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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 14 octobre 2014

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures quarante-cinq.)

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Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

-

Projet de loi de finances pour 2015

Suite de la discussion commune

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, après engagement de la procédure accélérée (nos 2236, 2245) et du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Motion de renvoi en commission (projet de loi de programmation des finances publiques)

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

La parole est à M. Éric Woerth.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Dominique Baert. Heureusement que l’UDI est là pour applaudir ! L’UMP n’est pas venue nombreuse pour soutenir son orateur !

M. Alain Chrétien. J’arrive !

M. Éric Woerth. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, cette nouvelle loi de programmation est en rupture avec la précédente. L’écart est considérable avec la précédente trajectoire. C’est, au fond, le symbole de l’abandon de la lutte contre les déficits.

La première étape de cet abandon, c’est le projet de loi de finances pour 2015. Ce renoncement, me semble-t-il, est lourd de conséquences. Aucun engagement pris devant les Français et devant les Européens n’a été respecté. Tous les ans, l’objectif de ramener le déficit public à 3 %, objectif auquel vous étiez attachés, s’éloigne. Il a été reporté à 2013, puis à 2015, et enfin, aujourd’hui, à 2017. En 2019, on s’attend à une forme d’équilibre. En d’autres termes, rien de ce que vous n’aviez prévu ne s’est réalisé.

Je ne pense pas que ce soit de la malchance. C’est plutôt le résultat de votre incohérence : changement incessant de politiques, brutalité du matraquage fiscal, coup de rabot sur les dépenses,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ah non, pas vous, monsieur Woerth ! (Sourires.)

M. Alain Fauré. Laissez donc notre rapporteure générale tranquille !

M. Éric Woerth. … – je ne le ferai qu’une seule fois – en lieu et place de réformes sérieuses et profondes.

La trajectoire proposée est simplement inconsistante : la réduction du déficit, qui était de 2,1 % dans la trajectoire précédente, est aujourd’hui de 0,6 % pour les trois premières années. Ensuite, à partir de 2017, c’est-à-dire aux calendes grecques, on fait tout à coup beaucoup d’efforts. Qui peut y croire ? Pas les Français, en tout cas.

On peut également se demander si les événements vous empêchent d’agir autrement. Je ne le pense pas, et cela vaut d’être débattu. Le scénario qui consiste à ne pas lutter contre les déficits est-il le meilleur pour provoquer la croissance ? Je ne le crois pas. Si c’était le cas, nous connaîtrions aujourd’hui une croissance extrêmement forte. Vous soutenez que le contrôle de la dépense serait récessif, creuserait encore la récession, ce qui n’a aucun sens.

Beaucoup de pays ont déjà réalisé les efforts les plus significatifs et conduit des réformes majeures. La plupart d’entre eux ont renoué avec la croissance. À cet égard, M. Michel Sapin a fait quelques erreurs lorsqu’il s’est exprimé au sujet des autres pays qui, pour la plupart, vont mieux que nous. Le fait qu’il soit demandé aux petits pays de faire un effort exonère-t-il les grands pays d’en fournir un ? Bien sûr que non !

C’est notre incapacité à respecter nos engagements qui entrave l’Europe, et non le contraire.

M. Alain Fauré. C’est un maître en la matière qui nous le dit !

M. Éric Woerth. Cette trajectoire de finances publiques raconte l’histoire d’un pays qui ne veut pas ou ne sait pas se réformer.

Le projet de loi de finances pour 2015 illustre parfaitement bien cet état de fait. Tout ce qui devait augmenter baisse, et tout ce qui devrait baisser augmente.

M. Jean-François Lamour. Exactement !

M. Éric Woerth. Les faits sont têtus : les courbes s’inversent, certes, mais pas dans le sens annoncé par le Président de la République et par le Gouvernement.

M. Jean-François Lamour. Oui, malheureusement !

M. Éric Woerth. Il est vrai que le contexte est fragile et incertain. L’avis du Haut conseil des finances publiques sur ce point est clair : celui-ci considère que les hypothèses sur lesquelles repose le scénario retenu dans la loi de programmation des finances publiques sont trop favorables sur l’environnement international et sur l’investissement, et qu’elles sont trop optimistes dans le projet de loi de finances. Cela étant dit, les hypothèses pour 2015 sont aussi prudentes que possible pour un gouvernement – 1 % de croissance, 0,7 % de consommation, 0,9 % d’investissement, inflation faible – et le Haut conseil me paraît un peu sévère. Si un gouvernement ne peut plus être optimiste, on se demande qui peut l’être. J’aurais donc tendance à être moins sévère que le Haut conseil à ce sujet.

Un certain nombre de nuages assombrissent néanmoins l’optimisme du Gouvernement. Je pense en particulier au ralentissement de l’Allemagne. Si la France affichait les mêmes résultats que son voisin, nous serions d’ailleurs plutôt euphoriques : pas de déficit, 1,3 % ou 1,4 % de croissance, un taux de chômage extrêmement faible. Pour autant, l’économie allemande ralentit, ce qui constitue une source d’inquiétude supplémentaire pour notre pays, compte tenu de ce qui relie nos deux économies.

Au-delà de ce contexte fragile et incertain, probablement jugé un peu sévèrement par le Haut conseil, ce budget est surtout ultra-déficitaire et la réforme en est absente.

La chronique 2013-2015 est tout de même assez effrayante : le déficit ne baisse plus, il augmente. M. Sapin expliquait tout à l’heure que le but poursuivi par le Gouvernement était la consolidation budgétaire, mais ce qu’on constate c’est la consolidation du déficit budgétaire.

Le déficit de 2014 est plus élevé que celui de 2013 ; Dieu sait que vous ne vous y attendiez pas. L’expérience des deux années précédentes montre que le déficit de 2015 est sujet à caution. Les risques conjoncturels, l’ambiance économique générale, le flou dans les dépenses, les risques de l’exécution : tout porte à penser que le déficit sera supérieur à celui que vous annoncez aujourd’hui, et qu’il dépassera probablement 4,5 %.

M. Alain Chrétien. C’est sûr !

M. Éric Woerth. Gilles Carrez évoquait le chiffre de 5 %. Ce sont les risques internes au budget qui le laissent à penser, ainsi que l’expérience des deux années qui viennent de s’écouler.

Quant au fameux déficit structurel, j’aimerais m’y arrêter quelques instants ; il me paraît plus pertinent de raisonner en déficit nominal, mais puisque c’est cet indicateur que vous avez retenu, c’est de lui que je parlerai. La baisse prévue est insignifiante, voire presque provocatrice pour nos partenaires de la zone euro. Nous nous étions engagés à baisser le déficit structurel de 0,8 %. En cas de déficit excessif, la règle est une baisse de 0,5 %. La France affichera en réalité un effort de 0,2 %, c’est-à-dire rien, du moins pas grand-chose.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je pense que nous sommes au-dessus !

M. Éric Woerth. Pis : elle conserve ce même niveau d’effort de 0,2 % en 2015 et en 2016. En 2017 et après, années pour lesquelles vous prévoyez des taux de croissance supérieurs, on pourrait croire à une amélioration, à un retour de la croissance, à une sortie de la phase d’apathie. Il serait donc souhaitable de fournir un effort supplémentaire à partir de ces années plus éloignées, mais vous ne le faites pas, vous ne rattrapez pas la situation. La trajectoire est donc tout à fait étonnante. Je ne crois pas que l’on puisse redonner confiance à un pays, réenclencher le cycle de la croissance durable avec si peu d’efforts.

Vous soutenez que le Gouvernement est porteur d’un message de vérité. Au moins êtes-vous constant ! Le 22 janvier 2014, Pierre Moscovici, aujourd’hui commissaire européen,…

M. Christian Jacob. Stagiaire !

M. Éric Woerth. …pas tout à fait commissaire mais presque, affirmait : « Les engagements pris devant la Commission européenne et nos partenaires de réduire les déficits jusqu’à une trajectoire qui nous mène en deçà de 3 % en 2015 seront tenus. » Il a dit cela la main sur le cœur, juré, craché.

M. François Rochebloine. Menteur !

M. Éric Woerth. Et, à la commission des finances, que vous connaissez parfaitement bien, monsieur le secrétaire d’État, combien de fois avons-nous entendu M. Moscovici, puis vous-même et M. Sapin, nous dire la même chose ? Les engagements seront tenus ; comme s’il suffisait de l’énoncer pour que cela se réalise ! Cela n’a pas été le cas, et on comprend maintenant les hésitations du Parlement européen.

M. Alain Fauré. Vous, en matière de déficit, vous avez fait 150 milliards d’euros ! C’est fantastique !

M. Éric Woerth. Quelle est l’exacte vérité ? Elle repose sur un double langage. Vous dites à l’opinion publique française qu’il n’y a pas d’austérité – dormez tranquilles ! –, qu’on ne baisse pas le nombre de fonctionnaires, qu’on continue à dépenser, qu’on ne réduit pas le déficit pour éviter d’asphyxier la croissance qui pourrait renaître, et même qu’on baisse les impôts. Et, à l’extérieur, devant la Commission européenne, devant nos partenaires européens, vous déclarez engager un effort sans précédent, historique, lancer des réformes comme jamais il n’y en a eu, allant même jusqu’à modifier l’indemnisation du chômage, et attaquer de front l’excès de dépense publique.

Il existe donc un discours de l’intérieur et un discours de l’extérieur. Le problème c’est que l’intérieur retient ce que vous dites à l’extérieur, et que l’extérieur retient ce que vous dites à l’intérieur. La confiance en France et la crédibilité de la France sont ainsi toutes deux atteintes.

Qui dit déficits excessifs dit aussi dépenses excessives. Quel est cet effort historique dont vous vous prévalez sans cesse ? 50 milliards d’euros, c’est votre chiffre totem ; pour notre part, nous faisons plus.

M. Alain Fauré. Vous, vous proposez 118 milliards d’euros !

M. Éric Woerth. Je suis heureux que vous l’ayez noté !

M. Alain Fauré. Comment faites-vous ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ce n’est pas dans les amendements !

M. Éric Woerth. Curieusement, vous affectionnez ce chiffre de 50 milliards d’euros. Déjà en 2009, face au plan de relance de 26 milliards d’euros, Michel Sapin assurait que la France devait réaliser un effort de 50 milliards d’euros.

M. Philippe Vigier. Tout à fait !

M. Éric Woerth. C’était d’ailleurs un appel à creuser un peu plus les déficits alors que vous contestez aujourd’hui les résultats de ces années-là.

Revenons aux 50 milliards d’euros d’aujourd’hui, qui sont à rapporter aux 3 600 milliards d’euros de dépenses publiques qui seront réalisées en trois ans. Certes, nous connaissons le sujet, ce n’est pas facile de dégager 50 milliards d’euros ; personne n’a dit que ça l’était.

M. Alain Fauré. Enfin une parole sensée !

M. Éric Woerth. Mais sur 3 600 milliards d’euros, il y a tout de même une marge ! Ces 50 milliards d’euros seront réunis tandis que, sur la même période, l’évolution spontanée de la dépense  sera de 105 milliards d’euros. C’est ainsi que, comme par magie, 55 milliards d’euros de dépenses supplémentaires se transforment en 50 milliards d’économies.

M. Alain Chrétien. Ce ne sont pas des économies !

M. Éric Woerth. Ainsi que l’a parfaitement expliqué Gilles Carrez, il s’agit donc d’une économie en tendance, et en aucun cas d’une économie réelle. La France va dépenser non pas moins, mais plus.

Je conteste votre calcul du taux d’évolution tendancielle spontanée de la dépense publique, évalué à environ 3 % par an ; c’est manifestement excessif. Les économies sont ainsi artificiellement gonflées. C’est pour cela que vous ne parvenez pas à documenter correctement et précisément les 50 milliards d’économies. On ne peut pas trouver cette somme, parce qu’elle n’existe pas. Vous ne pouvez pas y arriver !

M. Alain Chrétien. En revanche, les collectivités locales le peuvent !

M. Éric Woerth. Je m’appuierai sur plusieurs exemples. Les effectifs de la fonction publique d’État ne baissent pas et l’effort se ralentit : 3 000 fonctionnaires de moins en 2013, 2 000 de moins en 2014 et 1 000 de moins en 2015. C’est une simple stabilisation. Dans le même temps, vous économisez 1,4 milliard d’euros sur la masse salariale. Vous valorisez tout simplement le gel du point d’indice ; il faut admettre que la méthode est médiocre. En l’absence d’inflation, vous imposez le gel et vous calculez la différence par rapport au point d’indice qui aurait  évolué en fonction de l’inflation. Vous atteignez là une limite méthodologique.

M. Alain Chrétien. La réalité, c’est que ça augmente !

M. Éric Woerth. Vous procédez au même calcul totalement virtuel pour les mesures catégorielles : vous comparez la moyenne des enveloppes catégorielles versées sur un certain nombre d’années au montant que vous auriez dû verser et vous en tirez une économie. Je ne suis donc pas étonné que vous parveniez au chiffre de 1,4 milliard avec de telles méthodes ! En réalité, ces économies ne sont pas sincères.

M. Christophe Castaner. Vous avez fait cela pendant des années !

M. Éric Woerth. J’en viens à mon deuxième exemple. Vous passez en revue toutes les solutions que nous avons déjà mises en œuvre. Cela n’est pas pour me déplaire, mais c’est le même film, et vous n’avez pas changé l’affiche ; vous auriez au moins pu faire cela. Nous avions mis en place une agence centralisée sur les achats, un poste sur lequel il faut sans cesse faire des efforts. Il en va de même pour l’immobilier de l’État, qui requiert des efforts constants de gestion. En réalité, cependant, ce n’est pas sur ces deux postes que vous trouverez les 2,1 ou 2,2 milliards d’euros que vous escomptez économiser grâce aux gains de productivité des services. La raison en est simple : vous avez abandonné la politique de réforme de l’État.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si, il y a la MAP !

M. Éric Woerth. Vous avez voulu écarter la terrible et infréquentable RGPP pour la transformer en une « MAP » – j’ai oublié le sens de l’acronyme, peut-être vous en souvenez-vous ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La modernisation de l’action publique.

M. Alain Fauré. MAP, c’est plus doux à l’oreille !

M. Éric Woerth. Il est vrai que c’est plus doux, mais cela ne sert à rien, car la MAP, votre procédure de réforme de l’État, est un naufrage.

M. Dominique Baert. La RGPP a été un massacre !

M. Éric Woerth. Pourtant, il n’y a pas une manière de gauche ou de droite de réformer l’État. La productivité des services n’est pas de droite ou de gauche ; il faut délivrer le meilleur service au meilleur coût. Sur le contenu des politiques publiques, je l’admets, il existe des différences entre nous, et heureusement : c’est la démocratie. Mais la réforme de l’État ne devrait pas être de droite ou de gauche : il faut mieux acheter, mieux gérer l’immobilier, les télécoms et l’informatique, regrouper des services. Tout cela devrait aller de soi.

Mais la MAP est un naufrage : elle a changé mille fois de responsable, et vous n’avez jamais pu afficher un véritable programme de réforme de l’État. Après deux ans et demi, vous avez abandonné la MAP pour en revenir à une sorte de revue des dépenses publiques dont vous espérez 2 milliards d’euros d’économies sur l’ensemble de l’appareil productif ; je n’y crois pas du tout.

Vous allez encore un peu plus loin dans les économies en documentant –  c’est dire que vous n’avez pas grand exemple sous la main – la dématérialisation des échanges et des professions de foi. Vous allez abandonner les professions de foi pour les élections départementales et régionales. Il faudrait d’abord que vous organisiez des élections pour calculer l’économie, et il s’agit en tout cas d’un gadget.

Votre dossier prévoit aussi des économies réalisées sur le dos des autres.

Elles affectent d’abord les collectivités locales. Je ne conteste pas l’idée qu’il faille réduire les dotations aux collectivités locales, nous avions commencé à le faire, vous poursuivez cette politique et c’est plutôt courageux. Néanmoins, le rythme de cette réduction est extrêmement élevé, et cela constitue aussi un garrot, une sorte de boucle vicieuse qui s’enroule autour du cou des collectivités locales et qui va les asphyxier au fur et à mesure. La baisse des dotations de 11 milliards en trois ans est considérable.

M. Alain Chrétien. C’est une saignée !

M. Éric Woerth. S’il n’y avait que cela, il serait possible de demander aux collectivités locales de mieux s’organiser, mais vous leur avez également transféré des charges. Les fameux rythmes scolaires, pour prendre un exemple que nous avons tous en tête, représentent des charges supplémentaires qui mettent les collectivités locales à contribution. Vous en profitez d’ailleurs pour supprimer le fonds d’amorçage : une aide de l’État existait, mais vous la supprimez pour la plupart des collectivités locales.

M. Alain Chrétien. C’est une escroquerie politique !

M. Éric Woerth. Il y a donc beaucoup de transferts de charges, des transferts de normes, des contraintes de plus en plus lourdes, tandis que vous baissez les dotations. Ce n’est pas une manière très fair play de jouer la relation entre l’État et les collectivités locales.

Vous avez également saturé la fiscalité nationale. Il n’est plus possible d’augmenter d’un euro la fiscalité parce que nos concitoyens ne le supportent plus, à juste titre. Et en saturant la fiscalité nationale, vous avez également saturé la fiscalité locale par contrecoup, puisqu’elles concernent les mêmes contribuables. Vous avez donc empêché les collectivités locales de disposer de la moindre marge de manœuvre. Cela se paiera par une baisse des investissements, et vous en êtes parfaitement conscient. Vous essayez de trouver des solutions, la rapporteure générale l’a tenté, mais cette baisse des investissements des collectivités locales est presque inévitable.

Vous faites également les poches des opérateurs. Certes, vous n’êtes pas le premier gouvernement à le faire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est vrai !

M. Éric Woerth. Tous les gouvernements ont vidé les poches des opérateurs qui ont un fonds de roulement un peu gras.

M. Alain Fauré. C’est un expert qui parle !

M. Éric Woerth. Je me rappelle des « dodus dormants » et de ce genre de choses qui créent toujours des difficultés. Mais vous ne pouvez pas, dans les temps de dureté des finances publiques et de complexité de la crise que traversent la France et l’Europe, vous contenter de vider les poches des opérateurs. Les chambres de commerce – vous n’arrêtez pas de leur tomber dessus, je me demande ce qu’elles ont pu vous faire !

Mme Catherine Coutelle. Elles ne se réforment pas !

M. Éric Woerth. Soit vous les supprimez parce que vous considérez qu’elles ne servent à rien, comme les chambres d’agriculture, soit vous considérez qu’elles jouent un rôle éminent dans l’attractivité économique et le développement économique et agricole de nos territoires, et alors vous ne pouvez pas les traiter comme vous allez le faire, en pompant indûment leurs fonds de roulement.

S’agissant des agences de l’eau, nous demandons depuis longtemps à toutes les collectivités de se mettre aux normes en matière d’assainissement. C’est un problème très important, notamment dans les communes rurales qui n’en ont pas les moyens. Les dotations des agences de l’eau leur permettent de temps en temps de s’en sortir, ce n’est pas en réduisant les moyens des agences de l’eau qu’elles y arriveront.

Les charges d’intérêt de la dette diminuent, heureusement.

M. Alain Fauré. Vous prévoyiez le contraire !

M. Éric Woerth. C’est d’ailleurs une partie essentielle de la réduction du rythme d’évolution de la dépense dans les précédents budgets. Nous avons beaucoup profité de la baisse des taux, et c’est tant mieux.

Enfin, au titre des bizarreries concernant les dépenses, je note que des tuyauteries de plus en plus complexes sont prévues avec la Sécurité sociale, à l’exemple de ce qui se passe avec les APL. Nous en discuterons probablement lors de l’examen du PLFSS, mais franchement, dans un État qui essaie de se simplifier, le moins que l’on puisse dire est que la complexification est énorme. Dans la même veine, les conditions d’utilisation du programme d’investissements d’avenir n2 me semblent de plus en plus s’apparenter à de la débudgétisation.

Il n’y a pas d’économies structurelles, uniquement des coups de rabot dans tous les sens.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est la deuxième fois, vous l’avez déjà dit !

M. Éric Woerth. Et je le dirai encore une troisième fois, vous le verrez en temps voulu ! Le résultat de ces mesures est une forme de paupérisation de l’État. Vous le vivez dans les départements et les régions, et nous commençons à le vivre sur le plan des administrations centrales.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Dans la police !

M. Éric Woerth. Dans la défense, dans les services déconcentrés, dans la police ou la culture, on assiste à cette paupérisation. Nos concitoyens ont une opinion plutôt inverse, de manière paradoxale, parce que sans changer le périmètre de l’État – vous l’élargissez plutôt – et en rabotant dans tous les sens, tout cela ne tient plus. Le moral des fonctionnaires, ainsi que celui de vos propres troupes, commence à s’effondrer face à tant de paradoxes et d’incohérences, monsieur le secrétaire d’État.

M. Dominique Baert. Il est vrai que lorsque vous étiez en charge de la fonction publique, c’était le bonheur !

M. Éric Woerth. Où sont les économies ambitieuses demandées en début d’année par le Président de la République lors du conseil stratégique de la dépense publique ? Nulle part. Si l’on considère l’ensemble du périmètre de la dépense publique, vous faites porter l’essentiel du fardeau sur les familles. Cela, vous le documentez. Vous ciblez les familles, et l’on ne peut pas vous reprocher de manquer de constance sur ce point : tous les ans, une petite louche supplémentaire touche les familles.

M. Jean-François Lamour. Ils n’aiment pas les familles !

M. Éric Woerth. Au regard des 700 millions d’euros économisés à la suite, notamment, de l’abaissement du plafond du quotient familial, l’aide médicale d’État continue à prospérer.

M. Jean-François Lamour. C’est 1 milliard d’euros !

M. Éric Woerth. À un moment, il faut vous poser un certain nombre de questions. Pourquoi les familles financent-elles l’aide médicale d’État ?

M. Razzy Hammadi. C’est une obsession chez vous !

M. Éric Woerth. Vous vous trompez de bouc émissaire en ciblant les familles ainsi : c’est une des rares politiques qui donne des résultats en France.

Pour résumer, si les 50 milliards d’euros sont dans la lumière, leur application est truffée de zones d’ombre.

S’agissant des recettes, bizarrement, même sans croissance et sans inflation, plus les impôts baissent, plus la recette augmente. Selon vos prévisions, les recettes fiscales nettes augmenteront de près de 6 milliards en 2015. Il est vrai qu’en ce domaine, vos prévisions sont sujettes à caution. Par exemple, comme l’a très bien dit Gilles Carrez, il est possible d’être assez précis sur l’impôt sur le revenu, ce qui n’est pas le cas de l’impôt sur les sociétés pour lequel il vous a manqué 5 milliards d’euros.

Il est également vrai que la part des prélèvements obligatoires dans le PIB se stabilise, à peu de chose près. Il est prévu qu’elle baisse de 0,1 point, mais vu l’état de la prévision…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est la marge d’erreur !

M. Éric Woerth. C’est même inférieur à la marge d’erreur. Les bonnes nouvelles que vous annoncez à des contribuables surfiscalisés depuis trois ans sont la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu et la mise en œuvre du CICE pour les entreprises – il s’agit de prélèvements obligatoires – ainsi que la mise en œuvre du pacte de responsabilité pour ces mêmes entreprises. Je suis d’accord avec la baisse de charges. Nous l’avons dit à plusieurs reprises, c’est une politique nécessaire pour assurer la compétitivité du pays. Mais compte tenu de l’instabilité créée par l’ensemble de votre Gouvernement, quel chef d’entreprise va durablement investir en se fondant sur la promesse d’un crédit d’impôt sur les sociétés ?

M. Alain Chrétien et M. Jean-François Lamour. Aucun !

M. Jean-Charles Taugourdeau. Il n’y a plus de chefs d’entreprise !

M. Jean-François Lamour. Ils sont tous partis !

M. Éric Woerth. Il y en aura toujours, mais ils seront très peu nombreux à investir. Il fallait baisser les charges, comme cela a été fait avec les allégements Fillon qui prévoyaient une sorte de « barémisation » des charges, et il fallait cibler les bas salaires. Vous avez beaucoup pris aux entreprises, puis vous leur avez beaucoup rendu, c’est vrai. Il faut avoir le cœur bien accroché sur les montagnes russes de votre politique : le Premier ministre avait donc raison de parler de haut-le-cœur fiscal !

Vous tuez à petit feu l’impôt sur le revenu en France. C’est pourtant un impôt simple et progressif, d’ailleurs trop progressif. Par la suppression de la première tranche, vous allez continuer à concentrer l’impôt sur le revenu, qui l’était déjà trop. Vous prévoyez d’ailleurs une augmentation des recettes de cet impôt dans votre budget, certains contribuables vont donc payer plus.

Savez-vous qu’un centième des contribuables paie 45 %…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. 31 % ! C’est déjà beaucoup !

M. Éric Woerth. 31 %, merci. C’est tout à fait considérable. Il existe un vrai risque : en bas de l’échelle, on ne paie pas d’impôts, et tout en haut de l’échelle, on s’en va. C’est un risque très important en termes de volume. Avec ce type de réforme, vous coupez encore un peu plus le lien qui unit le citoyen et l’impôt, ce lien de citoyenneté auquel nous sommes très attachés. Ce lien, c’est l’impôt sur le revenu qui le crée, ce n’est pas la TVA.

Toutes ces baisses énormes conduisent paradoxalement à ce que les recettes ne baissent pas : les recettes fiscales nettes ont été de 273,2 milliards d’euros en 2014, elles augmenteront d’à peu près 6 milliards d’euros en 2015 pour atteindre 278,9 milliards. C’est dû à une série d’augmentations qui, mises bout à bout, représentent beaucoup d’argent : vous augmentez le gazole, la redevance audiovisuelle, vous montez probablement en charge sur les dispositifs anciens tels que la déductibilité des intérêts d’emprunts et l’impôt sur les sociétés. Cette multitude de mesures a pour effet de ne pas faire baisser la fiscalité, mais de la faire augmenter.

Pour la petite histoire, alors que vous vouliez réduire les niches fiscales, elles augmentent aussi dans votre budget.

Votre politique économique et budgétaire se traduit par toujours plus de dettes – le mur de 2 000 milliards est franchi –, toujours plus de déficit, toujours plus de dépenses publiques, et donc toujours plus de chômage. Alors que la France a besoin de réformes, vous faites de la régulation budgétaire. Le débat permanent et incessant au sein du Gouvernement sur la ligne économique est dévastateur. Ce fut d’abord un débat de gauche, avec MM. Montebourg et Hamon, c’est maintenant un débat de droite, avec MM. Valls et Macron. Il faut s’y retrouver ! Ce débat érode jour après jour la confiance si indispensable à la croissance.

Quant à la progression de notre endettement, monsieur Eckert, elle est presque aussi importante que lors de la récession de 2008 et 2009. Vous faites sans arrêt mention des 550 milliards de dette de Sarkozy, mais je vous rappelle que nous connaissions une récession de 3 %, ce qui est tout à fait considérable. Aujourd’hui, vous suivez une tendance certes inférieure, mais pas si éloignée que cela, alors qu’il n’y a pas de pic de crise, juste une atonie.

M. Jean-Charles Taugourdeau. C’est eux, la crise !

M. Éric Woerth. Cette augmentation très forte de l’endettement est un vrai danger pour la France. La France danse sur un volcan avec son endettement.

M. Razzy Hammadi. L’endettement est apparu en 2012 ?

M. Éric Woerth. Il suffirait de peu de chose, d’un éternuement de l’Allemagne ou d’une évolution moins généreuse de la politique monétaire de la BCE pour rendre l’équation budgétaire impossible à résoudre.

En conclusion, j’aurais aimé citer notre rapporteure générale, Valérie Rabault, mais je ne citerai qu’Arthur Rimbaud. (Sourires.) C’est un petit effet, je le reconnais ! « J’étais insoucieux de tous les équipages » a-t-il écrit. Votre trajectoire de finances publiques, comme le budget pour 2015, est insoucieuse du climat d’alerte qui pèse sur la France et l’Europe. Nos finances sont un bateau ivre, sans cap ni voilure, je vous demande donc de renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDI.)

M. Razzy Hammadi. Sarkozy aurait cité Rambo !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je souhaite faire part de quelques réflexions suite à l’intervention de M. Woerth. Tout d’abord, je déplore encore de ne pas avoir entendu de propositions concrètes pour diminuer les dépenses ou stabiliser les recettes.

M. Christian Jacob. C’est une motion de renvoi en commission, vous devez avoir un peu de mal avec le règlement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La clarté du débat y aurait gagné, surtout à la lecture d’un certain nombre de propositions des différents candidats à la présidence de l’UMP.

Vous avez aussi évoqué, monsieur Woerth, la réduction des déficits. Je répète les chiffres que j’ai cités tout à l’heure, et que Mme Pécresse et vous-même avez semblé contester. En 2010, les comptes de l’État, hors participation au Fonds monétaire international, présentaient un déficit de 148,8 milliards d’euros.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Dont 35 milliards d’euros d’investissements d’avenir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si vous voulez, monsieur le président de la commission, je peux vous citer les chiffres de l’année précédente. En 2009, le déficit était de 138,029 milliards d’euros.

M. Éric Woerth. Et alors ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Or en 2013, il était de 74,8 milliards d’euros – ce chiffre n’est pas contestable.

M. Jacques Lamblin. Et en 2011 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2014, selon nos prévisions, le déficit des comptes de l’État sera de 75,1 milliards d’euros.

Pour assurer la clarté du débat et apporter à nos concitoyens une information objective, j’ai l’habitude de prendre une comparaison qui vaut ce qu’elle vaut. Si votre médecin vous demande de maigrir de 15 kilos – je parle en connaissance de cause (Sourires) – et que vous en perdez 10, il ne va pas vous féliciter, mais il ne vous dira pas pour autant que vous avez grossi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Lamblin. C’est une crise de régime ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ainsi donc, monsieur Woerth, les termes « dérapage » et « explosion des déficits » sont tout à fait caricaturaux.

M. Jacques Lamblin. C’est la vérité !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Certes, les déficits ne se réduisent pas à la vitesse que nous avions initialement déterminée,…

M. Jacques Lamblin. C’est un demi-aveu !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et nous avons expliqué pourquoi. Du fait des conditions internationales de croissance et d’inflation, notre objectif de réduction des déficits n’est pas à la hauteur de ce que nous avions inscrit dans les lois de programmation et dans le programme de stabilité. Nous le disons clairement. Pour autant, il faut reconnaître que les efforts que nous avons demandés ont contribué à commencer à réduire le déficit. La majorité précédente avait aussi engagé des actions en 2011 : reconnaissez, monsieur Woerth, que vous avez programmé un certain nombre de hausses de fiscalité dont nous subissons parfois, encore aujourd’hui, les conséquences. Peu importe. Ces efforts étaient peut-être tardifs – c’est en tout cas mon point de vue –, mais je vous invite à les reconnaître, dans un souci d’honnêteté.

Pourquoi parler de dérapage des finances publiques et d’explosion des déficits alors même que, collectivement, et surtout grâce à l’effort des Français, nous les avons réduits de moitié en quelques années, tant dans les comptes de l’État – j’ai donné des chiffres précis – que dans les budgets sociaux, où un constat à peu près similaire pourrait être fait ?

Vous avez déclaré que nous serions assis sur un volcan.

M. Éric Woerth et Mme Arlette Grosskost. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’explosion des volcans est difficile à prévoir, l’actualité nous le montre souvent. Elle n’est pas non plus certaine. Je pourrais vous citer les chiffres de la dette, en pourcentage du PIB, d’un certain nombre de pays, voisins ou éloignés. Là aussi, reconnaissez que nos prévisions de taux d’intérêt inscrites dans ce projet de loi de programmation des finances publiques sont assez prudentes. Une dépêche l’a encore montré cet après-midi : aujourd’hui, nous empruntons à court terme à des taux d’intérêt négatifs, et à dix ans à des taux de l’ordre de 1,5 %. Or, dans ce projet de loi de programmation, nous avons fixé des taux d’intérêt prévisionnels de 2,2 % en 2015, de 2,7 % en 2016 et de 3,2 % en 2017. Si le risque existe, reconnaissez qu’il n’est pas complètement ignoré dans la programmation de nos finances publiques !

Monsieur Woerth, vous avez eu l’honnêteté de reconnaître que l’avis du Haut conseil des finances publiques était un peu sévère. Nous prévoyons aujourd’hui des taux de croissance de 0,4 % pour la fin de l’année 2014 – cela correspond au consensus du FMI et d’un certain nombre d’observateurs internationaux – et de 1 % pour 2015. Reconnaissez qu’il s’agit de prévisions particulièrement prudentes par rapport aux usages habituels, quelle que soit la couleur politique des gouvernements. Je rappelle qu’en 2012, le Haut conseil des finances publiques avait jugé que notre prévision de croissance pour 2014, alors fixée à 1 %, était « réaliste », et que le scénario sur lequel elle reposait n’était « affecté d’aucun risque baissier majeur » ; or nous constatons aujourd’hui une croissance de 0,4 %. Le gouvernement précédent prévoyait une croissance de 1,75 % pour 2012 ; en réalité, elle a été de 0,3 % seulement. Reconnaissons donc qu’en matière de prévisions, il convient d’avoir un peu d’humilité.

Je terminerai mon intervention en réagissant à l’observation que vous avez faite, et qui reviendra probablement souvent au cours de nos débats, concernant la concentration de l’impôt sur le revenu. M. le président de la commission a affirmé que 10 % des foyers fiscaux les plus aisés, c’est-à-dire ceux du dernier décile, payaient environ 70 % de l’impôt sur le revenu. Il a aussi évoqué le cas du dernier centième des plus aisés. Soit. Mais quelqu’un a-t-il mis en regard cette concentration de l’impôt sur le revenu avec la concentration des revenus ?

Il y a quelques semaines, un journal bien connu et très lu par tous les économistes et les observateurs des politiques budgétaires a comparé deux tableaux : celui de la répartition de l’impôt sur le revenu – en effet, il est fortement concentré – et celui de la répartition des revenus dans notre pays.

M. Dominique Lefebvre. Et la répartition des patrimoines !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous l’avez dit, monsieur le président de la commission, les hauts revenus sont souvent des produits du patrimoine.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela n’a rien de honteux, c’est un constat. Quand on compare la distribution des revenus et celle de l’impôt sur le revenu, on s’aperçoit que la progressivité existe, mais qu’elle est assez légère. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point au cours de nos débats.

Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement ne souhaite pas que ce projet de loi soit renvoyé en commission et que son examen soit différé.

M. Éric Woerth. Dommage !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mais je laisse évidemment à l’Assemblée le soin de se prononcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Arlette Grosskost. Ce projet de loi de programmation des finances publiques confirme une évidence : les objectifs du Gouvernement en matière d’assainissement des comptes publics sont loin d’être tenus et ne le seront pas à court terme. Au contraire, nous constatons que le déficit budgétaire a augmenté d’environ 3 milliards d’euros par rapport à celui que fixait la loi de finances rectificative, et de 4,4 milliards par rapport à celui de la loi de finances initiale. Ces chiffres sont parlants. Ils obligent le Gouvernement à présenter une nouvelle trajectoire pour repousser toujours plus avant l’objectif d’un déficit public à 3 % du PIB, d’abord reporté en 2015, puis en 2017. Ainsi, la parole de la France est continuellement remise en cause. Quel exemple donnons-nous aux pays de la zone euro, qui devraient normalement être tous traités de la même manière ? L’Allemagne, l’Espagne et l’Irlande ne me contrediront pas.

Il ne suffit pas d’annoncer des chiffres. Dorénavant, il va falloir donner des preuves de bonne foi.

Monsieur le secrétaire d’État, vos promesses passent pour de la désinvolture aux yeux de Bruxelles. Force est de constater, pour reprendre la métaphore de M. Woerth, que nous sommes dans un navire qui fonce vers les brisants. Une fois de plus, l’accumulation des déficits et la croissance plate rendent toutes vos prévisions aléatoires. Les 2 000 milliards d’euros de dette nous condamnent à une extrême rigueur. Et pourtant, sur le périmètre du budget de l’État, la dépense totale continue d’augmenter, malgré une diminution de la charge de la dette.

Ces dérives contredisent totalement vos annonces de redressement budgétaire. Aussi, ce budget nous paraît très peu sincère et, de surcroît, rédigé à la hâte.

Mme la présidente. Merci, madame la députée.

Mme Arlette Grosskost. Vous comprendrez donc que nous entendons évidemment voter la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et du groupe UDI.)

M. Michel Vergnier. Eh bien, vos arguments étaient très convaincants !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Alain Fauré. Monsieur Woerth, vous n’êtes pas avare de contradictions. Vous avez énuméré les économies que nous souhaitions réaliser et vous les avez estimées, comme nous, à 50 milliards d’euros. Quant à vous, vous proposez 100 milliards d’économies.

M. François Rochebloine. C’est mieux !

M. Michel Vergnier. Et même 130 milliards !

M. Alain Fauré. Il s’agit de votre première contradiction.

Vous avez ensuite critiqué les économies demandées aux collectivités ou aux chambres consulaires, par exemple. Où allez-vous trouver vos économies quand vous trouvez que les nôtres sont insuffisantes ou mal placées ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Dans les dépenses de guichet !

M. Alain Fauré. Je vous pose la question, monsieur Woerth. Vous auriez dû énumérer les économies que vous proposez aux Français,…

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous pourrions le faire !

M. Alain Fauré. …afin que nous comprenions bien où vous trouviez les 100 milliards d’euros que vous souhaitez économiser. Je pense que cela intéresse nos concitoyens : nous aimerions vous entendre sur ce point.

M. Razzy Hammadi. C’est vrai !

M. Alain Fauré. Hélas, vous n’avez pas été très explicite ni disert sur ce sujet.

Vous avez ensuite expliqué votre refus de voir le barème de l’impôt sur le revenu amputé de sa première tranche à 5,5 %. Par ailleurs, M. Carrez critiquait tout à l’heure la concentration de l’impôt sur un faible nombre de familles aux revenus les plus élevés. M. le secrétaire d’État a évoqué une différence…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Alain Fauré. Pardon, madame, laissez-moi terminer ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Charles Taugourdeau. Quel manque de respect vis-à-vis de la présidence !

M. Christian Jacob. Vous allez écoper d’une retenue sur indemnités de 1 500 euros !

M. Michel Vergnier. Poursuivez, monsieur Fauré, ne vous laissez pas faire !

M. Alain Fauré. M. Eckert a expliqué tout à l’heure où se trouvait la différence… (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.) Je veux vous dire la chose suivante…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Laissez-le terminer, madame la présidente !

M. Alain Fauré. Mes chers collègues, je n’ai pas l’habitude de m’exprimer au micro comme vous. Je siège dans cet hémicycle depuis peu de temps : respectez cela, s’il vous plaît ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je termine mon explication.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Fauré.

M. Alain Fauré. Non, madame la présidente, je termine : j’en ai pour une seconde. (Mêmes mouvements.)

M. Christian Jacob. Vous allez recevoir une amende de 1 500 euros !

M. Alain Fauré. Mes chers collègues, j’aimerais que vous compariez les impôts que paient les bénéficiaires du RSA, à travers la TVA, et ceux que paient les familles les plus riches, à travers l’impôt sur le revenu.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Alain Fauré. Vous seriez surpris de constater qu’en termes de pourcentages, les bénéficiaires du RSA sont les plus forts contributeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Inlassablement, depuis la fin de la séance de cet après-midi, et même habituellement, différents intervenants essaient d’expliquer à quel point notre système d’imposition est pénalisant pour les plus favorisés.

M. Éric Woerth. Eh oui !

Mme Véronique Louwagie. C’est désagréable de le dire comme cela !

M. Éric Alauzet. J’en ai un peu assez d’entendre la même rengaine. Faisons donc un petit calcul. Prenons l’exemple d’un individu au revenu annuel de 300 000 euros : il est donc imposé au taux marginal de 45 % et fait partie de ce centième des contribuables qui payent 31 % du produit total de l’impôt sur le revenu.

M. Alain Chrétien. C’est un impôt sur les riches !

M. Éric Alauzet. Cette personne est redevable d’un impôt de 90 000 euros. Si nous fixions à nouveau le taux de la dernière tranche à 40 %, l’impôt à payer serait de 83 500 euros. Dans le premier cas, le reste à vivre par mois s’établit à 17 500 euros ; dans le second cas, il s’élève à 18 000 euros. Il y a vraiment de quoi quitter la France ! Ces arguments ne sont pas sérieux ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Que représentent 500 euros par mois sur des salaires de 17 000 ou 18 000 euros ? Trouvez-vous que l’impôt est excessif ou confiscatoire ? Non, ce n’est pas sérieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le secrétaire d’État, lorsque Charles de Courson a défendu tout à l’heure une motion de rejet préalable au nom du groupe UDI, il a démonté – je pense que l’on peut s’exprimer ainsi – les fameux 21 milliards d’euros d’économies que vous annoncez pour 2015. Il est important que vous répondiez à cette question, d’autant que, lorsque le plan de 50 milliards d’euros d’économies avait été annoncé par le Premier ministre, nous avions dit : « Pourquoi pas ? Regardons bien et accompagnons le Gouvernement dans la réalisation de ces économies, puisqu’elles permettront à la France de se redresser ! » Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, vous ne répondez pas à cette question.

Je vois que cela vous fait sourire, monsieur Vergnier.

M. Michel Vergnier. Je vous écoute attentivement !

M. Philippe Vigier. Le sujet est grave, mon cher collègue : il en va de la crédibilité de la parole publique. S’interroge-t-on suffisamment sur les conséquences potentielles d’une telle incohérence ?

Depuis dix-huit mois, on nous annonce l’arrivée du pacte de responsabilité ; il n’est toujours pas entré en application. Cela est prévu pour janvier 2015. Depuis de nombreux mois, on nous explique que l’on va diminuer la dépense publique. Or elle ne diminue pas. Combien de fois, avez-vous, monsieur le secrétaire d’État, affirmé, en réponse à des questions au Gouvernement, que vous diminuiez les dépenses publiques ? En fait, Éric Woerth l’a bien expliqué, vous diminuez la trajectoire de l’augmentation.

En fait, s’agissant de votre fameuse diminution de la dépense publique – et je ne prends que l’exemple des recettes sur les chambres de commerce – c’est par des recettes complémentaires que vous arrivez à ce résultat : un simple artefact.

Ne nous dites pas non plus que nous ne faisons pas de propositions, le groupe UDI vous a proposé des réformes structurelles. Où sont-elles vos économies sur la modernisation de l’action publique, la MAP ? On ne les voit pas arriver. Or il vous revient de les détailler.

C’est la raison pour laquelle nous soutenons l’initiative d’Éric Woerth de renvoyer le texte en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Très bien.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission (projet de loi de finances )

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2015.

La parole est à M. Olivier Carré.

M. Christian Jacob. Écoutez, cela vous instruira.

M. Michel Vergnier. On sait déjà ce qu’il va dire.

M. Olivier Carré. Peut-être pas, cher collègue ! (Sourires.)

Permettez-moi tout d’abord de rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que nous allons examiner l’avant-dernier budget que votre majorité aura à exécuter sur un plein exercice.

M. Michel Vergnier. Ce n’est pas faux.

M. Olivier Carré. Le temps passe et pourtant, l’histoire se répète. Le budget pour 2015 est un budget de renoncement, il faut le rappeler même si cela a déjà été dit. En septembre 2012, trois mois après votre arrivée aux affaires, vous affichiez un objectif de 1 % de déficit public en 2015. En avril 2013, nous en étions à 2 % et en avril 2014, il y a seulement six mois, vous engagiez la parole de la France auprès de ses partenaires européens en annonçant que l’objectif des 3 % fixé dans le traité de Maastricht serait atteint en 2015.

On sait aujourd’hui que le budget 2014 augmentera par rapport à l’exécution du budget 2013, lequel avait dérapé par rapport à la loi de finances initiale. Ainsi, les trois budgets – 2013, 2014 et 2015 – sont considérablement plus élevés que les prévisions de la loi de finances initiale. Il faut remonter à l’exercice 2011 pour trouver un budget qui a été mieux exécuté que ce qu’avait prévu la loi de finances initiale votée en 2010.

Le renoncement par rapport aux engagements de la France fait peser un lourd discrédit sur la capacité de votre Gouvernement à mener les réformes structurelles dont notre pays a tant besoin. Le Haut conseil des finances publiques vous a rappelé, par la voix de son président, que les hypothèses macroéconomiques retenues pour 2015 étaient optimistes. Et depuis, l’INSEE a confirmé que les objectifs de croissance pour 2014 et 2015 ne seraient finalement pas tenus. Dans un tel contexte, on ne peut être que circonspects en abordant le volet recettes de votre budget.

Depuis trois ans, l’impôt sur le revenu n’a en effet jamais rapporté les recettes que vous escomptiez en loi de finances initiale. L’écart a représenté 7 % et 8 %, soit un écart gigantesque. Vous ne vous êtes pas seulement trompés sur la masse, mais également sur les cibles. À force de dénoncer les cadeaux faits aux riches – notre collègue Alauzet vient de reprendre ce refrain –, vous n’avez pas vu que les principaux bénéficiaires de la loi TEPA étaient issus de la classe moyenne.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avec les heures supplémentaires.

M. Olivier Carré. En effet, c’était eux qui avaient recours aux heures supplémentaires. Or ces différentes mesures avaient permis aux Français de surmonter la crise. La France a été le seul pays où le pouvoir d’achat n’avait pas baissé alors qu’en 2013, il a reculé pour la première fois depuis trente ans. C’est dire que votre politique fiscale a non seulement raté ses cibles, ses objectifs et qu’elle pose aujourd’hui un véritable problème économique.

Quels sont ceux qui ont subi cette hausse de la fiscalité ? Les 2 % des ménages les plus fortunés dont on parlait tout à l’heure ont vu leurs impôts progresser de 8 % par rapport à 2011. Quant aux foyers qui gagnent moins de 50 000 euros par an, ils ont vu leurs impôts augmenter en moyenne de 17 %, soit plus du double. C’est dire si l’impôt sur le revenu est une véritable question.

Vous le savez puisque vous avez décidé, à grand renfort de publicité, de supprimer la première tranche d’imposition alors même qu’avec l’imputation de la décote, peu de ménages y étaient assujettis, ce qui est tout de même un comble.

En fait, comme le démontre Mme la rapporteure générale, la véritable réforme que vous proposez porte sur la décote qui devient beaucoup plus généreuse, et représente un coût de 2,2 milliards d’euros. Elle touche quasiment tous les revenus et sera financée chaque année par la dette. Jusque-là, le mécanisme serait simple. Mais la suppression de la première tranche entraînant un manque à gagner de CSG, vous avez dû modifier la modalité de déclenchement du taux réduit de CSG qui aura un impact à la hausse sur l’impôt de près de 460 000 ménages. Je vous laisse imaginer la réaction de ces contribuables lorsqu’ils découvriront leur feuille d’impôt en septembre 2015.

Au final, les recettes attendues sur l’impôt sur le revenu progresseront de 600 millions. C’est curieux pour un impôt qui devait baisser de 3,2 milliards d’euros. En vérité, tout le monde se perd dans les simulations sur l’impôt sur le revenu. Par construction, les modèles mathématiques de prévisions de recettes – on l’a découvert lors de l’audition des services responsables des prévisions – ne tiennent pas compte des changements de comportement des contribuables. Si les prévisions des modèles diffèrent tant de la réalité, c’est que les changements sont sans doute profonds et considérables.

Le plus grave serait qu’ils annoncent la montée d’un non-consentement à l’impôt qui serait dramatique non seulement pour nos finances publiques, mais aussi pour notre stabilité sociale. La petite musique du « ce sont toujours les mêmes qui payent » est en train de s’amplifier dans notre pays. Prenez-y garde car tout tient autour de la notion cardinale de la démocratie, à savoir le consentement à l’impôt qui est aussi le principal garant de la qualité de notre signature sur les marchés financiers.

On arrive sûrement au bout d’un système. Vous l’aviez du reste ressenti en arrivant aux affaires puisque vous avez engagé une réforme fiscale. Mais aujourd’hui, vous avez choisi de mettre en œuvre une réforme totalement contre-productive. C’est un chantier qu’il faudra complètement reprendre.

Concernant l’impôt sur les sociétés, je doute qu’avec la montée en puissance du CICE à hauteur de 10 milliards, les recettes ne baissent que de 1,7 milliard en 2015. En effet, nous entrons dans un mécanisme où la créance des entreprises vis-à-vis de l’État s’accumule. Comme Mme la rapporteure générale le souligne dans son rapport, le paradoxe provient du fait que meilleure est l’année, plus le crédit d’impôt peut être imputé, ce qui diminue les recettes affichées au budget.

Mes chers collègues, ce n’est pas de la cavalerie, mais de la comptabilité budgétaire.

Et au fur et à mesure que le mécanisme du CICE monte en puissance, il s’avère que les avantages de sa mise en œuvre deviennent de redoutables pièges. Or, effet du CICE, je partage l’avis de notre président de commission, à savoir que l’impôt sur le revenu comme l’impôt sur les sociétés sont sans doute en train de s’évaporer. Notre assiette fiscale ne résiste pas aux sirènes des autres pays. Rappelons que l’Irlande est en train de réformer son régime d’impôt sur les sociétés. Au bout du compte, il y a des pays qui affichent des taux sensiblement plus faibles que le nôtre, avec des règles fiscales qui deviennent de plus en plus loyales.

Là aussi, en partenariat avec nos partenaires européens, un travail d’homogénéisation de l’assiette et des taux est indispensable. Vous avez préféré réformer en 2012 et en 2013 l’impôt sur les sociétés en conservant un modèle franco-français. Il faudra, dès que nous le pourrons, s’atteler à une convergence vers la moyenne européenne et au moins entre la France et l’Allemagne.

À défaut de réussir la réforme fiscale que vous appeliez de vos vœux, vous en êtes réduits à nourrir les recettes de votre budget 2015 d’expédients ; ce sont par exemple des prélèvements sur les réseaux consulaires. Au lieu d’engager des réformes de fond sur l’intérêt public des politiques conduites par ces organismes, vous préférez leur faire les poches,…

M. Alain Chrétien. Les fonds de tiroirs.

M. Olivier Carré. …les siphonner, ce qui leur laissera d’autant moins de marges de manœuvre pour se réformer et participer aux politiques d’intérêt général menées par l’État ou les collectivités territoriales.

Enfin, vous vous êtes rabattus sur des valeurs sûres : une bonne vieille taxe sur le gasoil, qui s’ajoute à celle que nous avons votée l’an passé au titre de la sacro-sainte fiscalité verte. C’est toujours cela de pris, même si cela ne fait pas une politique fiscale. Voilà où vous en êtes après trois ans de votre réforme. Triste réalité.

Comme on le voit, il y a beaucoup de doutes concernant les recettes du budget 2015, visiblement surévaluées comme le laisse entendre le Haut conseil des finances publiques. J’ai bien entendu Mme la rapporteure générale qui affirme que le budget est équilibré et répond à la volonté de restaurer la compétitivité tout en maintenant la demande. C’est que les stabilisateurs automatiques sont à l’œuvre et que nos doutes quant aux recettes sont fondés au regard de l’incertitude sur la conjoncture à venir. Mais si les fameux stabilisateurs économiques sont à l’œuvre, il n’en demeure pas moins que beaucoup de dépenses engagées en 2012, 2013 et 2014 sont gagées sur le fameux plan d’économies de 50 milliards, annoncé maintes et maintes fois dans cette enceinte.

Les dépenses sont acquises, mais les gages sont encore à venir.

Rappelons que ces 50 milliards doivent se comparer aux 1207 milliards d’euros de dépenses publiques qui ne cessent de progresser. Ces mêmes dépenses ont d’ailleurs progressé de 1,2 % point de PIB depuis décembre 2011.

Monsieur le ministre des finances, monsieur le secrétaire d’État, le procès en sorcellerie que vous fait une partie de votre majorité sur l’austérité que vous feriez subir à la France mérite un non-lieu. Vous pouvez la rassurer. On n’a jamais dépensé autant d’argent public en France que cette année. Et ce sera plus en 2015.

L’État est-il au rendez-vous de ses engagements ?

M. Jean-François Lamour. Non !

M. Olivier Carré. La réponse est à l’évidence non. Si je prends les calculs réalisés par Mme la rapporteure générale, le volume des économies budgétaires sera de 11,519 milliards d’euros en 2017 dont 11 milliards supportés exclusivement par les dotations aux collectivités territoriales. C’est-à-dire que le budget principal de l’État ne concourra quasiment pas à la réduction de la dépense publique durant ces trois ans.

On est en plein débat sur les dépenses en tendance, les dépenses virtuelles. Pour ma part, je rejoins ceux qui, comme dans nos collectivités territoriales, raisonnent en euros sonnants et trébuchants. C’est du reste une expression que j’ai entendue un jour de la part d’un orateur de votre groupe. Et lorsque l’on est dans une collectivité territoriale, il faudra tenir compte de la baisse des dotations et faire les comptes pour voir où baisser les dépenses. Sinon, l’autofinancement en pâtira directement.

C’est ce qui se passera à court terme dans nos collectivités territoriales suite aux ajustements pour 2015 des 3,7 milliards d’euros de dotation en moins que vous prévoyez. Personnellement, je ne suis pas complètement opposé à cette saignée. Il est normal que les collectivités territoriales entrent dans un mécanisme de participation à la baisse de la dépense publique. Encore eût-il fallu que l’État montre l’exemple.

M. Alain Chrétien. Et ne charge pas la barque.

M. Olivier Carré. L’État doit également accorder un certain nombre de moyens. J’ai bien lu le rapport, opportunément publié ce matin par la Cour des comptes. On voit que les collectivités territoriales peuvent porter un certain nombre d’évolutions, à condition que les lois qui vont définir la nouvelle organisation territoriale leur donnent de la souplesse pour qu’elles organisent au mieux leur gouvernance, qu’elles puissent accélérer leur fusion et discuter entre elles de la façon dont elles vont réduire les différents échelons de gouvernance.

En outre, l’État ne doit pas en profiter pour durcir, par de nouvelles normes sociales ou environnementales, les charges qui leur incombent. Enfin, un cadre assoupli et décentralisé doit leur permette de mieux gérer leurs effectifs et leurs agents. Bref, si le Gouvernement n’arrive pas à se réformer en profondeur, qu’il le leur permette, à elles. C’est le seul moyen par lequel elles pourront « gagner » sur la dépense et être en mesure d’absorber le choc que l’État leur impose aujourd’hui.

Dans le cas contraire, comme c’est en train de se produire à court terme, c’est l’investissement public qui sera directement touché. En effet, la baisse des dotations touche deux fois les collectivités : directement sur leur capacité d’autofinancement, mais aussi sur leur capacité d’emprunt, car le prêteur veut savoir en combien de temps collectivité pourra le rembourser compte tenu de son autofinancement. Si ce dernier diminue, l’effet de levier sur la capacité d’emprunt est immédiat. Une capacité d’emprunt et d’autofinancement réduite se traduit par une forte baisse de l’investissement. Je ne comprends donc pas.

Pour ce qui est du montant des investissements des collectivités territoriales, en reprenant le chiffre de 55 milliards d’euros pour les trois principaux blocs publié dans le rapport de ce matin, on obtient un total d’environ 330 milliards d’euros sur les six ans de la nouvelle mandature pour le bloc communal. On estime que l’impact des 11 milliards d’euros de baisse de dotations sera à court terme d’environ 20 % de baisse de l’investissement, à texte égal – car je ne parle pas ici de l’excellent amendement de la rapporteure sur le Fonds de compensation pour la TVA – le FCTVA.

Ce que je ne comprends pas, c’est que d’un côté, le Gouvernement semble assumer cette logique dans le cadre de la baisse de la dépense publique, au niveau général ; mais de l’autre, le ministre de l’économie se vante de pousser à Bruxelles un grand plan européen d’un montant à peu près comparable, soit 300 milliards d’euros – c’est le hasard des chiffres –, sur lequel la France pourrait se prévaloir d’une dotation d’environ 10 milliards pour relancer son investissement – soit 3 % de 300 milliards d’euros. D’un côté, nous votons de mécanismes qui auront pour effet de diminuer d’environ 20 % de 300 milliards d’euros les investissements publics, portés essentiellement par les collectivités territoriales. D’autre part, on se réjouit à Bruxelles de pouvoir décrocher une somme sept fois moindre que cette diminution pour relancer l’investissement dans notre pays. Il y a là quelque chose que je ne comprends pas.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Nous allons vous l’expliquer : la dette est dans les États et la capacité d’endettement est au niveau de l’Europe.

M. Olivier Carré. Cela revient à jouer au bonneteau.

M. Michel Sapin, ministre. Mais non ! C’est le fondement même de la politique !

M. Olivier Carré. Mais si ! L’Europe, ce n’est pas quelqu’un d’autre : l’Europe, c’est nous. Votre raisonnement consiste à reporter sur d’autres une charge que vous ne voulez pas que nous assumions nous-mêmes. Vous avez le même raisonnement avec les collectivités territoriales, à cela près que c’est dans les poches du même contribuable que l’on trouve l’argent, vous le savez bien.

M. Michel Sapin, ministre. C’est toute la différence entre vous et nous.

M. Olivier Carré. Nous avons en effet deux conceptions qui nous opposent.

M. Michel Sapin, ministre. Oui.

M. Olivier Carré. Je considère pour ma part qu’on est responsable de ses actes et que, pour décider une politique d’investissement, il faut d’abord s’assurer que l’on est soi-même en capacité de l’assumer, sans aller chercher dans la poche des autres.

Vous créez donc les conditions d’une baisse de l’investissement public en France et, de l’autre côté, vous allez chercher de l’argent en Europe sous le prétexte que c’est l’Union européenne qui s’endette, et pas nous, comme si nous étions étrangers à l’endettement de l’Europe. Cela se soldera par une baisse de l’investissement public, ce qui est tout à fait contracyclique. Cette mesure pèsera sur le PIB à hauteur d’environ 0,4 % par an. C’est l’inverse de ce qui a été fait par exemple lors du plan de relance de 2009, …

M. Michel Sapin, ministre. C’est effectivement l’inverse. Ce n’est du reste pas tout à fait la même situation !

M. Olivier Carré. … où le gouvernement de l’époque s’est appuyé sur le FCTVA pour faire en sorte que la relance ait lieu et que la France puisse repartir plus vite que ses partenaires, ce qui a été le cas.

On parle donc d’économies, mais c’est pour faire oublier toutes les promesses de dépenses qui sont venues s’ajouter aux dépenses structurelles qui fleurissent partout dans la partie sociale de nos dépenses publiques : tiers payant généralisé à ceux qui bénéficient d’une complémentaire, mise en place de la garantie jeune, élargissement des bourses sur critères sociaux, alors que vous avez abandonné le principe des bourses au mérite, revalorisation du pouvoir d’achat des bénéficiaires du RSA, de l’allocation aux adultes handicapés – l’AAH – et du minimum vieillesse. Enfin, comme l’a précisément détaillé M. Éric Woerth, la masse salariale de l’État va continuer de croître d’environ 500 millions d’euros. Toutes ces largesses sont évidemment acquittées par des déficits publics plus élevés, et donc par la dette de la France pour les générations à venir.

Des recettes incertaines, des dépenses qui continuent de progresser, un déficit double de ce qui était envisagé voilà seulement quelques mois : la réalité, c’est que les Français voient avec effarement que les très lourds sacrifices que vous leur demandez sont aujourd’hui improductifs. Ils voient que vous ne maîtrisez plus la progression de l’endettement, qui fera de nous l’an prochain le principal emprunteur de la zone euro, avec environ 200 milliards qu’il nous faudra emprunter pour le refinancement et le financement du déficit budgétaire 2015, de telle sorte que notre dette sera tangente à 100 % du PIB à la fin de 2015. J’observe d’ailleurs dans le rapport de la rapporteure générale que le montant de la charge de la dette augmentera en 2016 pour la première fois depuis 2007 – il est en effet prévu qu’il continue de baisser en 2015 et qu’il commence à augmenter en 2016, compte tenu de la remontée des taux et des volumes de la dette.

M. Michel Sapin, ministre. Vous savez pourquoi, car vous savez sur quels taux nous avons fondé nos calculs. De quel côté se situe donc la prudence ?

M. Olivier Carré. Je n’ai pas parlé d’imprudence, mais me suis contenté d’indiquer que la France – car il ne s’agit même pas du gouvernement actuel, dont on ne sait pas s’il sera encore là – a mangé son pain blanc dans ce domaine. C’est là un point important, car cela représenterait chaque année une latitude budgétaire de 2 à 3 milliards d’euros, qui seront consommés en intérêts.

En résumé, ce budget 2015 inquiète tous ceux qui regardent notre pays avec bienveillance, voire avec indulgence, et qui le voient aujourd’hui avec agacement. Le Haut conseil des finances publiques vous avait pourtant alerté en avril dernier, en indiquant qu’il souhaitait que soient prises des mesures correctrices de l’écart qu’il constatait entre vos projections et les objectifs assignés par les traités que vous avez signés. Cette procédure d’alerte ne vous a, semble-t-il, pas beaucoup ému, car le Haut conseil avoue être resté sans réponse à ce jour sur ce point : « Le Gouvernement n’a cependant pas présenté de mesures de correction du fait du dépôt d’un nouveau projet de loi de programmation, plus adapté au contexte économique et social ». C’est d’autant plus navrant que ce sont aujourd’hui les instances gouvernementales européennes qui prennent le relais de ces inquiétudes.

Une fois de plus, vous êtes amenés à jouer les équilibristes entre une position martiale à Paris et des négociations dans les coulisses à Bruxelles. Vous avez passé trois lois de finances à donner des gages sans tenir parole quant à la mise en œuvre de vos réformes. Vous avez certes coché des cases – retraites, santé, flexisécurité, fiscalité du travail et du patrimoine, formation professionnelle, apprentissage, collectivités locales, et aujourd’hui assurance chômage : tous les items ont été abordés –, mais aucun des déterminants qui structurent la dépense publique de chacune de ces politiques n’a été traité correctement.

Comme l’a très bien indiqué le président du Haut conseil des finances publiques, il ne s’agit plus aujourd’hui de mesurer le volume de la dépense, car elle n’est de toute façon pas soutenable, mais de s’interroger sur son efficacité. Force est en effet de reconnaître que c’est la seule piste, exigeante, que nous devons emprunter, à droite comme à gauche. Plutôt que de raboter la politique familiale sans discernement et avec la seule volonté de faire des économies budgétaires, demandons-nous si les bases mêmes de notre modèle familial sont toujours adaptées à la réalité de ce que nous rencontrons tous les jours dans nos circonscriptions.

Plutôt que de relancer d’un côté le logement et de diminuer de l’autre les aides personnalisées au logement – les APL –, demandons-nous si nous utilisons à bon escient les facilités de tous les financements de long terme, dont vous avez rappelé, monsieur le ministre, qu’ils étaient particulièrement opportuns aujourd’hui compte tenu du niveau de taux, et si notre réglementation favorise la fluidité du marché de la construction et de l’immobilier, qui seule permettrait d’abaisser le coût du logement en France.

Plutôt que d’entériner une réforme de la formation professionnelle qui a principalement servi ceux qui ont un emploi, ne faut-il pas veiller à ce qu’elle soit en priorité au service de ceux qui en cherchent un ?

Plutôt que de diminuer à la marge les effectifs de la fonction publique tout en gelant la rémunération des fonctionnaires, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’accélérer une véritable gestion prévisionnelle des compétences, de redistribuer du pouvoir d’achat en augmentant le temps de travail dans la fonction publique et de mieux utiliser le gigantesque capital humain au service du public, avant de songer à en augmenter les effectifs ?

Plutôt que de diminuer le congé parental, ne vaudrait-il pas mieux revenir sur la possibilité que les deux parents en bénéficient en même temps ?

La liste est longue. Elle est sur les étagères de la Cour des comptes, qui a des réponses pour chacun de ces chapitres. De fait, la Cour des comptes, la mission d’évaluation et de contrôle et la commission d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale, ainsi que de nombreux rapports, font souvent apparaître un consensus quant au diagnostic, voire à certaines solutions relatives à ce qui pourrait être mis au service des Français. Pourquoi donc s’en tenir toujours à de petites politiques d’ajustement à la petite semaine ?

En 2015, le déficit budgétaire ne découle pas d’une somme d’actes volontaires, mais d’une somme de renoncements. Ce budget, dans son ensemble, n’est à la hauteur ni de la situation d’aujourd’hui, ni des enjeux de demain.

À l’automne 2011, au cours du débat sur le projet de loi de finances pour 2012, un député – un certain François Hollande – martelait les phrases suivantes à l’adresse de la majorité d’alors : « Vous avez perdu du temps. Vous avez accumulé des mesures sans cohérence autre que le rendement immédiat. Vous avez affiché des objectifs hors d’atteinte. Vous avez caché qu’il faudra demander aux Français les efforts nécessaires pour redresser les comptes publics. Vous avez taxé une partie de la classe moyenne sans faire comprendre le sens de vos mesures ». Si telle était l’impression qu’il avait de la situation voici trois ans, force est de constater qu’il n’en a pas tiré de leçons. Rien que cela, chers collègues, vaudrait la peine que nous en discutions en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Merci, madame la présidente. Je me contenterai d’apporter quelques éléments, notamment pour tuer l’idée que les économies qui vous sont proposées ne seraient pas de vraies économies. Monsieur Carré a en effet repris un argument que l’on entend trop souvent et qui mérite explication. Indépendamment du fait que tous les gouvernements ont toujours présenté ainsi les mesures d’économie et que le standard européen d’analyse des budgets utilise cette même méthode, je citerai l’exemple des dépenses d’assurance maladie, qui a déjà été évoqué tout à l’heure.

Selon vous, monsieur le président de la commission, et selon M. Carré, qui a repris de tels arguments, nous fantasmerions en affirmant que l’évolution naturelle des dépenses d’assurance maladie serait de 3,9 %. Pourquoi contestez-vous ce chiffre ? Notre pays ne compte-t-il pas 200 000 habitants de plus chaque année – à la différence du reste de l’Allemagne, qui en compterait plutôt 200 000 de moins ? Ces gens n’auraient-ils pas besoin de soins ? La proportion de personnes âgées dans notre pays n’augmente-t-elle pas – ce qui est heureux ? Voilà un premier argument.

Par ailleurs, monsieur le président, les soins dispensés à nos concitoyens sont de plus en plus nombreux – c’est une bonne chose – et de plus en plus coûteux. Ainsi, 100 000 victimes potentielles de l’hépatite C – il s’agit d’une maladie grave, et non pas d’un simple rhume de cerveau – seront probablement sauvées par la découverte d’un nouveau médicament, et c’est heureux. Il se trouve que les prix fixés par le laboratoire concerné, avec lequel des négociations sont en cours, devraient se traduire, selon toutes les prévisions, par une dépense supplémentaire de l’ordre d’un milliard d’euros. Ne pouvons-nous pas nous accorder sur le fait que, toutes choses égales par ailleurs, compte tenu de l’augmentation de la population et de l’évolution des soins et de leur coût, les dépenses de santé connaissent effectivement une progression naturelle, chiffrée par tous les spécialistes à une valeur de l’ordre de 4 % – plus précisément, de 3,9 % ?

Lorsque nous disons que l’ONDAM sera contenu à 2,1 %, cela signifie tout simplement que grâce à l’hospitalisation à domicile, à l’utilisation des médicaments génériques, à la réorganisation de l’hôpital, qui n’est pas toujours facile, oui, nous faisons des économies.

Vous contestez ces chiffres à longueur de temps.

Deuxième point que je souhaite évoquer : la situation de notre pays. Nous nous sommes livrés à un petit exercice que vous trouverez dans le dossier de presse relatif au projet de loi de finances et à la programmation des finances publiques : si l’on place tous les pays en base 100 en 2008, date du début de la crise, la zone euro a connu une diminution de son produit intérieur brut de 2,5 % en moyenne depuis 2008 ; c’est incontestable.

M. Jean-François Lamour. Et alors ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’Espagne, dont on vante aujourd’hui la croissance, a vu son PIB diminuer de 6 %.

M. Philippe Le Ray. Quelle comparaison !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’Italie, dont on clame qu’elle va bien, a vu son PIB diminuer de 9 %. Or deux pays ont augmenté leur PIB depuis 2008 : l’Allemagne, de 3 %, et la France, de 1 %.

M. Éric Woerth. Parce que nous avons fait 2 % de croissance en 2010 et 2011 !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Mesdames et messieurs les députés, si nous voulons retrouver quelque crédibilité devant nos concitoyens, ne pouvons-nous pas partager un moment ce constat que notre système de protection sociale, notre modèle social, et peut-être aussi certaines décisions politiques, ont permis à la France de voir son PIB beaucoup moins baisser au moment de la crise,…

M. Olivier Carré. Cela prouve que la crise a été bien gérée ! CQFD !

M. Jean-François Lamour. Alors pourquoi ne cessez-vous de critiquer ce que nous avons fait avant vous ?

M. Michel Sapin, ministre. Parce que c’est grâce à nous ! En 2012, il n’avait pas augmenté !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et de le voir remonter, certes plus lentement, par l’effet de ce que l’on appelle les amortisseurs sociaux ?

Mesdames et messieurs les députés, vous avez évoqué les dépenses des collectivités territoriales et les économies souhaitées. Je crois avoir indiqué tout à l’heure la proportion des dotations de l’État dans les recettes et dans les dépenses – elles sont à peu près équivalentes – des collectivités territoriales : 28 % des recettes des collectivités locales sont issues des dotations de l’État. Si l’on calcule en prenant votre modèle sur le niveau d’investissement, l’effort demandé aux collectivités locales en réduction de dépenses est moindre en proportion que celui demandé à l’État. En effet, l’État diminuera ses dépenses en 2015 de 1,8 milliard en euros sonnants et trébuchants, pour reprendre vos termes : ce n’est pas du virtuel ! Concernant le budget de l’État, vous avez eu communication, au moment du débat d’orientation des finances publiques, de tous les plafonds de dépenses de tous les ministères. Ce n’est pas du virtuel, ce ne sont pas des prévisions, mais la compilation des lettres-plafond qui ont été communiquées à l’ensemble des ministères.

Il y a effectivement un effort de réduction de la dépense publique. Certains veulent en faire plus ; je souhaite simplement, pour conclure, vous rappeler que dans certains documents que j’ai pu lire, dans les contre-budgets qui ont fleuri il y a quelques mois, dans les propositions qui émanent de l’opposition, la réduction des dépenses des collectivités locales et de leurs dotations est chiffrée à bien plus de 11 milliards d’euros sur trois ans – rappelons en effet que c’est sur trois ans que l’effort de 11 milliards d’euros sera demandé aux collectivités territoriales.

Telle est la position du Gouvernement, et je ne vois pas en quoi un renvoi en commission pourrait faire changer de point de vue sur les éléments que j’ai souhaité apporter à votre connaissance. (Applaudissements sur divers bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Notre collègue Olivier Carré a très bien démontré que ce n’est pas parce qu’on supprime la première tranche de l’impôt sur le revenu à 5,5 % que l’on peut pour autant parler d’une politique fiscale. La réalité, c’est qu’après un matraquage fiscal sans précédent, vous tentez aujourd’hui de rectifier le tir en supprimant la première tranche d’imposition ; or cela ne fait que prouver l’absence de toute politique fiscale.

Par ailleurs, concernant les recettes, permettez-nous d’avoir de sérieux doutes sur les chiffres que vous avez portés dans vos documents budgétaires. En effet, pour la deuxième année consécutive, les recettes de l’impôt sur le revenu ne sont pas au rendez-vous : 5,5 milliards de recettes ne sont pas rentrées l’année dernière, et la prévision est identique pour cette année. C’est suffisamment inquiétant pour que nous le soulignions.

Ensuite, en matière de dépenses, après votre arrivée en 2012, vous avez multiplié les dépenses de guichet dans des proportions inédites ! Si, messieurs les ministres ! Aujourd’hui encore, la progression de la masse salariale de l’État, le tiers payant généralisé, la garantie jeunes, l’augmentation du RSA : ce sont bien des dépenses de guichet, vous ne pouvez pas le nier ! Or, tout cela n’est pas gagé, si ce n’est par du déficit ! Les 50 milliards d’euros que vous avez inscrits en économies, alors que vous les redistribuez différemment, ne sont pas des réalités : c’est pour cela que nous craignons les risques de dérive de votre politique économique.

Quant à la contribution des collectivités territoriales, votre ouverture nous a interpellés, monsieur le ministre, parce que vous nous avez laissé penser qu’on donnait aujourd’hui une prime aux mauvais gestionnaires !

Enfin, pour conclure, nous allons assister à une baisse des investissements publics. Or il est nécessaire de renvoyer ce texte en commission puisque, monsieur le ministre, vous nous avez invités à aller voir le dossier de presse : comme nous en sommes déjà à l’examen du budget et que nous n’avons pas vu le dossier de presse, il est urgent de pouvoir aller le consulter en commission des finances ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Castaner. Chère madame Dalloz, vous auriez dû en profiter : le dossier de presse a été distribué par les ministres le jour où ils sont venus, après le Conseil des ministres ! Cela fait à peu près trois semaines : vous auriez pu en profiter pour le récupérer !

Pour évoquer le sujet sur lequel nous sommes mobilisés, faut-il un renvoi en commission et, si oui, pour quoi faire ? Devons-nous faire un peu d’archéologie ?

M. Michel Sapin, ministre. De paléontologie, plutôt !

M. Christophe Castaner. Je dis très clairement à mes collègues de l’opposition que nous aurions préféré qu’ils fassent à leur place et en leur temps de l’archéologie préventive pour éviter de creuser le trou dans lequel ils nous ont mis ! On voit, on entend Mme Pécresse ; on voit, on entend M. Woerth. Ces experts nous ont expliqué comment faire des déficits : il était inutile de nous l’expliquer, vous nous l’avez démontré ! Et quel déficit ! 148 milliards d’euros par an ! Vous critiquez celui qui vous est proposé aujourd’hui, alors qu’il est réduit de 50 %, à 75 milliards.

Monsieur Carré, vous évoquiez tout à l’heure le bonneteau ; or pour jouer au bonneteau, il faut un escamoteur : on voit où il se situe aujourd’hui !

M. Jean-François Lamour. Ça, c’est sûr ! C’est même évident !

M. Christophe Castaner. Vous nous expliquez que le déficit est scandaleux, alors que nous avons en mémoire celui que vous avez réussi à porter à des sommets : plus 7,2 % en 2009 !

Vous dansez aujourd’hui autour d’un fol espoir : celui de la sanction de l’Europe, que vous semblez presque appeler de vos vœux. Or j’ai à l’esprit les propos de Nicolas Sarkozy dans sa conférence de presse lors de la présentation de ses vœux en 2012 : alors que la France venait de perdre son triple A, il avait dénoncé le « spectacle indécent de certains contre leur pays ». Tel est, mesdames et messieurs de l’opposition, le spectacle que vous semblez donner aujourd’hui ! (« Très bien ! » sur divers bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs, Mme Pécresse a ajouté que la stratégie de la France ne devait pas changer. Eh bien si ! La stratégie de la France a changé, par exemple en ce qui concerne nos choix fiscaux. Nous les assumons parce qu’ils visent à réduire les inégalités !

Vous avez ouvert le débat en comparant la France à la Grèce : je pense qu’il est temps non plus d’en venir aux insultes, mais plutôt de nous mettre au travail. Voyons, à travers vos amendements, votre capacité à ne pas nous faire dépenser toujours plus, mais plutôt à bien gérer ce pays. Pour toutes ces raisons, il me semble inutile de retourner en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Je vais vous donner un autre exemple, mes chers collègues, de ce fameux impôt confiscatoire que nous aurions en France : quand on gagne 151 200 euros, il restait, avec la tranche maximale à 41 %,…

M. Christian Jacob. On n’avait déjà rien compris tout à l’heure !

M. Éric Alauzet. Il faut bien écouter ! Avec 150 000 euros de revenus, il restait à vivre, avant la réforme fiscale, 10 360 euros par mois. Avec la tranche à 45 %, il reste 10 000 euros par mois : cela représente une perte de 360 euros par mois pour un revenu de 10 000 euros par mois. Voilà le pays que vous décrivez, avec ses impôts confiscatoires !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. Nous en venons aux orateurs inscrits dans la discussion générale. Je vous rappelle que les porte-parole des groupes interviendront demain après-midi, après les questions au Gouvernement.

La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, de tous les budgets tordus, insincères, bancals, maladroits ou faibles que nous avons vu défiler depuis des années dans cette assemblée,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Serait-ce un acte de contrition ?

M. Bruno Le Maire. …celui que vous nous présentez, messieurs les ministres, mérite certainement la palme d’or ! Ce budget est en effet à la fois L’aveu, La grande illusion et Le dîner de cons en un seul texte : toutes mes félicitations !

C’est d’abord L’aveu : l’aveu que le déficit public ne se réduira qu’à peine, de 4,4 % à 4,3 % du PIB – et encore, avec des précisions de croissance que vous n’atteindrez probablement pas, monsieur Eckert, quelle que soit l’humilité que l’on puisse mettre dans les prévisions de croissance. Le retour à 3 %, vous ne le ferez jamais sous ce quinquennat, quelles que soient les promesses faites par le Président de la République, faute de réforme de structure courageuse, dont vous parlez sans cesse mais que vous ne faites jamais !

M. Alain Chrétien. Exactement !

M. Bruno Le Maire. Cette dérive se traduit par un chiffre : 2 000 milliards d’euros de dette, un seuil symbolique qui inquiète tous les Français !

Ce texte, c’est aussi La grande illusion : vous nous faites croire à des économies de 50 milliards d’euros sur trois ans,…

M. Alain Chrétien. C’est un leurre !

M. Bruno Le Maire. …économies calculées avec des progressions tendancielles généreusement estimées – ce qui permet de les gonfler : 1,7 % en volume, 2,7 % en valeur –, si bien, comme l’a rappelé M. Eckert, qu’il y a seulement 1,8 milliard d’euros d’économies réelles et de baisse de dépenses réelle sur l’État, sur les 7,7 milliards d’économies affichées.

Il en va de même pour les dépenses de santé et pour les économies sur les autres dépenses de sécurité, qui sont dues bien davantage aux choix faits par la convention UNEDIC et par l’accord AGIRC-ARRCO qu’aux seules décisions du Gouvernement.

Ce sont donc des économies en trompe-l’œil, des économies qui ne changent rien en réalité à la dépense publique dans notre pays. Un seul exemple : vous supprimez 1 200 postes à équivalent temps plein cette année. Vous faisiez beaucoup mieux l’année dernière : 2 400 en 2013, 3 300 auparavant ! Pourquoi n’avez-vous pas poursuivi dans la même ligne pour faire de réelles économies ?

Enfin, ce budget, c’est Le dîner de cons ! Malheureusement, les invités de ce dîner sont tous les Français, sans exception ! Ce sont les fonctionnaires, dont vous gelez le point d’indice ! Ce sont les quatre cent soixante mille retraités, avec la baisse des retraites et l’augmentation du taux réduit de la CSG qui passe de 3,8 % au taux normal de 6,6 % ! Ce sont ceux qui se déplacent pour travailler, avec l’augmentation de la fiscalité sur le gazole de deux centimes d’euros par litre ! Ce sont tous ceux qui regardent la télévision, avec l’augmentation de la redevance ! Ce sont les familles, avec la baisse du quotient familial ! Ce sont les collectivités territoriales, qui sont frappées comme jamais ! Tout le monde y passe ! Le problème, messieurs les ministres, c’est que ce dîner de cons fait fuir les Français hors de France – les jeunes, les entreprises – et qu’il risque de conduire à La grande évasion.

M. Philippe Le Ray. Ils ne réagissent même pas !

M. Michel Sapin, ministre. C’est la plus grande indulgence dont nous pouvons faire preuve !

M. Bruno Le Maire. Le Premier ministre, sur ce même banc, disait tout à l’heure : « Dans le fond, quelles économies ? Ne faut-il pas sortir de la logique du rabot ? » Voilà ce que propose l’opposition : sortir de la logique du rabot qu’on applique depuis des années ! J’accepte même que vous nous mettiez dans le même sac, messieurs les ministres, si cela nous permet de réinventer enfin le modèle français.

Prenons l’exemple de la santé : qu’est qui vous empêchait, depuis deux ans, de développer massivement l’ambulatoire, de réduire la durée d’hospitalisation,…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous l’avons fait !

M. Bruno Le Maire. …de réduire les prix des transports sanitaires – 6 milliards d’euros de dépenses rien que pour les transports par taxi ou par ambulance ! Qu’est qui vous empêchait de rétablir une franchise pour l’aide médicale d’État de 100 euros minimum ? Qu’est qui vous empêchait de développer la prévention et de faire de notre système de prévention un système de solidarité, au lieu de la gabegie que nous constatons actuellement ?

Mme Christine Pires Beaune et M. Marc Goua. Et qu’est-ce qui vous en a empêchés en dix ans ?

M. Bruno Le Maire. En matière de fiscalité, la grande réforme promise par M. Ayrault se résume à la simple suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu. Moi qui suis partisan d’une véritable progressivité de l’impôt sur le revenu, j’aurais préféré que vous fassiez en sorte que tous les Français paient cet impôt, quel que soit le niveau de leur revenu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Fauré. Ils en paient à travers la TVA !

M. Bruno Le Maire. De même, vous auriez mieux fait de fiscaliser l’ensemble des prestations de redistribution, pour qu’équitablement chacun contribue en fonction de son revenu.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous êtes tous d’accord avec cette proposition ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je signe des deux mains !

M. Bruno Le Maire. Vous auriez pu plafonner les allocations d’aide sociale à deux tiers du SMIC pour que ceux qui travaillent gagnent plus que ceux qui ne travaillent pas.

Mme la présidente. Concluez.

M. Bruno Le Maire. Pour conclure, j’espère que ce premier budget du gouvernement Valls ne sera pas pour vous La dernière séance, messieurs les ministres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Apparemment certains veulent se donner une image de bad boy. « Dîner de cons » : voilà un langage aussi violent et fleuri que celui de votre collègue Brice Hortefeux évoquant votre œuvre, à en croire un hebdomadaire satirique à paraître demain. Je crois qu’elle mérite mieux que les qualificatifs prêtés à votre collègue.

J’ai encore en tête l’aveu de faillite d’un ancien Premier ministre, vite contredit par le Président d’alors, qui nous annonçait qu’il irait chercher la croissance avec les dents.

Depuis sept ans nous traversons une situation économique et budgétaire sans précédent, caractérisée par une croissance faible – 0,4% attendu cette année – et une inflation anormalement basse, estimée à 0,5% en 2014.

Bien sûr la crise est aussi européenne, je dirais même qu’elle est celle de l’Europe. À ceux qui espèrent une censure européenne de notre budget, je préfère opposer l’engagement de Michel Sapin, qui hier encore, au Luxembourg, défendait le modèle de développement européen. L’Europe vit un moment clé de son histoire. C’est ce que la France martèle depuis plusieurs semaines par la voix du Président de la République. Il le fait, non pas pour la France, mais pour l’Europe tout entière, car, dans ce moment, aucun pays d’Europe ne peut s’isoler ; chacun doit prendre sa part de l’intérêt général européen.

La France, pays fondateur de l’Europe, mène depuis deux ans d’importantes réformes structurelles sur son territoire et plaide au niveau européen pour une politique de soutien à la croissance et l’emploi.

Le projet de loi de finances pour 2015 maintient la trajectoire de réduction de la dette, tout en en adaptant le rythme à la conjoncture. Nous devons appliquer des stratégies différenciées selon les spécificités de chaque pays.

Dans ce contexte, la Commission européenne ne doit pas reconduire une mauvaise analyse économique et des prescriptions qui ont pu casser la reprise – j’ai en tête les constats bien tardifs de la Commission précédente.

Pour redresser le pays, le Gouvernement a fait le choix de tenir un discours de vérité sur notre situation économique et ses conséquences sur les finances publiques. Pour y remédier, il a mené des actions fortes, avec courage et détermination. L’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, la compétitivité et l’emploi, le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité mobiliseront un total de plus de 40 milliards d’euros.

Nous ne reculerons ni sur les moyens annoncés, ni sur le calendrier de mise en œuvre car ces mesures sont synonymes de stabilité et d’espoir pour nos entreprises et leur activité.

L’engagement de maîtrise de la dépense sera également strictement respecté, avec un plan sans précédent de 50 milliards d’euros d’économies pour la période 2015-2017, qui permettra d’en finir avec le piteux héritage laissé trop généreusement par la droite.

Depuis deux ans et demi nous agissons. Jamais la dépense publique n’a été aussi maîtrisée que depuis 2012, un record depuis le début de la VRépublique. Cet effort s’amplifie aujourd’hui sous votre autorité, messieurs les ministres.

L’État devient responsable. La réduction du train de vie de l’Élysée, qui a permis de réaliser plus de cent millions d’économies depuis le départ de Nicolas Sarkozy, suffit à le prouver. À la hausse de l’indemnité présidentielle, à l’argent public dilapidé en sondages et autres enquêtes d’opinion, nous préférons les économies !

Le rythme de réduction des déficits sera néanmoins adapté à la situation, car non seulement le Gouvernement a fait le choix de la vérité, mais il a aussi fait le choix de la responsabilité ! On ne peut malheureusement pas en dire autant de tout le monde lorsqu’on voit se multiplier les amendements dépensiers émanant des bancs de l’opposition.

C’est une situation pour le moins paradoxale quand à l’UMP, c’est la compétition à celui qui proposera le plus d’économies : 100 milliards pour l’un, 110 milliards pour l’autre, le gagnant évoquant même 130 milliards. Comment osez-vous prôner aujourd’hui une telle réduction de la dépense alors que sous la précédente mandature, vous n’avez pas eu le courage d’en proposer le dixième ?

Il faut être amnésique pour crier au scandale devant l’actuel déficit, comme vous le faites, alors que vous surfiez sur un déficit de 7,2 % en 2009.

Pourtant, si on écoute l’opposition, ici comme en commission, aucune économie n’est possible, qu’il s’agisse de faire contribuer les chambres de commerce et d’industrie à l’effort de la nation ou d’inciter les collectivités locales à maîtriser les dépenses. Pourtant, François Fillon propose de faire 55 milliards d’économies, dont la moitié sur les seules collectivités locales.

En réalité, ce que vous proposez c’est toujours plus de dépenses, comme le révèle la lecture attentive de la quasi-totalité de vos amendements.

Vous prétendez qu’une hausse de deux centimes du prix du gazole va asphyxier les Français, alors même que, sous les deux mandatures précédentes, son prix moyen est passé de 0,82 euro à presque 1,30 euro en 2012, sans que vous y ayez trouvé rien à redire.

Nous assumons notre politique budgétaire sans en oublier pour autant nos priorités. Ainsi, alors que la majorité précédente avait fait du paiement des intérêts de la dette le premier poste de dépenses de l’État, aujourd’hui c’est l’enseignement scolaire qui occupe ce rang, parce qu’il s’agit de préparer l’avenir d’un pays qui n’est pas condamné, à l’inverse de ce que vous essayez de le faire croire.

Ce projet de loi de finances veut réconcilier les valeurs et les principes qui sont les nôtres avec une pratique responsable de la gestion publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Le président de notre groupe devant intervenir sur le projet de loi de finances, je me bornerai à quelques observations sur la loi de programmation des finances publiques.

La programmation des finances publiques est une construction intellectuelle qui emprunte beaucoup aux mathématiques, ce qui lui donne une apparence de rigueur, tout en omettant de tenir compte de données fondamentales et incontournables, ce qui rend les projections à ce point erronées qu’elles en deviennent poétiques. Dans le genre de la fiction poétique cependant, nous sommes encore loin de 1’ Office of management and budget des États-Unis d’Amérique.

Au nombre des données fondamentales que nous omettons de prendre en compte dans cette odyssée financière, ce scénario dont nous savons bien qu’il ne se réalisera pas, il y a le fait que, sur une période de cinq ans et en l’absence de tout dynamisme de croissance, les restrictions budgétaires produisent un effet déflationniste. La situation actuelle de l’Europe en est une magnifique illustration.

Certaines théories, d’ailleurs controversées, comme celle des professeurs Rogoff et Reinhart, prétendent que la rigueur produit des effets de croissance au-delà de sept ou huit ans. Cependant, outre que nos projections ne dépassent pas cinq ans, l’expérience récente des cures budgétaires européennes nous conduit à constater que le remède tue le malade avant de le guérir – je mets à part le cas de pays comme la Grèce qui, dans l’absence de réelles structures économiques, n’est pas significatif à cet égard.

En second lieu, nous feignons de croire que la croissance sera mécaniquement relancée par de simples allégements de charges, présents ou futurs. Sans nier la possibilité d’un effet positif de l’allégement des charges, on peut dire qu’il ne produira que peu de résultats en l’absence de réformes structurelles visant à restaurer la fluidité du marché du travail et l’attractivité de l’investissement en France.

Au-delà des incantations, des pavés jetés dans la mare tous les deux jours environ, des pétitions de principe sur le « business » que l’on aime et le « bashing » que l’on déplore – tout cela dans le respect de la loi Toubon –, la flexibilité du marché du travail doit être restaurée, comme le soulignait Jean Tirole, nouveau lauréat du prix d’économie décerné en souvenir d’Alfred Nobel, en s’appuyant sur une analyse scientifique de la connaissance des acteurs.

Celui-ci si déplore par exemple qu’un juge, qui n’a aucune compétence dans ce domaine, puisse avoir à apprécier la validité d’un choix économique de licenciement, alors que, selon lui, cet acte devrait être libre, quitte à demander à l’entreprise d’en supporter les conséquences financières à travers la prise en charge de l’indemnisation du chômage. Une telle solution n’est ni libérale, ni irresponsable pour l’entreprise, mais elle est juste.

Quant à l’attractivité, elle suppose la confiance, qui est loin d’être revenue, en tout cas chez les investisseurs étrangers. Même les capitaux français préfèrent s’investir à l’étranger quand ils en ont la possibilité.

Plutôt que de réformer sans trop le dire ou de réformer progressivement dans le cadre de concertations, vous procédez par effets d’annonce successifs suivis par autant de crises de nerfs corporatistes et de reculades.

M. Alain Chrétien. C’est dur à entendre, n’est-ce pas ?

M. Paul Giacobbi. Enfin vous ne tenez pas compte, non pas du risque d’une nouvelle crise financière, mais de la certitude qu’elle se reproduira à court terme. On m’a reproché tout à l’heure de confondre 2007 et 2008. Le Journal officiel fait foi qu’à l’automne 2007 je disais ici à Mme Lagarde que la crise financière, qui avait déjà pris des proportions monstrueuses aux États-Unis et en Grande-Bretagne, allait bientôt nous atteindre.

De même ont peu d’ores et déjà affirmer, sans être un expert ni même un lecteur régulier de la littérature économique, que le flot de liquidités née d’une création monétaire illimitée va submerger le monde.

C’est d’autant plus vrai que l’économie est entrée clairement dans une stagnation qui prélude à la déflation,  en Europe, Allemagne comprise, et même en Chine. Quant au dynamisme apparent des États-Unis, il est largement artificiel, puisque provoqué par la plus colossale création monétaire que le monde ait connue.

Malgré ces remarques, je ne peux que rendre hommage à la compétence, au courage et à la détermination budgétaire du Gouvernement. On ne peut pas lui reprocher de ne pas inclure dans sa prévision le risque d’une crise financière majeure, ni d’avoir du mal à lancer des réformes sur lesquelles tous les autres gouvernements se sont cassé les dents, ni de s’efforcer d’entrer dans un cadre européen qu’il fait tout pour assouplir.

Le rapport politique au sein d’une majorité ne se réduit pas à la tentation de se désolidariser quand cela va mal, encore moins à une pratique qui s’apparenterait au chantage.

La loyauté qui est la nôtre n’est pas aveugle, elle n’en a que plus de mérite. Vous savez, messieurs les ministres, que vous pouvez compter sur elle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, vous me permettrez de faire enfin entendre une voix dissonante.

Une fois encore le projet de loi de finances ne traduit qu’une préoccupation : la baisse de la dépense publique !

Qu’importe si celle-ci se fait au détriment des ménages et des collectivités territoriales.

Qu’importe si elle porte préjudice aux services publics.

Qu’importe si elle porte atteinte à l’emploi.

Le dogme de la réduction de la dépense publique semble s’être imprimé dans l’ADN de notre gouvernement.

Il faudrait baisser la dépense publique parce que le poids de la dette nous écrase et il faudrait relancer l’économie par une distribution sans précédent d’argent public aux entreprises, sans contreparties et sans contrôle.

Telle fut l’unique perspective de ces trente mois d’action gouvernementale, pour un résultat nul en matière de lutte contre le chômage et de croissance et au prix d’une succession des revers électoraux.

On ne cesse de rendre les Français, les élus de la République et les collectivités territoriales responsables de la dette publique, alors qu’une de ses principales causes est l’enrichissement des banques et de leurs actionnaires.

En effet, pour une dette qui dépasse aujourd’hui 2 000 milliards, les banques ont encaissé depuis 1973 et la loi Pompidou-Rothschild 1 600 milliards d’euros d’intérêts. Ces chiffres devraient suffire à faire réfléchir notre assemblée.

Ce projet de loi de finances porte en lui ce que nous regrettons depuis des mois : il tend à faire payer aux ménages et aux collectivités territoriales la facture des cadeaux faits aux entreprises.

Permettez-moi, dans cette discussion générale, de m’arrêter sur la question des collectivités territoriales : 3,67 milliards d’euros de baisse des dotations dès 2015, 11 milliards d’euros d’ici 2017. Après la suppression de la taxe professionnelle en 2010 par Nicolas Sarkozy et l’instauration d’une contribution économique territoriale sur laquelle les collectivités n’ont qu’une marge de manœuvre réduite, apparaît maintenant une série de baisses de dotations, dont 1,5 milliard cette année, et de ponctions nouvelles pour les collectivités.

S’ajoute à cela une réforme des collectivités territoriales illisible, incomprise et impossible à mettre en œuvre d’ailleurs : je pense en particulier aux métropoles. Tout cela démontre comment, lorsque l’organisation de la République est abordée à travers le seul prisme comptable, l’échec est souvent – pour ne pas dire toujours – au rendez-vous.

En même temps, les communes, toujours aux avant-postes, se retrouvent à financer une mesure pour le moins contestée – je parle évidemment de la mise en œuvre des rythmes scolaires – d’autant que le fonds d’amorçage doit disparaître du droit commun pour l’année scolaire 2015-2016.

Quand on étrangle les collectivités territoriales, c’est le service public local qui est étranglé, c’est la capacité des collectivités territoriales, notamment des communes, à agir comme correctrices des inégalités ; c’est l’accès au sport, à la culture, au logement, aux loisirs, aux structures d’enfance et de petite enfance qui perd du terrain. Au-delà, c’est l’ensemble de l’économie qui est affecté par ce choix court-termiste et contre-productif de réduction drastique de la DGF.

Moins de moyens pour les collectivités, c’est moins d’emploi public et privé, c’est moins d’appels d’offres avec un effet boomerang terrible pour les artisans, TPE, PME, qui en sont souvent les premiers bénéficiaires. Quelle contradiction !

Et je vois ce matin – sans doute un pur hasard – qu’est publié un rapport de la Cour des comptes sur les collectivités territoriales. Dans cette véritable profession de foi libérale, on parle de comptabilité et non de politique publique locale ; la masse salariale, les dépenses de fonctionnement, les ratios se substituent à la vraie vie qui sonne en ces mots : « inégalités, service public, écoles, démocratie, insertion, solidarité… », bref à la vraie vie des Français.

Ce chemin qui nous est proposé, et que détaille avec zèle la Cour des comptes, ressemble à celui de l’Allemagne où, à force de désinvestissement local, il devient impossible de trouver une place en crèche et où, pour des raisons économiques et structurelles, les Allemands en sont réduits à placer les personnes âgées, leurs parents, dans des maisons de retraites en Slovaquie ou en Pologne…

Pour notre part, au groupe GDR, nous abordons la lecture de ce texte en proposant un chemin inverse, qui consiste à dégager des moyens pour les services publics, pour les collectivités territoriales avec, par exemple, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières dont la finalité serait d’abonder la contribution économique territoriale. Cela suppose de dépasser le dogme libéral de la réduction forcenée de la dépense publique et en nous donnant les moyens d’une autre politique qui passera forcément par une réforme fiscale de grande ampleur, maintes fois annoncée et jamais concrétisée.

Les amendements que nous défendons vont dans ce sens, sur le seul chemin d’une politique de gauche ambitieuse qui donne un véritable souffle à la France et aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauré.

M. Alain Fauré. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi marque une étape supplémentaire importante dans l’exécution des engagements pris par le Président de la République et le Gouvernement.

Le projet de loi de finances pour 2015 comporte, en effet, des mesures de maîtrise des dépenses et des mesures de nature à permettre à notre pays de retrouver plus de croissance et d’emploi. Nous le savons, la situation économique et financière de la France est délicate et celle de l’Europe aussi : le seul moyen de traverser cette période difficile est de maintenir le cap qui a été défini.

Par ailleurs, l’Europe est confrontée à une croissance faible : après avoir surmonté la crise du système bancaire, puis celle de la dette, elle n’a toujours pas retrouvé le niveau d’activité qu’elle connaissait il y a six ans.

Cette croissance et l’inflation trop faibles pèsent sur la capacité de nos économies et contribuent à maintenir les déséquilibres économiques. La dépréciation de l’euro et la baisse du prix du pétrole pourraient peut-être aider à changer la donne.

Le Gouvernement doit tenir compte de cette situation et modifier, dans la loi de finances pour 2015, le rythme de la consolidation budgétaire. De gros efforts ont été demandés aux Françaises et aux Français depuis 2010. Le rythme des efforts doit être adapté, sous peine de devenir contre-productif. Cependant, la maîtrise des dépenses doit être maintenue, afin de canaliser la dette car elle fragilise notre économie et pourrait se révéler mortifère si les taux d’intérêts venaient à augmenter dans les années à venir.

Le Gouvernement français joue cependant la prudence dans l’élaboration du projet de loi de finances pour 2015. Le taux de croissance a été revu à la baisse, à 1 %, et l’inflation devrait se redresser lentement pour atteindre 0,9 % contre 0,5 en 2014. L’OCDE corrobore le taux de croissance prévu par le Gouvernement.

Nous devons plus que jamais tenir compte de cette dette, qui s’élève à 2 000 milliards d’euros : presque l’équivalent de notre PIB des 2114 milliards d’euros.

Fort heureusement, les taux d’intérêt auxquels la France emprunte demeurent bas, mais la vigilance doit l’emporter sur ce point.

Depuis le début de la législature, la majorité a adopté une stratégie économique qui repose sur deux piliers.

Le premier pilier est constitué des politiques d’emploi, d’investissement et de croissance. La seconde tranche du CICE amplifiera le soutien national en augmentant les allégements de 12 milliards supplémentaires. Autant de marges qui permettront aux entreprises de moderniser leur outil de production, de former et d’embaucher et surtout d’être plus compétitives face à des concurrents virulents à l’international. À chacun ses engagements : les entreprises doivent aussi agir et passer à l’acte, aller chercher des marchés à l’extérieur pour embaucher.

Le second pilier est l’assainissement de nos finances publiques, que nous menons parallèlement aux efforts consentis en faveur de la compétitivité. Les mesures que nous avons adoptées depuis 2012 ont produit des effets, même si la faible croissance cache une partie des résultats. Le déficit structurel, qui traduit les déséquilibres profonds de nos comptes, corrigé du cycle économique, aura été quasiment divisé par deux entre 2011 et 2014. Il atteint son plus bas niveau depuis 2001.

Les importants efforts demandés aux Français portent leurs fruits, puisqu’en deux ans et demi, nous avons résorbé les déséquilibres accumulés pendant dix ans, entre 2002 et 2012. Le projet de loi de finances pour 2015 témoigne du même volontarisme, quoi qu’en dise l’opposition qui, elle, a contribué à amplifier la dette comme jamais en période de paix.

L’effort de maîtrise de la dépense sera respecté par la construction d’un plan de 50 milliards d’économies entre 2015 et 2017, dont 21 milliards en 2015. La dépense publique progressera à un rythme équivalent à celui prévu, soit 1,1 % en 2015, contre plus de 3 % par an en moyenne entre 2002 et 2012.

L’ensemble des mesures annoncées en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l’emploi seront intégralement mises en œuvre. Elles sont nécessaires aux entreprises pour restaurer leurs marges perdues entre 2007 et 2012.

Ce projet de loi de finances prévoit aussi la baisse de l’impôt sur le revenu des ménages aux ressources modestes et moyennes, comme nous nous y étions engagés.

Le déficit du budget passera à 4,3 % du PIB en 2015. Nous devons poursuivre la réduction des dépenses de l’État, pour accompagner en particulier la réforme du bas du barème de l’impôt sur le revenu, ce qui redonnerait 3,2 milliards d’euros aux ménages moyens et modestes. Nous devons faire bénéficier neuf millions de foyers fiscaux d’une baisse de leurs charges fiscales et, surtout, faire sortir de l’impôt un million de ménages qui y sont entrés au cours des dernières années.

Ainsi, en 2015, pour la première fois depuis cinq ans, la part des prélèvements dans la richesse nationale baissera. C’est également grâce à ces économies que nous retrouvons des marges de manœuvre pour financer nos priorités : l’éducation, la jeunesse, l’avenir, l’emploi, la solidarité et la sécurité.

La bonne gestion de l’argent public est une obligation qui est due à tous les Français, notamment ceux dont les revenus sont faibles car ils sont les premières victimes de la crise.

L’État et les agences contribueront à ces économies à hauteur de 7,7 milliards en 2015, les collectivités locales à hauteur de 3,7 milliards d’euros par an, pour un total de 11 milliards, et l’assurance maladie à hauteur de 3 milliards dès 2015, pour un total de 10 milliards d’euros. Les autres organismes de protection sociale apporteront le solde des économies, pour plus de 6 milliards d’euros.

Le Gouvernement propose de maintenir l’effort dans le domaine de l’éducation nationale : un budget de 66,4 milliards est proposé. Cela en fait la première dépense de l’État. Ainsi, 9 561 postes seront créés en 2015 pour accompagner, dans l’enseignement primaire, les élèves et la formation des professeurs des écoles. Nous devons consentir un effort pour l’enseignement primaire, c’est ce qui est proposé.

La majorité assume le sérieux budgétaire, mais refuse une austérité qui serait négative pour l’activité économique de notre pays. Je soutiens ce projet de loi et appelle, mes chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, ce Gouvernement, on le voit, on le sent, est coincé : coincé entre Bruxelles et sa majorité frondeuse.

En définitive, le budget qui nous est présenté ce soir ne nous sortira pas du déclin, ne nous mettra pas à l’abri de l’effondrement et en tout cas ne permettra en rien le redressement de notre pays.

Pourtant, monsieur le ministre, vous savez ce qu’il faut faire, mais vous ne le faites pas. Vous êtes un homme intelligent, vous écoutez, mais vous n’entendez pas, parce qu’en définitive, vous êtes aujourd’hui dans une sorte de confort : vous faites le service minimum, pour essayer de passer sous les fourches caudines de Bruxelles ou des agences de notation. Ce qui n’empêchera peut-être pas, hélas – et je ne m’en réjouis pas –, l’agence Fitch d’abaisser encore la note de la France : le journal Les Échos en fait état.

Pour l’instant, on nous prête. Pour l’instant, vous faites semblant. Pour l’instant, vous gagnez du temps, mais à un moment ou à un autre, nous serons rattrapés.

Je ne fais pas partie de ceux qui se complaisent dans le French bashing. J’aime profondément mon pays. Je sais qu’au moment où je vous parle, il ne faudrait pas grand-chose pour que tout s’écroule. Mais nous savons aussi que nous vivons dans un pays formidable où il ne faudrait pas grand-chose non plus pour que tout reparte. Il faudrait pour cela la confiance. Il faudrait pour cela du courage.

Or, la confiance ne peut pas rimer avec le mensonge. Ce budget est un budget de mensonge et vous le savez. Évidemment, je ne suis pas sûr qu’aucun gouvernement ait été totalement exemplaire au cours des trente dernières années, il faut aussi le confesser.

M. Michel Sapin, ministre. C’est un euphémisme !

M. Xavier Bertrand. Cela s’appelle tout simplement la lucidité. S’il n’y a pas de lucidité, il n’y a pas de vérité. S’il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de courage.

Mais une chose est certaine : ce budget, comme les deux précédents, repose sur des hypothèses de croissance trop optimistes et vous le savez.

Vous savez aussi que nous sommes rattrapés par une réalité, celle des déficits : 2,2 % disait-on. Nous sommes à 4,3…

Voilà pourquoi, vous le savez bien, nous serons encore une fois rattrapés. Vos mesures ne seront que des rustines, en cours de route, si tant est que nous puissions échapper à la rigueur de nos prêteurs, à celle de la Commission européenne ou à la rigueur d’un chômage qui ne reculera pas, parce que vous n’avez pas fait le pari de la croissance.

Il paraît que vous baissez les dépenses. Je ne dois pas savoir calculer…

M. Dominique Lefebvre. On l’a bien vu sous la précédente majorité !

M. Xavier Bertrand. …parce que, en définitive en 2013, en exécution, nous sommes à 376 milliards. Et il paraît que les dépenses baissent ? On voit qu’il n’en est rien.

Il paraît que les impôts vont baisser. Expliquez cela à ceux qui font leur plein de gazole : quatre centimes d’euros d’augmentation…

M. Christophe Castaner. Cinquante centimes quand vous étiez aux responsabilités !

M. Xavier Bertrand. …et peut-être plus, sous la pression des Verts qui, comme aux mauvais temps de la IVe République, menacent de ne pas voter ce budget si les deux centimes d’euro supplémentaires ne sont pas réclamés pour les poids lourds, au risque de casser définitivement la compétitivité des entreprises de transport.

Et sans parler de la dernière idée du Président de la République : si vous avez des tablettes, les uns et les autres, dites-vous bien qu’elles finiront par être taxées, comme les smartphones, parce que vous pouvez regarder la télévision dessus.

On cherche en permanence à tout taxer. Faites attention : le gazole d’un côté, les tablettes demain, tout cela montre que nous sommes aujourd’hui, hélas, à deux doigts d’une révolte fiscale, avec des Français qui n’en peuvent plus.

Parce que de nombreux gouvernements, de droite comme de gauche, ont augmenté les impôts, vous avez pensé que vous pourriez user du même expédient. Il est plus facile d’augmenter les impôts que de baisser les dépenses, c’est vrai. Mais vous n’avez pas vu que le vase était rempli à ras bord et que la goutte des 50 milliards d’euros l’a fait déborder. Les Français, aujourd’hui, n’en peuvent plus. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est la même chose pour les embauches : il paraît que c’est stabilisé. Ce n’est pas vrai, il suffit de regarder les opérateurs de l’État pour s’en rendre compte.

Je voudrais juste insister sur un point concernant les dépenses : la question de la défense. Au mois de mai dernier, je m’étais exprimé à ce propos. Aujourd’hui, il nous est affirmé que la loi de programmation militaire sera bel et bien exécutée. Alors, expliquez-moi comment vous pouvez exécuter complètement et fidèlement la loi de programmation militaire, alors que les dépenses liées aux opérations extérieures, les OPEX, sont en train d’exploser – pour des choix que j’approuve, pour des choix que nous assumons.

Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, en réponse à Valérie Pécresse, il y a eu des époques où ces dépenses n’ont pas été prévues. Vous êtes très fort si vous savez, vous, prévoir un an à l’avance quels serons les théâtres d’opération extérieurs où nous aurons à nous déployer. C’est la prérogative du chef des armées, pas du secrétaire d’État au budget !

M. Michel Sapin, ministre. C’est pour cela que nous demandons plus !

M. Xavier Bertrand. En tout état de cause, sur ces sujets, nous sommes aujourd’hui à 1,2 milliard d’euros, au lieu des 450 millions prévus, et nous savons que ces dépenses ne vont pas diminuer : elles vont augmenter. Cela va amputer l’exécution de la loi de programmation militaire. Non seulement vous ne tiendrez pas les engagements du Président de la République, mais notre effort de défense sera singulièrement menacé et amoindri.

Nous pouvons éviter cela mais il faut aussi être à la hauteur des engagements.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Xavier Bertrand. Je disais l’année dernière qu’en définitive, la marque de fabrique de ce quinquennat était le mensonge et que le manque de courage était celle du Gouvernement de François Hollande.

Hélas, cette année, je peux conclure de la même manière mais j’ajouterai juste une chose : la France mérite mieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous commençons aujourd’hui le troisième marathon budgétaire de cette mandature avec l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques d’une part et les habituels PLF et PLFSS pour 2015 d’autre part.

Je n’apprendrai rien à quiconque en rappelant que la situation économique est délicate en France et très inquiétante en Europe, y compris en Allemagne…

M. Michel Sapin, ministre. Absolument.

Mme Christine Pires Beaune. …qui jusqu’à ce jour était toujours citée en exemple.

Comme le président Carrez, je crois que ce ralentissement allemand donnera à réfléchir.

Cette année, la croissance est beaucoup trop faible et les pays de la zone euro n’arrivent pas à retrouver le niveau qu’ils avaient avant la crise de 2008.

Pour ne rien arranger, les politiques d’austérité appliquées dans de trop nombreux pays en même temps en Europe entraînent une chute de la consommation.

Dans ces conditions, l’inflation atteint un de ses plus bas niveaux historiques, la déflation menaçant la zone euro, donc nos finances publiques.

Les récentes décisions prises par la Banque centrale européenne vont dans le bon sens et ont déjà permis de faire baisser l’euro vis-à-vis des principales devises étrangères, la baisse du baril de pétrole constituant aussi une bonne chose pour nos économies.

Dans ces conditions, nous avons décidé de diminuer la pression fiscale, notamment, sur les plus modestes, mais nous devons aussi diminuer nos dépenses publiques, qui restent trop élevées.

J’attire toutefois l’attention de mes collègues : comparaison n’est pas raison. Par exemple, le périmètre de la dépense publique allemande n’est pas celui de la France.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai.

Mme Christine Pires Beaune. En termes de méthode je rappellerai, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, les propos que j’ai déjà tenus en commission des finances : plutôt que de s’accuser mutuellement de chaque côté de cet hémicycle de vouloir mettre à mal notre modèle social ou tuer les collectivités territoriales, nous ferions mieux de nous interroger sur nos politiques publiques, sur leur efficience, sur leur coût : on y gagnerait en clarté et en efficacité !

Cette année, les deux projets de loi comportent de nombreuses mesures relatives aux collectivités territoriales.

Tout d’abord, la loi de programmation propose la création d’un objectif indicatif d’évolution de la dépense locale. En effet, les objectifs budgétaires dans la loi de programmation portent sur l’ensemble de la dépense publique.

À partir de là, il n’est donc pas anormal d’avoir un indicateur pour les collectivités locales, sous réserve qu’il tienne compte de la nécessité de soutenir l’investissement local – mais j’y reviendrai au travers d’un amendement.

Ensuite, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une baisse des dotations de l’État, en l’espèce de la dotation globale de fonctionnement, de 3,67 milliards d’euros.

Toutes les collectivités locales participeront à l’effort de redressement des comptes publics, comme l’État et la Sécurité sociale.

Pour cette baisse, le Gouvernement nous propose un dispositif identique à celui de l’an passé. Personnellement, je regrette cette décision et je regrette surtout que le comité des finances locales, bien qu’ayant travaillé sur plusieurs scénarios dans le cadre de groupes de travail, n’ait pas voulu se prononcer au début de l’été. Dont acte.

Il devient en conséquence encore plus légitime de préserver l’effort de péréquation proposé par le Gouvernement car, nous le savons tous, l’hétérogénéité de nos collectivités est une réalité.

Si l’effort demandé est légitime, il est de notre devoir de législateur de s’assurer que les économies porteront bel et bien sur le fonctionnement et que cette baisse des dotations ne se traduira pas par une baisse des investissements car c’est l’activité économique et l’emploi qui sont en jeu, en particulier dans les entreprises de travaux publics, dont les représentants ont manifesté ce jour devant l’Assemblée nationale.

Pour préserver l’investissement local, j’ai proposé avec d’autres collègues plusieurs amendements dont certains ont été adoptés en commission des finances, notamment, sur le FCTVA. Je serai amenée à formuler de nouvelles propositions lors de nos débats.

Nous ne pouvons adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2015 sans des mesures fortes ciblées sur l’investissement local. Il est impératif qu’ensemble nous trouvions les moyens de maintenir le volume des investissements publics sans pour autant accroître déraisonnablement la dette ou trop augmenter la pression fiscale.

Les assises de l’investissement annoncées par le Président de la République au mois de septembre dernier et attendues par les associations d’élus doivent se tenir au plus vite.

Mes chers collègues, au-delà de cette question de la baisse des dotations et du niveau des investissements publics, c’est celle de la réforme des finances locales qui se pose à travers deux importants chantiers : d’une part, la réforme si souvent annoncée et jamais réalisée de la DGF – qui doit impérativement aboutir en 2016 ; d’autre part, le chantier de la fiscalité locale – nous devons engager la très difficile réforme de révision des valeurs locatives.

Mes chers collègues, ces deux chantiers sont indispensables pour pérenniser les finances de nos collectivités et les rendre équitables.

Je ne doute pas que nous saurons conjuguer nos efforts pour mener à bien ces travaux dans l’intérêt de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, le budget pour 2015 reflète l’échec de la politique menée par ce Gouvernement.

Échec, car ce Gouvernement est incapable de respecter ses prévisions. Il a une nouvelle fois revu à la baisse ses objectifs de déficits publics pour les années 2014 à 2017.

Le déficit public est prévu à 4,3 % du PIB en 2015 et le retour à l’équilibre est reporté à 2019. Les écarts par rapport à la loi de programmation des finances publiques votée il y a deux ans à peine sont, eux, considérables : moins 4,3 % du PIB de déficits publics en 2013 au lieu de moins 3 % ; moins 4,4 % de déficits publics en 2014 en lieu et place de moins 2,2 % du PIB.

Échec, parce que ce budget est marqué par le non endiguement des déficits. Le déficit continue de déraper avec 3 milliards de plus que prévu dans la loi de finances rectificative de juillet. Trois milliards de déficit supplémentaire, c’est colossal !

Échec, car ce Gouvernement s’était engagé à se conformer aux règles de discipline budgétaire de la zone euro, c’est-à-dire à ramener son déficit public à 3 % du PIB dès 2015. Or, cet objectif est reporté à 2017. Le Gouvernement ne tient donc pas sa promesse.

Pire encore, la Commission européenne pourrait émettre un avis réservé sur le projet de budget pour 2015 et demander qu’il soit modifié afin de respecter les engagements en matière de réduction des déficits. Le président de l’Eurogroupe a d’ailleurs plaidé ce lundi pour que la France modifie sa copie avant de la rendre mercredi à la Commission.

Devrons-nous subir la même humiliation que l’Autriche, qui a été obligée de modifier sa loi de finances au nom de la discipline budgétaire collective sous la menace d’une sanction équivalent à 0,2 % du PIB ?

Échec aussi car les dépenses publiques sont en hausse d’un point par rapport à 2012. En 2014, elles représentent 57,7 % du PIB, soit environ 1 200 milliards. Elles ont atteint leur niveau record depuis plus de cinquante ans. Cette situation rend impossible toute diminution de nos déficits publics et, par conséquent, de notre dette.

Échec encore car, pour la première fois, la dette publique française franchit la barre des 2 000 milliards d’euros. Rapportée à la richesse nationale elle s’élève à 95,1 % du PIB. Désormais c’est une dette dépassant les 100 % du PIB qui se profile.

Les mesures proposées dans ce projet de loi de finances 2015 relèvent du trompe l’œil.

La preuve : la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu, celle qui s’applique à la fraction des revenus comprise entre 6 011 et 11 991 euros par part. Neuf millions de ménages seront donc moins imposés. Toutefois, pour compenser la suppression de la première tranche, vous avez choisi d’abaisser de 11 991 à 9 690 euros le seuil de la tranche d’imposition à 14 %. Dans les faits, cela signifie que, pour les ménages modestes, une très légère augmentation de revenu se traduira par une augmentation significative de l’impôt, le phénomène étant manifestement voué à s’amplifier en 2016 sur l’imposition des revenus de 2015.

Depuis 2012, le rendement de l’IRPP a en gros progressé de 10 milliards. À travers ce budget, vous proposez aujourd’hui de diminuer ses recettes de 3,2 milliards en supprimant la tranche à 5,5 %.

Par ailleurs, on nous annonce une augmentation nette de 600 millions d’euros des recettes de l’impôt sur le revenu.

Donc, compte tenu des 3,2 milliards d’euros – coût de la suppression de la première tranche – la fiscalité des ménages progressera en fait de 3,8 milliards d’euros en 2015.

De plus, cette suppression est contrebalancée par de nouvelles hausses d’impôts : alourdissement de la fiscalité sur le diesel, montée en puissance de la taxe carbone, relèvement des cotisations retraite, hausse de la contribution au service public de l’électricité, augmentation de la redevance télé. La liste est longue et non exhaustive.

Pour résumer, monsieur le ministre, la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu aura un double effet : renforcer l’hyper-concentration de l’impôt sur le revenu ; faire porter davantage l’effort fiscal sur les classes moyennes – ce que vous refusez de voir.

Monsieur le ministre, à travers ce budget, vous demandez aux contribuables, aux entreprises, aux collectivités territoriales, aux chambres consulaires de la rigueur et des efforts alors que l’État est incapable de s’appliquer de telles contraintes car aucune réforme structurelle efficiente n’a été engagée.

Ce n’est pas aux Français de payer le prix de vos erreurs ou de votre négligence.

En conclusion, je ne peux évidemment soutenir ce budget qui souffre d’impréparation, d’absence d’anticipation, d’iniquité et d’irréalisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, ce PLF – nous l’avons tous constaté – traduit d’abord la difficulté de la France à atteindre les objectifs de réduction des déficits qu’elle s’était fixée.

Avec d’autres, nous avions alerté sur les risques que les politiques menées depuis deux ans faisaient peser sur l’activité et sur les recettes fiscales. Nous en voyons malheureusement aujourd’hui les conséquences.

Sur les recettes fiscales, d’abord, qui sont directement impactées par les crédits d’impôt et les exonérations accordées aux entreprises sans ciblage, qui entraînent un manque-à-gagner de 19,2 milliards sur les recettes de 2015.

Sur l’activité, ensuite, avec une politique de réduction des dépenses publiques et d’imposition des ménages qui pèse sur la consommation et l’investissement.

Cela se traduit dès 2014 par une révision à la baisse des prévisions de croissance, de 0,9 % à 0,4 %, et par une dégradation de la situation de l’emploi en France.

En un an, le chômage a augmenté de 5,2 %, ce qui représente 170 000 demandeurs d’emploi de plus qu’au mois d’août 2013.

Certes, les responsabilités sont aussi européennes. Une politique de réduction des dépenses publiques et du coût du travail mise en œuvre concomitamment dans tous les pays européens ne peut malheureusement aboutir qu’à ce contexte déflationniste, ne serait-ce que parce que nos premiers partenaires commerciaux sont européens.

Alors, oui, la responsabilité est européenne mais le devoir de la France, dans ce contexte, n’est-il pas de faire entendre sa voix en Europe pour que l’investissement, l’environnement et l’emploi soient au cœur d’une politique européenne concertée de sortie de crise ?

Je ne fais pas partie, monsieur les ministres, des adeptes du « y’a qu’à -faut qu’on » et je mesure la difficulté à faire émerger une politique alternative en Europe mais la situation est grave et il est temps que la Commission européenne réagisse. Nous comptons sur vous pour porter ce message.

Deuxième constat marquant de ce PLF : il s’inscrit – j’ai envie de dire, malheureusement – dans la continuité de la politique économique et budgétaire menée depuis le début de la mandature : 19,2 milliards de mesures en faveur des entreprises à comparer avec les 2,9 milliards en faveur des ménages.

Ce n’est donc pas un budget qui inaugure un changement de cap, vous en conviendrez, mais un budget qui poursuit une politique qui, pourtant, n’a pas fait ses preuves jusqu’ici.

Mais nous ne sommes pas là pour dresser le sombre constat d’une politique qui, pour l’instant, n’aboutit pas. Nous sommes là pour trouver ensemble, dans le cadre du débat budgétaire, les inflexions qui, peut-être, nous permettrons de nous diriger vers une sortie de crise.

A l’occasion de ce débat, nous nous montrerons particulièrement vigilants quant à l’évolution de trois sujets.

D’abord, le maintien des dotations aux collectivités locales – dont la DGF, qui baisse de 3,6 milliards, soit, 9 % – notamment parce que ce sont les premiers moteurs de l’investissement public et de la transition écologique.

Deuxième thème que nous porterons : l’aide directe à l’emploi, notamment, via les emplois d’avenir et l’apprentissage.

Vous le savez, si le crédit d’impôt compétitivité créait, non pas 300 000 emplois, comme cela avait été annoncé, mais 150 000, comme cela est maintenant prévu, le coût par emploi créé serait de 132 000 euros, alors qu’un emploi d’avenir coûte 23 000 euros au budget de l’État. C’est pourquoi il nous paraît plus efficace de soutenir directement les emplois d’avenir et l’apprentissage.

Enfin, et peut-être surtout, nous serons attentifs aux moyens consacrés à l’écologie, et tout particulièrement à la transition énergétique. Il importe en effet de traduire concrètement dans ce projet de loi de finances les mesures contenues dans la loi sur la transition énergétique, loi ambitieuse et réaliste que nous avons votée ensemble cet après-midi. Nous tenons à ce propos à dire combien nous inquiète la baisse du budget de l’écologie – une baisse de 6 %, qui représente 481 millions d’euros de coupes budgétaires – et, par voie de conséquence, celle du budget de l’Agence des infrastructures de transport, qui ne s’élèvera qu’à 1,9 milliard d’euros en 2015, bien loin des 2,2 milliards dont elle bénéficiait encore en 2013.

Vous le savez, les contrats de plan État-région, qui dépendent de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, sont de ce fait mis en difficulté, tout comme le troisième appel à projet relatif aux transports collectifs, pour lequel cent onze projets de collectivité avaient été soumis, qui concernent des lignes de tramway à Caen, Angers, ou encore Amiens et des bus à haut niveau de service, à Toulouse, Rouen ou Poitiers. Il est donc indispensable de renforcer ce budget pour entretenir, moderniser et développer notre réseau de transports collectifs, et ce d’autant plus que vous augmentez la fiscalité sur le carburant diesel de deux centimes et que vous avez donc la responsabilité d’offrir à nos concitoyens des alternatives au véhicule individuel.

J’ai proposé deux amendements en commission des finances et j’aimerais, monsieur le ministre, que vous me donniez d’ores et déjà votre sentiment sur ces deux dispositions, qui pourraient renforcer le financement des transports collectifs en France. La première consisterait à étendre la hausse de deux centimes sur le diesel aux transporteurs routiers.

M. Xavier Bertrand. C’est du chantage !

Mme Eva Sas. Non, monsieur Bertrand, ce n’est pas du chantage, mais simplement l’application du principe d’équité entre les transporteurs et les ménages. C’est aussi l’application du principe pollueur-payeur, un très beau principe que vous avez vous-même affirmé avec la loi relative au Grenelle de l’environnement. J’aimerais que, de temps à autre, vous vous souveniez de cette belle loi que vous avez votée en son temps.

Le deuxième amendement que j’ai déposé vise à mettre fin aux avantages fiscaux accordés aux sociétés d’autoroute, notamment à la déductibilité des frais d’emprunt. L’abandon de la taxe poids lourds, qui constitue pour moi un non-sens écologique et financier, pèse déjà sur les ménages, à travers l’augmentation des deux centimes sur le diesel. La moindre des choses serait que les transporteurs y soient également soumis : la simple équité l’exige. Nous vous proposons d’aller plus loin encore et de mettre fin à l’exonération dont ils bénéficient également sur la contribution climat énergie, soit deux centimes de plus.

Nous serons tout aussi attentifs aux mesures fiscales et budgétaires qui doivent accompagner la loi ambitieuse sur la transition énergétique que nous avons adoptée ensemble. Il est vrai que l’élargissement du crédit d’impôt développement durable, inscrit dans ce projet de loi de finances, qui prévoit la prise en charge de 30 % des travaux d’économie d’énergie, est une véritable avancée, mais nous vous demanderons d’inscrire également dans le PLF les autres mesures prévues par la loi de transition énergétique. Je pense notamment au chèque énergie, qui n’y figure pas encore, alors même qu’il s’agit de l’une des mesures phares de cette loi.

Nous serons attentifs à ce que la loi sur la transition énergétique ne reste pas lettre morte, faute de moyens, et à ce que l’écologie trouve sa place dans les priorités budgétaires de ce gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, personne ne peut se réjouir de la situation économique et budgétaire de la France. Nous n’en avons pas moins le devoir de critiquer la politique qui nous a menés là où nous en sommes : matraquage fiscal, renoncement à toute stratégie d’économies structurelles, érosion des recettes, absence totale de lucidité et même de sincérité sur le plan des finances publiques.

Tout cela, nous le dénonçons avec vigueur depuis plus de deux ans, bien avant la Commission européenne, notamment par la voix de notre président de la commission des finances, Gilles Carrez. Mais à aucun moment, nous n’avons été entendus. Aujourd’hui, le Président de la République et son Premier ministre voudraient donner un nouveau tour à leur politique. La vérité est qu’ils n’en sont plus capables : après deux ans d’un exercice hésitant du pouvoir, ils ont enclenché le pilotage automatique et semblent condamnés à espérer une reprise de plus en plus fragile, et dont on voit bien qu’elle doit venir d’ailleurs.

Pour illustrer cette désinvolture, je souhaiterais, comme mon collègue Xavier Bertrand, consacrer mon intervention au budget de la défense, qui requiert toute notre attention en raison du contexte particulier qui préside à son exécution. Une première alerte a déjà été donnée il y a quelques mois. Souvenez-vous, monsieur le secrétaire d’État : lors de l’examen du dernier projet de loi de finances rectificative, je vous ai interrogé sur le devenir des 417 millions d’euros de ressources exceptionnelles, qui avaient été votées en loi de finances pour 2014, mais qui avaient été utilisées pour régler des dépenses de 2013, au titre de la Direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique. En résumé, ce sont seulement 1,1 milliard d’euros qui ont été consacrés à ces ressources exceptionnelles pour 2014, au lieu de 1,5 milliard. Alors que nous entamons l’examen du projet de loi de finances pour 2015, je ne peux que regretter qu’aucune réponse ne m’ait été faite sur ce point.

J’espère que nos débats permettront d’éclaircir un certain nombre des zones d’ombre entourant ces ressources exceptionnelles, qui ne représentent pas moins de 3,5 % du budget de la défense pour la période 2014-2019, et près de 30 % des crédits des principaux programmes d’armement pour la période 2015-2017. L’année prochaine, la bonne exécution de la loi de programmation militaire risque en effet d’être à nouveau mise en péril par l’absence de ces ressources exceptionnelles, qui devaient émaner notamment de la vente attendue des fréquences de 700 mégahertz. Nous parlons là de 2,1 milliards d’euros, sur les 31,4 milliards théoriquement garantis au budget de la défense par le Président de la République lui-même ! C’est peu dire, mes chers collègues, que nous ne sommes plus dans l’épaisseur du trait !

Répondant à une question que je lui posais dans l’hémicycle, le ministre de l’économie a confirmé la semaine dernière que la solution des sociétés de projet était à l’étude pour compenser l’absence de ces recettes issues des ventes de fréquences en 2015. Le rôle de ces sociétés dotées de fonds publics et privés serait d’acquérir des matériels militaires pour les louer ensuite à nos armées. Si je ne suis pas hostile par principe au recours à des investisseurs privés pour financer des matériels à vocation duale, civile et militaire, je crois néanmoins, monsieur le ministre, que cette méthode soulève un certain nombre d’interrogations. Vous ne nous avez pas répondu sur ce point en commission des finances, mais vous aurez l’obligation de le faire, et vous devrez apporter des précisions à la représentation nationale.

Nous sommes tous d’accord sur ces bancs pour dire que les crédits promis à notre défense doivent être au rendez-vous, à l’euro près. De même, nous nous rejoindrons sans doute sur la nécessité absolue de préserver l’autonomie stratégique de la France dans le domaine de l’armement. Or les règles de composition de l’actionnariat des futures sociétés de projet n’ont pour l’instant pas été précisées. Elles devront pourtant l’être, car si l’État est actionnaire minoritaire pour les achats portant sur des équipements essentiellement civils, qu’en sera-t-il par exemple du MRTT, Multi Role Tanker transport, cet avion civil militarisé présent aujourd’hui en Irak, et qui participe à notre dissuasion nucléaire par sa fonction de ravitailleur en vol ?

Mes chers collègues, je rappellerai en conclusion que, plus peut-être que n’importe quel autre périmètre d’action de l’État, la défense a besoin de prévisibilité, donc de stabilité dans ses modes de financements. Et ceci, monsieur le ministre, devrait vous amener à sécuriser l’exécution de la loi de programmation militaire en limitant le recours aux ressources exceptionnelles, comme vous y invite d’ailleurs la Cour des comptes de manière constante, et comme nous vous le demandons depuis plusieurs mois dans cet hémicycle. C’est une nécessité pour nos troupes, actuellement engagées sur plusieurs théâtres d’opérations dans des conditions souvent difficiles sur le plan matériel.

Telles sont, mes chers collègues, les observations particulières au budget de la défense que je souhaitais formuler au seuil de nos débats. Il s’agit d’un budget symbole, monsieur le ministre, le symbole de votre acharnement à transformer nos armées en simple variable d’ajustement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, deux exigences fondent ce projet de loi de finances, qui sont celles de la politique : agir dans le présent et préparer l’avenir.

Ce budget soutient le pouvoir d’achat des ménages modestes et des classes moyennes en diminuant les impôts. En 2015, la suppression de la première tranche d’imposition sur le revenu, ajoutée aux mesures que nous avons décidées en juillet dernier, permettra à près de 9 millions de foyers fiscaux de voir leur impôt baisser par rapport à 2013, dont 3 millions éviteront d’y entrer ou en sortiront.

Un salarié gagnant 1,2 SMIC bénéficiera d’une baisse d’impôt de 250 euros par rapport à 2014, et un couple avec deux enfants, au sein duquel chacun gagne 1,4 SMIC, verra son impôt annulé et réalisera une économie de 930 euros. Pour la première fois depuis cinq ans, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale va diminuer. Une dynamique s’enclenche donc, qui est socialement juste et économiquement justifiée.

L’autre pilier de ce budget, c’est l’investissement pour l’emploi et l’activité.

L’investissement est d’abord productif. Nous continuerons de soutenir les entreprises pour qu’elles modernisent leur outil de travail, pour qu’elles innovent, qu’elles investissent, qu’elles embauchent et qu’elles exportent : l’an prochain, le pacte de responsabilité et de solidarité va se déployer, et le CICE poursuivre sa montée en charge. En même temps, les politiques de l’emploi sont mobilisées, avec les emplois d’avenir et les contrats initiative emploi, ou CIE, notamment. L’effort pour l’apprentissage, qui est lui aussi indispensable, sera accru.

L’investissement est aussi éducatif. En 2015, l’éducation nationale redeviendra le premier poste budgétaire de l’État devant la charge de la dette. Concrètement, on procédera à 9 000 nouveaux recrutements ; l’éducation prioritaire et le numérique à l’école seront soutenus.

Productif et éducatif, l’investissement est aussi, nécessairement, écologique. Ainsi, le nouveau crédit d’impôt pour la transition énergétique facilitera par exemple l’acquisition de bornes de recharge pour véhicules électriques. Le programme d’investissements d’avenir et sa part consacrée à la transition énergétique suivront le même rythme de décaissement que cette année.

En matière d’investissement public, enfin, le logement et la construction seront encouragés, avec le foncier mobilisé et l’accession sociale à la priorité encouragée dans 1 300 nouveaux quartiers prioritaires.

Pour les collectivités locales, les nouveaux contrats de plan État-région seront engagés, et le développement du très haut débit se poursuivra.

Le sérieux budgétaire, qui n’est pas l’austérité, est le troisième principe qui fonde ce projet de loi de finances. Pour maîtriser les dépenses publiques sans recourir à des prélèvements supplémentaires, nous avons décidé d’un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur trois ans, ni plus ni moins. Il est réparti entre l’État et ses opérateurs, sans remise en cause de nos priorités, qui sont aussi celles de nos concitoyens : l’école, le logement, la sécurité, la justice, mais aussi l’assurance-maladie, avec la garantie de la qualité des soins. Les collectivités territoriales, enfin, contribueront elles aussi à l’effort, même si, comme l’a dit le Premier ministre jeudi dernier dans le Nord, des solutions complémentaires pour l’investissement local peuvent par ailleurs être examinées.

M. Alain Chrétien. C’est une saignée !

M. Guillaume Bachelay. Toutes ces économies sont nécessaires au rétablissement de la compétitivité et des comptes publics. Cette cohérence fait que le déficit commercial, juge de paix de notre compétitivité, se redresse peu à peu, et que le déficit structurel, reflet des déséquilibres des comptes publics corrigé des effets de la conjoncture, est au plus bas depuis 2001. En même temps, nous adaptons le rythme de réduction des déficits à la conjoncture pour protéger notre croissance économique. Il existe en effet une nouvelle donne économique en Europe, qui s’appelle la déflation.

Pour éviter ce piège qui plombe par exemple un pays comme le Japon depuis vingt ans, l’action en Europe doit être double : elle doit d’abord être menée au sein des États eux-mêmes – comme nous le faisons résolument depuis deux ans –, où elle doit être adaptée à la situation particulière de chacun d’entre eux – le défi de la compétitivité pour la France – et à la conjoncture ; elle doit aussi être menée au niveau de l’Europe, avec davantage de coordination : coordination monétaire pour un euro moins cher, mais aussi coordination fiscale, sociale et budgétaire – c’est l’enjeu des 300 milliards d’euros d’investissements annoncés par la future Commission Juncker, qui doivent maintenant se concrétiser.

Comprendre le risque et le danger de la déflation sur notre continent et y répondre, c’est défendre l’intérêt général européen ; c’est défendre l’intérêt des peuples européens. Mes chers collègues, dans le débat qui s’ouvre, l’opposition, j’en suis sûr, affirmera ses positions : 110 milliards de coupes budgétaires, avec leur impact sur notre modèle social, suppression de l’impôt sur la fortune, suppression de 600 000 postes de fonctionnaires, entre autres… Anti-égalité, anti-justice fiscale, anti-fonction publique : le discours thatchérien de l’UMP, c’est un discours « anti » qui préserve les nantis.

M. Alain Chrétien. N’importe quoi !

M. Guillaume Bachelay. Nous, nous traçons un autre chemin pour les Français, un chemin de vérité et de volonté. Un chemin où la compétitivité économique, la justice sociale et la préparation de l’avenir se conjuguent en une ambition qui s’appelle la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. On voit le résultat !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, les finances de notre pays, quel vaste sujet ! Un sujet souvent réservé aux seuls initiés : je tiens à dire à cette tribune combien je suis honoré de pouvoir, moi aussi, m’exprimer sur notre budget. Rares sont les collègues qui, ne faisant pas partie de la très éminente commission des finances, peuvent avoir cette liberté – un quart des orateurs seulement dans cette discussion générale ne sont pas des commissaires aux finances. Membre de la commission des affaires économiques et chef d’entreprise, il m’est agréable de pouvoir vous délivrer un message de terrain.

De quelles finances parlons-nous aujourd’hui ? Des finances que nous n’avons pas ? Des finances que nous voulons gagner ? Des finances que nous ne voulons pas dépenser ? Et peut-être, des finances que nous n’avons pas et qu’il faudrait donc mieux ne pas dépenser ?

Une nouvelle fois, nous sommes face à un projet qui n’est pas dans la réalité économique mondiale. Qui a bloqué la consommation en refiscalisant les heures supplémentaires ? Qui a pulvérisé le pouvoir d’achat des Français en augmentant tous les impôts ? Qui massacre nos entreprises en les surchargeant de nouvelles obligations et en leur compliquant la vie ?

Oui, je vous le concède, cela fait trente-six ans que nous prenons le chemin du mur dans lequel nous venons de taper ; cela fait trente-six ans que l’exécutif national élabore des budgets en déficit, et en trente-six ans, pour mettre tout le monde d’accord, il y a eu autant de gauche que de droite !

En bon père de famille… pardon ! Il est vrai que vous avez fait disparaître cette notion de notre code civil… j’espère, madame la présidente, que je n’aurai pas d’amende ! Dans toute famille, disais-je, on évite de dépenser plus que ce que l’on a gagné.

Et pourtant, vous votez encore des budgets en déficit, en imposant plus, en taxant plus, sans vous soucier du retour productif des impôts et des taxes. Depuis deux ans, vous avez continué à asphyxier nos entreprises et nos familles. Pas dans la communication, certes, mais dans les faits, oui !

Un chef d’entreprise me disait encore ce matin qu’à salaire brut fixe, il supporte 6 % de frais de personnels en plus. Et je ne parle pas du CICE, avec ses contrôles fiscaux systématiques en retour.

Respectez enfin ceux qui prennent des risques avec leur argent ! Regardez autrement ceux que vous prenez pour des exploiteurs, mais qui hypothèquent leur maison et tous leurs biens pour gérer le système privé qui crée toute l’activité génératrice de richesses. Je parle de ceux qui entreprennent à leur compte, qu’ils aient de zéro à plusieurs milliers de salariés, qu’ils soient artisans, commerçants, chefs d’entreprise, agriculteurs, professionnels libéraux.

Tout cela ne peut fonctionner qu’à condition que nous ne consommions pas plus que ce que nous produisons. Pour cela, il faut savoir faire des économies. Or je ne les ressens pas dans la stratégie du Gouvernement.

En revanche, nos collectivités, elles, vont les sentir ! Vous proposez de les faire participer à l’effort. Il est vrai qu’elles peuvent faire des économies, mais soyez logiques et honnêtes, dites-le : vous baissez les dotations et dans le même temps, vous leur imposez de nouvelles obligations – vous avez entendu parler des rythmes scolaires, non ? Elles baisseront donc les investissements, parce qu’elles peuvent difficilement réduire leurs frais de fonctionnement – en tout cas, elles ne peuvent pas licencier –, et elles pénaliseront une nouvelle fois les entreprises, comme celles de travaux publics, qui se trouvaient tout à l’heure devant l’Assemblée !

Vous ne faites pas d’économies ! Le président de la commission des finances l’a dit tout à l’heure, vous nous faites juste assister à une « progression des dépenses qui régresse ». Au fond, vous devriez dire que « cela va être moins pire que si c’était plus grave ! »

Quand aurez-vous, par exemple, le courage de dire aux Français que continuer à embaucher sous statut de la fonction publique n’est plus tenable, pour que le système actuel puisse s’éteindre en douceur ? Est-il raisonnable d’embaucher 60 000 fonctionnaires dans l’éducation nationale ? Alors que si vous embauchez des jeunes gens d’environ 20 ans, qui vivront probablement jusqu’à 100 ans, cela représente 4 800 000 années de travail en un claquement de doigt du Président de la République !

Ayez le courage de regarder la vérité en face ! La dépense publique est menacée parce que le travail quitte notre territoire. Il y a urgence ! Urgence à laisser respirer nos entreprises pour qu’à nouveau, elles créent suffisamment de richesses.

Pour terminer, je voudrais vous dire de manière très basique, et facile à comprendre, même si l’on ne sait pas compter : il y a de moins en moins de contribuables, ils paient donc de plus en plus d’impôts, ils se sauvent ou arrêtent d’investir.

Il est temps pour Bercy de passer d’une logique comptable à une logique économique, cette logique de la grande distribution pleine de bon sens : je pratique des petits prix – des petits impôts –, je fais des petites marges – les impôts n’empêchent pas de vivre. Cela donne de plus en plus de contribuables, mais payant un impôt raisonnable, et donc, pour l’État, une plus grosse « récolte », mais plus juste et équitable.

Chacun comprendra que le travail est la seule vraie source de création de richesses. C’est cette création de richesses retrouvée qui permettra à l’État, redevenu raisonnable, d’activer la solidarité nationale, grâce à des finances assainies. Ce projet de loi de finances n’étant pas raisonnable, vous comprendrez que je ne le voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, chers collègues, « Personne ne devrait être surpris que l’Europe retombe dans le marasme. C’est le résultat entièrement prévisible des politiques erronées que les dirigeants européens s’entêtent à poursuivre, bien qu’il soit évident que ce sont des mauvais remèdes. » Cette phrase n’est pas de moi, elle est tirée de l’éditorial du New York Times du 17 août. Elle résume le diagnostic que l’on peut porter sur ces trois années de politiques européennes qui ont enfoncé l’ensemble de l’Europe dans la dépression.

Ces politiques erronées sont un cocktail de politiques économiques faites de coupes massives dans les dépenses publiques, de baisses du coût du travail, et, dans les pays d’Europe du Sud, de baisses des salaires. Ce sont des politiques qui, quand on les applique seul peuvent produire des résultats. Si vous êtes le seul à réduire les dépenses publiques, vous redresserez les finances publiques, car la croissance des autres vous permettra de dégager des recettes et, par conséquent, de réduire votre déficit. Mais lorsque tout le monde le fait, il se passe ce qui s’est passé en Europe : l’effet dépressif est tellement fort, le multiplicateur, comme nous le rappelle le FMI, est tellement élevé, que l’on perd en croissance, donc en recettes, ce que l’on croit avoir gagné sur les dépenses.

C’est la même chose pour les politiques d’ajustement du coût du travail. Si vous êtes le seul à mener une telle politique, vous améliorez votre compétitivité, mais en compliquant la vie de votre voisin. Lorsque tout le monde le fait, les effets « compétitivité » à l’intérieur de l’Europe s’effacent – il en reste à l’extérieur – et les prix baissent. C’est la déflation. Lorsque l’on mélange ce cocktail, on arrive à la situation européenne : une dépression, une récession forte. Il n’y a plus de croissance, et plus d’inflation.

J’ai beaucoup entendu citer M. Schröder. Je ne suis pas un admirateur de l’ancien chancelier, mais je rappelle qu’il a mené une politique de redressement de la compétitivité allemande quand les autres pays ne le faisaient pas, de 2002 à 2004. Durant cette période, il n’a pas réduit les dépenses, il a laissé le déficit se creuser. Ce n’est qu’après, et heureusement pour l’Allemagne, avant la crise, que le déficit a été réduit. On ne peut pas répliquer à l’échelle européenne des politiques qui peuvent avoir une efficacité lorsqu’on est seul à les conduire.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Le drame, c’est que ce qu’a produit l’Europe, dans cette période qui ressemble étrangement, et de façon inquiétante, aux déflations des années trente, c’est la négation même de ce qu’elle a été. Quand l’Europe a intégré des pays comme le Portugal ou l’Espagne, on redoutait que les salaires ne baissent dans les autres pays. Cela ne s’est jamais produit parce que la solidarité a joué et que les fonds structurels ont fonctionné. Tous les pays ont été tirés vers le haut. C’est la première fois de l’histoire depuis, malheureusement, les déflations des années trente, que l’Europe fait le contraire de ce qu’elle a fait durant un demi-siècle et procède à un ajustement par le bas.

Il faut mener une réflexion profonde sur la situation européenne. Je salue le fait que le Gouvernement porte ce discours, notamment depuis l’entretien que le Président de la République a accordé au journal Le Monde au mois d’août, dans lequel il explique que le problème de demande au sein de l’Europe est la conséquence des politiques d’austérité qui ont été conduites. Il est essentiel d’inverser les politiques européennes et de retrouver un peu de solidarité. Ce sera la meilleure façon de renouer avec la croissance.

Un mot sur la situation nationale. Là aussi, le discours a changé : le Gouvernement va moins vite dans la réduction des déficits. C’est évidemment ce que doivent faire les autres pays européens. Nous n’avons pas à nous excuser vis-à-vis de l’Europe. Si quelqu’un doit présenter ses excuses, c’est bien la Commission européenne, qui a plongé l’ensemble de l’Europe dans une récession qui n’a qu’un seul précédent dans l’histoire.

Si nous voulons sortir de cette récession, il nous faut ajuster notre politique économique. Je n’ai pas le temps de développer, mais je pense que si l’on consentait moins d’allégements et que l’on réduisait moins les dépenses, notre politique serait plus équilibrée. En revenant à l’objectif essentiel d’inversion de la courbe du chômage que portait le Président de la République, en agissant massivement sur les emplois aidés, nous parviendrions à sortir de la récession, car lorsque vous créez un emploi d’avenir, vous donnez de la confiance et du revenu, deux choses qui manquent à notre économie.

Un dernier point, soulevé par Michel Sapin dans son intervention : l’investissement est le pont entre le présent et le futur. Oui, l’investissement relance la demande à court terme et l’offre à long terme.

Ne nous trompons pas d’époque ! La modernité, ça n’est pas ajuster notre idéal de solidarité à une mondialisation libérale qui a échoué – la crise de 2008, c’est l’explosion des inégalités, la crise européenne, ce sont les égoïsmes nationaux. Nous devons réaffirmer ce que nous sommes, à gauche. Le principe de solidarité, que nous portons depuis toujours, voilà la vraie réponse à la crise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, alors que le débat budgétaire commence aujourd’hui dans notre hémicycle, il convient de rappeler, en guise de propos liminaire, que ce projet de loi de finances pour 2015 augure d’une situation particulièrement dégradée de nos comptes publics.

Si la diminution des recettes par rapport aux prévisions apparaît comme l’un des principaux arguments que vous mettez en avant, il ne peut servir de plaidoirie.

La première question que l’on peut se poser est de savoir si ce budget n’est pas construit sur une prévision de croissance complètement hypothétique, surtout lorsque l’on constate que tous les objectifs 2014 ont été ratés : moins 4,3 % de PIB de déficits publics en 2013 au lieu de moins 3 % et moins 4,4 % de déficits publics en 2014 au lieu de moins 2,2 %. Vous faites le choix de maintenir une situation de déficit public, au détriment d’une saine gestion et de réformes courageuses.

La dette s’accroît sans cesse pour atteindre bientôt 100 % du PIB. Le risque de censure par les autorités communautaires est proche, alors que notre commissaire a accompli un véritable parcours du combattant, avec une session de rattrapage, ce qui traduit la dérive de notre sérieux budgétaire et le poids abyssal de la dette.

Sans elle, nous disposerions d’environ 40 milliards d’euros par an pour financer des postes indispensables, la recherche ou créer des infrastructures.

M. Marc Goua. Qui l’a créée, cette dette ?

Mme Véronique Louwagie. Plus globalement, vous préférez la méthode des « mesurettes » à l’efficacité de mesures pérennes et pragmatiques. Pire, vous semblez persister dans le choix des déficits publics et de la dette, alors même que nos principaux partenaires européens s’engagent sur le chemin du redressement budgétaire.

Les mauvais chiffres s’enchaînent, à telle enseigne que la Banque de France a révélé ce matin que le déficit courant de la France s’est de nouveau creusé en août, à 4,5 milliards d’euros, le déficit des échanges de biens, s’étant accru à 5 milliards d’euros contre 3,9 milliards le mois précédent, tandis que l’excédent des échanges de services était divisé par plus de trois, à 600 millions d’euros contre 1,9 milliard en juillet.

Plus globalement, la nation consacre davantage d’argent au remboursement des seuls intérêts qu’à l’éducation de ses enfants, ce qui est le comble du paradoxe et la preuve d’un désinvestissement inquiétant dans l’avenir de notre pays.

La mesure phare de ce projet, la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, entraînera un coût de 500 millions d’euros, pour 460 000 contribuables perdants à la réforme – qui ne correspondent pas, pour partie, aux 700 000 « gagnants ». Le coût de cette mesure, 3,2 milliards d’euros, n’est pas financé et engendre un effet de perte de recettes de CSG, compensée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale par une modification de son déclenchement.

Du reste, il s’avère que 20 % des foyers ont supporté 75 % des hausses d’impôts, ce qui pose la question de l’égalité devant l’impôt. À ce propos, une composante de votre majorité, en l’occurrence le Parti radical de gauche, paraît exiger le retrait de nombreuses mesures, notamment la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu que vous proposez, qui traduit un réel malaise.

Madame la rapporteure générale du budget a elle-même émis des doutes quant à une reprise de la consommation des ménages cette année. "Côté consommation des ménages, alors que le Gouvernement escompte pour 2014 une hausse de l’ordre de 0,7 %, aucune donnée n’a été transmise permettant de confirmer cette hypothèse", peut-on lire dans son rapport sur le projet de budget.

Les économies que vous escomptez pour 2015, soit 21 milliards d’euros ne diminueront pas la dépense publique qui devrait progresser de 14 milliards car vous instaurez de nouvelles dépenses – élargissement des bourses sur critères sociaux, poursuite de la revalorisation du RSA de 2 % en plus de l’inflation– qui, même si elles répondent à des demandes ou des besoins légitimes, doivent être budgétées.

Dans le détail, vos économies se caractérisent par des mesures inégalitaires, voire injustes. Près de la moitié – 9,6 milliards d’euros – porte sur la protection sociale, dont un tiers – 3,2 milliards – pour l’assurance maladie, tandis qu’est remise en cause notre politique familiale suite à la division par trois de la « prime de naissance » à compter du deuxième enfant. Non, monsieur le ministre, la famille ne doit pas être la variable d’ajustement du Gouvernement.

Il semble regrettable que vous construisiez un jeu de Meccano subtil mais pernicieux dans lequel les collectivités locales subiront une baisse des dotations de l’ordre de 3,7 milliards.

S’il est aisé de critiquer l’exercice budgétaire, qui, il est vrai s’apparente à un jeu d’équilibrisme, il n’en demeure pas moins que certaines autorités ont, elles aussi, émis des réserves. Le Haut conseil des finances publiques a ainsi jugé « vacillant » votre projet en pointant notamment votre incapacité à assainir les finances publiques.

Finalement, se répéter devient un exercice annuel dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je vous invite ce soir, au moment où nous entamons la discussion budgétaire, à partager avec moi une pensée toute particulière pour Joseph Caillaux, notre illustre prédécesseur, père de l’impôt sur le revenu que le Sénat finit par adopter voici cent ans.

Caillaux, qui était un modéré, fit voter cette grande avancée sous l’impulsion de la gauche. Mon propos est presque pour M. Taugourdeau : pourquoi insister sur cet anniversaire ? Simplement parce que la question des prélèvements demeure notre principal clivage. C’était déjà le cas à l’époque et les raisonnements d’aujourd’hui ne changent pas. La simple idée d’un impôt correcteur des inégalités sociales, l’impôt progressif, créait la discorde à l’époque. La concentration de l’impôt était dénoncée comme aujourd’hui : le barème appliqué aux revenus supérieurs à 5 000 francs visait 500 000 personnes. Aujourd’hui nos collègues nous reprochent de réduire la contribution de plus de 6 millions de foyers fiscaux et, par le jeu de toutes nos mesures de bas de barème, de l’éviter à 9 millions de foyers. Vous le voyez, rien ne change.

Aujourd’hui, nos collègues nous parlent du consentement à l’impôt. J’ai recherché les débats de l’autre siècle. Caillaux dénonçait les égoïsmes des gens de bourse, le camp de la presse instrumentalisé par les droites, le monde des affaires. Non, décidément, rien ne change.

Aujourd’hui, malheureusement, l’impôt n’est pas à la mode, ni parmi nous, sur tous nos bancs, ni dans la population, ni dans les autres pays. La question est profondément idéologique. Tout le monde semble avoir perdu le sens de l’impôt et de sa fonction redistributrice. Pourtant dans un grand élan national, plus près de nous, juste après la Libération, le taux appliqué à la tranche la plus élevée des revenus n’était-t-il pas de 70 % ?

M. Pierre-Alain Muet. Eh oui !

Mme Monique Rabin. Prenons garde, sur tous ces bancs, au refrain du ras-le-bol fiscal. Unissons-nous pour engager une grande réforme fiscale, acceptée, consentie, et adaptée à la situation du XXIe siècle.

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

Mme Monique Rabin. Nous aimons critiquer, dans notre pays, les recettes et la dépense publique qui mobilise la part la plus importante des richesses produites. Quand arrêterons-nous de comparer des pays dont la culture est si différente ?

Chez nous les dépenses de défense, d’éducation, la chance d’une démographie dynamique, une protection sociale poussée qui se révèle un très bon amortisseur de crise, sont de bonnes dépenses publiques, incomparables à une vision anglo-saxonne.

M. Michel Vergnier. Très bien !

Mme Monique Rabin. Pour autant, face au principe de réalité, quoiqu’en dise M. Bertrand nos dépenses sont en baisse et elles le seront de 21 milliards cette année de manière ciblée. Nous conservons un trop mauvais souvenir de la RGPP.

Mes chers collègues, à commencer par Mme la rapporteure générale qui s’est très bien exprimé, vous vous êtes succédé à la tribune pour évoquer largement la réalité d’aujourd’hui. Je n’y reviens pas. Nous ne vivons pas une crise, mais une véritable mutation. Dans ce contexte le gouvernement confronté à une absence de croissance, un authentique risque de déflation, et une incompréhension en Europe de la spécificité de notre pays propose un budget rigoureux. Nous savons que nous ne pourrons pas, ou seulement à la marge, corriger ce budget. La situation financière appelle beaucoup de responsabilités de la part du gouvernement, des parlementaires, des élus locaux, de nos concitoyens.

Aujourd’hui nous répondons. Permettez que demain, nos finances un peu assainies, nous engagions une politique du temps long, celle des investissements d’avenir, de l’innovation, de la transition écologique, de l’accroissement, de la péréquation entre collectivités locales, celle de la préparation de la société de demain, tournée vers l’humain, le service à la personne, celle aussi de la confiance vis-à-vis de la jeunesse. J’espère aussi que demain nous agirons sur les profits exorbitants des concessionnaires d’autoroutes, sur le renforcement de la lutte contre la fraude fiscale, sur l’instauration d’une véritable taxe sur les transactions financières, en accord avec nos amis européens.

J’ai commencé avec Joseph Caillaux mais je voudrais finir en rendant hommage à un service particulier de l’État, celui des achats de l’État. Il nous donne aujourd’hui l’exemple, monsieur Taugourdeau, d’une fonction publique qui fait honneur à son statut, qui réalise des économies, qui fait une place aux PME dans les marchés de l’État, qui incite au recrutement de personnes handicapées. Bref, je vous parlais finalement d’une France qu’on aime, celle pour laquelle nous nous battons, notamment en votant ce budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous voici à mi-parcours de l’application de votre politique et force est de constater que votre bilan est malheureusement à charge car vous avez exercé des choix à rebours de ce qu’exigeait la gravité de notre situation économique.

Déficit incontrôlé, explosion de la dette malgré des taux historiquement favorables et une politique monétaire européenne accommodante, confirmation de l’augmentation des prélèvements obligatoires, chômage en hausse continue avec un taux insupportable pour les jeunes, contribuables oppressés, défaillances d’entreprises accélérées, entrepreneurs plus que jamais désabusés…

Oui la France souffre, la France gronde. Elle réclame de la vision, elle réclame de la cohérence, elle refuse l’ambiguïté. Vos budgets se suivent et se ressemblent, quand bien même apparaissent des annonces qui pourraient nous réjouir si elles n’étaient pas contournées et complexifiées par une frange par trop dogmatique de certains d’entre vous.

Vos budgets donnent l’impression d’être rédigés à la hâte, hésitants, sans réelle étude d’impacts. Pour confirmer mes dires, il suffit de lire les évaluations préalables des articles de ce projet de loi de finances. Souvent incomplètes, elles nous ont été distribuées bien tardivement ! Le rendu est un concentré d’optimisme fondé sur des chiffres aléatoires, que déjà beaucoup d’institutions, dont le Haut conseil des finances publiques, dénoncent.

Notre objectif commun n’est-il pas la recherche de la croissance dans le but premier de créer des emplois ? À la lecture de ce texte, les mesures sont tristement faibles pour y répondre : les dispositifs préconisés jusqu’alors et que vous entendez confirmer dans cette loi de finances, malgré leur échec, ne sont, à mon sens, pas la solution. Il faudra être plus courageux, plus inventif et réaliste pour recréer cette confiance qui nous fait défaut et avancer, plutôt que de reculer, dans un monde en mouvement où les marges de manœuvre s’épuisent peu à peu.

Oui, les Français s’impatientent, ils ne voient rien venir, ils n’ont que faire de vos freins idéologiques. Pour eux, seul le résultat compte. Tout doit converger vers cet objectif. Le cycle vertueux ne sera enclenché que grâce à un marché de l’emploi dynamique. Les entreprises, craintives à cause de l’instabilité fiscale et en manque de visibilité, reportent leurs investissements et les embauches. Notre économie est flottante. Elle est ligotée, essoufflée…

Certes, vous avez annoncé soutenir une politique de l’offre et je salue votre démarche mais, au-delà des postures, il faudra aller plus loin dans sa réalisation. Au-delà des grands groupes, les PME, les TPE sont créatrices d’emplois nets. Or, tous les dispositifs leur permettant de donner un coup de pouce sont quasiment tués dans l’œuf voire supprimés, comme l’indemnité destinée à certains commerçants et artisans lors de leur départ en retraite.

Pourquoi refuser le développement des business angels, madame la rapporteure générale, qui permettent de financer et d’accompagner l’innovation de nos petites entreprises ? Est-ce une réponse à leur apporter que de motiver le refus de les soutenir par le fait qu’on viendrait à les subventionner ? Le risque ne doit-il pas être reconnu et encouragé ? Serait-ce hérétique que de lever les obstacles et de donner plus de souplesse à nos entreprises, quelle que soit leur taille, afin qu’elles soient plus compétitives et plus pourvoyeuses d’emplois ?

La redistribution se comprend car il est évident que dans une société évoluée, personne ne doit rester au bord de la route. Cependant, pour atteindre ce but, nous avons besoin de créer de la richesse, nous avons besoin de citoyens solidaires, qui cotisent à juste niveau. C’est en ponctionnant trop lourdement et injustement que vous favorisez non seulement la tentation d’une économie parallèle, mais encore l’effondrement des rentrées fiscales.

Il est de notre devoir de réfléchir aux meilleures solutions pour le bien de notre pays quand bien même elles heurteraient votre dogmatisme. Nous ne pouvons plus privilégier un État trop généreux et dépensier, à l’instar de ce qui se passe au sein de l’éducation nationale dans laquelle on injecte toujours plus d’argent, dans laquelle on recrute toujours plus de professeurs – au demeurant mal payés – sans résultat patent pour la réussite des élèves.

Pourquoi le nombre d’apprentis ne décolle-t-il pas alors que c’était l’un des principaux engagements de votre Gouvernement ? N’y a-t-il pas un problème de méthodes ? Nous pourrions faire le pari de l’intelligence collective pour ne plus gâcher notre potentiel.

La France a de nombreux atouts. Le terrain s’exprime et nos citoyens n’entendent pas que leur travail soit bridé, qu’il s’agisse de temps partiel ou de temps imposé par la loi. Qu’ils soient chefs d’entreprise, salariés ou indépendants, ils rejettent les lourdeurs administratives contraignantes et les lenteurs qui les accompagnent. Les Français sont prêts aux sacrifices à condition que les résultats soient à leur portée et que l’avenir apparaisse plus serein pour les générations futures, ce qui éviterait à beaucoup de nos jeunes de quitter notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas.

M. Romain Colas. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, un projet de loi de finances est toujours l’incarnation d’une volonté politique et d’une méthode. Le Gouvernement et la majorité ont fait le choix, dès le début du quinquennat, d’engager la réduction du déficit, de rationaliser l’action de l’État et l’organisation administrative du pays, de les rendre plus efficaces tout en poursuivant les objectifs qui constituent pour nous l’essentiel : protéger les Français, faire progresser la France socialement et économiquement, lui permettre de tenir sa place dans le concert des nations tout en préparant l’avenir.

Oui, depuis 2012, nous constatons une baisse constante de notre déficit structurel. Oui, mois après mois, nous prenons des mesures courageuses pour assainir nos comptes publics. Oui, le projet de loi de finances qui nous est soumis, intègre les 21 milliards d’euros sur lesquels le Gouvernement s’est engagé. Oui, comme Christian Eckert l’a tout à l’heure rappelé, la France a diminué de près de moitié son déficit par rapport à 2011.

Elle l’a fait alors que des efforts budgétaires importants sont consentis pour renforcer les moyens de l’État dans les secteurs qui demeurent prioritaires de l’éducation, de la sécurité, de la justice, de l’inclusion de la jeunesse dans le monde du travail.

C’est ainsi que cette majorité fait la démonstration qu’il est possible de conjuguer gestion rigoureuse, responsabilité et ambition pour le service public.

J’entends nos collègues de droite nous expliquer que les objectifs initiaux de réduction de déficit ne sont pas tenus et que la baisse n’est pas aussi rapide qu’annoncée. Il est vrai que la compétition interne à l’UMP fait émerger des économes toujours plus zélés. Nous avons l’homme qui économise 100 milliards et qui, porté par l’élan de la campagne, passe à 110 milliards ; nous avons aussi son concurrent, l’homme qui vaut 130 milliards… Je ne doute pas que d’ici l’échéance du congrès, nous aurons atteint de nouveaux sommets sans jamais, cela va de soi, être entrés dans le détail des mesures d’économie. Force est de le constater, chers collègues : la promesse budgétaire de l’UMP, c’est le flou sur tout mais l’austérité pour tous !

Quant à nous, nous assumons clairement et sans démagogie notre politique budgétaire. Dans le contexte que traverse aujourd’hui notre continent, et particulièrement la zone euro, comme l’a brillamment rappelé Pierre-Alain Muet – contexte dont personne, ni ici à l’Assemblée nationale ni à Bruxelles, ne peut s’extraire –, nous adaptons le rythme de réduction des déficits à la conjoncture. Nous tirons les conséquences de notre volonté de ne pas sacrifier la croissance et l’emploi sur l’autel de l’austérité. Alors que s’intensifie l’effort de maîtrise des dépenses, nous soutenons le redressement de notre économie. Ce sont ainsi 26 milliards d’euros qui seront dégagés en direction de l’appareil productif dans le cadre du pacte de responsabilité et de compétitivité.

Dans le même temps, la France ne renonce pas à tenir son rang dans le monde. Elle mobilise ses troupes et ses crédits pour agir utilement, au service du droit international et de nos valeurs communes. Nous assumons – et, disons-le franchement, sans solidarité financière européenne – de lourdes dépenses d’interventions militaires au Sahel, en Centrafrique, en Irak et très prochainement en Guinée, pour lutter contre Ebola.

Sur le plan intérieur, nous assumons naturellement notre volonté de justice et de solidarité pour les Français. Après les mesures fiscales de 2014 qui ont eu pour effet de baisser l’impôt de plus de quatre millions de ménages, la proposition du Gouvernement de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu bénéficiera à plus de neuf millions de foyers aux revenus modestes ou moyens. Oui, nous avons demandé et demandons des efforts à nos concitoyens ; mais ce sont des efforts maîtrisés et répartis avec le souci permanent de la justice.

Cette mesure illustre d’ailleurs bien ce qui distingue les deux côtés de cet hémicycle. En commission des finances, la semaine passée, les députés de la majorité votaient cette réduction d’impôts tandis que ceux qui s’y opposaient nous proposaient d’alléger concomitamment l’insoutenable fardeau fiscal des plus hauts revenus.

Nos différends s’illustrent aussi en ce qui concerne la préparation de l’avenir de notre pays. Je fais évidemment référence aux engagements forts que la majorité vient d’adopter dans le cadre de la loi sur la transition énergétique. Ces engagements trouvent d’ores et déjà une traduction concrète et immédiate dans le projet de loi de finances, grâce à la mise en œuvre d’un crédit d’impôt transition énergétique. En contribuant de façon substantielle aux travaux de rénovation, il soutiendra et renforcera l’activité dans le bâtiment, diminuera progressivement le nombre des passoires thermiques qui sont coûteuses tant pour les ménages que pour la planète, et réduira les inégalités devant les dépenses d’énergie.

En définitive, le projet de loi de finances qui nous est soumis est résolument empreint de lucidité, de vérité, de responsabilité et de justice. Il est le fruit de notre volonté de redresser le pays sans sacrifier l’essentiel, et de lui permettre de toujours être au rendez-vous, aussi bien vis-à-vis des Français que des enjeux continentaux et mondiaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, je souhaite en préambule de mon intervention revenir sur la mesure phare de ce projet de loi de finances : il s’agit de l’article 2, qui consacre notamment la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu et que la commission des finances a adopté mercredi dernier. L’opposition a beau craindre une hyperconcentration de l’impôt et des répercussions sur les autres contribuables, nous réaffirmons que c’est une mesure juste. Elle fera baisser de 6,1 millions le nombre de foyers fiscaux concernés par l’impôt sur le revenu.

Cette mesure rend donc du pouvoir d’achat et de la confiance aux ménages les plus modestes. C’est un choix politique, et il est clair. Il fallait un marqueur social, et il fallait qu’il soit fort ; il existe désormais.

Néanmoins, si le contexte budgétaire contraint que nous connaissons nous oblige à réaliser certaines économies, que personne ne conteste, je répète inlassablement, monsieur le secrétaire d’État, que les économies doivent être proportionnelles aux efforts que chacun peut consentir. La baisse des dotations d’État aux collectivités territoriales aura, pour certaines d’entre elles, un impact considérable sur l’investissement local, sur l’emploi et sur les services de proximité dans les territoires.

M. Alain Chrétien. Exact ; c’est bien de le reconnaître !

M. Michel Vergnier. Depuis trente ans, les collectivités locales sont le premier investisseur public local. Infrastructures, investissements, services aux habitants : c’est à elles qu’on les doit. En diminuant ses dotations, l’État restreint le rôle de la dotation globale de fonctionnement, qui consiste à garantir un niveau de ressources forfaitaires à chaque commune.

Cette dotation indispensable doit être revue, améliorée et corrigée. Sa forme d’attribution ne correspond plus à la réalité ni aux besoins. J’ai souvent évoqué ce sujet et je vous ai entendu avec plaisir, monsieur le secrétaire d’État, indiquer que vous étiez favorable à cette réforme. Je réclame donc une nouvelle fois la création d’une mission parlementaire chargée de faire des propositions pour que l’année 2016 soit celle de la nouvelle DGF.

M. Alain Chrétien. Ce sera trop tard !

M. Michel Vergnier. Celle-ci doit tenir compte des capacités de chaque collectivité, des charges induites par la situation variable de chaque ville, notamment des villes-centre, ainsi que du dynamisme et de l’évolution au service des populations. Chaque euro dépensé doit être un euro utile. Comment, sinon, faire face à cette baisse des dotations ? En imposant une hausse de la fiscalité locale ? Nous ne voulons plus ou ne pouvons plus le faire, de même que l’État y a renoncé. Nous ne voulons pas non plus renoncer à certains projets d’aménagement et de création de services aux habitants, car ce serait non seulement risqué pour l’attractivité économique mais, surtout, pénalisant pour l’emploi, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. « Quand le bâtiment va, tout va » : c’est ce que disait Martin Nadaud, maçon creusois devenu député. Une pause des investissements serait un très mauvais calcul pour la relance et l’emploi, mais aussi pour le bien public et l’entretien du patrimoine. Ne pas l’entretenir aujourd’hui, c’est le faire payer demain par d’autres !

M. Alain Chrétien. Tout à fait !

M. Michel Vergnier. Je crois pourtant, sans exagérer le trait, que le garrot qui se resserre peu à peu sur certains d’entre nous…

M. Alain Chrétien. Dites plutôt la corde !

M. Michel Vergnier. …finira par produire l’effet inverse de ce que vous souhaitez, monsieur le secrétaire d’État. Je connais en effet votre attachement au développement des collectivités. En clair, la contribution des communes ne doit pas être identique pour toutes : certaines ne savent pas comment dépenser leur argent quand d’autres aimeraient pouvoir leur faire les poches.

M. Pierre-Alain Muet. Il a raison !

M. Michel Vergnier. Quand je parle d’endettement, il ne s’agit pas de projets superflus, mais de projets indispensables à la vie de nos concitoyens !

En revanche, je suis heureux de constater que le PLF préservera le Fonds de compensation de la TVA qui ne devrait pas pâtir de la baisse globale. On nous annonce même qu’il augmentera de 165 millions d’euros pour atteindre 6 milliards : c’était un engagement du Premier ministre et du Gouvernement, vous l’avez tenu et je m’en réjouis.

Les commissaires socialistes ont présenté des amendements que vous connaissez, monsieur le secrétaire d’État, qui concernent précisément les communes et leur dotation. Je souhaite que le Gouvernement en approuve un certain nombre, et je suis certain que vous aurez à cœur de réajuster les efforts en direction des collectivités locales pour leur redonner davantage de moyens, car elles en ont besoin.

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Goua.

M. Marc Goua. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, chers collègues, nous voici donc réunis afin d’examiner le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ainsi que le projet de loi de finances pour 2015.

Ces deux textes arrivent, vous le savez, dans un contexte économique européen morose. En effet, la zone euro est confrontée à une situation qui se caractérise par une croissance faible mais également – ce que personne n’avait anticipé – par une inflation basse qui s’établit à 0,6 % cette année. Ce dernier chiffre reste très éloigné de l’objectif maximum de 2 % fixé par la BCE. Même l’Allemagne connaît une situation inquiétante et pourrait entrer en récession au troisième trimestre.

Malgré ce contexte économique difficile, le déficit de l’État sera de 75,7 milliards d’euros en 2015, contre 87 milliards en 2014 et, faut-il le rappeler, près de 149 milliards en 2010.

L’assainissement de nos comptes publics doit donc se poursuivre pour assurer le bon fonctionnement de nos administrations publiques et préserver notre modèle social. Cependant, le rythme de leur redressement doit s’adapter au contexte macroéconomique actuel. Ainsi, afin de ne pas entamer les conditions permettant le retour d’une croissance créatrice d’emplois, nous avons dû revoir notre trajectoire de réduction des déficits. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit donc un déficit de 4,4 % pour l’année 2014 et de 4,3 % pour l’an prochain, ce qui devrait permettre de l’établir à 3,8 % en 2016 pour atteindre 3 % en 2017.

Nous avons certes demandé des efforts à nos concitoyens, mais ces efforts ont été menés dans la justice et l’équité, contrairement à ce qu’a fait la précédente majorité. En effet, ce sont les ménages les plus aisés qui ont le plus contribué au redressement de notre pays. Et que l’on ne nous reproche pas un prétendu exil de nos étudiants, de nos entrepreneurs ou des fortunes françaises ! La commission d’enquête relative à l’exil des forces vives de France nous prouve le contraire.

Ce projet de loi confirme et prolonge donc la nouvelle phase commencée par le projet de loi de finances rectificative pour 2014 : celle de la réduction d’impôts. Grâce aux mesures adoptées cet été et à la suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu prévue dans ce texte, ce sont près de neuf millions de ménages dont les impôts baisseront par rapport à 2013 !

Cette baisse de la fiscalité pesant sur les ménages est couplée à celle qui pèse sur les entreprises. En effet, la montée en charge du CICE, les allégements de cotisations sociales et la suppression à terme de la C3S permettront à nos entreprises de renouer avec la compétitivité. Je tiens à souligner que, pour la première fois depuis 2009, le taux de prélèvements obligatoires diminuera. Il passera de 44,7 % cette année à 44,6 % en 2015, puis 44,5 % en 2016 et 44,4 % en 2017.

La réduction de notre déficit doit donc se poursuivre, mais elle reposera entièrement sur une baisse historique de 50 milliards des dépenses de l’État, de ses opérateurs et des collectivités territoriales d’ici 2017. Au total, ces efforts sans précédent conduiront à une baisse de la dépense publique dans le PIB de 56,5 % en 2014 à 54,5 % en 2017. C’est inédit !

Cette baisse des dépenses publiques ne s’apparente pas pour autant à de l’austérité. Quel pays menant une politique d’austérité pourrait créer près de 10 000 postes dans l’éducation nationale, 635 postes dans la justice et 405 autres dans la police et la gendarmerie ? Quel pays menant une politique d’austérité fait baisser les impôts pour les classes modestes et moyennes, revalorise le RSA de 10 % au-delà de l’inflation à l’horizon 2017 et augmente les bourses pour les étudiants ainsi que le minimum vieillesse ?

Cependant la baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales ne doit pas se faire au détriment des communes fragiles, dont la situation économique et sociale est extrêmement difficile – pour ne pas dire critique ! Certes, le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une augmentation des mécanismes de péréquation horizontale et verticale pour atténuer les effets de cette baisse sur les collectivités les plus fragiles, mais cela reste insuffisant et ne compensera pas entièrement la perte financière pour ces collectivités ! Je tiens à rappeler que la préservation des capacités financières des communes les plus pauvres est un engagement pris par le Premier ministre dans la déclaration du Gouvernement sur le programme de stabilité pour 2014-2017. Afin de remédier à cette situation, nous proposerons des évolutions en ce sens avec mon collègue François Pupponi.

Enfin, en tant que rapporteur spécial du budget de l’énergie, je tiens à souligner les efforts particulièrement importants qui sont consentis pour mettre en œuvre la transition énergétique : le CIDD, dont le taux augmente à 30 %, le doublement du Fonds chaleur ou encore le dispositif « Pinel » de financement de l’immobilier.

En clair, malgré un contexte économique difficile, ce projet de loi préserve le pouvoir d’achat de nos concitoyens et renforce la compétitivité de nos entreprises tout en s’attaquant à notre déficit public. Nous soutiendrons donc ce texte qui prépare notre société à faire face aux nombreux défis qui se posent à elle, qu’ils soient économiques, sociaux ou écologiques.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, je voudrais terminer cette séance par une mise en perspective de deux ans et demi de politique socialiste, en particulier sur le plan budgétaire.

Cette mise en perspective s’appuie sur la règle des quatre « C » : le consensus, la constance, la confiance et la croissance. Le consensus entraîne la constance, la constance amène la confiance et la confiance fait la croissance. Ces quatre valeurs, mes chers collègues, je crains que vous ne les ayez pas respectées depuis le mois de juin 2012.

Vous avez commencé par casser les consensus qui existaient en réactivant les luttes entre les uns et les autres, en invectivant les chefs d’entreprise, en posant notre pays en victime face à l’euro et à l’Allemagne, en menant une politique opposant les hauts revenus et ceux qui créent des richesses à ceux qui en ont moins. Bref, vous avez cassé les consensus qui permettent de mener la politique de stabilité et de sérénité qui crée les conditions de la constance.

La constance n’existe pas dans votre politique budgétaire et fiscale. Je ne reviens pas sur les multiples « yo-yo » qui ont ponctué vos politiques fiscales en matière d’apprentissage et d’impôt sur le revenu. Je ne parlerai pas non plus de la fiscalité des entreprises, dont plus personne ne connaît les perspectives tellement elle évolue depuis quelques mois. Bref, plus personne n’y comprend rien car la guerre civile qui fait rage au sein de votre majorité a privé de la moindre constance votre politique fiscale et budgétaire.

Pas de consensus, pas de constance, donc pas de confiance.

Ne vous étonnez pas que les cotes d’impopularité de votre majorité et de l’exécutif soient élevées ! Cela tient aux dégâts que vous avez causés en cassant les consensus et la constance, source de confiance de toute politique publique.

Cette confiance, mes chers collègues, vous ne la retrouverez pas auprès de nos partenaires européens, dont vous fustigez toujours l’immobilisme ou l’égoïsme, s’agissant de l’Allemagne.

Quant à la croissance, nous la retrouverons dans notre pays avant d’aller la chercher ailleurs. C’est de chez nous qu’elle repartira, sans qu’il soit besoin d’aller chercher celle des autres, d’autant plus qu’eux-mêmes ne l’ont pas retrouvée non plus.

Vous avez détruit la croissance pour les mois qui viennent en cassant le pouvoir d’achat des plus démunis et la confiance des entrepreneurs en l’avenir.

Ne vous étonnez pas si d’année en année, vous ne respectez pas les normes que vous vous êtes vous-mêmes imposées : la loi de programmation des finances publiques sera revue chaque année car tous vos objectifs sont d’ores et déjà dépassés. Ce projet de budget, vous ne le tiendrez pas. Nous sommes d’ores et déjà certains que les objectifs que vous avez fixés devront être à nouveau modifiés l’année prochaine.

Voilà. J’ai été gentil car nous arrivons à la fin de la séance. Nous aurons l’occasion de poursuivre notre débat au cours de nombreuses séances, car nous sommes très curieux de voir comment ce projet de budget va évoluer et de quelle façon les frondeurs réussiront à imposer leur point de vue au Gouvernement pour que cette guerre civile larvée au sein de la majorité ne se fasse pas au détriment du pays tout entier.

M. Romain Colas. Merci de tant de sollicitude à notre égard !

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 ;

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2015.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 15 octobre 2014, à une heure cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly