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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 31 mars 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Place de l’écologie dans la politique gouvernementale

Mme Barbara Pompili

M. Manuel Valls, Premier ministre

Résultat des élections départementales

M. Philippe Vigier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique du Gouvernement

M. Frédéric Barbier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Résultat des élections départementales

M. Christian Jacob

M. Manuel Valls, Premier ministre

Devoir de vigilance des entreprises

M. Dominique Potier

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Gratuité du don de sang

M. Jacques Moignard

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Montée du Front national

M. Gérald Darmanin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Égalité territoriale

Mme Marie-Françoise Bechtel

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique

Remise en cause de la loi Évin

Mme Catherine Vautrin

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Liquidation judiciaire de Mory Global

Mme Chaynesse Khirouni

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Déficits publics

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Loi consommation

M. Robert Olive

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Salles de shoot

M. Yannick Moreau

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Situation des territoires ruraux

M. Paul Salen

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Liquidation judiciaire de Mory Global

M. Patrice Carvalho

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

2. Modernisation du système de santé

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Hélène Geoffroy, rapporteure de la commission des affaires sociales

M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Mme Monique Orphé

Motion de rejet préalable

M. Arnaud Robinet

Mme Marisol Touraine, ministre

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Kheira Bouziane-Laroussi

M. Élie Aboud

M. Francis Vercamer

Motion de renvoi en commission

M. Bernard Accoyer

Mme Marisol Touraine, ministre

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Gisèle Biémouret

M. Jean-Pierre Door

M. Arnaud Richard

Discussion générale

M. Jean-Louis Roumegas

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Martine Pinville

M. Jean-Pierre Door

M. Arnaud Richard

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Place de l’écologie dans la politique gouvernementale

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le Premier ministre, un Français sur deux n’a pas jugé utile, n’a pas jugé efficace de s’exprimer lors des élections départementales. Cette indifférence civique doit singulièrement interroger la majorité, parce que chacun a pu constater que l’abstention concerne une bonne part de celles et ceux qui avaient, en 2012, placé leurs espoirs en nous.

Chacun a pu également mesurer la croissance du vote pour l’extrême droite, alimenté par la crise économique ainsi que par une accumulation de frustrations et de stigmatisations, bien souvent contradictoires entre elles d’ailleurs, qui ne mène à rien.

De même, chacun a pu mesurer qu’en réussissant à gérer ses différences, en réalisant son unité, l’opposition a, par un simple effet mécanique, remporté un grand nombre de conseils départementaux. Face à cette réalité, soyons lucides. Nul ne peut demeurer inerte, à commencer par l’exécutif. Dans un monde qui bouge si vite, qui bouge au risque du pire, on ne peut pas ne rien changer.

M. Philippe Cochet. Que ne ferait-on pas pour un maroquin ?

Mme Barbara Pompili. Monsieur le Premier ministre, la gauche est à la merci de ses démons : d’une part, l’enfermement dans un entre-soi, d’autre part, la paralysie et la surdité aux incompréhensions de nos électeurs. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Monsieur le Premier ministre, vous avez proposé un nouveau pacte majoritaire. Sur ces bancs, chacun sait que l’unité n’est pas la garantie de la réussite, mais chacun sait aussi que la désunion porte la certitude de l’échec. C’est pourquoi nous sommes en attente d’une expression claire de votre part. Ma question est simple : quelle place entendez-vous donner concrètement à l’écologie dans la feuille de route gouvernementale et dans les choix économiques ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Barbara Pompili. Comment reconstruire les conditions d’une confiance qui s’est certes amoindrie entre nous, d’abord et avant tout avec celles et ceux dont nous portons ici la voix, afin de répondre aux exigences sociales et écologiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations et huées sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Attendez qu’il réponde !

M. Marcel Rogemont. Respectez les institutions !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la présidente Barbara Pompili (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),

Un député du groupe UMP. C’est « ministre » qu’elle attendait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …les élections départementales viennent d’avoir lieu et elles se sont traduites par une défaite de la gauche et par une victoire de la droite républicaine.

M. Marc Le Fur. Cela faisait trente-neuf ans que la gauche était à la tête des Côtes-d’Armor !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est incontestable et chacun a pu le constater. Ce n’est pas la première fois – et je n’en tire d’ailleurs aucun enseignement particulier – qu’à l’occasion d’élections intermédiaires – et, pour ce qui concerne ces élections départementales, en une seule série, alors que, par le passé, elles portaient sur deux séries – la majorité qui gouverne, toujours dans des conditions difficiles, essuie une défaite.

Madame Pompili, il faut toujours en tirer les leçons. Il faut toujours être à l’écoute, non seulement de la majorité, mais aussi, et avant tout, des Français qui, par leur vote ou leur abstention, ont exprimé leurs attentes, leurs exigences, leur désespoir et, souvent, leur colère. Ma responsabilité, celle du Gouvernement et celle de tous les responsables politiques, comme vous l’avez très bien dit, est d’y répondre.

Il ne faut jamais s’enfermer, car il s’agit d’être à l’écoute des uns et des autres. Nous avons une conviction : la priorité des priorités est de redresser l’économie de notre pays et de tout faire pour soutenir la compétitivité de nos entreprises, notamment par l’investissement.

M. Bernard Deflesselles. C’est plutôt raté !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faudra sans doute aller encore plus loin en matière d’investissement. Des rendez-vous sont déjà fixés, au-delà de l’examen actuel du projet de loi « croissance » par le Parlement : un projet de loi sur le dialogue social sera porté par François Rebsamen. Mais, comme je l’ai dit dès dimanche soir, il faudra sans doute aller encore plus loin, avec le Parlement comme avec l’ensemble des formations politiques, sur les questions liées à l’investissement privé et public.

Madame Pompili, la place des écologistes est dans la majorité (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, elle est pleinement au Gouvernement.

M. Bernard Accoyer. Et Fessenheim !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’était le cas il y a un an. Depuis un an d’ailleurs, en matière d’écologie, grâce au travail qui a été mené par le Parlement, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, nous avons bien avancé sur la transition écologique…

M. Bernard Accoyer. C’est scandaleux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …avec l’engagement de Ségolène Royal. La semaine dernière encore, le projet de loi sur la biodiversité a été adopté par l’Assemblée nationale.

Enfin – et c’est la réponse qui me paraît la plus importante – nous devons mettre en œuvre le plus rapidement possible toute une série de chantiers que j’ai eu l’occasion de présenter ces dernières semaines, notamment après les événements que nous avons connus au mois de janvier, concernant aussi bien les quartiers populaires que nos territoires périurbains et ruraux, ainsi que, bien sûr, les valeurs de l’école, de la République et de la laïcité. Bref, c’est autour de cette volonté que nous devons nous rassembler, et je ne parle pas seulement de la majorité.

M. Guy Geoffroy. C’est ridicule !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La porte est toujours ouverte et la main est tendue. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

La leçon que je tire de ces élections – cela vaut aussi bien pour la majorité que pour l’opposition – c’est que le pays, à travers l’abstention et le vote pour l’extrême-droite, qui reste extrêmement préoccupant, est profondément divisé et fracturé.

M. Bernard Deflesselles. C’est le retour de la IVe République !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces divisions sont présentes et notre responsabilité collective, et donc la mienne, est de rassembler – rassembler la gauche, bien sûr,…

Mme Laure de La Raudière. Voyez le résultat !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais aussi tous les Français, parce que le pays a plus que jamais besoin d’apaisement et d’unité, et que chacun doit y prendre sa part. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

Résultat des élections départementales

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, dimanche, les Françaises et les Français vous ont adressé un désaveu cinglant. Ils ont sanctionné les promesses non tenues sur le chômage et sur le pouvoir d’achat et nombre d’entre eux ont crié leur désespérance.

Ils vous ont adressé un message que vous devez entendre et auquel vous êtes tenu de répondre, vous qui vous êtes personnellement engagé dans cette campagne. Ils vous ont demandé des réformes qui les protègent, des réformes pour préparer l’avenir de leurs enfants, des réformes qui libèrent les énergies pour créer des emplois, ces réformes que le groupe UDI n’a cessé de vous demander ces trois dernières années.

Monsieur le Premier ministre, vous affirmiez ce matin tenir le cap – quel cap ? – en évoquant un possible remaniement. Allez-vous, dans la perspective du congrès du parti socialiste, ouvrir vos portes aux frondeurs ou aux écologistes qui, les uns et les autres, sont chaque jour un peu plus en rupture avec la politique que vous mettez en œuvre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Une telle majorité, rafistolée à la hâte, ne vous suivra pas pour mener les réformes de fond dont notre pays a besoin, et vous le savez bien.

Monsieur le Premier ministre, vous avez affirmé ce matin que le peuple vous demande de rester à votre poste. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas le cas de votre majorité. Comment allez-vous sortir de cette impasse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, je vous répondrai tout d’abord que je me suis en effet engagé dans la campagne des élections départementales.

M. Daniel Fasquelle. Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est mon rôle de Premier ministre, de chef de la majorité. Je ne pouvais accepter l’idée, mais chacun est libre de ne pas être d’accord avec moi, que le Front national devienne à l’occasion de ces élections départementales la première force politique de notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Et je considère, et cela vaut pour tous les bancs de cette assemblée, que le niveau électoral du Front national, sa présence sur l’ensemble du territoire, les propos qui ont été tenus par un certain nombre de ses candidats appellent et appelleront toujours une réponse, la mobilisation, celle des valeurs de la République. À l’adresse de ceux qui votent pour cette formation, qui sont trompés par elle, ce constat requiert les réponses les plus concrètes possibles sur des questions aussi essentielles que l’emploi, la sécurité, le pouvoir d’achat, le niveau des retraites et, d’une certaine manière, la prise en compte d’une forme de désespérance et de sentiment d’abandon.

Mme Claude Greff. Vous êtes mal à l’aise !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je suivrai cet engagement parce que le paysage politique, chacun l’a bien compris, et cela doit interpeller le président du groupe centriste que vous êtes, est profondément modifié et chacun doit en tirer les leçons,…

M. Philippe Cochet. Pyromane !

M. Dominique Dord. Commencez par vous-même !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …au premier chef le Gouvernement.

Nous allons poursuivre le redressement économique. De mon point de vue, il n’y a pas d’autre voie possible que celle, je le disais voilà un instant à Mme Pompili, du soutien aux entreprises, soutien qui doit leur permettre d’avoir davantage de marges.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ce que nous avons fait avec le pacte de responsabilité et le CICE, soutenus par une conjoncture européenne et internationale qui va dans le bon sens ; le niveau du prix du pétrole et la baisse des taux d’intérêt nous sont favorables, et je n’oublie pas, bien entendu, la baisse de l’euro, que nous avons demandée, et qui est une bonne chose pour la France, pour nos entreprises et pour l’Europe.

Nous allons donc continuer dans cette voie, et il faudra sans doute aller plus loin dans deux directions. La première, je l’ai indiqué, c’est bien sûr le soutien à l’investissement des entreprises ; la seconde, nous aurons l’occasion d’y revenir, c’est la possibilité pour les PME et PMI d’embaucher davantage et plus rapidement, parce que ce sont ces dernières qui accueillent la grande majorité des salariés de ce pays et qui doivent pouvoir embaucher davantage.

M. François Rochebloine. C’est indispensable !

M. Alain Gest. Baratin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Sur ces éléments-là comme sur les chantiers que nous avons engagés – j’ai évoqué la transition énergétique, les quartiers, la ruralité, la priorité donnée à l’éducation, le projet de loi relatif à la santé, dont la discussion commence cette semaine à l’Assemblée nationale –, je souhaite, et je l’ai déjà dit à la tribune de cette assemblée, que nous puissions, les uns et les autres, dialoguer et avancer ensemble.

Après les résultats des dernières élections et compte tenu des défis qui sont devant nous et du changement de paysage politique que je viens de décrire, j’ai la conviction que si la gauche se rassemble, si elle est unie, si elle parvient à s’adresser non pas uniquement à son propre camp mais à l’ensemble des Français, (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP) alors nous pourrons non seulement recréer de l’espérance, mais aussi faire en sorte que les Français reviennent à la vie politique, car ils s’en sont éloignés.

Voilà ce que je voulais vous répondre de la manière la plus claire et la plus lisible possible, monsieur le président Vigier. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

Politique du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Frédéric Barbier. Monsieur le Premier ministre, la semaine dernière, le groupe PSA a annoncé une augmentation de sa capacité de production sur le site de Trémery, en Moselle. Cette bonne nouvelle va permettre de créer de l’emploi et de la croissance pour notre pays.

Pourtant, il y a trois ans, la situation des grandes entreprises automobiles françaises était préoccupante.

M. Guy Geoffroy. Pourquoi ne parle-t-il pas des élections départementales ?

M. Frédéric Barbier. Avec patience, méthode et volontarisme nous avons établi un plan automobile pour relever la tête dans ce secteur économique vital pour l’économie française. Mes chers collègues, la patience et la méthode sont des vertus déterminantes lorsque l’on préside aux destinées d’une nation. Nous devons les conserver, les promouvoir, pour réussir à surmonter les difficultés redoutables qui se présentent sur le chemin de la France.

Oui, la reprise enclenchée ces dernières semaines doit être encouragée et stimulée. Oui, les efforts de compétitivité doivent être prolongés pour vaincre le chômage. Oui, le redressement des comptes publics après la gabegie des années Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) va faire de notre majorité la première majorité de l’histoire de la cinquième République à baisser chaque année le niveau des déficits publics. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs.)

Oui, enfin, la solidarité, cette valeur en laquelle nous croyons, continuera d’irriguer notre action malgré les cris de ceux qui veulent y voir de l’assistanat. La généralisation du tiers payant, la réforme de la dépendance, le compte pénibilité, le compte formation, la nouvelle prime d’activité pour les travailleurs modestes : nous continuerons de les défendre car ils sont au cœur de l’ADN de la gauche.

M. Alain Gest. Baratin !

M. Alain Chrétien. Rien ne marche !

M. Frédéric Barbier. Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas sourds, nous ne sommes pas aveugles et nous ne sommes pas muets. Notre majorité a entendu le message adressé par nos concitoyens les 22 et 29 mars dernier. Ils veulent des résultats, ils veulent du mouvement, ils veulent un projet concret porteur d’espoir. Vous pouvez compter sur notre détermination pour vous accompagner sur ce chemin.

Monsieur le Premier ministre, quels enseignements tirez-vous de cette séquence ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Dord. Aucun !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je réponds à chacun des groupes, ce qui me paraît normal après ce que vous avez appelé cette « séquence » électorale, monsieur Barbier ; je vous réponds d’ailleurs toujours avec beaucoup de plaisir, vous qui représentez un territoire qui a subi la crise industrielle mais qui retrouve aujourd’hui des couleurs, grâce non seulement à l’engagement de l’État auprès de PSA mais aussi aux efforts que les salariés ont fournis.

Je sais qu’il peut y avoir un débat sur ce point, mais je considère qu’un certain nombre de signes vont dans le bon sens. Bien sûr, la plupart de nos concitoyens, notamment ceux qui sont en difficulté, au chômage, en fin de droits ou qui touchent une petite retraite, ne les voient pas. Cependant, dès lors que des éléments jouent en faveur de la croissance et que la hausse des indicateurs synthétisant la confiance des ménages et des entreprises est encore modeste et fragile, nous devons tout faire pour accompagner ce mouvement, pour que la croissance soit la plus forte possible, dès cette année, parce que c’est la condition sine qua non pour faire baisser le chômage, ce qui, vous le savez, est notre priorité.

Là aussi, je le répète, il nous faudra ensemble engager de nouveaux chantiers. Des rendez-vous sont prévus avec les ministres François Rebsamen et Emmanuel Macron. Nous allons travailler ensemble sur la question de l’investissement privé et de l’investissement public.

Je n’oublie pas non plus, vous avez eu raison de le souligner, monsieur le député, la nécessité de donner un sens, une cohérence à la politique que nous menons et qui vise à la fois le redressement économique et le progrès, mais aussi la lutte contre les inégalités. Ces objectifs sont ceux des textes relatifs au vieillissement et à la santé que vous avez évoqués. Nous les poursuivons également au travers de la fusion du RSA activité et de la prime pour l’emploi, mesure par laquelle nous entendons favoriser le retour à l’emploi des travailleurs pauvres, notamment.

La question du travail est en effet centrale dans notre société, et c’est un des éléments qui remontait le plus fréquemment au sujet de votre territoire, monsieur Barbier. Sur tous ces sujets-là, vous pouvez compter sur la détermination du Gouvernement.

Mme Claude Greff. C’est du baratin, tout cela !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il nous faut donner du sens. Je pense que les Français sont favorables aux réformes et ont souvent compris la nécessité de faire des efforts, mais cela ne pourra perdurer qu’à condition qu’ils en perçoivent la fin, c’est-à-dire le progrès et la justice sociale. Ce sera tout le sens de l’action du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Résultat des élections départementales

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, il y a un an, Jean-Marc Ayrault était remercié après le terrible échec de la gauche aux municipales. Un an après, vous subissez à nouveau une défaite électorale cinglante. Et, dimanche soir, vous dites aux Français : « Peu importe votre vote, peu importe le résultat des élections, rien ne changera pour moi, je n’en tirerai aucune conséquence politique. »

Cette attitude, monsieur le Premier ministre, marque plus que de la légèreté, plus que du mépris : c’est une faute politique impardonnable ! (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Le résultat de dimanche, c’est votre échec. C’est vous qui avez hystérisé la campagne. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) C’est vous et votre gouvernement qui vous êtes acharnés sur les familles, sur les classes moyennes, sur les chefs d’entreprise, sur les notaires, sur les agriculteurs, aujourd’hui sur les médecins.

Ayez l’humilité de reconnaître que c’est sur les décombres de votre politique économique et sociale que le Front national prospère.

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Christian Jacob. Ayez l’humilité de reconnaître que la gauche a été laminée, que la droite républicaine a remporté une victoire sans précédent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Ayez l’humilité de reconnaître que votre bilan politique, c’est une majorité en pleine déliquescence, c’est un groupe socialiste totalement explosé, c’est une hécatombe dans les départements. Dans votre propre département – mais je vois que cela vous fait sourire ! –, vous avez été battu, comme le Président de la République a été battu dans le sien. C’est ça la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bruno Le Roux. Propos ridicule, comme d’habitude !

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, avec un bilan aussi désastreux, peut-on dire : « J’y suis, j’y reste, circulez, il n’y a rien voir » ? Décemment, non. Ce qui a justifié votre arrivée à Matignon il y a un an devrait, en toute logique, justifier votre départ aujourd’hui. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Démission ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour avoir moi-même siégé dans l’opposition et assisté à de larges victoires de mon camp lors des élections intermédiaires, monsieur le président Jacob, je sais d’expérience qu’il faut en ces occasions avoir le triomphe mesuré et modeste. Vous n’en avez pas donné la preuve à l’instant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. Christian Jacob. L’humilité n’est pas votre qualité première, monsieur le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Dans cette occasion comme dans d’autres plus graves, votre intervention est caricaturale. Vous aussi êtes investi d’une responsabilité puisque vous gouvernerez, à partir de jeudi, une majorité de départements et que ces collectivités ont des compétences essentielles pour la vie quotidienne des Français.

M. Bernard Deflesselles et M. Claude Goasguen. Quelles compétences ? C’est bien la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Chacun a donc une responsabilité.

Et puisque vous avez parlé de l’extrême droite, je veux rappeler qu’en appelant à voter pour tous les candidats de la droite républicaine face au Front national (« Non ! » sur de nombreux bancs du groupe UMP), la gauche a eu dans ce scrutin l’attitude qui a toujours été la sienne depuis 2002. J’aurais souhaité pour mon pays et pour la vie démocratique que la faute politique commise par Nicolas Sarkozy, celle du « ni-ni », de l’absence de choix face à l’extrême droite, soit davantage combattue. Elle l’a été, heureusement, par beaucoup d’entre vous et par beaucoup de vos élus, mais je voudrais qu’il en reste une trace. C’est quand on ne sait pas choisir entre la gauche républicaine et l’extrême droite que l’on commet une faute politique et morale, monsieur Jacob ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Je l’ai dit dès dimanche, je l’ai redit ce matin : oui, nous devons tirer les leçons de ce scrutin. Vous ne l’avez jamais fait lorsque vous avez perdu des élections locales. Je ne sais s’il s’agissait de défaites historiques, mais j’ai des souvenirs précis de ce qui s’est passé quand nous étions dans l’opposition.

Pourtant, cela ne suffit pas. Car je ne sais pas quel est votre programme, je ne sais pas quel est votre projet,…

M. Philippe Armand Martin. C’est vous qui êtes au Gouvernement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …sinon de réclamer 150 milliards d’économies supplémentaires pour mettre en cause les services publics ; je ne sais pas quel est votre programme, sinon de parler uniquement d’« assistanat » ; je ne sais pas quel est votre programme, sinon de courir derrière l’extrême droite à travers le débat nauséabond sur les cantines scolaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Si nous voulons, monsieur Jacob, avoir un vrai débat pour les Français dans les deux ans qui viennent – car, rassurez-vous, je reste et j’assume pleinement mes responsabilités –, si nous voulons sortir de cette crise politique dont le nouveau paysage politique et l’abstention sont aussi la traduction,…

M. Philippe Meunier. Arrêtez de donner des leçons !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …vous devez, vous, vous découvrir et présenter un vrai projet aux Français. Ceux-ci se voient déjà présenter plusieurs projets : il y a celui qui consiste à sortir de l’euro, de la politique agricole commune, de l’Union européenne, c’est-à-dire à les ruiner ; il y votre projet, qui consiste à remettre en cause le modèle social ; et il y a notre projet, que nous devons mieux expliquer et mieux concrétiser par des résultats, le projet qui consiste à redresser le pays en gardant le cap du progrès et de la justice sociale.

Parce que nous sommes dans une période où la France a des défis majeurs à relever, je continuerai à cette place, avec le Gouvernement et avec la majorité,…

M. Claude Goasguen. Quelle majorité ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …à combattre pour cette idée que j’ai de la France et à combattre les idées qui me semblent mauvaises pour mon pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Devoir de vigilance des entreprises

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Dominique Potier. Monsieur le Premier ministre, hier, avec les rapporteurs pour avis Serge Bardy et Annick Le Loch, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ce texte novateur enjoint aux grandes entreprises – nos multinationales – d’avoir vis-à-vis de leurs filiales et de leurs sous-traitants un plan de vigilance pour prévenir les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement, pour lutter contre la corruption et pour réparer les dommages subis par les victimes.

Cette proposition de loi est une fierté pour toute la majorité, car elle a été fabriquée de manière inédite, en intergroupe et avec des ONG et des syndicats qui ont joué un rôle de sentinelles. Elle est une fierté en ce qu’elle fait justice aux esclaves modernes d’une mondialisation sans foi ni loi. Elle est une fierté parce qu’il n’y a pas de droits sans devoirs et sans limites. C’est une loi pour la loyauté dans le monde de l’entreprise et dans la mondialisation. Elle trace un chemin pour notre génération politique : donner du sens humain à la globalisation.

Nous sommes en cela les héritiers d’Henri Grégoire, député lorrain de la Constituante, que je me permets de paraphraser ici : un jour, le soleil ne brillera plus, à Dubaï comme à Dacca, que sur des hommes libres !

Ce texte est une fierté car il est une réponse au sentiment d’impuissance publique, au sentiment que c’est la finance qui gouverne le monde. Elle est une fierté pour les républicains qui font la loi et qui font justice.

Monsieur le Premier ministre, comment procéderons-nous pour qu’il soit adopté avant l’été et comment porterons-nous ce combat à l’échelle européenne ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, vous étiez hier le rapporteur d’un texte qui, outre le fait qu’il a été adopté à une très large majorité de l’Assemblée nationale – notamment la majorité gouvernementale, mais avec des remarques positives émanant de parlementaires de l’opposition –, marquera indiscutablement cette législature.

Siégeant moi-même au banc du Gouvernement pour soutenir ce texte au nom du Premier ministre, je puis vous dire également ma fierté de voir établi ce devoir de vigilance. Les plus grandes entreprises, celles de plus de 5 000 salariés, devront désormais présenter un plan de vigilance contre les risques d’atteinte aux droits de l’homme, aux droits sociaux et aux droits environnementaux partout dans le monde.

C’est bien sûr un message d’humanisme et d’universalisme conforme à notre tradition républicaine, française et progressiste, mais c’est aussi une loi destinée à lutter contre le dumping social et environnemental, qui nous fait sortir par le haut des problématiques de la mondialisation.

Vous avez raison d’insister sur le fait que notre pays jouera désormais, grâce au travail que vous avez mené depuis deux ans, un rôle d’éclaireur, l’objectif étant, bien entendu, d’avancer au plan européen.

La proposition de loi est élaborée de manière à ne nuire en aucune façon à nos entreprises. Néanmoins, au-delà de la responsabilité propre de notre pays, nous voulons convaincre l’ensemble de nos partenaires de cette vision nouvelle d’une mondialisation équilibrée qui fait de la France un précurseur et de ses entreprises un modèle dans le monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Gratuité du don de sang

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Moignard. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Comme de nombreux autres pays dans le monde, la France possède une tradition forte et ancrée dans notre conception du droit : elle considère que le corps humain est inviolable ; ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’aucun droit patrimonial. En conséquence, aucune rémunération ne peut être allouée à celui qui se prête au prélèvement d’éléments de son corps ou à la collecte de produits de celui-ci.

Madame la ministre, vous le savez bien, nos compatriotes sont profondément attachés à cette éthique. Le don du sang doit toujours être un acte volontaire, un acte anonyme, un acte responsable et avant tout, un acte bénévole. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RRDP, SRC, écologiste et GDR.)

Les députés du groupe RRDP, comme l’immense majorité de la représentation nationale, sont convaincus qu’il serait extrêmement regrettable de libéraliser cette doctrine. Le sang, comme les organes, ne doit en aucun cas donner lieu à une contrepartie financière ou matérielle.

À la lecture parfois confuse de la loi de financement de la Sécurité sociale, du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ou du projet de loi relatif à la santé, les associations de donneurs de sang bénévoles s’inquiètent de certaines pressions qui s’exercent sur les pouvoirs publics.

Madame la ministre, la vérité nécessite la clarté absolue sur ce sujet sensible. Tout simplement, pouvez-vous nous assurer que la faculté du don du sang par des bénévoles ne sera jamais remise en cause ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP, UDI et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le député Jacques Moignard, ma réponse est évidemment « oui ! ». Je vous apporte mes assurances que ce qui fonde la spécificité de la filière sanguine dans notre pays sera maintenu et conforté.

Vous avez raison de souligner l’attachement des donneurs de sang – j’ai reçu leurs représentants il y a peu – et de l’ensemble de nos concitoyens aux principes éthiques du don. En France, le don est volontaire, bénévole et non-rémunéré.

Nous tenons absolument à ces principes, que nous réaffirmons dans un contexte juridique qui a évolué à la suite de deux décisions de justice. En effet, un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne et un arrêt du Conseil d’État ont requalifié le plasma traité par solvant-détergent – le plasma SD – en médicament.

M. Marc Le Fur. Cessez de vous abriter derrière des décisions de justice !

Mme Marisol Touraine, ministre. D’une part, je vous assure que l’Établissement français du sang gardera le monopole de la collecte et garantira l’autosuffisance en plasma.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. D’autre part, comme cela a été souligné lors de nos débats sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les laboratoires pharmaceutiques devront s’engager à respecter les principes du don éthique dans notre pays pour obtenir une autorisation de mise sur le marché de plasma traité par solvant-détergent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

C’est un engagement fort de la part des pouvoirs publics. Cette exigence pèse aussi sur les épaules de ceux qui voudront mettre de tels produits sur le marché. Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est très attentif à ce que cette spécificité éthique française soit maintenue et garantie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Montée du Front national

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Monsieur le Premier ministre, vous avez fait de la bataille contre le Front national un combat personnel et moral. Un an après votre nomination à la tête du Gouvernement et trois ans après l’élection de François Hollande et de votre majorité, il est temps de tirer un premier bilan sur ce sujet, comme sur tant d’autres.

Avec vous au pouvoir, monsieur le Premier ministre et à cause de vos politiques injustes et inefficaces, le Front national, malheureusement, n’a jamais été aussi haut dans notre pays.

Avec vous au pouvoir, ce sont deux membres du Front national qui siègent à l’Assemblée nationale, dont l’une a été élue députée grâce au parti socialiste du Vaucluse.

M. Christian Bataille. Menteur !

M. Gérald Darmanin. Avec vous au pouvoir, ce sont deux membres du Front national qui ont fait leur entrée au Sénat. Avec vous au pouvoir, ce sont 24 membres du Front national qui ont été élus députés européens, formant le premier groupe français en nombre de députés. Avec vous au pouvoir, ce sont 1 600 membres du Front national qui ont été élus conseillers municipaux, et qui siègent dans plusieurs villes historiquement socialistes du bassin minier. Avec vous au pouvoir, ce sont 62 membres du Front national qui viennent d’être élus conseillers départementaux, grâce à votre tripatouillage électoral.

Quelle triste politique, monsieur le Premier ministre ! Et quel triste bilan !

Par égocentrisme, ou par aveuglement, vous avez dit sur toutes les ondes que vous ne changeriez pas votre politique.

M. Jean-Claude Perez. Quel niveau !

M. Gérald Darmanin. Et pourtant, elle fait monter inexorablement le chômage et la délinquance, continuant de désespérer les Français.

Monsieur le Premier ministre, on ne combat pas la misère, la désespérance sociale ou l’insécurité avec des cours de morale et des coups de menton. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

On les combat avec des résultats ! Où sont vos résultats ? Arrêtez d’attendre la croissance, avec M. Hollande, comme d’autres attendaient Godot. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sébastien Denaja. Petit roquet !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député Darmanin, alors que notre pays traverse une époque grave…

Mme Claude Greff. Ça fait un moment !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, cela fait plusieurs années, je peux même vous donner des dates, madame la députée ! Je ne suis pas certain qu’il faille nous renvoyer les uns aux autres – je parle des formations républicaines – la responsabilité de la montée du Front national.

Un député du groupe UMP. C’est ce que vous faites en permanence !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il me serait pourtant aisé de vous dire que le Front national est passé de 10 % à plus de 18 % entre 2007 et 2012 ! Je pourrais aussi vous rappeler que l’on comptait un million de chômeurs de plus à l’issue du quinquennat de Nicolas Sarkozy, que la pauvreté était plus grande et que la délinquance, notamment dans les territoires ruraux, avait explosé. Enfin, je pourrais vous rétorquer que le sentiment d’abandon ne date pas d’hier et que la désespérance dans les quartiers populaires s’est particulièrement illustrée en 2005.

M. Claude Goasguen. Qu’avez-vous fait depuis trois ans ?

M. Guy Geoffroy. En fait, c’est nous qui avons été battus dimanche !

M. Christian Jacob. C’est vous qui êtes responsables de votre échec !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Honnêtement, je trouve que ce débat n’a aucun intérêt ! Mais là où je veux vous reprendre, monsieur le député, c’est sur les valeurs. Je suis convaincu qu’il faut toujours apporter des réponses concrètes, notamment à ceux qui sont dans la désespérance.

M. Yves Fromion. Ça, ça ne coûte rien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Lorsqu’il s’agit d’évoquer dans ce Parlement une formation dont des dizaines de candidats ont tenu des propos racistes, antisémites, xénophobes, sexistes et homophobes, pardon de vous le dire avec modestie, il ne faut pas dire que les valeurs n’ont pas d’importance. Les valeurs, cela compte et il faudra plus que jamais, peut-être, les brandir pour lutter contre l’extrême-droite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Et ce, quoiqu’il arrive ! Car ce sont précisément les valeurs qui nous rassemblent, au-delà des débats politiques que nous connaissons. C’est cela aussi l’histoire de notre pays, c’est ainsi que nous pouvons parfois nous retrouver sur l’essentiel, comme en janvier.

Mme Claude Greff. Avec tout ça, vous ne parlez pas beaucoup du chômage !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais, monsieur le député, vous avez raison, face au chômage et à la pauvreté, il faut des résultats. Les Français attendent des réponses.

M. Yves Fromion. Exactement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous commençons à obtenir un certain nombre de résultats sur la croissance, sur la compétitivité de nos entreprises…

M. Bernard Deflesselles. Lesquels ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et nous devons aller plus loin.

M. Patrice Verchère. Arrêtez le massacre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il nous faut poursuivre, en préservant notre modèle social. Nous devons lutter contre la pauvreté et permettre le retour à l’emploi.

Le débat sur l’insécurité existe, notamment dans un contexte de campagne électorale. Si le ministre de l’intérieur n’était pas à Berlin avec le Président de la République, il vous le dirait mieux que moi : nous obtenons aussi des résultats dans ce domaine. La délinquance et le nombre de cambriolages sont en baisse.

M. Christian Jacob. Tout va très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, nous devons exposer nos résultats, montrer notre efficacité, répondre à la désespérance d’un certain nombre de nos concitoyens. Nous devons aussi donner du sens, un projet, un récit à ce pays. Vous ne voulez pas des valeurs ? Nous voulons à la fois des résultats et des valeurs. Je continuerai, avec la majorité, avec le Gouvernement, à les porter et à les incarner, car elles sont plus que jamais nécessaires à notre pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs des groupes écologistes et RRDP.)

Égalité territoriale

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le Premier ministre, le second tour des élections départementales a montré que certains départements ont été le réceptacle d’une somme d’angoisses, de rejets, de frustrations accumulés depuis de longues années et qui ont explosé sous l’effet de politiques mal vécues par le passé mais, il faut le reconnaître, parfois aussi au présent.

Le département de l’Aisne dont je suis l’élue en est une illustration criante. Certes, le Gouvernement, emmené par son Premier ministre, est venu dire, il y a peu, son souci de prendre en compte les problèmes de la ruralité. Cette intervention a pu contribuer à limiter le sentiment d’abandon de ce territoire et contenir par là le vote en faveur du Front national, mais il faut aller au-delà, très au-delà, et offrir à nos compatriotes, où qu’ils soient et quels qu’ils soient, une fenêtre d’espoir.

Je propose au Gouvernement deux pistes d’actions urgentes et nécessaires. Il convient tout d’abord de lutter contre l’éloignement des services publics qui ne manquera pas de résulter de l’intégration de départements déjà appauvris au sein de grandes régions, telle la région Nord-Pas-De-Calais Picardie. Seule une répartition harmonieuse des services publics, à commencer par les services de l’État, dans l’ensemble des communes de quelque importance, pourra pallier cet enclavement. Je demande des engagements de l’État à cet égard.

Il faut ensuite veiller à ce que les instruments de pilotage aux mains de la région, en premier lieu le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, soient bien conduits dans le souci du développement de tous. Il ne faudrait pas qu’une vision quelque peu intégriste du développement durable l’emporte sur la nécessité de développer des activités économiques qui, seules, ouvriront cette fenêtre sur l’avenir que nos habitants attendent et qui a pour nom « prospérité économique et emploi ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous demande donc, monsieur le Premier ministre, quels engagements le Gouvernement est prêt à prendre en faveur d’une égalité effective des territoires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Madame la députée, le Premier ministre nous a donné à Laon, à Sylvia Pinel, André Vallini et moi-même, une feuille de route claire. C’était en effet un lieu symbolique pour répondre au sentiment d’abandon. Or, ce n’est pas en demandant 150 milliards d’économies de dépense publique que nous réussirons à répondre à l’absence de couverture en téléphonie mobile ou en haut débit et ce n’est pas en diminuant le nombre de fonctionnaires que nous pourrons créer des maisons de services publics.

M. Claude Goasguen. Continuez donc !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mettons fin aux contradictions. Nous avons fait un choix. À masse salariale constante, l’État répondra à la ruralité. Engagement a été pris en matière de téléphonie mobile, engagement a été pris sur le numérique, engagement a été pris pour 1 000 maisons de services publics, engagement a été pris de mettre à la disposition des collectivités territoriales et des pays le plus en difficulté les forces de l’État lui-même pour faire émerger des projets. C’est souvent par manque d’ingénierie ou de cadres A dans ces communes et ces communautés de communes rurales, que nous ne réussissons pas à faire émerger les projets. L’État se met donc, pour quelques années, à la disposition des territoires ruraux.

Vous avez raison d’en appeler également aux régions. Avec un schéma régional d’aménagement du territoire et de développement durable, il va falloir assurer la cohérence. Si nous sommes revenus, comme je l’ai entendu durant toute la campagne électorale, sur l’existence même des départements, c’est parce que tant que ce sentiment d’abandon existe, les départements doivent jouer le rôle de catalyseur au niveau de l’aménagement de nos zones rurales. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Si la loi n’est pas votée, c’est à la demande expresse du président du Sénat Gérard Larcher et du sénateur UMP Bruno Retailleau, qui ont demandé deux mois de report. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Remise en cause de la loi Évin

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le Premier ministre, Mme Lebranchu vient, à l’instant, d’évoquer une feuille de route claire pour le Gouvernement. Laissez-moi vous démontrer que l’action de celui-ci est malheureusement toute autre. Vous avez décidé de promouvoir l’œnotourisme. La filière représente 10 milliards d’euros d’exportation, la vente de 146 Airbus, 600 000 emplois, 10 millions de visiteurs par an. C’est dire si le secteur est extrêmement intéressant et dynamique.

Eh bien, demain, ce secteur sera la victime collatérale d’un projet de loi de votre ministre de la santé, celle qui a réussi le tour de force de mobiliser tous les professionnels de santé contre le texte, ainsi que toute la filière viticole. Demain, en effet, votre majorité accentuera la législation contre cette filière, donnant ainsi des arguments de vente aux Espagnols et aux Italiens.

M. Yves Fromion. Eh oui, hélas !

Mme Catherine Vautrin. Nous le savons, les professionnels sont des gens responsables, qui appliquent loyalement la loi Évin, loi toujours évoquée mais jamais évaluée. Promouvoir la modération, c’est l’engagement des professionnels. Cheminer vers plus d’interdiction, c’est totalement irresponsable et illusoire en matière de santé publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Malheureusement, là comme ailleurs, vous avancez sans écouter personne, madame la ministre, sans entendre personne. Quelle est la cohérence d’un Gouvernement qui, d’un côté, veut promouvoir une filière mais qui, de l’autre, interdit la promotion de ses produits ? C’est totalement ubuesque. (Mêmes mouvements.)

Monsieur le Premier ministre, il serait temps de remettre un peu de bon sens dans l’action de votre Gouvernement. Bien sûr, il faut consommer l’alcool avec modération, mais il est également urgent de légiférer avec modération, en un mot de retirer ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, lorsque l’on veut attaquer, encore faut-il savoir viser juste. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce texte ne contient aucune disposition – je dis bien « aucune » –, qui remette en cause l’équilibre issu de la loi Évin. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pour ce qui est de l’alcool, la seule disposition qui y figure, et qui a d’ailleurs été approuvée à une très large majorité, y compris sur les bancs de l’opposition en commission des affaires sociales, se rapporte à la lutte contre l’alcoolisation excessive des jeunes, le binge drinking.

Ce projet de loi entend respecter l’équilibre tel qu’il ressort de la loi Évin, adoptée il y a près de vingt-cinq ans, et qui a fait l’objet d’un consensus dans notre pays.

M. Bernard Accoyer. C’est pour masquer le tiers payant !

Mme Marisol Touraine, ministre. S’il ne s’agit en aucun cas de lutter contre l’activité économique ou le tourisme qui peut résulter de l’activité vinicole, il ne s’agit pas davantage de remettre en question l’équilibre issu de la loi Évin. Nous devons lutter contre les excès de l’alcoolisme, contre ceux de la publicité telle qu’elle existe dans certains territoires. Les prochains débats seront pour nous l’occasion de faire respecter la loi Évin dans son intégralité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Liquidation judiciaire de Mory Global

M. le président. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Chaynesse Khirouni. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, et je veux y associer mon collègue Hervé Féron.

Le tribunal de commerce de Bobigny devrait prononcer dans les prochaines heures la mise en liquidation judiciaire de l’entreprise Mory Global, propriété du fonds d’investissement Arcole Industries. Vous le savez, cette entreprise a fait l’objet d’une reprise partielle en février 2014. Aujourd’hui, force est de constater la responsabilité du groupe Arcole Industries, qui n’a pas redressé l’entreprise en dépit du soutien sans précédent qu’ont apporté les pouvoirs publics : l’État s’était en effet engagé très fortement en débloquant un prêt de 17,5 millions d’euros.

La faillite de cette entreprise est malheureusement la conséquence d’une mauvaise gestion et d’un sous-investissement de la part d’Arcole Industries, mais aussi de la crise qui frappe un secteur fortement touché par les pratiques de dumping social au niveau européen.

Les offres de reprise partielle ne permettent d’envisager la sauvegarde que de 126 emplois sur les 2 200 salariés que compte le transporteur routier. Une telle perspective est particulièrement préoccupante du point de vue social dans de nombreux territoires, en particulier en Meurthe-et-Moselle où près de 145 salariés sont concernés par la perte de leur emploi.

Les salariés et les organisations syndicales demandent maintenant à bénéficier d’un plan de sauvegarde de l’emploi d’un haut niveau, à tout le moins comparable à celui dont ont bénéficié les salariés de la société Mory Ducros au début de l’année 2014.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous informer des initiatives exceptionnelles d’accompagnement des salariés qu’entend prendre le Gouvernement et nous dire dans quelle mesure il entend peser sur la négociation du plan de sauvegarde de l’emploi en faveur des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Allô ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Vous avez raison, madame la députée,…

M. Christian Jacob. Non, elle a tort !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. …d’évoquer avec gravité dans cet hémicycle ce qui constituera et constitue sans doute déjà le plus grand sinistre social en France depuis l’affaire Moulinex. Vous avez rappelé que 2 800 emplois avaient déjà été supprimés suite au premier dépôt de bilan de Mory Ducros. Le Gouvernement s’était alors engagé financièrement aux côtés du repreneur mais, hélas, le groupe Arcole n’a pas pu assumer ses responsabilités et conduire au redressement de cette entreprise.

Le tribunal de commerce de Bobigny a prononcé le 10 février dernier le redressement judiciaire de la nouvelle entreprise Mory Global. Une audience a lieu aujourd’hui et, compte tenu de la nature des propositions de reprise, il est à craindre qu’une décision de liquidation soit prononcée.

Le Premier ministre a indiqué ce matin que le Gouvernement est pleinement conscient de ce drame. Une première réunion a été tenue avec les organisations syndicales dans mon ministère, avec ceux de MM. Rebsamen et Macron, pour examiner avec les syndicats et les administrateurs le contenu du plan social et la suite de la procédure judiciaire. Lors de cette rencontre, les organisations syndicales ont pu faire connaître leur ressentiment à l’égard du repreneur, le groupe Arcole.

Le Gouvernement souhaite un dispositif exceptionnel. Très concrètement, chaque salarié de Mory Global sera accompagné par un conseiller spécialisé. Les salariés pourront bénéficier d’un contrat de sécurisation professionnelle qui permet de garantir les salaires pendant douze mois, et l’État couvrira pendant deux ans le différentiel de salaire jusqu’à 300 euros.

Pour répondre très concrètement et précisément à votre question, le Gouvernement considère que la revendication des salariés de Mory Global, qui demandent un plan social identique à celui des salariés de Mory Ducros, est légitime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Déficits publics

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Le 26 mars dernier, l’INSEE a publié les comptes des administrations publiques. En 2014, la France a enregistré un déficit s’élevant à 4 % de son PIB, alors que les prévisions s’étaient établies à 4,4 % puis 4,1 %. Selon l’INSEE, cette légère amélioration est « essentiellement liée » au recul du déficit des collectivités locales, dont les investissements se sont repliés de 4,8 milliards d’euros l’an dernier.

À cet égard, la poursuite des baisses drastiques des dotations laisse craindre le pire pour l’investissement en 2015. Nous en constatons déjà dans nos territoires l’effet néfaste pour les secteurs du bâtiment et des travaux publics. La France se distingue du reste de l’Europe par un niveau de déficit qui demeure nettement supérieur à la moyenne de la zone euro et de l’Union européenne. Grâce à des réformes structurelles, les pays voisins ont su réduire leur déficit public de façon significative.

Vous avez bénéficié d’une très faible inflation et du niveau très bas des taux d’intérêt, qui ont permis de réduire la charge du remboursement des intérêts de la dette de 1,7 %, soit 900 millions d’euros. La dépense publique a continué d’augmenter avec une hausse de 1,6 % en 2014, pour s’établir à 57,2 % du PIB : record historique et mondial ! En 2014, la dette publique a atteint 95 % du PIB. Chaque Français supporte dorénavant une dette publique de 30 727 euros !

Il ne suffit pas de parler de réformes, monsieur le Premier ministre, pour convaincre les Français que le Gouvernement a pris les bonnes mesures. C’est l’échec de votre Gouvernement qui a été sanctionné dimanche 29 mars lors des élections départementales. Tous les indicateurs économiques sont au rouge, et les Français l’ont bien compris. Quelles réformes structurelles envisagez-vous de lancer pour répondre à leurs angoisses et à leurs attentes ? Quand réagirez-vous, monsieur le Premier ministre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je vous remercie, madame la députée, de reconnaître que le déficit public était inférieur en 2014 à celui de 2013, comme l’a confirmé l’INSEE. Certes, il faut avoir la satisfaction modeste…

M. Claude Goasguen. Oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …mais il faut aussi que les Français aient le sentiment, contrairement à l’idée communément répandue, que les déficits se réduisent.

M. Yves Censi. Ils augmentent moins vite, voilà tout !

M. Olivier Marleix. C’est glorieux !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les causes en sont diverses. Nous n’allons pas ici nous livrer à un travail de commission, mais je tiens à signaler trois éléments qui, selon moi, pourraient recueillir notre assentiment. Tout d’abord, madame la députée, la dépense publique progressait de 3 % par an entre 2005 et 2012 ; elle a progressé de 0,9 % l’an dernier. Ce ralentissement très net est dû aux efforts que nous avons demandés à l’ensemble des acteurs publics, y compris les collectivités locales que vous avez évoquées.

Ensuite, je tiens à vous signaler l’amélioration des comptes sociaux. Mme la ministre de la santé a eu l’occasion de le dire : en quatre ans, le déficit du régime général, y compris le fonds de solidarité vieillesse, a diminué de moitié, passant de 27 à 13,5 milliards. Nous pouvons ensemble nous en féliciter, même s’il reste du chemin à parcourir.

Enfin, pour la première fois depuis 2009, les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire l’ensemble des contributions que paient les Français, qu’ils soient citoyens ou entreprises, sont restés stables d’une année sur l’autre.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ils augmentaient sans discontinuer depuis 2009, mais ils sont restés stables et nous prenons ici l’engagement – nous y reviendrons dans les prochains jours – d’aboutir à leur diminution en 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Nicolin. Menteur !

Loi consommation

M. le président. La parole est à M. Robert Olive, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Robert Olive. Madame la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, nous fêtons en ce mois de mars le premier anniversaire de la loi consommation, dont l’objectif est de redonner du pouvoir et des droits aux consommateurs.

Ce texte met également en place de nouveaux dispositifs de régulation pour structurer notre économie et améliorer les relations entre les entreprises.

Depuis un an, de nombreuses mesures ont été réalisées. L’action de groupe a été mise en place, ce qui constitue une avancée majeure pour les droits des consommateurs, souvent perdus face à des groupes beaucoup plus puissants ; le droit de se rétracter ou de changer d’assurance a été élargi et renforcé ; le crédit à la consommation est encadré afin de lutter contre le surendettement ; les prestations non réalisées lorsqu’un parent quitte sa maison de retraite n’ont plus à être payées. Autant d’obstacles du quotidien levés par ce texte !

Enfin, la loi a apporté plus de clarté en permettant aux consommateurs de savoir quels sont réellement les plats « faits maison » figurant sur les menus des restaurants.

Toutes ces mesures ont été prises pour que le consommateur soit enfin respecté.

Le Gouvernement et la majorité parlementaire se sont engagés depuis 2012 dans un combat pour la simplification et la création de nouveaux droits. Nous pouvons célébrer avec fierté cet anniversaire.

Madame la secrétaire d’État, quelles sont les nouvelles mesures prévues par le Gouvernement pour rééquilibrer le rapport entre consommateurs et entreprises ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Monsieur le député, en effet, la loi consommation de Benoît Hamon a un an. Cette loi a permis de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, dont la consommation est un facteur essentiel pour la reprise qui est en train de s’amorcer.

Parmi les dispositifs de ce texte figure l’action de groupe qui, dans les domaines du logement ou des assurances, permettra à nos concitoyens de bénéficier de dispositifs plus équitables. Y figure également la possibilité de résilier l’assurance emprunteur dans l’année de la conclusion de l’emprunt ou de résilier l’ensemble des assurances au bout d’un an afin de favoriser la concurrence et de donner du pouvoir d’achat à nos concitoyens.

La loi consommation prévoit également l’extension des indications géographiques, dont je publierai le décret dans les prochains jours. Vous m’accompagniez, monsieur le député, ainsi que votre collègue Jacques Cresta et l’ensemble des conseillers départementaux socialistes du beau département des Pyrénées orientales, lorsque nous en avons fait bénéficier le Grenat de Perpignan. Nous savons qu’il existe dans notre pays une forte attente en faveur de la valorisation des produits artisanaux et des ressources naturelles qui font l’économie de proximité de nos territoires.

La loi consommation a vocation à s’étendre et à permettre toujours plus de concurrence, toujours plus de pouvoir d’achat, par exemple dans le domaine de l’optique et des produits d’entretien pour les lentilles. Les déclinaisons sont nombreuses et nous allons continuer avec d’autres textes, en particulier le projet de loi santé présenté par ma collègue Marisol Touraine, et avec un texte relatif à la croissance et au pouvoir d’achat qui viendra protéger et renforcer le pouvoir d’achat de nos concitoyens dans une relation de concurrence équilibrée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Salles de shoot

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Yannick Moreau. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Philippe Goujon et les 105 députés signataires de notre résolution parlementaire, s’adresse à M. le Premier ministre.

En voulant à tout prix légaliser et généraliser partout en France les salles de shoot, monsieur le Premier ministre, vous cherchez une nouvelle fois à détourner l’attention des Français de votre échec total sur le front de l’économie et de l’emploi.

M. Jean-Claude Perez. Alors n’en parlez pas !

M. Yannick Moreau. La vérité, c’est qu’en voulant légaliser les salles de shoot, vous vous trompez. La priorité du Gouvernement devrait porter sur la prévention et l’accompagnement thérapeutique des toxicomanes sur le difficile chemin du sevrage et de l’abstinence.

Non seulement vous vous trompez, mais vous trompez les Français. Vous trompez en premier lieu la jeunesse de notre pays, à qui vous adressez un message irresponsable de banalisation de la drogue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous trompez les toxicomanes et les malades dépendants, à qui vous ne dites pas qu’il est possible de sortir de l’enfer de l’addiction. Vous trompez les contribuables, à qui vous ferez payer très cher ces salles de shoot qui ne règlent aucun problème en ouvrant 35 heures par semaine aux horaires de bureau.

Vous trompez les Français en leur faisant croire que vous allez améliorer la situation alors que, dans chaque salle de shoot, vous allez créer une zone de non-droit où pulluleront les dealers et les dangers.

Monsieur le Premier ministre, au lieu de financer ces salles de shoot mortifères, investissez plutôt dans la prévention auprès de notre jeunesse. Soutenez les centres thérapeutiques d’accompagnement au sevrage : venez avec moi les visiter et vous verrez que cela fonctionne et qu’il est possible de sortir de l’enfer de l’addiction. Aidez les personnes à guérir plutôt qu’à se droguer ! Rendez aux toxicomanes malades leur dignité et leur liberté ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

L’un d’entre eux me disait récemment : « Pour nous, monsieur le député, les salles de shoot, c’est comme un changement de cabine dans le Titanic : au lieu de nous droguer en fond de cale, nous nous droguerons en première classe ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Très juste !

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Oui, monsieur le député, l’accompagnement des personnes toxicomanes est une exigence de santé publique, une exigence envers celles et ceux de nos concitoyens qui sont confrontés à l’enfer de la drogue. Il faut les accompagner et les soutenir, et le projet de loi que je présenterai dans quelques instants comporte un ensemble de mesures de prévention, d’accompagnement et de soutien.

M. Philippe Goujon. Il faut les guérir !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais nous savons qu’il existe des hommes et des femmes qui se trouvent en dehors de tout, qui sont privés de tout soutien, qui, quoi que vous fassiez, se droguent dans les escaliers des gares, dans les jardins publics, au coin des rues.

M. Philippe Goujon. Vous ne les empêcherez pas de le faire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce que nous voulons, c’est faire en sorte que ces hommes et ces femmes, qui parfois n’ont pas de domicile, puissent être soutenus et accompagnés. C’est la raison pour laquelle nous proposons l’expérimentation, pendant six ans, de salles de consommation à moindre risque. Seules les communes et les municipalités qui voudront s’engager dans cette voie le feront.

La ville de Paris a fait part de son intérêt pour ce dispositif et d’autres villes l’ont évoqué. Monsieur le député, ce n’est pas en faisant semblant de ne pas voir les réalités qui gênent, les réalités qui dérangent, que nous les réglerons.

La santé publique est une exigence pour nous tous et ce n’est pas en adoptant une position idéologique que vous ferez reculer la drogue dans notre pays.

M. Nicolas Dhuicq. C’est une socialiste qui dit cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous, monsieur le député, nous agissons avec pragmatisme, avec l’exigence et le volontarisme de la sécurité publique pour que chacune et chacun de nos concitoyens, même dans les situations les plus difficiles, puisse être accompagné et bénéficier du soutien de professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Situation des territoires ruraux

M. le président. La parole est à M. Paul Salen, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Paul Salen. Ma question porte sur l’abandon des zones rurales par votre majorité, monsieur le Premier ministre, qui s’est d’ailleurs concrétisé une nouvelle fois dans les urnes dimanche, les campagnes adhérant de plus en plus aux idées extrémistes, séduites par la cour que ces partis leur font, alors que vous avez oublié ces territoires depuis longtemps. Loin des pôles urbains, préoccupation majeure de votre majorité, la France rurale constitue tout de même 80 % du territoire et 21 % de la population. Parmi ces cinq millions de Français délaissés par votre majorité, les 18-24 ans ne sont plus que 13 %. Les jeunes fuient ces territoires où l’emploi est à l’arrêt et les services publics absents. En raison de la dégradation de nos services publics, nos campagnes se vident et par « nos campagnes » j’entends les zones les plus isolées de notre territoire et non celles proches des villes où les urbains s’installent en quête d’un peu de verdure.

La fracture territoriale entre les zones urbaines et les zones rurales est profonde et douloureuse pour ces Français oubliés de la République qui vivent dans des territoires dits isolés. Vous comptez supprimer les départements, monsieur le Premier ministre, alors qu’ils constituent le dernier rempart contre la désertification rurale par le maintien d’une proximité essentielle aux territoires ruraux. Certes, lors du conseil interministériel sur la ruralité réuni à la mi-mars, vous avez annoncé quelques mesures encore floues que vous avez également déclinées lors du congrès de la FNSEA réuni à Saint-Etienne auquel j’ai assisté. Mais tout cela est arrivé trop tardivement pour que les habitants de ces régions ne les prennent pas uniquement pour des annonces électoralistes. Votre majorité ne peut se contenter de fonder sa politique sur les zones urbaines ni mettre à l’écart un Français sur sept. Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre immédiatement et concrètement afin de redonner confiance à nos zones rurales et résorber leur sentiment d’abandon ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme Colette Langlade. C’est n’importe quoi !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Le comité interministériel présidé par M. le Premier ministre le 13 mars dernier a prévu une cinquantaine de mesures et cherché à réparer ce que vous avez cassé lorsque vous étiez vous-mêmes aux affaires, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Je constate que ce gouvernement et cette majorité ont fait beaucoup plus pour les ruralités depuis 2012 que ce que vous avez fait en dix ans !

M. Yves Fromion. Comme vous l’ont dit les électeurs !

M. Nicolas Dhuicq. Ils vous en sont reconnaissants !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Vous méconnaissez les territoires ruraux, monsieur le député. En effet, vous évoquez les difficultés de certains départements qui perdent de la population mais vous oubliez la diversité des territoires ruraux, leurs atouts et les initiatives prometteuses réalisées dans tous les départements. Vous lancez là un appel particulièrement défaitiste contre lequel il faut lutter en évoquant aussi ce qui va bien dans ces territoires en matière d’innovation et d’installations d’entreprises.

M. Yves Fromion. La défaite, c’est vous !

Mme Sylvia Pinel, ministre. C’est la raison pour laquelle nous avons agi et répondu aux préoccupations au sujet du haut débit, du numérique, des zones blanches et des services publics par l’accélération du déploiement de 1 000 maisons de service public d’ici 2016.

M. Yves Censi. Ce n’est pas une solution !

Mme Sylvia Pinel, ministre. Nous agissons aussi pour renforcer les complémentarités entre les territoires urbains et ruraux. Contrairement à vous, nous n’opposons pas ces territoires entre eux car nous avons besoin de toutes les composantes de la République pour réussir et progresser ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Liquidation judiciaire de Mory Global

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports. Née il y a un an seulement sur les décombres de Mory Ducros, la société Mory Global doit être placée aujourd’hui en liquidation judiciaire avec à la clé un nouveau sinistre social. Le transporteur n’ayant reçu aucune offre de reprise sérieuse, sa liquidation judiciaire semble inéluctable. C’est un nouveau coup de massue pour les salariés dont la plupart ont effectué l’essentiel de leur carrière dans l’entreprise. Rescapés du plan social déclenché en 2014 après la faillite de Mory Ducros et ses 2 800 licenciements, les 2 200 salariés restants se battent désormais pour obtenir un plan de sauvegarde de l’emploi comparable à celui dont ont bénéficié les salariés de la société Mory Ducros l’an dernier. Le Gouvernement a annoncé ce week-end qu’un dispositif exceptionnel d’accompagnement individualisé sera proposé et financé par le ministère du travail. Outre ces mesures d’accompagnement, quelles initiatives concrètes entendez-vous prendre, monsieur le secrétaire d’État, afin que les salariés bénéficient de toutes les indemnités auxquelles ils ont légitimement droit ?

Il faut en outre poser la question de la responsabilité de la société Arcole Industries, propriétaire de l’entreprise qu’elle n’a pas redressé en dépit du soutien sans précédent des pouvoirs publics. À l’évidence, ceux-ci auraient dû contrôler l’usage des fonds publics afin de s’assurer que les aides publiques aillent bien au redressement de l’entreprise, ce qui n’a manifestement pas été le cas. Quelles mesures comptez-vous prendre pour contraindre la société Arcole Industries à assumer ses responsabilités et financer le plan de sauvetage de l’emploi ? Envisagez-vous enfin de lui demander compte de l’utilisation des fonds publics qui lui ont été versés pour sauver l’entreprise ? C’est à ces deux questions auxquelles vous n’avez pas répondu qu’il faut répondre, monsieur le secrétaire d’État ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. J’ai déjà répondu partiellement à la question, monsieur le député, mais vous avez raison de manifester votre préoccupation. Au sujet de la première partie de la question, vous avez vous-même rappelé l’historique. Le Gouvernement est en effet intervenu exceptionnellement lors du premier dépôt de bilan en accordant par le biais du fonds de développement économique et social un prêt de 17,5 millions d’euros afin que la société Arcole Industries investisse elle-même 17 millions d’euros. Un an après, nous en voyons le résultat : un second licenciement massif et probablement une liquidation judiciaire. À propos des salariés, j’ai donné tout à l’heure le détail de ce qui a déjà été avancé : d’une part un suivi personnalisé, d’autre part le maintien de douze mois de salaire et la garantie d’un différentiel de 300 euros pendant deux ans pour ceux qui retrouveront un emploi. Je répète que le plan social précédent constitue pour les salariés et le Gouvernement une référence légitime. Une deuxième réunion aura lieu cette semaine au ministère afin de poursuivre les négociations en ce sens.

Quant à la question de la responsabilité de l’actionnaire, elle est légitime mais il n’appartient pas au Gouvernement d’y répondre. C’est la mission du seul liquidateur à partir de demain. Il y a lieu en effet, dans le cadre du travail du liquidateur, d’examiner dans quelles conditions les prêts avancés par l’État ont été utilisés. C’est une exigence naturelle car il s’agit de fonds publics et le premier dépôt de bilan ne date que d’un an. Nous y serons très attentifs tout en respectant la responsabilité juridique de chacun. Nous le devons aux salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Modernisation du système de santé

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de modernisation de notre système de santé (nos 2302, 2673).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le Président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs de la commission, mesdames et messieurs les députés, chaque jour, la France peut compter sur ses professionnels de santé. Ils protègent des vies, ils protègent nos familles, ils s’engagent dans les pays durement frappés par des crises sanitaires, où ils sont porteurs d’espoir.

Chaque jour, la France peut compter sur ses chercheurs, qui permettent à notre pays d’être et de rester à la pointe du progrès médical. Du vaccin contre la rage au cœur artificiel, c’est dans notre pays que se dessine, s’imagine, s’invente la santé de demain.

Chaque jour, la France peut compter sur ses établissements de santé. Un système performant, en alerte permanente, prêt à réagir, à accueillir et à répondre aux besoins de chacun.

Oui, chaque jour, les Français vivent l’excellence d’un système de santé envié et mondialement reconnu. Un système qui a su pendant longtemps s’adapter, évoluer, progresser lorsqu’il s’est retrouvé confronté à de nouveaux défis. Depuis la grande loi de 1958 qui a créé nos centres hospitalo-universitaires, ces changements, ces progrès, nous les devons presque toujours à des choix politiques résolument assumés.

C’est avec la loi Évin de 1990 que la France s’est engagée en matière de prévention, dans la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ; c’est avec la loi Aubry de 1999 que la France a permis l’accès de tous aux soins grâce à la création de la couverture maladie universelle ; et c’est avec la loi Kouchner de 2002 que la France est entrée dans la démocratie sanitaire, qui a permis de reconnaître des droits aux patients dans notre système de santé.

Oui, à chaque fois que la gauche a gouverné, elle a pris ses responsabilités, elle a réformé notre système de santé dans le sens de la justice, de l’égalité. Ce choix-là, la majorité précédente ne l’a pas fait. Avec elle, c’est le renoncement et la régression qui ont prévalu, alors même que notre système était déjà confronté à des défis majeurs.

Car ces défis ne sont pas nouveaux : nous les connaissons, et nous les connaissons bien. Notre population vieillit. La part des plus de 65 ans a fortement augmenté depuis une quinzaine d’années. Les maladies chroniques se sont développées, appelant à une réorganisation de la prise en charge. Les personnes diabétiques sont par exemple deux fois plus nombreuses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient en 2002. Les inégalités de santé se sont à nouveau creusées depuis le début des années 2000. Il y avait en 2002, dans les familles ouvrières, quatre fois plus d’enfants obèses que dans les familles de cadres. Il y en a aujourd’hui dix fois plus. Entre 2002 et 2012, ce qui restait à la charge des patients n’a cessé d’augmenter, et un nouveau terme a fait son apparition dans le vocabulaire de la santé, celui de désert médical.

Pendant ces dix années, quelles ont été les réponses apportées à ces défis ? Quelles initiatives ont donc été prises pour renforcer la prévention, garantir une présence médicale dans tous nos territoires ? Ces dix années ont été dix années d’occasions manquées. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Louis Costes. Quel culot !

Mme Marisol Touraine, ministre. Car le seul legs laissé à nos concitoyens, ce sont les franchises et les déremboursements. Avouez, mesdames et messieurs les députés, qu’il y a des héritages plus glorieux que celui-là !

M. Arnaud Robinet. Mieux vaut être sourd que d’entendre cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. Alors nous prenons nos responsabilités. (« Quel sectarisme ! » sur les bancs du groupe UMP.) Oui, mesdames et messieurs les députés, nous prenons nos responsabilités ! Avec Laurence Rossignol, Ségolène Neuville et Pascale Boistard, nous faisons le choix de l’action et de la modernisation, qu’il s’agisse des personnes âgées, des personnes handicapées ou des plus précaires de nos concitoyens, ou encore de la santé des femmes. Parce que permettre à chacun de pouvoir se soigner, quel que soit son sexe, quel que soit son âge, son milieu social ou son territoire de résidence, c’est une question d’égalité.

C’est pour l’égalité entre les territoires que j’ai mis en place dès la fin de l’année 2012 le pacte territoire-santé, qui va nous permettre de franchir cette année le cap des 800 maisons de santé ouvertes et des 600 nouveaux jeunes médecins installés dans des zones sous-dotées.

C’est avec le même objectif que j’ai mis fin à ce que l’on appelle le « tout T2A », c’est-à-dire la seule tarification à l’activité…

M. Philippe Vitel. Quelle erreur !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui pénalisait les hôpitaux locaux. Désormais, des financements spécifiques leur sont accordés. Et, monsieur le député, lorsque des parlementaires, fussent-ils de l’opposition, apprennent que leur hôpital local bénéficie de subventions complémentaires, ils ne font pas comme vous la fine bouche !

C’est pour l’égalité entre les Français que j’ai obtenu un accord sur les dépassements d’honoraires. Et les résultats sont là : pour la première fois depuis deux ans, ils diminuent.

C’est avec la même détermination que j’ai permis à 700 000 personnes supplémentaires de bénéficier d’une complémentaire santé gratuite ou à un coût diminué. La Commission des comptes de la santé l’a annoncé : pour la première fois depuis plus de dix ans, ce qui reste à la charge des Français a diminué.

C’est pour les droits de toutes les femmes – encore une affaire d’égalité – que j’ai décidé la gratuité de la contraception pour les mineures et le remboursement à 100 % de l’ensemble du parcours de l’interruption volontaire de grossesse – et je salue l’amendement adopté par la majorité sur la suppression du délai de réflexion.

Mme Cécile Untermaier et Mme Martine Pinville. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. La volonté qui m’anime aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, c’est de continuer à innover – parce que nous devons continuer à innover. Innover dans l’organisation des soins, en passant d’un système cloisonné, trop centré sur l’hôpital, à une médecine de parcours et de proximité, organisée autour du patient. Innover en matière de prévention, en permettant à nos concitoyens de mieux protéger leur santé. Innover, encore, en matière de démocratie sanitaire, en garantissant aux Français qu’ils pourront s’informer, décider et se défendre.

Moderniser notre système de santé, le faire entrer dans le XXIsiècle, c’est tout l’enjeu du projet de loi que je vous présente aujourd’hui au nom du Gouvernement.

Je l’ai construit dans la concertation avec les usagers et les professionnels (Murmures sur les bancs du groupe UMP) : deux cents débats régionaux, des échanges directs avec tous les acteurs concernés, un travail qui s’est poursuivi avec la présidente de la commission des affaires sociales – que je salue –, les cinq rapporteurs de ce texte – dont je veux souligner la mobilisation et l’engagement ces derniers mois – et de nombreux députés.

Le projet de loi bénéficie aujourd’hui d’un très large soutien des associations de patients ou de consommateurs, des fédérations d’établissements publics et à but non lucratif, des responsables de santé publique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vitel. N’en jetez plus !

M. Arnaud Robinet. Ils sont tellement contents qu’ils sont dans la rue !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je trouve préoccupant, mesdames et messieurs les députés, que vous comptiez pour rien le soutien des Français !

M. Francis Vercamer. On l’a bien vu lors des élections dimanche !

M. le président. Un peu de calme, mes chers collègues !

M. Jean-Louis Gagnaire. Ces interruptions sont insupportables !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans le même temps, j’ai entendu les inquiétudes des médecins libéraux sur leur avenir, sur leurs conditions d’exercice, sur leur place dans le système de santé et dans la société. Ces inquiétudes ne datent pas d’hier, elles ne remontent pas à quelques mois. Leurs craintes à l’égard du projet de loi expriment un malaise plus global, et la grande conférence sur la santé à la fin de l’année permettra de travailler aux conditions de la formation et de l’exercice médical. Dans le même temps, les médecins savent que l’immobilisme n’est pas une voie d’avenir pour répondre aux défis de notre système de santé, et ils le disent.

Pour autant, j’ai voulu répondre à ces craintes sans attendre en faisant évoluer la rédaction du projet de loi à la suite d’un nouveau cycle de concertation.

J’ai ainsi entendu la crainte d’une étatisation du système de santé, dans lequel les médecins ne pourraient plus s’installer comme ils le souhaitent, et l’inquiétude face à des charges administratives trop lourdes.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les évolutions qui ont fait l’objet d’amendements gouvernementaux adoptés par la commission des affaires sociales il y a quelques jours, mais je tiens à en réaffirmer le sens. Les grands principes de notre médecine, plurielle, libérale, ne sont pas et ne seront pas remis en cause. La liberté d’installation des médecins, mais aussi la liberté de choix du médecin par le patient, ne sont pas menacées. L’organisation territoriale des soins sera modernisée, oui, mais elle le sera avec et par les professionnels de santé. Et l’extension du tiers payant à l’ensemble de nos concitoyens – sur laquelle je vais évidemment revenir dans un instant – n’entraînera pas de charge nouvelle pour les médecins, ni administrative ni financière.

La modernisation de notre système de santé pour faire reculer les inégalités – car tel est bien l’enjeu – repose sur trois grands piliers : le renforcement de la prévention, l’organisation des soins en proximité et la progression des droits des patients.

S’agissant tout d’abord du renforcement de la prévention, nous savons que nombre de maladies pourraient être évitées par de meilleures habitudes, de meilleurs comportements. Ces comportements et ces habitudes doivent être promus dès le plus jeune âge, parce que c’est à ce moment que se nouent les inégalités de santé, directement liées aux inégalités sociales.

C’est pourquoi, dans ce projet de loi, nous agissons d’abord en direction des jeunes. En matière de lutte contre le tabagisme, je veux faire de la génération d’enfants qui naît aujourd’hui la première génération d’adultes non-fumeurs. Cela passe notamment par la mise en place du paquet neutre de cigarettes et l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de douze ans.

Ce programme national de réduction du tabagisme, qui comporte de nombreuses autres mesures, a reçu le soutien unanime des associations antitabac et de la Ligue contre le cancer. Il y a quelques jours à peine, l’Organisation mondiale de la santé a salué publiquement le courage et l’exemplarité de la France. Elle a déclaré : « la France rejoint le peloton de tête des États développant une politique visionnaire en matière de lutte contre le tabac ». Comme j’ai eu l’occasion de le dire, face au tabagisme, j’ai choisi mon camp : celui de la santé publique.

Agir pour la santé des jeunes, c’est aussi créer un parcours éducatif en santé, de la maternelle au lycée, instaurer un délit d’incitation à la consommation excessive d’alcool et améliorer le dépistage des infections sexuellement transmissibles.

Mais faire le pari de la prévention, ce n’est pas seulement se préoccuper des plus jeunes de nos concitoyens, c’est aussi investir des champs nouveaux. Je pense d’abord à la nutrition, alors que le risque d’obésité s’accroît. La multiplicité d’indicateurs dont les formes, les tailles et les couleurs diffèrent selon les produits et les marques rend impossible et incompréhensible une information nutritionnelle de qualité. Nous créons avec cette loi un étiquetage nutritionnel clair, lisible et partagé qui permettra aux consommateurs de mieux s’informer pour mieux choisir.

Contre les addictions aux drogues dures, la France doit s’engager par la prévention, l’accompagnement, en suivant une politique réaliste que portent déjà certains de nos voisins. Ce texte autorisera donc l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque.

Cette mesure, je la défends avec force et avec conviction, par-delà les discours dogmatiques et caricaturaux que nous avons encore pu entendre il y a quelques instants sur les bancs de l’opposition. C’est une mesure de santé publique, parce que de trop nombreux toxicomanes échappent aux circuits de prise en charge et qu’il faut pourtant les soigner. C’est aussi une mesure de sécurité sanitaire. Il est inacceptable que chaque matin, en France, des adultes trouvent des seringues usagées sur les escaliers de la gare, ou que des enfants trouvent sur le chemin de l’école ces mêmes seringues abandonnées sur le trottoir.

Enfin, la discussion parlementaire a permis d’élargir le champ de cette loi aux questions de santé environnementale, déjà présentes dans le texte initial, mais qui ont été étendues, notamment à l’initiative du groupe écologiste. C’est un enjeu majeur pour le XXIsiècle. Les débats que nous aurons ces prochains jours permettront d’enrichir encore ce volet du texte, je le sais au vu des amendements qui ont été déposés.

Voilà donc ce qu’est une politique de prévention cohérente, innovante et efficace. Avec cet arsenal de mesures, nous franchissons une étape historique pour la santé des Français, car c’est la première fois qu’un ensemble de mesures aussi importantes est inscrit dans la loi et fait de la prévention une priorité de notre politique de santé.

Le second pilier de ce projet de loi, c’est le renforcement de la proximité des soins autour du médecin traitant et de ce que l’on appelle les équipes de soins primaires.

Notre système, depuis des décennies, est trop centré sur l’hôpital. Cette organisation répondait à une exigence, la réalité des pathologies à prendre en compte il y a encore quelques années. Mais nous devons désormais accompagner des pathologies chroniques, des patients qui sont malades dans la durée. Nous devons donc organiser notre système autour d’une médecine de proximité, coordonnée par le médecin traitant, avec un hôpital tourné vers la ville et un parcours de soins mieux défini autour du patient.

Avec la reconnaissance des équipes de soins primaires constituées autour de médecins généralistes de premier recours, la loi permettra de mieux prendre en charge les patients en proximité.

Avec les communautés professionnelles territoriales de santé, les professionnels pourront mieux se coordonner entre eux et, le cas échéant, avec des acteurs sociaux et médico-sociaux.

Avec l’instauration du médecin traitant pour les enfants de moins de seize ans, nous renforçons le rôle et la place du médecin généraliste, ou du pédiatre, dès le plus jeune âge.

Avec la création d’un numéro d’appel national unique pour trouver un médecin de garde et celle d’un service public d’information en santé, nous permettrons à nos concitoyens de se tourner en premier lieu vers le médecin de ville. En effet, faute d’information, trop de patients ont aujourd’hui le réflexe d’aller aux urgences.

Avec la création d’une lettre de liaison, adressée par l’hôpital au médecin traitant le jour même de la sortie du patient, nous renforçons les liens entre la ville et l’hôpital.

Dans ce texte, nous rétablissons aussi le service public hospitalier dans la loi, revenant ainsi sur le choix injuste et désastreux de la majorité précédente qui l’avait supprimé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Élie Aboud. Vous êtes bien partie pour rassembler !

M. Sylvain Berrios. Quel dogmatisme !

Mme Marisol Touraine, ministre. En permettant aux hôpitaux publics de développer un projet médical commun dans le cadre de groupements hospitaliers de territoire, nous renforçons leur rôle territorial et ainsi l’accès aux soins de tous les Français.

Et puis, bien sûr, ce texte prévoit l’extension du tiers payant à tous les Français. Cette mesure n’est pas la seule contenue dans le projet de loi, comme vous pouvez l’entendre. Mais c’est celle sur laquelle se sont focalisés les débats et l’attention, car cette mesure de justice et de progrès doit permettre de lever les obstacles financiers que rencontrent trop de nos concitoyens lorsqu’ils veulent consulter un médecin. Comme vous le savez, ils pourront désormais le faire sans avoir à avancer les frais de la consultation. Je le répète : c’est une mesure de progrès.

Je tiens à indiquer les conditions dans lesquelles ce système de tiers payant entrera en vigueur. Sa mise en œuvre sera progressive, et il sera simple, car fondé sur une solution commune à l’assurance maladie et aux complémentaires. Concrètement, le médecin n’aura à faire qu’un seul geste pour déclencher un flux unique de paiement, en moins de sept jours. Si ce délai n’est pas respecté, des pénalités de retard lui seront versées.

Tout cela, mesdames et messieurs les députés, est inscrit dans le texte de loi qui vous est soumis aujourd’hui. Les garanties techniques sont là.

Je le sais bien, les médecins disent trop souvent rencontrer des dysfonctionnements lorsqu’ils mettent en œuvre le tiers payant aujourd’hui, particulièrement s’agissant des patients bénéficiant de la couverture maladie universelle.

M. Élie Aboud. C’est vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ces dysfonctionnements ne sont pas acceptables et doivent être levés. Mais je veux le dire de la manière la plus claire, le dispositif technique qui sera mis en place est un dispositif nouveau. Il ne s’agit donc pas de généraliser l’existant, mais d’installer progressivement un nouveau système à même d’étendre à l’ensemble de nos concitoyens l’accès au tiers payant.

Au-delà de ces préoccupations techniques, auxquelles je suis sensible, les arguments d’une partie de l’opposition pour rejeter cette mesure sont souvent idéologiques et bien loin de ce que vivent les Français au quotidien. J’entends dire que les patients seraient des consommateurs irresponsables qui, avec le tiers payant, se transformeront en consommateurs frénétiques de soins. Ce discours méprisant n’honore pas les responsables politiques qui le tiennent. Ce sont les valeurs d’universalisme issues du Conseil national de la Résistance qui sont ainsi bafouées, car personne ne va voir le médecin pour lui rendre une visite ou se faire plaisir. D’ailleurs, comment cela se pourrait alors que certains Français n’arrivent pas à obtenir de rendez-vous dans des délais suffisamment courts pour répondre à leurs attentes ?

Enfin, le troisième pilier de ce texte est le renforcement des droits des patients. Moderniser notre système de santé, c’est aussi faire progresser les droits des usagers et leur permettre de les exercer. Il faut aller plus loin que le simple renforcement des droits existants. Notre système est trop fermé, les patients n’en sont pas encore des acteurs à part entière. Nous devons donc l’ouvrir, créer des droits, partout où c’est possible.

Pour la première fois, le rôle des associations de patients sera reconnu dans la loi comme une composante à part entière de toute politique de santé. Leurs initiatives sur le terrain seront soutenues. Elles pourront désormais faire valoir l’intérêt des patients à tous les échelons : dans les établissements, dans les territoires, et au niveau national où elles siégeront dans toutes les instances de gouvernance des agences sanitaires.

Je donnerai par ailleurs un avis favorable à l’amendement déposé par le groupe socialiste – mais qui, j’en suis sûre, rassemblera au-delà de ses bancs – visant à associer des représentants des usagers au fonctionnement du Comité économique des produits de santé. Il s’agit d’accroître la transparence des travaux de cet organisme.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans cette même logique de plus grande transparence, je présenterai un amendement visant à rendre publiques toutes les rémunérations versées par les laboratoires aux professionnels de santé.

L’action de groupe en matière de santé est également un progrès démocratique majeur apporté par ce projet de loi. Elle permettra aux patients de se défendre collectivement en cas de dommages subis.

Parmi les droits des patients figure aussi le droit à l’oubli pour les anciens malades.

Enfin, nous devons permettre à la France de rejoindre le mouvement modernisateur de l’open data. Concrètement, il s’agit de permettre à des chercheurs, des associations, des professionnels de santé, des entreprises et des start-up d’accéder à certaines données, évidemment anonymes, que gèrent l’assurance maladie et de multiples opérateurs publics. Pourquoi ce mouvement ? Pour renforcer la démocratie sanitaire. Ces données peuvent en effet être exploitées dans l’intérêt public, par exemple pour améliorer la performance de notre système de santé ou pour stimuler l’innovation médicale. Il faut évidemment le faire dans le strict respect de la vie privée, ce qui implique un ensemble de précautions.

J’entends que certains, en particulier des journalistes, craignent que ces précautions puissent entraver leur accès à ces données. Je veux les rassurer : la mission d’information du public assurée par les journalistes est reconnue d’intérêt public par la Cour européenne des droits de l’homme. Les journalistes qui utilisent les données hospitalières depuis quinze ans, notamment pour établir ce que l’on a pris l’habitude d’appeler les « palmarès hospitaliers », ont démontré leur sens des responsabilités et leur professionnalisme. Il n’y a aucune raison qu’ils ne continuent pas à avoir accès à ces données, tout comme pourront y avoir accès des chercheurs et les associations de patients.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce qu’est le projet de loi de modernisation de notre système de santé : des mesures concrètes, cohérentes, fortes, pour transformer un système qui a aujourd’hui besoin de relever les défis qui se présentent à lui, et transformer aussi notre manière de prévenir, d’accompagner, de soigner et de guérir.

Nous faisons le choix d’agir et de moderniser. La santé est le premier des biens, mais c’est aussi le plus fragile. Face aux défis que rencontre notre système de santé, nous ne pouvons ni hésiter, ni tergiverser.

Mesdames et messieurs les députés, c’est avec fierté qu’au nom du Gouvernement, je défends devant vous ce projet de loi. Je le porte évidemment pour les patients, pour les professionnels de santé, mais aussi pour les Français, tout simplement, avec la volonté tenace et déterminée d’améliorer leur santé, de faire reculer les inégalités et de faire vivre ce bien précieux qu’est la République sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales pour le titre Ier.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les secrétaires d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé constitue le fil conducteur des différentes mesures du projet de loi. La prévention en constitue le premier levier.

L’article 1er définit un nouveau cadre de gouvernance au moyen d’une politique de santé. Cette dernière relève sans ambiguïté de la responsabilité de l’État, mais l’ensemble des acteurs doivent évidemment être amenés à participer à la définition et à l’évolution de la stratégie nationale de santé.

La commission a cherché à poser les bases d’une action publique mieux coordonnée autour des différents services de prévention collective. Elle a ainsi défini une politique de santé de l’enfant et un parcours éducatif de santé, ce qui l’a d’ailleurs conduite à effectuer une réécriture globale de l’article 2. L’ensemble des actions de promotion de la santé à l’école pourront s’inscrire dans un cheminement cohérent, défini au sein de chaque établissement, avec la participation de l’ensemble des acteurs locaux concernés.

Le projet de loi permet de déployer la prévention au plus près du terrain en donnant de nouveaux outils aux acteurs. L’article 3 permet l’accès à la contraception d’urgence auprès des infirmiers dans les établissements scolaires du secondaire. Introduit par la commission, l’article 2 bis étend la dérogation au consentement parental dont bénéficient les médecins pour les actes pratiqués sur un mineur qui refuserait que ses parents en soient informés aux actes de prévention et de dépistage, et non plus aux seuls traitements. Cette dérogation est également étendue aux sages-femmes et, lorsqu’elle est nécessaire pour sauvegarder la santé sexuelle et reproductive d’une personne mineure de 15 ans ou plus, à des infirmiers.

L’article 5 établit la signalétique simplifiée, complémentaire de la déclaration nutritionnelle. C’est une grande avancée dans la lutte contre l’obésité. Elle offrira à toutes les familles des repères simples, fondés sur des données scientifiques solides. La commission a notablement enrichi les mesures visant à renforcer la contribution de la nutrition à la santé : l’obligation de diffusion de messages sanitaires dans les publicités pour des boissons sucrées et des produits alimentaires manufacturés est étendue à internet ; ces messages sanitaires seront révisés régulièrement afin de contrer la baisse d’efficacité résultant de l’habitude de les voir.

La politique de santé contribuera également à la prévention de l’anorexie mentale et à la lutte contre la valorisation de la minceur excessive. Dans ce but, plusieurs amendements sont déposés en séance. J’espère qu’ils seront adoptés afin que nous allions plus loin – en tout cas, vous pouvez compter sur ma détermination totale.

Le projet de loi fournit de nouveaux outils de lutte contre la diffusion des maladies infectieuses, au plus près des populations les plus à risques. Le dépistage précoce constitue en effet la première arme pour casser la dynamique épidémique : il est conforté par l’article 7 relatif aux tests rapides d’orientation diagnostique – les TROD – et aux autotests de détection. En outre, la commission a établi un droit au secret de la prise en charge des dépenses liées à certaines affections, par exemple le VIH, conformément à une recommandation du Conseil national du SIDA et des hépatites virales.

Les articles 8 et 9 confortent la politique de réduction des risques infectieux et des dommages sanitaires et sociaux occasionnés par les produits stupéfiants. Cette politique, qui vise à permettre aux toxicomanes de ne pas renoncer aux soins, est totalement complémentaire à la lutte contre les stupéfiants et s’inscrit dans une logique pragmatique. Pour la première fois, avec courage, cet objectif est affiché clairement dans un projet de loi de santé.

La commission a amélioré la définition des actions de cette politique de réduction des risques et des dommages. Je forme le vœu – malheureusement pieux, si j’en juge par ce qui a été dit lors des questions au Gouvernement – que nous saurons éviter, en séance, les polémiques inutiles à ce sujet, tant la santé des Français dépend de la réussite de cette politique.

M. Élie Aboud. On peut quand même discuter !

M. Olivier Véran, rapporteur. L’action en matière de santé environnementale pourra s’appuyer sur le concept d’exposome, consacré dès l’article 1er, ainsi que sur un ensemble de mesures déclinées aux articles 10 et 11 visant à améliorer l’information des usagers et à réduire les expositions à l’amiante, à des produits comme le bisphénol A ou les expositions sonores.

Deux domaines d’actions prioritaires de la prévention en santé placent chacun de nous face à ses responsabilités : la prévention des addictions à l’alcool et la lutte contre le tabac.

L’article 4 réprime l’incitation directe à l’alcoolisation massive des jeunes, appelée « binge drinking ». Dans le but de prévenir les dommages causés par les expositions précoces et excessives à l’alcool, la commission a prévu l’adaptation du message sanitaire devant figurer sur les boissons alcooliques, notamment en fonction des supports de communication. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion d’y revenir…

M. Élie Aboud. C’est sûr !

M. Olivier Véran, rapporteur. …et de lever un certain nombre de contre-vérités malheureusement proférées ces derniers jours sur plusieurs bancs de cet hémicycle.

M. Élie Aboud. Sur le vin, nous n’avons exprimé aucune contre-vérité !

M. Olivier Véran, rapporteur. Mais cette démarche cohérente avec l’article 4 a été malheureusement contredite par l’introduction, en commission, d’un article 4 bis. Inséré malgré mon avis défavorable, cet article établit une définition légale des publicités directe et indirecte en faveur de l’alcool qui empêchera d’appliquer à de nombreuses situations les règles strictes limitant les contenus et vecteurs de diffusion d’une publicité pour l’alcool.

De même, le projet de loi appliquera le programme national de réduction du tabagisme, dont la ministre a parlé. Il instaura le paquet neutre, interdira de fumer dans un véhicule en présence d’un mineur de 12 ans, encadrera le vapotage et assurera la transparence sur les activités de lobbying de l’industrie du tabac. À mon initiative, nous avons introduit en commission l’interdiction pour toute industrie de financer des projets de mécénat dans le champ de la santé.

Certains auraient souhaité que nous en restions aux obligations posées par la dernière directive européenne sur le tabac, sans aller au-delà. Ainsi, de nombreux amendements de l’opposition proposent de revenir sur le paquet neutre. Je le dis ici solennellement : la priorité, c’est la santé des Français. Nous ne transigerons pas sur la santé des Français ! Notre majorité ne cédera pas aux pressions de l’industrie du tabac.

Enfin, je ne peux pas faire l’impasse sur un sujet qui sera abordé dans le cadre du titre Ier, même si les dispositions en question ne feront pas partie du projet de loi à proprement parler : je veux parler de l’éviction à vie des donneurs de sang ayant reconnu, au cours d’un entretien préalable, avoir eu ne serait-ce qu’un rapport avec une personne de même sexe dans leur vie. Le Comité consultatif national d’éthique a rendu aujourd’hui un avis. Je n’ai pas à le contester ni à le commenter, mais je déplore quand même ce qui relève selon moi d’une discrimination – ce sera peut-être confirmé demain par la Cour de justice de l’Union européenne. Nous pouvons renforcer la sécurité sanitaire en révisant les critères d’éviction des donneurs pour tenir compte des pratiques à risques, et non plus de la sexualité des donneurs potentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales pour le titre II.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, le titre II du projet de loi est consacré à des mesures tendant à simplifier le parcours de santé des patients.

Quatre articles ont mobilisé toutes les attentions et se sont traduits par des évolutions en commission, à l’initiative du Gouvernement ou des députés. Ces évolutions ne sauraient remettre en question l’objectif principal du texte : l’amélioration de l’accès aux soins.

À l’article 12, l’instauration du service territorial de santé au public a fait l’objet de débats depuis plusieurs mois. Suite aux conclusions des groupes de travail consacrés à ce sujet, les amendements déposés par le Gouvernement ont infléchi le dispositif. La place du médecin généraliste est mieux affirmée, avec l’instauration des équipes de soins primaires. La coopération entre professionnels est consacrée, avec la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé. Le rôle de l’agence régionale de santé consiste à s’assurer du respect de l’égalité et de la continuité de la prise en charge des patients, en lien avec les acteurs du système de santé, dans le cadre du territoire de démocratie sanitaire défini à l’article 38.

À l’article 18, le tiers payant a suscité bien des débats et des oppositions. Certains ont brandi le risque de la gratuité et d’un recours inflationniste aux soins inutiles. On sait pourtant que le tiers payant ne sera appliqué qu’en cas de respect du parcours de soins. Le tiers payant vise à faire diminuer les renoncements aux soins et à permettre à un plus grand nombre de nos compatriotes d’être soignés au bon moment.

Les inquiétudes sur la mise en œuvre du dispositif sont légitimes et doivent être prises en compte. Les médecins ne doivent pas être exposés à des risques de trésorerie dus aux délais de paiement ou à des défauts de paiement des actes dispensés en cas de contestation ultérieure des droits du patient par l’organisme tiers payeur, ni à des charges administratives liées à la gestion de la relation avec une pluralité d’organismes.

Madame la ministre, vous avez entendu la demande des professionnels qui ont droit de bénéficier du tiers payant en un seul geste, en un seul clic. Aussi, la commission a adopté votre amendement qui précise le calendrier d’une généralisation par étapes du tiers payant et établit des obligations de résultat pour l’assurance maladie. La commission a d’ailleurs encore enrichi ce dispositif.

À l’article 26, la restauration d’un service public hospitalier a aussi été très commentée. L’amendement de réécriture globale de l’article adopté en commission réaffirme ce principe, considérant que l’approche matérielle issue de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires – HPST –ne correspond pas aux véritables missions assurées par les établissements publics et privés à but non lucratif. Le dispositif a été amélioré, à mon initiative, afin que l’accès à des soins palliatifs puisse être amélioré par la mise en place de solutions sans hébergement via l’hospitalisation à domicile.

L’article 27 consacre la mise en place d’une nouvelle forme de coopération conventionnelle fondée sur l’obligation, les groupements hospitaliers de territoire, en lieu et place des communautés hospitalières de territoire. L’adoption d’un amendement gouvernemental de réécriture globale de l’article, qui précise l’architecture de ces groupements sur plusieurs points, a permis de lever quelques incertitudes. Cependant, il aurait été pertinent que le projet de loi permette, en option, d’aller plus loin, c’est-à-dire, pour ceux qui le souhaitent, jusqu’à la fusion.

Les autres articles du projet de loi ont été beaucoup moins commentés. Ils n’en sont pas moins importants car ils visent à améliorer l’accessibilité aux soins. J’en soulignerai les principaux enjeux.

L’accessibilité passe par une meilleure organisation des soins : c’est l’objectif poursuivi par les articles 13 et 14.

L’accès facilité aux soins primaires constitue la deuxième dimension de l’accessibilité. Citons la simplification de la permanence des soins ambulatoires avec la mise en place d’un numéro national unique. Dans le même ordre d’idées, l’article 16 réaffirme le rôle pivot du médecin traitant, qui peut être un pédiatre, dans le suivi du parcours de soins des enfants de moins de 16 ans afin de mieux dépister l’obésité, les troubles de l’apprentissage ou les conduites addictives. Avec l’article 17, c’est le rôle des centres de santé qui est conforté ; cet article introduit une clause d’examen permettant la transposition des modes de rémunération prévus par les conventions des professionnels libéraux. Si nous avons peu parlé de l’article 20, il n’en est pas moins important : il étend aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, l’ACS, les garanties tarifaires en matière de prestations d’optique, d’audioprothèses et de soins dentaires aujourd’hui réservées aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C.

L’accessibilité à des soins de qualité passe par un meilleur accompagnement et une plus grande information des patients. Relèvent de cette préoccupation le service public d’information en santé, l’information du patient sur le coût de son hospitalisation, l’expérimentation visant à accompagner davantage les patients sujets à des maladies chroniques ou encore l’encadrement de la médiation sanitaire.

Je note, madame la ministre, que depuis son adoption en commission, l’article 21 bis, relatif à l’accompagnement des personnes handicapées, soulève dans les familles concernées quelques inquiétudes dont le monde associatif s’est fait largement l’écho. Il nous appartient d’y apporter des réponses.

L’accessibilité aux soins se traduit par une dernière dimension : les outils permettant d’assurer une meilleure coordination des soins, comme la systématisation des lettres de liaison entre la médecine de ville et l’hôpital via le médecin traitant.

Quant à l’article 25, il constitue un virage majeur dans l’échange et le partage de l’information. Il introduit la notion d’équipe de soins, constituée des professionnels de santé et médico-sociaux, au sein de laquelle pourront circuler les données nécessaires à la prise en charge du patient, dont le consentement est présumé.

Plusieurs points ont été améliorés en commission, parmi lesquels le contenu du dossier médical partagé.

Tels sont les enjeux que je souhaitais mettre en lumière en souhaitant que les débats nous permettent d’avancer dans la sérénité et l’écoute réciproque afin d’améliorer encore le titre II. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour le titre III.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter brièvement les principales dispositions du titre III, « Innover pour garantir la pérennité de notre système de santé », lequel porte sur la modernisation des formations, des métiers, sur la qualité des pratiques et des soins, ainsi que sur le bon usage des médicaments, la recherche et l’innovation.

Notre commission a examiné ce titre dans un climat consensuel et des amendements émanant de tous les bords politiques en ont enrichi le contenu.

Outre les dispositions relatives à la formation professionnelle et aux études, nous avons adopté une série de mesures de modernisation des professions de santé. L’article 30 crée ainsi un exercice en pratique avancée pour les professions paramédicales. Annoncé par le Président de la République, ce statut contribuera à moderniser les pratiques et permettra d’adapter au mieux l’offre de prise en charge proposée aux patients.

Une nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement prévoit que la pratique avancée se définit par missions et s’exerce dans le cadre d’une équipe de soins coordonnée par un médecin. J’ai proposé que la loi prévoie la consultation des professions paramédicales concernées avant la mise en place des décrets constitutifs.

Nous avons ensuite examiné de nombreuses propositions d’articles additionnels destinés à refondre ou créer des statuts de professions. Nous avons notamment ajouté au code de la santé publique une disposition instituant le statut d’assistant dentaire. D’autres amendements ont été l’occasion d’échanges qui se prolongeront en séance sur les masseurs-kinésithérapeutes, les pédicures et podologues etc. Je salue l’ensemble des collègues pour leur investissement sur ces questions.

L’article 31 nous a donné l’opportunité de moderniser le statut des sages-femmes et de renforcer leur rôle dans la pratique de l’IVG médicamenteuse et dans la vaccination.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Très bien !

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. J’ai ensuite proposé à mes collègues de supprimer l’article 32, qui ouvrait aux pharmaciens la possibilité de pratiquer certaines vaccinations. En effet, les auditions ont montré que cette mesure n’avaient pas fait l’objet d’une réflexion ni surtout d’une préparation suffisantes. Toutefois, cela n’empêche pas les territoires volontaires de se proposer afin de réaliser une expérimentation dans ce domaine, prélude éventuel à de futures évolutions.

Les pharmaciens bénéficieront néanmoins de mesures de modernisation. Avec l’accord du Gouvernement, je vous proposerai ainsi des dispositions touchant au statut de leur académie.

L’article 33 dresse la liste des professionnels habilités à prescrire des substituts nicotiniques, une liste que je suggérerai d’élargir aux chirurgiens-dentistes.

En matière de lutte contre le tabac, je vous soumettrai également, cette fois à titre expérimental, une mesure consistant à proposer une consultation en tabacologie à toutes les femmes enceintes fumeuses, afin de les accompagner, si elles en sont d’accord, dans une démarche de sevrage. La France détient en effet en Europe le triste record du nombre le plus élevé de femmes souffrant de tabagisme pendant la gestation.

Le titre III comporte d’autres mesures de modernisation, comme la publication par la Haute autorité de santé de fiches pratiques sur les stratégies thérapeutiques et sur le bon usage des médicaments. Il renforce et inscrit dans la partie législative du code de la santé des dispositions ambitieuses de lutte contre les ruptures d’approvisionnement.

L’article 34 vise à lutter contre les dérives de l’intérim médical, domaine sur lequel notre collègue Olivier Véran avait présenté un important rapport. La mesure proposée tend à plafonner la rémunération des praticiens ainsi que les frais afférents à leur recrutement.

Le système actuel est caractérisé par une concurrence acharnée entre établissements. L’article prévoit donc la constitution, sur la base du volontariat, d’un volant de médecins hospitaliers chargés d’effectuer des remplacements au sein d’une région. Ces personnels seraient placés en position de praticiens remplaçants et relèveraient du Centre national de gestion.

Enfin, le texte prévoit la réduction des délais de mise en place des recherches cliniques industrielles au sein des établissements de santé, une évolution destinée à renforcer l’attractivité et l’excellence de la recherche médicale française. Il fait évoluer le dispositif des médicaments de thérapie innovante préparés ponctuellement, dits « MTI-PP », d’une part en prévoyant que les établissements de santé titulaires d’une autorisation de préparation de cellules et tissus à des fins thérapeutiques puissent obtenir l’autorisation de les fabriquer, et d’autre part en autorisant l’importation et l’exportation des MTI afin de ne pas pénaliser les travaux des chercheurs français dans le cadre de projets européens.

Enfin, permettez-moi de dire deux mots de dispositions placées en dehors du titre III, mais qui me tiennent particulièrement à cœur. En premier lieu, vous le verrez, je défendrai au titre Ier une série de mesures destinées à lutter plus résolument contre le tabac : interdiction de la vente à proximité des enceintes scolaires, messages d’avertissement publicitaires, etc.

Mais je voudrais surtout revenir sur un article relatif au prélèvement d’organes, l’article 46 ter, inséré grâce à l’adoption d’un amendement que j’avais déposé avec Michèle Delaunay, avec le soutien d’Olivier Véran et de plusieurs députés appartenant à la majorité comme à l’opposition. Bien qu’elle ait fait l’unanimité au sein de la commission des affaires sociales, cette disposition a suscité de légitimes débats. À cet égard, je souhaite simplement préciser qu’elle ne vise qu’à clarifier et à simplifier le droit. Il n’a en effet jamais été envisagé dans notre pays que les proches d’un défunt puissent accepter un prélèvement ou s’y opposer : cela relève d’une décision souveraine que chacun doit prendre, s’il le souhaite, de son vivant. En l’état, cependant, le code de la santé publique prévoit que les équipes médicales s’assurent auprès des proches que le défunt ne s’y était pas opposé.

J’ai donc proposé de généraliser l’enregistrement, sur un fichier national unique,…

M. le président. Veuillez conclure.

M. Jean-Louis Touraine, rapporteur. …des personnes souhaitant exprimer leur opposition au prélèvement d’organes, de façon à clarifier les obligations des médecins et des infirmiers à l’égard des proches du défunt. Cette disposition maintient l’équilibre en vigueur puisque, je le répète, elle relève essentiellement d’une démarche de clarification.

Chers collègues, compte tenu des enrichissements intervenus en commission des affaires sociales, je vous invite, en tant que rapporteur pour le titre III, à adopter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Charasse. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Hélène Geoffroy, rapporteure de la commission des affaires sociales, pour le titre IV.

Mme Hélène Geoffroy, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, la question à laquelle notre débat doit répondre est, au fond, la suivante : qu’allons-nous changer dans un sens positif dans la vie des Français ? En inscrivant la démocratie sanitaire au cœur du système de santé, le titre IV, j’en suis convaincue, contient les outils d’une transformation du quotidien du malade et de ceux qui l’entourent.

En 1976, Simone Veil signait la première charte du malade hospitalisé garantissant « le droit pour le malade au respect de sa dignité et de sa personnalité » dans chaque établissement de santé. Depuis ce premier texte officiel, la législation a progressivement reconnu le droit du consentement au soin, finalement confirmé par la loi du 4 mars 2002. Il nous faut désormais revivifier la démocratie représentative par une démocratie participative affirmée.

Ainsi, le titre IV met en lumière l’indispensable concertation entre acteurs du système de santé : l’État et ses déclinaisons régionales, les agences, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, les usagers, les professionnels de santé et les élus locaux. La qualité de la démocratie sanitaire se mesurera à l’aune du dialogue entre ces piliers de la politique de santé. Par ce texte, madame la ministre, vous donnez une nouvelle portée au principe d’affirmation de droits individuels, mais surtout collectifs, permettant aux représentants d’usagers de peser sur les politiques de santé.

Dans la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement, l’article 38 renforce les missions des conseils territoriaux de santé – CTS –, qui contribueront au diagnostic territorial partagé. La commission a par ailleurs garanti l’expression des usagers au sein d’une enceinte spécifique des CTS et autorisé la mise en place d’une véritable médiation sanitaire à l’échelon local.

Une partie de ce titre procède à l’amélioration de la place des usagers au sein des agences sanitaires et des établissements publics de santé. Il est notamment prévu une obligation légale de représentation des usagers dans les organes de gouvernance de toutes les agences sanitaires nationales ainsi qu’une modification des missions de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge – CRUQPC.

Sur ces sujets, je me félicite des enrichissements apportés par la commission des affaires sociales. Cette dernière a élargi les pouvoirs de la CRUQPC, renommée commission des usagers et dotée d’un pouvoir d’auto-saisine sur tout sujet relatif à la politique de qualité et de sécurité de l’établissement. Cette commission jouera aussi un rôle particulier dans le suivi des événements indésirables graves et sera présidée par un représentant des usagers.

Dans le même esprit, l’action de groupe en santé est un droit majeur que nous donnons aux usagers en leur permettant de se rassembler pour pouvoir faire valoir des manquements en termes de produits de santé. Cette volonté d’une plus grande justice, nous l’avons encore renforcée, notamment par la modification des règles d’application, pour que les manquements ayant cessé à la date d’entrée en vigueur de la loi puissent faire l’objet de poursuites.

L’article 42 améliore l’organisation du système des agences sanitaires en regroupant ces dernières dans un nouvel institut, que la commission a souhaité intituler « Santé Publique France ». Il contient aussi une demande d’habilitation destinée à réformer la politique de collecte, de transformation et de distribution des produits sanguins – vous l’avez rappelé, madame la ministre. Nous avons, en commission, réaffirmé les principes de bénévolat, de gratuité et d’anonymat du don de sang.

L’information est également la clé de voûte de la démocratie. À cet égard, je salue l’insertion d’un article, l’article 47, consacré à l’open data en santé. Nous disposons dans le domaine de la santé de bases de données dont la richesse, en termes d’informations contenues, est enviée par beaucoup. Mais il nous faut tenir un équilibre entre, d’une part, l’exploitation des potentialités des données de santé par les usagers, les professionnels, les chercheurs et les start-up et, d’autre part, la protection de la vie privée.

Les procédures d’autorisation par la Commission nationale de l’informatique et des libertés ont été simplifiées sans que son contrôle ne soit affaibli. À toutes les étapes, la compétence d’avis de la CNIL est renforcée. La commission n’a maintenu l’obligation de recours à un intermédiaire que pour les seuls acteurs susceptibles de poursuivre des finalités clairement interdites par la loi.

Cependant, les journalistes font part de leurs inquiétudes relatives à la liberté d’informer, vous l’avez également rappelé, madame la ministre. Je vous proposerai un amendement visant à les rassurer en affirmant notre volonté de ne pas contrevenir à la liberté de la presse.

L’intérêt porté par le législateur aux droits des patients ne peut se limiter à ses droits individuels. Au cours des débats en commission, j’ai entendu à plusieurs reprises l’argument selon lequel les personnes désireuses de s’engager dans ces démarches collectives de démocratie sanitaire n’étaient pas suffisamment nombreuses, pas suffisamment impliquées, pas suffisamment engagées. Cela m’a rappelé les réflexions, entendues après l’adoption en 2001 de la loi sur la parité, sur la difficulté pour les partis politiques de recruter des candidates. En réalité, après le travail effectué en commission et celui qui nous attend dans l’hémicycle, les usagers seront mieux formés et disposeront d’un statut plus adapté à leur intégration dans la démocratie sanitaire.

Le paysage de la démocratie sanitaire va être profondément remanié. En effet, les nouveaux droits conférés aux usagers et l’articulation renforcée entre les acteurs du système de santé contribueront à donner de la transparence et donc de la crédibilité à nos politiques publiques. Madame la ministre, nous entrons ainsi, j’en suis convaincue, dans l’acte II de la démocratie sanitaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour le titre V.

M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, chers collègues, notre système de santé est complexe, nous le savons, et sans doute l’est-il trop. C’est pourquoi le titre V, que j’ai l’honneur de présenter, est consacré à des mesures de simplification et d’harmonisation de la législation sanitaire.

Sept de ses huit articles habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances. La Commission a supprimé le seul article « en dur », l’article 54, déjà adopté dans un autre texte, qui concernait les relations de travail à bord des navires.

Sur la base des autres articles du titre V, ce sont environ 50 ordonnances qui pourraient être prises. Il est donc important que le Parlement, avant de se dessaisir de sa compétence, puisse prendre la bonne mesure de la portée des habilitations. Le Conseil constitutionnel vérifie du reste dans son contrôle que « les précisions requises […] ont été dûment fournies par le Gouvernement au soutien de sa demande d’habilitation ».

La seule lecture de l’exposé des motifs, ou même de l’étude d’impact, ne permettant pas de répondre systématiquement à des questions simples, j’ai adressé une série de questionnaires au Gouvernement, auxquels j’ai obtenu des réponses – d’abord partielles, puis progressivement globales : je ne désespère pas qu’elles puissent être, à l’issue de nos travaux, parfaitement limpides.

Ces réponses m’ont, en tout cas, déjà permis de proposer à la Commission, qui l’a accepté, de rédiger « en dur » dans le projet de loi certaines mesures que le Gouvernement envisageait de prendre par ordonnance.

Sans entrer dans un détail fastidieux que vous pourrez retrouver dans le rapport, je vous propose une brève présentation des articles et des apports de notre commission.

L’article 50 habilite le Gouvernement à modifier la législation applicable aux groupements de coopération sanitaire, ou GCS. Il s’agit de mesures très générales, consistant par exemple à adapter les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des groupements de coopération sanitaire, mais aussi de mesures plus précises visant par exemple à faciliter la mise à disposition des fonctionnaires hospitaliers auprès de ces GCS.

L’article 51, plus vaste, permet de simplifier et de moderniser, entre autres, le régime des établissements de santé, la gestion des ressources humaines du système de santé, la législation relative aux conditions d’implantation d’activités de soins et de matériels lourds et l’accès aux soins de premier recours.

À mon initiative, la commission a supprimé deux des habilitations prévues par l’article 51, afin d’inscrire « en dur » dans le projet de loi les dispositions que le Gouvernement entendait prendre par ordonnance.

À l’initiative du Gouvernement, la commission a également élargi le champ de l’habilitation à simplifier la législation relative aux implantations d’officines pharmaceutiques, dont j’avais déploré la complexité dans mon rapport sur les professions réglementées.

La commission a en outre enrichi le texte de plusieurs articles additionnels destinés à préciser et renforcer les missions des centres de santé.

J’ai proposé à la commission de réécrire l’article 52, afin de mettre « en dur » les dispositions initialement prévues par ordonnance. Il s’agit de mieux encadrer l’activité de thanatopraxie en la définissant de manière plus précise, en prévoyant qu’elle ne puisse être réalisée que dans des lieux dédiés et en obligeant les praticiens à être vaccinés contre l’hépatite B.

L’article 53 habilite le Gouvernement à mettre notre droit en cohérence avec le droit international et européen. Il s’agit de transposer quatre directives dans des domaines très divers, d’adapter notre législation à certaines exigences du règlement sanitaire international et d’adapter la législation nationale relative aux recherches biomédicales à un récent règlement européen.

La commission a inscrit « en dur » dans le projet de loi certaines des modifications envisagées en matière de reconnaissance des qualifications professionnelles au sein de l’Union européenne.

L’article 55, qui concerne le service de santé des armées et l’Institution nationale des Invalides, prévoit d’habiliter le Gouvernement à prendre des mesures législatives sur un champ très large, visant à modifier l’ensemble des codes concernés pour insérer ces organismes dans les dispositifs du projet de loi qui les concernent. L’Institution nationale des Invalides et les hôpitaux d’instruction des armées connaîtront d’importantes évolutions de gouvernance. Ils seront davantage insérés dans les documents de planification sanitaire régionale et le ministère de la santé – notamment les ARS – aura une responsabilité accrue dans le domaine sanitaire de défense.

L’article 56 habilite le Gouvernement à adapter ou étendre par ordonnance les dispositions de la loi à l’outre-mer.

L’article 57, enfin, l’habilite à prendre les mesures législatives de coordination qui s’imposeront. Compte tenu du volume de ce texte ambitieux, nul doute qu’elles seront nombreuses. Nous aurons l’occasion d’en débattre plus amplement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieur le vice-président de la délégation aux outre-mer, enfin, nous y voilà ! Six ans après la loi Hôpital, patients, santé, territoires, ou loi HPST, de Mme Bachelot, le rendez-vous que nous avons aujourd’hui est d’une importance capitale. Tous les sujets traités par cette réforme de notre système de santé sont particulièrement difficiles à faire évoluer, tant les corporatismes et les lobbies qui les imprègnent paralysent toute évolution du système.

Madame la ministre, je veux m’adresser à vous tout particulièrement. Votre ténacité et vos convictions nous permettent aujourd’hui de débattre d’un projet ambitieux, novateur et profondément réformiste. Vous et votre cabinet avez, jusqu’au dernier moment, consulté, concerté, cherché des compromis entre tous,…

M. Francis Vercamer. Et la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. … en dépit des attaques éhontées,…

M. Christian Paul. Scandaleuses !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …inacceptables, scandaleuses dont vous avez été la cible et que je tiens ici à dénoncer. Les limites ont été largement dépassées dans une République comme la nôtre. Quand je pense au travail qu’il nous faut faire pour la citoyenneté après des événements aussi effroyables que le drame du 7 janvier, notamment contre Charlie Hebdo, on prend conscience qu’il y a un chemin important à parcourir, y compris vis-à-vis de gens dont on pouvait attendre d’autres comportements et d’autres propos.

M. Christian Paul. Comme M. Robinet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Au vu des slogans que l’on a pu lire dans les manifestations, quel exemple est donné à notre jeunesse ?

M. Christian Paul. M. Robinet !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On peut se demander si vous auriez subi les mêmes attaques si vous n’étiez pas une femme – parfois, je m’interroge. Votre homologue, Mme Bachelot, n’avait elle-même pas été épargnée en son temps.

Je tiens à saluer le travail d’un grand nombre de nos collègues qui, par leur implication, ont enrichi le texte. Je salue, à ce titre, l’investissement de la délégation aux droits des femmes et de la délégation aux outre-mer, qui ont apporté des contributions essentielles. Je voudrais également remercier les collaborateurs des députés, de l’opposition comme de la majorité, et ceux des groupes, qu’on ne salue pas assez, mais qui font le travail de l’ombre. Je salue aussi les rapporteurs qui, avec 77 auditions et tables rondes organisées sur près de 170 heures, ont permis d’améliorer le texte sur de nombreux points et de trouver des solutions concrètes pour répondre aux besoins et aux attentes des usagers, des associations et des professionnels de notre système de soins – preuve supplémentaire de l’attente suscitée par ce texte.

À l’issue de nos travaux en commission, le texte comporte désormais 69 articles additionnels et nous avons adopté 358 amendements, dont certains issus des rangs de l’opposition.

Je ne m’attarderai pas outre mesure sur la mise en place du tiers payant généralisé. Vous savez, madame la ministre, que je suis – nous sommes – à vos côtés depuis l’origine. C’est une mesure de justice sociale et de cohérence : on ne demande pas à des citoyens qui solvabilisent le système par leurs cotisations sociales et leurs cotisations complémentaires de faire encore l’avance des frais quand ils entrent dans le système de soins.

Je me permettrai simplement de vous faire lecture d’un extrait du courrier que j’ai reçu d’un habitant de Lille et qui m’a beaucoup touchée, au moment où j’étais moi-même l’objet d’attaques violentes, en juillet 2014 :

« Pendant une période de ma vie, pas si lointaine, j’ai fait partie de cette case, ni assez pauvre pour avoir la CMU, ni assez riche pour pouvoir toujours faire l’avance de frais. Quand j’en avais besoin et quand je n’y renonçais pas, je me rendais donc à un centre médical de la Mutualité française, à l’autre bout de la ville, pour consulter un généraliste.

« Je n’ai jamais pensé que les médecins soient des salauds assoiffés de fric, et suis sûr que la majorité des commentateurs libéraux ici auraient accepté de tirer mon chèque à une date ultérieure. Mais c’était une période d’instabilité financière où signer un chèque était pour moi une prise de risques permanente.

M. Dominique Tian. Il ne bénéficiait pas de la CMU ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. « Et puis, pour être totalement honnête, j’avais des scrupules et une pudeur qui m’empêchaient de demander ce geste en arguant, même implicitement, de ma situation sociale, devant un professionnel qui faisait juste son boulot.

« Aujourd’hui, j’ai la chance d’en être sorti et n’ai aucun problème à l’écrire. Même si je n’ai pas oublié d’où je viens, et je sais que d’autres vivent des situations bien plus dures. Voilà pourquoi je pense que le tiers payant généralisé est une piste intéressante : parce qu’elle transforme un geste qui à ce jour met bien des patients en situation de quémandeurs, un geste qui à ce jour dépend de la souplesse, de la morale, de la générosité d’un médecin… en droit. » Voilà ce que m’écrivait un citoyen de Lille.

M. Francis Vercamer. Martine Aubry ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Permettez-moi de rappeler ce qu’est la rémunération des médecins, au moment où certains, arbitrairement, font passer le prix de leur consultation de 23 à 25 euros.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Le salaire de leur secrétaire aussi ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je n’entends pas ici stigmatiser,…

M. Dominique Tian. Non, bien sûr !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …ni remettre en cause le système, mais simplement donner des éléments factuels afin que nous puissions, dans cet hémicycle, débattre sur la base des mêmes connaissances.

Considérons un acte à 23 euros d’un médecin spécialiste en médecine générale : le paiement à l’acte est de 23 euros visibles.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas le problème !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On y ajoute la rémunération sur objectifs de santé publique, ou ROSP – qui, selon la Cour des comptes, a ajouté en moyenne 5 480 euros par an et par médecin en 2014.

M. Dominique Tian. Voilà les coupables !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On y ajoute ensuite 1,50 euro par consultation, au titre de la rémunération médecin traitant, puis – toujours selon la Cour des comptes – 80 centimes de forfait médecin traitant pour un patient souffrant d’une affection de longue durée, 60 centimes pour la prise en charge des personnes de plus de 80 ans et 40 centimes de majorations variées.

M. Arnaud Robinet. Vous additionnez des choux et des carottes !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est très utile de rappeler ces chiffres !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut également compter les exonérations de cotisations sociales, à savoir les cotisations assurance maladie, les cotisations familiales et les deux tiers des cotisations à l’assurance vieillesse prises en charges par la solidarité nationale, soit environ 3,60 euros dans le prix global d’une consultation. Le prix de cette dernière est donc plus proche de 31,50 euros que de 23 euros.

M. Dominique Tian. Les médecins apprécieront !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas oublier, car peu d’entre nous le savent, les rémunérations perçues au titre de la permanence des soins ambulatoires – les « gardes » –, dont une grande partie est défiscalisée dans les zones prévues à l’article L. 1434-7 du code de la santé publique. Nous avons même trouvé des exemples où, pour un médecin, près de 20 000 euros par an étaient défiscalisés.

Rappelons enfin que, dans le cadre des aides et prestations fournies aux médecins et à d’autres professionnels de santé – et M. Jean-Pierre Door, qui m’a aidée dans le cadre de la mission sur la permanence des soins ambulatoires, ne me contredira pas –,…

M. Dominique Tian. Il n’est pas là ! Vous ne pouvez pas le faire parler !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …la mise en place d’une maison de santé pluridisciplinaire coûte entre 500 000 euros et 2 millions d’euros, ce qui constitue une aide indirecte.

Remettre dans la loi les termes de « service public hospitalier » est primordial – je n’y reviendrai pas : merci, madame la ministre. Il est évident qu’il ne s’agit pas de faire disparaître les cliniques privées – je veux, à cet égard, condamner ces campagnes publicitaires de fin d’année qui montraient une jeune femme prête à accoucher dans la rue. Il faut cependant bien reconnaître, n’en déplaise à certains, que l’hôpital public remplit certaines missions qu’il est le seul à remplir.

La loi HPST consacrait, dans son article 51, les coopérations interprofessionnelles et les pratiques avancées. Madame la ministre, nous allons mettre tout cela en œuvre et je m’en félicite.

La coopération entre les secteurs sanitaire, médico-social et social permet d’améliorer la prise en charge des personnes – je citerai à ce propos l’exemple de la Case de santé, à Toulouse, centre communautaire quasiment unique en France que vous avez beaucoup aidé et qui s’inscrit dans la prise en charge globale de populations plus que défavorisées. De fait, les centres de santé figuraient déjà en précurseurs dans la démarche de pluridisciplinarité que nous cherchons à mettre en branle depuis quelques années.

L’article 17 prévoit donc une équité de rémunération entre les centres de santé et les professionnels libéraux, négociée dans les conventions. On ne peut que s’en féliciter.

Le projet de loi apporte également des réponses concrètes, au plus près du terrain, pour lutter contre les infections épidémiques – VIH ou hépatites virales notamment – auprès de publics à risque et des usagers de drogue. Faciliter un dépistage précoce, comme le prévoit la loi, avec des tests rapides d’orientation diagnostique du VIH et des hépatites, est donc une grande avancée.

Les articles 8 et 9 du projet de loi viennent conforter la politique de réduction des risques. Je salue tous les personnels et tous les acteurs qui travaillent dans ces réseaux.

L’article 9 permettra de mener des expérimentations en autorisant, pendant une durée maximale de six ans, les municipalités qui le souhaiteront à ouvrir des salles de consommation à moindre risque supervisées, comme cela se fait déjà dans des pays comparables au nôtre. Nous avons en effet entendu en commission des propos qui montrent la méconnaissance…

M. Dominique Tian. Bien sûr !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas une injure que de le dire. Ces salles s’adresseront, je le rappelle, à des publics particulièrement vulnérables et éloignés des soins et du droit commun – qui ont, comme je me plais à le dire, « disparu des radars » de notre société.

J’en viens au dernier point : la question de l’éducation à la santé concernant la nutrition. Il faut être courageux, madame la ministre : au-delà des 6,5 millions de personnes qui sont considérées comme obèses dans notre pays, je donnerai deux exemples de lobbies, deux exemples d’invitations reçues ces derniers jours par les parlementaires.

Le 25 mars dernier, le syndicat national des producteurs d’additifs invitait les députés à un petit-déjeuner dans un célèbre restaurant situé dans l’aérogare des Invalides pour débattre autour d’une table tonde intitulée : « Les entreprises de l’alimentaire font face à des campagnes de communication qui vous font perdre l’appétit. Les ingrédients de spécialité en font généralement les frais. »

Deuxième exemple : le CEDUS, Centre d’études et de documentation du sucre – le syndicat des industriels du secteur – invite, le 8 avril prochain, à une rencontre de travail dans un restaurant du 7e arrondissement sur le thème : « Marketing social à l’efficacité des stratégies de prévention. Les nouveaux résultats du programme ’’Vivons en forme’’. »

M. Dominique Tian. Vous avez aussi la liste des participants ?

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Oui, nous l’avons !

M. Dominique Tian. C’est scandaleux !

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Vous devez d’ailleurs le déclarer au déontologue !

M. le président. Mes chers collègues, n’interrompez pas Mme la présidente, qui va conclure !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce thème du « vivre en forme » est d’ailleurs largement développé sur le site internet du CEDUS que je vous invite à aller voir, monsieur Tian, au lieu de hurler : www.lesucre.com, où il est écrit, noir sur blanc, qu’« Aucune relation directe entre consommation de sucre [...] et prise de poids n’a été mise en évidence dans les études récentes » ! On ne peut que saluer une telle initiative, écrite noir sur blanc ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Robinet. Il y a une industrie et des emplois derrière !

M. Dominique Tian. Rien sur le chocolat ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je pense que les industriels doivent aujourd’hui prendre leurs responsabilités face aux conséquences engendrées par la vente de certains produits qu’ils fabriquent. Je souhaiterais, pour ma part, que l’on puisse aller plus loin en la matière : tournons-nous vers le Québec !

Pour conclure, je rappelle que lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet de loi, madame la ministre, nous avons tout de suite craint le déchaînement à venir des lobbies de tout ordre et des corporatismes : nous n’avons pas été déçus !

M. Dominique Tian. Et allez donc !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. J’espère que, malgré cela, nous arriverons au bout de cette discussion avec toujours l’objectif premier que nous nous sommes tous fixé, et qui figure désormais dans le titre de la loi : moderniser notre système de santé.

M. Dominique Tian. Et les médecins ? Et les hôpitaux ? C’est scandaleux !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela répond à un engagement du Président de la République, à savoir que chacun puisse être soigné au bon endroit, au bon moment, par la bonne personne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Tian. Vous n’allez pas être déçus !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la délégation aux droits des femmes a souhaité, dès son annonce, se saisir de cette réforme majeure portée par votre projet de loi santé, madame la ministre, car l’égalité réelle passe aussi par la santé. C’est une évidence en matière de droits sexuels et reproductifs ; c’est moins net quand on s’intéresse à la santé des femmes en général.

Nos travaux – je salue Catherine Quéré, co-rappporteure de nos travaux –, traduits en vingt et une recommandations, ont poursuivi deux objectifs : conforter les avancées en matière d’IVG et de santé sexuelle et reproductive ; mieux prendre en compte les enjeux spécifiques aux femmes pour réduire les inégalités de santé sociales et territoriales. J’évoquerai successivement ces deux points.

Deux dispositions concernent directement les femmes et les jeunes filles : la levée des restrictions existantes en matière d’accès à la contraception d’urgence dans le second degré et la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses. Ces avancées s’inscrivent dans le prolongement des actions engagées depuis 2012 pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps.

Je tiens particulièrement à saluer, madame la ministre, le plan ambitieux que vous et Pascale Boistard avez présenté en janvier afin d’améliorer l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire avec une gratuité totale – je le rappelle aux associations qui nous interrogent encore sur ce sujet.

La possibilité de recourir à une IVG est un choix et un droit fondamental pour toutes les femmes. Nous l’avons d’ailleurs rappelé dans cet hémicycle, le 26 novembre dernier, par une résolution signée par tous les groupes. Ces dix dernières années, 50 % des établissements privés ont fermé leur accès à l’IVG. Quarante ans après la loi Veil, des difficultés demeurent : vous êtes en train de les lever. Il est toujours nécessaire de renforcer l’effectivité de ce droit et de simplifier le parcours des femmes.

Traduisant nos recommandations, plusieurs amendements ont d’ores et déjà été adoptés en commission. C’est notamment le cas pour la suppression de l’obligation légale du délai de sept jours de réflexion pour la pratiquer. Je veux juste souligner ici que les femmes n’ont pas besoin d’une obligation légale et imposée pour réfléchir : les femmes sont responsables, elles sont décidées et ont le droit de disposer librement de leur corps. Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir confirmé que cela serait inscrit dans la loi.

Au-delà de ces dispositions concernant la santé sexuelle et reproductive, la délégation s’est intéressée aux trois volets du texte : prévention, accès aux soins et innovation. Elle a mesuré qu’en matière de santé des femmes, il y a des vérités trompeuses et des idées reçues, qui conduisent à occulter des inégalités pourtant bien réelles.

Lorsqu’on évoque la question de la santé des femmes, on suscite l’étonnement : les femmes, on le sait, ont une espérance de vie supérieure aux hommes. Alors pourquoi s’en préoccuper ? Parce qu’elles se perçoivent en moins bonne santé que les hommes ; parce que cet écart avec les hommes se resserre de façon significative si l’on considère l’espérance de vie en bonne santé, avec des incapacités, une perte d’autonomie et des maladies liées au vieillissement touchant plus fortement les femmes que les hommes. Elles sont par exemple trois fois plus concernées par la maladie d’Alzheimer.

De plus, outre les maladies spécifiquement féminines comme le cancer du sein, de l’utérus ou l’endométriose, les femmes sont particulièrement exposées à certains risques de santé : risques psychosociaux au travail, troubles dépressifs plus fréquemment diagnostiqués, harcèlements et violences sexuelles et sexistes qui influent fortement sur leur santé, obésité et anorexie.

Je pense également à cet enjeu majeur de santé publique, qui vous tient à cœur, madame la ministre : le tabagisme chez les femmes, qui progresse. Il reste moins élevé que celui des hommes, mais cet écart se réduit, y compris chez les femmes enceintes.

En matière de santé au travail, les accidents du travail pour les femmes ont augmenté de plus de 20 % en dix ans, alors qu’ils diminuent chez les hommes. On observe également une progression deux fois plus rapide des maladies professionnelles reconnues chez les femmes. Sur ce sujet, la délégation a fait adopter plusieurs amendements en commission pour permettre la production de données chiffrées et une meilleure connaissance du phénomène. La santé n’échappe donc pas aux inégalités entre hommes et femmes : l’égalité réelle passe bien par la santé.

Enfin, la délégation a souhaité mettre en exergue les inégalités entre femmes. Oui, les femmes ne sont pas égales devant la santé. Elles subissent des disparités sociales marquées, selon leur niveau de vie et leurs ressources, mais aussi des inégalités territoriales, selon l’endroit où elles habitent, dans l’accès aux soins. C’est précisément parce que ces inégalités se conjuguent et s’amplifient qu’il nous faut adopter une double approche, sexuée et sociale, des politiques de santé.

Plusieurs mesures qui n’apparaissent pas comme spécifiques aux femmes, leur seront très favorables, et je tiens à souligner que la délégation soutient la généralisation du tiers payant, comme une possibilité de contribuer à la lutter contre les inégalités sociales.

Juste avant de conclure, et face aux propos inacceptables à votre encontre, madame la ministre, en tant que ministre et en tant que femme, mais aussi à votre encontre, madame la présidente de la commission, car vous avez également été l’objet de ces propos, je voulais vous renouveler, au nom de la délégation, la condamnation de ces actes, de ces attitudes, de ces paroles et vous redire tout notre soutien : rien ne justifie de telles dérives !

Mes chers collègues, en France et ailleurs en Europe, les droits des femmes ne sont jamais acquis. Émancipation, droit de choisir, effectivité des droits : les valeurs de la République se conjuguent aux droits des femmes pour une société de progrès. Oui, l’égalité réelle passe par la santé. Oui, les droits des femmes avancent avec ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Orphé, au nom de la délégation aux outre-mer.

Mme Monique Orphé. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, la santé est le bien le plus précieux pour l’individu. On peut la perdre facilement, surtout si on la néglige. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si c’est souvent le premier vœu qu’on formule en début d’année.

La délégation aux outre-mer a souhaité se saisir de ce texte car, pour les populations ultramarines, madame la ministre, la santé est un vrai défi que nous avons à relever et pour résorber les nombreuses inégalités dans ce domaine, nous devons afficher une grande ambition qui, je l’espère, apparaîtra dans les programmes d’actions spécifiques.

Il existe en effet sur les territoires ultramarins des différences souvent défavorables par rapport à l’Hexagone. Je citerai plus particulièrement quatre secteurs où l’on peut constater des inégalités de situation. Le premier secteur porte sur les questions de la mortalité infantile, de la surexposition des jeunes filles aux grossesses précoces et du recours à l’IVG. La situation est préoccupante. On peut noter, sur ces trois problématiques, que les taux sont deux fois plus élevés dans les DOM qu’en métropole, alors que les moyens médicaux déployés sont sensiblement les mêmes – une situation qui ne s’explique pas, les causes n’étant pas souvent identifiées, en l’absence d’études fines.

Le deuxième secteur où l’on note des différences notables est celui des pathologies. Certaines sont inconnues en métropole, comme celles qui résultent de la dengue, du paludisme ou du chikungunya ; d’autres présentent des prévalences différentes, comme l’infection au VIH ou la drépanocytose. Il en va de même pour le diabète et l’hypertension artérielle, conséquences du surpoids ou de l’obésité. Ces pathologies méritent un dépistage précoce pour une meilleure prise en charge : agir de façon préventive permettrait de diminuer les dépenses élevées en traitement à vie pour le VIH ou très onéreux pour les hépatites.

Le troisième secteur est celui des conduites addictives spécifiques. Le plan de lutte contre la drogue 2013-2017 a noté dans les DOM une précocité des consommations, notamment de l’alcool, chez les jeunes et une poly-consommation de différentes substances. D’ailleurs, de nombreux collègues de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe m’ont fait part de leurs inquiétudes sur ce sujet car ces conduites addictives créent un climat de violences parfois insoutenables, que ce soit dans la sphère publique ou privée. Si nous voulons peser sur les comportements, la prévention de ces problèmes doit intervenir dès le plus jeune âge.

Enfin, le quatrième secteur où les différences sont notoires est celui lié à la faible densité médicale ; un constat valable en milieu hospitalier mais aussi pour la médecine libérale. Si des inégalités flagrantes existent entre l’Hexagone et les territoires ultramarins, elles apparaissent également fortement entre territoires ultramarins. L’exemple de Mayotte mérite d’être soulevé car tout y est à construire, l’accès aux soins se faisant autour l’hôpital. Ce problème se pose également, de façon différente, en Guyane ou à Wallis-et-Futuna.

Face à ces situations diverses et complexes, le projet de loi santé comporte un certain nombre de réponses en termes de prévention et d’offre de soins. La plupart des mesures contenues dans le projet de loi, même si elles ne font pas expressément référence aux DOM, ont vocation à s’appliquer sur tous les territoires français.

Par ailleurs, seul l’article 56 vise spécialement les outre-mer. Il prévoit le recours à des ordonnances pour la mise en œuvre de certaines modalités d’application de la loi dans les collectivités ultramarines. Néanmoins, ces mesures peuvent paraître encore trop générales et insuffisamment ciblées sur les questions particulières posées par la santé dans nos territoires.

Le rapport de la délégation, intitulé : « La santé outre-mer : des réformes urgentes pour résorber les inégalités », comporte dix-sept propositions pour faire avancer le droit en ce domaine. À la suite de ce rapport, plusieurs amendements ont été déposés en commission et, à mon initiative, ils prévoient : l’intégration, de manière expresse, des problèmes ultramarins dans la stratégie nationale de santé ; la possibilité, pour la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique concernant un mineur, de se passer du recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale ; l’obligation, pour l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna, en cas d’évacuation sanitaire, de mieux informer le patient sur les modalités et les conséquences, notamment financières, de leur transfert ; l’obligation, enfin, de faire figurer des données chiffrées concernant les départements ou les collectivités d’outre-mer dans toute statistique déclinée au niveau local.

Cependant, encore que fort utiles, ces mesures ne nous paraissent pas tout à fait suffisantes. Je souhaite donc appeler votre attention, madame la ministre, sur quatre autres amendements issus du rapport de la délégation, et que je soutiendrai. Ces amendements proposent la remise d’un rapport par le Gouvernement, d’ici la fin de l’année 2016, indiquant les modalités selon lesquelles il serait possible d’instaurer à Mayotte la CMU-C ; la possibilité, pour les centres hospitaliers ultramarins, de développer des actions de santé visant à améliorer l’accès et la continuité des soins, ainsi que des actions liées à des risques spécifiques, dans les territoires de santé isolés ; l’interdiction de l’affichage publicitaire en faveur des boissons alcoolisées près des établissements scolaires ; et enfin, la limitation de la taille des panneaux publicitaires vantant les mérites de l’alcool.

Sur ce dernier sujet, j’aurai l’occasion d’y revenir aux articles 4 et 5 de la loi car, en outre-mer, l’alcool est une des premières causes de mortalité prématurées, avant le cancer, et, au-delà, c’est un vrai problème de société. Comme pour le tabac, madame la ministre, nous devons nous y attaquer efficacement et ce problème de santé publique ne peut être sacrifié sur l’autel d’un quelconque intérêt économique, comme je l’ai encore entendu à l’instant.

Pour conclure, je souhaiterais vous poser encore une question, madame la ministre. Elle a trait à l’application de l’article 56 du projet de loi dont j’ai parlé plus haut. Cet article peut servir au Gouvernement de base juridique pour arrêter, par ordonnance, des programmes d’actions spécifiques visant à améliorer la prévention et l’offre de soins dans les territoires ultramarins. Pourriez-vous nous confirmer que le Gouvernement, après le vote de la loi, procédera bien, et de manière rapide, à la mise en place de plans spécifiques au sein de nos collectivités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Huguette Bello. Très bien !

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la santé publique n’a pas toujours fait partie des compétences immédiates et structurelles d’un État ou d’une collectivité.

Bien sûr, la médecine, l’enseignement des maladies du corps humain, sont nées sous l’Antiquité, en Europe comme en Chine, mais le traitement des maladies par la puissance publique, pour en éviter la propagation, s’est mis en place progressivement.

Je crois que la construction de la santé publique est assise sur deux piliers : l’idéal d’une part, la réalité d’autre part.

L’idéal d’un accès aux soins pour les plus pauvres qui soit garanti par l’État n’a pas été mieux exprimé que dans le programme du Conseil national de la Résistance, qui proclama, pour en finir avec l’ombre des années d’occupation, qu’il fallait mettre en place « un plan complet de Sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ».

Si aujourd’hui cet objectif ne pourrait pas être remis en question, il n’a pas toujours constitué une évidence, puisqu’il a fallu attendre 1930 pour que soit créé un ministère de la santé indépendant, l’hygiène et les affaires sanitaires étant auparavant rattachées au ministère de l’intérieur.

Parallèlement à l’idéal, c’est aussi et surtout le réel qui a entraîné les premières mesures dites « de salubrité publique ». Devant les terribles épidémies que subit l’Europe à partir du Moyen Âge, les dirigeants engagent leur administration à nettoyer les rues, pour éloigner les maladies les plus contagieuses, non par altruisme ni par bonté d’âme, mais par sens des responsabilités.

Au nom des valeurs de partage et de prévention qui nous animent, et par esprit de responsabilité, la santé s’est donc imposée comme l’un des points-clés des politiques publiques.

Pardonnez cette courte introduction historique, mais il me semblait nécessaire, madame la ministre, de chercher à inscrire le texte que vous nous présentez aujourd’hui dans une certaine continuité de l’action publique, pour nous poser deux questions.

Deux questions, au fond, assez simples. Quel idéal avez-vous choisi ? Quelle réalité prenez-vous en compte ?

Vous me permettrez de répondre, en tant qu’orateur du principal groupe de l’opposition, à ces deux interrogations.

L’idéal d’abord. Je l’ai déjà dit : avec ce projet de loi, vous ne semblez croire qu’en un modèle suranné, marqué par la mainmise de l’État sur les grands enjeux de la santé. J’en vois quatre illustrations qui, à des degrés divers, sont très inquiétantes.

Premièrement, et vous en avez fait un étendard : la généralisation du tiers payant. J’avoue que cette idée ne manque pas d’étonner. Alors qu’en France le prix de la consultation chez le généraliste est l’un des moins élevés d’Europe, alors que les pays du Vieux Continent qui ne recourent pas au tiers payant généralisé, comme la Suède ou la Belgique, sont ceux où le tarif est également très modéré, vous avez décidé de soutenir ce dispositif qui n’était demandé par personne, ni sur le terrain, ni même dans les cercles d’experts et de technocrates que votre parti apprécie tant.

En faisant ce choix, vous imitez la gauche de Lionel Jospin, qui, manquant probablement d’idées, décida en 1997 d’inventer les 35 heures pour marquer les esprits.

Comme les 35 heures, le tiers payant généralisé est politiquement discutable, techniquement inapplicable…

M. Benoît Hamon. Socialement juste !

M. Arnaud Robinet. …socialement inefficace et par-dessus tout, terriblement démagogique.

Je l’avais dit dès que cette idée a émergé dans vos propos : le tiers payant généralisé fera certainement partie des mesures les plus graves de ce quinquennat. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais tel est votre idéal, au fond : un État qui prend des décisions sans qu’elles soient espérées collectivement, sans dialoguer avec ceux qui auront à gérer ce mécanisme, à savoir les médecins ; un État qui sait mieux que les patients et les médecins ce qui est juste pour eux-mêmes. Un État qui préférera toujours nier ses erreurs, tout en en payant le prix : je veux parler, par exemple, des franchises et des pénalités qui seront versées aux médecins en cas de retard de paiement par la Sécurité sociale. Un État qui exclut ceux qui connaissent l’expérience du refus de soins et ceux qui refusent de se soigner pour des questions de reste à charge. Un État qui désigne unilatéralement le chef de file de la gestion du tiers payant généralisé, en écartant au passage l’assurance-maladie complémentaire.

Un État enfin, courageux mais pas téméraire, qui, derrière une apparente détermination, passe en force et qui, hypocritement, renvoie la pleine application de son dispositif au 30 novembre 2017.

Deuxièmement, j’évoquerai le service public hospitalier. Même si je dois reconnaître que vous avez un peu allégé, dernièrement, la reprise en main étatique des hôpitaux privés, votre passion pour un hôpital centralisé, voire soviétisé, reste l’axe principal de votre texte.

J’en veux pour preuve l’exclusion des établissements de santé privés du service public hospitalier s’ils ne surveillent pas les dépassements d’honoraires de leurs médecins, ou encore la restriction de gestion des centres de santé aux seuls établissements non commerciaux.

Madame la ministre, vous n’aimez pas le secteur privé, chacun le sait désormais.

M. Bernard Accoyer. Ça, c’est sûr !

M. Benoît Hamon. En revanche, vous, vous l’aimez beaucoup !

M. Arnaud Robinet. Vous avez un problème avec l’idée qu’on puisse servir l’intérêt public tout en menant une activité lucrative.

Mais j’oserai cette question : est-ce une raison pour créer une injustice supplémentaire entre le public et le privé, en empêchant les médecins des cliniques de pratiquer des dépassements, contrairement à ceux de l’hôpital public ?

Alors, oui, quand je vois que l’habilitation SPH est à ce point verrouillée par le bras armé de votre ministère, je ne peux que dénoncer la confusion volontaire que vous entretenez entre coordination et centralisation.

Je m’explique : la coordination des politiques de santé dans les territoires est indispensable et nous avons encore du chemin à parcourir en la matière. N’oublions pas cet épisode de la grippe A, lors duquel la médecine libérale a été exclue purement et simplement des opérations de vaccination et gardons en tête toutes ces expériences que nous vivons en tant qu’élus locaux, sur l’absence de dialogue entre l’hôpital et la médecine de ville. Il faut aller plus loin pour améliorer la coordination des moyens, j’en conviens. Mais ici, vous faites de la centralisation, vous faites de la mise sous tutelle.

Sachez-le, vous ne pourrez pas rendre l’offre hospitalière plus efficace dans nos territoires en affaiblissant les cliniques. Vous êtes trop expérimentée pour ne pas croire à la mutualisation. Cette mutualisation – cette complémentarité – est possible, et vous la brisez tout net avec une disposition totalement idéologique et partant, contre-productive.

Troisièmement, encore une preuve de votre idéal étatique : l’open data « Santé ». J’avoue que, dans ce domaine, vous nous donnez presque le tournis. Tout d’abord, entre 2012 et 2014, vous écartez cette idée de vos priorités, alors que si nous avions dans le passé mieux ouvert et croisé les données de santé, nous aurions pu à coup sûr éviter de nombreux accidents sanitaires, comme le Médiator.

En 2014, vous commandez un rapport à une commission, en vous faisant désormais l’avocate de ce virage numérique. Puis, pour terminer, en 2015, vous nous présentez un texte qui fait régresser la transparence des données de santé par rapport à la situation actuelle. Si vous souhaitiez montrer votre appétence limitée pour l’open data, c’est réussi !

Du reste, je ne suis guère surpris par cette absence de fibre démocratique 2.0 de votre part. Le département que vous avez présidé, et sur lequel vous aviez beaucoup d’influence jusqu’à dimanche dernier, ne propose aucune base de données en libre accès et n’est pas membre du mouvement Open Data France, alors que deux départements qui lui sont limitrophes en font partie.

Je ne conteste pas votre manque d’entrain personnel pour la santé numérique et la participation citoyenne, chacun a ses sujets de prédilection.

En revanche, ce que je n’accepte pas, c’est que vous empêchiez les journalistes d’accéder aux données de santé, pour qu’ils informent les patients des risques et des atouts du système de santé. Ce que je n’accepte pas non plus, c’est que la libération des données soit encadrée par un arsenal si dissuasif que les plates-formes de services en santé, les mutuelles, les entreprises et les chercheurs seront découragés.

Oui, la vie privée doit être respectée, mais pas au prix de la santé de nos concitoyens, pas au prix de la liberté d’informer, qui bien souvent, la complète. Là encore, je m’oppose à cette vision d’un État omniscient, jaloux de ses compétences, qui refuse de voir les parties prenantes intégrées dans l’évolution du système de santé.

Quatrièmement et enfin, le guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques que vous souhaitez instaurer à l’article 35 trahit votre lubie hyper-étatiste. Je vois là une atteinte à la liberté de prescrire des médecins, je vois là une erreur dans le traitement de certaines pathologies lourdes, qui ne sera pas sans conséquences, au regard de ce qui s’est passé en Grande Bretagne.

Là encore, vous entretenez une confusion. Cette fois, vous confondez maîtrise des dépenses de santé et vision comptable, alors que s’agissant du médicament, c’est son efficacité qu’il faut avant tout retenir. Je suis opposé à ce guide car je ne crois pas à une santé uniquement dictée d’en haut. Je crois aussi à la parole des médecins, aux retours d’expérience : ce n’est visiblement pas votre cas.

À la question de savoir quel idéal sincère vous poursuivez, nous avons donc la réponse : c’est bel et bien l’administration centralisée, contrainte et étatique de la santé que vous souhaitez.

Mais votre texte n’est pas seulement animé par quelques convictions, aussi effrayantes soient-elles. Il est aussi et surtout marqué par de fausses solutions et par des contresens navrants, qui me semblent au passage insincères, et que je me dois de relever, avec mes collègues du groupe UMP.

Je ne me risquerai pas à une liste trop exhaustive car je sais notre temps limité, mais j’appellerai l’attention de la représentation nationale sur des points particulièrement néfastes de votre texte, qui trahissent une très grave erreur de jugement.

Dans le domaine de la prévention, je vois encore une fois la mainmise de la puissance publique, cette puissance publique souvent absente là où les Français l’attendent, mais oppressante là ils voudraient être libres. Je sais, madame la ministre, que nous devons prévenir les comportements à risque et encourager les bonnes pratiques. Je sais à quel point la France doit redoubler d’efforts face au tabagisme. Je connais les souffrances qu’entraîne l’alcoolisme. Comme vous, je sais que ce sont les plus pauvres qui sont généralement les plus écartés des bonnes pratiques alimentaires ou sportives. (Interruptions sur les bancs du groupe SRC.)

Mais franchement, est-ce en modifiant un message sanitaire que nous ferons évoluer la consommation des publics visés ?

Mme Martine Pinville. Que proposez-vous ?

Mme Brigitte Bourguignon. Rien, comme d’habitude !

M. Arnaud Robinet. Est-ce que les messages préventifs actuels, qui oublient des dimensions capitales comme l’importance des repas, jouent réellement un rôle significatif ? Vous savez bien que non.

D’ailleurs, ceux qui sont en mesure de lutter dans les meilleures conditions contre le risque d’obésité, d’alcoolisme et de consommation de cigarettes sont les élus locaux. Sur le terrain, ce sont eux qui sont les plus capables de créer, par exemple, des zones d’éducation alimentaire prioritaires, en mobilisant la médecine scolaire.

Ce n’est pas en prenant un décret tous les cinq ans pour encadrer la publicité ou le packaging des boissons alcoolisées que nous ferons reculer le binge drinking. C’est en menant aussi et surtout des opérations de prévention dès l’école primaire, tous les ans, que nous obtiendrons des réflexes de protection de la santé.

Si je m’interroge sur l’efficacité des messages sanitaires sur les publics visés, je suis sûr de leur effet négatif sur le secteur du vin, et par là-même sur notre vie en société.

Le vin n’a pas à être traité comme le secteur du tabac et n’a pas à être pris en otage par des parlementaires en mal de notoriété.

Le vin en France représente un pilier de notre civilisation, et ce depuis des millénaires. Moteur de notre commerce extérieur, le vin est aussi et surtout une part de notre image, de notre patrimoine et de notre rayonnement à travers le monde. Au lieu de criminaliser et d’ostraciser son travail, nous ferions mieux de l’accompagner. Nous ferions mieux d’encourager les acteurs de cette filière, tout en luttant contre la commercialisation de produits transformés qui visent une jeunesse qui n’a pas été éduquée au goût et à la consommation raisonnée. Il en est de même pour la bière ou pour les autres boissons alcoolisées produites en France.

Il serait très aventureux de briser ce principe directeur de la loi Évin, qui interdit le tabac mais qui prévient l’abus d’alcool, et non sa consommation modérée.

Ce principe doit demeurer intangible dans notre politique de prévention.

Chers collègues, souvenons-nous de Louis Pasteur, qui fit tant pour la prévention et qui n’hésitait pas à dire en son temps : « Le vin est le breuvage le plus sain et le plus hygiénique qui soit. »

M. Gérard Bapt. Lui aussi avait le droit de se tromper !

M. Arnaud Robinet. De nombreuses études scientifiques incontestables confirmant ce propos d’un homme de la fin du XIXème siècle, je suis presque navré qu’une telle évidence puisse encore choquer sur nos bancs.

Je suis d’autant plus navré que c’est le même projet de loi qui criminalise la consommation de vin et qui, dans le même temps, autorise l’ouverture de salles de shoot.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Incroyable !

M. Arnaud Robinet. D’ailleurs, c’est peut-être sur ce point que se situe votre erreur de jugement la plus grave. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. C’est peut-être parce que nous ne produisons pas d’héroïne…

M. Arnaud Robinet. Avec mes collègues du groupe UMP, en particulier Yannick Moreau et Philippe Goujon, je suis effaré devant ce que vous osez appeler les « salles de consommation à moindre risque. »

Par définition, leur existence ne correspond pas aux valeurs de santé publique. La toxicomanie doit être combattue à l’hôpital…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle ignorance !

M. Arnaud Robinet. …et dans des lieux médicaux, non à quelques mètres de nos commerces et de nos écoles.

J’ajoute que nous sommes profondément abasourdis de voir ce projet hasardeux non pas porté par un député isolé non plus que par le puissant lobby de la dépénalisation des drogues, mais directement par vous-même, c’est-à-dire par la ministre en charge de la santé de nos concitoyens.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelle ignorance ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Vous ne détenez pas nécessairement le savoir !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Sur ce sujet-là…

M. Arnaud Robinet. Par ailleurs, à côté de la prévention, la démocratie sanitaire et les actions de groupes.

Alors que la loi Hamon votée en 2014 excluait les produits de santé des class actions et s’en remettait à un point d’étape pour, éventuellement, envisager un élargissement, vous décidez soudainement d’instaurer les actions de groupe.

Pourquoi ? Telle est la question.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Parce que vous ne l’avez pas fait !

M. Arnaud Robinet. Est-ce pour enrichir un texte dont les changements sont décidément très maigres ? Est-ce pour compenser votre frilosité sur l’open data santé ?

Toujours est-il que nous ne pouvons accepter l’article 45 de votre projet de loi, qui constitue à nos yeux un contresens majeur.

M. Gérard Bapt. Le rapport de M. Door réclamait la mise en place d’un tel dispositif !

M. Arnaud Robinet. Non, madame la ministre, un médicament n’est pas un bien de consommation comme un autre. Sa mise sur le marché, sa prescription et le suivi de ses effets n’ont rien à voir avec une machine à laver.

En allant vers un tel alignement des class actions pour les produits de santé, vous répondez mal à une vraie question : celle de la pharmacovigilance.

Sur cette question, que je connais particulièrement pour avoir été le rapporteur de la loi de 2011 sur la sécurité du médicament, je vous invite plutôt à renforcer les moyens de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – l’ANSM – et de ses centres régionaux en accélérant notamment la concentration de ses missions – cela figure en partie dans votre texte, je le reconnais, bien que trop modérément.

De grâce, épargnez-nous ces mesures d’affichage qui risquent d’être sans impact pour le patient, mais seront certainement dissuasives sur l’investissement des entreprises de la santé, notamment en France.

Oui, madame la ministre, je le pense clairement : sur la prévention comme sur la démocratie sanitaire, vous cédez aux caprices de l’air du temps et aux slogans politiques, mais vous manquez les rendez-vous avec les vraies attentes de nos compatriotes.

C’est un peu le même reproche que nous pourrions vous faire sur un sujet prioritaire, je veux parler du droit à l’oubli.

Comme nous tous ici, je me suis réjoui de voir le droit à l’oubli entrer en vigueur pour tous les patients remis du cancer, qui sont heureusement nombreux à guérir mais qui traînent une mise en quarantaine injustifiée au cœur de la société.

Cette reconnaissance, même actée au plus haut niveau par le Président de la République, est insuffisante : en effet, les personnes concernées par ce droit seront les enfants de moins de quinze ans et ce après cinq ans de rémission, ainsi que les adultes, lesquels devront attendre quinze ans après la fin de leurs traitements.

Enfin, seulement quelques malades ayant eu des types de cancers bien spécifiques pourront espérer, sous certaines conditions, accéder à une assurance sans surprime.

Je le dis sans détour : cette mesure est trop limitée et un acte II de cette reconnaissance sera inévitable afin de prendre en compte certains de ces anciens malades ainsi que ceux qui vivent avec leur maladie sans en guérir.

Je regrette que cette avancée ait été aussi ténue. Votre rôle de ministre est de poursuivre le combat pour cette juste cause, même si je le sais délicat.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Vous auriez pu le mener avant 2012 !

M. Arnaud Robinet. Donc oui, madame la ministre, il y a votre idéal étatiste que je crois sincère mais néfaste, et il y a une série de contresens, d’erreurs de jugements et de rendez-vous manqués que je veux dénoncer aujourd’hui.

Mais en introduction, je vous ai aussi posé la question de la réalité que vous deviez prendre en compte. Quelles sont les réalités que vous intégrez dans vos réflexions ?

J’ai du mal à trouver dans ce texte prétendument stratégique les réalités actuelles de notre système de santé.

Je ne retrouve pas la question des déserts médicaux, que vous avez soigneusement écartée des débats alors qu’il s’agit là d’un vrai sujet d’inquiétude pour certains territoires et d’un vrai défi pour la formation des professionnels.

Je ne retrouve pas la question de la médecine générale, que vous n’avez cessé de mépriser depuis que vous êtes en charge de ce ministère.

Non seulement la rémunération des généralistes n’évolue pas…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ça : 10 % de plus !

M. Arnaud Robinet. …mais, en plus, vous transformez leurs cabinets en secrétariats annexes de la Sécurité sociale.

Je ne retrouve pas de réponses aux inégalités les plus criantes, celles qui amènent de très nombreux Français à refuser les soins dentaires ou optiques parce qu’ils sont exclus de la CMU-C et de l’Aide à la complémentaire santé.

La politique que vous prônez en la matière est injuste puisque vous continuez de créer une catégorie de seconde zone parmi nos compatriotes, que vous méprisez royalement – à savoir ceux qui sont trop riches pour toucher les aides, mais qui sont trop pauvres pour se payer des prothèses auditives.

Je ne retrouve pas non plus de mesures de rupture sur la gestion de crise.

Nous sortons à peine d’une très grave épidémie de grippe, responsable de 12 000 morts selon l’Institut de veille sanitaire et qui a engendré un surcoût de 80 millions d’euros pour la Sécurité sociale.

M. Gérard Bapt. C’est moins cher que celui de la grippe A de Mme Bachelot !

M. Arnaud Robinet. « La grippe est une maladie banale qui engendre le plus grand dysfonctionnement du système sanitaire et social de l’année et qui doit nous faire s’adapter à l’exceptionnel » : je ne fais là que citer les propos de Patrick Pelloux dans une de ses récentes chroniques de Charlie Hebdo.

M. Bernard Accoyer. Un militant socialiste !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Même pas !

M. Arnaud Robinet. Comme Patrick Pelloux et comme d’autres, je suis frappé par l’incapacité de notre système de santé à pouvoir anticiper des réponses à des risques pourtant connus et je regrette que vos réponses, dans ce texte, soient aussi légères.

M. Dominique Tian. Exactement !

M. Arnaud Robinet. Sur le sujet de la gestion des risques comme sur d’autres, je constate d’ailleurs que vous négligez dans le domaine de la coordination la place de l’assurance maladie par rapport à celle des agences régionales de santé.

Bref, je ne retrouve pas l’ambition qui nous était promise par votre gouvernement et que nous attendions maintenant depuis le début du quinquennat. Je ne vois pas la prise en compte des réalités et des défis qui se posent.

Évidemment, je vois des mesures salutaires, notamment concernant la lutte contre le tabagisme, qui représente un fléau pour les générations nouvelles.

L’accélération de la dépendance nicotinique dès l’adolescence, le maintien d’une part élevée de fumeurs réguliers chez les 16-25 ans empêchent la réduction de consommation tant attendue.

Mais, sur ce sujet, vous vous limitez essentiellement à l’interdiction des arômes, qui est indispensable, ainsi qu’à la mise en place du paquet neutre alors que nous devrions appliquer tout d’abord la directive européenne sur le tabac, laquelle prévoit la couverture du paquet à 65 %.

Très franchement, la diminution du nombre de fumeurs appelle surtout des mesures financières, auxquelles le ministère du budget se refuse mais pour lesquelles j’attendais de votre part un peu plus d’engagement.

Ce manque d’engagement est surprenant surtout quand on connaît, comme moi, votre capacité à justifier la taxation croissante des entreprises du médicament qui, elles, sauvent souvent des vies.

Évidemment, je vois des mesures de bon sens – même si elles nécessitent un vrai travail d’exploration pour les débusquer – comme la mise en place des plans régionaux santé environnement, comme la lettre de liaison qui permettra de mieux suivre les semaines d’après l’hospitalisation ou comme le report à 72 ans de l’âge de départ en retraite pour les médecins hospitaliers.

Cette dernière mesure de sagesse ne manque pas de faire sourire quand on connaît l’acharnement de la gauche à rejeter par ailleurs l’idée qu’on puisse travailler plus longtemps en bonne santé.

Mais, là encore, où sont les grandes mesures de modernisation de notre système de santé, pour reprendre le dernier intitulé de votre projet de loi ?

Vous avez raison de parler de modernisation, mais cette modernisation est si absente du contenu du texte que vous l’avez placée dans son titre. Franchement, vous êtes habile ! ! Curieuse méthode mais finalement révélatrice de l’attitude de votre gouvernement sur bien des sujets.

Emmanuel Macron prétend ainsi développer la croissance et l’activité en se limitant surtout au transport par autocars et aux notaires, Najat Vallaud-Belkacem prétend quant à elle réformer le collège en supprimant les classes bilingues et vous prétendez changer le système de santé en prenant à la fois quelques mesurettes et quelques décisions d’affichage pour fabriquer un écran de fumée supplémentaire.

Vous l’aurez compris, madame la ministre, nous sommes en désaccord avec la politique que vous menez, avec les choix démagogiques, avec les dérobades et les reculades que vous masquez difficilement devant nous. Mais votre majorité n’est pas en reste !

Certains amendements adoptés durant l’examen en commission, avec ou sans votre avis favorable, démontrent les orientations très préoccupantes de la gauche dans le domaine de la santé.

Je veux surtout parler de la question du don d’organe.

Avec nombre de mes collègues parlementaires – je pense particulièrement ici à Jean Leonetti et Philippe Gosselin –je n’accepte pas que par définition, dans la loi, on puisse autoriser le don d’organe sans consulter les familles en plein deuil.

M. Dominique Tian. Très bien !

M. Arnaud Robinet. Je connais le milieu hospitalier et je sais que la France essuie un nombre important de refus, mais ce n’est pas en adoptant une rupture législative aussi radicale que nous relèverons ce défi.

Chacun sait qu’en réalité c’est la formation des médecins à la fin de vie qui est en cause et qu’il faut donc améliorer. Sur ce sujet de la formation des professionnels de santé, notamment tout au long de leur carrière, votre texte est muet.

Même si nous l’avons légèrement amendé en commission dans le sens d’une meilleure relation entre le milieu de la santé et l’université, nous sommes encore loin du compte.

En tout état de cause, le consentement présumé au don d’organe en cas de non-inscription au Registre national des refus est tout simplement inacceptable.

Par ailleurs, je dois également dire un mot sur l’amendement de la majorité, adopté contre l’avis du Gouvernement, visant à supprimer le délai de réflexion entre la première et la deuxième consultation relative à une interruption volontaire de grossesse.

Je suis fier d’appartenir à une famille politique qui a su porter en son temps, et la contraception par voie orale avec Lucien Neuwirth, et la légalisation de l’avortement avec Simone Veil.

Mme Martine Pinville. Grâce à la gauche !

M. Arnaud Robinet. Cette dernière loi a créé un droit dont je suis heureux qu’il ait été confirmé comme un droit fondamental avec l’adoption de la résolution du 26 novembre 2014.

Je suis attaché au rôle de l’éducation à la sexualité et de la prévention en direction des jeunes, mais ce droit est assis sur un équilibre aujourd’hui accepté par l’écrasante majorité des Françaises et des Français.

Je suis convaincu que cet amendement adopté par la commission il y a quelques jours et tendant à assimiler l’avortement à un acte médical comme un autre représente une menace pour l’équilibre qui sous-tend le droit à l’avortement, lequel équilibre avait été clairement inscrit dans le propos de Simone Veil en 1974, comme dans l’esprit de la loi.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était il y a quarante ans !

M. Arnaud Robinet. Cette modification du texte qui, je le répète, n’a pas eu l’appui du Gouvernement, s’est faite sans débat hors les échanges de la commission des affaires sociales et il me semble inconcevable qu’elle ne soit pas discutée avec les Françaises et les Français, parmi d’autres questions sociétales majeures.

À titre personnel, je le dis clairement : je considère qu’il faut protéger les acquis de la loi de 1975 plutôt que déstabiliser celle-ci en voulant céder à des réflexions excessives sur la question du délai.

Tels étaient les propos que je souhaitais tenir, au nom du groupe UMP et au côté de Jean-Pierre Door.

Mes chers collègues, cette loi ne répond pas aux enjeux de la santé publique. Cette loi n’engage même pas le début d’un rafistolage ni un semblant de réforme de la santé alors même que cette question, avec celle de la réforme des retraites, est la plus stratégique pour les dépenses sociales.

Pis encore, au-delà des mesures d’affichage que j’ai décrites, ce projet de loi ne fait qu’enfermer un peu plus notre système dans des lubies technocratiques et dans des chimères idéologiques venues d’un autre âge.

Le coût politique, moral et financier de ses dispositions sera très élevé pour la collectivité.

Je vous invite donc à voter sans réserve la motion de rejet que je viens de soutenir devant vous.

Enfin, qu’il me soit permis de dire que, parallèlement au fond, il faut aussi compter avec la forme.

Je sais à quel point les professionnels de santé se sont sentis méprisés par le Gouvernement.

M. Dominique Tian. Exactement !

M. Arnaud Robinet. Comme de très nombreux textes, ce projet de loi a été rédigé de manière verticale et anonyme, loin des réalités du terrain même si, comme d’habitude, la main sur le cœur, le Gouvernement n’a parlé que de concertation et de dialogue.

Comme de très nombreux textes, ce projet de loi a été improvisé, calé, repoussé puis recalé dans l’agenda d’un gouvernement qui peine à définir un cap lisible.

Cette critique, je ne vous l’adresse pas seulement à vous, madame la ministre, car je suis persuadé que vous ne faites que reproduire un mode de gouvernance aujourd’hui dépassé, qui exclut les citoyens de la construction législative.

Ce mode de gouvernance, pratiqué systématiquement sous ce quinquennat, a été aussi exercé par la droite quand elle était aux affaires. Il faudra bien en changer, car nos concitoyens se sentent écartés de la vie démocratique et, le plus souvent, à raison.

Ce sentiment de mépris, ou tout au moins de condescendance, a donné lieu à des protestations légitimes mais, aussi, même dans une mesure très limitée, à des remarques déplacées et à des caricatures qui ne sont pas justifiées et dont j’ai eu ma part : madame la ministre, je tiens à vous réitérer mes excuses.

Que le Gouvernement sache qu’il trouvera sur les bancs de l’UMP une opposition franche mais respectueuse des personnes, une opposition constructive mais combative ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les députés, je serai brève et je vous appellerai évidemment à ne pas voter cette motion de rejet préalable.

Monsieur Robinet, tout ce qui est excessif est insignifiant. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. C’est une experte qui s’exprime !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’aurais aimé vous entendre débattre des enjeux de fond.

Mais à dire vrai, monsieur le député, j’ai passé un agréable moment.

M. Philippe Meunier. Ce ne sera pas le dernier !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’ai cru à un moment que j’étais en train de regarder un film d’horreur, avec cette ministre que vous décriviez comme un monstre d’archaïsme et d’étatisme.

M. Guy Geoffroy. C’est ce que disent les médecins !

Mme Marisol Touraine, ministre. À vous écouter, je me suis demandé si je venais de la Corée du Nord, de l’Union soviétique des années 70…

M. Dominique Tian. Les deux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …ou du Cuba post-révolutionnaire.

Franchement, monsieur le député, vous auriez pu être un peu plus subtil dans le choix de vos angles d’attaque. Du reste, vous ne l’avez pas été davantage lorsque vous avez énuméré vos propres projets et les reproches que vous faites à ce texte. Nous avons entendu tous les poncifs que votre groupe nous sert régulièrement, toutes les obsessions de la droite et du groupe UMP, s’agissant par exemple des salles de consommation à moindre risque ou de la prétendue irresponsabilité des Français en matière de soins, que le tiers payant viendrait encourager. J’avoue que j’attendais de votre part, monsieur le député, un tout petit peu plus de subtilité sur la grippe, compte tenu de l’expérience qui est la vôtre en la matière.

Mon regret, c’est que vous n’ayez pas exposé de projet alternatif.

M. Alain Marty. N’avez-vous pas entendu les Français dimanche dernier ?

Mme Marisol Touraine, ministre. S’agissant de la réorganisation de notre système de santé, qui est nécessaire pour relever le défi auquel nos concitoyens sont confrontés, comment concevez-vous l’organisation des soins de proximité, entre l’hôpital et la médecine de premier recours ? Quelle place accordez-vous à la médecine générale, par rapport au second recours ? Comment entendez-vous permettre à nos concitoyens – et à tous nos concitoyens – de maîtriser leur santé ? Au fond, tout cela semble être de peu d’importance pour vous.

Plusieurs députés du groupe UMP. Quel mépris !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez évoqué plusieurs ministres, et j’ai l’impression que vous cherchez davantage à affirmer votre position en prenant des postures qu’à combattre un texte dont je ne suis pas certaine que vous l’ayez lu attentivement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.– Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. En voilà, des propos insignifiants !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour le groupe écologiste.

M. Jean-Louis Roumegas. J’ai écouté votre intervention, monsieur Robinet, et je voudrais répondre aux principaux arguments que vous avez exposés.

Il est vrai que vous allez toujours à sens unique. Sur le tiers payant, par exemple, on peut évidemment souligner des problèmes techniques ou évoquer des risques, mais à aucun moment vous n’exposez les avantages de ce dispositif ! Vous ne parlez pas du problème du renoncement aux soins. Et je ne pense pas seulement aux familles qui touchent les minima sociaux ; je pense aussi à celles, modestes, pour qui les fins de mois sont difficiles. Avec des enfants à charge, des loyers élevés, il arrive que certains ménages soient obligés de renoncer à la visite médicale, parce qu’ils ne peuvent pas avancer l’argent.

Il ne s’agit en effet que d’une avance – vous oubliez souvent de dire – puisque tout le monde est remboursé. Vous prônez la responsabilisation des patients, mais uniquement pour les plus modestes. Ceux qui ont les moyens n’ont donc pas besoin d’être responsabilisés ? La responsabilisation que vous prônez repose sur une sélection par l’argent.

Mme Geneviève Levy. Cela n’a jamais été dit !

M. Jean-Louis Roumegas. Je suis moi aussi favorable à la responsabilisation, mais certainement pas sur cette base, car ce que vous prônez ne conduit qu’au renoncement aux soins.

Vous avez aussi semblé justifier les dépassements d’honoraires, reprochant au Gouvernement de les combattre dans les cliniques privées, comme dans les hôpitaux publics. Ce faisant, vous fermez là aussi les yeux sur une réalité inacceptable pour beaucoup de nos concitoyens, qui n’ont plus les moyens de consulter certains spécialistes parce que ceux-ci pratiquent des dépassements d’honoraires absolument scandaleux.

Vous contestez les mesures de lutte contre le tabagisme, mais, pour animer un groupe d’études qui travaille sur ces questions, je peux vous dire que les associations qui se sont penchées sur le sujet sont extrêmement favorables à ces mesures.

M. Dominique Tian. Elles sont subventionnées pour cela !

M. Jean-Louis Roumegas. Vous avez toujours de bonnes raisons pour ne rien faire.

Enfin, vous attaquez les salles de consommation à moindre risque…

M. Guy Geoffroy. Les salles de shoot !

M. Jean-Louis Roumegas. …mais que proposez-vous pour ces toxicomanes qui sont dans la rue, qui sont abandonnés ?

M. Dominique Tian. Nous proposons de les soigner !

Mme Brigitte Bourguignon. Cette réponse est ridicule !

M. Jean-Louis Roumegas. Les soigner, soit, mais comment les prendre en charge ?

M. le président. Merci de conclure, monsieur Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Vous restez sur des positions moralisatrices, sur cette question comme sur l’interruption volontaire de grossesse. Les raisons que vous avez avancées pour rejeter ce texte sont toutes de mauvaises raisons. Pour notre part, nous soutenons le Gouvernement et les propositions courageuses qu’il fait dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Kheira Bouziane-Laroussi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je suis vraiment étonnée par la motion de rejet préalable que vient de défendre notre collègue Arnaud Robinet, qui est pourtant très bien placé pour connaître ces questions.

M. Guy Geoffroy. Ce sont les Français qui vous ont adressé une motion de rejet dimanche !

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Le projet de loi que nous nous apprêtons à examiner est le fruit d’un travail colossal (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), comme l’ont déjà souligné nombre d’orateurs avant moi. Le travail a commencé dès 2013, avec la stratégie nationale de santé ; on ne compte pas moins de cinq rapports, 160 débats en région, de nombreuses consultations et échanges avec tous les acteurs de la santé, sans parler des groupes de travail parlementaires. Bref, c’est le fruit de ce travail colossal qui nous est aujourd’hui proposé.

Vous nous invitez à rejeter ce projet de loi, mais que proposez-vous à la place ? Ce texte vise à corriger les insuffisances de textes qui sont aujourd’hui dépassés, notamment la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », qui avait produit, au mieux, des déceptions, au pire, une série de reculs.

Chers collègues de l’opposition, la santé des Français ne peut pas attendre plus longtemps, et j’ai quelques questions à vous poser à ce sujet. Êtes-vous contre une loi qui corrigera les faiblesses de notre système de santé ?

M. Élie Aboud. Cette loi ne corrigera rien !

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Êtes-vous contre la stratégie de prévention et de promotion de la santé pour lutter contre les inégalités sociales ? Êtes-vous contre la prévention et la promotion de la santé en direction de la jeunesse, la santé au travail, dans le milieu carcéral ? Êtes-vous contre l’information et la protection des populations face aux risques sanitaires liés à l’environnement ?

M. Philippe Meunier. Êtes-vous contre une défaite aux régionales ?

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Êtes-vous contre la facilitation des parcours de santé ? Êtes-vous contre un service territorial de santé au public ? Êtes-vous contre l’accès aux soins de premier secours ?

M. Philippe Meunier. Êtes-vous contre votre départ en 2017 ?

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Êtes-vous contre la garantie d’accès aux soins pour tous ? Êtes-vous contre le service d’information en santé ? Je pourrais continuer longtemps ainsi !

Ce projet de loi, que vous nous demandez de rejeter en le réduisant à un texte dogmatique contre le privé, 2 400 amendements ont été déposés pour l’améliorer, et j’espère que certains d’entre vous proposeront des améliorations utiles, et pas uniquement catégorielles. Parce que notre majorité défend toutes les avancées contenues dans ce texte, je vous invite, chers collègues, à repousser cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, vous avez parlé à l’instant des enjeux de fond, et je voudrais à mon tour vous parler du fond. Mais vous ne m’écoutez pas…

M. Arnaud Robinet. Quel mépris des parlementaires !

M. Élie Aboud. Il est vrai que vous êtes en train de vous compter pour voir si vous êtes assez nombreux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) mais je m’adresse à vous, madame la ministre, et le sujet est sérieux. Est-ce que les problèmes de fond ont été réglés par votre projet de loi ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Élie Aboud. Est-ce que la formation médicale a été évoquée ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Élie Aboud. Est-ce que l’on a parlé de la démographie médicale ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Élie Aboud. Est-ce que l’on a parlé de la gouvernance dans les hôpitaux publics ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Élie Aboud. Est-ce que l’on a parlé des passerelles entre l’hôpital public et les cliniques privées ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Élie Aboud. Est-ce que l’on a parlé de la ruralité et de la télésanté ? Rien sur toutes ces questions !

Madame la ministre, on dit que, dans la vie, on ne peut jamais construire un bonheur sur un malheur. Or dans ce projet de loi, vous êtes en train, au mieux de déresponsabiliser les acteurs de santé, au pire de les ridiculiser. On ne peut construire un projet sain et durable en ridiculisant les experts de notre santé publique. C’est pour cette raison que nous voterons la motion de rejet préalable présentée au nom du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Pendant un moment, j’ai cru qu’on avait changé, non pas d’heure, mais de jour, madame la ministre, et que nous étions le 1er avril, quand j’ai entendu que vous aviez le soutien des Français, à deux jours d’une débâcle comme celle que vous avez connue dimanche. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Votre projet de loi sur la santé n’est pas la grande loi que vous aviez annoncée à plusieurs reprises, et certaines de ses dispositions sont proprement scandaleuses.

Je pense en premier lieu à l’absence d’équité territoriale entre les différentes régions : les régions du Sud sont souvent surdotées en équipements et en moyens par rapport à celles du Nord, alors que la situation sanitaire est beaucoup plus préoccupante dans le Nord que dans le Sud. Vous ne traitez pas ce sujet. Pis, vous ne traitez pas non plus le problème de la désertification, aussi bien rurale qu’urbaine, auquel nous sommes confrontés. Vous ne traitez pas le problème de l’accès aux soins dans nos villes et dans nos campagnes. C’est un vrai scandale !

De plus, vous démotivez le corps médical, puisque, comme vient de le dire Élie Aboud, vous le ridiculisez en refusant de l’écouter. On a vu, tout à l’heure encore, les médecins manifester dans la rue.

Deuxième scandale : celui du tiers payant, que vous ne cessez d’agiter. Ce n’est pas le tiers payant en lui-même qui est scandaleux. Ce qui l’est, c’est que vous ne traitiez pas la question du reste à charge. Le problème des Français, c’est le coût de la santé, le reste à charge, ce qui leur reste à payer ! Or vous ne traitez pas ce problème, et vous passez du système de solidarité au système assurantiel. Aujourd’hui, avec la Sécurité sociale, vous cotisez selon vos moyens et vous êtes remboursés selon vos besoins, alors qu’avec le système de la complémentaire santé, vous payez selon le principe assurantiel, en fonction des risques. Vous ne traitez pas cette question, et vous allez donc créer un système à deux vitesses. Voilà pourquoi l’UDI votera cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. Sur cette motion de rejet préalable, je viens d’être saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Il aura lieu dans cinq minutes, mes chers collègues.

Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants126
Nombre de suffrages exprimés125
Majorité absolue63
Pour l’adoption55
contre70

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte est une double bombe lancée contre notre système de soins : la première bombe réside dans l’étatisation de celui-ci ; la seconde, qui suivra mécaniquement, est le désengagement des régimes obligatoires, saignés par cette étatisation.

Aussi, mes chers collègues, puisque, malgré les enjeux, la majorité de cet hémicycle n’a pas voulu adopter l’excellente motion de rejet préalable défendue par notre collègue Arnaud Robinet, vous conviendrez qu’à tout le moins l’adoption d’une motion de renvoi en commission de ce texte s’impose, si toutefois, madame la ministre, nous voulons légiférer sérieusement.

Il s’agit de prendre acte que le texte n’a pas été travaillé sérieusement et qu’il convient donc de le réexaminer en commission. De nombreuses raisons plaident en ce sens.

D’abord, des raisons de procédure, car les conditions de préparation et de discussion de ce texte constituent une parfaite illustration de ce qu’il ne faut pas faire pour aboutir à un texte travaillé, autrement dit à un texte de qualité : faux-semblant de concertation avec les professionnels de santé, pluie d’amendements gouvernementaux au dernier moment – j’y reviendrai – et procédure accélérée privant le Parlement de l’échange au cours des navettes, malgré l’importance des mesures qui sont contenues dans ce projet de loi. En effet, cette réforme est dangereuse et en somme, madame la ministre, vous prétendez la conduire à marche forcée, l’imposer toutes affaires cessantes.

Il y a une autre raison pour renvoyer ce texte en commission, à savoir l’attitude du Gouvernement envers les professions de santé et leurs représentants. Ce projet de loi a été déposé il y a déjà plusieurs mois, avant toute concertation avec les organisations représentatives des professions de santé. Madame la ministre, auriez-vous procédé de la même façon avec tout autre secteur d’activité ?

Face à la critique quasi unanime des organisations représentatives des professions de santé, face à une manifestation historique, le 15 mars dernier, telle que nous n’en avions pas connue depuis bien longtemps, vous avez annoncé précipitamment, madame la ministre, des bouleversements « importants » – disiez-vous – de ce texte, qui reste cependant largement marqué par votre volonté d’étatisation.

La manifestation du 15 mars a montré l’étendue, la profondeur du fossé entre le Gouvernement et les professions de santé : 91 % des médecins ne vous font pas confiance. Jamais, madame la ministre, un tel record n’avait été atteint. Les professionnels de santé ont bien compris que la pseudo-modernisation de notre système de soins, que vous voulez imposer, n’est qu’une réforme hors-sol, d’essence purement technocratique, qui n’a qu’un but : l’étatisation de notre système de soins. Pourtant, tous les acteurs de notre système de santé s’accordent aujourd’hui sur la nécessité de réformer profondément, voire de refonder notre système de santé, d’organisation des soins, de protection contre la maladie. Mais vous avez choisi une autre voie : celle du passage en force. Votre texte n’est donc qu’un rendez-vous manqué, parce que vous n’avez pas voulu associer réellement les professions de santé à son élaboration.

Madame la ministre, on ne réforme pas un domaine tel que la santé contre ceux-là mêmes qui en sont le cœur. Vous-même êtes tellement consciente de cette absence de concertation, de votre propre insuffisance, que vous avez annoncé le lancement prochain d’une grande conférence de la santé sur l’avenir du métier médical et du mode d’exercice. Dès lors, pourquoi ne pas surseoir à l’examen de ce texte et conseiller à votre majorité d’adopter cette motion de renvoi, jusqu’à l’aboutissement de cette conférence de la santé, si elle a vraiment la portée que vous avez annoncée ?

Mais il y a d’autres motifs de renvoi en commission, à commencer par votre attitude à l’égard du Parlement. Vous avez affiché un réel mépris à l’égard de ce dernier dans le cadre de la préparation de ce texte. Pendant des mois, celui-ci a circulé, et c’est à la dernière minute que des amendements gouvernementaux conséquents, en grand nombre, ont été déposés quasiment nuitamment.

M. Bernard Deflesselles. Il y a quelques heures !

M. Bernard Accoyer. Plutôt que le dépôt d’une lettre rectificative, ce qui aurait été la bonne méthode, vous avez préféré recourir à ces amendements lourds, juste au moment de l’expiration du délai de dépôt, de telle sorte que nos collègues de la majorité ou de l’opposition n’ont absolument pas pu exercer leurs responsabilités d’élus de la nation dans des conditions dignes d’une démocratie.

Pour illustrer votre attitude de mépris à l’égard de l’institution parlementaire, vous avez même osé déposer soixante-dix amendements juste avant la séance, dont certains revêtent une grande importance, tels ceux qui autorisent les médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes titulaires de diplômes obtenus hors de l’Union européenne à exercer dans notre pays. Soyez assurée que les professionnels, comme les malades, mesureront le caractère insoutenable d’une telle attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous aviez d’ailleurs commencé à exprimer ce mépris du Parlement en déposant cinquante-sept amendements juste avant le début de l’examen en commission. Dieu sait que je n’entretiens pas toujours des rapports d’une parfaite simplicité avec Mme la présidente de la commission des affaires sociales,…

M. Bernard Deflesselles. Cela se comprend !

M. Arnaud Richard. Il est bon de le rappeler !

M. Bernard Accoyer. …mais celle-ci a elle-même souligné que les conditions de travail au sein de sa commission ont été tout bonnement scandaleuses, et je veux l’en remercier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Bernard Accoyer. En faisant le choix de la procédure accélérée, en déclenchant les discussions au moment de la campagne électorale – ce que, mes chers collègues, nous n’avions, à ce jour, jamais vu –…

M. Bernard Deflesselles. Non, jamais !

M. Bernard Accoyer. …en nous contraignant à examiner le texte de façon expéditive, en faisant siéger la commission jusqu’à 4 heures du matin, vous avez d’une certaine façon galvaudé notre travail, en déposant des amendements très conséquents.

Madame la ministre, en conscience, touche-t-on, modifie-t-on, remet-on en cause les grands principes de la loi Veil en pleine nuit, en acceptant un amendement sur le délai de réflexion…

M. Gérard Sebaoun. Excellent amendement !

M. Alain Gest. C’est du mépris !

M. Bernard Accoyer. …alors que ces questions doivent bien entendu faire l’objet d’une concertation et d’une approche permettant de rechercher la solution la plus consensuelle ? Des amendements d’une telle portée ne peuvent être adoptés nuitamment, surtout lorsque l’on impose au Parlement la procédure accélérée, soit une seule lecture dans chaque chambre, sans débat, sans que l’on puisse aucunement échanger sur les conséquences de tel ou tel amendement important. Cela justifie bien entendu, en sus des causes que j’ai déjà énoncées, le retour en commission de notre texte.

Notre commission a examiné, dans des conditions acrobatiques, 1 700 amendements, dont beaucoup réécrivaient totalement des articles importants du texte. L’un des articles les plus emblématiques, les plus dangereux, concerne la généralisation du tiers payant : il s’agit, en quelque sorte, de l’article d’étatisation. Madame la ministre, cet article a été discuté, il y a deux semaines, dans la nuit de mercredi à jeudi, à 2 heures 30 du matin, devant une poignée de députés. Ceux de votre majorité, d’ailleurs, étaient en grande partie en circonscription en train d’essayer de limiter les dégâts des élections cantonales, qui allaient se solder par les résultats que l’on sait. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Très bien !

Mme Martine Pinville. Contrairement à vous, on était en commission !

M. Bernard Accoyer. Vos députés, zélateurs du non-cumul des mandats, n’ont pas oublié de défendre leur propre cumul. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

C’est donc dans des conditions tout à fait inacceptables que vous avez fait travailler l’Assemblée nationale. Que dire des circonstances politiques dans lesquelles ce texte a été discuté ? Les débats ont eu lieu au lendemain d’une défaite historique qui devrait, madame la ministre, vous appeler à respecter davantage la représentation démocratique, ne serait-ce que pour limiter les dégâts pour votre propre avenir.

M. Bernard Deflesselles. Ça s’annonce mal !

M. Nicolas Dhuicq. De profundis !

M. Bernard Accoyer. Un remaniement gouvernemental conséquent, nous dit-on, est annoncé…

Mme Martine Pinville. Cela n’a rien à voir !

M. Bernard Accoyer. …mais il ne surviendra qu’après la conclusion d’arrangements entre les différentes factions des appareils partisans de votre majorité et peut-être même après la scission programmée du parti socialiste, lors de votre prochain congrès.

Une nouvelle fois, le Président de la République et le Gouvernement confondent la conduite de la politique de la France, la défense des intérêts nationaux avec la gestion des équilibres au sein du parti socialiste. D’ailleurs, qui nous dit que le projet de loi examiné aujourd’hui, tant décrié par les professions de santé, sera encore à l’agenda gouvernemental à la fin du printemps ? Madame la ministre, chers collègues de la majorité, un tel revirement serait le meilleur choix que vous puissiez faire ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Sur le fond, ce projet de loi est un saut dangereux, voire fatal vers l’étatisation de notre système de santé, puisqu’il prévoit, en particulier, la généralisation du tiers payant pour les médecins, et aura pour conséquence l’étranglement de l’hospitalisation privée avec le monopole donné à grands frais à l’hôpital public et le pouvoir exorbitant confié aux agences régionales de santé.

Alors même que bon nombre de décisions prises par la gauche ont déjà déséquilibré notre système de santé, vous persistez dans la même erreur. Je ne citerai que certaines d’entre elles : l’aide médicale de l’État, dont le coût annuel flirte avec le milliard d’euros, est devenue ingérable,…

M. Nicolas Dhuicq. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. … les trente-cinq heures ont désorganisé le fonctionnement de l’hôpital et ont accéléré le creusement d’un déficit abyssal, aggravé par la suppression scandaleuse du jour de carence dans la fonction publique.

Mme Luce Pane. Les congés payés ont également un coût !

M. Bernard Accoyer. À ces mauvais coups, vous voulez en ajouter d’autres ; c’est bien cela que nous dénonçons, car vous allez précipiter notre système de soins dans une crise dont on peut redouter qu’elle sera irréparable.

Mme Catherine Quéré. Rien que cela ! Ce sont des propos mesurés !

M. Bernard Accoyer. Mesurez-vous, madame la ministre, les conséquences de vos choix ? Avec la généralisation du tiers payant, dont vous avez décidé de faire le marqueur de votre passage au ministère de la santé, car c’est bien de cela qu’il s’agit, vous voulez faire passer en force une disposition, au mépris du refus catégorique et unanime de la profession concernée.

Mme Geneviève Levy. Tout à fait !

M. Bernard Accoyer. Vous vous appuyez sur des sondages approuvant cette mesure, mais un sondage annonçant la gratuité d’une prestation, quelle qu’elle soit, recueillera toujours des réactions favorables ; cela n’a aucun sens !

Madame la ministre, avec le tiers payant généralisé, vous nous cachez un autre mauvais coup.

M. Benoît Hamon. C’est un complot !

M. Bernard Accoyer. Ces mesures aboutiront en effet immanquablement à une consommation excessive, à un dérapage des dépenses. Par conséquent, la part des remboursements montera tandis que la part financée par les assurances complémentaires baissera et, sans qu’il n’y paraisse, puisque le tiers payant le masquera, ce qui est tout de même paradoxal, cela aboutira à une privatisation, ou à tout le moins à une baisse de l’engagement du régime obligatoire. En d’autres termes, vous anesthésiez le pays avec une mesure dangereuse qui va mettre l’assurance maladie en grande difficulté et, en interdisant l’utilisation de toute franchise, c’est-à-dire tout mécanisme responsabilisant, vous masquerez ce qui en découlera, à savoir le retrait du régime d’assurance maladie obligatoire.

Mes chers collègues, qu’en serait-il vraiment de la mise en œuvre du tiers payant ? Les médecins, tout d’abord, sont déjà dans des situations très difficiles : comme vous le savez, c’est une des professions les plus frappées par le burn out. Or, un tel dispositif est ingérable pour eux, il est angoissant, chronophage. Comment voulez-vous que les médecins s’en sortent s’il leur faut harceler les 500 assurances complémentaires auxquelles ils devront s’adresser ?

L’inflation que cette mesure va entraîner, en termes tant de consommation que de coûts, n’est pas non plus prise en compte. D’ailleurs, l’expérience à laquelle vous vous référez sur ce point, le tiers payant pharmaceutique, mérite d’être rappelée. Lorsque ce mécanisme a été instauré, la consommation de médicaments a augmenté de façon importante. À ce jour, et vos dénégations n’y changeront rien, madame la présidente de la commission, les impayés mensuels moyens dans les officines sont encore de 3 000 euros. En redoutant et en refusant le tiers payant généralisé, les médecins ont donc simplement la connaissance des réalités que, dans le confort de votre ministère, vous ne voulez pas voir, madame la ministre, parce qu’il s’agit pour vous de prendre une décision emblématique, symbolique, dont vous voulez tout simplement faire votre marqueur.

En réalité, l’argument que vous avancez, selon lequel le reste à charge ou l’absence de tiers payant serait un frein à l’accès aux soins, ne tient pas. En effet, certains dispositifs existants – la couverture maladie universelle ou CMU, la CMU complémentaire, l’AME, l’aide pour une complémentaire santé ou ACS, le régime des affections de longue durée ou ALD – permettent d’appliquer le tiers payant intégral et d’assurer le libre accès aux soins pour tous. Et s’il faut, à titre exceptionnel, prendre un cas particulier en considération, les praticiens le font tous ; vous le savez aussi bien que nous tous.

M. Dominique Tian et M. Jean-Louis Costes. Très bien !

M. Bernard Accoyer. En réalité, c’est pour les dépenses de lunetterie, de prothèses dentaires et d’audioprothèses que le reste à charge est important, conduisant les patients à hésiter et, parfois, à ne pas s’équiper, donc d’une certaine façon à renoncer aux soins. Nous en connaissons tous la cause : l’extrême indigence des remboursements dans ces trois domaines. Vous préférez cependant consacrer l’argent de l’assurance maladie à d’autres causes, gaspiller le milliard d’euros que lui coûtera la mise en œuvre du tiers payant intégral, plutôt que d’améliorer le remboursement des soins prothétiques pour les assurés qui en ont besoin.

Une autre raison de renvoyer ce texte en commission tient à la façon dont vous contournez l’exigence de travailler avec les professions de santé pour améliorer, mieux coordonner le fonctionnement du système de soins ambulatoires. Les professionnels sont demandeurs de ces échanges, ils sont demandeurs d’un vrai dialogue, et non pas d’une leçon, comme vous avez l’habitude d’en donner à vos interlocuteurs, qu’ils soient parlementaires ou non. Ils ont besoin d’écoute, ils ont besoin de participer aux choix, de partager avec vous leurs expériences afin que vous puissiez en tirer des conséquences et rendre le système plus efficient, plus performant, sans négliger les mécanismes indispensables de responsabilisation des patients.

En constatant de quelle façon vous liez les mains des médecins dans leur exercice, en particulier pour les prescriptions, avec les listes préférentielles de médicaments, et comment vous stigmatisez la profession avec le testing qui, évidemment, est refusé massivement par la profession, on se demande, madame la ministre, si vous avez bien compris que votre ministère a pour partenaire essentiel les professionnels de santé.

M. Régis Juanico. Quel donneur de leçons !

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, quelle profession dans notre pays est l’objet de testing ?

M. Alain Marty. C’est scandaleux !

M. Bernard Accoyer. Les tenanciers de boîtes de nuit, peut-être… Or vous voulez qui plus est imposer cette mesure à la profession qui assure le premier des services, c’est-à-dire l’accès aux soins. Madame la ministre, c’est inacceptable ; nous vous demandons de retirer cette disposition ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En réalité, votre priorité devrait être l’accès à un médecin de proximité, la lutte contre les déserts médicaux, mais vous ne faites rien à ce sujet. Aucune des mesures contenues dans ce texte ne va dans ce sens, ce qui est particulièrement regrettable.

M. Dominique Tian. Eh oui !

M. Bernard Accoyer. La démographie médicale de notre pays, vous le savez, est préoccupante. La médecine générale est en danger : 42 % des médecins ont plus de 55 ans. En termes d’effectifs, avec 330 médecins pour 100 000 habitants, la France se situe à la quatorzième place des pays de l’OCDE.

Mme Luce Pane. Merci de l’héritage !

M. Bernard Accoyer. Les médecins généralistes, qui représentent 46 % des médecins en exercice, enregistrent une baisse constante de leurs effectifs ; elle a été de l’ordre de 6,5 % entre 2007 et 2014.

Mme Joëlle Huillier. Qu’avez-vous fait ?

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, qu’y a-t-il dans ce texte qui prétend refonder notre système de santé pour répondre à ce problème absolument crucial ?

Face aux nombreuses contraintes administratives que vous voulez encore alourdir, face aux contraintes financières et à la charge de travail, les jeunes sont de moins en moins tentés par la médecine générale. Il est de plus en plus difficile de s’installer. J’en veux pour preuve l’âge moyen d’installation dans un cabinet, qui est aujourd’hui de 41 ans pour les médecins en secteur 1.

Madame la ministre, ce texte devrait proposer des mesures pour résoudre ces problèmes ; or il n’en est rien. C’est une autre raison pour laquelle il doit être renvoyé en commission.

Avec la mise en place du service public hospitalier, vous faites à nouveau montre d’une attitude irresponsable et incompréhensible, qui consiste à refuser de regarder les réalités humaines et économiques de notre système de soins hospitaliers, du service d’hospitalisation publique, qui incluait jusqu’à ce jour l’hôpital public et les cliniques privées. Alors que la dette cumulée des hôpitaux a triplé en dix ans, pour atteindre 30 milliards d’euros, ni l’exposé des motifs ni l’étude d’impact ne mentionne cet endettement…

M. Gérard Bapt. Que vous avez créé !

M. Bernard Accoyer. … ou la part des emprunts toxiques, qui est considérable. Aucune solution pour répondre à cette situation n’est envisagée.

M. Gérard Bapt et Mme Gisèle Biémouret. Que proposez-vous ?

M. Bernard Accoyer. Au contraire : vous allez charger encore un peu plus la barque de l’hôpital public en créant un service public hospitalier qui ne fera que surcharger l’hôpital public et étrangler l’hospitalisation publique.

M. Gérard Bapt. C’est n’importe quoi !

M. Bernard Accoyer. En effet, vous savez très bien qu’en interdisant la pratique des dépassements et des suppléments d’honoraires dans les établissements privés vous mettez à mort ces établissements qui ne survivent que grâce au reversement des honoraires de la part des praticiens.

M. Gérard Sebaoun. Et les urgences ?

M. Bernard Accoyer. C’est une décision sectaire, irresponsable et inacceptable. Il est tout aussi inacceptable de la faire adopter en pleine nuit au cours d’une discussion en commission, à marche forcée, en adoptant non pas la procédure normale mais la procédure accélérée, selon un calendrier également inacceptable.

Certes, face à la pression exercée par la profession, le Gouvernement a réécrit un certain nombre d’articles. Nous le soupçonnons d’ailleurs de l’avoir fait pour rendre sans objet les amendements que nous avions rédigés.

M. Arnaud Richard. Ce n’est pas faux !

M. Bernard Accoyer. C’est une méthode que nous connaissons depuis longtemps, mais elle est tout simplement peu glorieuse, madame la ministre. Dans ces articles réécrits, les principaux problèmes demeurent, en particulier le mécanisme de tiers payant généralisé et la notion de service public hospitalier, qui cristallisent l’opposition des professions de santé et qui sont contraires à l’intérêt des malades.

Le monopole de l’hôpital public que vous construisez, madame la ministre, en gaspillant l’argent de la Sécurité sociale, aboutira à une crise très simple : lorsqu’il n’y aura plus que l’hôpital public, les coûts continueront d’exploser, la qualité baissera nécessairement du fait de l’absence de concurrence. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Que direz-vous alors à ceux qui patienteront dans les files d’attente ?

Votre obsession d’attaquer l’exercice libéral et les cliniques privées se concrétise également dans les baisses de tarifs. Pourquoi, alors que vous êtes revenue sur la journée de carence, avoir imposé aux établissements hospitaliers privés une baisse tarifaire deux fois et demie plus supérieure à celle du public ? Vous savez très bien, pourtant, que l’hospitalisation privée coûte beaucoup moins cher à l’assurance maladie et qu’elle s’est modernisée bien davantage. C’est particulièrement le cas des interventions en ambulatoire, où l’hôpital public présente une carence contre laquelle vous ne faites strictement rien de concret.

Votre position tourne le dos aux réalités, c’est-à-dire au fait que le secteur privé, en médecine, chirurgie ou obstétrique, dans les soins de suite et en réadaptation, en psychiatrie, offre des prix de journée d’hospitalisation de une à trois fois inférieurs à ceux du secteur public.

Alors que le secteur privé, jusqu’à présent, participe au maillage sanitaire, alors qu’il assure 50 % de la chirurgie, vous êtes en train de le détruire. Vous commettez un acte dont les conséquences pourraient être irréparables !

Derrière le secteur de l’hospitalisation privée, on trouve un principe essentiel de notre République. Je sais que cela ne vous intéresse guère, madame la ministre, mais sachez que la liberté de choix est quelque chose d’important ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Gérard Sebaoun. La liberté, ce n’est pas la libéralisation !

M. Bernard Accoyer. Enfin, vous introduisez dans ce texte différentes dispositions que je qualifierai de leurres. Vous avez largement mis à contribution vos services de communication pour mettre en avant la prétendue lutte contre le tabagisme ainsi que des amendements préoccupants qui ajoutent aux dispositions contre l’alcoolisme. Avec les salles de shoot, ces dispositions ne sont là que pour cacher l’essentiel, à savoir l’étatisation du système par le biais du tiers payant obligatoire et, comme je l’ai démontré à plusieurs reprises, le retrait de l’assurance maladie obligatoire qui s’ensuivra.

L’exemple de salles de shoot nous conduit à nous interroger sur la façon dont vous opérez vos choix financiers. Nous avons en France une politique de lutte contre les toxicomanies qui a fait ses preuves. Il faut la poursuivre et l’approfondir. Or vous décidez brutalement un changement d’orientation complet. Seuls quelques pays se sont lancés dans cette expérimentation hasardeuse de salles d’intoxication – car il faut bien appeler un chat un chat ! – (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC)

Mme Martine Pinville et M. Gérard Sebaoun. C’est scandaleux !

M. Bernard Accoyer. …et beaucoup sont revenus sur des décisions qui vont à l’encontre d’une gestion rationnelle de l’assurance maladie.

Avec le paquet de cigarettes neutre, vous surtransposez les directives européennes. J’ai pourtant entendu le Premier ministre affirmer récemment qu’il n’y aurait plus de surtranspositions. Si vous ne lui obéissez pas, madame la ministre (Rires et protestations sur les bancs du groupe SRC.), c’est juste pour exister politiquement et pour masquer la teneur du texte.

J’appelle néanmoins votre attention sur les conséquences économiques et sociales considérables de ces surtranspositions, d’abord en matière de fraude sur les cigarettes elles-mêmes, ensuite en matière de fraude transfrontalière. La France a de nombreux voisins directs, mais vous ne regardez absolument pas les réalités : ce qui vous importe, c’est qu’une opération de communication vienne dissimuler le contenu de votre projet.

Mes chers collègues, parce que ce texte est dangereux pour notre système de soins, parce qu’il remet en cause le principe même de la solidarité en matière d’assurance maladie, parce qu’il méprise tous ceux qui se dévouent quotidiennement pour la santé dans les établissements de soins comme en médecine ambulatoire, j’ai l’honneur de vous demander d’adopter cette motion de renvoi en commission que je viens de défendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Pascal Deguilhem. Pas très bien…

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Monique Iborra. Inutile de répondre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je répondrai très brièvement. Une fois de plus, monsieur le député, j’ai l’impression que vous faites de grands efforts pour trouver des arguments contre ce texte.

M. Arnaud Robinet. Il ne faut pourtant pas chercher beaucoup !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne méconnais pas votre opposition à certaines de ses dispositions, notamment le tiers payant. Assumons la différence qui existe entre l’opposition et le Gouvernement sur ce point ! Lorsque nous examinerons l’article 18, nous aurons l’occasion de débattre de ce qui est en jeu pour lutter contre les inégalités d’accès aux soins. Mais sans doute votre groupe et vous-même ne faites-vous pas de l’égalité d’accès une priorité. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C’est du moins ce que j’ai retenu du débat que vous avez mentionné.

M. Bernard Accoyer. Vous ne m’avez pas écouté !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je veux aussi dire de la façon la plus claire que le tiers payant ne peut pas, ne doit pas aboutir à une mainmise des organismes complémentaires,…

M. Nicolas Dhuicq. Ben voyons !

Mme Marisol Touraine, ministre. …dont vous défendez par ailleurs certaines positions. Du reste, lorsque votre parti était aux responsabilités, c’est la part prise en charge par les complémentaires qui a augmenté, pas celle de l’assurance maladie. Depuis 2012, au contraire, la part assumée par l’assurance maladie n’a cessé d’augmenter, à raison inverse de celle des complémentaires. Si vous voulez porter le fer, faites-le avec des éléments précis ! La réalité que vous dépeignez n’est pas celle que vit notre pays et n’est pas celle du projet de loi.

Je ne reviens pas sur ce qui finira par apparaître comme la litanie des angoisses ou des fantasmes de l’opposition au sujet de certaines mesures du texte. Vous y voyez des gadgets ou des leurres. Chacun appréciera si lutter contre le tabagisme, qui provoque la mort de 73 000 Français chaque année, est un gadget ou un leurre !

M. Dominique Tian. Et la drogue ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Chacun appréciera si lutter contre l’alcoolisation excessive des jeunes est un leurre, chacun appréciera si lutter contre l’obésité dans notre pays est un leurre, s’il faut lutter ou non contre les addictions…

M. Philippe Vitel. Vous ne luttez pas contre la drogue !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous me reprochez, monsieur Accoyer, de ne pas voir le secteur privé, la médecine libérale, les cliniques privées,…

M. Bernard Accoyer. C’est la vérité !

Mme Marisol Touraine, ministre. …mais entendez-vous les termes dans lesquels vous parlez du service public hospitalier ? Faut-il reprendre vos mots pour désigner les hommes et les femmes qui travaillent sans jamais faire de discrimination entre les patients, qui accueillent nos concitoyens vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les établissements du pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Et la journée de carence ?

M. Philippe Vitel. Ces établissements, vous les asséchez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Reconnaître le service public hospitalier, ce n’est pas nier les établissements privés. Et il ne vous appartient pas, au nom de la défense des établissements privés, de nier le service public hospitalier auquel nos concitoyens sont profondément attachés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC ; protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est absolument pas ce que j’ai dit !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai été interpellée au sujet des conditions de nos travaux en commissions. Je suis d’accord avec vous sur un point, monsieur Accoyer : comme tous les parlementaires, je n’aime pas voir arriver un grand nombre d’amendements du Gouvernement. Ce ne sont pas de bonnes conditions pour travailler. Mme la ministre le sait, je m’en suis ouverte clairement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Dominique Tian. Renvoi en commission !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Néanmoins, avant l’ouverture de nos travaux en commission, j’avais réuni les représentants de tous les groupes : MM. Door et Robinet pour le groupe UMP, M. Roumegas pour le groupe écologiste, M. Richard pour le groupe UDI, Mme Fraysse pour le groupe GDR, Mme Pinville pour le groupe SRC, Mme Orliac pour le groupe RRDP.

M. Arnaud Richard. Quel rapport ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous étions convenus que nous arrêterions nos travaux à une heure du matin la première nuit, celle du mardi 16 au mercredi 17 mars, et que nous irions le plus loin possible dans la nuit du mercredi au jeudi…

M. Dominique Tian. La réunion a duré jusqu’à quatre heures du matin !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …afin de permettre aux parlementaires qui le souhaitaient de repartir dans leurs circonscriptions le jeudi soir.

M. Bernard Accoyer. Non, c’est Mme le ministre qui avait autre chose à faire !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. À cet égard, je remercie M. Siré, qui a été le seul parlementaire de l’opposition à assister à nos travaux jusqu’à leur terme, le jeudi soir. J’en profite pour lui souhaiter un bon anniversaire, ainsi qu’à Mme Le Houerou. (Sourires.)

M. Bernard Accoyer. Trouvez-vous que ces conditions de travail soient dignes ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous déplorez la procédure accélérée, mais il s’est passé exactement la même chose lors de l’examen de la loi HPST.

M. Bernard Accoyer. Pas du tout !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr que si, mais vous étiez à l’époque président de l’Assemblée et n’assistiez sans doute pas toujours à nos travaux. Comme à cette époque, la procédure accélérée est engagée et nous aurons deux semaines pour discuter du texte en séance.

Ensuite, renvoyer le texte en commission pour parler de quoi, monsieur Accoyer ? De l’aide médicale d’État ? Des 35 heures ? Du jour de carence ? Rien de tout cela ne figure dans le projet de loi !

M. Bernard Accoyer. Pour parler du tiers payant !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’y a aucune utilité à revenir en commission pour discuter de choses qui ne sont pas dans le texte.

Un chiffre pour finir. Le projet de loi initial faisait 112 pages, il en fait 170 après examen en commission. Il a été amélioré à 52 %. Repartir en commission me paraît totalement inutile. Poursuivons le débat avec la discussion générale et l’examen des articles ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Gisèle Biémouret. À votre place, monsieur Accoyer, je serais plus modeste : les plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 » ont largement contribué à l’endettement des hôpitaux.

Le projet de loi a fait l’objet d’une concertation sans précédent : 160 débats publics dans les régions avec l’ensemble des acteurs de la santé, 1 700 amendements en commission, 2 400 en séance publique, des réunions de concertation avec les professionnels, dont les craintes ont été entendues, six réunions de commission en plus de l’audition de Mme la ministre.

J’essaierai de vous convaincre en évoquant quelques mesures essentielles visant à corriger les inégalités sociales et territoriales dont souffre notre système de santé. Le texte s’articule autour de trois axes : la prévention, la proximité autour du médecin traitant, le renforcement du droit des malades. Il prévoit le tiers payant pour tous en 2017, mesure de justice sociale plébiscitée par les Français, il réaffirme l’accès à l’IVG comme un droit fondamental, il organise la prévention dès l’enfance avec la désignation d’un médecin traitant qui coordonnera le parcours de soins, il lutte contre les déserts médicaux par la création de groupements hospitaliers de territoire, sans aucune fermeture d’hôpital.

Bref, c’est une réforme qui prend soin des Français.

M. Nicolas Dhuicq. Nous sommes sauvés !

Mme Gisèle Biémouret. Il est temps d’agir. C’est pourquoi nous ne voterons pas le renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, Bernard Accoyer a parfaitement exposé le ressenti et la grande inquiétude du groupe UMP au sujet de ce projet de loi, qui justifient le renvoi en commission.

Oui, le monde de la santé est en colère. Il vous l’a montré le 15 mars dernier, avec des dizaines de milliers de personnes dans la rue. Il vous le montre encore aujourd’hui : des centaines de personnes sont de nouveau dans la rue, des grèves ont lieu dans les hôpitaux et les cabinets médicaux.

Madame la ministre, vous n’avez pas réussi à proposer une réforme partagée par tous. Le Premier ministre lui-même a raté son rendez-vous avec les professionnels de santé à Matignon il y a une dizaine de jours. Nous vous reprochons l’impréparation totale de ce texte. Comme l’a rappelé Mme la présidente de la commission des affaires sociales, nous avons appris quarante-huit heures avant le début de nos travaux en commission le dépôt d’une cinquantaine d’amendements du Gouvernement. Et aujourd’hui même, à quatorze heures, lors de la réunion de la commission prévue par l’article 88 du règlement, nous découvrons une soixantaine d’amendements que nous n’avons pas pu étudier ou simplement lire, puisqu’ils étaient approuvés par le rapporteur.

Ce projet de loi est donc entouré d’amateurisme. Du reste, certains parlementaires de votre majorité partagent nos interrogations et notre étonnement. Vous modifiez à votre guise non seulement le titre du texte, mais également tout son contenu. Pire, vous engagez la procédure accélérée quelques jours avant l’examen en commission.

Contrairement à ce que vous affirmez, vous concoctez une loi purement technocratique visant à étatiser la médecine – cela a été rappelé par Bernard Accoyer, qui est pourtant apprécié par tous les Français. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Vous utilisez la méthode Coué. Les sondages le prouvent, les résultats électoraux aussi !

Nous attendons beaucoup de l’avis qui sera rendu par le Conseil constitutionnel dans les semaines qui viennent. Nous n’avons pu étudier les quelque 130 amendements du Gouvernement. Bernard Accoyer, ancien président de cette assemblée, a parfaitement raison : puisque vous avez refusé de retirer le texte, nous appelons à voter ce renvoi afin que nous retournions en commission étudier cette centaine d’amendements tombés du ciel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, je salue Mme la ministre, qui nous a fait le plaisir de sa présence en commission et remercie la présidente Catherine Lemorton, pour la qualité de nos travaux en commission. La réunion préalable à laquelle nous avons assisté n’avait d’autre objectif que d’inviter chacun à limiter son temps de parole à une ou deux minutes par amendement.

M. Bernard Accoyer. Une sorte de censure !

M. Arnaud Richard. Nous avons effectivement été très à l’écoute de votre présidence et je vous remercie de le souligner.

Je n’ajouterai rien aux propos de notre excellent collègue Bernard Accoyer. Le Gouvernement a déposé 117 amendements à l’avant-veille de la réunion en commission, alors qu’il aurait pu le faire largement avant. Il est inadmissible qu’il s’assoie ainsi sur les 160 débats publics, que notre collègue socialiste vient d’évoquer. Ces débats avaient fait germer des idées et des propositions, mais celles-ci ne figuraient pas dans le texte initial. Alors parler de ces débats publics pour expliquer qu’il y a eu concertation, c’est mépriser ceux qui y ont participé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

La représentation nationale, elle aussi, a été méprisée. Le Gouvernement a déposé une cinquantaine d’amendements. Cinquante ordonnances, dont j’espère que nous connaîtrons rapidement la teneur sont prévues. Et je ne parle pas des 67 amendements qui viennent d’être déposés en application de l’article 88 !

Cette méthode reflète la manière d’exercer le pouvoir. Je suis désolé de vous le dire, et ne le prenez pas contre vous, madame la ministre, mais je trouve qu’il est bien piètre d’agir ainsi ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission, présentée par M. Bernard Accoyer. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Chers collègues, je vous indique que M. Jacob n’a pas déposé de demande de scrutin public.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, ce projet de loi s’attaque à trois défis majeurs pour la pérennité de notre système de santé : l’adaptation au vieillissement de la société, l’innovation au service de la qualité de la prise en charge et l’épidémie de maladies chroniques qui sévit dans notre pays, comme partout dans le monde.

Les écologistes partagent ces objectifs et mesurent la difficulté de la tâche : comment préserver, eu égard aux contraintes financières qui sont les nôtres, le socle de solidarité hérité du Conseil national de la Résistance : « Chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » ?

Dans cette optique, nous saluons de nombreuses dispositions : la généralisation du tiers payant, qui va dans le sens d’un meilleur accès au soin, à condition de ne pas dégrader le panier de soins ;…

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. …l’amélioration de l’accès à l’IVG ; la prise en charge sanitaire et sociale des toxicomanes, avec l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque ; l’ambition de fédérer les professionnels de la santé sur nos territoires, via de nouvelles missions confiées aux ARS ; l’introduction du paquet neutre dans la lutte contre le tabagisme ; l’extension de l’action de groupe aux produits de santé, qui aurait pu concerner l’ensemble des questions de santé environnementale ; la rénovation de la formation des professionnels ; la réforme des agences sanitaires ; le renforcement de l’ambulatoire.

Nous saluons également la volonté du Gouvernement d’accorder la priorité à la prévention. Pardonnez-moi la trivialité de cette expression dont usait ma grand-mère : lorsque le poisson rouge est malade, il faut commencer par changer l’eau du bocal !

Néanmoins, en matière de prévention, ce texte est parcellaire et doit être renforcé. Depuis le début du quinquennat, chaque fois que nous avons proposé d’infléchir notre politique de santé vers une logique de prévention, le Gouvernement a brandi la future loi de santé. Nous y voilà ! Il est temps de mettre enfin en lumière les causes fondamentales de notre crise sanitaire et budgétaire, les causes environnementales.

Oui, madame la ministre, l’incidence de certaines maladies chroniques est due au vieillissement de la population, aux progrès du dépistage, aux méfaits des addictions. Mais ces causes ne peuvent expliquer à elles seules le boom des maladies chroniques auquel nous sommes confrontés. Le nombre de personnes de plus de 60 ans est passé de 21 % en 2003 à 23 % en 2011 ; au cours de la même période, le nombre d’affections de longue durée a progressé quatre fois plus vite ! Si l’espérance de vie augmente, l’espérance de vie en bonne santé stagne ou diminue.

On ne peut réduire la politique de prévention à la lutte nécessaire contre l’alcoolisme, le tabagisme et la malbouffe. Dans plusieurs pays au développement comparable à celui de la France, le taux de maladies chroniques est inférieur de 25 %. Cela montre que la question de l’environnement est essentielle et que nombre de réponses à la crise sanitaire et budgétaire se trouvent dans la santé environnementale.

En matière de santé, les inégalités environnementales s’ajoutent aux inégalités sociales. Ce sont souvent ceux qui ont les métiers les plus pénibles qui habitent les logements insalubres, dans les quartiers les plus pollués, prisonniers d’une consommation low cost.

Un chiffre illustre bien l’enjeu : une étude vient de montrer que les perturbateurs endocriniens coûteraient 157 milliards d’euros par an à l’Union européenne. Et il ne s’agit là que d’un élément dans l’ensemble des pollutions auxquelles les populations et les générations futures sont et seront exposées.

Forts de ce diagnostic, nous avons déposé une série d’amendements visant à prendre en compte les liens entre santé et environnement, radicalement absents de ce texte. Nous proposons d’introduire le concept d’exposome – l’ensemble des expositions à des facteurs non génétiques et tout au long de la vie – dans la stratégie nationale de santé. Vous avez donné un avis favorable à cette mesure fondamentale, et je vous en remercie.

Nous proposons également des mesures de gouvernance qui visent à garantir la place de la santé environnementale au cœur de la stratégie nationale de santé, de la stratégie nationale de recherche, et du nouvel Institut de veille et de prévention.

D’autres amendements prévoient de former les professionnels de santé à ces enjeux et aux nouvelles pathologies, liées notamment aux sensibilités chimiques et électromagnétiques.

Nous souhaitons aussi voir imposer un nouvel étiquetage, qui informe mieux les consommateurs sur les produits toxiques tels que les perturbateurs endocriniens, les polluants volatils, les nanomatériaux, les additifs alimentaires ou les particules fines.

Nous voulons que soient prises des mesures réglementaires, dont l’interdiction du bisphénol A dans les jouets – à laquelle vous vous êtes déclarée favorable en commission, ce dont je vous remercie – de certains phtalates, classés cancérigènes, dans les textiles pour enfants, et de taux de pesticides trop élevés dans l’eau.

Nous proposerons des mesures de sensibilisation et d’accompagnement des femmes enceintes face au risque chimique, ainsi que des mesures d’aides à la substitution de substances toxiques pour les entreprises, car il ne faut pas simplement interdire mais aider à la substitution.

Par ailleurs, nous évoquerons l’accès aux soins des plus démunis. La sénatrice écologiste Aline Archimbaud a publié un rapport sur ce sujet. Les auditions, menées sur tout le territoire, de professionnels de santé, d’associatifs, de travailleurs sociaux, de responsables de l’assurance maladie, ou de mutuelles, d’élus et de chercheurs ont mené à un constat sévère : il y a urgence, les inégalités dans l’accès aux soins et à la santé se sont aggravées.

Nous reprendrons plusieurs recommandations de ce rapport salutaire : l’urgence est sanitaire, bien sûr, mais aussi budgétaire. Un euro investi pour lutter contre les inégalités sociales est plus rentable, madame la ministre, qu’un euro investi dans le CICE pour l’industrie pharmaceutique.

Favoriser l’accès aux soins, c’est aussi placer l’humain au cœur de notre politique de santé, c’est prendre en compte les spécificités de chaque Français, ses demandes et ses besoins. Parmi les mesures que nous défendrons, je pense à la lutte contre les discriminations, notamment dans les soins funéraires apportés aux personnes séropositives et dans l’accès au don du sang pour les personnes homosexuelles, une question à laquelle vous vous êtes engagée à répondre sur le plan réglementaire …

M. Arnaud Richard. Très bien !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous défendrons également la mise à disposition de vaccins de base sans aluminium et l’autorisation, ou l’extension de l’autorisation, du cannabis thérapeutique. La lutte contre la douleur, qui mérite d’être renforcée, sera l’objet d’amendements déposés par ma collègue Véronique Massonneau. Nous veillerons aussi à ce que les personnes en situation de handicap ne soient pas victimes d’un manque de places d’accueil.

Enfin, nos amendements répondront à une troisième préoccupation : désintoxiquer la politique de santé des lobbies industriels. La santé publique, fruit d’une collaboration entre de nombreux acteurs, représente un secteur économique qui doit gagner en transparence et en respect des principes démocratiques.

Nous proposerons donc l’extension de l’action de groupe à la santé-environnement, une meilleure représentation des usagers dans les organismes de fixation de prix du médicament, une gestion du risque environnemental des médicaments, et relaierons des recommandations du groupe de travail parlementaire sur l’ingérence de l’industrie du tabac, qui pourraient utilement compléter vos propositions, madame la ministre.

Ce projet de loi doit marcher sur deux jambes, l’une curative, l’autre préventive. Mais une véritable prévention ne peut ignorer la santé environnementale. C’est à un changement de paradigme qu’appellent les écologistes. N’oublions pas que la santé des populations est l’indicateur de qualité de notre environnement et que toute dégradation de notre environnement a un impact sur notre santé. C’est à cette condition que nous retrouverons les marges économiques qui assureront la pérennité de notre système de santé et une société du bien-être. Nous nous tiendrons prêts, tout au long de ces débats, à enrichir ce texte de façon constructive et pragmatique.

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, si nous ne pouvons que partager l’ambition affichée par ce texte, moderniser notre système de santé pour en préserver l’excellence et lui permettre d’affronter les nouveaux enjeux de santé publique, force est de constater que ni la volonté politique ni les moyens financiers ne sont à la hauteur des objectifs annoncés.

Certes, des mesures sont positives, comme le renforcement de certains domaines de la prévention, la généralisation du tiers payant, même s’il reste bien des interrogations – nous y reviendrons –, la possibilité ouverte d’initier des actions de groupe ou encore la réintégration de la notion de service public hospitalier, que la droite avait purement et simplement supprimée.

Les travaux en commission ont sans aucun doute permis des avancées. Je pense notamment à la place de la protection maternelle et infantile ou des centres de santé, à certains points de prévention.

Toutefois, je veux dire que nous avons été gênés par les amendements importants du Gouvernement, qui ont bousculé des pans entiers du texte et qui, de ce fait, ont rendu caducs de nombreux amendements déposés par les députés.

Au-delà de ces remarques, ce texte présente plusieurs écueils qui l’empêcheront de devenir une loi ambitieuse, à la hauteur des enjeux annoncés.

Le premier écueil concerne les moyens. Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte de réduction du budget de la santé de 10 milliards d’euros d’ici deux ans, dont 3 milliards pour les seuls hôpitaux. Il est évident que de telles contraintes budgétaires préalables empêchent de voter une loi de santé susceptible de réformer le cœur du système.

Qu’il faille moderniser notre système de santé en veillant à le rendre plus efficient est légitime mais que les objectifs de réduction drastique des moyens guident les choix en matière de santé publique, c’est afficher d’emblée que ces choix ne seront pas en phase avec les réalités et les besoins recensés aujourd’hui, voire s’en éloigneront.

C’est la préoccupation qui nous anime, par exemple pour ce qui est des groupements hospitaliers de territoire – j’y reviendrai.

D’ores et déjà, je me demande si c’est l’intérêt des patients et les conditions de travail des personnels qui guident la création de tels groupements ou les économies qu’il faut réaliser coûte que coûte.

Ce projet de loi, pour être à la hauteur de ses ambitions et fidèle à vos engagements, n’aurait-il pas dû revisiter les conditions de la tarification à l’activité, qui reste une véritable plaie pour les hôpitaux publics ?

De même, pourquoi le Gouvernement qui annonce vouloir faciliter l’accès aux soins, en particulier pour les plus modestes, ne supprime-t-il pas les forfaits et les franchises que les élus socialistes avaient vigoureusement et à juste titre combattues ?

Pourquoi ne décide-t-on pas de remettre en cause avec plus de détermination les dépassements d’honoraires qui représentent encore aujourd’hui 7 milliards d’euros ?

Le second écueil, intimement lié au premier, découle de l’accentuation de l’autoritarisme des agences régionales de santé. Là encore, j’y reviendrai mais nous pouvons dire d’emblée que les ARS créées par la droite dans le cadre de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » pour être des instruments de réduction et de maîtrise autoritaire des moyens dans les territoires, loin d’être remises en cause, sont confortées, même si vous avez introduit quelques modifications rédactionnelles.

Un gouvernement de gauche devrait pourtant avoir à cœur de rompre définitivement avec cette logique dont se plaignent unanimement médecins et personnels des hôpitaux, ainsi que bon nombre d’élus locaux. Vous auriez dû avoir le courage de repositionner clairement les ARS dans le rôle qui devrait être le leur, celui, pour reprendre les propos de la ministre, d’animer la démocratie sanitaire et sociale dans les territoires, et non celui de censeur financier permanent, arbitraire et brutal.

C’est, avec la question des moyens, l’un des points de blocage essentiels sur ce texte.

D’autres questions se posent par ailleurs et méritent d’être clarifiées, qu’il s’agisse des modalités d’accès au système national des données de santé, accordées notamment aux entreprises privées, ou du devenir de l’établissement français du sang. En effet, que devons-nous comprendre lorsque l’étude d’impact recommande de fluidifier le fonctionnement de l’établissement français du sang et que l’article 42 précise « au regard des exigences du droit de l’Union européenne » ?

Pour l’heure, notre groupe n’a pas décidé de son vote sur ce texte qui doit encore être amélioré.

M. le président. La parole est à Mme Martine Pinville.

Mme Martine Pinville. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, chers collègues, la santé est une priorité majeure des Français, c’est pourquoi le Gouvernement a fait le choix, dès le début de cette législature, d’engager de larges réflexions de nature à améliorer notre système de santé tout en garantissant sa pérennité financière. Cette réflexion a été organisée lors des travaux de la stratégie nationale de santé et des nombreux débats qui ont été menés avec l’ensemble des acteurs de la santé.

Si notre système de santé est l’un des plus efficaces, des inégalités sociales et territoriales persistent. C’est à partir de ces constats que nous avons voulu rompre avec les différentes lois relatives à la santé qui, depuis dix ans, se sont traduites par une succession de déceptions et de rendez-vous manqués.

La loi « Hôpital, patients, santé et territoires », adoptée en 2009, en est une illustration. Ses dispositions ont notoirement affaibli les piliers du système. Ce qu’il fallait, c’est donc une réforme sociale qui attaque les inégalités à la racine et renforce les droits des patients ; c’est une réforme de proximité pour une prise en charge adaptée des patients.

Vous avez construit une réforme progressive qui laisse le temps aux professionnels de s’adapter aux évolutions. C’est pourquoi, nous pouvons le dire, il s’agit d’une réforme de structure qui organise une politique publique visant à corriger les manques et à lutter contre les gaspillages de notre système de santé.

L’accessibilité de tous au système de santé reste un enjeu majeur de notre politique. Or, aujourd’hui, un Français sur trois renonce à se soigner, faute de moyens suffisants, faute d’un praticien à proximité, faute encore de la capacité à décrypter la complexité du système de santé et à obtenir les informations nécessaires. Quelque visage qu’elles revêtent, ces inégalités sociales et territoriales demeurent inacceptables.

Ce projet de loi de modernisation de notre système de santé fait précisément de la lutte contre les inégalités sociales et territoriales une priorité, en développant plusieurs mesures visant à prévenir et limiter leurs impacts. L’une d’entre elles est la généralisation du tiers payant. Déjà une réalité en pharmacie et pour la CMU, cette mesure de justice sociale, est plébiscitée par nos concitoyens. Grâce à elle, tous les Français, y compris ceux qui peinent à débourser 23 euros, pourront accéder au système de santé. Cette extension du tiers payant n’a toutefois pas fait l’unanimité : elle a donné lieu à de nombreuses contestations de la part d’une partie des professionnels de santé.

Les inquiétudes de ces professionnels doivent être entendues. Elles l’ont d’ailleurs été par le Gouvernement puisqu’il a été décidé, afin de laisser le temps aux médecins de se familiariser avec la démarche, d’échelonner dans le temps les différentes étapes de sa mise en œuvre et d’ajourner sa pleine application à la fin de l’année 2017.

Un autre pas important en direction de la prise en compte et de la lutte contre les inégalités sociales de santé est l’extension des tarifs sociaux aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, comme c’est déjà le cas pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.

Les répercussions seront importantes puisque plus d’un million de familles supplémentaires verront leurs factures de soins dentaires, optiques et de prothèse auditives diminuer. C’est une façon d’aider ces familles à accéder à une prise en charge sanitaire de qualité mais aussi de prévenir d’autres problèmes de santé car une mauvaise prise en charge des troubles dentaires, auditifs et optiques peut conduire à d’autres difficultés comme le surpoids, facteur de maladies cardiovasculaires ou l’isolement social, cause éventuelle de troubles dépressifs. Qui dit ainsi lutte contre les inégalités de santé dit prévention des problèmes de santé, ces deux démarches étant intrinsèquement liées.

La prévention, véritable priorité du Gouvernement comme nous avons pu le voir lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, représente d’ailleurs un autre axe fondateur de ce projet de loi. Prévenir, c’est anticiper et retarder les problèmes de santé. Prévenir, c’est améliorer d’autant l’état de santé de nos concitoyens, et donc leur qualité de vie, sociale et professionnelle, tout en limitant les coûts à la charge des familles mais aussi de notre système de santé.

Trop longtemps, notre système de santé français a été tourné vers une médecine curative tandis que les actions préventives, déployées progressivement, demeuraient « éclatées », faute d’une politique structurée de prévention.

Ce projet de loi représente ainsi une avancée notoire en la matière puisque, pour la première fois, nous allons mettre en avant et donner corps à la mise en œuvre, dans la loi, d’une véritable politique de prévention en santé publique tout au long de la vie.

À ce titre, je veux souligner l’instauration de la notion de parcours éducatif de santé qui a pour objectif de permettre à tous les enfants et adolescents « d’apprendre à prendre soin » de soi et des autres et d’éviter les conduites à risque.

Les programmes d’éducation à la santé devront également développer les connaissances des élèves à l’égard des services de santé ainsi que la promotion des liens entre les services de santé scolaire et ceux de la protection maternelle et infantile ainsi qu’avec les autres acteurs locaux de la santé.

Plusieurs mesures déployées pourraient ainsi être mentionnées. Je me contenterai d’évoquer ici la désignation d’un médecin traitant pour les enfants visant à coordonner le parcours de soins de zéro à seize ans, à détecter plus tôt l’obésité, prévenir le tabagisme, la consommation d’alcool, de drogues ou encore l’anorexie ; le déploiement de plusieurs mesures de lutte contre le tabagisme afin de protéger les plus jeunes, mais aussi l’ensemble des citoyens, contre les méfaits du tabagisme, de diminuer les coûts sanitaire et social liés et de contrecarrer le marketing industriel des fabricants ; l’ouverture, pour les consommateurs de substances psychotropes, de salles de consommation à moindre risque. Ce dispositif est d’ailleurs expérimenté avec succès dans plusieurs pays voisins.

Un autre objectif de la loi de santé est bien sûr de mieux organiser l’offre de soins. Nos concitoyens sont trop nombreux à craindre de ne pas trouver un rendez-vous chez un généraliste ou un spécialiste. Cette inquiétude, qui est exprimée au quotidien aussi bien dans les territoires ruraux que dans les zones périurbaines, concourt à ce que j’appellerais un sentiment d’abandon qui peut, nous l’avons vu récemment, entraîner des expressions ou des votes protestataires.

Notre devoir, avec ce projet de loi, est de répondre à ces inquiétudes.

Je tiens à souligner, madame la ministre, le volontarisme politique dont vous faites preuve sur ce sujet depuis le début du quinquennat. Oui, il faut le dire, les mesures que vous avez prises commencent à porter leurs fruits. Pas moins de deux cents maisons de santé ont été créées en 2015, portant leur nombre total à huit cents depuis 2012 et ce sont 1 700 nouveaux médecins qui s’installeront d’ici 2017 grâce à des bourses à l’installation dans les campagnes.

Demain, l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera une réalité pour 1 million de personnes de plus grâce au développement des médecins correspondants du SAMU.

Par ailleurs, afin de mieux coordonner l’organisation de soins sur chaque territoire, les professionnels de santé ont souhaité être au cœur du système. Ils ont été entendus. Ainsi, une équipe de soins primaires contribuera à structurer le parcours de santé des patients en coordination avec les acteurs du premier recours, dans une optique de prise en charge des besoins de soins.

Parallèlement, des communautés professionnelles territoriales de santé, composées de ces mêmes équipes, seront constituées et contribueront à améliorer la prise en charge des patients dans un souci de continuité, de cohérence, de qualité et de sécurité des services de santé.

Une autre ambition de ce texte est de valoriser les praticiens de proximité comme les infirmiers cliniciens, dont le métier est créé, ou les pharmaciens, qui pourront, à titre expérimental, vacciner contre la grippe.

Des groupements hospitaliers de territoire sont également créés pour lutter contre les déserts médicaux.

Enfin, il est essentiel que les usagers soient pleinement associés à l’élaboration de la politique de santé et que leurs droits soient renforcés.

C’est désormais chose faite avec l’action de groupe. Pour la première fois, la loi ouvre la possibilité d’engager des recours collectifs devant la justice pour demander réparation des dommages subis. Les scandales sanitaires comme l’affaire des prothèses mammaires ont conduit le gouvernement à donner ce droit aux victimes qui se retrouvent seules face à des procédures judiciaires coûteuses. De surcroît, la démocratie sera renforcée dans chaque établissement. La commission des usagers, mise en place par cette loi, sera consultée sur les questions de politique de l’établissement en termes de qualité, de sécurité des soins et d’organisation du parcours de soins.

Au nom des députés du groupe SRC, madame la ministre, je veux vous apporter mon soutien total, ainsi qu’à l’esprit qui a animé le Gouvernement au fil de l’élaboration de ce projet de loi. Je forme le vœu que l’ensemble des députés qui participeront à nos travaux soient dans ce même état d’esprit constructif, ce qui permettra d’enrichir le projet de loi et de répondre aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la rapporteure, je vous le dis en préambule : le groupe UMP ne votera pas ce projet de loi parce qu’il n’est pas crédible et qu’il est totalement irresponsable. Il méritait mieux qu’un tel entêtement et que cette surdité gouvernementale. Il méritait surtout une réforme structurelle élaborée en concertation avec tous les acteurs de la santé, ce qui n’est pas le cas.

Je l’ai dit tout à l’heure : le monde de la santé est en colère. Il vous l’a martelé le 15 mars en battant le pavé de Paris par milliers. Les professionnels de santé vous disent que les conditions d’une réforme partagée ne sont pas réunies, mais vous coalisez nombre de frustrations et de mécontentements.

Après avoir saisi le Premier ministre, nous pouvions espérer le retrait du texte, mais le Gouvernement a choisi de rester sourd aux demandes et de se couper de la jeunesse, c’est-à-dire des médecins de demain. Le résultat est sans appel : vous avez choisi à tort les urnes contre les blouses blanches, et c’est un carton rouge que les Français vous ont donné ce dimanche.

De même, vous avez négligé le travail des députés de l’opposition que nous sommes, mais aussi de votre majorité, par votre attitude qui a consisté à réécrire en urgence le texte à quarante-huit heures de la réunion de la commission des affaires sociales, puis à décider d’engager la procédure accélérée. Comme l’a dit M. Accoyer, c’est le signal évident d’un passage en force et d’un projet de loi mal né.

Vous en modifiez le titre et nombre de dispositions à la sauvette. Vous nous bombardez de surcroît de 65 nouveaux amendements à la veille du débat. Sur une centaine d’articles, rien n’est susceptible d’accompagner cette modification. Ce texte ne comporte rien sur la politique de la médecine générale capable de relancer l’amélioration de l’accès aux soins, ni rien non plus en direction de la médecine de ville qui traverse une crise profonde, les jeunes se détournant de l’installation dans tout le territoire.

Vous vous trompez de réforme, madame la ministre. La stratégie nationale de santé formulait certes quelques recommandations que nous aurions soutenues, comme le décloisonnement de l’hôpital, la promotion de la santé, le développement des parcours de soins pour les affections chroniques, la valorisation des nouveaux métiers et la garantie de la pertinence des actes, mais elle constitue une occasion franchement ratée, un simulacre de concertation. Au lieu de déshospitaliser le pays, vous renforcez l’hôpital. L’idéologie socialiste est exacerbée par votre orchestration du démantèlement de la convention nationale au profit de conventions individuelles.

Vous faites du tiers payant généralisé un symbole de votre quinquennat, alors que l’on sait qu’il sera chronophage et source d’erreurs et qu’il générera des coûts de gestion importants pour l’assurance maladie et pour les médecins – même l’Inspection générale des affaires sociales évoque un surcoût de 3,50 euros par acte.

M. Bernard Perrut. C’est énorme !

M. Jean-Pierre Door. La complémentarité naturelle qui s’exerce entre le secteur public et le secteur privé sera détruite dans votre service public hospitalier.

Avec ce texte, vous traitez globalement un volet prévention fourre-tout qui englobe le tabac, l’alcool, les drogues, l’alimentation ou encore le bisphénol, en associant le tout à un simulacre de réorganisation du système. Madame la ministre, ne s’agit-il pas simplement d’une revanche sur les lois HPST et Fourcade défendues par vos prédécesseurs ? La question mérite d’être posée.

Ma crainte est celle d’une lente dégradation et d’un déclin de notre système de soins, qui perdra une part de son excellence. Où sont les propositions du rapport Druais pour reconstruire la médecine générale, dont certaines – en matière de parcours de soins et de rémunération des médecins, par exemple – sont positives ? En octobre 2014, François Hollande lui-même déclarait que « la loi ne pourra entrer vraiment en vigueur que si les médecins sont pleinement associés et reconnus dans ce processus ». Or, vous faites le contraire !

M. Bernard Accoyer. Eh oui ! Il faut donc retourner en commission !

M. Jean-Pierre Door. Avec vous, les médecins libéraux et les cliniques privées seront les principales victimes de l’actuelle idéologie.

M. Bernard Accoyer. Et les malades aussi, du même coup !

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre, l’Académie nationale de médecine vous a sérieusement mise en garde contre certaines de vos décisions, surtout l’expérimentation des salles de shoot. Elle vous rappelle qu’il faut traiter la toxicomanie et non l’entretenir ; l’UMP partage ce point de vue.

Le conseil national de l’Ordre des médecins juge sévèrement votre texte car il se fonde dans son esprit sur la philosophie qui conduit à une médecine réglementée et administrée.

M. Bernard Accoyer. C’est le Gosplan de la médecine !

M. Jean-Pierre Door. Il met en péril le fondement de notre système de soins concernant l’indépendance de l’exercice médical ; nous partageons également cet avis.

On constate donc avec ce projet de loi un malaise profond en matière de politique de santé, et l’on retrouve la difficulté structurelle de la gauche française avec une réforme conçue au travers du prisme de la dépense, non maîtrisée et fourre-tout, et avec le rejet latent du secteur privé. Aujourd’hui, les masques tombent : tous, jeunes et moins jeunes, n’y voient que du déraisonnable, une absence totale de vision, d’ambition et de réelle concertation.

Pourquoi la conférence nationale de santé arrive-t-elle tardivement alors qu’elle aurait dû précéder ce texte ? Vous faites fi des nouvelles manifestations des médecins, des cliniques et des associations d’internes.

Avant de conclure, madame la ministre, je voudrais vous rappeler l’intervention que vous avez prononcée en 2010 sur la loi HPST. Vous accusiez ainsi l’ex-majorité : « Au lieu de traiter ensemble les défis posés à la médecine de ville et à l’hôpital, vous n’avez eu de cesse d’opposer les uns aux autres ». Et vous nous disiez ceci : « Vous avez concocté une loi purement technocratique dont les ARS représentent la quintessence ». Vous ne pensiez pas si bien dire : cela vous ressemble aujourd’hui mot pour mot, et vous faites précisément ce que vous dénonciez autrefois.

En somme, le groupe UMP s’opposera à de nombreux articles et défendra un certain nombre des 2 300 amendements déposés. Il va de soi que nous voterons contre ce projet de loi puisque vous avez refusé le retrait du texte puis le renvoi en commission demandé par M. Accoyer. Pour nous, la méthode Coué ne marche plus. Cette réforme ne se fera jamais sans les médecins et elle est vouée à l’échec ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures, chers collègues, depuis le début de législature, le groupe UDI a formulé des propositions pour apporter une réponse aux carences de notre système de soins. Vous nous avez à chaque fois répondu, madame la ministre, que la « grande » loi de santé publique répondrait à ces préoccupations. Disons-le sans attendre : il n’en est rien, et nous ne pouvons qu’être perplexes face à ce texte qui se résume à un catalogue de mesures – dont certaines sont bonnes – sans ambition, sans vision et sans espoir. En réalité, c’est un texte sociétal.

Tout d’abord, nous sommes perplexes parce que votre absence totale de méthode a fragilisé la confiance, qui doit être la pierre angulaire de toute réforme. Comment expliquer, en effet, qu’en préparant ce projet de loi depuis plus de deux ans et avec plus de 160 débats, vous soyez tout de même parvenue à déposer plus de cinquante amendements gouvernementaux avant les travaux en commission et soixante-sept autres avant la discussion dans l’hémicycle ?

Comment expliquer que s’agissant d’une réforme qui soulève des questions aussi essentielles pour la vie quotidienne des Français, vous ayez été contrainte d’organiser une concertation improvisée en urgence après le dépôt de votre projet de loi, et que vous envisagiez même une grande conférence de santé après le vote de ce texte ?

M. Bernard Accoyer. C’est incroyable !

M. Arnaud Richard. Comment expliquer que vous ayez réussi à mobiliser comme jamais, il faut bien le dire, l’ensemble des professions de santé contre ce projet de loi, alors même qu’elles sont la caisse de résonance des problèmes rencontrés sur le terrain et qu’elles sont aux prises avec les difficultés auxquelles se heurtent tous les jours leurs patients ?

Ensuite, nous sommes perplexes car ce projet de loi manque clairement les objectifs qui auraient dû être les siens : défendre les valeurs qui fondent notre système de santé, assurer sa pérennité et préparer son avenir. Or, de manière absolument inexplicable, vous avez pris soin de passer sous silence toutes les questions essentielles pour répondre aux défis auxquels notre système de santé est confronté.

Non, madame la ministre, votre projet de loi ne comporte aucune mesure d’envergure pour lutter contre la désertification médicale, pour rapprocher santé publique et santé privée, pour améliorer la liaison entre la ville et l’hôpital, pour refondre la carte hospitalière, pour garantir la sécurité sanitaire ou enfin pour favoriser l’innovation et la recherche. Je crains que les questions qui se posent aujourd’hui dans notre pays continuent hélas de se poser après le vote de ce projet de loi.

Allez-vous, oui ou non, mettre fin à la complexité et aux cloisonnements de notre système de santé, dont les patients et leurs proches sont les premiers à souffrir ? Je ne le crois pas. Les urgences continueront-elles, oui ou non, d’être engorgées par des malades perdus et désorientés qui auraient pu être reçus par leur médecin de ville ou par une maison de garde ? Je crains que oui. Pensez-vous que grâce à ce projet de loi, le transfert d’une personne âgée de l’hôpital vers une maison de retraite ne relèvera plus du véritable parcours du combattant, pour elle comme pour ses proches ? Je ne le crois pas. Croyez-vous que ce texte puisse répondre aux inquiétudes des habitants des territoires ruraux et périurbains qui ont peur de ne pas pouvoir être pris en charge en cas de maladie et pour qui la désertification médicale est devenue une source d’anxiété et d’angoisse ? Pouvez-vous dire en conscience, madame la ministre, que vous mettez tout en œuvre pour lutter contre les renoncements aux soins ?

Vous brandissez l’étendard de la généralisation du tiers payant. Il est vrai qu’il s’agissait d’un engagement de campagne : c’est déjà bien. Pourtant, aucune réponse n’est apportée pour diminuer le reste à charge, qui atteint des niveaux insoutenables. Soyons honnêtes : ce n’est pas en avançant les frais de santé que vous rendrez la santé moins chère mais en diminuant le reste à charge, qui conduit – et c’est inacceptable – les plus modestes à renoncer aux soins dentaires, aux soins optiques ou aux visites chez le médecin.

Madame la ministre, le jugement sera peut-être dur mais je crains que ce quinquennat ne reste un quinquennat blanc en termes de santé publique, et je le regrette amèrement.

Mme Martine Pinville. Ce n’est pas possible !

M. Arnaud Richard. Pour autant, notre groupe tient tout de même à saluer les rares avancées prévues dans ce texte. Je pense en premier lieu au droit à l’oubli, qui permettra aux anciens malades d’un cancer qui contractent un prêt immobilier ou un crédit à la consommation de ne plus être tenus de mentionner leur maladie dans leurs antécédents médicaux. Je pense aussi au fait que la prévention est, il est vrai, consacrée pour la première fois comme un pilier de la politique de santé publique, même si je regrette que les crédits en la matière aient diminué de 25,2 % entre 2014 et 2015. Je vous proposerai d’aller plus loin, madame la ministre, avec deux amendements : l’un prévoit l’interdiction du free refill et l’autre prévoit que les buralistes soient tenus d’exiger un justificatif de l’âge des acheteurs de tabac.

M. Bernard Accoyer. Oh !

M. Arnaud Richard. Toutefois, ces timides avancées n’apportent qu’une réponse fragmentée et imparfaite à la question de la santé qui relève au fond de l’humanité, pour celui qui reçoit les soins comme pour celui qui fait profession de les donner. Nous pensons qu’il s’agit sans doute là de la plus profonde fragilité de ce projet de loi : malheureusement, il oublie trop souvent l’humain.

Il oublie l’humain quand vous tentez de formater le rapport singulier, chaque fois unique, entre le médecin et son patient en généralisant le tiers payant obligatoire. Ce rapport est un rapport de confiance, madame la ministre, un rapport qui conduit de nombreux médecins à pratiquer de manière spontanée et quotidienne le tiers payant pour des patients en fonction de leur situation personnelle ou pour les actes les plus coûteux. Vous prenez ainsi le risque de dévaloriser les actes des médecins alors même qu’il est de votre devoir d’assurer aux professionnels de santé des revenus attractifs, sans lesquels le niveau d’excellence du recrutement et les obligations liées à ce domaine d’activité ne pourraient être maintenus.

Votre texte oublie l’humain parce qu’il ne décloisonne pas notre système de santé de telle sorte que les structures juridiques s’effacent devant les obligations instaurées dans l’intérêt du patient, qui doit être au cœur de notre système de soins. Or, quelles garanties la montée en puissance des agences régionales de santé ou du secteur public apportent-elles en la matière ? Aucune ! Vous avez conçu cette réforme depuis le sommet et non à travers les yeux d’un patient : telle est la réalité.

Il oublie l’humain parce qu’il se contente d’un plan ne comportant aucune mesure concrète pour lutter contre les drames humains qui sont liés à la désertification médicale. Nous vous ferons des propositions courageuses en la matière et j’espère, madame la ministre, que vous agirez avec cohérence, vous qui estimiez lors des débats sur la fameuse loi HPST que « l’on ne pouvait continuer d’accepter que des médecins s’installent dans des zones surdotées ».

Il oublie l’humain, enfin, quand il passe sous silence la question de la recherche, de l’innovation et de l’accès au progrès thérapeutique, qui permettent pourtant à la santé d’être non pas un coût, mais un véritable investissement pour l’avenir.

Notre système de santé est une chance pour la France, madame la ministre, et il doit continuer de l’être pour les générations futures. Pour cela, nous devons tous faire preuve de responsabilité. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai un amendement qui a reçu l’assentiment de Mme Delaunay, que je remercie, et qui vise à instaurer un droit à l’information sur les prestations de santé, afin que chaque Français puisse tous les ans prendre conscience de ce que lui offre, à lui comme à ses proches, sa participation au financement de notre système de santé.

Madame la ministre, nous ferons tout au long de nos débats des propositions pour amplifier les quelques avancées que contient ce projet de loi, et pour répondre aux nombreuses carences et aux mesures nocives qui le caractérisent. Cependant, chers collègues, pour ce que ce texte ne soit pas qu’une occasion manquée de réformer notre système de santé, je souhaiterais au moins qu’à l’issue de nos quinze jours de débat, nous puissions quitter l’hémicycle en ayant mis fin à la discrimination dont sont victimes les homosexuels et les bisexuels en matière de don du sang. J’ai entendu vos arguments en la matière, madame la ministre ; il faut désormais passer aux actes.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la santé.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly