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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 03 février 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Croissance, activité et égalité des chances économiques

Discussion des articles (suite)

Article 13 bis

M. Philippe Houillon

M. Sébastien Huyghe

M. Daniel Gibbes

M. Philippe Goujon

Mme Catherine Coutelle

Mme Marietta Karamanli

M. Pierre Morel-A-L’Huissier

M. Dino Cinieri

M. Marc Dolez

M. Guillaume Chevrollier

M. Julien Aubert

Mme Véronique Louwagie

M. Jean Lassalle

Amendements nos 694 , 716 , 871 , 1131 , 1959 , 1998 , 2957

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Amendements nos 397 , 749 , 2294 , 683 , 2284 , 1738 , 2489 , 2753 , 2160 , 1997 , 398 , 1864 , 1739 , 203 , 2163 , 941 rectifié , 4 , 61 , 292 , 879 , 1071 , 1132 , 1697 , 1996 , 2204 , 2332 , 2591 , 2724 , 2792 , 2829 , 2914 , 3135 , 3136 , 399 , 1865 , 2490 rectifié , 401 , 1867 , 402 , 1868 , 3137 rectifié , 6 , 62 , 291 , 2218 , 2603 , 2996 , 3138 , 64 , 1995 , 2633 , 3000 , 3139 , 3141 , 111 , 288 , 1994 , 2644 , 3001 , 1869 rectifié , 3142 , 66 , 287 , 404 , 1870 , 2656 , 3002 , 405 , 1871 , 1993 , 2491 , 205 , 3036 , 2492

Article 14

Amendements nos 406 , 1872 , 1977 , 1168 , 15 , 1698 , 2671 , 2965 , 3004 , 2836 , 1981 , 1617 , 68 , 2683 , 3006 , 1619 , 1618 , 2493 , 2494 , 206 , 2495 , 69 , 2691 , 3008 , 2399 , 20 , 1343 , 1991 , 2713 , 3009 , 3084 , 2496

Après l’article 14

Amendement no 553

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Croissance, activité et égalité des chances économiques

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (nos 2447, 2498).

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de onze heures et vingt-quatre minutes pour le groupe SRC, dont 559 amendements sont en discussion ; huit heures et quarante-six minutes pour le groupe UMP, dont 1 042 amendements sont en discussion ; trois heures et trente-trois minutes pour le groupe UDI, dont 127 amendements sont en discussion ; deux heures et seize minutes pour le groupe RRDP, dont 63 amendements sont en discussion ; deux heures et huit minutes pour le groupe écologiste, dont 143 amendements sont en discussion ; une heure et cinquante-neuf minutes pour le groupe GDR, dont 95 amendements sont en discussion, et quarante minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 13 bis.

Article 13 bis

Mme la présidente. De nombreux orateurs sont inscrits sur l’article. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Avec cet article 13 bis, nous arrivons au cœur de l’usine à gaz, dans les entrailles de la machine, puisqu’il porte sur la liberté d’installation.

D’un côté, le Gouvernement semble vouloir défendre l’impératif de l’affirmation du principe de la liberté d’installation. De l’autre, l’impératif de la lucidité, c’est-à-dire du droit, est rappelé par le Conseil d’État, dont l’avis vient prohiber un certain nombre de choses. En résumé, la contorsion se retrouve à chaque ligne.

Vous commencez par affirmer le principe que l’on peut s’installer librement, là où c’est utile pour renforcer la proximité et l’offre de services. Ce n’est donc pas une véritable liberté d’installation, puisque son champ est restreint. Pour y parvenir, on dressera une carte confiée à la diligence du ministre de la justice et du ministre de l’économie. En cela, vous ne suivez pas l’avis du Conseil d’État, qui conseille au contraire que cette compétence soit dévolue au ministre de la justice.

Cette carte établie, un certain nombre d’exceptions au principe sont posées. Autrement dit, on affirme alternativement une chose et son contraire ; on fait une carte afin de remplir de manière progressive les cases manquantes, sans limite. Or il y a forcément une limite à un moment donné, puisque lorsqu’il n’y a plus d’utilité à cette recherche de proximité et à l’amélioration des services, il faut bien arrêter de remplir les cases, ce que le texte ne prévoit pas. Au contraire, il est écrit que l’on garantit une augmentation progressive du nombre de créations d’offices ou d’associations.

Un autre principe est ensuite affirmé, selon lequel le ministre de la justice ne peut pas refuser les créations d’offices ou les associations lorsque les conditions sont remplies, sauf – car une exception est immédiatement prévue – dans les cas où l’on peut refuser, c’est-à-dire dans les cas où cela ne paraîtrait pas utile.

Nous sommes donc dans la contorsion permanente, et cela constituera naturellement une source de contentieux pour les impétrants, ceux qui veulent créer un office ou s’associer. On ne sait d’ailleurs pas très bien comment ils vont s’associer, parce que le texte renvoie tout cela à un décret. Une création, on comprend comment cela peut se faire, mais dans une association, il faut que les associés soient d’accord pour accepter un nouvel associé. En général, dans les formes sociales, il y a une clause d’agrément. Il faut donc nous expliquer comment cette question sera réglée.

Par ailleurs, le texte prévoit que la carte est pensée de manière à ne pas causer de préjudice anormal, c’est-à-dire de préjudice aux offices qui existent déjà – ce qui, a contrario, laisse penser que l’on pourrait créer un préjudice « normal ». Mais si l’on se trompe, et que l’on crée quand même un préjudice, un système d’indemnisation est mis en place. Il est à la charge des jeunes, c’est-à-dire de ceux qui vont s’installer, qui seront donc exposés, pendant un délai de six ans, à une éventuelle demande de la part d’offices déjà installés qui subiraient un préjudice. Pendant six ans, le cas échéant, on va empêcher le dynamisme et mettre à la charge de nouveaux officiers publics et ministériels une indemnisation qui devrait être à la charge de l’État. L’avis du Conseil d’État explique parfaitement que c’est une responsabilité de l’État du fait de la loi, qui ne permet pas qu’une indemnisation soit mise à la charge des jeunes officiers publics et ministériels.

Il serait tellement plus simple d’écrire autrement les choses. Nous pourrions, comme nous l’avons suggéré dans le cadre de la mission de la commission des lois, établir une cartographie, regarder où se trouvent des zones carencées et, à due concurrence seulement – ce qui n’est pas la liberté d’installation – remplir les cases où il y a des carences, de façon à augmenter le nombre de professionnels quand c’est nécessaire, mais pas au-delà de ce qui est nécessaire, pour ne pas prendre le risque de la paupérisation de cette profession. Voilà ce qui aurait été raisonnable.

On peut dire les choses simplement, mais décidément, ce n’est pas le cas dans ce projet de loi. Nous proposerons un amendement finalement assez voisin de votre système, d’une certaine manière. Mais vous voulez tellement affirmer ce principe de la liberté d’installation, et vous savez tellement qu’il n’est pas possible de l’appliquer en l’état, que cela devient illisible. Alors, monsieur le ministre, pourquoi ne pas vous ranger au bon sens ? Établissons une cartographie, regardons là où il y a des manques, et installons-y les professionnels, sans poser le principe de la liberté d’installation, car une fois que les manques sont comblés, nous ne pouvons plus être régis par ce principe.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Cet article pose un vrai problème, notamment lorsqu’il est combiné avec l’article 12 qui a été voté hier. Nous allons constater une baisse des tarifs. Le ministre s’en défendra, mais c’est vraiment l’objectif de la loi, comme en témoigne l’intervention de l’Autorité de la concurrence, qui n’y connaît rien en matière juridique, pas plus qu’au fonctionnement de notre droit continental. Cette baisse des tarifs et la possibilité de libre installation telle que vous la prévoyez vont créer un effet ciseau. L’augmentation du nombre d’installations, qui sera peut-être importante parce que les critères, finalement relativement vagues, seront soumis à l’appréciation de l’Autorité de la concurrence qui, encore une fois, n’a aucune compétence en la matière, pourrait ainsi avoir pour conséquence de faire disparaître un certain nombre d’offices notariaux et d’études d’huissiers, en les étranglant et en diminuant de manière drastique leur chiffre d’affaires.

Cet article relatif à la liberté d’installation doit donc être combattu, d’autant plus qu’il comporte un certain nombre d’incohérences. Il prévoit notamment que la carte est révisée tous les deux ans. Or, un jeune notaire qui s’installe trouve un équilibre au bout de cinq ans minimum. Si vous considérez que la zone permet l’installation d’un certain nombre de notaires, vous ne pourrez pas voir les effets des nouvelles installations avant un certain nombre d’années, le temps que le jeune notaire installé ait pu trouver sa vitesse de croisière.

Enfin, vous prévoyez que s’il devait y avoir indemnisation, ce n’est pas l’État, pourtant à l’origine du dommage causé aux offices existants, qui devrait y procéder, mais les nouveaux entrants, c’est-à-dire ceux qui se sont récemment installés et sont les plus fragiles. Non seulement ils seront fragiles du fait de cette période déficitaire importante, mais si en plus, ils sont condamnés à indemniser les titulaires en place, cela précipitera leur disparition.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Madame la présidente, madame et messieurs les ministres, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues…

Plusieurs députés SRC. Il n’y a qu’un ministre !

M. Daniel Gibbes. Oui, monsieur le ministre, excusez-moi. Nous aurions tant aimé que la ministre de la justice soit là ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. Vous l’avez bien cherché !

Mme Valérie Fourneyron. Elle n’a jamais été autant souhaitée !

M. Daniel Gibbes. Cet article 13 bis, qui reprend les dispositions de l’article 17 du projet de loi initial, traite de la liberté d’installation des professions judiciaires réglementées,   à savoir les notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires.

Encore une fois, le projet de loi apparaît louable dans sa volonté de permettre à de jeunes diplômés de s’installer et d’assurer un meilleur accès au service pour nos concitoyens. Mais nul ne peut feindre de l’ignorer, la réalité risque d’être toute autre : il est en effet fort à craindre que la libéralisation de l’installation ne conduise les professionnels à se concentrer dans les zones urbaines, bien plus attractives, plutôt qu’à assurer un accès au droit dans nos territoires plus enclavés.

C’est donc bel et bien l’inverse de l’objectif poursuivi par ce projet de loi qui va se produire : vous allez construire de véritables déserts juridiques, avec des conséquences en termes d’emplois et d’accès au droit qui ne manqueront pas de se révéler très problématiques.

Le principe même de cette liberté d’installation m’apparaît totalement illusoire. Je peux difficilement croire que les jeunes diplômés notaires vont se ruer vers ces déserts juridiques au potentiel économique incertain, voire inexistant. Au contraire de l’objectif, encore une fois louable, poursuivi par le Gouvernement, l’effet de cette liberté d’installation se fera sentir essentiellement dans les zones déjà pourvues d’offices notariaux, que de nombreux salariés actuels, titulaires de diplômes de notaire, quitteront pour créer leur propre office.

Cela ne manquera pas de fragiliser les offices existants, au risque de provoquer de nombreux licenciements économiques. Je l’ai citée précédemment, et je sais que cette étude d’impact fait grincer des dents, monsieur le ministre, mais le Conseil supérieur du notariat avance le chiffre de 12 000 suppressions d’emplois dans la profession. J’ignore si ce chiffre est fantaisiste, comme vous semblez le dire, mais si ce n’était pas le cas, cela représenterait quelque 25 % du notariat français !

Cette mesure va donc sans nul doute fragiliser l’existant quand dans le même temps, les nouveaux offices n’auront aucune garantie de pérennité.

Mme Chantal Guittet. Eh bien ils fermeront !

M. Daniel Gibbes. Quant aux déserts juridiques, ils le resteront tant que leurs problèmes économiques n’auront pas été réglés. Et les auteurs du projet le savent très bien, puisqu’une savante procédure est prévue au cas où aucun candidat ne se présenterait à un nouvel office dans un territoire enclavé – preuve, s’il en était besoin, qu’on s’attend à ne pas parvenir à les pourvoir.

M. Jean-Yves Caullet. C’est déjà le cas !

M. Daniel Gibbes. Par ailleurs, et malgré les analyses rassurantes du ministère, l’ouverture massive de nouveaux offices aura automatiquement pour conséquence de diminuer la valeur des offices existants, et ne manquera pas d’entraîner de longues et pénibles procédures d’indemnisation, y compris à l’encontre de l’État lui-même. Le projet de loi entend éviter ce danger en prévoyant une indemnisation par les nouveaux offices au profit des anciens, au cas où ces derniers subiraient un préjudice économique. En d’autres termes, il promet aux jeunes diplômés qu’ils peuvent s’installer librement, mais avec le risque de devoir verser une indemnité à leurs concurrents jusqu’à six ans après l’ouverture de leur office ! Comment feront-ils face, monsieur le ministre, s’ils sont déjà endettés ?

Le système d’indemnisation prévu par l’article 13 bis est, à mon sens, totalement illusoire, voire ubuesque. En effet, par quels moyens vérifier la réalité du préjudice des offices existants ? En cas d’ouverture de plusieurs offices dans une zone où il en existait déjà plusieurs, comment savoir qui a porté préjudice à qui ? Quoi qu’il en soit, il est certain que ce système d’indemnisation plus que discutable suscitera une multitude de contentieux judiciaires entre notaires, qui ne manqueront pas de désorganiser un peu plus la profession.

Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de bien vouloir lever les zones d’ombre sur ces dispositions imprécises du texte que nous examinons aujourd’hui, qui menacent de déstabiliser une profession sans apporter aucun gage de réussite.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après mon excellent collègue Daniel Gibbes, je veux à mon tour relever un paradoxe : l’examen des articles relevant des attributions du garde des sceaux se poursuit sans que Mme Taubira soit présente au banc du Gouvernement. Le rapport Houillon-Untermaier, adopté par la commission des lois le 17 décembre dernier, avait pourtant confirmé sa compétence sur tous ces sujets. Il est vrai que Mme Taubira défendait encore hier son projet de réforme de l’ordonnance de 1945, qui ne semble pas tout à fait d’actualité, alors que la mise sur le marché de notre sécurité juridique mériterait tout autant sa présence et sa pugnacité.

Après les débats d’hier qui ont transformé le corridor tarifaire en corridor de remise, sans satisfaire davantage, semble-t-il, les professionnels concernés,…

Mme Catherine Coutelle. Qu’est-ce qui pourrait les satisfaire ?

M. Philippe Goujon. …voilà une fois de plus le garde des sceaux dessaisi par Bercy, au profit de l’Autorité de la concurrence et des associations de consommateurs, de sa capacité à nommer les officiers publics ministériels exerçant des professions juridiques réglementées. C’est un mauvais signal. La sécurité juridique n’est pourtant pas une marchandise ! Les usagers du service public de la justice exercé dans les offices notariaux, pour ne citer qu’eux, ne sont pas de simples clients ! Quel dommage d’abîmer un système qui était devenu un modèle en Europe et l’un des plus fiables au monde !

Quant à l’argument économique mis en avant depuis la publication du rapport de l’inspection générale des finances – IGF – et figurant dans l’étude d’impact, selon lequel ces professions seraient trop rentables – c’est une critique – et leur réforme dégagerait 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat pour les Français, il ne tient pas, évidemment, face au coût des licenciements et à l’insécurité juridique que provoquerait une telle réforme.

Malgré de savants calculs, Bercy n’a pas pris en compte le coût, pour les notaires et les autres professions réglementées, de la mission de conseil juridique qu’ils assurent gracieusement, ni celui de tous les actes réalisés à perte. À Paris, on considère que les ventes n’atteignent un seuil de rentabilité qu’à partir de 269 000 euros, et l’augmentation des tarifs a reflété celle des taxes que les notaires collectent au nom de l’État.

N’a pas non plus été prise en compte la question de l’indemnisation des professionnels lésés par l’installation sauvage de concurrents dans un paysage non stabilisé, puisque la carte d’installation sera révisée tous les deux ans, provoquant autant de nouvelles demandes d’indemnisation et de nœuds de contentieux. La question dérange, semble-t-il, puisque la ministre de la justice a refusé d’y répondre lorsque je l’ai interrogée, avec d’autres collègues, lors des débats budgétaires de l’automne dernier, tant en commission des lois qu’en séance publique. On parle pourtant de la somme de 7 milliards d’euros pour les notaires et de 4 milliards d’euros pour les administrateurs et mandataires judiciaires – sans oublier les avocats, les greffes des tribunaux de commerce et les commissaires-priseurs judiciaires, entre autres.

II est vrai que la rédaction de l’article 13 bis tend habilement à exonérer l’État du versement des indemnités correspondantes aux professionnels, puisqu’il est fait référence à la notion de « préjudice anormal », et qu’il est prévu que ce soit le titulaire du nouvel office qui indemnise le professionnel lésé, avec – signature de l’administration fiscale – la possibilité d’étaler le paiement sur dix ans. Piètre tentative d’échapper à une responsabilité que la jurisprudence a déjà entérinée ! En 2011, en effet, le Conseil constitutionnel avait jugé que les avoués, dont la profession fusionnait à l’époque avec celle des avocats, devaient être indemnisés par l’État du préjudice subi par la perte du monopole sur les procédures devant les cours d’appel. Commissaires-priseurs judiciaires, courtiers-interprètes et conducteurs de navires avaient également été indemnisés par le passé pour ce même motif.

II m’a été rapporté que la Chancellerie aurait récemment fait signer à de nouveaux notaires une décharge par laquelle ils s’engageraient à ne pas mener d’action en indemnisation contre l’État si le cadre légal d’exercice de leur profession venait à être modifié. Cela paraît assez grave. Le confirmez-vous, monsieur le ministre ?

Enfin, l’article 13 bis continue d’agiter le chiffon rouge de la liberté d’installation des professions, en prévoyant que l’Autorité de la concurrence devra remettre un énième avis sur ce sujet, alors que le Conseil constitutionnel, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, a jugé conforme le droit de présentation des notaires le 24 novembre dernier, et que la garde des sceaux a estimé le même jour, dans un communiqué, qu’il n’était « pas pertinent de remettre en cause le droit de présentation ».

Monsieur le ministre, en déstructurant la qualité des services réglementés, ce projet de loi prépare des lendemains qui déchantent. La sécurité juridique ne sera plus au rendez-vous. Comme plusieurs de mes collègues l’ont dit avant moi, les membres de ces professions, aujourd’hui encore désignées à la vindicte populaire comme étant trop rentables alors qu’elles ne reçoivent que la juste contrepartie qu’exige la déontologie, viendront grossir demain les rangs des chômeurs toujours plus nombreux.

M. Philippe Armand Martin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle.

Mme Catherine Coutelle. L’article 13 bis vise à simplifier les conditions d’installation des professionnels du droit, afin de lever les freins à l’évolution professionnelle et de favoriser, en particulier, l’installation des femmes.

À cause des restrictions actuelles, de nombreuses femmes professionnelles demeurent de longues années dans leur statut de salariées, effectuant des tâches souvent similaires mais percevant une rémunération nettement inférieure. Chez les notaires – un exemple que vous citez abondamment, chers collègues de l’opposition –, 85 % des associés sont des hommes et gagnent en moyenne 17 000 euros par mois, tandis que 84 % des salariés sont des femmes rémunérées à moins de 4 000 euros mensuels. Tout cela vous convient, n’est-ce pas ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Dino Cinieri. C’est faux !

Mme Catherine Coutelle. De même, 80 % des commissaires-priseurs titulaires d’offices sont des hommes, tandis que 56 % des salariés sont des femmes. Enfin, 73 % des huissiers de justice titulaires d’offices sont des hommes quand 72 % des salariés sont des femmes.

M. Dino Cinieri. C’est faux !

Mme Catherine Coutelle. Seule la démographie des avocats est exemplaire : 52 % des avocats sont des femmes, et cette part connaît une très forte augmentation depuis 2003. L’étude d’impact de votre projet de loi, monsieur le ministre, souligne largement cet aspect ; c’est d’ailleurs vous qui avez appelé notre attention sur cette inégalité.

Aussi l’article 13 bis charge-t-il l’Autorité de la concurrence de rendre tous les deux ans un avis sur la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs.

En commission spéciale, un amendement de notre collègue Mme Bonneton, que j’avais soutenu, a permis de préciser que les recommandations de l’Autorité de la concurrence devront permettre de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes à ces offices. Pour rendre ce dispositif plus opérationnel, le rapporteur général soutiendra en séance un amendement n2491 visant à préciser, à l’alinéa 19, que les recommandations de l’Autorité de la concurrence devront s’appuyer sur des données sexuées et sur une analyse spécifique de l’évolution démographique des jeunes et des femmes.

J’ai déjà demandé des statistiques sexuées dans un autre domaine, et j’ai entendu certains de nos collègues de l’opposition demander à quoi servait « ce machin-là ». Je vous répondrai que les données sexuées servent à connaître la réalité des choses et à pouvoir la corriger en cas de fortes inégalités.

Seule une analyse spécifique de l’évolution des femmes dans ces professions du droit peut permettre d’évaluer si l’ouverture de ces professions bénéficiera mécaniquement, comme vous semblez le penser, monsieur le ministre, à l’installation des femmes, ou s’il existe d’autres freins à leur évolution professionnelle. Cette analyse permettra donc de trouver des leviers plus volontaristes afin que la démographie des professions réglementées du droit soit plus proche de la parité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, madame la rapporteure thématique, mes chers collègues, l’adaptation d’une profession réglementée à un nouveau contexte économique et juridique est, par nature, une question compliquée, sensible, notamment lorsque ladite profession assure à la fois des activités de service et de conseil, d’élaboration d’actes authentiques et des activités commerciales. La régulation suppose un contrôle de la qualification, de l’installation et de la rémunération, cette dernière étant aussi le prix à payer par les clients.

L’article 13 bis définit les modalités d’installation des professionnels que sont les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires.

Cet article pose le principe d’une liberté d’installation. Ce principe a fait l’objet de critiques : certains craignent qu’il ait un effet contraire à celui que l’on recherche, qu’il crée in fine des déserts professionnels, dans la mesure où les professionnels iraient là où les rémunérations seraient les meilleures, c’est-à-dire dans certains centres urbains offrant des opportunités de services et de transactions en plus grand nombre et plus importantes.

Le principe complémentaire est celui d’une installation libre, mais qui restera sous contrôle. Il s’agit en effet d’autoriser l’installation des professionnels concernés dans des zones déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence. L’autorisation du ministre de la justice sera nécessaire in fine dans les régions où ces installations nouvelles seront susceptibles de « porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu ». Ainsi, l’installation pourra être bloquée par le garde des sceaux dans les zones jugées difficiles. Cet article 13 bis relatif à l’installation est donc étroitement lié à l’article 12 relatif à la tarification et à l’équilibre économique des offices concernés.

L’inspection générale des finances avait mis en évidence des situations de rente dans certaines zones tendues où un nombre trop restreint de notaires avaient, de fait, bénéficié de la croissance des prix de l’immobilier lors des quinze dernières années, alors qu’ils avaient, comme dans beaucoup d’autres secteurs, modernisé leurs méthodes et services.

La mise en œuvre de cette double régulation ne tend pas à faire du droit un marché – le marché du droit existe pourtant –, mais surtout à concilier des impératifs de lutte contre une rente économique en donnant la possibilité d’ouvrir plus d’offices à certains endroits et de conserver des offices dans les zones caractérisées par un risque de perte d’accès au droit et au conseil.

La voie est étroite, nécessaire mais possible. Il conviendra, monsieur le ministre, de préciser de façon juste et transparente les mesures d’application de la nouvelle réglementation. Il conviendra aussi d’évaluer cette nouvelle législation dans un délai suffisant et raisonnable – ni trop tôt, ni trop tard – afin de l’épurer de ses éléments conjoncturels et d’apprécier ses effets réels et non supposés.

Monsieur le ministre, une telle précision sera de nature à donner une réelle perspective à un dispositif qui reste ambitieux malgré les écueils possibles.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Vous le savez, monsieur le ministre, la profession de notaire a été particulièrement choquée par le rapport de l’IGF et les propos tenus par votre prédécesseur, M. Arnaud Montebourg. Pourquoi s’en prendre à une profession qui constitue le fondement même de notre système juridique ?

Officier public et ministériel nommé par le garde des sceaux, délégataire de la puissance de l’État, le notaire donne aux actes conclus devant lui une date certaine, une valeur probante supérieure à celle de tout autre écrit et une force exécutoire équivalente à une décision de justice.

Je vous accorde que vous n’avez pas remis en cause le domaine réservé de l’acte authentique. Je vous accorde également que l’acte d’avocat, dont j’ai refusé de voter la création, n’a rien apporté à notre ordonnancement juridique. Cela étant, je ne peux souscrire à votre projet de loi qui n’aborde la profession de notaire que par le prisme économique et concurrentiel, en prévoyant l’intervention du ministre de l’économie, de l’Autorité de la concurrence et la négociation des tarifs – tout ceci, semble-t-il, pour redonner du pouvoir d’achat aux Français. Le notariat est-il vraiment un verrou pour le développement économique de notre pays ?

Aussi, je regrette qu’aucune étude préalable n’ait été menée sur la place du notaire dans la société française. Cette étude aurait permis de mettre en lumière l’impact de cette profession, tant pour les particuliers que pour les familles, les entreprises et les collectivités locales. Elle aurait permis également d’appréhender plus précisément la problématique de l’implantation des études sur le territoire.

Je regrette profondément qu’aucune vision interministérielle n’ait été élaborée conjointement par le ministère de la justice, le ministère de l’économie et les ministères chargés de l’aménagement du territoire, de la ville et de la ruralité. Affirmer la liberté d’installation tout en prévoyant une cartographie et la possibilité de refuser telle ou telle installation n’est pas source de clarté. Permettre une installation en plaçant le nouveau notaire sous l’épée de Damoclès d’un notaire déjà installé est purement extravagant.

En réalité, la charge des notaires vous gêne. Vous n’avez pas le courage de le dire, car il en coûterait 8 milliards d’euros d’indemnisation. Nous l’avons pourtant fait pour les avoués. Il faut savoir ce que vous voulez.

En réalité, votre projet marque une défiance vis-à-vis de cette profession. Élu de la nation, j’ai le privilège de pouvoir vous le dire, comme de nombreux notaires ruraux qui ont peur de l’avenir, et ces 48 000 salariés, soutenus par tous les syndicats, notamment la CGT, qui craignent pour leur emploi.

Avant de stigmatiser une profession, il eût été nécessaire d’en appréhender l’impact dans la société française. Il s’agit d’un réseau structuré de 8 500 notaires, dans près de 4 000 études, avec 48 000 salariés. Ce réseau pourrait servir de base avancée pour la redéfinition des services publics et des services au public en milieu rural.

C’est ce à quoi je vous demande de réfléchir, en proposant un groupe de travail associant tous les acteurs des territoires. Cela permettrait de confier aux notaires un certain nombre de missions que l’État réalise mal. Je pense notamment à l’évaluation faite par France Domaine, une véritable catastrophe, aux procédures d’expropriation et de remembrement, aux expertises foncières. Je regrette que nous légiférions aujourd’hui à l’emporte-pièce.

Vous allez définir une cartographie. Nous aurons donc des départements où la profession de notaire est mal représentée, et des secteurs où elle est surreprésentée. Quelle indemnisation allez-vous mettre en place pour régler ce problème ? Vous allez permettre à des jeunes de s’installer, mais pendant six ans, une étude notariale s’estimant lésée pourra demander une indemnisation. Il me semble que vous ne voulez pas assumer vos responsabilités et mettre en place une indemnisation qui serait fort nécessaire.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Franchement, monsieur le ministre, si nous entendons nos concitoyens se plaindre de ne pas trouver de médecins spécialistes dans les zones rurales, aucun de mes administrés ne m’a signalé un manque de commissaires-priseurs, de notaires ou d’huissiers de justice.

Pourtant, avec l’article 13 bis, l’Autorité de la concurrence sera chargée d’établir une cartographie hexagonale pour repérer les zones dans lesquelles des ouvertures d’offices supplémentaires seraient souhaitables. C’est sur cette base que les notaires, huissiers de justice ou commissaires-priseurs qui veulent s’installer pourront librement choisir leur implantation, sans avoir à passer par un autre notaire chargé de les présenter au garde des sceaux. Le projet supprime en effet le droit de présentation. Pour les zones dans lesquelles l’installation de nouveaux notaires, huissiers de justice ou commissaires-priseurs pourrait porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants, une autorisation du ministère de la justice sera toutefois nécessaire.

Les offices sont des biens meubles d’une nature particulière, qui ne sont pas dans le commerce. En dépit de leur nature particulière, la propriété des offices est transmissible, même à prix d’argent, mais la transmission est soumise à l’examen et à l’approbation du Gouvernement, qui est totalement libre de ne pas l’admettre, soit parce que les conditions sous lesquelles elle est faite ne lui paraissent pas acceptables, soit parce que le cessionnaire ne lui semble pas réunir toutes les qualités exigibles.

La liberté d’installation dévalue la valeur de ces meubles puisqu’elle en autorise la multiplication. Ces meubles ont une certaine valeur, parce qu’il en existe un nombre déterminé et qu’il n’est pas possible de les multiplier, sauf si le Gouvernement le souhaite, quand l’intérêt public le commande, en indemnisant les propriétaires qui seraient lésés.

La liberté d’installation ne permet en aucun cas de déterminer la valeur d’un office, puisque celle-ci est susceptible de diminuer à chaque installation, l’entrant devant nécessairement capter des parts de marché et enlever aux autres ce qui faisait la valeur de leur bien.

À partir du moment où l’État remet en cause des situations légalement acquises, et détruit la valeur de ces biens meubles, il doit en payer le prix, c’est-à-dire au moins celui de la valeur des offices avant la réforme.

Établir une liberté d’installation, même contrôlée, risque finalement de créer des déserts juridiques, car les notaires, huissiers et commissaires-priseurs iront là où les rémunérations sont les meilleures, c’est-à-dire dans les centres urbains ou les grandes villes.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Avec l’article 13 bis, on se demande quel est l’intérêt de modifier les règles existantes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !

Mme Véronique Louwagie. Très bonne question !

M. Marc Dolez. S’il s’agit de renforcer la proximité et l’offre de services, on ne peut évidemment qu’être favorable à cet objectif, mais il faut alors nous expliquer en quoi ce n’est pas possible avec les règles actuelles.

S’il s’agit de répondre aux demandes d’installation des jeunes, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne réponse et que cela ne donne pas, d’ailleurs, de faux espoirs aux jeunes qui souhaitent légitimement, après de longues études, s’installer.

Si l’on prend l’exemple des notaires, environ 1 000 diplômes d’aptitude aux fonctions de notaire sont délivrés chaque année, pour 450 nominations. Si les 550 diplômés restants n’ambitionnent pas forcément tous d’être nommés notaires, il est fort à parier que la plupart d’entre eux ne pourront pas plus accéder à cette fonction, même s’ils y ont consacré un certain nombre d’années d’études. Mieux vaudrait organiser une concertation avec la garde des sceaux et les représentants de l’enseignement supérieur pour éviter que les universités n’accueillent plus d’étudiants qu’il n’y a de besoins en notaires, même si ces besoins devaient être revus à la hausse.

Enfin, s’il s’agit de favoriser une meilleure concurrence, le texte apporte effectivement un certain nombre de réponses. C’est bien le fonctionnement concurrentiel dont se soucie le texte, avec notamment – nous aurons l’occasion d’y revenir dans la discussion – le rôle dévolu au ministre de l’économie et à l’Autorité de la concurrence.

Pour notre part, nous ne pouvons pas soutenir une telle démarche, parce que la mission dévolue à l’officier public ou ministériel nous paraît incompatible avec une démarche concurrentielle, parce que le service public de la justice n’est pas compatible avec la concurrence.

C’est pour ces raisons que nous nous opposons à l’article 13 bis. Ce sera aussi, bien sûr, le sens des amendements que nous défendrons si l’article n’est pas supprimé.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Avec l’article 13 bis, nous attaquons le problème de la liberté d’installation des professions réglementées – notaires, huissiers, avocats.

Cet article, comme tout le chapitre, provoque un grand nombre d’inquiétudes, monsieur le ministre. Nous avons été beaucoup sollicités dans nos permanences parlementaires. Ce chapitre aurait mérité à lui seul un projet de loi, au lieu d’être noyé dans le conglomérat de mesures qu’est ce texte. Il aurait mérité aussi un meilleur traitement que cette vision technocratique, économique et, disons-le, parisienne.

Ces professions se sont senties clouées au pilori par votre prédécesseur, M. Montebourg, qui avait laissé entendre que les Français allaient gagner en pouvoir d’achat grâce à cette réforme, sous-entendant qu’elles pratiquaient des tarifs bien trop élevés et injustifiés. On oublie de rappeler qu’une grande partie de ces montants revient à l’État.

Votre arrivée a permis à ces professionnels d’espérer plus de concertation et de compréhension, espoir d’abord déçu avant le retournement inédit qui s’est produit hier. Comment expliquer aux Français que les conséquences d’un texte que vous élaborez depuis des mois n’aient pas été prévues par vos services ? Pourquoi une étude d’impact n’a-t-elle pas été réalisée avant ? Notre budget national est grevé par quantité d’organismes, de commissions, de comités Théodule, par un trop grand nombre de fonctionnaires. Comment se fait-il que pas un d’entre eux ne vous ait alerté sur les conséquences de ce texte ?

Avec le corridor tarifaire, amendé depuis hier, et la liberté d’installation, vous allez terrasser ces professions. Pour prendre le seul exemple des notaires, la baisse de 20 % du chiffre d’affaires attendue va provoquer la fermeture de quantité d’études et le licenciement de salariés. C’est ainsi que, dans mon département de la Mayenne, 50 à 100 emplois sur 220 disparaîtraient. Des chômeurs, encore des chômeurs.

Ce sont surtout les petites études notariales en zone rurale qui risquent de disparaître au profit des grandes études actives dans les principales villes. C’est donc une nouvelle inégalité territoriale qui se créera. Or ce qui est valable pour les notaires le sera aussi pour les avocats, les huissiers et toutes les professions réglementées. Ce texte va créer des déserts juridiques.

Élu d’un département rural, je demande que mes concitoyens puissent, comme tous les Français, continuer à recevoir un conseil gratuit, alors qu’avec votre projet, plus rien ne sera gratuit. Je vous demande donc, monsieur le ministre, la sécurité juridique pour les Français et la garantie de l’accès au droit dans les territoires ruraux, accès au droit que votre projet risque d’anéantir. (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Monsieur le ministre, je vais commencer par vous faire un compliment, ce qui permettra de débuter cette soirée de manière fort civile : vous cherchez à résoudre un vrai problème. Il y a environ 10 000 notaires, un petit millier de salariés, sans compter les notaires assistants, et 400 installations par an pour 1 000 nouveaux diplômés. Il y a donc un goulet d’étranglement. Là où nous divergeons, c’est sur la solution que vous proposez.

Lors de la discussion d’un article précédent, je vous avais posé une question très simple : quand on baisse le chiffre d’affaires d’un office, comment être certain que cette baisse n’aura pas d’impact sur l’équilibre économique et que des salariés ne se retrouveront pas sans emploi ?

Comme je n’ai toujours pas eu de réponse à cette question, mais que j’ai bien compris que vous cherchiez le dialogue et que vous vouliez faire preuve d’honnêteté intellectuelle, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour en ajouter une seconde : en appliquant aux professions réglementées le système de la carte des médecins, qui, comme on le sait, a eu pour conséquence la création de déserts médicaux en zone rurale, comment peut-on être sûr que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets ?

L’article 13 bis se trouve à la jonction de ce problème des tarifs et de celui de la cartographie.

Permettez-moi, au passage, de vous faire remarquer que, pour une loi qui se voulait d’essence libérale et de déréglementation, commencer un article par un Gosplan et une cartographie très précise décidée par l’État pour permettre aux gens d’aller à tel ou tel endroit n’est pas forcément le meilleur signal que vous pouviez donner. Mais ce que je reproche à cet article, c’est ce qu’il prévoit.

En fait, il y a deux zones. Dans la première, on permet à des notaires, à des huissiers de justice ou à des commissaires-priseurs judiciaires de s’installer parce qu’il faut renforcer la proximité et l’offre de services. On pense en effet qu’il en manque. Dans la seconde, le ministre ne peut pas refuser une demande de création d’office de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire. Il y a donc une zone où le nombre de notaires peut augmenter parce que l’on pense qu’il en manque, et une seconde où, a priori, il n’en manque pas, mais où l’on peut tout de même s’installer.

À première vue, il sera compliqué d’expliquer aux citoyens français la différence entre la première et la seconde zone, puisque quelle que soit la zone, l’effet est le même, c’est-à-dire que, très concrètement, on crée des points d’implantation.

Nous en revenons à la question de l’impact. Pour conclure, au lieu de m’étendre sur l’effet ciseau entre la baisse du tarif et la libre installation, qui a déjà été évoqué par l’un de mes collègues, je vous citerai cet extrait du courriel que m’a adressé un jeune notaire assistant : « Pensez-vous que je devrais être satisfait de la liberté d’installation portée par le projet de loi ? Croyez-vous que j’ai envie de m’installer à mon compte, envie d’entreprendre, alors que l’on annonce une baisse de près de 40 % des revenus ? Pensez-vous que je vais vouloir exercer le métier de notaire, avec la charge de travail que cela représente, et l’énorme responsabilité professionnelle qui y est attachée, sans avoir l’espoir de gagner correctement ma vie ? Pardonnez-moi, mais j’aime autant changer de branche tout de suite et rester salarié. »

« Cette liberté d’installation ne m’était-elle pourtant pas destinée ? Admettons donc que je ne crée pas un nouvel office notarial, je devrais toutefois me réjouir. L’ouverture de la profession me permettra de racheter les parts de l’associé sortant à un moindre coût, sauf que, face à la grave menace que représente la baisse de revenus, les associés évoquent dorénavant le fait, certainement à raison, que l’étude ne sera plus rentable en présence de deux associés et que l’associé sortant ne sera certainement pas remplacé. Encore une fois, le projet de loi m’empêche d’investir et d’entreprendre. »

« Enfin, il me reste la solution de sécurité, rester salarié en tant que notaire assistant. Ce sera toujours ça de gagné dans la période actuelle, mais c’est sans compter sur la vague de licenciements colossale qui est annoncée, si le projet de loi était maintenu en l’état. En somme, monsieur le député, que reste-t-il de l’envie d’entreprendre qui était la mienne ? À vrai dire, plus grand-chose. Ne restent aujourd’hui que l’incompréhension et la déception. N’est-ce pas un paradoxe qu’une loi arborant fièrement la bannière de la croissance enterre l’envie et les possibilités d’entreprendre de ceux-là mêmes à qui elle est destinée ? »

Ce sont ceux qui sont concernés qui en parlent le mieux. Monsieur le ministre, je vous pose donc une question simple : quand on baisse le chiffre d’affaires et que, concomitamment, on accroît le nombre de participants à la concurrence, comment garantir que les effets pointés par ce jeune notaire assistant ne seront pas demain le futur des professions réglementées ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. L’article 13 bis a été introduit par la commission spéciale dans le projet de loi croissance et activité, devenu le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Il reprend les dispositions de l’article 17 du projet de loi initial relatif à la liberté d’installation des professions judiciaires réglementées, telles que les notaires, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires. Certes, l’objectif visé par cet article est louable, puisque vous envisagez d’une part une meilleure installation, tout en cherchant, de l’autre, à assurer un meilleur service dans nos territoires. Nous sommes d’accord avec vous, mais les solutions que vous proposez ne nous semblent pas pertinentes.

La libéralisation de l’installation que vous envisagez n’est pas sans risque. Ce seront les grandes métropoles et les zones littorales qui seront les plus attractives. Vous allez créer une vraie distorsion de concurrence et malmener un certain nombre de territoires. En plus de perturber les équilibres qui existent actuellement et qui répondent à un besoin quotidien des habitants, votre texte va déstabiliser des offices entiers, aussi bien leurs salariés que leurs clients. Vous parlez de faire une cartographie afin d’établir un état des lieux et de déterminer les besoins. C’est de fait, à mon sens, une nécessité. Cependant, ce n’est pas parce que les besoins auront été définis par zones que des installations viendront y répondre.

C’est la même chose dans le domaine médical. Nous savons très bien, grâce aux cartographies, où il manque des médecins, généralistes comme spécialistes, qui sont plutôt concentrés dans les métropoles et sur le littoral. Il existe d’ailleurs tout un système d’incitations diverses : des incitations fiscales et économiques, mais également un soutien apporté par les collectivités via la création des maisons ou des pôles de santé. Ce n’est pas pour autant que les professionnels viennent là où l’on a besoin d’eux. Votre loi produira le même effet. Vous dessinerez une cartographie pour faire le point sur les besoins, sans pour autant y apporter de réponse. Votre mécanisme va contribuer à créer des déserts juridiques, et les territoires ruraux seront les premiers à pâtir de cette situation. Vous créez une justice à deux vitesses, alors que la justice doit appartenir également à tous les citoyens.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Si j’ai été jusqu’à présent irréprochable, madame la présidente, permettez-moi cette fois de sortir un petit peu du sujet. M. le ministre a dit tout à l’heure qu’il ne fallait pas sortir du sujet, au risque de se perdre, mais je suis pour ma part obligé de le faire et de revenir sur la question des auxiliaires de justice et des avocats. Je n’ai pas pu participer au débat sur l’article 13, parce qu’il y avait trop de neige dans les Pyrénées. Je me demande si nous avons vraiment pris la mesure de la situation de notre territoire. Celui-ci est extrêmement divers, comme nous le répétons du matin au soir sans que cela n’y change rien, et extrêmement morcelé.

Je ressens encore les conséquences du dernier grand projet de loi sur la justice. Les villes près de chez moi ne se sont pas relevées d’avoir perdu leur tribunal, leur conseil de prud’hommes et leur tribunal de commerce.

Plusieurs députés du groupe SRC. Tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission spéciale. Et ils nous donnent des leçons !

M. Jean Lassalle. Peut-être sommes-nous un petit peu attardés au pays des Basques et des Béarnais, mais cela a complètement changé le contexte. On rend désormais la justice au chef-lieu de département, mais ce n’est pas de la même manière, parce que ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont impliquées. Cela est vrai pour les tribunaux de commerce et pour les prud’hommes. Il aurait fallu, monsieur le ministre, tirer les enseignements de ces effets-là. Au fond, je redoute que votre texte nous conduise à son tour dans cette voie. En permettant aux avocats d’aller plaider dans toutes les cours d’appel, en permettant à l’ensemble des auxiliaires de justice et à l’ensemble du personnel administratif d’aller y travailler, je crains qu’on ne fragilise encore un peu plus le maillage territorial. On va regrouper un peu plus le savoir, renforcer la capacité à faire carrière ensemble dans un même univers, tandis que des pans entiers de notre territoire vont continuer, comme ils le font depuis trente ans, à se dévitaliser complètement.

M. Julien Aubert. Il a raison !

M. Jean Lassalle. Je suis inquiet pour l’avenir des avocats sur ce plan-là, même si je ne les ai pas beaucoup entendus sur ces questions. Les notaires avaient très peur, et vous les avez un peu épargnés.

M. Philippe Vitel. À moitié !

M. Jean Lassalle. Je ne sais si vous les avez épargnés définitivement ou si vous leur avez donné un petit sursis, mais je ne pouvais  m’empêcher, madame la présidente, de traduire avec mes mots cette inquiétude qui s’inscrit dans une réalité qui, malheureusement, ne change pas depuis trente ans dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. J’appelle maintenant les amendements de suppression. La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n694.

M. Éric Straumann. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n716.

M. Jacques Lamblin. Je souhaite que l’article 13 bis soit supprimé. Depuis le début du débat, monsieur le ministre, vous nous expliquez que, s’agissant des notaires, vous poursuivez deux objectifs : assurer une bonne répartition de la prestation sur l’ensemble du territoire et améliorer les possibilités d’installation pour les jeunes notaires diplômés. Il me semble que les dispositions qui ont été prises hier en ce qui concerne les possibilités tarifaires et celles que vous proposez aujourd’hui relativement aux possibilités d’installation aboutissent à des résultats rigoureusement opposés.

La situation actuelle des notaires est la suivante : ce sont des officiers publics, répartis sur tout le territoire ; ils ne coûtent rien à l’État ; ils rendent un service sur l’ensemble du territoire, à la satisfaction de l’immense majorité de leurs clients ; ils collectent l’impôt ; plus ils gagnent d’argent, plus ils en rapportent à l’État – de fait, ceux qui ont le plus fort revenu sont ceux qui, soit par l’impôt sur le revenu, soit par l’impôt sur la fortune, abondent le plus les caisses de l’État. Enfin, ils exercent entre eux une discipline. Ils sont parfaitement organisés, de sorte que lorsque l’un d’entre eux défaille, ils peuvent rattraper cette défaillance.

Beaucoup de hauts fonctionnaires gagnent en France autant qu’un notaire.

M. François Rochebloine. Et même plus !

M. Jacques Lamblin. Cela est normal, puisqu’ils assument de grandes responsabilités. Ils ont ainsi un revenu digne de ces responsabilités. Si, un jour, ils commettent une erreur, assument-ils cette erreur sur leurs fonds propres ? Jamais !

M. François Rochebloine. Eh oui !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique de la commission spéciale. Quel est le rapport ?

M. Jacques Lamblin. C’est l’État qui l’assumera. Or, actuellement, quand un notaire commet une grave erreur ou une fraude, ce sont ses collègues qui l’assument.

M. Denys Robiliard. Et la compagnie d’assurances !

M. Jacques Lamblin. Mettez bout à bout tout ce que je viens de vous dire : je pense que vous devriez réfléchir avant de détruire un système qui donne satisfaction depuis plusieurs siècles.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jacques Lamblin. Deuxièmement, l’instauration hier des tarifs variables va, nous l’avons démontré, faire disparaître des études sur une bonne partie du territoire, ce qui signifie la fin des services de proximité dont parlait mon collègue communiste tout à l’heure. Des postes et des études seront supprimés. Avec l’article 13 bis, vous voulez créer de nouvelles études d’autorité, ou tout du moins avec une liberté contrôlée. Hier, vous faites ce qu’il faut pour en supprimer, et aujourd’hui, ce que vous pensez devoir faire pour en créer. Or, vous n’en créerez pas, car comme Julien Aubert vient de vous l’expliquer, la tension et l’anxiété sont telles, et les perspectives si sombres, que la plupart des jeunes notaires, y compris ceux qui envisageaient d’acheter une étude existante, hésiteront et hésitent déjà à emprunter…

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Ils ont raison !

M. Jacques Lamblin. …et à s’endetter. Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore, je vous invite à supprimer l’article 13 bis.

M. Julien Aubert. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n871.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cette réforme portant sur le notariat va bloquer tout le système : des notaires qui voulaient partir à la retraite ne partent pas ; des jeunes désireux de s’installer sont bloqués. Vous allez prévoir une cartographie, monsieur le ministre, avec des zones surdensitaires et d’autres sous-densitaires. Dès qu’une zone permettra une installation, cela aura bien évidemment une incidence sur les études existantes. Ma question est précise : quelle réparation est prévue par l’État ? Aujourd’hui, aucune. Si un jeune veut s’installer, l’étude existante peut pendant six ans lui réclamer une indemnisation : vous faites porter sur lui ce coût financier, et vous allez provoquer une bagarre au sein même des études notariales. L’État se défausse sur la profession. Donnez-nous des réponses précises à ce sujet.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n1131.

M. Philippe Vitel. Un argument mérite d’être rappelé : c’est l’argument communautaire. Son statut d’officier public exclut cette profession du champ d’application de la directive « services », ce qui fait évidemment obstacle au principe de libre installation. Il faut toujours avoir une approche européenne lorsqu’on aborde un sujet, dans un sens mais aussi dans l’autre. Cet argument justifie à lui seul la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Moreau, pour soutenir l’amendement n1959.

M. Yannick Moreau. Une seule question : pourquoi vous acharnez-vous à casser ce qui fonctionne dans notre pays ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Pourquoi détruire ce maillage territorial qui fait honneur à notre organisation juridique et qui rend un service public de qualité et de proximité ?

Mme Chantal Guittet. Et les tribunaux, qu’en avez-vous fait ?

M. Yannick Moreau. La plupart de nos concitoyens se trouvent à moins de vingt minutes de leur notaire, et donc d’un conseil juridique gratuit, qui ne coûte pas un centime d’euro à l’État et qui permet d’éviter la judiciarisation que l’on rencontre dans  de nombreux pays, par exemple en matière de ventes immobilières – deux ventes sur trois sont attaquées en justice dans les pays anglo-saxons. En France, les notaires assurent un service public de qualité, gratuit pour le contribuable. Encore une fois, pourquoi vous acharnez-vous à casser ce qui fonctionne dans notre pays ?

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1998.

M. Marc Dolez. Il est défendu pour les raisons que j’ai évoquées lors de mon intervention sur l’article, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n2957.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, vous entendez libéraliser par cet article l’installation des notaires, partant du principe qu’un certain nombre d’études font souvent traiter leurs dossiers par des notaires salariés, voire des greffiers ou des clercs, et ne créent pas de nouveaux postes notariés, bloquant ainsi la création de nouvelles installations. Mais je crains fort qu’en voulant libéraliser les installations, vous ne mettiez un très grand nombre de jeunes notaires en difficulté. L’installation a en effet un coût en termes de matériel et de locaux, et même si celui-ci peut être réduit, il restera important sans que le jeune notaire n’ait l’assurance d’avoir des affaires à traiter, parce que les Français, notamment dans les milieux ruraux, restent attachés à leur notaire de famille.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. Cet article prévoit un dispositif global pour tous les offices publics ou ministériels, à l’exception des greffiers des tribunaux de commerce. Au passage, je tiens à dire à mes collègues de l’opposition que nous ne sommes pas du tout dans la stigmatisation de ces professions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. C’est scandaleux !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Nous les estimons autant que vous. (Mêmes mouvements.)

Le malthusianisme de cette profession, constaté depuis quelques années, aboutit à un déficit de créations d’offices et de postes de notaire. Vous savez qu’en 2008, le Conseil supérieur du notariat s’était engagé à atteindre le chiffre de12 000 notaires en 2015… Nous en sommes à 9 600.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas la faute des notaires !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Lors de son audition, son représentant a admis son incapacité à remplir cet objectif. Nous proposons donc un dispositif permettant, sur la base de critères objectifs, de nouvelles installations afin que davantage de notaires puissent remplir un rôle que nous considérons comme tout à fait utile pour les territoires. À cet égard, je rejoins le député Lassalle : nous partageons sa préoccupation des déserts juridiques (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) ; nous aussi, nous sommes soucieux d’animer les territoires et de faire en sorte que les offices (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)… Cela vous ennuie qu’on soit d’accord avec vous de temps en temps : c’est dommage ! Appréciez-le au lieu de le contester !

M. Julien Aubert. Très bien !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Nous aussi militons pour que ces déserts ruraux ne soient pas des déserts juridiques. Il y en aurait si nous n’agissions pas.

M. Jacques Lamblin. Il y en aura plus encore !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Notre travail législatif vise à répondre à cette exigence : qu’il n’y ait plus de déserts juridiques. À cet effet, une carte établira, suivant des critères objectifs, les lieux où doivent être installés les futurs notaires. Un tel dispositif me paraît sain et permettra l’installation dans des secteurs où ils ne viendraient pas spontanément.

Vous devriez donc, au contraire, nous soutenir dans cette action au lieu de la considérer comme néfaste. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission spéciale.

M. Richard Ferrand, rapporteur général de la commission spéciale. Pour compléter le propos de ma collègue…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’était pas nécessaire !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Sans doute n’est-ce pas nécessaire, monsieur Poisson, mais vous n’y échapperez pas pour autant. (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Dommage !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Tout d’abord, j’ai entendu comme vous tous la comparaison faite avec la situation des médecins. Mais elle ne me paraît pas avoir le moindre intérêt.

M. François Rochebloine. On leur dira !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. En effet, s’agissant des médecins, il n’y a pas de cartographie. La libre installation est donc la règle. La régulation n’existe pas.

M. Jacques Lamblin. Exact.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Prenez-en acte avant de faire des comparaisons, chers collègues de l’opposition. Deuxièmement, la Sécurité sociale solvabilise l’ensemble du système de soins, ce qui n’a pas d’équivalent dans le notariat. Troisièmement, il y a depuis longtemps un numerus clausus, ce qui n’existe pas pour les juristes qui sortent de nos facultés.

Mme Véronique Louwagie. Mais cela revient au même !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. De grâce, n’essayons pas d’embrouiller les esprits pour ensuite en déduire que personne n’y comprend rien en comparant des situations qui n’ont rien à voir les unes avec les autres. Je tiens à rappeler qu’à chaque fois que vient en débat le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous sommes quelques-uns à demander une régulation publique vigoureuse du droit d’installation des médecins…

Mme Chantal Guittet. Exactement ! Très bien !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. …et que c’est sur vos bancs qu’on hurle que ce serait un attentat à la liberté d’installation.

M. Philippe Vitel. Cela n’a rien à voir !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur Vitel, de m’en donner acte – et vous n’hésiterez à faire partager votre analyse par vos collègues !

Je vois bien, mes chers collègues, que vos principes sont réversibles au gré des intérêts que vous entendez défendre. Ainsi, lorsqu’il s’agit des médecins, la liberté d’installation est sacrée, et l’accès aux soins une question infiniment subsidiaire ; en revanche, quand il s’agit de l’installation des professions réglementées, il faudrait être extrêmement vigilant pour que ne s’établisse pas une forme de concurrence du fait d’une trop grande présence de nouveaux professionnels.

M. Philippe Le Ray. On s’éloigne de l’article 13 bis !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. On voit bien que ce n’est pas le fruit d’une vision de l’organisation de notre pays, mais que vous êtes dans la défense successive de postures corporatistes, qui appelle de votre part des sincérités tout aussi successives.

Notre démarche est, elle, globale pour les professions réglementées du droit, et nous verrons comment nous imaginons développer l’interprofessionnalité. Cette démarche consiste à donner à toutes ces professions les outils leur permettant d’évoluer, d’anticiper et de se moderniser pour qu’elles répondent mieux encore aux défis d’aujourd’hui et de demain.

M. Philippe Le Ray. Elles ne vous ont pas attendu !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Quant au maillage territorial, qui pourrait penser qu’il y ait des députés insensibles à cet enjeu ? Il est de tradition que chacun cite d’où il vient : en ce qui me concerne, il s’agit d’une commune du Finistère intérieur qui compte 652 habitants – le chef-lieu de canton s’appelle Carhaix, il y a quelques notaires et le service est bien rendu à l’ensemble des populations. Croyez-vous que quiconque ici pourrait soudain être pris de passion pour une réforme dont la vocation première serait de mettre à bas le maillage territorial ? Sauf à imaginer qu’il n’y aurait d’un côté de l’hémicycle que des gens lucides, et, de l’autre, des crétins (Murmures sur les bancs du groupe UMP), je ne vois pas bien comment cette hypothèse pourrait se réaliser. Mais connaissant le respect qui vous anime, je sais que jamais une telle idée n’aurait pu vous traverser l’esprit.

Ensuite, on nous a dit qu’irresponsables comme nous le sommes, nous aurions voulu porter atteinte à la sécurité juridique qu’apporte le sceau à certaines transactions, comme si nous pouvions demain, reprenant l’idée d’un certain spot publicitaire, rentrer dans notre logement et le retrouver habité par quelqu’un d’autre. Rien dans ce projet de loi n’affecte pourtant la sécurité juridique.

Et puis vous évoquez les déserts juridiques. Je vous ai écoutés très attentivement les uns et les autres, sans réussir à trouver quel était le lien entre notre action et la création de déserts.

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous n’en savez rien ! Voilà le tragique !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Dire qu’aujourd’hui, les jeunes notaires seraient spontanément attirés par l’installation en grande ville, c’est oublier qu’il y a tout de même certaines choses inexplicables à cette aune. Ainsi, on constate que dans le département de l’Aveyron, il y a un notaire pour 4 500 habitants – n’est-ce pas, madame Marcel ? –, ce qui démontre un maillage territorial extrêmement dense. Or que je sache, ce département, aussi beau et prospère soit-il, n’est pas a priori celui qui permet de susciter les affaires les plus nombreuses, ni même les plus rentables. Mais en Seine-Saint-Denis, il y a un notaire pour 17 000 habitants. De même, on constate dans les Bouches-du-Rhône et, grosso modo, dans le quart nord-est de la France, une sous-densité de la présence notariale.

Mme Audrey Linkenheld. C’est vrai.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Eh bien, voyez-vous, je n’ai pas le sentiment, moi, que la régulation territoriale, le maillage territorial et le service rendu soient parfaitement homogènes sur notre territoire. Cela vous embête peut-être, mais il était temps que l’on s’en préoccupe !

Je n’ai pas compris non plus le lien qui était établi, dans des raisonnements qui relevaient parfois de l’esprit de l’escalier, entre ce que nous voulons faire et un prétendu détachement du droit continental. J’ai eu beau être attentif, faire un effort de concentration, me convaincre que bien des choses m’échappaient, redoubler de vigilance, je n’ai pas vu le rapport entre, d’un côté, la révision tarifaire mise en place par l’article 12, et, de l’autre, la disparition de la tradition juridique française et son invasion par le droit anglo-saxon. Faudra-t-il bientôt bouter les Anglais hors de France, pour contrer la vaste marchandisation du droit annoncée, avec plan social à l’appui ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Votre sens de la nuance vous perdra !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Le sens de la nuance, cher collègue, me perdra moins vite que l’ensemble de celles et ceux qui m’ont précédé !

M. Julien Aubert. Voilà qui est nuancé !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Que voulons-nous faire ? D’abord, on fait une fixation sur les notaires, mais nous prenons en considération non pas telle ou telle profession, mais l’ensemble des professions réglementées. Or que constate-t-on aujourd’hui ? Sur le plan tarifaire, comme en matière d’installation sur le territoire, une cogestion passive, voire poussive, a été établie entre les professions et les pouvoirs publics. Au fil des ans, les choses se sont mises en place sans qu’aient été assignés des objectifs précis en matière d’aménagement du territoire ou de service public ; on a laissé prospérer des situations qui aujourd’hui conviennent à ceux qui les occupent, mais ne répondent pas aux objectifs que l’on est en droit d’attendre.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas la faute des notaires !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. C’est notamment le cas – j’ai eu l’occasion de le dire – des tarifs réglementés, dont il importe de revoir les principes de fixation, en réexaminant le rapport entre le coût réel du service et sa facturation.

Autre enjeu : au nom de quoi refuserait-on aux jeunes qui sont dûment diplômés et qui, après huit ans d’études, aspirent à s’installer et à entreprendre, le droit de le faire, si ce n’est pour conserver les choses en l’état ? Il ne s’agit nullement de remettre en cause l’équilibre actuel – quand bien même celui-ci paraîtrait un peu excessif à certains égards. C’est pourquoi les articles dont nous débattons aujourd’hui ont pour objet de réguler le droit d’installation.

Oui, s’agissant des tarifs, s’agissant de la liberté d’installation, nous voulons ouvrir ces professions et permettre à la jeunesse de s’installer si elle le souhaite, en lui donnant les moyens de gagner sa vie !

M. Philippe Vitel. Vous allez créer de la misère. C’est idiot !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Voilà pourquoi – mais je m’en doutais avant de prendre la parole dans cet hémicycle – je crains que nous ne soyons pas d’accord.

M. Philippe Vitel. On ne peut pas être d’accord avec de telles bêtises. C’est stupide !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Vous vous faites les avocats de l’ordre établi, en reprenant les arguments préformatés par les tenants du conservatisme… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Julien Aubert. Oh ! Ce que vous dites est honteux !

M. Philippe Vitel. Nous faisons simplement preuve de bon sens !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. …tandis que nous, nous voulons donner une nouvelle jeunesse à ces professions. Voilà notre objectif, et ce ne sont pas vos postures conservatrices qui nous empêcheront de le mener à bien ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression de l’article ?

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Je vais tâcher de répondre aux questions qui m’ont été posées en essayant de renouer avec le calme et l’esprit constructif qui a caractérisé ce débat depuis le début.

Quelques chiffres pour commencer – car il serait bon que nous partagions au moins les constats qui nous ont conduits à proposer ces solutions. Pour ma part, je ne considère jamais que quelqu’un détient, plutôt qu’un autre, la vérité.

M. Julien Aubert. Ça, c’est bien. Bravo !

M. Philippe Vitel. Il existe une étude de marché !

M. Emmanuel Macron, ministre. Précisément, monsieur le député, nous avons fait une étude de marché (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), et je vais vous en livrer les résultats – dès que j’aurai obtenu le calme que j’attends de vous, sachant que j’ai moi-même été très calme en vous écoutant.

M. Philippe Le Ray. Trop calme !

M. Emmanuel Macron, ministre. On compte aujourd’hui 8 465 titulaires, dont 1 711 individuels et 6 754 associés, et 847 salariés, soit 9 312 professionnels au total, pour 4 578 offices, soit 600 offices de moins qu’en 1980. Pourtant, il y a 10 millions de Français de plus, et les transactions immobilières ont augmenté de 150 %. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe UMP.)

Nous sommes donc confrontés à un problème que vous disiez tout à l’heure redouter lorsque nous parlions d’autres professionnels du droit : on observe une très forte concentration des offices notariaux en France. Et si vous êtes préoccupés par le maillage territorial, sachez que c’est une préoccupation que nous partageons.

M. Philippe Le Ray. C’est un peu comme pour les collectivités…

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour le coup, je crains que cela n’ait rien à voir, monsieur le député ! (Rires.) Essayons d’examiner les choses dans l’ordre, et revenons, si vous le voulez bien, au constat.

De quelle population s’agit-il ? On dénombre, parmi les 9 000 et quelques professionnels évoqués, 1 755 notaires de plus de 60 ans. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. J’ai 60 ans et je suis en pleine forme !

Mme la présidente. Seul le ministre a la parole, monsieur Vitel.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je signalais juste que la structure démographique des notaires installés était vieillissante : cela ne justifie pas un tel énervement, monsieur le député ! (Mêmes mouvements.)

M. Sébastien Huyghe. Mais non, la démographie se renouvelle !

M. Emmanuel Macron, ministre. Elle se renouvelle, mais pas assez rapidement ! (Les exclamations se poursuivent.)

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Quelle hargne !

Mme la présidente. Un peu de calme, chers collègues, s’il vous plaît.

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vais arrêter de citer des chiffres, si cela provoque à chaque fois de tels cris !

Tout cela pour dire qu’il existe un problème démographique, d’autant que les notaires de plus de 60 ans ne sont composés qu’à 10 % de femmes, alors que la proportion est de 38 % chez les moins de 40 ans.

M. Sébastien Huyghe. Voilà qui prouve que les choses évoluent !

M. Emmanuel Macron, ministre. On voit bien que la structure démographique n’est pas satisfaisante. Le fait est qu’il y a eu un regroupement des offices notariaux, que leur valeur s’est concentrée, et que la situation actuelle n’est pas satisfaisante.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pas satisfaisante pour qui ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Il existe aujourd’hui des déserts notariaux.

M. Julien Aubert. Ah oui ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Bien sûr que oui ! Vous n’avez qu’à consulter la carte : dans de nombreuses zones, qui ne sont pas forcément rurales d’ailleurs, on compte un trop petit nombre d’offices notariaux par rapport à la population ou à la richesse, en raison, précisément, des comportements malthusiens évoqués tout à l’heure par la rapporteure.

M. Jean-Pierre Door. Et le nombre d’actes ? Vous n’en tenez pas compte ?

M. Emmanuel Macron, ministre. M. Aubert m’ayant posé deux questions, je souhaite lui répondre scrupuleusement.

M. Julien Aubert. Merci.

M. Emmanuel Macron, ministre. D’abord, on peut parfaitement réduire le chiffre d’affaires sans que cela conduise nécessairement à des licenciements, monsieur le député…

M. Philippe Vitel. Pas dans ces métiers-là !

M. Emmanuel Macron, ministre. Tout dépend de la marge réalisée. Si dans le compte de résultat d’un notaire, compte étant tenu de la sécurité juridique – celle-ci n’étant en rien impactée –, le chiffre d’affaires…

M. Philippe Vitel. C’est de la théorie !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce n’est pas de la théorie, c’est de la pratique !

M. Philippe Houillon. Propos d’un pur « techno » qui ne connaît rien à la vraie vie !

M. Emmanuel Macron, ministre. Mais non, monsieur le député, c’est la vraie vie : il y a un chiffre d’affaires, des coûts et une marge. On peut réduire le chiffre d’affaires sans toucher au résultat et détruire l’emploi, dans la mesure où les marges ont parfois gonflé de telle sorte qu’elles peuvent être décorrélées des coûts : c’est précisément ce que nous recherchons. Je vous renvoie à la notion de rémunération raisonnable, dont nous avons longuement discuté hier, et qui prend en compte les coûts en capital, l’amortissement des investissements et les coûts de personnel.

M. Jean-Pierre Gorges et M. Philippe Vitel. Nivellement par le bas !

M. Emmanuel Macron, ministre. Je confirme qu’économiquement, c’est parfaitement possible sans avoir besoin d’utiliser un raisonnement qui relèverait de la physique quantique !

Mme Valérie Fourneyron. Eh oui !

M. Emmanuel Macron, ministre. J’en viens à la deuxième question, qui concerne la carte. M. le rapporteur général y a déjà, d’une certaine manière, répondu, mais par courtoisie, j’y répondrai moi aussi – quoique de manière similaire.

On ne peut comparer la situation des notaires avec celle des médecins, pour la simple raison que la cause principale des déserts médicaux est le numerus clausus, qui n’existe pas pour les professions du droit. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Le Ray. Et que faites-vous de l’attractivité et du pouvoir d’achat ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ajoute qu’un risque de désertification serait envisageable si l’on allait vers une liberté totale d’installation, ce qui n’est pas ce que nous proposons ; d’où l’incohérence de vos attaques, car j’ai entendu sur vos bancs une véritable polyphonie corse – et encore : le décalage chez les Corses n’est qu’à la tierce ! (Exclamations et rires.)

M. Philippe Le Ray. Vous auriez dû assister à la réunion de la commission des affaires économiques tout à l’heure : vous auriez entendu une belle polyphonie socialiste !

M. Emmanuel Macron, ministre. Certains prétendent que nous procédons à une libéralisation totale qui provoquera des déserts, tandis que d’autres s’écrient : « C’est le Gosplan ! ». Ce n’est ni l’un ni l’autre : il s’agit d’un système de liberté régulée, qui, monsieur Vitel, répond à des préoccupations de bon sens.

En effet, que propose le texte ? De distinguer trois catégories : les zones où il y a besoin d’améliorer le service, parce qu’il manque des professionnels, et où s’appliquera le principe de la liberté d’installation ; les zones où l’on observe la même situation, mais où il existe un risque de déstabilisation des professionnels en place, et où prévaudra un système de liberté régulée, la garde des sceaux ayant la possibilité de bloquer une installation ; enfin, les zones où le nombre de personnels en place est suffisant, et où il n’y aura pas besoin de créer de nouveaux offices. Rien de plus ! Il me semble que l’on a voulu compliquer ou dramatiser le dispositif proposé dans l’exposé qui en a été fait. Somme toute, il s’agit d’une simple amélioration du dispositif en place et de l’offre proposée à nos concitoyens.

M. François Rochebloine. Bien sûr que non !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le texte prévoit aussi la possibilité d’une indemnisation. Nous avons eu l’occasion d’en discuter longuement en commission : au cas où un professionnel se sentirait lésé, il aura la possibilité, après plusieurs années, de porter la perte subie à la connaissance du juge ; si sa demande est jugée légitime, elle devra être remboursée par le jeune professionnel.

Je veux appeler votre attention sur le fait que le mécanisme retenu est exactement celui du décret de 1971, d’ores et déjà en application, quoique de manière moins encadrée.

M. Philippe Houillon. Il est tombé en désuétude !

M. Emmanuel Macron, ministre. Point de révolution, par conséquent : il s’agit d’un mécanisme connu, quoique plus large – nous aurons l’occasion d’y revenir. Il permettra de donner de la visibilité aux professionnels en place et d’éviter de faire courir un risque budgétaire à l’État.

M. Jean-Frédéric Poisson. Combien de fois par an s’applique-t-il aujourd’hui ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Vous demandez comment fera le jeune professionnel qui vient de s’installer et qui sera déjà endetté pour rembourser cette somme ; mais cela dénote une mauvaise compréhension du texte, puisque la mesure ne concernera que ceux qui se seront installés librement !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Et qui n’auront rien payé !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ils n’auront donc pas acheté une clientèle – d’ailleurs, au pire, ils n’auraient qu’à la rembourser. Tout ce que vous cherchez, c’est à soulever de faux problèmes, des arguties ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) La procédure d’indemnisation ne concernera que les professionnels qui se sont installés librement, cette possibilité leur étant offerte de par la loi.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et les six ans ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le délai de six ans était déjà dans le décret de 1971, monsieur le député : il est normal de définir le processus d’indemnisation de manière transparente. Il s’agit d’une architecture temporelle déjà existante, et qui ne s’applique que de manière exceptionnelle – car il faut que le préjudice soit prouvé et évalué par les professionnels en place, ce qui est très rare. Le texte prévoit que l’indemnité sera versée dans un délai maximal de dix ans par le nouveau professionnel – qui, je le répète, n’aura pas acheté sa clientèle.

Ce que nous proposons ici est donc une ouverture régulée de la profession, dans des zones où il existe un manque de professionnels et un besoin de création d’offices – une liberté absolue d’installation risquant de nuire au maillage territorial auquel nous sommes attachés. Nulle raison que cela suscite les craintes, les arguties, voire les approximations que j’ai pu entendre ce soir !

Avis défavorable, donc.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Straumann.

M. Éric Straumann. Tout d’abord, je ne comprends pas trop le raisonnement économique tenu par M. le ministre : lorsque le chiffre d’affaires baisse alors que les charges sont constantes, on ne peut pas maintenir le résultat !

Je voudrais avoir une réponse à la question particulière des charges de notaire en Alsace-Moselle. Vous savez qu’en Alsace-Moselle, il n’y a pas de vénalité des charges ; les notaires sont donc nommés par le garde des sceaux sans racheter le fonds. Or l’article 13 bis de votre projet de loi précise que « la valeur patrimoniale de l’office antérieurement créé correspond à celle du fonds libéral d’exercice de la profession avant la création du nouvel office. » Que se passera-t-il en Alsace-Moselle ?

Prenons le cas d’un jeune notaire qui s’installe dans notre région. Il ne rachète pas de clientèle, évidemment, mais cause un préjudice au fonds voisin. Or ce fonds n’a pas été racheté : il n’a donc pas de valeur économique. Dans ce cas, comment organiser l’indemnisation ? Plus généralement, ce texte prend-il en compte la situation particulière de l’Alsace-Moselle ?

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Merci, madame le président.

Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos éléments de réponse, mais je dois vous dire qu’ils m’ont laissé un peu sur ma faim.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Vous êtes goinfre, alors !

M. Julien Aubert. Vous avez entendu une polyphonie corse,…

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Une cacophonie !

M. Julien Aubert. …pour ma part, j’ai entendu un soliste quelque peu désaccordé ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Qu’y a-t-il, chers collègues, je reste dans le domaine musical ! Vous devriez vous enchanter de ces références, car la musique adoucit les mœurs !

Mme Chantal Guittet. Quand elle est bien jouée ! Et que la partition est bonne !

M. Julien Aubert. C’est le meilleur service que je pouvais vous rendre.

Tout d’abord, concernant les tarifs, vous nous dites, en gros, que vous allez baisser les tarifs, et que cette baisse sera absorbée par la marge des offices, qui est trop importante, et ne sera pas supportée par le personnel. Votre raisonnement repose sur un postulat simple : l’associé, à la tête de son office, a le choix entre réduire son revenu, c’est-à-dire sa marge, ou ses effectifs. Il faudrait donc prier pour que ces notaires, ces avocats, une fois que vous aurez réduit leur chiffre d’affaires, ne décident pas de réduire leurs coûts salariaux de manière à conserver leurs revenus.

Ce n’est pas seulement une question idéologique, ou de cynisme patronal. Ces gens-là ont une vie, supportent des coûts ; ils ont peut-être emprunté pour acheter leur maison ; ils vont chercher à conserver leur niveau de vie. Lorsqu’une augmentation des impôts réduit le chiffre d’affaires d’une profession, la première variable d’ajustement est celle sur laquelle les patrons ont effectivement la main. Cela peut être le personnel : l’économie en fournit de très nombreux exemples. Vous dites, monsieur le ministre, qu’il n’y aura pas d’impact sur le personnel : je n’achète pas votre argument !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ne marchandez pas tout, monsieur le député !

M. Julien Aubert. Je note que bon nombre de notaires partagent notre opinion.

Ensuite, concernant la carte médicale, j’ai bien pris note de ce que disait M. le rapporteur général.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Il n’y a pas de carte médicale !

Mme Véronique Louwagie. Si, il y a une carte médicale !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Mais non ! Demandez donc à M. Vitel, il vous l’expliquera !

M. Julien Aubert. Le rapporteur général nous a dit : « la carte médicale, ce n’est pas la même chose, parce qu’il y a un seul espace, alors que nous faisons une carte avec deux espaces. » Mais il y a un problème, monsieur le rapporteur général. Vous dites également : « il y a deux zones : une première où l’on va créer des offices, une seconde où l’on va créer des offices. » Il faut m’expliquer la différence entre ces deux zones ! En réalité, il n’y aura qu’une seule grande zone, où vous allez créer des offices. Il n’y a donc qu’une seule carte !

Votre distinction avec la carte médicale ne tient donc pas. Les deux zones dont vous parlez sont en réalité la même : une seule zone de liberté d’installation et de création d’offices. En réalité, vous voulez une installation à tous crins !

Vous nous dites, ensuite : « dans la carte médicale, c’est-à-dire pour les médecins, il y a la Sécurité sociale qui solvabilise. » Eh bien oui, c’est vrai. Mais il faut dire que normalement, il n’y a pas de concurrence sur les prix entre les médecins. Les consultations sont remboursées de la même manière quel que soit le médecin que l’on va voir – c’est vrai, en tout cas, pour une grande partie des médecins.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique et M. Richard Ferrand, rapporteur général. Ce n’est pas la carte médicale, c’est la carte Vitale !

M. Julien Aubert. C’est-à-dire que dans le domaine de la médecine, il y a à la fois la liberté d’installation et des tarifs fixes. Ainsi, quand on choisit d’aller voir tel ou tel médecin, on est remboursé de la même manière ; le choix s’opère donc par rapport à la qualité du médecin, ou par rapport aux relations que l’on entretient avec celui-ci.

M. Patrick Lemasle. On ne choisit pas toujours son médecin !

M. Alain Fauré. Ni son député !

M. Julien Aubert. Chez les notaires, c’est différent : il n’y a pas de liberté d’installation, et des tarifs fixes. Vous, ce que vous voulez faire, c’est instaurer à la fois la liberté d’installation et des tarifs flexibles. Ces tarifs flexibles vont accroître la concurrence ; de plus, la liberté d’installation va accroître la concurrence ; vous allez donc avoir un double effet de concurrence !

M. Alain Fauré. Vous pouvez consulter, monsieur Aubert !

M. Julien Aubert. Vous nous expliquez que le désert médical est uniquement lié au numerus clausus : ce n’est pas tout à fait exact. La réalité, c’est que les jeunes médecins ne veulent pas venir s’installer dans certaines zones. Dans le village où j’habite – Sault, 1 500 habitants –, nous avons essayé d’attirer les médecins. Nous y avons travaillé pendant plusieurs mois, et certains sont venus voir. Quand ils ont vu les conditions de vie, et constaté que la gare était à une heure et demie de route, ils n’ont pas voulu s’installer au village. Vous parliez de la « vraie vie » : je me permets de vous dire ce que j’en sais ! Dans la vraie vie, le numerus clausus n’est pas la seule cause des déserts médicaux.

Pour toutes ces raisons, je crois que l’économie de votre texte n’est pas bonne. Je ne reprendrai pas la parole, pour ne pas trop consommer le temps de parole alloué à notre parti. Jean-Frédéric Poisson y veille d’un œil vigilant : c’est notre gouvernante ! (Sourires.)

Mme Brigitte Bourguignon. Ah non, monsieur Aubert, dites : « notre gouvernant » ! S’il vous plaît !

M. Julien Aubert. Je vous signale néanmoins un problème d’économies. La baisse des tarifs et son impact sur le personnel, ajoutée à l’émulation qu’entraînera la multiplication des offices, déstabilisera totalement l’équilibre économique du secteur,…

M. Alain Fauré. C’est vous qui êtes complètement déséquilibré !

M. Julien Aubert. …et précipitera donc ce que nous craignons tous : la disparition des offices les plus fragiles. Certes, vous aurez donné des places, mais elles ne serviront à rien, car ces gens se retrouveront au chômage.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

Plusieurs députés des groupes UMP et SRC. La gouvernante ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. On reparlera de cela, monsieur Aubert ! (Sourires.)

Monsieur le rapporteur, il est rare de vous voir déraper à ce point. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Fauré. C’est l’hiver !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour tout vous dire, cela me surprend. Qui plus est, nous avons eu l’occasion de vous voir déraper avec des pneus lisses : c’est quand même assez curieux. (Sourires.)

Je retiens de votre argumentation deux points principaux. Mes collègues les reprendront peut-être en détail ; à cette heure-ci, je m’en garderai bien.

Premièrement, vous nous dites que vous n’avez pas l’intention d’organiser des déserts juridiques. J’espère bien ! Il ne manquerait plus que cela !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Nous n’avons pas cette sottise !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas ce que je dis ! Nous vous alertons simplement sur le fait que les mesures que vous proposez y conduiront.

Plusieurs députés du groupe UMP. Exactement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous nous souvenons également que vous aviez l’intention de renforcer les départements. Pardonnez mon langage : compte tenu de ce qu’ils ont pris dans la poire depuis quelques mois à cause de vos messages, on ne peut pas dire que les départements sont renforcés dans leurs futures missions. À présent, quand vous nous dites que vous voulez renforcer quelque chose, nous mesurons cette affirmation à l’aune de ce qui arrive aux départements.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Ce n’est pas du tout la même chose.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est une comparaison, monsieur le rapporteur général.

M. Jean-Yves Caullet. Comparaison n’est pas raison !

M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous m’écoutez jusqu’au bout, vous verrez qu’il y a un lien !

Nous ne croyons pas que vous soyez capable de résister au mouvement que vous êtes vous-même en train de lancer. Au bout du compte, ces dispositions provoqueront les effets que vous nous dites vouloir éviter.

Deuxièmement, vous n’aimez pas le fait que des notaires gagnent bien leur vie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Au fond, c’est cela qui vous gêne, alors assumez-le !

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Pas du tout !

M. Jean-Frédéric Poisson. Dites-le clairement !

Monsieur le ministre, vous nous avez expliqué les effets de ces dispositions sur le chiffre d’affaires des notaires. Nous comprenons bien cette logique, puisque sur nos bancs, il y a des gens qui ont eu la responsabilité de comptes d’exploitation. Il y en a aussi sur les bancs de la majorité. Tout le monde connaît parfaitement cette mécanique, mais le problème n’est pas de savoir si l’on peut baisser la marge ou pas. On peut toujours baisser une marge ; la question est de savoir jusqu’à quand, et dans quelles proportions.

Le nombre d’actes est variable selon les territoires, et n’augmente pas partout de manière homogène – voyez : nous reprenons à notre compte votre argument sur la diversité. De plus, les tarifs n’évoluent pas depuis dix ans, et par ailleurs tous les coûts augmentent. Vous comprenez bien que dans ces conditions, un problème va se poser ! La mécanique tarifaire que vous avez mise en place ne répondra pas nécessairement à ce problème.

Enfin, pour finir, je m’adresse à Mme la rapporteure thématique. Nous avons bien compris que vous reprochez à certains notaires de gagner leur vie.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Mais non, je ne leur reproche pas ! Je trouve cela très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous leur reprochez une seconde chose : de n’avoir pas tenu les engagements de leur profession.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Oui : leur engagement de créer des postes.

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour répondre à cela, je répète ce que j’ai déjà dit en commission spéciale : ces dernières années, la chancellerie a refusé quatre fois plus de créations d’office qu’elle n’en a autorisé – 20 % d’acceptation contre 80 % de refus. Ce n’est donc pas la faute de la profession.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Donc le système ne marche pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. On peut accuser la profession notariale d’avoir beaucoup de défauts, de ne pas se moderniser assez vite, d’être inerte ou rétive au changement. Mais la réalité, c’est que la chancellerie accepte une création d’office quand elle en refuse quatre, et que ce n’est pas la faute de la profession.

M. Sébastien Huyghe. Ce n’est pas viable !

M. Jean-Frédéric Poisson. Deuxièmement, madame la rapporteure thématique, si j’étais dans votre majorité, j’éviterais de reprocher à qui que ce soit de ne pas tenir ses engagements – ou alors, je le ferais avec beaucoup de précautions. Récemment encore, certains hauts responsables de formations politiques n’ont pas tenu les leurs.

M. Patrick Lemasle et M. Alain Fauré. N’attaquez pas M. Sarkozy !

M. Jean-Frédéric Poisson. Vous n’êtes pas suffisamment critiques à l’égard de ces hauts responsables pour pouvoir reprocher aux notaires de ne pas tenir leurs engagements, surtout quand vous ne les y aidez pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cela n’a rien à voir. C’est vraiment nul !

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, il y a un point sur lequel nous pourrions peut-être nous accorder. Il y a, dans notre pays, un certain nombre d’études notariales qui traitent beaucoup d’affaires, avec des chiffres d’affaires très rémunérateurs, et qui ont très peu de notaires, mais beaucoup de salariés – des clercs habilités, des notaires salariés. Ces études ne créent pas de postes de notaire. D’après ce que j’ai pu entendre au cours des auditions, il me semble que cette situation est essentiellement parisienne.

Or pour remédier à cette situation essentiellement parisienne, vous proposez des mesures qui casseront le maillage territorial présent en zone rurale, qui fonctionne très bien.

M. Marc Le Fur, M. Gérard Cherpion et M. Yannick Moreau. Exactement !

M. Gilles Lurton. Pour stimuler la création de postes de notaire, il y avait un autre moyen : prendre des dispositions obligeant les études notariales, au-dessus d’un certain seuil, à créer des postes de notaire au sein de l’étude.

M. Jean-Luc Laurent. Ce serait le Gosplan !

M. Gilles Lurton. J’avais déposé un amendement en ce sens, mais il a été déclaré irrecevable. Il me semble que M. Dolez avait également déposé un amendement en ce sens en commission spéciale ; je ne sais pas s’il l’a déposé à nouveau en séance. Je pense que nous devrions approfondir cette piste pour créer des postes de notaire au sein même des études, sans libéraliser pour autant les installations, ce qui ferait courir un grand risque à la profession.

M. Yannick Moreau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le ministre, j’abonde dans le sens de mon collègue Jean-Frédéric Poisson. Si je comprends bien, cet article vise à lutter contre les déserts juridiques et à créer de nouveaux offices notariaux. Mais s’il y a aujourd’hui des déserts juridiques, à qui la faute ? À la chancellerie !

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Eh oui !

M. Michel Zumkeller. Le droit actuel permet à la chancellerie de créer de nouveaux offices. Elle le peut tout à fait ! C’est la chancellerie, en lien avec la profession, qui peut décider de créer des offices dans certains endroits, or elle ne le fait pas.

M. Richard Ferrand, rapporteur général. Vous avez raison !

M. Marc Le Fur. Où est la garde des sceaux ?

M. Michel Zumkeller. Le dernier plan prévu par la commission de localisation des offices de notaires prévoyait la création de cent offices. La chancellerie n’a pas voulu en créer autant : elle n’a accepté que d’en ouvrir vingt. Si je comprends bien, le système actuel pourrait très bien fonctionner, car il permet de créer des offices et de distribuer des postes sur concours – il s’agit donc d’une sélection au mérite. Or vous allez remplacer ce système qui pourrait fonctionner par un autre. Vous allez tout chambouler, et nous n’avons toujours pas compris comment, dans le nouveau système, les offices seront attribués. Votre projet de loi ne prévoit en effet rien du tout à ce sujet ! Il favorisera les notaires déjà installés, pas les primo-arrivants.

Je répète que le système actuel pourrait fonctionner. Il aurait été possible de créer quatre-vingts postes de notaires l’année dernière, mais vous ne l’avez pas fait. À présent, vous voulez tout chambouler et mettre en place un système qui n’apportera que des difficultés ! Nous ne comprenons donc pas bien votre logique.

Vous ne répondez jamais à cette question : pourquoi la chancellerie n’a-t-elle créé que vingt offices, alors qu’il était proposé d’en créer cent ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Vous évoquiez le secteur de la santé, monsieur le rapporteur. Comparaison n’est pas raison, je le sais bien, mais je crois qu’il faut quand même donner quelques explications sur ce point.

Deux erreurs fondamentales, commises par des gouvernements de gauche, ont causé l’apparition de déserts médicaux. En 1983, sous le gouvernement Mauroy, M. Ralite, ministre de la santé, supprime l’internat de région sanitaire, qui conduisait naturellement, mécaniquement, à l’implantation de médecins généralistes et spécialistes dans tous les territoires. En 1998, sous le gouvernement Jospin, est mis en place le numerus clausus. L’idée sous-jacente était la suivante : si l’on diminue l’offre, on diminuera la demande, et on réalisera ainsi des économies de santé.

M. Xavier Breton. Quelle erreur !

M. Philippe Vitel. Ce faisant, on s’est totalement planté !

En 2002, lorsque la droite est revenue au pouvoir, le numerus clausus était fixé à 3 500. Nous n’avons pu l’augmenter que par tranches de 500 par an, parce que les structures de formation n’étaient plus adaptées. Aujourd’hui seulement, nous commençons à toucher les dividendes de la formation accélérée que nous avons mise en place depuis 2002.

Voilà les deux causes de la désertification médicale.

En ce qui concerne les notaires, il convient de réfléchir à d’adéquation entre l’offre et la demande. Dans mon département, depuis 2008, le produit de la taxe de mutation immobilière a diminué de moitié, passant de 250 millions d’euros à 130 millions d’euros, ce qui traduit une diminution inexorable d’activité de toutes les études notariales.

Je comprends l’objectif de remédier à la désertification et de parvenir à un équilibre territorial, mais le marché étant au plus bas, le risque, en créant de nouvelles études, est qu’elles n’aient pas le périmètre pertinent pour avoir une activité économique suffisante ; cela conduira ces jeunes à une catastrophe annoncée.

M. Yves Nicolin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gibbes.

M. Daniel Gibbes. Monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur le début de votre propos pour souligner un paradoxe. Il est étrange que, s’agissant des professions juridiques, vous souhaitiez casser un soi-disant monopole – qui est en fait un faux monopole, car la chancellerie peut décider d’augmenter ou non le nombre d’offices et même de revoir les tarifs –, alors que mercredi soir, vous souhaitiez tout faire pour maintenir le monopole des taxis contre la liberté d’entreprendre des VTC.

Mme Audrey Linkenheld. Pas du tout !

M. Daniel Gibbes. Admettez, monsieur le ministre, que, d’un côté, vous conservez un monopole alors qu’il y a de vrais besoins économiques et que, de l’autre, vous cassez un écosystème qui fonctionne, au service de la justice et de l’État. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Nicolin. Il est plus facile de s’attaquer aux notaires qu’aux taxis !

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe.

M. Sébastien Huyghe. Vous partez du postulat qu’il existe des déserts notariaux. Je ne sais pas sur quoi vous vous fondez pour affirmer cela,…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Sur le rapport de la mission !

M. Sébastien Huyghe. …car il n’y a pas de déserts notariaux dans notre pays. Vous nous avez donné un certain nombre de chiffres. Pardonnez-moi, mais je trouve qu’il y a une certaine malhonnêteté intellectuelle à donner des chiffres qui sont une photographie de l’existant et ne tiennent pas compte de l’évolution. Vous dites que cette profession serait archaïque et incapable de se renouveler, mais les chiffres témoignent d’une évolution contraire.

D’abord, s’agissant des soi-disant déserts notariaux, vous avez dit, lors de votre audition devant la commission des lois – je ne sais pas si vous l’avez évoqué à nouveau dans l’hémicycle –, que l’on comptait 600 offices notariaux de moins par rapport à 1980. C’est peut-être sur cette évolution que vous vous fondez pour affirmer l’existence de déserts notariaux. Pourtant, vous devriez analyser ces chiffres dans le détail. Effectivement, en 1980, il y avait 5 134 offices notariaux, contre 4 561 en 2014. Mais, vous oubliez de dire qu’il y a, à côté de ces offices, 1 333 bureaux annexes. Ainsi, en 2014, on compte 760 lieux de réception des clients des notaires de plus qu’en 1980, soit une augmentation de 15 % !

Comment expliquer ce phénomène ? Il arrive, dans les zones très rurales, qu’un certain nombre d’offices notariaux ne soient plus rentables et risquent de déposer le bilan ; dès lors, comme l’organisation de notre système de notariat est bien faite, la chancellerie anticipe ces difficultés et ce risque de dépôt de bilan en procédant à la fusion des études. Ainsi, les études déficitaires, ou risquant de le devenir, fusionnent avec des offices qui fonctionnent, de sorte que l’étude n’est plus un office en tant que tel, mais devient un bureau annexe. En conséquence, s’il y a officiellement moins d’offices notariaux, il y a en réalité davantage de lieux de réception des clients.

Ensuite, contrairement à ce que tendent à montrer les chiffres figés que vous nous avez donnés, nous sommes passés de 6 686 à 9 600 notaires entre 1980 et 2014, soit une augmentation de 44 % de professionnels en 34 ans. Ce chiffre doit être mis en regard de l’évolution démographique de notre pays, qui est passé de 55,573 millions d’habitants à 65,821 millions d’habitants en 2014, soit une augmentation de 18 %. Le nombre de professionnels a donc augmenté deux fois plus vite que la population française.

Par ailleurs, vous dites que, en 2014, seuls 34,5 % des notaires installés étaient des femmes. Or, il importe d’analyser l’évolution et le fonctionnement ou non du système de renouvellement et de féminisation. Entre 2000 et 2014, nous sommes passés de 1 186 à 3 327 femmes notaires installées. Leur nombre a été multiplié par trois en quatorze ans. J’aimerais savoir si vous connaissez une autre profession qui a connu une telle évolution.

Mme Audrey Linkenheld. Les députés ! (Sourires.)

M. Sébastien Huyghe. Vous pourriez me reprocher d’avoir fait référence à une période de 34 ans mais, dans une période plus récente, entre 2000 et 2014, le nombre de notaires a augmenté de 24 %. Étant donné que, chaque année, entre 450 et 500 nouveaux notaires s’installent, le solde net entre ces derniers et ceux qui partent est en moyenne de 370 notaires par an.

Vous avez également évoqué l’évolution du coût de l’immobilier. Vous oubliez que, parallèlement, nous avons bien complexifié ces actes – c’est aussi de notre faute –, puisque nous avons inventé un certain nombre de dispositifs qui font que les actes de vente immobilière se calculent désormais en poids. En définitive, en évoquant l’évolution de la valeur de l’immobilier, vous reprochez en réalité à ces professionnels de trop bien gagner leur vie. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Qui a dit cela ?

M. Sébastien Huyghe. Ce n’est pas étonnant ! Le Président de la République a dit, alors qu’il était encore en campagne électorale, qu’il n’aimait pas les riches et a fixé le seuil de la richesse à 4 000 euros par mois. Nous faisons tous parti de cette catégorie et le Président de la République ne nous aime pas ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Audrey Linkenheld. Ne mélangez pas tout !

M. Sébastien Huyghe. En conclusion, votre dispositif pose un problème majeur : Qui choisira, sur quels critères, celui qui a le droit de s’installer dans ce que vous appelez les déserts notariaux ? J’ai entendu dire que la capitale pouvait faire partie de ces déserts notariaux. Imaginons que, au vu de votre planification, il soit jugé nécessaire d’ouvrir une étude supplémentaire dans le 7arrondissement. La chancellerie recevra dès le lendemain une cinquantaine de dossiers de personnes diplômées souhaitant s’y installer. Comment allez-vous sélectionner le candidat qui pourra s’installer ? Aujourd’hui, le système du concours marche bien, malgré tout ce que vous pouvez en dire. C’est un système qui reconnaît le mérite : le meilleur a le droit de s’installer dans l’office créé. Demain, si j’ai bien compris, celui qui déposera son dossier le premier sera servi le premier, dans une forme de course à l’échalote. Mais, si vous recevez cinquante dossiers le même jour, comment allez-vous choisir celui qui aura le droit de s’installer ? Supprimer le système qui fait prévaloir le mérite républicain, c’est-à-dire le concours, ouvre la voie à l’arbitraire.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Je tiens à répondre à la leçon de vraie vie que vous avez voulu nous donner, monsieur le ministre. L’un de mes illustres prédécesseurs dans ma circonscription, qui fut secrétaire d’État à la défense nationale et aux forces armées juste avant l’avènement du général de Gaulle, en 1955 et 1956, était notaire rural et s’appelait Jean Crouzier. Son étude était la plus importante de Meurthe-et-Moselle, la plus riche, celle qui fonctionnait le mieux et qui avait la plus grande clientèle. Aujourd’hui, cette étude est fermée. Elle était située dans un chef-lieu de canton de 1 500 habitants, dans un territoire rural. Je m’associe aux propos de M. Huygue : il y a encore un bureau de réception, mais il est rattaché à une autre étude, car la sienne n’était tout simplement plus viable.

Les chiffres sur le nombre d’études que vous avez donnés tout à l’heure sont sans doute exacts, mais ils s’expliquent, non pas par un malthusianisme volontaire des notaires, mais par une adaptation à l’évolution économique des territoires. C’est une certitude.

Nous avons dit que la solution que vous nous proposez nous semblait d’une efficacité incertaine et s’apparentait un peu à une usine à gaz. Au fond, lorsque vous allez ouvrir les vannes et laisser les gens s’installer, deux situations peuvent se présenter : si le candidat réussit, ce sera à coup sûr au détriment de son voisin et il sera obligé de l’indemniser par la suite ; à l’inverse, s’il n’a rien à payer, c’est qu’il aura échoué. Ne serait-il pas plus simple d’établir un système un peu similaire à celui prévalant dans les officines de pharmacie, qui prévoit l’obligation de détenir un diplôme supplémentaire, lorsque le chiffre d’affaires dépasse un certain seuil ? Vous pouvez peut-être même contraindre à la subdivision ou à l’obligation de prendre des associés. En tout cas, il convient d’établir des règles du jeu que la profession puisse elle-même appliquer, et en tout cas de la réguler. Cela serait infiniment plus efficace que votre dispositif.

Je ne défendrai pas les amendements déposés à l’article 13 bis, car je viens d’en détailler les objets. Ce que vous proposez ne tient pas la route et me semble extrêmement aléatoire. Nos amendements à venir ouvrent des pistes infiniment plus intéressantes.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre, à soixante ans, on a encore la possibilité de travailler ; laissez-moi au moins cette illusion ! (Sourires.)

J’en reviens à vos propos. Souvenez-vous que la retraite des notaires est versée à 65 ans ; il ne me paraît donc pas du tout étonnant qu’il y ait beaucoup de notaires de 60 ans. Aujourd’hui, la retraite se prépare deux ans avant l’échéance. Puisque vous êtes un homme de grande entreprise, monsieur le ministre, vous savez qu’une transmission d’entreprise se prépare dans les vingt-quatre mois précédant la retraite. Votre argument va à l’encontre de ce que vous pensez. C’est une erreur de s’appuyer sur l’argument du nombre de notaires ayant 60 ans. Ils exercent leur fonction dans de bonnes conditions et personne ne s’en plaint.

(Les amendements identiques nos 694, 716, 871, 1131, 1959, 1998 et 2957 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 397, 749 et 2294, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n397.

M. Philippe Houillon. Cet amendement vise à réécrire et à simplifier le dispositif. En réalité, les choses sont simples – mais je me trompe sans doute. Il faut arrêter, monsieur le ministre, de parler de liberté d’installation, car une liberté d’installation qui nécessite, indépendamment des conditions de diplôme, une autorisation du ministre de la justice, n’est pas une liberté d’installation. Cessez donc parler de liberté d’installation, car vous ne l’assurez pas.

Quels sont, ensuite, les objectifs que vous poursuivez ? Il y en a, si j’ai bien compris, deux principaux.

Le premier est de permettre l’entrée d’un certain nombre de jeunes dans les professions d’officiers publics et ministériels et le second d’assurer un maillage territorial. Monsieur le rapporteur général de la commission spéciale disait que tout cela s’inscrit dans une démarche globale. Je vous fais juste observer, de façon incidente, que cette démarche globale va exactement à l’inverse du but que vous recherchez puisque, en mettant la postulation au niveau de la cour d’appel, vous polarisez les activités. Il en va de même pour les huissiers, comme nous le verrons par la suite.

Vous mettez donc en place un système qui va mécaniquement conduire à des concentrations. Aussi, quand vous parlez d’une démarche globale, regardez bien ce qui figure exactement dans votre texte.

Quant au maillage territorial, il ne se décrète pas. Vous parlez de liberté d’installation, mais il n’existe pas, non plus d’obligation d’installation. Par conséquent, vous ne pouvez pas garantir ce maillage.

M. Philippe Vitel. Eh oui !

M. Philippe Houillon. Vous pensez bien que les professionnels quels qu’ils soient, regardent a priori, s’ils vont ou non gagner leur vie avant de s’installer dans un secteur. Évidemment ! Et comme vous polarisez l’activité, vous renforcez cette dynamique. Tout cela est d’une simplicité biblique, mais ce n’est pas ce que le texte dit.

M. Emmanuel Macron, ministre. Et donc ? Où est le problème ?

M. Philippe Houillon. Ensuite, tout dépend de l’endroit où l’on positionne le curseur, et sur ce point nous avons, éventuellement, une divergence. Où place-t-on ce curseur ? Je vous entends, monsieur le ministre, parler de notaires qui ont plus de soixante ans, dire qu’après tout, on peut voir baisser son chiffre d’affaires sans licencier. Mais si le chiffre d’affaires baisse et qu’on maintient ses charges au même niveau, cela veut dire – dites-le clairement – que le résultat diminue.

C’est là accepter un postulat qui n’est pas forcément celui des professionnels : pour eux, s’il y a une baisse de chiffre d’affaires, il y a évidemment des conséquences.

Après, et c’est là que nous divergeons, le texte manque de clarté, ce qui laisse prévoir contentieux et indemnisations. Je vous rappelle, car je n’y reviendrai pas, la position du Conseil d’État : « en prévoyant que les professionnels nouvellement installés dédommageraient leurs confrères en place, le législateur se déchargerait sur eux d’une responsabilité qui lui incombe, la responsabilité du fait des lois. (…) Pour ces motifs, doit être préféré au dispositif prévu par le Gouvernement un mécanisme permettant, dans chaque zone géographique, une augmentation progressive du nombre d’offices sans faire peser la charge d’une indemnisation ni sur l’État ni sur les professionnels nouvellement installés ».

En d’autres termes, dans le cadre du raisonnement que je termine, le Conseil d’État vous dit tout simplement : ne créez pas plus d’offices qu’il n’y a de besoins. En vous contentant de répondre aux besoins, vous permettez l’arrivée d’un certain nombre de professionnels, tout en assurant le maillage territorial. Vous n’encourez pas le risque de déstabiliser, c’est-à-dire de paupériser les autres professionnels et vous ne mettez pas non plus à la charge des jeunes entrants une indemnisation que vous prévoyez pourtant, et ce pendant six ans, dans votre texte.

Les choses sont donc extrêmement simples. Si c’est cela que vous voulez faire, eh bien, monsieur le ministre, donnez un avis favorable à l’amendement que je présente. Celui-ci propose simplement, comme l’a préconisé la mission d’information de la commission des lois, d’établir une cartographie pour identifier les endroits où il serait nécessaire, pertinent, et utile de créer des offices, pour la proximité et afin d’atteindre tous les objectifs affichés au début du premier alinéa de l’article. Sur cette base, et sous réserve qu’il y ait des candidats, créons-les à ces endroits, et pas au-delà des besoins.

Or votre texte, et il s’agit là de la différence essentielle avec mon raisonnement, laisse à penser qu’on peut aller au-delà des besoins, par définition, ne serait-ce que parce que vous créez une indemnisation. Si indemnisation il y a, c’est qu’il y a préjudice. Et s’il y a préjudice, c’est qu’il y a, puisqu’il y a captation de clientèle, création d’offices au-delà des besoins.

Tout cela est très simple et on peut le dire – je ne sais pas si j’y suis parvenu – simplement comme je viens de le faire, plutôt qu’au moyen de trois pages auxquelles on ne comprend rien, qui vont devenir source de contentieux interminables et qui vont susciter à tort des inquiétudes pour un certain nombre et des espoirs pour d’autres. Il suffit pourtant, encore une fois, si c’est aussi votre objectif, de dire les choses ainsi. Mais si votre objectif est de paupériser, alors évidemment, vous serez probablement défavorable à l’amendement de réécriture que je soutiens.

Mme la présidente. Sur l’amendement n397, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n749.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Cet amendement vise à proposer un plan triennal en faveur du notariat, placé sous l’autorité du seul ministre compétent, le ministre de la justice. Celui-ci aurait la possibilité d’augmenter progressivement le nombre d’officiers publics et ministériels soit en imposant de nouveaux officiers publics dans les offices existants, soit en créant, en cas de besoin, de nouveaux offices. Il doit également permettre de faciliter l’accès des jeunes diplômés, en programmant leur arrivée sans désorganiser les professionnels en place et mettre en péril les offices existants. Ce plan doit être normatif et, s’il n’est pas respecté, s’imposer aux professionnels concernés. En conséquence, pour renforcer l’application efficace de ce plan, le garde des Sceaux doit disposer de moyens de contrainte et de sanction adaptés et proportionnés.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n2294.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. L’avis de la commission est défavorable, puisque ces amendements visent, bien évidemment, à réécrire le dispositif global que nous souhaitons mettre en place et qui est défini à l’article 13 bis.

Sa rédaction est à mon sens plus complète et plus précise que celle suggérée par ces amendements qui refusent par ailleurs de reconnaître au ministre de l’économie ainsi qu’à l’Autorité de la concurrence toute compétence relative à l’installation des officiers publics ou ministériels. C’est précisément en raison des critères objectifs définis par cette Autorité de la concurrence que nous considérons notre modèle utile.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les auteurs des amendements, il est nécessaire de maintenir les articles 14, 15 et 16 car il faut bien, pour tirer les conséquences du nouveau dispositif régissant leur installation, modifier les dispositions de la loi du 25 ventôse an XI relative aux notaires, celles de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers ainsi que celles de l’ordonnance du 26 juin 1816 relative aux commissaires-priseurs judiciaires.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je me permettrais de souligner, en rapport avec ce qu’a très bien développé le porte-parole de notre groupe, Philippe Houillon, un certain nombre de paradoxes. Le premier est que vous envisagez, dans ce texte législatif, de créer un certain nombre d’offices alors que le garde des sceaux pourrait d’ores et déjà, s’il l’estimait nécessaire, les créer sans avoir recours à une quelconque loi. Il aurait pu le faire depuis deux ans et demi. Je ne comprends donc pas pourquoi vous utilisez la Grosse Bertha pour régler un problème qui aurait pu l’être par une simple décision de votre collègue que par ailleurs on ne voit ni n’entend et qui n’est au courant de rien mais qui aurait pu, elle, prendre ce type de décision.

Deuxième paradoxe : vous envisagez, dans ce texte, la création d’offices notariaux, au moment même où le nombre de transactions diminue très sensiblement. Notre collège Philippe Vitel l’a parfaitement indiqué. S’il y a un moment où il faut, au contraire, être très attentif et ne pas faire croître exagérément le nombre de notaires, c’est précisément au moment où le nombre de transactions, ainsi que leur montant, diminuent.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui. Bien sûr !

M. Marc Le Fur. Peut-être qu’à d’autres époques il faudra envisager une augmentation du nombre d’offices notariaux. Mais, en tout état de cause, ce n’est vraiment pas le moment !

Troisième paradoxe, sur lequel j’avais insisté hier soir : vous introduisez, pour régler tout cela, l’Autorité de la concurrence, qui n’est pas faite pour cela. Les notaires constituent, en quelque sorte, un service public qui n’est pas assuré par des fonctionnaires mais par des officiers ministériels. L’Autorité de la concurrence n’a rien à voir là-dedans ! Elle a à traiter de la concurrence entre entreprises. Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le ministre, mais, du fait de votre expérience professionnelle, vous introduisez ici, des raisonnements qui n’ont pas à y figurer, parce que ce n’est pas le lieu.

Le monde des professions réglementées ne doit pas relever de l’Autorité de la concurrence. C’est un dévoiement à la fois de ces professions et de cette Autorité de la concurrence. Il s’agit de deux choses distinctes : vous faites donc là une confusion intellectuelle ainsi qu’un contresens. Pour toutes ces raisons, nous voterons clairement l’amendement de notre collègue Philippe Houillon. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Je souhaite indiquer qu’en cohérence avec les positions que notre groupe défend, je crois, avec beaucoup de constance, et compte tenu de l’idée même que nous nous faisons du service public de la justice, et non en raison de la défense de je ne sais trop quels intérêts corporatistes, comme monsieur le rapporteur général de la commission spéciale a cru bon, tout à l’heure, de le répéter, nous allons voter cet amendement n749…

M. Philippe Vigier. Encore un effort. Rejoignez-nous ! (Sourires.)

M. Marc Dolez. …car il présente à nos yeux un grand mérite, celui de placer l’élaboration de la cartographie sous la responsabilité du ministre de la justice et de refuser, dans cette affaire, de donner un rôle au ministre de l’économie, ainsi qu’à l’Autorité de la concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n397.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants62
Nombre de suffrages exprimés61
Majorité absolue31
Pour l’adoption24
contre17

(L’amendement n397 n’est pas adopté.)

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas passé loin. Le ministre a tremblé ! (Sourires.)

(L’amendement n749, n’est pas adopté.)

(L’amendement n2294 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 683 et 2284.

La parole est à M. Éric Straumann, pour soutenir l’amendement n683.

M. Éric Straumann. Je réitère la question technique que j’ai posée tout à l’heure. Ces dispositions concernant les professions réglementées, comme les notaires et les huissiers, s’appliqueront-elles également à l’Alsace-Moselle ?

Deuxième question : quelles seront les modalités d’indemnisation, dans la mesure où il n’existe pas de fonds « commercial » ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n2284.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Je voulais d’abord apporter une précision à monsieur le député Straumann, en lui indiquant que nous avons déposé un amendement répondant aux préoccupations qu’il a exprimées. Cet amendement précise que le dispositif d’assouplissement des conditions d’installation des notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, ne s’appliquera pas, à ce stade d’élaboration de la loi, en Alsace-Moselle.

Sur l’amendement lui-même, outre qu’il n’indique pas assez précisément de quel seuil il s’agit en termes de chiffre d’affaires, il paraît discutable, au regard des exigences constitutionnelles, d’imposer à des offices de notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires de s’associer. Il est douteux qu’une telle obligation soit conforme au principe de l’affectio societatis qui est un élément essentiel de la liberté contractuelle. Cette liberté est garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, et sa valeur constitutionnelle a été consacrée par une décision du Conseil constitutionnel du 19 décembre 2000.

De toute façon, le chiffre d’affaires paraît un critère trop restrictif pour évaluer les besoins. À l’heure actuelle, l’indice de recours à un notaire, utilisé par la chancellerie, prend en compte de nombreux autres paramètres, comme le nombre de mariages, de décès, de transactions immobilières, ou encore d’entreprises implantées dans la zone concernée. Nous émettons donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 683 et 2284 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n1738.

Mme Frédérique Massat. L’amendement est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable.

Mme Frédérique Massat. Je retire l’amendement.

(L’amendement n1738 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n2489.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Le présent amendement vise à supprimer dans le dispositif introduisant une liberté d’installation encadrée, tel que modifié par la commission, toute référence à l’association de professionnels dans le cadre d’un office existant.

D’une part, la nomination de professionnels associés dans un office existant, si elle peut certes répondre en partie au besoin de renouvellement démographique des professions concernées et de renforcement de l’offre au bénéfice des clients, n’en demeure pas moins tributaire du choix des associés exerçant en société d’accéder, ou non, à une demande d’association. Or ces derniers ne peuvent être contraints de s’associer, sans remettre en cause l’affectio societatis qui caractérise les relations entre associés.

Prendre en compte dans la définition des zones à installation libre conformément au I de l’article 13 bis les nominations de professionnels associés dans un office existant contreviendrait à l’objectif du présent projet de loi qui consiste à ouvrir, pour les personnes qui disposent de l’expérience et des compétences requises, une voie d’installation qui ne dépende pas de l’accord ou de la « présentation » des professionnels déjà installés.

D’autre part, il n’a pas à ce jour été constaté que la nomination de professionnels associés dans des structures existantes soit affectée par le malthusianisme qui caractérise tout particulièrement les créations d’office. Or les intégrer dans le dispositif du I de l’article 13 bis pourrait aboutir à contingenter ce type de nominations, ce qui représenterait un recul par rapport à la situation qui prévaut aujourd’hui.

Nous en restons à la création d’offices.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’amendement vient préciser plusieurs points soulevés par M. le député Houillon en particulier en matière d’association. Il s’agit d’une clarification heureuse ; avis favorable, donc.

(L’amendement n2489 est adopté et l’amendement no 2095 tombe.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n2753.

Mme Marie-Lou Marcel. Le présent amendement vise à compléter l’alinéa 1 de l’article 13 bis afin que soit garantie la qualité dans l’exécution de la mission de service public confiée à l’officier public. Cet ajout permet de préciser que le principe de libre installation ne doit pas nuire à cette qualité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. Autant les critères de proximité et d’offre de services sont suffisamment précis et significatifs pour permettre à l’Autorité de la concurrence de dessiner le contour des différentes zones figurant dans la carte régissant l’installation des officiers publics ou ministériels, autant le critère de garantie de l’exécution d’une mission de service public est trop imprécis pour cela.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. Retirez-vous l’amendement, madame Marcel ?

Mme Marie-Lou Marcel. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n2753 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 2160, 1997, 398 et 1864, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 398 et 1864 sont identiques.

La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement n2160.

M. Michel Zumkeller. Le présent amendement vise à supprimer le rôle joué par l’Autorité de la concurrence dans l’établissement de la carte, qui doit se faire uniquement par le ministre de la justice après avoir pris différents avis, auprès des associations de défense des consommateurs et des ordres professionnels, ainsi que du ministère de l’économie.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1997.

M. Marc Dolez. Il s’agit d’un amendement de repli qui vise à supprimer le rôle de l’Autorité de la concurrence. Les zones d’installation des professions juridiques réglementées ne peuvent être déterminées que par le ministre de la justice après consultation des associations de défense des consommateurs ainsi que des ordres professionnels des professions concernées.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n398.

M. Philippe Houillon. Le présent amendement vise aux mêmes fins que celles qui viennent d’être exposées. Je souhaite appeler l’attention du Gouvernement que c’est aussi une recommandation, voire une exigence du Conseil d’État que vous ne suivez pas. Je vous en donne lecture.

« Pour ces motifs, doit être préféré au dispositif prévu par le Gouvernement…et sans retirer au ministre de la justice la responsabilité qui est la sienne dans l’établissement de la carte des offices publics et ministériels,… » Vous me répondrez que vous ne lui retirez pas cette compétence, mais que le ministre de l’économie est également associé à l’établissement de la carte.

Aux termes de l’avis du Conseil d’État, que je ne vais lire dans son intégralité, – brievitatis causa – c’est le ministre de la justice qui est compétent, pas le ministre de la justice et de l’économie. En fait, cela revient à lui retirer une compétence que d’en ajouter une autre pour dévaluer celle qui est la sienne naturellement.

Par ailleurs, il faudra que, d’ici à la fin de l’examen du texte, vous nous donniez une réponse quant à l’omniprésence de l’Autorité de la concurrence.

M. Marc Dolez. Absolument.

M. Philippe Houillon. Vous conférez tellement de rôles à cette autorité indépendante – j’ai déjà développé ce point, mais sans obtenir de réponse de votre part – que vous lui enlevez sa nature d’autorité administrative. Elle concourt à la coproduction de la norme de manière inadmissible, en outrepassant sa compétence. Vous ne pouvez pas ne pas expliquer pourquoi vous mettez l’Autorité de la concurrence à toutes les sauces – pardonnez-moi cette expression triviale – tout au long du texte, dans tous les domaines. Il faudra bien un débat soit ici ou soit devant les juridictions compétentes pour en connaître.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1864.

M. Philippe Gosselin. Le droit n’est pas une marchandise comme les autres : je n’ai pas besoin d’insister davantage, ce thème ayant été suffisamment développé. Il nous faut sanctuariser les professions juridiques réglementées et les règles les concernant. Il importe de les placer à l’abri sous l’autorité de la garde des sceaux, de la Chancellerie, loin du prisme économique de l’Autorité de la concurrence. Cela a été rappelé à plusieurs reprises, mais vous me permettrez d’enfoncer le clou.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable. L’Autorité de la concurrence n’est pas illégitime pour émettre un avis sur les conditions d’installation des officiers publics ou ministériels. Dans son avis, le Conseil d’État précise bel et bien que l’Autorité de la concurrence peut « cependant jouer, auprès de lui, un rôle consultatif utile ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’invite M. le député Houillon à lire l’avis du Conseil d’État jusqu’au bout. Mme la rapporteure thématique l’a fait. Par honnêteté intellectuelle, je rappelle que le Conseil d’État a émis un avis sur un texte qui a été modifié. Il y est indiqué « et sans retirer au ministre de la justice la responsabilité qui est la sienne dans l’établissement de la carte des offices publics et ministériels, l’Autorité de la concurrence pouvant cependant jouer, auprès de lui, un rôle consultatif utile. »

C’est bien ce qui est prévu dans le projet de loi.

M. Philippe Houillon. Vous l’aviez prévu. Vous ne répondez jamais aux questions que l’on vous pose.

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai répondu à votre première remarque puisque vous avez déformé le paragraphe du Conseil d’État.

M. Philippe Houillon. Non.

M. Emmanuel Macron, ministre. Le texte du Gouvernement a été corrigé à la suite de cet avis.

S’agissant de l’Autorité de la concurrence, elle rend un avis consultatif. Elle n’interfère en rien dans une décision. Il ne faut donc pas lui faire jouer un rôle qui n’est pas le sien et qui n’est pas prévu par le texte. Le Gouvernement n’a pas pour obsession de la mettre « à toutes les sauces ». Le débat a eu lieu à un niveau interministériel et avec le secrétariat général du Gouvernement, mais dans le but d’éviter de créer une nouvelle autorité administrative indépendante et par souci de simplification.

Compte tenu du caractère objectif et factuel demandé, la suggestion du secrétariat général du Gouvernement a été de confier ces tâches à l’Autorité de la concurrence. N’y voyez pas malice. Il s’agit de se fonder sur des critères objectifs : regarder des cartes de population et de PIB et de PNB afin d’identifier les valeurs patrimoniales. À cet égard, je tiens à la disposition de chacun les cartes qui montreront les déserts et les surconcentrations.

M. Pascal Terrasse. C’est très important.

M. Emmanuel Macron, ministre. La situation de ces professions n’a rien à envier aux cartes médicales. Il s’agit d’un avis non liant dont le statut a été plusieurs fois rappelé. Je veux lever toute ambiguïté par rapport à ce que vous avez dit. Avis défavorable, donc, à l’ensemble des amendements car il ne faut pas faire dire au Conseil d’État ce qu’il n’a pas voulu dire.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je souhaite poser une question à M. le ministre. Je comprends sa réaction face aux arguments de nos collègues de l’UMP. Cette loi ne vise pas à transposer mécaniquement dans notre droit l’idéologie absolutiste de la concurrence libre et non faussée telle qu’elle a résulté d’un certain nombre de traités européens et qui avait conduit un certain nombre de personnes, dont moi, en 2005, à rejeter le projet de constitution européenne.

L’Autorité de la concurrence rend un simple avis et vous avez eu raison, monsieur le ministre de rappeler que cet avis est consultatif et que le dernier mot appartient au politique. Ce qui me pose problème dans la rédaction actuelle de l’alinéa 2, c’est que la carte est élaborée conjointement par le garde des sceaux et le ministre de l’économie.

Cette carte ne devrait être élaborée que par le ministre de la justice. Les professions réglementées doivent rester sous sa tutelle exclusive. Sur proposition de l’Autorité de la concurrence, le ministre de la justice établit la carte. Ici, je vous rejoins : recourir à l’Autorité de la concurrence répond au souci de simplification administrative et évite de créer d’un nouveau « machin ».

Depuis le début, nous ressentons un malaise vis-à-vis de cette double tutelle. Nous n’avons rien contre le fait de déverrouiller les choses. Mais nous avons du mal à admettre que les professions réglementées, contrairement à nos traditions, ne soient plus sous la seule tutelle du garde des sceaux et que le ministre de l’économie soit symboliquement au même niveau que le ministre de la justice.

Inutile, certes, de créer une nouvelle autorité administrative indépendante. Tenons-nous en à la simplification. Que l’Autorité de la concurrence qui dispose des outils appropriés émette des avis, des avis de qualité. Mais laissons le ministre de la justice, et lui seul, prendre la responsabilité politique de l’établissement de la carte des professions réglementées. La cotutelle du ministre de l’économie ne s’impose pas eu égard à la tradition du système juridique français que je ne vois pas de raisons de modifier substantiellement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon.

M. Philippe Houillon. Je ne veux allonger les débats, mais je ne peux pas, monsieur le ministre, vous laisser dénaturer mes propos. J’ai évoqué l’avis du Conseil d’État sur la compétence du ministre de la justice qui, de mon point de vue et selon cet avis, ne devrait pas venir en concurrence avec celle du ministre de l’économie.

La question de l’Autorité de la concurrence est une autre question. C’est bien ce que j’ai développé et ce n’est pas ce à quoi vous avez répondu. Ce n’est du reste pas la première fois que je le remarque. Si vous voulez qu’on lise entièrement l’avis du Conseil d’État, ce que vous n’avez pas fait, lisons-le : « et sans retirer au ministre de la justice la responsabilité qui est la sienne dans l’établissement de la carte des offices publics et ministériels, l’Autorité de la concurrence pouvant cependant jouer, auprès de lui, un rôle consultatif utile. Un tel mécanisme peut être mis en œuvre dans le cadre légal actuel. »

Le cadre légal actuel, c’est sans le ministre de l’économie. Vous auriez pu lire cette phrase aussi.

M. Yves Nicolin. Très juste.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Comme l’ont très bien expliqué mes collègues, ce n’est franchement pas la priorité aujourd’hui que de créer de nouvelles études alors que le nombre d’affaires diminue et que, là où de nouvelles études ont été implantées, elles ont beaucoup de mal, même au bout de 10 ou 20 ans, à trouver leur équilibre. Il y a donc là une méconnaissance totale du fonctionnement du monde notarial.

Surtout, nous ne comprenons pas pourquoi, alors que le ministère de la justice est là pour répondre à toutes les questions que vous vous posez sur la création d’études supplémentaires ou sur le maillage territorial, vous voulez recourir à une autorité administrative indépendante, l’Autorité de la concurrence. Selon vous, cela évite de créer une nouvelle autorité administrative. Mais le ministère pouvait parfaitement faire ce travail. En réalité, si vous souhaitez faire appel à l’Autorité de la concurrence, c’est parce que vous introduisez une philosophie, une approche entièrement nouvelle, que la France a combattue.

En 2005, la Commission européenne avait monté en épingle ce modèle et je me souviens avoir assisté, à Luxembourg, à une journée entière consacrée aux professions réglementées, durant laquelle la Commission vantait le modèle adopté par les Pays-Bas, qui avaient décidé que les notaires pourraient s’installer librement, sur la base d’un business plan, sans numerus clausus ni aucun contrôle.

Peut-être les Pays-Bas pouvaient-ils, du fait de la concentration de leur population, adopter une telle approche, mais la France, qui compte d’importants territoires ruraux, ne le peut pas. Vous auriez d’ailleurs dû vous intéresser à cette expérience néerlandaise, qui s’est soldée par un échec qui a même déstabilisé la profession de notaire. Vous faites fausse route en en voulant introduire ici l’Autorité de la concurrence. Vous montrez que votre approche n’est pas la bonne et nous la combattons.

Je suis certain que Mme la garde des sceaux et ses services partagent notre position, ce qui explique du reste son absence ce soir dans l’Hémicycle. Nous savons très bien en effet ce qui se dit dans les couloirs du ministère de la justice et, lorsque nous nous entretenons avec des hauts fonctionnaires de ce ministère, nous constatons qu’ils regardent votre projet avec une grande sévérité.

Je terminerai par une question. Vous ne cessez de charger la barque de l’Autorité de la concurrence, qui a déjà beaucoup de mal aujourd’hui à traiter tous les dossiers dont elle est saisie, au point que nombreux sont ceux qui se plaignent que leur traitement soit beaucoup trop long. Combien de fonctionnaires et quels moyens supplémentaires allez-vous donc affecter à cette Autorité, à qui vous voulez donner encore plus de travail ?

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. L’article 13 bis nouveau comporte deux points distincts. Le premier évoque les conditions de l’établissement d’une carte des zones dans lesquelles il apparaît utile de renforcer la proximité et l’offre de services. Pour les trois professions concernées, cette carte fait l’objet d’une approche commune du garde des sceaux et du ministre de l’économie et elle est définie avec les paramètres fournis par l’Autorité de la concurrence.

La deuxième partie de l’article 13 bis prévoit que toutes les autres décisions – la création, les nominations et le recours au dispositif de sauvegarde tel qu’il existe déjà – restent exclusivement de la compétence du garde des sceaux, ministre de la justice. Voilà le dispositif.

Ainsi, l’intervention du ministre de l’économie et le recours aux éléments fournis par l’Autorité ont pour seul objectif de déterminer la réalité des zones où le service de proximité doit être amélioré – et c’est tout.

Cette matière, élaborée par une démarche commune des deux ministres et de l’Autorité, est portée sur la table du garde des sceaux, qui seul décide de la création, de la nomination, du recours aux services d’intérêt général en l’absence de candidature, et de l’ensemble des autres dispositifs. Je tenais à le rappeler, pour éviter les confusions : à aucun moment, aucune des compétences exercées jusqu’alors n’est conférée à quiconque d’autre que la garde des sceaux. La nouveauté introduite ne dessaisit donc pas la garde des sceaux, car il s’agit, je le répète, de réaliser un travail de cartographie permettant de définir où il convient d’assurer un service de proximité.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. M. Le Bouillonnec a tout dit. Regardons les choses telles qu’elles sont : certaines zones souffrent d’un manque évident de professionnels, qu’il s’agisse de notaires, d’huissiers de justice ou de commissaires-priseurs. La réalité, au fond, est assez simple et, tel qu’il est aujourd’hui présenté, l’article rappelle une évidence : le recours à l’’Autorité de la concurrence permet de vérifier la réalité sur le terrain et le ministre de la justice peut, en collaboration avec le ministre de l’économie et sur proposition de cette Autorité, identifier les manques.

La seule question qui se pose, et sur laquelle nous pourrions peut-être interroger le ministre – question que vous posez vous-mêmes, au groupe UMP, dans les amendements qui suivent – est de savoir quels sont les critères. S’agit-il seulement de critères démographiques ou faut-il aller plus loin et s’interroger notamment les conditions économiques ou sociales ?

Voilà le débat que nous pouvons avoir et que nous aurons peut-être tout à l’heure. Je fais partie de ceux qui pensent que les seuls critères démographiques ne sont peut-être pas suffisants. Vous-mêmes, dans les amendements qui seront présentés tout à l’heure et que vous avez signés, reconnaissez l’intérêt de cette démarche et, dans les exposés des motifs de ces amendements, déclarez qu’il est normal que, sous contrôle de l’autorité de la concurrence, on puisse …

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous n’allons tout de même pas vous expliquer pourquoi !

M. Pascal Terrasse. J’ai vos amendements sous les yeux.

M. Marc Dolez. Ce sont des amendements de repli !

M. Pascal Terrasse. Vous reconnaissez donc…

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est une plaisanterie !

M. Pascal Terrasse. Attendons la réponse du ministre, qui nous dira tout à l’heure si, à partir de ces éléments, d’autres critères apporteront les réponses auxquelles vous êtes très attentifs.

(Les amendements nos 2160 et 1997, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 398 et 1864 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1739, 203, 2163, 941 rectifié, ainsi que des amendements identiques n4, 61, 292, 879, 1071, 1132, 1697, 1996, 2204, 2332, 2591, 2724, 2792, 2829 et 2914, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n1739.

Mme Frédérique Massat. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n203.

Mme Michèle Bonneton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir l’amendement n2163.

M. Michel Zumkeller. Pour rassurer M. Terrasse, je précise qu’il s’agit d’un amendement de repli, comme cela arrive parfois dans cet hémicycle. Nous aurions souhaité que nos amendements précédents soient votés mais, puisqu’ils ne l’ont pas été, nous souhaitons tout de même tenter d’améliorer un peu le texte afin que les critères démographiques ne soient pas les seuls pris en compte, mais que l’on tienne compte également des conditions économiques et sociales, de la zone géographique et des objectifs de sécurité juridique et d’accès au service public de la justice.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n941 rectifié.

M. Philippe Houillon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n4.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement n61.

M. Sébastien Huyghe. Il est également défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement n292.

M. Pascal Terrasse. Je viens de m’exprimer à propos des critères.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, pour soutenir l’amendement n879.

M. Pierre Morel-A-L’Huissier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n1071.

M. Guillaume Larrivé. Il est également défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n1132.

M. Daniel Fasquelle. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l’amendement n1697.

M. Jean Lassalle. Les zones où l’implantation d’offices ou l’association de notaires, d’huissiers de justice et de commissaires-priseurs judiciaires au sein des offices existants apparaissent utiles pour renforcer la proximité et l’offre de services sont déterminées par une carte établie conjointement par les ministres de la justice et de l’économie, sur proposition de l’Autorité de la concurrence en application de l’article L. 462-10 du code de commerce.

Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret, notamment sur la base d’une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés.

Il convient de préciser qu’elles doivent également tenir compte des conditions économiques et sociales de la zone considérée.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1996.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2204.

M. Pascal Cherki. Monsieur le ministre de l’économie intervient pour la première fois sur le terrain des professions réglementées, domaine qui est d’ordinaire l’apanage exclusif du garde des sceaux. Cette entrée a été remarquée – comme votre présence, monsieur le ministre – et, pour les professions réglementées judiciaires, elle fera date. Il s’agit d’une novation dans notre système institutionnel, dont les effets peuvent être très positifs ou l’être moins – seul l’avenir nous le dira.

J’ai une suggestion à vous faire : si le ministre de l’économie, qui a énormément de travail sur tous les fronts – lutter contre le chômage, pour la réindustrialisation du pays et sur les grands enjeux internationaux et européens – s’aventure à travailler aux côtés de la garde des sceaux et avec l’Autorité de la concurrence pour faire une carte, encore faut-il qu’il puisse mettre ses excellentes qualités intellectuelles et sa spécificité au service de l’élaboration de cette carte. En effet, mobiliser le ministre de l’économie pour faire une carte dont les critères seraient notamment une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés, c’est lui faire perdre beaucoup de temps.

Afin de justifier votre présence dans ce dispositif, je propose qu’on y ajoute des critères qui relèvent davantage de vos compétences que la simple analyse démographique. Mon amendement tend donc à compléter la seconde phrase de l’alinéa 2 par les mots : « et des conditions économiques et sociales de la zone considérée ». En effet, ces conditions justifieraient peut-être mieux que l’analyse géographique l’élaboration de cette carte en collaboration avec le garde des sceaux.

Cet amendement légitime donc votre présence nouvelle, qui peut paraître parfois un peu hasardeuse aux yeux des professions juridiques réglementées. Vous voyez, monsieur le ministre, je suis là pour vous aider à acquérir de la légitimité dans ce domaine qui est encore pour vous un continent inexploré.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n2332.

M. Jean-Michel Clément. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2591.

M. Xavier Breton. Cet amendement ne vaut pas accord sur le principe de la carte destinée à établir des zones pour l’implantation d’office ou d’associations de notaires, d’huissiers de justice ou de commissaires-priseurs judiciaires, mais il s’agit bien d’un amendement de repli. Dès lors que cette carte existe, il faut en préciser les conditions, ce qui, je le répète à l’intention de M. Terrasse, ne constitue nullement un accord sur son principe.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n2724.

Mme Marie-Lou Marcel. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n2792.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement n2829.

Mme Audrey Linkenheld. Il est également défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse, pour soutenir l’amendement n2914.

M. Gérard Charasse. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Ce sera un avis défavorable ; non pas que vos observations ne soient pas légitimes, mais je tiens à préciser que le deuxième paragraphe indique que les zones seront définies « sur la base d’une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés. » Il s’agit donc d’un autre registre que celui des critères objectifs sur la base desquels l’Autorité de la concurrence établira sa carte.

Bien évidemment, et vous avez raison, ce seront bien des critères économiques et sociaux ; cela va de soi, et je pense qu’ils seront sans doute encore beaucoup plus précis que cela. Je considère donc qu’il faut en rester là et ne pas limiter le prisme de l’examen par l’Autorité de la concurrence à ce dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ?

M. Emmanuel Macron, ministre. J’ai bien entendu les arguments : qu’il s’agisse d’amendements de repli ou d’amendements de première intention, le facteur le plus important de la cartographie de ces professions, qui est mentionné dans l’alinéa concerné, c’est le critère démographique. C’est assez cohérent avec l’objectif même du principe : le renforcement de la proximité ou l’offre de services offerte.

Il est évident que d’autres critères seront définis par décret, qui viendront compléter les éléments pris en compte pour la constitution de cette carte, en particulier les facteurs économiques et sociaux – mais pas seulement.

Nous allons aussi regarder, et c’est normal parce que c’est sur cette base que l’Autorité travaillera, les éléments de concentration patrimoniaux, etc.

Je souhaite simplement appeler votre attention sur un point parmi d’autres : à vouloir trop définir les critères, je crois, à vous entendre, que vous irez peut-être contre l’intention qui était la vôtre initialement.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça y est !

M. Emmanuel Macron, ministre. Oui ! En cherchant à écrire au stade de la loi ce qui relève plutôt du réglementaire, vous risquez finalement de conduire l’Autorité de la concurrence à ouvrir plus facilement la liberté d’installation dans des zones de revenus importants, offrant des potentialités supplémentaires.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ben voyons !

M. Emmanuel Macron, ministre. Il est donc évident, et je veux rassurer à cet égard…

M. Marc Dolez. Ce sera un avis !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce sera un avis, vous avez raison ! Mais cette cartographie ouvrira des zonages ; cela ne vous a pas échappé, monsieur le député !

La philosophie de ce dispositif, c’est de ne pas s’arrêter à l’aspect démographique : les facteurs économiques et sociaux seront définis dans le cadre du décret. La prise en charge du travail de cartographie par l’Autorité de la concurrence est d’ailleurs un gage de qualité de cette analyse économique, qui est son domaine même d’expertise : je veux donc pleinement vous rassurer quant à l’objectif poursuivi.

Il me semble que le « notamment » montre bien que le sujet démographique n’est pas le seul pris en compte et que vouloir détailler de manière excessive dans la loi les différents éléments qu’on voudrait ici couvrir serait sans doute contre-productif ou, du moins, nous amènerait à trop de précisions. Je vous invite donc plutôt au retrait ; sinon, avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Comme je ne sais pas au juste ce qui a été dit hier soir par M. le ministre et à des fins purement conservatoires, je reviens sur la défense des notaires que je voulais présenter tout à l’heure. Je voulais notamment dire que les notaires, lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans, devront cesser leurs fonctions. L’article prévoit toutefois que, sur autorisation du ministre de la justice,…

Mme Audrey Linkenheld. Le débat sur les notaires, c’était hier !

M. Jean Lassalle. Je voulais le dire avant ; mais si c’est fait maintenant, ce ne sera pas à faire plus tard !

Afin d’assurer la sécurité juridique et la sécurité économique des transmissions d’offices, il est nécessaire de prévoir pour les notaires qui atteindront cette limite d’âge au jour de la promulgation de la loi une disposition transitoire. Les notaires ne sont pas contents du tout, vous l’avez déjà entendu, et dans les Pyrénées-Atlantiques non plus ! Ils espèrent donc, monsieur le ministre, que vous allez revoir votre copie !

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Monsieur le ministre, je me permets d’appeler votre attention sur la qualité de la rédaction de la loi. Si l’alinéa 2 s’arrêtait après « Elles sont définies de manière détaillée au regard de critères précisés par décret. », le décret pourrait ensuite fixer ces critères en retenant l’analyse démographique de l’évolution prévisible ainsi que les critères économiques. Mais dès lors que vous commencez à détailler dans la loi en introduisant un « notamment », il est évident que, du point de vue de la hiérarchie des normes, ce qui est inscrit dans la loi aura plus de portée, plus de force que ce qui sera inscrit dans le décret, monsieur le ministre !

M. Gérald Darmanin. Heureusement !

M. Pascal Cherki. Si l’on suit votre raisonnement, soit on supprime le morceau de phrase « notamment l’analyse démographique de l’évolution (…) » et on s’arrête à « (…) critères précisés par décret. » : il appartiendra alors au décret de définir les critères sans les hiérarchiser ; soit on commence à rentrer dans le détail : vous ne pouvez dès lors pas mettre dans la loi le critère de l’évolution démographique et renvoyer à une norme inférieure à la loi – parce que le décret est une norme inférieure à la loi – les critères sur les conditions économiques et sociales.

Pardonnez-moi de vous rappeler la base de la hiérarchie des normes dans notre pays : je sais qu’elle ne vous a pas échappé, raison pour laquelle je me permets d’intervenir à nouveau. Comme je sais que vous souhaitez trouver une solution consensuelle, je vous fais donc cette proposition : soit accepter notre amendement, soit modifier l’alinéa 2 en s’arrêtant à « (…) conditions définies par décret. »

M. Jean-Luc Laurent. Bonne intervention !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, je ne voudrais pas créer des ennuis à notre collègue Cherki, mais je suis assez d’accord avec l’argumentation qu’il vient de développer.

Mme Audrey Linkenheld. Nous aussi !

M. Jean-Frédéric Poisson. Pour ce qui est de la rédaction, on le sait, à la commission des affaires économiques comme à la commission des lois, on n’aime pas les adverbes. Nous n’avons pas déposé un amendement de suppression de l’alinéa ou de correction pour ce motif, cela ne suffit pas ; mais tout de même, dès qu’on voit « notamment » dans un texte de loi, on peut s’inquiéter – nous nous inquiétons donc !

M. Marc Dolez. C’est sûr !

M. Jean-Frédéric Poisson. De plus, que la démographie notariale, qui est semble-t-il pour vous une cible particulière, fasse l’objet d’une précision dans cet alinéa, on peut le comprendre ; mais il n’y a pas que la démographie notariale dans la vie ! Quand on vous propose d’inscrire dans la loi que le décret voudra bien prendre en compte des conditions socio-économiques du territoire concerné, cela ne me paraît pas non plus d’une contrainte folle, au point d’empêcher quiconque d’étudier cela calmement et de fixer des critères qui soient les plus ouverts ou au contraire les plus fermés possible, selon ce que l’on souhaite !

On a donc en réalité du mal à comprendre pourquoi vous entrez dans une énumération que vous ne voulez pas continuer – à l’évidence, de ce point de vue, la loi n’est pas complète ! Soit vous retirez tout et le décret fixera l’ensemble des modalités et des critères – après tout, c’est le rôle du Gouvernement –, soit vous commencez à mettre un pied dans la porte, mais alors si la porte est ouverte, elle est ouverte, monsieur le ministre ! Dans ce cas, souffrez que le Parlement vous dise qu’il n’y a pas que la démographie, mais qu’il y aussi d’autres critères à prendre en compte, et mentionnez-les ! La formulation que nous proposons n’est pas d’une étroitesse telle qu’elle puisse être gênante pour qui que ce soit !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Je suis plutôt convaincu par l’explication du ministre.

Je voudrais profiter de l’occasion qui m’est donnée pour rappeler ce que j’ai eu l’occasion de dire lors de notre réunion de groupe ce matin à notre collègue rapporteur Ferrand. Ce texte comporte un grand nombre de décrets.

M. Jean-Frédéric Poisson. Comparé au nombre d’ordonnances, ce n’est pas beaucoup !

M. Pascal Terrasse. La réalité, c’est que nous avons la tentation, du côté de la majorité, de faire confiance au Gouvernement, ce qui me paraît légitime. Nous avons eu hier un débat sur le problème des tarifs réglementés et des possibilités de remises. Là encore, sur le décret d’installation, je pense qu’il serait utile qu’à l’occasion de la deuxième lecture, nous puissions déjà disposer de quelques orientations sur les décrets.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y aura pas de deuxième lecture !

M. Pascal Terrasse. Je sais que c’est compliqué et que la deuxième lecture est pour bientôt, mais il est quand même d’usage à l’Assemblée nationale de s’appuyer, au cours d’un débat entre la majorité et le Gouvernement, sur quelques orientations connues de tous. Chaque fois que l’on discute, et Pascal Cherki a eu raison de le rappeler, les mots peuvent avoir un sens, dans une direction ou dans une autre.

Je comprends donc la position du ministre, qui rappelle qu’il ne faut pas se cantonner à la seule question démographique et qu’il faut aussi envisager d’autres critères.

L’amendement que j’ai déposé peut être restrictif, et je l’entends parfaitement. Je propose donc, à ce stade de la discussion, de retirer mon amendement, mais de demander dans le même temps au ministre que l’on puisse disposer en deuxième lecture d’un certain nombre de décrets – des décrets un peu forts, même si d’autres seront publiés beaucoup plus tard, car il faut qu’on sanctuarise une partie de la loi : nous aurons donc besoin de ces informations.

(L’amendement n292 est retiré.)

Mme la présidente. Pour l’information de chacun, je rappelle que nous sommes en procédure accélérée.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y aura donc pas de deuxième lecture ; mais c’était bien tenté !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Nous sommes tous convaincus que la loi doit être précise et éviter d’être bavarde. Notre collègue Poisson a d’ailleurs rappelé l’aversion qu’on peut manifester parfois contre une énumération qui débute par un adverbe : cela prouve en effet que l’énumération en question ne saurait être exhaustive puisque l’adverbe signifie justement cela.

Je voudrais simplement souligner que cette cartographie, par construction, va porter sur ces critères socio-économiques parce qu’elle vise à déterminer le champ même de l’action des professions réglementées du droit ; sinon, elle n’aurait pas lieu d’être !

En revanche, préciser que la démographie, non pas en général, mais des professions en question, a une importance pour l’élaboration de cette carte qui rendra l’installation plus ou moins facile, me paraît nécessaire parce que ce critère est spécifique. En effet, il n’y a pas simplement le critère du contexte économique et social dans lequel va se dérouler l’activité, mais aussi l’évolution prévisible des professionnels en place. Il me semble qu’il était nécessaire d’apporter cette précision et que, pour le reste, le texte me paraît très clair à ce stade.

M. Philippe Gosselin. Tout est dans le terme « à ce stade » !

(Les amendements nos 1739, 203, 2163, 941 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Les amendements identiques 4, 61, 879, 1071, 1132, 1697, 1996, 2204, 2332, 2591, 2724, 2792, 2829 et 2914 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n3135.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. À la fin de l’alinéa 1 de l’article 13 bis, au lieu de lire « pour renforcer la proximité et l’offre de services », il s’agit de lire « pour renforcer la proximité ou l’offre de services ». Les objectifs sont autonomes et alternatifs, de manière à permettre la création d’offices afin de renforcer l’offre disponible et la proximité. Cet amendement ouvre en pratique la possibilité d’aménager une montée en puissance progressive de la création d’offices, y compris dans les centres urbains dans lesquels l’éloignement géographique entre le client et le professionnel est par hypothèse limité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable.

J’en profite pour répondre à une préoccupation soulevée en particulier par M. le député Cherki : concernant les critères que nous évoquions et votre préoccupation, à laquelle je souscrirais volontiers en pure légistique, le « notamment » est un peu plus sophistiqué que ce l’on a bien voulu en dire dans la présente rédaction. Vous voyez bien que « (…) notamment sur la base d’une analyse démographique de l’évolution prévisible du nombre de professionnels installés » ne signifie pas simplement « notamment la démographie ».

Pour répondre à la préoccupation légitime évoquée par plusieurs d’entre vous, en particulier M. le député Houillon, ce « notamment » vise à couvrir le fait que cela sera progressif, ce caractère progressif étant pointé par le Conseil d’État comme étant un élément protecteur pour les professionnels en place.

C’est pour cette raison que nous distinguons, à travers ce « notamment », le critère démographique. Il sera bien évidemment pris en compte, avec les critères économiques et sociaux, au niveau du décret, mais on s’assure là, dès le niveau de la loi, parce que c’est une garantie qu’on a voulu apporter à la lumière de l’avis du Conseil d’État, qu’il y aura une prise en compte de l’évolution démographique de la profession, ce qui est un peu différent.

Cela peut paraître un peu complexe, mais c’est le fruit de cette interaction avec le Conseil d’État. Telle est la préoccupation qui est ici portée, mais qui ne recouvre pas simplement la vôtre ; le reste est bien renvoyé au décret. Voilà la précision que je voulais apporter.

(L’amendement n3135 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n3136.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cet amendement vise à supprimer dans le dispositif introduisant une liberté d’installation encadrée, tel que nous l’avions modifié, toute référence à l’association de professionnels dans le cadre d’un office existant.

(L’amendement n3136, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 399 et 1865.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n399.

M. Philippe Houillon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1865.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable aussi. En effet, ces amendements visent à supprimer l’alinéa 4, qui prévoit précisément la garantie que j’évoquais, c’est-à-dire le caractère progressif de la réforme. On peut d’autant moins accepter cette suppression que cette précision vise à tenir compte de l’avis du Conseil d’État.

(Les amendements identiques nos 399 et 1865 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n2490 rectifié.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cet amendement vise à garantir l’information de l’ensemble des organismes susceptibles d’être intéressés et de contribuer utilement à la mission consultative de l’Autorité de la concurrence en ce qu’elle porte sur l’élaboration de recommandations et d’une carte dans les conditions prévues au I de l’article 13 bis de la présente loi ainsi qu’au nouvel article L. 462-10 du code de commerce. Il réduit dans le même temps le formalisme induit en l’état par le texte et supprime la référence à une « saisine » qui revêt une signification propre.

(L’amendement n2490 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté et les amendements nos 400, 1866 et 2165 tombent.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements, nos 401, 1867, 402 et 1868, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 401 et 1867 sont identiques.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n401.

M. Philippe Houillon. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1867.

M. Philippe Gosselin. Défendu.

Mme la présidente. Les amendements nos 402 et 1868 sont également identiques.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n402.

M. Philippe Houillon. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1868.

M. Philippe Gosselin. Défendu.

(Les amendements nos 401 et 1867, 402 et 1868, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n3137 rectifié.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Le présent amendement a plusieurs objets. Il vise d’abord à opérer une clarification rédactionnelle.

Dans une optique de meilleure lisibilité du texte, il propose de souligner plus précisément, aux alinéas 7 et 11 de l’article 13 bis, la distinction entre deux catégories de zones : d’une part les zones mentionnées au I, où l’implantation d’offices ou l’association de professionnels au sein des offices existants apparaissent utiles ; d’autre part les zones mentionnées au III, où l’implantation d’offices supplémentaires serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants.

(L’amendement n3137 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 6, 62, 291, 2603 et 2996.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n6.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement vise à éviter l’inflation verbale en supprimant la précision que tout candidat à l’installation doit justifier de conditions « d’expérience et d’assurance ». En effet un décret fait déjà obligation aux notaires d’être assurés. Quant à la condition d’expérience, les notaires y satisfont déjà puisqu’ils ont dû effectuer un stage de plus de deux ans pour obtenir leur diplôme. Ne conservons que la condition d’honorabilité.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement n62.

M. Sébastien Huyghe. Cet amendement vient d’être défendu avec brio par M. Darmanin.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement n291.

M. Pascal Terrasse. Il est retiré.

(L’amendement n291 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n2218.

M. Pascal Cherki. Il est défendu avec une ardeur que vous ne soupçonnez pas, madame la présidente !

Mme la présidente. J’avais cru le remarquer !

La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2603.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n2996.

M. Gilles Lurton. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Ce sera un avis défavorable… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) …à moins que vous ne les retiriez !

En effet l’obligation de satisfaire à une condition d’expérience vise à permettre aux clercs habilités, dont la suppression est prévue à l’article 14, d’accéder à la profession de notaire. Quant à la condition d’assurance, elle est de principe pour cette profession du droit.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Il ne faudrait pas que le soutien de M. Cherki entraîne systématiquement un avis défavorable à nos amendements de la part du Gouvernement et de la rapporteure. Ce n’est pas parce que M. Cherki soutient les bonnes idées de l’opposition ou que nous soutenons les siennes, monsieur le ministre, que vous devez faire assaut d’idéologie.

Madame la rapporteure, si nous pouvons accepter votre argumentation en ce qui concerne la condition d’expérience, je crois vraiment que la condition d’assurance mériterait d’être supprimée. Ne pourrions-nous pas parvenir à un consensus, à une synthèse, si j’ose dire ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Deux raisons justifient mon opposition à ces amendements, monsieur le député. La première est de fond et elle a été exposée par Mme la rapporteure : la condition d’expérience permettra aux clercs d’accéder à la profession de notaire. Deuxièmement, il est évident pour tout le monde que ces amendements sont de simples « copier-coller » de propositions du Conseil supérieur du notariat. Ce n’est pas comme cela qu’on fait la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Ma modeste expérience me permet de vous dire, monsieur le ministre, qu’on a déjà recouru à de tels procédés sur les bancs opposés aux nôtres, sans que cela entraîne un tel procès en suspicion illégitime.

Ce que vous venez de dire est particulièrement grave, et si c’est cela la méthode Macron, permettez-moi de vous dire que ce n’est pas comme ça qu’on fait la loi. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. M. Bertrand arrive dans le débat !

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. A minuit trente passé !

M. Xavier Bertrand. Quand une profession fait des propositions, comme c’est le cas des notaires, on doit au moins les écouter. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Clotilde Valter. Ne venez pas nous faire la leçon !

M. Xavier Bertrand. Vous avez préféré opposer les uns aux autres. Vous avez voulu imposer une seule voix, et alors que le dialogue était tout à fait possible, vous l’avez refusé. C’est faute de pouvoir dialoguer avec le ministère que le Conseil supérieur du notariat, et les notaires eux-mêmes, ont dû faire valoir leurs revendications auprès des élus de leur circonscription, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent. Vous ne pouvez pas plus les en empêcher que vous ne pouvez nous interdire de défendre de tels amendements.

Si vous aviez été plus ouvert, si vous n’aviez pas cherché à faire un exemple, vous servant d’eux comme de boucs émissaires faute de pouvoir vous attaquer à d’autres professions, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

Je sais que c’est là une vérité déplaisante, mais certains ici présents sont beaucoup plus à l’aise pour pousser des cris d’orfraie dans cet hémicycle que pour s’expliquer devant les clercs de notaires, les salariés des offices notariaux et les notaires eux-mêmes, qui vous disent qu’ils ne veulent pas disparaître. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(Les amendements identiques nos 6, 62, 2218, 2603 et 2996, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n3138.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. C’est un amendement de cohérence.

(L’amendement n3138, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 64, 1995, 2633 et 3000.

La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l’amendement n64.

M. Sébastien Huyghe. Par cet amendement, nous vous proposons une sorte de « plan B ». A vous en croire, cette carte va permettre de régler le problème des déserts notariaux, sachant que l’affirmation que de tels déserts existent est sujette à caution, je crois l’avoir démontré. Mais soit : partons de cette hypothèse d’école.

Une fois que cette carte est établie, il peut s’avérer qu’aucun notaire ne souhaite s’installer dans ces déserts notariaux prétendus, tels qu’ils auront été définis selon les critères de l’Autorité de la concurrence, soit qu’il considère qu’il n’y a pas de marché, soit qu’il y a déjà suffisamment d’offices sur ce territoire. Ce ne sont donc pas des déserts notariaux.

M. Jean-Yves Caullet. Même si personne ne veut s’y installer, cela reste un désert !

M. Sébastien Huyghe. Dans un tel cas, l’article prévoit qu’il sera procédé à un appel à manifestation d’intérêt en vue de permettre l’installation dans ce prétendu désert notarial.

En réalité, c’est votre loi elle-même qui va créer de toutes pièces des déserts notariaux, en entraînant la fermeture d’un certain nombre d’offices. C’est pour masquer cet effet de votre loi que vous prévoyez de tels appels à manifestation d’intérêt, permettant à de jeunes notaires de venir s’y installer et s’y casser les dents.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1995.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2633.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3000.

M. Gilles Lurton. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, le législateur étant tenu d’envisager toutes les hypothèses, même celle où l’appel à manifestation d’intérêt se révélerait infructueux.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 64, 1995, 2633 et 3000 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n3139.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. C’est un amendement de cohérence.

(L’amendement n3139, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n3141.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Il s’agit là encore d’un amendement de cohérence.

(L’amendement n3141, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 111, 288, 1994, 2644 et 3001.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n111.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement n288.

M. Pascal Terrasse. Je le retire.

(L’amendement n288 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1994.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2644.

M. Xavier Breton. Cet amendement concerne la première phrase de l’alinéa 11.

La première proposition de l’amendement vise à préciser que, dès lors qu’il n’y a pas de carence, il n’est pas justifié d’envisager la possibilité d’une installation. Dans ces conditions, le garde des Sceaux ne peut que refuser.

Par ailleurs, dans les zones où l’implantation d’offices supplémentaires serait de nature à porter atteinte à la continuité de l’exploitation des offices existants ou à compromettre la qualité du service rendu, le ministre de la justice ne doit néanmoins pas pouvoir refuser une nomination en qualité de notaire, d’huissier de justice ou de commissaire-priseur judiciaire à toute personne diplômée désirant s’associer au sein d’une structure déjà existante ou reprendre un office existant.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3001.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable au « peut refuser » de l’amendement car on ne peut imaginer que le ministre de la justice soit en compétence liée par rapport à la situation de la carte.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(Les amendements identiques nos 111, 1994, 2644 et 3001 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1869 rectifié.

M. Philippe Gosselin. Nous nous situons dans une veine déjà explorée.

Il s’agit, si j’ose dire, d’ôter toute légitimité à l’Autorité de la concurrence et de rappeler que les professions juridiques réglementées ne sont pas des professions comme les autres dont, par exemple, les professions économiques ou commerciales.

Une fois de plus, nous cherchons à échapper au prisme économique en rappelant la seule compétence de la Chancellerie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable pour les motifs précédemment évoqués.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

(L’amendement n1869 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n° 3142.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Il s’agit d’un amendement de cohérence.

(L’amendement n3142, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement no 403 tombe.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 66, 287, 404, 1870, 2656 et 3002.

La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n66.

M. Daniel Gibbes. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 12 à 16 car les règles d’indemnisation qui régissent les zones non carencées sont déjà prévues par l’article 5 du décret n71-941 du 26 novembre 1971.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Terrasse, pour soutenir l’amendement n287.

M. Pascal Terrasse. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n404.

M. Philippe Houillon. Il concerne l’Autorité de la concurrence et je le défends avec les mêmes arguments que mon collègue Gosselin a développés à l’instant.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1870.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2656.

M. Xavier Breton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3002.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable pour les motifs déjà évoqués.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Nous reprenons ici ce que prévoit le décret n71-941 dont nous avons eu tout à l’heure l’occasion de discuter : il concerne les seuls notaires, et nous en élargissons la portée.

Les délais prévus dans l’article reflètent ceux du décret de 1971 – qui sont d’ailleurs bien connus depuis 1916 – en précisant toutefois les conditions dans lesquelles ce mécanisme d’indemnisation serait prévu pour les professionnels arrivants après que le professionnel ayant subi un préjudice anormal a pu le démontrer.

Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 66, 287, 404, 1870, 2656 et 3002 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 405 et 1871.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n405.

M. Philippe Houillon. Il est défendu et concerne une fois encore l’Autorité de la concurrence.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1871.

M. Philippe Gosselin. Même déclinaison : après les alinéas 12 à 16, il s’agit de supprimer les alinéas 17 à 20. L’Autorité de la concurrence est dans le collimateur.

(Les amendements identiques nos 405 et 1871, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1993.

M. Marc Dolez. Nous ne pouvons pas non plus nous résoudre au rôle dévolu à l’Autorité de la concurrence.

M. Philippe Gosselin. C’est ce qui nous unit ce soir !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable pour les motifs déjà évoqués.

(L’amendement n1993, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n° 2491 de M. le rapporteur général.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Cet amendement vise à préciser que les recommandations que l’Autorité de la concurrence devra formuler afin de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux offices publics ou ministériels devront s’appuyer sur des données sexuées et sur une analyse spécifique de l’évolution démographique des jeunes et des femmes.

C’est ce qu’a signalé tout à l’heure Mme la députée Coutelle.

(L’amendement n2491, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n205.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à préciser que la limite des deux ans entre deux avis sur la liberté d’installation est maximale et non minimale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis favorable, sous réserve de la suppression des mots « une fois » si vous en êtes d’accord, afin de garder simplement les mots « au moins » tous les deux ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Avis favorable sous réserve de l’acceptation de la rectification.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Je suis d’accord. Cette suppression ne change rien au sens général de l’amendement.

Mme la présidente. L’amendement n205 rectifié dispose donc qu’à la troisième phrase de l’alinéa 19, après le mot « publiques » sont insérés les mots « au moins » et supprimés les mots « une fois ».

(L’amendement n205 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n3036.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

(L’amendement n3036, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n2492 de M. le rapporteur général.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Il s’agit de l’amendement que nous avions présenté précédemment écartant l’Alsace-Moselle du dispositif de libéralisation.

(L’amendement n2492, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 13 bis, amendé, est adopté.)

Article 14

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 406, 1872 et 1977, visant à supprimer cet article.

La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n406.

M. Philippe Houillon. Il s’agit en effet d’un amendement de suppression pour des raisons que j’ai déjà développées tout à l’heure.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n1872.

M. Philippe Gosselin. L’article 13 bis qui vient d’être adopté fixe les grands principes de la libéralisation telle que nous la récusons.

Il s’agit maintenant de décliner son entrée en vigueur pour chacune des professions concernées : les notaires à l’article 14, les huissiers à l’article 15, les commissaires-priseurs judiciaires à l’article 16.

En l’occurrence, nous demandons que les notaires ne soient pas concernés par cette libéralisation.

Nous présenterons un même amendement aux articles 15 et 16, mais j’y reviendrai un peu plus tard.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1977.

M. Marc Dolez. Il s’agit donc d’un amendement de suppression, en cohérence avec notre opposition à l’article 13 bis, dont nous avions demandé la suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, en cohérence avec le dispositif de l’article 13 bis qui vient d’être voté.

(Les amendements identiques nos 406, 1872 et 1977, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n1168.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

(L’amendement n1168, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 15, 1698, 2671, 2965, 3004 et 2836, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 15, 1698, 2671, 2965 et 3004 sont identiques.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n15.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l’amendement n1698.

M. Jean Lassalle. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2671.

M. Xavier Breton. Je souhaite simplement indiquer les motivations de cet amendement.

L’article 2 de la loi du 25 ventôse an XI prévoit d’instaurer une limite d’âge au-delà de laquelle les notaires doivent cesser leurs fonctions.

Les notaires, lorsqu’ils atteignent l’âge de soixante-dix ans, devront cesser leurs fonctions. L’article prévoit toutefois que sur autorisation du ministre de la justice, ils peuvent continuer d’exercer leurs fonctions jusqu’au jour où leur successeur prête serment pour une durée qui ne peut excéder six mois.

Il convient de préciser que des dispositions spécifiques relatives aux départements de l’Alsace et de la Moselle figurent déjà à l’article 52 de la loi précitée.

Par ailleurs, afin d’assurer la sécurité juridique et la sécurité économique des transmissions d’office, il est nécessaire de prévoir une disposition transitoire pour les notaires qui atteindront cette limite d’âge au jour de la promulgation de la loi.

Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n2965.

Mme Marie-Lou Marcel. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3004.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, pour soutenir l’amendement n2836.

Mme Audrey Linkenheld. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Je considère que ces amendements sont satisfaits puisque nous avons prévu que ce dispositif serait appliqué un an après la promulgation de la loi.

Je vous invite donc à les retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable à leur adoption.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Retrait ou avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Audrey Linkenheld.

Mme Audrey Linkenheld. Je retire l’amendement n2836.

(L’amendement n2836 est retiré.)

(Les amendements identiques nos 15, 1698, 2671, 2965 et 3004 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1981.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

(L’amendement n1981, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n1617.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

(L’amendement n1617, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 68, 2683 et 3006.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n68.

M. Philippe Gosselin. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2683.

M. Xavier Breton. Cet amendement tend à substituer, à l’alinéa 5 de l’article 14, aux mots « d’honorabilité, d’expérience et d’assurance », les mots « et d’honorabilité ».

L’ajout des termes « expérience » et assurance » nous semble inutile. D’une part, parce que les notaires, pour obtenir leur diplôme, doivent nécessairement avoir effectué un stage d’une durée supérieure à deux ans, qui leur confère par définition cette expérience. D’autre part, parce que les notaires ont déjà, à ce jour, l’obligation d’être assurés, en vertu du décret du 20 mai 1955 relatif aux officiers publics ou ministériels et à certains auxiliaires de justice.

De plus, la nécessité d’assurer l’entière sécurité de tous ceux qui s’adressent à un officier public a provoqué un dépassement de la responsabilité individuelle et l’apparition d’une responsabilité collective, qui couvre les risques non assurables. Cette garantie collective fut instituée par une loi du 25 janvier 1934 et complétée par le décret-loi du 20 mai 1955 et le décret du 29 février 1956 portant règlement d’administration publique. Le décret du 30 décembre 1971, enfin, est venu mettre une dernière touche à cette organisation.

La garantie collective provient de la nature même de la fonction notariale et repose sur son organisation : dispensateurs de sécurité juridique, les notaires se doivent d’assurer individuellement et, à défaut, collectivement, cette mission. La responsabilité collective est donc conçue pour prendre le relais dans l’hypothèse d’une défaillance individuelle. Voilà pourquoi nous vous proposons de supprimer, à l’alinéa 5 de l’article 14, les termes « expérience » et « assurance », qui s’avèrent inutiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3006.

M. Gilles Lurton. Il est défendu, madame la présidente. Je n’ai rien à ajouter à ce qui vient d’être dit.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, madame la présidente, pour les raisons que j’ai déjà exposées.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Je profite de ce débat sur les critères retenus dans les appels à manifestation d’intérêt pour demander à M. le ministre s’il compte retenir le critère de l’ancienneté dans la fonction de notaire. Je pense notamment aux notaires salariés qui souhaitent s’installer sans attendre trop longtemps.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. J’ai du mal à comprendre l’avis défavorable émis sur cet amendement. S’agissant de l’expérience, nous vous avons déjà fait remarquer qu’un notaire, pour pouvoir s’installer, doit justifier de deux ans d’expérience dans un cabinet : il possède donc, de fait, cette expérience. Quant à l’assurance, elle est obligatoire. Pourquoi, alors, introduire ces deux termes dans la loi ?

(Les amendements identiques nos 68, 2683 et 3006 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n1619.

M. Daniel Gibbes. Il est défendu.

(L’amendement n1619, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n1618.

M. Daniel Gibbes. Il est défendu.

(L’amendement n1618, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi par M. Richard Ferrand, rapporteur général, d’un amendement rédactionnel, n2493.

(L’amendement n2493, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie par Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, d’un amendement de cohérence, n2494.

(L’amendement n2494, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n206.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à imposer une pratique d’au moins cinq ans avant qu’un notaire diplômé ne puisse s’installer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Nous estimons qu’il n’est pas utile d’imposer des conditions d’expérience supplémentaires à des personnes déjà fort diplômées. Ce serait un nouveau frein à l’installation de jeunes notaires. Nous vous invitons donc à retirer cet amendement, sans quoi la commission lui donnera un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Madame Bonneton, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Michèle Bonneton. Je le retire, madame la présidente.

(L’amendement n206 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Je veux seulement souligner que la position de Mme la rapporteure est totalement contraire à celle qu’elle a exprimée il y a quelques instants au sujet de nos amendements.

M. Daniel Gibbes. Absolument !

Mme la présidente. Je suis saisie par M. Richard Ferrand, rapporteur général, d’un amendement rédactionnel, n2495.

(L’amendement n2495, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 69, 2691 et 3008.

La parole est à M. Daniel Gibbes, pour soutenir l’amendement n69.

M. Daniel Gibbes. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2691.

M. Xavier Breton. Cet amendement tend à insérer, après l’alinéa 8 de l’article 14, l’alinéa suivant : « Les conditions d’aptitude sont définies à l’article 3 du décret n73-609 du 5 juillet 1973 relatif à la formation professionnelle dans le notariat et aux conditions d’accès aux fonctions de notaire et pour l’Alsace-Moselle aux articles 110 et suivants du même décret. »

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3008.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable, madame la présidente. Il n’est pas de bonne méthode de faire référence dans la loi aux dispositions d’un décret que le Gouvernement peut modifier à sa guise.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 69, 2691 et 3008 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l’amendement n2399.

M. Jean-Michel Clément. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je vous invite à retirer cet amendement, sans quoi l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Clément, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Michel Clément. Je le retire.

(L’amendement n2399 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques, nos 20, 1343, 1991, 2713, 3009 et 3084.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n20.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n1343.

M. Philippe Houillon. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n1991.

M. Marc Dolez. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n2713.

M. Xavier Breton. Cet amendement tend à substituer, à la fin de l’alinéa 9 de l’article 14, aux mots « à compter du premier jour du douzième mois suivant celui de la promulgation de la présente loi », la phrase suivante : « Toutefois, les clercs faisant l’objet d’une habilitation au jour de l’abrogation conservent le bénéfice de cette habilitation dans les conditions prévues par l’article 39 du décret n71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires. »

Cet amendement tend à protéger les clercs habilités à ce jour.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n3009.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement n3084.

Mme Marie-Lou Marcel. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. L’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 20, 1343, 1991, 2713, 3009 et 3084 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique, pour soutenir l’amendement n2496.

Mme Cécile Untermaier, rapporteure thématique. Notre commission a choisi d’étendre au niveau national la limite d’âge pour l’exercice des fonctions de notaire, qui n’existe aujourd’hui qu’en Alsace-Moselle.

(L’amendement n2496, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’amendement n341 tombe.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je demande la parole pour une explication de vote, madame la présidente : je tiens à signaler que le groupe UMP votera contre l’article 14.

(L’article 14, amendé, est adopté.)

Après l’article 14

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Houillon, pour soutenir l’amendement n553.

M. Philippe Houillon. Il est défendu.

(L’amendement n553, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 4 février 2015, à une heure quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly