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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 31 mars 2015

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Modernisation du système de santé

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de modernisation de notre système de santé (no2302, 2673).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, comme je l’avais indiqué lors de l’examen de ce projet de loi en commission, le texte présenté par le Gouvernement était attendu depuis longtemps et il arrive bien tard devant le Parlement. Il a nourri des espoirs, il a aussi suscité des craintes alors que la santé devrait faire l’objet d’un consensus national.

Une loi ne peut satisfaire tout le monde. Elle poursuit des objectifs d’intérêt général mais peut quelquefois provoquer des réticences.

Une loi, c’est aussi un marqueur politique de notre temps. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste regrettent que ces avancées de gauche soient masquées par un mécontentement exprimé par les médecins, certes, mais aussi par l’ensemble des professions de santé ainsi que par celles et ceux qui sont en cours de formation, notamment les internes.

Pour autant, il est manifeste que demain, grâce aux mesures de prévention contenues dans ce texte, nous constaterons une amélioration substantielle de l’état de santé de nos concitoyens.

Je pense en particulier aux mesures en faveur du dépistage du VIH, à savoir la possibilité donnée aux associations de poursuivre les dépistages rapides en dehors du mécanisme de l’expérimentation ou encore à la suppression de l’autorisation parentale pour les mineurs, ce qui permettra un dépistage précoce et une meilleure prise en charge.

Je salue le courage qui est le vôtre, madame la ministre, d’amener à l’échelon législatif et avec détermination, en direction des plus exclus de notre société, le programme de salles de consommation à moindre risque pour les toxicomanes.

Je pense également à la suppression de l’accord des proches pour le prélèvement d’organes sur les personnes en état de mort clinique. Cette mesure va, elle aussi, dans le bon sens et vous avez le soutien des députés radicaux de gauche.

Toujours dans la lignée des mesures humanistes, constitutives de l’ADN des radicaux, vous pourrez compter sur notre soutien sans faille pour supprimer le délai de réflexion de sept jours imposé aux femmes qui souhaitent bénéficier d’une interruption volontaire de grossesse.

Vous bénéficierez également d’un soutien sans réserve de notre part pour la mise en place d’un droit à l’oubli pour celles et ceux qui ont été frappés par le cancer ou toute autre maladie et qui, de par la volonté des assureurs, se trouvent dans l’impossibilité de souscrire un prêt.

Autre mesure de prévention, la mise en place de paquets de tabac neutres, déjà en usage en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni, et que recommande vivement l’Organisation mondiale de la santé, est une mesure de santé publique qui, en diminuant l’attractivité du paquet, réduirait la consommation. Cependant, madame la ministre, les avis divergent au sein de notre groupe, certains estimant que les prescriptions de la directive européenne sur les paquets de cigarettes sont suffisantes.

Avant de conclure sur la prévention, madame la ministre, permettez-moi de vous interpeller sur un point précis. Vous avez, à raison, placé les plus jeunes d’entre nous au cœur de votre politique de prévention. Pourtant vous ne disposez pas de tous les leviers. Quand la santé scolaire sera-t-elle de la compétence de votre ministère ? Quand, enfin, nos collèges et lycées seront-ils dotés de médecins et d’infirmiers en nombre suffisant pour mener cette politique de prévention ?

Enfin, la possibilité que vous offrez aux patients d’engager des actions de groupe va dans le bon sens. Elle leur permettra de mieux défendre leurs intérêts. Peut-être, au cours de notre discussion, procéderons-nous à quelques ajustements techniques qui amélioreront la mise en œuvre de cette disposition.

Au-delà des mesures de prévention, qui constituent incontestablement de grandes avancées en termes de santé publique, c’est désormais le débat sur la généralisation du tiers payant qui retient l’attention.

Je connais la situation des patients en situation de précarité et je sais que les médecins utilisent déjà le tiers payant car ils connaissent eux aussi très bien leurs patients.

Les réserves des médecins sur ce projet de loi ne relèvent pas du fantasme. Ils pressentent que, derrière ce tiers payant généralisé, se profile la fin programmée et la privatisation de notre sécurité sociale par le transfert progressif de la protection sociale vers l’assurance privée, et donc la fin pour tous les Français de l’accès à des soins de proximité de qualité.

Il faut rétablir une vérité : nos concitoyens renoncent en priorité aux équipements optiques, aux soins dentaires, aux prothèses auditives et aux consultations de spécialistes, mais tout simplement en raison du délai d’obtention d’un rendez-vous !

Plus encore, les médecins généralistes, qui sont le pilier de notre système de santé, pratiquent déjà le tiers payant systématique pour les bénéficiaires de la CMU-C, ce qui est de droit, mais également pour la plupart des patients pris en charge au titre d’une affection de longue durée, et ils le proposent, quand ils l’estiment nécessaire, à titre social et compassionnel, à ceux de leurs patients dont ils connaissent la précarité pour les avoir accompagnés pendant de nombreuses années.

Nous devons aussi évoquer le sort des médecins, qui seront contraints de mettre en œuvre le tiers payant généralisé alors que les territoires ruraux dans lesquels ils exercent ne disposent pas de l’ADSL ou de la fibre optique.

Madame la ministre, quand ils affirment que cette mesure va supprimer du temps médical au profit du temps administratif, au seul préjudice de leurs patients, il faut les entendre !

Quand ils soutiennent qu’en milieu isolé, en milieu rural, dans les cités, dans les déserts médicaux où ils exercent dans des conditions particulièrement difficiles – horaires élastiques, déplacements, pas ou peu de vacances car ils ne trouvent pas de remplaçant disponible, lourdes responsabilités, temps consacré à l’écoute de leurs patients en lieu et place d’une assistante sociale – il faut les écouter !

Il est impossible qu’une mesure législative les oblige à dégager du temps pour des tâches administratives qui n’ont aucune valeur médicale ajoutée !

Madame la ministre, je le répète, il faut les entendre, enfin !

Je me permets de citer ici cette anaphore du président de l’Ordre national des médecins, Patrick Bouet, au cours du neuvième congrès des médecins généralistes : « Madame la ministre, je veux vous dire qu’il n’y a pas de santé sans médecin, madame la ministre, je veux vous dire qu’il n’y a pas de virage ambulatoire sans renforcement de la médecine générale. Madame la ministre, je veux vous dire qu’il ne suffit pas d’ordonner que les gens se coordonnent sans coordonnateurs ». Cela doit vous interpeller, d’autant plus qu’il a ajouté que vous leur aviez cruellement manqué…

Nous, députés radicaux de gauche, aurions préféré que la généralisation du tiers payant passe d’abord par l’expérimentation, qu’elle soit ensuite mise en place progressivement et qu’enfin son coût soit connu avec précision.

Finalement, qui en a le plus besoin ? Les étudiants, les personnes âgées à faible revenu, les plus modestes d’entre nous ? C’est là qu’il fallait agir ! Qui n’en a pas besoin ? Les plus aisés !

Concernant les pratiques avancées et les délégations de tâches, nous y sommes favorables, car elles sont indispensables, mais seulement dans la mesure où elles seront étudiées, étroitement concertées avec les professionnels de santé et surtout parfaitement organisées.

S’agissant de l’organisation territoriale, nous regrettons l’ostracisme qui a frappé, dès la naissance de ce texte, la médecine de ville et les établissements privés, qu’ils soient à but lucratif ou non lucratif. Nous ne pouvons nous passer du maillage territorial, or les cliniques sont un maillon fort de la chaîne de santé.

La configuration actuelle des GHT, les groupements hospitaliers de territoire, n’est pas satisfaisante car elle ne va pas dans le sens d’une dynamique locale. Il faut insérer un dispositif plus souple dans le texte afin d’assurer une meilleure dynamique de territoire dans le cadre des futures grandes régions.

Désormais, avec les communautés professionnelles territoriales de santé, les médecins généralistes restent bien au cœur du dispositif. Toutefois, accompagnés par les agences régionales de santé, les ARS, nombreux sont ceux qui redoutent la confusion entre accompagnement et contrainte.

Ces communautés devront aussi être adaptées aux spécificités de nos territoires – je pense surtout aux territoires très isolés ou transfrontaliers. Il est souvent plus facile de franchir une frontière qu’une vallée et les amendements présentés par mon collègue Joël Giraud au nom de notre groupe devront faire l’objet d’un examen attentif et bienveillant, car il en va de la sécurité des patients qui vivent dans ces territoires.

Pour conclure, madame la ministre, nous regrettons l’unanime remarque des organisations syndicales et ordinales concernant la qualité des négociations. Elles font état d’un dialogue de sourds et ne peuvent pas collectivement se tromper. Le résultat aujourd’hui, c’est une guérilla tarifaire et une journée santé morte…

De même, nous regrettons la procédure accélérée et le peu de temps accordé à l’étude de ce texte en commission. Il y a là, et c’est inacceptable, une confiscation du rôle du Parlement et, je suis désolée de le dire, une confusion entre Parlement et chambre d’enregistrement. Cette marche forcée mécontente les députés de notre groupe.

Alors, madame la ministre, j’espère que vous ne serez pas lassée par les déclarations générales des uns et des autres, comme vous l’avez affirmé dans la presse ce matin.

Nous souhaitons être un partenaire fidèle du Gouvernement, mais nous voulons aussi être respectés dans notre travail parlementaire. Le Gouvernement aura l’occasion de nous le montrer tout au long de l’examen de ce projet de loi. Les députés du groupe RRDP seront très attentifs au débat qui va s’ouvrir, à la discussion des amendements, et ils resteront vigilants quant à l’évolution de ce texte.

Mme la présidente. La parole est à Mme Huguette Bello.

Mme Huguette Bello. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’amélioration incontestable de la situation sanitaire des outre-mer durant ces dernières décennies avait fini par laisser croire qu’il suffisait d’appliquer les mesures de droit commun, quitte à parfois les adapter, pour aboutir à une convergence des ratios et des indices.

Dans un rapport publié en juin 2014, la Cour des comptes a remis cette idée en cause. Contournant sa doctrine en matière budgétaire et faisant fi de ses propres critiques sur la multiplication des plans de santé, elle va jusqu’à proposer pour les outre-mer un programme pluriannuel de santé publique, assorti des moyens budgétaires correspondants ainsi que d’objectifs prioritaires précis.

Particulièrement révélatrice des difficultés des sociétés ultra-marines, la mortalité infantile demeure à un niveau élevé. Alors que la réduction de moitié de l’écart entre le taux ultra-marin – 8 pour 1000 – et le taux de la France hexagonale – 3,3 pour 1000 – était le seul objectif assigné au Plan santé outre-mer de 2009, la situation s’est aggravée durant ces dernières années. Les difficultés liées à la natalité sont multiples : deux fois plus de prématurés, suivi des grossesses encore inégal, mortalité maternelle nettement plus fréquente. C’est pourquoi nous sommes attentifs à l’inscription de la santé maternelle et infantile dans les prérogatives de la politique de santé publique.

La prévention est à nouveau affichée comme un objectif prioritaire. Dans les outre-mer, ce volet est encore moins développé qu’ailleurs. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : seulement trois euros par an et par habitant sont consacrés à la prévention à La Réunion et en Guyane. La réalité sanitaire plaide pourtant pour une rapide prise de conscience.

En liaison avec l’augmentation sans précédent des cas de surpoids et d’obésité, le tableau des maladies chroniques est inquiétant. Le diabète touche 10 % de la population réunionnaise, avec une forte prévalence de diabète de type 2, et l’hypertension artérielle sévère est plus répandue. Quant aux AVC, ils surviennent plus fréquemment, touchent des sujets plus jeunes de dix ans et entraînent la plus forte surmortalité de toutes les régions françaises.

À ces pathologies liées aux transformations des modes de vie s’ajoutent de manière récurrente de graves épisodes épidémiologiques, comme la dengue ou le chikungunya, ou encore des maladies infectieuses contre lesquelles l’importance de la dimension préventive n’est plus à démontrer.

Renforcer la prévention, c’est nécessairement agir en direction de la jeunesse. Il va de soi que les mesures prévues par le texte pour prévenir les grossesses précoces et les IVG chez les jeunes filles ou celles destinées à lutter contre les formes d’addiction les plus graves ne seront pleinement efficaces que si les services de santé scolaire et universitaire sont améliorés.

Favoriser l’accès de tous à la santé passe par une offre de soins suffisante et de qualité. Le nombre de lits et de places offerts par les établissements de santé est un indicateur des disparités du système. Ainsi, avec 355 lits pour 100 000 habitants, La Réunion est près de deux fois moins bien dotée que les Antilles ou la France hexagonale. C’est pourquoi la réalisation du PSO, le Pôle sanitaire de l’ouest, à Saint-Paul était devenue urgente. À ce propos, madame la ministre, je tiens à vous remercier une fois de plus pour votre soutien.

À vrai dire, le secteur hospitalier est engagé dans une véritable course contre la montre puisqu’il faut à la fois combler les retards et apporter les réponses spécifiques exigées par le vieillissement de la population. Pour éviter une catastrophe sanitaire, le sous-équipement abyssal des outre-mer en ce qui concerne les soins de suite et de rééducation devra être pris en compte sans plus tarder.

Si l’offre de soins ambulatoire comporte de fortes disparités géographiques, elle se caractérise surtout par le nombre insuffisant de médecins. En attestent les temps d’attente imposés aux patients, singulièrement lorsqu’ils veulent consulter un spécialiste, ou encore la surfréquentation des services d’urgence des hôpitaux.

À n’en pas douter, la formation est l’une des pistes à privilégier pour améliorer la densité médicale. La création du CHU de La Réunion en 2012 a d’ailleurs été unanimement saluée.

En dépit des deux postes de professeur des universités - praticien hospitalier récemment créés, il est incontestable qu’en matière hospitalo-universitaire le plus jeune Centre hospitalier universitaire (CHU) de France est aussi le plus pauvre ! Pour une population équivalente, des effectifs étudiants identiques et des cursus analogues, le CHU de la Réunion compte quatre fois moins d’enseignants que ceux des Antilles créés vingt-cinq ans plus tôt ! À la suite du rapport de la Cour des comptes, vous avez élaboré, madame la ministre, un plan santé outre-mer destiné à traiter nos situations spécifiques. Il est important que ce plan en cours d’élaboration intègre des pratiques innovantes comme la généralisation du tiers payant, qui a cours à la Réunion depuis plus de dix ans et concerne désormais la quasi-totalité des actes médicaux.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, il était temps de progresser au moyen d’une nouvelle loi relative à la santé, dix ans après celle de Philippe Douste-Blazy. La gestation fut longue, difficile parfois mais il me semble que le bébé se porte bien, la preuve : son poids a déjà doublé après son examen en commission ! (Sourires.) Le premier constat, c’est que notre système de santé doit se transformer, car nous lui consacrons une part importante de la richesse nationale. Nous avons le devoir de le mettre pleinement au service de nos concitoyens, de répondre aux bouleversements de l’âge et de la technique et de le rendre plus efficace, quitte à bousculer quelques corporatismes. Le deuxième constat, c’est que la santé ne peut être le champ clos des seuls professionnels de santé, même si personne ne conteste leur rôle central et leur engagement. La santé appartient à l’ensemble de nos concitoyens.

Le troisième constat, c’est que votre projet de loi, madame la ministre, comporte des axes forts : un pilotage rénové grâce au renforcement des stratégies territoriales et à la réforme des agences sanitaires ; l’affirmation du rôle premier de la prévention promue à l’égal du soin ; la déclinaison de parcours de santé grâce à l’amélioration de la coopération entre tous les acteurs de santé en ville et à l’hôpital ; un saut qualitatif de l’information en matière de santé et de présence des usagers ; la promotion et l’enrichissement de métiers touchant à la santé ; l’introduction du principe de l’action de groupe en santé et la création d’un système national des données de santé ; le droit à l’oubli améliorant l’accès à l’assurance et à l’emprunt de personnes victimes de graves problèmes de santé. C’est sur ces points que j’invite mes collègues de l’opposition à débattre sans se contenter de dénoncer une étatisation de la santé complètement fantasmée, comme on a pu l’entendre au cours de la discussion générale. Tenter de surfer sur la contestation organisée contre la généralisation du tiers payant ne fait pas une politique alternative.

Je développerai trois points : le tiers payant bien sûr, la santé au travail et un amendement que Christian Paul et moi-même présenterons au nom du groupe SRC visant à mieux encadrer l’activité libérale à l’hôpital.

Le tiers payant généralisé, dont je ne nie pas les difficultés techniques en raison notamment de l’éparpillement des mutuelles, signe-t-il, comme l’affirment les tenants d’un libéralisme désuet, la mort de la médecine libérale ? Arrêtons-nous quelques instants sur les quatre principes de la charte de la médecine libérale édictée en 1927, il y a près de quatre-vingt-dix ans. Le premier principe, c’est le libre choix du médecin par le patient. Il n’est nulle part remis en cause dans le texte. Le deuxième, la liberté de prescription, n’est pas davantage abordé. Le troisième, c’est la liberté tarifaire. Convenons ensemble qu’elle a depuis longtemps laissé place à la négociation conventionnelle, les honoraires libres du secteur 2 étant encadrés et par le code de déontologie et par la convention médicale. Quant au quatrième principe, le sacro-saint paiement à l’acte, il est défendu par les détracteurs du tiers payant avec une obstination à mes yeux déraisonnable.

Peut-on rappeler sans faire hurler que la Sécurité sociale assure la solvabilité du système grâce aux cotisations de tous et par là même la patientèle des médecins libéraux, ce qui n’a rien de scandaleux ? Dois-je rappeler également que le tiers payant est pratiqué tous les jours en ville par un grand nombre de professionnels de santé et qu’il est la règle dans presque toute l’Europe ? Au-delà du symbole qui n’est finalement qu’un mode de règlement moderne, il me semble que nous devrons poursuivre notre réflexion avec les professionnels sur la notion de paiement à l’acte en allant progressivement vers une capitation accrue. L’exercice libéral isolé a eu son âge d’or et sa légitimité mais n’est plus adapté aux nouvelles missions et aux souhaits des jeunes générations. L’exercice groupé, les maisons de santé pluridisciplinaire et les centres de santé constituent des réponses au plus près des territoires permettant de lutter plus efficacement contre la désertification médicale. Le texte donne à la médecine de ville un rôle pivot de premier recours pour améliorer la prise en charge et la prévention face aux défis du vieillissement et des maladies chroniques. Au sujet de la santé au travail, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir retiré l’amendement présenté par le Gouvernement visant à traiter des services de santé au travail et des notions d’aptitude et d’inaptitude par ordonnance.

Ce sujet mérite à lui seul de beaux débats et certainement pas une ordonnance, quel que soit le véhicule législatif choisi !

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. Gérard Sebaoun. Je dirai un mot pour finir de l’amendement que Christian Paul et moi-même présenterons au nom du groupe SRC portant article additionnel après l’article 34. Il proposera l’inscription dans la loi du conventionnement obligatoire de tout praticien hospitalier exerçant une activité libérale à l’hôpital et donc en cas d’honoraires libres de l’application de l’avenant 8 de la convention nationale régissant déjà les praticiens de secteur 2 en ville. Votre texte améliore le droit à la santé de nos concitoyens, madame la ministre, et vise à réduire les inégalités sociales et territoriales. Comme tel, il fait honneur à la gauche et au Gouvernement ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, madame la ministre, cher Olivier Véran, chers collègues, à partir des cinquante-sept articles d’origine, nous en avons maintenant 137 à examiner et vous venez de déposer soixante-dix amendements, madame la ministre, prévoyant la réécriture de deux articles très importants dont un relatif à la psychiatrie, ce qui n’est pas rien ! Vous avez en outre réussi l’exploit de mobiliser l’ensemble des professions de santé contre le texte. Elles y sont unanimement opposées et d’ailleurs 40 000 professionnels ont manifesté contre le texte il y a quelques jours. Sans en faire la liste exhaustive, citons-en un certain nombre. Nous avons entendu les médecins libéraux, bien sûr. L’ordre des médecins souhaite la réécriture du texte. La Mutualité française s’y oppose aussi, ce qui est peut-être plus étonnant, au motif que le tiers payant ne peut se faire sans les complémentaires de santé, ce qui n’est pas envisagé actuellement. Tous les professionnels de santé de France s’opposent aux dispositions relatives au tiers payant, système déresponsabilisant qui encourage le tout gratuit dont résultera une surcharge de travail pour les médecins au détriment du patient. Le « BLOC », syndicat regroupant les chirurgiens, estime que le projet de loi n’est pas bon.

Les organisations professionnelles de dentistes, de kinésithérapeutes et d’infirmiers se sont également greffées au mouvement de revendication. Les étudiants en médecine pensent que le projet de loi n’améliore pas le système de santé. Les jeunes internes s’inquiètent, quant à eux, du nouveau statut de praticien hospitalier remplaçant destiné aux petits hôpitaux manquant de personnel, d’autant plus qu’un amendement du Gouvernement prévoit que les médecins formés hors de l’Union européenne pourront venir exercer en France, ce qui remet en cause l’excellence des études médicales en France et le numerus clausus dont chacun sait qu’il est très important dans notre pays. La fédération de l’hospitalisation privée réitère, quant à elle, son opposition complète au volet du projet de loi prévoyant le rétablissement du service public hospitalier dont seront exclus de droit les cliniques et hôpitaux privés, ce qui est très grave. Avec votre projet de loi fourre-tout, vous avez réussi, madame la ministre, à vous attirer aussi les foudres des viticulteurs, des buralistes, des fabricants de cigarettes électroniques – on se demande bien pourquoi – et même des chocolatiers, quelques jours avant Pâques !

M. Jean-Frédéric Poisson. Excellent !

M. Dominique Tian. Vous faites du chocolat un produit toxique pour la santé à un moment très précis ! Vous auriez au moins pu attendre quelques jours après Pâques ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Quel sens de l’à-propos !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. J’adore le chocolat !

Mme Valérie Boyer. Et la trêve des confiseurs ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On ne s’attaque pas aux cloches ! (Rires.)

M. Dominique Tian. Nous débattrons d’ailleurs de la question de savoir si le chocolat est un produit toxique dans quelques heures. C’est un comble ! Dans un autre registre, comme Valérie Boyer le confirmera, vous imposerez probablement l’ouverture de salles de shoot où ceux que vous appelez les « usagers de la drogue » se feront des injections de drogue à quelques dizaines de mètres du lieu où ils l’auront achetée illégalement. Simultanément, vous luttez contre la cigarette électronique. Vous comprendrez, madame la ministre, qu’on ait un peu de mal à comprendre la cohérence de ce dont nous parlons.

Vous avez décidé de créer un parcours éducatif. Les mesures qu’il comporte sont à mes yeux des gadgets compte tenu de la situation catastrophique de la médecine scolaire française qui est l’une des pires d’Europe, ce dont résulte malheureusement un taux de suicide des jeunes figurant parmi les plus élevés d’Europe, sans compter la drogue, l’alcool et toutes les pratiques dont personne ne s’occupe vraiment en milieu scolaire car il n’y a quasiment plus de médecins scolaires et très peu d’infirmiers ! Un vrai projet de loi relatif à la santé devrait traiter de la médecine scolaire, ce qui n’est pas le cas du vôtre. J’évoquerai également la baisse des tarifs que vous appliquez aux secteurs public et privé d’hospitalisation, madame la ministre. Les hôpitaux vont mal. Vous le savez mais vous diminuez leurs tarifs de 1 %, ce qui posera des problèmes. Les cliniques connaissent des difficultés et 30 % des cliniques ont déjà fermé dans notre pays mais vous diminuez leurs tarifs de 2,5 %, ce qui à l’évidence en mettra 15 % en déficit.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce ne sont pas les chiffres de la France ! Vous parlez d’un autre pays, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. Cela menace 10 000 emplois car les cliniques pratiquent déjà des tarifs inférieurs de 22 % à ceux du secteur public et vous avez interrompu la convergence tarifaire. Les hôpitaux vont mal et pourtant vous prenez des mesures pour le moins étonnantes. Vous ne supprimez pas le jour de carence qui a permis d’économiser 70 millions d’euros. Vous prévoyez même des dispositions assez bizarres dans le texte, comme celle limitant le recours à l’intérim médical le week-end dans les hôpitaux, dont résultera probablement la fermeture de certains services. Je ne sais pas comment fera M. Véran dans le sien ! Avec le jour de carence, l’intérim sauvait l’hôpital, dorénavant on fermera des services le week-end faute de pouvoir faire appel à l’intérim !

Mme Valérie Boyer. Exactement !

M. Dominique Tian. Hier, le directeur de l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille a démissionné en raison du déficit abyssal des hôpitaux marseillais. Depuis que vous êtes en poste, vous n’avez jamais rendu visite aux 17 000 personnes qui y travaillent, madame la ministre, comme Valérie Boyer le confirmera. Je le regrette car un plan de sauvegarde des hôpitaux marseillais est malheureusement nécessaire. Enfin, je poserai une dernière question à propos de la procédure d’examen du texte. Après le vote solennel à l’Assemblée le 14 avril prochain, il sera transmis au Sénat or il n’existe aucun créneau libre dans l’ordre du jour de la Haute assemblée avant l’été.

Mme Valérie Boyer. D’ici là il y aura eu un remaniement !

M. Dominique Tian. En effet, il faut au moins deux semaines consécutives de temps parlementaire pour achever la discussion d’un tel texte. Alors pourquoi lui appliquer la procédure d’urgence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous y sommes ! Annoncé à la fin de l’automne 2014 puis au début du mois de janvier, le projet de loi relatif à la santé arrive au Parlement. Cet accouchement difficile révèle votre incapacité à construire un projet en pleine coopération avec les professions de santé, madame la ministre, comme en témoigne le rapport du docteur Yves Decalf. Chargé par vous d’une mission sur la place de la médecine spécialisée libérale dans l’organisation des soins de proximité, il dénonce « une mascarade de concertation et une manipulation des acteurs libéraux ». Selon lui, vous souhaitez placer la médecine spécialisée à l’écart des soins de proximité. Les quatre groupes de travail mis en place pour renouer le dialogue se sont soldés par un échec car les principaux syndicats de médecins libéraux ont finalement claqué la porte. Dimanche 15 mars, 40 000 professionnels de santé vous ont montré leur mécontentement. Pour eux, la seule solution, c’est le retrait de l’intégralité du projet de loi ! Mais vous ne les écoutez pas.

Pire encore, le Gouvernement a choisi l’examen de ce texte pourtant majeur en procédure accélérée, ce qui est une véritable provocation illustrant bien votre volonté d’en finir au plus vite avec un texte dont les articles les plus importants ont été modifiés par voie d’amendement en commission ! Les polémiques sont nombreuses, en particulier celle qui a pris de l’acuité parmi les médecins, la généralisation du tiers payant. Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, en quoi le tiers payant généralisé apportera une solution au déficit abyssal de la Sécurité sociale ? Je pense pour ma part qu’il ne fera qu’augmenter les dépenses de fonctionnement induites par le traitement des dossiers. Surtout, une telle proposition comporte le risque, je le maintiens et vous le constaterez, de déresponsabiliser un certain nombre de patients, soit dit sans le moindre mépris. Elle engendrera un accroissement du nombre des consultations et une augmentation des délais d’attente, notamment chez les médecins spécialistes, soit tout le contraire de l’objectif visé !

M. Gérard Sebaoun. C’est faux !

M. Gilles Lurton. Il appartiendra désormais au médecin de se faire payer par l’assurance maladie, mais votre système ne leur offrira aucune sécurité de remboursement. Comment faire le rapprochement entre les sommes envoyées par les médecins dans le flux unique de paiement que vous comptez créer et celles qui leur seront remboursées ? Il en résultera très rapidement une augmentation de la part des mutuelles et une perte d’indépendance des médecins face au choix de traitement de leurs patients.

Je ne suis d’ailleurs pas loin de penser que c’est ce que vous souhaitez !

Ce sera la même chose pour les pharmaciens et les laboratoires, qui travaillent parfois sur des prélèvements qui leur sont apportés sans voir le patient.

Aujourd’hui, nous avons entre 1 et 2 % d’impayés en régime obligatoire, et autant en régime complémentaire.

Nous savons tous que ces pharmaciens et responsables de laboratoires passent un temps considérable à jongler avec les découverts et avances de trésorerie négociés auprès des banques, à vérifier les coordonnées d’assurance des clients et à s’assurer que les paiements sont effectués.

La création d’un « service territorial de santé au public » alimente aussi les crispations. Il est la démonstration de votre volonté d’imposer une véritable étatisation de la médecine libérale, toujours plus de bureaucratisation et de suradministration de notre système de santé, alors que le Premier ministre passe son temps à se gargariser de simplification.

Vous profitez par ailleurs de ce texte pour tenter une expérience sur les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de la drogue, en d’autres termes les « salles de shoot ».

M. Gérard Sebaoun. Les salles de consommation.

M. Gilles Lurton. Les auditions auxquelles j’ai participé m’ont montré l’intérêt d’une telle expérience pour des personnes souvent précaires.

Il n’empêche qu’à cette expérience très coûteuse, je préfère des moyens dédiés à la prévention. Comment justifier de telles sommes quand rien n’est fait pour la médecine scolaire, alors même qu’on ne compte qu’un médecin scolaire pour 12 000 élèves ?

Et que dire de la suppression du délai de sept jours de réflexion avant une interruption volontaire de grossesse ? En commission, madame la ministre, vous avez soutenu le maintien de ce délai. Aurez-vous le courage de revenir sur cette disposition, ou bien êtes-vous dépassée par une minorité agissante de votre majorité ?

J’ajoute que, contrairement à ce que vous avez dit dans votre intervention préalable aujourd’hui, vous étiez également opposée à la suppression de la clause de conscience, qui a néanmoins été adoptée à deux heures du matin.

Madame la ministre, les buralistes et les professionnels du monde viticole sont eux aussi vent debout contre votre projet.

La mise en place du paquet neutre doit être accompagnée des mêmes dispositions dans tous les pays voisins, pour ne pas entraîner un accroissement de la contrebande.

Vous allez mettre en péril nombre de commerces de proximité qui maillent notre territoire, y compris les plus ruraux, alors même que le Premier ministre leur a promis le contraire.

Je défends pour ma part la directive européenne « tabac », qui répond de manière juste et efficace à l’obligation d’information des conséquences du tabac sur la santé.

De même, je défends le maintien sur les bouteilles d’alcool et de vin des termes « l’abus d’alcool est dangereux », et je me battrai contre toute modification de ce texte à votre gré.

Madame la ministre, notre pays a évidemment besoin d’une réforme de notre système de santé, nous ne le nions pas, notamment pour assainir les déficits et réguler les dépenses.

Mais cette réforme doit se faire en pleine coopération avec les professionnels de santé du public et du privé. C’est là votre plus grand échec. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt. Madame la Présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, Mme la ministre a fondé son projet de loi sur le trépied prévention-meilleure organisation des soins de proximité-démocratie sanitaire.

Je dirai d’abord quelques mots de la prévention. Le parcours éducatif à la santé répond à certaines préoccupations concernant notamment les insuffisances de la médecine scolaire – qui ne datent pas d’hier, monsieur Tian. Vous me permettrez d’autre part de rappeler le plan volontariste contre le tabagisme présenté et formalisé par Mme la ministre, ainsi que les actions volontaristes contre les addictions, y compris la réduction des risques.

Je voudrais également évoquer le suivi de la Conférence environnementale, et notamment de son volet « santé environnementale » – auquel vous avez assisté de bout en bout, madame la ministre. Une révolution culturelle, certes silencieuse, est en marche avec la prise en compte d’un concept nouveau, le risque chimique – celui de la perturbation endocrinienne.

Le concept est récent : le terme de « perturbateur endocrinien » ne date que de 1991, et l’Organisation mondiale de la santé – OMS – ne l’a défini qu’en 2002.

Cette révolution consiste en un changement de paradigme. On renonce à l’idée que c’est la dose qui fait le poison, mais l’exposition chronique à doses faibles présente des effets sanitaires dont les mécanismes sont de plus en plus connus. Je pense notamment au mécanisme épigénétique, qui fait que le risque sanitaire peut se perpétuer de génération en génération. La complexité de la mise en évidence des effets, qui peuvent apparaître plusieurs années après l’exposition, notamment lorsque celle-ci a lieu à des périodes critiques, a fait naître la notion d’exposome, reprise par des amendements qui ont été acceptés par le Gouvernement en commission. Le suivi de l’ensemble des expositions et de leurs effets sanitaires observés à toutes les étapes de la vie – de la vie foetale à l’âge adulte, en passant par les périodes critiques que sont la petite enfance et la puberté – permet ainsi de caractériser ce risque chimique, qui contribue pour une bonne part à l’explosion des maladies chroniques que l’Assemblée générale de l’ONU, réunie à l’initiative de l’OMS en septembre 2011, considère désormais comme une priorité pour les États, au risque de voir bousculer nos systèmes de protection sociale.

Cette révolution silencieuse, ce projet de loi l’a déjà actée en reprenant la notion d’exposome. Je ne doute pas que nous examinerons d’autres amendements sur le sujet en séance. Cette révolution nous expose sans doute à de gigantesques batailles politiques, telles que celle que nous avons connue pour le bisphénol à l’échelle européenne.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Gérard Bapt. Nous la connaîtrons sans doute pour les pesticides. Il suffit de voir les réactions outragées de l’industrie chimique lorsque le Centre international de recherche sur le cancer – CIRC – de Lyon caractérise comme cancérigène l’un des pesticides les plus répandus au monde, le glyphosate, et de rappeler que l’agence allemande a demandé le retrait de ce classement pour comprendre que nous avons encore de grandes batailles devant nous.

J’en viens à l’organisation des soins de proximité. Je m’étonne que Mme Orliac ait pu penser que le médecin généraliste ou le médecin traitant était oublié des équipes de soins de proximité. La place des spécialistes de proximité est – ou sera – bien précisée par le texte.

Je terminerai par un extrait du témoignage d’une victime d’accident sanitaire comme l’a fait la présidente de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’une victime du Distilbène, une fille du DES, qui rapporte ses difficultés à faire reconnaître ses droits à l’indemnisation : « Nous avons saisi le tribunal civil en 2000 (…) J’ai gagné mon procès le 31 octobre 2008. Le laboratoire a été condamné à me verser 26 000 euros. Mais il a fait appel et a gagné (…) Le pire, c’est que pour me pourvoir en cassation, il faut que je rembourse cette somme (…) Je rembourse 470 euros par mois au laboratoire. Je gagne 1660 euros par mois, c’est très lourd. J’ai déjà perdu pas loin de 15 000 euros dans les frais de justice, que je ne récupérerai sans doute jamais. On paie tout : avocat, huissier, rapport médical, avoué, etc. Il faut être riche pour aller en justice, je ne le suis pas. Je suis épuisée financièrement et moralement, j’ai envie de passer à autre chose dans ma vie. Je me demande si je ne ferais pas mieux d’arrêter. Pour le Mediator, il y a une indemnisation. Pour le Distilbène, il n’y a rien. »

Votre texte marque une avancée considérable, avec les actions de groupe, dont M. Jean-Pierre Door avait déjà proposé la mise en place sous la précédente législature dans un rapport d’information. Il reste que la victime devra continuer à apporter la preuve de la causalité, et qu’il n’y a pas de responsabilité si le dommage n’était pas connu lors de l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché – AMM –, ce qui constitue parfois un obstacle insurmontable.

Voilà pourquoi j’ai déposé deux amendements, le premier concernant la réunion des indices concordants permettant au juge de décider de la causalité d’un dommage sanitaire, puisqu’un nouvel indice est possible avec la pharmaco-épidémiologie, dont on a vu l’efficacité au moment de la première étude de la CNAM sur les dégâts sanitaires du Mediator, et le second concernant la responsabilité du laboratoire au titre du risque de développement. Il n’est pas acceptable que contrairement à ce qui se passe en Allemagne, la responsabilité du producteur soit niée dès lors que le risque sanitaire n’était pas mentionné sur la notice au moment de l’AMM.

Pour affirmer la solidarité nationale envers les victimes dans le cadre de notre lutte pour l’égalité d’accès au droit et à la santé, nous devons aussi prendre cette question en considération. Lors d’un récent colloque qui s’est tenu à l’Assemblée, on m’a chargé de vous demander d’améliorer la situation des victimes. Le combat est par trop inégal face à la puissance financière et scientifique et aux liens d’intérêt sur lesquels peuvent compter certains producteurs pour nier les droits des victimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Madame la Présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à travers ce projet de loi santé, le Gouvernement va une fois de plus diviser les Français, alors qu’une loi de santé publique a vocation à faire en sorte que ceux-ci soient acteurs de leur santé et adoptent un comportement qui leur permette de vivre en bonne santé.

Dans ce cadre, l’obésité est l’un des enjeux majeurs de la santé publique. La France n’est pas épargnée par cette pathologie, qui constitue une menace pour notre système de protection sociale et une souffrance pour les personnes qui en sont victimes. C’est un problème de santé, mais aussi un problème de société. L’obésité constitue aujourd’hui un des principaux défis mondiaux de santé publique. En France, un adulte sur deux est en surpoids et un sur six est obèse. Cela est dû à une mauvaise alimentation et à la sédentarité.

La perte des repères nutritionnels complique le choix du consommateur. Parmi les nombreux produits alimentaires, il est compliqué d’identifier ceux qui sont adaptés aux besoins d’une alimentation équilibrée. C’est d’autant plus vrai pour les foyers les plus modestes, qui sont aussi les plus touchés par l’obésité.

Pour remédier au déficit d’information nutritionnelle, je vous propose donc de créer un logo « label PNNS » – Plan National Nutrition Santé –, qui permettra aux consommateurs d’identifier facilement les produits alimentaires et boissons présentant une qualité nutritionnelle intéressante.

Nous devons sensibiliser les Français dès le plus jeune âge. C’est pourquoi le label PNNS peut également être un outil d’encadrement de la publicité sur les écrans jeunesse. Actuellement, une grande majorité des publicités alimentaires diffusées sur les écrans jeunesse encouragent la consommation d’aliments et de boissons à haute densité énergétique.

Mes amendements à la loi « hôpital, patients, santé, territoires » ont permis d’ouvrir dans le code de la santé publique un nouveau livre qui traite des troubles du comportement alimentaire, dont l’obésité fait partie.

Je souhaite aujourd’hui, à travers un article additionnel après l’article 5, en ouvrir un autre consacré à l’extrême maigreur, par des amendements retranscrivant ma proposition de loi de 2008, qui a été votée dans cet hémicycle et pénalisait l’incitation à l’extrême maigreur. Il me semble cependant que votre dynamisme législatif de la dernière heure a fait tomber un certain nombre d’amendements, madame la ministre – mais nous y reviendrons.

Je propose donc une transposition de ce texte, afin qu’il soit intégré à la loi santé. J’y ajoute une modification du code du travail, qui n’est pas discriminante, afin de protéger les modèles mannequins exposés à l’extrême maigreur dans le cadre de leur travail, ainsi qu’un amendement issu de la proposition de loi dont je suis l’auteur – déposée en 2009 et redéposée en 2012 – sur la nécessité de faire figurer sur les photographies une mention précisant qu’il y a eu retouche photo, notamment pour les images corporelles. Contrôler son corps, son image et sa vie est souvent ce qui anime les personnes qui souffrent d’extrême maigreur, qu’elles soient jeunes ou pas.

Nous devons aujourd’hui mettre en place une politique de santé efficace pour le bien-être général, et non un projet de loi qui renforce les difficultés.

Mais avec ce texte, madame la ministre, vous divisez les Français. J’en veux pour preuve quelques exemples.

La suppression de la semaine de réflexion préalable à l’interruption volontaire de grossesse a été adoptée nuitamment, subrepticement, vers deux heures du matin, en commission des affaires sociales (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), et à l’insu de la ministre de la santé. J’y étais, chers collègues ! Cette décision va à l’encontre du bon sens. En effet, ce délai de réflexion est plus que nécessaire pour ce type d’intervention, qui n’est en aucun cas anodin. Ne prenons pas de décisions qui auront un impact destructeur sur des milliers de femmes en France.

Si le recours à l’IVG est un droit, respectons l’esprit du texte de Simone Veil. Un avortement est toujours un échec, une peine, une douleur. Ne rouvrez pas les plaies des débats de société. Le droit à l’IVG doit être fondé sur un équilibre qui est celui de la loi Veil et du texte débattu ici récemment. Pourquoi revenir sur ces dispositions ?

Quant au don d’organes, vous avez décidé de ne pas consulter les familles endeuillées, conduisant là une rupture législative donnant lieu – une fois de plus – à un débat éthique douloureux, et en catimini.

Mme Michèle Delaunay. Pas du tout en catimini !

Mme Valérie Boyer. Mais venons-en à la généralisation du tiers payant, votre drapeau. C’est encore une idée démagogique qui produira de la désorganisation et de la défiance. Les médecins manifestent leur mécontentement depuis des semaines, voire des mois, contre la généralisation du tiers payant, à travers de nombreux rassemblements ou par la fermeture des cabinets. Ce qui est irresponsable, c’est de tenter d’imposer une loi purement idéologique qui mettra fin à la médecine libérale en France.

M. Gérard Sebaoun. Et vos propos, ce n’est pas de l’idéologie ?

Mme Valérie Boyer. Ce qui est irresponsable, c’est de généraliser le tiers payant. Alors que les médecins sont rares, vous les transformez en administrateurs de leur paperasse. En effet, avec la généralisation du tiers payant, le médecin sera contraint de vérifier les droits de chaque patient, de rechercher l’adresse des payeurs parmi quatre-vingt-six opérateurs de l’assurance maladie obligatoire et six cent quatre-vingt-deux organismes complémentaires. Et il devra vérifier dans ses comptes la bonne réception des règlements.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien sûr ! Elle a raison !

Mme Valérie Boyer. Vous ne vous attaquez pas à deux maux : la baisse de la démographie de la profession, qui est très préoccupante, et le manque d’enseignants à l’université.

En revanche, vous n’oubliez pas de restreindre la liberté de prescrire dans l’article 35 via le guide des médicaments. Puisque vous y avez fait allusion tout à l’heure, madame la ministre, c’est le petit livre rouge de l’étatisation de la santé !

Enfin, votre désamour pour le secteur privé est consacré par une absence de dialogue entre la ville et l’hôpital, entre les établissements de santé privé et publics, puisque vous cassez la mutualisation nécessaire au bon fonctionnement de notre système entre le public et le privé.

Pour finir, force est de constater que dans ce projet de loi, on ne trouve rien sur les déserts médicaux ; rien sur la médecine générale ; rien sur la médecine scolaire ; rien sur la consultation de médecine générale sauf des nouvelles tâches de secrétariat ; rien sur les crises sanitaires, aucune leçon n’a été tirée de la grippe ; rien sur le reste à charge ; rien sur les soins prothétiques et auditifs pour les classes moyennes…

Mme la présidente. Veuillez conclure, je vous prie.

Mme Valérie Boyer. …rien sur la gestion des risques ; rien sur l’organisation des soins ; rien sur la formation des médecins ; rien sur la démographie médicale.

Enfin, en dehors du titre du projet de loi qui le décrète : rien sur la modernisation du système de santé ; rien sur l’AME dont vous avez scandaleusement doublé le budget et rien sur Marseille qui a besoin d’un plan de sauvegarde, comme Dominique Tian l’a dit.

Mme la présidente. Merci, madame la députée…

Mme Valérie Boyer. Je termine, madame la présidente. Quel scandale de travailler dans ces conditions, puisque soixante-dix amendements ont été déposés aujourd’hui à quatorze heures. À quoi sert ce débat ?

M. Laurent Baumel. Avec vous, à rien !

Mme Valérie Boyer. Assumez votre position autoritariste, puisque vous n’écoutez ni les professionnels de santé, ni votre majorité, ni l’opposition : Laissez tomber la procédure accélérée et passez directement aux ordonnances – s’agissant de la loi santé, allons-y gaiement ! Ce texte est un déni de démocratie puisqu’il est voté dans ces conditions. Nous n’avons même pas pu étudier les amendements dont nous allons débattre ! La façon dont nous avons travaillé en commission et dont nous allons travailler cette nuit et dans les jours qui viennent est une première dans l’histoire de l’Assemblée nationale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay, pour cinq minutes et non pas six minutes et quarante-cinq secondes à l’instar de Mme Boyer.

Mme Michèle Delaunay. Madame la présidente, madame la ministre, le projet de loi que nous allons examiner est décisif.

Il est décisif pour tous les Français, pour leur qualité de vie à tous les âges, pour leur longévité. La santé est notre meilleur outil et notre meilleur atout dans toutes les circonstances de la vie. À nous tous d’être à la hauteur de ce grand rendez-vous qu’est une nouvelle loi de santé publique.

Décisif, ce projet l’est également pour l’avenir de notre système de santé et de notre Sécurité sociale, unique trésor de ceux qui n’ont rien, allié du nouveau-né comme du grand vieillard.

Nous ne pourrons assumer le coût de ce formidable cadeau qu’est la longévité, de même que le coût des remarquables progrès technologiques et thérapeutiques que connaît la médecine – en particulier dans le domaine du cancer – qu’en réduisant les maladies évitables et leur coût sanitaire et social, au prix d’une politique de prévention ferme, convaincue pour pouvoir être convaincante, et en affichant des objectifs forts, posés comme absolus, comme celui de la sortie du tabac en 2030. Je rêve de voir proposé à notre ambition et à celle de l’Europe une sorte de CAC 40 de la santé sociale : pourcentage de fumeurs, taux de mortalité prématurée, taux de couverture vaccinale, taux de suicide, pourcentage d’abandon de soins.

L’objectif de voir réduits chacun de ces indicateurs est atteignable. Il nous faut dire haut et fort ce qu’est une santé durable, ce qu’est une santé responsable individuellement et collectivement. Il nous faut affirmer que l’écologie humaine, dont l’axe principal est la réduction drastique des maladies évitables, qui sont presque toutes des maladies comportementales, compte pour nous davantage encore que la protection de l’ours des Pyrénées ou de l’angélique des ruisseaux.

Aujourd’hui, l’opinion publique est prête à nous accompagner dans cette vision résolument nouvelle que nous portons trop souvent avec des concepts anciens qui ne touchent pas les jeunes générations. Les leaders d’opinion ne sont plus ceux qu’ils étaient il y a cinquante ans, ce sont aujourd’hui ceux qui véhiculent sous des formes diverses – beauté, bien être, alimentation naturelle – qui sont les plus écoutés, qui font les plus forts tirages dans la presse et qui réunissent le plus grand nombre d’auditeurs ou de spectateurs fidèles.

Personne ne croit que ceux qui défendent dans cet hémicycle la santé et luttent contre les addictions et les produits toxiques soient soumis à quelque lobby que ce soit. N’ayons jamais peur de déplaire à ces groupuscules accrochés à des intérêts financiers et démontrons au contraire que ce que l’on pare parfois du terme de liberté de comportement, comme la liberté de fumer ou de boire, est en réalité une soumission à des pouvoirs financiers, cyniques et manipulateurs.

Dans ces temps de désamour généralisé de la politique, s’il y a un défaut dont aucun politique n’est jamais accusé, c’est le courage. Porter, politiser la santé est notre meilleure chance de n’avoir pas demain à privatiser la maladie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Madame la présidente, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi de santé est à l’image de tous les textes que votre Gouvernement a présentés depuis le début de la mandature, madame la ministre : idéologique, fourre-tout et surtout déconnecté de la réalité.

Ce texte est décrié par tous les professionnels de santé, et il a d’ailleurs fallu des mois avant que vous n’acceptiez de les associer à la réflexion. Cette concertation est arrivée bien trop tard et n’a finalement servi qu’à soigner les apparences, car aucun ajustement n’a vraiment pris en compte les revendications des professionnels, qui n’ont pas été entendues.

Un texte aussi important, madame la ministre, aurait mérité un travail plus précis, moins brouillon. Il aurait mérité que les professionnels soient véritablement associés dès le début des réflexions à la rédaction. Mais surtout, il devrait porter une véritable ambition pour notre système de santé et répondre aux nombreuses questions auxquelles notre pays est confronté.

Encore une fois, vous êtes passée à côté des préoccupations des Français. Vous avez choisi de vous focaliser sur des mesures d’annonce au lieu de régler les problèmes. Pourquoi centrer le débat sur vos mesures de lutte contre le tabagisme ou la généralisation du tiers payant au lieu de prendre à bras-le-corps les problèmes essentiels comme la complémentarité public-privé, l’innovation, la recherche, et surtout la répartition territoriale de l’offre de soins ?

La généralisation du tiers payant ne résoudra pas la défaillance majeure de notre système de santé, à savoir la désertification médicale. Cette généralisation va, il est certain, surcharger de travail des médecins et surtout déresponsabiliser les patients qui finiront par oublier que la santé a un coût.

Les mesures prévues en la matière sont largement insuffisantes. La multiplication des maisons de santé pluridisciplinaires ou encore le renforcement de la formation des professionnels de santé n’ont pas apporté de réponses concrètes à ce problème jusqu’à présent.

Vous affichez une volonté de simplification et d’assouplissement des plans régionaux de santé et de répartition des professionnels sur le territoire, certes. Mais les inquiétudes quant à la répartition des médecins généralistes ou spécialistes sur le territoire français persistent.

La santé pour tous, madame la ministre, passe par une couverture équilibrée du territoire en matière de santé. Vous voulez un accès aux soins du plus grand nombre ? Alors la question n’est pas de généraliser ou non le tiers payant mais bien de permettre à tous les patients de trouver un médecin.

De ce point de vue, il serait d’ailleurs particulièrement intéressant de s’inspirer de l’accord conventionnel signé en septembre 2008 entre l’assurance maladie et les syndicats d’infirmiers libéraux, qui tend à attirer les professionnels sur les territoires abandonnés. Un accord et des mesures similaires pourraient être mis en place avec les médecins. Le zonage pourrait être étendu à ces professionnels, ce qui permettrait d’attirer les médecins sans créer de concurrence entre les territoires ni, surtout, porter atteinte à leur liberté.

Dans son esprit, votre texte porte une volonté de mettre en place une médecine réglementée et administrée, portant atteinte à la liberté des professionnels, mais occulte totalement la mise en place d’une véritable politique d’aménagement du territoire. Préservez la liberté des médecins qui, en contrepartie, font bien des sacrifices et acceptent bien des contraintes sociales – je ne rappellerai pas les quatre-vingt-dix jours de carence, le temps de travail ou les gardes – facilitez l’exercice de leur profession qui bénéficie au quotidien à l’ensemble des citoyens et attaquez-vous réellement aux véritables problèmes.

Madame la ministre, je vous demande de construire un système de santé pour tous les Français, pas un système de santé basé sur une idéologie quelconque ou uniquement construit pour satisfaire votre électorat. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Madame la présidente, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, je voudrais intervenir sur une petite partie du texte : l’article 13 et les questions de santé mentale qu’il soulève. Je me référerai non seulement à l’article, mais aussi à l’amendement que le Gouvernement a déposé à son propos, afin d’être actuel dans le mien.

Sur la question des secteurs, tout d’abord, je me félicite qu’à l’inverse de la loi HPST…

M. Dominique Tian. On ne vous voit pas vous féliciter avec beaucoup d’enthousiasme !

M. Denys Robiliard. Monsieur Tian, vous regardez mal, il faudrait peut-être que vous vous procuriez des lunettes ! (Sourires.)

M. Dominique Tian. C’est trop long pour en avoir !

M. Denys Robiliard. À l’inverse de ce que prévoyait la loi HPSCT, je me félicite donc que le secteur ait une place dans ce projet de loi, et qu’au lieu de le supprimer du code de la santé publique, on l’y réintroduise.

Le secteur, c’est les lettres de noblesse de la psychiatrie en France, et c’est un des modèles qui lui est propre. Il a reçu ses lettres de noblesse de Toskaïev et Bonaffé, il a été institué au plan administratif par une circulaire de 1960, et beaucoup de psychiatres y sont extrêmement attachés.

Aujourd’hui, si nous devions nous reposer la question de l’organisation de la psychiatrie en France, nous partirions de la chronicité de la maladie ; nous constaterions la nécessité de ne pas couper le malade de ses racines amicales, sociales et familiales ; nous constaterions la persistance du besoin d’articuler le médical, le médico-social et le social ; et par conséquent, nous retrouverions la nécessité d’un secteur, quel que soit le terme qu’on lui donne. Ce qui est à l’origine du secteur et qui le rend nécessaire continue d’exister aujourd’hui.

Je me félicite également qu’à la faveur de l’amendement du Gouvernement, et suite à un travail mené notamment par Mme la rapporteure Bernadette Laclais, les conseils locaux de santé mentale aient désormais une place dans ce texte. Cette institution s’est développée à l’initiative des collectivités territoriales, ils sont animés par l’association « Élus, Santé Publique

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Besse.

Mme Véronique Besse. Madame la présidente, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, la France est dotée d’un système de santé unique et, il faut bien le dire, envié. Ce système a bénéficié de nombreuses avancées scientifiques qui permettent de soigner aujourd’hui beaucoup mieux qu’autrefois. Pour autant, les difficultés ne manquent pas : le vieillissement de la population, avec la question de la prise en charge de la dépendance mais également celle d’une offre soins adaptée ; le budget, avec la hausse des dépenses de santé et le désengagement de l’État ; l’augmentation et la banalisation des comportements à risques qui mettent en danger la vie de bon nombre de nos concitoyens, en particulier des plus jeunes.

Je souhaite appeler votre attention sur trois points qui me paraissent essentiels.

Le premier est le risque d’une médecine à deux vitesses. Vous avez souhaité proposer la généralisation du tiers payant. Sur le principe, c’est une belle idée, mais vous serez rattrapés par la réalité. Faciliter l’accès aux soins, c’est bien, mais encore faut-il que les médecins aient le temps de recevoir les patients. Le risque de patinage est bien réel. Pour vivre de leur travail et obtenir un remboursement, les médecins devront vérifier l’affiliation de chaque patient à l’une des centaines de mutuelles existantes : c’est autant de temps qu’ils ne consacreront pas à soigner leurs patients. Dans les zones déficitaires, la mise en place du tiers payant généralisé sous cette forme va avoir des conséquences désastreuses : des milliers de médecins seront débordés. En bref, le texte que vous proposez va engendrer une médecine à deux vitesses entre les zones déficitaires et les zones excédentaires, et tout simplement détériorer encore plus l’accès aux soins.

Le deuxième enjeu, qui touche des millions de Français, est le droit à l’oubli, qui consiste à permettre à une personne de ne pas subir toute sa vie le poids d’une maladie dont elle est guérie. Madame la ministre, le droit à l’oubli que vous avez inscrit dans votre projet de loi est une bonne chose : il permet à toute personne malade de préparer l’avenir en cas de rémission, de construire, de se reconstruire, d’emprunter, de se projeter et de vivre, tout simplement. Mais, à ce stade, il n’est qu’un demi-droit car il ne s’appliquera qu’aux pathologies cancéreuses survenues avant l’âge de 15 ans : cela concerne 7 500 enfants. Comme bon nombre de Français, je crois qu’il faut aller encore plus loin en commençant par l’étendre à tous les mineurs jusqu’à 18 ans.

Aujourd’hui, on compte 3 millions de personnes malades du cancer dans notre pays, mais les malades de cancer concernés par ce droit à l’oubli sont près de 10 millions. Grâce aux soins qui leur sont apportés, au bout de cinq ans sans rechute, les médecins n’hésitent plus aujourd’hui à annoncer à des patients qu’ils sont guéris. Or, pour les assurances, ces patients seront toute leur vie marqués au fer rouge du cancer, surtout avec le dossier électronique partagé que vous voulez mettre en place et qui conservera la mémoire de l’état de santé de chaque patient. Quinze après la fin des traitements, les assurances continuent à imposer des surprimes, parfois de plus de 100 %, associées à des exclusions de garantie.

Aujourd’hui, le cancer touche chaque année 350 000 personnes, dont 100 000 pour des pathologies à très bon pronostic – plus de 80 % de survie à cinq ans selon les chiffres de l’Institut national du cancer. Pour tous ceux-là, il est temps de mettre un terme à cette double peine que constituent la période de maladie et les obstacles qui s’ensuivent. Il est aujourd’hui temps de songer sérieusement à inscrire dans la loi un droit à l’oubli, au bout de cinq ans, pour les adultes guéris d’un cancer et bénéficiant du même taux de survie que les enfants. C’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé.

Enfin, le troisième point que je souhaite évoquer concerne les conséquences de votre politique de prévention. Vous souhaitez mettre en place un parcours éducatif de santé dès le plus jeune âge, mais les objectifs sont particulièrement flous. Rien n’est précisé sur le contenu du parcours. Rien n’est dit non plus sur l’éducation à la responsabilité. S’agira-t-il d’aider des jeunes à être autonomes, à être véritablement libres de toute dépendance ? La responsabilité est bien la pièce manquante de ce projet de loi. La politique préventive proposée n’est pas cohérente : elle oscille dangereusement entre interdiction et déresponsabilisation. Où est la responsabilité quand on supprime le délai de réflexion de l’IVG ? Ne plus réfléchir, voilà le mot d’ordre ! Où est la responsabilité quand on crée des salles de shoot, quand on facilite et cautionne la dépendance d’une personne à une drogue ? D’un côté, on facilite l’usage de drogue ; de l’autre, on veut interdire l’image festive de l’alcool. Où est la cohérence dans cette politique de prévention ?

M. Arnaud Robinet. Il n’y en a pas !

Mme Véronique Besse. En réalité, on interdit et on autorise, on dirige plutôt qu’on responsabilise. Madame la ministre, votre politique de prévention est à l’image de ce projet de loi : c’est tout simplement la voie de l’échec. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, notre système de santé français est reconnu dans le monde, mais il peine à survivre, du fait d’inégalités d’accès aux services, inégalités sociales et territoriales. Pourtant, nous devons préserver ce système, donc l’adapter et le moderniser. Il est performant, grâce aux professionnels de santé engagés dans leurs missions, de l’agent hospitalier aide-soignant à l’accompagnant social et au grand spécialiste expert d’une maladie très rare, en passant bien sûr par le grand corps des infirmiers et infirmières. Chacun et chacune apporte sa contribution à une prise en charge de qualité des patients, lesquels doivent être traités avec la plus grande humanité. C’est ici l’occasion de rendre hommage aux professionnels de santé, qui travaillent dans des conditions souvent difficiles et dans un contexte financier contraint.

La mesure emblématique de ce texte est la généralisation du tiers payant. Mais elle n’est pas la seule : il faut également citer l’affirmation du service public hospitalier et bien d’autres mesures garantissant ce que vous avez appelé, madame la ministre, la « République sociale », qui redonne une juste place à l’usager et au patient. Je vous félicite, madame la ministre, d’avoir mené les concertations et les négociations depuis déjà plusieurs mois. Vous restez à l’écoute, avec beaucoup de patience. Vous nous présentez un texte qui a évolué tout au long des semaines passées afin de trouver les bons équilibres. Votre projet de loi entend assurer l’universalité d’un système de santé de qualité pour tous et partout, alliant le respect des intérêts des professionnels, la vigilance budgétaire et la justice sociale. Pour y parvenir, il s’articule autour de cinq titres : renforcer la prévention et la promotion de la santé ; faciliter au quotidien les parcours de santé ; innover pour garantir la pérennité de notre système de santé ; renforcer l’efficacité des politiques publiques et la démocratie sanitaire ; simplifier notre système pour plus d’efficacité.

Pour nos concitoyens, l’accès aux soins est une source d’inquiétude et parfois d’angoisse, particulièrement dans nos territoires ruraux. Le maintien d’un système de soins efficient est fragile. À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes dans le pays de Guingamp est inférieure à 6 pour 10 000 habitants, alors que la densité moyenne de la région Bretagne est de 9,7 pour 10 000 et que la densité moyenne nationale est de 9,5 pour 10 000. De manière anecdotique, je vous citerai l’exemple d’un médecin de ma circonscription qui vient de prendre sa retraite bien méritée à l’âge de 93 ans, faute de remplaçant. Notre territoire offre à ceux qui choisissent d’y habiter une qualité de vie extraordinaire et une bonne espérance de vie en bonne santé – la preuve ! –, mais le mode de recrutement des médecins a malheureusement conduit à ce qu’ils soient désormais issus d’une élite ayant grandi dans des grandes villes, ayant poursuivi des études hyper-spécialisées et préférant donc les CHU à la médecine de ville ou aux hôpitaux de proximité jugés peu prestigieux.

Les conséquences de la pénurie de médecins dans certains territoires sont aggravées par le vieillissement de la population. La demande de soins plus forte et les cas plus complexes pèsent lourdement sur l’activité des généralistes mais renforcent aussi la nécessité d’un bon maillage territorial des hôpitaux, au plus près des populations, dans le cadre de coopérations au sein des groupements hospitaliers de territoire que ce texte rend obligatoires.

Le maintien à domicile de nos aînés est devenu un enjeu de société mais nécessite une bonne coordination de tous les acteurs, plaçant la personne au cœur de l’offre de services. C’est ce que vous nous proposez, madame la ministre, en facilitant le parcours de santé.

Permettre à des jeunes de tous horizons sociaux de réussir des études de médecine, permettre aux professionnels de santé d’exercer leur métier dans de bonnes conditions, garantir à chacun de nos concitoyens les soins dont il a besoin au bon moment et au bon endroit, quels que soient son statut social, son handicap et sa fragilité dans son environnement : tels sont les défis de la stratégie nationale de santé inscrite dans ce projet de loi. Vous avez choisi l’adhésion de la profession : je souhaite que vous réussissiez, madame la ministre, et que vos appels à la solidarité soient entendus.

Par voie d’amendement, je soumettrai à la discussion la question des ordres professionnels paramédicaux, particulièrement celui des infirmiers sur lequel j’ai travaillé depuis 2013. J’ai auditionné de nombreux acteurs : l’Ordre national des infirmiers – ONI –, les syndicats, divers représentants des professionnels libéraux et salariés, les représentations locales de l’ONI et, tout simplement, de nombreuses infirmières en exercice, mais également le Haut conseil des professions paramédicales.

Depuis sa création en 2006, l’Ordre national des infirmiers n’est pas parvenu à convaincre : une majorité de la profession, tant libérale que salariée, est opposée à cette instance. Alors que près de 600 000 personnes sont titulaires du diplôme en France, moins de 30 000 infirmiers et infirmières ont voté lors des dernières élections, soit 5 % de la profession, malgré une forte incitation des nouveaux recrutés. L’ordre n’est pas représentatif de la profession. Il crée des tensions au sein d’une profession qui a besoin d’un rassemblement et d’une évolution du métier, en lien avec les autres professionnels de santé.

Il conviendrait donc de réexaminer les missions dévolues à l’ordre, dans un souci de simplification et afin d’éviter les doublons, notamment concernant la démographie et la régulation de la profession. La réorganisation envisagée devrait être effectuée en lien avec les agences régionales de santé, le Haut conseil des professions paramédicales et les tribunaux de droit commun. Elle supposerait de veiller à trouver des solutions pour le personnel exerçant dans ces structures. Si la majorité de notre assemblée ne souhaitait pas supprimer l’Ordre national des infirmiers, je proposerais que l’adhésion des infirmiers soit rendue facultative afin de régler le risque juridique lié à la non-adhésion d’une majorité de professionnels. Cette proposition vaut pour l’ensemble des ordres paramédicaux créés depuis 2004.

Ce projet de loi va susciter de nombreuses discussions. Je souhaite que celles-ci soient constructives et aboutissent à un bon compromis, déjà bien engagé, qui préserve les objectifs fixés par notre majorité, marqueurs d’une politique de gauche solide et solidaire. Je sais pouvoir compter sur votre détermination au service de la santé de tous et partout. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi de modernisation de notre système de santé que nous examinons est un texte ambitieux, qui améliorera profondément la vie de nos concitoyens…

M. Jean-Pierre Vigier. Eh bien dites donc !

M. Philip Cordery. …en rendant l’accès aux soins plus facile, en accentuant la prévention et en optimisant l’organisation territoriale de la santé. Je veux rendre hommage à la ministre, Marisol Touraine, qui s’est pleinement investie dans ces objectifs ambitieux. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Avec la généralisation du tiers payant, la France s’inscrit dans une dynamique européenne qui lui permettra de rattraper son retard. Elle va rejoindre les vingt-trois autres États membres de l’Union européenne qui ont déjà instauré ce dispositif. Dans tous ces pays – l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, pour n’en citer que quelques-uns –, les dispositifs de tiers payant varient mais le résultat est le même : on évite aux patients l’avance des frais et on assure aux médecins qu’ils seront payés.

M. Jean-Pierre Vigier. Ce n’est pas sûr !

M. Philip Cordery. C’est une vraie avancée quand on sait qu’en 2013, un Français sur trois déclarait renoncer ou reporter des soins, pour lui ou sa famille, en raison de difficultés financières.

La comparaison avec les autres pays européens permet aussi de prendre du recul par rapport aux craintes exprimées. Le rapport de l’IGAS l’a confirmé : si, dans certains pays, on a observé un surplus de consultations, il s’agissait d’un rattrapage et non d’une surconsommation. En effet, les consultations supplémentaires étaient le fait d’une population plus modeste qui, initialement, se soignait moins, mais à qui le tiers pays permettait de consulter le médecin autant que d’autres catégories sociales. Ce surplus-là, nous l’assumons : c’est une question de santé publique et d’égalité.

Ce projet de loi encourage aussi la prévention, qui a pour double effet d’améliorer la santé des Français et de limiter les coûts pour la Sécurité sociale. C’est particulièrement vrai pour le tabac. Une partie de la prévention sera plus efficace si elle est également mise en œuvre au niveau européen. La mise en place du paquet neutre est une mesure salutaire dans la lutte contre le tabagisme, et elle sera encore plus efficace si elle est généralisée à l’échelle européenne. Des pays comme la Grande-Bretagne et l’Irlande ont déjà voté en faveur du paquet neutre ; le reste des États membres de l’Union européenne devrait suivre. C’est le sens de la proposition de résolution européenne que j’ai déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, appelant à la généralisation du paquet neutre au niveau européen, mais aussi à une plus grande harmonisation de la fiscalité sur le tabac, pour éviter les distorsions dans les zones transfrontalières et favoriser une lutte plus intensive du commerce illicite de tabac.

La prévention contre les pratiques abusives d’alcool est également traitée dans ce texte. La lutte contre les comportements à risques des jeunes – notamment le binge drinking, l’alcoolisation massive des jeunes qui semble être répandue en France et dans toute l’Europe – doit être prioritaire.

La répression de l’incitation à l’ivresse lors de séances de bizutage ou la création d’une infraction générale sur la provocation à la consommation excessive d’alcool avec une majoration de peine pour les mineurs sont autant de mesures utiles contenues dans ce projet de loi.

Toutefois, la consommation d’alcool ne peut être assimilée à ces seuls comportements. Le vin est un produit de bouche et constitue un pilier de notre patrimoine gastronomique. C’est un vecteur de nos exportations à l’étranger et un moteur de croissance de notre agriculture. Le travail de nos viticulteurs est reconnu partout en Europe et dans le monde. Il est important de le reconnaître en France et de ne pas les fragiliser. La prévention, pour être efficace, doit être raisonnable et adaptée.

Ce projet de loi permettra enfin de mieux organiser l’offre de soins sur notre territoire. L’ensemble des Français y compris ceux qui vivent dans les zones frontalières doivent pouvoir bénéficier de cette avancée. La coopération hospitalière, les synergies entre professionnels de santé ou tout simplement la proximité géographique peuvent conduire un patient à vouloir se soigner de l’autre côté de la frontière ; il doit pouvoir continuer à le faire.

Le projet de loi instaure la mise en place d’un schéma régional de santé qui s’appuiera sur un diagnostic territorial afin de formuler une organisation territoriale adaptée aux besoins de la population. Dans un amendement, je proposerai donc que lors de l’identification des besoins, les agences régionales de santé puissent, lorsque cela est pertinent dans les territoires frontaliers, prendre en compte les coopérations existantes comme celles qui existent entre les hôpitaux de Tourcoing et de Mouscron en Belgique dans le domaine de l’imagerie, de Forbach et Völklingen en Allemagne dans le domaine cardiaque ou bien encore sur la frontière franco-espagnole avec l’hôpital transfrontalier de Puigcerdà.

Elles pourront dès lors travailler avec les acteurs situés de l’autre côté de la frontière s’agissant des besoins des populations et de l’offre existante afin de proposer aux habitants de ces zones le meilleur service de santé possible.

Je vous invite, mes chers collègues, à pleinement soutenir ce projet de loi qui constitue une avancée pour la santé de l’ensemble des Français en matière de prévention, de prise en charge et d’accès à des soins de proximité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues rapporteurs, chers collègues, sur un sujet aussi important puisqu’il concerne notre système de santé, les Français sont en droit d’attendre une réforme de fond. Oui, une grande réforme structurelle élaborée en concertation avec les acteurs de la santé, mais tel n’est pas le cas et vous n’avez même pas mis en place au préalable une conférence de la santé, repoussée à plus tard, trop tard.

Les professionnels, les médecins sont aujourd’hui sévères à votre égard et le malaise est profond.

La généralisation du tiers payant intégral portant tant sur la part obligatoire que la part complémentaire des frais de santé inquiète particulièrement les médecins. En raison de la complexité de gestion notamment, ils craignent de perdre leur indépendance professionnelle.

Cette perte d’indépendance est par ailleurs consacrée par une contractualisation individuelle proposée en liaison avec les agences régionales de santé sur des objectifs de pratiques, de prescriptions et de dépenses définis avec l’assurance maladie, mais aussi par une liste à établir par la Haute autorité de santé des médicaments à utiliser préférentiellement, et des pratiques les plus efficientes.

M. Dino Cinieri. Absolument.

M. Bernard Perrut. Le tiers payant conduira à supprimer la notion de coût de la santé. Il va à l’encontre de notre souci de responsabiliser les patients sur leurs dépenses sociales, et aura des conséquences inflationnistes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais non !

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais si !

M. Bernard Perrut. Ne donnons pas l’illusion de la gratuité des soins. En dépréciant les actes médicaux, ils deviennent virtuels et sans valeur financière !

On mesure les difficultés techniques d’application du tiers payant et votre dispositif demeure contraignant même si son agenda est progressif et si sa généralisation s’effectuera par étapes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi.

M. Bernard Perrut. Comment cela va-t-il fonctionner ? Cette mesure coûteuse est-elle une priorité, madame la ministre, quand l’assurance maladie accuse un déficit de plus de 7 milliards cette année ?

Nous aurions préféré que vous agissiez sur le reste à charge de certains soins – optique, dents, audio prothèse – qui génèrent les plus graves inégalités de la santé au quotidien.

M. Christian Paul. Ce n’est pas incompatible.

M. Bernard Perrut. C’est cela qu’attendent les Français, mais vous restez sourds à leurs attentes.

M. Dino Cinieri. En effet.

M. Bernard Perrut. Les médecins ne veulent pas une étatisation de la médecine libérale, ils l’ont clairement exprimé. C’est pourquoi ils refusent et nous refusons la création d’un service territorial de la santé publique qui viserait à mettre en œuvre une organisation quasi administrative de la médecine libérale.

Avec l’article que vous avez réécrit, le rôle des médecins libéraux de premier recours va être reconnu au travers de la constitution d’équipes de soins primaires et la création de communautés professionnelles territoriales de santé laissées à l’initiative des professionnels.

Il convient aussi d’envisager un troisième dispositif autour d’équipes de soins de proximité constituées autour d’une équipe de soins primaires et professionnels de santé de premier et deuxième recours. Donnons, mes chers collègues, toute sa place à la médecine libérale de proximité, sur tous nos territoires !

M. Arnaud Robinet. Très bien.

M. Bernard Perrut. Concernant le service public hospitalier, l’article 26 a été modifié, et si certaines précisions ont été apportées, elles sont loin d’être suffisantes puisque les établissements privés se retrouveront toujours exclus, de fait, du service public hospitalier en raison de l’interdiction de pratiquer les dépassements d’honoraire.

Les sujets de société dans ce texte portent des évolutions dont certaines sont dignes d’intérêt, d’autres nous interrogent ou nous conduisent au refus.

Soutenir les jeunes pour l’égalité des chances en matière de santé est un objectif louable. La mise en place d’un véritable parcours de soins de l’enfant intégré au parcours scolaire est une action positive, mais elle ne saurait être efficace si les parents ne sont pas étroitement associés aux actions proposées.

M. Dino Cinieri. Absolument.

M. Bernard Perrut. Le droit à l’oubli est une avancée afin que des personnes ayant eu des pathologies cancéreuses puissent accéder à l’emprunt sans majoration de tarifs et d’exclusion de garanties. Cela est-il suffisant ? Il faut ouvrir cette disposition plus largement.

Et quant au don d’organe, le consentement présumé en cas de non-inscription au registre national du refus prévu à cet effet m’interpelle beaucoup. À mon sens, vouloir sécuriser les greffes en instaurant le don d’organes par défaut sans avoir à consulter la famille du défunt n’est pas acceptable.

Quant à la mise en place d’une expérimentation de salles de consommation à moindre risque ou salles de shoot, ce n’est pas une avancée, mais une rupture grave des politiques de lutte contre les toxicomanies en abandonnant les toxicomanes à leurs addictions. Alors que les pays qui ont expérimenté ces salles y renoncent en raison d’un grand nombre de difficultés, ce n’est pas une mesure responsable.

Madame la ministre, vouloir supprimer le délai de réflexion de sept jours pour les femmes qui souhaitent une interruption volontaire de grossesse conduit à la banalisation d’un acte médical pourtant important.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi.

Mme la présidente. Il faut conclure.

M. Bernard Perrut. Et s’il s’agit d’un droit qui relève d’une décision personnelle prise après réflexion, une écoute et un accompagnement dans des moments souvent marqués par la solitude et la détresse sont indispensables.

Les articles qui touchent à l’information sur la qualité nutritionnelle des produits et à la prévention sont intéressants.

Si nous sommes tous d’accord sur le besoin de lutter contre les comportements, les addictions et les excès dangereux pour la santé, ne remettons pas en cause, madame la ministre, mes chers collègues, le fondement de la prévention contre les risques associés à la consommation excessive des boissons alcoolisées. Ne remettons pas en cause les fondements de la loi Évin… (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, les inégalités de santé sont pour moi parmi les plus insupportables. Que nos concitoyens ne soient pas égaux face à la maladie et l’accès aux soins ne peut qu’être un moteur de révolte. Réduire les inégalités sociales de santé ne peut qu’être au cœur de notre action, c’est la responsabilité de la gauche que d’agir en la matière.

La santé est une préoccupation quotidienne pour toutes et tous. Des questions simples sont pourtant récurrentes. Si je suis malade, combien cela me coûtera-t-il de me soigner ? Trouverai-je à proximité de mon domicile les soins dont j’ai besoin, et financièrement accessibles ? Comment serai-je accompagnée ? Mon médecin traitant sera-t-il informé des soins que l’on m’aura dispensés à l’hôpital ?

À toutes ces questions, les Français ne trouvent malheureusement pas toujours de réponses positives partout sur le territoire.

De ce point de vue, il faut donc faire évoluer notre système de santé, qui connaît des dysfonctionnements, aggravés par ailleurs par la loi HPST. Il faut en finir avec des choses qui marchent sur la tête : ne pas mettre la prévention au centre du système, ne pas organiser davantage de coordination entre les acteurs du parcours de soins ou ne pas mettre en œuvre toutes les solutions pour renforcer l’accès aux soins sont autant d’éléments contre-productifs tant par rapport à l’état sanitaire du pays que par rapport aux coûts que ces non-choix engendrent.

Sur ces différents points, le texte que vous nous présentez, madame la ministre, fait des propositions qui permettent de remettre les choses dans le bon sens.

J’aborderai trois mesures particulières du texte. Évidemment pour commencer, le tiers payant, mesure emblématique. Emblématique car elle permettra de faire un pas en avant pour l’accès aux soins. On a entendu dans le débat public et politique et encore à l’instant dans l’intervention de notre collègue Perrut, beaucoup d’arguments contre cette mesure : le fameux "cela déresponsabilise les patients, cela va provoquer une inflation des soins…".

M. Bernard Perrut. C’est hélas la vérité.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Comme si aller chez le médecin était un hobby pour nos concitoyens. En outre, quelle étrange conception d’une relation de soins qui ne pourrait être fondée que sur l’échange d’argent. On a également entendu que la question de l’accès aux soins était réglée avec la CMU-C – la couverture maladie universelle et complémentaire – et l’ACS, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.

Je voudrais rappeler que, si la majorité a augmenté les plafonds d’attribution de ces aides, le plafond de revenu mensuel pour bénéficier de l’ACS est de 972 euros par mois, et celui de la CMU-C de 720 euros par mois. Il semble évident que des personnes se situant au-dessus de ce plafond peuvent connaître des difficultés d’accès aux soins : c’est bien mal connaître la réalité de la vie quotidienne que d’imaginer que tel ne serait pas le cas.

Certes, la question des personnes ne bénéficiant pas de couverture complémentaire demeure posée, et j’y reviendrai ; mais pour les dizaines de millions de personnes qui en bénéficient, le tiers payant lèvera indéniablement des obstacles, et c’est bien pour cela qu’il est de notre responsabilité de tout faire pour le mettre en œuvre, en ne sous-estimant pas les difficultés techniques, mais en se fixant comme objectif de les résoudre, pas en se cachant derrière, comme prétexte pour ne rien faire.

Je voudrais par ailleurs dire que le tiers payant est aussi l’exemple d’une mesure de progrès et de justice de nature à rassembler le soutien de l’ensemble de la gauche : je souhaite que ceci puisse être un appel pour les mois à venir…

J’évoquerai ensuite les mesures qui viennent renforcer à plusieurs reprises dans le texte la place des maisons pluridisciplinaires et des centres de santé. Les centres de santé en particulier contribuent au renforcement de l’accès aux soins et des missions de prévention, notamment dans les territoires défavorisés et en direction des publics fragiles. Ils répondent par ailleurs, à travers l’exercice coordonné et regroupé, aux attentes des professionnels de santé en matière de nouvelle organisation du travail, de conciliation de la vie personnelle et professionnelle, et donc de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je présenterai plusieurs amendements pour renforcer leur place dans le texte.

Enfin, je voudrais revenir sur un autre débat qui un objet de clivage avec l’opposition, celui de la question des salles de consommation à moindre risque. On a accumulé au sujet de ces salles une somme de contrevérités que nous ne manquerons pas de corriger pendant nos débats.

Je voudrais simplement rappeler dans cette discussion générale que ces salles, et des exemples internationaux l’attestent, présentent un intérêt thérapeutique pour les personnes très marginalisées et éloignées des dispositifs existants, qu’elles contribuent à faire baisser le nombre de décès par overdose, de même que le partage des seringues, et qu’elles présentent des effets positifs en termes d’amélioration de la tranquillité publique. Nous aurons donc l’occasion de vous démontrer qu’en la matière, votre réaction épidermique n’est pas fondée et va à l’encontre d’objectifs de santé publique.

Pour conclure, tous les sujets ne sont certes pas réglés par ce texte. Des questions lourdes demeurent devant nous dans les années à venir, notamment s’agissant de l’organisation de notre système de santé : le lien assurance maladie obligatoire et complémentaire, comment renforcer l’assurance maladie obligatoire, comment réguler la place des complémentaires, comment mettre en œuvre des solutions pour nos concitoyens qui n’en disposent toujours pas ?

Ces questions structurelles appellent à poursuivre des réflexions de long terme. Quoi qu’il en soit, il est indéniable que le texte dont nous débattons est un texte de justice et de progrès, et je ne doute pas que les débats permettront de l’enrichir encore. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Madame la ministre, je n’ai pas écrit de discours, car je souhaitais rebondir sur les propos liminaires que vous avez tenus cet après-midi en présentant votre projet de loi.

Certains articles sont peut-être estompés par certains autres, plus catégoriels. Vous avez ainsi déclaré que le lien entre la santé et l’environnement était un élément essentiel de la santé publique du XXIsiècle et je souscris à ce jugement. Or, personne ne parle de l’article 10, alors que tout le monde parlait, la semaine dernière, de la pollution par les particules fines. Je me suis intéressé à ce sujet, ou du moins ai-je milité sur ces questions – j’ai en effet été président, pendant cinq ou six ans, de la fédération nationale des associations de surveillance de la qualité de l’air. Nous avions alors donné l’alerte – un peu dans le désert, à l’époque – quant au risque sanitaire lié à ces particules fines. Et voilà que sont enfin inscrites dans la loi une information obligatoire de nos concitoyens et une possibilité réelle de connaître les risques pour la santé. C’est là un point essentiel dont personne ne parle.

Je souligne à ce propos l’importance des associations de surveillance de la qualité de l’air, qui coûtent très peu cher, car elles sont essentiellement composées de volontaires, et qui méritent d’être soutenues par votre ministère.

J’évoquerai en deuxième lieu l’article suivant, consacré à l’amiante au titre des risques sanitaires liés à l’environnement. Comme beaucoup de nos collègues, je suis particulièrement sensible à la situation des victimes de l’amiante et au fait que certains de nos concitoyens aient travaillé dans des milieux amiantés et en soient morts. Il faut maintenant s’occuper des suites de cette situation, ainsi que des difficultés et des risques que peut présenter aujourd’hui le désamiantage pour les travailleurs qui s’y emploient. L’article 11 reprend cette considération essentielle, dont bien peu de gens parlent.

Mon troisième point sera un petit coup de colère envers le président de la commission des finances, à propos d’un amendement sur lequel, madame la ministre, nous avons travaillé avec votre ministère et vos collaborateurs et qui était porté depuis des années par les associations de victimes de l’amiante : alors que le malade de l’amiante voit son état reconnu par la caisse d’assurance-maladie sans qu’une deuxième analyse par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante – le FIVA – soit nécessaire, les familles subissent, si le malade est décédé, une double peine, car elles doivent faire procéder à un double examen, par la caisse et par le FIVA.

L’amendement visait simplement à simplifier les choses : face au drame moral que représente cette situation anxiogène, il nous semblait essentiel que les veuves et les familles des personnes décédées n’aient besoin que d’un seul avis, immédiat et légitime. C’était là une vieille revendication, que vous avez acceptée et soutenue, mais qui n’a pas été acceptée par le président de la commission des finances. C’est incroyable, car cette mesure n’entraînait pas de dépenses supplémentaires, mais au contraire plutôt des économies.

Le président de la commission des finances a déclaré que mon amendement n’était pas recevable. Or, il n’est économiquement pas dangereux, et même plutôt intéressant, car la suppression d’une double instruction se traduit par une économie de temps et d’argent. Je souhaiterais donc, madame la ministre, que vous repreniez cet amendement lors de la discussion des articles. Je pense que vous donnerez ce signe important pour les victimes de l’amiante, en particulier pour les veuves, et que l’ensemble de nos collègues, sur tous les bancs, en seront d’accord, car il s’agit d’un amendement de bon sens et d’une marque de respect envers les victimes de l’amiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Rémi Delatte.

M. Rémi Delatte. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, l’examen d’une loi sur la santé génère toujours beaucoup d’émulation et d’intérêt, tant les enjeux sont majeurs, et nombreux les défis à relever. Ainsi, adapter notre système de soins aux évolutions technologiques et aux attentes des patients est nécessaire ; compléter, six ans plus tard, certaines dispositions de la loi HPST est utile ; lutter contre les difficultés d’accès aux soins est une exigence et amplifier l’effort de prévention est indispensable.

Aussi, nous attendions que ce projet de loi santé rassure les professionnels, confrontés à une évolution sans précédent de leur environnement d’exercice, et oriente leur avenir. Nous attendions qu’il donne toute sa place à la prévention, pour autant qu’elle s’inscrive dans une dimension consensuelle. Nous attendions qu’il conjugue les compétences et l’excellence de nos systèmes public et privé dans une même entité hospitalière au service de tous les Français.

Or, madame la ministre, vous nous proposez un projet empreint d’idéologie, qui fracture le monde de la santé sans visée fédératrice, à tel point qu’il a conduit à une mobilisation inédite des professionnels de santé contre lui. Un projet qui ne place plus le patient au cœur du système de soins, dans ses droits élémentaires au libre choix du médecin et à la confidentialité de ses données personnelles. Un projet qui planifie, contractualise et administre l’offre de soins comme au temps du Gosplan soviétique, au siècle dernier.

M. Philip Cordery. Quelle caricature !

M. Rémi Delatte. Lors de la séance de questions au Gouvernement du 18 février, j’ai suggéré à M. le Premier ministre de retirer ce projet pour le réécrire en concertation avec les professionnels. Je me suis vu répondre que la concertation avait eu lieu et que les ajustements nécessaires interviendraient dans l’Hémicycle.

Je regrette, madame la ministre, qu’une fois de plus le Gouvernement soit resté insensible aux voix de son opposition, vous obligeant finalement à déposer des amendements au terme du délai de forclusion, dont sept de réécriture des articles les plus structurants de votre texte initial,…

Mme Valérie Boyer. C’est lamentable !

M. Rémi Delatte. …tout ceci dans le plus grand mépris du travail parlementaire.

Mme Valérie Boyer. Oui !

M. Rémi Delatte. Hélas, les nouvelles versions et vos amendements de commission sont vains, voire dangereux.

L’article 4, par exemple, remet en cause le consensus trouvé avec la filière viticole sur les modalités de publicité des boissons alcoolisées : après le Gosplan, voilà revenu le ministère de l’information, à qui il reviendra de fixer par arrêté la liste et les caractéristiques des informations sanitaires des messages publicitaires et promotionnels. En stigmatisant les produits au lieu de lutter contre l’abus de consommation, vous vous détournez résolument de l’esprit originel de la loi Evin,…

M. Dino Cinieri. Il a raison !

M. Rémi Delatte. …alors que notre législation figure parmi les plus contraignantes en matière de marketing des boissons alcoolisées.

M. Bernard Perrut. Très bien !

M. Rémi Delatte. L’article 5, relatif à la lutte contre le tabagisme, instaure de nouvelles dispositions dont tant d’études démontrent l’inefficacité. Là encore, vous recourez aux approches hygiénistes du XIXsiècle, alors qu’aujourd’hui les campagnes de prévention doivent s’appuyer sur la mobilisation des ressources psychosociales des individus.

L’article 9 instituant l’expérimentation de « salles de consommation à moindre risque » donne à lui seul un signal abject, en particulier en direction des jeunes. La voie irresponsable que vous ouvrez, madame la ministre, est sans issue. Elle restera l’impasse du renoncement – le renoncement coupable à tout mettre en œuvre pour retirer les toxicodépendants de leur addiction, au lieu de banaliser la consommation de stupéfiants.

M. Serge Bardy. Vous dites n’importe quoi !

M. Rémi Delatte. L’article 18 a été totalement réécrit, mais aussitôt rejeté par le corps médical, qui perçoit l’improbable gestion du tiers payant qui lui incombe comme une forme d’aliénation, sans compter l’effet pervers de la généralisation de ce tiers payant en termes de déresponsabilisation du malade.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oh ! Les patients sont aliénés, maintenant ?

M. Rémi Delatte. Sur le plan hospitalier, la réécriture de l’article 26 confirme votre obstination à opposer le public au privé, alors qu’au contraire, il faut développer leur convergence, comme je le proposerai dans l’un de mes amendements.

Au fond, votre texte est d’un autre temps. M. le Premier ministre ne s’y est d’ailleurs pas trompé car, en catastrophe, il a annoncé une « grande conférence de santé » pour jeter les bases d’une véritable réforme de notre système de santé.

Madame la ministre, vous qui rêvez de laisser votre nom à une grande réforme, soyez à l’écoute de nos interventions pendant les quinze prochains jours. Elles n’ont d’autre ambition que d’améliorer votre projet de loi. Vous feriez ainsi œuvre utile pour répondre aux attentes légitimes des Français et des professionnels de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le gouvernement de Lionel Jospin, avec la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins, avait reconnu aux associations d’usagers de la santé la légitimité de leur implication active et de leur action en faveur d’une prise en charge globale de l’usager dans la démarche de soins.

La loi de 2002 a été une étape importante dans la reconnaissance de la démocratie sanitaire. Cette concertation a été renforcée avec la loi HPST. Pourtant, malgré ces avancées, la démocratie sanitaire est encore en construction.

En matière de santé publique, les aspirations de nos concitoyens ont changé. Ils veulent dorénavant être davantage écoutés, entendus, associés à la définition même de nos politiques de santé publique. Il nous fallait aller plus loin dans ce domaine, afin d’entrer dans l’An II de la démocratie sanitaire. Je me réjouis que ce projet de loi mette en œuvre des avancées significatives en la matière.

J’espère, madame la ministre, qu’au cours de notre discussion, nous pourrons poser un cadre institutionnel à la concertation préalable à la définition des projets de lois.

À cet effet, avec plusieurs de mes collègues, je proposerai à notre Assemblée un amendement visant, sur le modèle de ce qui existe pour les partenaires sociaux, à associer à la préparation de la loi l’Union nationale des caisses d’assurance maladie– UNCAM –, l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire – UNOCAM –, l’Union nationale des professionnels de santé et les associations d’usagers agréées.

Dans le même sens, ne peut-on pas instaurer un « réflexe santé » dans la préparation des lois par le Gouvernement, par référence à ce qui existe pour le handicap, pour l’égalité entre les hommes et les femmes et pour l’outre-mer ? Une telle mesure aurait pour effet que le Gouvernement mène une réflexion préalable à chaque projet de loi sur l’insertion de dispositions spécifiques en matière de prévention et de promotion de la santé dans chaque projet de loi.

Ce projet de loi de modernisation de notre système de santé rappelle également le rôle essentiel des professionnels de santé dans la définition et la mise en œuvre des politiques de soins primaires. Je regrette que certains aient une fois encore cherché à caricaturer, à attiser les craintes et à déformer en évoquant une forme d’étatisation de notre système de soins.

Au contraire, vous rappelez à juste titre, madame la ministre, que les médecins généralistes libéraux sont le pivot de la médecine de parcours et le point d’entrée du patient dans le système de santé à la française.

Ainsi, ce projet de loi consacre le rôle des équipes de soins primaires, qui contribuent à la structuration du parcours de santé des patients en coordination avec l’ensemble des professionnels du premier recours.

Il met ainsi au cœur de ses principes la facilitation de la santé au quotidien. Cet objectif devra passer notamment par une amélioration des coopérations interprofessionnelles et par la valorisation des professionnels de santé de la médecine primaire. Ces coopérations ne sont pas toujours faciles et se révèlent parfois, pour les professionnels de santé et les médecins généralistes en particulier, coûteuses en temps et en démarches administratives, ce qui peut en limiter la mise en œuvre.

Pour une pleine réussite de la modernisation de notre système de santé, il nous faut dépasser certains corporatismes, mais aussi vaincre un sentiment de défiance qui existe parfois chez certains professionnels envers les politiques menées par l’UNCAM et déclinées au niveau régional par les agences régionales de santé.

Le Gouvernement rappelle donc utilement, à l’article 14 du projet de loi, que l’organisation des fonctions d’appui confiées aux ARS doit se faire en concertation, d’une part, avec les professionnels et, d’autre part, avec les usagers, qui sont les premiers bénéficiaires de cet appui. Les diagnostics territoriaux permettront de connaître finement les attentes des professionnels de santé sur le territoire.

Les nouveaux dispositifs communs prévus dans votre loi, madame la ministre, ont donc tout intérêt à se nourrir du terrain et des expérimentations locales pour proposer des réponses adaptées et modulables aux enjeux de santé publique de notre pays. C’est en effet l’échelon territorial qui se révèle le plus pertinent pour mettre en œuvre des actions rapides et concrètes. C’est d’ailleurs dans cette logique que je souhaite proposer à notre Assemblée un amendement visant à consacrer un volet spécifique des schémas régionaux de santé aux actions de prévention des maladies vectorielles à tiques, qui ont connu un net développement ces dernières années – M. Gérard Sebaoun sera sensible à cette question.

Pour conclure, il convient de souligner combien nos concitoyens sont attachés à notre système de santé et combien les attentes sont fortes. Quand certains prônent l’attentisme ou le laisser-faire, le Gouvernement entend, quant à lui, moderniser ce système afin de répondre aux défis du vieillissement, du développement des maladies chroniques et de l’accroissement des inégalités territoriales et sociales en matière de soins. C’est la marque d’une volonté politique forte pour préserver et développer notre système de soins.

Le défi est immense. Il nous appartient collectivement d’assurer les conditions de la réussite de cette ambition. Soyez assurée, madame la ministre, que nous serons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, cela fait bientôt trois années que je ne me suis pas exprimé à cette tribune sur les questions de santé. C’était un choix : si je continue à m’intéresser à ce qui constitue une priorité pour nos concitoyens, je pensais qu’il fallait laisser à d’autres le soin de s’exprimer.

Aujourd’hui, je veux intervenir en tant que député, mais aussi en tant que citoyen, comme quelqu’un qui n’a certes pas plus de titres que d’autres pour s’exprimer en la matière, mais qui connaît peut-être mieux que certains le domaine de la santé.

Je voudrais lancer un cri d’alerte. Le texte qui nous est présenté n’a rien d’anodin : il est dangereux pour notre système de santé.

M. Dino Cinieri. Absolument !

M. Xavier Bertrand. Je pourrais citer maints articles de ce texte à l’appui de mon affirmation, par exemple l’article 47. Ne caricaturez pas mes propos : je crois à l’open data, mais un article aussi mal rédigé, aussi illisible, fait peser une véritable menace sur le secret médical.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Xavier Bertrand. Quant à autoriser les salles de shoot, comme vous le faites à l’article 9, même à titre expérimental, c’est une folie ! C’est une folie d’envoyer un tel message aux jeunes générations, alors que c’est l’interdit qui permet de structurer une société et sa jeunesse. Vous mettez le doigt dans un engrenage pernicieux et dangereux ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Je pourrais citer aussi l’article 26, visant à refonder le service public hospitalier et qui illustre votre volonté de sortir le système hospitalier du système concurrentiel pour une très grande partie de la population.

Mais l’article qui motive plus que d’autres encore mon intervention à cette tribune est ce fameux article 18, concernant le tiers payant et par lequel vous tentez de faire prendre un virage étatique à notre système de santé, soit la négation de ce qu’est le système de santé français !

En passant ainsi en force, au mépris de l’opposition des professionnels de santé, vous cherchez à atteindre le plus rapidement possible un point de non-retour. Eh bien je vous le dis, il n’y aura jamais de point de non-retour, parce que ce texte ne mérite qu’une seule chose : l’abrogation ! Quand nous serons revenus aux responsabilités, nous devrons abroger ce texte dans ce qu’il a de plus dangereux pour notre système de santé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Philip Cordery. Nos concitoyens apprécieront !

M. Xavier Bertrand. J’irai même plus loin. Alors que le système de santé à la française s’est construit sur des valeurs de liberté, de responsabilité et de solidarité, la généralisation du tiers payant aura pour effet d’opposer les patients aux médecins. Alors qu’aucun système de santé ne peut fonctionner sans cette confiance entre les patients et les médecins, vous semez la division et la défiance : c’est une folie ! C’est de l’irresponsabilité totale !

Quant à la responsabilité, elle n’existera plus !

Vous avez évacué tant de promesses de François Hollande dans le domaine de la santé ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Où en est la suppression des franchises médicales ? Abandonnée !

M. Yannick Favennec. Il a raison !

M. Xavier Bertrand. Où en sont vos autres promesses, notamment celle de réviser la tarification à l’activité ? Abandonnées, elles aussi !

Pourtant vous n’aviez pas, sur ces bancs, de mots trop durs, pour critiquer, voire caricaturer les différentes lois que nous avons fait voter dans le domaine de la santé, et aujourd’hui, tout est envolé !

Pas tout cependant : vous persistez dans votre volonté de généraliser le tiers payant pour faire plaisir, parce que cette mesure est populaire, alors que vous savez pertinemment que, d’un point de vue pratique, les plus démunis ne sont pas concernés et que, pour la plupart de ceux qui ont à payer les consultations, leur chèque est débité après le remboursement par la Sécurité sociale !

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Xavier Bertrand. Il n’y a pas de problème d’accès aux soins : il y a juste une ministre qui cherche à faire plaisir, au risque de mettre à terre l’édifice de notre système de santé libéral ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

L’article 18, comme l’article 26, révèle que ce qui vous gêne le plus, c’est la liberté, le premier fondement du système de santé à la française, notamment la liberté de choix. Vous n’aimez pas les cliniques privées ! Vous n’aimez pas les médecins libéraux ! Vous n’êtes d’ailleurs pas la seule : M. Macron lui-même n’a pas hésité à s’en prendre aux professions libérales !

Vous savez que vos jours sont comptés, peut-être même votre avenir ministériel, madame…

Mme Catherine Quéré. C’est vraiment délicat !

M. Christian Hutin. Lamentable ! C’est une attaque personnelle !

M. Xavier Bertrand. …voire celui de l’ensemble du Gouvernement après ce qui s’est passé ces deux derniers dimanches. Et c’est pourquoi vous souhaitez, par idéologie, atteindre un point de non-retour. C’est au-delà de vos compétences ou de la position gouvernementale qui est la vôtre : ce que vous êtes en train de faire, c’est affaiblir un système de santé qui n’a pas besoin de cela et qui ne veut pas voir disparaître sa dimension libérale.

Vous n’aimez pas le libre choix, vous n’aimez pas le système libéral, vous n’aimez pas l’exercice libéral : voilà pourquoi je sais pertinemment que vous resterez sourde à toutes nos propositions et qu’il faudra abroger ce texte pour le bien du système de santé à la française ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Christian Hutin. Pour un ancien ministre, ce n’est pas terrible !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tant mieux, parce que le niveau commençait à se dégrader !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je ne dirai que quelques mots parce qu’il est grand temps désormais d’entrer dans le cœur du débat et de passer en revue les articles. Souhaitons que cela nous permette d’éviter les postures et les envolées qui se veulent lyriques, même si elles ont le mérite de nous rappeler ce que sont les exigences et les valeurs défendues de ce côté de l’hémicycle et les engagements que ce gouvernement a choisi de porter devant nos concitoyens.

Je veux saluer l’ensemble des orateurs qui sont intervenus et remercier tout particulièrement la présidente de la commission et les rapporteurs pour les préoccupations et les questions qu’ils ont exprimées, avec d’autres orateurs – par exemple à propos du don du sang. Nous aurons l’occasion de débattre de tous ces points lors de l’examen des articles.

Cet examen nous donnera aussi la possibilité, contrairement à ce que prétend l’opposition, de discuter de la médecine libérale, ce projet de loi contenant évidemment des dispositions qui concernent la médecine libérale, ainsi que de la médecine générale et de la place des généralistes au sein de l’ensemble des professions de santé.

Nous aurons l’occasion de débattre de la relation entre les soins primaires, les médecins de premier recours et les autres acteurs libéraux du système de santé.

Nous aurons l’occasion, contrairement à ce que j’ai entendu, de parler de l’ensemble des établissements, et pas simplement des hôpitaux publics puisque les cliniques privées sont des acteurs de notre système de santé, et qu’à ce titre elles sont évidemment concernées par ce projet de loi.

Nous examinerons bien d’autres mesures, telles les dispositions visant à lutter contre les déserts médicaux ou à améliorer l’accès aux soins dentaires ou à l’optique. Ceci dit, je concède volontiers à l’opposition, à vous en particulier, madame Boyer, que vous ne trouverez effectivement rien sur l’hôpital de Marseille !

M. Dominique Tian. Vous devriez bien vous y rendre, à l’hôpital de Marseille !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je voudrais, avant de conclure sur les grandes orientations et les valeurs qui sont les nôtres, répondre aux interpellations dont j’ai été l’objet sur la question de la forme. On ne peut pas à la fois nous reprocher un défaut de concertation et regretter que nous présentions des amendements qui tirent les conséquences d’une concertation récente. Il faudra choisir le terrain de l’accusation puisque c’est précisément la concertation, menée jusqu’au dernier moment, qui nous a permis de faire évoluer la rédaction de certaines mesures dans un sens qui devrait leur valoir une très large adhésion dans cet hémicycle.

Je me permets à ce propos de vous faire remarquer que, sur les plus de 2 400 amendements déposés au titre de l’article 88, le Gouvernement n’est à l’initiative que de quelques-uns d’entre eux, à la différence de l’opposition, qui n’a pas hésité à recourir à cette procédure.

Je voudrais enfin exprimer le souhait, à l’aube de ce débat, que nous soyons capables de dépasser certaines postures. On peut toujours recourir aux grands mots, parler de folie ou d’hystérie, de caprice ou de je ne sais quoi encore,…

M. Nicolas Dhuicq. Du syndrome conversif !

Mme Marisol Touraine, ministre. …mais notre système de santé et les Français méritent mieux que cela ! Ils méritent le respect, ils méritent que leurs préoccupations et leurs attentes soient entendues.

Je crois vraiment que ce texte propose des mesures fortes pour nos concitoyens, même s’il ne correspond peut-être pas à la conception de l’opposition de ce que doit être un système de santé juste.

M. Philippe Gosselin. En effet !

Mme Marisol Touraine, ministre. S’il ne comporte pas des mesures que vous auriez revendiquées, il œuvre en faveur de la justice, de l’égalité d’accès aux soins, de l’égalité face à la santé et il traduit notre refus d’abandonner à leur sort nos concitoyens les plus en difficulté, même lorsqu’ils se livrent à des actes délictueux. Moi qui n’ai jamais – je dis bien jamais ! – soutenu la dépénalisation des drogues dites douces,…

M. Dominique Tian. Encore heureux ! C’est bien le moins pour un ministre de la santé !

Mme Marisol Touraine, ministre. …je me sens parfaitement légitime et à l’aise pour dire qu’aucun de nos concitoyens, même ceux qui franchissent les lignes de la légalité, ne doit être laissé à lui-même ! C’est l’honneur de la République et l’honneur de notre système de santé de permettre à tous les Français de recevoir les soins dont ils ont besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dhuicq. Vous les maintenez en esclavage !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je regrette que la droite ait eu ce soir des mots d’exclusion, de marginalisation, de stigmatisation, alors qu’en France santé devrait rimer avec solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Gosselin. Trop facile ! C’est démago !

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 1er.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. Ce projet de loi santé nous démontre, madame la ministre, l’étendue de votre obstination.

M. Jean-Pierre Vigier. C’est vrai !

M. Guillaume Chevrollier. L’exemple le plus criant en est la généralisation du tiers payant : vous avez parlé de concertation, mais votre ligne n’a pas bougé d’un iota. Vous vous cachez derrière des sondages qui indiqueraient que les Français sont favorables au tiers payant : comment ne le seraient-ils pas alors que vous leur proposez de ne rien payer ? Vous allez provoquer leur déresponsabilisation mais aussi une dépréciation de l’acte médical. Ce que les Français ne voient pas, c’est que cette mesure détériorera la situation de la santé en France et créera une nouvelle usine à gaz qui aggravera encore les problèmes de démographie médicale.

Les médecins libéraux que votre projet de loi fonctionnarise ne peuvent assumer les tâches administratives qui devraient rester du domaine de l’assurance maladie. Ce travail administratif empiétera sur le temps médical, ce qui est regrettable.

M. Jean-Pierre Vigier. Absolument !

M. Guillaume Chevrollier. Ce n’est pas comme cela que vous attirerez de nouveaux médecins libéraux : les jeunes veulent des projets, pas des contraintes ! De plus, vous provoquerez le départ à la retraite de nombreux médecins qui, sans cette généralisation du tiers payant, auraient continué à exercer quelques années encore.

Les généralistes libéraux sont exaspérés : ils veulent être reconnus, valorisés et considérés comme la clef de voûte de l’offre de soins, ceux qui assurent la coordination du parcours des patients.

M. Jean-Pierre Vigier. Très bien !

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, ce que critiquent les Français, ce sont les délais d’attente avant un rendez-vous, notamment chez les spécialistes ; c’est aussi le reste à charge pour les lunettes et les soins dentaires, entre autres.

M. Bernard Accoyer. Et les prothèses auditives !

M. Guillaume Chevrollier. Or votre projet de loi ne résout en rien ces problèmes.

Vous faites preuve de la même obstination à l’encontre des cliniques, que vous voulez absolument exclure du service public hospitalier, ou en faveur des salles de shoot : cette expérimentation enverra un signal de laxisme alors que des méthodes de sevrage existent et que les expérimentations de communautés thérapeutiques ont besoin d’être soutenues et encouragées.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas dans l’article 1er, ça !

M. Guillaume Chevrollier. Même obstination s’agissant du paquet neutre : il faut certes lutter contre les effets du tabagisme, mais pourquoi vouloir aller plus loin que ce que préconise l’Union européenne, alors que nous n’arrivons pas à lutter contre les importations illégales ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous êtes hors sujet !

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. Madame la ministre, ce projet de loi, émaillé en dernière minute d’amendements de réécriture globale des articles les plus structurants, s’apparente à une large et lourde caisse à outils.

Ce texte n’est ni une réforme de fond, ni une réforme structurelle mais une succession d’articles où sont traités, sans réelle concertation avec les professionnels, des sujets aussi majeurs que le tiers payant, la réforme de l’hôpital, la démographie médicale, l’information nutritionnelle, les paquets neutres, et j’en passe.

Je regrette que votre projet ne traite pas la difficile question de l’équilibre entre la démographie des professions médicales et le niveau de réponse qui doit être proposé à la population, plus particulièrement dans les zones rurales.

Vous prétendez engager un mouvement de convergence des établissements publics de santé à travers les groupements hospitaliers de territoire, mais installer un GHT en quelques mois relève de l’utopie. Permettez-moi de témoigner de la réalité, en tant qu’élue d’un territoire essentiellement rural, où quatre établissements publics viennent d’élaborer de façon concertée un projet médical commun. Si celui-ci a incontestablement permis à nombre de professionnels de mieux appréhender les enjeux multiples auxquels sont confrontés les établissements de santé, il a également démontré la nécessité de trouver des réponses adaptées aux besoins de la population. Certes des perspectives ont été ouvertes, mais les actions concrètes sont de portée limitée.

Cette expérience me laisse penser que votre approche souffre de deux faiblesses : le temps et le contenu. Pour construire un projet médical commun, quelques mois ne suffisent pas. Il serait opportun de reporter à juillet 2016 la validation des conventions constitutives des GHT. Sur le fond, il est également nécessaire de laisser le temps aux professionnels hospitaliers de trouver les moyens d’établir des interfaces avec leurs collègues libéraux.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vigier.

M. Jean-Pierre Vigier. À la lecture du titre liminaire de votre projet de loi : « Rassembler les acteurs de la santé autour d’une stratégie partagée », on ne peut que s’exclamer : où sont les fondements d’une stratégie partagée ?

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. Jean-Pierre Vigier. Votre projet de loi souffre d’une absence de concertation en amont. Il a fallu de fortes protestations pour que des groupes de travail soient organisés et malgré cela, cette prétendue « stratégie partagée » ne l’est aujourd’hui que par le Gouvernement.

Ce projet de loi dissuade les jeunes médecins de s’installer, et pour cause ! Trop d’administration tue nos territoires. La tutelle administrative des agences régionales de santé découragera les installations de jeunes médecins.

Quant à la généralisation du tiers payant et à son caractère obligatoire, sous prétexte de faciliter l’accès aux soins, ils créeront des contraintes inacceptables pour nos professionnels de santé, dont il vont significativement accroître la charge de travail administratif.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Jean-Pierre Vigier. Il mettra en péril l’équilibre économique, déjà fragile, de certains cabinets médicaux situés en zone rurale.

Pour créer de l’égalité, il faut préserver la liberté, liberté de choix, liberté d’installation, tout en garantissant à ceux qui en ont besoin l’égalité d’accès aux soins.

Enfin, votre projet de loi prévoit un pacte national pour lutter contre les déserts médicaux. Formulation bien vague, pour un contenu bien vague ! D’ailleurs ce pacte n’occupe que quelques lignes de votre projet de loi.

Bien plus que d’un pacte, c’est d’un véritable plan que nos territoires ruraux ont besoin : un plan comportant des mesures précises et concrètes, un plan qui les projette vers l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. La finalité de cet article 1er est notamment d’affirmer que la politique de santé doit garantir le droit à la protection de la santé de chacun. C’est à ce titre que je voudrais évoquer le cas des étudiants, qui sont parmi les grands absents de ce projet de loi.

Ceux-ci bénéficient d’un régime particulier, puisqu’ils sont automatiquement détachés de la Sécurité sociale de leurs parents du jour où ils acquièrent le statut d’étudiant. Sauf à justifier de 60 heures de travail par mois ou de 120 heures par trimestre, ils sont alors dans l’obligation de souscrire une mutuelle étudiante, en l’occurrence la SMEREP ou la LMDE. Or, du fait de graves dysfonctionnements, très médiatisés depuis plus d’un an, cette dernière est placée depuis juillet 2004 sous administration provisoire.

En dépit des efforts du Gouvernement ces difficultés persistent. Vous avez, madame la ministre, rappelé le 11 mars dernier qu’une réorganisation était en œuvre visant à confier la gestion de la partie obligatoire de la LMDE à la Caisse nationale d’assurance-maladie et celle de la partie complémentaire à des organismes complémentaires.

J’espère que ces mesures contribueront à améliorer la situation, mais je continue à m’interroger sur ce qui justifie ces choix de gestion. Pourquoi les étudiants devraient-ils relever d’un régime spécifique, qui de surcroît ne fonctionne pas ? Dans son rapport de septembre 2013, l’inspection générale des affaires sociales souligne que la reprise de la gestion des mutuelles étudiantes par le régime général permettrait d’économiser près de 44 millions d’euros. Êtes-vous disposée à étudier cette possibilité ?

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. L’examen des articles de ce projet de loi de santé publique va nous donner l’occasion de mesurer à quel point il n’est pas à la hauteur des enjeux cruciaux auxquels le système de santé français est aujourd’hui confronté. Nous attendions, madame la ministre, une réforme ambitieuse, s’attaquant de front à des questions aussi essentielles que la désertification médicale, le rapprochement entre le secteur public et le secteur privé, la carte hospitalière, la nécessité d’une répartition territoriale équitable des établissements de santé et celle de leur modernisation, la sécurité sanitaire ou encore l’innovation et la recherche.

Il y a certes quelques points positifs : je pense en particulier au droit à l’oubli, qui permettra aux anciens malades contractant un prêt immobilier ou un crédit à la consommation de ne plus mentionner dans leurs antécédents médicaux le cancer dont ils ont souffert.

M. Bernard Perrut. Tout à fait !

M. Yannick Favennec. Je pense également à l’amendement qui vise à individualiser pleinement le choix du don d’organe, à renforcer le principe du consentement présumé au don et à faire reposer le droit d’opposition de chacun au prélèvement de ses organes sur l’inscription au registre national du refus prévu à cet effet.

L’UDI fera quelques propositions fortes pour dessiner les contours d’un système de santé organisé autour du patient et de son intérêt tout en replaçant le médecin au centre du système.

M. Dino Cinieri. Très bien !

M. Yannick Favennec. Quant à la généralisation du tiers payant, elle est rejetée par la quasi-totalité des médecins, madame la ministre.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai.

M. Yannick Favennec. Et pour cause : elle va transformer la carte Vitale en carte de paiement, déresponsabiliser les patients quant au coût des soins et déprécier les actes médicaux en les rendant virtuellement gratuits. Elle engendrera également une bureaucratisation préjudiciable aux médecins.

J’ajoute que le tiers payant existe déjà pour les personnes en situation précaire, couvertes par la CMU, l’aide pour une complémentaire santé ou l’aide médicale d’État. Du reste, les médecins libéraux la pratiquent spontanément en fonction de la situation et pour les actes les plus coûteux.

Le projet de loi ne traite de l’accès aux soins que sous cet angle du tiers payant : aucune solution n’est proposée pour diminuer le reste à charge, qui atteint parfois des montants insoutenables et qui constitue le vrai problème de l’accès aux soins.

M. Bernard Perrut. C’est là le vrai problème !

M. Yannick Favennec. En conclusion, madame la ministre, ce texte ne masque pas le manque d’ambition du Gouvernement en matière de réforme, pourtant nécessaire, de notre système de santé. C’est pourquoi l’UDI s’engage sans réserve à amplifier les quelques avancées qu’il contient et à remédier aux nombreuses carences qui le caractérisent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. N’ayant pu prendre la parole dans la discussion générale, je voudrais dire quelques mots de ce texte fourre-tout, qui contient des mesures auxquelles nous sommes fermement opposés.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cela veut dire qu’il y en a que vous approuvez ?

M. Dino Cinieri. Sa mesure la plus dangereuse est celle qui généralise le tiers payant. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Elle va entraîner des difficultés majeures pour les médecins, réduits à la fonction de prestataires de santé. Je rappelle que notre pays compte huit cents mutuelles ou assurances complémentaires en plus de la Sécurité sociale.

Cette mesure va également entraîner une hausse du nombre des consultations et par conséquent des dépenses, quoi que vous en disiez, madame la ministre.

Deuxième faute majeure, la création des salles de shoot est un très mauvais signal qui va encourager la consommation de drogue. Au lieu de cela, il aurait fallu mettre en place une vraie prévention…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’un n’empêche pas l’autre !

M. Dino Cinieri. …, en s’inspirant, par exemple, du modèle italien des communautés thérapeutiques, qui fonctionne.

Je voudrais aussi évoquer les obstacles à l’accès aux soins, qui restent nombreux pour les personnes en situation de handicap et leur famille. C’est pourquoi nous souhaitons, madame la ministre, que le Gouvernement revienne sur l’ordonnance du 26 septembre 2014 relative à l’accessibilité, et en particulier sur les agendas d’accessibilité programmée. Avec les ADAP, les établissements recevant du public qui n’auront pas respecté leurs obligations en termes d’accessibilité au 1er janvier 2015 disposent de nouveaux délais de mise en conformité, allant de trois à neuf ans.

Les personnes en situation de handicap craignent que le caractère éventuellement renouvelable des ADAP, leur souplesse, les délais envisagés et la faiblesse des sanctions ne nuisent à la communauté des patients : personnes âgées à mobilité réduite ou blessées, personnes en situation de handicap ou parent de jeunes enfants. Que leur répondez-vous, madame la ministre ?

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Madame le ministre, notre pays, depuis des années, a un grave problème : il ne sait pas rémunérer à leur juste valeur les professions intellectuelles. Depuis plus de trente ans – car ni la droite ni la gauche n’ont su gérer les questions de santé – le niveau de vie des médecins, des infirmiers, des psychologues, des psychomotriciens et de l’ensemble des professions paramédicales ne cesse de baisser.

M. Gérard Sebaoun. Ce n’est pas vrai pour les médecins !

M. Nicolas Dhuicq. La réalité, madame la ministre, c’est qu’aucune réforme n’aboutira tant que l’acte médical sera insuffisamment rémunéré et symboliquement dévalorisé, le patient devenant un consommateur et le médecin étant réduit à n’être qu’un prescripteur. La judiciarisation croissante de la société peut expliquer aussi pourquoi certaines disciplines ne sont plus exercées – qu’on pense par exemple à la question des échographies pour les gynécologues médicaux. Pire, madame le ministre : vous divisez par deux et demie les tarifs des cliniques privées avec lesquelles vous avez contractualisé pour qu’elles assurent des urgences.

Malgré vos dénégations, madame le ministre, vous mettez en place une politique semblable à celle mise en œuvre au Royaume-Uni au début des années 1960 par Harold Wilson, et qui a abouti à la sectorisation et à la socialisation de la médecine britannique. Le résultat, nous le voyons aujourd’hui : l’hôpital public assure l’accès aux soins des prolétaires, pris en charge par des médecins qui parlent à peine anglais, tandis que les WASP se font soigner par des médecins hautement qualifiés dans des cliniques de haut niveau et à des prix exorbitants.

Madame le ministre, votre projet de loi, comme d’habitude avec les lois de la SFIO (Protestations sur les bancs du groupe SRC), va détruire la médecine française en tarissant les vocations à exercer ce métier de responsabilité. Je ne parle même pas des chirurgiens, en voie de disparition dans notre pays. Madame le ministre, vous allez détruire la médecine française.

M. Olivier Véran, rapporteur. Silence gêné sur les bancs du groupe UMP !

M. Nicolas Dhuicq. Je ne rigole pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Excusez-moi, madame la présidente, de tenter de dépasser ce débat hallucinant sur la question du tiers payant. Ce pourrait être un beau débat, à condition qu’on ne confonde pas des questions purement techniques de mise en œuvre avec l’essence même des valeurs qui justifient cette mesure. Chaque fois qu’on propose une réforme importante, ceux qui la refusent invoquent les raisons les plus compliquées pour ne pas la mettre en œuvre.

S’agissant de l’outre-mer, madame la ministre, vous avez fait le choix, en accord avec nous, de procéder par ordonnances. Nous avons, grâce à Monique Orphé et à la Délégation aux outre-mer, précisé des points essentiels. Je pense notamment à l’introduction dans le cadre du Plan national de santé d’un volet consacré à ces régions et ces départements, où les pathologies et les problématiques de santé présentent des aspects très spécifiques.

Je ne citerai que quelques chiffres pour ne pas être trop long : en matière de densité médicale, alors que la métropole compte 200 médecins généralistes pour 100 000 habitants, la Martinique en compte141, la Guadeloupe 147 et la Guyane 71.

Nous sommes en outre confrontés à des pathologies extrêmement graves, comme ces maladies infectieuses évoquées par Mme Bello. Je considère par ailleurs qu’il faut faire un effort particulier en matière de coopération régionale ainsi que pour résoudre les difficultés de trésorerie des hôpitaux.

Il est essentiel de permettre à nos territoires de bâtir une stratégie régionale de santé fondée sur la coopération régionale et plus encore sur l’amélioration de la démographie médicale.

Enfin si le problème du cancer est mondial, il se pose avec une acuité particulière dans nos pays d’outre-mer. C’est pourquoi je voudrais, madame la ministre, insister sur la nécessité de lancer le projet, évoqué depuis longtemps, d’installation aux Antilles d’un cyclotron à usage médical, dans le respect des normes de sécurité qui s’impose s’agissant d’un équipement de ce type.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article premier de cette loi introduit le principe de responsabilité de l’État dans la conduite de la politique de santé et acte notamment le fait que la stratégie nationale de santé est adoptée après une consultation publique. Vous-même, madame la ministre, avez lancé en 2013 une stratégie nationale de santé qui a donné lieu à de nombreux débats, y compris en régions. Les professionnels et les acteurs locaux des politiques de santé qui ont participé aux consultations s’attendaient à ce que le texte en soit la traduction. À la lecture du projet présenté en conseil des ministres le 15 octobre 2014, les professionnels ne s’y sont pas retrouvés, comme j’ai pu le constater en organisant un dans ma propre circonscription un débat réunissant l’ensemble des professionnels de santé.

Vous avez réussi le tour de force de vous fâcher avec l’ensemble de ces professionnels. Ils ont donc multiplié les alertes, fait grève, et s’ils ont accepté de revenir à la table des groupes de travail, ils ont toujours le sentiment de ne pas être écoutés. La grande manifestation du 15 mars, qui a rassemblé 40 000 d’entre eux, n’y aura rien changé, pas plus que la journée « santé morte » de ce mardi.

Les critiques à l’égard de ce texte demeurent et vous ne semblez pas vouloir les entendre : étatisation du système, bureaucratie asphyxiante, généralisation du tiers payant.

La question reste posée : comment mieux soigner en dépensant moins quand chacun sait qu’il convient de réduire le déficit de l’assurance-maladie et qu’il faut dans le même temps relever le défi du vieillissement et réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins ?

Madame la ministre, une réforme de notre système de santé ne peut pas se faire sans tenir compte de l’avis des professionnels ou en cherchant à leur donner l’illusion d’être consultés.

Plutôt que de renvoyer la satisfaction de leurs attentes à la grande Conférence de santé annoncée par le Premier ministre pour l’automne prochain ou pour 2016, c’est à l’occasion de l’examen de cette loi qu’il convient d’apporter les bonnes réponses. Manifestement, le compte n’y est pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet article 1er prouve que le texte que vous défendez est un texte d’étatisation et de mise sous contrôle. En effet il fait de l’État le responsable de l’accès aux soins et du parcours de soins en fonction de la stratégie nationale de santé, qui est en l’occurrence bien lointaine.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est un peu normal s’agissant d’un domaine régalien.

M. Jean-Pierre Door. Alors que nous soutenions la définition d’une convention d’exercice pour les cinq prochaines années via une négociation entre les caisses d’assurance-maladie et les syndicats professionnels, la décision relèvera désormais de l’État : l’État décide, les caisse appliquent.

Tout est dit dans cet article, notamment en ce qui concerne le droit à la santé pour tous, y compris pour ceux qui ne cotisent pas, qu’ils soient étrangers ou pas. L’offre territoriale de santé implique quant à elle un encadrement de la liberté d’installation…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

M. Jean-Pierre Door. …même si cela n’est pas explicitement précisé.

Je passe sur la multitude d’alinéas modifiant le code de santé publique. Il s’agit d’un véritable catalogue de La Redoute.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Sans les photos.

M. Olivier Véran, rapporteur. Ni les mannequins ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Door. Je note, après Mme Le Callennec, que nous sommes bien loin de la stratégie nationale de santé qui a été débattue voilà dix-huit mois et qui comportait quelques points positifs.

Je déplore également que ce texte soit totalement déconnecté de la réforme territoriale : les questions de santé ont été complètement absentes de nos débats, comme si sur ces questions on pouvait faire l’économie d’une réflexion globale sur les politiques locales.

Je constate enfin que nous sommes très loin des principes de concertation et de coordination de l’ensemble des politiques privées et publiques qui doivent, à vous entendre, régir la politique de santé sous l’autorité de l’État.

Finalement, madame la ministre, vous prétendez soigner un cancer avec de l’homéopathie. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Au seuil de la discussion de cet article, je voudrais redire que nous sommes d’accord avec les objectifs de ce projet de loi, notamment la lutte contre les inégalités et la prévention, mais que nous tenons aussi à insister sur l’un des enjeux majeurs du projet selon nous : la prise en compte de la crise sanitaire. Cela suppose de prendre la mesure de la véritable épidémie d’affections de longue durée non transmissibles – cancers, maladies cardio-vasculaires, obésité, diabète, etc. – qui frappe nos pays.

Il faut notamment insister sur les causes environnementales de ces maladies qui n’ont rien de fatal. C’est pourquoi nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à ce que la politique de prévention prenne en compte la santé environnementale.

Nous voudrions enfin que la politique de santé intègre également une autre dimension de la prévention, jusqu’ici insuffisamment reconnue – je veux parler des médecines complémentaires.

M. Nicolas Dhuicq. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Cet article introduit le principe de responsabilité de l’État dans la conduite de la politique de santé, les finalités des politiques de santé devant désormais faire l’objet d’une « stratégie nationale de santé ». Fort bien, mais de quelle stratégie nationale de santé s’agit-il ? Je crains en effet que celle-ci ne soit fondée sur un dogme militant et non sur la concertation.

S’il s’agit de reconnaître un droit à l’oubli pour les pathologies liées au cancer, oui, deux fois oui ! Il faut même aller beaucoup plus loin. Mais quid s’il s’agit de reconnaître la légalité des salles de shoot, qui n’est rien d’autre qu’une légalisation déguisée de la consommation de drogue brouillant totalement l’objectif même de prévention…

M. Olivier Véran, rapporteur. Hors sujet !

M. Philippe Gosselin. …, car ces salles constituent un véritable appel d’air pour les trafics.

Dans le même temps, vous vous attaquez à nos viticulteurs : où est la cohérence ?

Quid, si cette stratégie vise à supprimer le délai de réflexion de sept jours en matière d’IVG quand il existe un délai de rétractation de quatorze jours pour le moindre achat à distance ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Oh non…

M. Philippe Gosselin. Depuis 2014, l’achat à domicile est mieux protégé, le délai de rétractation étant passé de sept à quatorze jours !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ces comparaisons sont déplacées !

M. Philippe Gosselin. Un acte aussi grave qu’une IVG serait à ce point banal qu’il ne mériterait pas d’être davantage encadré ? Il ne s’agit pas, ici, de juger ces femmes mais en procédant ainsi vous niez la nature de l’IVG et la situation qu’elles vivent.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous voyons à peu près ce que cela représente…

M. Philippe Gosselin. Vous avez déjà supprimé la notion de détresse via la loi du mois d’août 2014 et la résolution Coutelle a déjà tenté de faire de l’IVG un droit fondamental.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Votre groupe l’a signée.

M. Philippe Gosselin. Cela ne suffit-il donc pas ?

Enfin que dire du tiers payant ? En le rendant obligatoire, vous allez détourner des actes de soins nos médecins, déjà surchargés, et qui seront contraints de consacrer encore plus de temps aux tâches administratives. En outre, cette mesure est déresponsabilisante en ce qu’elle tend à faire croire que ces soins ne coûtent rien puisqu’ils sont gratuits.

Votre stratégie nationale n’aurait-elle pas en définitive pour objectif la casse de la médecine libérale ?

Que proposez-vous par ailleurs pour lutter contre les déserts médicaux ?

Mme la présidente. Je vous remercie.

M. Philippe Gosselin. Sous prétexte de modernisation, votre texte constitue en fait un acte de régression.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est encore la discussion générale ?

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet article est un parfait exemple du type de travail législatif que tous les juristes, la commission des lois, le Conseil constitutionnel, condamnent, même si cela vous fait sourire, madame la ministre. Ce ne sont que trois pages d’un verbiage difficilement compréhensible, même en suivant le fil de la « stratégie nationale de santé » extrêmement complexe que vous proposez.

Le titre liminaire prétend « rassembler les acteurs de la santé » : le moins qu’on puisse dire, madame la ministre, c’est que ce n’est pas une réussite, quand depuis des mois, on voit la totalité des acteurs de la santé protester, faire grève ou manifester, comme ce fut encore le cas il y a quelques heures devant l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ils étaient deux cents…

M. Bernard Accoyer. Quand vous les recevez, vous ne les entendez pas et ils repartent aussi désemparés.

Derrière votre fameuse stratégie de santé, vous déposez une double bombe  contre notre système de soins.

La première est la généralisation du tiers payant. Elle provoquera l’étatisation, voire l’explosion du système français de médecine ambulatoire auquel nous sommes tous attachés.

Mme la présidente. Je vous remercie.

M. Bernard Accoyer. La deuxième bombe, c’est la privatisation, j’y reviendrai.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Étatisation ou privatisation ? Il faut savoir.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. C’est en effet une étatisation, comme nous l’affirmons depuis le début de l’examen de ce texte, notamment à travers les motions que nous avons défendues.

Cet article vise à « rassembler les acteurs de la santé autour d’une stratégie partagée », mais laquelle ?

Il tend à introduire à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique le principe de la responsabilité de l’État dans la conduite de la politique de santé et la détermination des finalités de cette dernière à travers la définition d’une stratégie nationale de santé. Or une telle stratégie n’avait-elle pas déjà été négociée il y a dix-huit mois avec les professionnels de santé, notamment avec les médecins via des conventions librement établies ?

M. Philippe Gosselin. C’est de l’histoire ancienne…

M. Arnaud Robinet. Aujourd’hui, faisant fi de cette stratégie nationale de santé, on remet tout à plat et, oui, on étatise notre système de santé.

Que signifie par ailleurs le « droit à la protection de la santé de chacun » ? Nos concitoyens devraient-ils pouvoir avoir accès au système de santé sans cotiser ? Ce droit implique-t-il pour les médecins un devoir de résultat ? Il faut, madame la ministre, que vous nous éclairiez sur les conséquences juridiques d’un tel droit à la santé.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il est constitutionnel.

Mme la présidente. Plus aucun orateur n’est inscrit sur l’article.

La parole est à M. Serge Letchimy, pour soutenir l’amendement n1637.

M. Serge Letchimy. Ce n’est pas par un simple souci de sémantique que nous considérons que la notion de « promotion » de la santé est préférable à celle de « protection ». Il s’agit, non seulement de bénéficier d’une définition plus positive du concept de santé mais aussi de faire en sorte que la rédaction de cet article soit conforme au préambule de la Constitution de l’Organisation mondiale de la santé, qui définit la santé comme un état de complet bien-être physique, mental et social, et non pas l’absence de maladie ou d’infirmité.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.

M. Olivier Véran, rapporteur de la commission des affaires sociales. Le terme de « protection » est à sa place ici, la Constitution française prévoyant que la Nation garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère, au vieux travailleur, la protection, la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs.

La notion essentielle de promotion de la santé, quant à elle, apparaît à l’alinéa 9 de l’article, qui vise la promotion de la santé dans tous les milieux de la vie. Cette rédaction est donc conforme à la charte d’Ottawa signée sous l’égide de l’OMC en 1986.

C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Je vous proposerai, monsieur le député, de bien vouloir retirer votre amendement, la rédaction de cet article renvoyant très directement, comme cela a été dit, au préambule de la Constitution de 1946. Cet article distingue entre protection et promotion de la santé.

J’invite à ce propos M. Robinet à abandonner ses railleries pour se plonger dans ce texte …

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Voilà !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui en découle et qui reconnaît ce droit à la protection de la santé. Vous découvrirez alors, monsieur Robinet, que ce droit à la protection de la santé constitue une obligation pesant sur l’État, tenu d’assurer à nos concitoyens la possibilité de se soigner.

M. Philippe Gosselin. Nous ne raillons pas, nous râlons.

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Je retire l’amendement.

(L’amendement n1637 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 1366, 73, 462, 74, 463 et 1435, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 73 et 462 sont identiques ainsi que les amendements n74, 463 et 1435.

La parole est à Mme Valérie Boyer, pour soutenir l’amendement n1366.

Mme Valérie Boyer. Cet amendement vise à consacrer explicitement, dès le préambule de ce texte, le principe de la liberté d’installation des médecins.

Tous les acteurs de santé contribuent à la politique de santé de la nation. La démocratie sanitaire est un élément essentiel de nature à permettre à l’ensemble des acteurs du système de santé de s’impliquer dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de santé ; elle contribue à sa vitalité en organisant la représentation des associations d’usagers agréées. Elle constitue ainsi un facteur permettant de développer une réponse adaptée aux besoins de soins et contribue à éclairer le pilotage du système de santé et la définition de sa politique. À cet effet, faire vivre la démocratie sanitaire implique de développer la concertation et le débat public, d’améliorer la participation des acteurs de santé et des usagers du système de santé à la gouvernance à tous les niveaux, et de promouvoir les droits individuels et collectifs des usagers.

Je tiens à rappeler que l’État est souverain dans l’organisation de la nation et que l’une de ses missions est de garantir la protection de la santé des citoyens, comme le dispose le préambule de la Constitution de 1946. Les établissements de santé publics et privés sont soumis à des autorisations sanitaires délivrées par les représentants de l’État, et c’est sur l’ensemble de ces acteurs qu’il s’appuie pour mettre en œuvre la politique de santé, qu’ils soient publics ou privés.

En rappelant l’association de tous les acteurs à la mise en œuvre de la politique de santé de la nation, la loi renforce la cohésion du système de santé et favorise l’efficacité de la réponse aux besoins de santé de l’ensemble de la population, tout en garantissant la liberté de choix qui caractérise notre système de santé.

C’est la raison pour laquelle je souhaiterais, après l’alinéa 5, que l’on insère deux alinéas faisant référence aux associations d’usagers agréés, aux agences régionales de santé, ainsi qu’aux établissements de santé publics et privés.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 73 et 462.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n73.

M. Dominique Tian. Parler d’une stratégie nationale de santé, et dire qu’elle sera définie en concertation avec l’ensemble des partenaires, cela ne manque pas de sel, quand  l’ensemble des professionnels de santé sont vent debout contre votre réforme ! Tout cela ne commence pas très bien ! C’est pourquoi je partage le souhait de Valérie Boyer de voir mentionnées dans le texte les associations qui représentent l’ensemble de ces professions, ainsi que les malades.

Si l’on organise une concertation du même type que celle qui a précédé l’élaboration de ce projet de loi, on ne va pas aller très loin ! Le fait de voir ces associations mentionnées dans le projet de loi nous rassurerait un peu : on saurait alors qui serait engagé dans la concertation, en dehors des services du ministère.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n462.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, cet amendement mériterait que vous lui prêtiez une grande attention, car il vise à corriger votre attitude méprisante à l’égard des acteurs de la santé, que vous omettez soigneusement d’associer à la définition de ce que vous appelez stratégie de santé. Vous admettrez que ne pas les évoquer dans un article aussi long et aussi verbeux ne peut que contribuer à accroître la tension extrême qui caractérise vos rapports avec l’ensemble des professions de santé. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 74, 463 et 1435.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n74.

M. Dominique Tian. Cet amendement tend à préciser que les établissements de santé publics et privés et les professionnels de santé libéraux contribuent à la mise en œuvre de la politique de santé pour assurer l’équilibre de l’offre de soins dans les territoires.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n463.

M. Bernard Accoyer. Il est important de rappeler que le service public de l’hospitalisation, tel qu’il a prévalu jusqu’à ce jour, est composé, d’une part de l’hôpital public, et d’autre part des établissements d’hospitalisation privés.

Plusieurs mesures introduites par votre projet de loi, madame la ministre, occultent complètement l’importance de l’hospitalisation privée, déséquilibrant ainsi l’ensemble du système d’hospitalisation. Il importe donc de préciser que chacun de ces secteurs d’hospitalisation est indispensable à l’équilibre de l’offre de soins.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1435.

M. Arnaud Richard. L’article 1er est important, puisqu’il fait évoluer le cadre général de la politique de santé en France. Il définit le périmètre de la santé, le rôle des acteurs, ainsi que les finalités et les conditions d’élaboration de cette politique de santé.

S’il reconnaît la diversité des acteurs publics et privés, ainsi que la multiplicité des objectifs, il nous paraît nécessaire, dans l’intérêt des patients, d’opérer un décloisonnement entre ces acteurs publics et privés. Ceci doit, selon nous, constituer l’un des axes de notre système de soins.

Cet amendement vise donc, madame la ministre, à préciser que les établissements publics et privés concourent à la réalisation de la politique de santé. Je ne vois pas bien pour quelle raison vous pourriez être défavorable à cette précision, si ce n’est que ces amendements sont proposés par l’opposition.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je ne comprends pas très bien l’approche qui consisterait à déterminer les acteurs – ou plus exactement certains d’entre eux –, avant même d’avoir défini les objectifs de la politique de santé. Il est évident que les établissements de santé et les associations d’usagers participent à l’élaboration des stratégies de santé et à celle des textes législatifs relatifs à la santé, mais évoquer les acteurs à ce niveau du texte serait extrêmement prématuré, au regard de l’organisation de l’article 1er.

En revanche, il est indiqué à l’alinéa 23 que les actions de promotion de la santé reposent sur la concertation. L’alinéa 20 établit clairement, quant à lui, que préalablement à l’adoption ou à la révision de la stratégie nationale de santé, le Gouvernement procède à une consultation publique, qui porte sur les objectifs et les priorités du projet de stratégie nationale de santé.

La commission a donc émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Le rejet de ces amendements montre clairement en quoi la majorité et l’opposition s’opposent dans leur conception de ce que doit être une politique de santé, comme d’ailleurs une réforme du système de santé. D’un côté, on fait le choix de l’étatisation et de la méfiance, de l’autre, celui la confiance. Lorsqu’on veut mettre en œuvre une politique de santé efficace, au plus près du terrain et de nos concitoyens, il faut impérativement y associer l’ensemble des professionnels de santé, tant ceux du système public que ceux oeuvrant dans le système privé.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Ces amendements sont extrêmement importants. On est en train de parler de la stratégie nationale de santé comme si on parlait de l’eau chaude ou du mistral ! On ne cesse de répéter qu’il faut être soigné, que c’est important, mais enfin, tout part des professionnels de santé, des gens qui soignent ! Il faut les écouter, se concerter avec eux, leur demander ce qui fonctionne dans le système et ce qui pourrait être amélioré, les interroger sur les difficultés qu’ils rencontrent.

C’est toute l’absurdité de cette loi : l’État peut dire ce qu’il veut, si les professionnels de santé pensent qu’il en va autrement et que les problèmes n’ont pas été abordés de la bonne manière, ils continueront à soigner différemment.

Je ne vous comprends pas, monsieur le rapporteur, quand vous dites que l’on se concertera avec les professionnels de santé une fois que l’on aura défini une stratégie. Peut-être est-il temps de faire le contraire et partir de la base ! Ce serait une autre démarche : ne plus partir du sommet, puisque ça ne fonctionne pas, mais écouter la base. Vous devriez peut-être vous y mettre !

(L’amendement n1366 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 73 et 462 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 74, 463 et 1435 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Quéré, pour soutenir l’amendement n2173.

Mme Catherine Quéré. Cet amendement vise à intégrer des objectifs spécifiques sur la santé des femmes dans la stratégie nationale définie par l’article 1er du projet de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis favorable, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. J’avoue ne pas comprendre le sens de cet amendement.

M. Olivier Véran, rapporteur. C’est bon signe !

M. Nicolas Dhuicq. S’il s’agit, comme je l’ai dit tout à l’heure, de défendre l’accès des femmes, aussi bien aux sages-femmes qui peuvent pratiquer des actes de gynécologie médicale, qu’à un service de santé où exercent des gynécologues médicaux, je suis d’accord. Il en va différemment s’il s’agit, une fois de plus, de glisser dans cette loi relative à la santé la négation de la différence des sexes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ce n’est pas vrai !

M. Nicolas Dhuicq. Comme le disait feu Philippe Séguin, la République est sans sexe. Le Français, c’est l’homme en général. Pourquoi, si l’on suit votre logique, ne pas ajouter une référence à l’infanto-juvénile, aux populations adolescentes, voire aux habitants du nord pour les distinguer de ceux du sud ? Vous êtes en train de rendre la loi extrêmement bavarde sans aucune utilité.

S’il s’agit de défendre, pour les femmes, l’accès à la gynécologie médicale exercée par les sages-femmes, d’accord. Mais je crains que tel ne soit pas l’objet de cet amendement, qui ne me semble pas utile, sinon pour favoriser un nouveau glissement vers le déni de la différence des sexes.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes. Toujours la théorie du complot !

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Quéré.

Mme Catherine Quéré. Monsieur, les femmes ne sont pas une minorité !

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela n’a rien à voir !

M. Bernard Accoyer. Tout cela est déjà dans la Constitution, et on en fait un amendement ! Et celui-ci recueille les avis favorables de la commission et du Gouvernement !

(L’amendement n2173 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1171.

M. Arnaud Richard. Cet amendement tend à préciser que la politique de santé poursuit quatre autres finalités, en plus de celles déjà définies dans l’article 1er : offrir un taux de prise en charge des soins satisfaisant pour toutes et tous, sans condition de revenus – j’imagine mal que quiconque puisse s’opposer à cela – ; assurer aux professionnels de santé des revenus attractifs, sans lesquels le niveau d’excellence du recrutement et les obligations liées à ce domaine d’activité ne pourraient être maintenus ; poursuivre l’objectif d’un déficit nul de l’assurance maladie ; favoriser, enfin, la recherche et l’innovation ainsi que l’accès au progrès thérapeutique.

S’agissant de l’objectif d’un déficit nul de l’assurance maladie, madame la ministre, j’aimerais que vous nous expliquiez comment vous avez fait pour que le déficit de l’assurance maladie atteigne des niveaux aussi phénoménaux – mais peut-être trouverez-vous une présentation comptable qui vous soit favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable à cet amendement. Vos aspirations peuvent sembler légitimes, et qui, du reste, pourrait y être hostile ? Mais elles ne sont pas de même nature que l’objectif d’amélioration de la santé de la population posé par cet article 1er. En outre, nombre des objectifs que vous énumérez apparaissent déjà dans cet article 1er : c’est le cas de l’innovation, qui figure à l’alinéa 16, mais aussi de l’excellence de recrutement, qui se déduit de l’adéquation entre la formation initiale des professionnels de santé et leurs exercices ultérieurs en responsabilité propre, prévue à l’alinéa 17.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je maintiens, non seulement mon amendement, mais ma question : j’aimerais que la ministre nous explique comment le déficit est arrivé à un tel niveau.

M. Bernard Accoyer. C’est la moindre des choses !

(L’amendement n1171 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n1844.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous pensons que la stratégie de santé doit intégrer la lutte contre l’épidémie de maladies chroniques, qui constitue une véritable crise sanitaire, d’ailleurs dénoncée par l’Organisation mondiale de la santé. Celle-ci y voit un danger, non seulement pour la santé publique, mais aussi pour les comptes sociaux, qui ne pourront résister à l’évolution de ces maladies.

Nous proposons d’inscrire à l’alinéa 6 que la stratégie nationale de santé doit comporter un objectif chiffré de réduction de ces maladies chroniques. À la suite des débats en commission, nous avons renoncé à indiquer un chiffre précis, puisqu’on nous a expliqué, à juste titre, qu’il était difficile, à ce stade, de proposer une évaluation précise.

L’intérêt d’un tel objectif serait d’orienter la stratégie nationale de santé vers la réduction de cette épidémie et d’identifier les causes de cette dernière – notamment, selon nous, les causes environnementales. Une simple comparaison avec d’autres pays montre qu’une telle perspective est réaliste. Certains pays ayant un niveau de développement équivalent au nôtre – par exemple le Japon – connaissent un taux de maladies chroniques inférieur de 25 %, notamment grâce à un mode d’alimentation différent. Cela mérite au moins d’être étudié.

M. Bernard Accoyer. Madame le ministre, cela mérite une mise au point !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à votre amendement, qui tombe un peu dans la même ornière que la loi Mattéi de 2004 en fixant des objectifs chiffrés de réduction. Si pour cette majorité la lutte contre les maladies chroniques est un sujet de mobilisation, on ne voit pas quel taux devrait être retenu. Par référence à quoi sera-t-il déterminé ? S’agira-t-il d’un taux à un instant « t » ? Quels types de maladies chroniques seront pris en compte ? Fixer dans le marbre de la loi un taux de réduction du nombre de malades chroniques d’ici à 2030 ne nous paraît pas un objectif réaliste. C’est pourquoi, je le répète, la commission a émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous demanderai, monsieur Roumegas, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrais un avis défavorable, pour les raisons qui viennent d’être évoquées.

Cela me permet de préciser l’orientation suivie par le Gouvernement dans ce projet de loi et dans le cadre de la stratégie de définition d’objectifs de santé publique. Elle traduit une rupture avec la loi de 2004. Notre ambition n’est pas de multiplier des plans inscrits dans un texte législatif, qui devraient ensuite faire l’objet d’évaluations précises chiffrées. Il s’agit de définir une stratégie…

M. Nicolas Dhuicq. Laquelle ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …, de fixer des objectifs globaux et de se doter d’instruments pour aboutir à des objectifs tels que la protection des jeunes ou la lutte contre le tabagisme.

En revanche, à côté de ce qui est inscrit dans la loi, il va de soi que des instances telles que le Haut conseil de la santé publique ont la responsabilité d’apprécier de manière aussi précise que possible l’évolution des pathologies et de la situation sanitaire de nos concitoyens en essayant de déterminer, ce qui n’est pas si simple, des tableaux de bord dotés d’indicateurs.

Je ne balaie pas du tout d’un revers de la main l’objectif que vous poursuivez, mais je considère qu’il n’a pas sa place dans la loi. En revanche, il appartient aux instances sanitaires et de santé publique, en particulier au Haut conseil de la santé publique, de lui donner une traduction à travers des rapports et des évaluations remis régulièrement au Gouvernement et au Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je voudrais redire à notre collègue Roumegas ce que nous avons déjà dit en commission, à savoir que les affections chroniques dont il parle sont définies comme des affections de longue durée ; il y en a trente et une dans le tableau relatif à ces affections. Comment voulez-vous vous engager à les réduire de 25 %, alors qu’il s’agit de pathologies totalement différentes les unes des autres ? Comme le dit la ministre, leur évaluation relève du Haut conseil de la santé publique, point à la ligne. Votre amendement n’a donc rien à voir avec ce texte et je suis au regret de vous dire, monsieur Roumegas, que cette discussion nous fait perdre du temps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérard Sebaoun. Parole d’expert !

Mme Catherine Quéré. Vous nous en avez fait perdre beaucoup !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Chacun jugera, monsieur Door, qui de nous fait perdre le plus de temps. Des gens nous écoutent, qui se préoccupent réellement de la santé environnementale.

J’avais bien entendu les remarques formulées en commission. Il n’était pas question pour nous d’imposer par la loi un objectif chiffré, mais simplement d’indiquer que la stratégie nationale de santé et les autorités doivent tendre vers cet objectif. J’ai entendu la réponse de Mme la ministre indiquant que l’on adoptait cette logique : c’était l’essentiel de ce que nous souhaitions obtenir par cet amendement. Aussi j’accepte de le retirer.

(L’amendement n1844 est retiré.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 1er avril 2015 à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n1742.

M. Dino Cinieri. Méconnues et mal comprises, les maladies mentales font l’objet d’une forte stigmatisation. Elles affectent pourtant une personne sur cinq et seront, selon l’Organisation mondiale de la santé, la première cause mondiale de handicap dès 2020.

Elles sont sources de grande souffrance pour le patient et sa famille, se traduisant souvent par une désinsertion sociale, familiale et professionnelle, ainsi que par une mortalité précoce, survenant quinze ans plus tôt que la moyenne de la population. Ces pathologies constituent un enjeu majeur de santé publique, encore sous-estimé en France. Elles doivent donc faire l’objet d’un volet spécifique de la stratégie nationale de santé.

L’auteur de cet amendement propose de structurer cette politique de santé publique autour de quatre actions prioritaires : déstigmatiser, dépister, organiser et rechercher. Il y a urgence. Espérons que ce projet de loi de santé sera l’occasion de s’emparer de ce sujet à la fois douloureux et négligé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. L’article 1er définit de façon générale les finalités de la politique de santé. On n’entre pas, à ce stade, dans les détail, ni des pathologies, ni des modes de prise en charge, même si la santé mentale est une question fondamentale. C’est d’ailleurs pourquoi l’article 13 du projet de loi définit la politique de santé mentale et réhabilite la psychiatrie de secteur, dans la continuité des travaux du pacte de confiance, menés en 2013. La commission a donc donné un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Cinieri, maintenez-vous votre amendement ?

M. Dino Cinieri. Je le maintiens d’autant plus que les dispositions de l’article 13 sont catastrophiques.

(L’amendement n1742 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n1173.

M. Arnaud Richard. L’article premier précise que la politique de santé comprend la surveillance et l’observation de l’état de santé de la population et l’identification de ses principaux déterminants. Sont notamment citées les conditions de vie et de travail. Il précise également que la politique de santé comprend la réduction des risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement et aux conditions de vie susceptibles de l’altérer.

Cependant le projet de loi n’affirme pas de manière claire et précise que les risques environnementaux sont l’un des principaux déterminants de l’état de santé de la population.

M. Olivier Véran, rapporteur. Si !

M. Arnaud Richard. Le présent amendement vise par conséquent à le préciser explicitement. Les membres du groupe UDI pensent en effet que l’environnement est une clé pour la santé de nos compatriotes. La prise en compte des risques environnementaux s’inscrit à cet égard dans une démarche de promotion de la santé. Elle vise à créer les conditions indispensables pour agir sur les déterminants de santé et obtenir un cadre de vie favorable à la santé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable. Vous affirmez que le texte ne fait pas référence à l’environnement comme à un déterminant de santé, alors que nous avons adopté en commission un amendement qui introduit précisément à l’alinéa 8 la notion d’exposome, et dont c’est justement l’objet. Quant à l’alinéa suivant, il prévoit « la réduction des risques pour la santé liés à des facteurs d’environnement et aux conditions de vie susceptibles de l’altérer ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nonobstant le respect que je porte à nos collègues, je ne comprends pas leur volonté d’une loi bavarde. Le néologisme d’exposome pourrait être rapproché du concept de vulnérabilité, lequel me semble néanmoins beaucoup plus intéressant : c’est le modèle aujourd’hui utilisé pour la schizophrénie, madame la ministre – je ne parle pas du clivage dont vous êtes atteinte dans vos positions politiques en tant qu’ancienne SFIO. Il est cependant pertinent, et pour une fois, je viendrai au secours du Gouvernement.

Je ne peux pas laisser dire que les facteurs environnementaux externes seraient majoritairement responsables des pathologies. Cela reviendrait à nier tout le travail de nos chercheurs. Pour des pathologies comme celle que je viens d’évoquer ou comme le syndrome dissociatif, qui sont aussi des maladies chroniques, votre exposé ne tient pas la route scientifiquement, cher Jean-Louis Roumegas.

Mme Catherine Quéré, Mme Catherine Lemorton et présidente de la commission des affaires sociales. C’était M. Richard !

Mme la présidente. Monsieur Richard, votre amendement est-il maintenu ?

M. Arnaud Richard. Cher collègue, c’est moi qui ai déposé l’amendement dont nous discutons, et mon histoire n’est pas celle que vous croyez. (Rires.)Je maintiens donc cet amendement, qui aurait tout à fait pu être rédigé par mon collègue Jean-Louis Roumegas.

M. Olivier Véran, rapporteur. Une fissure se dessine entre l’UDI et l’UMP !

(L’amendement n1173 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n1771.

M. Dominique Tian. C’est la SFIO ! (Sourires.)

M. Jean-Louis Roumegas. C’est curieux : quand je m’exprime, j’entends une voix de ce côté-là de l’hémicycle, qui ressemble à celle que j’ai coutume d’entendre en commission… (Sourires.) Probablement des acouphènes !

Il s’agit d’un amendement de précision. L’alinéa 8 a déjà été modifié en commission par notre collègue Gérard Bapt, qui a proposé d’introduire le concept d’exposome. Nous avons proposé un amendement un peu plus tôt dans la discussion que nous avons accepté de retirer à condition de modifier la rédaction adoptée en commission.

L’alinéa 8 disposerait ainsi : « L’identification de ces risques s’appuie sur le concept d’exposome entendu comme l’intégration de l’ensemble des expositions de la vie entière. L’analyse des risques pour la santé de la population prend en compte l’ensemble de l’exposome, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs non génétiques : environnement, conditions de vie, risques chimiques dont les modes de combinaison et d’action dans le temps peuvent influencer la santé humaine. » Il nous paraissait en effet important de cibler les principaux types d’exposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Le fait d’évoquer les modes de combinaison et d’action dans le temps des facteurs non environnementaux pourrait conférer au texte une vertu pédagogique, cher collègue. Cependant, la référence à l’environnement, aux conditions de vie et aux risques chimiques est trop restrictive, car vous n’intégrez pas dans la notion d’exposome le risque biologique, par exemple, ou encore les maladies.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n1771 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n12.

M. Dino Cinieri. L’accès à la santé pour les personnes handicapées ne va pas de soi et comporte des spécificités qu’il convient d’intégrer dans les politiques publiques, dans l’esprit de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, dont notre ancien collègue Jean-François Chossy alors député de la Loire, était rapporteur.

Pour que l’égalité des chances en santé des personnes handicapées et des aidants familiaux soit effective, il est nécessaire que chaque axe de la politique de santé soit décliné au regard des besoins spécifiques de ces publics.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable. L’amendement est pleinement satisfait par la rédaction de l’article 1er tel qu’il a été modifié en commission. L’alinéa 19 stipule notamment : « la politique de santé est adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux. »

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n12 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n815.

M. Bernard Accoyer. L’alinéa 9 de l’article 1er qui concerne la promotion de la santé dans tous les milieux, n’aborde pas, en dépit de son ampleur, un sujet important : la désinformation dans le domaine de la santé.

Quelques-uns de nos collègues multiplient des déclarations qui n’ont strictement aucun fondement scientifique. Ils suscitent des peurs en inventant des causes de maladie, voire des maladies, qu’ils voudraient même quantifier.

Le présent amendement vise à permettre notamment la condamnation des croisades anti-vaccination, dont la conséquence est que le taux de couverture vaccinale en France est inférieur à celui des autres pays de l’OCDE et que le taux de morbidité de nombreuses maladies infectieuses, notamment l’hépatite B, y est supérieur à celui des autres pays.

Cette désinformation est devenue une véritable activité commerciale délictueuse, contre laquelle il convient de lutter dans le cadre de votre fameuse stratégie de santé.

M. Dominique Tian. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Cher collègue, votre amendement ne ferait qu’accentuer le caractère prétendument bavard de ce texte, que vous dénoncez par ailleurs. En effet, il est satisfait par la mission générale de protection de la santé assumée par l’État qui fonde la lutte contre les dérives sectaires au même titre que sa mission de protection des libertés individuelles.

Nous partageons votre objectif de lutter contre la désinformation, mais votre amendement est satisfait par le texte dans sa rédaction actuelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

Mme la présidente. Souhaitez-vous maintenir votre amendement, Monsieur Accoyer ?

M. Bernard Accoyer. Je le maintiens, bien entendu : le sujet est si important !

(L’amendement n815 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n411.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement a pour objet de préciser que les activités sportives sont un moyen de prévention peu onéreux pour l’assurance maladie, les pouvoirs publics et le budget de l’État. Il conviendrait, dans cette longue litanie de conseils et de directives en tous genres, de les mentionner expressément.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas l’objet de votre amendement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Dois-je répondre au sujet de l’amendement ou sur la défense que vient d’en faire M. Accoyer ?

M. Bernard Accoyer. Contentez-vous de faire votre travail de rapporteur !

M. Olivier Véran, rapporteur. La préoccupation que vous avez exprimée est satisfaite, monsieur Accoyer, puisqu’à l’alinéa suivant mentionne « le développement de la pratique régulière d’activités physiques et sportives à tous les âges » comme un outil de prévention.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(L’amendement n411 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 393, 616 et 2285.

La parole est à M. Fernand Siré, pour soutenir l’amendement n393.

M. Fernand Siré. L’exposé des motifs du projet de loi souligne la nécessité de conférer une priorité à la prévention et à l’action sur les déterminants de santé. Le texte précise qu’il convient de promouvoir l’équité dès le départ en la matière, et à ce titre de mettre l’accent sur les actions auprès des jeunes.

Or, cette notion de jeunesse mérite d’être précisée car elle couvre des périodes où la prévention des maladies chroniques plus tardives non transmissibles sera plus efficace, et pourra donc avoir une incidence significative sur les coûts de santé. C’est notamment le cas de la période importante qui s’étend de la conception de l’enfant jusqu’à ses deux ans – ou période des mille premiers jours – et qui doit faire l’objet de mesures de prévention spécifiques, dites « précoces ».

L’amendement précise que, au même titre que les autres stratégies de prévention aux différents âges de la vie – jeunesse, adolescence, âge adulte, vieillesse –, la prévention précoce au cours des premières périodes du développement, qui concerne donc également les futurs parents, les femmes enceintes et l’enfant en bas âge, doit aussi trouver toute sa place dans le projet de loi. Cela vise à préparer l’avenir des générations futures.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Perrut, pour soutenir l’amendement n616.

M. Bernard Perrut. Un certain nombre de données scientifiques, le plan national santé environnement, ainsi que l’avis rendu par le défenseur des droits au sujet de ce texte nous appellent à prendre en considération cet âge de la vie, la période des mille premiers jours, qui s’étend jusqu’aux deux ans de l’enfant.

Tous les documents scientifiques relatifs à la santé indiquent que les périodes de développement in utero, postnatal ainsi que la puberté constituent des fenêtres particulières de sensibilité aux effets des substances toxiques. Par conséquent, tout concorde pour que la période des mille premiers jours de la vie soit reconnue comme une période spécifique de sensibilité influençant le risque de développer une maladie chronique à l’âge adulte.

La portée de cet amendement dépasse d’ailleurs la période des mille premiers jours, puisqu’il concerne également les futurs parents, les femmes enceintes et l’enfant en bas âge. Le fait d’insérer le mot « précoce » dans le texte constituerait donc une avancée.

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour soutenir l’amendement n2285.

M. Stéphane Claireaux. Le présent amendement a été proposé par notre collègue Jeanine Dubié. Les orateurs précédents ayant déjà fait le tour de la question, je le considère comme défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Olivier Véran, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable, pour les raisons évoquées en commission. La prévention est primaire, secondaire, tertiaire, elle doit intervenir à tous les âges de la vie. Elle est donc dans le texte prise en compte dans sa globalité.

Si le terme « précoce » renvoie à l’enfance, la préoccupation des auteurs de ces amendements sera satisfaite par l’instauration d’un parcours éducatif en santé et d’un programme de prévention destiné aux jeunes. En revanche, s’il s’agit de limiter la prévention individuelle à la seule période de l’enfance, cela revient à en exclure la politique de vaccination des personnes âgées contre la grippe, par exemple, ce qui serait dommageable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Siré, votre amendement est-il maintenu ?

M. Fernand Siré. Oui, je le maintiens, madame la présidente. Je ne vois pas en quoi la prise en charge des mille premiers jours remettrait en cause la vaccination des personnes âgées : cela n’a rien à voir, monsieur le rapporteur !

M. Dino Cinieri. Absolument ! Il a raison !

M. Fernand Siré. Je regrette, mais il me semble que sur ce point vous dérapez complètement !

M. Dominique Tian. Le rapporteur est confus !

(Les amendements identiques nos 393, 616 et 2285 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1361.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de rappeler, dans cet article qui réaffirme des principes généraux, que notre système de santé est fondé sur la solidarité : il restitue à chacun, de manière solidaire et en fonction de ses besoins, ce qui, collectivement et en fonction des moyens de chacun, a été mis en commun. Cette conception profondément humaniste, qui tourne le dos à l’individualisme, a prouvé son efficacité. Nous tenons donc à ce que l’adjectif « solidaire » figure explicitement à l’alinéa 13 pour qualifier la prise en charge collective des conséquences financières et sociales de la maladie et de l’accident.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Elle a repoussé cet amendement, qui était alors examiné en discussion commune avec d’autres. À titre personnel, toutefois, je serais tenté de donner un avis favorable. La solidarité de la prise en charge, qui est en effet un des fondements de notre système de protection sociale, ne va pas toujours de soi, comme l’illustrent amplement nos débats.

M. Bernard Accoyer. On enfonce des portes ouvertes !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable. Les conditions de l’examen en commission ont fait que plusieurs amendements se sont télescopés et que l’on n’a pas pu retenir le vôtre, madame la députée.

M. Bernard Accoyer. Des conditions déplorables ! La commission a très mal travaillé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je crois néanmoins utile de rappeler le principe de solidarité, qui devrait aller de soi bien que, malheureusement, ce ne soit pas toujours le cas.

(L’amendement n1361 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1203.

Mme Jacqueline Fraysse. M. Alfred Marie-Jeanne, qui est l’auteur de cet amendement, souhaite ajouter les mots : «, de l’addictologie » après le mot : « maladie » à l’alinéa 13 de cet article, considérant que l’on prend insuffisamment en compte les problèmes liés aux addictions.

On consacre trop peu de travaux aux addictions autres que l’alcoolisme. Il est donc nécessaire que les données sur l’addictologie soient spécifiées, non seulement relativement à l’alcool comme cela est déjà fait, mais aussi eu égard à d’autres formes de dépendance, pour déterminer avec précision les cas de mortalité dus aux autres dépendances.

Par exemple, les documents officiels des agences régionales de santé des Antilles et de la Guyane montraient qu’en 2010, de nombreuses morts étaient liées aux addictions.

M. Dominique Tian. Lesquelles ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Défavorable. La prise en compte de la maladie recouvre nécessairement celle de l’addiction, tant en matière de prévention que de prise en charge.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Bien que je ne sois pas rapporteur du texte, je peux indiquer à Mme Fraysse la raison pour laquelle son amendement est rejeté : c’est qu’il contredit le projet de loi présenté par le Gouvernement, qui soutient, voire amplifie, l’addiction aux drogues, notamment avec l’ouverture des salles de shoot.

M. Dominique Tian. C’est en faire la promotion !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales et M. Olivier Véran, rapporteur. Ces propos sont honteux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous jouez au provocateur, monsieur Robinet, ce n’est pas très glorieux !

M. Bernard Accoyer. Nous ne faisons que souligner la schizophrénie du texte !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous ne sommes pas ici pour faire de la provocation, surtout sur des sujets aussi graves que l’addictologie. Vous ignorez la situation terrible de certaines personnes qui ont besoin d’être aidées.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait ! Quand on ne connaît pas, on se tait !

Mme Jacqueline Fraysse. Les salles proposées dans ce texte sont un des moyens de soigner certaines catégories de personnes qui n’ont pas trouvé le chemin des lieux où l’on pourrait les aider.

M. Dominique Tian. Faisons la même chose pour la boisson, alors !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous allons tenter de leur offrir une autre possibilité. Ce n’est ni facile ni évident, cela ne résoudra pas tout, mais c’est une tentative courageuse en direction d’un public extrêmement fragilisé et complexe. Je regrette que vous ironisiez sur de tels sujets ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. Arnaud Robinet. Je n’ironise pas !

(L’amendement n1203 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n1364.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement tend à mentionner explicitement, dans cet article 1erde nature générale, la prise en charge du handicap par le système de protection sociale. Alors que l’article L. 1411-1 du code de la santé publique la mentionnait, sa réécriture la fait disparaître sans que nous en voyions la raison.

Vous m’avez objecté en commission, monsieur le rapporteur, que la prise en charge collective du handicap par la nation est solennellement affirmée par la loi de 2005. C’est exact, mais cela ne répond pas à la question.

Vous avez également invoqué l’amendement de Mme Massonneau, adopté en commission, qui introduit l’alinéa 19 de l’article 1er : «La politique de santé est adaptée aux besoins des personnes handicapées et de leurs aidants familiaux ». Tout cela est très positif. Cependant, notre amendement n’a pas le même sens : il porte sur la prise en charge collective – et solidaire, comme nous venons de l’ajouter – des conséquences financières et sociales du handicap par le système de protection sociale, qui figurait, je le répète, dans la rédaction précédente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Défavorable, d’abord parce que la précision ne semble pas utile ici – la prise en charge collective du handicap par la nation est solennellement affirmée depuis la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées –, ensuite parce que la commission a inséré un alinéa 19 qui dispose que « la politique de santé est adaptée aux besoins des personnes en situation de handicap et de leurs aidants familiaux ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Je demande le retrait. À défaut, l’avis est défavorable pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Vous ne faites que répéter ce que vous m’avez déjà dit en commission, monsieur le rapporteur. La loi de 2005, je vous en donne acte, a son existence propre. Mais le code de la santé publique, dans sa rédaction actuelle, mentionne les handicapés. Je ne comprends pas pourquoi le texte fait disparaître cette mention. L’amendement de Mme Massonneau, que j’approuve par ailleurs, ne répond pas à ma préoccupation. Il s’agit ici, j’y insiste, de la prise en charge collective des conséquences financières et sociales du handicap, à l’instar de celle des conséquences des autres maladies. Je ne suis donc pas satisfaite et je maintiens mon amendement

M. Dominique Tian. Nous votons pour !

(L’amendement n1364 est adopté.)

Mme Valérie Boyer. Bravo !

M. Arnaud Robinet. Vous voyez que nous ne sommes pas si méchants, madame Fraysse…

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n1826.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à renforcer la connaissance des médecines complémentaires. Celles-ci jouent un rôle significatif dans le dispositif de santé et une très grande majorité de Français y recourt. Il s’agit donc de mieux les prendre en compte et de mieux les intégrer au système de soins. Leurs indications sont multiples, parfois spécifiques et non couvertes par les médecines orthodoxes. Elles sont parfois complémentaires de la médecine conventionnelle, mais elles peuvent aussi servir en cas d’échec, d’effets secondaires ou d’intolérance des médicaments classiques. Elle présentent un intérêt en matière de prévention, de maîtrise des dépenses de santé – en particulier parce qu’elles provoquent beaucoup moins d’effets iatrogènes, exigent beaucoup moins d’examens et sont de ce fait moins coûteuses – et de responsabilisation des patients.

Il s’agit donc de demander au Gouvernement de s’engager dans l’observation précise de ces médecines afin de mieux connaître les pratiques, les usages, les indications, les résultats, mais aussi les formations des praticiens – de manière à les codifier, les référencer et les certifier – et les dynamiques propres à chacune des filières concernées.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Olivier Véran, rapporteur. Je vous ferai la même réponse qu’en commission, monsieur Alauzet : cela n’est pas du domaine de la loi. Un arrêté du 3 janvier 2009 a créé un groupe de travail, piloté par la direction générale de la santé, dont une des missions est la coordination d’évaluations scientifiques de ces pratiques. Les évaluations sont réalisées par l’INSERM à partir de la recension de toute la littérature scientifique internationale consacrée au sujet.

De toute façon, votre amendement est satisfait par l’alinéa 16 de l’article 1er, qui mentionne l’innovation dans le domaine de la santé. Dans un sens très large, l’innovation inclut ces pratiques non conventionnelles. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Ce ne sont pas des innovations, c’est de l’obscurantisme, du charlatanisme !

M. Dominique Tian. Une régression moyenâgeuse !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. Il existe depuis 2009 – j’insiste sur la date – un groupe d’évaluation des pratiques non conventionnelles. Ce que vous souhaitez existe déjà, monsieur Alauzet, et n’est pas du ressort de la loi. Je vous suggère de retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.

M. Dominique Tian. La tisane, ça va bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je vais retirer cet amendement et je vous remercie pour vos réponses. J’appelle néanmoins votre attention sur les difficultés rencontrées dans certaines de ces filières au niveau des formations, qui ne sont pas homogènes et sont parfois tombées en désuétude.

M. Bernard Accoyer. Naturellement, puisqu’elles sont sans fondement !

M. Éric Alauzet. Ainsi la profession d’acupuncteur, exercée depuis longtemps par des médecins selon des référentiels incontestés…

M. Bernard Accoyer. Ils feraient mieux d’exercer la médecine !

M. Éric Alauzet. Qu’avez-vous mangé ce soir ? Ne pouvez-vous donc écouter vos collègues ? Je vous renvoie à des publications scientifiques.

M. Bernard Accoyer. Citez vos références !

M. Éric Alauzet. Vos propos sont un peu dépassés. La majorité des Français a recours à ces médecines !

Dans des filières comme l’acupuncture, donc, les médecins ne se forment plus depuis environ quinze ans. Dans quelques années, il n’y aura plus de médecins acupuncteurs. La discipline sera pratiquée par des non-médecins. Pourquoi pas, mais il faudra dans ce cas l’encadrer. Réfléchissons-y dès maintenant.

M. Nicolas Dhuicq. N’importe quoi !

(L’amendement n1826 est retiré.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la santé.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 1er avril 2015, à une heure.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly