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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 28 octobre 2014

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (no2234, 2260).

Aide publique au développement – Prêts à des États étrangers

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’aide publique au développement et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (nos 2260, annexe VI ; 2263, tome III).

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur spécial, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à remercier les deux rapporteurs de ce budget, M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial pour la commission des finances, et M. Hervé Gaymard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour leur excellent travail. Cela fait déjà plusieurs années qu’ils travaillent sur la mission « Aide publique au développement ». Messieurs les rapporteurs, je connais bien votre engagement en faveur de l’aide publique au développement, et sachez que je le partage.

Je vous présente aujourd’hui le budget de la mission « Aide publique au développement », composée des programmes 110 et 209. Avec une enveloppe de 2,8 milliards d’euros, ce budget traduit nos engagements et les priorités de la loi que vous avez votée cette année. Il nous permet de conserver des marges de manœuvre, et reste à la hauteur des ambitions de la France dans un contexte budgétaire contraignant.

C’est un budget responsable, car l’aide publique au développement prend sa part de l’effort collectif de redressement des comptes publics. Il diminue ainsi de 1,5 %, si l’on intègre les financements innovants, notamment du fait du relèvement à 25 % de la part du produit de la taxe sur les transactions financières – TTF – affectée au développement.

La France n’a donc pas à rougir de son effort de solidarité, bien au contraire. Avec 0,41 % de son RNB consacré à l’aide publique au développement en 2013, soit 8,54 milliards d’euros, la France reste largement au-dessus de la moyenne mondiale, qui est de 0,3 %. Pour 2014, ce rapport devrait s’établir à environ 0,37 %. La trajectoire redeviendra ascendante en 2015 : l’aide publique au développement devrait en effet représenter 0,42 % du RNB.

Ce budget est construit sur des choix clairs et assumés. Le cœur de l’aide au développement est ainsi préservé avec le maintien des dons consacrés à des projets, pour un total de 333 millions d’euros en autorisations d’engagements. Ces dons sont les instruments privilégiés de notre aide bilatérale. Nous conservons aussi des moyens importants pour répondre à l’urgence et aux multiples défis qui se présentent à nous : l’enveloppe allouée à l’aide alimentaire a été maintenue à 37 millions d’euros, celle de l’aide humanitaire d’urgence à 11 millions d’euros, et celle de l’aide post-crise à 22 millions d’euros.

Les acteurs du développement et de la solidarité internationale, l’Agence française de développement, les ONG et les collectivités territoriales, sont confortés dans leur rôle et dans leurs missions. L’AFD, acteur pivot du dispositif français d’aide au développement, reçoit ainsi un engagement de l’État à hauteur de 840 millions d’euros sur trois ans pour renforcer ses fonds propres et augmenter son niveau d’activité sur nos priorités. Je tenais à signaler cet effort supplémentaire de l’État en faveur du développement.

Le doublement de l’aide pour les ONG est confirmé : ce budget consacrera, via l’AFD, 8 millions d’euros supplémentaires aux ONG investies dans l’aide au développement, et 1 million d’euros supplémentaires à celles qui se consacrent à l’aide humanitaire. Comme je le disais tout à l’heure, nous avons également souhaité stabiliser les crédits de la coopération décentralisée, à hauteur de 9 millions d’euros, mais aussi renforcer et sécuriser le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités territoriales.

Nous renforçons aussi le ciblage géographique. Vous savez que nous avons identifié 16 pays pauvres prioritaires, ou PPP, auxquels nous accordons 50 % de nos subventions. L’Afrique et la Méditerranée concentreront 85 % de l’effort financier de l’État.

Je voudrais souligner deux priorités thématiques, qui sont très visibles dans ce budget. La santé, d’abord : le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, recevra 360 millions d’euros par an jusqu’en 2016. Le climat, ensuite, qui sera, comme vous le savez tous, la priorité diplomatique de 2015. La France apportera ainsi 1 milliard de dollars au Fonds vert pour le climat. Pour préserver ces objectifs, nous avons fait des choix que nous assumons ; surtout, nous renforçons notre efficacité, en rationalisant nos actions. Nous avons ainsi créé l’Agence française d’expertise technique internationale, l’AFETI, qui regroupera, à partir du 1er janvier 2015, six agences au sein d’une même entité.

Nous renforçons l’articulation – et surtout le levier – entre l’aide bilatérale et multilatérale. Il s’agit d’impulser une dynamique au niveau international. En tant que deuxième contributeur au Fonds européen de développement, la France peut jouer ce rôle.

Je donnerai deux exemples emblématiques de notre action : premièrement, la création du fonds « Bêkou », à l’initiative de la France, pour soutenir la République centrafricaine ; deuxièmement, la mobilisation internationale dans la crise qui est apparue avec le virus Ebola, pour laquelle la France a également joué un rôle moteur.

Plus d’efficacité, c’est aussi faire le choix de la transparence : rendre des comptes et évaluer nos politiques publiques. La création de l’Observatoire de la politique de développement et de solidarité internationale, prévue par la loi, répond à cet impératif. Je vous donne donc rendez-vous, d’ici un an, pour faire le point sur cet observatoire – je l’ai déjà dit au cours de mes auditions par la commission.

La transparence, c’est aussi permettre à chaque citoyen de suivre l’aide publique au développement. Le site internet transparence.aide.gouv.fr permet ainsi de voir tous les jours comment évoluent les projets financés par la France.

Nous devons aussi nous projeter dans l’avenir : c’est l’objet de la discussion sur les objectifs du développement durable. Pour répondre à des défis globaux, il faudra plus que de l’aide publique au développement. Nous devons être innovants, développer une approche globale dans laquelle tous les acteurs jouent leur rôle, renforcer les ressources propres, lutter contre les paradis fiscaux, et encourager l’implication – avec des règles – du secteur privé. D’autres pistes, encore, sont à explorer.

Tel est le chantier auquel nous devons nous attaquer tous ensemble, afin que l’aide publique au développement de la France soit à la hauteur des défis, afin qu’elle soit le levier qui permettra de répondre aux défis qui s’annoncent devant nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie,monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, mes chers collègues, l’enveloppe budgétaire allouée à l’aide publique au développement est gravement affectée : elle diminue de près de 3 %. L’aide publique au développement enregistre une perte de 800 millions d’euros par rapport au budget 2014, pour une enveloppe totale de 2,81 milliards d’euros.

Cette aide ne cesse de baisser depuis 2010. Selon les chiffres de l’OCDE, l’aide publique au développement de la France avait diminué de 9,8 % en 2013, alors qu’elle augmentait de 6,1 % dans le monde la même année. Ce chiffre ne correspond d’ailleurs pas à l’aide réellement dépensée dans les pays en développement ; en effet, pour ne prendre qu’un exemple que je suis obligé de répéter chaque année, les bourses que des étudiants des pays pauvres peuvent parfois recevoir pour poursuivre leurs études en France sont aussi comptées comme de l’aide au développement.

Depuis quelques années, nous assistons à un phénomène inquiétant : des contributions importantes d’urgence sont annoncées pour répondre aux crises – comme la crise syrienne, ou Ebola – sans pour autant que cela se traduise par de nouveaux financements dans les faits. Quels sont alors les vrais chiffres de l’aide sanitaire si l’on substitue l’aide d’urgence à la prévention, indispensable au moment même où les pays concernés par le virus ont besoin de renforcer durablement leurs systèmes de santé ? Cette tendance à la baisse peut avoir un impact dévastateur sur la lutte contre l’extrême pauvreté. Celle-ci a été réduite de moitié dans le monde depuis 1990 ; elle pourrait être réduite quasiment à néant d’ici à 2030, à la seule condition que les pays donateurs n’abandonnent pas les pays les plus pauvres dans les années à venir.

Si la France le voulait, elle pourrait donc tenir ses engagements : c’est une simple question de volonté politique. Le Royaume-Uni, qui pourtant applique des recettes ultra-libérales, a atteint cette année l’objectif d’allouer 0,7 % de son PNB à l’aide au développement. La France, elle, s’éloigne encore un peu plus de cet objectif – que le Président de la République a pourtant encore rappelé l’année dernière –, et ce alors qu’il n’y a aucune fatalité à ce que le budget de l’aide au développement baisse.

Nous nous inquiétons notamment de la baisse de plus de 20 millions d’euros des crédits affectés au programme 209 « Solidarité à l’égard des pays en développement ». Ce programme devait mettre en œuvre les nouvelles orientations fixées par la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, dite loi Canfin, adoptée en juin 2014. Nous pouvons que nous féliciter des avancées de cette loi ; malheureusement, dans les faits, les moyens financiers nécessaires à sa mise en application ne sont pas prévus. Les subventions et les dons continuent à diminuer. L’AFD est de plus en plus une banque et de moins en moins une agence : j’ai d’ailleurs toujours considéré que cette confusion des genres, unique au monde, mettait en péril l’aide publique au développement. Une fois de plus, ce budget confirme cette prévision.

Surtout cette nouvelle baisse de la solidarité apparaît contradictoire avec les orientations que nous portons sur le plan militaire. Vous connaissez ma position – qui n’est pas nécessairement celle de mon groupe parlementaire – sur les interventions françaises en Afrique. Mais il faut être cohérent : les interventions françaises au Mali et en République centrafricaine ne peuvent se cantonner aux aspects strictement militaro-sécuritaires. Si nous n’avons ni stratégie ni moyens pour aider à reconstruire ces États, alors l’action de nos soldats n’aura servi à rien : l’exemple des interventions américaines en Afghanistan et en Irak le montre bien.

Stabiliser un pays, reconstruire et renforcer un État, cela ne se fait pas d’un claquement de doigts, il y faut des moyens. On voit bien, par exemple, que si l’on ne soutient pas financièrement la réconciliation dans le nord du Mali, cela ne marchera pas. Pourtant, alors même qu’elle devrait accentuer son action, la France se désengage des programmes bilatéraux de renforcement institutionnel et de gouvernance, qui sont particulièrement importants dans les situations de reconstruction post-crise. Comme le rappelle Coordination SUD, l’instrument financier du ministère des affaires étrangères et du développement international dédié à cette coopération bilatérale, le Fonds de solidarité prioritaire, ne représente que 22 millions d’euros pour 2014, et a été amputé d’un tiers depuis 2010. Seuls 22 millions d’euros d’aide française seulement sont consacrés aux 16 pays pauvres prioritaires, dont des pays d’Afrique subsaharienne comme la Centrafrique, le Mali, la République démocratique du Congo, et le Niger.

Nous soutenons donc avec force la proposition de notre collègue Jean-Pierre Dufau. Il a en effet déposé un amendement visant notamment à mieux doter le FSP, qui est particulièrement sollicité par Ebola. Il ne sert à rien de gesticuler dans les conférences de donateurs si l’on fait le contraire de ce que l’on dit dans ces cénacles internationaux.

Enfin, au moment où, avec la Conférence des parties – COP – Climat 2015, nous devrons apporter des gages aux pays les plus pauvres pour lutter contre le changement climatique, la diminution de l’aide française n’est pas un bon signe. Comment établir un partenariat sur le climat quand, en même temps, ces pays ont le sentiment d’être abandonnés dans les domaines sociaux, sanitaires ou humanitaires ?

En résumé, ce budget, qui s’inscrit dans la politique drastique de réduction des déficits, va à l’encontre des principes édictés par la loi Canfin et de la politique menée par la France en matière de coopération, de politique étrangère et de défense. Au sens premier du terme, il est sans doute irresponsable. Il illustre à lui seul les raisons de fond pour lesquelles le groupe écologiste a choisi de s’abstenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, le constat est unanime : le budget de l’aide publique au développement baisse, certes de manière modérée, mais il baisse. La France est toujours loin de tenir son engagement de 0,7 % du PIB affecté à l’aide publique au développement, alors que d’autres pays, comme la Grande-Bretagne, le maintiennent, malgré la crise. Certes, madame la secrétaire d’État, vous n’êtes pas responsable d’une situation qui est ancienne, dans un pays qui n’a jamais respecté cet engagement international.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, en première partie du projet de loi de finances pour 2015, un amendement visant à augmenter de 10 millions d’euros le plafond de la part de la taxe sur les transactions financières affectée au Fonds de solidarité pour le développement, amendement qui a été adopté.

Comme vous l’avez dit avec justesse, le contexte budgétaire que nous connaissons aujourd’hui est contraint et nous ne pouvons nous y soustraire. Je dirais même que c’est peut-être une occasion de nous interroger à la fois sur la finalité de notre aide au développement et sur son mode de financement. Et n’est-ce pas ce que vous nous invitez à faire avec courage et responsabilité, madame la secrétaire d’État, que de repenser le sens global de notre aide publique au développement ? N’est-ce pas ce que vous faites, madame la secrétaire d’État, en nous proposant un budget responsable dans un cadre juridique sécurisé et rénové ?

En effet, au lieu de nous concentrer sur les montants nominaux, sur ce qui peut être comptabilisé ou non dans l’aide publique au développement, comme les frais d’écolage, plutôt que de débattre sur le caractère additionnel ou non des financements innovants, demandons-nous vraiment comment répondre de manière pérenne aux défis auxquels nous sommes confrontés.

Les financements innovants nous permettent de répondre dans un premier temps à ces enjeux. Je me félicite que la France soit pionnière dans leur développement et soit à l’origine d’une coopération renforcée pour la mise en œuvre d’une directive européenne sur la taxation des transactions financières.

Malheureusement, il n’y a pour le moment pas de véritable accord avec nos onze partenaires. Or, comme vous l’avez souligné, nous ne pouvons répondre seuls aux défis qui s’imposent à nous. Les réponses ne pourront être apportées que dans un cadre international. C’est pour cela qu’il nous faut rechercher une multiplicité d’acteurs pour financer l’APD – entreprises, donateurs, mécènes, systèmes de financements participatifs. En un mot, il nous faut innover !

Mais il nous faut aussi impulser une dynamique internationale et je salue votre courage, madame la secrétaire d’État, de ne pas avoir hésité à aller sur le terrain, en Guinée Équatoriale, pour montrer aux Guinéens que la France était en première ligne pour lutter contre la pandémie due au virus Ebola. Il ne s’agit pas là de gesticulations, comme je l’ai entendu à l’instant.

En effet, l’aide publique au développement ne se résume pas seulement à des chiffres, ce sont aussi des actes ! Et ce sont ces actions sur le terrain qui ont permis de coordonner une action internationale qui avait tardé à se manifester après que Médecins sans frontières eut lancé son cri d’alarme.

Sécuriser l’action extérieure des collectivités territoriales par la loi du 7 juillet 2014 était également une manière d’apporter une réponse à ces enjeux. Qui mieux que les collectivités territoriales est à même de développer des partenariats avec leurs homologues, dans le cadre d’une coopération décentralisée respectueuse de ses partenaires ? Cela supposait de repenser et de rénover le cadre juridique de notre action extérieure pour mieux sécuriser le cadre de nos partenariats. Et nous ne pouvons que vous remercier de l’avoir fait.

Après avoir parlé du renouvellement des moyens et des acteurs, venons-en maintenant aux finalités. Il nous faut redéfinir et rénover notre aide publique au développement, parce que nous souhaitons des partenariats responsables dans lesquels les acteurs se trouvent à égalité. L’aide publique au développement doit également être ciblée pour être plus efficace dans le traitement des priorités qu’elle s’assigne. Je sais que vous travaillez dans ce sens : la définition des dix-sept objectifs du développement durable met en évidence les priorités de votre action budgétaire. Il nous faut, en effet, lier aide au développement et lutte contre le réchauffement climatique.

En un mot, madame la secrétaire d’État, la mission « Aide publique au développement », ce ne sont pas que des chiffres, mais c’est une philosophie d’action que vous incarnez par une modernisation de la politique d’aide au développement. Le groupe RRDP votera donc sans réserve les crédits de la mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l’aide publique au développement paie le prix fort des politiques d’austérité. Le budget de la mission connaît en effet une baisse historique de ses moyens : en prenant en compte le budget prévisionnel, la mission verra ses crédits amputés de 20 % entre 2012 et 2017, ce qui représente une diminution des moyens de 670 millions d’euros en cinq ans. Le budget pour l’année 2015 s’inscrit dans cette tendance lourde, avec une réduction des crédits de 2,8 %.

Cette véritable saignée budgétaire suscite le malaise dans notre hémicycle, y compris dans votre majorité. Du côté des ONG de solidarité internationale, l’inquiétude est réelle, alors que l’ampleur des crises internationales – au Mali, en Syrie ou en Afrique de l’Ouest avec la terrible épidémie Ebola – met en lumière l’importance d’aider les pays les plus pauvres, au risque d’assister à de nouvelles catastrophes. Jamais l’objectif d’accorder 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement ne sera atteint. D’autres ont réussi : la Suède, la Norvège, le Danemark et, depuis peu, la Grande-Bretagne.

La France fait figure de mauvais élève, notre pays étant l’une des seules grandes puissances à diminuer son aide. Comment, dans ces conditions, défendre une politique de développement ambitieuse en faveur des pays du Sud ? Comment lutter contre l’accroissement des inégalités mondiales engendré par la mondialisation financière ?

En tant que pays riche, la France a une obligation morale envers les pays les plus en difficulté, en accord avec le message universel de paix, de solidarité, d’émancipation sociale qui devrait être le nôtre. L’étude détaillée du budget 2015 de la mission « Aide publique au développement » nous amène à réitérer un certain nombre de critiques formulées les années précédentes.

L’aide publique ne profite que marginalement aux pays les plus pauvres : seulement un quart de notre aide est alloué aux seize pays pauvres prioritaires, ce qui contredit totalement les prétentions affichées dans la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale adoptée en 2014, que nous avons d’ailleurs votée. Au total, l’aide allouée aux pays les plus pauvres sous forme de subvention ou d’aide-projet s’établit aux alentours de 200 millions d’euros. La France a tendance à réagir à l’urgence et, bien souvent, il est déjà trop tard. Les crises alimentaires au Sahel ou les épidémies comme celle liée à Ebola auraient sans doute pu être contenues avec une aide publique à la hauteur.

Un constat s’impose : la France peine à tenir ses engagements dans de nombreux secteurs d’intervention. Ainsi, elle a tout récemment débloqué 20 millions d’euros pour lutter contre l’épidémie Ebola, alors qu’elle s’était engagée à hauteur de 70 millions d’euros auprès de ses partenaires.

Si le volume des dons est particulièrement modeste, les prêts représentent quant à eux un tiers du budget total de la mission. Les prêts servent surtout à financer des projets dans les pays émergents comme la Chine, la Colombie ou la Turquie, en accord avec la volonté de notre diplomatie de privilégier la diplomatie économique.

La France va jusqu’à intégrer dans son budget des prêts accordés à des taux d’intérêt de 10 %. Peut-on alors parler d’aide au développement ? Est-il normal que la France réalise des bénéfices sous couvert d’aide au développement ? Je rappelle que l’Agence française de développement a reversé 1,4 milliard d’euros de dividendes à l’État en dix ans.

Enfin, comment ne pas évoquer le détournement des financements innovants, tel que le produit de la taxe sur les transactions financières ? La philosophie de cette taxe est, je le rappelle, de servir au financement du développement en mettant à contribution le secteur financier. Or, seulement 25 % du produit de la taxe est réaffecté à l’aide publique au développement. Le Gouvernement a mis en place un plafond limitant les ressources issues de cette taxe. Le manque à gagner pour l’aide publique au développement se chiffre à plusieurs dizaines de millions d’euros.

Ce budget 2015 n’est donc pas à la hauteur de l’ambition, qui devrait être celle de la France, de lutter contre le cours injuste de la mondialisation et d’œuvrer pour un monde meilleur. Dans ces conditions, les députés du Front de gauche ne peuvent pas soutenir ce projet de budget. Ils voteront contre.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-René Marsac. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l’année 2014 a été marquée par l’adoption de la loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Pour la première fois, le Parlement a pu participer à la définition des orientations de cette politique. Nous regrettons cependant la baisse des crédits destinés à l’aide au développement. Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit une baisse de près de 3 % des crédits et une baisse de plus de 7 % jusqu’en 2017.

Si nous comprenons les contraintes budgétaires, le groupe socialiste souhaite que la France reprenne une trajectoire ascendante vers les objectifs qu’elle s’est fixés. Nous avions déjà rappelé dans la loi les engagements internationaux pris par la France en matière de financement de l’aide publique au développement : consacrer 0,7 % du revenu national brut – RNB – à l’APD et affecter 0,2 % du RNB aux pays les moins avancés. Ces engagements ont été tenus, par exemple, par le Royaume-Uni qui, malgré la crise économique et des coupes budgétaires, alloue désormais 0,7 % de sa richesse nationale aux pays en développement.

La réduction des moyens budgétaires doit nous amener à rechercher d’autres sources de financement. La mise en œuvre progressive d’une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne est en cela indispensable. La Commission européenne estime que la taxe sur les transactions appliquée en France rapporterait 11 milliards d’euros par an. D’après une étude réalisée pour le magazine Challenges, la taxe sur les transactions financières pourrait rapporter jusqu’à 15 milliards d’euros.

Aujourd’hui, la taxe sur les transactions financières française rapporte à la France 700 millions d’euros. La taxe française comporte en effet de nombreuses exceptions. La France ne taxe les transactions financières qu’à hauteur de 0,2 % alors que le Royaume-Uni, qui arrive à dégager 3 à 4 milliards d’euros chaque année grâce à ce dispositif, taxe les transactions à 0,5 %.

Le Gouvernement s’est engagé à affecter 25 % des ressources de cette taxe au Fonds de solidarité pour le développement. Cependant, le projet de loi de finances prévoit que seulement 130 millions d’euros seront affectés à ce fonds, soit moins de 20 %. Un amendement adopté en séance lors de l’examen en première lecture de la première partie de la loi de finances a permis d’augmenter ce plafond à 140 millions. Nous nous en réjouissons mais cela reste insuffisant.

De manière plus générale, nous souhaitons qu’une réflexion soit menée sur la façon d’aider les pays les plus pauvres. Nous nous inscrivons dans l’objectif de la loi de consacrer 50 % des subventions de l’État et deux tiers des subventions de l’Agence française de développement aux seize pays prioritaires. Nous souhaitons privilégier le don pour ces pays, qui sont généralement surendettés. Les dons peuvent également servir de base à des effets de levier. Nous présenterons tout à l’heure un amendement qui permet de renforcer cette politique de dons.

Nous souhaitons la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie vis-à-vis de l’Afrique et des pays francophones. La loi précise que 85 % de l’effort financier de l’État doit être orienté vers l’Afrique subsaharienne et les pays du voisinage Sud et Est de la Méditerranée. C’est un bon objectif, mais nous devons nous inspirer du rapport Védrine-Zinsou publié en décembre 2013, qui invite la France à créer une nouvelle dynamique économique avec l’Afrique, et du rapport Attali, publié en septembre dernier, qui met l’accent sur le potentiel économique énorme que représente la francophonie pour la France.

Autre priorité sur laquelle nous avons insisté lors de l’examen du projet de loi et sur laquelle je souhaite revenir : la formation. Une des caractéristiques des pays bénéficiaires de la politique de développement est la jeunesse de leur population. À cet effet, la loi mettait l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre des politiques d’éducation et de formation ambitieuses et efficaces.

La formation professionnelle a un effet de levier sur la création d’emplois et la création d’entreprise, mais aussi sur la capacité de ces pays à s’adapter au contexte de mondialisation des échanges et de multiplication des crises économiques, sanitaires et climatiques. C’est donc un enjeu très important. La formation professionnelle in situ est aussi un vecteur puissant pour le renforcement de la francophonie. De ce point de vue, madame la secrétaire d’État, je pense que vous serez très sensible à l’idée d’une nouvelle combinaison des moyens budgétaires du développement et de la francophonie sur le champ de la formation.

L’efficacité de notre aide au développement passera enfin par un continuum plus explicite entre les aides d’urgence face aux crises, les phases de reconstruction, de développement, et l’amorçage de partenariats s’inscrivant dans des échanges économiques justes et durables. Tout cela exige des coordinations renforcées entre tous les acteurs, qu’ils soient publics ou privés.

L’adoption de la loi de programmation et d’orientation était une première étape : elle a défini une feuille de route ambitieuse. Nous devons désormais nous donner les moyens de nos ambitions. Malgré les réserves et les inquiétudes que nous exprimons, le groupe SRC votera bien évidemment les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. André Schneider, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. André Schneider. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur spécial, mes chers collègues, l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » est, pour notre assemblée, l’occasion d’exprimer la volonté de notre pays de lutter contre la pauvreté, les inégalités et le changement climatique dans le monde.

Augmenter le financement de l’APD, c’est mettre en place, dès aujourd’hui, les fondements de la croissance de demain. En effet, mes chers collègues, le soutien aux pays en développement est un pré-requis à la relance de l’économie.

Augmenter la croissance, stimuler la demande domestique et réduire les inégalités dans les pays pauvres, c’est leur donner un dynamisme capable de tirer vers le haut l’ensemble de l’économie mondiale.

Les pays les moins avancés d’aujourd’hui seront, je l’espère, les économies développées de demain. Malheureusement, le budget alloué à cette mission ne nous permet pas d’espérer un développement équitable.

Ce budget accuse, en valeur, une baisse de plus de 2,9 %, soit plus de 83 millions d’euros. En deux ans, la mission aura perdu plus de 260 millions d’euros. Nous sommes loin de l’objectif d’atteindre, en 2015, 0,7 % du revenu national brut. Les prévisions financières et budgétaires actuelles rendent très difficiles, voire totalement impossibles, cette perspective.

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, à ce moment, dans l’hémicycle, ce n’est pas un élu de droite qui s’exprime contre d’autres élus : nous sommes tous ensemble, sur ces bancs, des représentants de la nation débattant de l’avenir préoccupant de la politique française d’APD.

Il y va de l’avenir de millions d’êtres humains : attention à ne pas franchir le point de non-retour. Oui, la France a permis à des millions de personnes de sortir, depuis vingt-cinq ans, de la pauvreté, et nous pouvons en être fiers.

Mais que penseront nos enfants et nos petits-enfants d’un pays qui se retire progressivement, doucement mais sûrement, de la solidarité internationale ? Selon le dernier rapport des Nations unies sur les objectifs du millénaire pour le développement, il resterait encore 870 millions de personnes sous-alimentées dans le monde en 2014.

Madame la secrétaire d’État, je connais votre engagement et votre détermination à construire un monde plus juste, mais nous ne pouvons accepter que la France soit à contre-courant des autres donateurs du Comité d’aide au développement.

Prenons l’exemple de la Grande-Bretagne : l’aide au développement y a augmenté de 29 % entre 2012 et 2013, alors qu’elle a diminué de 5,4 % en France. Selon les prévisions du budget triennal 2015-2017, les crédits qui lui sont alloués devraient encore diminuer au cours des deux prochaines années.

L’APD a besoin d’une nouvelle vision, d’une nouveau souffle : elle doit être rénovée et proactive. Elle doit permettre d’anticiper les changements de demain.

Oui, la mutation des politiques d’aide au développement, contrainte par l’état de nos finances publiques, n’échappera pas, à l’avenir, à une meilleure combinaison entrer aide publique et aide privée.

Pour cette raison, il nous faut donner plus de liberté aux ONG qui font un excellent travail sur le terrain et savent parfaitement faire appel à la solidarité citoyenne.

Nous devons nous appuyer sur les dix propositions du rapport d’Emmanuel Faber, directeur général de Danone, et de Jay Naidoo, président du conseil d’administration de l’Alliance mondiale pour une meilleure nutrition, ancien ministre de Nelson Mandela.

Ce rapport nous rappelle certaines thématiques prioritaires comme la situation des femmes, le sous-emploi de la jeunesse africaine, l’agriculture familiale, l’accès à l’eau potable, et j’en passe. N’oublions pas non plus la lutte contre les grandes épidémies comme celle du SIDA et, aujourd’hui, d’Ebola. La santé doit être une de nos préoccupations majeures. Enfin, nous devons également nous concentrer sur le délicat problème du changement climatique avant qu’il ne soit trop tard.

Alors que la 21e conférence des Nations unies sur le changement climatique se tiendra au Bourget en 2015, la France respectera-t-elle les engagements qu’elle a pris à Copenhague en 2009 ?

Madame la secrétaire d’État, le monde attend beaucoup de la France. Notre nation se doit de continuer à réduire les inégalités et la pauvreté dans le monde. Or ce budget ne permet pas de le faire correctement.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP ne votera pas les crédits de cette mission et j’invite tous mes collègues, qui, comme moi, ont une certaine idée de la France, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis le sommet du millénaire en 2000, des progrès considérables ont été enregistrés : recul de la faim et de la pauvreté, hausse de la scolarisation des enfants, diminution des infections par VIH et amélioration des sources d’alimentation en eau.

Pour autant, les inégalités, les disparités entre régions du monde, entre groupes de populations comme entre pays, demeurent.

Et si le pourcentage de personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour a diminué de plus de moitié – il est passé de 47 % en 1990 à 22 % en 2010 –1,2 milliard de personnes vivent toujours, selon le rapport du secrétaire général des Nations unies, dans l’extrême pauvreté.

Dans ce contexte, l’aide publique au développement doit, plus que jamais, demeurer une composante essentielle de notre politique étrangère. Elle est une obligation, une exigence pour un pays comme le nôtre, soucieux de développement, de stabilité et de paix. Une ardente obligation.

Notre politique d’aide au développement doit aussi s’adapter à des facteurs changeants : la différenciation des niveaux de développement, l’émergence de nouvelles puissances, ou encore la globalisation de la question environnementale.

En dépit de certaines critiques sur le pilotage, la cohérence et la visibilité de sa politique, la France, quatrième contributeur au Comité d’aide au développement, a été, de longue date, perçue comme un pays plutôt généreux et ambitieux en matière d’aide publique au développement.

Pourtant, la baisse continue des crédits alloués à la mission devient préoccupante. Il faut ajouter à cela l’annulation, par la loi de finances rectificative du 8 août 2014, de plus de 73 millions d’euros de crédits. S’y ajoute la nouvelle chute des crédits, de 2,87 à 2,66 milliards d’euros entre 2014 et 2017, entérinée par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

Au regard de ces chiffres, l’aide publique au développement est l’une des missions sacrifiées de ce budget.

Mes chers collègues, nous sommes pourtant à la veille de deux rendez-vous cruciaux : conformément à l’échéance établie par les objectifs du millénaire pour le développement, les dirigeants mondiaux se réuniront d’abord en septembre prochain, à New York, pour établir le programme de l’après-2015.

L’autre rendez-vous majeur pour la France, la 21eme conférence des Nations unies sur le changement climatique, aura lieu en décembre 2015. La France devra alors montrer son implication et afficher, en matière de développement durable, des actes à la hauteur de ses paroles. Cette conférence lui offre en effet une occasion unique d’être, en la matière, une vitrine pour le monde.

Or, avec 0,41 % du revenu national brut consacré à l’aide publique au développement en 2013, nous sommes de plus en plus en deçà de l’objectif de 0,7 % fixé dans le cadre des objectifs du millénaire pour le développement. Atteindre cet objectif à la date prévue est désormais devenu irréaliste.

En outre, le groupe UDI déplore le manque de financements innovants et le fait que ces derniers ne servent qu’à compenser la baisse des crédits. Ils devraient pourtant être destinés à financer, sous la forme de contributions additionnelles à l’effort budgétaire, les besoins en matière de santé et de développement durable.

En définitive, on peut craindre que les moyens alloués à cette mission ne permettent pas à la France de respecter ses engagements ni de faire face aux nouveaux défis d’aujourd’hui, tels que l’épidémie d’Ebola. En un mot comme en mille, qu’ils l’empêchent de tenir son rang.

La politique française d’aide publique au développement a besoin d’établir des lignes stratégiques spécifiques et de concentrer son action sur les zones géographiques qui en ont le plus besoin, notamment l’Afrique subsaharienne, comme l’ont rappelé plusieurs collègues.

Considérant qu’il s’agit là d’un budget qui n’est pas à la hauteur des ambitions ni de la tradition de la France en matière d’aide publique au développement, le groupe UDI votera contre les crédits de cette mission.

M. le président. Nous en arrivons aux questions. En l’occurrence, il n’y en aura qu’une, du groupe UMP.

Je vous rappelle que la durée de la question, comme celle de la réponse, a été fixée à deux minutes.

La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Le budget que vous nous avez présenté, madame la secrétaire d’État constitue pour moi une triple déception. Il traduit un triple renoncement qui peut mettre en doute la fiabilité des engagements de notre pays en faveur du développement.

Comme cela a déjà été dit, pour la quatrième année consécutive, le budget de l’APD est en baisse, avec cette année une réduction de 80 millions d’euros. Cela représente, au regard du budget de l’État, une économie dérisoire.

Il y avait, je pense, dans la confection du budget pour 2015, bien d’autres économies à faire. Voilà le premier renoncement.

Le deuxième renoncement, c’est la réduction considérable des crédits alloués à la santé au sein de l’aide publique au développement. Ils ne représentent en effet plus, vous le savez, que 8,8 % de l’APD globale en 2015. Et pourtant, l’investissement dans la santé demeure sans doute l’un des plus pertinents et des plus efficaces de l’aide au développement.

Il conditionne, bien sûr, le développement économique, mais aussi la réussite de l’éducation et la sécurité sanitaire internationale. Consacrer plus d’argent à la santé maintenant revient à en consacrer moins, demain, à l’aide au développement.

Le troisième renoncement, c’est le non-respect des plafonds d’affectation des financements innovants. Non seulement vous utilisez en partie ces fonds pour combler les baisses de dotations budgétaires que vous avez acceptées, mais vous réduisez alors la part qui peut rester affectée aux programmes de santé auxquels ils étaient spécifiquement destinés.

Dans ces conditions, il y a naturellement des doutes sur la poursuite des programmes de santé. Alors que vous avez assisté à la signature de l’appel de Paris visant à accroître l’effort en matière de santé maternelle et infantile, pouvez-vous nous assurer que les paiements attendus, en 2014 et en 2015, pour les programmes Muskoka et Gavi, seront réellement honorés ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Monsieur le député, je l’ai déjà dit, nous assumons la baisse de 1,5 %, qui est limitée grâce à l’ajout des financements innovants sur lesquels nous travaillons à nouveau avec le don par SMS ou la loterie solidaire.

J’ai également dit, mais en commission, que le défi que affrontons en matière de développement et de lutte contre la pauvreté et contre le dérèglement climatique va au-delà de ce que, de toute façon, l’APD pourrait aujourd’hui faire, même si l’on multipliait par dix les crédits qui lui sont alloués.

On voit bien dans le débat des objectifs de développement durable, que nous devrons demain faire et voir le développement autrement, tout comme la solidarité en faveur des pays les plus vulnérables.

Joël Giraud l’a dit tout à l’heure : nous devons porter une autre vision du développement : j’y travaille aujourd’hui. Mais je vous rappelle aussi que la loi du 7 juillet 2014, que vous avez tous votée, ne date que de quelques mois. Elle enclenchait, déjà, une réforme de notre aide au développement. C’est cette loi, aujourd’hui entrée en application, qui nous conduit à des choix géographiques spécifiques, par exemple celui de 16 pays prioritaires. Nous devons concentrer nos efforts sur ces pays ainsi que sur l’Afrique subsaharienne.

C’est dans cette loi que tous ces éléments ont été ajoutés. Je l’ai portée dans la dernière phase, mais elle l’avait été bien avant moi par mon prédécesseur Pascal Canfin, auquel je veux ici rendre hommage.

Oui, les besoins restent énormes. Oui, nous sommes confrontés à un énorme défi, que la France ne peut relever seule. Elle travaille aussi au niveau européen et international afin qu’en 2015, à l’occasion des débats sur les objectifs de développement durable mais aussi à l’occasion de la COP 21 à Paris, des choix ambitieux soient opérés en matière de développement et de lutte contre le réchauffement climatique.

Voilà ce que je voulais vous dire, monsieur le député, même si mes propos ne sont peut-être pas à la hauteur de vos attentes. La santé n’a pas été sacrifiée, comme je vous l’ai dit tout à l’heure à propos du Fonds mondial. L’annonce du Président de la République a été suivie d’effet, puisque nous poursuivons notre soutien de 300 millions d’euros par an. Sur les programmes Muskoka et Gavi, il y aura des baisses : nous les assumons également.

Mission « Aide publique au développement » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Aide publique au développement », inscrits à l’état B.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 72 et 171.

La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l’amendement n72.

M. Jean-Marie Tetart. Madame la secrétaire d’État, les interventions liminaires ont montré qu’il y avait un certain consensus pour rééquilibrer les éléments budgétaires en faveur du programme 209 de façon à ce que les crédits en matière d’aide à la santé soient honorés à leur juste valeur.

Je n’irai pas plus loin. Mon collègue Dufau va d’ailleurs défendre un amendement identique. Et après avoir entendu Noël Mamère, je pense que nous défendons une position qui est ici presque unanime, de sorte que j’ai bon espoir que cet amendement sera voté.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l’amendement n171.

M. Jean-Pierre Dufau. Je suis à la fois satisfait et un peu surpris d’entendre M. Tetart reprendre à son compte l’amendement que j’ai proposé en commission élargie et y souscrire sur le fond, ce dont je le remercie. Il vise à redéployer les 35 millions d’euros d’autorisations d’engagements et de crédits de paiement affectés à l’action de bonification des prêts aux États étrangers vers l’aide aux seize pays les plus pauvres, que nous avons géographiquement ciblés de façon unanime dans le projet de loi, tels que le Niger, le Mali, la Mauritanie et la Guinée en particulier. Nous avons toujours été partisans des dons et des subventions, en particulier aux pays les plus pauvres, ce qui a fait débat par rapport à une autre aide au développement, celle qui prend la forme de prêts.

Si nous ne disconvenons pas de leur importance et de leur intérêt dans certains cas, nous maintenons qu’ils ne sont pas utiles aux pays insolvables auxquels il faut en revanche des aides directes sous forme de dons ou de subventions, qui peuvent notamment être relayés par des ONG. Le présent amendement a pour objet de traduire budgétairement les dispositions de la loi d’orientation, de renforcer les moyens permettant de développer des projets dans les seize pays prioritaires et de ramener les crédits de paiement et les autorisations de programmes à la hauteur de ce qu’ils étaient l’an dernier. Rien de tout cela n’est révolutionnaire et ces 35 millions d’euros seraient très utiles, en particulier aux pays actuellement frappés par la fièvre Ebola. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances n’a pas eu à se prononcer sur ces amendements. À titre personnel, je formulerai deux remarques. Tout d’abord, cet argent ne vient pas de nulle part.

M. Alain Fauré. Certes !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Les 35 millions d’euros seraient prélevés sur des crédits susceptibles d’être utiles dans le cadre de prêts bonifiés destinés à des pays qui en ont besoin. En revanche, comme l’amendement concerne directement les seize pays les plus pauvres, qui ont beaucoup souffert au cours des dernières années, il me semble utile de le voter.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je souhaite apporter quelques précisions à propos de cet amendement. Le débat que vous soulevez, messieurs les députés, invite à se prononcer sur l’utilité comparée, si j’ose dire, des subventions et des prêts. Les deux présentent un effet de levier susceptible d’entraîner d’autres partenaires, mais je doute qu’il y ait là un élément discriminant pour établir une préférence. J’ai tendance à penser, sans être spécialiste de la question, que l’effet de levier des prêts n’est pas sans intérêt. Deuxièmement, vous abordez le sujet de l’épidémie Ebola. Je rappelle tout l’engagement de la France à ce propos. Le Président de la République a évoqué aujourd’hui même un certain nombre d’actions déjà mises en route, qui mobilisent beaucoup de partenaires. Je crois pouvoir dire que la représentation nationale s’associe unanimement au Gouvernement pour saluer l’effort des Français qui travaillent en Guinée dans des conditions climatiques et sanitaires extrêmement difficiles qui les contraignent à des roulements.

J’ai constaté lors d’un récent conseil des ministres que le Gouvernement fait tout ce qu’il est possible de faire grâce à la sécurité civile, à l’appui logistique du ministère de la défense et bien sûr du ministère des affaires sociales et de la santé. Il est donc probable que nous devrons abonder un certain nombre de lignes budgétaires afin de tenir compte de l’engagement de la France dans la lutte contre l’épidémie. Sommes-nous aujourd’hui en mesure de dire combien et par quels dispositifs budgétaires ? Nous devrons probablement abonder des crédits du ministère de l’intérieur dont dépend la sécurité civile, d’autres du ministère des affaires sociales et probablement d’autres encore affectés à l’aide au développement, comme le sont ceux visés par votre amendement.

Le Président de la République a déclaré aujourd’hui que la France s’engagera, probablement sur le budget 2014, dans le redéploiement des crédits en fin de gestion le dira, à hauteur de 20 millions d’euros. On peut s’attendre pour l’année 2015 à un engagement nécessaire d’environ 100 millions d’euros. À cet instant, le travail collectif mené au sein du Gouvernement ne permet pas de préciser le montant et l’endroit exact où il sera nécessaire de redéployer des crédits. Je vous propose donc, messieurs les députés, d’y travailler dans le cadre de la navette parlementaire. Nous aurons le temps de préciser exactement les montants et les lignes budgétaires qu’il nous faudra abonder, probablement pour des montants avoisinant 100 millions d’euros pour 2015, comme je viens de l’indiquer.

Le Gouvernement suggère donc le retrait des amendements et réitère l’engagement de mettre à profit la navette pour formuler des propositions concrètes et précises afin que les crédits soient orientés au mieux. J’approuve en passant ce qu’a dit M. le rapporteur. Prélever les crédits là où ils sont actuellement affectés risque de poser problème en matière de respect des engagements déjà souscrits dans le cadre des programmes pluriannuels en faveur des pays qui ont été cités. Je souhaite donc que nous fassions preuve de prudence et préfère que les amendements soient retirés au profit des explications que je viens de donner, assorties de l’engagement de revenir sur le sujet en seconde lecture au cours de laquelle l’Assemblée est souveraine, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 72 et 171, je suis saisi par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Nous ne pouvons être convaincus par les arguments que vient de présenter M. le secrétaire d’État chargé du budget. En effet, les dispositions proposées par nos collègues Dufau et Tetart non seulement font l’unanimité sur ces bancs mais ont aussi valeur de symbole d’une justice et d’une équité accrues de notre politique d’aide au développement.

M. Jean-Marie Tetart. Tout à fait !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. À 35 millions d’euros, tout de même !

M. Noël Mamère. Comme l’a très judicieusement souligné notre collègue Dufau il y a quelques instants, le transfert d’un chapitre à l’autre, c’est-à-dire des prêts vers les subventions, est une manière de rééquilibrage du projet de budget par rapport au budget 2014 et surtout c’est un geste de la représentation nationale envers les seize pays les plus pauvres, dont je rappelle qu’ils sont pour la plupart des pays africains qui ont fait l’objet de la colonisation, française y compris, dont nous avons exploité les ressources et asservi les peuples et vis-à-vis desquels nous avons une dette qui n’est pas simplement morale mais aussi financière et écologique ! Dois-je rappeler ici les questions que nous, écologistes, avons posées à propos de la présence de la société Areva au Niger où elle exploite de l’uranium ? Beaucoup de discussions ont été nécessaires avant qu’elle n’accepte de respecter le code minier du Niger et les réformes qui y ont été mises en œuvre afin qu’une partie des ressources d’Areva soit redistribuée au peuple du Niger !

Ces pays ont également été victimes pendant très longtemps des politiques d’ajustement économique structurel menées par le Fonds monétaire international, qui y a tout de même provoqué beaucoup de catastrophes. Il faut donc profiter du vote des crédits de l’aide au développement, dont nous avons tous dénoncé les limites, pour montrer que l’on peut réorienter une partie du budget à la marge au profit du fonds d’intervention prioritaire et surtout des seize pays les plus pauvres. Que sont en effet 35 millions d’euros par rapport à l’ensemble du budget ? Il n’est pas question pour nous de renoncer et d’attendre une navette.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. L’amendement qui avait été déposé par tous nos collègues socialistes de la commission des affaires étrangères et adopté à l’unanimité en commission élargie me semble relever du bon sens. La politique est aussi faite de symboles et le vote de cet amendement me semble être un geste utile, qui certes ne réglera pas tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés mais qui n’en est pas moins un geste utile et attendu. Ne remettons pas au lendemain ce que nous pouvons faire le jour même !

Mme Monique Rabin. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Je réponds à M. le secrétaire d’État que j’ai bien noté les efforts de lutte contre Ebola, tant le milliard d’euros européen que la participation spécifique de la France, dont nous nous réjouissons tous ici.

Je rappelle que mon amendement s’inscrit dans le droit fil de la loi que nous avons votée en 2014 et dont 2015 sera la première année budgétaire d’application. Il a donc une valeur assez forte relativement aux engagements que nous avons pris ensemble. Quant à la somme proposée, elle est inscrite dans le même périmètre budgétaire et ne constitue donc pas une dépense supplémentaire. Vous avez souligné à juste titre, monsieur le secrétaire d’État, que les prêts ont un effet démultiplicateur mais transférer 35 millions d’euros aux pays les plus pauvres aurait un effet d’efficacité et de transparence conforme aux mots d’ordre de la loi que nous avons votée. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt tout ce que vous avez dit sur les navettes à venir, mais je maintiens mon amendement et suivrai avec beaucoup d’intérêt les éventuelles évolutions du budget.

Mme Danielle Auroi et M. Pascal Cherki. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Je pense comme mon collègue Jean-Pierre Dufau qu’il est très important d’aider les pays les plus pauvres, dont Ebola n’est pas le seul problème. Chacun sait qu’ils sont exposés aux pandémies, en particulier la tuberculose, qui tue 1,9 million de personnes par an. Si nous ne faisons rien, si nous n’aidons pas ces pays complètement déshérités, nous ne résoudrons jamais le problème des pandémies ! Je suis très attristée que la France soit l’un des rares pays à diminuer son aide au développement. Cet amendement est un signe. Il n’est pas d’un montant très important : 35 millions d’euros, c’est peanuts dans un budget comme celui de la France ! Il importe donc de le voter sans attendre la navette dès lors que ce qu’il propose nous semble à tous indispensable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. La réaction du groupe socialiste me rappelle du groupe des radicaux quand il avait fait muter 10 millions d’euros de la taxe sur les transactions financières vers l’aide au développement. Nous sommes là dans une démarche humanitaire qui procède un peu du même élan. Une demande très forte sous-tend toutes les interventions et je voudrais que M. le secrétaire d’État Christian Eckert, qui propose de revenir sur le sujet en nouvelle lecture, l’entende bien. Quel que soit le vote aujourd’hui, il faudra en nouvelle lecture revenir sur un sujet, celui de la baisse tendancielle de l’aide au développement, par-delà le contexte particulier de l’année en cours. Je dialoguais il y a deux heures avec des représentants d’organisations non gouvernementales fournissant des services vétérinaires et agronomiques dans des régions comme le Sahel, aujourd’hui pénétrées par des mouvements terroristes et pour lesquelles la France a engagé ses armées avec beaucoup de courage aux côtés de ses alliés. Mais l’influence de la France ne saurait se réduire à l’action de son armée. C’est aussi l’expertise et l’accompagnement du développement et de la coopération. Notre investissement dans l’APD, sous des formes diverses, est un investissement pour la paix, pour l’image de la France et pour une économie saine et plus humaine.

Rehausser cette aide au développement, et y penser dès la nouvelle lecture, en mobilisant notre énergie pour une révolution culturelle, peut donc être un levier de croissance dans la durée.

En outre, il nous faut des recettes nouvelles. Et nous avons un exercice d’imagination à faire pour mobiliser, là où subsistent des îlots de prospérité ou de privilèges, un effort au service de cette aide au développement. Ce serait l’honneur de notre majorité et de l’Assemblée que d’inventer, avec le Gouvernement, cette recette nouvelle qui rétablisse la trajectoire de l’aide publique au développement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Je lançais tout à l’heure un appel à l’union pour la solidarité et la grandeur de la France ; solidarité envers les peuples les plus pauvres de la planète, et pour l’image de notre pays.

Nous avons là une magnifique opportunité pour le faire. Jean-Pierre Dufau le disait à l’instant, nous sommes à la marge ; mais le premier pas est un pas important, un pas de solidarité envers les plus démunis. Il me semble donc que dans cette belle unanimité, nous devrions nous exprimer tous en faveur de cet amendement. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. Je profite de ce moment du débat pour insister à mon tour, et dire combien nous regrettons ce budget qui ne parvient pas à augmenter, alors que ce serait possible grâce à la taxe sur les transactions financières, et que la France a pris des engagements à Muskoka pour que l’aide au développement aille en priorité aux femmes et aux jeunes filles. Le développement passe par l’amélioration du sort des femmes et des jeunes filles ; nous savons que deux à trois années d’éducation de plus pour les jeunes filles, c’est plusieurs points de PIB en plus pour ces pays. Nous ne pouvons que regretter de ne pas disposer suffisamment de ce levier. Cet amendement est un signal qui nous permet de le dire.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi de verser un ou deux éléments au débat. J’entends bien les regrets de nombreux parlementaires sur ce qui est présenté comme une baisse des crédits de l’aide au développement. Je voudrais néanmoins faire observer que les actions de la France en faveur du développement ne se limitent pas aux seuls crédits de cette ligne budgétaire. Il y a un certain nombre de produits de taxes affectées. Vous avez évoqué la taxe sur les transactions financières ; il existe aussi la taxe sur les billets d’avion. La progression de ces recettes n’est peut-être pas à la hauteur de ce que chacun espère, mais elle est positive.

Je voudrais également rappeler, avec beaucoup d’humilité et de pudeur, que la remise de dette – dans le cadre du Club de Paris ou d’autres démarches – est une opération extrêmement fréquente. Ces sommes doivent aussi être prises en compte, même si elles n’apparaissent pas toujours « en clair » dans les lignes budgétaires. La baisse en euros des crédits que vous observez aujourd’hui est aussi liée au fait que dans les années récentes, un certain nombre de remises de dette dans le cadre d’accords internationaux ont pu faire apparaître des opérations budgétaires qui ne sont pas faciles à détailler. Encore une fois, je le dis avec beaucoup de pudeur, car ces questions sont délicates, mais nous devons l’avoir en tête.

J’entends bien ce qui est dit sur la nécessité de mobiliser des moyens en faveur des pays les plus pauvres. Je ne nie pas la nécessité de le faire, et nous le faisons. Mais compte tenu des investissements que nous aurons à faire sur de nombreuses lignes budgétaires, notamment dans le cadre de la lutte contre le virus Ebola, je préférerais différer cette décision à la seconde lecture.

L’Assemblée reste souveraine, mais je maintiens mon avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 72 et 171.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants41
Nombre de suffrages exprimés40
Majorité absolue21
Pour l’adoption36
contre4

(Les amendements identiques nos 72 et 171 sont adoptés.) (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(Les crédits de la mission « Aide publique au développement », modifiés, sont adoptés.)

Après l’article 47

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 86 et 85 rectifié, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour les soutenir.

M. Jean-Marie Tetart. Nous venons de centrer une partie du débat autour de l’utilisation la plus rationnelle et la plus profitable des financements innovants, et notamment de la taxe sur les transactions financières. Vous venez de reconnaître que c’était sans doute une des solutions d’avenir pour compenser les coups de rabot qui peuvent s’avérer indispensables.

Il y a une contradiction dans la pratique actuelle de ces financements innovants : on permet des taux qui peuvent donner une certaine rentabilité, mais on les annule par des plafonds qui ne permettent pas de mobiliser totalement ce qui pourrait être recueilli.

Il s’agit donc, par ces deux amendements, d’essayer de mettre en relation taux et plafond, de façon à assurer une cohérence.

Afin de pouvoir exploiter pleinement le plafond, l’amendement n86 vise donc à porter la part de la taxe sur les transactions financières allouée au développement à 30 %.

L’amendement n85 rectifié joue quant à lui sur les plafonds. Il s’agit d’optimiser les produits possibles de la taxe en permettant de les affecter à des programmes spécifiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas eu à se prononcer sur ces amendements. Néanmoins, j’y adhère totalement, dans la mesure où j’avais défendu les mêmes lors de la discussion de la loi de finances pour 2013. Je rappelle au passage, et tous nos collègues en ont bien conscience, que ces financements innovants étaient à l’origine considérés comme des financements additionnels à la politique d’aide publique au développement, et qu’ils sont aujourd’hui devenus, hélas, des financements de compensation.

M. Pascal Cherki. C’est vrai.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. La proposition de notre collègue Tetart me paraît donc aller dans le bon sens.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous proposez de porter le plafond de la part de la taxe sur les transactions financières affectée au Fonds de solidarité pour le développement – FSD – à 190 millions d’euros en 2016, c’est-à-dire 60 millions d’euros de plus que le plafond inscrit en projet de loi de finances, et 50 millions d’euros de plus que le plafond voté en première partie du projet de loi de finances, c’est-à-dire 140 millions d’euros.

Le Gouvernement y est défavorable, pour les motifs suivants. Tout d’abord, ce relèvement est prévu en 2016, mais il doit être renouvelé en 2017. Le relèvement supplémentaire du plafond d’affectation de la taxe sur les transactions financières que vous proposez va au-delà de cette chronique. Il conduirait à une augmentation de plus de 90 % des ressources, alors que la fraction de la taxe affectée au FSD a déjà été augmentée de 40 millions d’euros entre 2014 et 2015, passant de 100 à 140 millions d’euros, soit une hausse de 40 %.

Le relèvement que vous proposez conduirait à dégrader notre norme de dépenses au-delà d’une trajectoire déjà haussière inscrite dans les arbitrages du budget triennal, alors que le Gouvernement s’astreint à la maîtrise du niveau des dépenses publiques. S’il était adopté, il imposerait des mesures compensatrices d’un montant équivalent pour respecter cet objectif. Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Bien que nos collègues de la droite ne se soient pas illustrés sur la taxe sur les transactions financières, qui est une demande de la gauche française et européenne, nous allons soutenir cet amendement qui a vocation à augmenter la part de la taxe sur les transactions financières dévolue à l’aide au développement. Dois-je rappeler ici que le prédécesseur de notre actuelle ministre du développement, M. Pascal Canfin, avait été l’un des artisans de la taxe sur les transactions financières lorsqu’il était député au Parlement européen, avant d’insister, dans la continuité de ce qu’il avait initié, sur la nécessité de cette taxe lorsqu’il est devenu membre du Gouvernement ?

Les jours se suivent et se ressemblent. Souvenons-nous qu’un ministre qui va devenir commissaire européen avait imposé à cette taxe un certain nombre de limites qui ne correspondaient pas du tout aux engagements pris par la France, ni à ceux qu’avait pris au cours de sa campagne électorale celui qui devait devenir Président de la République.

Nous devons être cohérents avec les engagements que nous avons pris devant les Français. Cette question de la taxe sur les transactions financières n’est pas une coquetterie de la gauche ; c’est une nécessité pour renforcer notre aide au développement, qui viendrait montrer la détermination de notre pays à ce que l’argent de la finance soit mieux partagé et à ce qu’il ne serve pas aux prédateurs qui sont en train de s’attaquer à toutes les mines et à toutes les matières premières des pays africains en voie de développement.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. Nous sommes tous favorables, et nous l’avons exprimé à plusieurs reprises, y compris à la tribune tout à l’heure, au renforcement de la mobilisation des ressources des transactions financières. Des choix ont été faits pour augmenter le plafond en première partie du projet de loi de finances. Nous allons prendre le chemin inverse de celui que nous avons proposé tout à l’heure. Nous sommes demandeurs d’un débat sur l’évolution de la taxe sur les transactions financières, et d’une évolution des ressources en ce sens. Nous demandons un vrai engagement quant à l’ouverture de ce débat. Il avait déjà été longuement abordé au moment du débat sur le texte de loi. Il nous paraît délicat de manier ainsi les pourcentages et les transferts « au pied levé ». Nous sommes favorables à une augmentation du plafond, et à ce que le taux et le plafond soient cohérents ; nous voulons plus de lisibilité et plus de clarté pour nos concitoyens – ce qui n’est pas le cas avec ce dispositif. Par ailleurs, nous souhaitons une trajectoire nouvelle pour cette taxe sur les transactions financières. Mais en l’état, le groupe SRC ne votera pas ces amendements.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi de repréciser la position de la France sur cette question.

La France a été précurseur, si j’ose dire, sur l’instauration d’une taxe sur les transactions financières – et l’honnêteté commande de dire que ce n’était pas forcément dû à la majorité actuelle.

M. Jean-Marie Tetart. Ce n’est pas le problème ce soir.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Néanmoins, elle a doublé le montant de la taxe, dont le produit est aujourd’hui de l’ordre de 700 millions d’euros. Nous sommes loin des estimations qui ont été avancées tout à l’heure par quelques orateurs, qui parlaient de plus de 10 milliards d’euros, de 11 ou de 17…

La suite dépendra des discussions, qui sont en bonne voie, au niveau européen. L’honnêteté commande en effet de dire que l’instauration d’une taxe sur les transactions financières est préférable lorsqu’elle a lieu dans un mouvement a minima européen, en tout cas le plus large possible, pour éviter des effets de contournement qui non seulement n’apporteraient aucune recette…

M. Dominique Potier. Ce serait même une diminution !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …mais feraient en plus échapper certaines activités économiques à la taxation.

La France milite donc pour l’aboutissement des négociations au niveau européen. Michel Sapin se rend demain à Berlin pour discuter du secret bancaire ; quoi qu’il en soit, tout montre que les choses progressent.

Il reste un certain nombre de points à régler – Noël Mamère y a fait allusion – sur l’assiette et la nature des produits pris en compte. Se pose notamment la question des produits dérivés. Dominique Potier, je le sais, est attaché à la prise en compte des produits spéculatifs sur les denrées alimentaires. Tout cela nécessite des accords au niveau européen et, très honnêtement, on avance plutôt bien. Je pense que nous aurons assez rapidement une taxe élaborée : trop tard, diront certains, mais en tout cas nous l’aurons.

Pardonnez-moi de revêtir une casquette antérieure – celle du groupe auquel j’appartenais il y a peu – pour vous dire que les modalités de cette taxe sur les transactions financières, telles qu’elles sont actuellement définies, sont sympathiques mais ne correspondent pas à celles que nous souhaitons. Cette taxe, dans sa version actuelle, a le mérite d’exister : on l’a doublée pour assurer un produit qui n’était d’ailleurs pas au rendez-vous compte tenu des estimations qui avaient été faites. Je veux dire, en réponse aux interpellations de M. le député Marsac, que nous sommes prêts à poursuivre le débat, à le prolonger, dans le cadre que j’ai défini, lorsque nous aurons avancé avec l’ensemble des pays européens, et, si possible, d’autres États. Nous pourrons alors avancer sur la question des taux et des plafonds, ce qui nous permettra, peut-être, de répondre à vos aspirations, qui sont partagées par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Noël Mamère. Je veux apporter une précision à M. le secrétaire d’État au budget, qui a dit que cette taxe sur les transactions financières avait été initiée, en France, par la précédente majorité. De fait, cela faisait partie des effets d’annonce de l’ancien Président de la République ; l’atterrissage a été beaucoup plus douloureux puisqu’en guise de transactions financières, nous aurions assisté à la mise en œuvre d’une taxe boursière, ce qui n’a absolument rien à voir.

Vous avez parlé de la pertinence de la taxe sur les transactions financières : nous partageons votre avis et votre analyse. Cette taxe n’a en effet de valeur que si elle s’applique au niveau européen. Or, nous constatons qu’aujourd’hui, les égoïsmes priment en Europe : nous le voyons bien avec un certain nombre de nos partenaires au sein de l’Union européenne. Tant qu’il n’existera pas une Europe supranationale, autrement dit à caractère fédéral, il nous sera très difficile – comme on peut le constater sur le terrain s’agissant de la mise en œuvre des politiques étrangères ou de défense communes – d’instituer une taxe sur les transactions financières au plan européen.

Pourtant, une étude indépendante, qui avait été commandée par l’Allemagne, montrait qu’au taux actuel, la taxe sur les transactions financières pouvait rapporter 30 milliards – je dis bien : 30 milliards d’euros – qui auraient pu être répartis et investis dans l’aide au développement et, en particulier, vers les pays les plus pauvres du monde.

Aussi insistons-nous tout particulièrement sur la pertinence de l’amendement proposé. Là encore, il ne s’agit pas, pour la seule raison que cet amendement émane d’un député siégeant à la droite de cet hémicycle, de refuser, de manière sectaire, de le voter. C’est un symbole nécessaire que nous devons, les uns et les autres, mettre en avant. Je rappelle que les engagements qui ont été pris par l’ensemble de cette majorité devant les Français consistaient non seulement à augmenter notre budget de l’aide publique au développement – c’est le contraire qui se passe – mais aussi à mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières : M. Canfin, le prédécesseur de notre actuelle secrétaire d’État au développement, s’y était fortement attelé. Nous devons nous inscrire dans cette continuité et respecter cet engagement, en renforçant la taxe sur les transactions financières.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart.

M. Jean-Marie Tetart. Cher collègue Mamère, n’attendez pas que je m’excuse d’avoir déposé cet amendement compte tenu de mon appartenance politique. Je vous rappelle que nous avons voté unanimement la loi Canfin et l’ensemble de ses composantes. C’était une loi d’orientation, et nous avions tous regretté que la programmation ne soit pas au rendez-vous, y compris la programmation budgétaire.

Je peux concevoir qu’il soit nécessaire de recourir à des ajustements budgétaires, encore que, comme je l’ai dit, les 80 millions de réduction ne sont pas à la hauteur des enjeux et ces économies auraient pu être faites ailleurs. Il faut tenir les engagements de la France, notamment en matière de santé, y compris dans les pays les plus pauvres : nous nous sommes en effet engagés, nous avons donné en quelque sorte notre parole dans des programmes comme GAVI ou MUSKOKA. C’est une parole qui a été donnée sur la scène internationale. Or, nous sommes aujourd’hui obligés de rogner ces financements innovants pour venir abonder nos engagements.

Aujourd’hui, ces transactions financières constituent sans doute l’assiette de recettes spécifiques à même d’augmenter de manière très pertinente l’aide au développement. C’est pourquoi je maintiens mes amendements, tout en souhaitant que l’on avance sur le sujet. Je ne doute pas du résultat négatif du vote, étant donné la position qui vient d’être exprimée par le groupe socialiste, mais je souhaiterais que l’on avance assez vite pour mettre fin aux incohérences que l’on constate entre taux et plafond. Cela peut aussi faire l’objet d’une réflexion dans les semaines à venir.

(Les amendements nos 86 et 85 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (état D)

M. le président. J’appelle les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Aide publique au développement » et des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 :

Crédits relatifs à la défense ;

Crédits relatifs aux médias, livre et industries culturelles.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly