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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 05 novembre 2014

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage au sergent-chef Thomas Dupuy

2. Questions au Gouvernement

Bilan social de la politique gouvernementale

M. Arnaud Robinet

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Difficultés du monde agricole

Mme Frédérique Massat

M. Manuel Valls, Premier ministre

Situation de la SNCM

Mme Marie-George Buffet

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Probité des élus de la République

M. Olivier Falorni

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Simplification

Mme Geneviève Gosselin-Fleury

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification

Taxe sur les résidences secondaires

M. Yves Foulon

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

L’Europe, vingt-cinq ans après la chute du Mur de Berlin

M. Pierre-Yves Le Borgn’

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Défense de la laïcité

M. Philippe Goujon

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Sécurité des centrales nucléaires

M. Denis Baupin

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Sécurité des centrales nucléaires

M. Claude de Ganay

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Situation des migrants à Calais

M. Yann Capet

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Développement de la Nouvelle-Calédonie

M. Philippe Gomes

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Situation du BTP

M. Paul Salen

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Groupe Rapp

M. Francis Hillmeyer

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Fiscalité du gazole

M. Marcel Bonnot

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

Politique des territoires

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

M. Francis Vercamer

Mme Laurence Abeille

M. Jacques Krabal

M. Gabriel Serville

M. Alain Calmette

M. Guillaume Chevrollier

M. André Chassaigne

Mme Sylvia Pinel, ministre

M. François Pupponi

M. Patrick Kanner, ministre

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

Mme Sylvia Pinel, ministre

Mission « Politique des territoires » (état B)

Amendements nos 429, 431, 432

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendement no 517

Après l’article 57

Amendement no 401

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Amendement no 516

Égalité des territoires et logement

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

M. François de Rugy

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

Mme Audrey Linkenheld

M. Olivier Carré

M. Michel Piron

Rappel au règlement

M. Jean-Louis Dumont

Égalité des territoires et logement (suite)

M. Gabriel Serville

Mme Sylvia Pinel, ministre

Mme Jacqueline Maquet

Mme Sylvia Pinel, ministre

M. Yves Albarello

Mme Sylvia Pinel, ministre

M. Patrice Verchère

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mission « Égalité des territoires et logement » (état B)

Article 52

Amendements nos 284 , 383 , 428

M. le président

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Amendements nos 382, 423 , 398 , 574 (sous-amendement) , 399 , 573 (sous-amendement) , 349

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Article 53

Article 54

Amendement no 79

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage au sergent-chef Thomas Dupuy

M. le président. Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), en ce moment même se tient, en présence du ministre de la défense, à Orléans, sur la base aérienne où il servait, la cérémonie nationale d’hommage funèbre à la mémoire du sergent-chef Thomas Dupuy, notre dixième soldat tué depuis le début de l’opération Serval.

En votre nom, je tiens à rendre hommage à sa mémoire, et à présenter à sa famille et à ses frères d’armes les condoléances de la représentation nationale.

Je vous invite maintenant à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Bilan social de la politique gouvernementale

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le Premier ministre, décidément, Karl Marx avait raison : « L’histoire ne se répète pas, elle bégaye ».

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu Président de la République et promet de « changer la vie ».

M. Jean-Claude Perez. Bravo !

M. Arnaud Robinet. Deux et demi plus tard, le 22 mars 1983, Jean-Pierre Chevènement, chef de file de l’aile gauche du PS,…

M. Jean-Luc Laurent. Pas l’aile gauche, l’aile centrale !

M. Arnaud Robinet. …démissionne du Gouvernement pour protester contre les reniements du Président, alors que la gauche subit des revers sans précédent aux élections locales.

Le 6 mai 2012, François Hollande est élu Président de la République et promet, une bonne fois pour toutes, que : « Le changement, c’est maintenant. »

Plusieurs députés du groupe SRC. Bravo !

M. Arnaud Robinet. Deux ans et demi plus tard, Arnaud Montebourg, chef de file de l’aile gauche du PS, quitte le Gouvernement pour protester contre les mêmes reniements du Président.

Mais il y a plus grave que le parallèle sur la guerre idéologique au sein du PS ; je veux parler du parallèle qui concerne les résultats calamiteux du Gouvernement sur le plan social.

M. Bruno Le Roux. C’est trop facile, comme question !

M. Arnaud Robinet. Comme François Mitterrand, François Hollande s’était engagé à inverser la courbe du chômage, à garantir l’avenir de nos retraites, à rééquilibrer les comptes sociaux. Et comme François Mitterrand, M. Hollande va présenter demain aux Français, deux ans et demi après son élection, jour pour jour, un bilan de mi-mandat très éloquent.

En deux ans et demi, le chômage a tellement augmenté que l’on compte plus de 6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi.

En deux ans et demi, les dépenses sociales ont tellement filé que la France représente à elle seule 15 % des dépenses sociales du monde entier.

En deux et demi, les déficits sociaux se sont tellement creusés à cause d’une politique « anti-business » et à force de non-réformes, qu’aujourd’hui la Commission européenne, par la voix de votre ancien camarade Moscovici, vous appelle à revoir le périmètre d’intervention de l’État !

Monsieur le Premier ministre, sur l’emploi et sur le social, force est de constater vos échecs, comme le dit très bien le ministre de l’emploi. Puisque vous êtes en échec, quand prendrez-vous vos responsabilités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre François Rebsamen.

M. Patrice Verchère. Le ministre du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Mesdames et messieurs les députés, monsieur Robinet, votre question est assez confuse, mais j’y ai vu un parallèle entre la trajectoire de François Mitterrand et celle de François Hollande. Il est vrai qu’à gauche, nous avons eu deux présidents de la République.

Vous rappeliez tous les résultats qu’a obtenus François Mitterrand, et vous avez fait une comparaison entre ces deux présidents. Vous avez eu raison de la faire, vous nous permettez ainsi de rappeler que par-delà toutes les avancées sociales du premier septennat de François Mitterrand, il avait été réélu Président de la République.

M. Franck Gilard. À crédit !

M. François Rebsamen, ministre. La comparaison pourrait se poursuivre.

Le dialogue social est la méthode de gouvernement qui a été voulue et choisie par le Président de la République, François Hollande. Cette méthode porte ses fruits. Le dialogue social, contrairement à ce que l’on peut entendre ici ou là, ce n’est pas le fruit de je ne sais quelle compromission. Le dialogue social, c’est l’essence même de ce qui permet de faire de vraies réformes de nos pratiques sociales.

C’est ainsi que depuis le début du quinquennat de François Hollande, cinq réformes majeures ont été faites.

M. Yves Nicolin. Avec quels résultats ?

M. François Rebsamen, ministre. Quatre accords nationaux interprofessionnels ont permis de sécuriser les parcours professionnels et de réformer la formation professionnelle. Surtout, monsieur le député, ces accords vous mettent à mal, car vous aviez commencé le quinquennat de Nicolas Sarkozy par le dialogue social, et vous l’avez terminé sous les huées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Difficultés du monde agricole

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Frédérique Massat. Monsieur le Premier ministre, les difficultés que traverse le secteur agricole ne sont pas nouvelles. Ainsi, en dix ans, le nombre d’exploitations a diminué de près de 25 %. Des événements récents, tels que l’embargo russe ou l’application de la directive « Nitrates », ont accentué les préoccupations d’une profession qui a fait l’objet d’une attention constante du Gouvernement et de sa majorité depuis 2012.

En effet, pour accompagner l’évolution des pratiques agricoles, pour soutenir la compétitivité des exploitations, pour réaffirmer le rôle de nos agriculteurs dans le tissu productif, une réforme d’envergure a été votée dans le cadre de la loi d’avenir, sous l’autorité du ministre Stéphane Le Foll.

Grâce à l’action du Président de la République et du Gouvernement, la politique agricole commune a pu être réorientée.

Concrètement, plusieurs mesures ont permis de renforcer et de soutenir notre modèle agricole. Je pense notamment au pacte de responsabilité et de solidarité, qui permet aux exploitations agricoles de voir leur marge préservée, mais aussi à la bannière « Viandes de France » visant à soutenir les produits d’origine française. Enfin, grâce aux avances sur paiement des aides de la PAC, 3,4 milliards d’euros ont pu être versés par anticipation aux agriculteurs.

Cependant, le chantier porté par le Gouvernement et la majorité n’est pas terminé. Il faut que le choc de simplification dans lequel nous avons inscrit notre action puisse bénéficier aussi au monde agricole. En effet, l’empilement de normes issues, depuis plusieurs années, de réglementations diverses a abouti, sur le terrain, à un ras-le-bol de nos agriculteurs face à l’inflation normative. Bien que des règles et des contrôles soient nécessaires pour garantir la qualité de nos produits et protéger notre environnement, leur mise en œuvre doit être simplifiée, clarifiée et coordonnée.

Monsieur le Premier ministre, quelles sont les pistes de travail envisagées par le Gouvernement pour poursuivre le soutien déjà engagé en faveur de notre agriculture et de nos agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, vous connaissez bien ces questions et vous savez que les agriculteurs traversent des difficultés. Nous en avons tous pleinement conscience, et ils nous le disent aujourd’hui même. Ces hommes et ces femmes travaillent sans relâche et doutent parfois de l’avenir de leur métier et de leur exploitation.

J’ai entendu leurs craintes. Aujourd’hui, comme vous l’avez indiqué, de nombreuses filières connaissent une situation économique difficile, pour des raisons diverses telles que l’impact de l’embargo russe – Stéphane Le Foll l’a évoqué hier –, la volatilité des marchés et les mauvaises conditions climatiques.

Nous avons aussi entendu leurs interrogations et leurs doutes. Certains agriculteurs craignent que leur activité soit menacée par la multiplication des réglementations qu’ils doivent satisfaire, par les nombreux contrôles auxquels ils sont soumis, par les relations commerciales de plus en plus déséquilibrées avec la grande distribution. Ils expriment aussi d’autres inquiétudes concrètes, à propos de la directive « Nitrates » ou des questions liées aux ressources en eau.

C’est pourquoi nous avons reçu, avec Stéphane Le Foll, le président de la FNSEA, M. Beulin, et celui des Jeunes agriculteurs, M. Diemer, le 7 octobre dernier. Ils nous ont présenté les causes d’une crise que l’on pourrait qualifier d’économique, sociale, mais aussi morale.

Les agriculteurs ont besoin de retrouver confiance dans l’avenir de leur profession. Il faut le rappeler : l’agriculture est une chance pour la France et doit participer à relever demain les défis alimentaires, environnementaux, énergétiques et sociaux. Dans ce contexte, vous venez de le dire, ils ont besoin de réponses à court et moyen termes.

M. Marc Le Fur. Ils ont aussi besoin d’un ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons mis sur pied, en accord avec les représentants du monde agricole, une méthode qui mobilise le Gouvernement. Plusieurs ministres sont concernés : Stéphane Le Foll, bien sûr, mais aussi Ségolène Royal et Geneviève Fioraso, Emmanuel Macron et François Rebsamen.

À court terme, je vous confirme que 3,5 milliards d’euros d’aides communautaires ont été versés dès le 16 octobre et que les dispositifs nationaux visant à alléger les charges des agriculteurs en difficulté sont disponibles, grâce à la mobilisation de la Mutualité sociale agricole. Le Gouvernement se bat aussi pour que les conséquences de l’embargo russe ne soient pas supportées par les acteurs des secteurs concernés, et pour que de nouveaux marchés soient ouverts grâce à la mobilisation de nos réseaux diplomatiques.

À moyen terme, des chantiers ont été engagés pour appliquer pleinement des dispositions du droit de la concurrence et du code des marchés publics, pour simplifier et moderniser les réglementations en vigueur, en particulier dans le domaine de l’environnement, et pour mobiliser la recherche et l’innovation dans ce secteur. Des décisions sont prévues au cours des prochains mois, notamment au début de l’année prochaine.

Enfin, j’ai décidé de confier une mission à un parlementaire, à un agriculteur et à un haut fonctionnaire du ministère de l’agriculture, pour qu’ils proposent des améliorations et des simplifications aux dispositifs existants. Il faut faire en sorte que les contrôles se passent mieux, dans le respect de tous, notamment des agriculteurs.

Comme vous le voyez, madame la députée, le Gouvernement est mobilisé dans le cadre d’une démarche pragmatique, qui doit apporter des réponses concrètes aux demandes, aux attentes et aux angoisses des agriculteurs, qui sont des acteurs essentiels pour notre pays et pour son avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Situation de la SNCM

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Ma question, à laquelle je veux associer mon collègue Gaby Charroux, s’adresse au ministre des transports.

Monsieur le ministre, lundi soir, la direction de la SNCM a déposé le bilan. Ce mauvais coup frappe plus de 2 000 salariés ; il constitue une attaque sans précédent contre le principe républicain de continuité territoriale assurée dans le cadre du service public. Nous sommes loin d’un simple acte technique de gestion pour échapper aux amendes « anti-service public » de la Commission européenne. Nous sommes dans les suites d’un scandale d’État, la privatisation sulfureuse de la SNCM initiée par le gouvernement précédent : 240 millions d’euros ont été dilapidés au bénéfice de Buttler et de Corsica Ferries, sans parler du vol de la taxe des transports. Et aujourd’hui, Veolia, qui fait des profits records, met la clé sous la porte pour contenter ses actionnaires.

Monsieur le ministre, l’État et la Caisse des dépôts sont actionnaires directs de la SNCM. Le Gouvernement ne peut se désintéresser de son actualité, comme de son devenir. Des milliers d’emplois sont en jeu à Marseille et en Corse. Vous avez toutes les cartes en main. Entendez les syndicats qui vous rappellent vos engagements : le renouvellement de la flotte, la lutte contre le dumping social, le juste usage de la compensation financière liée à la délégation de service public et le développement des liaisons vers l’Afrique du nord. La SNCM, qui a été mise volontairement en situation déficitaire, a les moyens humains, techniques et financiers pour sortir de cette impasse ultralibérale.

Monsieur le ministre, quelles mesures allez-vous prendre pour empêcher une vente à la découpe de cette belle compagnie et préserver les emplois d’hommes et de femmes qui, depuis des années, défendent la qualité du service public et notre modèle social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme Marie-Arlette Carlotti. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, la situation financière, juridique et sociale de la SNCM est effectivement grave.

Financièrement, la société est en déficit chaque année, depuis dix ans. L’État a respecté ses engagements en versant, pour la seule année 2014, 30 millions d’euros de fonds publics, conformément au protocole de sortie de crise signé à la fin du mois de juillet. Par ailleurs, la société a été condamnée au remboursement de 400 millions d’euros reçus au titre des aides publiques au moment de la privatisation ou de l’attribution de la délégation de service public.

Juridiquement, la SNCM est engagée dans une démarche de remboursement des avances de trésorerie consenties par Transdev, actionnaire majoritaire, qui a conduit le dirigeant social à se déclarer en état de cessation de paiement. Il appartient maintenant au tribunal de commerce de se prononcer. Une éventuelle décision de mise en redressement judiciaire ouvrirait alors une possibilité de reprise de l’entreprise. Dans cette perspective, le maintien de la délégation de service public dans le périmètre de la cessation est un enjeu fondamental, pour lequel le Gouvernement est entièrement mobilisé, dans le cadre d’une discussion complexe avec la Commission européenne.

Socialement, vous l’avez dit, c’est l’avenir de 1 800 emplois qui est en jeu pour une région et pour des hommes et des femmes dont le Gouvernement partage l’inquiétude.

Le Gouvernement agit en prenant en compte ces trois réalités, et avec l’objectif du maintien de la délégation de service public et de la sauvegarde du maximum d’emplois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Probité des élus de la République

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Monsieur le Premier ministre, c’est une véritable crise morale qui frappe aujourd’hui notre pays. De plus en plus de nos concitoyens ne croient plus en la politique, ne croient plus en leurs politiques (« C’est bien vrai » sur les bancs du groupe RRDP) et pis, ils en viennent à douter de leur intégrité. C’est profondément injuste car l’immense majorité des élus sont des gens honnêtes et droits, mais une infime minorité souille l’honneur de la représentation nationale et fait beaucoup de mal à notre démocratie.

Plusieurs députés du groupe SRC. Balkany !

M. Olivier Falorni. Il y a quelques mois, nous avons voté une loi sur la transparence de la vie politique, avancée considérable, mais nous devons aller encore plus loin. Par exemple, en exigeant de tout candidat à une élection un quitus fiscal ou, autre exemple, en alourdissant très sévèrement les peines d’inéligibilité pour écarter définitivement de la vie politique tous les élus voyous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Huguette Bello. Oui.

M. Olivier Falorni. En période de crise, à l’image de ce qui s’est passé dans les années trente, il y a toujours, tapis dans l’ombre, ceux que j’appelle les prédateurs de la République. Ces loups qui viennent de tous les extrêmes, il faut les chasser. Or on ne les chasse pas en hurlant avec eux ou contre eux. On chasse les loups en chassant les brebis galeuses.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous favorable à une nouvelle étape de la moralisation de la vie politique, aujourd’hui plus que jamais indispensable ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Falorni, nous avons effectivement le devoir de respecter scrupuleusement la loi par égard pour nos concitoyens. Aussi, nous ne pouvons pas accepter que quelques-uns par leurs agissements jettent le soupçon sur l’ensemble des élus de la République.

Mme Catherine Vautrin. Et Sylvie Andrieux ?

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Il est de notre devoir de faire en sorte que toute infraction soit rapidement repérée et fasse l’objet d’une sanction effective et dissuasive. La majorité a fait face à ce risque en adoptant en 2013 une loi sur la transparence politique, vous le rappeliez. Cette loi est l’une des plus ambitieuses d’Europe en matière de lutte contre les conflits d’intérêts et la corruption.

Elle instaure, vous le savez, une obligation de déport pour éviter les conflits d’intérêts ; elle prévoit des obligations déclaratives extrêmement puissantes pour l’ensemble des responsables publics qui doivent communiquer leur patrimoine et leurs intérêts à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Ces déclarations sont, pour certaines, publiées. Mais ne nous laissons pas abuser par le paradoxe que produit cette loi. Si nous découvrons aujourd’hui l’existence de certains agissements illégaux, ce n’est pas parce qu’ils sont devenus plus fréquents, mais parce que, par le passé, ils pouvaient être dissimulés ou passés sous silence. Tel n’est plus le cas aujourd’hui.

Nous mesurons le chemin parcouru, mais nous avons la conviction qu’il faut aller plus loin. C’est pourquoi nous avons déposé un projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires et, s’agissant des élus, le Président de la République a demandé à Jean-Louis Nadal, le président de la Haute autorité, de lui faire des propositions en vue d’améliorer encore les lois d’octobre 2013.

Je tiens à vous assurer que le Gouvernement tiendra le plus grand compte de ces propositions et qu’à partir de là, il engagera dès que possible un débat avec les parlementaires. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Simplification

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gosselin-Fleury, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

Les Français sont confrontés tous les jours à la lourdeur des démarches administratives. Que ce soit dans l’entreprise ou dans notre vie quotidienne, nous avons tous souffert d’avoir eu à remplir de multiples formulaires, de les renvoyer plusieurs fois, de l’existence de normes difficiles à mettre en place ou de règles complètement obsolètes.

Au printemps 2013, le Président de la République a choisi de prendre le problème à bras-le-corps, et vous avez été chargé, alors que vous n’étiez pas encore membre du Gouvernement, de simplifier la vie de nos concitoyens. C’est une lourde tâche !

Les députés se sont mobilisés, et nous devons aujourd’hui tirer un premier bilan d’étape : plus de cent mesures de simplification ont été adoptées, pour les entreprises, mais aussi pour tous les Français. Parmi elles, la clause « silence vaut accord » qui signifie qu’au-delà d’un certain temps, le silence de l’administration vaut accord et non plus rejet.

M. Claude Goasguen. Cela existe depuis des années !

Mme Geneviève Gosselin-Fleury. Mais aussi des mesures très simples, comme la dématérialisation des demandes de carte vitale ou le projet de compte internet unique pour les sites internet publics.

Les trop longues procédures administratives ou les formulaires multiples complexifient la vie de tous les Français et coûtent des milliards d’euros.

Le choc de simplification, c’est une politique qui stimule l’activité économique. C’est une politique pour la compétitivité et l’attractivité de la France. C’est le juste équilibre entre des procédures plus simples, plus rapides, plus efficaces, et la sécurité juridique pour tous les Français.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : comment entendez-vous poursuivre votre politique de simplification ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification. Madame le député,…

Mme Catherine Vautrin. Madame la députée. Prenez garde, monsieur le secrétaire d’État. (Sourires.)

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. …vous avez raison de rappeler que depuis 2012, la politique de simplification est au cœur de la stratégie de modernisation de l’action publique de l’État. Elle a commencé par la simplification en direction des entreprises. Et vous connaissez, madame la députée,…

Mme Catherine Vautrin Mme Marie-Louise Fort et Mme Anne Grommerch. Très bien.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. …les principes de cette politique : une coproduction avec les usagers concernés, en l’espèce les entreprises ; des mesures qui, toutes, sont assorties d’un calendrier très précis pour éviter ce qui, pendant des années, a servi d’effets d’annonce sans aucunes conséquences ; une évaluation tous les six mois afin que l’impact concret des mesures soit évalué de manière indépendante. Ainsi, pour ce qui est des entreprises, les dix-huit premiers mois de cette politique ont d’ores et déjà permis une économie de 2,4 milliards d’euros pour les entreprises. Pour les trois ans qui viennent, nous comptons arriver à un montant de 11 milliards d’euros, selon les chiffrages reconnus internationalement.

Désormais, l’ensemble du Gouvernement, tous les ministres se mobilisent sur la simplification des démarches de la vie quotidienne des Français, cela après une grande consultation numérique qui nous permet désormais de disposer d’une base de données de plus de deux mille démarches qui irritent les Français et auxquelles nous allons nous attaquer systématiquement.

Ce matin même, en conseil des ministres, quarante premières mesures ont été annoncées. Elles concernent tant la facilitation des démarches liées à l’obtention des papiers d’identité que le champ de la protection sociale, de la dématérialisation de la demande de la carte vitale et des prises de rendez-vous en ligne. De nombreux autres secteurs de la vie gouvernementale sont également concernés.

Derrière les résultats concrets de cette politique, le plus important est le travail que l’État est en train de faire, ce travail de transformation sur lui-même pour être plus agile, plus numérisé, et recourir davantage à la concertation. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Taxe sur les résidences secondaires

M. le président. La parole est à M. Yves Foulon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yves Foulon. Monsieur le Premier ministre, une fois de plus, vos engagements ne sont pas tenus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Tout le monde sait que vous avez considérablement augmenté les impôts depuis le début du mandat de François Hollande. Il y a quelques mois, vous annonciez une pause fiscale afin de calmer la grogne des Français, et voilà qu’à mi-mandat, au bout de deux ans et demi, vous récidivez.

La taxe sur les résidences secondaires que vous voulez imposer aux Français est une nouvelle aberration économique, qui divise une fois de plus votre fragile majorité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Elle va détruire la confiance des investisseurs, diminuer le pouvoir d’achat des ménages et fragiliser encore plus notre économie touristique.

Votre politique, monsieur le Premier ministre, porte atteinte aux communes de France. D’un côté, vous baissez drastiquement les dotations aux collectivités locales en ne leur permettant plus d’investir, alors qu’elles, elles créent de la richesse et de l’emploi. De l’autre côté, vous leur proposez d’augmenter, de façon cynique, la taxe d’habitation. Tout cela, monsieur le Premier ministre, est d’une grande hypocrisie, mais les Français ne sont pas dupes. Une nouvelle fois, vous montrez que vous êtes en décalage total avec la réalité de ce que vivent nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

La réalité incontestable, c’est qu’il y a un véritable ras-le-bol fiscal, alors que les dépenses publiques continuent d’augmenter – il suffit de voir l’explosion du coût de l’aide médicale d’État, qui dépasse pour cette année 1 milliard d’euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous nous proposer de vraies mesures permettant de diminuer, d’une façon drastique cette fois, la dépense publique et quand allez-vous arrêter de taxer les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, y a-t-il, oui ou non, dans notre pays un problème d’accès au logement ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) N’y a-t-il pas dans certaines de nos agglomérations, dans certains quartiers, notamment à Paris et en Île-de-France, des questions d’urbanisme, d’équilibre et d’accès au logement ? La réponse est : oui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Louise Fort. L’État se défausse !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La mesure que vous stigmatisez est la possibilité offerte aux villes qui le souhaiteraient, sans aucune obligation, pour des raisons d’aménagement de leurs quartiers et d’accès au logement, parce qu’elles sont en zone tendue, de majorer de 20 % la taxe d’habitation des seules résidences secondaires, avec des possibilités d’exonération pour les personnes âgées ou pour les personnes qui auraient besoin d’une double résidence pour des questions d’accès au logement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Valérie Pécresse. Et les familles ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Voilà la proposition que le Gouvernement fait au Parlement, à la demande d’un certain nombre de collectivités – peut-être est-ce le cas de la vôtre –, la mesure étant réservée aux seules agglomérations de plus de 50 000 habitants où la question du logement connaît une tension trop importante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Et alors ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est le souhait d’un certain nombre d’agglomérations. Le Parlement et le Gouvernement souhaitent leur donner cette faculté. Le Parlement en décidera et chaque conseil municipal prendra ses responsabilités au titre de l’aménagement de la vie de ses concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

L’Europe, vingt-cinq ans après la chute du Mur de Berlin

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Monsieur le ministre des affaires étrangères, il y aura vingt-cinq ans dans quelques jours que, le 9 novembre 1989, tombait le Mur de Berlin et, avec lui, le rideau de fer qui avait maintenu, des décennies durant, des millions de femmes et d’hommes à l’écart du monde libre. Les dictatures communistes d’Europe centrale s’effondraient les unes après les autres et, un an plus tard, l’Union soviétique à son tour disparaissait.

Chacun se souvient du frisson de ces journées de novembre, de ces moments d’incrédulité, de liesse et d’émotion partagées, de ce fol espoir, là-bas et chez nous, en un avenir démocratique et paisible. Chacun se souvient des visages connus et anonymes des héros de la liberté, de ces peuples en mouvement, irrésistiblement tendus vers la rencontre de l’Europe avec elle-même, parce que la liberté et les droits de l’homme sont au cœur de l’identité de notre continent.

Il était même question, alors, de la fin de l’Histoire – bien imprudemment : l’Histoire s’est poursuivie, avec ses hauts et ses bas. L’Union européenne compte désormais une monnaie unique et vingt-huit États membres, mais une tragédie a déchiré l’ex-Yougoslavie, rappelant les heures les plus sombres de l’humanité.

En Europe, les nationalismes couvent, à l’Est et aussi à l’Ouest. Le droit international est contesté, bafoué, ignoré. Un État, la Russie, a annexé une partie d’un autre, l’Ukraine. En Russie, en Azerbaïdjan, en Turquie, en Hongrie, la société civile, le dos au mur, se bat pour son existence. À nos frontières, l’intolérance, le fanatisme, le terrorisme et la guerre menacent comme jamais.

Qu’est devenu, vingt-cinq ans après, le souffle du 9 novembre 1989 ? Monsieur le ministre, quelles sont les priorités concrètes de la France pour l’Europe des droits et de la paix, pour l’Europe qui émancipe, qui rassure et qui protège ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Monsieur le député Pierre-Yves Le Borgn’, vous qui êtes aussi président du groupe d’amitié France-Allemagne, je vous prie tout d’abord d’excuser le ministre des affaires étrangères et du développement international et le secrétaire d’État aux affaires européennes

Vous l’avez dit, il y a vingt-cinq ans tombait le mur de Berlin et, avec lui, le rideau de fer qui divisa le monde. À la demande du Premier ministre, je représenterai le Gouvernement dimanche à Berlin lors des cérémonies commémoratives.

Le 9 novembre 1989, à Berlin, j’y étais.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et alors ?

M. Claude Goasguen. Il faisait beau ?

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Comme vous, sur tous les bancs de cet hémicycle, je n’oublierai jamais ces journées de joie et de liberté enfin retrouvée. Nous n’oublierons jamais non plus les victimes du Mur, abattues en voulant fuir la dictature.

Vous avez évoqué l’esprit de ces journées, mais aussi la situation actuelle, la crise, les populismes au cœur même de l’Europe. Vingt-cinq ans après, la France est plus que jamais attachée à l’esprit européen. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Aucun État ne peut relever seul les défis du XXIsiècle. Les recettes du monde d’hier ne sont pas une boussole pour le monde qui vient. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est beau !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. C’est tout le sens de notre combat pour l’Europe de l’emploi, de la croissance et de l’investissement, qui est au cœur de l’action du Président de la République et du Gouvernement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est la politique de défense et de sécurité pour faire face aux menaces, aux portes de l’Union et ailleurs dans le monde. C’est notre engagement pour l’Europe de la culture, des libertés, des droits de l’homme – autant de fers de lance contre les populismes et l’intolérance. C’est le sens de l’initiative franco-allemande contre le scandale du chômage des jeunes.

Monsieur le député, être fidèle à l’esprit de 89, c’est proposer aux jeunes Européens un autre destin, c’est leur permettre un autre avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Défense de la laïcité

M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Goujon. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale. À l’heure où le communautarisme menace notre modèle d’intégration républicaine, il est nécessaire de défendre la laïcité avec la plus grande vigueur. L’unité nationale a toujours prévalu quand il s’est agi de garantir les valeurs de la République, de la loi de 2004 prohibant le port de signes religieux ostentatoires à l’école à la loi de 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public. Aucun républicain en effet ne saurait transiger avec l’impérieuse nécessité d’assurer à nos enfants la neutralité d’un enseignement garant de leur esprit critique.

Chacun est donc en droit d’attendre des fonctionnaires, mais aussi des collaborateurs occasionnels du service public que sont juridiquement les accompagnateurs de sorties scolaires, le respect de ces principes. Votre prédécesseur avait confirmé la circulaire Chatel permettant d’interdire de sorties scolaires les parents manifestant leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques. Alors que l’Observatoire de la laïcité a établi le lien entre la contestation du principe de laïcité, le racisme, le sexisme et le repli communautaire, vous décidez tout à coup d’autoriser la présence de mères voilées lors de sorties scolaires, alors qu’il faudrait au contraire légiférer pour renforcer l’interdiction du port de signes ostentatoires, comme nous le proposons avec Éric Ciotti.

Madame la ministre, allez-vous, en contradiction avec les engagements du Président de la République lui-même, renoncer à la circulaire Chatel en vous défaussant sur les enseignants, qui auront alors la charge d’appliquer une laïcité à géométrie variable, source d’inextricables conflits et installant la discorde entre les Français ? La République à la carte, madame la ministre, ce n’est plus la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Goujon, la laïcité, garante principale du vivre ensemble, nous y tenons comme à la prunelle de nos yeux, et nous n’avons pas de leçon à recevoir en la matière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est bien ce gouvernement qui, à l’école tout particulièrement, laquelle doit en effet être préservée, a introduit une charte de la laïcité ! C’est bien ce gouvernement qui est en train de préparer un enseignement de la morale laïque pour tous les enfants de France ! C’est bien ce gouvernement qui a installé dans chaque académie un « référent laïcité » et une formation destinée aux enseignants pour les renforcer en la matière ! Nous faisons donc de la laïcité en pratique.

Monsieur le député, contre le prosélytisme quel qu’il soit – religieux, politique ou philosophique –, nous agissons avec fermeté. Je confirme ici que la circulaire Chatel que vous avez évoquée continuera à être utilisée par les personnels de l’éducation nationale lorsqu’il s’agira de s’opposer à des comportements de ce type.

Hors de ces comportements prosélytes, faut-il interdire par principe à une maman portant le foulard d’accompagner ses enfants en sortie scolaire ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Dans un contexte où nous voulons resserrer le lien entre l’école et les familles, il nous faut travailler avec les familles telles qu’elles sont et non pas telles qu’on voudrait qu’elles soient. Dans la mesure où nous ne voulons pas simplement apprendre la laïcité aux enfants, mais la leur faire aimer, il nous semble essentiel, plutôt que de sembler stigmatiser leurs parents, d’accepter que ces parents volontaires puissent coopérer avec l’école. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Qui sont mieux placés pour juger de cela que les enseignants et les équipes sur le terrain ? C’est ce qu’il est demandé à ces derniers, c’est ce qu’ils font de fait déjà : il ne s’agit pas de les laisser se débrouiller mais au contraire qu’ils puissent juger au cas par cas. Intégrer les familles populaires aux missions de l’école, tel est mon objectif : je suis sûre que vous le partagerez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. Jérôme Chartier. Certainement pas !

Sécurité des centrales nucléaires

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin, pour le groupe écologiste.

M. Denis Baupin. Monsieur le Premier ministre, que l’on soit pour ou contre le nucléaire,…

Plusieurs députés du groupe UMP. On est pour !

M. Denis Baupin. …chacun s’accorde sur un point : la sécurité nucléaire n’est pas négociable. Or, depuis plusieurs semaines, les installations d’EDF, du Commissariat à l’énergie atomique et d’Areva sont survolées par des drones de tailles diverses, de manière répétée et simultanée. Les hypothèses les plus évidentes concernant les auteurs ont été écartées : il ne s’agit ni d’EDF, ni de services de l’État, ni des associations antinucléaires que certains s’étaient empressés d’accuser.

M. Franck Gilard. C’était Greenpeace !

M. Denis Baupin. Visiblement, bien que les services de l’État soient pleinement mobilisés pour faire toute la lumière et prévenir toute agression, nous ne savons toujours pas aujourd’hui qui opère, dans quel but et avec quels moyens.

Depuis le 11 septembre 2001, chacun a bien conscience que les installations nucléaires peuvent constituer des cibles privilégiées pour ceux qui voudraient nuire à notre pays. L’évolution tant des menaces potentielles que des technologies disponibles et des tensions géopolitiques impliquent de vérifier que le dispositif de sécurité évolue à la mesure des risques. C’est la raison pour laquelle nous proposons que les stress tests qui avaient été effectués après l’accident de Fukushima soient complétés, comme nous l’avions proposé à l’époque, par des stress tests portant sur le risque d’agression terroriste, le risque de piratage informatique et le risque de crash d’avion. La « bunkerisation » des piscines existantes notamment apparaît aujourd’hui indispensable, comme elle est prévue pour les réacteurs neufs.

Monsieur le Premier ministre, le projet de loi de transition énergétique que nous avons voté comprend des avancées importantes en matière de sûreté et de transparence. C’est dans le même esprit de responsabilité vis-à-vis de la protection de nos concitoyens et en étant bien conscients que tout ne peut pas être mis sur la place publique, que nous pensons indispensable de nous donner les moyens d’améliorer la sécurité des installations nucléaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, le Gouvernement ne souhaite pas que, par votre question, vous laissiez entendre qu’il n’a pris au sérieux ce problème. À la demande du Premier ministre, nous avons, avec le ministre de l’intérieur et le ministre de la défense, coordonné nos moyens d’information, de prévention, de sécurité et de sûreté nucléaires, dont l’Autorité de sûreté nucléaire est responsable ; nous avons d’ailleurs renforcé les pouvoirs et les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique.

Je souhaite vous préciser que nous n’avons décidé ni de minimiser – je viens de vous répondre à ce sujet –, ni de dramatiser car je rappelle que nos installations nucléaires peuvent résister à des chocs très importants, notamment les chocs sismiques ou même la chute d’un avion sur le dispositif. Les Français doivent donc savoir que nos centrales nucléaires sont parfaitement sûres. Ceux qui imaginent pouvoir se livrer à ces pratiques totalement interdites, ceux qui imaginent pouvoir porter atteinte à la crédibilité de nos équipements nucléaires se trompent : le Gouvernement ne laissera pas porter atteinte à la crédibilité de nos centrales nucléaires ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

Sécurité des centrales nucléaires

M. le président. La parole est à M. Claude de Ganay, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Claude de Ganay. Depuis un mois, monsieur le Premier ministre, une quinzaine de centrales nucléaires françaises ont été, à de multiples reprises, survolées par des drones.

La représentation nationale est en droit de s’interroger sur l’origine et les motivations de ces survols. Alors que nos centrales nucléaires sont internationalement et unanimement reconnues comme des modèles de sûreté, votre lenteur et votre incapacité à identifier les auteurs de ces survols inquiètent fortement nos concitoyens.

Après avoir fait le choix de sacrifier l’industrie nucléaire, votre projet de loi de transition énergétique faisant passer sa part dans la production d’électricité de 75 % à 50 % d’ici 2025, vous cautionnez, par votre silence, une nouvelle atteinte à l’image de cette filière auprès de l’opinion publique !

Monsieur le Premier ministre, à qui profite le crime ? Je n’ose imaginer que ces incursions, intervenant après plusieurs campagnes médiatiques orchestrées par certaines ONG opposées au nucléaire, relèvent d’une stratégie bien définie, servie par des moyens techniques et financiers conséquents. (Protestations sur les bancs du groupe écologiste.)

Le régime juridique applicable à ces sites ne permet pas aux pelotons spécialisés de protection de la gendarmerie, qui assurent une surveillance continue des centrales, de bénéficier de moyens d’intervention adaptés aux cas d’intrusion. Il devient urgent de régler cette question afin de couper court à une mascarade qui n’a que trop duré.

Monsieur le Premier ministre, rassurez les Français ! Prenez l’engagement de faire la lumière sur ces survols, d’en identifier les commanditaires et d’adapter la réponse pénale à ces actes « écolo-délictueux » ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Par l’excès même de vos propos, monsieur le député, et votre manque de sang-froid, vous ne rendez pas justice à la réputation de nos équipements nucléaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous appellerai à un peu plus de modération si vous ne voulez pas provoquer précisément ce que vous prétendez condamner.

Comme je l’ai dit à l’instant, le Gouvernement et les responsables des installations nucléaires ont mobilisé tous les moyens nécessaires. Vous êtes suffisamment responsable pour comprendre que ces moyens n’ont bien évidemment pas à être détaillés sur la place publique.

J’ajouterai qu’il ne faut pas diaboliser les drones. (Exclamations et rires sur quelques bancs du groupe UMP.) La filière française du drone est une filière industrielle de pointe qui fait partie des meilleures au monde.

C’est pourquoi nous comptons réglementer l’utilisation des drones, notamment lorsqu’elle est susceptible de porter atteinte à la vie privée et à d’autres droits fondamentaux, en veillant à ne pas porter atteinte à ce potentiel considérable pour notre industrie et notre recherche.

Je conclurai en vous demandant à nouveau de faire preuve de modération et d’esprit de responsabilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Situation des migrants à Calais

M. le président. La parole est à M. Yann Capet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yann Capet. Monsieur le ministre de l’intérieur, Calais ne résume pas les questions migratoires et les questions migratoires ne résument pas davantage Calais. Mais elles y prennent un relief particulier, une dimension douloureuse, pour ne pas dire dramatique.

Cela fait plus de quinze ans que ce territoire constitue la dernière étape vers ce que les migrants qui fuient les conflits et les dictatures considèrent comme l’Eldorado anglais. Je tiens à rendre hommage à la population du Calaisis qui fait preuve de patience, de compassion et de solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologistes et GDR.)

Il faut également saluer les associations, qui répondent admirablement présent depuis la fermeture du centre de Sangatte, les forces de l’ordre qui interviennent dans des conditions difficiles, et plus généralement l’esprit républicain qui, au-delà des clivages politiques, anime l’ensemble des acteurs.

Mais aujourd’hui, vous le savez, monsieur le ministre, la tension monte en raison de la présence d’un nombre croissant de migrants. Des sentiments et des situations nouvelles se font jour et l’exaspération gagne les meilleures volontés au sein de la population, tandis que les conditions de survie des migrants se détériorent de jour en jour.

Il était urgent d’agir et c’est pour cette raison que vous êtes venu à Calais lundi, et non pas pour faire du spectacle ou de la récupération, à l’inverse de certains. Vous avez choisi au contraire d’aborder ce sujet avec détermination et humilité, là où d’autres, sous la majorité précédente, ont parfois préféré l’image à l’efficacité.

M. Sylvain Berrios. Et les résultats, ils sont où ?

M. Yann Capet. Vous êtes venu lundi dire à la population et aux autorités locales que le Gouvernement, que l’État était présent pour répondre à l’urgence, mais aussi pour préparer l’avenir.

Il est en effet nécessaire, pour entrevoir un horizon, de mettre en œuvre une série de mesures à court, moyen et long terme, au niveau international, européen, national et local.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous précisiez à la représentation nationale les actions que vous avez déjà engagées et celles que vous comptez entreprendre pour apporter sur ce sujet complexe des réponses conjuguant humanité et fermeté. (Applaudissements  sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Nous étions effectivement ensemble à Calais, il y a de cela vingt-quatre heures, avec vous, monsieur le député, mais également avec d’autres parlementaires, Mme Valter ou Mme Chapdelaine, auprès des élus, des associations qui œuvrent à Calais pour trouver des solutions humaines à la situation des migrants et assurer la sécurité.

La politique du Gouvernement vise d’abord à résoudre un problème humain, celui d’hommes, de femmes, d’enfants poussés sur le chemin de l’exode par les persécutions qu’ils subissent dans leur pays.

Nous voulons que ces personnes, qui relèvent du droit d’asile, puissent se voir proposer l’asile en France, et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de renforcer considérablement les moyens de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, et de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA. L’asile permettrait à ces personnes d’échapper aux mains des passeurs qui se livrent à une véritable traite d’êtres humains dans les conditions que l’on sait.

M. Christian Paul. Très juste !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Deuxièmement, nous voulons créer les conditions d’un soutien sanitaire et alimentaire à ces personnes. C’est la raison pour laquelle nous avons donné notre accord à l’ouverture d’un accueil de jour pour ces migrants.

Troisièmement, nous souhaitons démanteler les filières de l’immigration irrégulière à Calais. Nous renforçons dans ce but les effectifs des forces de l’ordre de cent personnes supplémentaires. Ce renfort permettra d’améliorer encore l’efficacité de notre politique en la matière – le nombre de filières démantelées s’est accru de 30 % au cours de la dernière année.

Enfin nous agissons au niveau européen et franco-britannique. Avec les Britanniques, nous avons trouvé un accord qui, dans le cadre du traité du Touquet, leur permettra de financer à hauteur de quinze millions d’euros sur trois ans la sécurisation du port.

Au niveau européen, les États membres de l’Union européenne sont tombés d’accord pour substituer à l’opération Mare Nostrum une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne et combattre ensemble les filières de l’immigration irrégulière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Développement de la Nouvelle-Calédonie

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Dans les prochains jours, le Président de la République doit se rendre en Nouvelle-Calédonie.

Un député du groupe UMP. Qu’il y reste !

M. Philippe Gomes. La situation économique et sociale dans notre pays est aujourd’hui difficile. Après une décennie de développement, liée notamment à la réalisation de deux usines métallurgiques, la situation économique et sociale s’est dégradée, la croissance est en panne et le marché de l’emploi se détériore.

C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, il est indispensable qu’à l’occasion de la venue du Président de la République, soit réaffirmé le soutien de l’État sur deux dossiers majeurs qui conditionnent l’enclenchement d’une nouvelle dynamique économique pour notre pays.

Le premier concerne le rehaussement du plafond de déductibilité du dispositif fiscal applicable au financement de la construction de logements intermédiaires au profit des classes moyennes dans l’ensemble des outre-mer.

Il nous a été indiqué hier qu’il était susceptible d’être porté à 18 000 euros. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Le second dossier concerne le soutien apporté par l’État aux investissements productifs réalisés dans les outre-mer via la défiscalisation.

La loi prévoit la fin du dispositif en 2017, ce qui conduit aujourd’hui un certain nombre d’entreprises à ne plus constituer de dossiers, eu égard aux délais de traitement, dans l’attente qu’une nouvelle perspective soit tracée.

Cette date-butoir de 2017 est extrêmement pénalisante pour la Nouvelle-Calédonie, dans la mesure où nous avons en 2018 un référendum sur l’avenir institutionnel du pays et que l’incertitude politique qu’il engendre freine d’ores et déjà l’investissement des entreprises et la consommation des ménages.

C’est pourquoi, monsieur le Premier ministre, ma question est la suivante : est-ce que l’État, afin de favoriser le développement économique et la création d’emplois dans les collectivités françaises du Pacifique, est susceptible d’ouvrir un nouvel horizon par l’aide qu’il apporte aux investissements productifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député Philippe Gomes, nous étions hier ensemble dans cet hémicycle, avec de nombreux parlementaires des outre-mer, pour constater un consensus assez large sur le budget des outre-mer.

Oui, l’État soutient résolument le développement de l’ensemble de ces territoires. En témoigne en particulier l’implication du Gouvernement, à hauteur de plus de 400 millions d’euros, dans le contrat de développement de la Nouvelle-Calédonie et l’éligibilité de ce territoire au fonds exceptionnel d’investissement, comme vous l’a indiqué hier la ministre des outre-mer, qui vous prie de l’excuser : elle est actuellement en avion, vers une destination lointaine.

En témoignent aussi les dispositifs fiscaux, qui permettent d’orienter vers la Nouvelle-Calédonie de l’ordre de 100 millions d’investissements chaque année.

Oui, ces dépenses fiscales, vous l’avez dit, sont bornées dans le temps. Cette échéance est fixée par la loi pour le développement économique des outre-mer à 2017. Elle ne signifie en rien la fin des dispositifs ; elle implique en revanche une évaluation préalable.

Cette réflexion est engagée depuis 2013 : poursuivons-la et je souhaite qu’elle aboutisse en 2015 à des propositions concrètes pour la partager avec la représentation nationale.

Vous m’interrogez aussi sur le soutien à l’investissement locatif dans le secteur du logement intermédiaire. En 2013, nous avions déjà largement adapté le dispositif Duflot aux réalités des outre-mer, en grande partie grâce à de nombreux parlementaires ultramarins. Le dispositif Pinel, qui lui succède, s’inscrit dans cette même logique. Je vous confirme que les taux de réduction d’impôt outre-mer sont majorés de onze points sur toutes les durées d’amortissement…

M. Bernard Deflesselles. Et les résidences secondaires ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …et que le dispositif donne accès au plafond de 18 000 euros, comme l’a indiqué hier, dans cet hémicycle, la ministre des outre-mer.

Situation du BTP

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Paul Salen. Monsieur le Premier ministre, chaque mardi et chaque mercredi, lors des questions au gouvernement, les réponses données par vos ministres et vous-même nous laissent croire que tout va bien en France.

Or, vous le savez bien et les Français le savent, tout va mal.

Tout va mal en France et en particulier dans le bâtiment et les travaux publics.

La Fédération française du bâtiment et la Fédération nationale des travaux publics ont récemment dévoilé les chiffres-clé pour l’année 2013, ainsi que la conjoncture à la fin 2014, confirmant l’engrenage désastreux dans lequel se trouve ce secteur d’activité.

Concernant le bâtiment, le rythme des mises en chantier continue de se dégrader, avec cette année une nouvelle baisse de 11,6 % par rapport à 2013. La construction de logements neufs affiche un recul de 10,8 % sur la même période. Signal d’autant plus alarmant que les permis de construire ont diminué de plus de 22 % sur les cinq premiers mois de 2014.

Après la perte nette de 20 300 emplois en 2013, la Fédération française du Bâtiment a confirmé une nouvelle perte de 16 300 emplois pour cette année.

Concernant les travaux publics, la baisse des dotations que votre Gouvernement inflige aux collectivités publiques entraîne un ralentissement fort de leur activité. Or, vous le savez, plus de 70 % des marchés sont passés par les collectivités.

La baisse d’activité dans ce secteur va s’intensifier, car les commandes publiques sont tout simplement au point mort et rien ne laisse envisager une amélioration.

Si le plan de relance que vous avez annoncé va dans le bon sens, votre ministre du travail a lui-même constaté qu’il arrivait un peu tard et que les effets éventuellement escomptés ne pourront pas se produire avant dix-huit mois.

Vous comprendrez que les inquiétudes sont grandes et que d’ici dix-huit mois, beaucoup d’entreprises du bâtiment et des travaux publics auront malheureusement disparu.

Il faut donc agir, et agir vite, monsieur le Premier ministre.

La Fédération du bâtiment de la région Rhône-Alpes a remis au préfet de région un plan d’urgence, comprenant dix-sept propositions, dont elle demande la mise en place dans les plus brefs délais. Ces mesures d’urgence s’imposent pour soutenir ce secteur si vital pour notre économie et pour l’emploi.

Aussi, monsieur le Premier ministre, envisagez-vous de mettre en place de telles mesures et si oui, dans quel délai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Oui, la situation du bâtiment et des travaux publics est difficile. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Il est de notre responsabilité – et de notre responsabilité collective – de soutenir ce secteur qui représente un certain nombre d’enjeux économiques. En particulier, il est créateur d’emplois et d’emplois non délocalisables.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le député, le Gouvernement n’a pas attendu votre question pour annoncer un plan de relance en faveur de la construction de logements.

Ce plan s’articule autour de plusieurs priorités : l’accession à la propriété, le soutien au logement social et intermédiaire.

Et d’ailleurs, sur le logement social, monsieur le député, je ne peux que rappeler la vigilance du Gouvernement dans ce domaine, quand on voit que depuis un certain nombre de mois, depuis les dernières élections municipales, un certain nombre de communes renoncent à des chantiers, renoncent à des programmes de logements sociaux, souvent par égoïsme local. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)



Quand je dis qu’il faut de la responsabilité collective, c’est pour que, sur ce sujet important, nous puissions nous rassembler et ne pas chercher de fausses polémiques !

Je vous invite, monsieur le député, à faire preuve de mesure. Oui, ce Gouvernement agit, à la fois pour soutenir ce secteur et pour soutenir les ménages, qui ont besoin de pouvoir accéder au logement. Nous agissons ainsi pour redresser notre économie. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Groupe Rapp

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Depuis deux ans et demi, les décisions du Gouvernement affectent inexorablement le pouvoir d’achat des ménages et, aujourd’hui, les entreprises qui dépendent directement de la consommation intérieure en paient la note ainsi que leurs salariés.

Nous sommes dans une impasse économique et nous attendons toujours des mesures de relance par un soutien massif aux entreprises.

Les meubles Fly du groupe Rapp « Mobilier Européen » en sont une parfaite illustration, puisque ce groupe familial de 3 800 salariés vient d’être placé en redressement judiciaire.

C’est non seulement la fin d’une industrie locale, d’un savoir-faire « made in France » et d’une référence dans l’ameublement mais c’est aussi – et une fois de plus – un nouveau drame humain qui se joue ici pour les salariés.

Le meilleur des scénarios de reprise prévoit le licenciement de 1 000 salariés, dont 320 pour le seul siège social, en région mulhousienne. Il s’agit d’hommes et de femmes dont pour la plupart c’est le premier employeur. Avec une moyenne de vingt ans d’ancienneté, ils sont à une période charnière de leur vie professionnelle, qui plus est dans un département où l’emploi industriel est sinistré.

La réponse des pouvoirs publics doit être exemplaire. C’est une obligation non seulement de moyens mais de résultats que nous leur devons et que je vous demande !

Cela passe par une traduction concrète des actions personnalisées de formation et de reconversion professionnelle par la cellule de reclassement qui sera mise en place. Cela passe aussi par la garantie du bénéfice de la portabilité de leur assurance complémentaire, malgré la situation de liquidation judiciaire.

Je vous demande par conséquent de me répondre précisément sur ces engagements qui sont très attendus par les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Le ministre du chômage !

M. le président. À force, cela va devenir fatigant…

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je crois, mesdames et messieurs les députés, que le sujet est suffisamment sérieux pour que nous écoutions tous les précisions importantes que le député Francis Hillmeyer m’a demandé d’apporter.

Le groupe Rapp, qui regroupe les magasins d’ameublement Fly, Atlas et Crozatier, a en effet été placé en redressement judiciaire le 17 septembre dernier par le tribunal de commerce de Mulhouse. Comme vous le savez, monsieur le député, l’audience qui se prononcera sur les offres de reprise est programmée pour le 18 novembre.

Avec mon collègue Emmanuel Macron, je suis particulièrement attentif à ce dossier…

Plusieurs députés du groupe UMP. Ça promet !

M. François Rebsamen, ministre. …en raison du nombre très important d’emplois menacés qui s’élève potentiellement, vous l’avez rappelé, à un millier, dont 300 environ au siège même du groupe qui est situé à Mulhouse, en Alsace, le reste étant réparti sur l’ensemble du territoire, sur des sites où les enseignes du groupe ne font pas l’objet de reprises.

Parmi les offres qui ont été soumises, deux se détachent, qui seront examinées lors du prochain conseil d’administration.

À cet égard, je précise que les représentants des personnels du groupe ont souhaité bénéficier de l’accompagnement de l’État dans le cadre du plan de sauvegarde de l’emploi à venir. Les ministères du travail et de l’économie instruisent cette demande avec les administrateurs judiciaires en charge du redressement judiciaire du groupe et les représentants des salariés.

En fonction des besoins, j’en prends l’engagement, le ministère du travail complétera le plan de sauvegarde par un dispositif visant à offrir un accompagnement de la meilleure qualité possible afin de favoriser le retour des salariés du groupe RAPP à l’emploi.

Fiscalité du gazole

M. le président. La parole est à M. Marcel Bonnot, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Marcel Bonnot. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

Monsieur le ministre, les esprits les moins dogmatiques et les plus réalistes s’accordent à reconnaître que l’entreprise, créatrice de richesses, de ressources et d’emplois, demeure l’élément majeur susceptible de contrarier la progression du chômage qui nous ronge et de ramener une croissance tant attendue.

À ce titre, les constructeurs automobiles comptent sur notre espace économique comme outil de production.

Depuis quinze ans, ils ont multiplié les prouesses technologiques : chez PSA, c’est le filtre à particules pour les moteurs diesel, système de dépollution dont l’efficacité est reconnue dans le monde entier, auquel s’ajoute la cohorte des véhicules hybrides ; je précise aussi que PSA a mobilisé plus de deux milliards pour respecter les normes Euro 5 et Euro 6, investissement qu’il convient d’amortir ; Renault, quant à elle, n’est pas en reste, tant s’en faut.

Mais voici que le Gouvernement, pour compenser la carence financière qu’entraîne l’échec de la mise en place de la pseudo-écotaxe, a décidé dans le cadre du budget pour 2015 d’accroître la fiscalité sur le gazole de quatre centimes par litre !

Hier, avec beaucoup de détermination et de lucidité, il est parti au chevet de Peugeot en apportant trois milliards à son espace capitalistique mais, aujourd’hui, avec cette fiscalité nouvelle sur le gazole, il porte un coup à nos constructeurs…

M. Jean-Paul Bacquet. C’est faux ! Cela n’a rien à voir !

M. Marcel Bonnot. …qui peut être lourd de conséquences.

Je ne veux pas être chagrin mais, au royaume de l’incohérence, le Gouvernement semble une fois de plus porter la couronne.

Monsieur le ministre, qu’avez-vous à dire à ces constructeurs automobiles, à ces industriels, à ces ouvriers, que cette manipulation de la fiscalité sur le gazole plonge une fois de plus dans l’inquiétude et l’incompréhension ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député, peut-être faut-il avant tout rétablir quelques chiffres pour connaître vraiment la situation.

Les hausses décidées au 1er janvier 2015 concernent, d’une part, la contribution climat-énergie – qui entraînera une augmentation de 2,1 centimes par litre d’essence et de 2,4 centimes pour le gazole – et, d’autre part, la TICPE gazole qui entraînera au total une augmentation de 4,8 centimes par litre.

À quoi ces chiffres doivent-ils être rapportés ? Tout d’abord, l’écart entre le gazole et l’essence reste l’un des plus importants puisqu’il s’élève en France à 21 centimes.

M. François-Michel Lambert. C’est vrai !

M. Emmanuel Macron, ministre. La convergence est en route, elle se fera doucement mais elle doit se faire. Les constructeurs en sont d’ailleurs parfaitement informés, de même que les consommateurs.

Ensuite, depuis le début de l’année, le prix du baril baisse, comme vous avez pu le constater.

Un député du groupe UMP. Pour combien de temps ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Cela se répercute sur l’essence et le gazole avec un léger décalage mais, d’ores et déjà, les prix du gazole – qui ont baissé de neuf centimes depuis le début de l’année – sont revenus au niveau de ceux de 2010.

Enfin et surtout, nous accompagnons les constructeurs pendant cette nécessaire transition. Nous avons donc pris cette décision dans la transparence la plus parfaite avec eux.

Je partage en effet votre préoccupation, monsieur le député, et nous la partageons tous. C’est pourquoi le Gouvernement veille à défendre une politique de compétitivité compatible avec la transition énergétique.

En effet, nous disposons de plusieurs plans industriels permettant d’accompagner les constructeurs automobiles afin qu’ils soient plus innovants et qu’ils continuent à développer des moteurs consommant moins – le deux litres aux cent en est un exemple, qui permet de réduire les émissions carbone.

Nombre de moteurs diesel, aujourd’hui, permettent de moins consommer, de faire face à ces changements et à la nécessaire convergence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

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Projet de loi de finances pour 2015

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 (nos 2234, 2260).

Politique des territoires

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la politique des territoires (n2260, annexes 34 et 35 ; n2262, tome X ; n2266, tome VIII).

La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames et messieurs les députés, c’est à moi qu’il revient de commencer cette présentation, après quoi Mme Pinel vous transmettra le message de son propre ministère.

Certains quartiers cumulent les difficultés au point de susciter chez leurs habitants découragement, désillusion et défiance. Nous devons impérativement remédier à cette situation et, dans un contexte historiquement contraint sur le plan budgétaire, je tiens à assurer la représentation nationale que les moyens de la politique de la ville seront de nouveau préservés l’année prochaine.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale, et, du contrôle budgétaire et et M. François Pupponi, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

M. Patrick Kanner, ministre. Le programme « Politique de la ville » atteindra ainsi 457 millions d’euros en crédits de paiement en 2015. Je tiens à saluer l’action des rapporteurs spéciaux, qui ont contribué à cet effort commun.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Nous nous sommes montrés vigilants !

M. Patrick Kanner, ministre. La baisse de près de 39 millions d’euros constatée par rapport au budget pour 2014 n’est pour ainsi dire qu’apparente. En effet, l’économie mécanique sur les dépenses d’exonérations sociales enregistrée sur les zones franches urbaines, qui représentait 17,5 millions d’euros, sera compensée par les effets du pacte de responsabilité.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Ce n’est pas la meilleure idée qui soit !

M. Patrick Kanner, ministre. Par ailleurs, nous mettons fin à l’expérimentation des emplois francs, qui représentait 11 millions d’euros, et renforçons à la place la présence de Pôle emploi : 700 conseillers seront déployés dans les quartiers, au bénéfice de 65 000 jeunes, pour mettre en œuvre, notamment, le dispositif Club Ambition Réussite. Enfin, 8,6 millions d’euros ont été transférés sur le programme 112 pour achever l’unification des moyens du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET.

Ce budget pour 2015 permet tout d’abord de sanctuariser, pour les trois prochaines années, les crédits d’intervention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ, à hauteur de 338 millions d’euros, après une baisse de 17 % entre 2009 et 2012. Je tiens à le souligner, je sais que vous y êtes très sensibles. Il permettra aussi de soutenir les dispositifs qui ont fait leurs preuves, je pense en particulier à la réussite éducative ou aux adultes relais, et de renforcer la participation des citoyens aux politiques qui concernent leur quartier, au sein des fameux conseils citoyens, dans le cadre des 1 300 contrats de ville.

À cet effort important s’ajoutent les crédits de droit commun de l’État, qui s’élèveront à près de 4 milliards d’euros l’année prochaine, comme en 2014. Je n’oublie pas non plus l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et ses partenaires, notamment les partenaires sociaux d’Action Logement, qui engageront 5 milliards d’euros, avec l’objectif de susciter 20 milliards d’euros d’investissement en dix ans.

Dans le contexte budgétaire que vous connaissez, ces choix sont tout à fait significatifs : ils font sens et montrent que le Gouvernement souhaite engager une profonde action en direction de ces quartiers, qui pourraient être en situation de relégation territoriale si nous n’y prenions pas garde.

S’agissant du nouveau programme de renouvellement urbain, le NPNRU, les opérations pourront bien être amorcées dès 2015, avec une déclinaison sur deux cents quartiers cœur de cible en métropole ainsi, naturellement, qu’en outre-mer. La liste de ces deux cents quartiers sera connue mi-décembre…

Mme Audrey Linkenheld. Enfin !

M. Patrick Kanner, ministre. …à l’occasion du prochain conseil d’administration de l’ANRU, conseil d’administration qui, je le sais, est très attendu par chacun d’entre vous.

Mme Audrey Linkenheld. En effet !

M. Patrick Kanner, ministre. Je mentionnerai quelques interventions complémentaires de l’État, qui ne sont pas négligeables, comme l’extension de la TVA à 5,5 % pour l’accession sociale à la propriété des ménages modestes à tous les quartiers prioritaires et dans une bande de 300 mètres alentour. C’est une mesure extrêmement favorable y compris pour la relance du secteur du bâtiment.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Excellent !

M. Patrick Kanner, ministre. Je songe aussi à l’abattement de taxe foncière, qui sera prorogé et inscrit dans les contrats de ville, avec des niveaux de service renforcés pour les bailleurs sociaux. Par ailleurs, en prévoyant l’évolution des cent zones franches urbaines en « territoires entrepreneurs » – cela montre que le changement est possible, et qu’il n’est pas que sémantique – nous irons toujours plus loin pour défendre l’implantation économique dans ces quartiers, en lien avec la Caisse des dépôts, l’ANRU, l’EPARECA – Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux – et Bpifrance : 600 millions d’euros seront ainsi réservés à la rénovation commerciale dans ces quartiers.

En dernier lieu, dans un contexte de baisse des dotations des collectivités locales, il faut saluer l’effort redistributif sans précédent qui sera réalisé en 2015 par ce gouvernement en faveur des communes pauvres, avec la montée en charge des dispositifs de péréquation. J’en profite pour saluer l’amendement de M. François Pupponi qui permet d’alimenter les dotations d’investissement de cette politique de 30 % supplémentaires.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. C’est tout à fait notable !

M. Patrick Kanner, ministre. Voilà, planté en quelques phrases et chiffres, le budget du programme « Politique de la ville » que je souhaite voir adopté par la représentation nationale. Notre seule préoccupation, c’est l’équité territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Très bien, tout est dit !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le président, monsieur le ministre de la ville, monsieur le secrétaire d’État au budget, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi tout d’abord de dire combien je suis heureuse de pouvoir vous présenter cette mission « Politique des territoires », dont je suis convaincue qu’elle est un outil utile pour coordonner et impulser les dynamiques territoriales au service d’une plus grande égalité.

Je veux remercier les rapporteurs pour le travail de grande qualité qu’ils ont accompli sur cette mission. Mesdames et messieurs les députés, mon intervention sera relativement brève, puisque j’ai eu le plaisir de répondre longuement à vos questions lors de la commission élargie de la semaine dernière. Je veux d’ailleurs remercier ceux qui y ont participé car les débats ont été particulièrement intenses et riches.

La mission « Politique des territoires » que nous examinons aujourd’hui doit nous permettre de renouer avec la nécessaire solidarité entre les territoires, d’aider ceux qui souffrent le plus mais également de soutenir les initiatives qui existent partout…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Si seulement !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …et notamment, j’y suis très attachée, dans les territoires ruraux et périurbains.

Comme l’a rappelé Patrick Kanner, une étape importante a été franchie dans le sens d’une plus grande coopération territoriale, cette année, avec la création du Commissariat général à l’égalité des territoires. Globalement, ce budget permet de préserver et de renouveler les programmes qu’il porte.

En effet, l’apparente diminution des crédits du programme – les capacités d’intervention passent de 269 millions d’euros en 2014 à 223 millions en 2015 tandis que les crédits de paiement passent de 281 millions à 270 – s’explique par des éléments techniques qui traduisent la réalité de la vie des contrats de plan. D’un côté en effet, on en est à la fin de la génération 2007-2013 des contrats de projets État-région, en phase d’apurement des restes à payer. De l’autre, les nouveaux contrats de plan État-région – CPER – sont en phase de lancement. Leur montée en puissance portera surtout sur 2016 et 2017, où les crédits du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire – FNADT – s’élèveront respectivement à 115 puis 130 millions d’euros.

Cela représente au total un effort de 735 millions d’euros au titre du programme 112 sur la période du contrat de plan. La nouvelle génération de ces contrats de plan doit servir à l’investissement et à la préparation de l’avenir de nos territoires, autour d’une priorité transversale : l’emploi.

En outre, les régions sont invitées à contractualiser autour de six volets : mobilité multimodale ; transition écologique et énergétique ; numérique ; innovation, filières d’avenir et usines du futur ; enseignement supérieur, recherche et innovation ; et enfin le volet territorial. Je suis très attentive à ce dernier parce qu’il est essentiel pour l’aménagement du territoire et qu’il permet de soutenir des projets particulièrement utiles pour certaines communes, notamment rurales.

Ces axes répondent aux grands enjeux qui s’imposent à tous les territoires, pour que chaque région puisse développer une stratégie adaptée à ses objectifs.

L’État mobilise une enveloppe de 12 milliards d’euros jusqu’en 2020. Cet effort interministériel est très important, compte tenu des contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. Ces contrats permettront une mise en synergie des financements. Ils garantissent un effet de levier important grâce aux cofinancements des régions et des autres collectivités.

Des discussions ont lieu entre l’échelon central et les préfets de région pour finaliser les mandats de négociation. L’objectif est d’obtenir des accords sur ces contrats d’ici la fin de l’année, pour une mise en œuvre rapide en 2015.

Ce budget permettra également de financer des actions de soutien au développement économique des territoires, notamment le maintien de la prime à l’aménagement du territoire, à hauteur de 30 millions d’euros, et sa rénovation en vue de recentrer le dispositif sur les petites et moyennes entreprises.

La seconde priorité du budget de la mission « Politique des territoires » est celle d’une revitalisation des territoires ruraux et périurbains. Elle s’appuie notamment sur le maintien des services de proximité, par la création et le fonctionnement de maisons de services au public, à hauteur de 9 millions d’euros, qui continueront à être fortement encouragés en 2015 pour atteindre l’objectif fixé d’ici 2017.

Cette priorité s’incarne aussi dans l’amélioration de l’accès à la santé. C’est pourquoi le FNADT continuera à appuyer le développement des maisons de santé pluridisciplinaires par le biais du volet territorial des CPER.

Ce budget soutiendra enfin le dispositif expérimental visant à conforter la présence de centres-bourgs dynamiques et animés dans les territoires ruraux et périurbains, que j’ai lancé en juin dernier. Cette démarche d’animation du territoire à l’échelle du périmètre intercommunal concernera 50 communes, qui seront annoncées dans les prochains jours, sélectionnées parmi les 300 qui ont présenté leur candidature. Je sais que cela causera de la déception à de nombreuses communes qui ont présenté de bons dossiers, et c’est pourquoi j’espère pouvoir généraliser à terme cette expérimentation, dans le cadre de la clause de revoyure des CPER, au travers de leur volet territorial.

Voici, en quelques mots, les grandes lignes du budget du programme 112 de la mission « Politique des territoires » en 2015. À travers cette mission, le Gouvernement affirme sa volonté de n’oublier aucun des territoires qui constituent notre République et d’agir pour soutenir efficacement leur développement en tenant compte de leurs spécificités et de leurs besoins.

Vous le savez cependant, ce programme 112 n’est pas l’unique voie de la mobilisation financière de l’État au profit de l’aménagement du territoire. On estime en effet que l’effort budgétaire total de l’État en la matière sera de plus de 5 milliards d’euros en 2015.

Mon ministère porte donc une responsabilité transversale de mise en cohérence des interventions des autres ministères pour l’égalité des territoires. C’est notamment ce principe qui guide les Assises des ruralités que j’ai lancées et qui ont débuté vendredi dernier dans le Pas-de-Calais. Elles doivent permettre d’établir une feuille de route ambitieuse et opérationnelle pour accompagner et soutenir le développement des territoires et la qualité de vie des personnes qui y habitent.

Je suis certaine que la représentation nationale partagera cette ambition et adoptera ce budget. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nos territoires constituent une force pour notre pays et un enjeu majeur pour redresser notre économie.

L’approche budgétaire de cette mission, mêlant l’urbain et le rural, semble intéressante à première vue puisqu’elle permet d’avoir une vision globale des dispositifs et moyens déployés sur nos territoires. Très souvent, territoires ruraux et banlieues ont en effet des problématiques communes : maintenir des services publics de proximité, assurer l’égal accès aux soins, favoriser la mobilité ou créer de l’emploi.

Malheureusement, au vu des chiffres, le compte n’y est pas en matière d’égalité territoriale puisque les crédits de la mission essuient une baisse qui démontre une fois de plus que l’État n’a toujours pas pris conscience des défis auxquels notre pays est confronté.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Oui, 200 millions d’euros de moins entre 2007 et 2012 !

M. Francis Vercamer. La baisse constatée des crédits touche particulièrement le programme 112, dans lequel figurent les moyens pour redynamiser les territoires, à l’image des contrats de plan État-région.

Dans le contexte actuel, la nouvelle génération des CPER sera essentielle pour soutenir l’investissement, la croissance et l’emploi dans nos territoires.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Francis Vercamer. Mais il semblerait, à l’instar de la région Nord-Pas-de-Calais, que M. Kanner connaît bien, que les négociations s’annoncent d’ores et déjà difficiles.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial et M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Oh !

M. Francis Vercamer. D’autant plus difficiles que l’État mobilise moins de moyens dans les CPER 2014-2020 et compte beaucoup sur les collectivités territoriales, qu’il plonge chaque jour un peu plus dans l’incertitude au gré des transferts de compétences, de la baisse des dotations ou d’une réforme territoriale à géographie variable.

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Les riches paient !

M. Francis Vercamer. Le Commissariat général à l’égalité des territoires, créé il y a deux ans, ne peut être à lui seul, l’unique gage d’égalité territoriale. Le groupe UDI attend du CGET bien plus qu’un regroupement des délégations interministérielles et des agences. Il attend une véritable politique autour de nos territoires, une politique ambitieuse, transversale, lisible, équilibrée et, surtout, équitable.

Dans le contexte budgétaire actuel, le groupe UDI note favorablement la volonté du Gouvernement de sanctuariser les crédits de la politique de la ville destinés aux actions territorialisées et aux nouveaux contrats de ville. Mais, au-delà de les prévoir et de les sanctuariser, nous insistons pour que ces crédits indispensables aux acteurs locaux ne soient pas gelés, comme chaque année, mais bien consommés au profit des habitants des quartiers qui en ont le plus besoin.

C’est l’occasion pour moi d’appeler l’attention du Gouvernement sur la fragilité de nombreuses structures associatives qui évoluent au sein des quartiers prioritaires. Je pense notamment aux centres sociaux qui, à l’heure où leur action est plus que jamais indispensable pour accompagner les populations confrontées à la crise, voient bien souvent leurs crédits diminuer.

Les ministres successifs ont tous affirmé leur volonté de mobiliser le droit commun. Malheureusement, force est de constater que dans nos quartiers en difficulté, il n’y a pas plus de policiers…

Mme Audrey Linkenheld. N’exagérez pas !

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. C’est vrai qu’avant, il y en avait moins !

M. Francis Vercamer. …qu’il y a toujours des classes de maternelle avec près de 30 enfants,…

Mme Nathalie Nieson. Mais arrêtez !

M. Francis Vercamer. …ou des diminutions significatives de crédits alloués aux maisons de l’emploi, comme nous l’avons vu lundi, ou aux structures d’insertion professionnelle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. Il a perdu la mémoire !

M. le président. La parole est à M. Vercamer, et à lui seul.

M. Francis Vercamer. Certes, des engagements ont été pris par différents ministères : nous en attendons la traduction concrète pour en mesurer les effets.

Enfin, face à la situation de chômage endémique qui frappe notre pays, et particulièrement les populations des quartiers en difficulté, qui sont les premières touchées, nous aurions pu attendre du Gouvernement des signaux forts en faveur de l’accès à l’emploi et du développement économique. Or les seuls faits marquants de ce programme 147 en matière de revitalisation économique et d’emploi sont l’abandon pur et simple des emplois francs et l’arrêt des entrées dans le dispositif de zone franche urbaine, les ZFU.

Nous prenons acte de la création des « territoires entrepreneurs » à la suite des ZFU mais nous regrettons qu’à deux mois de la fin du dispositif, celui-ci n’ait pas été prolongé alors qu’il a prouvé son efficacité. Nos quartiers prioritaires ont besoin d’un mécanisme fiscal qui favorise leur attractivité économique et la création d’emploi.

Bien évidemment, notre groupe se félicite de voir le Gouvernement, à travers ce PNRU 2, prolonger la rénovation urbaine engagée par Jean-Louis Borloo il y a dix ans. Nous comprenons bien la logique de concentration des crédits sur un nombre réduit de quartiers. Néanmoins, le choix des sites relevant de l’appréciation de l’ANRU, nous pensons que la place des intercommunalités, aujourd’hui compétente en matière de renouvellement urbain, et le rôle du maire sont essentiels pour prendre en compte à la fois les problématiques sociales et le potentiel financier des communes.

Pour conclure, à la lecture de ce budget qui tend à aborder la politique des territoires de manière transversale, le groupe UDI n’est absolument pas certain que le Gouvernement soit en mesure de relever les défis qui s’imposent aux différents territoires.

Ce budget manque d’ambition pour dynamiser les territoires, endiguer les fractures et combattre le sentiment de relégation. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI s’abstiendra sur le budget de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial et et, Mme Audrey Linkenheld. Encore un effort !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.

Mme Laurence Abeille. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le groupe écologiste regrette que chacun des programmes de cette mission « Politique des territoires » soit en baisse sensible.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. C’est purement optique.

Mme Laurence Abeille. Je pense par exemple au programme « Politique de la ville » dont les crédits passent à 457 millions d’euros en 2015 contre 496 millions en 2014. J’ai bien entendu les arguments que Gouvernement a donnés en commission élargie la semaine dernière, mais on peut néanmoins se demander si, avec ce budget, nous atteindrons nos objectifs.

De même, nous regrettons la baisse des crédits du Commissariat général à l’égalité des territoires. Son budget ne reflète en effet pas l’ambition de réduire la fracture territoriale, objectif pourtant essentiel pour favoriser le vivre ensemble. Le CGET doit être porteur d’une ambition nouvelle et d’une dynamique forte. L’objectif de ce regroupement d’agences ne doit pas être que comptable. Or l’examen en commission, la semaine passée, laisse à penser que c’est avant tout l’objectif poursuivi. C’est dommage.

Cette mission « Politique des territoires » est désormais beaucoup plus vaste, puisqu’elle regroupe à la fois l’urbain et le rural. Je souhaite aborder plusieurs points.

Les nouveaux contrats de plan État-région vont être lancés dans six domaines, dont la mobilité ou la transition écologique et énergétique. Il faut espérer que la suspension de la taxe poids lourds ne pèsera pas sur le financement de ces CPER, mais on peut en douter. En tout cas, ce n’est pas un bon signal de se passer de cette source de financement, qui aurait en outre favorisé le report modal.

Les pôles territoriaux de coopération économique étaient dotés de 2 millions d’euros de crédits en 2014, et d’aucun pour 2015. J’ai bien entendu Mme la ministre Sylvia Pinel annoncer avoir demandé au CGET, afin de contribuer au financement du second appel à projets, de dégager des moyens en 2015. J’espère que ce financement sera trouvé.

Je souhaite aborder plus en détail les crédits liés à la politique de la ville. Nous sommes en période de changements, avec l’adoption en février 2014 de la nouvelle loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, la mise en place d’une nouvelle géographie prioritaire, le lancement d’un nouveau programme de rénovation urbaine et la définition des futurs contrats de ville.

Lors de l’examen en commission élargie, M. le ministre Patrick Kanner a confirmé que l’ANRU et ses partenaires engageront 5 milliards d’euros pour le nouveau programme national pour la rénovation urbaine. À quel rythme ce financement s’échelonnera-t-il ? Pour les écologistes, il est essentiel que les opérations d’aménagement urbain intègrent, pour rendre ces quartiers agréables à vivre, des objectifs de lutte contre la précarité énergétique, mais également de préservation de la biodiversité et de la nature en ville. Comment le NPNRU prendra-t-il en compte ces critères ?

L’activité et l’emploi dans les quartiers prioritaires sont un autre sujet primordial. Dans la loi sur la ville et la cohésion urbaine, la prise en compte de cette problématique faisait déjà défaut, j’avais eu l’occasion de le dire. J’ai donc noté avec intérêt la volonté du Gouvernement de travailler sur ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2014, notamment en transformant les zones franches urbaines en « territoires entrepreneurs ». Mais changer le nom de ce dispositif demeure avant tout symbolique : il faut surtout changer notre approche du problème et mener une politique de long terme.

Nous soutenons donc la volonté du Gouvernement d’ajouter, dans le cadre des contrats de ville, à côté des piliers relatifs à la cohésion sociale et au renouvellement urbain, un troisième pilier dédié à l’emploi et à l’activité économique. Se focaliser sur les objectifs de cohésion urbaine et de mieux vivre en ville, c’est, me semble-t-il, traiter les conséquences et non la cause d’un problème central qui demeure la précarité des habitants et le manque d’activité économique durable.

La politique de la ville doit avoir pour objectif premier d’améliorer la situation économique, sociale et environnementale des quartiers. De même que la fiscalité comportementale vise à réduire la base fiscale, la politique de la ville a pour objectif de réduire le nombre de quartiers prioritaires en améliorant le niveau de vie de leurs habitants.

Le dernier sujet que je souhaite aborder est celui de la participation citoyenne. Lors de l’examen en commission, Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, Myriam El Khomri, a évoqué la sanctuarisation, pour les trois prochaines années, des crédits de la politique de la ville. Elle a mis l’accent sur la participation citoyenne et le soutien au monde associatif, avec, notamment, la mise en place des conseils citoyens.

Le collectif « Pas sans nous » souhaite la mise en place d’un fonds d’interpellation citoyenne, qui serait financé par le biais de la réserve parlementaire. À mon sens, ce fonds doit être créé. Il pourrait être financé par une dotation du Gouvernement, prélevée en amont, pourquoi pas ? sur les montants dédiés à la réserve parlementaire. Le Gouvernement organiserait sur le territoire la répartition des sommes. Envisage-t-il de créer un tel fond sur le budget de la politique de la ville ?

Enfin, je souhaitais présenter un amendement aujourd’hui qui, pour des raisons techniques, ne pourra être examiné qu’au cours d’un de nos débats sur les articles non rattachés qui aura lieu la semaine prochaine. Je veux quand même vous en dire un mot. Il s’agit en effet de ce fonds d’interpellation citoyenne : je demande au Gouvernement un rapport évaluant la possibilité de création d’un tel fonds chargé de financer la coconstruction de la politique de la ville – le terme coconstruction étant sans doute l’un des termes les plus importants en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des affaires économiques, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un contexte budgétaire sur lequel je ne veux, car chacun le connaît, pas m’étendre, il ne s’agit pas de faire plus, toujours plus, mais au moins autant, et sinon mieux.

C’est le sens de ses responsabilités qui accompagne le groupe RRDP dans l’examen, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, des crédits de la mission « Politique des territoires ».

Cette mission obéit à des logiques d’économies budgétaires, bien évidemment, en lien avec nos contraintes de redressement des comptes publics. Elle met en évidence des lignes de perspectives qui démontrent le souci de rationaliser notre organisation en fonction de nos objectifs.

Nous pouvons louer les efforts et les réformes entrepris dans ce qu’il serait bien convenu d’appeler un carcan budgétaire. La mission « Politique des territoires » a pour finalité de contribuer au développement durable de ceux-ci, dans une perspective de solidarité et d’équilibre. La création d’un Commissariat général à l’égalité des territoires permet d’unifier l’analyse des besoins et la détermination des moyens pour y parvenir. C’est une réforme majeure de la politique de l’égalité des territoires, qui rapproche la politique de l’aménagement du territoire et la politique de la ville.

C’était une réforme attendue et demandée. Elle est logique et bienvenue. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste tiennent à la saluer. L’intégration du programme 147 en est la traduction en termes d’architecture budgétaire.

Les crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », dont vous avez parlé, monsieur le ministre, s’élèvent, pour 2015, à 220 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 281 millions en crédits de paiement.

Le CGET regroupe maintenant plusieurs services dont la mutualisation est un facteur d’économies d’échelles. Il s’agit principalement des services de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, des services de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSÉ, et enfin des services du Secrétariat général du comité interministériel des villes.

Nous savons qu’une bonne politique d’égalité territoriale ne peut pas être purement sectorielle. C’est tout le sens de cette réforme. L’approche transversale sera plus efficiente pour nos territoires et permettra donc une convergence de moyens. Par la construction d’une politique globale des territoires, nous allons enfin éviter une opposition entre urbains et ruraux d’autant plus stérile que les derniers sont plutôt des rurbains.

Ainsi, il s’agit, par la compréhension et l’analyse des spécificités des territoires, de prendre en compte la diversité des situations afin d’élaborer une politique combinant des outils plus pertinents et plus efficients, adaptés aux territoires ayant des enjeux spécifiques ou aux territoires plus fragiles.

À partir de l’année 2015, vous l’avez dit, madame la ministre, nous connaîtrons également le lancement de la nouvelle génération des contrats de plan État-région. Ces CPER devront avoir des priorités que vous avez rappelées. Vous connaissez l’attachement des députés du groupe RRDP aux spécificités des territoires ruraux et nous comptons sur votre action, madame la ministre, pour que le volet territorial des CPER soit une priorité.

Sur la période 2015-2020, 735 millions d’euros issus du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire seront mobilisés, dont 100 millions dès 2015. Ces crédits sont particulièrement importants. Ils bénéficient en effet en priorité aux territoires ruraux afin qu’y soient mises en œuvre des politiques spécifiques, qu’il s’agisse des maisons de services au public, des maisons de santé pluridisciplinaires ou encore des projets de revitalisation des centres-bourgs.

Élu du sud de l’Aisne, dans une circonscription très rurale, je ne peux que me féliciter de ce que le CGET ait vocation à élaborer une politique combinant des outils pratiques et adaptés aux besoins réels de nos territoires, qu’ils soient ruraux, urbains, périurbains, de montagne ou littoraux.

En effet, nos potentialités varient. Elles nécessitent, logiquement, des moyens différenciés. À ce titre, j’attends beaucoup des dispositifs mis en place par le biais de la direction de la ville et de la cohésion urbaine, des stratégies territoriales et du développement des capacités des territoires.

C’est ainsi que les expérimentations destinées à promouvoir les centres-bourgs ou relatives au financement des maisons de services au public me semblent aller dans le bon sens. Ces dernières, créées dans les zones rurales ou urbaines éloignées, devront assurer l’accès des populations à ces services au public, qu’ils soient fournis par l’État, les collectivités ou les opérateurs comme la Poste, EDF ou GDF.

L’organisation et le déploiement uniforme, dans l’ensemble de l’hexagone, d’un maillage numérique de très haut débit revêt une importance particulière pour nos territoires ruraux. Il s’agit là en effet d’un enjeu essentiel : pour répondre à la fracture rurale, il faut faire reculer la fracture numérique.

Enfin, les crédits de cette mission concernent également la profonde réforme de la politique de la ville entreprise par le Gouvernement avec l’adoption de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014.

Il est temps désormais d’appliquer cette réforme et de concentrer l’effort de solidarité nationale sur les quartiers défavorisés qui en ont le plus besoin.

J’en terminerai, monsieur le président, par une fable de Jean de La Fontaine.

M. le président. Cela nous manquait.

M. Jacques Krabal. Comme il l’écrivait dans la fable Le cheval et l’âne, en ce monde, il se faut l’un l’autre secourir !

Dans ces conditions, les députés du groupe RRDP se réjouissent de la politique du Gouvernement sur cette mission « Politique des territoires » et de la façon dont elle est mise en œuvre. Ils voteront donc sans réserve les crédits qui lui sont affectés. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’année dernière la mission « Politiques des territoires » était l’une de celles que je n’avais pas soutenues. Malheureusement, j’ai peur que l’histoire ne soit sur le point de se répéter.

Étant moi-même représentant de l’une des circonscriptions les plus éprouvées de la nation, je souscris pleinement à votre objectif de soutenir le développement solidaire des territoires. Malheureusement, pour la troisième année consécutive, ce budget n’est pas à la hauteur des enjeux auxquels il s’attaque. Il traduit, j’en ai bien peur, un recul des ambitions du Gouvernement en matière de lutte contre les fractures territoriales.

Pourtant, nous sommes nombreux à avoir cru ce gouvernement de gauche capable d’avoir le courage de revisiter certains concepts, notamment la notion de développement solidaire et équitable.

Ne sommes-nous pas en mesure de démontrer que la République est pleinement capable, même en période de réduction des déficits, d’apporter à l’ensemble de ses territoires, favorisés ou non, métropolitains ou ultramarins, les éléments budgétaires propres à garantir leur développement au sein d’un système national harmonieux ?

Ce budget que vous qualifiez de sanctuarisé est en réalité en forte baisse pour la Guyane.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. En effet.

M. Gabriel Serville. Si le programme 147 « Politique de la ville » connaît une stabilité exemplaire, puisqu’il est maintenu exactement en l’état, à 2,215 millions d’euros, le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » connaît lui un destin bien plus tragique. Il passe en effet de 350 000 à 30 000 euros, accusant donc une baisse vertigineuse de 91 % sur un an. Cela doit être un record – j’ai envie de dire : un de plus.

Vous comprendrez aisément qu’il m’est difficile de vous soutenir quand la mission que vous présentez participe à l’érosion cette année de 1,4 % des crédits alloués à la Guyane, 3,8 % hors charges de personnels. Pourtant l’effort global réservé à l’outre-mer suit, avec une augmentation de 0,3 %, le chemin inverse.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine partagent pleinement ma profonde inquiétude.

Vous me direz avoir dû composer avec les moyens alloués. Je l’entends parfaitement. Mais je ne puis que regretter la persistance de déficits chroniques qui ont pour corollaire un déséquilibre permanent entre les territoires. Comment pourrait-il en être autrement puisque ce budget laisse entrevoir une baisse constante des crédits de la plupart des programmes ?

Madame et messieurs les ministres, la mission « Politique des territoires », malgré la réforme, voit cette année encore ses dépenses de fonctionnement augmenter au détriment des autorisations d’engagement ouvertes en loi de finances initiale et surtout au détriment, évidemment, des dépenses d’investissement.

Sur un tout autre sujet, le Gouvernement ayant fait le choix, dans la lutte contre l’épidémie de chikungunya en Guyane, de l’utilisation du malathion, un insecticide hautement toxique, j’ai une pensée toute particulière pour le plan chlordécone de Martinique et de Guadeloupe, qui accuse, lui aussi, une nouvelle baisse de 2 % de ses crédits.

Efficace et essentiel dans des territoires traumatisés par les pollutions massives dues aux épandages de ces molécules destructrices, je m’étonne que ce plan de dépollution n’ait pas bénéficié d’un arbitrage en faveur de la préservation de ses crédits. Au regard de sa valeur hautement symbolique, je pense qu’il aurait été judicieux de le conserver au moins en l’état.

De même, quid de l’adduction en eau potable de certains villages de Guyane où les habitants consomment des produits contaminés lourdement par le méthylmercure utilisé sur les sites d’orpaillage clandestin, qui entraîne malformations de naissance et comportements à tendance suicidaire chez nos compatriotes amérindiens ? N’est-il pas temps d’envisager que le programme 162 prenne également en charge un plan de dépollution des cours d’eau concernés, ou doit-on se contenter de l’immobilisme qui semble nous caractériser dès qu’il s’agit de l’intérieur guyanais ?

Au final, nous avions tous salué la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, sans pour autant nous faire d’illusions étant donné la relative faiblesse des crédits qui lui sont dédiés. Ces derniers nous font craindre un semi-échec tant les objectifs qui lui sont assignés sont importants, voire vitaux pour les territoires les plus ruraux ou isolés.

J’aurai enfin un mot pour le plan de revitalisation des bourgs, qui, lui aussi, a fait naître beaucoup d’espoirs. Il est vrai que les règles étaient connues d’avance, mais cela n’a pas empêché les déceptions. J’espère donc qu’au regard des résultats probants, cette mesure sera généralisée, toutes proportions gardées bien sûr, afin d’en faire profiter les nombreux centres de vie bien souvent laissés pour compte et de lutter contre ce sentiment d’abandon des politiques publiques que ressentent leurs élus. Je salue d’ailleurs ici les quatre communes de Guyane qui se sont portées candidates et ont montré à cette occasion leur volonté d’insuffler une nouvelle dynamique au développement de l’intérieur guyanais.

Député d’un territoire en devenir qui souffre d’un manque cruel d’infrastructures et d’aménagement, je demeure inscrit dans une relation de confiance renouvelée avec le Gouvernement. Néanmoins, avec le groupe GDR, nous nous prononcerons contre le projet de budget de cette mission, qui, à l’instar de ceux des autres missions, a dû certainement se plier aux contraintes du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, sans toutefois répondre aux aspirations de nos concitoyens.

M. André Chassaigne. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette, pour le groupe SRC.

M. Alain Calmette. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, la mission « Politique des territoires » représentera en 2015 un effort financier de 708 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 761 millions en crédits de paiement.

Sa présentation budgétaire a changé puisqu’elle intègre désormais le programme 147 « Politique de la ville ». C’est une bonne chose, j’y reviendrai, mais cela met un peu plus en lumière le caractère marginal des crédits de cette mission consacrés à l’aménagement du territoire par rapport aux efforts globaux du budget de l’État dans ce domaine. En effet, seuls 5 % environ des sommes totales dédiées à l’aménagement du territoire apparaissent dans cette mission. À titre d’exemple, les crédits affectés aux zones de revitalisation rurale relèvent de la mission « Travail et emploi ». Je répète donc cette année encore qu’une évolution de la maquette budgétaire serait nécessaire pour mieux appréhender la politique de l’État en faveur des territoires.

La baisse des crédits des programmes 112 et 162 s’explique par la contribution de la mission à la nécessaire maîtrise des dépenses de l’État, mais aussi par le caractère transitoire de l’année 2015, année pivot entre deux générations de CPER.

Le périmètre d’intervention du volet territorial des CPER a été assoupli pour la génération 2015-2020, dans une logique de prise en compte des territoires en fonction des situations territoriales, ce qui est très positif. Je pense que c’est un enjeu très important pour les futurs CPER.

Autre point qui nous tient à cœur : les zones de revitalisation rurale. Je viens de présenter à la commission du développement durable un rapport rédigé avec mon collègue UMP Jean-Pierre Vigier sur la nécessaire évolution de ces zones. Nous avons formulé plusieurs propositions avec, au premier chef, la nécessité de définir un nouveau zonage retenant, sur le modèle de la politique de la ville, une entrée par les intercommunalités, fondée sur deux critères simples et cumulatifs : la densité démographique de l’EPCI et la richesse des habitants. Nous avons fait également des propositions sur la DGF, la DSR ainsi que sur la refonte de la DETR.

Le présent budget comporte des éléments très positifs.

La politique de la ville est en profonde mutation : nouvelle loi de programmation de février 2014, nouvelle géographie prioritaire, préparation pour 2015 des futurs contrats de ville sur une base intercommunale et lancement du nouveau programme de renouvellement urbain.

Je voudrais insister tout particulièrement, pour m’en féliciter, sur le travail concernant la nouvelle carte des quartiers prioritaires, qui s’applique à la réalité des poches de pauvreté en France, que ce soit dans des tours et des barres d’immeubles en périphérie des grandes villes ou dans des centres anciens ou périphériques situés dans des villes petites ou moyennes.

L’expérimentation sur les centres-bourgs devrait permettre de conforter un maillage équilibré du territoire, avec des centres-bourgs vivants et animés, en tentant de répondre tout à la fois à l’enjeu de l’égalité des territoires et à celui de la transition écologique. Ce concept de centres-bourgs me paraît essentiel, dans le contexte de métropolisation que nous vivons, pour faire émerger des pôles de centralité capables de rendre les services au public dans les zones interstitielles entre deux métropoles. Nous plaidons donc pour la généralisation de ce dispositif, après une nécessaire évaluation.

M. Jean-Yves Caullet. Très bien !

M. Alain Calmette. La création du CGET permettra de rompre avec une approche sectorielle des politiques publiques pour privilégier une réflexion transversale allant de l’urbain au rural et d’impulser une politique repensée reposant sur des outils eux-mêmes reconsidérés.

Je me félicite également que le financement des maisons des services au public soit prévu sous la forme d’un fonds de développement qui sera alimenté par des contributions de l’État et des opérateurs de service.

Enfin, le plan très haut débit relève d’une politique cruciale. En effet, le déploiement des réseaux constitue un facteur de cohésion par le renforcement de l’accessibilité des services publics et privés au bénéfice des citoyens et des entreprises. Dans ce domaine, il ne faut pas oublier une réflexion qui me paraît urgente, concernant les usages. La fibre et le très haut débit à domicile peuvent être un élément extraordinaire de cohésion sociale et territoriale, mais encore faut-il dès maintenant en imaginer tous les usages possibles, les anticiper et les mettre en œuvre.

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Alain Calmette. En conclusion, les crédits de cette mission sont quelque peu contrastés, avec un programme 147 « Politique de la ville » stable et sanctuarisé pour trois ans et des programmes 112 et 162 en diminution, même si, je le répète, ils ne constituent qu’une petite part des crédits de l’État consacrés à l’aménagement du territoire.

La politique de la ville est donc sur les rails, celle des territoires ruraux reste à construire. Nous ne doutons pas que les Assises des ruralités qui sont en cours sauront déboucher sur des mesures concrètes, attendues par des populations assaillies par un sentiment de relégation qu’il faut endiguer, afin de rétablir la place de tous les territoires dans le projet républicain. C’est sur cette note d’espoir que les députés du groupe SRC voteront le budget de cette mission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et GDR.)

M. André Chassaigne. Très bien ! Tout en nuance !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe UMP.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame et messieurs les ministres, mes chers collègues, à l’heure où l’inquiétude grandit dans les territoires ruraux, ce budget ne va pas les rassurer.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Guillaume Chevrollier. Dans un grand nombre de territoires, en effet, les services publics se raréfient, l’offre de soins diminue, et les habitants se demandent à juste titre quand va s’arrêter cette régression. Or les crédits consacrés à ces deux actions sont en baisse, au détriment des populations des zones rurales et de l’attractivité de ces territoires, alors que seuls les crédits destinés à la ville sont sanctuarisés.

Les promesses électorales sont bien loin. Où est le réenchantement du rêve ?

M. Marcel Rogemont. Et vos 150 milliards d’économies ?

M. Guillaume Chevrollier. Au contraire, la ruralité déchante réellement. Il est vrai que ce gouvernement est très tourné vers la ville, puisque la politique de la ville voit sa dotation augmenter. Il est vrai aussi qu’il s’est beaucoup occupé des métropoles, en créant d’ailleurs une strate supplémentaire au millefeuille administratif qui n’en avait guère besoin.

M. Jean-Luc Laurent. Et le grand Paris de Sarkozy ?

M. Guillaume Chevrollier. Les réformes qui touchent les collectivités territoriales, projets qui contredisent les engagements initiaux, qui bougent au gré des ministres, qui sont menés sans cohérence, ne sont pas là pour donner confiance à nos concitoyens, qui, comme les élus locaux, sont totalement déboussolés.

Leur conséquence, c’est que la proximité recule dans les territoires ruraux. Vos réformes éloignent les élus de leurs administrés, ce qui se ressent beaucoup plus dans les territoires ruraux que dans les grandes villes. Les conseillers territoriaux sont remplacés par des binômes paritaires, entraînant un redécoupage politique de tous nos cantons, avec charcutage et bidouillage dans nos cantons ruraux.

M. Jean-Yves Caullet. Parole d’expert !

M. Guillaume Chevrollier. Les intercommunalités se voient de plus en plus renforcées, mais agrandies. C’est ainsi que le projet de loi de réforme territoriale prévoit d’imposer un seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités au lieu de 5 000 actuellement, seuil beaucoup trop élevé pour les territoires, ce qui entraîne des regroupements sans signification locale.

M. Xavier Breton. Tout à fait !

M. Guillaume Chevrollier. La référence aux bassins de vie est intéressante et légitime, mais pas ce seuil de 20 000 habitants, rigidité éloignée des réalités du terrain.

Tous ces sujets sont interprétés comme une méconnaissance, voire un mépris de ce gouvernement envers les territoires ruraux, dont le potentiel est réel. Il y a dans la ruralité de la créativité et un potentiel de développement économique, si l’on se donne les moyens de l’activer.

Certes votre projet suscite des espoirs, avec la création toute récente du Commissariat général à l’égalité des territoires, le développement des maisons de services au public et des maisons de santé pluridisciplinaires, le projet de revitalisation des centres-bourgs, ou l’organisation prochaine, très attendue, des Assises des ruralités, mais ce sont des annonces et il ne faudrait pas que tous ces espoirs soient déçus. Les Français attendent des actes, pas des discours.

Les territoires ruraux ne veulent pas être les oubliés de notre République. Or la baisse des dotations aux collectivités locales est un bien mauvais signal. Elle aura inéluctablement comme conséquence une baisse des investissements de ces collectivités, entraînant par là même des baisses de commande et donc l’inquiétude dans des secteurs comme le bâtiment et les travaux publics, déjà grandement impactés par la crise économique qui dure.

Les répercussions se font déjà sentir. Le nombre d’entreprises en procédure de liquidation se multiplie et le chômage se développe inexorablement. Or ce sont des emplois de proximité : le préjudice est donc double.

En outre, les collectivités territoriales voient leurs finances grevées par la réforme des rythmes scolaires. Elles se sont vu imposer des charges qu’elles ne peuvent financer. Cette réforme leur impose des adaptations en matière de personnels, de locaux… Tout cela a un coût certain et le moins que l’on puisse dire est que les dotations de l’État ne suivent pas.

Ce budget est donc décevant alors que ses missions sont essentielles.

On parle de redynamiser les territoires ruraux, de lutter contre les fractures territoriales, on évoque un développement équilibré et durable des territoires et un plan très haut débit, qui est effectivement stratégique pour l’avenir de notre territoire et en particulier la ruralité… Ce sont des objectifs louables, mais les moyens ne suivent pas.

Aujourd’hui, les agriculteurs ont manifesté dans toute la France car ils sont étranglés par la baisse des prix, les contrôles et les trop nombreuses règles administratives. Le secteur du bâtiment et des travaux publics est en crise, je l’évoquais à l’instant. Ses représentants ont manifesté eux aussi il y a quelques semaines. C’est donc tout le tissu économique des territoires ruraux qui souffre et leur population qui est inquiète.

Ces populations sont exaspérées par les nouvelles taxes, comme la taxe diesel qui frappera bien évidemment plus ceux qui vivent dans les territoires ruraux que ceux qui vivent dans des centres-villes, qui bénéficient des transports en commun. Les territoires ruraux ont déjà marqué cette inquiétude dans les urnes lors des dernières élections, mais le phénomène n’est pas fini. Le Gouvernement doit entendre ce cri d’alarme et réagir en offrant à notre pays les véritables réformes dont il a tant besoin et en donnant à la ruralité toute sa place.

Ce budget n’est pas la réponse attendue. C’est pourquoi le groupe UMP votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

Nous commençons par une question du groupe GDR.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ma question portera sur le programme 112, plus précisément son action 2 regroupant les crédits liés au développement solidaire et équilibré des territoires, qui financent notamment la politique des pôles d’excellence rurale, l’amélioration de l’égalité d’accès aux services publics, les maisons de santé pluridisciplinaires et les actions menées dans le cadre des contrats de plan régionaux, interrégionaux et État-région.

En 2015, cette mission sera dotée de 89,5 millions d’euros en autorisations d’engagement contre 110,4 en 2014, soit une baisse de 19 %, et de 4,8 % au titre des crédits de paiement.

Cette logique de restriction budgétaire tranche avec l’ambition affichée des Assises des ruralités, qui se veulent l’acte fondateur de la construction d’une politique des ruralités renouvelée, volontarisme et positive, rompant avec la dichotomie urbain et rural qui a trop longtemps prévalu.

Comment cette grande ambition pourrait-elle être réalisée avec des moyens budgétaires en baisse, qui s’inscrivent en outre dans un contexte de baisse massive des dotations aux collectivités locales et de recul de l’investissement dans les contrats de plan État-région ? Vous avez souligné, madame la ministre, la nécessité de tirer le bilan d’un certain nombre de dispositifs, comme les pôles d’excellence rurale ou la revitalisation des centres-bourgs, et de privilégier en ces domaines la voie de la contractualisation. Si nous partageons votre souci de s’assurer de l’efficacité des dispositifs mis en place au fil des ans, quelles pistes envisagez-vous aujourd’hui en matière de financement, de moyens nouveaux ou de ressources nouvelles pour la revitalisation des territoires ruraux et la garantie de l’égal accès de tous aux services publics ?

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il serait en effet temps de le savoir !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Monsieur Chassaigne, vous connaissez mon attachement aux territoires ruraux et vous m’avez régulièrement entendue dire, y compris dans votre circonscription, que je ne souhaitais pas opposer les territoires les uns aux autres, puisqu’ils font tous partie de notre République. Pour réussir et redresser l’économie de notre pays, nous avons besoin des atouts et des initiatives de l’ensemble des territoires.

S’agissant de votre question sur les contrats de plan État-région, j’ai souligné tout à l’heure que la baisse des dotations était liée à des éléments techniques. En effet, nous sommes dans une phase de transition entre la fin des contrats précédents et l’entrée en puissance des nouveaux.

J’ai également rappelé l’attention particulière que je porte au volet territorial des CPER. J’ai notamment souhaité assouplir les critères concernant les projets des territoires, afin qu’ils profitent réellement aux territoires ruraux. La circulaire de 2013 fixait un cadre beaucoup plus rigide. Ainsi, dans les contrats de plan nouvelle génération, 735 millions d’euros seront consacrés au développement de ces territoires, à côté d’autres volets également très importants pour l’ensemble de nos territoires urbains comme ruraux.

Encore une fois, les contrats de plan démontrent bien la volonté du Gouvernement d’œuvrer en interministériel pour couvrir l’ensemble des champs de l’intervention des politiques publiques, mais également de prêter une attention forte aux territoires afin d’adapter nos moyens de financement aux besoins spécifiques de nos concitoyens. C’est le sens aussi, comme vous l’avez souligné, des Assises des ruralités,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il y en a marre des assises !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …dont plusieurs ateliers se sont déjà tenus : l’un sur la complémentarité entre villes et campagnes et l’autre, qui a été riche de débats, sur les dotations aux collectivités locales. À l’issue de ces assises, le Gouvernement présentera une feuille de route opérationnelle et concrète en faveur des territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. François Pupponi, pour le groupe SRC.

M. François Pupponi. Monsieur le ministre, je veux tout d’abord vous féliciter une nouvelle fois pour la qualité de votre budget. Vous avez en effet sanctuarisé les crédits de la politique de la ville, ce qui était fondamental dans le cadre de la réforme de cette politique. Comme vous l’avez dit, un effort conséquent est fait en matière de péréquation. En cette période de baisse des dotations de l’État, les seules communes qui verront cette année leurs dotations augmenter seront les bénéficiaires de la politique de la ville.

Toutefois, et c’est compréhensible s’agissant d’une telle réforme, nous avons pris un peu de retard. Les solutions sont longues à mettre en place. Nous devions signer les contrats de ville avant le 31 décembre, et je crains que cela ne soit pas possible dans un certain nombre de territoires. Les élus locaux, mais également les associations s’inquiètent de savoir comment ils vont être informés du montant des subventions pour l’année 2015. En effet, cette année est particulière puisqu’un certain nombre de territoires sortent de la politique de la ville quand d’autres y entrent.

Ma question est donc simple : comment imaginez-vous, sous cet angle, l’année 2015 ? Ou, plus précisément, comment allez-vous informer les collectivités locales et les associations de leurs dotations pour cette année particulière ?

M. Jean-Luc Laurent et Mme Audrey Linkenheld. Très bonne question !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Patrick Kanner, ministre. Monsieur Pupponi, nous sommes en effet dans une phase intermédiaire. Nous avons décidé, avec Myriam El Khomri, de prolonger le délai de signature jusqu’au 30 juin 2015. Bien sûr, tous les contrats de ville ne seront pas signés en juin 2015. Tout ce qui pourra être signé dès cette année le sera et certains contrats sont déjà potentiellement prêts. Les enveloppes seront assignées aux préfets à la fin de l’année, pour qu’ils puissent engager les crédits nécessaires au fonctionnement des mouvements associatifs sans attendre la signature des futurs contrats de ville. Nous avons réalisé un tuilage budgétaire qui permettra d’éviter toute forme de rupture chez ces intervenants qui sont essentiels.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, les moyens que nous avons sanctuarisés ont été diminués de 17 % entre 2007 et 2012, ce qui prouve que la priorité d’alors n’était pas celle que nous avons fixée aujourd’hui.

Mme Audrey Linkenheld. Tout à fait !

M. Patrick Kanner, ministre. Messieurs les députés de l’opposition, il est important, à un moment donné, de donner des preuves de soutien au secteur associatif, qui a été très mal traité sous le quinquennat précédent. Je vous remercie de votre soutien, monsieur Pupponi.

M. le président. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour le groupe UMP

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Madame la ministre, monsieur le ministre, le moins que l’on puisse est que vous avez beaucoup de mal à prendre en considération les territoires ruraux. Depuis deux ans, votre gouvernement n’a pas cessé de prendre des mesures contre la ruralité : baisse des dotations aux collectivités territoriales, non-compensation des charges et fermeture des services publics, qu’il s’agisse des écoles, des bureaux de poste, des gendarmeries, des perceptions et dernièrement des gares, comme dans mon département de la Lozère. Depuis deux ans, aucun CIADT, les comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire, ne s’est réuni, alors même que cela avait été annoncé à plusieurs reprises.

Après le « bouclier rural », qui est un concept totalement idéologique et vide de sens, comme l’a avoué Michel Vergnier, député de la Creuse,…

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Je n’ai jamais dit cela !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. …vous en êtes restés au concept, sans en venir au concret. Nous avons donc un ministère de l’égalité des territoires, ce qui est une dénomination sympathique, une DATAR qui se transforme en Commissariat général à l’égalité des territoires, ce qui ne change pas grand-chose, des rapports et demain des Assises des territoires. Mais les ruraux sont fatigués d’être des sujets de réflexion et d’étude !

M. Xavier Breton. Ils veulent des actes !

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Ma question sera très ouverte : quand allez-vous proposer un plan spécifique pour les territoires ruraux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Monsieur Morel-A-L’Huissier, je suis très étonnée de la manière dont vous avez formulé votre question.

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Moi aussi !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Je vous ai connu beaucoup plus constructif, s’agissant de défendre les territoires ruraux, et je regrette la posture que vous avez adoptée en formulant cette question.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il a mal dormi !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Je ne rappellerai pas le nombre d’écoles fermées en milieu rural, sous le mandat d’un gouvernement précédent que vous souteniez, ni le nombre des services publics massacrés, cassés,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Où sont donc les réouvertures ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. …ni le maillage territorial défait. Je ne vous rappellerai pas non plus le bilan désastreux en termes de finances publiques que vous nous avez laissé. Je préfère rester constructive et vous rappeler ce que ce gouvernement a fait depuis deux ans.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Venez dans les territoires ruraux ! Vous verrez leur situation !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Il a soutenu les maisons pluridisciplinaires de santé, par exemple, et je sais combien cela est important dans les zones rurales, comme dans votre département de la Lozère. Il a également soutenu l’ouverture de maisons de services au public, ou l’accès aux soins ou à l’éducation. Ce débat, monsieur le député, mérite mieux que des postures et des caricatures.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il mérite des actes !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Je vous invite à participer aux Assises des ruralités,…

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est du pipeau !

Mme Sylvia Pinel, ministre. …et non « Assises des territoires », comme vous le disiez. Je vous invite à relire ce que nous avons dit, à revoir ce que nous avons fait, à reprendre les propositions que nous avons formulées, notamment s’agissant du calendrier. Pour avancer, monsieur le député, et pour le bénéfice des territoires ruraux, nous avons besoin de rassemblement et non pas de caricatures. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Arrêtez l’idéologie !

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions.

Mission « Politique des territoires » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Politique des territoires », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements, nos 429, 431 et 432, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour les soutenir.

M. Francis Vercamer. Le premier amendement vise à abonder de 24 millions d’euros l’action 1 du programme 147 afin de ramener les crédits du programme de réussite éducative, qui est financé à hauteur de 76 millions d’euros, à 100 millions, soit leur niveau du début des années 2000. L’éducation est extrêmement importante dans nos quartiers et le programme de réussite éducative est l’un des dispositifs qui fonctionnent le mieux. En s’appliquant à apprendre aux enfants à lire dès leur plus jeune âge, à leur faire découvrir la lecture, on leur offre une scolarité d’autant plus efficace.

Les crédits de ce programme de réussite éducative étaient de 112 millions en 2007. Ils sont tombés à 85 millions en 2012 – vous voyez que je n’exonère pas le précédent gouvernement – puis à 76 millions aujourd’hui.

Les deux amendements suivants sont de repli. En fait, je propose de faire remonter les crédits à 100 millions d’euros, ou à 90 millions, ou seulement à 80 millions… Ces crédits soutiennent également le dispositif Coup de Pouce Clé mis en avant par Jean-Louis Borloo, au moment du plan de cohésion sociale, afin d’apprendre la lecture aux plus jeunes mais également à leurs parents dans les quartiers les plus en difficulté. Le taux de réussite de ce dispositif est de 85 %. Il coûte 1 500 euros par enfant, quand un redoublement coûte 5 600 euros et que le coût du décrochage scolaire est estimé à 230 000 euros par jeune ! C’est donc minime proportionnellement à l’intérêt que représente le dispositif dans nos quartiers. La lecture, nous le savons, constitue le premier pas dans l’insertion sociale.

M. le président. La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces trois amendements.

M. Dominique Baert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission n’a pas examiné ces amendements. Il est exact que les crédits du programme de réussite éducative sont passés de 112 millions dans le projet de loi de finances de 2007 à 76 millions dans le projet de loi de finances pour 2015. Ces amendements me paraissent donc de prime abord sympathiques, et je ne doute pas qu’il en aille de même sur l’ensemble des bancs. Qui peut nier, de fait, l’importance de la réussite éducative ? Je remarque, mon cher collègue, que vous avez sans doute lu avec intérêt le rapport spécial que j’ai rendu sur les crédits de la politique de la ville, puisque l’une des têtes de chapitre souligne que la réussite éducative mérite d’être soutenue. Vous avez donc sans doute pris mes propos à la lettre et rédigé ces amendements de majoration des crédits.

Néanmoins, votre argumentaire est incomplet. Ayant constaté que les crédits étaient passés de 112 millions en 2007 à 76 millions pour 2015, vous auriez dû souligner qu’ils avaient déjà connu une diminution importante en 2013, en passant de 112 à 85 millions, soit une baisse de 25 % de 2007 à 2013.

M. Francis Vercamer. Mais je l’ai dit !

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. La baisse des deux derniers exercices est donc beaucoup plus ténue. Dans l’effort de maintien des crédits d’intervention de la politique de la ville qu’a fait le Gouvernement, la politique de réussite éducative a été assez largement préservée de l’effort de réduction des dépenses publiques.

Par ailleurs, pour sympathiques que soient vos amendements, cher collègue, ils me paraissent en l’état irréalistes car ils seraient compensés par des prélèvements sur des crédits qui sont pour l’essentiel consacrés aux personnels, ce qui serait très déséquilibrant.

En revanche, je note avec intérêt l’importance que vous attachez à la réussite éducative. Je ne doute donc pas que vous critiquerez comme moi le fait qu’il y a quelques années, à cause des soubresauts des crédits, des actions aussi pertinentes que le Coup de Pouce Clé aient été affectées, alors même qu’elles doivent s’étendre dans la durée, car accompagner à la lecture enfants et familles exige des actions durables.

Si nous pouvons regretter ce qui s’est fait dans le passé, nous pouvons nous féliciter que les crédits soient aujourd’hui maintenus. Puisque nous ne pouvons répondre favorablement à vos sympathiques amendements, je vous suggère de les rejeter.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Kanner, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements car les deux programmes concernés sont gérés par le Commissariat général à l’égalité des territoires créé en avril 2014 pour renforcer la cohérence transversale des politiques en faveur des secteurs en difficulté, qu’ils relèvent de la politique de la ville ou de l’aménagement du territoire, dont je partage la tutelle avec Mme Pinel. Le CGET a donc vocation à mettre en œuvre une répartition équilibrée des moyens budgétaires qui lui sont confiés dans le cadre des programmes 112 et 147.

Monsieur Vercamer, vos amendements proposent au contraire de favoriser par redéploiement l’un des axes d’intervention de la politique des territoires par rapport à l’autre, c’est-à-dire de déshabiller le rural pour habiller l’urbain.

En second lieu, je note que ces trois amendements, quasi identiques, de votre groupe visent à abonder le programme de réussite éducative pour des montants très variables : 24, ou 14, ou encore 4 millions d’euros. De telles variations posent question. Je rappelle que les crédits du programme de réussite éducative s’élèvent à 76 millions d’euros dans le PLF pour 2015, soit le même montant qu’en loi de finances initiale pour 2014. Cette enveloppe concentre des moyens sur les nouveaux quartiers prioritaires tout en permettant aux autres sites de continuer à bénéficier d’un financement de l’État – cette mesure de veille est à noter car elle évite toute rupture de charge dans la mise en œuvre de dispositions dont nous sommes tous d’accord pour reconnaître la pertinence.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, les crédits pour les interventions de l’ACSÉ sont sanctuarisés. Quant au dispositif Coup de pouce, malgré l’intérêt que vous lui portez, il mériterait une évaluation très précise et qualitative car les sommes qui lui sont consacrées sont importantes. En fait, chaque enfant concerné par le dispositif représente un coût de 4 000 euros, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

Dernier mot, monsieur Vercamer : peut-être n’aurions-nous pas eu besoin de mettre en place toutes ces politiques de réussite éducative si les crédits de l’éducation nationale n’avaient pas été autant massacrés pendant de si nombreuses années.

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai !

M. Olivier Carré. N’importe quoi ! C’est nier la politique de la ville menée depuis vingt ans !

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je partage évidemment l’avis de Dominique Baert, étant entendu que notre commission n’a pas examiné ces amendements. L’interpellation de Pierre Morel-À-L’Huissier à mon endroit n’est pas convenable. Je le mets au défi de trouver où que ce soit que j’aurais critiqué la proposition de loi pour l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenirs que nous avions déposée et qui avait été débattue sous la précédente majorité. J’ai simplement dit que l’expression « bouclier rural » était un clin d’œil par rapport à un autre bouclier que votre majorité avait créé et qui, lui, était beaucoup plus fiscal que rural. Je tenais à rétablir les choses. D’ailleurs, si vous relisez cette proposition de loi avec attention, vous vous rendrez compte que plusieurs de ses dispositions, notamment celle sur la proximité des services publics, ont été reprises par le présent gouvernement – je pense en particulier aux urgences. Le combat pour la ruralité n’est le monopole de personne. C’est aussi mon combat et j’ai bien l’intention, avec ce gouvernement, que je préfère à d’autres, de continuer à le mener pour le faire aboutir.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, j’entends bien votre argumentation mais si vous voulez éviter de prendre des crédits sur un autre programme, M. Eckert étant présent, il lui est possible de lever le gage ! Il trouvera bien ailleurs les 24, les 14 ou les 4 millions que je propose de transférer.

J’insiste sur le fait que le dispositif de réussite éducative est extrêmement important pour la politique de la ville, car l’éducation en est tout de même la base. Les crédits sont certes du même montant que l’année dernière, mais ils ont fortement baissé depuis 2007 et la situation ne s’est malheureusement pas améliorée dans nos quartiers. Il y a donc besoin de travailler sur l’éducation des enfants dès leur plus jeune âge.

Vous dites enfin que les crédits de l’éducation nationale ont été malmenés. Mais c’est depuis trois décennies que la réussite scolaire s’est fortement dégradée en France, et non depuis ces dernières années ! Il suffit de voir le classement de notre pays au niveau international pour s’en rendre compte.

(Les amendements nos 429, 431 et 432, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n517.

M. Patrick Kanner, ministre. Il sera complété par l’amendement n516 qui viendra tout à l’heure : tous deux visent à prévoir un délai supplémentaire pour le transfert des activités de l’ACSÉ à l’État, et donc sa dissolution. En effet, le Commissariat général à l’égalité des territoires, créé en mars 2014, réunit les missions et les agents de la DATAR, du Secrétariat général du comité interministériel des villes et de l’ACSÉ. Cela place ces trois structures dans une logique de mutualisation, ce qui devrait être apprécié par les parlementaires, sous l’autorité du Premier ministre.

Mais il y a évidemment des délais de mise en place, et il n’a pas été possible à ce jour de finaliser les dispositifs opérationnels et les circuits budgétaires et financiers liés à la prise en charge par le CGET de l’ensemble des missions de paiement jusqu’alors assurées par l’ACSÉ. Il s’agit notamment des crédits de subvention liés à la politique de la ville, soit 338 millions d’euros, de ceux du programme européen d’échanges pour un développement urbain durable, plus connu sous le nom d’URBACT 2, à hauteur de 69 millions, programme pour lequel la France a été désignée à nouveau comme autorité de gestion, et de ceux du fonds interministériel de prévention de la délinquance, pour une cinquantaine de millions.

Il était évidemment hors de question de créer une rupture dans la mise en œuvre de ces différents programmes, et c’est pourquoi le présent amendement prévoit un délai supplémentaire en reportant d’un an le transfert des activités de l’ACSÉ au CGET. Il s’agit ainsi, sans renoncer à l’objectif d’une révision des circuits de financement, avec la mise en place de la solution État au 1er janvier 2016, de préserver l’année de lancement opérationnel des contrats de ville, la qualité et la sécurité des financements. Cela conforte ma réponse à la question de M. Pupponi. Cette solution transitoire est la plus simple techniquement et la plus fiable juridiquement.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Parfait !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Baert, rapporteur spécial. La commission n’a pas examiné cet amendement. J’ai expliqué dans le rapport spécial que la direction de la ville et de la cohésion urbaine du CGET doit reprendre à sa charge, comme vient de le rappeler M. le ministre, les activités exercées jusqu’alors par l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances. Le transfert des activités financières nécessite de sécuriser les circuits budgétaires et comptables afin de ne pas dégrader la qualité de la gestion et d’assurer les mêmes niveaux de services pour les structures subventionnées. L’objectif d’intégration de la gestion des crédits de la politique de la ville est décalé d’un an et le maintien de l’ACSÉ jusqu’au 1er janvier 2016 a été décidé. L’amendement a pour but de transférer 775 000 euros au programme « Politique de la ville » afin de rétablir une subvention pour charge de service public à l’ACSÉ. Nul doute que, par souci de cohérence, la commission eût donné un avis favorable.

(L’amendement n517 est adopté.)

(Les crédits de la mission « Politique des territoires », modifiés, sont adoptés.)

Après l’article 57

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 57.

Sur l’amendement n401, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n401.

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement est important aux yeux de notre groupe. Il vise à appeler, en urgence, l’attention du Gouvernement sur un problème énorme, qui n’est aujourd’hui pas traité : la fracture numérique au sein de nos territoires ruraux.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. On va voir les courageux !

M. Guillaume Larrivé. Cette fracture concerne bien sûr l’accès à internet mais tout autant, et on aurait bien tort de l’oublier à Paris, l’accès à la téléphonie mobile. Nous ne voulons pas rester les bras croisés. Nous sommes conscients qu’un effort a été engagé depuis des années pour que les collectivités, les syndicats mixtes assurent la maîtrise d’ouvrage de travaux d’équipement permettant de multiplier les réseaux, et nous y participons au niveau local. Mais il faut accélérer cet effort.

À cet effet, notre amendement propose un dispositif novateur : prélever sur le chiffre d’affaires des opérateurs une taxe, pendant huit ans, qui rapporterait de l’ordre de 600 millions à 700 millions d’euros par an, afin d’établir un système de péréquation entre les territoires.

M. François Pupponi, rapporteur pour avis. Encore de nouveaux impôts !

M. Guillaume Larrivé. Ce serait un effort considérable répercuté, j’en suis conscient, sur le tarif de la téléphonie mobile dans les zones urbaines, mais cette somme majeure serait réaffectée vers le fonds national de l’aménagement numérique afin d’alimenter les territoires ruraux.

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Ce serait anticonstitutionnel !

M. Guillaume Larrivé. Ce dispositif volontariste pourrait être qualifié de colbertiste, ce que j’assume complètement parce qu’il y a nécessité de réduire la fracture numérique. Je me réjouis que des amendements ayant la même finalité proviennent de différents côtés de l’hémicycle : je pense à celui d’Olivier Dussopt, président de l’Association des petites villes de France. J’invite chaque collègue à l’examiner sérieusement sans esprit partisan et à avancer résolument en ce sens. Les territoires ruraux en ont besoin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Vergnier, rapporteur spécial. Il y a là un problème de méthode : autant cette proposition présentée comme avant-gardiste, ou révolutionnaire, je ne sais, pourrait être abordée avec intérêt dans un autre contexte, autant le faire sans que la commission des finances ait été saisie et alors que nous n’en sommes même pas aux articles rattachés est inacceptable. À titre personnel, je propose que cet amendement soit rejeté au vu du cheminement qu’il a suivi.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Vous n’êtes pas courageux !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Un mot sur cet amendement qui arrive brusquement, au détour d’un projet de loi de finances. Comme la commission des affaires économiques a parmi ses compétences les télécommunications, je me permets d’intervenir.

Cher collègue, comme vous le savez, nous sommes victimes d’une régulation très mauvaise de ce secteur. Sous une majorité précédente, certains ont souhaité qu’un quatrième opérateur voie le jour et le secteur en a été considérablement déstabilisé : preuve en est les suppressions d’emplois chez les opérateurs de téléphonie, qui ne se portent pas tous à merveille. Je ne suis donc pas sûr qu’il soit opportun de leur mettre une taxe de plus sur le dos.

J’ai parlé de très mauvaise régulation parce que le choix fait par le gouvernement de votre sensibilité est celui de la concurrence par les infrastructures, c’est-à-dire par les tuyaux qui passent dans le sous-sol. Ainsi, dans les villes denses, des fibres optiques se côtoient sous le même trottoir alors qu’une seule suffirait, tandis qu’elles manquent en milieu rural. Il faudrait que l’ancienne majorité de droite fasse son mea culpa sur cette manière d’organiser la concurrence par les infrastructures avant de nous expliquer aujourd’hui que pour rattraper ses grosses bêtises, il faudrait taxer les opérateurs, en oubliant qu’ils sont dans des situations tendues. C’est assez malvenu.

Certes, nous avons des progrès à faire en matière de mutualisation, mais je ne suis pas persuadé que l’on doive taxer ceux qui subissent les conséquences de la très mauvaise manière dont le marché a été organisé. La concurrence par les services, oui, mais la concurrence par les infrastructures, c’est une énorme bêtise ! Cela a amené à surinvestir dans des territoires qui n’en avaient pas forcément besoin et à ne pas investir du tout dans ceux qui étaient demandeurs. Je comprends que ceux qui ont commis cette faute essaient de se rattraper aujourd’hui en prenant des initiatives, mais il eût fallu y penser avant !

Je précise, cher collègue Larrivé, que ce n’est pas vous que je mets en cause puisque, à l’époque, vous n’étiez pas membre de cette assemblée.

M. Olivier Carré. Et que proposez-vous pour y remédier ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. On peut apporter un remède, au niveau de la régulation. Actuellement, même la manière dont le régulateur pose les termes de la mise en concurrence nuit à la capacité d’investir de l’ensemble des opérateurs.

Ce qui est sûr, c’est qu’en ce qui concerne la mutualisation, que ce soit pour le mobile avec les pylônes et le partage d’infrastructures ou pour le fixe avec le haut débit, le virage a été mal pris.

Il y a quelques années, j’avais fait des propositions, mais elles n’avaient pas été retenues par la majorité de l’époque. Ainsi, le service universel n’inclut pas le haut débit : il comprend les cabines téléphoniques, l’annuaire, le téléphone fixe – pour lequel, heureusement, il existe une péréquation – mais pas le haut débit. Là encore, c’est une erreur qui a été commise par le passé.

En résumé, tout cela a été mal géré. Mais faut-il pour autant, au détour d’un texte comme celui-ci, et sans que la disposition ait été examinée par les commissions susceptibles d’être saisies au fond et par la commission des finances, taxer ceux qui ont déjà du mal à maintenir leurs emplois et leurs investissements ?

M. Marcel Rogemont. Excellente démonstration !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Avis défavorable également, bien que la couverture numérique du territoire soit une priorité que nous partageons.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Et on fait quoi alors ? On attend et on crève ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Le Gouvernement va dépenser plus de 3 milliards d’euros sur dix ans, aux côtés des collectivités territoriales et des opérateurs privés, afin d’apporter d’ici à 2022 le très haut débit sur l’ensemble du territoire.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. C’est loin, 2022 !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Ce chantier représentera au total 20 milliards d’euros. C’est une condition première de l’égalité entre les territoires à l’heure du numérique. Les réseaux reposeront sur de la fibre optique, qui sera indispensable également pour améliorer la desserte des réseaux de téléphonie mobile, notamment ceux de la nouvelle génération.

Sur les 3,3 milliards d’euros consacrés par l’État au plan très haut débit, 1,4 milliard sont d’ores et déjà budgétés dans le projet de loi de finances pour 2015.

En outre, le Gouvernement, par la voix d’Axelle Lemaire, a annoncé une remise à plat du dispositif actuel après qu’il aura été dressé un bilan exhaustif permettant d’évaluer les efforts restant à faire. C’est sur la base de ce rapport, et sur cette seule base, que se posera la question du financement, et non dans le cadre d’un exercice impératif qui aurait pour premier effet de rendre les offres moins accessibles pour l’ensemble des consommateurs.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Deux éléments de réponse. Monsieur le président Brottes, je suis d’accord pour que nous ayons un débat sur la structuration du marché. Il y a quatre opérateurs : ce fut il y a quelques années la décision de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Non, celle du Gouvernement !

M. Guillaume Larrivé. Il y aura, dans un an, un nouvel exercice d’attribution de fréquences et il faudra alors que le cahier des charges défini par l’ARCEP et les services de l’État comporte les conditions d’un bon équilibre entre, d’un côté, le prix, et de l’autre l’accès au réseau.

D’autre part, j’assume, bien que je sois un député plutôt de droite et plutôt libéral (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), l’opinion qu’un effort colbertiste est nécessaire. Dans les zones urbaines métropolitaines, on peut payer un peu plus cher son abonnement pour que les zones rurales puissent disposer elles aussi d’un accès : c’est aussi cela, l’égalité.

Un dernier mot à l’intention de la ministre, qui a répondu en lisant une fiche technique : il serait bon que le Gouvernement accepte d’engager un dialogue un peu plus direct et spontané. Sinon, il suffirait de poser une question écrite au Gouvernement pour connaître la réponse de l’administration !

J’aimerais donc que le Gouvernement, par la bouche des préfets, s’engage département par département de manière précise. Vous ne pouvez pas, madame la ministre, dire que les territoires ruraux auront accès au très haut débit avec la fibre optique en 2022, ni d’ailleurs en 2035, ni pour la saint glin-glin. Ce n’est tout simplement pas vrai ! Sortez un peu de votre cabinet ministériel ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous étiez, vous aussi, une députée rurale, vous savez très bien qu’il n’y aura pas la fibre optique partout dans quatre ans !

Soyons pragmatiques, votons cet amendement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Excellent !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n401.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants34
Nombre de suffrages exprimés31
Majorité absolue16
Pour l’adoption7
contre24

(L’amendement n401 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n516.

M. Patrick Kanner, ministre. Je l’ai déjà défendu à l’occasion de la présentation de l’amendement n517, monsieur le président.

(L’amendement n516, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Politique des territoires ».

Égalité des territoires et logement

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’égalité des territoires et au logement (n2260, annexe 23 ; n2262, tome XI ; n2264, tome I).

La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

M. Jean-Louis Dumont. Soutenons la ministre : il faut la sauver du piège que lui a tendu Bercy !

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le président, madame et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, c’est avec grand plaisir que je vous retrouve aujourd’hui pour examiner les orientations budgétaires de la mission « Égalité des territoires et logement ». Je remercie le rapporteur spécial et les rapporteurs pour avis, ainsi que l’ensemble des députés présents en commission élargie la semaine dernière, pour leur forte implication dans l’élaboration de la politique du logement pour 2015, qui est, vous le savez, une priorité pour le Gouvernement.

Cette priorité s’exprime au travers de deux objectifs que j’ai déjà longuement présentés en commission élargie : la relance de la construction et le maintien de l’effort de solidarité.

Pour être efficace, la relance de la construction doit concerner tous les maillons de la chaîne du logement : c’est indispensable pour lui faire jouer un véritable effet de levier sur le développement économique. Une première série de dispositions vise ainsi à activer la mobilisation du foncier privé, en cohérence avec les mesures déjà prises pour renforcer celle du foncier public.

Nous avons pris trois mesures fiscales fortes : l’alignement du régime d’imposition des plus-values immobilières résultant de la cession de terrains à bâtir sur la fiscalité applicable aux immeubles bâtis ; la mise en place d’un abattement exceptionnel de 30 % de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux sur les plus-values immobilières réalisées en cas de cession de terrain à bâtir ; enfin, un abattement exceptionnel de 100 000 euros pour les donations de terrains réalisées jusqu’à la fin 2015, à condition qu’ils soient ultérieurement construits.

Par ailleurs, j’ai pris des mesures visant à soutenir directement la construction de logements. Cet effort concerne bien évidemment la production de logements sociaux, monsieur Dumont, puisque les objectifs en la matière sont maintenus grâce aux crédits d’aide à la pierre, qui seront complétés par un apport d’Action Logement, ainsi qu’au taux de TVA réduit à 5,5 % pour la construction et à la mobilisation du fonds d’épargne.

En outre, la mutualisation par le mouvement HLM de 300 millions d’euros sur les trois prochaines années permettra, dès 2015 et pendant trois ans, de créer chaque année 5 000 logements très sociaux, appelés « super PLAI HLM ».

Nos mesures visent également à relancer la construction d’une nouvelle offre de logements dits intermédiaires qui permettront de fluidifier les parcours résidentiels en offrant à de nombreux ménages la possibilité de se loger bien que le parc privé soit devenu trop cher pour eux. L’investissement locatif, qui contribue à cet objectif, est pour sa part renforcé grâce à une plus grande flexibilité, avec notamment la possibilité offerte à l’investisseur de choisir sa durée d’engagement.

L’accession sociale à la propriété ne sera pas en reste, puisque le prêt à taux zéro, le PTZ, sera prolongé jusqu’en 2017 ; pour l’ensemble des prêts signés, le niveau d’aide atteindra 1 milliard d’euros en 2015. Le dispositif prévoit en outre un rééquilibrage entre les territoires et il apportera une aide accrue pour les classes moyennes et modestes, de façon à atteindre 80 000 prêts par an.

Comme cela a été annoncé lors de la présentation de la mission « Politique des territoires », les 1 300 quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficieront quant à eux du taux de TVA réduit à 5,5 % pour les opérations d’accession. Cela permettra de favoriser la mixité sociale dans ces quartiers. Un abattement exceptionnel de 30 %, identique à celui prévu pour les donations de terrain, s’appliquera également aux donations de logements neufs.

L’effort financier en faveur de la rénovation énergétique est le dernier volet de ce plan de relance de la construction. Les travaux de rénovation énergétique, qui apportent de l’activité immédiate aux artisans et du pouvoir d’achat aux ménages, bénéficieront d’un soutien conforté de l’Agence nationale de l’habitat envers les publics modestes et, plus globalement, de l’augmentation du crédit d’impôt développement durable, transformé en crédit d’impôt pour la transition énergétique.

Parallèlement, la prévention et le traitement des copropriétés dégradées, ainsi que la lutte contre l’habitat indigne, seront renforcées, conformément aux dispositions de la loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. En témoignent la première opération de requalification des copropriétés dégradées de Clichy, dont je signerai le décret d’ici à la fin de l’année, ainsi que la forte mobilisation des agences de l’État, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et l’Agence nationale de l’habitat, sur ces thématiques.

Afin d’engager la dynamique dans tous nos territoires et de soutenir les projets de rénovation, qui bénéficient principalement aux petites entreprises du bâtiment, le projet de loi de finances prévoit d’étendre le bénéfice du prêt à taux zéro à l’achat de logements anciens dans 6 000 communes rurales qui connaissent un niveau de vacance élevé et offrent un niveau minimal de services à la population. Cette mesure vise un double objectif : relancer l’activité par les travaux de réhabilitation et préserver l’attractivité des territoires ruraux.

Toutes ces mesures s’inscrivent dans un ensemble cohérent, qui comprend également l’allégement et la simplification des normes de construction pour réduire les coûts et les délais.

Le deuxième grand volet de la mission « Égalité des territoires et logement » concerne l’hébergement et l’accès au logement.

La progression de 80 millions d’euros des crédits budgétaires reflète l’effort de solidarité du Gouvernement, avec en particulier la revalorisation au 1er octobre des aides personnelles au logement versées à 6,5 millions de ménages. Par ailleurs, dans un souci de cohérence et d’efficacité, l’État aura désormais la charge du financement de la part des aides personnalisées au logement, actuellement assuré par la Sécurité sociale.

Les aides à l’accession sont réorientées vers un dispositif de sécurisation des ménages, comportant l’attribution d’une aide en cas de chute brutale des revenus. Cette mesure d’économie doit être replacée dans la perspective du renforcement des autres dispositifs, en particulier le prêt à taux zéro, qui devient ainsi l’outil privilégié pour favoriser l’accession sociale à la propriété : dans le montage d’un prêt, il apporte une solvabilité pérenne aux ménages.

Nous savons tous la difficulté à répondre à une pression croissante et aux demandes de plus en plus nombreuses en matière d’accès au logement et d’hébergement. Les crédits de la politique d’hébergement et du logement accompagné progresseront de près de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Des moyens financiers significatifs seront ainsi dégagés pour la mise en œuvre du principe d’accueil inconditionnel des personnes sans domicile.

En outre, le logement adapté, qui est une passerelle vers le logement, verra ses crédits pérennisés à hauteur de 200 millions d’euros. Ils avaient déjà connu une progression de 30 % en 2014.

Une réforme de l’asile pilotée par le ministre de l’intérieur devrait permettre de diminuer la pression sur le dispositif d’hébergement d’urgence, grâce notamment à la réduction des délais d’instruction.

Une autre réforme impactera le programme 177 en 2015 : il s’agit de la modulation de l’aide mensuelle à la gestion des aires d’accueil de gens du voyage, dite « ALT 2 », versée aux collectivités. Afin d’inciter les gestionnaires à améliorer le service rendu, cette aide sera désormais liée au taux d’occupation effective, conformément à la loi de finances pour 2014.

La participation de la politique du logement à l’effort d’économie n’en altère ainsi pas les objectifs principaux : aider les ménages les plus modestes à accéder à un logement et à s’y maintenir durablement.

Dans un contexte de dépenses maîtrisées, mon ministère est donc doté d’un budget à la hauteur des objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés pour relancer la construction et aider les ménages à se loger. Ce plan de relance exceptionnel doit permettre le retour de l’activité et la création d’emplois dans un secteur crucial pour notre économie et pour les territoires. C’est pourquoi je souhaite que la représentation nationale adopte ce budget.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, chers collègues, avec une dotation de 13,6 milliards d’euros pour l’année 2015, le budget de la mission « Égalité des territoires et logement » est globalement préservé. L’augmentation des crédits de cette mission est la conséquence d’une nouvelle architecture budgétaire, puisqu’à compter de cette année la partie des aides personnelles au logement versée aux familles, dont le montant s’élève à 5,7 milliards d’euros, est transférée de la Sécurité sociale au ministère du logement. Ce montage entraîne une augmentation de plus de 117 % des crédits affectés au programme 109 et constitue la principale nouveauté de ce budget. Néanmoins, même en faisant abstraction de cette nouvelle organisation budgétaire, les crédits consacrés à la mission pour l’année 2015 confirment qu’elle demeure une priorité dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons.

Les objectifs en matière de construction – 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux – sont réaffirmés. Ils s’inscrivent, de fait, dans la continuité des mesures ambitieuses qui ont été prises depuis le début du quinquennat : la mobilisation du foncier public ; le moratoire sur les nouvelles normes ; l’accélération des procédures de révision des documents d’urbanisme ; les dispositifs d’incitation à l’investissement locatif ; l’intensification des mesures d’aide à la pierre ; la mobilisation exceptionnelle du réseau Action Logement pour accompagner l’accroissement de la production de logements locatifs sociaux ; et enfin les taux de TVA réduit. À propos de ces derniers, je me souviens de la bataille que nous avions livrée l’année dernière et qui nous avait opposés à votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d’État.

Cette année encore, le Gouvernement engagera des efforts pour encourager la construction : en plus des prêts locatifs aidés d’intégration, les PLAI, des dispositifs incitatifs tels que l’application d’un taux réduit de TVA pour la construction de logements sociaux ou l’exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties doivent permettre d’atteindre un taux moyen de subvention de 40 % par logement social.

Ces moyens sont-ils suffisants au regard de la crise de la construction que nous traversons ? Permettront-ils, à terme, d’atteindre les objectifs qui ont été fixés par le Gouvernement ? Les résultats obtenus l’an dernier, avec 113 000 logements sociaux, invitent à une certaine prudence et le groupe écologiste ne peut qu’encourager le Gouvernement à prolonger ses efforts pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Ces besoins varient selon les territoires : les fameuses zones tendues, dont on parle souvent, sont bien réelles pour nos concitoyens des grandes villes notamment.

Par ailleurs, le groupe écologiste constate avec satisfaction que ce budget permet l’exécution d’une première série de mesures de la loi ALUR. L’augmentation des crédits du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » en est une illustration. Elle permettra la mise en place des plans d’action départementaux pour le logement des personnes défavorisées ou encore l’instauration d’un service intégré d’accueil et d’orientation unique. Autant l’abandon de l’encadrement des loyers, dans un certain nombre de villes où cette mesure était attendue, et le flou qui demeure quant à la mise en œuvre de la garantie universelle des loyers constituent des reculs que nous regrettons, je tiens à le souligner, autant la mise en place de dispositifs concrets pour accompagner les personnes précaires mérite naturellement d’être saluée.

En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, dont la réforme constitue un défi majeur, il convient de nous féliciter de l’augmentation de ses crédits. De nombreux ajustements restent attendus, notamment dans la gestion de la trêve hivernale – la loi ALUR avait modifié la donne en cette matière aussi – mais la hausse de la dotation de 67 millions d’euros marque une étape de plus en la matière. Je rappelle qu’en quatre ans, plus de 8 600 places en centre d’hébergement, hors centres d’hébergement et de réinsertion sociale, ont déjà été créés.

Avant de conclure, je veux dire un mot du recours particulièrement important aux dépenses fiscales dans ce budget. Je ne pense pas que ce soit la doctrine du ministère des finances, mais en matière de logement, c’est souvent comme cela que l’on envisage de relancer la construction. Contrairement aux deux années précédentes, le montant des dépenses fiscales est de nouveau en augmentation. Il atteindrait en 2015 un montant de 13,5 milliards d’euros, contre 9 milliards pour les dépenses d’intervention. Cette situation peut fragiliser la conduite de nos politiques publiques, dans la mesure où les dépenses fiscales sont nécessairement plus complexes à orienter que les dépenses d’intervention. Pour les budgets à venir, il conviendra, selon nous, de rééquilibrer l’architecture de nos dépenses afin de conserver une maîtrise publique plus importante de nos objectifs en matière de logement.

Soucieux de soutenir les efforts du Gouvernement dans sa lutte contre la crise du logement et de demeurer une force de proposition active dans ce domaine, les écologistes voteront pour cette mission budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui ont un privilège rare en ces temps de rigueur budgétaire, rigueur parfois polaire : ils sont dans les moins touchés par les lourdes contraintes budgétaires qui pèsent sur nos finances publiques. Madame la ministre, permettez-moi de vous dire que les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste s’en félicitent.

D’abord, nous sommes convaincus de la nécessité de relancer en toute urgence l’activité en renforçant le secteur de la construction de logement. Le célèbre aphorisme sur la force motrice du bâtiment pour l’ensemble de l’économie, prononcé en 1850 par l’un de nos aînés à la tribune, un député qui exerçait la belle profession de maçon, nommé Martin Nadaud, est toujours aussi pertinent en ce début de XXIsiècle.

Cette crise du logement, plus elle dure, plus elle est dure. Elle s’accompagne dans l’opinion du sentiment que les élus sont impuissants, au niveau local comme au niveau national. Elle accentue les difficultés économiques dans le secteur des entreprises du bâtiment si important pour l’emploi sur nos territoires. Que chacun ait un toit, un logement, c’est une nécessité du point de vue de l’emploi, mais c’est surtout une nécessité humaine fondamentale, assurant les conditions d’une vie décente.

Aujourd’hui, dans la France du XXIsiècle, c’est pourtant encore un véritable problème pour de nombreux concitoyens. Et la situation s aggrave année après année depuis plus de vingt ans, que ce soit pour ceux qui ne trouvent pas de logement, pour ceux dont la part de dépense contrainte consacrée au logement est trop lourde pour vivre dignement ou encore pour ceux qui vivent dans des logements insalubres ou dans des passoires énergétiques. La crise du logement est ressentie au quotidien par plusieurs millions de Français.

Nous savons tous que le logement cristallise des angoisses intimes sur le développement harmonieux de la famille, sur le chômage, sur l’autonomie ou sur la crainte du déclassement. Madame la ministre, ce combat doit être une priorité de notre action. C’est d’ailleurs ce que vous avez déclaré à la fin du mois septembre au soixante-quinzième congrès de l’Union sociale pour l’habitat.

Cette mission apporte d’abord une réponse significative avec la hausse de 80 millions d’euros des crédits du budget général de la politique du logement, hausse complétée par un ensemble de mesures importantes comme le renforcement du dispositif de la réduction d’impôt sur le revenu de l’investissement locatif intermédiaire, la prolongation et l’extension du prêt à taux zéro, le taux de TVA à 5,5 % pour les acquisitions de logement dans les quartiers de la politique de la ville ou encore l’allégement fiscal pour les travaux de rénovation énergétique.

Dans cet effort budgétaire pour favoriser le logement et pour traiter la problématique du foncier, il y a cette initiative intéressante pour libérer le foncier privé disponible, en complément, comme vous l’avez dit tout à l’heure, de la loi relative à la mobilisation du foncier public, et, il faut le souligner, l’abattement exceptionnel de 100 000 euros pour les donations de terrains sous condition de construction.

Une autre proposition encore concerne ce qu’il est convenu d’appeler les classes moyennes : pour les familles dont les ressources sont trop élevées pour prétendre à un logement social mais trop faibles pour se loger dans le parc privé, ce PLF pour 2015 prévoit l’accélération du développement de l’offre de logements intermédiaires dans les zones tendues avec l’amplification et l’amélioration du dispositif d’incitation fiscale qui va donc remplacer le dispositif dit Duflot. Les députés RRDP saluent cette initiative. Et je tiens aussi à vous dire, madame la ministre, toute ma satisfaction quand je vois le sud de l’Aisne, particulièrement les secteurs de Château-Thierry et Villers-Cotterêts, enfin éligible à ces dispositifs attendus depuis trop longtemps, puisqu’ils sont dans la zone tendue entre Paris et Reims.

Pour favoriser l’accession à la propriété, nous connaissons l’outil puissant du PTZ. Son renforcement va dans la bonne direction. Vous me permettrez donc de me réjouir, avec de nombreux collègues, de son extension à la réhabilitation de logements dans les communes rurales pour les ménages aux revenus modestes ou moyens. Mais le groupe RRDP considère que nous pouvons encore aller plus loin en étendant le bénéfice du PTZ à toutes les opérations d’accession dans l’ancien, si cette accession s’accompagne de travaux de réhabilitation. Nous proposerons d’ailleurs un amendement dans ce sens sur l’article 41 non rattaché. Il aura précisément pour objet de supprimer la condition de niveau de vacance élevé du parc de logement afin de renforcer l’aide apportée aux ménages en zone non tendue et favoriser ainsi plus largement la réhabilitation des logements anciens. Le coût de cette mesure, qui est clairement une mesure d’intérêt général, se situerait aux alentours de 50 ou 60 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, mais je pourrais en évoquer encore bien d’autres, les députés du groupe RRDP sont satisfaits de la priorisation de la politique du logement et de la façon dont elle est mise en œuvre. Dans ces conditions, ils voteront les crédits de la mission.

M. Marcel Rogemont. Eh bien, voilà ! Tout le monde n’est pas mécontent !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus que jamais, la question du logement est une préoccupation essentielle de nos concitoyens, qui sont confrontés à la pénurie sur certains territoires et à la hausse continue des prix.

Les renoncements de ces dernières semaines ne sont en rien de nature à résoudre ces difficultés. Elles risquent au contraire de les accentuer. Je prendrai pour exemple les coups de canif, ou plutôt de couteau, dans la loi ALUR, les cadeaux fiscaux pour les patrimoines aisés, la nouvelle baisse du Livret A, alors que celui-ci finance le logement social. Plutôt que d’aider les Français les plus modestes à se loger par des mesures fortes, le Gouvernement préfère trop souvent se plier aux desiderata des lobbies de l’immobilier.

Certes, le budget de la mission « Égalité des territoires et logement » apparaît en légère hausse, mais nous savons bien que c’est dû pour l’essentiel à des changements de périmètre. Ici comme ailleurs, l’action publique est amputée, monsieur le secrétaire d’État au budget, par une politique d’austérité aussi injuste qu’inefficace. J’en veux pour preuve la suppression de 670 postes au sein au ministère du logement, la baisse continuelle des aides à la pierre ou encore la chute de 20 % du budget de la lutte contre l’habitat indigne, en contradiction avec les annonces du Premier ministre sur l’aide aux copropriétés dans le cadre du Grand Paris.

Pour une action prioritaire, reconnaissez que le compte n’y est pas ! Certes, les crédits alloués à l’hébergement d’urgence progressent : il s’agissait d’un impératif devant le taux de refus du 115, atteignant près de 70 % dans certaines régions. Pour autant, peut-on s’en satisfaire ?

Les expulsions locatives ont augmenté de plus d’un tiers en dix ans, selon la fondation Abbé Pierre. Malgré cela, on préfère reloger les familles dans des conditions précaires, plutôt qu’instaurer un moratoire sur les expulsions et améliorer la prévention. Nous accueillons cependant avec satisfaction la TVA réduite pour l’accession à la propriété dans les quartiers prioritaires et la hausse du PTZ – le prêt à taux zéro. Cependant, pour l’essentiel, les mesures adoptées récemment sacrifient les locataires au profit des investisseurs immobiliers. Rien de tout cela n’est de nature à enrayer la hausse des prix pour les locataires.

L’encadrement des loyers a été enterré alors même que notre Parlement l’avait adopté. C’est non seulement un déni démocratique…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais non !

M. André Chassaigne. …mais aussi, monsieur le président de la commission des affaires économiques, une nouvelle attaque contre le pouvoir d’achat des ménages.

En fin de compte, la garantie universelle des loyers n’a d’universel que le qualificatif, car ce dispositif a été détricoté.

Les APL– les aides personnalisées au logement –, sans lesquelles de nombreuses familles ne pourraient pas se loger, restent dans le collimateur de l’austérité budgétaire. Le coup qu’il est prévu de porter à l’APL permettant à des ménages modestes d’accéder à la propriété en témoigne. Il est encore temps, chers collègues, de revenir sur ce recul !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais vous n’étiez pas pour ce dispositif ! Vous l’aviez critiqué !

M. André Chassaigne. Relisez mes interventions au compte rendu, monsieur Brottes : cela vous évitera de raconter des mensonges. J’avais au contraire insisté sur le fait que la garantie universelle devait avoir une autre dimension.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je ne parlais pas de cela, mais de l’encadrement des loyers.

M. André Chassaigne. Lorsqu’à cause de la spéculation, les familles consacrent près de 40 % de leurs revenus à conserver un toit, le droit au logement demeure trop souvent une formule incantatoire. Cette impasse justifie un gel des loyers, tant dans le parc privé que social.

D’autre part, le Gouvernement persiste dans la voie des politiques de défiscalisation dont on ne perçoit toujours pas les effets…

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Si, on les perçoit !

M. André Chassaigne. …et qui coûtent plus cher pour les finances publiques que d’investir directement dans le logement. Malgré des dizaines de milliards d’euros dépensés par l’État pour soutenir ce secteur, les mises en chantier ont baissé de 10 % depuis l’an dernier.

M. Olivier Carré. Elles ont baissé de 12 % !

M. André Chassaigne. L’assouplissement du dispositif Duflot est le symbole de cette politique qui cajole l’investissement privé. Nous nous sommes opposés à ce crédit d’impôt généreusement accordé aux familles aisées transmettant leur patrimoine à leurs enfants.

Pour relancer la production de logements, il faut un véritable plan de relance visant à rendre le logement social accessible à tous, aux classes moyennes comme aux classes populaires, et à répondre aux deux millions de demandes d’accès au parc HLM. Hélas, les années de vaches maigres se poursuivent pour le secteur social. Les régressions du mandat de Nicolas Sarkozy n’ont pas été abrogées. Le dispositif Action logement – anciennement appelé « 1 % logement » – continue d’être détourné, la décollecte du Livret A se poursuit, les aides à la pierre baissent.

Tout aussi grave, la mixité sociale reste dans le viseur. Le Premier ministre a annoncé réfléchir à une possible hausse des surloyers, qui serait dramatique car elle chasserait à nouveau les classes moyennes du parc social.

M. Olivier Carré. Faut savoir ce que l’on veut !

M. André Chassaigne. Nous refusons cette conception d’un secteur HLM en forme de ghetto où la mixité sociale n’existerait plus. Aussi, nous continuons à demander l’abrogation des surloyers et de la loi Boutin.

Enfin, les efforts de logement dans les futures métropoles, notamment en région parisienne, vont accentuer les inégalités territoriales et fragiliser la mixité sociale. On s’apprête à reproduire les errements des années 1960 et 1970, en concentrant les logements dans les villes populaires parce que le foncier y est moins cher, quitte à les déstabiliser. Dans le même temps, les villes qui ne respectent pas la loi SRU – loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – peuvent continuer à s’exonérer de tout effort en s’acquittant de pénalités financières insuffisamment dissuasives.

Madame la ministre, nous refusons la France à deux vitesses que les mesures de ce budget contribuent à dessiner. C’est pourquoi nous voterons contre les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ».

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Marcel Rogemont. Nous comptons sur vous pour rétablir la vérité, madame Linkenheld !

Mme Audrey Linkenheld. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur spécial, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, madame la ministre, le logement fait partie des priorités du Gouvernement.

M. Olivier Carré. Si c’était le cas, ça se saurait !

Mme Audrey Linkenheld. Ce budget, en augmentation, le montre une fois de plus. Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » se montent à 13,4 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2015, contre 7,6 milliards d’euros en 2014. Une part de cette augmentation est liée à la clarification budgétaire sur les aides personnelles au logement ; l’augmentation n’en reste pas moins réelle, car à périmètre constant, l’effort s’élèvera à environ 100 millions d’euros supplémentaires.

Dans un contexte lourd, où l’État et les collectivités territoriales doivent réaliser des économies budgétaires, le groupe SRC tient à saluer cette orientation qui marque, une fois de plus, la volonté du Gouvernement à faire face aux enjeux de construction et de rénovation, et à stimuler l’effet contracyclique de la production de logement sur l’activité et sur l’emploi.

M. Olivier Carré. Avec l’argent de la Caisse de garantie du logement locatif social !

Mme Audrey Linkenheld. Nos rapporteurs l’ont bien noté : la répartition des crédits s’établit de manière différenciée entre les quatre programmes de cette mission.

Le groupe SRC souscrit, bien évidemment, à la nouvelle hausse des moyens dédiés au programme 177 relatif à l’hébergement d’urgence. Comme déjà en 2013 et 2014, cette hausse sera indispensable pour répondre aux nombreuses situations de vulnérabilité des personnes dans notre pays, et pour améliorer notre offre de services. Elle traduit les engagements pris dans le cadre défini par le plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ainsi que dans la loi ALUR. Elle est aussi conforme aux ambitions de la future réforme du droit d’asile. Il n’est toutefois pas certain que cela suffise tout à fait, car comme l’ont relevé Christophe Caresche et Daniel Goldberg, nous sommes confrontés, en matière d’hébergement d’urgence, à une sous-budgétisation due à une « course-poursuite » désespérée « des dépenses derrière les besoins ».

Au demeurant, la situation de l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH, n’est pas très différente : la hausse de ses ressources mérite évidemment d’être saluée, tant elle est attendue dans les territoires et conforme aux objectifs politiques de rénovation globale et énergétique des logements existants.

Nos rapporteurs ont bien signalé qu’une réflexion devra rapidement être engagée pour réformer structurellement et durablement le financement de l’ANAH, afin de l’asseoir sur des ressources plus stables et plus pérennes que les quotas carbone, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, ou la participation exceptionnelle d’Action logement.

Dans le même temps, il ne sera pas inutile de revoir certains calculs pour faire encore mieux coïncider la répartition des crédits ANAH avec les besoins prioritaires dans les régions et les intercommunalités. C’est aussi le cas pour les aides à la pierre, qui figurent dans le programme 135. Le groupe SRC prend acte de l’évolution de ces dernières à la baisse, et des mesures de compensation qui sont proposées pour les stabiliser autant que faire se peut.

Nous avons bien noté, évidemment, la forte priorité donnée au logement très social, de même que les très importantes mesures fiscales – TVA, PTZ, etc. – prises pour aider tant le secteur social que le secteur privé.

Nous soutenons cette orientation. Il est vrai, comme l’écrit Christophe Caresche dans son rapport, que désormais les aides à la pierre sont moins conçues comme un outil majeur de financement que comme un instrument d’impulsion et d’orientation de la politique du logement voulue par l’État et les collectivités locales. Il faudra donc surveiller ce mouvement de manière vigilante, car il peut paraître contradictoire avec le récent renforcement des compétences confiées aux intercommunalités – notamment aux métropoles – par diverses lois.

La vigilance devra aussi être de mise dans la lutte contre l’habitat indigne, dont les crédits diminuent alors même qu’il s’agit d’une priorité politique régulièrement réaffirmée, notamment par la loi ALUR. S’agissant de cette loi, et pour faire taire les mauvaises langues qui se sont exprimées en commission élargie, je ne résiste pas, à mon tour, au plaisir de rappeler que diverses dispositions issues de cette loi sont financées dans ce projet de loi de finances et pourront donc s’appliquer.

Outre les exemples donnés par M. de Rugy, je pourrai citer les investissements indispensables à la modernisation de l’enregistrement de la demande de logement social, à la création du registre national des copropriétés…

M. Jean-Louis Dumont. Hélas payé par les locataires !

Mme Audrey Linkenheld. …ou encore au futur géoportail de l’urbanisme. Des crédits sont également prévus pour le développement des observatoires locaux des loyers, qui sont le préalable indispensable à toute régulation ou encadrement des loyers. Enfin, des mesures d’accompagnement doivent aider les collectivités à élaborer leurs documents de planification, que ce soit pour la généralisation des SCOT, les schémas de cohérence territoriale, ou le passage progressif aux PLUI, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux.

Bien sûr, ce budget ne peut faire abstraction de la situation financière de notre pays, des impératifs de réduction de la dette et de la dépense publique ; malgré cela, il est clairement au service du logement, qui n’a jamais cessé d’être une priorité politique depuis mai 2012. Les députés du groupe SRC voteront donc sans hésiter les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Carré. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, l’année 2015 s’annonce noire pour l’ensemble des acteurs de la construction : panne de l’investissement des particuliers, panne de la construction de logements neufs, panne de la mise en œuvre du programme de logements intermédiaires, et – bientôt – panne de l’accession à la propriété pour les familles qui étaient éligibles à l’APL « Accession ».

Il faut remonter plusieurs décennies en arrière pour trouver une crise de la construction aussi profonde. La vérité, c’est que la crise actuelle de l’immobilier, qui deviendra une crise majeure du logement, est avant tout une crise de confiance. Investir dans un logement est un acte lourd, qui implique un engagement de long terme. Il faut, pour cela, avoir de la visibilité sur la façon dont ce logement sera occupé. La multiplicité des assauts fiscaux subis par l’immobilier au cours de ces derniers mois a amplifié le malaise causé par l’arrêt des dispositifs mis en place avec succès il y a quelque temps pour éviter à notre pays la crise immobilière qu’ont connue tous les pays développés, après l’affaire des subprimes.

Dernièrement, le projet d’augmenter de 20 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires a fait passer un message clair aux Français : l’immobilier continue d’être la cible favorite de la folie fiscale qui s’est abattue sur notre pays. Vous ne donnez pas vraiment la priorité à la construction ! Cette surtaxe de 20 % viendra s’ajouter à toutes les taxes frappant déjà notre secteur immobilier, le plus taxé des pays développés – le montant des prélèvements assis sur l’immobilier représente plus du double qu’en Allemagne, par exemple.

Mme Audrey Linkenheld. Comparez ce qui est comparable !

M. Marcel Rogemont. Allez donc habiter en Allemagne !

M. Olivier Carré. Malgré ce qui a pu être dit des fameux « cadeaux fiscaux » faits aux propriétaires et à l’immobilier en général, le solde reste toujours très positif pour les comptes de l’État et de nos collectivités.

Vous ne favorisez pas plus l’accès à la propriété pour les plus modestes que la construction. La suppression de l’APL « Accession » neutralisera en grande partie les effets que vous attendez de la révision du PTZ, que je m’apprêtais à saluer, avant d’étudier de manière approfondie les effets qu’aurait l’article 52 de ce projet de loi de finances, tendant à supprimer cette APL « Accession ». De la même manière, j’ai relu l’article consacré à l’application du taux de TVA de 5,5 % aux opérations d’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, ainsi que le compte rendu des débats qui ont porté sur cette disposition : je crains fort que l’ampleur de son impact soit limitée. L’application de cette mesure, pourtant intéressante, nous réserve une vive déception.

En réalité, vous n’avez pas défini une ligne politique suffisamment claire et stable pour redresser la filière de la construction. Vous choisissez donc de consacrer vos moyens aux aides de guichet, qui sont par nature incontrôlables, et qui vous dépassent : les APL, par exemple, sont vouées à augmenter, car les demandeurs sont toujours plus nombreux. Au lieu de réfléchir, avec les bailleurs sociaux ou privés, à une réforme de fond du bail, du taux d’effort et du mode de financement du monde HLM – et plus généralement, à une réforme de la production de logements –, vous subissez des hausses inexorables qui coûtent chaque année plus cher à l’État.

Je me permets de vous alerter, mes chers collègues, sur ce point : dorénavant, l’État gère quasiment seul ces allocations logement.

M. Jean-Louis Dumont. L’État, même pas ! Quelques fonctionnaires seulement !

M. Olivier Carré. Nous savons bien, sur tous les bancs de cet hémicycle, que la tentation sera grande de réduire progressivement ces aides. Cela me semble, à terme, inéluctable : il faut donc l’anticiper, et revoir en profondeur les modes de financement, du logement social notamment.

Une autre aide de guichet a déjà été évoquée : l’hébergement d’urgence, dont les crédits augmentent de manière très significative, notamment depuis la fin de l’année 2011. Vous vous en êtes félicités. Mais cette hausse est surtout due aux nuitées d’hôtel : le nombre de places en CHRS, les centres d’hébergement et de réinsertion sociale – a diminué de 200, tandis que les nuitées d’hôtel ont progressé de 57 %. Pourquoi cela ? Le prédécesseur de M. le secrétaire d’État, qui se trouve à présent être ministre de l’intérieur, nous indiquait dans un décret d’avance que la situation des demandeurs d’asile déboutés de leurs droits rendait absolument nécessaire une augmentation à deux chiffres du budget consacré aux nuitées d’hôtel.

M. Jean-Louis Dumont. Vous avez raison : les nuitées d’hôtel coûtent beaucoup plus cher que l’hébergement en CHRS.

M. Olivier Carré. Désolé de mettre les pieds dans le plat : il faut poser la question des reconduites à la frontière. Ces nuitées d’hôtel prennent des proportions telles qu’elles représentent une vraie charge pour la Nation. Tout à l’heure, nous parlerons de la réforme de l’APL « Accession », qui devrait permettre de réaliser 19 millions d’euros d’économies ; là, il s’agit de centaines de millions d’euros !

J’attends beaucoup du futur projet de loi de réforme de l’asile, Mme la ministre aussi apparemment, puisqu’elle en tire argument pour expliquer, dans le bleu budgétaire, que la progression de cette dépense devrait se ralentir l’année prochaine. Je ne suis toutefois pas certain qu’on aille jusqu’au bout de la logique qui devrait nous conduire, une fois qu’on aura accéléré le délai de traitement des demandes de ces personnes, à la conclusion s’imposant à celles dont il aura été confirmé qu’elles n’avaient pas, au vu de leur situation, leur place dans notre pays.

Pour terminer, les chiffres sont sans appel. En seulement quelques mois, la baisse des livraisons de logements est sans précédent : les mises en chantier ont diminué de 12 % depuis votre arrivée et la profession estime à environ 30 000 le nombre d’emplois détruits dans le secteur fortement employeur de la construction – il est, hélas, à craindre que ce ne soit pas terminé.

Peut-on vous reprocher de ne pas en avoir fait assez ? Non. Quelque trois lois ont été adoptées en deux ans dans ce domaine, soit plus qu’en tout autre domaine depuis le début de la mandature. Mais leurs effets ont été contraires à vos intentions, parce que vous avez mis beaucoup d’idéologie – je n’ai pas peur de le dire –, là où seul le bon sens économique prévaut.

Vous avez réussi à décourager les investisseurs en surfiscalisant les revenus locatifs. Vous avez réussi à décourager les maires en rendant impossible l’application de la loi SRU, révisée dans de nombreux secteurs, et vous avez réussi à inquiéter les bailleurs en renforçant par trop les droits des locataires – nous nous sommes déjà exprimés sur le sujet.

Ce budget 2015 laisse dériver nos dépenses sociales, auxquelles il fait la part belle, sans apporter la moindre réponse structurelle à ce qui est aujourd’hui un véritable appel au secours de l’ensemble de la profession et des acteurs. N’oubliez pas, madame la ministre, que la crise de la construction d’aujourd’hui se traduira par une grave crise du logement dans quelques années ; c’est ce qui nous inquiète le plus. Aussi, nous considérons que ce projet ne répond en rien à l’urgence de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je le disais en commission élargie, le constat est désormais clair : on construit de moins en moins et on n’a jamais construit aussi peu depuis très longtemps dans notre pays. Bien loin de l’objectif des 500 000 logements par an, on passera très probablement à la fin de l’année 2014 en dessous des 300 000 logements, c’est-à-dire un niveau inférieur à celui des années 2000, si l’on exclut le Programme national pour la rénovation urbaine – PNRU.

Je me permets d’ailleurs de m’interroger sur le sens du mot « objectif », quand l’écart est aussi grand entre la politique que vous défendez, madame la ministre, et les moyens qui vous sont attribués. Je ne suis pas certain que vous ayez les moyens de l’objectif qui continue d’être affiché. Je le dis – vous le noterez – avec une certaine nuance.

Nous assistons donc à un effondrement – il n’est pas d’autre mot – de la construction. Je rappelle qu’on construisait entre 435 000 et 437 000 logements par an il y a seulement quelques années.

M. Marcel Rogemont. Cet effondrement ne date pas de cette année ! Le mouvement est enclenché depuis bien plus longtemps.

M. Yves Albarello. Il y a deux ans !

M. Michel Piron. Je vous l’accorde, on n’est pas tombé de 435 000 à moins de 300 000 en une seule année, c’est tout à fait clair.

Face à cet effondrement, certaines mesures correctrices particulièrement bienvenues ont été présentées, notamment en juin et en août. Je pense notamment à certaines mesures de simplification. On en annonce d’autres ; il en faudra beaucoup, non seulement dans le code de la construction mais aussi dans celui de l’urbanisme.

M. Olivier Carré. Il faut les fusionner !

M. Michel Piron. De même, les incitations fiscales arrivent bien tard, même si elles sont bonnes à prendre.

Enfin, nous pourrions même saluer l’augmentation des crédits consacrés à l’hébergement d’urgence. Je serai nuancé sur ce point, car nous avons tous plus ou moins échoué devant un problème migratoire considérable auquel, je le rappelle, nous consacrons aujourd’hui la somme affolante de plus de 1,3 milliard d’euros. Nous continuons d’essayer de colmater les brèches sans nous attaquer aux difficultés à la source.

M. Carré l’a rappelé à l’instant, cette politique de l’asile a probablement atteint, voire dépassé, les limites de l’acceptable, s’agissant du statut même des personnes candidates. Il faudrait avoir sur ce sujet une réflexion responsable et sans tabou, qui puisse être partagée sur tous les bancs.

Pourquoi, face à ces quelques annonces et inflexions plutôt positives, les crédits du programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » diminuent-ils sensiblement ? Surtout, où sont les priorités du Gouvernement ? Les messages sont en effet contradictoires.

Ainsi le prêt à taux zéro – PTZ – a été reconfiguré, mieux ciblé et, en réalité, on lui a enfin permis de retrouver son rôle. À cet égard, je rappelle que le nombre de PTZ accordés, après avoir dépassé 300 000, est tombé à 40 000. On n’avait pas supprimé ce prêt mais, disons-le, dans certains services, on l’avait rendu quasiment inopérant. L’outil est enfin mieux configuré et l’on vise un objectif d’environ 80 000 logements, ce qui n’est d’ailleurs pas très ambitieux.

Mais l’article 52 relatif à la réforme de l’APL « Accession » est en totale contradiction avec ce modeste signal, puisqu’il prévoit que cette aide sera désormais versée aux seuls ménages ayant subi une diminution de leurs revenus de 30 % par rapport au moment de la signature de leur prêt.

M. Jean-Louis Dumont. C’est une provocation !

M. Michel Piron. Cette mesure est incompréhensible, parce qu’elle va désolvabiliser une grande partie – au minimum un tiers – des primo-accédants et risque de faire perdre 10 000 logements neufs, et probablement de 15 000 à 20 000 dans l’ancien.

M. Olivier Carré. Absolument !

M. Michel Piron. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé, comme beaucoup d’entre nous semble-t-il, je m’interroge : où seront les économies ? Et je me permets de le demander à des personnels du ministère de l’économie et des finances, sans nul doute beaucoup plus compétents que moi. L’économie escomptée est estimée à 19 millions d’euros en 2015, 91 millions en 2016, 154 millions en 2017, soit 254 millions en trois ans.

À la faveur de ces prétendues économies, nous allons perdre entre 350 et 400 millions d’euros de TVA par an,…

M. Marcel Rogemont. Il faut donc croire qu’on s’assoit sur la TVA !

M. Michel Piron. …beaucoup de droits de mutation sur les logements anciens et l’équivalent de 18 000 emplois.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. Olivier Carré. Une politique de Gribouille !

M. Michel Piron. Ainsi, pour d’un côté économiser 254 millions d’euros, nous perdrons de l’autre probablement plus d’un milliard d’euros de recettes. Je n’ai peut-être pas fait de grandes écoles et mes études de philosophie sont sans doute très insuffisantes, mais j’avoue avoir beaucoup de mal à comprendre l’esprit qui a inspiré cette mesure.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Marcel Rogemont. Il faut le laisser parler !

M. Jean-Louis Dumont. Car c’est un sage qui parle !

M. Michel Piron. C’est un sujet majeur. Nous savons, madame la ministre, que votre politique est très difficile à conduire dans un contexte extraordinairement contraint mais, s’agissant au moins de l’accession sociale, je souhaiterais que nous puissions un peu mieux nous comprendre et vous aider à être mieux entendue dans certains arbitrages. Telle est en tout cas mon ambition ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. Jean-Louis Dumont. Oui, il faut soutenir Mme la ministre !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Dumont. Ce rappel porte sur l’organisation de nos débats et se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement. Le débat qui a commencé de s’instaurer et les interventions des différents groupes démontrent, si besoin était, que le sujet qui nous occupe cet après-midi est d’une importance capitale. Trois articles d’importance rattachés à cette mission doivent être examinés, qui méritent discussion, analyses et explications. Or, on nous refuse le débat. La Conférence des présidents, une fois de plus, a décidé de bâillonner le Parlement.

Dans cet hémicycle, la parole doit être libre et les différences d’analyse doivent pouvoir être exprimées afin que nous soyons parfaitement éclairés. Madame la ministre, nous voterons vos crédits avec confiance et détermination. Nous connaissons votre engagement, mais nous ne pouvons accepter que quelques fonctionnaires de Bercy, à la direction du budget ou du Trésor, mettent en cause les orientations du Président de la République…

M. François de Rugy. Bravo !

M. Jean-Louis Dumont. …et ce que le Premier ministre a décidé il y a seulement quelques semaines.

M. Marcel Rogemont. C’est un règlement de compte ! (Sourires.)

M. le président. Vous vous éloignez un peu du règlement, monsieur Dumont !

M. Jean-Louis Dumont. Soyez tolérant, monsieur le président. J’ai droit à deux minutes.

M. le président. Non, les rappels au règlement ne valent que lorsqu’ils sont fondés sur le règlement. Nous avons compris le sens de votre intervention. Elle n’a que peu à voir avec le règlement !

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur le président, j’accepte que vous participiez à ce bâillonnement du Parlement ! (Sourires.)

M. le président. Je vous en remercie. (Sourires).

M. Jean-Louis Dumont. En conclusion, je dis simplement à Mme la ministre du logement et à M. le secrétaire d’État chargé du budget qu’il serait temps de revoir avec sérieux et rigueur une certaine forme de gouvernance.

M. le président. Monsieur Dumont, vous aurez l’occasion de vous exprimer à l’occasion de l’examen des amendements. Je vous donnerai la parole avec ma mansuétude habituelle !

Pour ce qui est du bâillonnement du Parlement, je ne manquerai pas de retransmettre vos propos au président Bartolone, afin qu’ils soient bien entendus.

Égalité des territoires et logement (suite)

M. le président. Nous en venons aux questions. Je rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

Nous commençons par une question du groupe GDR. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je l’ai dit en commission élargie, je le redis ici, la situation de l’habitat outre-mer est très préoccupante. Il faut bien se rendre compte que l’on parle ici de 100 000 logements qui font défaut à une population de 2,7 millions d’habitants.

Le constat est particulièrement lourd en Guyane où, par exemple, 20 % de la population de l’agglomération cayennaise vit dans des logements insalubres. Il est temps que notre Gouvernement de gauche, plébiscité par les Ultramarins, prenne la pleine mesure des enjeux dont il est question aujourd’hui.

Aussi, madame la ministre, j’aimerais connaître votre point de vue sur quatre points. Premièrement, l’adaptation des caractéristiques du dispositif Pinel outre-mer en faveur du logement intermédiaire. Il s’agit non seulement d’être en cohérence avec la volonté affichée au plan national de relancer la production de logements intermédiaires, mais également de répondre aux besoins identifiés outre-mer. Il s’agirait là de traduire concrètement les annonces du Président de la République lors de son passage à la Réunion et d’assurer le caractère pleinement opérationnel du dispositif.

Deuxièmement, quid de l’adaptation des caractéristiques du crédit d’impôt transition énergétique – CITE – aux enjeux ultramarins ? L’adoption en première lecture d’un amendement permettant d’adapter le bouquet de travaux éligibles au CITE afin d’assurer le caractère opérationnel du dispositif outre-mer constitue un premier pas, mais, vous le savez, cela ne sera pas suffisant.

Troisièmement, quelle est votre position sur l’éligibilité des opérations de réhabilitation des logements sociaux au crédit d’impôt accordé pour les investissements outre-mer institué en application de l’article 21 de la loi de finances initiale 2014 ? Cette mesure vise à répondre à une problématique massive de vieillissement du parc locatif social et aux surcoûts liés aux travaux de mise aux normes parasismiques et de désamiantage.

Quatrièmement, l’exemption de la clause des 5 % de la ligne budgétaire unique – LBU – pour les opérations de défiscalisation dans le secteur de l’accession sociale à la propriété permettrait de ne pas pénaliser les opérations d’accession sociale à la propriété qui sont aujourd’hui menées en défiscalisation sans recours à des crédits budgétaires.

Madame la ministre, nous avons l’occasion, avec ce projet de loi, de démontrer aux populations ultramarines qu’elles ne seront pas sacrifiées sur l’autel de la restriction budgétaire. Les parlementaires ultramarins de gauche entretenant une relation de confiance avec le Gouvernement, ils comptent sur votre soutien pour défendre les propositions que je viens de citer et qui permettront, j’en suis persuadé, de sortir l’habitat d’outre-mer de l’ornière de laquelle il ne pouvait jusqu’à présent sortir.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Monsieur le député, vous m’interrogez sur plusieurs sujets. Je vais essayer de vous répondre dans les deux minutes qui me sont imparties, n’est-ce pas, monsieur le président ?

La politique du logement que je défends ne veut oublier aucun des territoires de notre République. Cela est vrai pour les zones périurbaines et rurales, mais également pour les outre-mer qui, grâce à l’adoption d’un amendement d’initiative parlementaire en première partie de ce projet de loi de finances, bénéficieront du dispositif d’investissement locatif rénové avec un avantage supplémentaire de 11 %.

Je sais que certains députés ont proposé, à ce moment-là, que le dispositif soit intégré dans le plafond de 18 000 euros des niches fiscales outre-mer. Je ne peux que vous renvoyer à la réponse du secrétaire d’État chargé du budget lors des questions au Gouvernement tout à l’heure.

Concernant l’application du crédit d’impôt pour la transition énergétique aux territoires ultramarins, il est en effet pertinent d’ajouter à la liste des travaux éligibles à ce dispositif l’installation de certains équipements, notamment pour le confort d’été, qui bénéficient à tous les Français, quel que soit leur lieu de résidence. Les critères techniques spécifiques pourraient être définis par voie réglementaire. Ce point est en discussion avec la ministre de l’écologie et des amendements pourraient être déposés en ce sens. Comme je vous l’ai indiqué en commission élargie, mon ministère est particulièrement sensible à cette proposition.

Pour ce qui est du financement des logements sociaux en outre-mer, le Gouvernement a bien conscience des difficultés spécifiques que rencontrent les territoires ultramarins en la matière. Rareté et coût du foncier rendent les efforts nécessaires pour répondre aux besoins importants de leurs habitants. C’est pourquoi nous avons souhaité maintenir un engagement important dans le projet de loi de finances pour 2015. Le financement des aides de l’État en faveur du logement locatif social outre-mer concerne effectivement la ligne budgétaire unique qui subventionne ainsi la construction de logements locatifs sociaux et très sociaux. Des prêts de la Caisse des dépôts viennent compléter ces financements, de sorte que le montant des subventions est plus important outre-mer qu’en métropole. Vous le voyez : le Gouvernement n’oublie pas les territoires ultramarins.

M. le président. Nous en venons à une question du groupe SRC.

La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, comme cela a déjà été évoqué en commission élargie par Christophe Caresche et Daniel Goldberg, et comme l’a très bien dit ma collègue Audrey Linkenheld, le budget consacré au logement est en augmentation pour 2015.

Nous pouvons nous réjouir du choix qui a été fait dans ce budget en matière d’aides personnelles au logement, puisque l’objectif prioritaire est bien d’aider les ménages aux revenus les plus modestes à accéder à un logement et à s’y maintenir. Le volume total de prestations d’aides au logement atteint dans ce budget 18 milliards d’euros. Le budget de l’État consacré aux aides personnelles au logement – APL, aide personnalisée au logement, et ALS, allocation logement à caractère social – au travers du Fonds national d’aide au logement s’établit pour 2015 à plus de 10 milliards d’euros.

Néanmoins, je souhaite interpeller la ministre du logement sur l’article 52, relatif à l’APL « Accession ». Il prévoit de sécuriser les parcours plutôt que d’accorder l’aide à tous les accédants sous condition de ressources, pour une économie attendue de 20 millions d’euros pour l’État, mais ce choix budgétaire pourrait avoir des conséquences graves, notamment pour les primo-accédants.

Un certain nombre de mes collègues ont déjà soulevé ce problème en commission et je tiens à réitérer ces inquiétudes.

M. Marcel Rogemont. Ce sont plus que des inquiétudes !

Mme Jacqueline Maquet. Cette mesure risque d’empêcher 6 000 opérations d’accession, à un moment où les problèmes de logement de nos concitoyens sont plus que préoccupants et où le niveau de construction est au plus bas, avec les conséquences néfastes sur l’activité des entreprises et l’emploi que l’on sait.

Le choix de supprimer cette aide est d’autant moins compréhensible qu’il contredit les initiatives positives prises récemment par votre Gouvernement pour relancer la construction et l’accession des ménages modestes et moyens, affichées comme la priorité numéro un. La suppression de l’APL « Accession », c’est un impact budgétaire minimum pour un effet dévastateur maximum !

M. Marcel Rogemont. Et voilà !

Mme Jacqueline Maquet. S’agissant des aides au logement, je suggère la mise en place d’un groupe de travail sur la répartition des aides.

M. Jean-Louis Bricout. Très bien !

Mme Jacqueline Maquet. Pour l’emploi, pour la construction, pour le logement des personnes modestes, que comptez-vous faire pour compenser la suppression de l’APL « Accession » ?

M. Marcel Rogemont. Excellente question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Madame la députée, vous avez rappelé que la politique du logement bénéficie de moyens supplémentaires significatifs en 2015, mais son budget doit aussi contribuer à l’effort d’économie fixé dans notre trajectoire budgétaire. Ainsi, l’APL « Accession », destinée à l’accession à la propriété, est transformée en un dispositif de sécurisation des emprunteurs contre les accidents de la vie. L’économie réalisée s’élèvera à plus de 150 millions d’euros en 2017, ce qui est loin d’être négligeable.

Sur les 30 000 nouveaux bénéficiaires de cette allocation, le Fonds de garantie de l’accession sociale estime qu’environ 6 000 opérations dans le neuf pourraient ne plus être financées. Ce chiffre est à mettre en regard du nombre de bénéficiaires du PTZ, qui passera de 44 000 à 80 000 chaque année, pour une aide globale de l’État de 1 milliard d’euros. De plus, j’ai souhaité ouvrir le PTZ à l’ancien, sous certaines conditions de réhabilitation, dans 6 000 communes rurales.

Mais je veux aussi rappeler les autres mesures prises en faveur de l’accession sociale à la propriété : l’accès aux prêts d’accession sociale garantis par l’État a été élargi le 1eroctobre pour bénéficier à 25 % de ménages supplémentaires ; l’accession dans le parc social par le prêt social location-accession – PSLA – sera encouragée conformément à l’agenda HLM que nous avons conclu avec les bailleurs sociaux. Enfin, l’article 7 du projet de loi de finances étend aux 1 300 nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville le bénéfice de la TVA réduite à 5,5 % pour les opérations d’accession sociale.

Dans le même temps, l’accession a été renforcée au 1er octobre par l’extension du prêt à taux zéro, qui devient ainsi l’outil privilégié pour favoriser l’accession sociale à la propriété, ciblée sur le neuf. En particulier, l’augmentation du montant prêté et l’allongement du différé de remboursement vont solvabiliser davantage les ménages modestes. Il est plus efficace de faire accéder davantage de personnes au PTZ. Celui-ci augmente en effet directement la capacité d’emprunt pour toute la durée de vie du prêt alors que l’APL peut fluctuer, voire disparaître, sur cette période, en fonction de la situation du ménage. De plus, l’APL « Accession » n’est pas prise en compte par les banques lors du calcul du taux d’endettement.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe UMP. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous faire part de mes inquiétudes sur la mission « Égalité des territoires et logement ». En ma qualité de maire, je me fais également le relais des maires de ma circonscription et bien au-delà, car tous les maires que je rencontre, qu’ils appartiennent à opposition mais aussi à votre majorité, m’exposent leurs craintes. Nous, les maires, sommes exaspérés par les baisses drastiques des subventions de l’État aux communes.

Mme Audrey Linkenheld. Recommandations européennes, que voulez-vous !

M. Yves Albarello. D’après ses déclarations, l’objectif du Gouvernement serait de redynamiser les territoires, ce que nous devrions l’approuver. Mais cet objectif est fortement compromis, voire, je ne crains pas de vous le dire, impossible à atteindre. Les baisses très importantes des dotations aux collectivités locales vont entraîner de facto un chômage massif dans les entreprises de travaux publics et du bâtiment. À cela s’ajoutent les mesures catastrophiques prises en matière de politique du logement.

Les premiers signes s’en font déjà sentir. Si vous ne les percevez pas, madame la ministre, c’est que vous êtes aveugle ! Plusieurs entreprises sont en train de mettre en place des plans de chômage partiel voire, et c’est encore plus dramatique, de licencier du personnel faute de travail et de perspectives. Je crains que les choses n’aillent pas en s’améliorant car la politique menée par votre Gouvernement accentue ces effets négatifs sur l’emploi.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Qu’ils signent les permis de construire en attente !

M. Yves Albarello. Ma question est simple, madame la ministre : alors que la sinistrose s’installe parmi les élus locaux, que pouvez-vous leur dire pour leur remonter le moral ?

Mme Audrey Linkenheld. Construisez des logements sociaux dans vos communes !

M. Yves Albarello. Ne vous inquiétez pas, chers collègues de la majorité, vous allez subir un troisième stress test au mois de mars prochain ! Soyez patients !

Madame la ministre, que pouvez-vous dire pour remonter le moral de ces élus ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Que les maires UMP débloquent les permis de construire !

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Albarello a la parole !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Des milliers de permis de construire sont bloqués par les maires UMP !

M. Yves Albarello. Vous le savez, être maire aujourd’hui est devenu un véritable sacerdoce…

M. Marcel Rogemont. Ça ne date pas d’aujourd’hui, ça l’a toujours été !

M. Yves Albarello. …et, avec votre politique, vous êtes en train de décourager les maires.

Ma deuxième question est la suivante : avez-vous conscience que les entreprises de travaux publics et du bâtiment sont en train de mourir faute de commandes, que le chômage va continuer à augmenter, et que les Français vont en subir de plein fouet les conséquences néfastes ?

Madame la ministre, demandez au Gouvernement de faire des économies. N’embauchez plus de fonctionnaires là où ce n’est pas nécessaire, comme dans l’éducation nationale ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Il a raison !

M. Yves Albarello. Diminuez le train de vie de l’État ! Alors, oui, vous pourrez augmenter les dotations aux collectivités locales afin de redonner du travail à notre pays qui en a bien besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Véronique Massonneau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. C’est grotesque !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre. Monsieur le député, je comprends votre volonté de relancer la construction et de nous soutenir dans cette belle ambition pour permettre à un secteur économique qui souffre de se développer et favoriser l’accès de nos concitoyens au logement. Je peux partager ce raisonnement.

En revanche, lorsque l’on regarde les chiffres, notamment en matière de logements sociaux, on constate depuis plusieurs mois que 20 000 projets de logements sociaux ont été bloqués à la suite des élections municipales, dont 7 000 en Île-de-France. Alors, monsieur le député, ce sujet important mérite mieux que des postures ou des caricatures.

M. Yves Albarello. C’est la conséquence de la loi ALUR !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Lorsque j’ai réuni les préfets, au mois de juillet, je leur ai demandé vigilance et fermeté sur l’application de la loi SRU. Les communes qui, de manière délibérée, ne remplissent pas leurs obligations doivent se voir appliquer des pénalités.

M. Yves Albarello. Attendez le stress test !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Dans le même temps, le Gouvernement a présenté en juin et en août un plan de relance exceptionnel pour soutenir la construction en mobilisant l’ensemble des outils qui nous permettent d’agir sur tous les segments : l’accession à la propriété, le logement social, le logement intermédiaire, la mobilisation du foncier, public et privé. Il a aussi pris une série de mesures de simplification, parce que l’on peut entendre les difficultés que les investisseurs ou les ménages rencontrent lorsqu’ils ont un projet.

M. Yves Albarello. La loi ALUR !

Mme Audrey Linkenheld. Ça n’a rien à voir avec la loi ALUR !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Mais vous ne pouvez pas, monsieur le député, dire que ce Gouvernement n’agit pas. Je ne voudrais pas risquer de tomber dans la caricature et la posture en vous rappelant les erreurs que vous avez commises de 2007 à 2012.

M. Olivier Carré. On construisait 400 000 logements par an !

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère pour la dernière question du groupe UMP.

M. Patrice Verchère. Madame le ministre, je souhaite vous interroger sur les conséquences de la majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. En effet, la loi de finances pour 2013 a modifié le code général des impôts afin d’inciter les propriétaires de terrains constructibles à vendre leurs biens pour favoriser la construction de logements dans des zones dites « tendues ». Mais l’outil fiscal que vous avez imaginé induit nombre d’implications fortement préjudiciables pour les propriétaires comme pour les collectivités.

Ainsi, dans les vingt-huit agglomérations où l’offre de logements est inférieure à la demande, la taxe foncière des terrains constructibles sera majorée de cinq euros le mètre carré en 2015 et 2016, et de dix euros le mètre carré à partir de 2017. Résultat : à partir de l’an prochain, selon l’Union nationale de la propriété immobilière, le propriétaire d’une parcelle de 1 000 mètres carrés située dans une zone constructible paiera 5 000 euros de taxe foncière, et près de 10 000 euros en 2017, contre 450 ou 500 euros aujourd’hui.

Mme Audrey Linkenheld. Il faudrait savoir : vous voulez relancer la construction ou non ?

M. Patrice Verchère. Dès lors, les propriétaires seront forcés de vendre, car tous ne pourront pas payer un tel impôt confiscatoire. Cette majoration fiscale est une atteinte indirecte au droit de propriété. D’ailleurs, qu’en est-il des personnes qui souhaitaient conserver un terrain afin que leurs enfants puissent continuer à vivre dans leur commune.

En effet, la loi autorise les parents à détacher une ou plusieurs parcelles pour en faire donation à leurs descendants, et facilite même cette transmission grâce à des abattements fiscaux. Or, cette simple décision déclenche le dispositif de majoration. Ce coup de pouce aux plus jeunes devient donc un cadeau empoisonné, car s’ils ne réalisent pas un projet de construction rapidement, ils auront pour seul choix de s’acquitter de l’impôt confiscatoire ou de vendre le terrain.

Cet exemple démontre, madame le ministre, que cette majoration fiscale revient à procéder à une expropriation, qui n’en porte pas le nom, au profit des promoteurs immobiliers. De même, madame le ministre, cette majoration est tellement dissuasive qu’elle provoquera un déstockage, entraînant une vente massive de terrains constructibles dès la première année d’application, ce qui déséquilibrera totalement le marché immobilier. Enfin, elle pénalisera les communes dans la maîtrise de leur foncier.

Madame le ministre, force est de constater que cette majoration, qui pouvait partir d’un bon sentiment, pose plus de problèmes qu’elle ne va en résoudre. D’ailleurs, l’année dernière, face à la forte mobilisation des agriculteurs, le Gouvernement avait déposé un amendement qui reportait d’une année l’application de cette mesure et en exonérait fort heureusement les agriculteurs. C’est pourquoi, madame le ministre, je vous demande de prendre en compte non seulement les aspirations légitimes des propriétaires fonciers, mais aussi les implications potentiellement néfastes de cette majoration fiscale pour les communes et les agriculteurs, et donc de revenir sur cette mesure.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, vous soulevez un problème qui est bien connu et qui n’a pas subi les avatars que vous avez décrits.

Vous signalez les difficultés que pourrait rencontrer la profession agricole. Cette question est réglée puisque l’an dernier, en loi de finances rectificative – si ma mémoire est bonne – toutes les personnes affiliées à la MSA ont été sorties du dispositif. Donc cet argument ne tient pas.

Effectivement, le Gouvernement a la volonté de fluidifier le marché du foncier dans les zones dites « tendues ».

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Il le faut !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Chacun sait que le prix et la disponibilité du foncier comptent parmi les facteurs de frein à la construction de logements, qu’ils soient sociaux, intermédiaires ou libres.

Effectivement, ce dispositif a été instauré, mais son application a été reportée afin de régler la question des agriculteurs et de poursuivre le dialogue. Dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement vous proposera de statuer de la façon la plus définitive possible sur la poursuite ou l’aménagement de ce dispositif.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Égalité des territoires et logement » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » sont adoptés.)

M. le président. J’appelle maintenant les articles 52, 53 et 54 du projet de loi de finances, rattachés à cette mission.

Article 52

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 284, 383 et 428, tendant à la suppression de l’article 52.

La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l’amendement n284.

M. Olivier Carré. Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce sujet. En défendant cet amendement de suppression, je voudrais juste insister sur la crainte de désolvabilisation des ménages que suscite l’article 52 chez de nombreux opérateurs et acteurs de l’action sociale.

Je l’ai dit dans mon intervention précédente : il a été procédé à une révision, à mon avis salutaire, du dispositif de prêt à taux zéro, qui reste l’un des meilleurs outils pour encourager les familles modestes à s’engager dans un projet d’accession. On pourrait sans doute encore l’aménager et l’étendre, mais nous sommes face à des contraintes budgétaires.

Les APL « Accession » servent aussi à solvabiliser d’autres modes d’accession. Même si des amendements ont été déposés pour mieux ciseler, à la marge, le dispositif prévu, le fait que ces APL ne bénéficieront plus qu’aux ménages subissant une baisse d’au moins 30 % de leurs revenus – ou, comme le proposent certains amendements une baisse d’un autre niveau fixé par décret – ne peut que laisser songeur celui qui va prêter à une famille désireuse d’acquérir un logement, souvent dans le cadre d’un emprunt de longue durée. Ce filet de sécurité des APL Acession », qui devient presque assurantiel, sera rendu totalement inopérant dans la prise de décision d’octroi d’un prêt aux ménages souhaitant accéder à la propriété.

L’article 52 va donc porter un mauvais coup à l’accession sociale à la propriété, qui était pourtant, pour les ménages dont les ressources étaient inférieures à certains plafonds, un vrai moyen d’accéder à la propriété. Les APL « Accession » constituaient une mesure de justice permettant de traiter à égalité deux familles ayant le même niveau de revenus, a priori modestes, l’une faisant le choix de rester locataire, l’autre s’engageant dans un projet personnel d’accession à la propriété. Parce que nous les rencontrons dans nos circonscriptions ou parce que nous sommes des bailleurs sociaux, nous connaissons tous ici des familles qui décident de faire de l’acquisition d’un logement le projet de leur vie. Elles se retrouveront maintenant dans une situation inéquitable, injuste, par rapport à celles qui ont choisi le locatif. La réforme des APL « Accession » est donc, une fois de plus, un très mauvais coup porté aux familles et à l’accession sociale à la propriété. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Piron, pour soutenir l’amendement n383.

M. Michel Piron. Madame la ministre, j’ai déjà eu l’occasion de citer quelques chiffres. Vous en avez donné aussi, et nous sommes d’accord : la réforme des APL « Accession » devrait générer, en 2017, 154 millions d’euros d’économies cumulées – j’ai additionné les économies envisagées pour les prochaines trois années. Or, en face de ces 154 millions d’euros d’économies, on constatera une perte de TVA estimée entre 350 et 400 millions d’euros,…

M. Olivier Carré. Absolument !

M. Michel Piron. …à laquelle il faudra ajouter une perte de droits de mutation et l’impact de cette mesure sur l’emploi – je le rappelle, 18 000 emplois seront concernés au minimum, excusez du peu ! Il y a donc des économies qui coûteront vraiment très cher !

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait !

M. Michel Piron. J’aimerais comprendre ce que signifie, pour Bercy et pour le Gouvernement en général, une politique de l’offre qui se traduit par de telles mesures. Je ne comprends pas.

Par ailleurs, madame la ministre, vous avez redit ce que j’avais déjà entendu : l’APL ne serait pas prise en compte par les banques.

M. Olivier Carré. Bien sûr que si !

M. Michel Piron. Vos sources mériteraient peut-être d’être vérifiées. J’ai mené ma propre enquête, j’ai interrogé les directions départementales ou les agences locales, et je suis absolument désolé : l’APL est parfaitement intégrée dans les calculs des prêteurs,…

M. Olivier Carré. Absolument !

M. Michel Piron. …d’autant qu’elle concerne des publics très particuliers que le PTZ ne suffira pas à solvabiliser. D’ailleurs, je n’ai pas dit que tous les primo-accédants seraient exclus du nouveau dispositif des APL « Accession » ; j’ai simplement dit que la réforme envisagée amènerait une partie des primo-accédants – probablement autour de 10 000 personnes cherchant à acquérir un logement neuf – à dépasser le taux d’effort acceptable selon les standards bancaires,…

M. Olivier Carré. Tout à fait !

M. Michel Piron. …lequel prend en compte l’APL. Je ne sais pas quelles sont vos sources, madame la ministre, mais je m’inscris en faux contre vos affirmations : sur le terrain, les banques prennent en compte l’APL. Cette allocation est tout de même assez durable : elle ne disparaît pas du jour au lendemain, d’autant que l’on connaît l’âge des accédants et de leurs enfants. On ne peut pas en faire une aide éphémère.

Je citerai enfin un autre chiffre : où vivent aujourd’hui les primo-accédants qui ne pourront plus accéder à la propriété à cause d’un taux d’effort excessif ? Pas seulement chez papa et maman : ils sont généralement locataires.

M. Olivier Carré. Eh oui !

M. Michel Piron. L’allocation moyenne des locataires est de 229 euros par mois.

M. Jean-Louis Bricout. Exactement !

M. Michel Piron. Or, s’ils devaient propriétaires en accession sociale, ils toucheraient une allocation moyenne de 152 euros par mois. Autrement dit, on renoncera à leur donner 152 euros par mois en tant que primo-accédants pour continuer à leur verser 229 euros par mois en tant que locataires. Là encore, où est l’économie ?

M. Olivier Carré. Exactement ! C’est injuste !

M. Michel Piron. En définitive, on casse une bonne partie de ce que l’on appelle le « parcours résidentiel ».

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Michel Piron. Les secundo-accédants pourront encore acquérir leur logement, mais les primo-accédants ne le pourront malheureusement plus.

M. Olivier Carré et M. François de Rugy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n428.

M. Marcel Rogemont. Si j’ai bien compris, il s’agit d’abord de savoir quel type de familles sera touché par la réforme des APL « Accession ». Ce sont des familles modestes,…

M. Olivier Carré et M. Michel Piron. Absolument !

M. Marcel Rogemont. …dont les revenus sont légèrement supérieurs au SMIC. Aujourd’hui, on veut transformer cette mesure visant à accompagner le parcours résidentiel de familles très modestes en un dispositif encourageant la construction. Or les APL « Accession » doivent assurer l’accompagnement des familles : c’est le premier point que je voulais rappeler.

Pour justifier cette mesure, le Gouvernement souligne que le nombre de familles percevant cette allocation diminue. Il est vrai que le nombre des bénéficiaires a diminué d’un quart en dix ans. Pourtant, ce dispositif concerne aujourd’hui pratiquement 500 000 familles – 494 000 si je lis vos documents, madame la ministre –, tandis que 30 000 nouvelles familles y entrent chaque année. Ainsi, même si le nombre de leurs bénéficiaires diminue, les APL « Accession » restent un élément majeur du dispositif d’accession sociale à la propriété.

Le Gouvernement veut supprimer le dispositif actuel pour le remplacer par une assurance : notre collègue Olivier Carré soulignait tout à l’heure qu’il faudrait perdre 30 % de ses revenus pour bénéficier du nouveau dispositif.

M. Olivier Carré. C’est-à-dire le montant d’une mensualité !

M. Marcel Rogemont. Je préside un organisme HLM. Or, dans le cadre d’un prêt social location-accession – un PSLA –, quand une famille a des difficultés, bien avant qu’elle ait perdu 30 % de ses revenus, l’organisme HLM est légalement obligé de racheter son logement et de l’y loger en location. Ainsi, il n’y aura pas lieu de verser 150 euros par mois à des familles qui auront perdu un tiers de leurs revenus : comme Michel Piron le rappelait tout à l’heure, ces familles percevront l’allocation logement normale, autour de 300 euros mensuels. Cette réforme des « APL Accession » ne se traduira donc par aucune économie.

M. Jean-Louis Dumont. Très bien !

M. Marcel Rogemont. Enfin, on insiste sur le fait qu’il faut encourager la construction de logements neufs. Les logements anciens ne seraient pas importants. Comme d’autres collègues, madame la ministre, je suis avec une grande attention le mouvement HLM. Nous signons des documents ensemble, me semble-t-il. Vous souhaitez que nous développions la vente d’HLM ; or vous êtes en train de supprimer l’un des moyens de solvabiliser les familles susceptibles d’acheter leur logement HLM !

M. Olivier Carré. Exactement !

M. Marcel Rogemont. Il se trouve que je préside un organisme HLM.

Mme Audrey Linkenheld. Vous l’avez déjà dit !

M. Marcel Rogemont. En effet, je l’ai déjà dit. Je le répète donc pour la troisième fois : je préside un organisme HLM. (Sourires.) Madame la ministre, vous nous demandez de vendre des logements HLM anciens pour générer du cash en vue de construire de nouveaux logements HLM.

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Marcel Rogemont. Effectivement, madame la ministre, vous pouvez compter sur nous pour construire. Aujourd’hui, nous réalisons un effort de construction que le privé ne fait pas.

M. Jean-Louis Dumont. Un effort sans précédent !

M. François de Rugy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Bien que ce débat soit important, je veux le relativiser un peu et répondre aux arguments de M. Rogemont. En réalité, cela a été extrêmement clair, la discussion porte sur environ 6 000 personnes.

M. Michel Piron. Davantage !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Il faut prendre en compte la disposition prise par le Gouvernement pour relancer le PTZ, y compris dans le logement social – j’y reviendrai un peu plus tard. Effectivement, si les APL « Accession » étaient supprimées – ce qui n’est pas le cas, puisqu’elles demeurent en tant qu’instrument de sécurisation –, une partie de ces personnes auraient du mal à trouver les moyens de solvabiliser leur projet. Pour être très clair, il faut aussi savoir que ces personnes accèdent souvent à la propriété dans des conditions de solvabilité extrêmement limites, parce qu’elles sont à la merci d’accidents personnels.

M. Marcel Rogemont. Bien sûr !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Je veux le dire, parce qu’il faut être honnête. C’est d’ailleurs pour cela qu’un certain nombre de banques ne prennent pas en compte l’APL « Accession » : elles considèrent que cette allocation ne suffit pas à solvabiliser les personnes en question. Je veux être extrêmement précis sur ce point.

Le Gouvernement est très cohérent dans ses propositions : il veut faire du PTZ l’instrument central de l’accession à la propriété, pour les familles modestes comme pour les familles aux revenus moyens. À travers les aménagements du PTZ, la plupart des personnes dont on a parlé trouveront des réponses à leur souhait d’accéder à un logement. Il s’agit, en quelque sorte, de substituer un dispositif à un autre.

Monsieur Rogemont, le PTZ a été assoupli, y compris dans le cadre de la vente du parc social. Le Gouvernement a donc eu le souci de répondre à votre question, qui est tout à fait pertinente.

Mme Audrey Linkenheld et M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas nouveau !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Si, c’est nouveau.

Mme Sylvia Pinel, ministre. L’alignement des plafonds, c’est nouveau !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Je cite l’évaluation préalable de l’article 41 : « En outre, la condition portant sur le prix de vente des logements acquis dans le cadre de la vente du parc social à ses occupants est assouplie par le présent article… » – ce n’était donc pas le cas auparavant – « …afin de ne pas pénaliser les primo-accédants acquérant un logement dont le prix est supérieur au plafond actuellement défini législativement mais inférieur à l’évaluation des Domaines. » L’aménagement du PTZ comporte donc une réponse à la question des organismes sociaux voulant vendre leurs logements.

Il est indéniable qu’une pression s’exerce, notamment de la part des constructeurs pour lesquels j’ai par ailleurs beaucoup de respect. Cependant, il faut rappeler que le PTZ, c’est tout de même 1 milliard de dépenses fiscales ; c’est un instrument massif.

Je comprends qu’on en veuille toujours plus, mais nous sommes là aussi pour nous soucier des finances publiques.

M. le président. Merci, cher collègue.

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. J’ai déposé deux amendements qui visent à assouplir le dispositif et je crois savoir que le Gouvernement est prêt à aller un peu plus loin. Dans ces conditions, le dispositif est assez satisfaisant.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Il me semble légitime qu’un tel sujet suscite la passion.

M. Michel Piron. Et même la raison.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Permettez-moi d’abord de rappeler un certain nombre de points. La France gagne plus de 200 000 habitants par an.

M. Marcel Rogemont. Exact.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’Allemagne en perd environ 200 000.

M. Olivier Carré. Et alors ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Concernant le logement, reconnaissons que le contexte est complètement différent en France et en Allemagne.

M. Marcel Rogemont. Jusque-là, on est d’accord.

M. Olivier Carré. Je ne vois pas le rapport.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Entre les prestations, les dépenses fiscales, les aides diverses et variées, la France consacre aujourd’hui autour de 45 milliards d’euros par an pour soutenir la construction, c’est-à-dire à peu près autant que le budget de l’éducation nationale.

Mesdames, messieurs les députés, Mme la ministre a dressé tout à l’heure à la tribune la liste des mesures nouvelles qui constituent ce qu’on a appelé « le paquet de relance du logement » en termes d’utilité sociale, mais aussi en termes de soutien à un secteur économique qui connaît des difficultés. Ces mesures sont considérables : la TVA à taux réduit, le crédit d’impôt transition énergétique, l’élargissement considérable du PTZ, dont le coût va dépasser le milliard d’euros, contre 600 millions aujourd’hui.

Face à un empilement de mesures, il faut se poser la question de savoir lesquelles on peut supprimer. J’ai ici le mauvais rôle, j’en suis conscient. Si j’additionne les mesures qui ont consisté soit à engager des dépenses nouvelles, soit à renoncer à des économies en cours, nous en sommes actuellement à quelque 800 millions d’euros. À la fin de la discussion budgétaire, cela se traduira par un article d’équilibre qui consistera en une diminution assez uniforme. On parle de rabot final, tous les gouvernements s’y livrent. Le budget du logement sera vraisemblablement touché comme du reste la plupart des autres budgets, et tous les acteurs concernés trouveront cela insupportable.

M. Olivier Carré. Cela ne marchera pas comme ça.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Compte tenu du contexte et du nombre de mesures prises en faveur du secteur du logement – j’en ai cité quelques-unes – il fallait revisiter quelque dispositif. Ce travail qui date de plusieurs mois maintenant a été conduit en relation avec les services du ministère du logement ainsi qu’avec ceux de Bercy, dont j’aimerais qu’on cesse de dire qu’ils sont les seuls à avoir une imagination créative en matière de nouvelles recettes ou d’économies de dépenses. Pardon de m’exprimer avec un peu de passion, mais dès mon arrivée, j’ai passé plusieurs semaines – et mon prédécesseur l’avait fait avant moi – à rencontrer les ministres les uns après les autres pour envisager avec eux, par la concertation, quelles mesures pouvaient être les plus supportables, les plus utiles ou les moins douloureuses.

S’agissant de ce dispositif, dont le nombre d’utilisateurs était en diminution, nous en étions arrivés à la conclusion que pouvait lui être substitué un dispositif qui ne concernerait que le flux et non le stock, monsieur Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Trente mille personnes !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce qui veut dire que les bénéficiaires actuels continueront d’en bénéficier. C’est pourquoi l’économie issue de cette proposition monte en puissance année après année. Nous avons considéré que l’élargissement du PTZ, que chacun a salué, était de nature à permettre l’aménagement du dispositif d’aide à l’accession.

Pour ma part, je suis comptable de l’équilibre budgétaire. Cela va supprimer des recettes de TVA, dites-vous ? Mais nous pouvons tenir ce raisonnement sur tous les sujets. Lorsque l’on a réduit la TVA à 5,5 % pour cette catégorie de logements, on nous a dit que finalement nous y gagnerions. Alors, si c’est ainsi, appliquons-leur une TVA à zéro ! Non, on ne peut pas aller sur cette pente.

Le PTZ élargi va générer un certain nombre de recettes qui viendront en substitution, Christophe Caresche et Mme la ministre l’ont rappelé. Je suis bien sûr respectueux de la décision qui sera celle du Parlement, mais mon rôle me dicte de nous mettre collectivement devant nos responsabilités.

Monsieur le président, au terme du débat qui va certainement s’engager, je vous demanderai une suspension de séance.

M. le président. Il y sera fait droit. Mais auparavant, j’ai plusieurs demandes de parole. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, qui s’était plaint tout à l’heure de ne pas pouvoir s’exprimer.

M. Jean-Louis Dumont. Puisque vous m’y invitez, monsieur le président, j’interviendrai avec plaisir. (Sourires.)

Nos collègues ont parfaitement expliqué les raisons pour lesquelles ils souhaitaient supprimer l’article 52. Je sais qu’après la série d’amendements de suppression, viendront d’autres amendements visant simplement à reporter la mesure.

L’accession dite sociale à la propriété est pratiquée par un certain nombre d’organismes, en particulier les coopératives HLM qui ont lancé une politique de sécurisation en faveur de l’accédant en lui garantissant de conserver l’appartement ou la maison individuelle construits et de passer, après un accident de la vie, du statut de propriétaire au statut de locataire. Cela n’a rien coûté à personne, hormis la responsabilité sociale, sociétale, économique desdits organismes.

Ils l’ont fait aussi dans la vente HLM dont on vient de parler. Cette opération a été d’autant plus une réussite que des promoteurs privés de la maison individuelle sollicitaient des groupes HLM pour pouvoir bénéficier de ce type de convention.

Cet engagement permettait de répondre positivement à une demande d’accession. Telle qu’elle est proposée aujourd’hui, la mesure va, suivant les estimations, empêcher 6 000 à 8 000 accessions à la propriété parmi ceux qui sont les plus fragiles, ceux qui apportent leur force de travail – je pense par exemple à ce mouvement coopératif des Castors, qui existe encore dans l’ouest du pays, particulièrement dans la région du président Le Fur…

M. le président. Je le confirme.

M. Jean-Louis Dumont. Bref, c’est tout cela qui va être remis en cause. Il y a peut-être des mesures transitoires à prendre. On évoque une économie de 19 millions, mais, il n’y a pas si longtemps, à votre place, monsieur le secrétaire d’État, on balayait d’un revers de main 1 milliard de recettes.

M. Olivier Carré. 3,6 milliards !

M. Jean-Louis Dumont. Un milliard contre ici quelques dizaines de millions d’euros !

L’an prochain, le mouvement HLM participera à la gouvernance…

M. le président. Merci de conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. …mais surtout au financement du SNE, le système national d’enregistrement de la demande de logements. Vous savez comment fonctionne l’informatique de l’État ? Je ne vous parlerai pas du ministère de la défense ni même simplement de CHORUS ou de CHORUS FX !

Voulez-vous que je vous parle aussi de l’ANCOLS, l’agence nationale de contrôle du logement social ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Non !

M. Jean-Louis Dumont. J’ai eu l’occasion de dire ce que j’en pensais.

M. le président. Monsieur Dumont, en cette année du centenaire de la Première guerre mondiale, j’ai du mal à couper le micro du député de la Meuse, mais je me dois de faire respecter notre règlement.

Je demanderai aux orateurs suivants de respecter leur temps de parole. La parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. J’avoue que j’ai du mal à comprendre. Cet après-midi, lors de la séance des questions au Gouvernement, et ce soir encore dans vos réponses aux porte-parole des groupes, vous avez parlé, madame la ministre, du plan ambitieux du Gouvernement en faveur du logement et de l’accession.

Pourquoi donc revenir sur les APL « Accession » ?

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Il faut trouver des économies.

Mme Dominique Nachury. Reconnaissons que ce dispositif assure la solvabilité des ménages modestes et leur permet d’obtenir leur prêt. Pour ma part, j’estime qu’il serait particulièrement injuste, en le supprimant, de pénaliser les familles modestes qui veulent accéder à la propriété par rapport aux familles locataires.…

M. Olivier Carré. Au nom de l’idéologie !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vous ai connu plus objectifs !

Mme Dominique Nachury. Ce serait injuste aussi vis-à-vis des familles modestement modestes, si je puis dire. Car au final, on exclura un certain nombre de familles qui se trouvent à la limite des seuils.

M. Thierry Benoit. Elle a raison.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. M. le secrétaire d’État a rappelé qu’il fallait faire des économies. Nous en sommes tous d’accord. D’abord, parce qu’on nous a laissé la France dans un état lamentable… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marcel Rogemont. Il a raison.

M. Patrice Verchère. Et vous, dans quel état, allez-vous la rendre ? Combien de logements construits depuis que vous êtes là ?

M. Jean-Louis Bricout. …et qu’il nous faut bien aller vers l’équilibre des comptes budgétaires.

Ensuite, nous avons fait un effort, sans précédent sous la Ve République, en faveur des entreprises, à hauteur de 41 milliards d’euros. Nous avons décidé de financer des dispositifs pour le bâtiment et améliorer la situation de la construction. Mais s’il s’agit de faire des économies sur le dos des ménages les plus modestes, les ouvriers qui rêvent d’accéder à la propriété, je vous réponds : non, madame la ministre.

D’abord, je ne suis pas certain des économies que l’on en réalisera au final. Ensuite, je suis persuadé que l’on peut trouver d’autres économies. L’une de nos collègues a proposé la mise en place d’un groupe de travail pour réfléchir au dispositif des APL.

Je voudrais rappeler ici que des bailleurs indélicats, des marchands de sommeil profitent de la misère sociale, et augmentent les loyers, justement parce que les APL leur sont directement réglées par les CAF. Il y aurait là beaucoup d’économies à réaliser non seulement s’agissant de l’APL, mais aussi du Fonds de solidarité pour le logement car, de surcroît, ces gens louent parfois des logements dans un état lamentable.

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai.

M. Jean-Louis Bricout. S’il faut faire des économies, faisons-les ailleurs que sur le dos des ménages modestes.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Un tel sujet ne mérite ni polémique ni passion, mais un débat fondé sur la raison. Je souhaiterais répondre à M. Caresche ainsi qu’à M. le secrétaire d’État.

Vous sous-estimez le nombre de ceux qui seront exclus de l’aide à la primo-accession. Cela sera plus que les 6 000 dont vous avez parlé, monsieur Caresche. En outre, il ne s’agit pas, contrairement à ce que vous avez dit, d’un public pour lequel les banques hésitent parce qu’il serait trop fragile. Il s’agit de personnes dont on estime la capacité de remboursement et le taux d’effort entre 2 et 2,5 SMIC. Je vous rappelle enfin que le taux de sinistralité est l’un des plus faibles d’Europe.

La question n’est donc pas celle-là. La question est de ne pas dépasser un certain taux d’effort. De ce point de vue, la plupart des banques prennent en compte l’APL, même si certaines ne veulent pas le faire.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons nous aussi dû faire des économies très brutales. Je rappelle que le PTZ, au cours du dernier budget porté par M. Apparu, était passé de 2,4 milliards à 800 millions. Cela a été très douloureux. Nous avons fait des économies, mais nous n’avons pas fait ces économies-là.

Vous avez évoqué les quelque 45 milliards d’aides au logement. Pourquoi n’avez-vous pas fait référence à une étude récente, menée à l’échelle européenne, et qui indiquait qu’en face des 45 milliards de dépenses en faveur du logement, les rentrées pouvaient être estimées à quelque 60 milliards ?

Pourquoi n’avez-vous pas non plus évoqué une autre étude indiquant que l’on aurait perdu quelque 0,4 % du PIB en raison des pertes dues à la baisse de la construction ? Et je n’insiste pas sur les emplois qui y sont liés.

À partir de chiffres, j’essaie d’introduire un peu de raison dans un débat qui ne mérite ni polémique ni passion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Tout d’abord, je ne confonds pas le stock, soit les 494 000 familles qui émargent à ce dispositif, avec le flux, qui est de l’ordre de 30 000 familles.

Sur ces 30 000 familles, 6 000 n’auront pas accès au logement. En effet, les plafonds applicables respectivement aux prêts sociaux location-accession – ou PSLA – et aux prêts à taux zéro – ou PTZ – ne sont pas exactement les mêmes. Les familles concernées par la mesure envisagée sont parmi les plus modestes. Or, sur une base de 180 000 euros par logement, ces 6 000 familles représentent près de 60 millions d’euros de TVA. Sur les 150 millions d’euros que vous recherchez, un tiers s’explique déjà par le fait que l’on n’accompagnera pas 6 000 familles très modestes.

Vous nous expliquez par ailleurs que des assouplissements sont prévus. Ainsi, l’allocation accession pourrait, dans le cadre des PSLA, n’être attribuée que pendant la période locative : les familles devraient passer par une période de location d’un minimum de six mois à un an avant de devenir propriétaires. On aiderait donc les familles en leur donnant 150 euros par mois pendant six mois ! Ce n’est pas très sérieux. On ne peut pas prétendre…

M. le président. Il faut conclure, cher collègue.

M. Marcel Rogemont. …qu’on assouplit un dispositif avec une aide de 1 500 euros sur un achat d’un montant de 180 000 euros.

Merci, monsieur le président, de m’avoir permis de terminer ma phrase. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Le groupe écologiste votera ces amendements de suppression. Nous sommes en effet attachés à l’accession sociale à la propriété. Pour avoir participé à de nombreux débats sur le logement au cours de cette législature et de la législature précédente, j’ai toujours trouvé désagréable qu’on oppose l’accession à la propriété et la location, ou le locatif privé et le locatif social.

M. Olivier Carré. Il n’y a en effet pas à les opposer.

M. François de Rugy. Le dispositif qui nous est proposé est hybride : l’accession sociale à la propriété. Certains collègues – qui, je l’espère, s’exprimaient bien ici en tant que députés, et non pas au nom d’autres fonctions qu’ils peuvent occuper par ailleurs –…

M. Jean-Louis Dumont. Je suis un militant !

M. François de Rugy. …ont bien expliqué comment les choses peuvent s’imbriquer dans ce qu’on appelle parfois le « parcours résidentiel ». Il importe en effet que les mesures que nous prenons puissent contribuer à débloquer le parcours résidentiel, au lieu de cantonner nos concitoyens à un certain type de logement.

Monsieur le secrétaire d’État, je salue les efforts que vous déployez pour rechercher partout des économies et des recettes – même si, sur ce dernier point, l’imagination de Bercy nous cause parfois quelques soucis. Et vous avez raison d’appeler à la responsabilité.

Mais de fait, de nombreux collègues ont démontré l’effet de levier qu’a ce dispositif pour la construction privée et combien il serait dommageable de s’en priver. Nous voterons donc, je le répète, en faveur de ces amendements de suppression de l’article 52.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, souhaitez-vous que la séance soit suspendue maintenant comme vous l’avez demandé tout à l’heure ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Au risque de relancer le débat, je tiens auparavant à répondre – nous ne sommes pas, après tout, à cinq minutes près.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce serait dommage !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous constatons comme vous, en ce moment, que la construction est en panne. Cependant, comme on ne cesse de me l’expliquer, il faut au moins deux ans pour construire du logement – il faut en effet, et entre autres, obtenir le foncier, les subventions et le permis de construire, et purger les droits de recours.

M. Jean-Louis Dumont. Quand c’est l’État, ça prend dix ans !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les mauvais résultats d’aujourd’hui ne sont pas uniquement imputables à la politique des douze ou vingt-quatre derniers mois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les députés, je vous ai écoutés avec beaucoup d’attention et de respect. Permettez-moi au moins d’exprimer une idée – dont vous penserez ce que vous voudrez. Certains des intervenants qui viennent s’exprimer ont fait preuve par le passé de beaucoup plus d’humilité et de sens de responsabilité.

Nous sommes revenus sur certaines des mesures que vous aviez prises, comme l’allongement de la durée d’amortissement des plus-values immobilières, ou d’autres dispositions relatives à la fiscalité ou aux charges sociales. Lorsque nous proposons, après avoir élargi tous les autres, l’aménagement d’un seul dispositif, nous accuser de ne pas mener une politique volontariste, courageuse et sociale, c’est un peu fort de café !

Monsieur le président, je réitère ma demande d’une suspension de séance de cinq minutes.

M. le président. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. J’ai choisi jusque-là, dans ce débat sur l’article 52, d’écouter mes collègues – je m’étais déjà exprimé, comme d’autres et c’est bien normal, dans le cadre de la commission élargie. Je suis satisfait que beaucoup de collègues se mobilisent cet après-midi sur les questions de logement, de manière sans doute complètement spontanée – mais c’est le droit de tous !

Nous avons évidemment une différence entre nous sur ces questions de logement. Vous, vous défendez depuis des années une conception du logement qui est le « tous propriétaires ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Sordi. Nous n’avons jamais dit ça !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Laissez-moi terminer, s’il vous plaît ! Moi, je vous ai tous écoutés !

Nous, nous défendons depuis des années une conception du logement qui vise à ce que chacun soit logé. J’aimerais que vous soyez toutes et tous mobilisés, chers collègues, pour permettre à l’ensemble de nos concitoyens de trouver un logement.

M. Julien Aubert. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Il ne s’agit pas d’un rappel au règlement !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Je n’ai pas dit que c’était un rappel au règlement : j’interviens en tant que rapporteur pour avis. Mais il est vrai que vous venez seulement d’arriver dans le débat, cher collègue !

M. Julien Aubert. Non, j’étais déjà présent !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Vous n’avez donc pas suivi !

M. Julien Aubert. Si, mais vous êtes sinueux !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Non, je ne suis pas sinueux : je voudrais simplement aller jusqu’au bout de mon propos !

Nous, nous voulons que tous ceux qui sont en attente d’un logement dans ce pays puissent être logés. Nous défendons ceux qui souhaitent se loger dans le logement social et y son éligibles, ceux qui souhaitent se loger dans le logement locatif libre s’ils en ont la capacité, tout comme celles et ceux qui souhaitent accéder à la propriété.

J’ai entendu les débats entre les uns et les autres sur cet article 52, lequel propose non pas la suppression de l’APL « Accession », mais sa transformation en vue de sécuriser l’accession. Mais j’ai entendu également les contraintes qui sont celles du ministre du budget.

M. Olivier Carré. Mais non ! Il faut arrêter avec ça !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Je le précise pour ceux sur les bancs de cet hémicycle qui proposent 100 milliards d’euros d’économies dans le budget sans dire comment cela se traduirait dans le budget du logement – ce dont ils seraient d’ailleurs bien incapables !

Chacun ayant constaté les différences d’appréciation qui traversent l’ensemble des groupes, et puisque nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a un problème avec les aides au logement dans notre pays – elles représentent environ un coût de 18 milliards d’euros : 1 milliard pour les aides à l’accession et 17 milliards pour les aides au logement locatif –, je propose donc à l’ensemble de l’hémicycle de suivre la proposition faite tout à l’heure par Jacqueline Maquet. Donnons-nous l’année 2015 pour étudier très précisément comment nous pouvons budgétairement contenir une progression, tout en tenant compte de la réalité de l’accès au logement…

M. le président. Merci de conclure !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. J’en termine par la proposition que je souhaite faire, si vous me le permettez, monsieur le président, car elle peut débloquer la situation.

M. le président. Vous auriez pu commencer par cela !

M. Julien Aubert. C’est long !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. La proposition que je fais à l’ensemble de l’hémicycle,…

M. Julien Aubert. Ah, enfin !

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. …c’est de considérer favorablement les amendements qui ont été déposés de part et d’autre de l’hémicycle, visant à reporter l’application de la mesure de l’article 52 d’une année, de 2015 à 2016. Ainsi, en 2015, l’article tel qu’il est rédigé ne s’appliquerait pas, nous permettant d’entamer un vrai travail de fond sur les aides au logement tant en accession que dans le locatif. Telle est la proposition que je voulais faire, monsieur le président.

M. Christophe Borgel. Le rapporteur pour avis est d’une grande sagesse !

M. Julien Aubert. Ça valait le coup d’attendre ! On a bien fait de rester !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le débat a eu lieu ; le Gouvernement a dit sa volonté de travailler mais aussi sa volonté de garder un équilibre financier – pardon de le rappeler, mais c’est aussi mon rôle et ma responsabilité ! Le Gouvernement sera donc favorable à l’amendement n423 de M. Rogemont, tendant à reporter d’un an l’application de cette mesure. Cela nous donnera le temps d’y travailler et de proposer le cas échéant d’autres compensations permettant de conserver le dispositif, si le Parlement le trouve plus utile que le prêt à taux zéro, par exemple, ces deux dispositifs étant en balance.

Je vous propose donc de conserver l’article 52 tout en reportant son application à 2016 en adoptant l’amendement de M. Rogemont et de quelques-uns de ses collègues – je crois que M. Piron a déposé un amendement identique.

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Si, au sein du groupe SRC, nous entendons les propos de Daniel Goldberg, nous entendons également la préoccupation du ministre. Nous sommes d’accord pour prendre une année pour réfléchir : ne mettons pas ce dispositif en application dès maintenant, réfléchissons une année et voyons, lors du prochain projet de loi de finances, quelle disposition nous pourrons adopter pour faire éventuellement des économies et répondre ainsi à la question.

En d’autres termes, je propose de retirer l’amendement n428 et, si d’aventure des amendements comparables au mien étaient mis au vote, de les rejeter pour adopter l’amendement n423, identique d’ailleurs à l’amendement n382 de M. Piron, et visant à reporter d’un an une telle décision. Je pense que cette mesure peut nous rassembler les uns et les autres puisque nous avons la même préoccupation et que tous les propos qui ont été tenus avaient le même objet. Nous sommes les uns et les autres attentifs à la dépense, mais aussi attentifs aux différentes situations des familles.

(L’amendement n428 est retiré.)

Mme Audrey Linkenheld. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. À ce stade, j’observe que l’article dont mes collègues souhaitaient la suppression sera voté. Cela confirme ce que nous disions tout à l’heure : au-delà de l’aspect technique, on fait la différence entre des Français qui ont les mêmes niveaux de revenus, a priori modestes.

M. Marcel Rogemont. Non, ce n’est pas ce que je propose !

M. Olivier Carré. Ainsi, ceux qui auront choisi la location percevront cette aide tandis que ceux qui, avec le même niveau de revenus, auront choisi de devenir propriétaires, ne recevront aucune aide ! Aucune aide !

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

M. Olivier Carré. Ils n’auront pas d’aide ! J’entends bien que la disposition est reportée à 2016, nous sommes bien d’accord, mais les amendements de suppression n’éteignaient pas nécessairement le débat ! On a entendu un certain nombre de choses, on a vu qu’il fallait travailler – et à mon avis, il ne faudrait pas se limiter au seul aspect accession s’agissant de l’APL.

M. Jean-Louis Dumont. Tout à fait.

M. Olivier Carré. C’est donc un chantier énorme, portant sur les fameux 17 milliards.

Cela étant dit, la loi une fois votée rendra cette disposition applicable à partir du 1er janvier 2016. De ce fait, quels que soient les résultats de nos débats, nous devrons en repasser par un nouveau débat !

M. Jean-Louis Dumont. Le Sénat va travailler sur cet article !

M. Olivier Carré. Les amendements de suppression amenaient une clarification de ce point de vue puisque le Parlement restait en éveil, devait travailler et proposer au Gouvernement un certain nombre d’évolutions. J’observe qu’une partie de la majorité revient sur les dispositions qu’elle portait initialement, tandis que l’autre confirme la position du Gouvernement. Pour notre part, nous le regrettons profondément car cela envoie un mauvais signal aux classes les plus populaires. Souvenez-vous de celui que vous avez envoyé le jour où vous avez considéré que les heures supplémentaires devaient être refiscalisées : c’est le même type de signal que vous envoyez aujourd’hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez une vision idéologique des propriétaires et des locataires, alors qu’il s’agit de Français égaux ! Ce n’est pas admissible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est de la politique politicienne !

M. le président. Sur les amendements de suppression nos 284 et 383, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Je vois bien que dans ce débat, il y a aussi la manière de dire les choses ! Monsieur le rapporteur pour avis, je n’ai pas apprécié la manière polémique dont vous avez caricaturé les positions de la minorité ou de certains députés. En effet, nous n’avons jamais été des partisans du « tous propriétaires » ! Ce n’est pas de cette manière que l’on fait avancer raisonnablement le débat et, très franchement, ce genre de procès d’intention totalement gratuit ne me semble pas le mieux venu !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous n’étiez pas visé, monsieur Piron !

M. Michel Piron. Je vous ai quand même bien entendu ! Je n’ai jamais parlé ici du « tous propriétaires » !

Pour en revenir au sujet, si j’ai bien compris, on renonce à la suppression de l’article et on maintient par conséquent les aides en l’état pendant un an. Mais soyons clairs : vous avez dit qu’un travail sera réalisé pendant cette période, sans préjuger de la suppression des aides, telle qu’elle est envisagée aujourd’hui.

Je demande donc que ce travail que vous évoquez fasse l’objet d’un rapport, même succinct, qui pourrait être réalisé en trois mois, un rapport transpartisan, de manière à parvenir à des évaluations permettant de savoir si l’on parle de 6 000 ou de 10 000 logements neufs, de quel décile de primo-accédants, de quelle perte de recettes et de quelles économies on parle. Bref, ce travail peut se faire en trois mois, mais je demande qu’il soit transpartisan et j’insiste sur ce point, afin que nous puissions disposer de bases de discussion ne prêtant pas à contestation, ou le moins possible.

M. Serge Janquin et Mme Jacqueline Maquet. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements de suppression nos 284 et 383.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants54
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption20
contre33

(Les amendements identiques nos 284 et 383 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous pouvons donc considérer que les amendements identiques nos 382 et 423 ont été défendus et que le débat a eu lieu.

(Les amendements nos 382 et 423, acceptés par la commission et le Gouvernement, sont adoptés.)

M. le président. Après le long débat qui a eu lieu et le vote des amendements précédents tendant à un report de la mesure, on peut considérer que l’ensemble des amendements et sous-amendements suivants est retiré.

En est-ce bien ainsi de l’amendement n398 de la commission des finances ?

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Le sous-amendement n574 du Gouvernement n’a donc plus d’objet et est retiré également.

(Le sous-amendement n574 est retiré.)

(L’amendement n398 est retiré.)

M. le président. L’amendement n399 de la commission des finances est lui aussi retiré.

M. Christophe Caresche, rapporteur. Exactement.

M. le président. Le sous-amendement n573 du Gouvernement n’a donc plus d’objet.

L’amendement identique n° 349 de la commission des affaires économiques est retiré également ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Tout à fait.

(Le sous-amendement n573 est retiré.)

(Les amendements identiques nos 399 et 349 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Je voudrais dire à Michel Piron que je suis favorable à sa proposition, et je suis sûr que mes collègues de la majorité le sont aussi. Je pense en outre, même si je ne peux pas parler au nom du Gouvernement, que Mme la ministre et M. le secrétaire d’État sont totalement d’accord pour que nous travaillions ensemble, non seulement sur la question de l’APL « Accession », mais sur le sujet des APL locatives en général, notamment sur les effets à la hausse que certaines aides au logement sont susceptibles de provoquer. Je pense que c’est une proposition qui peut tous nous rassembler, du moins tous ceux qui sont encore dans cet hémicycle.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’entends la proposition de M. le rapporteur pour avis, et je connais la bonne foi légendaire de M. Piron quand il se met à travailler sur un dossier.

En tant que président de la commission des affaires économiques, je m’engage à mettre en place dès la semaine prochaine un groupe de travail spécifiquement consacré à ce sujet, réunissant les députés de tous les groupes qui souhaiteraient de bonne foi travailler sur cette question. Vous transmettrez le message à vos collègues de la commission des affaires économiques, dont j’imagine que certains sont prêts à s’associer à cette démarche.

(L’article 52, amendé, est adopté.)

Article 53

(L’article 53 est adopté.)

Article 54

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l’amendement n79.

M. Marcel Rogemont. Je souhaiterais appeler l’attention de l’ensemble de mes collègues sur un article qui vise à faire passer un prélèvement sur les organismes HLM de 70 à 120 millions d’euros afin de compenser la baisse du plafond de la taxe sur les plus-values immobilières.

Cela signifie qu’on s’apprête à donner de l’argent à ceux qui réalisent des plus-values immobilières et, pour compenser cette perte de recettes, à en prendre à ceux qui habitent les logements HLM, c’est-à-dire les familles modestes.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur le fait que la caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS contribue déjà au financement de l’Agence nationale de rénovation urbaine, l’ANRU, à hauteur de 100 millions d’euros et concourt à hauteur d’environ 250 à 280 millions d’euros à la mutualisation.

Vous avez annoncé récemment, madame la ministre, que sur trois ans un milliard d’euros serait consacré notamment à la réhabilitation, soit 300 millions d’euros par an, qui permettront notamment de créer de « super PLAI » – on ne peut que s’en féliciter puisque les familles qui seront logés dans ces logements toucherons une allocation logement moindre puisque le montant de leur loyer sera inférieur.

Et voilà que vous proposez de prélever 50 millions supplémentaires sur les organismes HLM.

Cela signifie que sous le prétexte d’une mutualisation qui n’existe pas toujours – c’est précisément cela qui est regrettable – vous prélevez pratiquement un milliard sur l’ensemble des organismes HLM. Personnellement, madame et monsieur les ministres, je trouve que c’est beaucoup demander à des familles modestes.

Je suis cependant tout à fait favorable aux dispositifs de mutualisation, qui permettent que cet argent bénéficie au monde du logement social.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Si vous faites la somme des aides au bénéfice du logement social proposées dans ce projet de loi de finances, vous constaterez que ce secteur a droit à un soutien important, sans compter les mesures adoptées par voie d’amendement, telles celles prolongeant certaines exonérations.

Le problème à mon avis n’est pas tant désormais de financer que de construire les 150 000 logements sociaux prévus.

Quant à la CGLLS, caisse dont la mission est de garantir les prêts dans le domaine du logement social, elle dispose aujourd’hui de liquidités abondantes.

M. Marcel Rogemont. Vous savez pourquoi !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. En effet.

M. Jean-Louis Dumont. C’est une manipulation du Trésor !

M. le président. Monsieur Dumont, vous n’avez pas encore la parole ! Monsieur Caresche, poursuivez !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. D’innombrables rapports ont été réalisés sur la CGLLS, dont un de la Cour des comptes, qui établissent l’existence de liquidités importantes.

Il est normal, en particulier dans un contexte budgétaire tendu, que le Gouvernement puisse envisager d’affecter une partie de ces liquidités à la construction de logements sociaux. Ce n’est pas là remettre en cause les missions de la CGLLS.

M. Jean-Louis Dumont. Sa mission est de garantir, pas de construire !

M. Christophe Caresche, rapporteur spécial. Ne faites pas celui qui ignore quelle est la situation, monsieur Dumont. Il est normal qu’une part des liquidités dont la CGLLS dispose au titre de sa mission de garantie des prêts réglementés soit utilisée au lieu de dormir dans je ne sais quels placements.

La proposition du Gouvernement est juste en ce qu’elle permet de mobiliser des fonds supplémentaires au bénéfice de la construction de logements sociaux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Au risque de décevoir mes amis Rogemont et Dumont, je ne soutiendrai pas leur amendement.

Je voudrais cependant rappeler au Gouvernement les termes du débat sur le fonds de péréquation et les modalités de financement de la CGLLS auquel a donné lieu l’examen de l’article 15 du PLF. Comme vous le savez, la CGLLS bénéficie via ce fonds du produit de la taxe sur les plus-values immobilières supérieures à 50 000 euros. Ce PLF propose de porter la contribution issue de cette taxe de 79 à 45 millions d’euros, si je me souviens bien.

Vous m’aviez dit à cette occasion, monsieur le secrétaire d’État, que le montant des ressources qui alimentent ce fonds de péréquation ne dépasserait pas les 45 millions d’euros en 2014 et en 2015. À mon avis, ce n’est pas certain, puisqu’on peut espérer une augmentation des plus-values immobilières du fait des mesures de ce PLF.

M. le président. Merci…

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Ma proposition est simple : agissons de concert pour qu’en 2015, si jamais ce plafond de 45 millions d’euros était dépassé, il puisse y avoir une clause de revoyure.

M. le président. Merci, monsieur Goldberg.

M. Daniel Goldberg, rapporteur pour avis. Dernier point, et je m’arrêterai là, monsieur le président. Je souhaiterais en tant que rapporteur pour avis, que cette proposition de ponction sur les réserves de la CGLLS sorte du cadre de ce débat budgétaire et qu’il en soit débattu entre le mouvement du logement social et l’État dans le cadre de l’Agenda HLM.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Sylvia Pinel, ministre. Je vais mon tour de vous décevoir, monsieur le président Dumont et monsieur Rogemont, vous qui êtes particulièrement impliqués dans ce dossier.

Vous proposez de supprimer l’article qui accroît de 50 millions d’euros les recettes du fonds de péréquation géré par la caisse de garantie du logement locatif social.

Je tiens tout d’abord à vous rassurer, monsieur le président, quant à la volonté du Gouvernement d’appliquer la convention d’objectifs et de moyens signé le 8 juillet 2013, engagement réaffirmé dans l’Agenda HLM, que nous avons signé lors du Congrès qui s’est tenu à Lyon en septembre dernier.

Cette mesure vise justement à conforter le financement de la construction de nouveaux logements sociaux, alors même que le contexte budgétaire exclut le financement de ces besoins supplémentaires par le budget de l’État. Les aides à la pierre destinées à subventionner les opérations en zones tendues ou à faibles loyers pourront ainsi être maintenues à un niveau élevé – 400 millions d’euros en 2015.

Par ailleurs, vous suggérez de relever le montant de la taxe sur les plus-values immobilières affectée à la CGLLS, mais sa prévision de rendement pour 2015 ne permettra pas de générer 50 millions d’euros de recettes supplémentaires.

Enfin ces recettes supplémentaires, visant à financer la construction d’un plus grand nombre de logements sociaux, profiteront en dernier ressort aux organismes HLM les plus actifs. En définitive, monsieur le président Dumont, l’argent du logement social reviendra au logement social.

Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Mon opposition à cet article est motivée par le fait que ce fonds de péréquation permet au Gouvernement et à son administration de faire ce qu’il veut de cet argent, sans aucune transparence, sans aucune lisibilité et sans devoir rendre le moindre compte.

J’ai moi-même proposé que l’on mobilise les réserves de la CGLLS, par exemple, pour financer l’élection des représentants des locataires ou pour financer le diagnostic amiante : on me l’a à chaque fois refusé. Que ceux qui ont pris la décision de refuser que ces moyens financent les diagnostics amiante le disent haut et fort !

De l’argent de la CGLLS est déjà mobilisé. Ainsi, j’avais pris engagements pour que 100 millions d’euros servent à financer le nouveau programme de renouvellement urbain. Si on veut débloquer certaines situations, il faudra peut-être garantir la construction dans les grands groupes. Je sais que ça demanderait beaucoup plus d’argent.

Si faute de cet argent que vous lui prenez, la CGLLS ne peut pas garantir certaines opérations de construction de logement social, les communes feront défaut à leur tour et il faudra alors avoir recours à des assurances privées, beaucoup plus onéreuses, ce qui augmentera le coût de ces opérations.

M. le président. Concluez, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. J’en termine. J’ai appris ce qui s’est passé hier au conseil d’administration de la caisse. Cela sera dénoncé par M. Cacheux, le président du conseil d’administration, et j’adresserai un courrier au ministre à ce sujet.

Vous devez faire preuve de transparence et de responsabilité, vis-à-vis, non seulement des parlementaires, mais aussi des responsables de la CGLLS.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez eu raison de rappeler le rapport de la Cour des comptes, qui a dénoncé la gestion de l’administration, tout simplement !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n79.

M. Jean-Louis Dumont. Je voulais dire…

M. le président. Non, nous en sommes au vote.

(L’amendement n79 n’est pas adopté.)

(L’article 54 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Égalité des territoires et logement ».

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2015 : mission « Économie ; Accords monétaires internationaux (compte spécial) ; Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés (compte spécial) ».

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly