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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 17 mars 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Projet de loi Santé

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Projet de loi Santé

Mme Françoise Descamps-Crosnier

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Chambres de commerce et d’industrie

M. Laurent Degallaix

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Biodiversité en milieu urbain

Mme Laurence Abeille

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Signes de reprise économique

M. Marcel Rogemont

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Campagne électorale

M. Sébastien Huyghe

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Francophonie

M. Jacques Krabal

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie

Situation des retraités

M. Dino Cinieri

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Ambitions pour la ruralité

M. Alain Calmette

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Réforme des collèges

Mme Marie-George Buffet

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Situation des collectivités territoriales

M. François de Mazières

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Lutte contre le terrorisme

M. Michel Ménard

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Versement de prestations sociales

M. Alain Marsaud

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Situation des Chrétiens d’Orient

M. Michel Vauzelle

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Réforme des rythmes scolaires et éducation prioritaire en zone rurale

Mme Valérie Lacroute

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Suspension et reprise de la séance

2. Nouveaux droits des personnes en fin de vie

Explications de vote

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Michèle Delaunay

M. Guy Geoffroy

M. Michel Piron

Mme Jeanine Dubié

Mme Véronique Massonneau

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

3. Biodiversité

Discussion des articles (suite)

Article 7

M. Jean-Marie Sermier

Amendement no 318 rectifié

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Amendements nos 760 , 1465 troisième rectification

Après l’article 7

Amendement no 851

Article 7 bis

Après l’article 7 bis

Amendement no 1074

Article 7 ter

Amendements nos 167 , 196 , 285 , 564 , 809 , 1226 , 1366 , 231 , 964 , 1195 , 811 , 812 , 448, 449

Après l’article 7 ter

Amendements nos 1000 , 1001 , 450, 451

Article 8

M. Dino Cinieri

M. Jean-Marie Sermier

M. Serge Grouard

M. Julien Aubert

Amendements nos 1466 , 166 , 195 , 282 , 563 , 758 , 808 , 1225

Suspension et reprise de la séance

Amendement no 1467

Article 9

Mme Chantal Berthelot

M. Guillaume Chevrollier

Mme Annie Genevard

Mme Sophie Rohfritsch

Mme Maina Sage

M. Philippe Gosselin

M. Daniel Fasquelle

M. Martial Saddier

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure

Mme Ségolène Royal, ministre

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte. Test 1 - VJ 14 LIBINA-EGNERE .

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Projet de loi Santé

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

J’ajoute un paragraphe

Et encore 1 :-)

Un de plus par JD. Pour vérifier.

Ensuite le supprimer JDG. Vérifier la suppression.

J’ajoute 1 - VJ

Test 1 - VJ 14 LIBINA-EGNERE

J’ajoute le paragraphe 15

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le débat sur le projet de loi relatif à la santé va débuter dans deux heures en commission des affaires sociales. Or le monde de la santé est en colère. Environ 40 000 manifestants vous l’ont montré en battant le pavé de Paris : cette mobilisation a connu un succès qui a dépassé vos estimations.

Or le monde de la santé est en colère. Environ 40 000 manifestants vous l’ont montré en battant le pavé de Paris : cette mobilisation a connu un succès qui a dépassé vos estimations.

Les professionnels de la santé vous disent que les conditions d’une réforme partagée ne sont pas réunies. Le Gouvernement, notamment votre ministère, est dans l’impréparation la plus totale. C’est véritablement de l’amateurisme !

M. Claude Sturni. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Door. C’est véritablement de l’amateurisme !

En outre, nous avons appris ce week-end que votre texte serait considérablement modifié, par une cinquantaine d’amendements. Ainsi, les députés que nous sommes sont dans l’ignorance la plus totale. On apprend aussi que vous engagez la procédure accélérée,…

M. Bernard Accoyer. Monsieur le président, vous ne pouvez pas laisser faire cela !

M. Jean-Pierre Door. …ce qui ampute les débats parlementaires. C’est un vrai déni de démocratie !

M. Guy Geoffroy. Il faut entrer en résistance, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, vous coalisez nombre de frustrations et de mécontentements. Vous restez dans une attitude d’entêtement. Je tiens à vous le rappeler : jamais vous n’auriez accepté cela lorsque vous étiez dans l’opposition. Souvenez-vous ! (« Eh oui ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

À quoi servira le travail en commission programmé comme un mépris adressé aux manifestants le lendemain de leur rassemblement ?

M. François Rochebloine. Le Gouvernement a déposé plus de quarante amendements !

M. Jean-Pierre Door. Vous leur dites : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Jean-Pierre Door. Vous le savez, madame la ministre : cette réforme ne se fera jamais sans les professionnels de santé. Elle sera vouée à l’échec. Sagement et calmement, je vous demande donc de reporter l’examen de ce texte, pour que nous le travaillions dans le dialogue, la concertation et l’apaisement.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jean-Pierre Door. Nous pourrons en débattre ensuite, en commission et dans l’hémicycle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mesdames, messieurs les députés, j’aurai l’occasion de répondre à vos questions et de préciser les améliorations que le Gouvernement entend apporter à ce texte, à la demande des médecins, ce qui explique le dépôt d’amendements.

M. François Rochebloine. Quarante-cinq amendements ! Du jamais vu !

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Door, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous avez demandé le retrait de ce projet de loi.

M. Bernard Accoyer. Ce sont les professionnels de santé qui le demandent !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il porte pourtant une ambition forte, celle de faire reculer les inégalités en matière de santé. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Vautrin. Vous cassez le système !

M. Bernard Accoyer. C’est l’euthanasie de l’assurance maladie que vous êtes en train de préparer !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous l’assumons, monsieur le député ! Cela passe notamment par l’égalité d’accès aux soins.

Monsieur Door, avec les parlementaires qui vous entourent, vous avez fait des franchises médicales et des déremboursements l’alpha et l’oméga de votre politique. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Je comprends vous ayez des difficultés à accepter que le Gouvernement propose des mesures fortes visant à favoriser l’accès aux soins (Mêmes mouvements) :…

M. Bernard Accoyer. Quel mépris !

Mme Marie-Louise Fort. Ce n’est pas comme cela que vous allez apaiser le débat !

M. le président. Mes chers collègues, écoutez au moins les éléments de réponse qui vous sont apportés !

Mme Marisol Touraine, ministre. …le tiers payant pour l’ensemble de nos concitoyens, bien sûr, mais aussi les tarifs sociaux pour les Français les plus en difficulté. Pour vous qui avez purement et simplement supprimé de la loi la notion de service public hospitalier (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), je comprends qu’il soit désagréable et incompréhensible de constater que le projet de loi relatif à la santé rappelle et réinscrive dans notre législation les spécificités et la force du service public hospitalier.

Monsieur le député, les Français ne s’y trompent pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rochebloine. Ils sont dans la rue !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ils attendent des transformations profondes. Ce n’est pas en refusant de répondre à leurs attentes que vous leur permettrez d’être mieux soignés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, on ne peut pas s’entendre ! Écoutez la réponse !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez choisi le conservatisme, nous choisissons le droit de tous les Français à être bien soignés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

Projet de loi Santé

M. le président. La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, notre système de santé est l’un des plus protecteurs au monde. Sa grande qualité est un atout pour notre pays. Chaque Français sait que face aux risques, face aux difficultés, il trouvera des médecins dévoués et efficaces.

Pour que ce système perdure, il faut le moderniser et tel est l’enjeu du projet de loi examiné cette semaine en commission. L’allongement de la durée de vie, l’égalité devant les soins ou encore les déserts médicaux sont autant de défis que nous devons relever.

Ce projet de loi va étendre le tiers payant à tous les patients d’ici à 2017 afin que personne n’ait à avancer d’argent pour se soigner – ce qui, il faut le rappeler, est parfois hors de portée pour certains Français. Conformément à l’engagement du Président de la République, il doit mettre en place un droit à l’oubli pour ceux qui ont vaincu le cancer et souhaitent contracter un emprunt pour construire à nouveau un projet de vie. Il engage des actions de prévention, avec le paquet de tabac neutre et les parcours éducatifs de santé à l’école.

M. Bernard Accoyer. Mesurettes !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Mais il lutte aussi contre les déserts médicaux pour que tous les Français aient accès aux soins.

M. Philippe Vitel. Allô !

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Cette loi, nous la construisons avec les professionnels de santé. Nous devons entendre leurs craintes. Madame la ministre, vous avez mis en place des groupes de travail pour qu’une concertation approfondie ait lieu. Les patients sont au cœur de cette réforme et les professionnels sont nos partenaires pour la mener à bien. Nous refusons de les opposer !

Aussi, madame la ministre, pouvez-vous détailler les mesures de ce projet de loi et rassurer chacun quant aux avancées qu’il porte ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Vautrin. Il y a du boulot !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée Françoise Descamps-Crosnier, vous avez raison de rappeler que le projet de loi de santé porte une ambition forte, cohérente, qui est de faire reculer les inégalités de santé. Pour ce faire, nous avons besoin de mesures engagées en matière de prévention, car elles ne sont pas suffisamment importantes aujourd’hui. Nous avons besoin de réorganiser notre système de santé de proximité autour du médecin traitant, de garantir l’accès aux soins pour tous, notamment par le biais de mesures comme le tiers payant. Nous avons besoin de renforcer les droits des malades. À cet égard, vous avez évoqué cette belle et grande mesure annoncée par le Président de la République du droit à l’oubli pour les anciens malades.

Mais j’ai entendu que les professionnels de santé exprimaient des inquiétudes. Je les ai encore entendus dimanche dernier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Arrêtez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces inquiétudes portent pour une petite partie sur la loi, mais pour une petite partie seulement. Pour répondre à leurs demandes, j’ai mis en place des groupes de travail (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Pipeau !

M. François Rochebloine. Des groupes de travail, toujours des groupes de travail !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces groupes de travail, très constructifs, ont permis d’améliorer le texte. S’il y a des amendements du Gouvernement, et je m’adresse aux parlementaires de l’opposition, je ne doute pas qu’ils sauront les étudier. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Si des amendements ont été présentés, c’est précisément pour tenir compte de la concertation et montrer que le travail mené en commun a permis d’aboutir à des résultats.

M. Bernard Accoyer. Pourquoi la procédure accélérée ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais au-delà de la loi, les professionnels de santé disent leur inquiétude sur l’avenir de leur métier. Pour eux, l’immobilisme serait la pire des réponses. Nous avons besoin d’avancer résolument dans la voie de la transformation. J’ai proposé au Premier ministre, qui l’a accepté, la mise en place d’une grande conférence de la santé (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) qui nous permettra ensemble de travailler à l’avenir du métier des jeunes professionnels d’aujourd’hui. Vous le voyez, madame la députée, nous sommes résolus et déterminés pour la santé de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Bla bla bla !

Chambres de commerce et d’industrie

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Ma question, qui s’adresse à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, concerne les chambres de commerce et d’industrie…

M. Bertrand Pancher. Très bien.

M. Laurent Degallaix. …lesquelles ont fait l’objet il y a quelque temps de regroupements afin d’optimiser leur efficacité. Cette efficacité pourrait être mise à mal avec la taxe sur leurs fonds de réserve que vous avez instaurée : 170 millions d’euros en 2014, 500 millions d’euros en 2015. Bref, après avoir matraqué nos concitoyens, les classes moyennes, les artisans, les commerçants, les professions libérales, les collectivités locales – je m’arrête là car je ne dispose que de deux minutes pour poser ma question –, vous vous attaquez maintenant aux chambres consulaires…

M. Bernard Accoyer. C’est un hold-up !

M. Laurent Degallaix. …dont chacun ici, de droite comme de gauche, reconnaît l’utilité, notamment en matière de développement économique de nos territoires.

M. François Rochebloine. Il a raison.

M. Laurent Degallaix. La période est pour le moins très mal choisie, compte tenu des difficultés que nous rencontrons. À Valenciennes, nous inaugurerons très prochainement les serres numériques que Mme la ministre chargée du dossier viendra inaugurer, soit 60 millions d’euros d’investissement financés à hauteur de 60 % par la chambre de commerce et d’industrie, sans oublier le canal Seine-Nord Europe ni le port à conteneurs, soit 10 millions d’euros financés là aussi par la chambre de commerce et d’industrie.

Ma question est simple, et double. Tout d’abord, les fonds collectés iront-ils aux entreprises ou partiront-ils dans le budget général de l’État ?

Ensuite, pourquoi déclarer aimer l’entreprise et les entrepreneurs et, dans le même temps, les priver d’un partenaire ô combien utile dans leur installation, leur développement et leur réussite ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le député Laurent Degallaix, les chambres de commerce et d’industrie sont des établissements publics de l’État. Leurs recettes sont des prélèvements obligatoires et leurs dépenses sont des dépenses publiques. Compte tenu du déficit que connaît notre pays, il est nécessaire de répartir l’effort à tous les niveaux. Les ministères comme les collectivités locales donnent l’exemple. Il est donc normal que le réseau consulaire fasse également un effort.

Dois-je vous rappeler qu’entre 2002 et 2012, la taxe pour frais de chambres consulaires a progressé de 42 % ?

M. Jean-Paul Bacquet. Eh oui !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Ces 42 % d’augmentation ont permis à ces organismes de thésauriser. Et en effet, nous leur demandons aujourd’hui de faire un effort avec un prélèvement de 500 millions d’euros décidé dans le cadre de la loi de finances. Dois-je vous rappeler également que nous avons décidé d’abaisser le plafond, ce qui se traduit par des prélèvements en moins pour les entreprises ?

Nous soutenons les entreprises par le biais du pacte de responsabilité et de solidarité et, oui, nous permettons aux chambres de commerce et d’industrie d’investir.

Pour ce qui est de la chambre de commerce et d’industrie du Grand Hainaut, alors qu’il était prévu 11 millions d’euros de prélèvements, nous avons pu les limiter à 7,5 millions d’euros. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.) Nous avons pu le faire car des investissements étaient inclus dans le programme d’investissements d’avenir. (Mêmes mouvements.)

M. François Rochebloine. Merci ! Merci !

Mme Carole Delga, secrétaire d’État. Nous adaptons les prélèvements aux capacités financières. En dépit de ce prélèvement, la trésorerie de cette chambre de commerce continuera de représenter cent cinquante jours de fonds de roulement. Oui, nous permettons aux chambres consulaires du Nord-Pas-de-Calais d’investir et d’avoir une implantation territoriale. Dois-je vous rappeler que dans cette région, on compte treize implantations territoriales ?

Le Gouvernement est aux côtés des entreprises, allège les charges et, surtout, permet une implantation sur tous les territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Biodiversité en milieu urbain

M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.

Mme Laurence Abeille. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, nous avons entamé hier l’examen du projet de loi sur la biodiversité. Ce texte est très attendu par notre groupe et nous mettons sur le même plan les deux urgences écologiques actuelles que sont le changement climatique et la perte dramatique de biodiversité.

Vous savez que 60 % des espèces animales et végétales et 77 % des habitats sont aujourd’hui en péril en Europe. Vous savez que nous faisons face à un défi majeur : l’avenir de nos sociétés et de l’humanité est conditionné à la sauvegarde de nos écosystèmes. Oui, les humains sont partie intégrante de cette biodiversité sans laquelle la planète serait invivable, tant les services écosystémiques sont nécessaires à notre survie.

Comme le rappelle Hubert Reeves, qui sera le parrain de la future Agence française de la biodiversité, la biodiversité nous concerne au premier chef, car la biodiversité, c’est nous, et tout ce qui vit sur terre.

Ce projet de loi biodiversité va certes dans le bon sens, mais des sujets d’importance n’y figurent pas.

Je ne reviendrai pas ici sur le refus opposé hier soir, en séance, à la reconnaissance du caractère sensible de l’animal sauvage, alors même que la majorité de nos concitoyens l’approuvent.

Je souhaite en revanche, madame la ministre, vous parler des mesures concrètes et efficaces pour la biodiversité en milieu urbain, sachant que près de 80 % de la population habitent en ville. Nous savons que la nature en ville joue un rôle fondamental pour améliorer le quotidien de nos concitoyens, mais on néglige trop souvent son rôle dans la lutte contre le dérèglement climatique et contre les pollutions. Nous proposons donc que la préservation et la reconquête de la biodiversité urbaine soient mises sur le même plan que la lutte contre le réchauffement climatique, en instaurant un plan de préservation de la biodiversité sur le modèle des plans climat énergie territoriaux, en améliorant la perméabilité des sols et en favorisant l’installation de toitures végétalisées lors des projets d’aménagement.

Madame la ministre, ces propositions viendront en débat dans les prochains jours. Comptez-vous les soutenir ? Comptez-vous vous engager sur la biodiversité en milieu urbain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la députée, en trente ans, 300 millions d’oiseaux ont disparu en Europe. Le rythme de disparition des espèces vivantes a été multiplié par 100 et il leur est donc désormais impossible de s’adapter. La France perd tous les jours 165 hectares de paysages naturels ou agricoles, soit un département tous les six ans. Il est donc temps d’agir vite. C’est ce que la France a décidé de faire.

Nous devons agir, car nous sommes un pays où la diversité biologique – la biodiversité – est l’une des plus riches, non seulement d’Europe, mais aussi du monde. La France est par exemple le seul pays à disposer de barrières de corail dans trois océans. Cette richesse continentale et maritime nous oblige.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a décidé de se doter, grâce au débat parlementaire que vous évoquez, de l’une des législations les plus avancées d’Europe, pour mettre fin à ces disparitions et pour reconquérir la biodiversité, notamment en mettant en place l’Agence française de la biodiversité, qu’Hubert Reeves, notre grand astrophysicien, a accepté de parrainer.

Il s’agit aussi de constater que le changement climatique menace un tiers des espèces vivantes d’ici à 2050, du fait par exemple de l’acidification des océans.

Nous devons donc aller dans trois directions : d’abord, stopper cette dégradation et reconquérir la biodiversité grâce aux mesures concrètes de la loi ; ensuite, éduquer à l’environnement et à la reconquête de la nature en ville par la création de « coins nature » dans toutes les écoles et d’un appel à projets pour les toits végétalisés, qui peuvent faire économiser 40 % d’énergie et stocker les eaux de pluie ; enfin, reconquérir la biodiversité, parce qu’elle nous rend des services irremplaçables – l’oxygène, les médicaments, la pollinisation, et donc l’agriculture, l’épuration naturelle de l’eau, les zones humides, les jardins thérapeutiques et la santé. C’est la raison pour laquelle nous sommes très fortement engagés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Signes de reprise économique

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Marcel Rogemont. Chers collègues, nous savons tous dans cet hémicycle, nous qui agissons, ici comme ailleurs, pour le bien public, que le temps du politique n’est pas le temps des médias, que la politique n’est pas une succession de petites phrases, fussent-elles assassines. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous savons tous que seule une action déterminée, tenace et exigeante, peut agir sur la vie économique et sociale d’un pays. Il en est ainsi pour le nôtre.

Depuis 2012, sous l’autorité du Président de la République et avec une détermination sans faille (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le Gouvernement mène une politique qui assume le temps.

M. Sylvain Berrios. Il n’est pas pressé !

M. Marcel Rogemont. Aujourd’hui, des éléments concrets annoncent une vitalité économique que nous avions perdue depuis des années : hausse du pouvoir d’achat et de la consommation, légère baisse du nombre de demandeurs d’emploi, progression de 8 % de l’investissement, clé de la croissance pour 2015, ou encore les résultats de la Banque publique d’investissement – pas moins de 4 582 entreprises ont été accompagnées sur des projets innovants…

M. Sylvain Berrios. Ça sent les cantonales !

M. Marcel Rogemont. …et le financement de l’export a connu une croissance de 262 %.

La France fait le choix de la production, de la création, de l’innovation et de l’export. Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps, mais il y a une France qui ne veut pas baisser les bras, qui se bat chaque jour pour que le rêve d’une France apaisée et solidaire ouvre une nouvelle page.

Oscar Wilde écrivait que « la sagesse est d’avoir des rêves suffisamment grands pour ne pas les perdre de vue lorsqu’on les poursuit ». (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le ministre, quel message souhaitez-vous adresser à ceux qui ne veulent pas baisser les bras ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, merci pour la force et la conviction de votre question. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La beauté de la politique, c’est d’agir dans la durée. La beauté de la politique, c’est d’agir dans la cohérence de l’action. Ce n’est pas de commenter, au jour le jour ou à l’heure l’heure, tel résultat ou telle petite phrase.

Oui, la France se réforme et agit, depuis 2012, malgré les difficultés et malgré une croissance beaucoup trop faible, en 2014, dans l’ensemble de la zone euro. Parce que nous l’avons voulu en France, en particulier en mettant en place des dispositifs qui permettent aux entreprises d’avoir plus de moyens aujourd’hui pour investir.

Parce que nous l’avons voulu en Europe, en pesant pour réorienter la politique européenne, tout particulièrement dans le domaine monétaire, avec un euro dont le niveau est aujourd’hui beaucoup plus comparable à sa vraie valeur et qui permet à nos exportateurs d’être à l’offensive pour conquérir des marchés et pour créer des emplois en France.

Oui, parce que nous l’avons voulu en modernisant notre système bancaire d’aide aux entreprises. La Banque publique d’investissement – BPI – fait un travail remarquable pour soutenir ceux qui sont à l’initiative, ceux qui veulent prendre des risques, ceux qui sont prêts non seulement à aller à l’étranger pour porter les qualités de la production française, mais aussi à se battre sur le territoire français pour développer l’emploi.

Tout cela, c’est le résultat d’une politique que nous avons souhaitée, que nous avons soutenue et que nous avons voulue.

Monsieur le député, vous avez raison de le souligner, les premiers signes de l’amélioration que nous voulions se manifestent aujourd’hui.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Michel Sapin, ministre. Ils sont encore trop faibles et trop incertains. Il faut les confirmer, les conforter. On ne doit se satisfaire d’aucune des situations d’aujourd’hui mais, oui, les signes sont des signes positifs : la consommation des ménages a augmenté, l’investissement des entreprises – ce sont elles qui le disent – va augmenter. Bref, nous sommes aujourd’hui dans la situation où la France peut se redresser, à une condition : que nous continuions avec détermination et avec votre soutien. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Campagne électorale

M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Sébastien Huyghe. Monsieur le président, mes chers collègues, j’associe à ma question l’ensemble des parlementaires UMP et UDI du Nord et du Pas-de-Calais qui ont cosigné un courrier à Manuel Valls. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, mais comme il a déserté afin de mener de manière scandaleuse la campagne pour le parti socialiste aux frais de la République (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP – Protestations sur divers bancs du groupe SRC.), il se trouvera certainement un ministre pour la lui transmettre.

Monsieur le Premier ministre, vous paniquez à l’approche des élections départementales car les Français s’apprêtent à vous administrer la plus grande claque électorale que vous ayez jamais reçue ! Cette peur panique vous fait faire n’importe quoi : depuis trois semaines, vous ne savez nous parler que du Front national, en tentant de le faire monter dans la grande tradition mitterrandienne pour essayer de gêner la droite de gouvernement. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) François Mitterrand lui avait fait passer la barre des 10 %, Lionel Jospin la barre des 20 % ; vous tentez vous-même de lui faire franchir pour la première fois la barre des 30 % !

M. Emeric Bréhier. Vous n’avez pas honte ?

M. Sébastien Huyghe. Depuis trois semaines, pour des raisons uniquement électoralistes, vous multipliez les effets d’annonce avec vos différents plans – plan pauvreté, plan politique de la ville, plan collèges, plan ruralité –,…

M. Pascal Popelin. Tout ce que vous n’avez pas fait !

M. Sébastien Huyghe. …jonglant avec des milliards dont vous n’avez pas le premier euro comme un joueur de bonneteau avec les cartes sur un trottoir de Paris !

Depuis trois semaines, vous multipliez les déplacements électoraux aux frais de la République, sous couvert de prétextes fallacieux inventés à la va-vite en fonction des lieux et des circonstances, comme demain à Lille où, tout à coup, il est devenu urgent de signer un protocole d’accord État-région…

M. Bernard Roman. Un contrat de plan !

M. Sébastien Huyghe. …et où vous utiliserez encore les moyens de la République pour faire campagne à bon compte, comme la semaine dernière dans l’Aisne ou aujourd’hui en Meurthe-et-Moselle.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous respecter la République et les républicains dont vous vous prévalez à longueur de temps, mais dont vous trahissez en permanence et l’esprit, et l’idéal, et les usages en utilisant sans vergogne les moyens de la République pour faire une campagne électorale au seul profit du Parti socialiste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député Sébastien Huyghe, j’ai cru percevoir dans votre question, à travers les différents thèmes que vous avez abordés, une certaine inquiétude. Je ne peux malheureusement pas y répondre s’agissant de votre propre campagne électorale, dont il eût été utile que vous nous disiez quelques mots.

Néanmoins, vous seriez le premier, monsieur le député, à vous interroger si l’État, sous prétexte que nous sommes en campagne électorale, ne devait plus se manifester, ne devait plus suivre les grands chantiers de réformes que nous avons engagés ni répondre aux urgences qui sont les nôtres.

Vous parlez du contrat de plan État-région en Nord-Pas-de-Calais : j’imagine que votre interrogation est en quelque sorte un hommage à ce plan. Celui-ci va être signé après que le Premier ministre a lui-même, ces derniers mois, signé d’autres contrats de plan, qu’il s’agisse de la Normandie, de l’Île-de-France ou du Languedoc-Roussillon. C’est tout simplement l’action de l’État, un État qui renforce la solidarité de nos territoires, soutient notre économie et le développement de notre pays.

Par ailleurs, s’agissant du financement de la campagne électorale, vous avez repris plusieurs thèmes qui sont ceux avancés par une autre formation politique, plus à droite que la vôtre et que vous prenez aujourd’hui quelque peu à la remorque.

Je croyais que l’expertise particulière de l’UMP en matière de financement des campagnes électorales était désormais acquise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Michel Lefait. Excellent !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Néanmoins, je vous répondrai simplement que l’ensemble des réunions publiques et des déplacements du Premier ministre comme de l’ensemble des ministres est pris en charge par leur formation politique, à l’exception près de la sécurité des personnes – pour les responsables de la majorité comme de l’opposition –, dont vous comprendrez qu’elle soit assurée par l’État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Francophonie

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Le vendredi 20 mars se tiendra la Journée internationale de la francophonie. Il s’agit pour moi d’un ancrage local, puisque c’est à Villers-Cotterêts qu’est née notre langue en 1539, avec les ordonnances de François Ier. C’est bien sûr une fierté pour l’Aisne ; je veux le dire très fort en ces moments difficiles.

Notre langue, c’est notre identité, c’est ce qui nous rassemble, mais c’est aussi l’ouverture sur le monde et surtout le refus du repli sur soi. Léopold Sédar Senghor disait : « La francophonie est une culture qui dépasse la langue seule. Elle se conçoit comme le moyen de faire participer les peuples à la civilisation de l’universel. »

La francophonie, c’est une philosophie, le refus de l’hégémonie et le respect de la diversité. La francophonie, c’est l’apprentissage de la tolérance. Partout, nous devons stimuler l’appropriation du français. Non, la francophonie n’est pas une idée ringarde, mais bien une idée d’avenir !

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Jacques Krabal. Le nombre de francophones pourrait atteindre 700 millions en 2050, dont 85 % en Afrique. Outre l’opportunité que cela représente en matière d’influence, c’est une occasion inespérée de porter à l’étranger les valeurs de la France que nous avons en partage.

Cette journée internationale doit être l’occasion de rappeler que la francophonie est un atout pour notre pays, un atout pour la fraternité et pour notre développement.

Madame la secrétaire d’État, quelles solutions préconisez-vous pour entraîner la francophonie dans la modernité et faire qu’elle soit attractive ? Quelles solutions pour encourager une francophonie économique allant au-delà des seules valeurs marchandes et permettant de s’arrimer à cette « civilisation de l’universel » à laquelle aspirait tant Léopold Sédar Senghor, père de la francophonie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Monsieur le député Jacques Krabal, je partage votre constat et, face au fatalisme de certains, nous devons affirmer ensemble que la francophonie reste un projet d’avenir.

M. Jacques Myard. Disons-le surtout à Bruxelles !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Ce message, je l’ai porté à Dakar, autour de quatre priorités : tout d’abord, l’éducation. Vous parliez de 700 000 locuteurs francophones autour de 2050 : oui, à condition de relever le défi de l’éducation ! C’est ce que nous faisons avec l’école, notamment avec notre réseau des instituts français et des alliances françaises, mais aussi des établissements de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ; nous sommes présents dans 133 pays aujourd’hui.

Ensuite, le numérique : la francophonie moderne doit en effet mettre à profit toutes les opportunités du numérique. Nous avons lancé le programme « 100 000 professeurs pour l’Afrique » et allons, à l’initiative de Geneviève Fioraso, à qui je veux ici rendre hommage, élargir l’offre universitaire numérique.

Puis, le volet économique : mettre à profit tout le potentiel économique de ce grand marché de quatre-vingts pays que représente l’Organisation internationale de la francophonie ; renforcer la formation professionnelle : c’est ce que nous avons fait avec la plateforme iFOS – « Français sur objectifs spécifiques » –, que j’ai lancée en janvier dernier ; attirer des talents économiques en France par notre politique de visas.

Concernant la mobilité des jeunes à l’international, l’Office franco-québécois et l’OIF ont signé un accord en ce sens. Je veux que l’on soutienne davantage les jeunes afin qu’ils s’impliquent à l’international en francophonie.

Oui, la francophonie est une chance pour la France, une chance pour le monde ! Ayons confiance en notre langue, en cette langue qui est utile au monde, en cette langue qui est accueillante et ouverte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Situation des retraités

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dino Cinieri. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et j’y associe mon collègue Paul Salen.

Après avoir réuni tous les professionnels de santé dans la rue dimanche dernier, vous réussissez une fois de plus à mobiliser contre votre politique.

Si une réforme du système de santé français est nécessaire, elle doit être élaborée en étroite concertation avec les professionnels et tenir compte des attentes des Français. La procédure accélérée, que vous engagez sur ce texte, est un nouveau coup dur, en vue de bâillonner le Parlement.

Cet après-midi, ce sont des milliers de retraités qui manifestent partout en France. Ils dénoncent leur perte de pouvoir d’achat et l’austérité. Après avoir protesté contre le retard de paiement des retraites, ils se battent maintenant pour la fin du gel des retraites complémentaires que vous leur imposez depuis avril 2013. Et ce n’est pas votre prime de 40 euros pour les retraités percevant moins de 1 200 euros de pension qui va changer les choses !

Les retraités n’en peuvent plus, monsieur le Premier ministre ! Depuis trois ans, les Français sont victimes de votre matraquage fiscal et les retraités, qui le subissent de plein fouet, ont raison de ne pas se résigner. Nouvelle taxe sur les retraites avec la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, fiscalisation du bonus de retraite de 10 % accordé aux parents ayant élevé trois enfants et plus, modification des règles concernant le taux de la CSG, de sorte que 460 000 retraités paient à taux plein plutôt qu’à taux réduit : voilà le résultat de trois ans de votre politique.

Monsieur le Premier ministre, où sont le dialogue social et la concertation, dont vous nous rebattez les oreilles à longueur de temps ? Alors que 10 % des retraités sont déjà sous le seuil de pauvreté, nous vous le demandons solennellement, monsieur le Premier ministre : mettez un terme à cette politique d’austérité, redonnez du pouvoir d’achat à nos concitoyens en baissant les impôts, en réduisant le coût du travail et en revalorisant les retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, venant de vous, la question a de quoi étonner, puisque le gouvernement que vous souteniez a fait voter une réforme des retraites qui était dure pour les retraités modestes et n’apportait aucune garantie dans la durée pour l’avenir des retraites. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons quant à nous pris nos responsabilités et fait voter une réforme qui permet de consolider durablement notre système de retraites, en réaffirmant notre volonté de faire en sorte que le principe de solidarité s’applique.

Si nous avons la chance d’être dans un pays où le niveau moyen des retraites est assez élevé, par rapport au revenu des actifs, il est vrai qu’il y a des petits retraités, des hommes et des femmes aux revenus modestes, qui peuvent se trouver dans des situations difficiles. Nous avons donc pris des mesures en leur faveur.

Nous avons d’abord décidé de revaloriser ce qui s’appelait le minimum vieillesse et de le porter à 800 euros par mois.

M. Bernard Roman. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons également décidé d’attribuer une augmentation de l’aide à la complémentaire santé pour les personnes de plus de soixante ans, à hauteur de 50 euros, ce qui représente une augmentation de 10 %.

Nous avons également attribué des points de retraite complémentaires gratuits à 500 000 conjoints agricoles, pour revaloriser leur retraite, et en ce moment même, monsieur le député, nous procédons au versement de la prime exceptionnelle de 40 euros qui avait été annoncée pour les personnes dont la retraite est inférieure à 1 200 euros par mois.

Vous le voyez, monsieur le député, nous agissons, après des années durant lesquelles vous avez laissé les retraites partir en débandade. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Ambitions pour la ruralité

M. le président. La parole est à M. Alain Calmette.

M. Alain Calmette. Madame la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, ma question porte sur le thème de la ruralité, sur ces territoires en prise à un sentiment d’abandon, voire de relégation.

Ces territoires sont aujourd’hui la cible de l’extrême droite qui exacerbe les peurs et le repli sur soi, allant jusqu’à préconiser la sortie de l’Europe et donc de la politique agricole commune, ce qui serait une catastrophe pour nos agriculteurs.

Mais l’UMP n’est pas en reste pour s’ériger en défenseur de la ruralité, elle qui a pourtant meurtri durablement ces territoires à coups de RGPP aveugle, de carte judiciaire, de suppression de services publics, de fermeture d’écoles ou de classes. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Dord. Vous faites quoi pour la DGF ? C’est une honte !

M. Alain Calmette. Dans un contexte de forte métropolisation, les espaces à faible densité se sont profondément transformés, depuis les campagnes péri-urbaines en forte expansion démographique jusqu’aux campagnes enclavées et vieillissantes à l’écart de tout effet d’entraînement des métropoles.

M. Sylvain Berrios. Vous avez abandonné les campagnes !

M. Alain Calmette. Les territoires ruraux ont plus que jamais besoin de politiques spécifiques, au même titre que les quartiers prioritaires. Mais on doit aussi sortir d’une logique d’opposition entre les territoires, pour au contraire développer les complémentarités, facilitées par l’homogénéisation des modes de vie et de consommation, ainsi que des attentes en matière de mobilité, de connectivité, de services et d’égalité des chances.

Face à une conception étriquée et nostalgique d’une ruralité pour laquelle certains ne proposent qu’un statu quo impossible à tenir, le comité interministériel sur les ruralités qui s’est tenu vendredi dernier dans l’Aisne, au-delà des constats théoriques, a décidé de mesures concrètes touchant à l’amélioration de la vie quotidienne des ruraux.

M. Yves Nicolin. Tu parles !

M. Alain Calmette. Pouvez-vous, madame la ministre, nous en dire plus sur l’esprit et le contenu de ces mesures, trop souvent minorées par les médias parisiens, et pourtant essentielles à la cohésion territoriale de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député, vous avez raison de souligner l’importance des territoires ruraux dans notre pays, leur diversité, et les attentes légitimes de leurs habitants. C’est la raison pour laquelle, à l’occasion du comité interministériel pour les ruralités de vendredi dernier, nous avons présenté un plan d’action comprenant une cinquantaine de mesures concrètes, ambitieuses et renouvelées, pour adapter les politiques publiques à ces attentes légitimes.

Vous connaissez bien ces problématiques, ainsi que les attentes de ces populations qui se sont largement exprimées lors des Assises des ruralités. Nous voulons, comme vous, lutter contre les inégalités, réduire la fracture territoriale et combattre ce sentiment d’abandon ou de relégation. C’est la raison pour laquelle ce plan se caractérise par son approche globale, transversale, en vue de garantir l’égal accès de nos concitoyens aux services, en matière de santé par exemple, avec le déploiement des maisons de santé ou des maisons de service public. Nous avons également agi pour renforcer les coopérations entre territoires urbains, péri-urbains et ruraux. Vous avez d’ailleurs proposé un certain nombre d’expérimentations qui ont été reprises pour rechercher les complémentarités plutôt que les oppositions.

Enfin, nous renforçons la capacité de ces territoires à soutenir des projets de développement ambitieux : je pense en particulier à la question du numérique et de la téléphonie mobile qui, comme vous le savez, constitue aujourd’hui une priorité. Vous le voyez, le Gouvernement est complètement mobilisé pour tous les territoires, qu’il s’agisse de la politique de la ville ou des ruralités. Nous témoignons de la reconnaissance et de la considération à tous les espaces de notre pays, à tous nos concitoyens. C’est cela, la cohésion républicaine ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Réforme des collèges

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale.

Madame la ministre, vous avez annoncé une réforme du collège pour permettre à tous les élèves de « mieux apprendre pour mieux réussir ». Vous avez dit que vous vouliez d’abord « partir de ce qui marche sur le terrain ».

Alors, écoutons la communauté éducative !

En Seine-Saint-Denis, elle s’est mobilisée dans de nombreux collèges car, alors que le classement positif en REP+ devait se traduire par plus de moyens humains et financiers, on annonce pour la rentrée prochaine, dans certains collèges, une diminution des heures passées avec les élèves.

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo au Gouvernement !

Mme Marie-George Buffet. Écoutons cette parente d’élève en lutte du collège Jean Vilar à La Courneuve : « Je ne sais ni lire, ni écrire. A la maison, ce sont mes enfants qui assurent. Ils sont notre avenir. Ce sont eux qui peuvent réussir en France. Sans leur éducation, on ne pourra rien faire ! ». Dans le collège que fréquentent ses enfants, 56 heures par semaine pourtant vont être perdues, au détriment du travail mené par l’équipe éducative pour assurer un enseignement de qualité.

Comment concilier cette réalité avec votre volonté d’assurer « un même niveau d’exigence pour tous les élèves » ?

Votre réforme vise l’acquisition des savoirs fondamentaux, la prise en compte de la spécificité de chaque élève, l’accès à de nouvelles compétences et la construction de la citoyenneté. Ces objectifs sont ambitieux et vont dans le bon sens. Ils appellent travail d’équipe, accompagnement individuel et formation. Or, pour y répondre, vous annoncez la création de 4 000 postes, soit moins d’un poste par collège !

C’est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais connaître les moyens qui vont être mis en œuvre pour que cette réforme du collège, comme celle de l’éducation prioritaire, ne se solde pas au final par moins d’heures d’enseignement pour les élèves. Que deviendront les REP et REP+ au sein de cette réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Mesdames et messieurs les députés, madame la députée marie-George Buffet, vous m’interrogez sur la réforme des collègues, dont je tiens à répéter ici l’ambition : faire réussir tous les élèves de France en leur permettant d’être mieux accompagnés dans leurs apprentissages, d’apprendre d’une façon plus efficace mais, aussi, d’acquérir de nouvelles compétences dont ils auront besoin au cours de leur vie. Je veillerai évidemment à ce que cette réforme soit appliquée avec la même vigueur partout sur le territoire.

Vous évoquez le cas de la Seine-Saint-Denis, département dont nous avons eu souvent l’occasion de dire ici qu’il a la chance d’être jeune et dynamique tout en étant aussi confronté à de vraies difficultés.

Depuis six mois, lorsque nous en avons parlé, nous avons agi pour la Seine-Saint-Denis. Par exemple, dans le cadre de la réforme de l’éducation prioritaire, treize nouveaux réseaux ont été créés dans ce seul département. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Autre exemple : compte tenu de la faible attractivité de fait de cette académie pour les enseignants, nous avons ouvert un concours exceptionnel pour attirer davantage de candidats de toute la France. Pour 500 postes ouverts, plus de 11 000 candidatures ont été comptabilisées la semaine dernière.

Nous avançons, tout comme nous avançons s’agissant de la formation des enseignants de ce département puisque nous avons mis en place l’alternance dès la première année de master.

Mais je reviens plus précisément à vos interrogations. Il va de soi, dans le cadre de la réforme du collège, que la dotation horaire globale de chaque collège de France augmentera. C’est précisément à cela que servent les 4 000 postes que nous créons afin de favoriser le travail en petits groupes et l’accompagnement personnalisé.

Vous m’interrogez plus précisément sur le collège Jean Vilar de La Courneuve, tout comme l’a fait le président du conseil général, M. Stéphane Troussel. J’en profite donc pour répondre à tous les deux et pour vous rassurer : la dotation horaire globale de ce collège augmente. Non seulement elle permettra de couvrir les besoins mais il existe même une marge de 114 heures, précisément afin de mener des projets culturels, sportifs et de loisirs dont les élèves ont aussi besoin pour réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des collectivités territoriales

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François de Mazières. Ma question s’adressait à M. le Premier ministre mais il semble que celui-ci ait mieux à faire en Meurthe-et-Moselle… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Les élus sont inquiets et, même, très inquiets.

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout à fait.

M. François de Mazières. En fait, vous avez créé une véritable incertitude institutionnelle et une certitude tout aussi véritable, celle de la crise de l’investissement public.

L’incertitude institutionnelle est évidente. Depuis trois ans, les réformes n’ont cessé de se succéder. Les préfets et tous les élus ont été sans cesse mobilisés – pendant des dizaines d’heures – sur des réformes, des découpages d’intercommunalités, de départements, de cantons… et tout cela pour quoi ?

Pour arriver à ce que les Français, dimanche prochain, votent sans même connaître les compétences des conseils départementaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est une grande première !

M. Pascal Popelin. Si vous aviez suivi les débats, vous l’auriez su !

M. François de Mazières. Il y a cependant une chose dont nous sommes aujourd’hui certains : la crise de l’investissement public. Cela, personne ne peut le nier.

Vous avez manié le rasoir à couper le fil de l’investissement. Comment ? C’est bien simple.

Première lame : la baisse des dotations budgétaires – 28 milliards en quatre ans ! Là aussi, ce fut une première.

Seconde lame : l’accroissement des transferts aux collectivités territoriales, à commencer bien entendu par la réforme des rythmes scolaires, qui leur a coûté un milliard ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La triste réalité, c’est que ce sont les collectivités territoriales qui réalisent 70 % de l’investissement public – personne ici ne pourrait le nier. Eh bien, nous savons que, demain, elles diminueront leurs investissements ! Alors, vous dites…

M. le président. Merci, monsieur le député.

La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député François de Mazières, la triste réalité c’est que, de semaine en semaine, vous allez répétant les mêmes choses. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Du coup, je répéterai également la même chose.

En 2004, vous aviez complètement changé les attributions des départements et des régions, puis, entre les deux tours des élections régionales, vous avez réfléchi et, avez ensuite totalement modifié votre projet de loi.

Quant à nous, nous avons procédé différemment. Le 28 octobre, par la voix du Premier ministre, nous nous sommes engagés devant la majorité du Sénat – qui vous est proche – à nous mettre d’accord afin de définir un certain nombre de compétences octroyées aux départements sur lesquelles nous ne reviendrons pas en deuxième lecture.

Les uns et les autres, vous pouvez donc faire campagne et expliquer vos projets en matière de routes et de collèges…

M. Claude Goasguen. Il n’y a pas de loi ! Elle est inexistante !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …et, surtout, monsieur le député, en matière de solidarité.

En effet, ce qui nous différencie, c’est que nous nous battons jour après jour pour la solidarité nationale à l’égard des personnes âgées, des personnes en situation de handicap et, plus globalement, des personnes fragiles.

M. Claude Goasguen. Où est la loi ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Lorsque j’entends que, selon vous, des minima suffiraient – pourquoi pas un retour à un minima vieillesse ? – et qu’il conviendrait d’en appeler aux assurances, la différence qui nous sépare est profonde : ce n’est ni plus ni moins que le recours à la solidarité nationale plutôt qu’aux assurances privées.

M. Bernard Roman. Très bien ! Excellent !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Deuxième point, sur lequel je voudrais aussi parfois vous entendre : si l’on diminue de 11 milliards les dotations aux collectivités, c’est évidemment afin de réduire la dépense publique. Mais qui, monsieur le député, serait appelé à financer ces 11 milliards si nous n’avions pas pris de décision, sinon les Français qui devraient payer des impôts supplémentaires ?

M. Bernard Roman. Exact !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. La baisse des dotations contre la baisse des impôts, voilà ce que nous avons choisi de faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Michel Ménard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Ménard. Monsieur le ministre de l’intérieur, la lutte contre le terrorisme est un combat quotidien, qui mobilise toutes les énergies. Notre majorité, dès sa constitution, a compris l’urgence de la situation en adoptant deux lois majeures pour lutter contre le développement des filières et renforcer les moyens des forces de sécurité opérant au service des Français. Demain, un projet de loi sur le renseignement sera examiné en Conseil des ministres. Il va renforcer les moyens mis à la disposition de la République pour protéger les Français et pour défendre la République.

Lundi, l’accès à cinq sites internet se livrant à l’apologie du terrorisme a été bloqué. C’est une application concrète de la loi antiterroriste de novembre 2014. Les opérateurs de télécommunications et les sites internet sont maintenant nos partenaires dans la lutte contre le terrorisme.

La liberté d’expression est un droit auquel nous sommes attachés. C’est un droit qui s’accompagne de règles, car cette liberté ne doit pas conduire à la diffusion de la haine de l’autre, cette haine qui répand la mort. La liberté d’expression ne doit pas non plus faciliter l’organisation de ceux qui veulent tuer et organiser des entreprises terroristes, de ceux qui, comme Daech, veulent recruter des mercenaires étrangers pour semer la terreur au Moyen-Orient, en Afrique ou en Europe. La lutte contre le terrorisme s’effectue dans la recherche scrupuleuse d’un équilibre entre préservation de la liberté et nécessité sécuritaire.

Monsieur le ministre de l’intérieur, face au terrorisme, nous ne baisserons jamais la garde. Pouvez-vous nous redire la détermination du Gouvernement en la matière ? (« Allô ! Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous venez de rappeler les textes que nous avons adoptés et les principes qu’ils contiennent en matière de lutte contre le terrorisme. Je veux profiter de votre question pour rappeler la célérité avec laquelle nous avons publié les textes d’application de la loi du 13 novembre 2014, qui préconisait notamment trois mesures : l’interdiction administrative de sortie du territoire pour éviter que nos jeunes ressortissants ne se trouvent engagés dans des opérations terroristes, notamment en Irak et en Syrie, desquelles ils reviennent guidés par le seul instinct de la violence et du crime ; la nécessité de bloquer administrativement les sites qui provoquent et appellent au terrorisme ; l’interdiction du territoire, enfin, pour les étrangers non-résidents en France qui veulent venir sur notre territoire national et dont on sait qu’ils représentent un risque pour la sécurité du pays.

Sur ces trois sujets, nous avons immédiatement pris, aux mois de janvier et février, les textes d’application des dispositions contenues dans la loi du 13 novembre 2014. Ce sont vingt-cinq interdictions administratives de sortie du territoire qui ont d’ores et déjà été prononcées, dix-neuf interdictions du territoire national qui ont été décidées, et cinq blocages de sites qui ont été effectués, après que les opérateurs internet ont été prévenus du contenu de ces sites, de manière à ce qu’ils procèdent eux-mêmes à leur retrait.

S’adapter en permanence au risque terroriste par des dispositions législatives, publier rapidement les textes d’application, les mettre en œuvre sans tarder : telle est la manière dont nous agissons, en nous adaptant en permanence au risque terroriste, en le combattant sans trêve, sans pause, afin d’assurer à tout moment la protection des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Versement de prestations sociales

M. le président. La parole est à M. Alain Marsaud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Marsaud. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, monsieur le ministre de l’intérieur, il est une question grave que nous devons tous nous poser : comment expliquer qu’un ou deux milliers de jeunes Français, des hommes, des femmes et parfois même des enfants, quittent la France pour aller combattre à l’étranger ou y vivre une religiosité ultra-contraignante ? Faut-il que nous ayons tous – je dis bien « tous » – tellement échoué dans la construction et l’édification de notre modèle français, que l’on croyait tellement attrayant, notamment sur le plan économique et social ?

Nous constatons, impuissants, l’attrait qu’exerce sur ces Français musulmans ou convertis un engagement religieux qui, hélas, est parfois violent, et qui pousse certains d’entre eux dans l’extrême cruauté, y compris des mineurs, comme nous l’avons vu la semaine passée. Nous avons tous, en effet, eu connaissance des dernières exactions attribuées à des membres ou alliés de la fameuse famille Merah.

À maintes reprises, j’ai eu l’occasion d’appeler l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur l’utilisation supposée des allocations familiales et prestations de toutes natures, que continuaient à percevoir lesdites familles dans ces zones. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Françoise Clergeau. Cela faisait longtemps !

M. Alain Marsaud. J’ai été alerté de ce problème par des directeurs de caisses d’allocations familiales qui m’avaient fait part de leur impuissance, d’une part à contrôler, d’autre part à stopper le versement de ces prestations au profit de ces personnes.

J’ai constaté, hélas, que ces versements se poursuivaient aujourd’hui…

M. Razzy Hammadi. Vous avez vu cela sur BFMTV ?

M. Alain Marsaud. …et que certains Français ayant rejoint ces organisations faisaient tout simplement usage de leur carte de crédit ou de Western Union, pour débiter leur compte, crédité en France par nos organismes sociaux. Il est temps que nos services de renseignement croisent leurs fichiers et leurs informations avec les caisses d’allocations familiales, et vice-versa.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Alain Marsaud. Monsieur le ministre de l’intérieur, quelles mesures entendez-vous prendre pour mettre fin à cette situation scandaleuse et douloureuse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez effectivement, à plusieurs reprises, appelé l’attention du Gouvernement sur ce sujet et, à plusieurs reprises, je vous ai répondu en rappelant ce que sont les règles de droit et ce qu’est l’action du Gouvernement.

Par-delà ce qui peut nous séparer sur ces bancs, nous partageons une conviction, celle de la monstruosité des actes qui sont commis par ces groupes terroristes et par ceux qui s’y engagent – on l’a vu, une fois encore, à travers les images que vous venez d’évoquer. Nous sommes également d’accord sur le fait que nous devons, face à ces actes, face au risque terroriste, témoigner de la plus grande unité, de la plus grande fermeté, de la plus grande résolution. L’une des manières d’y parvenir, c’est d’ailleurs de ne pas nous faire des procès concernant l’application des règles de droit, lorsqu’il s’agit de lutter contre le terrorisme.

Vous pointez des manquements qui, en réalité, je dois vous le dire, n’existent pas en nombre.

M. Élie Aboud. Même une seule fois, c’est trop ! C’est un symbole !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Des problèmes peuvent certes se poser ponctuellement, mais nous y remédions. Et je veux rappeler quelles sont les règles. D’abord, les prestations impliquent que ceux qui en bénéficient soient localisés sur le territoire national, y compris leurs enfants, lorsqu’il s’agit de prestations familiales. Ces dispositions sont prévues par les articles L. 162-1 et L. 152-1 des codes en charge de définir les règles d’attribution de ces prestations. Lorsque les personnes sont à l’étranger, par la plateforme de signalement mise en place par le ministère de l’intérieur, par le travail de nos services de police et de renseignement, le cas de ceux qui ont quitté le territoire national est immédiatement signalé aux autorités en charge du versement de ces prestations sociales – l’an dernier, 290 cas ont été signalés – et il est immédiatement mis fin au versement de ces prestations avec la plus grande rigueur.

Alors, n’essayons pas de faire des polémiques sur ce sujet, ou de laisser à penser que nous n’agissons pas. Notre détermination est totale, et elle se poursuivra. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des Chrétiens d’Orient

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le ministre des affaires étrangères, ma question porte sur la situation des Chrétiens d’Orient. Parmi toutes les horreurs de la guerre civile et du terrorisme en Orient, il est une persécution qui touche plus particulièrement le cœur des Français, c’est celle des Chrétiens d’Orient.

De tous temps, la France a veillé sur les liens qui l’attachent à ces populations et à la défense de nos relations culturelles, précisément notre langue, la présence de nos valeurs démocratiques et républicaines, et une laïcité qui n’est pas contraire à la liberté de penser mais protectrice de la liberté d’expression, qu’elle soit religieuse ou pas.

Or, nous le savons, la situation des Chrétiens d’Orient est dramatique. Vingt et un Égyptiens de confession chrétienne ont été enlevés puis décapités par Daech en Libye. Ce n’est, hélas, qu’un crime parmi d’autres ! En Irak, le nombre de chrétiens est tombé de 1,5 million en 2003 à moins de 500 000 aujourd’hui. En Syrie, deux cent vingt chrétiens ont été enlevés le mois dernier.

C’est la liberté, mais aussi une des richesses humaines et culturelles de l’Orient qui sont menacées de disparition. La communauté internationale ne peut plus se permettre de se contenter de condamner ou de s’émouvoir.

La France, grâce à votre action monsieur le ministre, a convoqué le Conseil de sécurité des Nations unies le 27 mars prochain. C’est la première fois que cette question sera posée devant la communauté internationale.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire s’il existe, au-delà des mots, une possibilité d’action concrète pour protéger les Chrétiens d’Orient et les autres minorités qui sont actuellement persécutées dans cette région ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste, ainsi que sur de très nombreux bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, le projet des terroristes de Daech est à la fois barbare et totalitaire. Il consiste en l’éradication, au sens propre du terme, de tous ceux qui ne pensent pas comme eux, ce qui veut dire leur destruction physique ainsi que celle de leurs racines. C’est pourquoi ils persécutent les Chrétiens d’Orient et les minorités.

Face à cela, la France, toutes opinions confondues, a commencé à se mobiliser. Nous apportons d’abord une aide humanitaire aux déplacés et aux réfugiés. Au cours des dernières années, ce sont 100 millions d’euros que nous avons consacrés à cette fin en Syrie et en Irak. Et nous accueillons en France des réfugiés syriens et irakiens dont, depuis l’été 2014, plus de 1 500 chrétiens en provenance d’Irak.

Mais comme vous l’avez dit fort justement, ce n’est pas assez. C’est la raison pour laquelle j’ai pris l’initiative d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, plus haute instance existante, que je présiderai personnellement le 27 mars avec, à mes côtés, le secrétaire général des Nations unies.

Nous adresserons un double message. D’abord celui d’une détermination extrêmement forte contre le terrorisme, et ensuite de solidarité concrète avec les minorités. Ce que nous voulons dire, et c’est le message que la France doit faire passer à l’extérieur, est que les minorités sont constitutives de l’histoire, de l’identité et de l’avenir de l’ensemble des pays d’Orient. C’est ce que nous affirmerons fermement le 27 mars prochain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UDI et UMP.)

Réforme des rythmes scolaires et éducation prioritaire en zone rurale

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Lacroute. Madame la ministre de l’éducation nationale, le monde rural est à l’agonie, même en Île-de-France. Les élus, les parents, et surtout les enfants ne peuvent plus de vos réformes. Votre gestion à la petite semaine, sans vision globale, trouve sa contradiction la plus profonde dans le monde rural.

Je ne citerai que deux exemples : la réforme des rythmes scolaires et la nouvelle géographie de l’éducation prioritaire. Un récent sondage de BVA est sans appel : 68 % des Français considèrent que les nouveaux rythmes scolaires sont une mauvaise chose. Les parents sont en colère : les enfants ne tiennent plus le rythme, le nouveau rythme que vous leur imposez. Ils s’insurgent devant l’état de fatigue de leurs enfants. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

À cela s’ajoute la désorganisation des familles, des associations et des clubs sportifs. Quant aux élus, notamment dans ma circonscription, ils trouvent la note très salée, avec des charges de personnel qui explosent – sans parler même de la baisse des dotations de l’État –, des charges qui peuvent représenter entre 12 et 14 % de leur budget. Les maires le disent : ils ne tiendront pas deux ans.

Et c’est sans compter les dépenses supplémentaires de transport assumées par les conseils généraux, qui s’élèvent à plus de 80 millions d’euros, qui ne sont bien évidemment pas compensées et sont passées sous silence par les départements de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

À cela s’ajoutent les coupes dans le label ZEP. Pas moins de quatre collèges sur dix de ma circonscription sortent de ce dispositif essentiel, permettant pourtant de répondre aux difficultés des élèves les plus fragiles. Moins de moyens, moins de professeurs et niveaux en baisse pour des territoires déjà touchés par la réforme des rythmes scolaires.

Madame la ministre, le monde rural subit une double peine avec vos réformes, alors attention, les dimanches 22 et 29 mars, il pourrait lui aussi vous appliquer cette double peine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, je me demande à quel moment exact du quinquennat vous allez comprendre que la réforme des rythmes scolaires a désormais force de loi, et qu’elle s’applique partout. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Michel Herbillon. C’est une mauvaise réforme !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. C’est désormais une obligation, qui va dans le seul intérêt des enfants (Protestations sur les bancs du groupe UMP), afin de mieux répartir les temps d’apprentissage dans la semaine, de leur permettre de rattraper le retard qui s’était creusé avec leurs camarades européens (Mêmes mouvements)

M. le président. S’il vous plaît, ce n’est pas là une façon de donner une bonne image de l’Assemblée !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …et de leur permettre d’accéder à des activités périscolaires que d’autres communes, contrairement à la vôtre, madame la députée, ont su organiser. C’est donc que ce doit être faisable.

M. Michel Herbillon. C’est faux !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ces communes ne l’ont d’ailleurs pas fait seules, puisque je rappelle ici que l’État les accompagne financièrement. L’État verse 400 millions d’euros par an aux communes pour les aider.

À Nemours, dans votre propre commune, madame Lacroute, 130 000 euros ont été versés cette année, soit quatre-vingt-dix euros par enfant et par an, pour vous permettre de mettre en place ces activités périscolaires. Mais vous n’avez pas voulu transmettre aux services de l’éducation nationale vos choix d’horaires – en conséquence, ils vous ont été imposés – pas plus que vous n’avez voulu organiser d’activités gratuites. Les activités sont donc payantes dans votre commune, et je comprends que cela puisse agacer les familles. (Huées sur les bancs du groupe SRC.) Ailleurs, cela fonctionne !

M. le président. Mes chers collègues, du calme ! Monsieur Bays !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous avons non seulement décidé de reconduire ce fonds de soutien de 400 millions d’euros par an aux communes, mais aussi de l’accompagner de plans éducatifs territoriaux pour veiller à ce que dans chaque commune, les activités soient de bonne qualité. Dans votre département, madame Lacroute, déjà la moitié des communes ont signé ces plans éducatifs territoriaux avec l’État, cela doit vouloir dire que c’est faisable, là encore.

M. Michel Herbillon. Ça ne fonctionne pas !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Enfin, concernant l’éducation prioritaire, ne nous reprochez pas d’actualiser une carte pour permettre de donner plus à des établissements qui étaient en souffrance sociale. Vous en profitez d’ailleurs : un collège dans votre département en bénéficie. Sachez admettre les progrès. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Nouveaux droits des personnes en fin de vie

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie (nos 2512, 2585).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chers collègues, le présent texte précise et réaffirme les droits des malades en fin de vie, ainsi que les devoirs des médecins envers eux. Il constitue une avancée indéniable en prévoyant un droit à la sédation profonde et continue et en renforçant les directives anticipées. Il ne va cependant pas jusqu’à autoriser l’euthanasie, c’est-à-dire l’acte de donner la mort. C’est ce qui explique les différences d’appréciation que nous avons rencontrées au sein de notre groupe, comme parmi toutes les sensibilités de la représentation nationale.

En effet, si certains estiment que le texte va trop loin et que la sédation profonde s’apparente à une forme d’euthanasie qui ne dirait pas son nom, d’autres au contraire considèrent qu’il est trop timoré et qu’il serait nécessaire d’aller plus loin en reconnaissant clairement le droit à l’euthanasie et au suicide assisté.

Pour notre part, nous pensons qu’en autorisant, par la loi, l’administration d’une sédation profonde et l’arrêt de tout traitement – à l’exception, bien sûr, des soins palliatifs – jusqu’à ce que le décès survienne, ce texte se rapproche le plus possible de ce que souhaiteraient les défenseurs du geste euthanasique, sans toutefois l’atteindre, ce qui est important car, ce faisant, il préserve la société de la responsabilité de donner la mort. Il en préserve aussi les soignants, ce qui permet de protéger la relation de confiance que ceux-ci nouent avec leurs patients, qui serait irrémédiablement compromise si la loi leur reconnaissait la possibilité de tuer sans responsabilité pénale. Le texte renforce néanmoins les droits des malades, dont les directives s’imposeront aux médecins, et il affirme pour tous le droit à mourir dans la dignité et sans souffrance, grâce à la sédation profonde.

Il est bien évident que, comme toute loi, cette loi ne résoudra pas tous les problèmes ; néanmoins, elle représente à nos yeux la solution la plus équilibrée pour concilier, à l’heure actuelle, liberté individuelle et exigences sociétales, étant entendu que le fondement de notre société doit être que la vie est le premier de tous les droits et qu’il faut à tout prix la respecter. Toutefois, ce fragile équilibre ne sera tenable que si les moyens indispensables au développement des soins palliatifs sont mis en œuvre, ce qui est loin d’être le cas dix ans après l’adoption de la loi Leonetti. Tous les rapports récents – celui des auteurs de la proposition de loi, celui du Comité consultatif national d’éthique, celui de la Cour des comptes – soulignent que les soins palliatifs n’ont pas atteint le niveau prévu depuis 2005 et réaffirmé dans le présent texte. Les personnes en fin de vie, de même que leurs familles, doivent trop souvent subir des situations de souffrance insupportable, et les personnels soignants ne disposent pas de la formation, des conditions de travail et des moyens qui leur permettraient d’accompagner dignement leurs patients jusqu’à la fin.

Si la droite n’a pas fait grand-chose depuis 2005, elle a en revanche affaibli les hôpitaux publics (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

Mme Marie-Louise Fort. N’importe quoi !

Mme Jacqueline Fraysse. …une politique que, hélas, vous continuez, madame la ministre. Face au scandale qui commence à poindre, vous nous annoncez le lancement « dans les prochaines semaines » – sans doute le 1er avril ! – d’un plan triennal pour le développement des soins palliatifs. Malheureusement, cette belle déclaration coïncide avec l’annonce d’un plan de 10 milliards d’économies d’ici deux ans dans le secteur de la santé, dont 3 milliards dans le secteur hospitalier, ce qui transforme de fait votre annonce d’apparence généreuse en une opération d’enfumage : vu les coupes budgétaires prévues, il n’y aura pas plus de services de santé, en soins palliatifs comme ailleurs, et pas plus de personnel soignant, que les patients soient mourants ou bien vivants ; bien au contraire, il y en aura moins. Voilà la vérité. C’est ce qui est programmé !

Alors, madame la ministre, cette proposition de loi, nous allons la voter. Elle a en effet le mérite d’exister, et les députés que nous sommes assumeront leurs responsabilités. Mais nous vous demandons d’assumer aussi les vôtres, et de cesser de jouer avec la détresse des malades et de leurs familles en leur racontant des histoires. Puisque le Gouvernement refuse de changer de cap malgré l’échec patent de ses politiques dans tous les domaines, puisqu’il maintient les coupes budgétaires qu’il a décidées, la marque de respect la plus élémentaire serait de leur dire la vérité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Jean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Michèle Delaunay. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le texte que nous avons examiné la semaine dernière, qui ouvre de nouveaux droits aux malades et aux personnes en fin de vie, vient répondre à une certitude : les Français ne veulent plus mourir dans les conditions actuelles, souvent inacceptables. Oui, mes chers collègues, on peut aujourd’hui encore mourir comme au temps de Louis XIV, dans la douleur et sans accompagnement médical ou soignant.

Les conditions de fin de vie sont très inégales suivant que l’on meurt à domicile, en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes ou en établissement hospitalier. Elles varient aussi en fonction des régions et, au sein d’un même établissement de soins, en fonction des services, ceux-ci ne disposant pas des mêmes moyens ni des mêmes pratiques et n’offrant pas, in fine, les mêmes qualités d’accompagnement. Toutefois, la plus grande des inégalités touche les personnes âgées, pourtant les plus nombreuses à affronter ce moment, l’âge moyen de la mort étant aujourd’hui en France de 80 ans.

Pour remédier à cette injustice, Alain Claeys et Jean Leonetti ont choisi de rechercher le consensus politique maximal. Je ne reviendrai pas sur le texte lui-même ; je veux toutefois saluer le travail que nous avons réalisé ensemble, dans cette enceinte, et les améliorations que nous avons apportées à la proposition de loi, notamment en prévoyant une évaluation annuelle de la loi via un rapport de l’Observatoire national de la fin de vie.

Mes chers collègues, les objectifs de ce texte prennent tout leur sens avec les mesures annoncées en décembre dernier par le Président de la République. Il s’agit de donner un coup d’accélérateur au développement et à l’enseignement des soins palliatifs, de manière à affronter le choc démographique lié au vieillissement des générations du baby-boom, grâce à un plan triennal de développement des soins palliatifs. Nous ne pouvons pas nous satisfaire du fait que 20 % seulement des Français en situation de bénéficier de soins palliatifs y aient aujourd’hui accès.

Chacun salue les avancées concrètes que permettra ce texte pour les personnes en fin de vie. C’est pourquoi, conformément à l’éthique de responsabilité qui doit être celle du législateur, nous devons le voter le plus largement possible. Pour sa part, le groupe socialiste, radical et citoyen se ralliera très majoritairement et sans réserve à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au moment où chacun d’entre nous va, en son âme et conscience, se déterminer par rapport à cette question si délicate, si douloureuse, si intime, si sensible qu’est celle de la mort de ceux que nous aimons mais aussi de notre propre mort, il n’est pas inutile de rappeler le chemin parcouru.

En effet, cette proposition loi n’est pas née de rien : elle est l’aboutissement d’un cheminement auquel les uns et les autres se sont livrés au fil des décennies. Rappelons la loi de 1999, qui a garanti l’accès aux soins palliatifs, celle de 2002, qui a reconnu au malade le droit à un plus grand respect et lui a accordé la possibilité de refuser un traitement qui lui serait trop insupportable, ainsi que la grande et belle loi de 2005, que nous devons au talent et à la détermination de Jean Leonetti et qui a permis d’amorcer au sein de notre société le débat qui nous occupe aujourd’hui. Nous sommes en effet appelés à faire évoluer notre législation afin que celle-ci réponde encore mieux à cet enjeu essentiel : que chacun d’entre nous puisse, le jour venu, vivre son dernier instant sans souffrance et sans douleur – lesquelles sont, par nature, insupportables.

Ce texte propose une évolution à partir des bases que j’ai rappelées. Il permet d’abord d’approfondir la notion de « soins palliatifs », en espérant qu’il sera suivi d’effets concrets, au-delà de ce qui a été réalisé entre 2007 et 2010 où l’on est passé de 2 000 à 5 000 lits. Il donne aussi une existence concrète aux directives anticipées, en créant un registre national sur lequel celles-ci pourront être consignées. Il indique enfin à quelles conditions il conviendra de lutter contre l’obstination déraisonnable, désormais définie avec une plus grande précision – sujet qui reste toutefois très délicat.

Mais il me semble important, aussi, de dire ce que ce texte n’est pas. Ce n’est pas un texte qui instaure, comme certains – respectables – le voudraient, le suicide assisté ou même l’euthanasie active. La meilleure illustration en est ce que nous avons vécu ici, dans cet hémicycle, avec un amendement présenté par une partie de la majorité et qui allait dans ce sens, amendement qui a fort heureusement été repoussé, grâce, il faut le rappeler, madame la ministre, à notre groupe et au groupe UDI, qui ont permis de l’emporter avec 19 voix d’écart. Si nous n’avions pas été là en séance, le texte soumis à notre vote aujourd’hui ne serait pas conforme à ce que souhaitaient initialement le Président de la République, le Gouvernement et nos deux collègues rapporteurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Cette loi, je le dis à mes collègues qui s’inquiètent, je le dis à nos concitoyens qui s’interrogent et qui s’inquiètent aussi, n’est pas une loi d’euthanasie. Ce n’est pas non plus la loi qui instaure le suicide assisté.

M. François Rochebloine. C’est un début !

M. Guy Geoffroy. C’est une loi qui permet d’aller plus loin dans le sens des dispositions votées en 2005. C’est une belle loi, issue du travail de deux collègues que je tiens à saluer, deux collègues que tout pourrait séparer mais qui ont travaillé la main dans la main, dans un esprit constructif, à la recherche du consensus, avec sagesse et force, pour que nous avancions dans la bonne direction et pour que chacun d’entre nous, chacun de nos proches puisse, le moment venu, vivre sa mort sans souffrance, vivre son parcours jusqu’au bout, comme notre société, notre culture, notre médecine le permettent.

Le groupe UMP, dans son immense majorité, votera cette belle loi de progrès, de clarification et de courage. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. le président. Sur l’ensemble de la proposition de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la ministre, une certaine humilité peut nous inspirer aujourd’hui, alors que nous nous apprêtons à nous prononcer par un vote – et un vote, par nature, ne pourra jamais tout dire – sur une proposition de loi qui soulève autant de questions sans doute qu’elle n’apporte de réponses.

Si, au cours de ce débat, nous avons accepté de partager nos incertitudes, nous avons également partagé les mêmes constats. Quels sont-ils ? Que la douleur des patients est insuffisamment prise en charge. Que l’obstination déraisonnable demeure malheureusement une réalité, ici ou là en France. Que l’accès aux soins palliatifs est loin, très loin d’être toujours effectif et que la formation des médecins est, en cette matière, très insuffisante.

La loi du 22 avril 2005 avait déjà permis de prendre en compte, beaucoup mieux qu’auparavant, la volonté du malade et ce qu’il exprimait – de prendre en compte non seulement la douleur mais aussi, j’insiste, la souffrance, à travers les soins palliatifs que nous recommandions tout en condamnant l’acharnement thérapeutique. Fallait-il aller au-delà ? Fallait-il faire évoluer ce point d’équilibre ? Nous savons qu’il était fragile, nous savons aussi à quel point il est difficile de parler justement de la mort et donc de légiférer sur cette question dont la complexité réclame d’infinies précautions.

Trois convictions, me semble-t-il, ont guidé notre réflexion. La première, c’est que lorsqu’une existence s’éteint, c’est aussi ce qu’elle a d’unique qui s’éteint. La dignité et le respect de la personne humaine exigent que la collectivité assume alors ses devoirs. Nous ne croyons pas que cela lui confère pour autant des droits. La deuxième, c’est que nous devons permettre de soulager la douleur et la souffrance dans toute la mesure possible : c’est la question du développement des soins palliatifs. Enfin, nous considérons que toute personne qui vit ses derniers instants a le droit d’être accompagnée, écoutée, respectée.

Au-delà de ces constats, la loi du 22 avril 2005 a laissé des zones d’ombre qui appellent des réponses éminemment personnelles de chacune et chacun d’entre nous. Que faire dans certains cas exceptionnels où l’abstention thérapeutique ne suffit pas à soulager les patients qui subissent une douleur et une souffrance devenues irréversiblement intolérables ? En permettant à ceux qui sont proches de la mort de s’endormir, s’ils le demandent, pour trouver le dernier repos, cette proposition de loi tente d’éclairer ces zones d’ombre, sans prétendre toutefois, j’y insiste, y parvenir totalement.

Comment le pourrait-elle ? Comme la loi du 22 avril 2005, cette proposition de loi nous semble devoir finalement laisser place à une part d’indicible, à ce moment et ce rapport chaque fois si singuliers entre celui qui accompagne et celui qui part, moment qui ne saurait être réduit à une procédure. Cette part d’incertitude n’est-elle pas, en définitive, commandée par le respect de la vie et de sa fin ultime, qu’on ne saurait enfermer dans une quelconque définition ?

Telle est la raison pour laquelle notre groupe s’est opposé à l’amendement qui créait une aide active à mourir. Cela reviendrait à consentir à la collectivité, fût-elle représentée par le médecin, un droit sur l’existence de chacun qui outrepasse largement le respect, pourtant souhaité par toutes et tous, de la personne. Chacune et chacun des membres de notre groupe se prononcera en conscience sur cette proposition de loi qu’une majorité approuve, persuadé qu’il est de notre devoir de faire que la main du mourant soit tenue le plus longtemps possible, aussi loin qu’on puisse aller devant la porte des questions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme Valérie Fourneyron. Très bien.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans quelques minutes, nous serons amenés à nous prononcer sur la proposition de loi Claeys-Leonetti dite « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ». Mais quels sont ces nouveaux droits ? Il ne s’agit en fait que de la réaffirmation, de la confirmation des droits déjà introduits par la loi Leonetti de 2005.

Il n’y avait qu’un seul nouveau droit à créer, celui de pouvoir choisir sa mort par la reconnaissance d’une aide active à mourir. Pourtant, nous étions nombreux – quelque 150 parlementaires, radicaux de gauche, écologistes, socialistes – à avoir déposé un même amendement visant à introduire le droit à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir, relayant ainsi le souhait exprimé par l’immense majorité de nos concitoyens. Hélas, notre amendement n’a pas été adopté.

M. François Rochebloine. Heureusement !

Mme Jeanine Dubié. Dès lors, le texte proposé et étudié, amendé ou pas, est resté dans le « laisser mourir », « endormir plutôt que de faire mourir ».

Si les progrès de la médecine et des traitements ont contribué à allonger l’espérance de vie, nous constatons aujourd’hui que cela peut parfois être au détriment de la qualité de vie et de la dignité. Or qui est le mieux à même d’apprécier cette dignité, si ce n’est l’individu lui-même ? Les radicaux de gauche, attachés à la défense des libertés individuelles, considèrent que le droit de vivre sa mort et de finir sa vie dans la dignité relève d’un choix individuel qu’il convient de respecter. Cette approche est conforme au principe de laïcité auquel nous sommes très attachés, qui reconnaît la liberté de conscience visant à l’épanouissement de l’homme en tant qu’individu et citoyen. C’est la volonté de la personne qui doit prévaloir, et sa capacité à apprécier ce qui est digne ou indigne doit lui être reconnue.

Or force est de constater que, tout au long de l’examen de ce texte, nous avons souvent eu le sentiment que les débats ne portaient que sur des patients et des malades, occultant le fait que c’est avant tout d’une personne qu’il s’agit, d’une personne en fin de vie qui, à la question « ma vie a-t-elle encore du sens ? » répond « non ».

M. Pierre Lequiller. Jamais !

Mme Jeanine Dubié. C’était le sujet de notre amendement qui visait à introduire le droit à bénéficier d’une assistance médicalisée active à mourir. Je veux le rappeler ici : ce que nous demandions, c’est que toute personne majeure et capable ait la possibilité de bénéficier d’une aide active à mourir. Il ne s’agissait en aucun cas d’imposer cette aide à mourir à tous, il s’agissait de laisser la liberté de choisir, liberté refusée en l’état actuel du texte. Et n’opposons pas soins palliatifs, sédation profonde et continue et aide active à mourir ! Tout cela doit s’entendre comme des possibilités thérapeutiques permettant de respecter les différents choix exprimés par les personnes en fin de vie.

Je le redis clairement : nous sommes très favorables au développement des soins palliatifs et à un déploiement des services ou des réseaux sur l’ensemble du territoire. Rappelons, à ce sujet, que les radicaux de gauche sont à l’origine de la loi du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs. Il reste encore beaucoup de chemin pour garantir l’effectivité de ce droit, qui passe aussi par une meilleure formation des soignants.

Mais la souffrance n’est pas que physique. Oui, les soins palliatifs peuvent soulager la souffrance physique, mais la souffrance est aussi psychologique. On peut ne pas supporter un corps déformé et décharné, on peut ne pas supporter d’être tributaire de l’autre pour les actes essentiels, on peut ne pas supporter le sentiment d’indignité qu’engendre parfois la maladie, on peut ne pas avoir envie de continuer à vivre.

On a trop caricaturé, dans ce débat, l’aide active à mourir, en utilisant de manière dévoyée le terme d’euthanasie. Les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse, le Québec, pour ne citer que ces exemples, sont-ils des pays où l’être humain n’est pas respecté ? Je ne le pense pas.

Le texte proposé aujourd’hui s’inscrit, selon nous, dans la continuité de la loi Leonetti de 2005 et ne fait que préciser des dispositions déjà existantes dans notre droit. Pouvoir bénéficier d’une sédation profonde ou continue en établissement ou à domicile apportera une réponse dans certains cas, mais cela reste bien en deçà des attentes suscitées par l’engagement 21 du Président de la République François Hollande.

Les directives anticipées seront clarifiées, c’est vrai. Elles s’imposeront au corps médical. Elles pourront être inscrites sur la carte Vitale. Et nous approuvons la création d’un registre national des directives anticipées. Le rôle de la personne de confiance est renforcé et cette dernière pourra consulter les informations contenues dans le dossier médical et vérifier si la volonté du patient est bien respectée.

Pour terminer, madame la ministre, si nous sommes déçus par le contenu de ce texte, nous ne renonçons pas. La navette parlementaire commence et, en deuxième lecture, nous relaierons encore une fois le souhait exprimé par nombre de nos concitoyens, qui veulent que soit reconnu ce droit fondamental : être libre de décider pour soi le moment d’en finir. Vous l’aurez compris, madame la ministre, le groupe des radicaux de gauche et apparentés ne votera pas pour ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour le groupe écologiste.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, tout ce temps, tous ces espoirs pour en arriver là ! Il y a trois ans déjà, le candidat François Hollande annonçait son engagement 21. Des études, des observatoires, des rapports, des conférences, des paroles et des promesses… pour en arriver là !

Vous comprendrez certainement, chers collègues, notre déception. Nous pensons tout d’abord à nos concitoyens, dont les départs en Belgique ou en Suisse pour mourir selon leur propre volonté vont se poursuivre, avec toutes les injustices et les inégalités que cela représente. Ceux qui ont suffisamment d’argent pour engager une telle démarche pourront voir leur choix respecté, et les autres ne pourront faire qu’un choix par défaut, celui de la sédation profonde que propose ce texte de loi.

J’ajoute que l’ambiguïté persistante de cette nouvelle proposition de M. Leonetti prolonge aussi ces inégalités. Le médecin pourra « mettre en place l’ensemble des traitements analgésiques et sédatifs même s’ils peuvent avoir comme effet d’abréger la vie ». Un médecin pourra donc augmenter plus ou moins les doses d’analgésiques et de sédatifs selon sa propre interprétation du texte, la limite étant de ne pas provoquer délibérément la mort. Le point de vue du médecin prime donc encore. Les réticences des conservateurs comme des progressistes mettent en lumière cette ambiguïté, qui conduira encore à des procédures judiciaires douloureuses.

Nous avons pourtant proposé différents choix clairs et encadrés de fin de vie, nous avons proposé un cadre qui convienne et rassure chaque Français, autant celui ou celle qui souhaite un simple accompagnement pour affronter la souffrance que celui ou celle qui veut choisir de terminer sa vie. Distinguer ces deux cas était nécessaire. Le dispositif proposé tente d’apporter uniformément une même réponse à des choix différents. Alors oui, chacun trouvera des raisons de se méfier de ce choix par défaut.

Ensuite, les écologistes regrettent la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement pour tenter de répondre à cet engagement présidentiel.

Par crainte d’une nouvelle mobilisation sociale sur ce sujet, qui n’a d’ailleurs pas eu lieu, le projet a été confié de nouveau à M. Leonetti qui, dans la droite ligne de ses convictions, a fermé dès le début la porte à une quelconque évolution – que les Français appellent pourtant de leurs vœux.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

Mme Véronique Massonneau. L’amendement co-rédigé par les écologistes, les radicaux et une grande partie des socialistes et présenté par Jean-Louis Touraine a fait les frais de cette stratégie. Bien sûr, le fait d’associer M. Leonetti à cette proposition de loi revenait nécessairement à fermer la porte à cette évolution. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Leonetti, rapporteur. Eh oui !

Mme Véronique Massonneau. Pourquoi verrouiller ainsi le débat, alors que la majorité des députés de gauche s’est prononcée en faveur du choix de l’assistance médicalisée active à mourir ? Il faut noter que cet amendement a été voté à l’unanimité par les écologistes et les radicaux, et rejeté à l’unanimité, à une exception près, par les groupes UMP et UDI. C’est le groupe SRC qui s’est montré divisé sur cette question, avec toutefois une majorité de votes favorables. Ce groupe avait pourtant très largement défendu cette liberté de choix en 2009, en votant la proposition de loi de Manuel Valls : quel revirement ! (Mêmes mouvements.)

Par ailleurs, les écologistes accueillent favorablement le caractère contraignant des directives anticipées. Nous défendons le droit à la sédation profonde, qui est déjà légale aujourd’hui mais dont les pratiques sont très aléatoires, mais nous ne pouvons nous satisfaire de ce seul choix d’aide à mourir. Certains de nos concitoyens demandent à partir en toute conscience, d’autres refusent que leurs proches attendent des heures, des jours, voire des semaines suspendus au téléphone dans l’attente de l’appel de l’hôpital, découvrant un corps un peu plus abîmé chaque jour par la déshydratation et la dénutrition.

Certains de nos concitoyens veulent choisir le moment de leur départ. Non, ils ne veulent pas choisir de mourir : ils savent qu’ils vont mourir, qu’ils n’ont pas le choix ! Ils veulent seulement choisir au moins le moment et la manière. Nous leur refusons ce droit aujourd’hui. C’est un véritable rendez-vous manqué.

Oui, le combat continue ; oui, les écologistes demeurent attentifs et engagés sur cette question, ainsi que sur de nombreux autres sujets de sociétés pour lesquels notre pays refuse encore de reconnaître les libertés individuelles. Il est encore possible d’améliorer ce texte dans le cadre de la navette parlementaire. Nous comptons sur cette chance de le faire.

Nous serons aussi présents au moment de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, pour que les soins palliatifs soient dotés enfin des crédits nécessaires…

M. Dominique Dord. Ça, c’est bien !

Mme Véronique Massonneau. …afin que chaque citoyen bénéficie de ce droit trop souvent bafoué.

Vous l’avez compris mes chers collègues : nous n’opposons aucune solution à une autre, aucune pratique à une autre, aucun choix à un autre. Ce que nous défendons, c’est la liberté de choix de chacun. Le texte, dans son état actuel, ne la garantit pas. À nos collègues sénateurs de l’améliorer et de le compléter. En l’état, la majorité du groupe écologiste s’abstiendra face à l’absence de choix qui est proposée. On n’endort pas la liberté de choisir sa fin de vie. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

(À ce moment, des tracts sont lancés depuis les tribunes du public dans l’hémicycle.– Protestations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Nous engagerons les poursuites que cet acte mérite.

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 553

Nombre de suffrages exprimés 470

Majorité absolue 236

Pour l’adoption 436

Contre 34

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC, ainsi que sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

3

Biodiversité

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité (nos 1847, 2064).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n318 rectifié à l’article 7.

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, inscrit sur l’article 7.

M. Jean-Marie Sermier. Nous reprenons cet après-midi l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité. Cette nuit, lors de l’examen des six premiers articles, il a été parfois difficile de vous convaincre de la nécessité d’être concret, proche du terrain, et de soutenir ceux qui œuvrent au quotidien pour la biodiversité, notamment les agriculteurs et les chasseurs.

L’article 7 changera significativement les choses, puisque le comité régional « trames verte et bleue » sera remplacé par un comité régional scientifique. Il nous importe de ne pas déséquilibrer l’ensemble des conseils d’administration des différents organismes et de garantir notamment la présence des chasseurs, qui, je le rappelle, financent eux-mêmes leur pratique et leur passion. Ils pourront ainsi apporter leur expertise et permettre la tenue de débats dépassionnés avec les associations environnementales et les structures qui composent déjà le comité « trames verte et bleue ». La rapporteure l’a dit hier soir, les accords sont souvent conclus dans les structures locales. Il faudra donc veiller, dans le cadre de l’examen de l’article 7, à maintenir l’équilibre existant, sans doute déjà très fragile.

Mme la présidente. Nous en arrivons aux amendements. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir le n318 rectifié.

M. Martial Saddier. J’associe M. Sermier à cet amendement. Il existe déjà, au niveau régional, une instance scientifique ad hoc, le conseil scientifique régional du patrimoine naturel – CSRPN. Il convient donc que les scientifiques ou représentants susvisés ne soient pas membres de plein exercice des comités régionaux de la biodiversité. Par analogie, au niveau national, le Conseil national de la biodiversité, instance sociétale, et le Conseil national de la protection de la nature, instance scientifique, sont clairement dissociés par l’actuel projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La commission a repoussé cet amendement car la séparation stricte qu’il propose risque d’appauvrir les débats. En outre, monsieur Saddier, il ne faut pas confondre les CSRPN et le Conseil national de la protection de la nature. Je sais que vous ne le faites pas, mais peut-être cela vous arrange-t-il de faire parfois l’amalgame s’agissant des comités régionaux de la biodiversité… Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Même avis.

(L’amendement n318 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Roig, pour soutenir l’amendement n° 760.

M. Frédéric Roig. Cet amendement vise à supprimer les alinéas 3 et 4. Du fait de la proposition d’élargir le conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage aux représentants des collectivités territoriales pour chacun des échelons régional, départemental et communal, le projet de texte issu de la commission prévoit de ramener à neuf le nombre de représentants cynégétiques au sein du conseil d’administration de l’établissement. Compte tenu des spécificités de l’Office, dont le financement est assuré à près des deux tiers – environ soixante-dix millions d’euros – par les redevances annuelles des permis de chasser et dans la mesure où il constitue une composante essentielle de la filière chasse aux côtés des associations de fédérations de chasseurs, le maintien de l’équilibre actuel de la composition de son conseil d’administration paraît une nécessité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a rejeté cet amendement car il remet en cause le principe d’une gouvernance adaptée dans les territoires d’outre-mer – nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet dans quelques instants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que la commission. Je demande le retrait de l’amendement puisque son objet, les comités régionaux de la biodiversité en outre-mer, ne correspond pas à l’exposé des motifs, qui fait référence au conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage.

Mme Chantal Berthelot. Absolument !

Mme Ségolène Royal, ministre. En outre, s’agissant du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, le nombre de représentants des chasseurs est fixé à neuf. Ces derniers restent donc majoritaires. Nous avons proposé de faire entrer les collectivités territoriales au conseil d’administration, car les missions de cet établissement public intéressent de près les communes et les départements. En outre, ces collectivités désigneront les membres qui siégeront au conseil d’administration. Or, l’expérience montre qu’elles choisissent également des chasseurs. Rassurez-vous, monsieur le député, ceux-ci continueront donc à regarder de près ce qui s’y passe.

(L’amendement n760 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1465 troisième rectification.

Mme Ségolène Royal, ministre. Il vise à attribuer, en outre-mer, les compétences des comités régionaux de la biodiversité aux comités de bassin. L’article 7 transforme les instances régionales de gouvernance de la trame verte et bleue en instances de gouvernance de la biodiversité, mais ce dispositif ne s’applique pas aux départements et régions d’outre-mer, qui ne disposent pas de comités régionaux « trames verte et bleue ». Il n’existe pas aujourd’hui d’instance d’information sur la biodiversité dans les outre-mer. C’est pourquoi la commission avait décidé par amendement de créer spécifiquement des comités régionaux de la biodiversité dans les outre-mer.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis favorable, il s’agit d’un dispositif extrêmement intéressant pour la gouvernance de la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Il s’agit d’une bonne initiative, qui permettra de fédérer les structures existantes et d’éviter la création d’une structure nouvelle. Il me semble essentiel de disposer d’une structure chargée à la fois de la biodiversité et de la gestion de l’eau. Cependant, le comité de bassin est constitué d’élus mais aussi de personnalités représentant toutes les structures spécialisées sur la question de l’eau. Après l’adoption de ce projet de loi, vous aurez à prendre des mesures réglementaires pour que l’organisation de ces structures réponde à vos objectifs.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Si j’ai bien compris, la commission a prévu de créer des comités régionaux de la biodiversité en outre-mer et, en plus, cet amendement prévoit de donner aux comités de bassin une compétence supplémentaire d’information sur la biodiversité.

M. Serge Letchimy. Les comités de bassin vont remplacer les comités régionaux de la biodiversité !

Mme Chantal Berthelot. Est-ce bien sûr ? Les comités régionaux figurent à l’alinéa 3. Or il me semble que l’amendement vise à compléter l’article par deux alinéas, mais sans supprimer l’alinéa 3. Va-t-il y avoir des comités régionaux outre-mer ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Il n’y a pas de comités régionaux « trames verte et bleue » dans les outre-mer. L’objet de cet amendement est donc de confier aux comités de bassin les missions dévolues aux comités régionaux de la biodiversité créés en métropole. Nul besoin de supprimer quoi que ce soit : il s’agit de confier une compétence nouvelle au comité de bassin.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. L’alinéa 3 de l’article 7, qui vise à créer dans chaque département et région d’outre-mer un comité régional de la biodiversité, a-t-il été supprimé ?

M. Serge Letchimy. Bien entendu !

Mme Ségolène Royal, ministre. J’imagine que oui.

Mme la présidente. Je me permets de vous confirmer que l’objet de l’amendement est bien de modifier la rédaction originelle de l’article.

M. Serge Letchimy. L’alinéa 3 prévoyait la création d’un comité régional de la biodiversité dans chaque département et région d’outre-mer. Cette déclinaison du dispositif au niveau local permettait de régionaliser la gouvernance par rapport au comité national de bassin.

Il me semble que le Gouvernement souhaite, au lieu de créer ces comités régionaux de la biodiversité, confier leurs compétences aux comités de bassin, qui existent déjà. Ces derniers assureront donc les fonctions dévolues aux comités régionaux de la biodiversité : cela me semble extrêmement clair.

L’amendement du Gouvernement prévoit bien de substituer à l’alinéa 3 de l’article 7 deux nouveaux alinéas. Ce qui peut prêter à confusion, c’est qu’il fait mention de l’article L. 213-13-1 du code de l’environnement, qu’il complète. Mais il reprend exactement la même rédaction que pour le comité régional de la biodiversité. Il me semble judicieux de citer cet article L. 213-13-1 pour inscrire cette disposition dans le code de l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’est dans l’esprit des interventions de M. Letchimy et de Mme la ministre que la commission a examiné cet amendement : au lieu de créer un comité régional de la biodiversité, le comité de bassin en fera fonction. En effet, dans les territoires ultramarins, des besoins extrêmement forts ont été identifiés : ils nécessitent d’avancer sur ces sujets qui sont extrêmement imbriqués.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. À travers cet amendement qui concerne l’outre-mer et qui substitue une nouvelle disposition à ce qui avait été voté en commission, on voit bien que nous sommes proches d’une synthèse entre le comité régional de la biodiversité et le comité de bassin. Pour ce qui est de l’outre-mer, les choses sont donc claires.

A contrario, en métropole, les questions du partage des compétences et de la gouvernance entre les comités de bassin et les comités régionaux de la biodiversité se poseront sûrement. Nous aurons certainement d’autres occasions de revenir sur ce sujet au cours de l’examen de ce texte. Je voulais signaler cette difficulté à laquelle nous serons sans aucun doute confrontés en métropole.

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Sur la forme, tout ne me semble toujours pas très clair, mais je veux en venir au fond. Vous créez un espace d’échange, madame la ministre, mais permettez-moi de vous dire que s’agissant de la Guyane, du fait de sa géographie, les problèmes de l’eau, même s’ils leur sont liés, ne peuvent pas être traités de la même façon que ceux relatifs à la biodiversité. Or, dans l’exposé sommaire de votre amendement, vous allez assez loin car il est précisé que le nom du comité de bassin pourra ultérieurement évoluer vers « comité régional de l’eau et de la biodiversité ». Il s’agit peut-être d’une bonne idée, mais qui n’est pas adaptée en l’état actuel à la situation de la Guyane.

(L’amendement n1465 troisième rectification est adopté et les amendements no358, 354, 355, 356, 1130 et 357 tombent.)

(L’article 7, amendé, est adopté.)

Après l’article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n851 portant article additionnel après l’article 7.

M. Joël Giraud. Cet amendement a pour objet d’assurer le suivi des obligations de compensation des maîtres d’ouvrage. En effet, il apparaît souhaitable de disposer, au travers de la création d’un registre national des obligations de compensation, d’un outil qui pourrait être formalisé. Le coût de cet outil serait quasi nul, car il serait financé par les maîtres d’ouvrage.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Elle demande à monsieur Giraud de retirer son amendement, car le Gouvernement défendra un amendement n1490 portant article additionnel après l’article 33 C. Pour plus de transparence, je vous en donne lecture : « Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi, il est créé un système national d’information géographique sur Internet, accessible au public, permettant de géolocaliser les espaces où sont réalisées les obligations de compensation écologique. Les maîtres d’ouvrages fournissent aux services compétents de l’État toutes les informations nécessaires à la bonne tenue de cet outil par ces services. » Les finalités de cet amendement sont identiques à celles de M. Giraud, mais le Gouvernement propose que le financement du système soit public.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je suggère également le retrait. L’amendement du Gouvernement s’intégrera au titre V, dans un nouvel article 33 D. Monsieur Giraud, votre préoccupation est donc parfaitement légitime mais le sujet sera traité au travers de trois articles qui traiteront des compensations écologiques, et notamment de cet article 33 D, qui sera plus complet. Vous aurez donc satisfaction au moment de leur examen.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Je suis donc satisfait par anticipation et retire bien volontiers mon amendement.

(L’amendement n851 est retiré.)

Article 7 bis

(L’article 7 bis est adopté.)

Après l’article 7 bis

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements portant article additionnel après l’article 7 bis. Je vous informe que l’amendement n1239 de M. Cinieri a été déplacé. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n1074.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement prévoit la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement sur l’opportunité d’un transfert de la compétence espaces naturels sensibles aux régions.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Dans un souci de cohérence, la commission a accepté cet amendement. En effet, les régions étant désormais chefs de file en matière de biodiversité, leur transférer la gestion des espaces naturels sensibles paraît une opportunité.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Je suis un peu surprise de la mesure qui nous est proposée. En effet, lors de l’examen en première lecture du projet de loi NOTRe, que nous venons d’achever, nous avons évoqué cette question de la gestion des espaces naturels sensibles et les débats ont plutôt, madame la ministre, infirmé votre position. Il serait souhaitable que, d’une loi à l’autre, nous accordions nos violons, ou en tous cas que la majorité ait une position cohérente sur ce sujet.

(L’amendement n1074 est adopté.)

Article 7 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques, nos 167, 196, 285, 564, 809, 1226 et 1366.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n167.

M. Marc Laffineur. Il s’agit simplement de revenir au droit existant et de ne pas modifier la représentation des chasseurs au sein de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS, étant entendu qu’ils assurent les deux tiers de son financement au moyen de la taxe sur les permis de chasser.

Conserver la représentation actuelle des chasseurs au sein de l’ONCFS s’impose d’autant plus qu’ils sont de grands défenseurs de la biodiversité. Ce sont eux qui assurent la préservation des espèces au sein de nos territoires. Il faut donc leur accorder une juste représentation.

Mme la présidente. Sur l’amendement n167 et les amendements identiques, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n196.

M. Paul Salen. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n285.

M. Martial Saddier. Défendu également.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n564.

M. Philippe Meunier. Madame la ministre, les chasseurs passent leur temps à payer, pour les dégâts du gibier et pour le fonctionnement de l’ONCFS notamment. Et il faudrait maintenant que, pour représenter leur sport – leur art, leur activité, c’est selon – ils laissent leurs places à d’autres ! Ce n’est pas acceptable. Les chasseurs en ont assez. S’ils ne sont là que pour payer, cela va mal finir. Pourtant, le gibier cause de plus en plus de dégâts dans notre pays, alors même que les chasseurs sont de moins en moins nombreux en raison du prix toujours plus élevé des permis de chasser qui justement financent ces dégâts.

Ce sont les chasseurs qui financent l’Office, et on leur demande de diminuer le nombre de leurs représentants au conseil d’administration ! Ce n’est pas acceptable. Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons, par ces amendements, supprimer les alinéas 3 à 5.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n809.

M. Nicolas Dhuicq. Madame la ministre, vous défendez ici un projet de loi relatif à la biodiversité. Il faut rappeler que nombre d’espèces semi-sauvages – la seule espèce sauvage à laquelle nous ayons été confrontés, dans l’est, est le loup, mais ceci est une autre histoire et je sais que vous la connaissez bien… – ne continuent d’exister que parce qu’il y a des hommes et des femmes qui entretiennent les lignes dans les bois et qui participent à la gestion du gibier.

Or votre article 7 ter vise à amplifier la destruction de ces activités : cela revient, en zones rurales, à détruire une des activités humaines maintenant cette biodiversité des espèces animales que votre projet de loi cherche à préserver. Il serait donc raisonnable de prendre en compte nos amendements en vue de défendre les chasseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1226.

M. Dino Cinieri. Le texte adopté par la commission prévoit de ramener à neuf le nombre de représentants cynégétiques au sein du conseil d’administration de l’établissement. Compte tenu des spécificités de l’ONCFS, dont le financement est assuré à près des deux tiers, soit environ 70 millions d’euros, par les redevances annuelles des permis de chasser et dans la mesure où il constitue une composante essentielle de la filière chasse aux côtés des associations de fédérations de chasseurs, le maintien de l’équilibre actuel de la composition du conseil d’administration apparaît comme une véritable nécessité.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n1366.

M. Joël Giraud. Il est retiré.

(L’amendement n1366 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il est évidemment défavorable.

Plusieurs députés du groupe UMP. Pourquoi évidemment ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a en effet repoussé ces amendements. Avant de répondre sur le fond, je rappelle aux députés qui les ont déposés que l’État donne 40 millions d’euros par an à l’ONCFS : il est donc faux de dire qu’il ne participe pas à son financement, que la seule source de financement des chasseurs est constituée par les permis de chasser, et que les chasseurs ne sont pas aidés. Il faut être très clair.

Par ailleurs – nous aurons probablement l’occasion d’en débattre dans peu de temps, et je ne veux pas anticiper – il eût été intéressant que l’Office puisse participer à l’Agence française pour la biodiversité. Visiblement, les chasseurs ont adopté une posture extrêmement différente : ils veulent bien tout faire et tout avoir, mais ils refusent, dans certains cas comme celui que nous examinons, de revoir légèrement la gouvernance de l’Office.

Sur le fond, le dispositif proposé ne change pas grand-chose.

Mme Annie Genevard. Mais si !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il tire simplement les conséquences de la part croissante prise par l’État dans le financement de l’Office ainsi que de l’évolution de ses missions en le plaçant sous double tutelle. Enfin, il rééquilibre, je pense que personne ne peut s’y opposer, la composition de son conseil d’administration en y introduisant des représentants des collectivités territoriales. Il est important, au moment où l’on parle de transparence et de gouvernance, d’ouvrir ce conseil d’administration. Je vous demande donc de rejeter ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Demain a lieu l’assemblée générale de la Fédération nationale des chasseurs. Je m’y rendrai avec plaisir, comme je me suis rendue pendant des années aux assemblées générales des fédérations de ma région Poitou-Charentes, notamment dans les Deux-Sèvres. Dans ces occasions, plusieurs milliers de chasseurs sont rassemblés et ce sont toujours des moments extrêmement chaleureux.

J’ai d’ailleurs toujours pensé, et je le pense toujours, que les chasseurs sont des ardents défenseurs de la nature. C’est souvent grâce à eux, en particulier, qu’on a pu replanter des haies, y compris sur le bord des routes. Or, sans le maillage des haies sans le respect des vallées, des secteurs bocagers, il n’y a plus d’oiseaux. La chaîne de la vie, le tissu du vivant, les chasseurs en sont de parfaits connaisseurs et ce sont des auxiliaires de la politique environnementale, je n’ai pas peur de l’affirmer ici.

M. Martial Saddier. Très bien !

Mme Ségolène Royal, ministre. Comme vous le savez, l’Office national de la chasse n’a pas voulu être intégré à l’Agence pour la biodiversité. Je le regrette parce que les chasseurs ont beaucoup à dire et à faire pour la défense de la biodiversité. Les membres de l’Office souhaitent d’ailleurs signer une convention avec le ministère. Je vais la mettre au point avec eux, notamment s’agissant des implications économiques et des emplois liés aux activités de chasse. En contrepartie, je leur demanderai d’entrer dans la stratégie nationale de défense des pollinisateurs sauvages et des abeilles. Je crois, en effet, qu’il y a quelque chose à organiser sur l’ensemble des réseaux de la nature, que connaissent bien les chasseurs, pour stopper le déclin des pollinisateurs sauvages, qui est un drame pour la biodiversité, et même pour reconquérir la biodiversité.

Si nous faisons évoluer la structure du conseil d’administration de l’ONCFS, à la demande des fédérations d’élus, des communes, des départements et des régions, c’est parce qu’il est logique d’y faire entrer les collectivités locales, qui d’ailleurs signent souvent elles aussi des conventions avec les fédérations de chasseurs.

Il a été convenu de leur laisser la majorité : avec neuf sièges, ils sont en effet toujours majoritaires, d’autant que, ne soyons pas hypocrites, les collectivités territoriales qui auront à désigner leurs représentants au conseil d’administration de l’Office choisiront des chasseurs, c’est-à-dire des gens qui savent de quoi ils parlent. Elles pourront choisir aussi d’autres personnalités, mais en tout état de cause, il est bien évident que la place des chasseurs n’est pas réduite. Inversement, il est important d’assurer une diversité des représentations au conseil d’administration de l’ONCFS car si les chasseurs n’ont pas voulu être intégrés dans l’Agence pour la biodiversité, ce que je respecte tout à fait, j’ai bien l’intention que, sur les territoires, dans le cadre des partenariats avec le ministère de l’écologie, ils travaillent en commun avec ses équipes. C’est l’intérêt du territoire.

Il n’y aura donc pas, côte à côte, d’un côté les chasseurs et leurs salariés s’occupant de la biodiversité et de l’autre les équipes de l’Agence pour la biodiversité. Je souhaite qu’ils travaillent ensemble. En tout cas, je donnerai des instructions en ce sens à l’Agence et ce sera la condition des partenariats qui seront signés par convention entre le ministère de l’écologie et l’Office national de la chasse, et donc avec les fédérations de chasseurs.

Je veux à ce propos saluer leur travail, notamment en milieu rural, pour préserver la nature, faire connaître la vie sauvage et transmettre un certain nombre de savoirs, comme le font d’ailleurs les pêcheurs, qui connaissent parfaitement la question de la gestion de l’eau parce qu’ils sont tous les jours dans ces espaces naturels remarquables et souvent dégradés. Ce sont eux qui ont la mémoire de l’évolution des paysages, de l’évolution de nos vallées, de nos rivières. Ce sont des vigiles des évolutions de la nature et j’entends bien continuer à utiliser cette expertise de terrain, cette proximité du territoire, pour que, grâce aux outils que cette loi va nous donner, nous puissions non seulement stopper la dégradation mais réussir à améliorer la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Si cela ne change pas grand-chose, madame la rapporteure, pourquoi changer ? Ce n’est pas la peine de faire une loi pour ne pas changer grand-chose !

Par ailleurs, madame la ministre, vous connaissez très bien nos territoires et vous savez très bien que tout dépendra des collectivités. Certaines d’entre elles, vous le savez très bien, feront au contraire entrer à l’Office des gens opposés à la chasse. Vous créez les conditions d’une bataille extrêmement préjudiciable, d’une très mauvaise ambiance dans chacun des départements.

En fait, il faut le dire clairement, cette disposition est, de façon déguisée, contre la chasse. Vous voulez diminuer le nombre de chasseurs parce que c’est une question idéologique pour vous, madame la rapporteure.

Mme Martine Lignières-Cassou. Procès d’intention !

M. Marc Laffineur. Je crois que ce sera extrêmement néfaste, que ce sera une très grosse erreur. C’est la raison pour laquelle il faut voter ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame le ministre, je vous ai bien écoutée parler du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et il y a quelques points sur lesquels je ne comprends pas votre argumentation.

Sur le site de l’Office, j’ai vu qu’il y a vingt-deux représentants à son conseil d’administration : quatre représentants de l’État, sept représentants de fédérations départementales de la chasse, deux présidents d’associations de chasseurs, deux personnalités qualifiées dans le domaine de la chasse, deux représentants d’organisations professionnelles agricoles, un représentant d’organisations de propriétaires ruraux, deux représentants d’organismes de protection de la nature et deux représentants du personnel. La moitié est donc fixée à onze. Si vous passez de onze à neuf, j’ai du mal à comprendre comment les chasseurs peuvent toujours représenter la majorité au sein de l’ONCFS.

Si, dans un conseil d’administration de vingt-deux personnes, les chasseurs ont deux représentants de moins et deviennent donc minoritaires alors qu’ils assument les deux tiers du financement de l’Office, n’y a-t-il pas une forme d’injustice ?

Ma seconde question est peut-être un petit peu plus tendancieuse : l’Office national ayant refusé d’intégrer l’Agence de la biodiversité, donner la majorité à d’autres au conseil d’administration n’est-il pas un moyen d’arriver un jour à vos fins, en lui faisant voter dans quelques années son intégration au sein de l’Agence en dépit de l’opposition farouche des chasseurs ?

Sur ces deux points, madame la ministre, j’aimerais que vous clarifiiez votre argumentation.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. C’est très simple, monsieur le député. Comme vous l’avez souligné, le collège le plus important reste celui des chasseurs

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est pas majoritaire !

Mme Ségolène Royal, ministre. On ne touche pas aux autres personnalités que vous avez énumérées, notamment les experts spécialisés en cynégétique. Vous voyez que tous les autres membres de l’Office sont des experts issus du monde de la chasse.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas la même chose !

M. Jean-Marie Sermier. Il ne faut pas confondre un expert et un chasseur !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce sont toutes des personnalités issues du monde de la chasse.

Vous êtes tous des élus de territoire : le minimum, c’est de faire confiance aux communes ! Il est bien évident que les communes rurales vont désigner des personnalités en phase avec les préoccupations de l’Office de la chasse. Il en sera de même pour les départements et les régions.

Le monde de la chasse conserve bien la majorité absolue puisque, en plus des neuf membres représentant les chasseurs, tous les autres sont liés au monde cynégétique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, vous avez tenu des propos très élogieux à l’égard du monde cynégétique et vous avez pris sa défense, mais je ne vois pas de concordance entre ces propos et la modification de la représentation des chasseurs au sein du conseil d’administration qui est proposée. Comme l’a expliqué Julien Aubert, passer de onze à neuf représentants sur un collège de vingt-deux, cela fait une différence considérable. D’ailleurs si tel n’était pas le cas, on ne comprendrait pas pourquoi vous proposez une modification.

Par ailleurs, en donnant l’avis de la commission, madame la rapporteure, vous avez dit qu’il était évidemment négatif. Qu’est-ce que cela signifie ? Ne pouvez-vous « évidemment » pas être favorable au monde de la chasse du fait de l’idéologie qui est la vôtre…

Mme Martine Lignières-Cassou. Procès d’intention !

Mme Annie Genevard. …ou alors n’y a-t-il pas de discussion à avoir sur le sujet puisque, « évidemment », la bonne solution est de passer de onze à neuf ?

Enfin, nous aurions selon vous affirmé que le financement de l’Office était exclusivement assuré par le monde des chasseurs. Ce n’est ni ce que nous avons, dit, ni ce qui est écrit dans l’exposé sommaire des amendements. Nous disons simplement qu’il en assure les deux tiers. Les deux tiers, c’est tout de même la majorité du financement !

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 167, 196, 285, 564, 809 et 1226.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants39
Nombre de suffrages exprimés36
Majorité absolue19
Pour l’adoption17
contre19

(Les amendements identiques nos 167, 196, 285, 564, 809 et 1226 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 231, 964 et 1195.

La parole est à M. Michel Lesage, pour soutenir l’amendement n231.

M. Michel Lesage. La question n’est pas d’être pour ou contre la chasse. Comme l’a rappelé Mme la ministre, l’Office national de la chasse joue un grand rôle dans le domaine de la biodiversité, terrestre en particulier, avec des missions de conservation des espèces et des habitats. Il faut donc en tenir compte puisque ce texte concerne l’action de la puissance publique en général, de l’État aux collectivités locales en passant par de multiples acteurs et partenaires sur le terrain bien entendu. On ne peut vouloir favoriser l’action collective, l’action publique, sans faire évoluer l’Office national. Il avait été suggéré de l’intégrer dans l’Agence française pour la biodiversité. On ne le fait pas. Trouvons donc des modalités permettant à l’Office de représenter davantage l’intérêt général.

Il y a un déséquilibre dans la composition de son conseil d’administration. Cet amendement a donc pour but de réduire le nombre de représentants de l’Office, d’en rééquilibrer la composition au bénéfice de la puissance publique, de l’État en particulier, mais aussi de faire en sorte que le Comité national de la biodiversité soit consulté en amont de toute décision au sein de l’Office national de la chasse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n964.

Mme Laurence Abeille. Nous avons les mêmes arguments, et je remercie M. Lesage.

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n1195.

M. Joël Giraud. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable. Nous venons de changer la composition du conseil d’administration et nous n’irons pas plus loin.

Monsieur Laffineur, les procès d’intention ne sont pas de mise. Il est reconnu depuis la loi Bignon que l’ONCFS et les chasseurs s’intéressent à la biodiversité et travaillent à la préserver, je ne le remets pas en cause. C’est vrai, on le voit sur le terrain. Mais je ne voudrais pas que vous vous focalisiez systématiquement sur les chasseurs parce que ce projet de loi est fait pour tout le monde, les chasseurs mais aussi les agriculteurs par exemple. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Marie Sermier. Ce sont les articles concernant la chasse !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il est important de ne pas stigmatiser qui que ce soit.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Je vais demander le retrait de ces amendements mais je suis contente qu’ils aient été déposés parce que cela éclaire le débat précédent. Ils montrent en effet que laisser aux chasseurs neuf sièges au conseil d’administration de l’ONFCS était une décision qui leur était favorable. La logique et le raisonnement juridique de cette décision sont imparables.

Il s’agit de la gestion d’un impôt. Même si cet impôt est une taxe sur les permis de chasser, c’est quand même un prélèvement public. L’État a donc toute légitimité à disposer d’une majorité au sein du conseil d’administration de l’Office. Ces amendements prouvent d’ailleurs que la part des chasseurs reste très importante, contrairement à ce que vous avez dit tout à l’heure. Je demande leur retrait, compte tenu du vote précédent.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Madame le ministre, je ne vous comprends pas. Tout à l’heure, vous nous avez affirmé, les yeux dans les yeux, que les représentants cynégétiques restaient majoritaires dans le conseil d’administration. L’article L. 421-1 du code de l’environnement qui doit être modifié dispose que « Le conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage est composé de vingt-deux membres dont la moitié sont des représentants issus des milieux cynégétiques. » Vous avez remplacé « la moitié » par « neuf ». Soit vos services vous ont menti, soit vous avez été intoxiquée par une mauvaise information mais pour ce qui est des précédents amendements, le Parlement s’est bel et bien prononcé en fonction de mauvaises données : la rédaction actuelle du texte réduit bien la part des milieux cynégétiques dans le conseil d’administration, puisqu’ils seront représentés par neuf personnes, et non plus onze, sur vingt-deux.

Les auteurs des présents amendements posent les choses de manière plus claire et plus transparente, en demandant que la sphère publique représente une majorité dans le conseil. Nous y sommes opposés. En effet, dès lors que le monde de la chasse représente les deux tiers du financement de l’Office, il doit y disposer au moins de la majorité. Sur un budget de 120 millions d’euros, 70 millions proviennent des redevances sur la chasse. Ce sont ces chiffres qui fondent notre argumentation depuis le début : ceux qui paient ont le droit de décider des destinées de l’Office ! Cela nous semble un grand principe. Les écologistes l’appellent le principe du pollueur-payeur, et cela marche aussi en sens inverse : celui qui finance a un peu le droit de se prononcer, à un moment donné, sur la manière dont le budget est dépensé. C’est un grand principe de la démocratie. Dans ce cas, il serait sage de l’appliquer, et c’était bien l’intention initiale.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame le ministre, vous appartenez à un gouvernement qui a produit, il y a encore deux semaines à peine, un texte de loi de recentralisation. Après avoir mené une politique macroéconomique qui a affaibli la France et qui est catastrophique pour les salariés de ce pays, qu’ils soient fonctionnaires ou qu’ils travaillent dans le privé, vous cherchez, par tous les moyens, à récupérer de l’argent et à recentraliser. Vous procédez bien, cet après-midi, à une recentralisation de l’Office national de la chasse, en écartant du pouvoir de décision ceux qui connaissent le mieux leur territoire et leurs activités.

Nos territoires étant très variés, il y a, parmi les représentants des chasseurs, des représentants de techniques totalement différentes, qui gèrent des espèces totalement différentes. Votre décision va conduire à une raréfaction de ces chasseurs. Vous allez faire disparaître petit à petit certaines pratiques et la voix de territoires ruraux, qui ne seront plus représentés, s’éteindra. Une fois de plus, comme avec le projet de loi NOTRe, vous recentralisez les organes de décision et vous les suradministrez. C’est exactement ce à quoi les Français diront non dimanche prochain.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Madame la ministre, honnêtement, il y a de quoi nous interroger, car vous semblez un peu perdue. Il y a cinq minutes, vous avez dit que les chasseurs resteraient majoritaires. Maintenant, après le vote des amendements, vous dites que les chasseurs ne sont plus majoritaires et que c’est normal. Nous aimerions comprendre. Je ne vous crois pas assez diabolique pour nous dire une chose et son contraire en moins de cinq minutes en les pensant sincèrement. Dans votre discours, vous disiez votre amour des chasseurs et de la chasse. Nous voulons bien vous croire,…

M. Dino Cinieri. Prouvez-le !

M. Philippe Meunier. …mais il faut que vos paroles soient en accord avec vos actes ! En moins de cinq minutes, vous avez dit tout et son contraire !

Et les amendements de Mme Abeille justifient notre inquiétude. Car s’il y a des élus, de la majorité comme de l’opposition, qui sont des élus de bon sens, des élus de terrain, non dogmatiques, il y en a d’autres qui sont dogmatiques ! En modifiant la composition des conseils d’administration, vous allez introduire le conflit au sein de l’ONCFS. Tout le monde doit en être conscient. Nous ne remettons pas en cause les élus de la majorité, mais certains sont parfois un peu dogmatiques – ils se déplacent même avec des caméras cachées ! Il faut faire attention, car il s’agit d’un dossier important qui concerne des millions de nos compatriotes. Le droit de chasse a été acquis avec la Révolution française. Nous devons garder les pieds sur terre. Madame le ministre, soyez en accord avec vos propos, d’autant que je suis persuadé que vous y croyez. Ne rentrez pas dans ce jeu-là et laissez aux chasseurs la majorité au sein de l’Office. Je vous en remercie.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Soyons précis une bonne fois pour toutes, car je ne voudrais que vous ayez l’impression de manquer de clarté. Nous passons en effet de onze à neuf représentants des milieux cynégétiques. Actuellement, sur ces onze représentants, il y avait sept présidents de fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs. Désormais, il y en aura cinq. Il y a également, et il y aura toujours, deux présidents d’associations de chasse spécialisée, qui sont chasseurs, et deux personnalités qualifiées dans le domaine de la chasse et de la faune sauvage. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Voilà qui fait neuf.

M. Jean-Marie Sermier. Ce ne sont pas des chasseurs !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce sont des experts ! Vous ne pouvez pas restreindre les chasseurs à leur activité de chasse alors que vous voulez souligner l’intérêt général de la connaissance de la nature et de la reconquête de la biodiversité !

Il y a également deux représentants d’organisations professionnelles agricoles et forestières.

M. Jean-Marie Sermier. Ce ne sont pas des chasseurs !

Mme Ségolène Royal, ministre. Vont-ils nommer des anti-chasseurs ?

M. Jean-Marie Sermier. Peut-être !

Mme Ségolène Royal, ministre. Non ! Il y a également un représentant d’organisation de propriétaires ruraux…

M. Philippe Meunier. Ce peuvent être des urbains qui possèdent une résidence secondaire !

Mme Ségolène Royal, ministre. …et quatre représentants de l’État, lequel n’est ni pro-chasse, ni anti-chasse : il est le garant de l’intérêt général. Nous en sommes donc bien à plus de onze représentants des milieux cynégétiques, soit une part prépondérante dans le conseil. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est incroyable !

M. Julien Aubert. Alors là, bravo !

Mme Ségolène Royal, ministre. Cette question est essentielle et la façon dont nous délibérons l’est également, car ce sont des sujets de société très importants. Nous devons encourager l’élargissement de la compétence du monde de la chasse afin de mieux répondre aux enjeux majeurs de ce projet de loi, notamment la reconquête de la biodiversité. Il est important que nous puissions mener sur place des politiques contractuelles avec des chasseurs qui connaissent parfaitement leur territoire, les trames verte et bleue et la réalité de la faune sauvage. C’est une compétence qu’ils apprennent sur le terrain et qui possède une valeur irremplaçable. Mais, pour répondre à ces nouveaux enjeux, il est tout à fait cohérent de diversifier l’origine des membres du conseil d’administration, sans en bouleverser la structuration.

Votre posture, qui joue sur le rapport de force, n’a aucun sens puisque nous avons, dans cette assemblée, la majorité pour voter des dispositions qui ont, par ailleurs, été proposées par des parlementaires de la majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est un choix d’équilibre qui est fait. Je l’assume complètement. Personne ne doit être mis à l’écart des évolutions nécessaires, de l’intelligence collective que nous mettons en place, des nouveaux partenariats qui vont être créés pour relever le défi considérable qui consiste à stopper la dégradation de la biodiversité et à la reconquérir. Tous ceux qui agissent et qui connaissent la nature sont les bienvenus pour participer à ce grand défi.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, excusez-moi de cette formulation, mais vous cherchez à nous embrouiller un peu. La réalité est là : dans un organisme qui est celui des chasseurs, la représentation des milieux cynégétiques passe de onze à neuf. On diminue donc le poids des chasseurs dans leur propre organisme.

Mme Ségolène Royal, ministre. Mais non !

M. Julien Aubert. Assumez-le !

Mme Annie Genevard. C’est la réalité ! Il faut que vous l’assumiez. Vous diminuez le poids des chasseurs. Or, ce n’est ni justifié, ni même juste au regard de l’enjeu de biodiversité, dont les chasseurs sont des acteurs essentiels.

(Les amendements identiques nos 231, 964 et 1195 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur l’amendement n811, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir cet amendement n811.

M. Nicolas Dhuicq. Madame le ministre, vous avez été remarquablement formée : on dirait du Vladimir Ilitch dans le texte ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Nicolas Dhuicq. Votre dernière déclaration est fabuleuse : il ne sert à rien d’avoir des parlementaires d’opposition pendant cinq ans puisque, comme vous êtes majoritaires et nous minoritaires, nous avons forcément tort ! La démocratie, c’est de la démographie… Nous verrons quelle sera la démographie dimanche soir.

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous légiférons pour les dix années qui viennent, pas pour les trois prochains jours !

M. Nicolas Dhuicq. Je crains malheureusement qu’elle ne soit pas celle que les partis présents dans l’hémicycle attendent, et je redoute pour la France la venue de périodes extrêmement difficiles. Mais revenons à nos moutons.

M. Julien Aubert. À nos lapins !

M. Nicolas Dhuicq. À nos chevreuils, nos cerfs et nos sangliers… Donc, vous allez supprimer deux territoires dans la représentation, au moment même où votre gouvernement recentralise avec une loi de décentralisation, au moment même où, régionaliste vous-même, vous parlez de la « diversité » de la France – terme qui, à force de ne pas être appliqué, est devenu très à la mode, comme « stigmatiser ».

La chasse est une pratique populaire sur l’ensemble des territoires de France et de Navarre. Le fait de connaître la biologie des espèces n’est naturellement pas réservé, heureusement, aux seuls chasseurs. Alors si le « ou » de votre explication avait été inclusif ou, pour le dire plus clairement, si les experts étaient en même temps des chasseurs, nous aurions pu entendre votre proposition. Mais aujourd’hui, en jouant très habilement sur les mots, vous faites sortir progressivement les chasseurs de la majorité au sein de l’établissement dont nous débattons.

Vous préparez ainsi, fort intelligemment, une véritable révolution qui mènera, à terme, à une reconcentration du pouvoir par l’État et à une diminution du pouvoir décentralisé, comme avec la loi NOTRe. Vous faites en sorte que ceux-là mêmes qui gèrent les espèces semi-sauvages et qui paient l’impôt deviennent minoritaires.

Il faut bien dire aux Français que vous supprimez deux postes de chasseurs. On peut faire des tas d’additions, on peut dans certains conseils de professions de santé par exemple augmenter le nombre des paramédicaux et diminuer celui des médecins en disant que c’est la même chose, mais ce n’est pas vrai. Ce n’est pas du tout la même chose de supprimer deux postes de président de fédération régionale et de les remplacer par des experts qui ne seront pas forcément, quelles que soient leurs qualités personnelles et intellectuelles, des chasseurs.

Ne nous faites pas prendre des vessies pour des lanternes. Vous êtes en train d’embrouiller, fort habilement, la représentation nationale et de pousser votre majorité à adopter un texte qui va progressivement détruire la philosophie même de l’Office national de la chasse.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable. Je rappelle que personne n’est propriétaire d’une structure, surtout lorsque le contribuable français y participe. La subvention du ministère de l’écologie, qui vient de l’ensemble des contribuables, même de ceux qui ne sont pas chasseurs, s’élève à plus de 40 millions d’euros. Vous comprendrez maintenant que vos polémiques n’ont pas lieu d’être, qu’elles sont totalement décalées et qu’elles ne sont que des propos pré-électoraux.

M. Serge Letchimy. Exactement !

Mme Ségolène Royal, ministre. En effet, cela fait trois fois que vous évoquez la période électorale.

M. Philippe Meunier. C’est scandaleux !

Mme Ségolène Royal, ministre. Mesdames et messieurs les députés, nous légiférons pour les dix ans qui viennent, pour la reconquête de la biodiversité, et non pour les trois prochains jours.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen.

M. Paul Salen. Madame la ministre, vous cherchez véritablement, pour rester poli, à nous enfumer et vous vous êtes vous-même embrouillée dans vos explications qui ne sont pas très claires. Par ailleurs, sans faire de politique politicienne, il est inacceptable de nous dire que ce n’est pas la peine que nous débattions ni n’apportions d’arguments. Puisque la majorité actuelle et le Gouvernement ont décidé, nous n’aurions qu’à nous taire ? Si c’est cela, il faut le dire aux Français et aux personnes qui sont dans les tribunes. Nous pouvons aussi quitter cette salle, ce serait une solution pour que le débat aille plus vite !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Geoffroy.

M. Guy Geoffroy. Mme la ministre, je vous prie de m’excuser de revenir sur les propos que vous avez tenus tout à l’heure, mais j’ai précisément en mémoire, et le compte rendu de notre séance en fera foi, ce que vous avez dit. Vous avez évoqué les trois catégories de représentants des chasseurs parmi les onze membres actuels, en parlant très brièvement de la première, qui passe de sept à cinq représentants, puis de la deuxième, qui reste à deux représentants – cinq plus deux égale sept – et de la troisième qui fait de même – ce qui fait neuf. Mais vous avez poursuivi avec des représentants qui ne font pas partie des onze chasseurs actuels pour nous faire croire que vous ne changez rien !

Vous changez quelque chose, alors assumez-le. Je ne suis pas chasseur, mais j’ai de l’estime pour cette belle tradition de notre pays qu’est la chasse. Je ne défends aucun intérêt particulier, je défends la cohérence et le fait d’assumer ce que l’on dit. Vous avez déclaré que l’on allait passer de sept à cinq représentants des fédérations, et donc de onze à neuf chasseurs. Assumez-le et reconnaissez que la représentation du monde de la chasse sera diminuée dans des proportions substantielles puisque cela conduira, selon vos propres termes, à lui retirer la majorité pour la donner aux représentants de l’État, au motif que l’Office perçoit des impôts.

À ce propos, si l’on regardait toutes les instances qui sont financées par de l’argent public, directement par l’impôt ou indirectement par les taxes dédiées, et si l’on appliquait la logique vous venez de présenter, je pense que l’on aurait quelques surprises. Vous avez bel et bien reconnu qu’il y aurait une diminution de deux représentants. Assumez-le, ne prétendez pas que c’est le maintien de la situation actuelle.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Heureusement qu’il y a tout de même une opposition ! Notre rôle est justement de clarifier les choses, pour bien montrer quelle est la volonté du Gouvernement et de la majorité.

M. Guy Geoffroy. Bien sûr !

M. Marc Laffineur. Ne nous écartez pas du revers de main, madame la ministre, en disant que puisque vous êtes majoritaires, vous pouvez faire ce que vous voulez.

Mme Martine Lignières-Cassou. Nous n’avons jamais dit cela !

M. Marc Laffineur. Notre rôle est de bien montrer que votre volonté finale est d’affaiblir le monde de la chasse et que votre disposition est bien idéologique.

Mme Ségolène Royal, ministre. J’ai dit le contraire !

M. Marc Laffineur. Vous dites que l’État doit être représenté à l’ONCFS, et nous sommes bien sûr d’accord, personne ne le remet en cause. Mais c’est bien le monde de la chasse qui finance majoritairement l’Office ! C’est la raison pour laquelle nous demandons que ses représentants y siègent non pas en majorité, mais au moins à égalité, comme actuellement. Tout en essayant de noyer le poisson sous vos chiffres, vous êtes bel et bien en train de diminuer la représentativité de la chasse. Dites-le clairement. Nous, en tout cas, nous démontrons clairement que c’est ce que vous êtes en train de faire.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je vais vous donner la position du groupe UDI. Nous sommes désespérés devant l’insuffisance des moyens dévolus aux organismes d’expertise en France, d’autant plus désespérés au regard des moyens consacrés à la recherche par ailleurs. Du coup, il n’est guère étonnant que l’on prenne ensuite des décisions infondées. J’ai toujours en tête, dans un autre domaine, l’étude du professeur Séralini : il aurait suffi de doubler le budget pour qu’elle ne puisse être contestée ! Mais l’ANSES n’avait pas reçu le budget nécessaire, et tout le monde en est resté à la controverse. Ayons donc bien en tête que l’un des drames de notre pays, c’est l’insuffisance des moyens alloués aux organismes d’expertise.

Au premier drame que je viens d’évoquer s’en ajoute un second dans le domaine de la biodiversité, à savoir qu’il y a un nombre exceptionnel d’organismes d’expertise et que beaucoup, contrairement à ce qu’on pense, ne se parlent pas si souvent, et même rendent parfois des expertises différente. En effet, vous le savez tous : qui paye commande ! Voyez la question des cormorans – je suis d’une famille de chasseurs : pour les chasseurs, la question est très tranché alors que c’est complètement différent pour les autres organismes d’expertise ! Cherchez l’erreur…

Je regrette que ce texte ne crée pas une grande agence de la biodiversité. Il est vrai que ce serait très difficile à mettre en place. Nous ne réclamons pas le regroupement de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et de l’Office national des forêts avec la future Agence pour la biodiversité, dont les compétences sont réduites malheureusement aux milieux aquatiques. Mais nous revendiquons la possibilité de passerelles, dans ce moment où les organismes d’expertise disposent de moins en moins de moyens.

C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous sommes favorables à votre proposition faite en commission d’ouvrir légèrement le conseil d’administration de l’ONCFS. Ce ne serait pas un tremblement de terre, juste donner aux gens la possibilité de causer ! À cet égard, nous allons soutenir une série d’amendements visant à établir un minimum de liens entre tous les acteurs concernés. Le fait qu’ils puissent se réunir régulièrement permettrait d’aboutir à des expertises beaucoup plus solides et il y aurait nettement moins de controverses dans le domaine de la biodiversité.

C’est pourquoi, avec beaucoup de regret, je ne m’associerai pas à l’amendement défendu par mes collègues du groupe UMP.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n811.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants44
Nombre de suffrages exprimés44
Majorité absolue23
Pour l’adoption22
contre22

(L’amendement n811 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n812.

M. Nicolas Dhuicq. On voit bien qu’à force de plaider, l’on arrive à ouvrir les esprits et à amener un retour à la raison.

Ce ne sont pas des propos électoralistes, madame la ministre, que j’ai tenus. J’exprime ici une extrême inquiétude par rapport à la situation du pays – au fait que peut-être seulement 30 % des Françaises et des Français se déplaceront aux urnes dimanche, et que l’ensemble des partis traditionnels vont certainement se trouver bouleversés. Je ne vous le dis pas de gaieté de cœur. D’ailleurs, vous le savez pertinemment : je ne doute pas que vous ayez déjà, dans vos états-majors, planifié la suite des opérations.

Aujourd’hui, l’Office national de la chasse représente l’ensemble des territoires et des modes de gestion cynégétique. Il constitue une grande richesse pour la nation française. Avec votre loi, vous êtes en train de faire disparaître cette richesse, de progressivement étatiser l’Office – j’allais dire « l’administrativer ». C’est déjà exactement ce que fait votre gouvernement depuis des semaines avec la loi NOTRe, et les réponses que vos collègues donnent lors des questions au Gouvernement vont dans le même sens.

Madame la ministre, il est très sympathique de montrer le talent de Vladimir Ilitch quand vous vous exprimez, mais quand les députés vous parlent, il le serait tout autant de les écouter. Vos conseillers sont certainement doués, mais c’est à chacun son tour d’échanger des compliments dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’amendement que je défends ne détruirait en rien l’architecture globale de votre projet de loi ni l’argumentaire exposé par mon excellent collègue Bertrand Pancher : c’est un amendement de raison qui, de la part de l’ancienne SFIO que vous êtes, un parti encore largement présent dans les territoires, devrait être compris. Vous devriez entendre la voix des territoires ruraux, la voix des différents chasseurs, donner à ces régions de France la position qui leur revient dans l’Office national de la chasse ! Venant de l’excellente région de Charentes-Poitou que je connais très bien, vous devriez pouvoir écouter la voix des chasseurs ! Revenez à la raison et ne nous bernez pas par vos beaux discours et votre joli sourire. Vous nous embobinez, madame la ministre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Tout d’abord, je tiens à revenir sur un point qui m’inquiète, madame la ministre. Vous avez fait l’énumération des différents membres du conseil d’administration en semblant dire que les professions agricoles ou les propriétaires ruraux étaient forcément des chasseurs. Non ! Je suis un député rural, j’habite à la campagne, mais cela ne fait pas de moi un agriculteur ni un chasseur. Lorsqu’on parle des domaines cynégétiques, il s’agit des chasseurs, par conséquent des représentants des fédérations départementales. À l’heure où votre gouvernement redécouvre la ruralité en s’y déplaçant en masse, il serait tout de même bon de ne pas mettre tout le monde dans le même sac. Si l’on a tenu à distinguer différents types de représentants, c’est justement parce qu’ils sont représentatifs de sensibilités différentes.

Deuxièmement, vous nous avez expliqué qu’avec 40 millions d’euros sur 110, l’État aurait la majorité. Je pense que le ministre des finances rêverait que l’État puisse prendre le contrôle de n’importe quelle entreprise avec une participation minoritaire ! En l’occurrence, détenir 60 % des droits de vote à l’ONCFS en assurant 33 % de son financement, c’est tout de même fort de café.

Enfin, vous n’avez pas répondu à ma question sur le vote qui s’est tenu à partir de fausses informations. Je veux bien vous pardonner, parce que je veux croire que vous vous êtes trompée de bonne foi, mais je m’interroge tout de même sur un point : dès lors que les chasseurs vont devenir minoritaires, il faut bien avoir conscience que bien qu’ils aient refusé d’intégrer l’Agence française pour la biodiversité, le conseil d’administration de l’Office pourra à l’avenir voter pour rejoindre cette agence, avec l’apport des voix des collectivités territoriales et des représentants désignés hors le monde de la chasse. Les chasseurs intégreront donc contre leur avis l’Agence, qui récupérera au passage le produit des financements des sociétés de chasse.

Voilà pourquoi, madame la ministre, je considère que c’est une mauvaise orientation et j’appelle mes collègues, y compris mes collègues de gauche, à s’opposer à cette mesure infondée.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Quoique vous disiez, madame la ministre, nous parlons bien de l’Office national de la chasse. Il s’intéresse donc évidemment à tout ce qui relève de la cynégétique. Vous nous expliquez que réduire de deux membres les représentants des chasseurs ne réduirait pas leur influence. Nous ne pouvons l’accepter.

Si au moins les chasseurs restaient à l’étiage actuel, ce serait acceptable. Si différentes catégories de représentants ont été établies, à l’origine, c’est parce qu’il y a des différences : les agriculteurs ne sont pas forcément des chasseurs, et les spécialistes de la nature non plus ! Par conséquent, en réduisant le nombre de chasseurs, vous réduisez l’influence de la chasse dans l’Office national de la chasse. Il ne s’agit pas d’un problème d’ordre politique mais d’une question de fond.

On ressent dans votre attitude une volonté de réduire l’influence des chasseurs dans cet organisme. Pensez-vous que cela leur fera plaisir ? Non. Pensez-vous que cela peut provoquer des réactions qui risquent de perturber le monde rural ? Oui. Attendez-vous à des réactions si, d’ici au Sénat, vous ne rétablissez pas l’équilibre normal qu’on est en droit d’attendre. Et surtout ne prétextez pas que les autres catégories représentent les chasseurs, ce n’est pas vrai ! Assumez la vérité de votre décision : elle est contre le monde de la chasse.

Mme la présidente. Sur l’amendement n812, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Je reviens, madame la ministre, sur le décompte que vous avez fait des futurs membres du conseil d’administration : cette nouvelle composition prouve que vous portez un regard très politique sur la question. Je rappelle en effet, et j’en parle en connaissance de cause, que les agriculteurs sont très souvent en opposition avec les chasseurs, ne serait-ce qu’à cause des dégâts de gibiers, de plus en plus nombreux dans les départements ruraux. On voit bien qu’agriculteurs et chasseurs autour d’une même table ne défendent pas toujours les mêmes idées. C’est ainsi un geste politique fort que vous accomplissez à l’encontre des chasseurs en faisant passer le nombre de leurs représentants de onze à neuf.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n812.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants50
Nombre de suffrages exprimés49
Majorité absolue25
Pour l’adoption26
contre23

(L’amendement n812 est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 448 et 449, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour les soutenir.

M. Bertrand Pancher. Les deux amendements se ressemblent en effet. Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, n’englobe pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – ONCFS –, or celui-ci doit être un acteur majeur de la biodiversité. L’amendement n448 vise donc à impliquer plus directement les acteurs de la chasse dans la protection de la biodiversité en prévoyant que le futur CNB puisse émettre un avis simple sur les programmes pluriannuels de développement et d’investissement de l’ONCFS.

Quant à l’amendement n449, répondant à la même logique, il tend à faire en sorte que le CNB puisse rendre un rapport sur le bilan des programmes pluriannuels de développement et d’investissement de l’ONCFS pour voir si celui-ci a tenu ses engagements en termes de biodiversité. Il s’agit d’un amendement d’appel visant à inclure davantage les acteurs de la chasse dans la lutte contre la destruction des écosystèmes et surtout à faire travailler ensemble les grands organismes d’expertise.

J’évoquerai rapidement une anecdote à ce sujet qui pourrait peut-être vous inspirer une initiative similaire à la mienne, mes chers collègues de l’UMP. Il y a trois ans, j’ai réuni tous les organismes d’expertise en matière de biodiversité afin de comprendre pourquoi les uns émettaient des avis diamétralement opposés à ceux des autres. Comment, en effet, mener des politiques publiques si un organisme censé être expert formule telle observation et réclame tel type d’action au contraire de ce que préconise un autre ? J’ai alors été très étonné de constater que les organismes d’expertise ne travaillaient pas ensemble, et c’est toujours le cas. Mon amendement n’a rien de révolutionnaire et nous n’allons pas dicter les conduites à tenir. J’en présenterai d’autres relatifs à l’Office national des forêts qui sont similaires afin que nous soyons en mesure d’émettre des avis à propos des programmes de recherche des organismes d’expertise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’idée est intéressante, mais je vous rappelle, monsieur Pancher, que nous avons introduit hier dans le texte la possibilité de l’auto-saisine du CNB sur certains sujets. Peut-être cette évolution vous a-t-elle échappé, mais le Gouvernement nous a ainsi permis de faire une très grande avancée. Grâce à l’auto-saisine, le CNB pourra parfaitement traiter les sujets que vous évoquez. Avis défavorable aux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je retire les amendements puisque ce qu’ils proposent sera maintenant techniquement possible d’après Mme la rapporteure.

(Les amendements nos 448 et 449 sont retirés.)

(L’article 7 ter, amendé, est adopté.)

Après l’article 7 ter

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 7 ter.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n1000.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à confier aux fédérations de chasse une mission de lutte contre le braconnage qui est non pas un mode de chasse, mais plutôt un prolongement de celle-ci en dehors des périodes d’ouverture. C’est une chasse avec des armes interdites dans des espaces protégés et qui vise des espèces protégées. On peut notamment évoquer l’ortolan, espèce protégée massivement braconnée dans le Sud-Ouest.

M. Nicolas Dhuicq. Et prisée de Mitterrand !

M. Julien Aubert. C’est du braconnage électoral ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laurence Abeille. On assiste même en certains endroits au développement d’une sorte de braconnage toléré par l’État. Il nous semble indispensable, au nom du respect de la biodiversité, de la responsabilisation des chasseurs et de la reconnaissance de ceux qui respectent les règles, que l’ONCFS ou l’AFB luttent contre de tels agissements.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le braconnage est en effet un problème particulier. Je rappelle néanmoins à Mme Abeille que la police de l’environnement comme la police nationale ont vocation à le traiter. Nous en parlerons probablement plus tard. Le rapport d’évaluation de la police de l’environnement qui vient d’être publié identifie les rôles de chacune. Il est donc urgent de réfléchir sur la manière de progresser dans de bonnes conditions, le braconnage étant réprimé par la loi. Cet amendement a été repoussé par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable. Il n’est pas possible de fixer une obligation aux fédérations départementales de chasseurs en termes de lutte contre le braconnage, qui relève de la police de l’environnement. Par ailleurs, il n’est pas utile de rappeler ce qui est déjà inscrit dans la loi au sujet des missions d’information, d’éducation et d’appui technique qu’assurent les gestionnaires des territoires et les chasseurs dans le cadre des fédérations départementales. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Il faut bien entendu lutter contre le braconnage, personne ne peut s’y opposer. Mais tel n’est tout de même pas le rôle des chasseurs ! On leur demande déjà de payer pour les dégâts du gibier ou pour l’Office national de la chasse ! Il faut savoir raison garder. La lutte contre le braconnage relève de l’État et de la police de l’environnement, en aucun cas des chasseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Je rappelle à notre assemblée que le braconnage n’est pas un acte de chasse et que le braconnier n’est pas un chasseur ; c’est un délinquant. Vous me semblez tout confondre, madame Abeille, et avoir une image un peu déformée de la chasse et des chasseurs. Il serait bon d’ouvrir les yeux et d’aller sur le terrain. Je vous invite à venir chasser et vous verrez que les chasseurs ne sont pas des braconniers.

M. Yves Nicolin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Vous savez bien que certains adhérents de fédérations de chasse sont par ailleurs des braconniers et que certaines fédérations ont eu des problèmes ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Julien Aubert. Cessez de faire des amalgames !

M. Philippe Gosselin. Et des chasseurs des boucs émissaires !

Mme la présidente. Restons calmes, mes chers collègues. Seule Mme Abeille a la parole, vous lui répondrez ensuite.

Mme Laurence Abeille. Des événements se sont produits. J’en parle très tranquillement et sans animosité, contrairement à vous, chers collègues de l’UMP, qui faites preuve d’une agressivité assez extravagante dans ce débat tout à fait sérieux. Il importe de définir les missions des fédérations de chasse. Précisons que c’est depuis la loi n2000-698 du 26 juillet 2000 relative à la chasse que les fédérations de chasse n’ont plus pour obligation de lutter contre le braconnage. Notre proposition consiste simplement à restaurer cette obligation car il semble naturel que les chasseurs soient investis de cette mission. Cela permettrait en outre de responsabiliser certaines fédérations et de mieux reconnaître les chasseurs qui respectent les règles, voire de les valoriser alors même que des doutes planent sur ce qui se passe dans certaines régions.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. L’intervention de Mme Abeille soulève deux questions. Tout d’abord, dans toute activité humaine et toute profession, on trouve une immense majorité de gens exerçant honnêtement leur métier par opposition à une petite minorité, y compris des ministres socialistes déclarant la main sur le cœur dans cet hémicycle qu’ils n’ont jamais transgressé la loi et jamais mis d’argent de côté dans des pays européens mais n’appartenant pas à l’Union européenne !

M. Julien Aubert. Les yeux dans les yeux !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous parlons ici de biodiversité !

M. Nicolas Dhuicq. Il y a même des députés socialistes qui ne paient pas leurs impôts, paraît-il, ce qui fait tort à toute la fonction politique nationale et amène à voter des lois de plus en plus liberticides dégradant à terme le statut du député au désavantage de la République comme des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Plisson. Et Balkany, il paie ses impôts ? C’est minable !

Mme la présidente. Veuillez-vous en tenir au fond du débat, monsieur Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. La seconde question soulevée par notre collègue est plus sérieuse. Dans une société moderne, c’est à l’État que nous, citoyens, déléguons la fonction d’exercer la violence lorsqu’elle est nécessaire au maintien de l’ordre public. Les chasseurs n’ont pas cette fonction. Il n’est donc pas question de leur faire exercer une mission profondément régalienne pour laquelle il existe des corps dont les agents portent un uniforme vert dans lequel on peut voir une référence à une brillante période de l’histoire de France à laquelle je suis à titre personnel profondément attaché, comme chacun sait dans cet hémicycle. Il est inconcevable de confier à des personnes exerçant leur loisir en toute légalité, dans des conditions de sécurité de plus en plus drastiques pour éviter les accidents, la fonction de violence qui doit reposer exclusivement sur les épaules de la puissance publique. Si nous adoptions ce type d’amendement, nous entamerions une dérive que beaucoup ici ont dénoncée au sujet d’autres textes.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Pour lutter contre le braconnage, vous venez de parler d’acte de violence, mon cher collègue. Je n’avais pas envisagé que c’était à coups de fusil que vous alliez le faire !

(L’amendement n1000 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n1001.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à soumettre la liste des espèces dont la chasse est autorisée à l’avis de l’Agence française pour la biodiversité et du Muséum national d’histoire naturelle.

Afin de préserver les espèces en mauvais état de conservation, la chasse ne peut être autorisée que sur les espèces en bon état de conservation. Il est important de confier l’établissement de cette liste à des institutions ayant la connaissance scientifique de l’état de conservation des espèces, liste qui sera révisée périodiquement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a repoussé cet amendement. Le Muséum d’histoire naturelle et l’État inscrivent déjà sur une liste des espèces gibier celles que l’on peut chasser ou non, et l’on peut retirer une espèce de cette liste si elle n’est pas en assez bon état de conservation.

En fait, vous voulez ajouter une charge à l’Agence française pour la biodiversité en voulant lui soumettre cette liste pour avis. Cela n’apportera rien et fera perdre du temps. Les personnels du Muséum national d’histoire naturelle sont, au même titre que l’État, compétents en la matière.

M. Bertrand Pancher. C’est le bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’amendement de Mme Abeille vise à renforcer le rôle du Muséum national d’histoire naturelle, grand organisme d’expertise, au détriment de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, lequel est également un grand organisme d’expertise.

Je le répète, chers collègues, le drame dans notre pays, notamment en matière de biodiversité, c’est de voir autant d’organismes d’expertise ne pas se parler. Comment ne pas être favorable à la création de passerelles et à l’ouverture progressive des gouvernances des uns et des autres ?

Je ne voterai évidemment pas cet amendement car il ne sert à rien d’opposer un organisme d’expertise à un autre, mais nous sommes au cœur du débat qui nous anime en cette fin d’après-midi.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. On voit bien quelle est l’idéologie à l’œuvre avec cet amendement. Après être sorti par la porte, on essaie de revenir par la fenêtre. Voilà une nouvelle tentative de donner davantage de pouvoir à l’Agence française pour la biodiversité au prétexte que les chasseurs et l’État ne sont pas capables de faire ce qu’il faut alors que les chasseurs ont montré qu’ils étaient les premiers défenseurs des espèces animales. C’est ainsi grâce à eux que le chevreuil, le sanglier et beaucoup d’autres espèces sont revenus en France, parce qu’ils ont pris garde à ne pas tuer les animaux qui étaient présents en trop faible quantité.

(L’amendement n1001 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 450 et 451, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour les soutenir.

M. Bertrand Pancher. Je retire l’amendement n450, mais je maintiens le 451 car j’avais hâtivement retiré l’amendement n449. L’objectif est de permettre au Comité national de la biodiversité de rendre un rapport sur le bilan du contrat pluriannuel passé entre l’État et l’Office national des forêts.

On veut coordonner les actions, tant mieux. Mais il est important que le Parlement puisse s’emparer de cette coordination.

(L’amendement n450 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n451 ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable. Le travail du Comité national de la biodiversité est public. On aura donc obligatoirement connaissance de tout ce qui s’y passe, y compris des travaux réalisés dans le cadre d’une auto-saisine.

(L’amendement n451, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 8

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 8.

La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Le 29 octobre 2014, lors de la réunion du Comité de suivi de la stratégie nationale de la biodiversité, vous avez, madame la ministre, présenté l’équipe de préfiguration de l’Agence française pour la biodiversité. Olivier Laroussinie a ainsi été nommé co-préfigurateur de l’AFB.

Les déclinaisons régionales de ce nouvel organisme restent encore floues. La profession agricole souhaite que l’Agence française pour la biodiversité puisse réellement être un interlocuteur privilégié des agriculteurs souhaitant mieux connaître la biodiversité, mener des projets de territoire de restauration de la biodiversité et réduire l’impact de leur activité sur les milieux agricoles.

Pour cela, il semble nécessaire de créer de véritables liens de confiance entre les agriculteurs et les agents de l’Agence. Or, la double casquette des agents de l’Agence française pour la biodiversité – conseillers et contrôleurs comme prévu actuellement dans le projet de loi – ne sera pas propice à installer un climat de confiance auprès des agriculteurs. C’est pourquoi j’ai déposé des amendements visant à dissocier les missions de police de l’environnement des missions de l’Agence française pour la biodiversité.

La notion de paysage est aussi un élément reconnu qui intègre ainsi la convention européenne du paysage. L’objectif est de mieux diriger les projets de développement et d’aménagement mais, comme la rapporteure, je pense que la gouvernance doit se faire à l’échelon départemental, votre projet de loi prévoyant d’ailleurs de compléter l’atlas départemental d’ici à 2015.

Un Comité national de la biodiversité sera également créé. En revanche, le Conseil national de la protection de la nature se voit expurgé des associations environnementales chasseurs et pêcheurs dans le but de produire des avis émanant des seuls établissements publics et techniques et personnalités qualifiées désignées. Nous regrettons que les rôles et missions respectives de ces deux instances ne soient pas précisés. Nous y voyons un risque de doublon et de dépenses inutiles pour l’État.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Avec l’article 8 débute le titre III qui crée l’Agence française pour la biodiversité. Cette agence n’est, à l’évidence, pas à la hauteur des enjeux et, par certains aspects, elle inquiète. Les contours de sa mission ne sont pas clairs, voire ils sont très éclectiques. Cette mission regroupe en effet les compétences des cinq organismes qui ont été fusionnés : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques – l’ONEMA –, l’établissement public Parcs nationaux de France, l’Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et le Muséum national d’histoire naturelle.

Quant au financement, il n’est pas vraiment prévu puisqu’il s’agit simplement d’une consolidation des budgets existants de ces cinq organismes. Plusieurs amendements visent à inclure l’Office national de la chasse et de la faune sauvage dans l’Agence. Les chasseurs y sont clairement opposés.

S’agissant du conseil d’administration, sur les trente-deux membres prévus, on dénombre seulement quatre représentants du secteur économique parmi lesquels il devra y avoir un membre de chaque chambre consulaire. Il n’y aura donc, au maximum, qu’un ou deux représentants de l’agriculture alors que l’on comptera trois représentants du personnel de cette Agence. Il y a là un réel déséquilibre.

Enfin, comme l’a rappelé Dino Cinieri, nous sommes préoccupés par la double mission des personnels, à la fois techniciens conseilleurs et agents spécialisés dans la police de l’eau.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Grouard.

M. Serge Grouard. À ce stade du débat, je souhaite rappeler l’historique de l’Agence pour la biodiversité. L’idée de sa création, nous la devons aux groupes de travail sur le Grenelle de l’environnement. À l’époque, ceux-ci avaient fait un constat, qui est aujourd’hui encore partagé, voire renforcé : celui de l’urgence de traiter des questions relatives à la biodiversité, parent pauvre des politiques publiques et de développement durable.

Nous en sommes aujourd’hui à la sixième extinction de masse sur notre belle planète. Il est plus que temps d’en prendre la mesure tant la préservation de la biodiversité est en jeu.

La prise de conscience en faveur de la création d’une telle agence s’est faite au regard de l’émiettement tant des politiques conduites dans notre pays que du nombre des établissements concourant à cette politique publique. Il est apparu évident qu’il fallait décloisonner et regrouper.

Face au manque de visibilité de ces politiques de biodiversité, il fallait leur donner davantage d’audience tout en traitant de la question des moyens.

Personnellement, au regard de l’importance de l’enjeu, pour nous aujourd’hui et pour les générations futures, je me réjouis de la création de cette Agence française pour la biodiversité. Nous la voulions tous. Elle est créée : tant mieux ! Même si nous en mesurons les insuffisances, nous l’avons dit, notamment en termes de moyens. Il y a également un risque de déséquilibre, en raison du regroupement, entre la biodiversité marine et de la biodiversité terrestre, laquelle risque d’être le parent pauvre. Il faut noter enfin un manque de maillage du territoire.

Je prendrai l’exemple de l’ADEME qui est critiquable à bien des égards, mais qui a le mérite de proposer un maillage cohérent du territoire. Dans le futur, je souhaite que l’AFB aille davantage vers une logique de maillage du territoire afin qu’elle puisse se renforcer, disposer des moyens nécessaires, regrouper les établissements, les acteurs qui concourent tous à la biodiversité.

Comme l’a fort justement dit Bertrand Pancher, les différents acteurs ne se parlent pas suffisamment, et c’est un euphémisme. Or cela est nécessaire pour aboutir à des résultats concrets. C’est ce qu’attendent nos concitoyens et, au-delà, c’est ce qu’attendent sans le savoir encore aujourd’hui les générations futures.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. S’agissant du rattachement éventuel de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage à l’Agence française pour la biodiversité, Marc Laffineur et certains collègues proposeront un amendement visant à instaurer une règle de sauvegarde des deux tiers du conseil d’administration pour valider ce rattachement.

Comme l’ont montré nos échanges précédents, ce n’est pas un sujet anodin. Adopter un tel amendement donnerait aux fédérations de chasseurs la possibilité de s’opposer à un tel rattachement alors qu’elles n’ont pas souhaité faire partie de l’aventure dès le départ.

Au contraire, repousser l’amendement permettrait en réalité de préparer des modalités de rattachement de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage puisque les fédérations de chasseurs seraient devenues minoritaires. C’est un point essentiel car derrière se pose la question de la responsabilisation.

Si vous avez modifié les règles du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage uniquement pour contourner la volonté des acteurs, cela va à l’encontre de la confiance indispensable.

On ne peut pas, madame la ministre, tenir le discours selon lequel les chasseurs sont des acteurs de la biodiversité et dans le même temps nier leur rôle et leur volonté.

En outre, se pose un problème d’ordre financier. En effet, la redevance sur la chasse représentant 70 millions d’euros, tout cela s’apparente à une forme de hold-up sur les ressources des fédérations de la chasse, en tout cas, de l’argent qu’elles versent pour le fonctionnement de l’Office national de la chasse.

Vous l’aurez bien compris, mes chers collègues, même si l’on parle d’autonomie financière dans une partie des alinéas de l’article 8, la mutualisation des moyens permettra à l’État de faire main basse sur cette redevance et de trouver l’argent là où il est.

Je souhaiterais à cet égard obtenir des éléments de clarification. J’espère, madame la ministre, que les débats sur l’article 8 permettront de préciser les choses, que vous ne passerez pas, tel un bulldozer, sur la volonté des chasseurs et que votre objectif n’est pas de procéder à un hold-up sur la redevance sur la chasse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1466.

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous abordons l’un des éléments clés de ce projet de loi, avec la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui a pour objectif de renforcer la connaissance, la diffusion de cette connaissance, la prise en compte de la biodiversité dans les outre-mer – nous y reviendrons – et l’expertise, avec un regroupement et une mise en réseau des structures existantes.

De fait, on reproche souvent à l’administration française de créer une structure nouvelle chaque fois que se présente un problème nouveau, mais j’ai veillé à ce que, cette fois, la création de l’Agence française pour la biodiversité se fasse dans un souci d’économie des fonds publics et de mobilisation nouvelle. En effet, 60 millions d’euros seront mobilisés au titre des investissements d’avenir pour engager des actions opérationnelles de reconquête de la biodiversité.

L’Agence regroupera donc l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées et l’établissement des Parcs nationaux de France et se mettra en réseau avec toute une série d’organismes afin, là encore, de réaliser des économies de fonctionnement et de concentrer l’essentiel des moyens sur des actions opérationnelles.

Cet amendement rédactionnel prévoit, dans un souci d’économies de fonctionnement administratif, de ne pas restreindre le rattachement aux seuls établissements publics régis par le code de l’environnement, car il peut se présenter, pour mener des actions, notamment de recherche – par exemple avec les universités, le CNRS ou l’ONF –, des occasions de regrouper des moyens administratifs au service d’une mission commune ou d’un territoire commun et, ainsi, d’opérer des économies d’échelle pour concentrer l’essentiel des moyens. En tout cas, tous les moyens supplémentaires seront affectés à des actions opérationnelles, et non pas à des dépenses de fonctionnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Favorable.

(L’amendement n1466 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques, nos 166, 195, 282, 563, 758, 808 et 1225.

La parole est à M. Marc Laffineur, pour soutenir l’amendement n166.

M. Marc Laffineur. Madame la ministre, je suis certain que vous allez donner un avis favorable à cet amendement. Vous nous avez en effet expliqué tout à l’heure que vous respectiez pleinement la volonté des chasseurs de ne pas entrer dans l’Agence française pour la biodiversité, puis vous avez diminué leur représentativité dans le conseil d’administration : il faut donc que la demande de rattachement auprès de l’Agence française pour la biodiversité soit validée par une majorité des deux tiers des membres du conseil d’administration. À défaut, vous donneriez l’impression d’avoir tenté de contourner les chasseurs et de les forcer à entrer dans cette agence alors qu’ils y étaient opposés.

En exprimant un avis favorable, vous montreriez que vous voulez respecter la volonté des chasseurs et faire en sorte qu’ils ne puissent pas être obligés d’entrer contre leur volonté dans l’Agence française pour la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Salen, pour soutenir l’amendement n195.

M. Paul Salen. Dans la composition des conseils d’administration des établissements publics, une place importante est déjà réservée à l’administration, ainsi qu’à une multitude de groupes ou groupements écologiques. Il apparaît donc nécessaire de soumettre à une majorité des deux tiers des membres du conseil d’administration la demande de rattachement auprès de l’Agence française pour la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n282.

M. Martial Saddier. Bien que je ne l’aie pas dit tout à l’heure, je n’ai pas compris, comme bon nombre de mes collègues, la position de la majorité et du Gouvernement qui, dans un premier temps, a fait l’éloge du monde de la chasse et rappelé que vous aviez souhaité respecter le choix personnel des chasseurs de ne pas rejoindre l’Agence, avant de modifier, quelques minutes plus tard, la composition des instances de la chasse – probablement pour obtenir plus facilement une nouvelle décision d’adhésion à l’Agence française pour la biodiversité, contre la volonté du monde de la chasse.

Cet amendement va donc dans le sens du respect du choix initial qu’a fait le monde de la chasse de conserver sa structure actuelle, en s’assurant qu’il faudra bien une majorité des deux tiers pour rejoindre l’Agence.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n563.

M. Philippe Meunier. Cet amendement est important. Tout à l’heure, madame la ministre, vous avez en effet tenu un discours rappelant le rôle des chasseurs et votre respect à leur égard – dont je ne doute pas une seconde. De deux choses l’une, donc : soit vous êtes prisonnière de votre majorité, soit vous tenez un double langage.

Si vous êtes prisonnière de votre majorité et voulez être en accord avec votre discours, il faut soutenir cet amendement, qui apportera la démonstration de la réalité de votre discours. Si vous tenez un double langage, vous ne soutiendrez pas cet amendement – mais, dans ce cas, les chasseurs auront compris. Comme je ne pense pas que vous ayez un double langage et comme je sais que vous n’êtes pas femme à être prisonnière, je vous demande de soutenir ces amendements identiques, notamment celui que je présente.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement n758.

M. Philippe Plisson. Le débat que nous avons eu a été tranché par la décision selon laquelle l’ONCFS n’entrerait pas dans l’Agence nationale pour la biodiversité. Dès lors, nous sommes tous convaincus que l’ONCFS doit rester en l’état et qu’il s’agit donc simplement de pouvoir verrouiller le conseil d’administration pour qu’on ne puisse pas revenir subrepticement sur une décision qui a suscité une forme d’unanimité. La majorité qualifiée des deux tiers permettra de mettre les actes en concordance avec les paroles et de maintenir l’ONCFS hors de l’Agence française pour la biodiversité.

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 166, 195, 282, 563, 758, 808 et 1225, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement n808.

M. Nicolas Dhuicq. Cet amendement est un amendement de liberté et un amendement anti-inflationniste.

Amendement de liberté car, comme l’ont exposé des collègues de tous les bords politiques, il s’agit de laisser la maîtrise de leur destin à ceux qui appartiennent au monde de la chasse.

Amendement anti-inflationniste aussi, car il répond à un gros problème que nous avons en France : tout le monde veut préserver la richesse génétique de la planète, car l’espèce humaine pourrait – sait-on jamais ? – en avoir besoin dans les années qui viennent pour la protéger et l’utiliser, parfois dans notre intérêt propre, y compris pour notre santé. Mais, si louable soit cet objectif, le problème c’est que nous faisons souvent loi sur loi et, au lieu de donner de l’argent aux organismes déjà existants, nous en créons de nouveaux

J’ai la sensation que nous sommes en train de créer une nouvelle machine, qui nécessitera des temps de réunion et de travail et que, pendant ce temps, les questions des microparticules sorties des lessives, des hormones, des antibiotiques qui changent le sexe des poissons et de la surpêche dans les profondeurs ne seront pas traitées. Si vous voulez les traiter – car ce sont là les vraies questions qui se posent à nous et à notre humanité –, cessons de créer des organismes supplémentaires.

Le Muséum national d’histoire naturelle, qui a été évoqué, est une excellente institution qui cherche à se rénover : il faudrait, madame la ministre, de l’argent pour la galerie de paléontologie, qui a bien besoin d’être rénovée – c’est une honte pour Paris, par rapport aux autres grandes capitales du monde. Cessons de créer des organismes supplémentaires, simplifions plutôt et donnons à ceux qui existent déjà les moyens de fonctionner. Enfin, laissons à celles et ceux qui connaissent leur territoire la liberté de ne pas entrer dans des machines dont ils ne voient pas l’intérêt, dès lors qu’ils ont fait ce choix dans ce qui reste encore un pays libre.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1225.

M. Dino Cinieri. Cet amendement a été largement défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. Je voudrais cependant revenir sur le fond.

Nous abordons ici le titre très important consacré à la création de l’Agence française pour la biodiversité. La responsabilité que nous portons fait que nous devons, comme l’ont dit tout à l’heure M. Grouard et Mme la ministre, réussir à préserver cette biodiversité et, si possible, à la restaurer. Nous sommes un certain nombre, de tous bords, à partager la certitude que l’ONCFS aurait parfaitement sa place dans l’Agence pour la biodiversité. Il a en effet des agents compétents, qui connaissent bien les sujets, peuvent être complémentaires et sont capables de travailler avec tout le monde.

Aujourd’hui, une volonté de ne pas être rattaché à l’Agence a été exprimée essentiellement par les instances de gouvernance de la chasse, mais pas forcément par les agents de l’ONCFS. Nous sommes donc d’accord pour attendre, même s’il est possible que certains amendements nous permettent d’aller plus vite. Attendons, peut-être, que le fruit soit mûr et que, comme l’a dit Mme la ministre, à force de conventions et de travail collectif, l’ONCFS puisse venir.

Ce que je ne comprends pas c’est comment vous pouvez figer dans le marbre quelque chose qui vous apparaît aujourd’hui comme une vérité, mais qui n’en sera peut-être plus une demain.

M. Martial Saddier. Il y aura d’autres lois !

M. Julien Aubert. C’est l’adaptabilité de la loi !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Une fois que l’Agence aura été créée, qu’elle fonctionnera et que ces ponts auront été établis entre elle et l’ONCFS, nous n’aurons pas forcément besoin d’une majorité des deux tiers au conseil d’administration, car l’adhésion sera peut-être spontanée. Il me semble même que, si l’on avait dit à l’ONCFS et aux chasseurs qu’ils ne feraient pas partie de l’Agence, ils auraient peut-être souhaité y entrer.

Nous n’avons pas pris cette voie, car l’Agence est un peu déséquilibrée. L’ONCFS est compétent en matière de biodiversité terrestre, tandis que l’Agence l’est pour la biodiversité aquatique et marine, et vous ne pourrez pas nier qu’il lui manque encore quelque chose aujourd’hui. Nous avons donc tous intérêt, au nom de l’intérêt général, de la biodiversité, de sa protection et de sa restauration, à ce que l’ONCFS et les chasseurs acceptent de venir travailler avec nous dans un tel établissement qui, j’en suis sûre, pourra s’acquitter de ses missions – lesquelles, je le rappelle à l’intervenant qui les a évoquées tout à l’heure, ont du reste été élargies par la commission du développement durable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Même avis que la commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Mme la rapporteure a été très claire : elle a très bien montré que sa volonté était précisément d’obliger les chasseurs à entrer dans l’Agence. Vous nous l’avez en effet dit très clairement : puisqu’ils n’ont pas voulu y entrer, nous allons faire en sorte de les y obliger en refusant d’adopter cette condition d’une majorité qualifiée des deux tiers. C’est très clair et il faut, madame la rapporteure, que vous assumiez votre volonté.

Cet avis n’est pas du tout le nôtre : nous respectons l’Office national de la chasse et faisons en sorte qu’on ne puisse pas obliger les chasseurs – qui, je le rappelle, donnent 70 millions d’euros – à adhérer contre leur volonté à cette agence. C’est là que se situe la grande différence entre vous et nous : nous ne voulons pas obliger à entrer des gens qui ne le veulent pas.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Merci, madame le président.

M. Denis Baupin. Madame la présidente !

M. Julien Aubert. Je suis surpris par le silence éloquent de Mme le ministre.

M. Denis Baupin et Mme Anne-Yvonne Le Dain. Madame la ministre !

M. Julien Aubert. Madame le ministre, vous êtes restée dans l’histoire de ce pays comme la dame de la démocratie participative et je vous rappelle que vous avez – c’est à votre crédit ! – mis dans le débat public l’idée que les associations, les organismes et la société civile devaient être écoutés et que leur avis devait compter. Vous avez même créé un Conseil national de la transition écologique. Comment celle qui a imaginé la démocratie participative pourrait-elle valider l’idée que, lorsque des acteurs ne sont pas d’accord avec une stratégie, on modifie les règles pour imposer la volonté de l’État ? Or, c’est bien ce que vous êtes en train de faire.

Mme le rapporteur a eu une phrase incroyable : elle nous accuse de vouloir fixer des dispositions dans le marbre ! Pardon, mais c’est vous qui avez changé les règles ! Il fallait autrefois, pour s’opposer au rattachement, 51 % des voix. Or, les chasseurs en représentaient 50 %. Nous sommes donc logiques et leur laissons exactement les mêmes droits qu’auparavant. Dès lors que vous avez réduit leur participation à 40 % du conseil d’administration, il est normal que nous fixions le seuil de la minorité de blocage à 33 %.

Si vous n’aviez pas modifié les règles de composition, nous n’aurions pas eu à proposer cette règle des deux tiers. N’inversez pas l’argumentation : ce serait une forme de mauvaise foi oratoire ! Vous modifiez les règles de vote et ensuite vous nous reprochez de vouloir rétablir l’équilibre en proposant une règle des deux tiers afin de respecter la volonté des acteurs : on ne peut pas dire tout et son contraire !

Nous, nous sommes en faveur d’un principe clair : nous avons bien compris que les fédérations de chasseurs, qui payent beaucoup, sont contre ce projet. Nous souhaitons donc que, en toute démocratie participative, elles puissent dans le futur s’y opposer dans les mêmes conditions : voilà tout l’objectif de cet amendement, et je regrette, madame le ministre,…

Plusieurs députés du groupe écologiste. Madame « la » ministre !

M. Julien Aubert. …que vous n’ayez pas répondu à nos arguments !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Ségolène Royal, ministre. Je donnerai plusieurs éléments de réponse. Tout d’abord, j’écoute le débat parlementaire, puis j’essaye de construire des convergences : c’est ma responsabilité. Telle est la conception que j’ai de la démocratie participative et de la démocratie représentative. Je ne considère pas détenir la vérité révélée quand je commence un débat parlementaire ; cela a été le cas en commission. Pour dire très clairement les choses, puisque vous essayez de me mettre en contradiction, j’écoute le débat et j’essaye de choisir les solutions les plus justes.

La preuve en est que le texte initial du Gouvernement ne prévoyait pas la modification du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage ; mais dès lors que j’ai émis un avis favorable à certaines propositions faites lors du débat en commission, je veux être à la fois cohérente et loyale tant vis-à-vis de mon texte initial que de ce qui a été acquis en commission. Vous avez pu le constater dans l’hémicycle : j’ai défendu le texte de la commission avec la modification du conseil d’administration, alors que le texte initial du Gouvernement ne prévoyait pas cette modification.

M. Marc Laffineur. Alors acceptez ces amendements !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je ne suis donc pas du tout gênée, au contraire : j’estime que c’est la richesse d’un débat parlementaire. Si on s’arc-boute sur des textes qu’on a rédigés en se disant que rien ne devra bouger, à quoi sert le débat parlementaire ?

M. Yves Nicolin. Exact ! Alors acceptez nos amendements !

Mme Ségolène Royal, ministre. Les choses sont donc extrêmement simples.

Par ailleurs, je trouve que c’était une bonne idée de faire entrer au conseil d’administration des représentants des collectivités territoriales ; mais vous avez voté contre. Les représentants des communes, des départements et des régions, si l’on suit votre vote, ne siégeront donc pas au conseil d’administration de l’Office national de la chasse : c’est quand même très curieux !

M. Julien Aubert. On y mettra des chasseurs !

Mme Ségolène Royal, ministre. Mais puisque vous l’avez souhaité et que vous l’avez voté, dont acte, même si je trouve que ce serait enrichir un conseil d’administration que d’y faire entrer des élus de territoires locaux, qui connaissent le terrain.

L’argument que vous proposez recèle une arrière-pensée : bloquer une éventuelle fusion ou un éventuel rattachement de l’Office national de la chasse à l’Agence française pour la biodiversité. Ce faisant, vous proposez un amendement qui bloquera tous les rattachements ! En effet, la majorité des deux tiers que vous souhaitez vaudrait pour tous les rattachements.

On ne peut pas, d’un côté, demander la modernisation de l’État, des économies de fonctionnement, de la rationalisation, de la fusion des moyens administratifs – c’est-à-dire du rattachement – et, d’autre part, exiger une majorité des deux tiers !

Vous connaissez les résistances de toutes les structures, quelles qu’elles soient, pour mettre en commun leurs moyens de fonctionnement et leurs moyens administratifs. Si vous imposez une majorité des deux tiers pour tous les rattachements de toutes les structures ayant un lien avec la biodiversité et qui devraient mettre en commun leurs moyens pour réaliser des économies de fonctionnement, alors vous empêchez toute la rationalisation et les économies budgétaires que nos concitoyens nous demandent.

Il est plus facile de créer des choses nouvelles, de prévoir des moyens nouveaux ou de choisir la fuite en avant dans la dépense administrative ; mais cela n’est pas ma vision des choses. Je considère au contraire qu’il faut rationaliser, rassembler, constituer des équipes par projet et mettre en commun les moyens administratifs. En imposant cette majorité des deux tiers, vous bloquerez tous les rattachements.

Par ailleurs, vous laissez croire qu’une fusion pourrait être votée  subrepticement par un conseil d’administration ; mais ce n’est pas possible ! Le conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité n’est absolument pas compétent pour décider de la fusion d’une autre structure.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas de cela que nous parlons !

Mme Ségolène Royal, ministre. Seule la loi peut le permettre, le cas échéant ; or ce n’est pas ce qui est proposé. Il n’est pas question de fusionner subrepticement l’Office national de la chasse. Ce n’est pas le choix que j’ai fait.

Sur le terrain, les agences sont demandeuses de travailler ensemble sur les mêmes territoires. Alors que des communes ou des régions devront finaliser avant la fin de l’année les trames vertes et bleues, alors que des communes font un travail extraordinaire sur les atlas de paysage, il est intelligent de faire travailler ensemble sur le terrain des gens qui connaissent les identités paysagères et aquatiques de leurs territoires.

En bonne logique, les agents de toutes ces différentes structures travailleront ensemble, en articulation avec les communes et les communautés de communes, pour établir des documents intéressants, intelligents, complets, et non pas en parallèle, sans se parler.

J’ai donc très bon espoir, car cela correspond aux attentes des territoires, de faire travailler ensemble les équipes sans qu’il soit besoin de fusionner de façon autoritaire des structures qui ne veulent pas être fusionnées. Voilà la réalité !

Cette démarche est pragmatique. Je ne veux pas de conflit ni de polémique sur ces sujets parce que cela retarderait la mise en place de l’Agence française pour la biodiversité. Or, il est préférable qu’elle se mette tout de suite au travail, avec des gens qui ont envie de travailler ensemble, qui se sentent en sécurité et voient que l’identité de chacun est respectée. Tel est le choix que je vous propose ; vos craintes sont donc tout à fait injustifiées. Puisque vous avez satisfaction, je suggère le retrait de ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. De quoi traite cet article 8 ? Il s’agit pour un établissement public de demander son rattachement à l’Agence française pour la biodiversité. Cela signifie que cet établissement public arrêtera son activité pour rejoindre l’Agence.

M. Jean-Yves Caullet. C’est l’alinéa 4 qui traite du rattachement !

M. Jean-Marie Sermier. Il est tout à fait normal que cet établissement, qu’il s’agisse de l’Office national de la chasse ou de tout autre établissement, le décide aux deux tiers des membres de son conseil d’administration ! C’est d’ailleurs une similitude de forme avec les engagements pris par les sociétés ou les collectivités. Lorsque les collectivités, notamment les EPCI, modifient leurs compétences, notamment les EPCI, c’est bien à la majorité qualifiée ; celle-ci me semble donc essentielle pour pouvoir demander le rattachement.

Vous évoquez la difficulté d’obtenir une telle majorité qualifiée sur la biodiversité, arguant que l’on obtiendrait à peine 51 % des votes. Mais vous savez bien que, dans la plupart des établissements publics, un tiers des membres de l’instance décisionnelle sont issus de l’État et le représentent. Seuls 50 % des membres ne représentant pas l’État doivent donc donner un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laffineur.

M. Marc Laffineur. Nous n’avons pas du tout l’intention de figer la situation ni d’empêcher toute évolution, au contraire ! Mais l’évolution doit se faire dans un relatif consensus. Comme vient de le rappeler excellemment notre collègue, tous les EPCI fonctionnent à la majorité qualifiée, précisément parce que l’on recherche le consensus.

Vous nous avez expliqué que vous respectiez le choix de l’Office national de la chasse de ne pas entrer dans l’Agence française de la biodiversité. Or, en refusant de soutenir nos amendements, vous montrez que votre intention est bien d’obliger l’Office national de la chasse à intégrer l’Agence, contre sa volonté puisqu’il n’a plus désormais la majorité avec la disposition votée il y a quelques instants. La différence entre vous et nous est claire : nous, nous respectons les chasseurs…

M. Denis Baupin. Ça, c’est sûr !

M. Marc Laffineur. …et nous voulons faire en sorte qu’ils gardent leur liberté d’action et qu’ils puissent décider de leur avenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je suis soucieux de l’autonomie de tout un chacun et je respecte tous les acteurs qui pratiquent leur activité dans l’environnement et contribuent à la biodiversité. Mais il ne faudrait pas que nous prenions ce texte en otage avec des problèmes qui n’ont pas lieu d’être !

Je vous rappelle que l’alinéa 4 de l’article 8 dispose expressément : « En cas de rattachement [et non de fusion ; on aurait d’ailleurs pu parler de « mutualisation de moyens par convention », cela aurait été plus technocratique mais moins sujet à interprétation], les établissements conservent leur personnalité morale et leur autonomie financière. » Il ne s’agit donc pas de fusion !

Si je comprends les précautions et partage le souci que ce soit la dynamique de l’Agence qui entraîne les rattachements, suscite l’adhésion, plutôt que des contraintes, en l’occurrence, ainsi que Mme la ministre l’a très bien dit, le texte dispose qu’« en cas de rattachement, les établissements conservent leur personnalité morale et leur autonomie financière. » Il ne s’agit donc que de mutualisation, ce qui est rationnel. Pour m’occuper d’un établissement public, j’ai quelques raisons de penser qu’il peut être parfois fort utile de mutualiser les moyens pour être plus efficace au service des générations futures et de nos concitoyens.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 166, 195, 282, 563, 758, 808 et 1225.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants62
Nombre de suffrages exprimés61
Majorité absolue31
Pour l’adoption31
contre30

(Les amendements identiques nos 166, 195, 282, 563, 758, 808 et 1225 sont adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je souhaite une suspension de séance d’une dizaine de minutes, madame la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Elle est de droit.

M. Dino Cinieri. Il y a le feu dans la maison !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n1467.

Mme Ségolène Royal, ministre. Il est rédactionnel. Dans certains cas, un arrêté sera suffisant, au lieu d’un décret.

(L’amendement n1467, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 8, amendé, est adopté.)

Article 9

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Je voudrais rappeler ici quelques faits concernant cet article qui tend à créer l’Agence française de la biodiversité.

Le Président de la République, conscient des responsabilités de la France en matière de protection et de reconquête de la biodiversité, a décidé lors de la conférence environnementale de mettre en place une structure opérationnelle efficiente qui soit à la hauteur des enjeux, ainsi que des engagements européens et internationaux de la France. Je l’ai rappelé hier, la nation française, présente sur plusieurs continents, océans et zones bio-climatiques, dispose d’un patrimoine biologique terrestre et maritime exceptionnel.

Madame la présidente, madame la ministre, je souhaite revenir sur quelques malentendus qui ont surgi ici et là sur les bancs de notre Assemblée mais, aussi, préciser ma pensée.

Je pense que l’AFB doit refléter l’ensemble de la biodiversité nationale et, plus précisément, la réalité géographique où elle se situe.

Soit l’exemple du Conseil national de la montagne : il est composé des seuls représentants des zones de montagne, ce qui me semble cohérent et normal.

M. Martial Saddier. Très bien ! (Sourires)

Mme Chantal Berthelot. Madame la ministre, je ne souhaite pas demander que l’AFB soit uniquement composée de représentants des outre-mer mais je tiens à ce que mes collègues de la représentation nationale prennent en compte le respect politique qui est dû aux outre-mer lesquels, je le répète, renferment 80 % de la biodiversité française.

Mais les incantations n’ont qu’un temps : il faut maintenant agir et faire en sorte que les outre-mer aient toute leur place au sein de la République et de l’AFB.

Voilà mon souhait, madame la ministre, madame la présidente : que toute la biodiversité nationale soit représentée au sein de l’AFB.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Cet article 9 est bien volumineux puisqu’il ne comporte pas moins de 66 alinéas.

Il crée donc l’Agence française pour la biodiversité, création qui qui me paraît être une bonne idée si elle associe équilibre, efficacité et rationalité. Or, en la matière, on peut être sceptique.

L’équilibre, tout d’abord. La très nette tendance « aquatique » de l’Agence entraînera immanquablement un déséquilibre de l’expertise.

Équilibre, toujours, s’agissant de sa composition. Là encore, on peut craindre une surreprésentation des associations de protection de l’environnement et une sous-représentation des organismes socio-professionnels. Il est en effet indispensable de donner toute leur place aux professionnels agricoles et forestiers mais, aussi, à ces usagers de la nature que sont les chasseurs et les pêcheurs. Faut-il rappeler que les agriculteurs occupent une grande partie de notre territoire et qu’ils contribuent grandement à la préservation de notre biodiversité ? Pour mémoire, ce sont 13 millions d’hectares de prairies qui sont exploités par nos agriculteurs-éleveurs.

Ensuite, on peut espérer efficacité et rationalité, surtout lorsque vous proposez de remplacer et donc de regrouper des instances existantes et quand vous créez un interlocuteur unique ainsi qu’un guichet unique mais, là aussi, une limite surgit vite.

Cet article détaille les nombreuses missions de cette Agence, dont l’une me paraît inappropriée : les missions de police de l’environnement, lesquelles doivent rester de la compétence de l’État.

Cet article 9 nécessite donc d’être considérablement amendé si l’on veut que l’AFB joue son rôle de manière équilibrée au service de l’intérêt général.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, cet article 9 est le cœur de votre projet de loi, son article phare, mais il y a un grand absent : le monde agricole.

En effet, sur les 32 membres qui constituent le conseil d’administration de l’AFB, le collège des socio-professionnels comptera quatre personnes, sur lesquelles on pourra peut-être espérer un ou deux agriculteurs alors même qu’ils sont des acteurs majeurs de la biodiversité, nous le savons – ils entretiennent en effet les haies, les bosquets, les bandes enherbées… La PAC, quant à elle, a pris de plus en plus en compte l’importance de la biodiversité en incitant les agriculteurs à maintenir ou à restaurer ces infrastructures agro-écologiques.

Votre loi inquiète le monde agricole, madame la ministre, parce qu’elle s’inscrit à contre-courant de toutes les politiques incitatives et que vous avez plutôt choisi la contrainte – c’est d’ailleurs l’une des caractéristiques de cette Agence et c’est pourquoi les agriculteurs vous demandent instamment d’y être mieux représentés. Ils demandent à être présents dans toutes les instances de gouvernance de la biodiversité, qu’il s’agisse du Comité national de la biodiversité, des comités régionaux ou, nous venons d’en parler, du conseil d’administration de l’AFB. Ils souhaitent par ailleurs que cette agence d’expertise et de conseil ne mêle pas les fonctions de police et de conseil. Nous reviendrons très certainement sur ce point.

Madame la ministre, les agriculteurs ont été échaudés par la loi d’avenir pour l’agriculture. Étudiée au fond par la commission des affaires économiques, elle aurait dû l’être par celle du développement durable et de l’aménagement du territoire car il a été davantage question de développement durable que d’économie agricole. Malgré elle, cette loi a contribué à renforcer l’image de l’agriculteur-pollueur.

L’absence des agriculteurs au sein du texte dont nous débattons aujourd’hui ne peut que les inquiéter. Vous devez les associer davantage parce que vous ne défendrez pas la biodiversité sans le monde agricole. Ce n’est pas possible.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Madame la ministre, vous aviez vous-même annoncé que l’AFB devait assurer le leadership en matière de biodiversité. Or, d’après le texte que nous avons sous les yeux et les premiers commentaires que l’on peut lire ici ou là, nous ne pouvons que constater que tel ne sera pas le cas.

Tout d’abord, parce que ses moyens humains sont réellement insuffisants par rapport à l’objectif qui lui est assigné.

Ensuite, agrégeant quatre organismes – et non l’ensemble de ces derniers, nous avons eu l’occasion de le souligner lors de l’examen de l’article 8 –, elle n’est absolument pas assez dotée. En effet, les quatre organismes fusionnés sont déjà eux-mêmes insuffisamment dotés et leurs personnels ont un statut très précaire puisqu’ils sont dans leur majorité en CDD. Ces personnels sont d’ores et déjà dans l’impossibilité d’assurer correctement leurs missions et ne pourront pas davantage le faire après la fusion.

En outre, le périmètre de l’AFB est insuffisant. Nous l’avons dit : les chasseurs ne seront pas représentés – certes, ils ne l’ont pas souhaité, ce qui est à mon sens regrettable –, il n’existe en l’état aucun lien avec l’Office national des forêts et, surtout, comme ma collègue vient de le dire, la place faite au monde agricole de manière générale n’est pas suffisante alors qu’il est le premier acteur de la protection de la biodiversité. Le monde agricole le sait, d’ailleurs, qui a grandement réformé ses pratiques et qui se situe maintenant au premier plan parmi les acteurs les plus efficaces de la protection de l’environnement.

Par ailleurs, nous ignorons complètement la façon dont cette Agence travaillera sur les territoires et comment il sera possible d’agir localement – nous savons que la demande locale est très importante.

Dans la seule région PACA, plus de 400 plans locaux d’urbanisme nécessitent l’élaboration d’un schéma régional de cohérence écologique – SRCE. L’AFB sera donc la première à pouvoir et devoir opérer localement mais nous ne savons pas comment, si ce n’est en créant de nouveaux établissements, les établissements publics de coopération environnementale.

Je ne vois donc pas bien à quoi rime de doter l’Agence de manière insuffisante pour ensuite l’inciter à créer localement de nouveaux établissements locaux !

J’en termine, madame la présidente, en soulignant simplement que le financement de l’AFB est totalement insuffisant. Seuls l’État et les collectivités y participeront alors que l’on aurait pu raisonnablement imaginer que l’Europe, par exemple, dans le cadre du plan Juncker, mais aussi le programme d’investissements d’avenir auraient pu être mis à contribution.

Mme la présidente. La parole est à Mme Maina Sage.

Mme Maina Sage. Cet article 9 définit l’organisation de l’AFB, bras armé de l’État pour appliquer une politique cohérente sur le plan national, sur l’ensemble du territoire français, les outre-mer inclus.

Pourtant, comme nous l’avons vu hier lors de l’examen de l’article 5, des difficultés se sont fait jour quant à la composition et la gouvernance du Comité national de la biodiversité. Selon moi, la représentation de l’outre-mer au sein de ces organes décisionnels est fondamentale.

Il est vrai que la Polynésie française relève de l’article 74 de la Constitution, comme la Nouvelle-Calédonie jusqu’à il n’y a pas si longtemps et d’autres collectivités, et qu’à ce titre elle dispose de la compétence dans ces domaines, comme nous l’avons dit hier soir.

Néanmoins, j’ai déposé une série d’amendements à l’article 9 afin de renforcer notre présence au sein de ces organes décisionnels. Pourquoi ? Bien que nous soyons autonomes et ayons compétence en ce domaine, cet enrichissement mutuel nous permettrait de mieux coordonner nos actions, d’être vraiment cohérents avec l’action menée sur le plan national, d’être plus efficaces et réactifs sur le terrain de manière à promouvoir, je le répète, une action vraiment coordonnée sur l’ensemble du territoire. J’insiste sur ce point.

Je sais qu’hier soir vous vous êtes montrée ouverte à cette proposition, madame la ministre, que vous avez accepté de l’étudier afin que, peut-être, en deuxième lecture, les collectivités d’outre-mer soient intégrées au sein du Comité national de la biodiversité. Je souhaiterais que cela figure dans cet article 9.

Cela a été dit, et je vous le rappelle : les outre-mer regroupent 80 % de la biodiversité française, la situation étant variable selon les territoires.

La Polynésie, je le rappelle aussi, représente 47 % de la zone économique exclusive française. Près des deux tiers de la surface maritime française sont dans le Pacifique, où se trouvent trois collectivités d’outre-mer.

Comment imaginer construire une stratégie nationale pour la protection, la préservation et la valorisation des ressources maritimes et halieutiques sans la partager avec ne serait-ce que ces COM du Pacifique ?

Mme la présidente. Merci de conclure, madame la députée.

Mme Maina Sage. J’essaie de voir l’aspect pratique de cette Agence. Il ne s’agit pas de ma part de revendiquer pour le plaisir de revendiquer mais de faire en sorte que l’action de l’AFB soit la plus efficace et la plus cohérente possible sur l’ensemble du territoire français.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. L’essentiel a été dit mais je dirai toutefois quelques mots. Pourquoi, en effet, ne pas regrouper l’ensemble des structures dans une grande agence ? En tant que telle, cette idée ne me choque pas mais je note un paradoxe.

Cette machine est en l’occurrence assez lourde, ses compétences sont nombreuses, ses missions, importantes et, dans le même temps, elle est sous-dotée, ce qui ne manquera pas d’avoir des effets assez cruels.

Je m’interroge également sur sa cohérence avec les autres organismes et sur les liaisons qu’il sera nécessaire d’établir.

N’assistera-t-on pas également à un conflit de compétences puisqu’elle aura des compétences de police et de conseil ? Cette Agence risque d’être parfois juge et partie.

Comme d’autres collègues, je regrette que les agriculteurs n’y soient pas représentés, ou si peu. Ils seront en quelque sorte les muets du sérail, les grands absents, alors que les zones rurales représentent 80 % de notre territoire. Laisser de côté de 80 % du territoire, c’est une forme d’affront faite à la ruralité, ce que, je peux vous le dire, nous ressentons très vivement !

Enfin, pour terminer, je m’associe aux propos de notre collègue Maina Sage concernant l’outre-mer. Cette diversité doit en effet être prise en compte. Il ne faut pas oublier que 80 % de la biodiversité française est issue de ces territoires et de ces collectivités d’outre-mer, qu’il convient également de valoriser.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je suis très inquiet quant à la création d’un « machin » supplémentaire dont on a du mal à saisir les contours et qui n’est pas financé puisque la fiscalité écologique n’existe pas.

Nous nous posons donc beaucoup de questions quant aux moyens qui permettront à cette Agence de pouvoir vraiment fonctionner.

Il importe, aussi, qu’elle soit à l’écoute de tous. Or, je suis inquiet quant à la capacité de ses membres à écouter toutes les parties prenantes et tous les acteurs du territoire.

Plusieurs collègues l’ont dit : l’écoute est également indispensable à l’endroit des premiers qui sont au contact de la nature, qui l’entretiennent et la défendent, je veux parler des chasseurs. Dans le Pas-de-Calais, nos très beaux estuaires auraient été fermés, voire urbanisés, s’ils n’avaient pas été là pour les protéger et s’ils n’étaient pas là pour les maintenir comme milieux ouverts.

Il faut donc bien prendre conscience que, parmi les protecteurs de la nature, les chasseurs sont au nombre de ceux qui protègent le mieux les espaces, gèrent le mieux les espèces et favorisent l’équilibre nécessaire à la biodiversité. Je demande que cela ne soit pas oublié.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, si l’on ne peut, bien évidemment, que partager l’ambition de protéger, voire de restaurer, la biodiversité, certaines interrogations persistent – pour ne pas dire certaines craintes –, dont je rappelle qu’elles sont très largement partagées sur tous les bancs de cet hémicycle, puisque le Gouvernement a été battu il y a quelques instants sur un amendement extrêmement important.

Ces interrogations, madame la ministre, ces craintes, mes chers collègues, les voici : la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui porte bien son nom, n’est-elle pas l’occasion, pour le Gouvernement, de recentraliser, comme il a pu le faire dans de nombreux autres textes de loi, et notamment dans le projet de loi NOTRe, dont nous avons achevé l’examen il y a quelques jours, l’ensemble des questions relatives à la biodiversité ?

Quelle sera la déclinaison territoriale, madame la ministre, mes chers collègues, de l’Agence française pour la biodiversité, au moment où la majorité et le Gouvernement, à l’occasion du projet de loi NOTRe, mais aussi du projet de loi de transition énergétique, ont fait du bloc local, communal et intercommunal, le cœur de la politique énergétique et de la politique de l’eau, qu’il s’agisse de l’eau potable, des déchets ou des eaux usées ? La semaine dernière, en première lecture du projet de loi NOTRe, nous avons confié ces compétences au bloc local et au bloc intercommunal, et à présent, nous revenons à l’échelon national, en créant l’Agence française pour la biodiversité.

Quelle sera son articulation, sur le plan régional et territorial, avec les agences qui existent déjà ? Je pense à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME – ainsi qu’aux agences de l’eau. Par ailleurs, comme l’ont noté nombre de mes collègues, le financement de cette Agence française pour la biodiversité n’est pas encore arrêté, et l’on passe sous silence la ponction des 175 millions d’euros qui a été effectuée sur les agences de l’eau.

Je m’interroge, enfin, sur la composition de la gouvernance : celle qui nous est présentée n’est absolument pas acceptable, notamment pour les élus, qui sont sous-représentés au sein du conseil d’administration, alors même qu’on leur confie de nouvelles responsabilités. Et que dire du secteur socio-professionnel ! Comme l’ont noté plusieurs de mes collègues de l’UMP, l’absence du monde agricole est inacceptable.

Telles sont les remarques que m’inspire l’article 9, et que je souhaitais faire partager à la représentation nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je répondrai brièvement, puisque nous aurons l’occasion de revenir sur les points qui ont été soulevés à l’occasion de l’examen des amendements.

Je voudrais commencer par mettre un certain nombre d’orateurs face à leurs contradictions.

Monsieur Chevrollier, vous déplorez que toute la biodiversité ne soit pas représentée de façon égale au sein de l’Agence française pour la biodiversité, mais si la biodiversité terrestre en est absente, c’est bien parce que vous avez tout fait pour que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage n’y soit pas intégré ! Madame Rohfritsch, vous regrettez que les chasseurs n’y soient pas représentés, mais je répète que vous avez tout fait pour éviter qu’ils n’y soient, ce qui est quand même assez étonnant de votre part !

Mme Sophie Rohfritsch. Mais non, c’est vous !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Par ailleurs, monsieur Saddier, si l’ONCFS devait demain être intégré à l’Agence, c’est la loi qui en déciderait, et l’amendement que vous êtes très content d’avoir fait adopter ne servirait donc strictement à rien. Je tenais à le souligner, car je crois que vous l’avez oublié… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Ne le prenez pas comme cela, madame Gaillard !

M. Daniel Fasquelle. Respectez la majorité !

Mme la présidente. S’il vous plaît, mes chers collègues, seule Mme la rapporteure a la parole.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il me semble que vous prenez ce projet de loi sur la biodiversité en otage pour faire passer vos idées, en cette période particulière.

M. Martial Saddier. Si l’amendement ne sert à rien, il n’y aura donc pas de seconde délibération ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Monsieur Saddier, je ne vous ai pas interrompu. Je vous demande de ne pas m’interrompre.

J’ai bien entendu votre préoccupation, madame Sage, et nous y répondrons le moment venu, lorsque nous examinerons vos amendements. Nous avons en tout cas essayé d’assurer la meilleure représentation possible des Ultramarins.

Puisque nous allons certainement avoir de nouveaux débats sur la composition de l’Agence, et que certains vont vouloir faire y faire entrer les agriculteurs, les chasseurs – car je commence à vous connaître…

M. Philippe Meunier. Oui ! C’est très important !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …je voudrais rappeler, pour ceux d’entre vous qui n’étaient pas là hier soir, et il y en a un certain nombre…

M. Jean-Marie Sermier. J’étais là !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Vous étiez présent, monsieur Sermier, c’est vrai.

M. Dino Cinieri. Moi aussi !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …que le Conseil national de la biodiversité est une instance où siégeront des représentants du monde économique et social. Il existe deux instances et, dans le conseil d’administration de l’Agence, sauf à vouloir créer un conseil d’administration pléthorique, on ne peut faire siéger tout le monde. Bientôt, on voudra y intégrer le MEDEF, les très petites entreprises, les moyennes entreprises, les grandes entreprises…

M. Martial Saddier. Les agriculteurs, madame Gaillard !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …et vous imaginez bien qu’il n’est pas possible d’avancer dans ces conditions. Certains d’entre vous le reconnaissaient d’ailleurs – peut-être pas publiquement – il y a de cela quelques semaines.

Voilà ce que je voulais vous dire. Réfléchissez avant de parler, parce que vos contradictions sont parfois étonnantes ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Salen. Des insultes, à présent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

M. Martial Saddier. Je pense que Mme la ministre sera plus courtoise.

Mme Ségolène Royal, ministre. Nous entamons l’examen d’un article très important, celui qui porte création de l’Agence française pour la biodiversité. Sur un tel sujet, nous devrions voir des signes de convergence sur tous les bancs de cette assemblée, puisque cela fait maintenant une dizaine d’années que nous évoquons la création de cette agence. Le Grenelle de l’environnement, en tout cas, avait déjà réaffirmé qu’il importait de la créer, mais cela n’a pas été fait. Nous y voici : cette agence est enfin créée.

J’entends bien toutes les critiques qui sont formulées, mais il importe d’agir. « La critique est aisée, mais l’art est difficile », selon le bon dicton populaire.

M. Martial Saddier. Ce sont des questions, madame la ministre !

Mme Annie Genevard. Et des questions légitimes !

Mme Ségolène Royal, ministre. Il faut avancer, parce que la situation est dramatique pour la biodiversité ; elle est dramatique pour la santé publique ; elle est dramatique, parce qu’elle entraîne une perte de nos ressources naturelles ; elle est dramatique, parce que le nombre d’hectares d’espaces naturels et agricoles diminue tous les jours…

M. Martial Saddier. Voilà pourquoi il faut intégrer les agriculteurs, madame la ministre !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je l’ai déjà rappelé : ce sont plus de 150 hectares qui disparaissent chaque jour.

M. Jean-Marie Sermier. Un département tous les six ans !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce sont 300 millions d’oiseaux qui ont disparu en Europe au cours des trente dernières années. Si vous pensez qu’il faut encore attendre, nous ne partageons pas votre point de vue. Nous devons avancer.

Il va de soi que certaines dispositions pourront être réajustées au cours du temps : chaque fois que l’on crée une nouvelle structure, il faut être attentifs aux moyens d’améliorer son fonctionnement. Il s’agit de faire, pour la biodiversité, l’équivalent de ce qui a été fait avec l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Aujourd’hui, je crois que tout le monde se félicite de l’efficacité, de la rapidité, de l’expertise, de l’engagement de l’ADEME sur tout le territoire. Le modèle qui vous est proposé est celui-ci : il s’agit de créer une agence partenaire, dotée de compétences multiples, qui soient toutes orientées vers des objectifs extrêmement opérationnels et précis.

Il y a urgence à agir, je l’ai dit, mais il y a aussi une chance à saisir. Il faut tout de même avoir conscience du fait que la France et ses outre-mer disposent d’un potentiel exceptionnel en termes de biodiversité. Nous sommes le seul pays au monde à avoir des barrières de corail dans trois océans. Nous avons une quantité d’espèces naturelles et vivantes extraordinaire, une grande variété de paysages, sous cinq écosystèmes différents. Ce potentiel nous oblige : il nous oblige à être exemplaires et à montrer le cap.

Ce cap, nous devrons le défendre et le valoriser lors de la conférence sur le climat – parce qu’une menace climatique pèse également sur la biodiversité. Mais la biodiversité offre aussi des réponses et des solutions. Je pense à la reforestation qui permet de créer des puits de carbone, ou aux mangroves, dans les outre-mer, que nous avons développées sur plusieurs milliers d’hectares afin d’amortir les vagues. Je songe aux zones humides, qui permettent de gérer le problème des inondations. La solution aux questions du dérèglement climatique et des atteintes portées à nos écosystèmes se trouve donc également dans la reconquête de nos écosystèmes et de la biodiversité.

Nous avons par ailleurs des champs d’action considérables pour créer des emplois, dans le domaine de la croissance verte et de la croissance bleue, notamment. Dans le domaine du génie écologique, nous avons déjà 500 000 PME en France, ce qui représente un chiffre d’affaires et un nombre d’emplois très importants – directement liés aux services que rendent nos écosystèmes et la biodiversité. Dans le domaine du médicament, dans celui de la santé, je souhaiterais par exemple que l’on crée dans tous les établissements qui prennent en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer des jardins thérapeutiques, qui rendent des services considérables, comme l’ont montré quelques expérimentations.

M. Patrice Martin-Lalande. Ces jardins existent, et ils fonctionnent, en effet !

Mme Ségolène Royal, ministre. Une expérience extraordinaire est en cours à Nancy, que je voudrais généraliser sur tout le territoire.

La réduction des pesticides et des néonicotinoïdes est également une question cruciale pour la santé publique.

Parce que nous sommes à trois jours d’une échéance électorale, je vois bien que ce débat est instrumentalisé à des fins de politique politicienne…

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais non !

Mme Ségolène Royal, ministre. Mais si ! Le contenu de vos interventions en témoigne ! Franchement, ce n’est pas ce qu’attendent nos concitoyens. Nous légiférons pour dix ans, pour vingt ans, et même au-delà, pour 2050 ! En 2050, si nous ne faisons rien, la moitié de la biodiversité du monde aura disparu, et sans doute davantage sous nos latitudes. Cela nous donne une responsabilité. Peut-être ce projet de loi n’est-il pas parfait, mais il a en tout cas l’ambition d’être simple et efficace et d’être mis en œuvre avant la fin de cette année.

J’entends un certain nombre d’observations sur la représentation des agriculteurs.

Mme Annie Genevard. C’est une question très importante !

Mme Ségolène Royal, ministre. Faut-il vraiment que vous parliez à leur place ?

M. Jean-Marie Sermier. Nous ne parlons pas à leur place !

Mme Annie Genevard. Nous relayons leurs demandes !

Mme Ségolène Royal, ministre. Je pense que la profession agricole est beaucoup plus en avance que l’image rétrograde que vous en donnez. J’en veux pour preuve que les agriculteurs viennent d’adhérer, il y a deux jours, à la Stratégie nationale pour la biodiversité…

Mme Annie Genevard. Justement !

Mme Ségolène Royal, ministre. …ce qu’ils avaient refusé de faire en 2011. Ils sont très en avance, vous dis-je ! Ils ont été consultés et associés à l’élaboration du projet de loi que je vous propose, et ils ont donné leur accord à la création de l’Agence française pour la biodiversité.

M. Martial Saddier. Ils demandent à y être représentés !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ils seront présents au conseil d’administration.

M. Martial Saddier. Combien seront-ils ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Ils auront deux des quatre places attribuées aux représentants des secteurs économiques – c’est ce qui a été convenu avec eux – parce qu’ils jouent effectivement un rôle très important. Les agriculteurs n’ont pas seulement adhéré lundi à la Stratégie nationale de la biodiversité – c’est le cas de la FNSEA qui, par tradition, s’y refusait jusqu’alors, des Jeunes agriculteurs, de la Coop de France, et de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture ; ils ont aussi annoncé que, pour accompagner ce projet de loi et la création de l’Agence française pour la biodiversité, ils vont présenter un plan d’action avant la fin de cette année. Ils ont d’ailleurs mis en valeur leurs pratiques et souligné, par exemple, que 70 % des exploitants pratiquent au moins quatre cultures, que 21 % des exploitants entretiennent des ruches et que 31 % entretiennent un espace boisé.

Vous voyez que la profession agricole est sensibilisée, y compris sur des questions aussi polémiques que celle des pesticides et des intrants chimiques. Quand j’explique aux responsables agricoles qu’ils sont les premières victimes de ces produits et qu’ils ont intérêt à en réduire l’utilisation, afin de limiter les risques de cancer, qui touchent particulièrement les agriculteurs et les viticulteurs, croyez bien qu’ils ont envie, non pas d’être freinés, pour des raisons corporatistes, mais au contraire d’être encouragés à adhérer à cette stratégie nationale pour la biodiversité. S’ils ne le font pas, ils seront les premières victimes.

Ceux qui pousseront à l’inertie transformeront les agriculteurs en victimes du ralentissement des actions pour la biodiversité. Au contraire, plus ils seront à l’offensive sur le terrain de la biodiversité, plus ils en maîtriseront les données et les technologies, plus nous pourrons créer d’activités, d’emplois et d’entreprises innovantes dans le système agroalimentaire qui accompagne les politiques agricoles ; nous aurons alors un contrôle accru sur les produits et nous pourrons faire en sorte que tous les intrants chimiques cèdent progressivement la place aux intrants qui préservent la biodiversité et respectent la nature. Notre agriculture sera ainsi plus performante, et elle dégagera davantage de valeur ajoutée.

Je crois qu’il faut toujours faire le pari du volontarisme, de l’accélération des choses, de la vision. C’est ce que vous propose ce projet de loi.

M. Martial Saddier. C’est ce que nous proposons aussi !

M. Jean-Marie Sermier. Faites confiance aux agriculteurs !

Mme Ségolène Royal, ministre. Ce projet de loi peut être amélioré, j’en conviens, et je suis toujours attentive à ce qui se dit au cours du débat : si des amendements sont bons, je les accepte en séance. Mais pourquoi bloquer le système pour revenir en arrière et formuler des critiques qui ne sont pas fondées ? On peut toujours critiquer une structure, mais laissons-la voir le jour : elle regroupe des structures existantes, je vous l’ai dit, parce qu’il importe de maîtriser la dépense publique, de regrouper les personnes-ressources et d’éviter une fuite en avant vers quelque chose de nouveau que l’on ne pourrait pas maîtriser.

Coupure manuelle après le point d’interrogation.On peut toujours critiquer une structure, mais laissons-la voir le jour : elle regroupe des structures existantes, je vous l’ai dit, parce qu’il importe de maîtriser la dépense publique, de regrouper les personnes-ressources et d’éviter une fuite en avant vers quelque chose de nouveau que l’on ne pourrait pas maîtriser.

Mais je peux prendre l’engagement que nous viendrons régulièrement rendre des comptes sur la mise en place de cette agence et procéder à des réajustements si, à la lumière de son fonctionnement, nous voyons qu’il faut améliorer des choses pour atteindre les objectifs que nous lui avons fixés.

L’agence n’est pas un objectif. Ce n’est qu’un outil au service des objectifs fixés par la loi : stopper la dégradation de la biodiversité, qui devient extrêmement dangereuse, y compris pour la santé publique, puis la reconquérir à partir de la protection et de la mise en valeur des espaces naturels.

ici ajout stopper la dégradation de la biodiversité, qui devient extrêmement dangereuse, y compris pour la santé publique, puis la reconquérir à partir de la protection et de la mise en valeur des espaces naturels.

En même temps, nous devons regarder les choses de façon très neuve en matière de croissance verte et de croissance bleue, de création d’emplois, de biomimétisme, j’y reviendrai, et de génie écologique.

Voilà les enjeux. C’est une façon moderne de voir les choses, et j’espère que nous pourrons trouver l’unanimité au sein de cette assemblée pour ensuite travailler ensemble concrètement sur nos territoires, parce que c’est là que se joue cette reconquête de la biodiversité.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les inscrits sur l’article. Nous aborderons l’examen des amendements lors de la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité et de la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly