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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du vendredi 30 janvier 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Croissance, activité et égalité des chances économiques

Discussion des articles (suite)

Article 9 (suite)

Amendement no 1805 rectifié

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Amendements nos 1806 , 3162 rectifié

M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale

Amendements nos 515 , 3163 , 3164 , 1811 deuxième rectification , 3200 (sous-amendement) , 3220 (sous-amendement) , 3226 (sous-amendement)

M. Alain Tourret, rapporteur thématique de la commission spéciale

Amendements nos 2185 rectifié , 3165 , 3121 , 3018 rectifié , 3122 , 1550

M. François Brottes, président de la commission spéciale

Après l’article 9

Amendements nos 1661 , 2933 , 1836 , 8 , 1662

Article 9 bis

Amendements nos 914 , 2681 , 3224 , 3229 , 1101

Après l’article 9 bis

Amendement no 1660

Article 9 ter

Amendements nos 916 , 3120, 3014

Après l’article 9 ter

Amendements nos 1247, 2279, 1244, 1245, 1246

Suspension et reprise de la séance

Avant l’article 10

Amendement no 1443

Suspension et reprise de la séance

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1681 , 3185, 3186 (sous-amendements) , 3228 deuxième rectification (sous-amendement) , 3187, 3188 (sous-amendements) , 336 rectifié , 3189 (sous-amendement) , 3190 (sous-amendement) , 1104 rectifié , 1112 , 337 , 1107 , 2315 , 2342 rectifié , 1656 , 1657 , 1145 , 1147 , 1148 , 2440

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 2139 , 2138

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

Article 10

Mme Véronique Louwagie

M. Jean-Pierre Door

M. Jean-Pierre Vigier

M. Gilles Lurton

M. Jacques Myard

M. Jacques Lamblin

Amendements nos 972 , 1954 , 1296

Article 10 bis

Après l’article 10 bis

Amendements nos 1381 , 1957

Article 10 ter

Amendement no 2289

Après l’article 10 ter

Amendements nos 1963 , 1603 , 3191, 3192 (sous-amendements) , 2639 , 1839 , 1547 , 426

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de treize heures et neuf minutes pour le groupe SRC, dont 645 amendements sont en discussion ; seize heures et vingt minutes pour le groupe UMP, dont 1 355 amendements sont en discussion ; trois heures et cinquante-sept minutes pour le groupe UDI, dont 145 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt-deux minutes pour le groupe RRDP, dont 80 amendements sont en discussion ; deux heures et douze minutes pour le groupe écologiste, dont 161 amendements sont en discussion ; deux heures et vingt-huit minutes pour le groupe GDR, dont 128 amendements sont en discussion, et quarante-quatre minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n1805 rectifié, à l’article 9.

Article 9 (suite)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n1805 rectifié.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Avis favorable.

(L’amendement n1805 rectifié est adopté.)

M. le président. L’amendement n1806 de M. Richard Ferrand, rapporteur général, est rédactionnel.

(L’amendement n1806, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n3162 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à revenir à la formulation initiale de l’article 9, qui nous semble correspondre davantage à certains engagements pris auprès des professionnels. Par ailleurs, même si cela n’est pas mentionné explicitement dans l’exposé des motifs, la rédaction de l’alinéa 10 que nous proposons est un peu moins léonine et intrusive que la formulation actuelle.

En effet, il est proposé de substituer à la phrase « l’autorité administrative a accès aux locaux de l’organisateur agréé », qui s’entend sans aucune restriction ni limite – même si le décret ou la circulaire pourrait venir en atténuer la rudesse – une rédaction qui manifeste davantage l’engagement conjoint des autorités administratives et des organismes agréés accueillant l’organisation des examens.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour donner l’avis de la commission.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique de la commission spéciale. Avis favorable. Je ne vois pas d’inconvénient à cette formulation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La modification ayant été apportée en commission spéciale, j’exprimerai un avis de sagesse.

(L’amendement n3162 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n515.

M. Patrick Hetzel. L’article 9 prévoit d’externaliser certaines épreuves du permis de conduire en les confiant à des organismes agréés qui, selon les termes de l’alinéa 7, devront présenter des garanties en termes de compétence, d’impartialité et d’indépendance à l’égard des personnes qui délivrent ou commercialisent des prestations d’enseignement de la conduite. Il impose également aux examinateurs de présenter certaines garanties mais, dans son alinéa 11, il ne fait pas mention de l’indépendance envers les personnes qui enseignent la conduite.

Cet amendement vise donc à retoucher l’alinéa 11 afin de prévoir, par parallélisme, des garanties identiques pour les examinateurs et les organismes agréés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable. C’est un amendement de précision bienvenu.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n515 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n3163.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. La rédaction précédente me semblait plus précise.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. La commission spéciale avait précisé ce point. Je m’en remets à elle mais je donne un avis de sagesse, sur un point qui n’est pas essentiel.

(L’amendement n3163 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n3164.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

(L’amendement n3164, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1811 deuxième rectification, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement détaille les différents types d’apprentissage de la conduite accompagnée – anticipée, supervisée, encadrée et libre. Il est très important en tant qu’il permet l’apprentissage anticipé de la conduite à partir de 15 ans. Après une évaluation de l’école de conduite, le postulant pourra passer à la conduite supervisée sans prendre des cours supplémentaires, très coûteux.

Par ailleurs, l’amendement lève les conditions de seuils kilométriques, qui étaient plutôt restrictives. Juridiquement, il est donc bien plus précis que les dispositions précédentes. Il permet également de limiter les coûts d’une deuxième ou troisième présentation à l’examen du permis de conduire.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n3200.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cet amendement est rédactionnel.

M. le président. Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 3220 et 3226.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir le sous-amendement n3220.

M. Jean-Yves Caullet. Ce sous-amendement supprime la durée minimale de formation obligatoire avant de présenter un candidat, afin d’éviter un défaut de transparence dans la tarification entre l’apprentissage obligatoire et les éventuels cours supplémentaires.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique de la commission spéciale, pour soutenir le sous-amendement n3226.

M. Alain Tourret, rapporteur thématique de la commission spéciale. Une conduite sûre suppose l’acquisition d’un niveau de compétences, défini par l’autorité administrative dans le respect du cadre communautaire, et validé par les épreuves du permis de conduire.

Toutefois, la définition d’un nombre minimum d’heures de formation pratique pour la catégorie B s’est avérée contre-productive, notamment parce qu’elle laisse penser à l’élève qu’il est nécessairement prêt au bout de vingt heures de formation, alors que la moyenne est plutôt de trente-cinq heures.

Ce sous-amendement a donc pour objet de supprimer la notion de durée minimale de formation, à l’exception de l’apprentissage anticipé de la conduite, défini à l’article L. 211-3. Le nombre prévisionnel d’heures de formation pratique sera alors déterminé par un entretien préalable, conformément à la disposition inscrite en ce sens dans le code de la route. Un bilan sera établi au terme de cette formation, permettant la délivrance d’une attestation de fin de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois sous-amendements ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements identiques ainsi que sur l’amendement n1811 deuxième rectification ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(Le sous-amendement n3200 et les sous-amendements identiques nos 3220 et 3226 sont successivement adoptés.)

(L’amendement n1811 deuxième rectification, ainsi sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir l’amendement n2185 rectifié.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet important amendement, suggéré par Dominique Potier, vise à délivrer une attestation provisoire aux personnes ayant achevé une formation pour conduire des scooters, en attendant la délivrance de leur permis. Pouvoir se déplacer en scooter sans délai est essentiel pour les publics en insertion et les jeunes, qui n’ont pas les moyens ou l’intention d’accéder immédiatement au permis de conduire automobile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

(L’amendement n2185 rectifié est adopté.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très belle avancée !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n3165.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai déjà eu l’occasion de dire au début de débat sur ce sujet que la suite d’amendements que nous avons déposés à cet article vise à en rétablir la version initiale, puisque des discussions sont en cours – et ce depuis plus d’un an – entre les professionnels et le ministère de l’intérieur.

La commission a adopté les alinéas dont je propose la suppression par cet amendement, alinéas qui concernent l’affichage des résultats de chacun des auto-écoles par souci de transparence. Tout dans la vie doit avoir des limites, même la transparence, mais en l’occurrence, personne ne peut s’opposer à ce que les auto-écoles publient leurs résultats selon certaines modalités. Les hôpitaux et les lycées n’en font-ils pas autant ? Dès lors qu’il s’agit d’un centre d’examens, il n’est pas incohérent que l’on puisse savoir à qui l’on s’adresse quand on souhaite recourir à ce type de services.

Je ne remets donc pas en cause cette disposition sur le fond, encore que les modalités de publication mériteraient d’être précisées bien davantage que ne le fait la rédaction actuelle du texte. C’est plutôt la méthode que nous contestons et sur laquelle nous voulons appeler votre attention. Elle consiste à prendre d’ores et déjà des dispositions sur un sujet qui engage les professionnels – car il faut penser à eux – et alors que les discussions ne sont pas encore achevées. Cela semble prématuré. Affirmer une volonté de transparence en prévoyant l’affichage des résultats est une chose, mais je ne vois pas comment de telles mesures pourraient être prises dès maintenant compte tenu de leur caractère définitif – même si la navette fera son œuvre.

Cette question de forme vaut également pour les alinéas suivants, qui font l’objet de notre prochain amendement. Vous comprendrez donc que, sur cet article 9, notre groupe éprouve une forme de scepticisme, pour ne pas dire davantage.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis d’accord avec vous, monsieur Poisson, pour ce qui concerne l’alinéa 21, que la commission spéciale a voté pour imposer une obligation de transparence des résultats des écoles de conduite. Je conviens que la formulation retenue est un peu rude et peut entraîner des effets pervers, notamment le fait de laisser de côté les structures qui semblent le mieux à même de produire de bons résultats, un affichage pouvant en effet être perçu comme une sorte de tableau d’honneur des écoles de conduite.

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. C’est la raison pour laquelle nous défendrons l’amendement n3018 qui permettra de reformuler intégralement cet alinéa.

D’autre part, la commission a adopté un excellent amendement de M. Brottes qui vise à ce que soient organisées des épreuves dans les locaux scolaires mis à disposition – outre que la loi prévoit d’ores et déjà que le code de la route soit enseigné à l’école. L’alinéa correspondant doit donc être maintenu.

C’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement au profit de l’amendement n3018, monsieur le député, faute de quoi nous voterons contre. Vous émettez deux objections ; je n’en partage qu’une seule et elle est essentielle. L’amendement n3018 traitera précisément de cette question du benchmarking des auto-écoles.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis pour les mêmes raisons. La précision rédactionnelle qu’apporteront par amendement MM. les rapporteurs est de nature à clarifier les points soulevés par M. Poisson. D’autre part, j’insiste sur le fait que les groupes de travail que le ministre de l’intérieur a animés à l’automne avec les professionnels se sont bien concertés sur ces points, notamment la question de la démarche de qualité.

(L’amendement n3165 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n3121.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je l’ai déjà défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Mêmes causes, mêmes effets : avis défavorable.

(L’amendement n3121, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3018 rectifié.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. À une publication des résultats – M. Poisson a raison – quelque peu brute de fonderie, nous substituons par cet amendement important la demande qui sera faite à l’ensemble des écoles de conduite d’alimenter le comité d’apprentissage de la route, le CAR…

M. Jean-Frédéric Poisson. Encore une histoire de car ! Vous en faites une obsession ! (Sourires.)

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. …avec les données dont dispose chacune d’entre elles concernant les effectifs inscrits, les réussites en premier et en deuxième passage, ainsi que les délais d’obtention. Une fois ces données remontées, le CAR pourra établir un tableau de bord national, éventuellement départementalisé, qui satisfera l’engagement du ministre consistant à ce que vous soyez informés des délais.

C’est donc une disposition très importante qui produira un appareil statistique d’une parfaite transparence et d’une grande finesse. Il ne s’agit pas d’exiger la naissance d’un monstre statistique, mais simplement que chaque auto-école fournisse au comité sept à huit données permettant de mettre au point un tableau de bord national très fin grâce auquel la représentation nationale, notamment, pourra suivre l’évolution de la résorption des difficultés liées au permis de conduire, qui est l’objet du présent article.

(L’amendement n3018 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et les amendements nos 1452, 3113 et 3117 tombent.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n3122.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable : cet amendement vise à supprimer des dispositions adoptées en commission sur lesquelles il n’y a pas lieu de revenir.

(L’amendement n3122, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n1550.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Adopté en commission, cet amendement permet, en accord avec les conseillers régionaux, d’organiser dans les locaux de l’éducation nationale l’examen théorique de l’épreuve du code de la route au lycée et ailleurs, puisque tous les jeunes ne sont pas lycéens.

Je précise simplement que le début de l’alinéa serait ainsi rédigé : « La préparation et la passation de l’épreuve… ». Or, la notion de préparation est ici superfétatoire, puisque l’article L. 312-13 du code de l’éducation rend déjà obligatoire l’enseignement du code de la route dans les programmes d’enseignement des premier et second degrés. Je propose donc de corriger ma propre prose, si je puis dire, en me contentant de viser « la passation de l’épreuve théorique du permis de conduire ».

(L’amendement n1550, tel qu’il vient d’être rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je précise, monsieur le président, que sur cet article, le groupe UMP s’abstiendra. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(L’article 9, amendé, est adopté.)

Après l’article 9

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 9.

La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n1661.

M. Patrick Hetzel. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable : nous n’avons aucun élément permettant d’apprécier la portée de ce cavalier venu du diable Vauvert, qui ne cite aucune des jurisprudences dont il prétend qu’elles sont en conflit.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable pour les mêmes raisons. Je comprends l’intention poursuivie par cet amendement mais, comme l’a justement expliqué M. le rapporteur, nous ne disposons pas des éléments permettant de la caractériser.

(L’amendement n1661 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2933.

M. Alain Tourret, rapporteur thématique. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’information par voie d’affichage dans les auto-écoles sur le taux de réussite au permis de conduire et sur le nombre d’heures moyen nécessaire à son d’obtention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je vous propose de le retirer car nous venons d’adopter un amendement presque identique, dans la mesure où le taux de réussite pourra être constaté dans le tableau statistique découlant des données demandées aux écoles de conduite. Cet amendement est donc parfaitement redondant.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique.

M. Alain Tourret, rapporteur thématique. Je retire l’amendement.

(L’amendement n2933 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n1836.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement a un double objectif. Tout d’abord, il vise à interdire aux auto-écoles de prélever des frais de présentation aux examens, qui oscillent aujourd’hui entre 60 et 130 euros pour le code et entre 90 et 190 euros pour la conduite. D’autre part, il vise à réglementer les tarifs d’accompagnement à l’examen du permis de conduire afin d’éviter toute dérive coûteuse.

En réalité, il s’agit d’un amendement d’encadrement de ce que l’on appelait jadis les frais de présentation, lesquels sont désormais interdits. En effet, une grande confusion a été introduite dans l’esprit du public, qui croit que la présentation à l’examen est un acte payant. Au contraire : c’est gratuit. L’examen est un service public universel – je pourrais faire une conférence doctorale sur ce sujet, mais n’épiloguons point.

M. Julien Aubert. Vous ne pouvez pas épiloguer alors que votre conférence n’a pas même commencé…

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Nous tenons à ce que l’examen soit gratuit – c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous pensons que l’externalisation telle qu’elle était souhaitée par M. Fromantin n’est pas souhaitable. Il s’agit aussi d’encadrer les frais de présentation, qui sont très inégaux selon les endroits.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis très favorable. Cet amendement participe de la logique de la réforme que j’expliquais plus tôt, qui consiste à créer davantage de transparence et de pression sur la baisse des prix sur toute la chaîne, de la formation à la présentation puis au passage de l’examen.

(L’amendement n1836 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n8.

M. Frédéric Lefebvre. Par cet amendement, monsieur le ministre, je voudrais aborder la question – que j’ai déjà soulevée avec votre collègue ministre de l’intérieur – de la situation de nos compatriotes qui sont installés hors de France et qui se heurtent à de nombreux problèmes dans leurs démarches de renouvellement du permis de conduire français ou international, car il n’est pas tenu compte de leurs spécificités. Je cosigne cet amendement avec M. Mariani, notamment.

Je tiens à vous lire le courrier de l’un de nos compatriotes, qui concerne directement l’objet de votre projet de loi et qui montre combien la question est loin d’être anecdotique. Voici ce qu’il écrit : « Je tiens à vous faire part de mon expérience désagréable de retour en France après trois ans d’expatriation aux États-Unis. Lors de mon expatriation à Washington D.C., j’ai dû échanger mon permis de conduire français contre un permis du Maryland pour pouvoir conduire sur place. Je comprenais alors que mon permis français, que j’ai dû remettre aux autorités américaines, me serait rendu par les autorités françaises à mon retour en France.

De retour en France depuis août dernier, je cherche à retrouver mon permis français et vais de désagrément en désagrément. Les contacts que j’ai eus avec l’administration française, que ce soit en personne ou par courrier électronique, m’indiquent que je dois suivre la procédure de toute personne ayant obtenu son permis à l’étranger, comme si mon permis français n’avait jamais existé. Je dois ainsi faire traduire mon permis américain par un traducteur assermenté, obtenir un certificat des autorités du Maryland attestant que mon permis de cet État est toujours valable – sachant que je ne peux pas contacter ces autorités depuis la France – et faire traduire ce certificat par un traducteur assermenté, produire une dizaine d’autres documents et me présenter physiquement avec l’ensemble au service de la préfecture de police situé à la Porte de Clignancourt, à Paris.

Vous noterez quand même la masse d’efforts inutiles à produire, sachant que mon permis français existe et peut être retrouvé dans le système. J’ai malgré tout réuni le dossier demandé. J’ai pris une demi-journée de congé pour me déplacer à la Porte de Clignancourt. Je vous fais grâce de la description de l’accueil pour insister sur le fait qu’une fois sur place, je me suis vu demander une série de documents non mentionnés dans toutes les réponses que j’ai eues précédemment des services en question : passeport, copie des bulletins de paie, etc… 

Je vous fais part de tout cela car c’est un véritable frein à la mobilité des personnes, une désincitation au retour en France, et une perte de temps et de moyens aussi bien pour moi que pour l’administration française ».

Des exemples tels que celui-ci, j’en connais un certain nombre. Je ne veux pas allonger nos débats (Murmures sur les bancs du groupe SRC.), mais je peux vous citer la décision prise par le préfet du Puy-de-Dôme qui, saisi par l’un de nos compatriotes qui réside en Californie, lui a répondu qu’il ne pouvait pas procéder au renouvellement de son permis.

J’ai saisi le Gouvernement et votre collègue ministre des affaires étrangères a entrepris des démarches avec certains États des États-Unis, ceux qui veulent rendre les choses plus faciles, ce qui n’est pas le cas de tous.

Si nous voulons une France qui gagne dans le monde, il faut commencer par ne plus culpabiliser nos compatriotes qui partent à l’étranger, d’autant que nombre d’entre eux le font dans le cadre d’un contrat d’expatriation avec de grandes entreprises françaises pour une durée d’un à trois ans. D’autres, et nous les avons rencontrés, partent pour tenter leur chance auprès d’entreprises locales parce les États-Unis, le Canada ou certains pays d’Asie représentent des marchés dont la taille est considérable et qui évoluent dans des écosystèmes spécifiques.

Notre pays doit s’adapter à cette réalité. La situation que je vous ai décrite montre les difficultés que rencontre la jeunesse de France. Comment trouver un travail sans permis de conduire ? Pensons à ces Français qui se trouvent dans le même cas ! Comment travailler en France de façon stable si l’on nous prive de notre droit au permis de conduire ?

J’ai voulu me faire l’écho de cette situation dans l’hémicycle. Nous travaillons actuellement sur cette question avec le ministre de l’intérieur, mais je souhaite, monsieur le ministre, connaître votre sentiment et je vous demande d’intervenir auprès de votre collègue pour lui montrer les enjeux que représente le permis en conduire en matière d’économie et de croissance pour un pays comme la France, qui a doit avoir une ambition mondiale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La République doit être présente partout où nous avons des concitoyens. Nul doute que cet amendement soulève des questions complexes, mais je connais, moi aussi, les difficultés dans lesquelles se débattent nos concitoyens expatriés. Ils représentent les valeurs et les intérêts de la France à l’étranger, c’est pourquoi il faut leur faciliter la vie. J’émets donc un avis favorable à ce très bon amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le problème que vous avez dénoncé et parfaitement illustré, monsieur le député, est réel et nous en avons conscience. Je sais que vous avez eu l’occasion d’en débattre avec le ministre Bernard Cazeneuve lors de l’examen de la proposition de loi de Jean-Christophe Fromantin relative à l’examen du permis de conduire, qui a largement alimenté nos débats depuis mercredi.

Les travaux en cours, en collaboration avec Laurent Fabius et Bernard Cazeneuve, distinguent deux types de situation. La première est celle des personnes établies dans un État avec lequel l’échange de permis de conduire est possible mais qui ont perdu leur permis français. Dans ce cas, l’échange est refusé en raison de l’altération de leur titre. Cette situation, très spécifique, est restreinte. La seconde situation est celle de personnes établies dans un État avec lequel l’échange n’est pas possible. Ces personnes perdent leur permis français alors qu’elles sont sur le point de transférer leur lieu de résidence sur le territoire de l’État.

Le dispositif prévu par votre amendement est très ambitieux puisqu’il vise à couvrir toutes les situations en permettant aux consulats de délivrer les titres. Il pourrait s’avérer coûteux.

Ce que je peux faire, quant à moi, c’est agir dans deux directions : tout d’abord en renouvelant l’engagement de mes collègues Fabius et Cazeneuve ; ensuite en fixant des délais. Une réunion se tiendra à la mi-février en votre présence, monsieur le député, au ministère de l’intérieur et le décret sera prêt avant la fin du mois de mars afin d’être transmis au Conseil d’État qui réglera les deux situations que vous avez soulignées.

Fort de cet engagement du Gouvernement et des délais précis que j’ai fixés, je vous invite à retirer l’amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. J’aimerais poser une question au Gouvernement suite à une expérience vécue – je vais vous la conter, même si je n’ai pas le talent de Jean Lassalle… Je me suis fait voler mes papiers, parmi lesquels, malheureusement, figurait mon permis de conduire. Je me suis donc rendu au commissariat, où l’on m’a dit que je devais me rendre en préfecture du département. Il se trouve que cela s’est passé un dimanche, la préfecture était donc fermée et je devais prendre la route.

Il est très pénible pour nos concitoyens de ne pas pouvoir produire leur permis de conduire s’il leur est demandé. Il faut donc garantir à tout concitoyen qui se rend dans un commissariat de police ou dans une brigade de gendarmerie pour faire une déclaration de vol de papiers qu’il recevra une attestation indiquant qu’il est bien détenteur du permis de conduire.

Partout dans notre pays, les commissariats de la police nationale doivent, en cas de déclaration de vol de papiers, délivrer à la personne une attestation provisoire qui prouve qu’elle est titulaire du permis de conduire. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que dans tout bon commissariat on peut avoir accès un fichier dans lequel figurent les noms des personnes détentrices d’un permis de conduire.

M. Patrick Hetzel. Très juste !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ma remarque, purement pratique, n’appelle pas une mesure législative mais où est la simplification lorsqu’on demande à l’un de nos concitoyens de se rendre à la préfecture du département où a eu lieu le vol, alors que le lendemain il se trouvera dans un autre département ?

J’aimerais que le Gouvernement apporte une précision sur ce point.

M. Julien Aubert. Il manque M. Cazeneuve !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je remercie le rapporteur pour sa réaction qui relève du bon sens. La situation que j’ai décrite tout à l’heure montre qu’un certain nombre de nos compatriotes se trouvent confrontés à des parcours du combattant inadmissibles dans une démocratie comme la France.

Mme Sandrine Mazetier. S’il faut revoir les systèmes informatiques de la police et de la gendarmerie…

M. Frédéric Lefebvre. La République doit être une et présente partout où se trouvent des Français.

J’ai entendu la réponse du ministre. Je tiens à dire ici que j’ai beaucoup apprécié, comme mon collègue Thierry Mariani, la réactivité du ministre de l’intérieur qui nous a proposé cette réunion.

Quant à vous, monsieur le ministre, vous nous fixez des délais précis. Je suis donc prêt à retirer cet amendement, à deux conditions.

La première est que ces délais soient tenus et que nous puissions, si la voie du décret ne nous permet pas d’aboutir, revenir au Parlement, dans le cadre de ce projet de loi ou de tout autre texte – ce pourrait être le projet de loi numérique auquel nous pourrions fort bien raccrocher un tel dispositif. Car, comme l’a indiqué le président de la commission spéciale, tous ces points sont liés. Le permis de conduire d’une personne existe bien quelque part dans un fichier…

J’en viens à la seconde condition. Je vais vous remettre un certain nombre de courriers que j’ai reçus de nos compatriotes vivant au Québec, à Montréal, sur tout le territoire du Canada, mais mes collègues représentant les Français de l’étranger en reçoivent de tous les pays du monde. Chacun de ces courriers évoque un cas particulier mais chaque situation entraîne des complexités inextricables pour nos compatriotes. Pour notre pays, ce sont des pertes de croissance et des occasions manquées de se développer sur les marchés internationaux, et de bénéficier de l’expérience de compatriotes sur notre territoire.

Sous ces deux conditions, j’accepte de retirer l’amendement, même s’il a reçu du rapporteur un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous remercie, monsieur le député. Je confirme l’engagement pris sur ces deux points. Je peux même vous indiquer que si l’engagement n’était pas tenu lorsque nous examinerons ce texte en deuxième lecture – et, pourquoi pas, en première lecture au Sénat – nous pourrons le remettre au centre du débat, les rendez-vous, situés fin février et fin mars, nous y autorisent. L’engagement est donc pris et plus fermement encore.

Monsieur le président Brottes, je précise qu’une personne qui se fait voler son permis peut se rendre au commissariat ou à la brigade de gendarmerie où une attestation lui est remise – ce n’est qu’en cas de perte qu’il lui faut se rendre à la préfecture. Mais je ne suis pas en train de vous dire qu’il faut déclarer que vous vous êtes fait voler votre permis même si vous l’avez perdu…

Il est anormal qu’on ne vous ait pas délivré de certificat. Je peux donc m’engager sur ce point. L’information a été transmise à mon collègue Bernard Cazeneuve. Le ministre de l’intérieur rappellera les instructions qui encadrent l’octroi de ce certificat. Le fichier existe – il contient 40 millions de données. Les informations sont bien disponibles, tant pour les commissariats que pour les brigades de gendarmerie.

(L’amendement n8 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1662.

M. Dino Cinieri. Il existe en France plusieurs formes d’apprentissage de la conduite – auto-école, candidat libre, conduite supervisée, voiture à double commande, etc… Ces différents types de formation sont assez méconnus. Il serait pertinent que le Gouvernement établisse un rapport qui s’intéresserait à leurs conséquences ainsi qu’à la question du prix, dans un but de promotion de la croissance et de l’activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable, pour deux raisons. Cet amendement va au-delà du rapport puisqu’il évoque les mesures à prendre pour remédier aux problèmes, que chacun appréciera comme il le souhaite. Par ailleurs, dans un amendement précédent, nous avons créé un comité d’apprentissage de la route. Ce comité, qui réunira l’ensemble des parties prenantes, devra adresser un rapport annuel au Parlement. Il n’est pas nécessaire d’établir un autre rapport purement administratif.

Si vous considérez que cet amendement est redondant et que vous êtes satisfait par mes explications, je vous invite à le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Votre amendement étant satisfait par plusieurs amendements qui ont été adoptés, je vous invite à le retirer.

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Je regrette, mais je souhaite le maintenir.

(L’amendement n1662 n’est pas adopté.)

Article 9 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 914 et 2681, visant à insérer un article additionnel après l’article 9 bis.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n914.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’article 9 bis ainsi que le suivant, l’article 9 ter, sont des ajouts par rapport à la rédaction initiale de l’article 9 du projet de loi. Nous appuyant sur la même argumentation que précédemment, il nous paraît souhaitable de revenir à la rédaction initiale de l’article 9 et de reprendre les conversations avec les professionnels. C’est pourquoi je propose la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n2681.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement créant le comité d’apprentissage de la route : nous n’avons plus aucune raison de maintenir ce dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Monsieur le président, dans l’éventualité où l’article 9 bis serait supprimé, cela ferait tomber un amendement dont je suis l’auteur.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est un vrai problème ! (Sourires.)

M. Razzy Hammadi. Mais ce n’est pas le plus important. Nous avons beaucoup discuté, au cours des dernières heures, de la question essentielle du permis de conduire, à travers notamment celles des inspecteurs et des délais d’attente et je salue le travail réalisé autour de la nouvelle institution, la CAR, proposée par François Brottes. Mais il y a un point sur lequel, je suis désolé de le dire, nous péchons par oubli ou, comme nous l’a fait remarquer le ministre ce matin, faute de prendre en compte les problèmes globalement.

Une question demeure en suspens depuis 2006, même si elle a été abordée de nouveau en 2014 : la distinction entre inscrits et candidats dans les auto-écoles. Des inégalités subsistent entre territoires et départements, notamment entre auto-écoles créées après 2006. Pour résumer mon propos, une auto-école ouvrant aujourd’hui dans un territoire à la démographie dynamique ne pourra espérer plus de quinze candidatures dans le cadre du système actuel. Si les arguments avancés mercredi par M. Fromantin m’ont convaincu, le dispositif présenté ici par le Gouvernement permet d’agir rapidement avec des moyens et des visées clairs et se situe la hauteur des enjeux du sujet. Néanmoins ce point essentiel me semble oublié.

À titre personnel, je ne peux que m’opposer à la suppression de l’article que j’amende, à moins que nos rapporteurs ou M. le ministre ne formulent une réponse à propos de l’inégalité entre territoires et auto-écoles. Nous avons pris connaissance ce matin d’une carte montrant à quel point les zones tendues sont concentrées en Île-de-France et Rhône-Alpes. Une analyse précise du terrain montre que les inégalités entre territoires dans ces régions sont encore plus fortes à l’échelle de Lyon, Paris et leurs banlieues respectives.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je retire l’amendement de suppression.

(L’amendement n2681 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Au vu de l’amendement de la commission spéciale que je présenterai dans un instant, je suis finalement défavorable à la suppression de l’article 9 bis.

M. Julien Aubert. C’est compliqué !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis défavorable à l’amendement de suppression et serai favorable à l’amendement n3224.

M. Dino Cinieri. On est au théâtre !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Voilà qui est tout de même un peu surprenant ! Les deux amendements font d’abord l’objet d’avis favorables, y compris l’excellent amendement de suppression du président Brottes, et tout à coup survient un retournement de situation !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ça arrive !

M. Julien Aubert. L’éloquence de M. Hammadi !

M. Patrick Hetzel. Il s’agit tout de même d’une improvisation assez extraordinaire ! Nous étions déjà un peu surpris du déroulement des débats ce matin, mais décidément cet après-midi nous atteignons des sommets !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez parfaitement raison, monsieur le député ! Il s’agit d’un amendement déposé après les débats en commission spéciale. Je reconnais l’inconfort dénoncé ce matin et comme vous le voyez je suis moi-même en train de le subir ! (Sourires.) Je vous confirme néanmoins que je suis défavorable aux amendements de suppression et favorable à la correction proposée par la commission spéciale.

(L’amendement n914 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 3224, 3229 et 1101, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 3224 et 3229 dont identiques.

La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3224.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit de réformer l’attribution des places conformément à ce qui a été voté dans le cadre de la mise en place du comité d’apprentissage de la route en vue de la rendre infiniment plus transparente qu’aujourd’hui, même si de très gros progrès ont été réalisés depuis le mois de juin dernier au moyen de dispositions réglementaires prises par M. le ministre de l’intérieur. Nous œuvrons cette fois pour la transparence afin qu’aucun biais entre établissements ne subsiste dans la distribution de places aux examens.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n3229.

M. Alain Tourret, rapporteur thématique. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1101.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il l’a déjà soutenu !

M. Razzy Hammadi. J’ai expliqué tout à l’heure pourquoi je suis opposé à la suppression de l’article, à titre personnel, je vais maintenant défendre mon amendement !

M. Julien Aubert. C’est laborieux !

M. Razzy Hammadi. L’amendement qui vient d’être défendu a pour objectif la transparence et l’établissement de conditions objectives et non discriminatoires. Heureusement ! On n’imagine pas défendre l’opaque, le discriminant et le subjectif ! Mais le dire prouve bien qu’il y a un problème et que les rapporteurs ont pris conscience lors des auditions qu’il existe d’une auto-école l’autre de l’opacité, un manque de transparence et de la subjectivité. Pour être pleinement transparent et objectif et lutter contre les discriminations selon l’endroit où l’on habite, il faut viser, comme le fait d’ailleurs largement la proposition de loi de M. Fromantin, l’une des causes du manque de transparence, d’égalité et d’objectivité, c’est-à-dire la distinction entre inscrits et candidats. Certaines auto-écoles bénéficient aujourd’hui d’une rente de candidatures, c’est une réalité, or l’objectif du projet de loi est de lutter contre la rente. Mon amendement est très simple et propose de prendre en compte la notion de nombre d’inscrits avant pondération, laquelle relèverait du décret car nous ne sommes pas obligés d’entrer ici dans les détails.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. M. Hammadi accepte-t-il de supprimer la seconde phrase commençant à « la méthode d’attribution des places d’examen » pour s’en tenir à « prend en compte avant pondération le nombre d’inscrits » ? Il est bon en effet de préciser qu’il s’agit des inscrits, en revanche la seconde phrase me semble superfétatoire en raison de la mission que nous avons confiée au CAR et de ce qui découle des pouvoirs réglementaires de M. le ministre.

M. le président. Quoi qu’il en soit, monsieur le rapporteur, si votre amendement n3224 est adopté, l’amendement n1101 tombe.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet ! Dès lors j’émets un avis défavorable.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est laborieux !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’approuve l’objectif poursuivi par l’amendement n1101 présenté par M. le député Hammadi. Néanmoins, la pratique de la pondération en fonction du nombre d’inscrits a déjà eu cours, non sans certains effets pervers comme l’accumulation des inscrits afin d’en présenter moins. Ils ont d’ailleurs amené M. le ministre de l’intérieur à prendre d’autres dispositions par voie d’arrêté redistribuant les places par corrections successives en fonction du nombre de candidats présentés et examinés par l’auto-école afin de mettre un terme à la pratique des inscriptions abusives. En somme, nous poursuivons le même objectif d’une transparence accrue et d’un fonctionnement amélioré, monsieur le député, mais la précision que vous proposez d’introduire par voie législative est sans doute excessive et surtout non dénuée d’effets pervers déjà identifiés.

C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement n1101 au bénéfice de l’amendement n3224 présenté par votre rapporteur prévoyant « des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires ne portant pas atteinte à la concurrence entre ces établissements », formulation à la fois plus large et plus protectrice, qui n’en concoure pas moins à l’objectif que vous visez. Il introduit en outre une subtilité non négligeable consistant à autoriser les candidats libres avec égalité d’accès, ce qui est très important dans certaines géographies et pour certains types de candidats décidant de ne pas se réinscrire à l’auto-école et de se préparer autrement. Une telle égalité d’accès n’est actuellement pas prévue par la loi. L’amendement n3224 comporte donc deux apports importants qui satisfont votre volonté première tout en y ajoutant le point que je viens d’évoquer. Je vous invite donc à retirer votre amendement et émets un avis favorable à l’amendement n3224.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je souhaite apporter une précision à propos de l’écueil évoqué. L’effet pervers consistant à prendre en compte uniquement le nombre d’inscrits afin de gonfler le potentiel de candidatures existe bel et bien, c’est pourquoi mon amendement précise « avant pondération ». Il ne s’agit pas de considérer le nombre d’inscrits in abstracto de toute autre donnée mais avant pondération. Les discussions dont rend compte le rapport avec lequel nous préparons nos débats évoquent ce point. Quoi qu’il en soit, mon amendement tombera en raison des règles institutionnelles qui nous régissent.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le dispositif demeurera inachevé si nous ne prenons pas en compte les arguments avancés par notre collègue Hammadi. En outre, voter des dispositions selon lesquelles une commission a vocation à travailler de manière objective, transparente et sans discrimination me gêne toujours. Est-on obligé de le dire ou y a-t-il vraiment un problème qui nous amène à écrire le texte ainsi ?

(Les amendements identiques no3224 et 3229 sont adoptés et l’amendement n1101 tombe.)

(L’article 9 bis, amendé, est adopté.)

Après l’article 9 bis

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n1660, portant article additionnel après l’article 9 bis.

M. Daniel Gibbes. Le contrôle technique automobile constitue comme chacun sait une obligation réglementaire pour tous les propriétaires de véhicules de quatre ans et plus. Il se trouve que le marché est aujourd’hui saturé. Certains centres de contrôle technique proposent des tarifs extrêmement bas, ce qui suscite des craintes au sujet de la qualité du contrôle effectué et de la sécurité des véhicules. L’amendement propose donc d’introduire des tarifs minimums applicables aux prestations réglementées afin de garantir leur qualité et une concurrence loyale.

M. Philippe Vitel. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Notre collègue n’a pas cité complètement le rapport de l’Inspection générale des finances selon lequel « le contrôle technique ne fait l’objet d’aucune réglementation tarifaire mais est caractérisé par une concurrence efficace marquée par une liberté d’installation doublée d’une information tarifaire aisée du consommateur » dont résulte un fonctionnement satisfaisant du marché. Je ne vois donc pas pourquoi nous irions y changer quelque chose. En outre, l’amendement est un peu intempestif dans le cadre du sujet qui nous intéresse.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est de l’économie administrée ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, l’avis du Gouvernement est plutôt défavorable. Le constat ne nous semble pas suffisamment documenté. M. le rapporteur a fait état des rapports dont nous disposons sur le sujet. Si des éléments concrets sont fournis sur le sujet, nous continuerons à y travailler mais, à ce stade, l’avis du Gouvernement est défavorable.

(L’amendement n1660 n’est pas adopté.)

Article 9 ter

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n916.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

(L’amendement n916, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements rédactionnels présentés par la commission spéciale, nos 3120 et 3014.

(Les amendements nos 3120 et 3014, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 9 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 9 ter

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 1247, 2279, 1244, 1245 et 1246, portant article additionnel après l’article 9 ter, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Barbara Pompili, pour les soutenir.

Mme Barbara Pompili. Ils sont défendus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. J’émets un avis défavorable aux amendements nos 1247, 2279, 1244 et 1245 et un avis favorable à l’amendement n1246.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’émets un avis défavorable aux amendements nos 1247, 2279, 1244 et 1245 et un avis de sagesse sur l’amendement n1246.

(Les amendements nos 1247, 2279, 1244 et 1245, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n1246 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 10

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n1443, portant article additionnel avant l’article 10.

M. Jean-Frédéric Poisson. L’objet de cet amendement a été discuté, débattu longuement en commission spéciale. J’avais d’ailleurs cru comprendre que le Gouvernement et les rapporteurs n’y étaient pas particulièrement opposés. Catherine Vautrin et moi-même revenons donc sur ce sujet.

Le présent amendement vise les exploitations commerciales sises dans les galeries marchandes, les grands magasins ou les centres commerciaux. Le flou juridique et les incertitudes qui entourent la nature des contrats de concessions produisent un effet pervers : lorsque ces contrats arrivent à terme, les occupants ont tendance à vouloir les requalifier en baux commerciaux, qui offrent davantage de stabilité, de visibilité sur un certain nombre d’éléments contractuels entre le propriétaire du commerce et l’exploitant.

Pour pouvoir qualifier un contrat en bail commercial, la jurisprudence pose toutefois trois conditions, et ce de manière constante. La première est la stabilité du local ; or, les commerces installés en de tels lieux sont par définition susceptibles d’être déplacés du jour au lendemain. La deuxième est le fait pour les commerçants de bénéficier d’une clientèle en propre, ce qui n’est pas le cas de ceux qui travaillent dans les galeries, puisqu’on considère que les clients qui franchissent les seuils des magasins ne sont pas uniquement les leurs. La troisième est que l’exploitant dispose d’une autonomie de gestion.

Ces trois conditions n’étant pas remplies, la fin des contrats de concessions dont je parle produit de manière très régulière des contentieux inutiles. Il est en effet de l’intérêt des exploitants de demander cette requalification, et ce, pour deux raisons : premièrement, cela leur permet, la plupart du temps, de continuer d’exploiter le local après le terme du contrat ; deuxièmement, ils peuvent en profiter pour négocier des indemnités d’éviction, alors même que celles-ci ne seraient pas nécessairement dues.

L’absence de qualification légale de ces contrats produit donc du contentieux et mérite une précision, que je vous propose d’adopter par le présent amendement, mes chers collègues.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. La question n’est pas indifférente, mais l’avis de la commission est défavorable : les conditions que pose M. Poisson dans son amendement – absence d’accès vers l’extérieur, respect des horaires d’ouverture – nous semblent trop restrictives au regard de la jurisprudence dont il a énoncé les trois principes ; le locataire doit disposer d’un local déterminé, d’une clientèle propre, et ne doit pas être soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité. En particulier, l’amendement pourrait apporter des restrictions à l’activité des corners.

Il est donc préférable de s’en tenir à la jurisprudence, à l’interprétation du juge en cas de contentieux.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les mêmes raisons, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

En effet, la jurisprudence sécurise ces situations. Le statut actuel est protecteur pour les locataires : il leur octroie le droit de renouveler le bail lorsque celui-ci arrive à échéance, il leur permet de bénéficier de l’encadrement de l’augmentation des loyers par la jurisprudence, il leur donne le droit de céder le bail lorsque la cession porte sur l’ensemble des composantes du fonds de commerce. C’est peut-être sur ce dernier point en particulier que vous vouliez apporter des précisions, monsieur le député.

Alors que vous souhaitez sécuriser les exploitants, ce que vous proposez conduira à modifier les critères permettant de caractériser le bail commercial et privera certains occupants de ce statut.

Par conséquent, et compte tenu de l’objectif affiché dans l’exposé sommaire de l’amendement, mon avis sera plutôt défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Ayant entendu l’avis de M. le rapporteur et de M. le ministre, j’aimerais souligner le fait que notre collègue Jean-Frédéric Poisson rend en quelque sorte hommage à la méthode qui consiste à revisiter les modalités de commerce en fonction des évolutions. Les corners ne posaient pas ce type de problèmes voilà dix ou quinze ans.

Nous verrons plus loin dans le texte que le développement du commerce électronique et autres drive nous pousse à réexaminer un certain nombre de points afin de réarmer le commerce de contact, le commerce traditionnel. Il me paraît donc important de reconnaître que les textes doivent aujourd’hui évoluer. À ce titre, le présent projet de loi est loin d’être un fourre-tout, mon cher collègue ; il nous permet au contraire, en ouvrant le débat sur différents points, de remettre en mouvement le commerce traditionnel et d’autres activités économiques. Je remercie mon collègue Poisson de l’avoir fait remarquer.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je remercie notre excellent collègue de sa bienveillance, mais son interprétation de l’amendement est un peu large… Qu’à cela ne tienne !

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’entends vos arguments, mais je ferai deux remarques. La première, c’est que nous sommes ici au Parlement : avec tout le respect que j’ai pour la jurisprudence, c’est le Parlement qui fait la loi, pas le juge. Même lorsqu’une jurisprudence est constante, elle est toujours susceptible d’évoluer, la liberté d’appréciation des tribunaux étant très large. Il conviendrait de trouver le moyen de sécuriser ces fins de contrats de concession qui, en l’absence de détermination légale spécifique, alimentent des procédures contentieuses.

Par ailleurs, puisque la jurisprudence doit faire l’objet d’une considération toute spéciale de la part du Parlement, je demande l’application de la jurisprudence « Brottes », selon laquelle « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », comme disait ma grand-mère…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous avons la même grand-mère ! (Rires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui, vérifions ! (Sourires.)

Je vous propose donc, monsieur le ministre, de sous-amender cet amendement en séance ou de tirer profit de la navette parlementaire pour préciser ce qui devrait l’être. À l’évidence, et à l’expérience, la jurisprudence ne suffit pas pour lever les risques de contentieux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Au nom du groupe SRC, je demande une suspension de cinq minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La suspension est de droit.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Pour éviter toute discrimination dans l’application du temps législatif programmé, je vous demande, monsieur le président, de bien vouloir prolonger cette suspension.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

(L’amendement n1443 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n1681 qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour soutenir l’amendement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je vais essayer d’expliquer cet amendement par des images. Prenez le mariage, désormais pour tous, avec ou sans contrat, le PACS, le concubinage, les comptes joints avec qui vous voulez, le tout dans un contexte où, bien évidemment, les gens s’aiment et où ne s’élève jamais aucune obligation de se séparer sauf en cas de divorce.

Les choses sont différentes en matière commerciale. On peut retrouver, qu’il s’agisse de commerçants associés ou de commerçants franchisés, des liens de cette nature mais il peut arriver que l’on veuille changer d’enseigne sans attendre vingt-cinq ans. C’est un sujet que nous traitons depuis longtemps – je pense à la loi LME, la loi de modernisation de l’économie où j’avais déjà introduit cette référence même si certaines mauvaises langues avaient surnommé ce texte la loi Michel-Edouard Leclerc. En tout état de cause, il s’agit de fluidifier l’activité de commerce, quel qu’il soit, pas seulement alimentaire, pour permettre un changement de réseau ou la prise d’autonomie car la notion d’indépendance dans ce domaine peut appeler certaines nuances.

Je voudrais tout d’abord saluer la force des réseaux. Ils permettent à des personnes de devenir entrepreneurs plus vite que si elles avaient démarré seules grâce à la force d’une marque, sa notoriété, à la possibilité de se procurer des fournitures à un moindre coût du fait de la force des centrales d’achat, grâce encore au savoir-faire, à la compétence, à l’expérience née d’un réseau qui existe depuis longtemps et que l’on transmet assez vite à quelqu’un qui crée son entreprise, à la possibilité d’être formé, à la mutualisation y compris en termes financiers et, pour les clients, à la lisibilité d’une qualité de service acquise.

Loin de moi, donc, l’idée que les réseaux ne seraient pas une bonne chose. Au contraire, ils ont fait leurs preuves mais nous voulons simplement permettre à ceux qui le veulent d’en sortir, quand l’expérience qu’ils ont acquise leur permet de changer d’enseigne ou de créer leur propre réseau. Il faut trouver le bon équilibre entre la reconnaissance que le réseau est un investissement solide, durable, qui permet au commerce de s’épanouir et la possibilité de ne pas y rester un quart de siècle. En amour, un quart de siècle, ce n’est rien, encore que j’invite chacun dans cet hémicycle à faire une analyse de sa propre vie. Nous ne sommes pas là pour raconter notre vie, mais vingt-cinq ans, c’est tout de même une prouesse. En tout cas, dans le commerce, c’est long ! Cet amendement vise, suite à une réflexion menée depuis longtemps par l’Autorité de la concurrence, à assouplir les conditions dans lesquelles on peut changer de réseau ou devenir indépendant, au bout d’un délai raisonnable de six ans.

Le sous-amendement du Gouvernement vise à porter à neuf ans la durée à partir de laquelle ce choix pourrait s’exercer et à tenir compte des surfaces ou du chiffre d’affaires.

Je suis tout à fait disposé, monsieur le ministre, à accepter l’évolution des critères que j’ai posés tant il est vrai que de nombreux réseaux sont concernés et qu’il ne faudrait pas que notre volonté de faire mieux aboutisse à l’effet inverse sur le terrain. Je donne sans attendre un avis favorable à votre sous-amendement.

M. le président. Les sous-amendements nos 3185 et 3186 sont de précision, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur thématique ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Oui.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n3228, deuxième rectification.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je ne reviendrai pas sur les explications données par le président François Brottes auxquelles je souscris mais la durée de six ans nous semble un peu restrictive et il nous paraît préférable de la porter à neuf ans, ce qui permettra de mieux s’organiser et de préserver les financements en cours. Il faut donner un temps d’adaptation aux contrats en cours, ceux qui courent sur moins de six ans comme ceux qui durent beaucoup plus longtemps. Certains contrats, aujourd’hui, courent sur plusieurs décennies et il est normal de donner la possibilité de se réadapter, de rouvrir ces contrats car le dispositif des franchises a beau être utile, il ne doit pas conduire des franchisés à se retrouver captifs durant plusieurs décennies, de manière parfois injustifiée.

L’amendement de M. Brottes vise à rééquilibrer le rapport de forces et notre sous-amendement à porter le délai de six à neuf ans afin de laisser un temps d’adaptation aux franchisés et franchiseurs liés par des contrats de longue durée. Troisième objectif : appliquer cette mesure à partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires car certains systèmes de coopératives justifient un délai très long – surtout les petites qui n’impliquent que quelques acteurs – contrairement à des structures plus importantes.

La volonté du président Brottes n’était pas d’appliquer cette mesure à l’ensemble de l’économie sociale et solidaire ni à l’ensemble des coopératives. C’est bien un type d’organisation de coopérative qui est visé, au-delà d’un certain seuil de chiffre d’affaires qui sera défini par décret – sans doute aux environs de 50 millions d’euros.

M. le président. Les sous-amendements nos 3187 et 3188 sont rédactionnels.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et le sous-amendement du Gouvernement ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Favorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je souhaiterais que le Gouvernement rectifie son amendement pour, dans la nouvelle rédaction de l’alinéa 9, remplacer : « Le présent II s’applique » par : « Le même I s’applique ».

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis d’accord.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je voudrais tout d’abord saluer la réactivité du Gouvernement puisqu’en l’espace d’une heure, nous avons eu un sous-amendement, ensuite la première rectification du sous-amendement, puis la deuxième, et à l’instant même nous venons d’apprendre qu’il y en a une nouvelle.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Travail de dentellière.

M. Patrick Hetzel. C’est une véritable co-construction galopante.

Cela étant, je voudrais revenir sur le fond de l’amendement et du sous-amendement. Différents problèmes se posent. Vous prenez le risque de mettre en péril l’équilibre économique d’un certain nombre de groupements de commerçants associés. Tout d’abord, la rédaction du texte crée une confusion entre deux catégories de commerçants qui n’ont strictement rien à voir : d’un côté les franchisés, dont la relation avec le franchiseur est soumise un véritable contrat, et de l’autre des commerçants coopérateurs qui sont associés de manière volontaire, même si un certain nombre d’éléments peuvent être de nature contractuelle. Or, cette confusion entre les commerçants coopérateurs d’une part et les franchisés d’autre part n’est pas souhaitable.

Sur ce point, nous regrettons une fragilité de nature juridique mais aussi économique.

Dans le détail, quels problèmes pose cet amendement ? Tout d’abord celui de la durée. Le ministre souhaite qu’elle soit plus longue – neuf ans. Or, aujourd’hui, un certain nombre de groupements de commerçants associés ont fixé la base des investissements effectués, notamment en termes de logistique et de réseau, sur une périodicité supérieure, douze ans, voire même pour certains quinze ans – je pense au groupement Intermarché. En remettant cette durée en cause, vous allez donc les fragiliser.

Non seulement la période d’affiliation doit être suffisamment longue, mais surtout les réseaux doivent rester d’une certaine densité. À cet égard, ils risquent d’être fragilisés par des sorties trop rapides.

Au sein des réseaux, de nombreux acteurs ont investi dans des outils de production, en particulier en France. Votre gouvernement a du reste fait appel à certains groupements quand il a fallu résoudre le problème – dont la presse s’est largement fait l’écho – posé par l’entreprise GAD. S’il veut pouvoir continuer à faire appel à ces groupements, il faut éviter de les fragiliser.

En outre, l’encadrement de la durée des contrats pose problème pour les contrats d’ores et déjà en cours. Certes, vous avez prévu une période de transition, mais je souhaite alerter sur le fait que celle-ci est probablement trop réduite.

Nous sommes en train de parler de croissance et d’activité. Nous ne pouvons donc pas ignorer que la concurrence est extrêmement dure entre les différents réseaux de commerçants associés. Il ne faudrait pas, au détour d’amendements – l’amendement du président Brottes et le sous-amendement du Gouvernement –, que l’on en vienne à créer de nouveaux déséquilibres en faveur de certains acteurs ou de certains modes de distribution. Sur un tel sujet, une étape d’impact serait sans doute nécessaire.

M. Jacques Myard. En effet !

M. Patrick Hetzel. Légiférer hic et nunc sur cette question risque de créer plus de déséquilibres que cela ne résoudra les problèmes qu’a légitimement soulevés le président Brottes. Si je me suis exprimé un peu longuement, c’est parce que le sujet méritait une attention toute particulière. Mais je ne suis pas certain que vous ayez trouvé le bon vecteur pour résoudre les problèmes qui ont été évoqués.

M. Bruno Le Maire. Très bien !

M. Jacques Myard. C’était frappé au coin du bon sens.

M. Julien Aubert. Hic et nunc !

M. Patrick Hetzel. C’était de l’alsacien ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je souhaite exprimer mes plus grandes réserves à l’égard de toute évolution législative dans ce domaine. J’ai succédé à Catherine Vautrin à la tête de la commission d’examen des pratiques commerciales, la CEPC, et dans le cadre de la loi relative à la consommation, nous avons eu à connaître d’amendements inspirés par l’Autorité de la concurrence, visant notamment à modifier les durées des contrats en matière de franchises et de commerce associé. Nous avions donc, à l’époque, déjà beaucoup réfléchi sur ce sujet.

De quoi s’agit-il ? S’agissant du commerce associé et coopératif, on parle de 30 000 PME. Pour ma part, je m’associe au rapporteur et au président de la commission spéciale lorsqu’ils dénoncent des durées de contrats de vingt-cinq ans. Ce n’est pas normal, en effet. Mais le problème peut être réglé dans le cadre d’une étude d’impact ou par la disposition relative au déséquilibre significatif ou encore, de la façon dont on a réglé, pour les Français, la question des assurances, notamment des assurances emprunteurs. On peut donc agir ici lorsque la durée est trop longue.

Mes chers collègues, il n’y a pas ici les bons d’un côté et les méchants de l’autre.

M. Jacques Myard. Si.

M. Dominique Baert. Les méchants sont là-bas.

M. Jacques Myard. C’est l’inverse !

M. Razzy Hammadi. Dans le cadre du commerce associé ou du système de franchises, des commerçants individuels se sont organisés entre eux. Pour protéger leur marque et leur investissement ainsi que pour obtenir des financements, ils ont besoin de durées minimums. Quant à moi, je ne sais pas comment on en arrive à décider que la bonne période est six, neuf ou douze ans.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bonne question.

M. Dominique Baert. C’est la durée proposée par le Gouvernement.

M. Razzy Hammadi. En revanche, je sais que vingt-cinq ans, c’est trop long.

Quelle sera la conséquence de la décision que nous allons prendre, notamment eu égard à la proposition du Gouvernement de définir un certain chiffre d’affaires ? Le risque est justement plus important lorsque le chiffre d’affaires est plus faible car, lorsque le commerce dépasse une certaine taille, il atteint un niveau de rentabilité qui favorise l’investissement et l’obtention de crédits bancaires.

M. Philippe Vitel. Il a raison.

M. Razzy Hammadi. Prenez une marque comme Big Fernand : il y a de l’investissement, de la recherche. Il est normal que cette enseigne, l’un des joyaux de l’exportation française, veuille protéger son investissement sur une durée minimum. Il s’agit aussi d’un des vecteurs de la préservation de notre tissu de PME.

Je n’irai pas contre la position de mon groupe, …

M. Yves Durand. C’est bien !

M. Razzy Hammadi. …mais je tenais à faire part de mes réticences et de mon scepticisme. On peut travailler sur le sujet s’agissant de cas extrêmes, mais pas mettre tout le monde dans le même sac ni ne faire aucune distinction entre le commerce associé, la coopérative, les chaînes de grande distribution regroupant 500 ou 800 franchisés ou les commerces de proximité ne comptant que quelques dizaines d’acteurs.

Ce que nous allons décider peut porter à conséquence. On a toujours dit qu’il fallait de la lisibilité, de la stabilité et que sur de tels sujets, on ne pouvait pas légiférer sans disposer d’une étude d’impact.

M. Patrick Hetzel et M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. Razzy Hammadi. On ne touche pas là n’importe quel secteur. Je suis d’accord avec l’esprit de la disposition proposée, mais circonspect quant à la volonté d’inscrire une durée au détour d’un amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Mes chers collègues, je n’ai pas le degré de spécialisation des deux précédents orateurs. Mais confronté à un tel amendement, la première question qui me vient à l’esprit, c’est pourquoi l’avoir déposé ? Répond-il à une demande de certains commerces, certains franchisés ? On semble découvrir le problème. D’après ce que j’ai cru comprendre, l’Autorité de la concurrence pousse à l’adoption de cette disposition. Mais après nos débats sur les amendements directement inspirés par des lobbies, je souhaiterais, avant de me prononcer, savoir qui en est à l’origine.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu’il fallait laisser aux acteurs du temps afin qu’ils puissent se retourner et adapter leur modèle économique. Je suis content de vous l’entendre dire, parce que c’est exactement le discours que nous tenions au sujet des professions réglementées. On nous a répondu que, un an après le vote de la loi, celle-ci devrait entrer en vigueur.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Ce n’est pas le même sujet.

M. Julien Aubert. Si, parce qu’il faut harmoniser les délais. À chaque fois que l’on modifie les équilibres économiques dans la sphère marchande, il faut laisser aux personnes concernées le même temps d’adaptation, que l’on ait choisi un délai d’un ou de deux ans.

Quoi qu’il en soit, je serai là lorsque nous débattrons des professions réglementées.

M. Emmanuel Macron, ministre. Il s’agit donc de la sphère marchande ! (Sourires.)

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Voilà une bonne nouvelle !

M. Julien Aubert. Évidemment qu’il s’agit de la sphère marchande puisque vous faites intervenir l’Autorité de la concurrence ! Vous avez, monsieur le rapporteur général, perverti l’esprit des professions réglementées : je pensais que vous étiez au courant !

De même, pourquoi avoir retenu une durée de six ans ? Pourquoi six ans plutôt que neuf ou douze ? Si l’on veut discuter efficacement de cette question, il faut que l’on nous explique ce qui a conduit l’auteur de l’amendement à fixer ce délai à six ans et pour quelles raisons le Gouvernement veut désormais le porter à neuf. Je voudrais savoir.

Par ailleurs, M. le ministre a justifié l’ajout d’un seuil de chiffre d’affaires en indiquant que l’économie sociale et solidaire n’était pas visée par la disposition proposée. Mais dans ces conditions, pourquoi ne pas être plus clair et exclure explicitement de son champ d’application les coopératives de ce secteur ? Cela aurait le mérite d’être encore plus précis compte tenu de l’objectif recherché.

Je crains que l’adoption de cet amendement, dont on ne connaît ni les prémisses, ni les conséquences, et dont on ne comprend pas la construction, ne donne lieu à des contentieux. En effet, certains réseaux, déstabilisés par la sortie de nombreux franchisés, se retourneront contre l’État, responsable à leurs yeux de l’effondrement de leur modèle économique.

Monsieur le ministre, que sera l’impact économique de cette disposition ? Lorsque je vous vois tenter de détricoter l’amendement du président Brottes et d’en limiter le plus possible la portée, je me demande si le moment est vraiment opportun pour le voter. J’ai l’impression que le Gouvernement est très embarrassé et souhaiterait plutôt son retrait. Après avoir entendu M. Hammadi, qui m’a convaincu,…

M. Razzy Hammadi. C’est bien la première fois !

M. Julien Aubert. …je vous engage, monsieur le président de la commission spéciale, à y renoncer. Faisons faire une étude d’impact, un rapport, et nous conviendrons ensuite de la meilleure façon d’adapter la loi. Là, nous mettons la charrue avant les bœufs.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je crois me souvenir qu’en tant que président de la commission des affaires économiques, j’ai largement encouragé Razzy Hammadi, que j’ai écouté attentivement, à briguer la fonction qu’il occupe aujourd’hui à la tête de la CEPC. Il est désormais dans très grande proximité avec le monde de la distribution (Sourires), et je peux comprendre, compte tenu de cette nouvelle position, qu’il soit plus sensible à son sort que des personnes s’en tenant plus éloignées. Peut-être a-t-il raison, mais quoi qu’il en soit, le débat mérite d’avoir lieu.

Monsieur Aubert, vous vous êtes interrogé sur l’origine de cet amendement. Vous allez sans doute, comme vous le faites souvent, me répondre que vous n’étiez pas encore élu, mais il s’agit d’une préoccupation que j’exprimais déjà lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie.

M. Julien Aubert. Je n’étais pas encore élu ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le débat n’est donc pas nouveau.

M. Patrick Hetzel. C’est exact.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous en avons déjà discuté avec l’ensemble des acteurs concernés. Ce n’est pas un sujet qui tombe du ciel. Faites-moi au moins grâce de cela.

M. Jean-Frédéric Poisson. Crédit, à la rigueur ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le crédit, en ces circonstances, est bienvenu...

De son côté, l’Autorité de la concurrence a également essayé de travailler sur ces questions. Ne nous voilons pas la face, nous ne sommes pas au pays des Bisounours. Dans cette affaire, il est question de relations, peut-être pas de maître à esclave – si je dis cela, je vais encore me fâcher avec la terre entière –, mais du moins de relations pas toujours très équilibrées, même entre coopérateurs – je ne citerai personne. (Sourires.) Cela peut arriver. Nous avons procédé à de multiples auditions sur le sujet, et chacun sait bien de quoi je parle.

En tout état de cause, l’Autorité de la concurrence n’est jamais parvenu à neutraliser les effets de certains contrats de franchise par les moyens préconisés par Razzy Hammadi – lequel reconnaît du reste lui-même qu’une échéance fixée à vingt-cinq ans représente une contrainte insupportable.

Là, il s’agit de limiter à neuf ans la durée de ces contrats, ce qui est très convenable compte tenu de la durée d’amortissement d’un certain nombre d’investissements.

Pour ce qui est des contrats en cours, le Gouvernement, avec mon soutien, a déposé un sous-amendement prévoyant que les dispositions proposées s’appliqueront dans un délai de deux ans pour les contrats dont la durée restant à courir est supérieure à six ans et de quatre ans pour les autres. Compte tenu de ces mesures transitoires, la durée des contrats en cours sera donc limitée non à neuf ans, mais à onze, voire à treize ans, si je sais bien compter. Il n’y a donc aucune urgence, et il est inutile de paniquer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Nous ne faisons donc que donner de l’air aux personnes concernées, tout en ciblant précisément, grâce aux seuils proposés par le ministre, les coopératives de grande envergure.

De deux choses l’une : soit on estime que tout va bien, que tout le monde est content et qu’il n’est pas nécessaire de remettre en cause de tels contrats, soit on juge nécessaire de permettre à ceux qui se sont engagés de revoir leur signature. Ce n’est d’ailleurs nullement une obligation, mes chers collègues, seulement un simple rendez-vous.

Si tout se passe bien, qu’on s’adore et que tout le monde fait son « business » dans de bonnes conditions, il n’y a aucune raison d’être inquiet. Ce qui m’inquiète en revanche, c’est votre raisonnement : vous semblez dire que si l’on ne peut imposer aux membres d’un réseau un engagement d’au moins vingt-cinq ans – voire illimité –, ils ne penseront qu’à s’en aller !

En réalité, quand les choses se passent bien – et la plupart du temps, c’est le cas –, il n’y a aucune raison pour que le contrat ne soit pas renouvelé. Avec cette disposition, nous donnons un peu plus de liberté, nous apportons une respiration utile à l’économie, tout en retenant un délai – neuf ans – raisonnable au regard des investissements effectués par le réseau.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je formulerai deux remarques. Tout d’abord, je souscris à ce que viennent de dire mes collègues sur l’impact d’une telle décision. Je regrette infiniment que nous ajoutions régulièrement des articles à ce texte – c’est là du reste une question qui touche à notre méthode de travail et de débats. Il comportait, à son arrivée en séance, 208 articles, auxquels s’en est ajouté un nouveau l’autre soir, consacré à la société du canal Seine-Nord, cher à Mme Pompili.

Mme Barbara Pompili. Très cher ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Très cher, en effet. Et nous continuons d’ajouter des articles, alors que l’étude d’impact portait sur le texte initial, certainement pas sur le texte qui sortira au terme de l’examen du texte. J’espère donc que nos collègues sénateurs…

M. Jacques Myard, rapporteur. Mais on veut supprimer le Sénat !

M. Jean-Frédéric Poisson. …souligneront que l’étude d’impact fournie par le Gouvernement au début de l’examen du texte au Sénat rend impossible d’estimer clairement l’ensemble de ses dispositions. Je ne doute pas que cela posera des problèmes lorsque nous saisirons le Conseil constitutionnel.

En deuxième lieu, monsieur Brottes, je relève dans l’exposé des motifs de votre amendement le mot de « concertation ». Vous écrivez en effet que « des dispositions complémentaires pourraient être envisagées à l’issue d’une concertation plus approfondie avec les acteurs concernés ». Vous prévoyez donc que les items que vous désignez donnent ultérieurement lieu à concertation.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Un décret renvoie à d’autres items.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je l’ai bien compris, mais on aurait pu aussi continuer la concertation, car la réaction de certaines fédérations et entreprises concernées semble montrer qu’elle a fait défaut.

Voilà les deux remarques que je souhaiterais exprimer, la plus importante concernant l’effet de déstabilisation qui ne manquera pas de se produire dans un secteur qui n’en a pas besoin.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Montesquieu l’a dit, monsieur le ministre, il ne faut toucher aux lois « que d’une main tremblante ». Or, vous avez véritablement raté votre effet : l’étude d’impact manque et, en outre, n’enfoncez-vous pas des portes ouvertes ? S’il est vraiment nécessaire de changer de réseau et si la clause est exorbitante, il existe déjà dans le droit français des obligations la qualification d’abus de droit, qui permet aux tribunaux de trancher. Il ne faut donc pas chercher à complexifier encore les choses avec cet amendement dont on ne voit guère la portée.

En outre, il est certain que cette disposition ouvrira des contentieux – qui donneront au moins du travail aux nombreux avocats qui siègent dans cet hémicycle. Je rappelle également que l’État risque d’être mis en cause en vertu de la jurisprudence La Fleurette – vous connaissez certainement cette vieille histoire –, qui établit la responsabilité des lois devant le Conseil d’État. Vous ouvrez la boîte de Pandore des contentieux en tout genre et, au lieu de simplifier les choses, vous avez le complexifier.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je ne suis pas insensible à vos arguments, monsieur Brottes, et il faut en effet tenter de trouver un équilibre. Il est néanmoins troublant que les délais retenus par vous-même et par le Gouvernement dans son sous-amendement soient plus courts que ceux que retient l’administration fiscale pour la durée d’amortissement applicable à certains investissements. Il est très gênant que vous instauriez un dispositif si coercitif qu’il ne tient même pas compte des éléments retenus par l’administration fiscale – pour qui certains investissements peuvent en effet donner lieu à des amortissements sur une période de quinze ans. Il y a là une certaine fragilité.

Vous avez du reste bien conscience que se posent à la fois la question du flux et celle du stock. Il existe en effet des « coûts partis » : dans certains réseaux, des investissements ont été effectués et des décisions ont été prises, notamment pour continuer à investir dans des outils de production en France et en Europe. Le dispositif que vous entendez mettre en place peut fragiliser ces réseaux qui peuvent par ailleurs être vertueux, comme ceux qui ont décidé d’investir dans des outils de travail et de production sur le sol national.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. La durée est de treize ans pour les contrats en cours.

M. Patrick Hetzel. Oui, tandis que certains délais d’amortissement retenus par l’administration fiscale atteignent quinze, voire vingt ans.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Myard, la réforme, telle qu’elle est prévue, est progressive pour les contrats en cours et, d’autre part, ne prévoit pas de rupture d’égalité. Il me semble donc que votre diagnostic majore quelque peu le risque de contentieux.

La situation à laquelle nous sommes confrontés est connue. M. Hetzel a eu l’honnêteté de citer les arguments – tout à fait légitimes – d’Intermarché et l’on sait bien que le groupement Leclerc applique des contrats d’une durée très longue, tandis que des groupements tels que Système U recourent à des contrats à durée très courte. Le problème tiens aux comportements de cannibalisation que nous observons de la part de certaines enseignes à l’égard de certaines autres, les unes recourant à de contrats très longs tandis que les autres utilisent des contrats très courts. Telle est la difficulté que cherche à traiter M. Brottes.

Une durée de neuf ans paraît donc, à cet égard, plus raisonnable que celle de six ans, car c’est la durée maximale des baux et celle des amortissements bancaires – qui, dans le domaine commercial ici visé, se situent entre sept et huit ans. Une durée de neuf ans paraît donc, je le répète, crédible.

On sait également que les franchiseurs recourent généralement à une durée de douze à treize ans – d’où l’idée de traiter le stock avec ce petit délai de carence qui permet de disposer d’un délai de deux ans pour les contrats longs et de quatre ans pour les contrats inférieurs à six ans, et offre ainsi une voie de sortie.

Il ne faut pas agiter les peurs, car il ne s’agit pas ici d’une réforme qui déstabilisera les franchiseurs et les franchisés. Au contraire, ce sont souvent les associés et les franchisés qui subissent les effets de contrats trop longs – vingt-cinq ans, par exemple – dans lesquels ils sont pris et qui rencontrent des difficultés.

En l’espèce, nous mettons plutôt de la transparence, de la moralité et de la démocratie dans un système qui a parfois connu quelques excès et où l’Autorité de la concurrence, malgré les éléments jurisprudentiels que les uns et les autres avez cités, n’a jamais pu saisir ces situations au moyen des dispositifs existants.

Je me range, pour finir, au principe plusieurs fois invoqué par M. Poisson : quand la loi peut le faire, mieux vaut ne pas laisser la jurisprudence officier.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il fallait y penser avant, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. Nous allons donc proposer plutôt d’y remédier et je pense que c’est une bonne formule.

Enfin, je réitère ici, en séance, l’engagement que j’ai déjà pris en commission spéciale et qui répond à votre demande très légitime, monsieur le député : au-delà de l’étude d’impact réelle et robuste qui existe déjà pour les dispositions présentées par le Gouvernement et dont l’absence aurait du reste conduit le Conseil d’État à refuser ce texte, je me suis engagé à ce que cette étude soit complétée, pour les dispositions ajoutées, avant que le texte soit soumis au Sénat. Ce sera fait et, bien évidemment, cette étude vous sera transmise en même temps.

(Les sous-amendements nos 3185 et 3186, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(Le sous-amendement n3228 deuxième rectification, tel qu’il vient d’être une nouvelle fois rectifié, est adopté.)

(Les sous-amendements nos 3187 et 3188, acceptés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n1681, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 336 rectifié et 1104 rectifié.

L’amendement n336 rectifié fait l’objet de deux sous-amendements, nos 3189 et 3190.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n336 rectifié.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement, déposé par Mme Catherine Vautrin et M. Arnaud Robinet, tend à ce que certaines entreprises soient relevées de l’obligation de formaliser chaque année dans une convention unique les résultats de leurs négociations avec les groupes de grande distribution, étant donné que, dans l’esprit de la loi LME de 2008, l’objet de leur activité ne rend pas nécessaires cette convention et ces publications formalisées. Il s’agit donc de retirer du champ de cette obligation les entreprises dites d’approvisionnement général.

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général, pour soutenir le sous-amendement n3189, à l’amendement n336.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision.

M. le président. Il en est de même du sous-amendement n3190 ?

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Oui.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1104 rectifié.

M. Razzy Hammadi. L’amendement est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je suis sensible à l’objectif de cet amendement, mais cette question a déjà été discutée dans le cadre de la loi relative à la consommation, ou loi Hamon. L’amendement tend à limiter l’obligation de formalisation des contrats commerciaux par une convention annuelle détaillée. Ces dispositions étaient prévues par la LME et renforcées par la loi sur la consommation que je viens d’évoquer. Or cette formalisation des contrats est protectrice des opérateurs et permet d’assurer de la transparence dans la relation commerciale, donc de pouvoir contrôler et vérifier si celle-ci est déséquilibrée – il me semble que M. Hammadi souscrit à cet objectif –, notamment de protéger les petits opérateurs.

Les difficultés dans les relations commerciales ne sont pas limitées aux relations entre des fournisseurs et la grande distribution et le seul commerce de détail, en excluant les opérateurs qui ne sont pas des commerçants de détail, avec une définition qui me semble dans les deux rédactions, malgré même le sous-amendement, relativement large est trop imprécise, car elle exclut les opérateurs intermédiaires, qui ne sont pas forcément de petits grossistes – ils peuvent même être parfois des opérateurs de la consommation hors domicile, qui sont parfois en position de force face à leurs fournisseurs ou de certaines filiales de grands distribution.

C’est la raison de l’inconfort que je ressens face à ces deux amendements, dont l’adoption reviendrait en quelque sorte à créer deux régimes juridiques pour des sociétés aux activités similaires ou proches, ce qui ouvrirait plusieurs possibilités de contournement de l’encadrement des relations que le Parlement a voté, et même renforcé dans la loi consommation. J’invite donc les auteurs de cet amendement à le retirer, faute de quoi j’exprimerais un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai du mal à comprendre l’avis défavorable du Gouvernement – à moins que je n’aie mal compris l’objet de ce projet de loi. La situation que nous décrivons ici a été instaurée par la LME de 2008 et renforcée par la loi Hamon de 2014. Celle-ci a en effet précisé que, dans ces relations de fourniture liant les distributeurs, semi-grossistes ou grossistes, aux magasins de la grande distribution, s’opèrent des ajustements de prix et des négociations qui, s’ils ne sont pas hebdomadaires, sont loin de n’intervenir qu’une fois par an.

Alors que le consommateur final n’est pas directement touché, ni même peut-être les producteurs qui alimentent cette relation, la loi Hamon, qui visait à introduire de la transparence – avec tout ce que ce terme peut parfois contenir d’abusif –, rigidifie considérablement les relations entre ces fournisseurs et leurs clients. Ces relations doivent certes être encadrées et contractualisées, mais aussi assez souples pour s’adapter aux évolutions du marché et aux politiques de prix.

Cet amendement ne comporte rien d’autre que cette volonté de fluidifier des relations qui doivent l’être, précisément pour que le consommateur bénéficie, à la fin du compte, des meilleurs prix négociés. En deuxième lieu, s’agissant des difficultés que vous évoquez pour délimiter les types de commerces et d’activités, l’exposé des motifs de cet amendement fait explicitement référence à la définition retenue pour le commerce de détail par l’Autorité de la concurrence et fait mention d’une proportion de chiffre d’affaires destinée aux clients domestiques pour un usage à caractère personnel. Bien que cette mention de l’Autorité de la concurrence ne puisse être considérée comme ayant force législative en tant que telle, à tout le moins les débats parlementaires sur ce point permettraient-ils d’éclairer les intentions du législateur. L’amendement est donc maintenu.

(Les sous-amendements nos 3189 et 3190, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(Les amendements identiques nos 336 rectifié et 1104 rectifié sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1112.

M. Razzy Hammadi. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable : il nous semble que les plans d’affaires font plutôt référence à la stratégie de l’entreprise qu’à des clauses contractuelles. Par conséquent, nous ne sommes pas convaincus par cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. Monsieur Hammadi, retirez-vous votre amendement ?

M. Razzy Hammadi. Je le retire.

(L’amendement n1112 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 337, 1107 et 2315.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n337.

M. Jean-Frédéric Poisson. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1107.

M. Razzy Hammadi. Dans le cadre de la préparation de nos débats et après échanges avec les rapporteurs et le ministre, je vais retirer cet amendement. Mais je souhaite préciser qu’il concerne une disposition que nous avions introduite dans la loi relative à la consommation, lorsque nous avions mis des obligations à la charge tant de la grande distribution que du commerce de détail et des fournisseurs afin de parvenir à un équilibre dans la contractualisation.

On se rend compte aujourd’hui que ce nous avions alors mis en place n’est pas forcément adapté au commerce de gros ou à ceux n’agissant pas dans le cadre d’un commerce de détail. Cet amendement avait donc pour objectif de distinguer les choses, un an après l’entrée en vigueur de cette disposition.

Je le retire donc, mais j’aimerais entendre le rapporteur ou le ministre pour savoir si l’on va réfléchir à cette question, afin que le niveau de complexité pour les acteurs concernés n’atteigne pas celui recherché pour le commerce de détail – là était d’ailleurs l’objectif : préciser ce qu’est le commerce de détail.

(L’amendement n1107 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement n2315.

M. Jean-Yves Caullet. Cet amendement avait été retenu en commission sur la base de l’argumentation de notre collègue Razzy Hammadi. Je vais le retirer au nom du groupe, parce qu’il ne faudrait pas créer une rupture dans la chaîne de l’ensemble des contrats. Néanmoins, je pense qu’il serait bon de se pencher sur ce problème spécifique.

(L’amendement n2315 est retiré.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n337 ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je veux juste faire remarquer à ce stade que, sur toutes ces questions de relations entre fournisseurs et distributeurs – nous venons de voir les relations entre distributeurs et franchisés –, la concertation n’est jamais assez aboutie parce qu’on n’arrive jamais à mettre tout le monde d’accord sur ces questions.

À chaque fois que le législateur avance et trouve un nouvel équilibre par rapport à l’équilibre précédent, il y a des perdants et des gagnants, dans toute disposition ! On sait bien que c’est difficile ! Je le dis parce qu’on peut toujours nous accuser de ne pas nous être suffisamment concertés ; mais on a beau se concerter, on ne peut pas mettre tout le monde d’accord sur ces questions.

Qui fait la marge ? Est-ce celui qui produit ou celui qui distribue ? Toutes ces questions demeurent. Nos collègues ont donc raison de retirer leurs amendements. Il est vrai que nous n’avons pas trouvé la solution idéale pour être totalement juste dans les révisions de prix possibles, mais cela a le mérite d’exister, comparé à la situation où les prix étaient immuables.

(L’amendement n337 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2342 rectifié.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Cet amendement déposé par Mme Le Loch vise à soumettre à la clause de renégociation, en cas de volatilité des prix des matières premières, les produits fabriqués sous marque distributeur, qui sont identiques à d’autres produits de commerce de détail mais qui, jusqu’à présent, ne sont pas couverts par cette disposition. Il nous semble que c’est une mesure d’équité, qu’il faut absolument adopter. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Petite remarque : cet amendement n’a pas été formellement défendu, Mme Le Loch n’étant pas là.

M. le président. Cet amendement a été adopté en commission lors de la réunion tenue au titre de l’article 88.

M. Patrick Hetzel. Ah oui ! Très bien !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On ne triche pas ! En plus, c’est un bon amendement !

(L’amendement n2342 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1656.

M. Dino Cinieri. Je supplée M. Abad pour la défense de son amendement. Un des problèmes que rencontrent certaines professions, en particulier dans la plasturgie, est la variation importante du prix des matières premières sur des périodes courtes – quelques semaines. Dans ce cas précis, il est très difficile de répercuter cette hausse au donneur d’ordre si rien n’est prévu dans le contrat. Cela met le transformateur dans une situation très difficile puisqu’il paie plus cher ses matières premières, qui représentent souvent 40 à 50 % du prix du produit final, et qu’il ne peut pas ajuster son prix de vente. Cet amendement permet d’anticiper par contrat cette difficulté en prévoyant une possibilité de révision de prix.

(L’amendement n1656, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1657.

M. Dino Cinieri. Cet amendement poursuit les mêmes objectifs que celui que je viens de défendre.

(L’amendement n1657, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1145.

M. Razzy Hammadi. Il est défendu.

(L’amendement n1145, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1147.

M. Razzy Hammadi. Défendu.

(L’amendement n1147, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n1148.

M. Razzy Hammadi. Défendu.

(L’amendement n1148, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur thématique, pour soutenir l’amendement n2440.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il s’agit d’un amendement qui peut sans doute étonner. L’article 10 ouvre la possibilité au ministre ou au préfet de soumettre à l’Autorité de la concurrence un avis sur les schémas de cohérence territoriale – les SCOT – et les plans locaux d’urbanisme – les PLU –, du moins dans leur dimension d’aménagement commercial.

Cette disposition est très importante : elle permettra au préfet et au ministre de disposer d’éléments objectifs leur permettant de motiver leurs décisions, ou du moins d’observer si un PLU ou un SCOT n’est pas notoirement déséquilibré en faveur de tel ou tel type de commerce et, par conséquent, s’il n’est pas orienté ou susceptible de cacher, de camoufler ou de faciliter des manœuvres ou du favoritisme à l’égard de telle ou telle enseigne.

Tous ceux qui ont été élus locaux savent que l’urbanisme commercial revêt une seconde dimension, au-delà de la liberté d’installation et du droit de la concurrence, à savoir une dimension d’urbanisme.

Les territoires sont très interdépendants : en fonction de ce qui se passe et des facilités qui peuvent être accordées à des développements commerciaux très importants dans une agglomération, on peut avoir un arrière-pays rural complètement asséché au plan commercial ; on peut avoir aussi, en cas d’excès éventuel d’implantations périphériques autour d’un bourg ou d’une ville moyenne, de très grandes difficultés en centre bourg. Il faut donc veiller à trouver un équilibre entre les règles de liberté du commerce et les règles d’aménagement et d’équilibre du territoire.

Cet amendement a pour objet de faire en sorte que la commission départementale d’aménagement commercial – la CDAC –, qui réunit tous les territoires à une échelle suffisamment vaste, et non simplement à celle d’une ville ou à celle des SCOT, qui sont très inégaux sur le territoire – j’ai un SCOT de trois communes, à côté d’une grande agglomération –,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il n’y avait pas le nombre requis !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Certes, mais le préfet l’a validé !

À un moment donné, il faut bien que l’on puisse se rencontrer entre responsables de SCOT afin d’établir une stratégie commune, un modus vivendi entre élus, pour que des implantations ne soient pas excessives dans un endroit avec pour conséquence de déstabiliser complètement, dans un autre endroit, l’offre commerciale de proximité ou de voisinage.

Je propose donc que la commission départementale d’aménagement commercial soit chargée de mettre en place un schéma d’orientation stratégique du développement commercial dans le département. Il sera ainsi négocié entre tous les élus locaux, qu’ils soient très urbains ou très ruraux, en particulier tous les présidents de SCOT puisqu’ils siègent à la CDAC.

Ce document sera une référence. Je dois dire d’ailleurs que cela fonctionne implicitement comme cela dans le vaste bassin commercial que recouvre le schéma d’urbanisme de la ville de Bordeaux ; c’est devenu une référence. Il a été négocié entre les élus de l’agglomération – qui s’appelle désormais métropole –, et une grande partie de l’arrière-pays. Cela permet de trouver les équilibres et de ne pas trop surcharger les enseignes commerciales tout près de certaines villes moyennes qui s’en trouveraient déstabilisées.

Cette approche d’aménagement du territoire du commerce ne doit pas, à mon avis, être totalement abandonnée à la seule approche d’équilibre entre les enseignes évaluée par l’Autorité de la concurrence.

L’équilibre entre les enseignes est une chose, l’équilibre entre les territoires en est une autre ; c’est la raison pour laquelle je vous propose de confier cette compétence à la commission départementale d’aménagement commercial, puisqu’elle existe – on ne crée donc pas de charges nouvelles. Elle permettrait à l’Autorité de la concurrence, quand elle doit apprécier un PLU ou un SCOT, de se fonder également sur une dimension d’aménagement du territoire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je comprends cet objectif, et l’explication du rapporteur nous permet de toucher du doigt la situation à laquelle il veut répondre. Cela étant, je dois confier mon inconfort face à la proposition qui est ici faite, pour deux raisons.

Tout d’abord, la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite ALUR, puis la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite ACTPE, ont réformé ces documents d’urbanisme. Nous avons d’ailleurs longuement débattu de cette situation en commission spéciale, et j’avais plutôt senti un consensus autour de l’idée que ces documents d’urbanisme récemment modifiés étaient satisfaisants.

Par ailleurs, nous avons aujourd’hui des PLU et des SCOT – même si le territoire n’est pas encore partout maillé de SCOT – ; aussi, l’idée de créer un nouveau document d’urbanisme, qui permettrait en quelque sorte de discuter entre SCOT, ne me paraît pas aller dans le sens de la simplification que nous recherchons, pour être honnête.

Le caractère récent des dernières modifications – lois ALUR et ACTPE –, la volonté que je crois partagée de plutôt simplifier les choses et le consensus ressenti dans nos discussions me conduisent à prononcer un avis défavorable sur l’amendement ici déposé – même si je comprends votre préoccupation particulière –, parce que j’ai peur que l’on complique à nouveau les choses en rajoutant un document et en recréant de la concertation sur la concertation. Je pense que nous pouvons traiter le problème différemment ou plus simplement qu’en élaborant un nouveau document. Avis plutôt défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Je vois mal les commissions départementales d’aménagement commercial, dont le rôle est de statuer sur les demandes de création de grandes surfaces, s’occuper d’aménagement du territoire.

Certes toute installation commerciale d’une certaine importance a un impact direct dans ce domaine, mais la complexité de l’aménagement du territoire dépasse de loin une simple vision commerciale des choses. La loi ALUR a élargi le champ d’intervention des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, les CDPENAF, chargées notamment de protéger les espaces agricoles – on sait que les surfaces agricoles continuent à régresser dans des proportions considérables. Elles ont désormais un rôle en matière d’aménagement du territoire et sont également consultées dans le domaine de l’aménagement commercial. Il n’est pas opportun à mon avis de multiplier les structures compétentes en matière d’aménagement au niveau départemental.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Le problème que vous évoquez est réel, monsieur le rapporteur, mais ce sont les services de l’État et les préfets qui sont en cause : comment peut-on accepter qu’un SCOT couvre trois communes ? C’est quand même étrange.

M. Jean-Pierre Door. C’est pour le moins curieux en effet !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Si votre département compte douze SCOT, il est inévitable qu’un SCOT qui aurait fait le choix de l’hypercommerce risque de siphonner l’activité commerciale des SCOT voisins.

En revanche, mon département, qui est aussi celui de Mme Bonneton, doit compter environ trois SCOT pour 1,3 million d’habitants et le SCOT dont ma commune relève couvre près de trois cents communes : je ne vois pas quel serait l’apport de la commission départementale d’aménagement commercial, alors que depuis des années nous travaillons à harmoniser les différentes activités, à réfléchir sur l’environnement, le schéma de transports, les déplacements.

Il faudrait trouver un moyen de traiter ce problème, qui est réel, sans être obligé de passer par la CDAC quand la dimension des SCOT est pertinente, faute de quoi nous risquons de nous heurter à l’incompréhension des élus qui ont travaillé là-dessus.

Par ailleurs, le problème peut se poser entre départements voisins, quand le périmètre du SCOT ne dépasse pas les frontières départementales, parfois à la demande du préfet, jaloux de préserver son champ de compétence. Dans ce cas, un département peut aussi jouer un rôle de prédation à l’égard d’un département voisin. Ainsi les choix faits dans le cadre du SCOT dont relève Chambéry sont susceptibles de porter atteinte aux équilibres définis dans le cadre du SCOT de Grenoble. Dans une telle hypothèse, ce n’est pas la commission départementale qui serait en mesure de résoudre ce problème.

Je résumerai mon propos en deux points. Là où le périmètre des SCOT est suffisamment large et pertinent, je crains que les élus n’apprécient pas du tout que la commission départementale vienne leur expliquer comment aménager leur territoire, alors qu’ils y travaillent depuis des années. En revanche, lorsqu’il y a une multitude de SCOT dont la pertinence est de mon point de vue discutable – quand un SCOT couvre trois ou quatre communes, il s’agit au mieux d’un PLU intercommunal – le problème est celui de l’agrément de ce type de dispositifs, qui ne sont pas conformes à l’objectif même des SCOT.

Votre amendement me pose problème, monsieur le rapporteur, dans la mesure où il s’applique à la totalité du territoire, y compris là où le périmètre des SCOT est pertinent. Il faudrait voir comment ajuster le curseur à travers une modification de sa rédaction. Je demanderai une suspension de séance à cette fin.

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Notre amendement vise précisément à prendre en compte les cas où les SCOT ne permettent pas d’élaborer des schémas cohérents et concertés. Il s’agit de pallier l’inefficacité de SCOT dont la mise en place n’aurait pas dû être tolérée.

On peut comprendre, a contrario, les arguments qui viennent d’être développés. Il faut trouver une rédaction qui nous permette à la fois de ne pas perturber le fonctionnement des SCOT qui donnent satisfaction et de coordonner les différentes instances existantes dans les autres cas, faute de quoi on risque de créer plus de difficultés que l’on en aura résolu.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Un tel amendement présenté avant l’article 10, qui fait entrer l’Autorité de la concurrence dans le système d’élaboration des documents d’urbanisme, cela sent l’impréparation totale, monsieur le ministre.

Les problèmes de seuil comme les problèmes de frontières ne sont pas nouveaux. Je le redis avec force : ce qui manque dans ce pays, c’est une politique d’aménagement du territoire, et une telle politique ne relève ni d’un SCOT, ni d’une structure départementale : cela relève de l’État. Quand l’État aura retrouvé ses fonctions régaliennes et pourra imposer des schémas d’ensemble pour le territoire, tout fonctionnera à nouveau.

Aujourd’hui on est en plein Moyen-Âge. Pompidou avait raison de dire que le problème, c’était le régionalisme. Les SCOT, les structures intercommunales, tout cela se chevauche. Il faut remettre de l’ordre dans la maison.

Prenez un hélicoptère et allez dire au préfet de région de remettre de l’ordre dans ce machin !

Pour qu’il y ait de l’aménagement du territoire, il est urgent que l’État récupère ses fonctions régaliennes.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Vous me permettrez, cher collègue, de douter de l’opportunité de gérer depuis Paris l’implantation du moindre centre commercial ou de la moindre supérette au fin fond de la province.

M. Julien Aubert. Le préfet n’est pas à Paris, que je sache !

M. Jacques Myard. Il faut aller sur place !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il y a des limites au jacobinisme : il faut laisser un rôle aux élus locaux et à la diversité territoriale.

Je pense que l’urbanisme commercial ne peut pas relever exclusivement de considérations de liberté du commerce et de l’industrie. Si les présidents de SCOT de mon département, qui compte 1,8 million d’habitants, ont demandé la mise en œuvre d’un interSCOT, c’est parce qu’il compte une agglomération dont le SCOT couvre un territoire de 800 000 habitants et que sans structure de coopération, cette grande métropole assécherait son arrière-pays.

Si on veut garder des villes moyennes d’une certaine vitalité, si on veut préserver notre maillage de bourgs et de villages, il est très important que les élus locaux disposent d’une instance de concertation.

M. Jacques Myard. Les hobereaux locaux ! Les barons !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Or la CDAC est une structure qui permet aux élus locaux, notamment aux présidents de SCOT, de dialoguer à une échelle pertinente car intégrant plusieurs zones de chalandise.

Grâce à l’excellent travail des élus locaux, votre département, monsieur Brottes, ne compte que deux SCOT. Fort bien : ils seront deux à se concerter. Chez moi, il y a douze SCOT, très inégaux : celui de la métropole, dont le périmètre est très important, celui du Bassin d’Arcachon, qui couvre un territoire de 80 000 habitants et des SCOT ruraux, dont le SCOT des lacs médocains, qui compte trois communes. Est-il vraiment pertinent que l’Autorité de la concurrence tranche la question de savoir s’il ne vaut pas mieux qu’il y ait une supérette Leclerc et une supérette Casino au lieu de deux supérettes Leclerc à Lacanau, alors qu’on va laisser dans le même temps un hypermarché s’installer à vingt-cinq kilomètres de là ?

Voilà pourquoi je pense qu’il ne faut pas négliger l’aménagement des territoires et qu’on doit permettre aux élus de préserver la vitalité des villes et des villages.

Vous attribuez ma proposition à l’impréparation. Pour moi, c’est la contribution à la réflexion en cours d’un parlementaire qui a été vingt ans élu local.

M. Jacques Myard. Ça se soigne !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Notre collègue Savary a évoqué un problème qui se pose dans bon nombre d’endroits. Les élus des territoires ne se parlent pas assez pour empêcher la prédation inorganisée entre les différentes zones de chalandise. Le sujet est donc ouvert.

La question que pose la rédaction de l’amendement, à ce stade, est de savoir quelle est la valeur prescriptive du schéma qui sera élaboré par la commission départementale. Il faut à mon avis le préciser.

Deuxième question : quelle est la composition de la commission qui devra traiter de cet inter-SCOT ? Pour l’instant, nous avons une composition qui est très liée aux demandes, au fil de l’eau, pour chaque ouverture de commerce. Il faudrait une composition ad hoc, afin qu’on sache qui est autour de la table pour décider.

Enfin, quelle est la valeur prescriptive de ce schéma, pour pouvoir faire injonction de réviser les prescriptions du SCOT ? Le schéma vaut-il révision automatique du SCOT ou faut-il enclencher une révision alors que chaque SCOT comporterait déjà des éléments qui pourraient porter préjudice à un schéma d’organisation inter-SCOT d’ensemble ?

Il faut quand même que nous puissions apporter des réponses à ces questions, pour voir comment s’exercerait cette nouvelle compétence donnée à la commission départementale. Le problème doit être posé, il doit être traité, mais nous avons à ce stade quelques interrogations qui doivent aussi être prises en compte, sinon nous aurons un problème de mise en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Le problème soulevé est important. Il se pose même au-delà des départements : il y a des comportements commerciaux ainsi que des stratégies d’aménagement et d’attractivité des commerces qui dépassent largement le cadre des SCOT et même celui des inter-SCOT. Je suis dans une région où les gens prennent l’autoroute et font plus de 100 kilomètres pour des offres commerciales qui les intéressent particulièrement.

Il y a aussi un lien avec les compétences de la région en matière d’organisation économique globale et il me semble que la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – NOTRe – serait peut-être celle dans laquelle nous pourrions approfondir l’articulation entre ce qui est économique et ce qui relève de l’aménagement urbanistique.

M. Christophe Caresche. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur thématique.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je ne vais pas m’éterniser sur le fond. Pour moi, il s’agissait d’un schéma de mise en cohérence des documents d’aménagement commercial – DAC –, prescrits par la loi, de chacun des SCOT. Aujourd’hui, cela peut entraîner révision s’il y a le libre consentement de chacun des SCOT. Il ne s’agit pas d’un schéma prescriptif, mais d’un schéma d’orientation générale, concerté, co-construit, entre les présidents de SCOT à l’échelle d’un territoire suffisamment pertinent pour prévenir les effets de nouvelles implantations commerciales. Aujourd’hui, nous avons des élus locaux qui, en toute bonne foi, font des DAC, mais restent parfaitement impuissants à cause de stratégies commerciales voisines ou périphériques. Je pense que cette dimension ne peut pas être éternellement ignorée : je pressens, dans les années à venir, une gueule de bois dans les villes moyennes françaises, les bourgs et les villages, parce qu’on aura laissé faire n’importe quoi.

M. Julien Aubert. Il a raison !

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Vous verrez les difficultés que nous rencontrerons, avec le dépérissement des centres-bourgs et leur paupérisation, parce que nous aurons dit que c’est la concurrence pure et parfaite qui organise le commerce. Le commerce étant la vie, la vie devient périphérique, quitte les centres-bourgs. Nous sommes actuellement en plein naufrage.

M. Jacques Lamblin. Il a raison.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. C’est une des raisons pour lesquelles je crois qu’il faut avoir une autre vision que celle de la concurrence : celle-ci est importante, mais la vie ne se résume pas à savoir si, à côté d’une enseigne Leclerc, on met une enseigne Casino pour équilibrer la concurrence. Voilà mon point de vue.

M. Julien Aubert. Bravo !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Telle est la motivation de mon amendement. Je voulais l’inscrire dans la loi pour que l’Autorité de la concurrence ne se considère pas comme le gendarme de la vie dans toutes les villes moyennes et tous nos territoires.

Cependant, je veux bien convenir, avec le président Brottes, qui a pointé l’incomplétude de cet amendement-réflexe, qu’il faudrait le retravailler. Je suis prêt à le retirer, mais j’aimerais bien être soutenu par un maximum de collègues…

M. Julien Aubert. Vous l’êtes par le groupe UMP, en tout cas !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. …pour que, dans l’examen de la loi NOTRe, cette dimension puisse être prise en compte – sans ajouter une usine à gaz aux usines à gaz existantes ! C’est pourquoi je disais que cela pourrait constituer une nouvelle mission, plus stratégique, de la CDAC, dont les missions classiques consistent à se prononcer, dans le tumulte des groupes de pression, sur l’implantation de telle ou telle enseigne.

Il faut faire en sorte que les élus locaux et les territoires soient quelque peu obligés de se parler pour trouver des équilibres. Encore une fois, je pense que c’est essentiel.

Retrait de l’amendement, mais j’espère que nous avons une clause de rendez-vous, chers collègues.

(L’amendement n2440 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n2139.

M. Julien Aubert. Il s’agit de tirer les conséquences de la prochaine application de la loi sur le cumul des mandats. Tout à l’heure, j’entendais le rapporteur thématique, M. Savary, dire : « Tous ceux qui sont dans cet hémicycle et qui sont élus locaux savent que… » Eh bien, dans quelques années, si la loi n’est pas abrogée, cette formule n’aura plus vocation à exister parce que, par définition, les parlementaires ne seront plus élus locaux et n’auront pas d’autre mandat.

Nous venons d’en avoir l’illustration, l’hémicycle est traditionnellement saisi de sujets économiques d’aménagement commercial. Il se trouve donc qu’il y a parmi nous ceux qui participent à la CDAC dans leur territoire et ceux qui, ne détenant qu’un seul mandat, n’ont pas vocation à faire partie de cette commission.

L’amendement qui vous est proposé prévoit que le député de la circonscription dans le ressort de laquelle se situe la commune d’implantation siège à cette commission. Pour ceux d’entre nous qui y sont déjà du fait de leur mandat local, cela ne change strictement rien. En revanche, pour ceux qui n’ont qu’un seul mandat, cette disposition leur permettrait à la fois de s’intéresser à la vie de leur territoire, de mieux comprendre les enjeux et ensuite, lorsque nous votons la loi, d’avoir une opinion beaucoup plus fondée.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Julien Aubert. Ce que vous avez décrit, monsieur Savary, je le constate : le Vaucluse est l’un des départements où il y a le plus de ces surfaces commerciales, d’où une intense compétition. Le député qui n’a pas d’autre mandat est un peu hors-sol sur ces sujets : il n’a pas de clé, de porte d’entrée, pour comprendre. Je pense que nous devons dès à présent réfléchir à ce type de dispositions pour anticiper l’évolution de la vie démocratique dans ce pays.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Comme M. Aubert, je pense que nous devons « coller » le plus possible au terrain.

M. Jean-Pierre Vigier. Ah ! Très bien !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Néanmoins, si l’on commence à voter ce genre de préconisation, chers amis, il faut s’attendre à un inventaire à la Prévert qui comprendra plusieurs centaines de commissions, notamment, siégeant auprès des préfets et ce dans tous les domaines : la protection des espaces naturels, les espaces naturels sensibles, les espaces agricoles, le comité opérationnel départemental anti-fraude, le CODAF…

M. Jean-Pierre Door. La commission départementale de prévention des risques naturels majeurs !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Le député sera donc appelé à y siéger ? Et quand je dis le député, je devrais plutôt dire tous les députés. Chez moi, il devrait être douze à arriver en force à la CDAC pour assister aux délibérations des élus locaux !

M. Julien Aubert. Non ! Il s’agit du député de la commune d’implantation.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je vais vous dire ce que j’en pense, monsieur Aubert, et comment je procède dans mon département.

Lorsque j’ai envie de participer à une commission – y compris d’élus locaux – je demande au préfet si le député peut venir voir comment cela se passe – pas pour délibérer, mais pour voir comment cela se passe.

Par exemple, vous savez que je m’intéresse de près aux questions liées au travail illégal. Eh bien, je siège une fois à la CODAF et le préfet accepte qu’il en soit ainsi pour que je puisse voir comment cela se passe. Je pense que c’est largement suffisant.

Je vous rappelle, tout de même, que nous avons le droit de participer à titre d’observateur, si nous le souhaitons, à quasiment toutes les instances.

M. Jacques Myard. Et même d’aller en tôle !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Et même d’aller en tôle, M. Myard a raison.

Très franchement, je pense que si cet amendement était adopté, nous ouvririons une boîte de Pandore dont on ne maîtriserait plus le contenu parce que, très vite, des collègues voudraient que le député soit présent, de droit, dans tous les comités installés auprès des préfets, et ils sont très nombreux.

Enfin, s’il y a un député, pourquoi n’y seraient-ils pas tous, les affaires n’étant pas toujours circonscrites dans les limites d’une circonscription ?

Je suis donc plutôt défavorable à l’adoption de cet amendement. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je souscris aux propos de M. le rapporteur tout en comprenant la préoccupation du député Aubert.

D’une part, la loi  ACTPE a réformé la composition des CDAC voilà quelques mois.

D’autre part, le député peut demander à participer aux travaux de la CDAC lorsqu’il est concerné même si, en effet, il n’en est pas membre de droit. S’il en était autrement, tous les députés pourraient se joindre aux dits travaux.

Il est déjà possible d’être auditionné à la demande et au cas par cas par la CDAC sur tel ou tel dossier, ce qui permet en effet au parlementaire d’être impliqué et de prendre part à ses travaux.

Nous ne tenons cependant pas à modifier de nouveau la loi ACTPE à ce sujet – laquelle a attribué plus de place aux élus locaux par rapport aux professionnels en particulier.

Notre vision des choses consiste plutôt à en rester à la possibilité, pour les parlementaires, d’être associés au cas par cas et à leur demande à ces travaux. Cela semble satisfaisant.

Avis défavorable pour cette raison.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Encore faudrait-il qu’ils aient l’information !

Mme Sandrine Mazetier. En effet.

M. Philippe Vitel. Peut-être serait-il alors possible de demander à la préfecture ou à la direction départementale des territoires et de la mer qui gèrent ces dossiers d’informer le député du territoire concerné par une implantation de la tenue d’une réunion de la CDAC intéressant un dossier de sa circonscription.

Mme Michèle Bonneton. Très bien !

M. Philippe Vitel. Je suis quant à moi très favorable à cette institution dans laquelle je siège depuis plus de douze ans. Je crois d’ailleurs que le panel de ceux qui y participent est très représentatif du monde réel, du terrain.

Les associations des usagers, en particulier, y sont représentées et c’est très bien ainsi. Seul manque le député, qui devrait pouvoir bénéficier de cette information. Lorsqu’il le souhaite, à titre consultatif, il pourrait participer à ces réflexions. Ce serait je crois une valeur ajoutée dans le fonctionnement des CDAC.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je comprends l’intérêt que chacun porte ici à cette question.

Parmi nos missions figurent l’écriture de la loi et le contrôle de l’action publique – de l’État, en règle générale. Nous sommes donc invités partout où un tel contrôle peut être effectué.

Je ne crois pas que le préfet puisse nous dire : « Sortez ! Vous n’avez pas de rôle d’observateur à jouer ! »

M. Philippe Vitel. Et comment entrer si nous n’avons pas l’information ?

M. François Brottes, président de la commission spéciale. En effet, il faut avoir l’information.

Mais nous avons aussi le droit de faire un peu confiance aux élus locaux !

En outre, la fin du cumul des mandats se profile et ce n’est pas parce que l’on est sorti par la porte qu’il faut entrer par la fenêtre sous prétexte que nous allons à nouveau gérer les dossiers locaux alors que les élus… locaux le font !

Je ne sais pas si, en souhaitant qu’il en aille ainsi, nous ne sommes pas en train de faire un procès d’intention de mauvaise gestion des territoires aux élus locaux.

M. Philippe Vitel. Absolument pas !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est comme si eux affirmaient que nous ne faisions pas bien la loi – ils ne s’en privent d’ailleurs pas – mais, passez-moi les tautologies, pour être élu député, il faut être élu député et pour être élu maire, il faut être élu maire, de même pour être président de SCOT ou d’intercommunalité.

Encore une fois, je pense que nous avons le droit d’aller partout où l’action publique doit être contrôlée. Si nous commençons à dire que nous sommes invités aux réunions des CDAC, pourquoi n’en irait-il pas de même pour les sénateurs ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Bien sûr !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Et pourquoi pas les députés européens puisque c’est une directive européenne qui encadre le droit commercial ? Viendra un moment où la liste sera longue et absolument ingérable.

Je crois, chers collègues, qu’il faut raison garder.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Juste une observation de bon sens.

Nous ne sommes déjà pas si nombreux à siéger au Parlement et je ne suis pas persuadé que ce soit une bonne chose que de priver la Chambre d’un certain nombre de députés qui, les mardis ou les mercredis, iraient dans les réunions des CDAC.

M. Philippe Vitel. C’est une ou deux heures par mois ! Soyons sérieux !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je suis un peu surpris par l’ampleur de l’argumentation fournie.

On explique d’abord que nous allons ouvrir la boîte de Pandore et, ensuite, que 12 députés siégeront à la CDAC… Non ! Lisez correctement l’amendement ! Il s’agit du député de la circonscription !

M. Christophe Caresche. Qui n’a rien à faire à la CDAC !

M. Julien Aubert. Il est vrai que, suite aux inventions touchant les élections cantonales, on dénombre désormais deux élus par canton, mais, théoriquement du moins, on compte toujours un député par circonscription.

Vous assurez, enfin, que nous allons demander à participer à toutes sortes de commissions. Mais c’est au Parlement de trancher ! Si l’on considère qu’il est important, pour un parlementaire, d’assister à telle commission plutôt qu’à telle autre, cela relève du choix de l’hémicycle.

Ce n’est pas parce que la présence du député serait de droit au sein de la CDAC que la situation serait révolutionnée – d’autant que ce n’est pas du tout pareil d’être auditionné, d’assister à une réunion à titre d’observateur extérieur ou de participer aux choix et à la vie économique de son territoire.

Tout à l’heure, monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le problème de la concurrence des territoires. C’est un sujet sur lequel un élu national peut apporter une plus-value.

Nous sommes en effet ici pour voter la loi dans le sens de l’intérêt général alors que les élus locaux sont parfois contraints de s’en tenir aux intérêts territoriaux, lesquels peuvent être aussi concurrentiels.

Un élu national, au sein de la CDAC, ferait donc entendre une voix différente et pourrait ensuite en profiter pour aménager la législation.

Enfin, l’argument selon lequel la participation aux CDAC contribuerait à dépeupler l’hémicycle ne me paraît pas recevable : 80 % des parlementaires sont des cumulards et leur présence ou non ici n’a rien à voir avec leur participation à d’autres réunions. Une telle réforme n’aurait strictement aucun impact à cet égard.

Le problème est de savoir comment l’on conçoit le rôle d’un parlementaire au sein de son territoire. Pour bien représenter sa circonscription, pour bien comprendre la nature des intérêts économiques, pour bien voter la loi, je reste persuadé qu’il faut parfois garder les pieds dans la glaise et voir ce qui se passe sur le terrain.

M. Philippe Vitel. Absolument.

M. Julien Aubert. En ce qui me concerne, j’apprends parfois par la bande ou par les médias qu’un grand projet d’aménagement commercial est prévu à quelques encablures – ce dont le préfet ne me préviens pas forcément.

M. Christophe Caresche. Et après ?

M. Julien Aubert. Alors, très légitimement, les citoyens se mobilisent.

On peut choisir de maintenir les parlementaires à l’écart mais méfiez-vous ! Ils seront dépositaires, demain, d’un seul mandat, conformément au projet de société et de vie démocratique que vous défendez, mais on peut penser dès aujourd’hui à ce que sera la relation entre les échelons local et national.

En ce qui me concerne, je n’oppose pas les deux, je n’oppose pas les élus locaux aux élus nationaux. Nous sommes élus par la même population et nous sommes également là pour nous faire l’écho de certaines revendications.

De vraies questions se posent que vous avez pointées, monsieur le rapporteur, sur la concurrence des espaces commerciaux et sur l’impact des implantations sur les centres-villes. Ce sont-là de vrais sujets qui imposeront de prendre des mesures extrêmement précises ici même.

On peut le faire empiriquement, compte tenu de notre expérience de nos territoires, ou idéologiquement. Quant à moi, j’opte pour le pragmatisme car j’avais compris que l’esprit de ce texte était tel, et non idéologique.

M. Philippe Vitel. Bravo !

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Par expérience non de maire mais de député, je pense qu’il n’y a rien d’exorbitant à faire en sorte que le député de la circonscription participe, sinon avec voix délibérative – ce qui semblerait souhaitable – du moins à titre consultatif aux délibérations de la CDAC.

Il peut de toute façon en être membre comme maire lorsque la question concerne sa commune mais, en revanche, avec le développement des intercommunalités – qui n’existaient pas voilà une quinzaine ou une vingtaine d’années –, le député a un rôle d’observateur quant à l’ensemble des intercommunalités de son territoire. Dès lors, sa place au sein d’une CDAC ne serait pas tout à fait inutile. C’est même tout le contraire !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est du caporalisme !

M. Julien Aubert. C’est du bonapartisme gaullien !

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Je connais bien le fonctionnement des CDAC puisque j’y siège en tant que maire. Je suis en revanche très heureux que le député n’y siège pas !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Bien sûr !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Évidemment !

M. Joaquim Pueyo. En effet, tel n’est pas notre rôle de législateur. Je vais vous expliquer pourquoi.

J’ai constaté à plusieurs reprises les désaccords de certains élus, par exemple, à l’occasion de l’implantation d’un magasin dans telle ou telle ville.

Des maires ont confié au député que je suis qu’il serait bon que la CDAC ne se prononce pas car cette implantation concurrencerait tel ou tel site commercial.

Je ne vois pas pourquoi le député siégerait. Outre qu’il pourrait subir des pressions, ce n’est pas notre rôle d’être présent. Il faut faire confiance aux élus locaux qui, eux, y siègent. En l’état, ce sont les maires, les présidents des SCOT et ceux de l’intercommunalité, et ils font bien leur travail.

Que nous soyons informés, en tant que parlementaires, de l’évolution de telle zone, et que nous soyons attentifs pour que le fonctionnement des CDAC soit équitable et correct, oui ! Y siéger, y intervenir, se prononcer sur un projet qui ne fait pas forcément l’unanimité entre les territoires, ce serait prendre de gros risques et dénaturer notre rôle véritable.

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Vous semblez penser que les maires ou les présidents d’intercommunalité ne sont pas soumis à des pressions.

M. Joaquim Pueyo. Mais si !

M. Jacques Lamblin. Je suis également maire et il me semble que nous sommes pas mal sollicités dans les circonstances que nous évoquons.

M. Joaquim Pueyo. C’est précisément ce que j’ai dit.

M. Jacques Lamblin. En revanche, un député peut faire preuve d’un certain recul et apporter une vision plus territoriale que ne le peuvent les seuls élus locaux.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Je vais vous dire une chose : le non-cumul des mandats aboutira à poser la question de notre utilité en tant que députés.

Pris dans l’étau du multilatéral et dans celui de l’autonomie complète des collectivités, vous allez pouvoir deviser sur la fameuse formule de Montesquieu : « J’étais empereur et vous m’avez fait patron de galère ! ».

Voilà ce qui se passera ! On vous dira : « Comment ? Vous n’êtes pas au courant ? Mais qu’est-ce que c’est que ce scandale ? ». Et vous allez encore diminuer le rôle et l’aura du député !

M. Julien Aubert. Absolument !

M. Jacques Myard. La démocratie n’en sortira pas grandie.

Le député doit être présent aux réunions des CDAC, même si ce n’est que comme observateur.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Qu’il soit déjà à l’Assemblée lorsqu’il doit y être… 

(L’amendement n2139 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n2138.

M. Julien Aubert. J’ai bien compris que le Gouvernement souhaite une co-construction législative. L’amendement que je viens de défendre n’en a guère été exemplaire, malgré la forte volonté de l’UMP.

M. Bruno Le Roux. Pour nous, c’est le cas !

M. Julien Aubert. Oui mais vous, monsieur Le Roux, vous n’êtes pas vraiment objectif sur cette question !

Je fais donc un deuxième essai, en espérant que cette nouvelle et timide tentative d’établir une co-construction législative se traduira cette fois-ci par des avancées concrètes.

Tout à l’heure, M. le président Brottes parlait d’amour. L’amour, c’est bien, mais les preuves d’amour, c’est mieux !

M. Jacques Myard. En effet !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est exact !

M. Julien Aubert. La rédaction de cet amendement est directement inspirée par celle d’un député socialiste, lequel avait déposé ce dernier en commission au nom de l’écologie, du développement durable, de la transition énergétique et de la préservation des espaces naturels. Je me demande même, à la réflexion, si ce n’était pas un député écologiste – c’est dire la largeur d’esprit dont je témoigne et combien je vous tends la main ! (Sourires.)

Nous avions, avec plusieurs de mes collègues, hélas absents, trouvé cet amendement très intéressant, mais il a malheureusement été retiré, à la suite d’un débat un peu tronqué.

L’extension des surfaces commerciales entraîne un véritable grignotage des terres dans notre pays. Il existe désormais des espaces continus de constructions – des cabanes à chaussures – sur du goudron. L’idée est de protéger les terres arables en faisant de l’interdiction la règle et en autorisant des exceptions motivées par le représentant de l’État dans le département, c’est-à-dire par le préfet. Il s’agit ainsi de préserver les espaces naturels en mettant un frein à ce type de constructions.

En effet, comme l’a signalé tout à l’heure le rapporteur, nous sommes en train de créer un véritable déséquilibre, puisque les centres bourgs de certaines villes moyennes se désertifient à vue d’œil, à cause de la concurrence des zones commerciales. Trois communes de ma circonscription connaissent ce problème.

La disparition des commerces vide les centres-villes de leur population et crée des espèces de no man’s land, ou de ghettos, car ce sont les populations les plus pauvres qui s’y concentrent. C’est là un vrai problème pour le vivre ensemble et le développement économique, et nous arrivons au point de rupture : encore dix ans de cette évolution, et le petit commerce aura peut-être disparu dans certaines villes de France.

Pour ma part, je ne souhaite pas que le modèle américain triomphe en France : aux États-Unis, toutes les villes ont exactement les mêmes enseignes, exactement la même disposition spatiale, exactement la même offre commerciale. C’est contre ce modèle que je lutte, et je vous invite à me rejoindre en votant cet amendement, qui vise à limiter la construction de magasins de commerce de détail d’une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés. En dessous de cette surface, le problème semble moins aigu.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Certaines parties de l’exposé des motifs de votre amendement, monsieur Aubert, répondent à la préoccupation que j’ai exprimée tout à l’heure, à savoir qu’il importe de trouver un moyen de réguler l’urbanisme commercial à une échelle suffisamment vaste, afin d’éviter que des décisions trop cloisonnées, par exemple entre plusieurs maires, n’aient un impact négatif.

Je ne vois pas, néanmoins, en quoi une autorisation préfectorale serait supérieure aux actuelles délibérations de la CDAC, tout simplement parce que ces délibérations sont contraintes par le droit des sols, qui est défini à la fois dans les schémas de cohérence territoriale et dans les plans locaux d’urbanisme. Aujourd’hui, les CDAC se prononcent sur le caractère opportun de l’installation de certains commerces en fonction de prescriptions d’urbanisme qui sont de droit et qui s’imposent à elles.

La CDAC peut interdire l’installation d’une surface commerciale dans un espace naturel sensible ou sur une zone inondable, sans intervention du préfet. Ces contraintes sont, de droit, intégrées par les délibérations de la CDAC. Par conséquent, je ne vois pas bien ce qu’apporte votre amendement, si ce n’est un dirigisme préfectoral, qui va immédiatement être récusé par les élus locaux.

M. Julien Aubert. Cela s’appelle l’État, monsieur le rapporteur !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Dans ce cas, supprimons les CDAC !

S’agissant du rôle du préfet, votre précédente intervention avait bien commencé, mais elle a mal fini, puisqu’à vous entendre, c’est pour ainsi dire au préfet qu’il reviendrait de sauver les centres bourgs de la concurrence des périphéries, donc d’avoir une appréciation de l’aménagement de la ville, éventuellement différente de celle du conseil municipal.

M. Jacques Myard. C’est ce que l’on appelle la politique d’aménagement du territoire !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Il me semble que les choses sont déjà suffisamment bien régulées. Peut-être faut-il améliorer les CDAC, peut-être pourrait-on revoir les seuils ou simplifier certaines choses, mais, en tout état de cause, il me semble que personne, à part vous, ne réclame que ce soit le préfet qui signe ! Les prescriptions du code de l’urbanisme et du code de l’environnement, comme les prescriptions de nature agricole, s’imposent déjà naturellement aux implantations. Il ne faut pas laisser penser que l’on pourrait implanter des surfaces commerciales n’importe où et que les CDAC délibéreraient de façon totalement déconnectée des documents d’urbanismes opposables.

Je pense que votre amendement n’est pas utile, et je n’inviterai pas les collègues à se risquer à le voter.

(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur Aubert, vous faites pour ainsi dire, non pas de l’économie circulaire, mais peut-être du parlementarisme circulaire, en reprenant un amendement de Mme Allain que nous avons examiné en commission spéciale. (Sourires.) Je vous répondrai comme je lui ai répondu.

Premièrement, les documents d’urbanisme permettent déjà d’encadrer de telles situations, et ils sont soumis au contrôle de légalité.

Deuxièmement, des dispositions législatives multiples prévoient déjà la protection de ces terres arables : la loi de modernisation de l’économie avait prévu des dispositions à ce sujet et, surtout, les lois dites Grenelle et la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche de 2010 ont prévu plusieurs dispositions qui assurent la protection des terres arables.

Il nous apparaît donc, à ce stade, d’abord qu’il ne faut pas rendre les choses encore plus complexes ; ensuite, que ce que vous cherchez à faire, à savoir protéger ces terres arables en empêchant l’extension inappropriée de zones de chalandise sur ces dernières, est couvert par l’ensemble des dispositifs mis en œuvre par la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, pour les mêmes raisons que celles déjà exposées en commission spéciale.

(L’amendement n2138 n’est pas adopté.)

Article 10

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, première oratrice inscrite sur l’article 10.

Mme Véronique Louwagie. Je souhaite intervenir sur cet article 10, à la lumière des échanges qu’ont suscités les deux derniers amendements de notre collègue Julien Aubert.

L’article 10 permet au ministre de l’économie ou au représentant de l’État dans le département de consulter l’Autorité de la concurrence sur les projets de schémas de cohérence territoriale, de plans locaux d’urbanisme ou de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, ainsi que sur les modifications ou extensions de tels projets.

Permettez-moi de faire plusieurs remarques.

La première, c’est que cet article retire des prérogatives aux élus locaux, par une immixtion de l’État dans des décisions locales. Les élus locaux ne sont-ils pas les acteurs du territoire les mieux à même d’apprécier, au regard des particularités locales et de l’histoire des pays, les orientations à donner en matière d’urbanisme commercial ?

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. À cette question, monsieur le rapporteur, vous avez déjà répondu positivement, à travers les arguments que vous avez opposés aux amendements de notre collègue Julien Aubert. Vous exprimant sur l’amendement n2139, vous avez estimé qu’il n’était pas du tout judicieux que le député siège à la CDAC, au motif que ce sont les élus locaux qui doivent en garder la maîtrise. C’est ce que vous avez dit, et pourtant, l’article 10 va dans le sens contraire !

S’agissant de l’amendement n2138, vous avez parlé du risque de voir s’instaurer un « dirigisme préfectoral ». Or ce risque, c’est l’article 10 qui est en train de le créer.

M. Jean-Yves Caullet. Il s’agit seulement de formuler un avis !

Mme Véronique Louwagie. C’est une véritable gestion administrée que vous proposez. Vous ne faites pas confiance aux élus, or il faut faire confiance aux élus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme Véronique Louwagie. Ma deuxième remarque, c’est que cet article n’est pas cohérent avec la simplification que vous prônez perpétuellement. Vous appelez à la simplification et vous proposez certains textes qui simplifient effectivement les choses, mais vous présentez aussi d’autres textes qui les complexifient. C’est le cas de cet article 10, qui allonge les délais en créant une procédure supplémentaire.

Enfin, je m’étonne qu’à la veille de l’examen de la loi NOTRE, qui va définir l’organisation des collectivités et l’évolution de leurs compétences, cet article 10 reconnaisse au ministre de l’économie, c’est-à-dire à l’État, ou au représentant de celui-ci dans le département, une capacité d’intervention sur certains sujets. Ma vraie crainte, c’est que l’article 10 ne télescope des dispositions qui pourraient être retenues dans la loi NOTRE.

M. Gilles Lurton. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre, à l’occasion de l’examen de l’article 10, relatif aux commerces, je tiens à vous alerter sur le problème des centres-villes des villes moyennes. Car nous n’habitons pas tous dans des métropoles : nous sommes de nombreux députés à habiter dans une petite ville ou une ville moyenne.

Je voudrais, à ce sujet, rebondir sur l’échange que viennent d’avoir MM. Julien Aubert et Gilles Savary. Le problème, c’est que la relance de l’activité ne passe pas uniquement par le pays, mais aussi par les centres-villes des villes moyennes.

M. Julien Aubert. Parfaitement !

M. Jean-Pierre Door. Ce sont de véritables vitrines commerciales, des vitrines commerciales à ciel ouvert. Ce ne sont pas des grandes surfaces, mais des galeries marchandes ouvertes dans les rues de nos communes, de nos villes. Le problème, c’est que de nombreuses villes souffrent – pour des raisons diverses – que leurs commerces ferment, et que le rideau de certains d’entre eux peut rester fermé pendant très longtemps. Et cela crée un mitage, au cœur même de nos rues commerçantes.

On peut analyser le problème dans tous les sens, et les causes en sont multiples. Ce que j’ai noté, tout de même, c’est que la reprise de ces commerces est souvent difficile, et souvent inhibée par le montant des fonds de commerce – qui peut faire l’objet d’une négociation entre celui qui part et celui qui s’installe – mais aussi par le montant des loyers commerciaux.

Monsieur le ministre, c’est une réalité que je vis en tant que président d’une agglomération et maire d’une ville moyenne : ces reprises sont inhibées, si bien que certains commerces restent fermés pendant des mois, et même des années. J’ai abordé la question avec certains propriétaires qui ne veulent pas toucher au montant de leur loyer, parfois élevé. Il arrive que des repreneurs soumettent un projet, puis y renoncent aussitôt, si bien que les commerces restent fermés.

C’est pour cela que j’ai créé un observatoire du commerce, des assises du commerce. Nous y avons débattu longuement, et j’ai peut-être trouvé une solution, que je voudrais vous soumettre, pour savoir si elle serait juridiquement acceptable. Je n’ai pas déposé d’amendement à l’article 10, mais je voudrais profiter de cette intervention pour vous exposer mon idée.

Dans le document d’urbanisme commercial de la ville, de l’agglomération, du SCOT, si des commerces sont fermés pendant une longue période, qu’il faudra déterminer – deux ans ? trois ans ? – et si le montant du loyer est manifestement trop élevé par rapport à la moyenne des loyers des autres commerces, je propose qu’il soit possible de taxer les impôts fonciers du propriétaire du commerce. Chaque année, les conseils municipaux votent le taux des impôts fonciers : je propose que l’on puisse, par arrêté ou par décision, imposer une pénalité supplémentaire de 20 ou 30 %, de façon à obliger le propriétaire à prendre conscience qu’il n’est pas possible de garder éternellement des commerces fermés, car cela met nos centres-villes en difficulté.

Je vous remercie de prendre acte de cette demande et de m’indiquer si, juridiquement, nous pouvons appliquer ce dispositif durablement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. L’article 10 prévoit que l’Autorité de la concurrence pourra donner son avis en matière d’urbanisme commercial sur les documents d’urbanisme, à savoir le schéma de cohérence territorial, le plan local d’urbanisme ou le plan local d’urbanisme intercommunal,.

L’intervention de cet organisme est, selon moi, contraire aux principes qui guident la politique d’aménagement du territoire…

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Jean-Pierre Vigier. …et ce, pour deux raisons fondamentales.

Premièrement, un document d’urbanisme est un projet de territoires géré par des territoires.

M. Gilles Lurton. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Vigier. Les élus locaux, au nom du principe de libre administration des collectivités locales, ont une autonomie de gestion qui ne peut pas être remise en cause par un organisme national. L’aménagement du territoire est aujourd’hui bien géré par des hommes qui connaissent leur territoire : les élus locaux. Il est donc difficilement acceptable qu’un organisme national, dont on peut douter qu’il a les outils pour émettre un avis étayé, intervienne.

Deuxièmement, l’aménagement du territoire en matière commerciale ne peut être traité sous un prisme concurrentiel. Ceci pourrait constituer une menace pour le commerce de proximité, dont nos territoires ruraux ont bien besoin pour continuer à vivre.

M. Patrick Hetzel. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Vigier. Enfin, monsieur le ministre, arrêtons d’ajouter des strates supplémentaires ! À défaut de simplifier, ne compliquons pas les choses, quand cela n’est pas nécessaire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, l’article 10 de votre projet de loi donne la possibilité au ministre de l’économie que vous êtes ou au représentant de l’État dans le département de consulter l’autorité de la concurrence en matière d’urbanisme commercial, mais également sur les SCOT, les PLU et les PLUI, voire sur tous les projets de révision de ces documents.

Ce nouvel article constitue, mes collègues l’ont dit, un véritable obstacle à la libre administration des collectivités locales. Une fois encore, c’est un article qui va à l’encontre de ce que vous voulez faire pour favoriser la croissance et l’emploi. Pour moi, c’est une véritable défiance vis-à-vis des élus. C’est une recentralisation des pouvoirs alors que nous parlons tous de décentralisation, en bref, une véritable incohérence.

Et encore ! À la suite de la commission spéciale, nous avons échappé à la possibilité, pour le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence de s’autosaisir des projets d’urbanisme commercial. C’était vraiment la moindre des choses car cela commençait à faire beaucoup.

Enfin, l’étude d’impact fait état de consultations menées auprès de certaines enseignes – deux d’entre elles sont d’ailleurs nommées dans l’étude – mais elle ne mentionne pas les conclusions, nous aurions pourtant souhaité les connaître. De même, nous aurions aimé avoir l’avis des fédérations professionnelles comme le Conseil du commerce de France, l’Union professionnelle artisanale et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, il faut vous guérir du prurit bruxellois ! Il ne faut pas regarder l’administration territoriale de la France et l’économie politique par le prisme du tout concurrence posé en loi d’airain à Bruxelles et que vous voulez appliquer ici, jusque dans les questions d’urbanisme. Ce n’est pas acceptable, il existe beaucoup plus de choses dans la réalité humaine que n’en rêve la Commission de Bruxelles. Vous le savez, alors départissez-vous de cette maladie bruxelloise.

En second lieu, il faut regarder les choses en face : vous confiez des pouvoirs à des technocrates irresponsables. Je suis désolé, mais l’Autorité de la concurrence n’est responsable devant personne, sauf de temps en temps, lorsqu’il y a un recours, devant le Conseil d’État. À mes yeux, il est hors de question d’aller confier des pouvoirs à une autorité administrative indépendante, nous sommes en train de les démultiplier sur le modèle suédois, c’est une erreur monumentale : ces autorités indépendantes sont en train de vider la démocratie de sa substance.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Jacques Myard. Il est donc clair qu’avec les PLU, nous sommes au cœur de l’aménagement du territoire. Confier à une autorité administrative indépendante – même si elle est composée de gens parfaitement dignes et compétents, ils seront dans l’optique du tout concurrence – le soin de décider en matière de planification urbaine, c’est parfaitement dément. Il est donc urgent de supprimer cet article. Vous allez d’ailleurs complexifier à souhait l’ensemble du système pour aboutir à je ne sais quelle usine à gaz. De grâce, le droit de l’urbanisme est déjà suffisamment complexe, suffisamment difficile, suffisamment plein de chausse-trappes et de recours en tous sens pour que l’on n’y ajoute pas encore l’avis – même si ce n’est qu’un avis – de l’Autorité de la concurrence.

Vous pourrez me répondre que ce n’est qu’un avis. Mais avez-vous déjà vu un gouvernement ou un préfet aller contre un avis ? Dans cette espèce d’État qui se détruit lui-même, cela n’existe pas ! Il est aujourd’hui clair qu’il faut sans doute reprendre, comme cela a été souligné par M. Savary, un certain nombre de points en ce qui concerne l’aménagement du territoire vu sous l’angle de l’implantation commerciale. Mais de grâce, n’y mêlez pas une autorité indépendante faite de technocrates irresponsables !

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Monsieur le ministre, au-delà de l’article 10, je voudrais commenter l’ensemble du chapitre II de ce projet de loi. Dans ce chapitre, vous vous efforcez de corriger les dérives que la situation un peu absurde d’oligopole engendre dans certains territoires. Mais au lieu de vous occuper des causes, vous êtes davantage préoccupé des effets.

Quel est le problème qui nous amène à la situation d’oligopole actuelle ? Dans notre pays, quatre ou cinq groupes de distribution fournissent aux Français les deux tiers de ce qu’ils boivent et de ce qu’ils mangent. C’est ainsi. À mon sens, sur le plan de la distribution, la concurrence et la possibilité de communiquer et de se renseigner sur les prix sont telles que le problème n’est pas forcément le plus prenant.

En revanche, c’est au niveau des achats de ces groupes que les problèmes sont extrêmement graves. Nous arrivons aujourd’hui dans une telle situation que les producteurs ont face à eux des distributeurs si puissants qu’ils ne peuvent même pas se permettre de les perdre comme clients. Si bien que ces producteurs, qu’il s’agisse de coopératives, d’entreprises ou de producteurs agricoles sont, un peu comme les bourgeois de Calais, soumis aux diktats qui leur sont imposés. Cette situation entraîne une pression insupportable sur les producteurs, et de surcroît, il n’y a pas de contrôle pour veiller à l’application effective des lois telles que la LME ou la LMA. Par exemple, nous avons voté la réduction des délais de paiement. Actuellement, il n’y a aucun contrôle effectué sur ces délais de paiement. Pourtant, des dérives existent, il suffit de parler à des producteurs concernés par ce problème.

Si vous me le permettez, je voudrais étendre mon propos au-delà de ce chapitre II. Ce que j’observe dans ce chapitre vaut pour l’ensemble de ce texte : vous êtes le ministre de l’économie d’un pays qui se déclare ouvert sur le vaste monde en matière de commerce et d’échanges, et qui est pourtant le pays dont les travailleurs travaillent le moins d’heures dans la semaine, le moins de semaines dans l’année, et le moins d’années dans la vie. C’est un vrai sujet qui n’est pas abordé dans ce texte.

Un autre sujet est l’abus généralisé, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, des CDD, qui sont la seule façon de recréer un peu de fluidité aujourd’hui. C’est absolument inacceptable et scandaleux, en particulier pour les jeunes de ce pays.

L’instabilité fiscale n’est pas non plus abordée dans ce texte, pourtant elle tétanise l’ensemble de nos PME en ce moment.

Pourquoi le Président de la République ne veut-il pas traiter cela ? C’est sans doute parce que vous ne le pouvez plus. Vous n’êtes pas d’accord sur ces sujets-là, alors vous vous tournez vers d’autres victimes, à savoir les professions indépendantes et les professions libérales, histoire de dire que vous faites quelque chose. Vous les délégitimez, vous les montrez du doigt comme protégées, et tous les moyens sont bons. Votre collègue des affaires sociales va fonctionnariser les médecins, vous voulez déréguler les professions du droit, bref : chacun a sa méthode. En tout cas, un million d’entreprises – les entreprises indépendantes et libérales – et deux millions de travailleurs sont vos cibles dans cette loi et d’autres.

Nous parlions précédemment de maillage territorial sur le plan commercial. Là encore, en termes de maillage territorial, en mettant en œuvre les dispositions que vous proposez, vous allez vider les territoires où les structures libérales indépendantes sont les plus modestes pour qu’elles se regroupent vers les grands centres urbains, là où il y a la population et le pouvoir d’achat. Ce sera vrai pour les notaires, pour les avocats et pour beaucoup d’autres. Cette évolution me semble totalement programmée dans le texte que vous proposez, cela ne va pas se voir tout de suite, il faudra quelques années, mais les larmes versées par certains sur les petits commerces qui quittent les centres-villes devront bientôt être versées à nouveau parce que d’autres professions disparaîtront des centres-villes des villes moyennes. C’est à peu près aussi sûr que deux et deux font quatre.

Je termine en vous disant que six minutes par député de l’opposition pour prendre la parole sur ce texte de deux cents articles, ou six minutes par article, c’est totalement indigne de l’assemblée dans laquelle nous siégeons.

M. Christophe Caresche. C’est vous qui avez mis en place le temps programmé !

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 10. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 972 et 1954.

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n972.

M. Jacques Myard. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n1954.

Mme Barbara Pompili. Malgré les avancées obtenues en commission, notamment la suppression de l’autosaisine de l’Autorité de la concurrence, le groupe écologiste demande à nouveau la suppression de l’intégralité de l’article 10. En effet, l’Autorité de la concurrence bénéficie ici de nouveaux pouvoirs et moyens de pression trop importants sur les zones commerciales, et la possibilité lui est ainsi laissée de proposer l’ouverture de nouvelles enseignes pour équilibrer la concurrence.

Cela n’est pas cohérent avec la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises dont l’objet est de préserver les commerces de centre bourg, ni avec la loi pour l’avenir de l’agriculture et la loi ALUR. Nous pensons que l’extension des zones commerciales en zone périurbaine pose de gros problèmes. Ce modèle est destructeur des commerces et des emplois en centre-ville, des sols et des paysages, et générateur d’émissions de gaz à effet de serre. Les consommateurs plébiscitent les circuits courts et de proximité et la relocalisation de la production.

Pour finir, la compétence effective de l’Autorité de la concurrence pour apprécier les situations de concurrence dans des zones de chalandage dans toute la France est à vérifier de près.

M. Pascal Cherki. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis défavorable. Contrairement à ce qui a été dit, l’Autorité de la concurrence ne décide de rien, ne se saisit pas elle-même, elle est saisie par le ministre ou le préfet lorsqu’il en a besoin. Tout à l’heure, l’un de vos collègues voulait d’ailleurs donner tous les pouvoirs au préfet, il faut rester cohérent. Je pense que cette mesure permettra aux préfets d’apprécier un certain nombre de cas qui peuvent leur paraître douteux ou limites, ou qui méritent un éclaircissement sur les conditions de concurrence dans le territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable. Monsieur le député Myard, un avis n’est qu’un avis, et en l’espèce, il est normal que le préfet puisse y recourir dans le cadre de son contrôle de légalité. Je tiens à replacer les choses dans leur contexte, à aucun moment il n’est dit que l’Autorité de la concurrence pourra interférer dans quelque décision des collectivités locales que ce soit. Les documents d’urbanisme sont soumis à un contrôle de légalité, il est normal d’offrir la possibilité aux organes compétents, en l’espèce le préfet, d’être éclairés à leur demande sur ce contrôle de légalité, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. C’est simplement ce que prévoit ce texte.

Pardon de vous dire cela ainsi, mais j’ai peur que – peut-être par obsession bruxelloise pour certains ou certaines – vous n’ayez vu le loup caché derrière un article beaucoup trop innocent. Nous avons reçu de nombreux retours d’expériences des CDAC et de la CNAC, après de nombreux débats qui ont alimenté la loi Hamon, la loi LME, et toutes ces lois dont nous revisitons en quelque sorte les raisonnements depuis tout à l’heure. Nous avons longuement hésité entre baisser les seuils, revoir les commissions compétentes, afin de trouver comment réussir à créer la bonne concurrence, en particulier pour préserver nos centres-villes et avoir une bonne dynamique commerciale. Nous y reviendrons tout à l’heure avec le pouvoir d’injonction structurelle.

L’une des leçons de ces retours d’expérience est que certains documents d’urbanismes sont parfois extrêmement malthusiens, dans le sens où ils protègent de manière excessive non pas les centres-villes, mais des enseignes qui ont obtenu des autorisations et qui ont ensuite verrouillé le dispositif. Il est donc normal, quand il y a un doute ou des interrogations, que l’autorité compétente qui existe, qui s’appelle l’Autorité de la concurrence, puisse être sollicitée par le préfet dans le cadre de son contrôle de légalité pour donner un avis.

S’il le souhaite, le préfet prendra ses responsabilités dans le cadre du contrôle de légalité, sur la base d’un avis éclairé.

Pour toutes ces raisons, il faut dédramatiser et relativiser la lecture un peu excessive qui a pu être faite de cet article, lequel constitue une avancée.

Monsieur Door, je veux répondre à votre interpellation et à votre suggestion, que nous allons étudier. Vous proposez, en quelque sorte, une taxe qui porterait non sur les logements vacants, mais sur les baux vacants. Sur ce sujet, plusieurs avancées ont été réalisées. La loi ALUR a permis d’apporter une réponse pour les friches au-dessus de 1 000 mètres carrés, mais je vois bien que cette disposition ne répond pas à votre préoccupation, qui concerne plutôt les centres-villes.

M. Jean-Pierre Door. En effet.

M. Emmanuel Macron, ministre. Sur la proposition de M. le député Fasquelle, d’autres dispositions ont été introduites dans la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, mais elles ne vont pas jusqu’au bout de votre proposition. Nous avons bien pris note de votre suggestion : avec Carole Delga, nous allons étudier plus précisément ce sujet et revenir vers vous, car cela peut tout à fait être une bonne idée.

M. Jean-Pierre Door. Merci, monsieur le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, je ne remettrai pas en cause l’étendue de vos connaissances, mais vous sous-estimez grandement la portée de l’avis que pourra désormais donner l’Autorité de la concurrence. Que vous le vouliez ou non, cette autorité va juger conformément aux critères relatifs à sa mission première.

M. Emmanuel Macron, ministre. Tout à fait.

M. Jacques Myard. L’avis qu’elle va donner portera donc sur une notion bien précise : la concurrence. Or l’urbanisme concerne aussi l’aménagement du territoire.

M. Emmanuel Macron, ministre. Bien sûr !

M. Jacques Myard. Vous sous-estimez grandement l’impact de cet avis sur le juge, lorsque les dossiers seront portés devant les tribunaux.

Aujourd’hui, nous nous plaignons tous qu’après avoir donné la compétence de l’urbanisme aux maires, voire aux EPCI, une multitude d’avis viennent accaparer et capter la décision des élus territoriaux. Or vous continuez dans cette voie. Vous allez complexifier le système dans une optique unique, celle du « tout concurrence ». Votre mesure est donc contraire à la politique d’aménagement du territoire, et vous allez vous en mordre les doigts. C’est pourquoi il faut adopter notre amendement de suppression de l’article 10. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. J’habite dans une petite ville où se trouvent un centre-ville, des grandes surfaces et un grand groupe de distribution : j’ai donc une idée assez précise des relations qu’entretiennent tous ces acteurs au quotidien. En vivant au cœur des préoccupations qui viennent d’être exprimées, je comprends mal comment le fait d’éclairer un dossier soumis à enquête publique par des problématiques de concurrence souvent ignorées du grand public ne pourrait pas constituer un avantage pour les élus, qui restent les seuls décideurs in fine, comme pour la population. Qui mieux que la population, éclairée par un avis rendu sur ce thème – mais pas uniquement –, peut juger du contenu d’un document d’urbanisme en matière d’aménagement – vous avez tout à fait raison, monsieur Myard – et de ses conséquences éventuelles, positives ou négatives, pour le consommateur comme pour les commerçants en place ? Selon les cas, les documents d’urbanisme peuvent être extrêmement ouverts et faire craindre, pour demain, une concurrence féroce des grandes surfaces à l’encontre du centre-ville, ou des plans et documents malthusiens qui laissent les consommateurs dans la main d’un seul distributeur sur un territoire.

Je veux aussi répondre à l’intervention de notre collègue Pompili. C’est une lame à double tranchant ! Ne pas connaître l’enjeu, en termes de concurrence, d’un document d’urbanisme qui sera utilisé par la suite pour des implantations commerciales, c’est se cacher les yeux, refuser de voir et, finalement, risquer de prendre des décisions en ignorant un élément très important pour nos concitoyens.

Les auteurs de ces amendements de suppression hypertrophient les aspects prétendument négatifs de l’article 10. Ce dernier prévoit la possibilité de demander à une autorité de rendre un avis sur un dossier qui sera soumis à enquête publique : cela ne me paraît mériter ni tant d’honneur, ni tant d’indignité.

(Les amendements identiques nos 972 et 1954 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n1296.

Mme Barbara Pompili. Il s’agit de supprimer la faculté donnée à l’Autorité de la concurrence de se prononcer sur les PLU et les PLUI dans le cas de documents d’urbanisme commercial. En effet, il ne revient pas à l’Autorité de la concurrence de se saisir de ce type de documents, organisés de façon concertée au niveau local et s’insérant dans de véritables projets de territoire. Ils doivent rester gérés au niveau local, d’autant que l’on peut douter des moyens dont dispose l’Autorité de la concurrence pour les étudier sérieusement.

M. Pascal Cherki. Très bien ! À bas la concurrence libre et non faussée partout !

(L’amendement n1296, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 10 est adopté.)

Article 10 bis

(L’article 10 bis est adopté.)

Après l’article 10 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n1381 portant article additionnel après l’article 10 bis.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cet amendement vise à compléter l’article L. 752-6 du code du commerce en veillant à ce qu’un certain nombre de décisions d’aménagement économique puissent être éclairées par des études précises de l’impact des nouvelles installations sur le commerce existant. Il s’agit de prendre en compte l’impact sur le commerce de proximité en centre-ville, auquel chacun d’entre nous est ici attaché, dans les petites villes comme dans les grandes, des nouveaux aménagements décidés tout autour. En d’autres termes, cet amendement vise à prendre en compte la protection du commerce de proximité en centre-ville dans un certain nombre de documents et d’études.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable, car cette disposition pourrait être diversement interprétée dans le territoire et tomber sous le coup d’interdictions européennes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Comment ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Elle est donc susceptible de produire un contentieux inutile et pénalisant pour les entreprises elles-mêmes.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Comme l’a rappelé le rapporteur, il existe de petites incertitudes. L’objectif de préservation du commerce de centre-ville, qui motive l’amendement présenté par M. Poisson, est partagé par le Gouvernement – nous y reviendrons à plusieurs reprises au cours de nos débats. Cependant, l’objectif poursuivi me semble satisfait par le dispositif existant, encore renforcé récemment sur la base de critères impératifs, donc plus à même d’assurer l’effectivité et l’efficacité du dispositif. Il convient de laisser fonctionner les dernières dispositions adoptées, en particulier celles votées par votre assemblée en juin dernier, avant d’opérer les modifications proposées. J’ajoute que nos services nous ont fait part de quelques petits risques juridiques qui demeurent – je pourrais vous en donner le détail.

Monsieur Poisson, je vous invite à retirer votre amendement, car il est en partie satisfait et relativement insécurisé. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà qui ne manque pas d’entretenir chez votre serviteur une forme de perplexité abyssale ! Si vouloir que le code du commerce prenne des précautions afin de protéger les commerces de centre-ville est contraire à la réglementation européenne, monsieur le rapporteur, alors je sais pourquoi j’ai voté contre tous les accords européens depuis vingt ans !

M. Pascal Cherki. Vous avez raison ! Pour de mauvais motifs, mais vous avez raison !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si c’est cela, le modèle européen que vous nous présentez, alors je suis désolé de vous dire que nous ne parviendrons pas à avancer sur les sujets internationaux ! Il y a quelque chose qui ne va pas ! J’ai peut-être mal compris vos propos, monsieur le rapporteur. J’ai pourtant été attentif et je crains que vous ayez été très clair : je pense donc restituer fidèlement ce que vous avez dit tout à l’heure.

Monsieur le ministre, si j’en juge par le nombre de dispositions adoptées récemment que vous avez pris l’initiative de modifier dans ce projet de loi, vous pouvez difficilement nous demander de ne pas toucher à d’autres dispositions, elles-mêmes adoptées tout aussi récemment, au motif que celles-là devraient produire leurs effets. Citez-moi un vrai risque que comporte mon amendement sur le fond ! Ne dites pas qu’il ne faut pas tourner une page dont l’encre n’est pas encore sèche : s’il fallait respecter ce principe, votre projet de loi ne comporterait pas 209 articles, et même maintenant un peu plus.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous avez raison, monsieur le député, nous n’avons pas de pudeur lorsqu’il s’agit de corriger ou d’améliorer des dispositions adoptées récemment,…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est ce que je suis en train de vous dire, monsieur le ministre !

M. Emmanuel Macron, ministre. …ce qui n’est pas le cas de votre amendement. Par pudeur, je ne m’étais peut-être pas exprimé suffisamment clairement, mais je peux le dire de façon plus explicite : s’il est bon d’améliorer ou de corriger des dispositions législatives, même contenues dans une loi fraîche, ce n’est pas ce que fait l’amendement que vous avez présenté. Il n’améliore pas…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si !

M. Emmanuel Macron, ministre. S’agissant du droit communautaire, auquel s’est également référé le rapporteur, je vais être plus explicite. Tel que votre amendement est rédigé, il s’apparente à un test économique ; or, vous le savez bien, le test économique est proscrit par la directive services. Je comprends et partage votre objectif, qui a commencé à être pris en compte par plusieurs dispositions législatives, mais la rédaction actuelle de votre amendement nous mettrait de manière absolument certaine en porte-à-faux vis-à-vis de la directive services.

Je réitère mon avis défavorable mais vous avez raison, monsieur Poisson, mes arguments étaient sans doute trop elliptiques pour pouvoir être satisfaisants.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Monsieur le ministre, j’ai écouté avec attention votre intervention ainsi que celle de notre collègue Poisson. Sur le fond, l’objectif de l’amendement n1381 est partagé dans cet hémicycle, mais c’est la rédaction qui pose problème. Ce texte fera l’objet d’une deuxième lecture.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas sûr !

M. Frédéric Lefebvre. Ne pourrait-on pas imaginer – je parle sous le contrôle du président de la commission spéciale – travailler à un texte équilibré, qui nous permette d’éviter le risque communautaire que vient de rappeler le ministre tout en réalisant l’objectif évoqué par M. Poisson à l’instant ? Cela me paraîtrait un bon travail législatif.

(L’amendement n1381 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n1957.

Mme Barbara Pompili. Cet amendement vise à rendre obligatoire l’intégration au bâti commercial des parcs de stationnement. Plus simplement, il vise à interdire la construction des parkings sur plusieurs kilomètres carrés autour des grandes surfaces : les aires de stationnement devront être intégrées en dessous ou au-dessus du bâti commercial. Je persiste à penser que nous ne sommes pas allés assez loin sur ce sujet dans le cadre des lois précédentes : les constructions en zones périurbaines continuent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable. La question posée est bonne ; néanmoins, on ne peut pas changer de loi tous les deux ou trois mois sans créer une très forte insécurité juridique que réprouvent l’ensemble de nos concitoyens. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous avons déjà durci les conditions de construction d’aires de stationnement dans le cadre de la loi ALUR :…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Bien sûr !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. …nous n’allons pas les durcir encore, mais plutôt évaluer la loi ALUR avant de voir s’il faut adopter de nouvelles dispositions.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il vaudrait mieux s’en occuper tout de suite !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable. L’équilibre trouvé dans la loi ALUR paraît satisfaisant au Gouvernement. Le coefficient modifié par la loi ALUR nous semble suffisant : nous ne souhaitons donc pas le modifier à nouveau.

Je profite de cette occasion pour donner un avis favorable à la suggestion de M. le député Lefebvre et m’engager auprès de M. Poisson à avancer dans le sens souhaité par son amendement.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

(L’amendement n1957 n’est pas adopté.)

Article 10 ter

Mme la présidente. L’amendement n2289 de M. Ferrand, rapporteur général, est rédactionnel.

(L’amendement n2289, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 10 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 10 ter

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement n1963 portant article additionnel après l’article 10 ter.

Mme Barbara Pompili. Cet amendement vise à préserver l’action en défense de l’intérêt collectif des consommateurs en matière d’infractions concurrentielles. Les associations agréées pourraient ainsi obtenir de l’Autorité de la concurrence les seuls éléments pertinents à la détermination et au calcul du préjudice subi par les consommateurs.

(L’amendement n1963, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 1603 et 2639, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. François Brottes, président de la commission spéciale, pour soutenir l’amendement n1603, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 3191 et 3192.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Cet amendement a trait à la question bien connue des centrales d’achats. Le phénomène actuel de concentration conduit à ce que le nombre des centrales d’achats du pays entier puisse se compter sur les doigts d’une main, puisqu’il ne doit pas y en avoir plus de quatre ou cinq. Ces regroupements ont pour but d’optimiser la puissance d’achat et se font souvent de façon informelle, même s’il existe aussi des accords formels. Face aux centrales, la multitude des fournisseurs n’ont plus qu’un nombre restreint de guichets auxquels s’adresser pour être référencés et pour négocier les prix de vente de leurs produits.

Pour maintenir une concurrence possible qui permettrait aux fournisseurs d’accéder aux acheteurs, il faut donc que les accords de regroupement soient communiqués à l’Autorité de la concurrence. Nous avons eu ce débat plus tôt : on ne peut pas vouloir sans cesse modifier la loi de modernisation de l’économie pour équilibrer davantage le rapport entre fournisseurs et distributeurs et, dans le même temps, ignorer l’affaiblissement de la concurrence entre centrales d’achats dans le pays.

Mme la présidente. Me confirmez-vous, monsieur Savary, que les deux sous-amendements nos 3191 et 3192 sont rédactionnels ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. En effet.

Mme la présidente. Je suis par ailleurs saisie d’un amendement n2639 qui fait l’objet d’un sous-amendement n3179.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement.

M. Jean-Yves Caullet. Il est en effet très important que les accords de ce type soient communiqués, car cela peut contribuer à défendre une certaine pluralité dans l’intérêt des fournisseurs, mais aussi à protéger les centrales d’achats françaises contre des marques internationales plus puissantes qu’elles. Nous disposerons ainsi d’un mécanisme nous permettant d’observer finement le secteur.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Avis favorable à l’amendement n1603 mais défavorable à l’amendement n2639, qui est quasiment identique et satisfait par celui de M. Brottes. Je propose donc à M. Caullet de le retirer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis, et avis favorable aux sous-amendements nos 3191 et 3192.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je retire l’amendement n2639.

(L’amendement n2639 est retiré.)

Mme la présidente. En conséquence, le sous-amendement n3179 tombe.

(Les sous-amendements nos 3191 et 3192, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n1603, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n1839.

M. Pascal Cherki. Cet après-midi, nous avons longuement débattu de la régulation de la concurrence dans le secteur de la grande distribution qui, incontestablement, est utile pour éviter les abus de position dominante. De ce point de vue, cette loi comporte des avancées, même si le débat précédent a montré qu’elle suscite aussi des interrogations quant à l’intrusion d’une forme d’idéologie de la concurrence dans la vie publique locale.

Retenons néanmoins le principe de la régulation du secteur concurrentiel. Avec cet amendement, je tiens à poser la question suivante. Réguler un secteur est une chose ; débattre démocratiquement de la manière dont il envahit l’espace public en est une autre. Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale, le seuil de l’autorisation préalable d’exploitation commerciale pour l’ouverture de grandes surfaces commerciales a été relevé de 300 à 1 000 mètres carrés : cela pose problème.

Que se passe-t-il en effet dans les villes ? Je vous parlerai de celle que je connais le mieux : Paris. Aujourd’hui, il se produit une forme de développement anarchique des supérettes semblable à la prolifération de cellules cancéreuses, qui ne répond ni à une logique de planification des villes, ni aux besoins de leurs habitants. Dans ce contexte de forte concurrence, qui est voué à s’accroître, il arrive pourtant que trois supérettes coexistent dans la même rue, et ce en toute inutilité !

L’instance municipale et les pouvoirs publics, à qui les citoyens ont accordé leur confiance pour qu’ils organisent la vie de la ville et répondent à leurs besoins fondamentaux, non seulement en matière de services publics mais aussi en termes d’accès aux biens de consommation et de cadre de vie, sont complètement désemparés. Et pour cause : jusqu’à 999 mètres carrés, ils n’ont plus leur mot à dire sur les surfaces commerciales – sauf à employer des subterfuges en engageant un rapport de force avec la population locale ou en différant l’obtention des permis de construire, mais ce ne sont pas là les outils d’un État de droit moderne. L’outil civilisé de la régulation moderne, c’est le droit.

En l’espèce, les instruments du droit nous ont été retirés. De ce fait, nous faisons désormais face à une tendance à l’uniformisation de certaines rues en raison du développement des supérettes. Sans doute est-ce le modèle qui s’annonce, mais il ne me semble pas que la gauche l’ait théorisé, ni qu’il incarne cette nouvelle manière d’être la gauche américaine.

Voilà pour le premier point. Le second est le suivant : la modification du seuil a un effet très concret sur la disparition du commerce de proximité, dont le principal problème tient aux montants des baux. Nombreux sont les commerces de proximité qui menacent de fermer parce que le propriétaire du bail commercial se moque de l’intérêt général commercial du quartier, se disant qu’après tout, si le commerce en question ferme, une agence immobilière ou une banque, voire une supérette, pourront s’y installer. Certaines supérettes frappent même à la porte pour accélérer ce mouvement.

Nous, élus et représentants du peuple, devons donc nous redonner les moyens d’organiser la vie collective et de défendre l’intérêt général. Comme les autres signataires de l’amendement, je demande que l’on corrige l’une des erreurs commises dans la loi de modernisation de l’économie, de sorte que l’on ne se préoccupe pas seulement des conditions de la concurrence au sein d’un secteur, mais aussi des effets qu’a le développement de ce secteur sur l’intérêt général et le cadre de vie. Nous pouvons vivre dans un monde où la fonction marchande joue son rôle sans pour autant que son développement anarchique cannibalise le reste de la vie quotidienne.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Défavorable.

M. Pascal Cherki. Pour quelles raisons ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Parce que je ne peux comprendre l’argument selon lequel il pourrait exister trois supérettes sans utilité. D’une part, je suppose qu’elles sont tout autant fréquentées par la gauche française que par la droite française… (« Cela n’a rien à voir ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. Elles sont fréquentées par les Français, voilà tout.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je veux dire qu’il ne s’agit pas là d’un problème idéologique. Si ces supérettes sont sans utilité, le marché est ainsi fait qu’elles doivent fermer.

M. Pascal Cherki. Nous y voilà ! La main invisible du marché autorégulé !

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Oui, les commerçants sans clientèle vous le diront : il ne s’agit pas d’une main invisible mais de la sélection naturelle par la chalandise !

Mme la présidente. Je vous remercie.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Soit, je m’interromps, mais j’aurais pu poursuivre.

Mme la présidente. Souhaitez-vous conserver la parole, monsieur le rapporteur, pour expliquer pourquoi la commission n’est pas favorable au retour à un seuil de 300 mètres carrés, et non pas 1 000 mètres carrés comme le prévoit la LME, pour les autorisations préalables d’exploitation ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Oui, pour formuler un argument supplémentaire : cette mesure favoriserait la concentration, car plus les espaces commerciaux sont grands et plus les enseignes sont concentrées. C’est pour ces raisons que la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le propos de M. Cherki comporte deux points. En premier lieu, le juste seuil de l’autorisation préalable fait débat tant à gauche qu’à droite : il était autrefois fixé à 1 500 mètres carrés, avant que la loi Raffarin – je parle sous votre contrôle à tous – ne le ramène à 300 mètres carrés en 1996, puis qu’il ne soit relevé à 1 000 mètres carrés par la loi de modernisation de l’économie. Au fond, nul ne saurait dire quel est le bon niveau, et nous pourrions avoir de longs débats pour décider où fixer la jauge.

Il me semble que la question tient davantage à la manière dont ces surfaces sont régulées, avec les modifications apportées aux commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC, et à la commission nationale d’aménagement commercial. Nous débattrons à l’article 11 d’une disposition permettant de traiter la concentration de certaines enseignes sur un territoire donné, et nous résoudrons par là une partie du problème.

En revanche, monsieur Cherki, à lire en creux votre exposé des motifs, il apparaît que vous abordez un autre sujet qui est plus spécifique que celui que couvre votre amendement. Il ne s’agit pas tant de la question du seuil applicable sur l’ensemble du territoire que de la problématique, en zone métropolitaine, des grandes surfaces de 300 à 1 000 mètres carrés, qui cannibalisent des rues où se trouvent des commerces dits de centre-ville.

Nous allons nous pencher de plus près sur ce problème, mais je le crois de nature largement métropolitaine bien plus que nationale. C’est pourquoi j’émets un avis défavorable à votre amendement tel qu’il est proposé ; toutefois, nous allons examiner si nous pouvons prendre, d’ici le passage du texte au Sénat, une mesure concernant les métropoles – car cela me semble être le bon angle d’approche – qui pourrait éventuellement consister à baisser le seuil pourvu que nous parvenions à en mesurer les effets.

Le présent projet de loi ne comportait pas cet objectif et le besoin n’ayant pas été identifié, je préfère que le seuil national reste fixé à 1 000 mètres carrés mais, encore une fois, nous examinerons si le problème que vous évoquez se pose dans les métropoles et la manière dont nous pourrions y répondre.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Nous avions en effet eu un long débat sur ces questions lors de la modification du seuil par la loi de modernisation de l’économie. Depuis, la situation s’est largement stabilisée – ce que l’on peut ou non regretter. La réalité est qu’un certain nombre de ces magasins se sont ouverts, notamment à Paris, et qu’à mon sens, une certaine régulation s’est installée.

J’ai tout autant de légitimité que vous à parler de ces sujets, monsieur Cherki. Vous dites beaucoup de choses en partant de considérations sûrement très intéressantes, mais encore faut-il regarder la réalité en face. Le véritable problème, en particulier à Paris, est celui de la concentration d’une offre commerciale à caractère monopolistique, que nous allons résoudre par l’injonction structurelle. C’est un problème bien plus important selon moi que celui des seuils car, encore une fois, la régulation s’est établie, et même si l’on ramenait le seuil à 300 mètres carrés, la CDAC parisienne accepterait la plupart des demandes dont elle serait saisie, de sorte que cet amendement ne changerait guère la situation.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Je rappelle à M. Cherki l’existence du droit de préemption commerciale, instauré à l’initiative de M. Ollier. Pour l’avoir utilisé lorsque j’étais maire, je sais combien c’est un moyen de régulation efficace. Je ne dis pas qu’il résout tous les problèmes, mais c’est un outil qui permet de veiller à la diversité de l’offre commerciale dans tel ou tel quartier ou rue.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Tout cela est très intéressant, et je note l’ouverture faite par le ministre, dont la réponse m’a semblé beaucoup plus raisonnable et moins idéologique que la croyance en l’autorégulation par la main invisible du marché de M. Savary.

Je veux d’abord répondre à M. Brottes : nous utilisons le droit de préemption commerciale. Dans la commune dont je suis l’élu local, nous avons même créé une société d’économie mixte pour éviter la mono-activité dans certains quartiers, pour racheter une poissonnerie là où il risquait de ne plus y en avoir, pour aider les libraires.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Très bien !

M. Pascal Cherki. Cela étant, sauf à vouloir que nos finances publiques explosent et que les SEM servent à racheter tous les commerces en difficulté, on ne saurait demander à la puissance publique locale d’intervenir systématiquement pour corriger les distorsions du marché par la préemption commerciale !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

M. Pascal Cherki. Il faut donc bien que le droit nous aide. Or, nous sommes bel et bien confrontés au fait que la diversité commerciale est menacée car, dès lors que les propriétaires des baux commerciaux ont la certitude qu’une supérette ou un autre type de commerce s’installera à coup sûr, ils ne les feront pas baisser ! C’est un véritable problème.

D’autre part, je ne suis pas du tout d’accord avec M. Caresche : la question de la régulation de la concurrence est une chose, celle de la puissance financière des groupes de la distribution en est une autre, car ceux-ci considèrent désormais qu’il leur faut pénétrer dans les centres-villes et y implanter partout des supérettes. Peut-être le problème ne se pose-t-il pas dans votre arrondissement, cher collègue, les loyers aux Abbesses étant sans doute même trop chers pour ces commerces, mais je vous certifie qu’il existe des quartiers, et pas seulement celui des Maréchaux, où une même rue peut accueillir trois supérettes !

J’ai bien entendu ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, mais quelque chose me pose un problème. Je crois en votre parole mais je suis peiné, sachant que cet amendement a été discuté en commission spéciale, que vous le connaissez bien, de constater que vous n’êtes pas arrivé en séance publique avec une proposition alternative, comme le Gouvernement l’a fait pour d’autres amendements.

Dans la mesure où je crois en votre parole, monsieur le ministre, je vais retirer cet amendement mais je souhaite qu’une solution très concrète soit proposée par le Gouvernement avant l’examen du texte en deuxième lecture.

(L’amendement n1839 est retiré.)

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je suis très intéressé par l’étude…

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, M. Cherki ayant retiré son amendement nous allons passer aux amendements suivants.

Je ne vous avais pas donné la parole, monsieur le rapporteur.

Je suis saisie de deux amendements, nos 1547 et 426, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n1547.

M. Frédéric Lefebvre. Cet amendement concerne le gaspillage alimentaire. C’est un sujet sur lequel nous nous retrouvons, sur tous les bancs, et qui a motivé un certain nombre d’initiatives. Ainsi nos collègues Decool et Bachelay ont déposé une proposition de loi, qui a été signée par de nombreux collègues, et Guillaume Garot a été chargé par le Gouvernement d’une mission sur ce sujet, au sein de laquelle il travaille avec des élus appartenant à tous les groupes politiques.

Je tenais à engager ce débat ici car dans notre pays trois millions de personnes bénéficient de l’aide alimentaire et 37 % des Français n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois. Face à ce problème, nous devons essayer, avec beaucoup d’humilité, de remplir les cases vides. En France, un système a été organisé et il fonctionne. Un certain nombre de mes collègues considèrent que le moment est venu d’obliger les grandes surfaces à distribuer leurs invendus, mais c’est l’une de nos divergences. J’entends bien l’intérêt de cette suggestion et j’ai à l’esprit les images insupportables de certains reportages montrant des fruits et légumes entassés pour être détruits alors que nombre de nos compatriotes ne mangent pas à leur faim. Ces images doivent nous amener à réagir et c’est la raison pour laquelle je vous présente cet amendement.

Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps une série d’amendements qui viendront plus loin dans le texte mais qui forment un ensemble avec l’amendement n1547.

Tous ont en commun cette question : quelle réponse donnons-nous à la question de la faim dans notre pays ? J’y ai travaillé lorsque j’étais au Gouvernement, en collaboration avec les associations et les grandes surfaces. C’est un sujet sur lequel beaucoup d’élus ont été amenés à réagir dans leur propre ville. Tout à l’heure, le député-maire de Courbevoie était parmi nous. À Courbevoie, un jeune élu, Arash Derambarsh, fait la chasse au gaspillage, soutenu par un certain nombre de bénévoles. Il a obtenu l’accord d’une petite surface pour répondre aux besoins immédiats de nourriture dans sa ville.

Mais en réalité ces bénévoles, et surtout le magasin concerné, ont pris des risques car la réglementation est très stricte en la matière : seules les associations agrées ont le droit de récupérer des invendus, pour des raisons que je comprends parfaitement. Ayant été moi-même ministre de la consommation, je suis parfaitement conscient des responsabilités engagées, des risques d’intoxication, de l’enjeu de la sécurité alimentaire. Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi dans ce domaine.

Un certain nombre de grandes surfaces voudraient pouvoir participer à cet élan de générosité mais elles ne peuvent pas le faire.

C’est la raison pour laquelle je vous propose à travers cet amendement de donner aux magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 400 mètres carrés le droit de mettre en place une convention d’organisation de la collecte, un décret fixant les modalités d’application de ce dispositif.

Les autres amendements relèvent de la même logique en posant la question des dons en nature. Comme vous le savez, une réduction d’impôt à hauteur de 60 % du montant des dons s’applique dans une limite de 0,5 % du chiffre d’affaires.

Cette démarche entraîne des difficultés que je connais bien et qui tiennent à la valorisation des produits. Il est en effet plus ou moins difficile de savoir ce que va coûter réellement tel ou tel fruit ou tel ou tel légume. Ces questions sont complexes.

Dans un autre amendement, je propose de porter le plafond de 0,5 % à 1 % du chiffre d’affaires. En réalité, dans la très grande majorité des cas, la limite de 0,5 % suffit, c’est sans doute ce que vos équipes vous diront. Pour discuter régulièrement avec les associations, je sais que dans un certain nombre de cas, cette limite ne suffit pas. La fixer à 1 % serait le moyen de répondre aux besoins concrets des associations.

Dans le même amendement, je propose pour les particuliers de doubler le plafond de l’avantage fiscal dit « Coluche ». Il est actuellement de 521 euros et je propose de le porter à mille euros. Nos compatriotes sont chaque année au rendez-vous de cette générosité. Il me paraît absolument essentiel que nous soyons en mesure, les uns et les autres, de répondre à cette générosité et d’assouplir notre dispositif.

Un autre amendement, qui concerne la même problématique, génère un certain nombre de complexités. Le dispositif que je propose existe dans ma circonscription, dans un grand nombre de pays dont les États-Unis, le Canada, et il existait dans un certain nombre de pays européens avant que l’Europe ne détermine des règles précises en matière de TVA. Il s’agit de fixer à zéro pour cent le taux de TVA sur les produits alimentaires de base. Certes, l’Europe ne le permet pas, mais la France aurait tout à gagner à livrer ce combat au niveau européen. Il faut donner la possibilité aux États qui le souhaitent, simplement parce que c’est du bon sens, de ne pas taxer sur la valeur ajoutée les produits alimentaires de base. Quand on sait que, dans notre pays, tant de gens ne mangent pas à leur faim, je trouve choquante l’idée même de taxer la nourriture qui leur permet de survivre, eux et leur famille.

Cette disposition aurait un coût, c’est vrai, qu’il conviendrait de compenser par une augmentation du taux normal de TVA qui pèse en majeure partie sur les produits que nous importons.

C’est un débat intéressant qui pose des questions extrêmement concrètes, que nous pouvons régler très vite, et d’autres sur lesquelles j’aimerais que nous prenions date aujourd’hui pour en débattre à plus long terme.

J’en reviens à une question sur laquelle il nous faut prendre une décision, en tout cas donner une orientation immédiate. J’aimerais, monsieur le ministre, que s’agissant de l’amendement n1547, nous fixions un calendrier serré en vue d’aboutir à une solution. À cet égard, la création de la mission et les initiatives prises par les élus sont encourageantes.

Un autre amendement que j’ai déposé concerne les dons en nature qui offrent aux agriculteurs la possibilité de bénéficier du dispositif au profit des associations. Le Gouvernement l’a autorisé pour le lait et très récemment pour les oeufs. Il serait utile de l’étendre aux céréales et à la viande.

Les sujets sont multiples, mais j’aimerais vous entendre, monsieur le ministre, sur la capacité du Gouvernement à avancer à un rythme rapide. Nous pourrions parfaitement travailler en deux mois, ce qui nous permettra, si cela est nécessaire, de perfectionner ce texte lorsque nous l’examinerons en deuxième lecture.

Voilà ce que je voulais dire sur cette question essentielle qui ne peut que concerner chacun d’entre nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n426.

M. Philippe Vitel. Il est intolérable que, dans un pays développé comme le nôtre, nous gaspillions plus du tiers des aliments produits pour la consommation humaine, alors même que des millions de Françaises et de Français ne mangent pas à leur faim.

Au cours du mois de janvier, j’ai fait le tour des associations de ma circonscription. Elles lancent un cri d’alarme quant aux faiblesses des collectes par rapport au nombre de plus en plus important de personnes qui les sollicitent, dont des retraités pauvres qui sont de plus en plus nombreux à frapper aux portes des associations.

Tout dispositif doit être réfléchi et analysé avant d’être mis en place au nom de la solidarité qui est l’un des fils conducteurs de notre démocratie. Je lance moi aussi un cri d’alarme : aujourd’hui, beaucoup de gens ont faim dans notre pays, pourtant nous continuons à gaspiller énormément.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Je serai bref car le sujet est grave et le constat partagé sur tous les bancs. Je ne doute pas qu’il faille progresser.

Pour autant j’émets un avis défavorable parce que la mission Garot devrait nous amener à renforcer notre dispositif législatif pour rendre plus systématiques ces collectes. Il y a effectivement trop de gaspillage. Il ne serait pas utile de placer un alinéa intempestif avant de réfléchir à un dispositif plus complet.

J’ajoute que les associations ne sont pas unanimes sur la mise en place de collectes régulières. Beaucoup d’entre elles sont bénévoles et n’ont pas les moyens de s’astreindre à une collecte régulière. Pour le reste, de nombreuses conventions ont été mises en place de façon empirique, vous le savez bien, notamment avec les banques alimentaires qui desservent l’ensemble des associations du territoire. C’est ainsi que cela fonctionne dans mon département. Je ne dis pas que le dispositif ne doit pas être perfectionné, mais je pense qu’il est opportun d’attendre les conclusions de la mission de Guillaume Garot.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le Gouvernement partage naturellement les arguments développés par Frédéric Lefebvre et Philippe Vitel. Ce sont ces arguments qui l’ont conduit, en octobre dernier, à confier une mission à Guillaume Garot.

Vous connaissez les difficultés que rencontrent les associations en matière de collectes, mais aussi sur le plan fiscal et les effets biaisés qui en découlent et que vous avez détaillés, monsieur le député.

Comme le prévoit sa lettre de mission, Guillaume Garot présentera un rapport intermédiaire dans quelques semaines, au moment du Salon de l’Agriculture. Je propose qu’il fasse à cette occasion le point avec vous et avec votre collègue Decool, qui s’intéresse vivement à ce sujet et y a beaucoup réfléchi, jusqu’à venir le défendre devant la commission spéciale. L’idée est d’aider M. Garot à finaliser cette initiative dans l’objectif de présenter un rapport définitif fin mars ou début avril.

Le Gouvernement partage pleinement votre préoccupation, d’ailleurs avec Ségolène Royal et Stéphane Le Foll nous suivons de près cette mission. Je vous invite à retirer vos amendements, sachant que le Gouvernement s’engage à vous associer au travail de Guillaume Garot, à qui j’ai transmis l’information, afin que des propositions communes et transpartisanes soient présentées dès le printemps prochain.

M. Gilles Savary, rapporteur thématique. Vous encouragez le débat de fond, je vous remercie !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Je regrette que ces amendements pourtant très modérés fassent l’objet d’une demande de retrait. Nous partageons tous l’analyse. Le problème, c’est que la mission Garot installée au mois d’octobre rendra un rapport intermédiaire au mois de mars et si tout va bien ses conclusions au printemps dont la traduction législative aura peut-être lieu en été pour être opérationnelle à la fin de l’année. Vous voyez bien, monsieur le ministre, que nous sommes en décalage avec la réalité du terrain ! Dans ma seule commune, il manque 1 500 tonnes aux associations qui ne boucleront pas l’année et ne pourront pas nourrir tous ceux qui se présentent ! 1 500 tonnes dans une commune de 17 000 habitants !

Si nous n’allons pas beaucoup plus vite et n’accélérons pas les choses en profitant du consensus qui nous rassemble pour décréter une urgence plus qu’absolue, nous risquons de suivre le rythme de la République et de la démocratie. Je ne le désapprouve pas mais face à un problème si crucial et si urgent compte tenu de la demande, le Gouvernement doit s’engager à accélérer les choses et accepter ces amendements afin de montrer qu’il compte agir tout de suite et non renvoyer le problème à un peu plus tard.

M. Dino Cinieri. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur thématique.

M. Alain Tourret, rapporteur thématique. Je crains, monsieur le ministre, que le retrait de ces amendements ne soit une erreur, je vous le dis très franchement, du fond du cœur ! À un moment donné, il faut envoyer des signaux. La mission Garot existe, d’accord, mais ce n’est pas demain qu’elle rendra ses conclusions ! Les grands froids arrivent et les besoins actuels sont immenses. Quand l’abbé Pierre a lancé son appel, lui a-t-on répondu qu’on allait attendre qu’une mission soit installée et un rapport déposé ? Non, on lui a répondu tout de suite ! Je vous le dis, retirer de tels amendements serait une erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Bien entendu, la question est fondamentale. J’en ai discuté avec Guillaume Garot il y a quelques jours, elle mérite un texte législatif à elle toute seule tant le gaspillage alimentaire revêt des dimensions diverses. Tel est l’esprit dans lequel il travaille. Bien entendu, les délais sont ceux que vous dites, chers collègues, ceux d’une mission parlementaire. Néanmoins, ne faisons pas croire que l’adoption ce soir d’un amendement à un projet de loi qui même en procédure accélérée ne sera pas adopté avant la fin de l’hiver serait de nature à régler les problèmes d’approvisionnement que nous connaissons alors que le froid arrive ! C’est la mobilisation du Gouvernement et des collectivités en-dehors d’un texte de loi qui est susceptible de régler le problème, non notre vote ce soir sur un amendement !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Bien sûr !

M. Bruno Le Roux. J’ai donné des assurances à Guillaume Garot, je le dis ici, selon lesquelles, en dépit du calendrier parlementaire chargé des prochains mois, nous consacrerons du temps à la question dans le cadre d’une niche parlementaire, en plaçant bien entendu le Gouvernement dans l’obligation de soutenir un texte reprenant complètement les conclusions de la mission parlementaire que notre collègue va mener en consultant très largement. Notre priorité est que le rapport ne soit pas vide de sens et donne lieu le plus vite possible à un texte examiné dans l’hémicycle. Je prends ici l’engagement, au nom du groupe SRC, de tout faire pour favoriser une inscription rapide à l’ordre du jour de la traduction législative du rapport dès qu’il aura été rendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Les amendements sont issus de la proposition de loi de Jean-Pierre Decool. Par ailleurs, votre propre loi, monsieur le ministre, revient sur des textes parfois très récents. Qu’est-ce qui nous empêche d’adopter les amendements, ce qui n’est pas contradictoire avec ce que vient de dire M. Le Roux ? Vous avez raison, cher collègue, la problématique est sans doute plus large, mais l’un n’exclut pas l’autre !

Plusieurs députés du groupe UMP. Bien sûr !

M. Patrick Hetzel. Le raisonnement consistant à écarter les amendements au motif qu’un texte sera débattu ensuite est typiquement irrecevable, car ledit texte peut éventuellement les modifier si on se rend compte qu’ils sont insatisfaisants ou insuffisants. Compte tenu de l’urgence actuelle et de ce qui a été dit, il faut faire l’un et l’autre et non l’un ou l’autre !

M. Philippe Vitel. Tout à fait d’accord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Il s’agit d’un sujet consensuel, car nous constatons tous sur le terrain les problèmes que connaissent les associations. Pour autant, il ne faut pas confondre, me semble-t-il, vitesse et précipitation.

M. Philippe Vitel. La faim est une urgence, madame Pompili !

Mme Barbara Pompili. Nous avons déposé à la fin de l’année dernière, à l’initiative de notre collègue écologiste Brigitte Allain, une proposition de loi tentant justement de prendre en compte tous les aspects du problème. Celui-ci va au-delà du simple don de victuailles et englobe leur stockage et les capacités des associations à le gérer. Toutes ne peuvent s’adapter en deux minutes, même si elles sont demandeuses ! Il faut en outre déterminer comment réorganiser certains circuits, courts en particulier, grâce aux projets alimentaires territoriaux par exemple qui permettent de faire beaucoup de choses des invendus. Prenons donc le temps ! Nous avons décidé de nous associer au travail de Guillaume Garot, qu’il nous faut mener tous ensemble, et nous seront très attentifs à ce que ça ne traîne pas ! Menons donc ce travail tous ensemble et remercions M. Le Roux de s’engager à utiliser très vite une niche parlementaire ! Dans ces conditions, il me semble que nous pouvons tomber d’accord.

Mme la présidente. La parole est à Mme Elisabeth Pochon.

Mme Elisabeth Pochon. Qui pourrait en effet être contre la bonne idée consistant à lutter contre le gaspillage ? Cela dit les épiceries sociales existent déjà et n’ont aucun mal à passer des conventions avec les grandes et moyennes surfaces pour obtenir des invendus. En revanche, les associations qui ont l’habitude de s’occuper d’alimentation se disent actuellement dans l’incapacité absolue de gérer le stockage des masses de produits qui leurs sont adressés comme les personnels capables de s’en occuper. Dès lors, comment obliger des grandes surfaces à donner leurs stocks si personne n’est susceptible de les prendre et les conserver ? Il me semble donc que la mesure proposée est précipitée et qu’il faut prendre le temps de travailler la question et revoir les circuits.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. J’ai écouté avec attention chacune des interventions. Je répète ce qu’au fond chacun sait bien : il y a urgence. D’ailleurs, le Gouvernement le sait. J’évoquais tout à l’heure les dons en nature des agriculteurs et M. le Premier ministre lui-même a parlé du lait. Nous avons eu, lors de l’examen du projet de loi de finances, un débat similaire à celui que nous avons ce soir, monsieur le ministre. J’ai proposé d’inscrire les dons en nature dans le projet de loi de finances, votre collègue ministre du budget a préféré prendre le temps, M. le Premier ministre a dit que nous allions le faire et finalement nous l’avons fait, et vite. Il est des sujets à propos desquels on ne peut pas prendre le temps. Face à la situation en vigueur à Courbevoie, que l’on rencontre aussi partout en France, dans laquelle des gens agissent sans relever d’associations agréées, ce que les uns et les autres avez oublié, il faut répondre rapidement.

Vous vous êtes interrogée à juste titre, madame Pochon. C’est la raison pour laquelle, si vous lisez bien l’amendement que j’ai déposé, je n’ai prévu aucune obligation, car je sais comme vous que prévoir une obligation, ce qui a d’ailleurs été souvent défendu par beaucoup de collègues, aboutit à deux types de situations. Ou bien des grandes surfaces seront soumises à des obligations alors qu’il n’y a personne en face et que rien ne peut être matériellement fait, comme vous l’avez très bien dit. Ou bien engager sa responsabilité posera problème pour telle ou telle grande surface car l’obligation n’aura pas défini les conditions de sécurité sanitaires. Je suis parfaitement conscient de toutes les difficultés. Il s’agit de sujets que je connais bien et même très bien pour plusieurs raisons. Quand j’étais moi-même jeune élu local, comme celui que j’évoquais tout à l’heure, nous avons signé la première convention entre une ville et les Restos du cœur. J’appelle votre attention, monsieur le ministre, sur la question soulevée par mes collègues Philippe Vitel et Patrick Hetzel : nous ne pouvons pas attendre !

Vous savez d’ailleurs ce que j’ai eu l’occasion de dire à propos du projet de loi que vous défendez : en certaines matières, mieux vaut avancer à petits pas que chercher la grande réforme réglant tout. Malheureusement, le calendrier que vous avez décrit tout à l’heure, que je respecte parfaitement car votre rôle est évidemment de tenir compte de toute l’action gouvernementale, nous emmène en un temps qui est en complet décalage avec la réalité, comme l’ont très bien rappelé mes collègues Yves Jégo et Alain Tourret tout à l’heure ! La grandeur des élus de la République ne consiste-t-elle pas à précipiter nos débats démocratiques pour épouser la réalité, si criante dans de nombreuses communes ? Mettons les amendements aux voix et chacun prendra ses responsabilités mais je ne retirerai pas l’amendement si le calendrier que vous avez esquissé tout à l’heure demeure inchangé, monsieur le ministre !

J’ai proposé un délai de deux mois pour régler précisément la question des grandes surfaces travaillant avec des associations qui ne sont pas agréées. Quand elles agissent, comme c’est le cas dans cet exemple dont tout le monde parle à Courbevoie, elles prennent de vrais risques car si un enfant est intoxiqué, qui sera responsable ? Notre devoir d’élu est de leur donner un cadre ! J’aimerais que mon amendement soit voté immédiatement. D’ailleurs, nous aurons tout à fait la possibilité de faire évoluer par la suite le cadre si nécessaire, car la discussion prendra de longues semaines et même plusieurs mois. La sagesse commande de prendre la décision de le voter maintenant et de le faire évoluer au cours de la discussion en fonction des travaux de la mission de M. Garot auxquels bien entendu nous sommes tous ici prêts à participer. Vous parliez, monsieur Le Roux, d’une proposition de loi prochainement défendue dans cet hémicycle, mais le groupe UMP en a lui-même déposé une, celle de M. Decool qui sera discutée la semaine prochaine. Alors qu’il y a urgence, allons-nous à nouveau nous réunir la semaine prochaine sur le même sujet pour finalement décider d’attendre ? Non ! Il faut agir tout de suite !

Si nous ne votons pas l’amendement, je veux que le Gouvernement s’engage à traiter la question selon un calendrier extrêmement serré, non pour examiner toutes les facettes du problème et reconnaissez, monsieur le ministre, que je les ai toutes évoquées, faisant même allusion à des dispositifs que je proposerai d’introduire à la fin du texte, mais pour régler le problème précis que j’évoque dans l’amendement, c’est-à-dire donner un cadre aux bénévoles agissant hors du cadre des associations agréées et aux grandes surfaces agissant aujourd’hui hors cadre législatif, afin qu’elles ne se retrouvent pas face à des responsabilités dont nous savons que nous les leur laissons prendre. Monsieur le ministre, j’aimerais vous entendre.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Il faut faire la part des choses. Les associations et les épiceries solidaires ont un problème à propos duquel je vous demande d’intervenir au niveau européen, monsieur le ministre. Les banques alimentaires sont contraintes par une directive de distribuer gratuitement les denrées qu’on leur attribue, ce qui leur interdit de fournir les épiceries solidaires qui les vendent pour un montant symbolique au public.

Il y a là, pour les épiceries solidaires, une difficulté d’approvisionnement encore plus marquée que pour les autres associations. En ce sens, il est souhaitable que nous mettions tout en place pour favoriser la collecte, en particulier au profit des épiceries solidaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Sans aucun esprit polémique, je veux souligner que la situation est grave. On connaît tous le nombre de chômeurs. Dans la vallée de l’Ondaine, située dans ma circonscription, le revenu moyen par habitant est de 650 euros mensuels. Cette population souffre, mais pas uniquement chez moi, c’est le cas dans tout le territoire national. Nous avons tous la chance d’avoir dans nos territoires des associations caritatives exceptionnelles, qui accomplissent un travail remarquable sur le terrain. Il y a un consensus, sur l’ensemble de nos bancs, pour reconnaître que nous devons absolument agir vite. J’ai bien entendu notre collègue Le Roux dire qu’il allait essayer de trouver une niche, un temps de parole pour débattre de ce problème. Au vu du nombre de travaux qui nous attendent dans les prochaines semaines et les prochains mois, je ne voudrais pas que l’on s’attarde : l’hiver est là, et c’est maintenant que nos concitoyens ont besoin que nous nous réunissions tous ensemble, quelles que soient nos sensibilités.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Il ne faudrait pas que notre débat tourne à un procès en générosité, opposant ceux qui proposent plus à ceux qui proposent moins.

M. Frédéric Lefebvre et M. Philippe Vitel. Personne n’a dit cela !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Tout le monde partage le même point de vue. Mais, comme nous n’appartenons pas tous aux mêmes instances, je me dois de vous rappeler le débat que nous avons eu en commission des affaires économiques, cette semaine, au sujet de la proposition de loi de M. Decool et du groupe UMP.

M. Frédéric Lefebvre. Je l’ai évoquée à l’instant !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Étaient notamment présents à cette séance de travail Bruno Le Maire et Guillaume Garrot qui, dans leurs fonctions ministérielles, ont successivement eu à traiter de la question du gaspillage. De gouvernement en gouvernement, on se rend bien compte qu’il y a là un problème majeur, qui nous interdit de continuer à gaspiller comme on le fait. Le travail de Guillaume Garrot doit se terminer dans quelques semaines : non pas dans six mois mais, je le répète, dans quelques semaines. Le groupe socialiste, par la voix de son président, vient de le confirmer : dès que ce travail est terminé, la première niche parlementaire socialiste sera l’occasion de déposer une proposition de loi signée par l’ensemble des groupes qui voudront le faire. Il s’agit, là aussi, d’un engagement politique qui transcende les clivages partisans, puisque nous sommes tous d’accord.

Lors du débat devant la commission des affaires économiques, que je présidais, Bruno Le Maire, pour ne citer que lui, a montré que plusieurs problèmes se posaient, qu’il s’agisse de normes sanitaires, de responsabilité en matière de traitement des déchets ou de dates de péremption.

M. Frédéric Lefebvre. Je l’ai dit !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Ce sont des sujets complexes. Aussi ne peut-on pas, à l’occasion de l’examen d’un amendement, imputer la charge de la responsabilité à certains et déresponsabiliser les autres. Il faut faire très attention. L’amendement parle de « collecte sécurisée » : tel est le cœur du problème.

Je ne suis pas persuadé, chers collègues, qu’il faille en passer par un amendement à un projet de loi pour améliorer la situation et pour que le Gouvernement puisse conforter des partenariats qui existent déjà. Par contre, il ne faudra pas se tromper lors de la rédaction de la proposition de loi, qui devra traiter de l’ensemble des problématiques que l’on a évoquées. Tel est bien l’objet du travail très précis et très sérieux auquel se livre M. Garrot. Vous avez l’air de dire, les uns et les autres, que l’on est en train de reporter le traitement de ce dossier, alors qu’il n’y a aucune volonté dilatoire de notre part.

M. Frédéric Lefebvre. Le Gouvernement doit prendre l’engagement de respecter un délai court !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Oui, le délai sera court, de quelques semaines. La prochaine niche parlementaire aura lieu de toute façon avant l’été. Nous pourrons tous signer ce texte ; les écologistes ont affirmé être d’accord pour s’y associer, à l’instar de M. Decool.

On peut toujours voter votre amendement, mais il a une portée très relative ; il ne fait que conférer une faculté. Mais ne nous dites pas, dans l’hypothèse où on ne le voterait pas et où l’on renverrait à un texte qui serait beaucoup plus solide, beaucoup plus sûr juridiquement – y compris pour ceux qui seront chargés de cette collecte – que l’on ne prendrait pas la mesure de l’urgence et du drame.

M. Frédéric Lefebvre. C’est une question de délai !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. On ne renvoie absolument pas aux calendes grecques, si vous me permettez cette expression. Il n’est d’ailleurs pas impossible que, dans le cadre de l’urgence, une proposition de loi soit examinée prochainement au Sénat et soit votée à peu près dans les mêmes délais que le texte dont nous parlons en ce moment. C’est une démarche qui, je vous le dis, nous apportera des réponses dans quatre ou cinq semaines, pas plus.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Cette question présente un caractère d’urgence, auquel je suis évidemment très sensible. Vous me demandez de m’engager sur un délai.

M. Frédéric Lefebvre. Deux mois !

M. Emmanuel Macron, ministre. Un délai de deux mois permettrait d’obtenir le travail complet de M. Garrot, sachant qu’un point d’étape sera fait dans quelques semaines. Il faut maintenant que la séance, le groupe socialiste et les différents présidents s’accordent pour trouver la bonne niche parlementaire, afin que l’on ait la possibilité d’examiner ce texte à l’issue de ces deux mois.

M. Frédéric Lefebvre. Ou que l’on insère ces dispositions dans le texte en discussion !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le texte soumis à notre examen revenant en deuxième lecture…

M. Frédéric Lefebvre. Exactement !

M. Emmanuel Macron, ministre. …je propose une approche efficace : si l’engagement n’a pas été tenu – je parle sous le contrôle collectif –, il sera possible d’utiliser le véhicule législatif actuel pour tirer les conséquences du rapport Garrot. Mais je pense que cet engagement sera rempli, compte tenu des échanges que vous avez eus avec Guillaume Garrot, des débats en commission des affaires économiques et des engagements qui ont été pris.

Le Gouvernement a demandé à Guillaume Garrot de rendre un travail définitif d’ici un mois et demi à deux mois, ce qui nous permettra alors d’adopter un texte. La question est de savoir si la niche parlementaire pourra se tenir dans le délai de deux mois que vous mentionnez : je pense que Bruno Le Roux est plus à même que moi d’y répondre. Si cela n’était pas envisageable, je m’engage à ce que l’on signe une clause de rendez-vous à l’occasion de l’examen de ce texte.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais, je le répète, une autre réponse possible serait d’adopter un texte cohérent, qui tire profit du travail de M. Garrot et vous associe toutes et tous – cette dernière condition me paraissant en passe d’être remplie.

Tels sont les engagements que je peux prendre.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je reconnais très humblement que je ne suis pas un spécialiste de cette question. Avant de discuter, comme je l’ai fait il y a trois jours, avec Guillaume Garrot, je ne m’attendais pas à ce qu’il évoque un texte si dense en matière de gaspillage alimentaire. À ses yeux, la proposition de M. Decool, sur laquelle nous avons travaillé, ne représente qu’une part infime du contenu de son futur rapport et de ce que devrait être la proposition de loi. La question du gaspillage alimentaire est, je le répète, d’une densité exceptionnelle, comme devra l’être le texte que nous examinerons. Aussi, je veux dire à M. le ministre que ces dispositions ne devraient pas figurer dans le projet de loi relatif à la croissance, à l’activité et à l’égalité des chances économiques. Je ne souhaite pas, compte tenu des délais qui sont donnés à Guillaume Garrot pour rendre son rapport, que nous fassions avancer cette question à la découpe.

De la même façon que le Gouvernement a pris l’engagement – respecté – d’un rapport sur cette question, je pense qu’il nous faut un texte cohérent. Nous allons en débattre dès la semaine prochaine lors de l’examen du texte proposé par l’UMP et Jean-Pierre Decool. L’engagement que je prends est que, sans tarder, dès que le rapport sera déposé, le groupe majoritaire assure sa traduction législative. Il faut dire clairement que l’on ne pourra pas débattre de ce texte en une journée. Je donnerai donc l’impulsion pour faire en sorte que ce dernier soit déposé sur le bureau de l’Assemblée sans tarder, puis je demanderai au Gouvernement d’accompagner ce mouvement et d’offrir le temps parlementaire qui permettra son adoption la plus rapide possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je viens d’écouter le ministre avec attention. Ce qui m’importe – et tel était le sens de l’intervention du ministre – c’est que, dans ce délai de deux mois, on se donne les moyens de traduire sur le plan législatif les travaux de M. Garrot, à qui je fais totalement confiance sur cette question. Comme l’a rappelé le président de la commission spéciale, ce dernier a imprimé cet élan en bénéficiant d’un soutien unanime, en manifestant la volonté de travailler avec tous. Il ne s’agit pas pour moi – bien au contraire – de dire que l’on ne va pas participer au travail de M. Garrot. Je remercie le ministre de s’être engagé sur une clause de sauvegarde, qui nous offre la certitude que l’on pourra utiliser le présent véhicule législatif si le processus ne pouvait aboutir à l’initiative du groupe socialiste, d’un autre groupe – comme l’a rappelé le président Le Roux, l’UMP présente une proposition de loi la semaine prochaine – voire d’un autre membre du Gouvernement. Peu importe : ce qui compte est que l’on respecte ce délai de deux mois. J’ai retenu cet engagement précis, et, compte tenu de ce dernier, je retire cet amendement.

(L’amendement n1547 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Je n’ai absolument pas de mandat de M. Decool pour retirer l’amendement n426. Les collègues cosignataires présents dans l’hémicycle ce soir ne sont pas non plus d’accord pour ce faire. Il est donc maintenu.

M. Sébastien Huyghe et M. Yves Jégo. Très bien !

(L’amendement n426 n’est pas adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly