelle majorité d’avoir réduit le rythme des dépenses publiques, comme ils l’ont fait en commission des finances.

Concrètement, voici ce qui est proposé. De 2015 à 2017, nous poursuivrons la réduction du rythme des dépenses publiques, pour que ces dernières n’augmentent pas plus que la richesse supplémentaire que nous créons chaque année, c’est-à-dire la croissance économique. Cette réduction sera rendue possible par le plan d’économies de 21 milliards d’euros en 2015 proposé par le Gouvernement.

Ce plan représente un effort de 7,7 milliards d’euros pour l’État et ses opérateurs, de 9,6 milliards pour les organismes de sécurité sociale et de 3,7 milliards pour les collectivités locales.

M. Henri Emmanuelli. Aïe, aïe, aïe !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mes chers collègues, vous en conviendrez, c’est un plan ambitieux. Ce plan doit bien consister à rationaliser la dépense publique, et non à la rationner.

Ce plan est ambitieux aussi par les choix opérés. Il y a dans ce plan douze missions dont les crédits budgétaires augmentent, dix dont les crédits baissent de moins de 3 % et sept dont les crédits baissent de plus de 3 %.

Nous opérons des choix dans la réduction de ces dépenses et nous suivrons ces choix, nous, dans la majorité, mais j’espère également vous aussi, mes chers collègues de l’opposition.

M. Jérôme Chartier. Ces choix ne sont pas assez ambitieux pour nous !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous veillerons notamment, avec une attention spéciale, sur les crédits de l’emploi, sujet qui nous est cher mais, aussi, sur ceux de la défense puisque certains de nos soldats sont envoyés en opération extérieure.

Une fois de plus, je veux m’adresser à mes collègues de l’UMP.

M. Jérôme Chartier. C’est beaucoup d’honneur ! (Sourires)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En dehors de cette Assemblée, vous prônez la réalisation de 100 milliards d’économies sur trois ans…

M. Jérôme Chartier. Cent dix milliards !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cent dix, donc. Vous jugez en effet que les 50 milliards d’économies que propose le Gouvernement ne suffisent pas.

M. Jérôme Chartier. C’est vrai.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Mais, en même temps, vous avez déposé 320 amendements sur le PLF pour 2015 dont aucun ne propose des réductions de dépenses !

M. Jérôme Chartier. Ils sont gagés !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tous visent à augmenter les dépenses ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Aucun ne tend à les réduire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Chartier. C’est de la mauvaise foi !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Vous proposez même, chers collègues, de supprimer les baisses que nous avons envisagées !

Alors, je ne peux que vous inviter à faire preuve d’un peu de cohérence entre ce que vous défendez ici, dans l’hémicycle, et ce que vous affichez à l’UMP ! Ainsi, chacun y verra beaucoup plus clair et notre démocratie en sortira grandie.

Pour conclure, s’agissant des dépenses, je considère que l’effort qui doit être réalisé est ambitieux et qu’il est en phase avec ce que nos partenaires européens attendent de nous – non dans le sens où il s’agirait de répondre à je ne sais quelle injonction de la part de l’Union européenne, mais parce qu’il y va de notre économie, de la France et du respect des engagements que nous prenons.

Je considère même que ces efforts en matière de dépenses nous permettront sans doute d’aller au-delà des 0,2 % d’efforts structurels qui sont affichés dans ce PLF pour 2015.

Maintenant, un petit mot sur les recettes afin, notamment, de battre en brèche quelques idées fausses.

Entre 2013 et 2014, le nombre de foyers fiscaux imposables a baissé d’un million. Ce PLF va plus loin pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. En effet, son article 2 vise à faire entrer nos compatriotes plus tard dans l’impôt sur le revenu.

Ainsi, une famille qui compte deux parents et deux enfants commençait à payer l’impôt lorsque son revenu annuel s’élevait à 27 702 euros ; avec l’article 2 qui, je l’espère, sera voté, elle n’entrera dans l’impôt que si son revenu annuel dépasse les 39 959 euros.

Faire sortir des Français de l’IR ou ne pas les y faire entrer se fera-t-il au détriment des autres contribuables ? La réponse est non.

Si, aujourd’hui, vous vous situez dans une tranche d’imposition inférieure à 14 %, l’impôt sur le revenu baissera. Si la tranche d’imposition est supérieure à 14 %, à revenu constant, l’IR de 2015 sera identique.

Au total, ce sont 9 millions de foyers fiscaux qui bénéficieront de cette mesure, soit un quart des foyers fiscaux français, sachant que sur les 36 millions de foyers fiscaux que compte notre pays, la moitié est imposable. Cela représente un coût budgétaire pour l’État de 3,167 milliards d’euros.

Avec cette baisse d’impôt proposée par le Gouvernement dans l’article 2, comment parvenons-nous à l’équilibre budgétaire ?

Pour 2014, les recettes de l’IR devraient s’élever à 68,9 milliards d’euros. Pour 2015, si nous faisons l’exercice, nous ôtons à cette somme 3,167 milliards liés au coût de la mesure, 100 millions au titre de la réforme du régime des plus-values immobilières de cessions de terrains à bâtir et 300 millions d’euros en raison de l’impact sur l’IR de la dernière loi sur les retraites. Nous procédons au rééquilibrage grâce au 1,3 milliard que rapporte la mesure exceptionnelle mise en œuvre au mois de septembre ainsi qu’au 1,8 milliard de hausse naturelle.

Au total, les recettes prévues par ce PLF atteindront 292,6 milliards d’euros en 2015, dont 278,9 milliards d’euros de recettes fiscales.

Il s’agit bien entendu de prévisions et même si cette année – je dois le souligner, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État – elles sont plus prudentes que les années précédentes, il convient de rester toujours vigilant en la matière.

Un dernier mot s’agissant du soutien à l’investissement.

Je voudrais profiter de cette tribune pour dire quelques mots du CICE puisque nous avons reçu deux rapports en amont de ce PLF : d’une part, le deuxième rapport annuel du comité de suivi institué par la loi ; d’autre part, le rapport de notre collègue Yves Blein, au nom de la mission d’information créée par la conférence des présidents.

Le coût budgétaire du CICE devrait être de 6,5 milliards d’euros en 2014, ce qui est un tout petit peu inférieur à la prévision initiale et qui s’explique notamment par une dynamique de l’impôt sur les sociétés due à la conjoncture.

Les micro-entreprises et les PME concentrent 42 % de la créance, ce qui contribue également à atteindre l’objectif que nous souhaitions.

Enfin, l’enquête de conjoncture de l’INSEE fait apparaître que pour plus de la moitié des entreprises – 52 % dans les services et 58 % dans l’industrie – le CICE servira prioritairement à l’investissement.

Il va sans dire que ces premiers éléments sont purement déclaratifs et qu’ils devront être confirmés ultérieurement, mais ils témoignent de ce que le soutien en matière d’objectif d’investissement devra être confirmé et qu’il devra bien entendu se vérifier sur le plan comptable.

Toujours afin de soutenir l’activité économique, le crédit d’impôt développement durable – CIDD –, transformé en crédit d’impôt pour la transition énergétique – CITE – devient plus attractif pour inciter les ménages à investir sans attendre dans la rénovation de leurs logements.

La condition obligeant à réaliser plusieurs travaux de façon concomitante pour avoir droit au crédit d’impôt est supprimée et le taux de celui-ci est porté à 30 % pour tous les équipements, soit à un niveau bien plus avantageux que celui qui était prévu avant.

Tous ces aménagements doivent entrer en vigueur à compter du 1er septembre 2014 et ils devraient produire leurs effets le plus rapidement possible.

Ce PLF prévoit d’autres mesures de dépenses fiscales. L’addition de toutes celles concernant le logement devrait permettre d’espérer une augmentation du chiffre d’affaires des entreprises du bâtiment pour la partie rénovation entre 4 % et 5 %, ce qui est extrêmement important. Tous les citoyens, toutes les entreprises doivent se saisir rapidement de ces dispositifs.

Il y a l’investissement privé, certes, mais il y a aussi bien entendu l’investissement public, auquel vous avez fait référence, monsieur le ministre.

Le soutien à l’économie passe aussi par la mobilisation des collectivités locales. C’est pourquoi il est crucial que celles-ci maintiennent leur investissement. Un an après les élections municipales, nous savons que si les collectivités réalisaient l’année dernière 50 milliards d’euros d’investissement, elles pourraient n’en réaliser en fait que 45 ou 46 milliards.

Nous avons déposé et voté des amendements en commission des finances – dont nous rediscuterons bien entendu en séance publique – afin de soutenir le mieux possible l’investissement des collectivités locales.

Pour finir, permettez moi, mes chers collègues de citer le nouveau prix Nobel d’économie, Jean Tirole : "On peut aider à avoir de meilleures supervisions, à fournir des idées. Mais il faut que les politiques se les approprient et qu’il y ait des discussions autour de ces idées».

Discuter de ce PLF et de la loi de programmation, c’est précisément se les approprier et tel est le but de cet examen.

À son issue, je vous invite à adopter ces deux projets de loi, comme l’a fait la commission des finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin, ministre. Très bien !

(M. Denis Baupin remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Dominique Baert. Ce sera pas mal non plus !

M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, j’ai l’honneur d’inaugurer cette année la saisine pour avis de la commission des affaires économiques sur la première partie du projet de loi de finances pour les articles qui relèvent du périmètre de notre commission.

Cette saisine, que j’espère voir approfondie et renouvelée à l’avenir, doit permettre d’enrichir le débat sur des sujets aussi importants pour nos concitoyens que le logement par exemple.

La commission des affaires économiques était saisie des articles 3 à 8, 17, 18 et 25, sur l’adoption desquels elle a rendu un avis favorable.

Malgré un délai très court entre la mise à disposition du texte et le délai de dépôt, une vingtaine d’amendements ont été déposés, dont huit ont été adoptés.

Sur l’article 3 du projet de loi, un amendement de Mme Linkenheld visant à augmenter le crédit d’impôt développement durable de 5 % lorsqu’il est fait appel par le propriétaire à un conseiller en rénovation énergétique a été retenu. Cet amendement s’articule avec le projet de loi sur la transition énergétique adopté il y a quelques minutes.

Deux amendements de votre rapporteur ont été adoptés à l’article 7 étendant le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable aux opérations d’accession sociale à la propriété situées dans les zones du programme national de rénovation urbaine, le PNRU, à l’ensemble des 1 300 nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Le premier vise à asseoir le bénéfice de ce taux sur la géographie prioritaire elle-même plutôt que sur le contrat de ville, certains territoires prioritaires pouvant ne pas être amenés à signer ce type de contrat. Or, il serait dommageable que ces derniers soient privés du bénéfice d’une telle disposition.

Le second vise à garantir un tel bénéfice aux quartiers prioritaires bénéficiant d’un programme de renouvellement urbain jusqu’à la fin du nouveau programme national de rénovation urbaine, le NPNRU, soit en 2024.

Une telle disposition offre la lisibilité fiscale si souvent réclamée par les promoteurs et acteurs du logement pour la bonne conduite de leurs projets.

Plusieurs amendements portant articles additionnels ont également été adoptés.

Un premier amendement, auquel j’associe notre collègue Henri Jibrayel, porte sur la question des zones franches urbaines. Je salue la décision du Gouvernement, et de M. le ministre en particulier, d’ouvrir un débat sur le redéploiement des crédits vis-à-vis des opérations de commerces et d’activités économiques dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je m’en réjouis.

M. Dominique Baert. Très bien !

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Le second amendement porte sur le taux de TVA applicable aux travaux de rénovation et d’amélioration réalisés dans les logements locatifs sociaux existants.

La loi de finances pour 2014 avait réalisé une harmonisation de ce taux à 5,5 % mais avait oublié, en quelque sorte, deux situations : les travaux d’agrandissement ou de surélévation, qui ne bénéficiaient donc pas de ce taux, non plus que les opérations d’acquisition-amélioration d’immeubles par des organismes HLM en vue de les transformer en logements locatifs sociaux.

Une opération assez ubuesque s’est d’ailleurs déroulée à Wattrelos, où le taux de TVA ne pouvait pas être appliqué.

L’impact de ces opérations est relativement faible pour le budget de l’État, mais cet amendement permettra aux différents acteurs du logement de bénéficier d’une meilleure cohérence et d’une meilleure lisibilité.

Un troisième amendement vise à donner aux collectivités et aux aménageurs la souplesse nécessaire pour répartir les 25 % de logements sociaux qui accompagnent tous nouveaux logements intermédiaires à l’échelle de la commune plutôt qu’à celle d’une opération dont la définition était, jusqu’à une instruction fiscale récente, trop floue – la construction de logements intermédiaires, que nous appelons tous de nos vœux, n’était donc pas au rendez-vous.

Le dernier amendement vise à créer une contribution de solidarité urbaine prélevée sur les transactions immobilières supérieures à 10 000 euros par mètre carré et dont le produit devra être affecté à la production de logements socialement accessibles au plus grand nombre.

Enfin, un amendement de M. Giraud à l’article 17 prévoit d’exonérer du prélèvement exceptionnel prévu par le PLF 2015 la partie du fonds de roulement expressément constitué par les chambres de commerce et d’industrie en vue d’un investissement déjà engagé en 2014.

Votre commission des affaires économiques sera par ailleurs tout à fait sensible aux dispositions relatives au prêt à taux zéro en seconde partie et, notamment, au fait de pouvoir élargir le dispositif prévu dans l’ancien aux zones urbaines.

Pour conclure, au titre de la politique de la ville, votre rapporteur pour avis est également très sensible, comme nombre de ses collègues, aux dispositions relatives aux dotations aux collectivités locales et, notamment, à la nécessité que les progressions de la péréquation verticale viennent annuler les effets des efforts d’économies demandés par l’État pour les communes les plus pauvres.

J’ai déposé à titre personnel un amendement dans ce sens – auquel M. Goua s’est associé – ainsi qu’un amendement visant à garantir aux 250 premières communes DSU cible une compensation intégrale des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties. Il est en effet inconcevable que les collectivités les plus pauvres soient appelées à financer les exonérations accordées par l’État aux différents bailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, la vérité !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, projet de loi de finances pour 2015, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, trois textes étroitement imbriqués dont je vais essayer de mettre en évidence les enjeux et, surtout, les risques, les incertitudes qu’ils comportent, notamment quant à notre souveraineté financière. Je vais essayer de le faire dans le même esprit que Michel Sapin et que Valérie Rabault à l’instant.

Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, j’ai été très déçu par votre intervention. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Elle était pourtant remarquable !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous aurez une semaine pour vous en remettre, monsieur le président !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous vous êtes réfugié dans la présentation caricaturale de décisions prises il y a cinq ou dix ans, sans doute pour vous exonérer de l’écrasante responsabilité que vous avez dans le dérapage assez monstrueux de nos déficits publics (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP), qui fait courir à notre pays le risque d’être humilié dans les prochains jours. J’espère que les interventions à venir se feront dans un esprit plus constructif.

Mme Valérie Pécresse et M. Philippe Vigier. Absolument !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il s’agit là de notre deuxième loi de programmation depuis 2012. Je rappelle que les lois de programmation pluriannuelle, qui sont devenues un instrument très important, existent depuis la réforme constitutionnelle à laquelle nous avons procédé en juillet 2008. Elles ont pris une importance particulière avec la signature du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG, signé en 2012, puisque – et Christian Eckert le sait bien, pour avoir rapporté le texte – la loi organique de décembre 2012 a utilisé les lois de programmation comme une sorte d’instrument pour décliner et mettre en œuvre les dispositions du TSCG au niveau national.

L’objectif du TSCG, repris par ces lois de programmation, est de parvenir, aussi rapidement que possible, à un équilibre structurel fixé à moins 0,5 % du PIB. Alors que la première loi de programmation, à la fin de l’année 2012, prévoyait d’atteindre cet objectif d’équilibre en 2017, la présente loi de programmation le reporte de deux ans, ce qui peut se comprendre, compte tenu de l’environnement économique extrêmement défavorable.

Mais cette loi de programmation laisse également voir une dégradation des déficits beaucoup plus grave que ce qui était prévu pour les années 2014 et 2015, ce qui est très problématique. Le déficit public effectif de 2014 va probablement être de 4,4 % – et je crains même qu’il ne se situe plutôt à 4,5 %, ou même 4,6 % ; et il sera très peu réduit en 2015 – sans doute 4,3 %.

Mon regret, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, c’est que le déficit public que l’on va constater en 2014 soit supérieur à celui de 2013. Nous vous avions pourtant mis en garde ! Au mois de juillet, lorsque nous avons examiné le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, il était tout à fait possible de prendre des mesures d’économie…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lesquelles ? Faites des propositions !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …pour faire en sorte que le déficit public de 2014 ne soit pas aggravé par rapport à celui de 2013. Rendez-vous compte que nous sommes le seul pays de la zone euro à avoir, en 2014, un déficit qui plonge par rapport à celui de 2013 !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Comment voulez-vous, dans ces conditions, aborder sereinement la discussion avec Bruxelles ? C’est une question de crédibilité ! Je ne comprends pas ! J’ai même qualifié ce dérapage des déficits de « faute professionnelle » il y a trois semaines. J’ai peut-être été un peu excessif…

M. Guy Geoffroy. L’expression me paraît tout à fait appropriée, au contraire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …mais vraiment, vous n’aviez pas le droit de faire courir un tel risque à notre pays !

Il est vrai que le dérapage des comptes publics en 2013, 2014 et 2015 est d’abord lié à un problème de recettes. La rapporteure générale l’a très bien dit, et je le reconnais bien volontiers. En 2013, il a manqué 15 milliards de recettes fiscales par rapport aux prévisions ; vous estimez aujourd’hui qu’il en manquera 11 milliards pour 2014, mais je pense que ce sera plutôt 12 ou 13 milliards.

Mme Valérie Pécresse. Eh oui !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est vrai que cela résulte en partie de prévisions trop optimistes par rapport à la croissance et de l’élasticité de la recette par rapport à la croissance. Mais je crois aussi que certaines évolutions structurelles rendent nos principaux impôts de plus en plus vulnérables. Je veux y insister, car le Gouvernement ne les prend pas suffisamment au sérieux.

Je prendrai d’abord l’exemple de l’impôt sur le revenu. Par rapport aux prévisions, nous avons connu en la matière une hémorragie de plus de 5 milliards d’euros en 2013. Des prévisions plus prudentes ont donc été faites pour 2014, mais on va à nouveau se retrouver cette année avec 5 à 6 milliards de manque à gagner, comme l’indique le rapport de Mme la rapporteure générale. Il y a là un problème qu’a bien mis en lumière le rapport dit « Lefebvre-Auvigne », à savoir que notre impôt sur le revenu est devenu trop concentré. Il est ultraconcentré, puisque 10 % des foyers fiscaux paient 70 % de l’impôt sur le revenu, et que 1 % en paie 30 %.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quelle est leur part dans le revenu ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et un pour mille, c’est-à-dire 37 000 foyers fiscaux sur 37 millions, paie de l’ordre de 15 % de l’impôt sur le revenu.

M. Nicolas Sansu. Quel est leur patrimoine ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avec une telle concentration de l’impôt, il est évident que lorsque quelques centaines ou quelques milliers de contribuables décident de partir ou de changer de comportement, cela se traduit immédiatement par une véritable hémorragie fiscale. Je vois également un signe de ce phénomène dans l’évolution de la contribution exceptionnelle. Cette contribution, que nous avons créée en 2011 et qui s’applique au-delà de 250 000 ou de 500 000 euros la part, a rapporté 630 millions d’euros en 2012 ; en 2013, elle ne rapportait déjà plus que 500 millions d’euros et, d’après les derniers chiffres que je viens de découvrir, elle serait tombée à 400 millions d’euros en 2014. Il y a bien un problème…

Je crois nécessaire de s’occuper du bas de barème, et notamment des effets de seuil, comme vous l’avez fait, mais il ne faut pas se limiter à cela, car l’ultraconcentration de l’impôt sur le revenu et les taux excessifs qui s’appliquent sont en train de provoquer une véritable hémorragie dans nos recettes.

Regardons les choses ensemble de la manière la plus scrupuleuse : au-delà d’un certain niveau, l’essentiel des revenus est lié au patrimoine. Or quel est aujourd’hui le taux d’imposition ? Le taux marginal est à 45 % ; avec la contribution exceptionnelle de 3 à 4 %, on arrive à 48 ou 49 % ; et si l’on ajoute, puisqu’il s’agit de revenus du patrimoine, les 15,5 % de prélèvements sociaux, on arrive pratiquement à 65 % d’imposition. Je vous le dis très clairement : ce système ne peut pas marcher et ne peut provoquer que des déconvenues.

Or que se passe-t-il quand l’impôt sur le revenu n’est plus au rendez-vous et que ceux qui pourraient le payer ne le paient plus, parce qu’ils sont partis à l’étranger ou ont modifié leur comportement ? On est obligé de compenser avec d’autres recettes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement ! On fait un transfert de fiscalité !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est ce qui explique, par exemple, la hausse de deux centimes sur le gazole, que tous les Français vont payer, mais aussi l’hyperconcentation de l’impôt sur le revenu sur ceux qui restent, c’est-à-dire les classes moyennes.

On constate la même chose avec l’impôt sur les sociétés. Il est vrai que le taux réel auxquelles sont soumises les grandes entreprises est probablement inférieur au taux réel des petites entreprises, mais il n’en demeure pas moins que 60 % du produit de cet impôt est apporté par les grandes entreprises. Or celles-ci font de moins en moins d’activité, de marges et de bénéfices sur le territoire national. Sans parler des montages d’optimisation fiscale, qui vont faire l’objet de nombreux amendements, notamment sur les prix de transfert, et sans parler non plus de l’économie numérique et des problèmes de localisation d’assiette d’entreprises comme Google, nous devons être beaucoup plus attentifs que nous ne le sommes à sauvegarder la recette de l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, je m’inquiète aussi, comme la rapporteure générale, des prévisions en matière de cotisations sociales. Dans la loi de programmation, vous prenez comme hypothèse que la masse salariale, qui est la base de nos 400 milliards de cotisations sociales, patronales ou salariales, va connaître une évolution en valeur de 2 % en 2015. Cette estimation me semble raisonnable ; en revanche, vous prévoyez une augmentation de 3,5 % en 2016 et de 4,2 % pour 2017 et 2018.

Puisque nous allons connaître des déboires s’agissant des recettes, nous devons être beaucoup plus exigeants en matière de dépenses. En effet, si nous ne sommes pas plus rigoureux sur les dépenses, le déficit public en 2015, 2016 et 2017 continuera de se situer entre 4,5 et 5 %, et peut-être même au-delà, ce qui ne pourra poser que d’énormes problèmes.

J’en arrive aux dépenses. Il est vrai que leur progression ralentit, je ne le conteste pas, puisqu’elles augmentaient de près de 40 milliards d’euros par an entre 2002 et 2007. En prenant en compte la totalité des dépenses publiques, ce qui représente aujourd’hui 1 200 milliards, je constate que l’augmentation est moins rapide, puisqu’elle est à présent, vous l’avez dit, madame Rabault, de 20 milliards d’euros. Je voudrais néanmoins appeler votre attention sur le point suivant : en 2014, notre PIB est de 2 000 milliards ; la croissance va être de 0,4 % et l’inflation de 0,6 %. Notre PIB, en valeur, va donc augmenter de 20 milliards d’euros – 1 % de 2 000 milliards. Mais la dépense publique, dans le même temps, augmente de 20 milliards, ce qui signifie que la croissance de notre dépense publique absorbe la totalité de la progression du PIB !

Cela signifie aussi, et j’en prends le pari à cette tribune ce soir, que le pourcentage de la dépense publique que l’on a constaté à la fin de l’année 2013 – plus de 57 %, ce qui constitue le record du monde, avec le Danemark – va encore progresser à la fin de 2014.

Il faut donc, monsieur le ministre des finances, en finir avec le raisonnement en tendance. On ne peut plus continuer ainsi. Ce que j’ai apprécié dans le rapport de Mme Rabault, c’est qu’elle parle de valeurs absolues. Il faut que nous raisonnions, sur ces questions d’économie, en valeurs absolues.

Vous avez dit tout à l’heure, à propos de l’ONDAM, que l’on allait faire 3 milliards d’économie en 2015. Et comment fait-on 3 milliards d’économies en 2015 ? On prévoit une progression de l’ONDAM de 3,9 % : c’est une prévision on ne peut plus avantageuse et complaisante.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est scandaleux de parler comme cela ! Vous ne servez pas le débat !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et comme il n’augmente que de 2 à 2,5 % depuis deux ou trois ans, on affiche une économie, complètement virtuelle, de plusieurs milliards. Ce n’est pas sérieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et l’hépatite C ? Et les personnes âgées ? Qu’en faites-vous ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous pouvez protester, monsieur Eckert, mais je pourrais multiplier les exemples de ce genre. Tout cela bien est triste, en vérité, car on est bien obligé de constater que, malgré vos efforts, que je reconnais, la dépense publique va continuer d’augmenter.

La masse salariale, dans le budget de l’État, augmente de 500 millions d’euros, et cela malgré le gel du point d’indice. J’ai été le premier surpris ! Avec un gel du point d’indice depuis 2010 et une paupérisation croissante de la fonction publique…

M. Nicolas Sansu et M. Gaby Charroux. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …votre doctrine qui consiste à maintenir des effectifs constants conduit à une impasse !

Tout cela pour vous dire que la technique du rabot que vous utilisez ne peut pas fonctionner.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mme la rapporteure générale a démontré que nous n’employons pas une technique de rabot !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’ai cherché en vain des réformes de structure, des réformes de fond dans ce projet de loi de finances, et il n’y en a pas. Au contraire !

Vous devriez d’ailleurs surveiller vos collègues, monsieur le ministre, parce que lorsque j’entends Mme Touraine affirmer, comme elle l’a fait tout à l’heure, que dès le 1er janvier 2015, c’est par centaines de milliers, si ce n’est par millions, que des salariés pourront faire valoir le compte pénibilité…

M. Henri Emmanuelli. Et alors ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …cela signifie, monsieur Emmanuelli, que ce sont plusieurs milliards de dépenses supplémentaires qui seront financés par la dette, par nos enfants et nos petits-enfants !

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Jean-Pierre Vigier. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. De même, monsieur Sapin, vous devriez vous méfier de la généralisation du tiers payant, car le tiers payant généralisé chez le médecin, c’est la garantie, à travers la gratuité totale, de milliards d’euros de dépenses supplémentaires.

Faisons, comme M. Eckert, un peu d’archéologie budgétaire. Quelles sont les grandes décisions qui ont suscité des couches de dépenses publiques qui expliquent le quart de nos 2 000 milliards de dette ? Il y en a trois : la retraite à 60 ans en 1981 ; l’embauche de centaines de milliers de fonctionnaires d’État dans les années 80, puis plus tard, au niveau des collectivités territoriales ; et, en 1997, les 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Rien d’autre ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. On se porterait beaucoup mieux aujourd’hui si l’on n’avait pas pris ces trois décisions !

M. Henri Emmanuelli. Pourquoi est-ce que vous n’avez pas supprimé tout cela, alors ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Hélas, trois fois hélas, en examinant avec la meilleure volonté du monde le projet de loi de programmation des finances publiques, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, je n’ai vu aucune réforme de fond en matière de dépenses. Au contraire !

Prenons quelques exemples. Le premier date d’il y a trois semaines : on nous présente à la commission des finances un décret d’avances de 60 millions d’euros pour financer le dérapage sur les centres d’hébergement d’urgence, qui sont une sorte de guichet social.

Eh bien, que fait-on en contrepartie ? On annule des crédits d’investissement !

Les OPEX – opérations extérieures – sont financées à hauteur de 450 millions d’euros dans la loi de finances pour 2014 – je parle sous le contrôle de M. Launay et de M. Cornut-Gentille. Elles auront coûté 1,2 milliard cette année. Je peux vous dire ce qui va se passer : la loi de finances rectificative prévoira d’énormes annulations de crédits d’investissement, que l’on appelle « discrétionnaires », pour financer des dérapages que l’on ne parvient pas à juguler. Tout cela est très inquiétant.

Que va-t-il se passer dans les prochains jours ? La Commission européenne refusera-t-elle ce budget ? Fera-t-elle des observations ?

M. Jérôme Chartier. Le rendez-vous est fixé à demain !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet, le budget sera transmis demain. Je ne crois pas trop à des sanctions, car elles seraient disproportionnées. Nous sommes en procédure de déficit excessif depuis 2009 ; la pénalité, si elle devait être appliquée, atteindrait 4 milliards d’euros. Je ne vois pas comment la France pourrait supporter cela. Par ailleurs, le ralentissement allemand va donner à réfléchir. Mais nous sommes dans une situation qui nous fait mal au cœur, d’un point de vue patriotique.

M. Dominique Baert. Vous aviez moins mal au cœur il y a quatre ans !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La France bénéficie actuellement de la force du faible.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Elle pourrait, en quelque sorte, se voir appliquer le principe du « Too big to fail » !

La seule question est de savoir quand, et comment, les problèmes gravissimes se déclencheront. Ce n’est pas une question de FMI. D’ailleurs, j’ai noté avec intérêt à quel point Michel Sapin, qui ne nous avait pas habitués à une telle amabilité à l’égard de l’ancienne ministre des finances, cherchait du soutien auprès de Christine Lagarde ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. Il n’est jamais trop tard !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nos problèmes ne viendront ni de la Commission européenne ni de la BCE. Ils viendront du fait que nous ne pourrons plus couvrir suffisamment notre besoin de financement. Il nous faudra emprunter 200 milliards d’euros en 2015. Jusqu’à présent, les taux d’intérêt baissent de 10 ou 20 points de base au fur et à mesure que nous sommes dégradés – Standard and Poor’s parle désormais d’une perspective « négative ». On n’a jamais emprunté pour aussi peu cher.

Mme Valérie Pécresse. C’est une bulle !

M. Michel Sapin, ministre. Et au moment même où vous parlez, les taux d’intérêt viennent encore de baisser !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien ! Comme vous, je m’en félicite ! Cela nous permettra de faire une économie de 2,5 milliards sur les intérêts dans le budget 2014. Plus on s’endette, moins cela coûte !

Mais sachez, chers collègues, que notre vulnérabilité est extrême. Car nos créanciers, à plus de 60 %, sont étrangers. Si jamais les taux d’intérêt devaient à nouveau augmenter, une hausse de 100 points de base les porterait à 2,3 %, ce qui demeure peu élevé – il nous en coûterait, dès la première année, 6 milliards d’euros. C’est l’équivalent du budget de la culture qui partirait ainsi en fumée.

M. Dominique Baert. Votre rapport évoquait 4 milliards !

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas très rigoureux, tout cela !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous devons donc être très vigilants. Je souhaite encore évoquer quelques sujets, sur lesquels je reviendrai en discussion générale. Je ne reprocherai pas au Gouvernement de supprimer la tranche à 5,5 % de l’IR. Je pense sincèrement que la meilleure mesure était l’abattement sur les cotisations salariales, qui figurait dans la loi de finances rectificative de juillet. Malheureusement, le Conseil constitutionnel a confirmé sa jurisprudence de 2000 sur la CSG.

M. Michel Sapin, ministre. La faute à qui ?

M. Dominique Baert. Après une saisine par la droite !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je n’ai jamais vu l’opposition ne pas saisir le Conseil constitutionnel sur une loi de finances !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est normal, acceptez-le !

M. Michel Sapin, ministre. Vous ne l’avez saisi que sur cette mesure !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Quant aux collectivités locales, dont on a beaucoup parlé, il est normal qu’elles participent à l’effort. Cependant, le rythme qui leur est imposé, avec une baisse des dotations de 3,7 milliards, est trop élevé. Cela fait peser, ainsi que Valérie Rabault l’a souligné, un risque sur l’investissement. Des mesures d’accompagnement doivent donc être prises, peut-être au titre du fonds de compensation pour la TVA – FCTVA –, même si cela coûte cher. Les membres de la commission des finances ont tous signé un amendement en ce sens.

Mais je voudrais vous soumettre une autre proposition, monsieur Pupponi. Les crédits supplémentaires provenant de la DSU, et surtout du fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – devraient être inscrits obligatoirement en section d’investissement. Faute de quoi des villes, dont la dépense par habitant et déjà très élevée, utiliseront ces augmentations pour procéder à de nouveaux recrutements ou pour consentir des subventions supplémentaires aux associations. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Elles paieront ainsi les charges que l’État leur transfère !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Messieurs les ministres, il vous faudra être vigilants. Tout comme vous devrez veiller de près aux dérapages du crédit d’impôt sur la transition énergétique – CITE. Instruit par l’expérience du crédit d’impôt développement durable – CIDD –, j’appelle votre attention sur ce point.

Je le regrette, mais j’ai le sentiment que ce budget est un budget de résignation et d’impuissance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour un rappel au règlement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce rappel au règlement, qui porte sur la méthode de l’archéologie budgétaire et non sur le fond des propos du président de la commission des finances, est fondé sur l’article 119 du règlement relatif à la discussion de la loi de finances.

Pour la première fois, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de la première partie du projet de loi de finances. À cette fin, elle s’est réunie le 7 octobre dernier pour examiner les articles relevant de son champ de compétences. Elle a adopté à cette occasion huit amendements, qu’elle a transmis au service de la séance, à dix-huit heures, pour être très précis, l’application Eloi étant là pour le prouver, ainsi que je l’ai dit ce matin en conférence des présidents. Je tiens à souligner qu’en tant que président de la commission des affaires économiques, je veille à ce que notre travail régulier n’entrave pas la loi de finances. C’est la raison pour laquelle nous nous saisissons pour avis.

Aussi ai-je été étonné d’apprendre que la commission des finances n’avait pas examiné ces quelques amendements lors de sa réunion du lendemain, consacrée à l’examen du PLF, comme le règlement l’y oblige. Les amendements ont été simplement exposés par notre rapporteur, François Pupponi…

M. Dominique Baert. Ce n’est déjà pas si mal !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …qui m’a dit avoir été écouté avec une grande courtoisie – parfois peut-être avec condescendance – mais ils n’ont pas été appelés formellement.

Certes, la recevabilité financière de certains de ces amendements devait être examinée, mais selon mes informations – et je crois avoir de bonnes sources –, c’est à la commission des finances qu’incombe ce contrôle. Il suffisait donc à celle-ci d’examiner en priorité la recevabilité des amendements de l’unique commission saisie pour avis, afin que la procédure suive son cours normal. La chose était d’autant plus facile que ces amendements étaient au nombre de huit.

Je ne veux pas croire, monsieur le président de la commission des finances, que c’était une mesure voulue, d’ordre dilatoire. Je préfère penser que nous essuyons les plâtres d’un mode de fonctionnement appelé à se reproduire. Je souhaite qu’à l’avenir toute saisine pour avis de la première partie du projet de loi de finances, par quelque commission que ce soit, fasse l’objet de l’attention qui lui est due, au nom de notre règlement. Je tenais à le préciser à l’occasion de ce rappel au règlement, l’ayant déjà indiqué à la présidence.

M. le président. En effet, ce point a été évoqué en conférence des présidents. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cher président Brottes, je vous propose de cosigner une pétition à l’attention du Gouvernement. Le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 1er octobre. La commission des finances s’est réunie pour examiner les amendements le 8 octobre. Je saisis cette occasion pour saluer l’excellent travail de la rapporteure générale, qui a accompli l’exploit de rendre un rapport de grande qualité en si peu de temps.

Malgré la meilleure volonté du monde – en tout cas du président –, nous n’avons pas eu le temps d’examiner la recevabilité de ces amendements au titre de l’article 40 et de procéder à tous les examens nécessaires. Lorsque M. Pupponi est venu les présenter, nous l’avons accueilli avec beaucoup de courtoisie, et surtout avec beaucoup de plaisir, mais nous n’avons pas été en mesure d’examiner ces amendements.

La responsabilité incombe largement au Gouvernement. Comme celui-ci a promis qu’il ne nous imposerait pas un tel calendrier l’année prochaine, je peux vous assurer que nous aurons alors tout le temps d’examiner vos amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je prends acte des propos du président de la commission des finances. Je n’avais pas l’intention d’impliquer le Gouvernement dans ma remarque, d’autant que tous les amendements n’étaient pas concernés par l’article 40. Certains auraient pu être appelés. Mais je prends acte de votre bonne volonté pour le futur, monsieur le président Carrez.

Motion de rejet préalable ( Programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

La parole est à Mme Valérie Pécresse.

Mme Valérie Pécresse. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, il y a un temps, pas si lointain, où la France, l’Europe et le monde s’inquiétaient de la situation économique et financière de la Grèce. Aujourd’hui, c’est la Grèce, l’Europe et le monde qui s’inquiètent de la situation économique et financière de la France.

M. Michel Sapin, ministre. Tout en sensibilité ! (Sourires.)

M. Dominique Baert. Vous étiez ministre lorsque la France a perdu son triple A !

Mme Valérie Pécresse. Ce retournement spectaculaire pour tous les Français en dit long sur votre bilan à la tête de l’État depuis 2012. Depuis votre arrivée au pouvoir, 697 000 Français ont perdu leur emploi et 69 000 jeunes supplémentaires sont venus grossir les rangs des chômeurs. Depuis votre arrivée, l’économie s’est arrêtée.

M. Henri Emmanuelli. Cela commence en finesse…

Mme Valérie Pécresse. La croissance, depuis 2012, n’est plus que de 0,3 % en moyenne annuelle. Depuis votre arrivée au pouvoir, le rétablissement de nos finances publiques a été stoppé net. Entre 2009, pic de la crise, et 2011, c’est-à-dire en l’espace de deux ans, le déficit public avait été réduit de 2,3 points. Depuis 2012, il est resté pratiquement figé et il stagnera à 4,3 % du PIB en 2015.

Ce bilan – et à mi-mandat, il est temps de le faire –, c’est le résultat de votre politique. Une politique qui a fait le choix stérile et régressif de détruire toutes les réformes que nous avions lancées. Une politique qui a fait le choix de ne pas tenir les engagements de la France et de tourner systématiquement le dos à la sincérité budgétaire. Une politique qui fait le choix de laisser dériver les finances publiques, au prix d’une hausse massive et ininterrompue des impôts. Une politique, enfin, qui en faisant le choix de ne pas assumer la réforme, condamne durablement l’avenir de la France.

Entre 2007 et 2012, certes, nous n’avons pas tout fait ni tout bien fait. Et s’il y a une personne qui ne cède pas à l’autosatisfaction, c’est bien moi, qui ai été parmi les premières à faire un inventaire critique de notre action gouvernementale.

M. Razzy Hammadi. C’est le PS qui s’en est chargé !

Mme Valérie Pécresse. Mais nous avons eu au moins le mérite de lancer des réformes ! Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, l’adoption de la TVA anti-délocalisation ou la création du conseiller territorial, pour ne citer que ces seuls exemples…

M. David Habib. Vous étiez la première à critiquer cette mesure !

Mme Valérie Pécresse. … sont des réformes qui poursuivaient un même objectif : réduire les dépenses publiques pour redonner de la vitalité à nos entreprises, et donc à l’emploi.

M. Razzy Hammadi. Voyez le résultat !

Mme Valérie Pécresse. Qu’avez-vous fait de cet héritage ? Le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite : par pure démagogie et par calcul électoraliste étroit, vous avez décidé d’y renoncer.

Vous avez même décidé d’aller plus loin en recrutant 60 000 fonctionnaires de plus dans l’éducation nationale. Le résultat, on le connaît. Les services publics, l’école publique la première, n’ont pas gagné en qualité. Vous vous êtes privés du levier le plus puissant pour faire des économies. Et, c’est sans doute là le pire, vous avez appauvri et privé de toute perspective de promotion des centaines de milliers de fonctionnaires dont le seul horizon est désormais de voir leur salaire réel grignoté année après année, au rythme du prolongement du gel du point d’indice de la fonction publique.

La TVA anti-délocalisation : pendant toute la campagne présidentielle, M. Cahuzac en tête, vous nous avez expliqué que le coût du travail en France n’était pas un problème et qu’il était donc inutile de baisser les charges des entreprises. Il aura fallu la publication du rapport Gallois, en novembre 2012, pour que vous ouvriez enfin les yeux sur la réalité du monde. Comme il était cependant difficile pour vous de faire totalement volte-face, vous avez inventé une usine à gaz : le CICE. La mesure va certes dans le bon sens, mais, comme le montrent vos propres chiffres, monsieur le ministre, sa complexité décourage de nombreuses entreprises d’y avoir recours. On avait décidé de faire simple. Vous avez choisi de faire compliqué. Là encore, le réflexe politicien l’a emporté sur le bon sens et c’est la France tout entière qui s’est trouvée pénalisée.

Le conseiller territorial enfin : pour clarifier notre organisation territoriale – que nous savons tous ici inutilement complexe et donc trop coûteuse –, nous avions choisi, en 2010, de créer un élu unique pour le département et la région. Nous avions aussi voté la suppression de la clause de compétence générale qui aboutit à de nombreux doublons dans les financements. Là encore, qu’avez-vous fait ? Au lieu de prendre appui sur l’existant pour aller plus loin, vous avez choisi de faire marche arrière toute.

Résultat : là où nous devrions avoir, depuis mars dernier, 2 300 élus et, de fait, un niveau de collectivité en moins sur tout le territoire, nous allons nous retrouver dans quelques mois avec une organisation territoriale encore plus complexe et nébuleuse qu’aujourd’hui.

En Île-de-France, nous allons ainsi passer de quatre échelons administratifs à cinq suite à la création de la métropole du Grand Paris : commune, territoire, métropole, département, région. Nous avions un mille-feuille, nous aurons désormais une pièce montée.

Partout ailleurs, si j’ai bien fait l’exégèse des dernières déclarations de Manuel Valls, ce n’est plus une collectivité unique, mais trois types de départements qui mailleront notre territoire : le département métropolitain, le département fédération d’EPCI – c’est-à-dire fédération d’intercommunalités – et le département rural. Quant à la clause de compétence générale, vous l’avez d’abord rétablie avant de proposer une suppression qui n’est en réalité qu’un trompe l’œil tant les exceptions à la nouvelle règle seront nombreuses.

La simplification est abandonnée. Les économies sont oubliées. Il ne reste qu’un vaste Meccano auquel même les élus ne comprennent plus grand-chose. Que nous montrent ces trois exemples ? Ils nous montrent que vous avez choisi de tout défaire pour, au mieux, tout refaire moins bien et, au pire, continuer de vous fourvoyer dans des impasses. Dans tous les cas, le résultat est le même : vous avez fait perdre un temps précieux à la France et aux Français et mis notre pays en panne. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. D’ailleurs, ils vous regrettent !

Mme Valérie Pécresse. Notre pays souffre aussi de votre incapacité à tenir vos engagements. À force de reculades, vous avez fait perdre son crédit à la parole de la France.

Chacun sait pourtant ici combien la parole politique est importante, particulièrement en économie où deux mots dans la bouche d’un banquier central ou d’un ministre des finances peuvent avoir des conséquences qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros sur les marchés financiers et en dizaines de milliers d’emplois dans la vie réelle.

Mais il y a parole et parole. Un engagement tenu vaut mille fois un « J’aime les entreprises » ou un « My government is pro business » lancé sur les estrades et aussitôt démenti par les faits. Car, gestion Hollande-Ayrault ou gestion Hollande-Valls, le constat est le même. Aucun des engagements de la France n’a été tenu. Le déficit public 2014 était annoncé à 2,2 % du PIB dans le projet de loi de programmation des finances publiques de 2012. Il sera finalement de 4,4 %, le double. Pour que chacun prenne bien la mesure des choses, sachez que l’écart représente juste 47 milliards d’euros, près de deux fois le budget de l’ensemble des régions de France !

Il en va de même de la maîtrise des dépenses. Vous affirmez de manière quelque peu péremptoire que les dépenses sont tenues. En réalité, elles partent à la dérive.

Entre 2012 et 2014, les dépenses publiques ont bondi de 21,5 milliards d’euros. La France n’aura jamais dépensé autant dans son histoire qu’en 2014. Cela signifie que les efforts des Français en matière fiscale que vous leur avez demandé ont en partie servi à couvrir de nouvelles dépenses pas seulement à réduire le déficit. Le savent-ils ? Le leur avez-vous dit ?

Avec 56,5 % de notre PIB consacré à la dépense publique, la France crève les plafonds et tutoie les records mondiaux. Monsieur le ministre, les yeux dans les yeux comme dirait votre prédécesseur, pouvez-vous sérieusement m’affirmer que la dépense publique a baissé depuis 2012 ?

Les impôts, enfin. En septembre 2012, Jean-Marc Ayrault affirmait, là aussi assez catégorique : « Neuf Français sur dix seront épargnés par les hausses d’impôt ». Vos artifices comptables, vos contorsions sémantiques et votre autosatisfaction n’y feront rien : 100 % des Français ont bien compris qu’on les avait ponctionnés de 30 milliards d’euros.

Je le répète, aucun de vos engagements n’a été tenu. Et il y a fort à parier qu’aucun des engagements que vous prenez aujourd’hui ne sera tenu.

En effet, cette année encore, vous faites délibérément le choix de l’insincérité. Vous dissimulez à l’Europe, vous baratinez les Français et j’irai même jusqu’à dire que vous vous mentez à vous-même.

Après son premier discours de politique générale, le Premier ministre Manuel Valls se faisait fort d’aller réclamer à Bruxelles un nouvel équilibre et un nouveau délai pour rétablir nos comptes publics. Pourtant, nos négociateurs – parmi lesquels le nouveau ministre de l’économie Monsieur Macron – n’étaient pas encore à la gare du Nord qu’ils ont dû rebrousser chemin face à la fin de non-recevoir cinglante de Bruxelles.

Comme si cette gifle n’avait pas suffi, vous nous présentez aujourd’hui un projet de loi de finances et un projet de loi de programmation des finances publiques qui méconnaissent nos engagements européens, un budget dont le péché originel est d’être fondé sur une prévision de croissance irréaliste qui en sape toute la crédibilité.

Qui peut croire que la croissance sera de 1,1 % alors que l’INSEE et le Haut conseil des finances publiques jugent cette prévision excessivement optimiste et que le FMI vient de réviser à la baisse ses prévisions économiques mondiales ? C’est aussi un budget fondé sur des économies essentiellement virtuelles. Sur les 50 milliards d’économies promises d’ici 2017, seuls les 11 milliards de baisses des dotations aux collectivités locales existent vraiment.

Le problème, j’y reviendrai, c’est que ces 11 milliards sont une véritable bombe à retardement qui peut se traduire par une hausse massive des impôts locaux ou de dette locale. Au final, les Français paieront plus mais l’équilibre de nos finances publiques ne sera pas rétabli pour autant.

Votre budget, enfin, fait l’impasse sur les vraies réformes. À force de vendre et de survendre à Bruxelles des réformes structurelles que vous ne faites pas ou qui vont « pschitt », vous avez épuisé votre crédibilité auprès de nos partenaires.

La réforme des retraites n’a procuré aucune des économies promises. La réforme territoriale s’enlise et celle des professions réglementées est encalminée. Quant à la réforme du marché du travail ou celle de l’assurance-chômage, vous avez à peine prononcé leur nom que vous avez déjà fait machine arrière.

Comment pouvez-vous exposer notre pays, la cinquième puissance économique du monde, à de telles humiliations, pour reprendre le mot du président de la commission des finances ?

Notre pays, qui par son histoire, sa population, ses talents, ses entreprises a vocation à être le moteur de l’Europe est en passe de devenir son mouton noir. Il ne s’agit pas, naturellement, d’obéir servilement à des injonctions de technocrates zélés mais de protéger les Français contre la crise, d’assumer notre rang et de nous conformer à des engagements que nous avons nous-même pris. Nous devrions être aux avant-postes. Nous sommes sous tutelle.

Depuis 2012, le scénario est toujours le même. Vous nous vendez des économies qui n’existent pas et vous augmentez les impôts pour éponger la dérive des dépenses. Les Français l’ont bien compris. Eux non plus ne vous croient plus, comme le montre leur défiance à chaque nouvelle consultation électorale. Ils ont bien vu que vous leur aviez menti. Ils ont bien vu que les impôts ont augmenté, que les dépenses n’ont pas baissé et que les réformes n’ont pas été faites.

Ils ont bien vu que contrairement à vos promesses, même les plus modestes d’entre eux ont été lourdement taxés. Je pense en particulier à la refiscalisation des heures supplémentaires ou à la fiscalisation de la contribution patronale sur les complémentaires santé qui a touché de plein fouet les Français dont le revenu est compris entre 1 000 et 2 000 euros par mois.

Alors, quand vous leur annoncez une nouvelle fois qu’en 2015 leurs impôts baisseront, ils n’y croient plus. Et ils ont raison car les impôts vont encore augmenter pour les ménages.

M. Henri Emmanuelli. Caricature !

Mme Valérie Pécresse. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est la rapporteure générale du budget, Mme Valérie Rabault qui, avec beaucoup de franchise et d’honnêteté l’écrit dans son rapport de juillet 2014 sur le débat d’orientation des finances publiques. Les mesures prises par votre majorité depuis juillet 2012 vont aboutir à une hausse de la fiscalité des ménages de 15,5 milliards d’euros en 2014, de 18,9 milliards en 2015 et de 19,7 milliards en 2016.

Rien qu’en 2015, c’est donc 3,4 milliards de plus que les Français vont devoir payer : 130 euros par ménage et par an en moyenne. Et cela sans compter vos nouvelles coupes brutales dans la politique familiale, là encore, en rupture totale avec vos engagements, en particulier avec l’engagement n16 du candidat Hollande qui écrivait noir sur blanc : « Je maintiendrai toutes les ressources affectées à la politique familiale ». Cela ne s’invente pas !

Les contribuables de la première tranche de l’impôt sur le revenu ne seront pas épargnés puisqu’ils auront à subir les effets cumulés de la hausse des cotisations retraite, de la hausse du gazole, de la hausse du tabac et de la hausse de plusieurs tarifs réglementés. Et cela sans compter l’augmentation attendue de la fiscalité locale que je viens d’évoquer. À l’heure de faire les comptes, il y a fort à parier que pour eux les impôts acquittés en 2015 seront supérieurs à ceux de 2014.

Pour tous les autres, l’augmentation sera plus massive encore puisqu’ils auront, en plus de toutes ces augmentations, à supporter le coût induit de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, soit 3,2 milliards d’euros.

Plus personne ne croit en votre parole. Y croyez-vous vous-mêmes ? J’en doute. Je ne parle pas seulement ici de votre majorité, ou de ce qu’il en reste. Je ne parle pas des trente-sept députés socialistes, des dix-sept députés écologistes ou des treize députés communistes qui ont décidé de ne pas voter la confiance au Gouvernement. Je ne parle pas de vos alliés du parti radical de gauche qui s’interrogent sur leur maintien au Gouvernement.

Je ne parle pas non plus de tous les autres, et parmi eux, combien ont-ils décidé de ne pas désavouer votre politique uniquement pour ne pas avoir à remettre en jeu leur propre mandat ? Je parle de vous-même.

En 2012 vous minoriez la crise pour noircir notre bilan.

M. Dominique Baert. Ce n’était pas difficile.

Mme Valérie Pécresse. Aujourd’hui vous la surjouez pour justifier vos échecs. En continuant de refuser le jeu de la sincérité budgétaire, vous avez affaibli la France en Europe et dans le monde. Vous avez aussi fait de ce lieu, l’Assemblée nationale, qui devrait être le cœur battant de notre démocratie, un théâtre d’ombres, déconnecté de la réalité.

Il est urgent que nos discussions budgétaires retrouvent prise avec le monde réel. Il est urgent de regarder la réalité en face, car c’est le préalable pour prendre les décisions qui s’imposent.

Il faut d’abord parler vrai sur les hypothèses sur lesquelles nous construisons notre budget. Chacun de nous ici sait très bien qu’il suffit de faire varier de quelques décimales l’hypothèse de croissance sur laquelle est construit le budget pour en modifier profondément les équilibres et afficher ainsi une baisse des dépenses là où, en fin d’exercice, on constatera immanquablement l’inverse.

C’est pourquoi je vous propose désormais – et j’ai déposé un amendement en ce sens – que l’hypothèse de croissance sur laquelle seront construits nos budgets soit décidée par le Haut conseil des finances publiques, en fonction du consensus des économistes. Cela n’évitera naturellement pas les révisions en cours d’exercice puisque les prévisions sont par nature soumises à des aléas, mais cela évitera au moins les choix politiques totalement hasardeux.

Je suis d’autant plus à l’aise avec un tel procédé que les budgets que j’avais moi-même mis en œuvre ou défendus avaient été construits sur des hypothèses de croissance raisonnables et systématiquement révisés par des collectifs budgétaires quand les prévisions s’affaiblissaient. Je crois que j’ai dû défendre au moins trois collectifs budgétaires en un an.

II faut ensuite parler vrai sur la trajectoire des dépenses et l’équilibre général du budget. Vous ne nous y avez pas autorisés l’année dernière.

À parler d’économies quand les dépenses continuent de déraper lourdement, on perd toute crédibilité auprès de nos compatriotes. Aucun Français qui dépensait 1 000 euros en 2014 n’oserait dire qu’il fait des économies s’il en dépense 1 100 en 2015 au seul prétexte qu’il aurait pu en dépenser 1 200. Là encore, parlons simple et parlons vrai. Une baisse est une baisse et une hausse, même modérée, est une hausse.

Vous justifiez des économies dans la branche maladie de la Sécurité sociale parce que les dépenses augmenteront seulement de 2,1 % au lieu d’une improbable dérive des dépenses de 3,9 %. Comment avez-vous calculé ce 3,9 % ? D’où sort-il ? En vérité, c’est un chiffre totalement arbitraire et volontairement gonflé, uniquement destiné à faire apparaître des économies qui n’existent pas. En période d’inflation quasi nulle, jamais les dépenses de santé n’augmenteraient naturellement de 3,9 %.

Vous mettez en avant ce chiffre uniquement pour pouvoir afficher des économies qui sont en réalité virtuelles. Ce n’est pas moi qui le dis, mais le Haut conseil du financement de la Sécurité sociale.

Comment peut-on en effet parler d’économies quand les dépenses augmentent encore à un rythme quatre fois supérieur à celui de l’inflation ? Là encore, j’ai déposé un amendement, et j’espère que sur ce sujet aussi nous trouverons le chemin d’un consensus pour aller collectivement dans le bon sens. C’est toute la méthodologie budgétaire qu’il faudrait revoir.

Je vous propose enfin de parler vrai et de faire de la pédagogie concernant la réalité des déficits. Cessons donc d’exprimer les déficits en pourcentage du PIB et de la richesse nationale : cela n’a aucun sens ! Exprimons-les comme le font tous les Français pour eux-mêmes : en pourcentage de notre budget ou de nos recettes ! On s’apercevra ainsi que le déficit de 2015 – je parle du seul déficit de l’État – n’est pas de 3,6 % du PIB comme vous le présentez, mais de 25,9 %, autant dire presque 26 % des recettes de l’État ! Voilà la réalité que l’on ne montre pas aux Français. C’est beaucoup plus parlant ; l’urgence de la situation n’en apparaît que plus clairement. Quel Français pourrait se permettre de dépenser chaque année un quart de plus que ce qu’il gagne ?

Prenons un autre exemple cher à nos amis écologistes, qui ont inventé le Earth overshoot day, c’est-à-dire le jour du dépassement des ressources de la planète. Ils calculent ainsi chaque année la durée qu’il faut à l’humanité pour consommer les ressources que la nature peut produire en un an. Affichons donc la date à partir de laquelle notre pays entre en déficit : on se rendrait alors compte que notre pays vit à crédit dès le 27 septembre de chaque année. C’est le jour du dépassement des ressources publiques !

M. Yves Albarello. Très bien !

Mme Valérie Pécresse. Parlons vrai, enfin, concernant les mesures budgétaires elles-mêmes. Deux exemples illustrent mieux que tout la fragilité de votre construction budgétaire et l’illusion sur laquelle elle repose. D’un côté, il y a des économies qui n’en sont pas ; de l’autre, des recettes qui n’existent pas.

Je ne suis pas de celles qui ne cessent de réclamer des économies un jour pour, le lendemain, critiquer celles qui sont proposées.

M. Michel Sapin, ministre. C’est sûr : vous ne proposez que des dépenses !

Mme Valérie Pécresse. Non, c’est faux. Vous savez que je porte un intérêt certain aux régions, en particulier, à ma belle région d’Île-de-France. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Vous aurez remarqué que, contrairement à vos amis présidents de région socialistes, je n’ai pas participé au concert de ceux qui ont dénoncé la baisse de 451 millions d’euros des dotations de l’État aux régions pour l’année 2015, car j’ai vu la dérive des dépenses de fonctionnement des régions ces cinq dernières années, particulièrement en Île-de-France. J’ai vu que 83 % du 1,2 milliard d’euros de dépenses supplémentaires des régions sont allés au train de vie des institutions. J’ai vu que les régions appliquaient les recettes de la gestion socialiste dans nos territoires avant que vous ne l’appliquiez vous-mêmes au niveau de l’État !

J’ai vu cette dérive et je sais qu’il y a des économies à faire – vous avez raison. Je sais aussi, cependant, que toutes les collectivités n’ont pas les marges de manœuvres des régions.

M. Christian Jacob. Eh oui !

Mme Valérie Pécresse. Elles risquent in fine d’augmenter leurs impôts locaux à due concurrence pour simplement pouvoir boucler leur budget. À ce moment-là, vos 11 milliards d’économies seront une économie virtuelle, car remplacés par des taxes supplémentaires – un comble !

Il en va de même en ce qui concerne les recettes : malgré la hausse massive des impôts, le compte n’y est pas. La faute en incombe une nouvelle fois à des prévisions délibérément insincères – je pense par exemple au 1,8 milliard attendu de la vente des fréquences –, mais aussi à des reculades sur l’écotaxe, qui se traduisent par une nouvelle impasse budgétaire.

Cette impasse est inquiétante : aux 450 millions d’euros de trou dans le budget risque de s’ajouter plus de 1 milliard de dédit à la société Écomouv’. C’est une impasse d’autant plus inquiétante que l’écotaxe était censée financer la modernisation des transports, en particulier dans le Grand Paris où il s’agit d’une urgence absolue, comme l’a montré le drame tragique de Brétigny.

M. Michel Pouzol. Un peu de décence !

Mme Valérie Pécresse. En 2013 et en 2014, déjà, l’État n’a pas honoré son engagement de verser 150 millions à la région pour financer les transports. Qu’en sera-t-il en 2015 ?

J’ai entendu le Premier ministre affirmer que les engagements de l’État seraient tenus ; nous vous faisons confiance, mais avec modération. J’ai surtout noté qu’il a bien pris soin de ne pas indiquer où se trouvaient ces crédits dans le budget et comment ils seraient financés ! De même, j’ai bien noté qu’il a pris soin d’indiquer qu’il financerait les études concernant le prolongement de la ligne E du RER vers l’ouest sans prendre aucun engagement sur le financement des travaux. Or, ce prolongement crucial est attendu par des centaines de milliers de Franciliens de l’ouest et de l’est pour désaturer le RER A, la ligne la plus chargée d’Europe qui transporte chaque jour autant de passagers que tous les TGV et les TER réunis. Il est également attendu par les habitants de la Seine-Saint-Denis qui souhaitent une liaison directe vers La Défense.

Faute de réformes et de choix budgétaires courageux, vous coupez l’investissement et condamnez l’avenir de la France. Le Premier ministre a beau multiplier les déclarations, la réalité est que les financements pour le Grand Paris n’existent pas. La réalité est aussi qu’après avoir réalisé une année blanche dans les contrats de plan État-région en prolongeant jusqu’en 2014 les contrats de la période 2007-2013, vous allez réduire la voilure pour la période 2015-2020 ! La réalité, c’est encore qu’après avoir massivement augmenté de 2007 à 2012, les crédits de l’enseignement supérieur et de la recherche sont désormais à la diète.

L’investissement est la victime collatérale de vos choix budgétaires : c’est dramatique ! En effet, en période d’inflation quasi-nulle, de taux d’intérêt à zéro et de croissance faible, seul l’investissement peut permettre à l’économie de repartir et de générer les ressources nécessaires pour réduire la dette. L’absence de réformes et l’immobilisme politique nous conduisent tout droit au recul économique. Contrairement à ce que pense le Premier ministre, il ne suffit pas de lancer ici un débat sur les 35 heures et là un débat sur l’assurance-chômage pour réformer le pays. La réforme se fait ici, au Parlement. Or, au-delà des discours, nous n’avons pour l’instant rien vu, et votre projet de loi de programmation nous confirme que nous ne verrons pas grand-chose dans les années à venir puisque vous avez décidé de repousser à 2017 – c’est-à-dire après la prochaine élection présidentielle – le respect de nos engagements européens.

En 2015, vous avez décidé de faire un budget pour rien, puisqu’il en rajoute encore une louche sur les impôts des ménages sans réduire les déficits publics. Même si, pour une fois, vous tenez vos engagements – ce qui, au vu de votre bilan, est hautement improbable –, démonstration sera faite d’ici 2017 que ce quinquennat aura été – sur ce point encore, quelle convergence de vues, monsieur le président ! – le quinquennat de l’impuissance. Il aura en effet fallu attendre la fin du mandat de François Hollande pour qu’il tente de réaliser l’engagement qu’il devait tenir dès 2013 : réduire notre déficit à 3 % du PIB.

Dans ces conditions, vous comprenez qu’il n’y a pas lieu de délibérer. Nous n’avons pas d’autre choix que de rejeter ce projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Henri Emmanuelli. Tout cela mérite une réponse courte !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi, mesdames et messieurs les députés, d’apporter quelques éléments de réponse à cette intervention…

M. Jean-Claude Mathis. Brillante !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … que nous venons d’entendre et dans laquelle j’ai cherché en vain quelques propositions.

M. Jérôme Chartier. Ce n’était pas son objet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour être constructif, il est d’usage de critiquer le projet qui vous est soumis, mais aussi – et surtout – de formuler des propositions.

Mme Valérie Pécresse. J’en ai fait de nombreuses !

M. Henri Emmanuelli. Zéro proposition !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. S’agissant des modalités de calcul des économies par rapport à l’évolution tendancielle, je vous dirai ceci, madame Pécresse : vous avez été membre d’un gouvernement, madame la ministre, et vous avez même été pendant près d’un an, je crois, ministre du budget.

M. Henri Emmanuelli. On ne l’a pas oubliée…

Mme Valérie Pécresse. J’ai réduit les déficits !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Lorsque vous étiez ministre du budget (« Aujourd’hui, c’est vous ! » sur les bancs du groupe UMP),vous avez calculé 16 milliards d’économies, si ma mémoire est bonne, contre une évolution tendancielle de la dépense qui était supérieure à ce montant.

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’a donc strictement aucune leçon à recevoir de votre part.

Vous avez stigmatisé le CICE en faisant référence à votre TVA anti-délocalisation, dite « TVA sociale » – dont je rappelle au passage que vous avez eu l’extraordinaire courage de la décider avant les élections pour, le cas échéant, ne l’appliquer qu’après.

M. Jérôme Chartier. C’était très courageux, en effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous aviez compris l’ironie de mon propos, monsieur Chartier.

Je voudrais que vous serviez un instant la cause du débat public, madame Pécresse, en reconnaissant un certain nombre d’éléments.

M. Guy Geoffroy. Que c’est poussif !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous dites que le CICE est une usine à gaz.

M. Guillaume Larrivé. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est entièrement faux ; tous les experts-comptables vous le diront.

M. Claude Sturni. Écoutez plutôt les entreprises !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me suis rendu dans les centres des impôts pour vérifier l’automaticité et la simplicité du mode de calcul et de versement du CICE. Mieux encore : tous les entrepreneurs que nous rencontrons sur le terrain ont compris le fonctionnement très simple du dispositif. Le taux est de 4 % de la masse salariale – hors salaires supérieurs à 2,5 SMIC – cette année, de 6 % l’année prochaine : le montant est alors versé si l’on ne paie pas d’impôts, et déduit si l’on en paie. Voilà un dispositif très simple qui ne coûte pas cher !

Mme Valérie Pécresse. Il doit bien coûter 30 % en conseil aux entreprises…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est sollicité par les PME, comme vous l’a très bien indiqué Mme la rapporteure générale. Je crois que vous ne servez pas la cause du débat en disant qu’il est complexe. Rencontrez les entreprises et les entrepreneurs, et vous vous en apercevrez !

Mme Valérie Pécresse. Nous ne faisons que cela !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je me tourne maintenant vers vous, monsieur le président de la commission. Vous avez évoqué des dépenses qui explosent en mentionnant les OPEX, l’aide médicale d’État – ce qui est récurrent dans vos rangs – et l’hébergement d’urgence. Nous savons bien que ce sont des dépenses que vous avez l’habitude de stigmatiser.

S’agissant des OPEX, monsieur le président, vous souvenez-vous du montant de leur sous-budgétisation lorsque vous étiez rapporteur général ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Environ 400 millions d’euros.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Savez-vous que les crédits consacrés aux OPEX ont été régulièrement augmentés par la présente majorité, de l’ordre – de mémoire – de 150 millions d’euros dans les prévisions budgétaires ? Comparez cela avec la situation que vous avez connue, alors même que nos armées étaient moins engagées – mais là n’est pas le débat – sur des théâtres étrangers qu’elles ne le sont aujourd’hui.

M. Dominique Lefebvre. La droite est amnésique !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. De même, madame Pécresse, vous prétendez que notre réforme des retraites n’a pas produit d’économies. Je vous prie d’observer les déficits des régimes sociaux : vous constaterez avec nous que l’ensemble des régimes sociaux seront peu ou prou équilibrés en 2017 – ou en 2018, peut-être, mais pourquoi pas dès 2016.

Mme Véronique Louwagie. 15,4 milliards de déficit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous sommes en effet passés d’un déficit de plus de 30 milliards d’euros lorsque vous étiez au Gouvernement à un déficit qui est aujourd’hui de l’ordre de 15 milliards ! Oui, il a été diminué de moitié ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Pécresse et M. Éric Woerth. C’est faux ! C’est nous qui avons fait la réforme !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Et puisque nous parlons de moitié, madame Pécresse, vous souvenez-vous à combien s’élevait le déficit en 2010, alors que vous étiez membre du gouvernement ? Vous refusez que nous en parlions en pourcentage : banco ! Le déficit du budget de l’État atteignait alors 148 milliards d’euros !

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

Mme Valérie Pécresse et M. Éric Woerth. Ne vous fâchez donc pas, monsieur Eckert !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or, aujourd’hui, le déficit n’est que de 75 milliards d’euros ! Vous aurez beau revendiquer, c’est ce Gouvernement qui revendique la division par deux des déficits publics ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Valérie Pécresse. C’est faux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si c’est faux, nous avons une semaine pour nous en expliquer ! J’espère que vous serez assidue (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) tout au long de la semaine, jour après jour, pour évoquer ces questions ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je compléterai l’excellente réponse de M. le secrétaire d’État en ajoutant un argument au débat et en répondant à Mme Pécresse qui, au début de son intervention, a indiqué que la France serait dans une situation exceptionnelle au regard de ses engagements européens. Ce n’est pas du tout le cas : aujourd’hui, onze pays de l’Union européenne, dont huit appartiennent à la zone euro, sont soumis à une procédure de déficit excessif.

M. Henri Emmanuelli. Très bien !

M. Christian Jacob. À ce rythme-là, il ne tiendra pas toute la semaine !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je compléterai l’excellente réponse de M. le secrétaire d’État en ajoutant un argument au débat et en répondant à Mme Pécresse qui, au début de son intervention, a indiqué que la France serait dans une situation exceptionnelle au regard de ses engagements européens. Ce n’est pas du tout le cas : aujourd’hui, onze pays de l’Union européenne, dont huit appartiennent à la zone euro, sont soumis à une procédure de déficit excessif.

Mme Valérie Pécresse. Alors tout va bien !

M. Christophe Caresche. Attendez : en 2014, selon les prévisions de la Commission, seuls deux pays de la zone euro auront atteint leurs objectifs budgétaires de moyen terme – l’Allemagne et le Luxembourg. Les nouvelles règles budgétaires prévoient que les États membres n’ayant pas atteint leur objectif budgétaire de moyen terme doivent réduire leurs déficits structurels de 0,5 % du PIB par an ; en 2014, seuls cinq pays de la zone euro se conformeront à cette trajectoire d’ajustement. Même les pays qui ont consenti des efforts considérables – je pense par exemple à l’Espagne – éprouveront de grandes difficultés à atteindre leurs objectifs, puisque l’Espagne devrait redescendre sous la barre des 3 % en 2016, alors même que son déficit structurel devrait augmenter de 1,5 % du PIB entre 2014 et 2015.

La question qu’il faut se poser n’est donc pas celle de la France, mais celle de l’Europe !

M. Guillaume Garot. Très bien !

M. Christophe Caresche. Le constat que nous pouvons faire aujourd’hui est le suivant : la plupart des pays européens auront des difficultés à atteindre leurs objectifs en matière budgétaire. Cela s’explique par une raison extrêmement simple, et c’est toute la question que le Gouvernement pose dans le présent projet de budget : la croissance n’est pas là, ce à quoi s’ajoute l’insuffisance de l’inflation.

L’Europe se trouve dans une situation de « pré-déflation ». Voilà la situation. C’est pourquoi je pense que le Gouvernement a raison de présenter, dans une situation économique extrêmement dégradée, un budget qui permet à la France de préserver au maximum ses perspectives de croissance.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Je voudrais demander à Christian Eckert de faire comme nous, c’est-à-dire de ne pas se fâcher. Car s’il continue comme cela, il ne tiendra pas toute la semaine. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. M. le secrétaire d’État doit garder son sang-froid !

M. Jérôme Chartier. Il doit se montrer respectueux. Valérie Pécresse a exprimé un point de vue qui se respecte et elle ne s’est pas énervée. Il serait bon que personne, durant cette semaine budgétaire, ne s’énerve et cherche à comptabiliser le temps des uns et des autres car c’est une manœuvre dépassée. Dans un débat budgétaire, nous sommes tous responsables.

M. Michel Vergnier. Vous êtes responsables de la situation !

M. Jérôme Chartier. Mon collègue, qui comme moi est membre de la commission des finances, sait que nous avons l’habitude dans cette commission de débats dépassionnés. En l’occurrence, il n’y a pas lieu de s’énerver contre Valérie Pécresse, sauf naturellement si vous estimez qu’elle dit des vérités difficiles à entendre. Vous vous accordez en effet le bénéfice de la réduction du déficit des comptes sociaux que nous devons pour l’essentiel à la réforme des retraites, conduite par Éric Woerth  ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je comprends que cela puisse énerver, mais il y a des vérités qui sont bonnes à dire.

Demain, le 15 octobre, sera déposé devant la Commission européenne le projet de loi de programmation des finances publiques, lequel a bien du mal à susciter la confiance de nos collègues de Bruxelles. Mettez-vous à leur place ! À la fin de 2013, en présentant le projet de budget pour 2014, on leur promet que le déficit ne sera pas supérieur à 3,6 % du PIB ; le 23 juillet dernier, lors du vote définitif de la loi de finances rectificative, on se félicite d’un léger dérapage, le déficit passant de 3,6 à 3,8 %. Et voilà que le 1er octobre, il atteint 4,4 % !

Que voulez-vous que nos collègues européens nous disent ? Ils sont stupéfaits ! Si c’était la Grèce qui avait commis un pareil dérapage, nous aurions tous souri…

M. Henri Emmanuelli. Cela suffit !

M. Jérôme Chartier. …mais il s’agit de la France ! Pouvons-nous raisonnablement nous permettre d’assumer un tel dérapage de nos comptes publics ? Non ! C’est la raison pour laquelle ce projet de budget est irrecevable, pour nous comme pour nos collègues de Bruxelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Mme Pécresse, vous êtes inscrite dans de nombreux débats sur la situation des entreprises, le coût du travail, les marges de manœuvre ou encore la dépense publique, qu’il faut rendre plus efficiente. Ces débats nous préoccupent tous fortement. Mais êtes-vous véritablement crédible ?

M. Christian Jacob. Pas autant que vous !

M. Éric Alauzet. Je ne remuerai pas le passé pour ne pas être désagréable et parce que je ne souhaite pas nous dédouaner de nos propres responsabilités. Mais concernant l’avenir, puisque vous souhaitez que nous parlions vrai, parlez vrai vous aussi ! Dites-nous, sur les 50 milliards d’euros d’économies, celles qu’il ne faut pas faire !

Admettons que sur les 50 milliards que nous proposons, vous en retiriez 5, 10 ou 20 qui ne vous conviennent pas. C’est le jeu. Mais vous en conserverez bien une partie, disons 20 ou 30. Il restera donc à trouver 80 milliards d’économies – pour arriver à 110 milliards – dont vous n’avez pas dit un mot !

Parlez vrai, madame Pécresse, mesdames et messieurs de l’opposition, entrez dans le débat, et les Français seront à notre écoute. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Je voudrais faire part d’une réflexion et d’une information.

L’élément de réflexion, mais aussi de tristesse, est de voir que, face à la difficulté de nos finances publiques, nous n’arrivons pas à adopter un discours mûr et adulte.

M. Henri Emmanuelli. C’était une guignolade !

M. Paul Giacobbi. J’ai entendu Mme Pécresse, pour qui j’ai beaucoup de respect, parler des prévisions de taux de croissance. Je tiens à sa disposition les prévisions comparées, y compris au cours des périodes beaucoup plus stables, c’est-à-dire avant 2007, aux résultats de la croissance. Ils n’ont jamais correspondu.

M. Guy Geoffroy. Raison de plus pour en parler !

M. Paul Giacobbi. Par conséquent, il ne me paraît pas très raisonnable de donner des leçons.

S’agissant des déficits passés et de la prise en compte de la crise, sachez qu’au cours de l’automne 2007, ici même, lorsque je mettais en garde Mme Lagarde sur l’imminence de la crise financière, elle paraissait étonnée. Pourtant tout le monde savait que la crise était là, en tout cas tous ceux qui s’intéressaient à l’actualité économique, ce qui n’était manifestement pas le cas du gouvernement de l’époque.

Durant l’automne 2007 – il semble que vous confondiez en effet 2007 et 2008 –, la crise avait déjà largement ravagé les États-Unis d’Amérique et la Grande-Bretagne et on voyait les épargnants se précipiter dans les banques pour faire des retraits.

Quant à comparer notre situation économique et financière avec celle de la Grèce,…

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas sérieux !

M. Paul Giacobbi. …soyons sérieux et faisons preuve d’un peu de patriotisme.

J’en viens à l’élément d’information. Vous vous êtes, madame, interrogée sur le comportement du groupe RRDP. Dans son immense majorité, c’est un groupe loyal (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP), qui dit ce qu’il pense au Gouvernement et émet quelquefois des critiques, mais c’est un groupe sur la loyauté duquel le Gouvernement peut compter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC, RRDP et GDR.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de rejet préalable (projet de loi de finances pour 2015)

M. le président. J’ai reçu de M. Philippe Vigier et des membres du groupe de l’Union des démocrates et indépendants une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire budgétaire.

Trop de temps a été perdu et les réformes structurelles, vitales pour notre pays, ont trop longtemps été repoussées.

N’ayons pas peur des mots : pendant de trop longues années, les Gouvernements, de droite et du centre comme de gauche, ont fait le choix de la facilité et sont restés figés dans un immobilisme coupable, attendant que leurs successeurs prennent à leur place les mesures courageuses nécessaires au redressement budgétaire de notre pays.

Puis en 2008, en provenance des États-Unis, est arrivée la crise des subprimes qui a durablement ébranlé l’équilibre européen. Cette crise à peine surmontée, la crise des dettes souveraines a éclaté. En conséquence, le chômage a explosé, les déficits se sont dramatiquement creusés, la croissance a été durablement affectée.

Des mesures d’urgence ont alors été prises par la précédente majorité, mais tout en étant salutaires, elles ne peuvent être considérées comme suffisantes dans une perspective de long terme.

Tous nous le disent – économistes, organisations internationales, Union européenne – la France doit aujourd’hui faire un choix. Oui, mes chers collègues, nous devons choisir entre le courage des réformes structurelles, qui seul permettra de sortir notre pays de la crise, ou le renoncement, qui placerait inévitablement la France sous une forme de tutelle de Bruxelles et, surtout, des marchés financiers.

Il n’existe pas de solution intermédiaire parce que vous avez, nous avons déjà trop perdu de temps. Notre pays est au bord du précipice. En effet, tous les indicateurs sont au rouge. La croissance, malgré l’optimisme gouvernemental, reste extrêmement faible.

Notre collègue Pierre-Alain Muet déclarait, le 19 décembre 2012, à propos de la croissance de 2013 : « Nous risquons d’avoir une surprise l’an prochain : la croissance peut tout à fait se situer autour de 0,8 % et pourrait même être supérieure à ce taux ». Nous savons ce qu’il en a été, la surprise a été mauvaise puisqu’en 2013, la croissance n’a pas dépassé 0,3 % !

Et je ne vous ferai pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’injure de rappeler qu’à votre arrivée au pouvoir, le Gouvernement prévoyait une croissance de 2 % sur la période 2014 à 2017. Lors de la présentation du programme de stabilité en avril 2013, les nouvelles hypothèses tablaient encore sur une croissance de 1,2 % en 2014 et de 2 % à partir de 2015. Qu’est-il advenu de votre optimisme excessif ?

Pour l’année 2014, la croissance a été nulle au premier trimestre et ne devrait progresser, selon l’INSEE, que de 0,1 % au troisième et au quatrième trimestre. Ainsi, sur l’ensemble de l’année, la croissance révisée ne serait que de 0,4 %, soit à peine plus que le 0,3 % des années 2012 et 2013 et bien loin des estimations du Gouvernement qui tablait, il y a encore un mois, sur un taux de 1 % de croissance en 2014.

Pour l’année 2015, vous prévoyez à présent une croissance de 1 %, ce que le Haut Conseil des finances publiques juge toujours optimiste car cela supposerait « un redémarrage rapide et durable de l’activité que n’annoncent pas les derniers indicateurs conjoncturels ».

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes constamment trompés, comme beaucoup de vos prédécesseurs, et vous persistez aujourd’hui dans l’erreur en continuant d’afficher des taux de croissance, certes moins élevés que les deux premières années, mais encore trop élevés par rapport à la réalité, et de fonder vos calculs sur des taux de croissance potentielle surévalués.

Il est évident que la croissance ne pourra pas être de 1,7 % en 2016, de 1,9 % en 2017 et encore moins de 2 % en 2018 et 2019, comme vous le prévoyez dans ce projet de loi de finances. Selon la Commission européenne, la croissance structurelle de la France est de l’ordre de 1 %.

En outre, l’écart entre le solde effectif et le solde structurel ne cesse d’augmenter : 1,3 % point de PIB en 2012, 1,6 en 2013, 1,9 en 2014 et 2 points en 2015. Cet écart croissant est lié à vos hypothèses de taux de croissance structurelle irréalistes et démontre que la théorie des cycles économiques, sous-jacente à la distinction entre le solde effectif et le solde structurel, est probablement devenue totalement inadaptée à la situation actuelle.

Vous vendez du virtuel. Au-delà de l’irréalisme politique dont vous faites preuve, cela entraîne des conséquences désastreuses car vos budgets sont insincères, avec des prévisions de recettes, de dépenses et de déficits irréalistes, qui ne font qu’aggraver la situation. La Cour des comptes l’a d’ailleurs déploré dans son rapport sur la loi de règlement pour 2013.

Les résultats sont tout aussi inquiétants pour ce qui concerne le déficit public. Nous n’oublions pas que dans son engagement n9, le candidat Hollande promettait de le ramener à 3 % en 2013. Devenu Président de la République, il a renoncé à cet objectif dès le programme de stabilité pour 2013 et a obtenu en 2012 un report de deux ans pour atteindre cet objectif.

Après sa révision à 3,7 % du produit intérieur brut, le déficit a finalement dérapé à 4,1 % en 2013. Et pour 2014, il repart à la hausse puisqu’il atteindra, d’après vos prévisions, 4,4 % ! Pour 2015, malgré le sursis de deux ans offert par la Commission européenne, vous serez encore très loin de l’objectif de 3 % puisque, selon vos prévisions, le déficit ne baisserait que très légèrement, pour s’établir à 4,3 %. C’est une baisse totalement symbolique qui repose d’ailleurs sur une hypothèse de croissance surévaluée. Au moindre décrochage, nous serons encore au-delà du 4,4 % de 2014.

Quant à l’équilibre budgétaire que le candidat Hollande promettait pour 2017, il a été abandonné : le Gouvernement prévoit simplement d’atteindre en 2019 un déficit structurel inférieur à 0,5 point de PIB.

Le Gouvernement a donc décidé d’abandonner toute réduction importante du déficit, et cela sans consultation préalable de nos partenaires européens. Le ministre des finances et des comptes publics a ainsi annoncé que l’objectif de 3 % était repoussé en 2017, alors même qu’aucune négociation avec Bruxelles n’a encore été engagée, officiellement du moins.

Cette politique du fait accompli, que la France n’accepterait de la part d’aucun autre État membre, est profondément irrespectueuse des règles mises en place dans l’Union européenne. Je rappelle qu’afin de renforcer la gouvernance budgétaire, la France a elle-même voté ces règles qui sont essentielles pour tirer les leçons de la crise que nous connaissons depuis 2008.

Le groupe UDI déplore cette attitude du Gouvernement qui ne pourra qu’abaisser le statut de notre pays au sein de l’Union européenne.

Nos craintes n’ont d’ailleurs pas tardé à se matérialiser lorsque la nomination de notre ancien ministre des finances au poste de commissaire européen aux affaires économiques a suscité la défiance d’une grande partie de nos partenaires et n’a été validée qu’après de vifs débats au Parlement et des jours d’incertitude. Notre ancien ministre a été finalement placé sous la dépendance d’un vice-président dont nous connaissons les convictions en faveur d’une gestion rigoureuse des finances publiques.

M. Michel Sapin, ministre. Ah bon ? Et avant ?

M. Charles de Courson. Mais après l’échec à Bercy de Pierre Moscovici, comment ne pas s’interroger à juste titre sur « la capacité du braconnier à devenir garde-chasse », comme l’a très justement relevé la députée néerlandaise Sophie In’t Veld ? Alors que la crise n’est pas encore éteinte, la France devrait être un moteur au sein de l’Union européenne, main dans la main avec notre partenaire allemand, pour favoriser la mise en place d’une véritable union bancaire et le respect des règles budgétaires en vigueur. Au lieu de quoi, et le groupe UDI le déplore, depuis l’arrivée au pouvoir de François Hollande, la France ne cesse de déroger aux règles que nous avons contribué ensemble à mettre en place pour sortir de la crise.

À l’image des déclarations bien imprudentes du candidat Hollande faisant état de sa volonté de renégocier le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, la demande de la France de prendre en compte de supposées circonstances exceptionnelles afin de justifier le dérapage des finances publiques porte atteinte à sa crédibilité. Nous devrions être un exemple pour nos partenaires européens, au lieu de quoi nous devenons un mauvais élève. Il en va de même pour la dette française, qui a battu tous les records en 2013 pour atteindre 95,3 % du produit intérieur brut en 2014. Je rappelle qu’elle se montait à 80 % il y a cinq ans et 65 % il y a dix ans.

M. Dominique Baert. Et il y a deux ans ?

M. Charles de Courson. Le Gouvernement, lors de son arrivée au pouvoir il y a deux ans et demi, prévoyait dans la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017 une baisse du taux d’endettement de la France à 90,5 % du PIB dès 2014 et 82,9 % du PIB en 2017. On en est bien loin ! Cet objectif a également été abandonné et selon les nouvelles prévisions, loin de diminuer, la dette continuera d’augmenter fortement à 97,2 % du PIB en 2015 et atteindrait 98 % en 2016 pour refluer très légèrement en 2017. Il faut tout l’optimisme du Gouvernement pour croire que la dette ne dépassera pas 100 % du PIB ! Si seulement votre optimisme était justifié par une politique audacieuse, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État ! La dette de la France a franchi pour la première fois la barre des 2 000 milliards d’euros le 17 août 2014 et a augmenté de 1 300 euros par Français cette année, soit plus d’un mois de salaire au SMIC. Cette facture de plus de 30 000 euros pesant sur chaque Français met en danger notre souveraineté.

M. Dominique Baert. Vous auriez dû le dire plus tôt !

M. Charles de Courson. Je le dis depuis des années, cher collègue. Le groupe UDI a toujours dit qu’il est vital de mettre fin à la spirale de l’endettement.

M. Dominique Baert et M. Henri Emmanuelli. Vous avez tout de même voté les budgets !

M. Charles de Courson. Sans doute ne connaissez-vous pas mes votes, chers collègues, car j’ai voté deux fois contre le budget et me suis abstenu une fois au cours de la dernière législature.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Charles de Courson. Une telle exigence répond à trois impératifs qui devraient nous réunir tous et transcender les clivages politiques : un impératif éthique afin que notre pays ne fasse pas peser sur les générations futures la mauvaise gestion passée ; un impératif économique afin de ne pas amputer la quasi-totalité de l’épargne des ménages ni freiner la croissance du pays ; enfin, un impératif politique afin de redonner un sens à notre démocratie en assurant de réelles marges de manœuvre aux équipes élues par les Français.

Au mois de mars 2013, la Commission européenne a placé la France sous surveillance renforcée en raison du risque de non-respect de l’objectif budgétaire recommandé pour 2014. Dans la zone euro, seule la Slovénie connaît le même sort. Bruxelles a alors demandé à la France de poursuivre l’assainissement budgétaire et de faire un effort plus particulièrement ciblé sur la réduction des dépenses publiques. Au mois d’octobre 2013, le Haut conseil des finances publiques a tiré à son tour la sonnette d’alarme, craignant un « écart important » à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017.

En l’absence de réaction de la France, il a déclenché au mois de mai 2014 le mécanisme de correction. À ce stade, le Gouvernement était tenu, « au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la Sécurité sociale de l’année », de présenter des mesures visant à revenir aux orientations pluriannuelles définies par la loi de programmation des finances publiques. Il n’en a rien été. En présentant un nouveau projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement a fait le choix bien peu responsable d’abandonner les objectifs fixés par la Commission européenne et d’adopter une trajectoire bien moins ambitieuse reniant tous nos engagements européens. Il est donc possible que la France soit sanctionnée au printemps prochain par Bruxelles pour non-respect de la trajectoire.

Le projet de loi de finances pour 2015 de la France, qui doit être présenté demain à la Commission européenne, est en effet un manquement grave à l’engagement pris par la France de réduire son déficit budgétaire non justifié par des circonstances exceptionnelles qui sont inexistantes. Conformément au droit de regard dont dispose Bruxelles sur les budgets des États membres, il est possible que des corrections soient demandées à la France. Seule l’Autriche a subi une telle procédure et a dû modifier l’an dernier sa loi de finances après le vote de son Parlement sous menace d’une sanction de 0,2 % du PIB, soit pour la France quatre milliards d’euros. Les conséquences d’une telle sanction seraient graves et les propos de M. le secrétaire d’État au budget tenus dimanche dernier selon lesquels « On ne bougera pas, il n’y aura pas de modification, je suis très clair là-dessus » sont irrespectueux de nos engagements européens et pourraient rapidement se révéler contre-productifs.

En dépit de vos promesses, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il est aujourd’hui évident, deux ans et demi après votre arrivée au pouvoir, que non seulement vous n’avez pas amélioré la situation de notre pays mais que vous l’avez bien au contraire fortement dégradée. C’est pourquoi les députés du groupe UDI appellent le Gouvernement à tenir ses engagements européens et à réduire véritablement les déficits publics afin de préserver notre souveraineté budgétaire et protéger notre modèle social.

J’en viens maintenant à un problème central. Le redressement de la France ne sera pas possible sans une véritable réduction de la dépense publique.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Charles de Courson. La Cour des comptes a pourtant indiqué que la dépense publique a atteint un record et que la France se place au plus haut niveau de dépenses de l’OCDE, alors même que selon Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes, « la qualité des services publics n’est pas forcément à la hauteur ». Vous aviez annoncé pour 2013 une baisse de la dépense publique de dix milliards d’euros. Or la part des dépenses publiques dans le produit intérieur brut est passée de 56,6 % en 2012 à 57,1 % du PIB en 2013, soit une augmentation de dix milliards d’euros. Il ne s’agit donc pas d’une économie de dix milliards d’euros, mais bien d’une hausse de dix milliards d’euros. Pour l’année 2014, vous avez fièrement annoncé une économie de quinze milliards d’euros en dépense, mais la part des dépenses publiques hors crédit d’impôt a augmenté de 0,1 % du PIB pour passer à 56,5 %. Et si l’on y ajoute, comme le fait l’Union européenne, les crédits d’impôt remboursables, conformément à la nouvelle nomenclature européenne de comptabilité nationale, la part des dépenses publiques passe de 57,1 % du PIB à 57,7 % du PIB en 2014, soit une augmentation de 0,6 % de PIB ou douze milliards d’euros. Où sont les économies, messieurs les ministres ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Trop de chiffres tue le chiffre !

M. Charles de Courson. Quant à l’économie de 21 milliards d’euros annoncée pour 2015, où est la vérité ? J’ai tenté de répondre à la question suivante : où sont les vraies économies ?

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Charles de Courson. Observons tout d’abord que la part des dépenses publiques, hors crédit d’impôt remboursable, contrairement aux nouvelles règles européennes de comptabilité nationale, passera d’après les estimations du Gouvernement de 56,5 % du PIB en 2014 à 56,1 % en 2015, soit une baisse de 0,4 % ou 8,5 milliards d’euros et non 21. Si on y intègre les crédits d’impôt remboursables, elle ne baisse pratiquement pas. Elle passe en effet de 57,7 % du PIB en 2014 à 57,6 % du PIB en 2015, soit une baisse extrêmement faible de l’ordre de deux milliards d’euros, autant dire presque rien. Cette approche macroéconomique devrait nous inquiéter, mes chers collègues. Je l’ai donc complétée par une approche analytique du contenu du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale afin de déterminer où sont les 21 milliards d’euros d’économies.

Ils se répartissent selon le Gouvernement en quatre composantes : 5,4 milliards d’euros sur le budget de l’État hors service de la dette, des pensions et de l’Union européenne, 1,9 milliard d’euros sur les opérateurs de l’État, 3,7 milliards sur les collectivités territoriales et 10 milliards sur les organismes de Sécurité sociale, soit vingt-et-un milliard d’euros en tout.

Commençons par l’État. Où sont les 5,4 milliards ? C’est très simple. Le Gouvernement prévoit une économie de 1,4 milliard d’euros sur la masse salariale, 0,7 milliard en raison du gel du point d’indice, 0,3 milliard grâce à la réduction de mesures catégorielles ramenées en gros de 500 millions à 250 millions d’euros, enfin 0,4 milliard grâce à des réductions d’effectifs et d’autres mesures. Tout d’abord, le gel du point d’indice est-il une économie ? Clairement non ! Pour une raison très simple : il a cours depuis quatre ans, ce n’est donc pas une économie. Diminuer la valeur du point d’indice, comme l’ont d’ailleurs fait l’Espagne, le Portugal, la Grèce et bien d’autres, en serait une.

M. François André. C’est ce que vous proposez ?

M. Charles de Courson. Quant aux mesures catégorielles, elles constituent une dépense et non une économie ! Elles devraient donc être à zéro et vous devriez tous deux, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, refuser de signer aucun arrêté ni décret entraînant une augmentation des mesures catégorielles.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’accords antérieurs !

M. Charles de Courson. Enfin, la réduction des effectifs est très faible : 1 278 équivalents temps plein pour un peu moins de deux millions de fonctionnaires de l’État.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est mieux que zéro !

M. Charles de Courson. Certes ! Heureusement qu’en exécution le chiffre est proche de 12 000, mais il ne faut pas le dire afin de ne pas inquiéter la majorité ! Voilà pourquoi les 400 millions d’euros résiduels sont si peu détaillés ! Je rappelle que la masse salariale passe de 80,4 milliards d’euros en 2014 à 80,5 milliards d’euros en 2015, soit encore une augmentation de 100 millions d’euros ! La masse salariale n’est donc pas même stabilisée ! Il convient également de rappeler que le coût des pensions, qui n’est pas compris dans le chiffre de 80,5 milliards d’euros, s’accroît de 370 millions, passant de 45,8 milliards d’euros en 2015 pour 45,43 milliards d’euros en 2014. Les économies sur la masse salariale sont donc extrêmement faibles.

J’en viens au deuxième poste, les économies de fonctionnement hors personnel et d’investissement. Le Gouvernement annonce 1,6 milliard d’euros d’économies mais n’en donne pas le détail, comme le rappelle avec pertinence Mme la rapporteure générale à la page 115 du rapport.

D’ailleurs, on ne peut guère retenir que 0,6 milliard d’euros à peine, c’est-à-dire l’écart entre la dépense en 2014 soit 31,5 milliards d’euros et la dépense en 2015 soit 30,9 milliards d’euros. En effet, la croissance de base est nulle, seules les baisses nettes sont donc des économies.

Le troisième poste du budget de l’État visé est celui des interventions. Les économies sont estimées à 2,4 milliards d’euros pour 2015 mais on en attend toujours le détail, car on ne trouve d’après Mme la rapporteure que 440 millions d’euros d’économies. En fin de compte, les économies sur le budget de l’État ne s’élèvent pas à 5,4 milliards d’euros. D’après le décompte auquel je viens de me livrer, on n’économise qu’un peu plus d’un milliard d’euros. L’économie de 2,3 milliards d’euros sur les intérêts de la dette n’en est pas une, c’est une économie de constatation alors même que le stock de dette augmente du montant du déficit. Voilà pour l’État.

M. Philippe Vigier. Eh oui !

M. Charles de Courson. Passons maintenant aux opérateurs de l’État. Le Gouvernement annonce sur ce poste une économie de 1,9 milliard d’euros, dont 1,1 milliard constitué de réductions de recettes des opérateurs, et non de dépenses, 0,71 milliard d’euros sur les chambres de commerce, 180 millions d’euros sur les agences de bassin et 60 millions d’euros sur les chambres d’agriculture. Par ailleurs, près de 700 millions d’euros sont qualifiés d’écrêtement de fonds de roulement, ce qui ne constitue en rien une économie car il s’agit d’une recette pour l’État, d’un prélèvement – d’un hold-up diront certains !

M. Philippe Vigier. Bien sûr !

M. Charles de Courson. Quant au solde de 0,8 milliard d’euros, on ne trouve en fait dans le rapport de Mme la rapporteure que 170 millions d’euros d’économies inventoriées. Ainsi, les dépenses des opérateurs de l’État, hors taxes affectées, passent de 21,3 milliards d’euros à 21,3 milliards d’euros en 2015, autrement dit, elles sont stables, à 100 ou 200 millions d’euros près.

J’en viens aux collectivités territoriales. Cette troisième composante consiste en une baisse des dotations de 3,7 milliards d’euros. C’est exact, elles passent en effet de 56,9 milliards d’euros en 2014 à 53,2 milliards d’euros en 2015. Mais il s’agit là encore d’une réduction des recettes locales. Dès lors, quelle sera la réduction des dépenses locales due à la baisse des recettes apportées par l’État ?

La réponse est assez simple, il suffit de déterminer l’augmentation en 2014 des dépenses consolidées des collectivités territoriales. Le document du Gouvernement prévoit 1,2 % et seulement 0,3 % l’an prochain. Admettons l’hypothèse du Gouvernement, qui aboutit à 0,9 % soit un peu plus de deux milliards d’euros. Ainsi, à une baisse donnée correspond une diminution deux fois moindre des dépenses des collectivités locales qui ajustent en combinant les trois moyens que sont les économies – façon de faire vertueuse –, l’augmentation d’impôts et l’endettement. Rappelons que la croissance de la dépense publique locale, d’après le Gouvernement, accélérera à nouveau pour atteindre 1,8 % en 2016 et 1,9 % en 2017.

On peut donc considérer que sur ce troisième bloc, les économies espérées sur les collectivités locales sont de l’ordre de 2 milliards.

J’en viens au budget de l’Union européenne, que l’on tait un peu, et pour cause : il n’y a pas d’économies, mais une dépense supplémentaire de 800 millions…

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai.

M. Charles de Courson. …puisque nous sommes à 20,2 milliards en 2014 et à 21 milliards en 2015. Or le gouvernement français est coresponsable de ce budget – même si je conviens que c’est difficile.

J’en viens maintenant à ce que j’appelle le trou noir, à savoir les presque 10 milliards d’économies sur la Sécurité sociale. Le premier tiers en serait réalisé sur l’assurance maladie. L’économie annoncée par le Gouvernement est de 3,2 milliards. Mais comment est-elle calculée ? Accrochez-vous, mes chers collègues !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. On s’accroche, monsieur de Courson, on s’accroche !

M. Charles de Courson. Vous retenez un taux de croissance moyen de l’ONDAM depuis dix ans – ce qui donne 3,9 %. Et vous nous dites que puisque l’ONDAM est fixé à 2,1 % pour l’an prochain, les économies s’élèvent à 3,9 moins 2,1, donc à 1,8 % de 180 milliards, soit 3,2 milliards. Mais cela n’est pas un raisonnement – c’est même risible. Car les dernières années, nous étions déjà en dessous de 3 % – cette année, en 2014, c’est 2,4 %.

Lorsqu’on demande d’où viennent ces 3,2 milliards, quatre explications sont avancées : d’abord, 500 millions seraient imputables à l’efficacité de la dépense hospitalière – on se demande ce que cela signifie. Ensuite, 400 millions le seraient au développement des soins ambulatoires – comment, et avec quoi ? Puis nous touchons au sublime : 1,1 milliard grâce au recours accru aux médicaments génériques. Mais voilà déjà un moment que nous les utilisons : vous ne gagnerez pas 1,1 milliard, eussiez-vous tous les pharmaciens avec vous. Enfin, nous terminons par 1,2 milliard grâce à « une rationalisation du recours aux soins » – n’est-ce pas beau ?

Tout cela n’a pas de contenu : c’est de la littérature, et si nous retenons un taux de croissance de l’ordre de 2,8 % ces trois à quatre dernières années, l’économie est de l’ordre de 0,7 point – c’est-à-dire, sur 180 milliards, de 1,3 milliard.

Sur la branche famille, les économies sont réelles. Il y a cinq décisions, dûment inventoriées, pour 700 millions.

Sur la branche vieillesse, vous avez pris une vraie décision : reporter une nouvelle fois la hausse des pensions au 1Er octobre. Or la loi prévoyait l’actualisation. Nous avons là une vraie économie de 600 millions.

Sur les régimes complémentaires vieillesse, vous me permettrez de dire, messieurs les ministres, que vous vous accaparez des économies décidées par les partenaires sociaux, en l’occurrence 500 millions. Ce n’est pas le Gouvernement qui décide !

M. Michel Sapin, ministre. Nous ne nous accaparons pas : c’est un constat.

M. Charles de Courson. Quant au régime d’assurance chômage, cela résulte là encore d’un accord entre les partenaires sociaux – pour 0,8 milliard. Ce 1,3 milliard sur les régimes complémentaires vieillesse et l’assurance chômage n’est  pas imputable à l’action du Gouvernement.

Quant à l’économie des frais de gestion, depuis combien d’années nous la sert-on ? Ces 500 millions – au doigt mouillé – seraient obtenus, nous dit-on, grâce à la négociation de nouveaux COG. C’est naturellement excessif : le montant des dépenses de gestion s’élevant à peine à 20 milliards, cela voudrait dire une baisse de 2,5 %. Mais si vous faites 200 ou 250 millions, ce sera déjà pas mal.

Au total, nous sommes donc loin des 9,6 milliards avancés par le Gouvernement sur les organismes de Sécurité sociale. Pour ma part, j’arrive à 2,8 ou 2,9 milliards.

Faisons la synthèse de tout cela. Nous arrivons à 6,1 milliards d’économies réelles, 7,4 si nous ajoutons la branche chômage et les régimes complémentaires vieillesse, soit à peu près 1,3 milliard. Mais 7,4 milliards sur 21, ce n’est que le tiers ! Il manque donc 14 milliards. Et où sont-ils ? Nulle part ! Vous le voyez dans l’augmentation de la dépense publique, dont le poids continue à augmenter.

Messieurs les ministres, lors de la présentation du Pacte de responsabilité et de solidarité, qui promettait 50 milliards d’économies, les députés du groupe UDI ont accueilli cette volonté avec une bienveillante attention.

Il est cependant désormais avéré que ces 50 milliards d’euros d’économies, pourtant nécessaires, ne seront pas au rendez-vous. Selon la Cour des comptes, à peine 20 milliards seraient réalisés.

En refusant de mettre en œuvre les réformes structurelles dont notre pays a besoin, vous le condamnez à l’injustice et au marasme économique.

Quelles sont donc les grandes réformes que le groupe UDI est prêt à soutenir ?

D’abord une vraie réforme des collectivités territoriales, la fusion entre les départements et les régions, l’intégration des communes dans les intercommunalités.

M. Marc Goua. Cela ne rapporte rien du tout !

M. Charles de Courson. Cela, tous les peuples d’Europe l’ont fait. Nous sommes les derniers. Nous ferions là des économies que nous ne ferons pas en élargissant les régions, en ne sachant même plus ce que nous faisons des départements et en laissant le bloc communal, qui représente deux tiers de la dépense publique locale, en l’état.

La deuxième grande réforme est la réforme de la protection sociale et de la santé. Il faut instaurer un régime unique pour tous les salariés du public et du privé, un système à points, et mettre en extinction tous les régimes spéciaux. C’est la position qu’a toujours défendue l’UDF, puis l’UDI. Il faut faire un référendum là-dessus : les trois quarts des Français approuveront.

La troisième grande réforme est la rénovation de notre démocratie sociale. Il faut cesser de légiférer en matière de droit du travail, faire confiance aux partenaires sociaux, et même autoriser les accords d’entreprise dérogatoires au droit du travail. Autrement, jamais vous ne réussirez à redresser le pays ! Cette réforme-là ne coûte rien.

C’est aussi la transition écologique, dont nous avons beaucoup parlé pendant plusieurs jours. C’est également la valorisation de la ressource humaine de la nation.

La réforme de l’État, la réforme des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la rénovation de la démocratie sociale, la transition écologique ou encore la valorisation de la ressource humaine de la nation sont donc les six grands chantiers.

La modernisation de l’action publique est nécessaire. Ceux qui l’ont critiquée quand vous étiez dans l’opposition avaient tort. Vous essayez d’ailleurs de la poursuivre, ce qui est la sagesse même – réformer l’État, le rendre plus performant, plus efficace, moins coûteux et plus proche du citoyen. Toutefois, malgré vos multiples déclarations d’intention, cette réforme n’a encore guère trouvé sa traduction concrète.

La réforme des collectivités locales restera également une occasion manquée.

En lieu et place de la grande réforme de la protection sociale et de la santé, vous avez fait adopter une réforme des retraites insuffisante, et même coûteuse pour l’avenir, pour garantir la pérennité de notre système de retraites par répartition. Quant à la réforme de la dépendance, sa vacuité tranche brutalement avec la gravité et l’importance des enjeux soulevés par la perte d’autonomie.

Vous n’avez pas non plus rénové en profondeur notre démocratie sociale. Il est pourtant urgent de passer enfin d’un paritarisme de gestion à un paritarisme de négociation, qui permettra plus d’équité, plus de justice sociale, et surtout plus d’efficacité économique.

De même, la transition écologique, formidable mutation engagée par le Grenelle de l’environnement, doit être poursuivie. Un coup d’arrêt terrible lui est porté avec un projet de loi de transition énergétique dépourvu de souffle, de vision et d’ambition.

Enfin, les annonces récentes sur le soutien à l’apprentissage ne permettront pas de freiner sa chute historique, liée aux erreurs commises depuis le début du quinquennat. Il faut soutenir massivement cet outil essentiel pour gagner la bataille de l’emploi, en particulier pour les jeunes. La valorisation de la ressource humaine de notre nation est en effet la clé de notre capacité à surmonter les défis que la France doit relever.

En refusant d’engager ces six réformes indispensables pour préparer l’avenir du pays, vous vous voyez contraints de faire des choix de court terme qui ne permettront malheureusement pas de maîtriser efficacement les dépenses publiques. Ces choix de court terme ne freineront donc pas le déclin du pays mais contribueront sans nul doute à rendre encore plus vulnérable notre modèle social.

Le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 constituent en outre une nouvelle attaque contre les retraites, et fragilisent plus encore notre politique familiale.

Avec ce projet de loi de finances pour 2015, vous faites le choix du renoncement : vous renoncez aux objectifs fixés par vos partenaires européens en termes de déficit, vous renoncez à tout mettre en œuvre pour favoriser le retour de la croissance, vous renoncez à inverser la courbe du chômage, vous renoncez à baisser la dépense publique dans la justice, vous renoncez, enfin, à rétablir la confiance sans laquelle le redressement du pays est impossible.

Une autre voie est possible. Nous vous demandons solennellement de faire ce choix du courage, en revenant sur les erreurs commises depuis le début de ce quinquennat et en engageant sans tarder les réformes structurelles que tous, sur ces bancs, savons nécessaires.

C’est pour toutes ces raisons que les députés du groupe UDI vous invitent, mes chers collègues, à voter en faveur de cette motion de rejet préalable.

M. le président. Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Dominique Baert, pour le groupe SRC.

M. Dominique Baert. Rien, vraiment rien dans la défense de cette motion de rejet préalable ne peut nous inciter à la voter.

Monsieur de Courson, vous voulez nous dresser un réquisitoire contre la politique menée par le Gouvernement, que ce budget sous-tend. Mais que ne l’avez-vous dressé lorsque vos amis gouvernaient ! Auriez-vous à ce point réussi que vous pourriez vous draper dans une vertu de gestionnaires économiques et budgétaires avisés ? Point n’est besoin de parler de votre dramatique héritage : le déficit extérieur, le chômage, les déficits, et surtout la dette abyssale dont les Français et notre majorité n’ont pas fini de payer la facture.

La seule comparaison entre la France et l’Allemagne est éloquente. Souvenez-vous : la croissance entre 2007 et 2012 : en Allemagne, + 3,8 %, en France, sous la présidence de M. Sarkozy, + 0,4 % ; le chômage en pourcentage de la population active, toujours entre 2007 et 2012 : en Allemagne, baisse de 3,2 points, en France, sous la présidence de M. Sarkozy, augmentation d’1,8 point ; la dette en pourcentage du PIB, entre 2007 et 2012 : en Allemagne, + 15,7 %, en France, sous la présidence de M. Sarkozy, + 26,5 %.

Voilà le bilan de la présidence d’hier. Cela ne peut qu’inciter ceux qui l’ont soutenue à l’humilité plutôt qu’au rejet de la politique budgétaire d’aujourd’hui. Car à l’inverse de ce qui se faisait hier, le projet de budget pour 2015 présente trois caractéristiques essentielles. Il réduit la dépense publique de 56,4 % à 56,1 % du PIB : c’est une première, ce que vous n’avez pas su faire. Il réduit les impôts des plus modestes, en supprimant la première tranche de l’impôt sur le revenu, ce qui va bénéficier à 9 millions de Français, ce que vous n’avez pas voulu faire.

Avec un déficit de 4,3 % du PIB, ce budget accompagne le ralentissement de l’activité et évite de plonger la France dans l’austérité, ce que vous n’auriez pas voulu faire.

« Faites comme je dis », ne cessez-vous de proclamer, monsieur de Courson. Mais nous, nous savons qu’il ne faut surtout pas faire ce que vous et vos amis avez fait. Voilà pourquoi nous rejetons votre démonstration, à laquelle votre passé ôte toute crédibilité, et votre motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Véronique Louwagie. Le groupe UMP soutiendra cette motion de rejet préalable, pour un certain nombre de raisons. J’en retiendrai trois.

La première concerne le doute que nous pouvons avoir sur les hypothèses retenues. Quels devraient en effet être nos obligations et notre devoir, sinon de nous adapter et de retenir des taux de croissance conformes à ceux que nous pouvons réaliser ? Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que nous ne sommes pas dans cette situation. Nos objectifs de déficit public ont été revus à la baisse par le Gouvernement : de 2014 à 2017, nous en sommes arrivés à un retour à zéro en 2019 seulement. Nous aurons donc un déficit à 4,3 % du PIB en 2015 et à 2,8 % en 2017, ce qui n’était pas prévu il y a encore quelques mois.

Notre doute est aussi alimenté par les écarts constatés par rapport à la loi de programmation des finances publiques votée il y a à peine deux ans, qui sont considérables.

M. Michel Sapin, ministre. C’est bien pour cela que nous la modifions.

Mme Véronique Louwagie. Pour 2013, il était prévu un déficit de 3 % du PIB. Nous terminons finalement à 4,3 %. Pour 2014, la prévision initiale s’établissait à 2,2 %, et nous finirons probablement à 4,4 %. D’où noter crainte sur ce que vous nous proposez.

La deuxième raison est le niveau de la dette, qui constitue une vraie inquiétude, puisque nous avons franchi une barre symbolique, celle des 2000 milliards d’euros, soit 95,1 % du PIB. Nous nous approchons tranquillement mais sûrement d’une dette à 100 % du PIB.

La troisième raison a elle aussi été évoquée par M. de Courson. Où sont les économies qui sont prévues ? Sont-elles au rendez-vous ? Sans doute pas : 21 milliards d’euros annoncés en 2014, 50 milliards en 2017 ; mais finalement, il ne s’agit que d’une moindre progression de la dépense.

Les économies ne sont pas au rendez-vous. Nous n’avons pas de détails ; elles ne trouvent pas de traduction concrète. C’est pourquoi nous soutenons cette motion de rejet préalable.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. On ne peut pas vraiment parler de soutien massif de l’UMP : heureusement que vous êtes restée, madame Louwagie !

Au moment où Charles de Courson prenait la parole, et connaissant sa modération habituelle, je me suis promis d’éviter d’être excessif. Mais le réquisitoire était tout de même un peu caricatural.

Je n’évoquerai pas le passé, ni l’impéritie de ceux qui nous ont précédés. Je sais que le groupe UDI, en particulier Charles de Courson, aurait sans doute souhaité s’engager plus tôt dans la maîtrise des dépenses publiques. S’agissant en revanche du futur, non seulement 50 milliards d’économies ce n’est pas assez pour vous, mais vous critiquez nombre de mesures. Si, sur ces 50 milliards, vous en reteniez ne serait-ce que 30, il faudrait, pour arriver aux 80 milliards de réduction de la dépense envisagée par l’UDI, que vous en trouviez donc 50. Or vous n’avez en rien documenté vos assertions – sauf à parler de la retraite à 65 ans que vous soutenez.

Il serait bien, si l’on veut pour nos concitoyens un débat riche et pédagogique que vous puissiez nous dire avec un peu plus de détail ce que vous feriez réellement !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. La démonstration de Charles de Courson était formidable, et je veux dire à Éric Alauzet qu’elle n’ était pas injuste : relisez en effet nos propositions.

Lorsque le Premier ministre nous a annoncé que le programme de stabilité comporterait un plan d’économies de 50 milliards, l’UDI s’est majoritairement abstenu : nous vous avons offert la possibilité de nous démontrer que vous pourriez faire un tel montant d’économies.

On sait maintenant – je ne fais qu’exprimer une vérité – que, s’agissant du projet de budget et des 21 milliards d’euros d’économies annoncées, le compte n’y sera pas. Je l’avais dit à Manuel Valls et nous en avons la preuve aujourd’hui. Le Gouvernement n’a pas répondu à Charles de Courson car il sait ce qu’il a dit est parfaitement vrai. Tout à l’heure, vous avez reproché à Valérie Pécresse de ne pas documenter les économies ; pour notre part, nous faisons de vraies propositions.

Je veux dire aussi à Éric Alauzet que nous n’avons jamais prétendu qu’il fallait faire 50, 80 ou 100 milliards d’économies – pas le moins du monde – car nous savons parfaitement qu’il sera très difficile d’aller chercher les 50 milliards. Vous devez dire la vérité aux Français : ces 50 milliards ne seront pas au rendez-vous. Cela vous gêne que l’on vous assène cette vérité. Pourtant, lorsque les choses n’allaient pas sous la précédente législature, nous le soulignions avec la même force auprès de la majorité d’alors.

Nous n’avions pas voté le précédent projet de loi de programmation des finances publiques 2012-2017. Sans prendre aucune mesure correctrice, vous nous sortez un nouveau projet pour 2014-2019, et tout va bien : on casse le thermomètre afin que la température baisse. Pas vu, pas pris, pensez-vous, mais c’est trop sérieux : on parle à la France, aux Français, et la crédibilité de la parole publique est engagée. J’aimerais vous dire bravo pour les 21 milliards, mais ils ne seront pas là. Vous verrez, dans les comptes de l’année prochaine, qu’il n’y aura que 8 ou 9 milliards.

Telle est la raison de cette motion de rejet préalable que Charles de Courson a défendue avec la précision qu’on lui connaît, sans esprit partisan, mais simplement avec l’œil du technicien avisé – qualité que chacun lui reconnaît sur tous les bancs depuis de longues années.

Mme Karine Berger. Ainsi parlait Zarathoustra !

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

7

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques 2014-2019 et du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly