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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 26 mai 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Dialogue social

M. Olivier Dassault

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Transition énergétique

M. Philippe Plisson

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Prime d’activité

M. Francis Vercamer

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Avenir des trains Intercités

Mme Cécile Duflot

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Compte pénibilité

M. Christophe Sirugue

M. Manuel Valls, Premier ministre

Construction de logements

M. Joël Giraud

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Fraude dans les transports publics

Mme Valérie Pécresse

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Avenir des trains Intercités

M. Philippe Duron

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Dialogue social

Mme Claude Greff

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Lutte contre Daech

Mme Chantal Guittet

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Réforme du collège

M. Alain Chrétien

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Chaîne 23

M. Marcel Rogemont

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Avenir des trains Intercités

M. Jean-Pierre Door

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Directrice de l’INA

M. Lionel Tardy

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Financement des associations et investissement à impact social

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire

Suspension et reprise de la séance

2. Rappel au règlement

M. Christian Jacob

3. Transition énergétique

Explications de vote

M. André Chassaigne

M. Christophe Bouillon

M. Julien Aubert

M. Bertrand Pancher

M. Jacques Krabal

Mme Cécile Duflot

Vote sur l’ensemble

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Denis Baupin

4. Dialogue social et emploi

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Mme Sandrine Mazetier

Motion de rejet préalable

M. Jean-Frédéric Poisson

M. François Rebsamen, ministre

M. Denys Robiliard

M. Gérard Cherpion

M. Francis Vercamer

M. Christophe Cavard

Motion de renvoi en commission

Mme Isabelle Le Callennec

M. François Rebsamen, ministre

M. Denys Robiliard

M. Dominique Tian

M. Francis Vercamer

M. Christophe Cavard

Discussion générale

Mme Jacqueline Fraysse

M. Michel Liebgott

M. Gérard Cherpion

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Dialogue social

M. le président. La parole est à M. Olivier Dassault, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Olivier Dassault. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – mais elle concerne tout autant M. le Premier ministre.

Le dialogue social est incontestablement un levier de performance s’il est employé avec subtilité et raison. Personne n’est mieux placé qu’un patron pour savoir qu’un salarié heureux dans son travail est un salarié efficace !

Le Premier ministre clame haut et fort son amour pour les entreprises, dénonce la surfiscalité et la surréglementation qui les étouffent. J’avais placé moi-même beaucoup d’espoir dans le texte sur le dialogue social que nous examinerons tout à l’heure.

Vous étiez favorable, monsieur le ministre du travail, à un doublement des seuils sociaux et fiscaux pour redynamiser l’entreprise – une mesure que nous avions proposée déjà en 2013, via Génération Entreprise. Vous aviez promis plus de simplicité, moins de réglementation, et voilà les TPE – les très petites entreprises – confrontées à un nouvel obstacle à la croissance, à un nouveau monstre de paperasse : les commissions paritaires régionales.

Je vous l’assure, monsieur le ministre, les chefs d’entreprise n’ont pas besoin d’être assistés ; ils ont besoin d’être rassurés !

Vous parlez de l’importance du dialogue social ; or, dans votre propre groupe majoritaire, vous n’y parvenez pas ! Il est bien dommage, monsieur le ministre, de brandir l’arme du « 49-3 » pour que vos rangs s’alignent – d’autant que la Constitution ne vous permet pas de l’utiliser avant la prochaine session extraordinaire.

L’art du grand écart demande de l’entraînement ; vous l’accomplissez à merveille, car les paroles sont bien loin des actes ! N’en déplaise à Mme la ministre de l’éducation nationale, je parlerai en latin : « Res, non verba ». Des réalités, non des mots : c’est ce que les Français attendent.

Les 2 millions d’artisans, de commerçants, d’entrepreneurs demandent juste qu’on les laisse travailler. Le dialogue social existe dans les petites entreprises, et il se passe bien. Pourquoi ajouter un médiateur avant l’heure ?

Mais après tout, monsieur le ministre, peut-être avez-vous raison : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (« Et du chômage ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous avez raison : le dialogue social est incontestablement un facteur d’efficacité économique. À cet égard, la création de commissions paritaires régionales pour les petites entreprises, que vous avez évoquée, va créer un droit universel à être représenté pour 4,6 millions de salariés des TPE. Il s’agit là d’une avancée considérable pour les salariés, mais aussi pour les employeurs, qui seront représentés. Faire en sorte que toutes les entreprises puissent bénéficier de la démocratie sociale dont vous parlez est un enjeu majeur pour la majorité et, plus largement, pour l’ensemble du pays.

Contrairement à ce que vous craignez, cela favorisera le développement des petites entreprises. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que des secteurs importants, comme celui de l’artisanat ou celui de l’agriculture, ont déjà mis en place volontairement des commissions de ce type, et les trouvent très utiles. Ces commissions seront préservées.

Si cette proposition figure dans le projet de loi que je vous présenterai tout à l’heure, c’est qu’elle a été reprise par la partie patronale dans le cadre des négociations entre les organisations patronales et les organisations syndicales. Le projet de loi permettra à la fois d’améliorer la prise en compte des TPE et de leurs enjeux dans le dialogue social local et d’offrir des services de proximité aux salariés et aux employeurs. Voilà ce que nous souhaitons faire.

Il n’y aura pas d’ingérence dans les entreprises : les membres des commissions ne pourront y entrer – je veux vous rassurer si vous aviez quelque crainte à ce sujet – qu’avec l’accord de l’employeur.

Transition énergétique

M. le président. La parole est à M. Philippe Plisson, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Plisson. Madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, nous allons voter aujourd’hui un texte fondateur en ce qu’il engage et détermine l’avenir de nos concitoyens menacés par le dérèglement climatique. La température monte, les ouragans se multiplient, l’air devient irrespirable. S’il y a encore quelqu’un pour douter de l’urgence, son cas relève de la non-assistance à personne en danger !

Co-construite avec la société civile dans le cadre d’une commission du Conseil national de la transition écologique, cette loi est aboutie : débattue ici en première lecture, enrichie au Sénat, elle a fait encore l’objet de nombreux amendements en seconde lecture. Elle fixe des objectifs ambitieux comme celui de ramener de 75 à 50% la part d’électricité d’origine nucléaire par le développement des énergies renouvelables. Elle met en perspective un nouveau modèle de développement avec la reconnaissance de l’économie circulaire. Elle conjugue le social et l’écologie avec le développement de l’isolation thermique à moindre coût, grâce au chèque énergie. Elle met fin au gaspillage alimentaire en interdisant aux grandes surfaces de détruire les invendus. Elle ouvre aussi une nouvelle ère pour les déplacements, en posant les bases d’une révolution en faveur des véhicules à faible émission de gaz à effet de serre, des transports en commun et du covoiturage.

Ces objectifs, ce combat nécessaire pour la survie de l’humanité sont l’affaire de tous. Nous l’avons bien compris sur ces bancs quand, dans l’opposition, nous avions voté la loi Grenelle I, première étape de la prise de conscience, et nous n’en attendons donc pas moins de l’opposition d’aujourd’hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Madame la ministre, la France se doit d’être exemplaire pour accueillir en décembre la conférence mondiale sur le climat. Pouvez-vous nous confirmer que les objectifs de ce texte de transition écologique en font une loi majeure du quinquennat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, comment, en quelques minutes, résumer une loi aussi importante, puisque, même au cours de cette seconde lecture, les parlementaires ont déposés 900 amendements, des parlementaires siégeant d’ailleurs sur tous les bancs de cette assemblée ? Je souhaite que vous soyez les plus nombreux possibles à voter cette loi tout à l’heure, au-delà des clivages partisans, parce que cela permettra à la France de se doter de la législation la plus en avance. Cela permettra aussi de donner de la force à notre pays pour entraîner plus facilement tous les États qui participeront à la conférence de Paris sur le climat.

Cette loi, c’est une loi de réconciliation, une loi d’action et une loi de respect. C’est une loi de réconciliation entre les différentes énergies et entre les sensibilités politiques de cette assemblée, puisque plus d’une vingtaine d’amendements venus de l’opposition ont rejoint les amendements de la majorité pour améliorer ce texte. C’est une loi d’action, notamment par la création d’emplois dans le domaine de la croissance verte, à la fois pour les citoyens, qui doivent se saisir du crédit d’impôt, pour les entreprises de la croissance verte, qui doivent investir, et pour les territoires, notamment les territoires à énergie positive, qui sont maintenant plus de 200 à avoir signé une convention et sont capables de produire autant d’énergie qu’ils en consomment. Enfin, c’est une loi de respect, de respect pour la planète, de respect pour l’invention de notre futur commun, de respect des valeurs fondamentales qui font que l’homme doit réparer les relations trop souvent dégradées, abîmées, qu’il entretient avec la nature, qu’il s’agisse des paysages, de l’eau, des sols ou des océans. C’est cet enjeu-là aussi, la réconciliation entre les êtres humains et leur planète, qui sera au cœur de la conférence sur le climat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC sur les bancs du groupe écologiste.)

Prime d’activité

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, au mois de novembre dernier, lorsque le Premier ministre annonçait la fusion de la prime pour l’emploi et du RSA pour créer la prime d’activité, il assurait alors qu’il y aurait des perdants. Quelques mois plus tard, vous indiquiez pour votre part, en commission, que cette réforme ne ferait aucun perdant parmi les plus modestes. Une chose est certaine : plus le congrès du parti socialiste approche, plus le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité augmente !

Avec les annonces improvisées du Président de la République, le nombre de bénéficiaires de la prime d’activité atteint aujourd’hui 5,6 millions de personnes. Pour autant, ces bénéficiaires demeurent moins nombreux que ceux du RSA-activité et de la prime pour l’emploi, qui concernent 8 millions de nos concitoyens ; 5,6 millions de bénéficiaires d’un côté, 8 millions de l’autre et vous continuez de prétendre que votre réforme ne ferait pas de perdants !

En réalité, ce sont 1 à 2 millions de bénéficiaires de la prime pour l’emploi, qui touchent un peu plus de 1 400 euros par mois, qui vont être les grands perdants de votre réforme ! Le Gouvernement considère-t-il que l’on est riche quand on gagne 1 400 euros ? Alors, madame la ministre, ma question sera simple : après la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, après la baisse des pensions de retraite, après le gel du barème de l’impôt sur le revenu, les plus modestes et les classes moyennes seront-ils une nouvelle fois les victimes de votre politique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. La mise en place de la prime d’activité, monsieur le député, est une réforme ambitieuse, forte, parce qu’il s’agit de concentrer des ressources supplémentaires sur celles et ceux qui travaillent et ont le sentiment que leur travail n’est pas reconnu à sa juste valeur.

Vous qui apparteniez à une majorité qui fustigeait l’assistanat, vous n’avez rien trouvé de mieux à faire que de renvoyer vers le RSA ceux qui travaillent, en leur proposant un RSA activité. C’est la raison pour laquelle nombre de nos concitoyens qui pouvaient bénéficier de ces dispositifs n’y avaient pas accès. Nous mettons donc en place une prime d’activité qui portera ses fruits principalement entre ceux qui perçoivent la moitié d’un SMIC ou 1,2, 1,3 SMIC, avec un gain de pouvoir d’achat net qui pourra aller jusqu’à 140 euros. Et nous mettons en place un dispositif qui va faire des gagnants importants parmi une catégorie que vous aviez totalement négligée : les jeunes, puisque ceux qui travaillent pourront bénéficier comme leurs aînés de cette prime d’activité. Alors qu’ils ne sont aujourd’hui que 5 000 à pouvoir bénéficier du RSA activité, ce sont, demain, 1 million de jeunes qui pourront bénéficier de cette prime d’activité.

Cela, monsieur le député, c’est une avancée forte, une avancée dans la lutte contre les discriminations dont la jeunesse est l’objet, c’est une avancée sur la voie de la reconnaissance du travail, qui va permettre de reconnaître le travail, le travail de ceux qui quittent le RSA pour avoir une activité, le travail de ceux qui passent d’un temps partiel à un temps plein – c’est l’engagement du Gouvernement. Vous le voyez, monsieur le député, nous travaillons pour ceux qui travaillent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Ils ne sont pas gâtés, avec vous, ceux qui travaillent !

Avenir des trains Intercités

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.

Mme Cécile Duflot. Ma question s’adresse à Mme Ségolène Royal, en sa qualité de ministre des transports. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Les écologistes souhaitent se faire le relais de ceux et celles qui se sentent, aujourd’hui, directement menacés par le projet, présenté dans le rapport de notre collègue M. Philippe Duron, de supprimer certains des trains Intercités.

M. Alain Chrétien. Ils prendront le bus !

Mme Cécile Duflot. Ce n’est pas une question anodine : c’est un sujet grave, car de telles suppressions ajouteraient à l’enclavement de certains territoires, et aggraveraient ainsi les fractures qui entament déjà l’unité de notre pays.

La mobilité pour tous est un enjeu de justice sociale et de justice environnementale. Alors que se profile la Conférence de Paris sur les changements climatiques, nous devons d’urgence investir dans des transports collectifs performants. Les trains Intercités en sont un élément décisif. Pourtant, force est de constater que c’est le contraire qui est fait : les lignes Intercités ont été sciemment sacrifiées depuis de nombreuses années. Il est très difficile de faire préférer le train à d’autres modes de transports dès lors que ces trains sont trop lents, inconfortables, en retard, et mal coordonnés avec les TER – les trains express régionaux.

Un député du groupe UMP. Et chers !

Mme Cécile Duflot. Comment expliquer qu’une ligne telle que Paris-Briançon fonctionne avec des michelines diesel sur voie unique, avec des incidents permanents, alors que c’est une desserte vitale pour l’économie d’une région enclavée ? Comment justifier que les trains reliant Nantes à Bordeaux mettent aujourd’hui quatre heures quinze, en dépit de la nombreuse clientèle possible, alors que le même trajet est accompli en trois heures vingt-cinq en voiture ?

M. Alain Chrétien. Demandez à Macron !

Mme Cécile Duflot. Comment expliquer que le Paris-Limoges-Toulouse mette quarante minutes de plus en 2015 qu’en 1967 ? Je pourrais multiplier les exemples. La situation actuelle est absurde : on préfère financer la ligne Lyon-Turin, dont le prix est faramineux, et dont toutes les études montrent que la rentabilité socio-économique sera mauvaise, plutôt que pérenniser les transports qu’utilisent les Français au quotidien.

Madame la ministre, quelles garanties pouvez-vous donner quant à l’avenir des lignes Intercités ? Au-delà de cette question, pouvez-vous vous engager devant les citoyennes et les citoyens à faire de la mobilité de chacun une priorité pour l’équilibre territorial et l’avenir écologique de notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, les trains d’équilibre du territoire rassemblent aujourd’hui des lignes hétérogènes : trains de nuits, trains qui font du cabotage en concurrence avec les TER, et trains Intercités au sens strict. J’ai demandé à une commission pluraliste présidée par Philippe Duron d’élaborer un rapport. Pourquoi cela ? Parce que ces trains, dont l’État est l’autorité organisatrice, représentaient, en 2014, 400 millions d’euros de déficit. Le déficit prévisionnel pour les années 2020 devrait s’établir aux alentours de 500 millions d’euros.

De plus, comme vous l’avez dit avec justesse, la situation n’est pas acceptable : on a laissé vieillir le réseau, car d’autres choix ont été faits ; le matériel est lui aussi très vieillissant, quasiment obsolète. Nous avons réfléchi en tenant compte de ces impératifs, dans une commission pluraliste. Le rapport de cette commission a été publié : je salue sa qualité.

Les réactions à ce rapport ont été diverses. M. Bussereau ne l’a pas signé, alors qu’il était membre de la commission, parce qu’il trouve qu’il ne va pas assez loin dans l’ouverture à la concurrence ; le vice-président du conseil régional d’Auvergne ne l’a pas signé non plus, parce qu’il le trouve trop libéral. Je vous rassure sur un point : le représentant des Verts dans cette commission, le sénateur Jean-Vincent Placé, a signé, lui, ce rapport : cela devrait vous rassurer. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Quelle est désormais la feuille de route du Gouvernement ? Je crois que nous devons prendre en compte ce rapport. Nous pouvons nous accorder sur un certain nombre de principes : prendre en compte la réalité du défi financier, respecter le droit à la mobilité, respecter la nécessité de l’aménagement du territoire. C’est sur ces bases-là que le Gouvernement prendra ses décisions au mois de juin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Compte pénibilité

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le Premier ministre, la mise en œuvre du compte personnel de prévention de la pénibilité, voulu dans le cadre de la réforme des retraites portée par le Gouvernement, est une avancée majeure,…

M. Christian Jacob. Une catastrophe pour les entreprises !

M. Christophe Sirugue. …visant à reconnaître les inégalités entre les salariés, exposés ou pas – cela, d’ailleurs, ne fait pas débat. Par ailleurs, les chefs d’entreprise nous ont fait part de la complexité du dispositif tel qu’il était prévu. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Enfin ! C’est bien de le reconnaître !

M. Christophe Sirugue. Monsieur le Premier ministre, vous avez confié une mission à Gérard Huot, chef d’entreprise, à Michel de Virville, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, et à moi-même. Nous avons remis ce matin les conclusions de nos travaux. Dans notre rapport, nous évoquons plusieurs pistes. Pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement entend faire des préconisations contenues dans ce rapport,…

M. Guy Geoffroy. Allô ! Allô !

M. Christophe Sirugue. …qui ont pour objectif, d’une part, de renforcer la prévention, et d’autre part, de sécuriser et de simplifier le dispositif, tout cela sans perte de droits – ce dernier élément est particulièrement important ?

Pouvez-vous préciser la date d’ouverture des droits et de mise en œuvre de ce dispositif ? Il importe en effet que la représentation nationale dans son ensemble soit informée des intentions du Gouvernement quant aux préconisations figurant dans le rapport qui a été remis ce matin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous avez en effet travaillé de longs mois sur ce sujet, et mené de nombreuses consultations. Vous avez raison de dire que le compte pénibilité,…

Un député du groupe UMP. C’est pénible à dire !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …que nous avons créé en 2014, est un progrès social majeur. Cette mesure était attendue depuis longtemps : elle était inscrite dans la loi de réforme des retraites de 2003, dite « loi Fillon », mais n’a jamais été mise en œuvre par ceux qui s’y étaient pourtant engagés. Enfin, elle a été intégrée à la loi de réforme des retraites défendue par Marisol Touraine. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous pouvez bien vociférer : sur ce sujet-là, nous, nous tenons nos engagements ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Un peu de calme, je vous prie ! Monsieur Meunier, monsieur Cochet…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela faisait des années que l’on en parlait !

De plus, nous ne voulons pas d’un droit fictif, d’un droit seulement formel, qui ne serait pas réel pour les salariés, et qui pénaliserait ainsi les entreprises. Le Gouvernement et la majorité veulent un droit qui s’applique concrètement. Pour cela, en effet, il est nécessaire de simplifier sa mise en œuvre pour les entreprises.

M. Christian Jacob. Mais laissez-les vivre en paix, les entreprises !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Sirugue, vous avez remis ce matin à Marisol Touraine, à François Rebsamen et à moi-même, ce rapport qui est le fruit d’un travail réalisé avec Gérard Huot et Michel de Virville. Il vise un objectif simple, sur lequel nous pouvons tous nous accorder : rendre le dispositif plus simple et plus sûr, en particulier pour les TPE et les PME, qui ne disposent pas, en interne, des ressources pour mesurer toutes les expositions à la pénibilité.

Je m’appuierai donc sur vos propositions pour engager une simplification très importante du compte pénibilité. Ces évolutions seront valables pour toutes les entreprises, petites comme grandes, qui pourront ainsi consacrer toute leur énergie à investir et à développer leur activité : c’est quand même cela l’essentiel.

Deux évolutions principales seront accomplies. D’abord, afin de leur éviter une mesure individuelle de la pénibilité, les entreprises s’appuieront – comme vous le proposez – sur des référentiels de branche pour identifier les salariés qui rentrent dans les critères. Ensuite, ce ne seront plus les employeurs qui établiront les fiches individuelles d’exposition, mais les caisses de retraite : elles transmettront ensuite ces fiches aux salariés, qui seront ainsi pleinement informés de leurs droits.

M. Sylvain Berrios. C’est une simplification, ça ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour vous dire simplement les choses, la fiche individuelle d’entreprise est ainsi supprimée. Nous laissons un an aux branches – jusqu’en juillet 2016 – pour établir ces référentiels que les entreprises n’auront qu’à suivre.

Enfin, pour répondre à votre deuxième question, les droits des salariés seront garantis : ceux prévus en 2015 comme ceux prévus en 2016, qui comptera comme une année entière. Les droits prévus au-delà de 2016 seront aussi, bien entendu, garantis.

Pour que ces propositions puissent se concrétiser rapidement, le Gouvernement déposera aujourd’hui même des amendements au projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi ; le ministre du travail y reviendra à l’occasion des débats sur ce texte.

Monsieur Sirugue, chacun dans cet hémicycle peut s’accorder sur ce constat de bon sens : il faut un dispositif simple pour que les droits des salariés s’appliquent sur le terrain, dans chaque entreprise. C’est une question de justice et d’efficacité économique : nous prouvons que ces deux objectifs peuvent parfaitement se conjuguer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Construction de logements

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Madame la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité, la construction de logements est une impérieuse nécessité dans notre pays, d’abord pour répondre aux besoins de nos concitoyens et, bien sûr, pour créer des emplois et contribuer à la reprise de la croissance, dont nous avons les premiers signes. Des chiffres publiés jeudi font état d’une augmentation de plus de 10 % des ventes de logements neufs sur un an. Les ventes au détail de logements neufs ont notamment bondi de 20 %, alors que ce marché était désespérément morose depuis plusieurs années.

Les professionnels de l’immobilier se déclarent plutôt optimistes quant à l’avenir du marché du logement en France, selon une enquête Crédit foncier/CSA publiée le 5 mai. Les agents immobiliers constatent également une forte embellie sur le marché de l’ancien, avec une croissance de 25 % au mois d’avril, pendant lequel le nombre de prêts immobilier a progressé de 28 %. Enfin, le nombre des jeunes accédants progresse de 12 %.

Ces données sont très encourageantes. Elles laissent présager un redémarrage durable du secteur de la construction, que les parlementaires et les élus locaux, dont je fais partie, attendent. Ce rebond des ventes est attribué au succès de plusieurs dispositifs que vous aviez, avec le Premier ministre, proposés en août dernier lors de la présentation du plan de relance de la construction et dont nous avions débattu dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015.

Je me félicite notamment d’avoir contribué, avec mes collègues, à l’assouplissement du dispositif d’investissement locatif, secteur dans lequel les ventes ont augmenté de près de 60 % ces derniers mois, et à son ouverture aux parents des investisseurs. En effet, au-delà de la relance de la construction, cela constitue une solution concrète et efficace pour le logement des personnes âgées non dépendantes, qui constitue un réel problème dans notre société. Nous avons également voté la mise en place d’incitations à la libération de terrains à construire et l’élargissement du prêt à taux zéro, dispositifs qui portent donc aujourd’hui leurs premiers fruits. Cela est de bon augure pour la suite. Nous devons toutefois rester prudents. Il faut donc que la dynamique enclenchée se poursuive et s’amplifie dans les prochains mois et les prochaines années. Aussi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir nous préciser ce que le Gouvernement entend faire en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député, vous venez de rappeler les chiffres publiés la semaine dernière par la Fédération des promoteurs immobiliers et vous avez raison de saluer les premiers signes de reprise liés à la hausse des ventes. Mais, vous l’avez également rappelé, nous devons rester prudents car la reprise est fragile. Nous devons donc nous mobiliser et redoubler d’efforts en la matière. Les effets sur les mises en chantiers et sur le nombre des constructions apparaîtront d’ici à la fin de l’année car, vous le savez, il existe toujours un décalage entre les chiffres des ventes et la réalisation effective des travaux : le temps de la construction est un temps long.

Nous percevons aujourd’hui les effets positifs du plan de relance présenté au mois d’août dernier avec le Premier ministre. Nous avons voulu agir sur l’ensemble des segments de l’offre de logements en améliorant un certain nombre de dispositifs pour retrouver la confiance des investisseurs et des ménages. Mais nous devons aussi faire preuve de responsabilité collective avec l’ensemble des acteurs, les professionnels mais aussi les élus locaux, puisque les professionnels ont recensé 15 000 à 20 000 logements bloqués dans notre pays. C’est la raison pour laquelle nous mettons en œuvre les mesures annoncées lors du Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté en faveur de la mixité sociale pour relancer durablement le secteur de la construction, sans oublier bien sûr les mesures concernant la simplification des normes et des procédures. C’est par la mobilisation et par ce travail de terrain que nous parviendrons à agir à la fois sur l’activité économique, sur la croissance, donc sur l’emploi, et que nous permettrons à nos concitoyens d’avoir accès au logement. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Fraude dans les transports publics

M. le président. La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Pécresse. Ma question s’adresse au secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche et j’y associe mes collègues Xavier Bertrand, Christian Estrosi, Marc Le Fur et Laurent Wauquiez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

À l’heure où la fermeture de nombreuses lignes de train Intercités est envisagée par notre collègue Philippe Duron, un chiffre nous scandalise : 500 millions d’euros. 500 millions d’euros par an, c’est le montant de la fraude dans les transports publics. Cette fraude est le symbole même de l’injustice car ce sont les usagers et les contribuables qui paient pour les fraudeurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



La SNCF l’a bien compris, mais son volontarisme se heurte à une dure réalité : seulement 10 % des amendes sont réellement payées. Ce chiffre est ridiculement faible en comparaison des 70 % de recouvrement des amendes automobiles. Pourquoi une telle différence ? Tout simplement parce que les usagers des transports publics ne sont pas tenus de porter une pièce d’identité sur eux. Résultat : ils donnent des identités et des adresses fantaisistes et l’on ne les retrouve pas. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Les contrôleurs sont impuissants et de plus en plus démotivés. Pourtant, il faut une pièce d’identité pour prendre l’avion. Pourtant, il est normal d’avoir son permis de conduire et sa carte grise dans sa voiture. En quoi serait-il choquant d’avoir sa pièce d’identité dans le métro, dans le bus ou dans le train ? Les Français qui paient leurs transports n’en peuvent plus de voir tous ces fraudeurs qui ne sont jamais sanctionnés (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)



C’est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi qui vise à rendre obligatoire les papiers d’identité dans les transports publics. Ils seraient demandés à tous les voyageurs sans billet. Monsieur le secrétaire d’État, soutiendrez-vous cette proposition de loi ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Madame la députée, pour lutter contre la fraude, il faut normalement réunir le Comité national de la sécurité dans les transports en commun. C’est ce que Frédéric Cuvillier a fait en 2013, alors qu’il n’avait pas été réuni depuis quatre ans, période où vous étiez majoritaires. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Quel succès !

M. Bernard Deflesselles. Quels résultats !

M. le président. S’il vous plaît, on écoute la réponse !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Mais vous avez raison sur les chiffres : 400 à 500 millions d’euros de fraudes, ce n’est effectivement pas acceptable. Le Gouvernement a pris des dispositions. Avec Bernard Cazeneuve, nous avons pris un certain nombre de mesures susceptibles de répondre à votre interrogation : d’abord, l’octroi d’un droit de communication qui sera ouvert aux opérateurs pour leur faciliter l’identification des fraudeurs, en lien avec l’administration ; l’abaissement de 10 à 5 du nombre d’infractions successives caractérisant le délit de fraude d’habitude (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe UMP) ; la modification du décret de septembre 2007 permettant aux agents exerçant leur mission en civil de pouvoir verbaliser des fraudeurs, ce qui n’était pas possible auparavant ; faire de la vente à la sauvette dans les lieux de transports un délit.

M. Bernard Deflesselles. Vous allez terroriser les fraudeurs !

Mme Catherine Vautrin. Ce n’est pas le sujet !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. J’ai décidé de modifier le décret du 22 mars 1942 pour simplifier la revalorisation de l’indemnité forfaitaire.

M. Christian Jacob. Quel grand ministre !

M. Guy Geoffroy. Enfin, des réformes !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Certaines de ces mesures supposent une modification législative. Une proposition de loi vous sera soumise. En ce qui concerne votre proposition de rendre obligatoire la présentation d’une pièce d’identité, je souhaite que vous ayez réfléchi à la constitutionnalité d’une telle mesure. Nous débattrons de cette initiative. Ce sujet est suffisamment sérieux pour qu’on évite les propositions à l’emporte-pièce, qui obéissent à une logique préélectorale. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

Mme Valérie Pécresse. C’est la SNCF qui le demande !

M. Yves Censi. Nous sommes à l’Assemblée !

Avenir des trains Intercités

M. le président. La parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Duron. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, la commission sur l’avenir des trains d’équilibre du territoire, les TET, que vous avez mise en place le 25 novembre dernier, vient de vous remettre son rapport sur l’état et les perspectives de ces trains.

Cette appellation regroupe, vous l’avez dit, des services ferroviaires très hétérogènes : vingt-deux lignes de jour, desservies par des trains Corail ou des voitures Téoz, ainsi que huit trains de nuit. La commission fait le constat que si les usagers sont très attachés au service public ferroviaire, qui garantit une bonne accession à la mobilité dans des conditions de confort, de sécurité et de prix acceptables, ils sont exaspérés par la dégradation de la ponctualité comme du service offert par ces TET.

Cette dégradation de l’offre tient, pour partie, au vieillissement du matériel roulant mis en service dans les années 70. Les usagers se détournent, par ailleurs, des trains de nuit quand les nombreux travaux de rénovation des infrastructures entraînent des annulations des services et rendent impossible des réservations dans des délais suffisants.

Enfin, la rapide dégradation financière des TET met en danger l’opérateur ferroviaire, la SNCF, et l’amène à une remise en cause de certaines lignes, ce qui provoque l’inquiétude des usagers et des élus, en un mot, des territoires.

Face à la dégradation de ce service utilisé chaque jour par 100 000 usagers, la commission recommande le remplacement du matériel ferroviaire. Elle considère comme nécessaire le renforcement des moyens de l’autorité organisatrice et préconise de repositionner l’offre pour mieux répondre aux besoins des usagers, c’est-à-dire de la renforcer sur les lignes à fort potentiel, de proposer la reprise du trafic par les trains express régionaux – TER – sur d’autres, et enfin, lorsqu’on sort du domaine de pertinence du ferroviaire, de transférer le trafic vers la route lorsqu’il existe une infrastructure autoroutière performante.

En un mot, la commission a veillé à ce que chaque territoire soit assuré d’une solution de mobilité efficace et accessible. Monsieur le secrétaire d’État, quelles suites entendez-vous donner à ce rapport ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je vous remercie tout d’abord pour la qualité du travail que vous accompli. J’avais souhaité saisir une commission composée de parlementaires de tous bords, ainsi que d’un certain nombre d’experts, pour réfléchir à cette situation, évidemment préoccupante que vous avez rappelée dans des termes que je partage. Vous avez fait un travail d’une extrême qualité, et le Gouvernement souhaite que le débat puisse s’organiser en toute transparence.

Ce rapport sera mis en ligne, aujourd’hui, sur le site du ministère des transports. J’avais indiqué que je souhaitais que les commissions compétentes du Parlement puissent en débattre : cela va être fait. Vos conclusions, monsieur Duron, sont claires, et votre commission a également fait un certain nombre de propositions qui lui appartiennent. Le Gouvernement a fait savoir qu’il ferait connaître sa feuille de route en plusieurs étapes : un certain nombre de décisions seront rendues au mois de juin, et d’autres un peu plus tard.

Chacun comprend que se pose, notamment, la question du rapport avec les régions : nous devons avoir une concertation avec elles, et donc avec les exécutifs qui seront en place après les élections régionales.

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Certaines décisions supposent d’être prises par l’État dès aujourd’hui, notamment sur la question de la gouvernance, mais aussi sur celle du matériel, qui est une question majeure. Vous l’avez rappelé, l’objectif poursuivi par le Gouvernement dans cette affaire est de répondre aux défis financiers. Il est aussi de s’assurer que chacun obtiendra une réponse en termes de droit à la mobilité et que les questions d’aménagement du territoire, notamment lorsque aucune solution alternative n’existe, aboutiront au maintien des situations actuelles.

Le pire, dans cette situation, serait de ne pas regarder le problème en face. Vous l’avez fait, et j’en remercie, à travers vous, tous les membres de la commission : votre travail permettra, enfin, de prendre des décisions qui ont trop longtemps été, par certains, différées. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Dialogue social

M. le président. La parole est à Mme Claude Greff, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Claude Greff. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, dans la réponse que vous venez de faire à mon collègue Olivier Dassault, vous avez fait preuve d’autosatisfaction. Les petites et moyennes entreprises, les PME, tout comme les très petites entreprises, les TPE, seront ravies d’apprendre qu’elles sont sauvées puisqu’un rapport socialiste a été déposé.

Pour autant, depuis l’échec des négociations sociales de ces derniers mois, vous provoquez, avec le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, la colère des patrons de ces PME et de ces TPE. La situation financière de celles-ci reste tendue : dois-je vous rappeler qu’elles sont dans le rouge depuis onze trimestres consécutifs ? La mise en place du compte pénibilité a engendré une charge de travail supplémentaire, et les entreprises sont unanimes pour dénoncer sa complexité. En outre, vous voulez mettre en place, dans les entreprises de moins de dix salariés, des mesures inapplicables car elles ne peuvent s’appliquer que dans les grands groupes.

Ce que vous proposez montre que vous avez une réelle méconnaissance du travail de ces chefs d’entreprises.

M. Bruno Le Roux. À droite, on ne comprend rien à la question !

Mme Claude Greff. Monsieur le ministre, ces patrons se trouvent au contact direct de leurs salariés avec lesquels ils travaillent au quotidien, dans un esprit d’équipe. Ils sont d’ailleurs plus dans une relation de collègues que dans une relation purement hiérarchique. Ils font équipe, eux, et le dialogue existe.

À l’heure où le chômage atteint des records historiques, avec vos mesures vous assommez encore plus ceux qui veulent créer de l’emploi et qui portent l’apprentissage qui constitue, pour nos jeunes, un atout. Oui, les patrons de TPE et de PME, aujourd’hui, ne décolèrent pas ! Nos entreprises n’ont pas besoin de lois qui se multiplient et qui, à force d’être détricotées pour satisfaire toutes les tendances, souvent divisées, de votre majorité, deviennent de véritables fourre-tout dont l’objet n’est bien souvent que de mettre en place des usines à gaz.

Monsieur le ministre, d’un côté, vous annoncez des mesures et, de l’autre, ce que vous mettez en place revient à faire le contraire. Notre pays mérite une véritable réforme de son droit du travail : il faudra lever les nombreuses contraintes administratives, ce qui permettrait de donner, évidemment, une plus grande souplesse aux entreprises. Celles-ci pourront ainsi saisir la relance économique que vous promettez depuis trois ans.

Allez-vous, comme pour toutes les autres réformes, passer en force avec des mesures contraignantes pour les entreprises qui n’en ont vraiment pas besoin, dans un contexte économique qui les fragilise ? Monsieur le ministre, vous devez retirer ces mesures. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, j’ai bien entendu ce que vous avez dit. Mais le texte de loi que je vais présenter tout à l’heure, au nom du Gouvernement, va tout à fait à l’inverse de vos propos. Pourquoi ? Parce qu’il répond à une double exigence.

Premièrement, il répond à une exigence démocratique, car il s’agit d’une grande avancée sociale que d’assurer, dans toutes les entreprises, la représentation de l’ensemble des salariés. Cela a été aussi bien compris dans l’artisanat que dans la production agricole. En effet, ces commissions paritaires régionales existent d’ores et déjà.

M. Christian Jacob. C’est invraisemblable !

M. François Rebsamen, ministre. Deuxièmement, le projet de loi répond à l’exigence d’assurer l’efficacité économique de toutes les entreprises. C’est bien dans ce sens que nous prenons un certain nombre de dispositions qui vont tout à la fois faciliter la vie de l’entreprise, assurer une meilleure qualité du dialogue social dans l’entreprise et permettre ainsi à celle-ci de se développer. Je ne voudrais pas, à cet instant, entrer dans les détails, car j’aurai l’occasion de le faire plus tard et de débattre avec l’opposition, comme nous l’avons fait en commission.

Passer de dix-sept consultations à trois consultations, et de douze négociations obligatoires à trois négociations stratégiques, c’est une grande avancée pour les entreprises comme pour le dialogue social.

M. Christian Jacob. Génial, oui !

M. François Rebsamen, ministre. C’est bien le but que nous poursuivons. Enfin, s’agissant de la pénibilité, comme vous l’a dit le Premier ministre : c’est une histoire qui remonte à loin, puisque vous l’avez portée, dès 2003, sans jamais aller au bout.

M. Christian Jacob. Dieu merci !

M. François Rebsamen, ministre. C’est d’ailleurs vous qui avez inventé la complexité de la fiche individuelle de pénibilité, et c’est à nous qu’il revient de la mettre en œuvre, en la simplifiant et en assurant le droit des salariés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Lutte contre Daech

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Chantal Guittet. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

La prise de Palmyre, la semaine, dernière nous a remplis d’effroi, car nous connaissons, hélas, la suite : viols, massacres d’enfants, actes de barbarie, esclavagisme, toutes ces atrocités auxquelles sont soumis femmes, hommes et enfants, qu’ils soient chiites, sunnites ou chrétiens d’Orient, dès qu’ils résistent au joug des djihadistes.

L’avenir du site de Palmyre, l’un des plus beaux du Moyen-Orient, est source d’inquiétude pour nous tous. Sa destruction signifierait la disparition de l’un des plus beaux berceaux de l’humanité.

Au nom d’une prétendue théologie, des atrocités sont commises chaque jour, en Irak, en Syrie, mais aussi en Arabie Saoudite, partout où des attentats sont commis.

Chers collègues, nous le savons, la France a pris très tôt ses responsabilités dans ce contexte périlleux et a permis sans doute que la progression des groupes terroristes soit moins rapide : opération Chammal, avec les frappes aériennes en Irak au sein d’une large coalition pour stopper l’avancée de Daech, mobilisation internationale contre le terrorisme, accueil et soutien aux chrétiens d’Orient, notamment ceux d’Alep.

La communauté internationale, faite d’hommes et de femmes qui défendent la liberté et luttent contre la barbarie, doit être à la hauteur de ce moment.

Monsieur le ministre, inévitablement, se pose avec intensité la question des réseaux de financement de Daech et des modalités d’approvisionnement en armes de ce groupe. Comment tarir ses sources ? Avons-nous encore les cartes en main pour stopper cette progression fulgurante ? Quelles initiatives la France entend-elle prendre pour renforcer l’action de la communauté internationale contre Daech dans les jours qui viennent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la députée, chacun des députés ici présents sait que la lutte indispensable contre Daech sera un combat de longue haleine.

Ces derniers mois, il y a eu quelques progrès mais il faut reconnaître que cette internationale de l’horreur effectue des percées redoutables en Irak et en Syrie.

En Irak, la prise de Ramadi est un revers pour les forces de sécurité irakiennes. Cela confirme ce que nous n’avons cessé de dire, c’est qu’il n’y a pas de solution militaire sans solution politique. En septembre, lors de la conférence de Paris, nous avions lié le soutien militaire de la coalition à des engagements politiques de la part du nouveau gouvernement irakien, ce que nous appelons une politique de rassemblement inclusive. C’est ce contrat qui avait justifié notre engagement militaire. Je dis clairement ici qu’il doit être désormais mieux respecté.

En Syrie, la prise de Palmyre par Daech confirme également ce que nous disons depuis des mois : Bachar el-Assad ne contrôle plus réellement son pays et il ne protège ni la population syrienne ni le patrimoine de l’humanité. Ce qu’il faut rechercher maintenant très vite, c’est un nouveau gouvernement réunissant à la fois des éléments du régime, sans Bachar, et des éléments de l’opposition. La France en discute avec tous et c’est une telle solution qui peut permettre de sauver la Syrie et de vaincre les terroristes.

Sur l’Irak comme sur la Syrie, la mobilisation internationale va donc se renforcer très vite. Sinon, je le dis, on va vers une partition de l’un ou de l’autre pays, voire des deux, avec de nouveaux massacres et des conséquences désastreuses. C’est pourquoi je présiderai mardi prochain à Paris une réunion de la coalition internationale contre Daech, avec le Premier ministre irakien et le secrétaire d’État américain. La réunion sera l’occasion pour la France de dire les choses clairement, comme je le fais devant vous, et pour chacun de prendre ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Réforme du collège

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Chrétien. Non, madame la ministre de l’éducation nationale, nous ne vous lâcherons pas sur votre réforme du collège (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), une réforme dogmatique dont vous avez signé les textes en catimini, voire en catastrophe, avant le congrès du parti socialiste.

Non, vous n’écoutez pas les enseignants, vous n’écoutez pas les parents d’élèves, dont l’une des premières fédérations vient de désavouer son président.

Non, vous n’écoutez pas les Français, qui sont plus de 26 000 à avoir signé la pétition de Bruno Le Maire, ainsi que près de 300 parlementaires.

Non, tous les enfants ne méritent pas une pédagogie uniforme et médiocre. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) À prétendre tout donner à tout le monde, on finit par abandonner l’essentiel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Oui, il faut revenir aux fondamentaux, savoir lire, écrire, compter. Oui, l’enseignement professionnel est tout aussi honorable que l’enseignement général. Sortir du collège unique, ce n’est pas faire de l’élitisme, c’est comprendre que chaque enfant est unique et que chaque parcours est différent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Non, nous ne vous lâcherons pas sur cette réforme car elle est l’essence même de l’égalitarisme socialiste qui tire la France vers le bas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Non, madame la ministre, vous n’êtes pas la digne héritière de Jules Ferry !

Vous avez reculé sur la suppression des notes, vous avez reculé sur la théorie du genre, vous avez reculé sur la bourse au mérite, alors reculez sur votre réforme du collège ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je ne doute pas, monsieur le député, que le président de votre formation politique, Nicolas Sarkozy, aura bu du petit-lait en vous écoutant cet après-midi, lui qui vous a en effet donné pour instruction de harceler le Gouvernement sur cette question de la réforme des collèges. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

La réussite de nos enfants mérite tellement mieux que ces polémiques politiciennes à n’en plus finir. Oui, la réforme des collèges a été adoptée. La pédagogie étant l’art de la répétition, je veux bien, pour la trente et unième fois – j’ai compté le nombre de questions que vous m’avez adressées depuis quelques semaines – vous expliquer en quoi le collège que nous préparons pour nos enfants a vocation à faire réussir chacun d’entre eux ; en quoi nous ne pouvons plus admettre un collège qui fait qu’un enfant sur quatre, en classe de troisième, ne maîtrise pas les fondamentaux en lecture et en écriture ; en quoi, avec de l’accompagnement personnalisé, du travail en petit groupe, de nouvelles pratiques pédagogiques, dont toutes les enquêtes démontrent les vertus, nous allons mieux faire réussir non pas simplement 15 % d’élèves mais 100 % des collégiens.

Monsieur le député, je ne me souviens pas que vous vous soyez intéressé à l’éducation avant de vous saisir de ce sujet comme prétexte. (Vives protestations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP.)

M. Alain Chrétien. Vous me déniez le droit de poser une question ?

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’éducation est un sujet sérieux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP – Bruit continu.) Parce que l’éducation est un sujet sérieux, il faut écouter ce que vous disent les enseignants eux-mêmes car ce sont eux qui, les premiers, ont inspiré cette réforme. (Mêmes mouvements.)

Avec l’autonomie que nous laissons aux établissements, ces derniers pourront enfin répondre aux besoins de leurs élèves. (Mêmes mouvements.) Avec des pratiques pédagogiques qui ont été inspirées du terrain partout et qui ont révélé qu’elles permettaient aux enfants de mieux apprendre, le collège 2016 s’intéressera enfin à la réussite. (Mêmes mouvements.)

Vous ne voulez pas y adhérer, c’est votre politique. La nôtre, nous l’assumons. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC – Vives protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. C’est inadmissible !

M. Daniel Fasquelle. C’est scandaleux !

Chaîne 23

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Marcel Rogemont. Madame la ministre de la culture et de la communication, il y a quelques semaines, la direction de la chaîne de télévision Numéro 23 a annoncé la vente de celle-ci. Cette transaction nous interroge. Elle constitue en effet, purement et simplement, une spéculation sur un bien public. La fréquence a été attribuée en juillet 2012 ; la chaîne a commencé à émettre en décembre 2012 ; et, dès le début de l’année 2015, la décision de vente a été annoncée. Comment peut-on raisonnablement croire que l’intention de vendre n’était pas, dès 2012, dans l’esprit des actionnaires ? Comment peut-on admettre qu’une chaîne ayant bénéficié d’une fréquence accordée gratuitement puisse faire l’objet d’une vente à hauteur de 88 millions d’euros, après seulement deux ans d’existence ? Comment justifier ce montant avec une qualité des programmes inexistante et un audimat très faible ?

En 2013, le Parlement a instauré une taxe sur les plus-values réalisées lors des ventes de chaînes. Le Sénat vient de proposer un renforcement du dispositif. Est-ce suffisant ? Ce dispositif mériterait d’être encore renforcé et enrichi par la fixation, dans la loi, une durée minimale de détention. Plus largement, il pourrait être opportun de conférer au Conseil supérieur de l’audiovisuel un pouvoir décisionnel accru en ce domaine. Nous devons agir pour l’avenir, certes, mais nous devons également agir pour l’opération en cours. La jurisprudence du Conseil constitutionnel nous conforte en ce sens, en ne reconnaissant pas le principe de confiance légitime, d’une part, et en autorisant le législateur à adopter des dispositions fiscales rétroactives, d’autre part. Madame la ministre, pouvez-vous accepter cette vente à 88 millions d’euros sans réagir ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, vous avez raison de dire que les fréquences de télévision appartiennent au domaine public et que ce sont des biens rares. Le Gouvernement et le Parlement ont le devoir d’exercer leur vigilance. Comme vous le savez, le projet de rachat d’une chaîne est soumis au contrôle des autorités de régulation et il doit donc recueillir leur accord pour se concrétiser. S’il doit être contrôlé par l’Autorité de la concurrence, le rachat doit également être agréé par le Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA –, au regard notamment du respect du pluralisme et de la concurrence dans le secteur. C’est d’ailleurs une procédure que ce gouvernement a renforcée, en prévoyant que le CSA doit mieux prendre en compte les considérations économiques avant d’autoriser une telle opération.

S’il considère, par exemple, que le marché risque d’être bouleversé, il peut lancer une étude d’impact publique pour apprécier les conséquences liées au rachat de chaîne et prendre ainsi une décision éclairée. L’agrément à une telle opération implique la conclusion d’une nouvelle convention et d’engagements négociés avec le groupe acquéreur. Le Conseil a donc aujourd’hui pleinement les moyens d’assurer que les engagements en faveur de la création, les équilibres du marché de la TNT et le pluralisme soient respectés, et ce davantage que par le passé grâce aux réformes que ce gouvernement a mises en œuvre. En 2010 et 2012, le CSA avait déjà autorisé le rachat de cinq chaînes.

Monsieur le député, la spéculation met en effet clairement à mal le système de financement de la création, dont l’attribution gratuite des fréquences constitue un pilier. C’est pourquoi nous avons institué en 2013 une taxe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) sur le prix de vente des chaînes de la TNT. Il reviendra à l’Assemblée nationale de déterminer s’il est sage d’augmenter cette taxe pour décourager à l’avenir ce type de comportement dans un cadre juridique constitutionnel sécurisé. Notre objectif commun est d’assurer que le marché de la TNT traduise un vrai pluralisme, tout en permettant aux chaînes de trouver un équilibre économique durable, capable d’assurer la production et la diffusion de programmes français de qualité.

Avenir des trains Intercités

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre de l’éducation nationale, qui êtes-vous pour vous adresser ainsi à un élu de la nation, vous qui ne l’avez jamais été ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, je voudrais revenir sur le rapport Duron. Il y a une semaine, les élus membres de l’association des villes de France et de l’association des régions de France faisaient part de leur vive inquiétude quant à l’avenir des trains Intercités. Ces élus, dont je suis, craignent le démembrement pur et simple d’un outil essentiel pour le développement de nos territoires. Les conclusions du rapport de notre collègue Philippe Duron confirment nos craintes, puisque c’est l’ensemble du réseau Intercités qui est mis à mal par des suppressions de lignes et la diminution ou la fermeture de nombreuses dessertes. Ce projet est dangereux. Il pèse, par exemple, sur la ligne Paris-Cosne-Nevers, classée grande ligne SNCF et porterait un coup fatal à de nombreux bassins de vie. À Montargis et à Gien, par exemple, ce sont des milliers de personnes qui empruntent le train, matin et soir. Renoncer à ce type de transport signifiera, pour la majorité d’entre eux, la perte sèche de leur emploi. Cela n’est pas envisageable.

Vous trouvez là un moyen pour récupérer une partie des pertes financières de 500 millions d’euros environ qui sont surtout liées aux fraudes, comme l’a rappelé Mme Pécresse. Je reste persuadé qu’une ligne ferroviaire rend d’immenses services et que c’est un élément pilier dans l’équilibre social et économique de nos territoires. Monsieur le secrétaire d’État, le réseau Intercités s’appelle désormais réseau des trains d’équilibre du territoire. Cela ne veut pas dire fermeture des territoires. Les Intercités rendent service à des millions de Français, ne les fermez pas, mais ouvrez-les éventuellement à la concurrence, comme l’évoque la directive européenne pour l’horizon 2019. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, les travaux confiés à la commission Duron l’ont été à une commission parlementaire. En l’état, le Gouvernement entend analyser ses conclusions, sans se trouver engagé. Ces travaux sont extrêmement pertinents, d’autant qu’ils reprennent les conséquences de la dernière convention pour la gestion des trains d’équilibre du territoire signée en 2010. Les problèmes de vieillissement du matériel, de déficit ou de concurrence avec les TER ont-ils été traités à cette époque ? Non ! Vous avez élaboré une convention pour trois ans et mis les problèmes sous le tapis, en vous disant que d’autres se débrouilleraient.

M. Yves Censi. Nous n’avons pas mis les problèmes sous le tapis !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. La responsabilité de ce Gouvernement, c’est de regarder aujourd’hui la question en face.

M. Yves Censi. Qu’allez-vous faire, si ce n’est supprimer des trains ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Quelqu’un ici peut-il considérer qu’un déficit par voyageur de cinq euros, comme c’est le cas sur certaines lignes, c’est exactement la même chose qu’un déficit qui peut atteindre 275 euros par voyageur ? Il est responsable de penser que ce sont des situations différentes. Alors que le problème majeur, c’est d’essayer d’éviter une dérive financière de 400 millions d’euros, je suis quand même un peu étonné que vous, qui nous donnez en permanence des leçons sur la maîtrise des finances publiques, vous exonériez aujourd’hui de cette démarche.

Nous allons engager des négociations avec les régions et les territoires. Nous avons un objectif : éviter la dérive financière, conserver à chacun le droit à la mobilité, comme vous l’avez dit, dans le cas des transports au quotidien, et maintenir des possibilités d’aménagement du territoire. Comme l’a fait la commission qui a mené une étude ligne par ligne, dans la transparence, nous arriverons à des solutions. Vous ne pouvez pas vous exonérer aujourd’hui des responsabilités, quand vous n’avez pas eu hier le courage d’agir. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Directrice de l’INA

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Ma question s’adresse à Madame la ministre de la culture.

Mes chers collègues, cette fois c’est sûr : la République exemplaire que nous avait tant vantée le président François Hollande est définitivement morte. La présidente de l’Institut national de l’audiovisuel, Agnès Saal, a été contrainte de démissionner après avoir dépensé 40 000 euros en frais de taxis en dix mois, alors qu’elle disposait d’une voiture avec chauffeur. Non seulement elle n’a pas à ce jour été sanctionnée, mais elle a même été recasée dans son administration d’origine – votre ministère – avec la création toute spéciale d’un poste de « chargée de mission sur les questions de gestion prévisionnelle et de compétences ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Un intitulé fort compliqué, reconnaissons-le : en langage militaire, on appelle cela une exfiltration ; sauf que dans votre cas, il y a eu des fuites. Cette réintégration surprend, et pas seulement parce qu’elle a été effectuée avec une rapidité inhabituelle, en à peine trois semaines. Elle est en contradiction totale avec l’éthique que votre gouvernement prétend défendre. Le bon usage de l’argent public devrait être un devoir absolu pour tous les hauts fonctionnaires.

Ne me répondez pas en parlant des gouvernements précédents. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est du vôtre, c’est de votre responsabilité dont il s’agit.

M. Jean Glavany. Vous n’avez pas bonne conscience, mon cher collègue !

M. Lionel Tardy. Cette aberration s’inscrit dans la longue liste des recasages effectués depuis 2012 : Jack Lang à l’Institut du monde arabe ; Jean-Pierre Bel comme envoyé spécial pour l’Amérique latine et les Caraïbes, sans compter les anciens conseillers de l’Élysée et de Matignon nommés préfets hors cadre. Copinage et recasage : voilà vos mots d’ordre pour sélectionner les dirigeants d’organismes publics, et tant pis pour la compétence !

Madame la ministre, allez-vous persister à affirmer que pour un haut fonctionnaire fautif le reclassement est la procédure normale, alors qu’un simple salarié du privé aurait été licencié pour faute grave depuis bien longtemps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Un député du groupe UMP. Magouilles !

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Tardy, vous avez raison de ne pas souhaiter que je parle de la gestion de votre majorité à l’époque car je crois qu’il y en aurait pour trop longtemps. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

S’agissant d’Agnès Saal, je tiens à être très claire : lorsque les faits ont été portés à ma connaissance, je lui ai immédiatement demandé de démissionner. Par la suite il y a, dans un État de droit, des procédures, et cela vaut même dans le privé puisque quand on reproche des faits à une personne, l’on suit certaines règles pour faire une enquête, établir la réalité des faits et mettre cette personne en position de s’expliquer. Cela s’appelle, je le répète, l’État de droit. Vous avez peut-être des cours de rattrapage à suivre en la matière. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP – Bruit.)

M. Philippe Cochet. C’est honteux de dire ça !

Mme Fleur Pellerin, ministre. C’est cela la démocratie. En démocratie, dans la fonction publique, on travaille pour un gouvernement qui peut être d’une sensibilité ou d’une autre. (Mêmes mouvements.) Si l’on part du principe que c’est comme les jeux du cirque, c’est-à-dire qu’il appartient au Président de la République, au Premier ministre, à un ministre de baisser le pouce pour mettre fin au destin d’une personne sans faire une enquête, sans établir les faits, sans lui permettre de se défendre, il ne s’agit pas de démocratie. (Mêmes mouvements – De nombreux députés du groupe UMP quittent l’hémicycle.)

M. Philippe Cochet. Monsieur le président, défendez les droits du Parlement !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Je serai intraitable. Je trouve les faits reprochés à Agnès Saal inacceptables. Je peux vous dire qu’il n’y aura ni passe-droit ni petits arrangements entre amis. Dès lors que la procédure aura permis d’établir les faits et qu’Agnès Saal aura pu présenter ses arguments, je prendrai des mesures extrêmement fermes parce que je n’accepte pas qu’on confonde son porte-monnaie avec l’argent des Français. Mais je respecte la démocratie, nos institutions, l’État de droit, et vous savez très bien que dans le privé, les salariés protégés, les syndicalistes par exemple, bénéficient d’une protection renforcée contre l’arbitraire. Je me flatte que nous puissions être fermes mais justes, et respecter l’État de droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Financement des associations et investissement à impact social

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Ma question s’adresse à Madame la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et concerne le financement des associations.

Le 25 septembre dernier, le président d’un comité regroupant des banquiers, des investisseurs, des experts auto-proclamés et des membres de l’administration – mais aucun représentant associatif – vous a remis un rapport sur l’investissement à impact social. Il préconise de faire financer les actions sociales par des investisseurs privés auxquels l’État rembourserait les sommes investies en leur versant, bien sûr, des intérêts conséquents. C’est cette dernière précision qui explique l’engouement pour l’action sociale de ces investisseurs privés : ils ne sont pas des philanthropes, mais voient dans ce mécanisme la possibilité de gagner de l’argent sur les actions de solidarité, voire sur la misère, en créant des produits financiers adaptés à l’action sociale.

Si ce mécanisme permet à l’État une apparente économie sur les dépenses publiques, c’est une diminution bien artificielle et de court terme puisqu’il devra, in fine, rembourser les investisseurs, payer les intérêts et rémunérer les intermédiaires.

De plus, ces dispositions vont tuer la richesse du réseau associatif pour ne laisser subsister que quelques très grosses structures, les seules en mesure de répondre à des appels d’offre lancés par des investisseurs financiers, mais qui se verront imposer leurs objectifs et leurs méthodes. Il en serait fini de la spécificité et de la créativité des associations, dorénavant assimilées à des entreprises prestataires de services, remplissant des missions d’intérêt public mais dans les conditions du privé.

Madame la secrétaire d’État, le gouvernement envisage-t-il d’appliquer les recommandations de ces banquiers et de mettre les fonds publics au service de la finance, comme c’est le cas dans les partenariats public-privé ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

Mme Carole Delga, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Madame la députée, vous faites référence à un rapport remis par Hugues Sibille et qui mentionne en effet les impacts des social bonds. Je tiens à vous indiquer qu’aucune suite ne lui a été donnée. Bien au contraire, je voudrais vous rappeler les apports de la loi sur l’économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014, qui a mis en place de nouveaux financements, en particulier pour les associations.

Nous avons ainsi instauré les prêts sociaux et solidaires, délivrés par le réseau bancaire classique et soutenus par BPIFrance – la Banque publique d’investissement.

Il y a aussi le fonds d’innovation sociale, à hauteur de 40 millions d’euros, à parité entre l’État et les régions pour financer sur l’ensemble des territoires toutes les associations qui ont des projets innovants sur le plan social.

Quant à l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », il a été redéfini et permet aux associations concernées de bénéficier de l’épargne salariale.

Nous avons également sécurisé la définition de la subvention pour les associations du secteur de l’économie sociale et solidaire. Une définition claire leur permet en effet d’effectuer des prestations pour les collectivités locales et d’intervenir dans les champs de service public.

Nous avons également souhaité que la commande publique soit accessible aux associations à travers les clauses sociales : dorénavant, dans 160 collectivités locales, des schémas d’achats socialement responsables permettront de favoriser les associations d’utilité sociale.

Par ailleurs, les associations d’intérêt général pouvant avoir accès aux dons et au mécénat, Christian Eckert et moi-même avons missionné Yves Blein pour parvenir à une définition stricte afin de leur assurer un financement clair et pérenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je profite de votre présence pour faire ce rappel au règlement suite à la séance de questions au Gouvernement que nous venons de vivre.

Deux ministres ont répondu de manière choquante et méprisante à deux de nos collègues parlementaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je regrette de le dire, mais tout n’est pas permis. Ce ton méprisant et condescendant à l’égard des élus de la République n’est pas acceptable.

M. Julien Aubert. C’est scandaleux !

M. Christian Jacob. Et si l’on veut entrer dans ce type de débat, je pourrais rappeler à Mme Vallaud-Belkacem qu’elle a refusé le suffrage universel pour préférer les ors de la République.

Plusieurs députés SRC. C’est nul !

M. Christian Jacob. C’est le cas ! On ne traite pas ainsi les parlementaires. Nous sommes les représentants de la nation, nous avons ici une légitimité, qui est celle des élections, pas celle des nominations.

M. Julien Aubert. Bravo !

M. Christian Jacob. Nous n’avons donc pas à être traités de cette manière par des ministres.

Monsieur le président, vous faites la police dans cette assemblée, n’hésitant pas – à juste titre – à rappeler à l’ordre nos collègues parlementaires lorsqu’ils outrepassent leur rôle au sein de l’hémicycle. J’attends que vous en fassiez autant à l’égard des membres du Gouvernement et j’attends de ces derniers qu’ils respectent les élus de la nation. Cela n’a pas été le cas tout à l’heure au moment des questions d’actualité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Monsieur le président Jacob, j’entends votre remarque. Comme à chaque fois que survient ce genre de problème, je vous invite à en parler en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement lors de la prochaine conférence des présidents.

Mais, monsieur Jacob, les uns et les autres doivent être rappelés à plus de modération lors des questions au Gouvernement.

M. Christian Jacob. Tout à fait.

M. le président. Les propos qui sont parfois tenus, ou même les imitations effectuées lorsque certains ministres s’expriment ne sont à mes yeux pas acceptables.

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est vrai !

M. le président. Nous aurons donc à nous pencher sur les us et coutumes qui devraient régner dans cet hémicycle lors de la prochaine conférence des présidents.

3

Transition énergétique

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte (nos 2611, 2736).

Explications de vote

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président de la commission spéciale, madame et monsieur les rapporteurs de la commission spéciale, chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion en nouvelle lecture d’un texte qui fixe à notre pays des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique.

Les engagements à tenir en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre obligent les pays industrialisés. Je pèse mes mots : ils les obligent. Ceux-ci doivent reconnaître et assumer leurs responsabilités, au plan international comme au plan national.

À l’évidence, nos émissions impliquent des changements radicaux de modes de vie, et une réorientation des structures économiques et des outils productifs tout aussi radicale, d’une ampleur considérable.

Nous nous félicitons donc que notre assemblée ait redonné à ce texte ses ambitions initiales, en fixant des objectifs clairs et chiffrés, réalistes et atteignables, de réduction de notre empreinte carbone.

Notre assemblée a fait de nouveau de la réduction de moitié de la consommation d’énergie totale en 2050 un objectif ferme. Elle a rétabli le palier intermédiaire d’une baisse de 20 % en 2030.

Il était aussi important d’inscrire dans la loi un objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, ce dernier ne devant pas rester un simple mot. Nous considérons toutefois qu’un tel objectif n’a de sens que s’il est fonction des progrès réalisés en matière d’économie d’énergie et d’énergies renouvelables, de façon à éviter l’écueil du recours aux énergies fossiles.

La navette parlementaire aura permis d’apporter quelques améliorations au texte initial. Il y a les mesures contre le gaspillage alimentaire, ou l’obligation de rénovation énergétique de tous les bâtiments privés résidentiels, et non des seuls logements locatifs du parc privé comme le souhaitait le Sénat.

Notons aussi le rétablissement de l’interdiction généralisée des coupures d’eau en cas d’impayés,…

M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est bien !

M. André Chassaigne. …les mesures visant à doter l’État et les collectivités de flottes d’autocars et d’autobus propres, la mise en œuvre d’un tarif réduit des abonnements autoroutiers pour les véhicules légers à très faibles émissions et ceux utilisés en covoiturage.

Le texte soumis à notre vote cet après-midi permet en outre de préserver le statut des personnels des filières électriques et gazières. Il inclut l’exposition à la radioactivité dans les critères de pénibilité, et soumet le chèque-énergie à un dispositif d’expérimentation plutôt que d’entériner la disparition – que nous combattons – des tarifs sociaux.

Sur l’éolien, la position de compromis trouvée n’est pas satisfaisante. La distance minimum de 500 mètres entre éoliennes et habitations, qui est maintenue, reste insuffisante.

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. C’est trop !

M. André Chassaigne. Certes, notre assemblée a réaffirmé que cette distance resterait fixée au cas par cas par arrêté préfectoral pour chacun des parcs. Cela reste cependant peu protecteur pour les habitants, alors que l’Organisation mondiale de la santé, tout comme l’académie de médecine en France, fixe à 1 500 mètres la distance nécessaire entre éoliennes et habitations.

M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. C’est faux !

M. André Chassaigne. Vous connaissez nos autres points de désaccord avec ce texte.

Il y a d’abord l’inadéquation entre l’ambition affichée et les moyens mis en œuvre. Pour réussir la transition énergétique, il faut en faire une priorité réelle de politique économique et budgétaire – ce n’est pas le cas. Avec 10 milliards d’euros sur trois ans, nous sommes loin des 15 à 20 milliards par an qui seraient nécessaires pour mener à bien un programme ambitieux. Madame la ministre, le constat est édifiant : début mai, certaines délégations départementales de l’Agence nationale de l’habitat ne disposent déjà plus des fonds nécessaires pour accepter de nouveaux dossiers d’économies d’énergie.

À l’instar de nos collègues du Sénat, nous constatons par ailleurs que votre projet de loi s’inscrit dans une démarche d’ensemble dangereuse tendant à la privatisation du secteur de l’énergie : privatisation du secteur historique de l’hydroélectricité, quel qu’en soit l’habillage,…

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Non, monsieur Chassaigne, non !

M. André Chassaigne. …territorialisation de l’énergie aux dépens des solidarités territoriales,…

M. Denis Baupin, rapporteur. C’est bien, ça, la territorialisation de l’énergie !

M. André Chassaigne. …renforcement, sous couvert de la réalisation d’économies d’énergie, du marché de l’effacement au profit de monopoles privés. Ces évolutions sont gravissimes et constituent la raison principale pour que nous ne votions pas ce texte.

À rebours de ces orientations, nous continuons d’affirmer la nécessité d’une maîtrise publique de l’énergie, seule garante de l’intérêt général et de l’égalité de tous en tout point du territoire.

Nous continuerons de défendre sans relâche le service public, qui est incontournable. Les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec leurs logiques de profit à court terme, ne peuvent en effet nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique. Ces enjeux nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics.

En dépit de ces très graves insuffisances, nous prenons en compte l’importance des objectifs affichés par la France à quelques mois de la COP21. C’est au regard de cette considération et des quelques avancées acquises en nouvelle lecture que les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Bel effort !

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Bouillon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une nouvelle étape va être franchie pour doter notre pays d’une grande loi sur la transition énergétique. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il existe deux écueils qu’il faut savoir éviter.

Le premier consiste à aller trop vite et ne pas laisser le temps nécessaire à la concertation et à la participation. Depuis son coup d’envoi, en septembre 2012, le moins que l’on puisse dire est que la transition énergétique a fait l’objet d’un débat nourri. Chacun y est allé de sa contribution, de sa vision, de sa position, chargé de ses pensées et pas toujours lesté de ses arrière-pensées. Voilà une loi qui vient de loin et qui va loin.

Le deuxième écueil consiste à ne pas aller suffisamment vite. À vouloir prendre son temps, on finit par le suspendre. L’enlisement n’est pas loin. On a coutume de dire que nécessité fait loi. Or ce qui fait la nécessité de la loi sur la transition énergétique, c’est d’abord et surtout l’urgence du changement climatique. Nous n’avons plus de temps à perdre. L’année même où la France accueille la conférence mondiale sur le climat, nous devons être exemplaires. Nous devons pouvoir dire aux autres nations : voilà nos engagements et voilà les moyens pour les atteindre.

Madame la ministre, vous avez su éviter ces deux écueils, donner autant de temps à la participation qu’à la décision, permettant au Parlement de jouer pleinement son rôle grâce à la coconstruction. Vous avez accepté beaucoup d’amendements des députés comme des sénateurs, de tous les bancs de l’hémicycle, avec comme seul critère ou comme seul juge l’amélioration du texte, en préservant son équilibre général du texte et en tenant bon sur les grands objectifs conformes aux engagements européens et à ceux du Président de la République.

Il me faut saluer également le rôle du président de la commission spéciale, François Brottes, qui n’a pas failli à sa réputation de fin connaisseur du système énergétique français.

M. Jean Glavany. Et des arcanes parlementaires !

M. Christophe Bouillon. Ni celui des cinq rapporteurs, Marie-Noëlle Battistel, Sabine Buis, Philippe Plisson, Ericka Bareigts et Denis Baupin, qui ont fait naître une nouvelle forme d’énergie renouvelable – la leur !

M. Bertrand Pancher. Ils vont rougir !

M. Christophe Bouillon. De votre côté, madame la ministre, vous avez fait preuve d’une grande qualité d’écoute. Mieux, vous avez préparé les décrets et lancé des initiatives fortes pour que cette loi, faite d’intentions, soit déjà une loi d’action.

M. Julien Aubert. Encore un qui veut devenir ministre !

M. Christophe Bouillon. Doublement du fonds chaleur, territoires à énergie positive, territoires « zéro déchet », crédit d’impôt pour la transition énergétique ou encore prime pour favoriser les véhicules à très faibles émissions, toutes ces mesures relèvent du même principe : la loi sur la transition énergétique, c’est d’abord une formidable boîte à outils. La loi en compte beaucoup, pour lutter contre la précarité énergétique, pour atteindre l’objectif de rénovation thermique de 500 000 logements d’ici 2017, pour promouvoir l’économie circulaire ou encore pour produire plus d’énergie renouvelable.

De nouveaux outils sont apparus avec cette nouvelle lecture, par exemple pour lutter contre les gaspillages alimentaires. À partir du travail remarqué de Guillaume Garot, un pas de géant a été fait dans ce domaine.

Maintenant que tous ces outils existent, ils s’adressent à tous les ouvriers de la transition énergétique, qui ne sont pas seulement des cols bleus ou des cols blancs, mais de véritables cols verts, ceux qui déjà au quotidien agissent pour une énergie moins carbonée, plus décentralisée et plus digitalisée.

Depuis le début, madame la ministre, votre conviction est que la réussite de la transition énergétique passe par la mobilisation des acteurs de terrain. On ne peut pas faire la transition énergétique tout seul dans son coin. Les producteurs, les distributeurs, les chercheurs, les consommateurs, les villes – petites ou grandes – les associations, les agriculteurs, les artisans, les bailleurs, chacun participe à la chaîne de valeur et détient une parcelle de réponse pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

C’est en cela que cette loi est un texte d’équilibre. Non seulement elle n’oppose pas les énergies les unes aux autres, mais elle ne jette pas non plus l’opprobre sur les uns ou sur les autres. On a besoin pour réussir autant des grands énergéticiens qui font la réputation de la France et qui investissent déjà dans les énergies renouvelables, que des particuliers qui se lancent dans l’autoconsommation ou des agriculteurs qui portent des projets de méthanisation.

Ce n’est donc pas un hasard si, dans les enquêtes d’opinion récentes, la proportion de chefs d’entreprise attendant avec impatience la transition énergétique est la même que celle des citoyens.

M. Julien Aubert. Ils vont être déçus !

M. Christophe Bouillon. Les uns ont compris qu’il s’agissait aussi d’un formidable gisement d’emplois. Les autres y voient une source d’économies, donc le moyen de réduire la facture énergétique. On ne le dira jamais assez : la transition énergétique, c’est bon pour l’environnement, bon pour l’emploi et bon pour le porte-monnaie.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bien !

M. Christophe Bouillon. Au moment de voter ce texte, il faut dire ce qu’il est.

La loi relative à la transition énergétique est d’abord un catalyseur. Elle produit déjà des effets et des réactions en chaîne.

La loi relative à la transition énergétique est aussi un accélérateur. Elle libère les initiatives et lève des obstacles.

Il faut aussi dire ce qu’elle n’est pas.

Ce n’est pas une loi contre la compétitivité, au contraire. L’économie circulaire ou la production d’énergie renouvelable renforcent notre indépendance et notre compétitivité. Ce n’est pas un hasard si plusieurs pays émergents sont déjà des champions dans ces domaines.

Ce n’est pas une loi antinucléaire.

M. Denis Baupin, rapporteur. Hélas !

M. Christophe Bouillon. Entre l’abandon du nucléaire et le « tout nucléaire », il existe un juste milieu qui garantit les intérêts de la France. C’est cette voie que nous avons choisie.

Le groupe SRC votera donc cette loi. Je le ferai pour ma part en ayant à l’esprit cette belle phrase d’Edgar Morin, que vous avez fait intervenir récemment, madame la ministre, lors d’un colloque sur la démocratie participative et le dialogue environnemental organisé au Muséum national d’histoire naturelle. Il disait : « Il y a moins de désordres dans la nature que dans l’humanité ! ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Julien Aubert. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de vous féliciter.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Merci !

M. Julien Aubert. En effet, en adoptant l’amendement de M. Decool et M. Garrot, bel exemple de coopération droite-gauche, l’Assemblée a permis de mettre un terme au gaspillage alimentaire, en rendant obligatoire la signature de conventions ad hoc entre les enseignes de grande distribution et les associations caritatives. Seul regret : cette avancée, unanimement saluée par les médias, n’a strictement rien à voir avec la transition énergétique. C’est un cavalier législatif !

Et c’est bien le problème de cette loi. Les médias auront abondamment parlé de gaspillage alimentaire, de servitudes sur les berges domaniales, de vaisselle plastique ou encore d’indemnité kilométrique vélo, mais du cœur du projet, non. Jamais !

Où est la transition énergétique, madame le ministre ? Elle est dans le titre de votre projet de loi, mais est en réalité un décalque approximatif du fameux modèle allemand : l’idée que l’énergie de demain sera produite par les énergies vertes électriques, les éoliennes et les panneaux photovoltaïques, et pas par le nucléaire.

M. Denis Baupin, rapporteur. Très bonne idée !

M. Julien Aubert. Résumons le cœur de votre projet : la transition énergétique, c’est condamner à l’arrêt vingt-quatre réacteurs, en dix ans, à raison de deux et demi par an. Et pour quel coût ? Un rapport parlementaire bipartisan avait chiffré le coût de l’indemnisation en cas de fermeture de la centrale de Fessenheim à 5 milliards d’euros pour deux réacteurs.

M. Denis Baupin, rapporteur. Estimation farfelue !

M. Julien Aubert. Sachant qu’il faudra fermer vingt-quatre réacteurs, le coût sera de 60 milliards d’euros, à raison de 2,5 milliards d’euros par réacteur.

M. Denis Baupin, rapporteur. Et cette façon de calculer l’est tout autant !

M. Julien Aubert. La transition énergétique, c’est remplacer ce nucléaire manquant par des énergies vertes : ces 20 gigawatts d’énergie nucléaire produisent 140 térawattheures d’électricité. Pour y arriver, il faudra 35 gigawatts d’énergie éolienne et 70 gigawatts de photovoltaïque, soit 20 000 éoliennes et 657 km2 de panneaux photovoltaïques, soit 70 % des toits disponibles, et investir dans des industries intermittentes, donc des centrales thermiques carbonées. Coût de la mesure d’après l’Union française de l’électricité : 190 milliards d’euros.

Un total de 250 milliards d’euros en 2025, voilà le résumé budgétaire de votre loi !

Et je ne parle pas des problèmes sanitaires : les médecins allemands réunis en congrès à Francfort du 12 au 15 mai 2015 viennent de lancer une alerte concernant l’impact néfaste sur la santé de l’implantation d’éoliennes à proximité des habitations, notamment les risques liés aux basses fréquences et infrasons, y compris en l’absence de toute rotation des pales, et que ces effets peuvent se propager jusqu’à 10 km.

M. Philippe Plisson, rapporteur de la commission spéciale. Le ridicule ne tue plus !

M. Julien Aubert. Voilà comment, au nom d’un risque nucléaire très élevé mais en probabilité quasi nul,…

M. Denis Baupin, rapporteur. Vous plaisantez ?

M. Julien Aubert. …on a intensifié un risque éolien avéré, moins létal certes mais à la probabilité quasi certaine.

M. Denis Baupin, rapporteur. N’importe quoi !

M. Julien Aubert. Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas votre loi de trahison énergétique. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Où est la croissance verte, madame le ministre ? La croissance verte, c’est promettre des emplois. La décapitation de la filière nucléaire française, inscrite dans la réduction d’un tiers de sa capacité, c’est la fermeture de Fessenheim, si bien dénoncée par mon collègue Michel Sordi, puis, à terme, de vingt-quatre réacteurs dont dix-neuf « moxés », soit 80 % des réacteurs de la filière plutonium, et une perte sèche pour Areva d’1 milliard d’euros.

M. Philippe Plisson, rapporteur. C’est une obsession !

M. Julien Aubert. À côté de cela, vous n’avez pas voulu libérer le marché de l’effacement électrique, en le laissant aux mains des fournisseurs d’électricité, condamnant, malgré les avertissements d’Yves Jégo, des sociétés comme Voltalis et sa technologie d’avant-garde. Dans deux ans, il sera trop tard.

À côté de cela, vous avez hâté la fin de l’emploi des vaisselles plastiques, en passant par une seconde délibération en fin d’examen du projet de loi, à trois heures du matin, alors que vous savez que cela condamne des PME françaises, comme Solia, citée par mon collègue Fernand Siré, dans le département des Pyrénées-Orientales, une entreprise classée en 2014 deuxième PME française parmi les entreprises les plus rentables.

Voilà pourquoi le groupe UMP ne votera pas votre loi de trahison énergétique.

Où est la COP21, madame le ministre ? Votre projet est tiraillé entre deux exigences, celle de respecter l’accord passé sur un coin de table entre François Hollande et les écologistes, où le chiffre de 50 % de nucléaire en 2025 a été acté parce qu’il permettait de faire comme les Allemands et que ça sonnait rond, et la future COP21, qui doit voir la France montrer la voie en matière de réduction des émissions de carbone.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Le nucléaire est chez vous une obsession !

M. Julien Aubert. Combattre le nucléaire ou combattre le carbone, il fallait choisir !

Le seul problème de cette transition à l’allemande, c’est non seulement qu’elle coûte affreusement chère – c’est le gouvernement allemand lui-même qui le dit –, mais aussi qu’elle conduit à une augmentation des émissions de CO: +2 % en 2013. Les écologistes ont beau plastronner parce qu’en 2014, ces émissions ont baissé, ils oublient de dire que c’est grâce au réchauffement climatique, qui a permis à l’Allemagne d’avoir un hiver exceptionnellement doux. Quel superbe paradoxe, mes chers collègues : l’obsession pathologique de vos alliés écologistes pour le nucléaire les conduit à se féliciter du réchauffement climatique car il permet d’abaisser l’impact CO2 des énergies vertes électriques !

M. Denis Baupin, rapporteur. Et le gaz de schiste, vous vous y mettez quand ?

M. Julien Aubert. Mais le pire, c’est que cela n’arrivera pas, madame le ministre, car votre loi, alourdie d’objectifs ronds à dates fixes parce qu’ils permettent de faire de la communication, est irréaliste.

Tout le monde sait ici qu’il est impossible de fermer vingt-quatre réacteurs en dix ans.

M. Philippe Plisson, rapporteur. Toujours ce discours obsessionnel !

M. Julien Aubert. Tout le monde sait ici qu’il est impossible de bâtir 20 000 éoliennes en dix ans.

Tout le monde sait que nous n’avons pas les 250 milliards d’euros.

La représentation nationale a simplement été convoquée à assister aux noces des écologistes avec les socialistes en prévision du prochain remaniement gouvernemental, le cadeau du Gouvernement étant une centrale alsacienne dont la fermeture est destinée à détourner l’attention. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Pourquoi les Français ne votent plus ? Parce qu’ils en ont assez de lois qui proclament urbi et orbi des choses qui ne se traduisent par aucun changement réel. Ce projet de loi fait furieusement penser à la défunte URSS, qui fixait des objectifs production de blé ou de maïs inatteignables. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Pascal Popelin. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

M. Julien Aubert. On peut viser la lune, madame le ministre, mais lorsque le fou montre la lune, le sage regarde le doigt et soupire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. Brillant !

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est un exercice particulièrement paradoxal auquel nous sommes conviés aujourd’hui. Vous présentez votre texte, madame la ministre, comme étant la grande loi environnementale et énergétique du quinquennat alors que tous les indicateurs environnementaux sont au rouge depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir et que, sur le plan financier, le flou le plus total règne sur la réalisation des objectifs que vous vous donnez.

Le Président de la République annonçait par exemple la rénovation de 500 000 logements anciens chaque année. Au bout de trois ans, nous n’atteignons pas les 200 000, en raison du « yoyo fiscal » et de la non-mobilisation de l’écoprêt à taux zéro.

En matières d’infrastructures, ferroviaires notamment, il n’y a plus d’investissements. Les propositions de la commission « Mobilité 21 » sont abandonnées, oubliées. En plus de l’abandon du réseau des voies ferrées secondaires, on va maintenant remettre en question les trains intercités, tout cela du fait de l’abandon stupide de l’écotaxe et de l’absence de financement pérenne du budget de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France.

En outre, la part des énergies renouvelables n’a cessé de diminuer. Alors que nous étions sur une trajectoire de 23 % d’énergies renouvelables en 2020, la trajectoire est maintenant d’à peine 17 % selon le Syndicat des énergies renouvelables. La raison en est que nous avons baissé la garde en matière de tarif de rachat des énergies renouvelables.

Enfin, les certificats d’économies d’énergie, gages des efforts à réaliser dans le domaine, ne cessent de diminuer.

Tous les indicateurs sont donc au rouge, et le plus grand flou entoure les moyens financiers. Le grand rendez-vous sera bien entendu le projet de loi de finances pour 2016. Après une baisse de 5,5 % du budget du ministère de l’écologie en 2015, nous ne savons toujours pas comment sera financé le fonds chaleur de l’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie –, pourtant indispensable. Nous sollicitons à tout va le fonds de transition énergétique sans savoir comment il fonctionnera. Je le répète, le flou est total sur les moyens financiers pour atteindre ces objectifs importants que nous partageons tous en matière de transition énergétique.

Oui, il faut augmenter la part des énergies renouvelables et passer à 32 % en 2030, oui, il faut diminuer la consommation d’énergie finale en 2050, oui, il faut diminuer les émissions de gaz à effet de serre en 2030 puis en 2050. Mais comment allons-nous financer tout cela ? Mystère ! Et toutes les renonciations de ces dernières années nous font craindre que nous n’atteindrons jamais les objectifs que vous posez dans ce texte, madame la ministre.

Je ne parle même pas du nucléaire. L’objectif de ramener sa part à 50 %, pourquoi pas ? Chiche ! Mais, sans efforts en matière d’énergies renouvelables, de diminution de la consommation, de logements, de transports, nous n’y arriverons jamais.

Plutôt qu’un prétendu « grand texte » énergétique, nous aurions préféré que l’on réfléchisse aux moyens d’atteindre ces objectifs : mettre fin au « yoyo fiscal », décentraliser les aides au logement de manière à pouvoir commencer à utiliser l’écoprêt à taux zéro, trouver une utilité aux portiques routiers que l’on commencera malheureusement à démonter dans les prochaines semaines – éventuellement dans le cadre d’une régionalisation de l’écotaxe –, se débrouiller pour que des moyens adéquats soient disponibles dans le domaine des transports…

S’agit-il d’un texte crédible ? Non. S’agit-il d’un mauvais texte ? Nous relevons de petites avancées, comme la création du chèque énergie, le développement des voitures électriques et du covoiturage, le chapitre consacré à l’économie circulaire. En définitive, il s’agit d’un très petit texte, madame la ministre.

Toute avancée en matière environnementale est cependant bonne à prendre. Nous hésitions entre l’abstention, comme en première lecture, ou le vote favorable en cas d’avancées importantes en nouvelle lecture. En l’absence d’avancées importantes, nous nous abstiendrons sur ce très, très petit texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, après avoir commencé l’examen de ce texte en septembre dernier, nous allons aujourd’hui franchir une étape décisive de l’examen parlementaire du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. C’est pour nous une loi importante de la législature.

De ce long chemin parcouru, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste veulent d’abord retenir et saluer, au-delà de l’ambition du texte, une méthode. En premier lieu, un processus de concertation de l’ensemble des acteurs socio-professionnels s’est déroulé pendant plusieurs mois au sein du Conseil national de la transition écologique.

Ensuite, un temps significatif a été accordé à l’examen parlementaire du texte, dont la nouvelle lecture à l’Assemblée se termine aujourd’hui. Nous saluons l’esprit d’ouverture, d’écoute et de large concertation qui a animé les débats, au cours desquels des propositions ont été recherchées en lien avec celles et ceux qui souhaitaient aboutir au consensus.

M. Julien Aubert. Encore un qui veut devenir ministre…

M. Jacques Krabal. Voilà une démarche qui nous agrée, et qui est trop rare pour ne pas être saluée ici, n’en déplaise à celles et ceux qui ne sont pas satisfaits. Nous tenons à vous remercier, madame la ministre, pour votre volonté de consultation avec tous les groupes, comme en témoignent les dizaines d’amendements qui ont été adoptés.

Contrairement à ce qui a été dit précédemment, le texte qui est soumis à nos suffrages méritait un accord transpartisan, et nous regrettons que ce ne soit pas le cas. En effet, il s’agit d’un texte équilibré entre la nécessité du développement économique et l’exigence de la préservation de l’environnement. Il valide des avancées majeures pour réussir la mise en œuvre de la transition énergétique. Il permettra d’accélérer la décarbonation de notre économie, la baisse de notre dépendance aux hydrocarbures et la montée en régime des emplois durables locaux pour une croissance verte. En outre, il comporte des progrès indéniables concernant les transports et la mobilité douce, la rénovation des passoires thermiques, la lutte contre les gaz à effet de serre, la prévention et le traitement des déchets.

Nous connaissons l’adage : l’énergie la moins chère, celle dont les réserves sont immenses, c’est l’énergie que nous ne consommons pas. Favoriser la sobriété énergétique, c’est faire la chasse aux gaspillages pour réduire la facture énergétique de la France, qui s’élève à 70 milliards d’euros par an.

En somme, il s’agit d’un ensemble d’une centaine de mesures touchant à la vie quotidienne de nos concitoyens qui enracinera les changements de mentalités et de modes de vie. Je pense par exemple à l’inscription dans la loi de l’indemnité kilométrique pour le vélo. Autre exemple qui nous tient à cœur : l’adoption à l’unanimité d’amendements importants présentés par Guillaume Garot à partir des préconisations de son excellent rapport sur la lutte contre le gaspillage alimentaire. Sur ce point, nous devons d’ailleurs entendre les inquiétudes des associations qui craignent de ne pas avoir les moyens logistiques de récupérer les aliments. Sachez que dans le cadre du prochain projet de loi de finances, les députés du groupe RRDP soutiendront des amendements visant à les aider.

En matière d’agriculture, si l’amendement sur l’élevage de ruminants a connu un petit succès médiatique, nous saluons la volonté de prendre en compte l’ensemble des questions agricoles liées à la transition énergétique.

Le travail parlementaire a permis d’affiner la définition des « territoires à énergie positive », les TEPOS. Ainsi, l’appel à projet TEPOS pour le pays du Sud de l’Aisne m’a convaincu que cette idée permet d’amplifier la mobilisation de l’ensemble des acteurs concernés pour faire progresser nos actions dans tous les secteurs en faveur du développement durable.

La transition énergétique est donc une chance pour notre agriculture et pour nos territoires ruraux, et en particulier pour la création d’emplois locaux pérennes et non délocalisables ; en clair, c’est une chance pour la France !

Après ces éléments de satisfaction, permettez-nous de regretter que les débats n’aient pas permis de faire mieux sur plusieurs points, dont je citerai deux exemples. Sur le sujet sensible du nucléaire, nous préférerions un véritable débat, mais nous nous réjouissons de l’amélioration des conditions de sûreté.

De même, je regrette l’adoption d’amendements relatifs à l’obligation de baisse de la consommation du papier dans les collectivités. Si nous en comprenons les intentions louables et si nous devons partout faire la chasse au gaspillage, nous pensons que c’est une fausse bonne idée dont l’application sera complexe. Il s’agit d’une mesure qui stigmatise une filière déjà fortement touchée qui n’est en rien responsable de la déforestation.

En dépit de ces regrets, madame la ministre, nous maintiendrons notre soutien car le texte issu de nos débats est équilibré et prometteur pour la réussite de la COP21.

Pour conclure, je ne citerai pas Jean de La Fontaine, mais je paraphraserai Vingt ans après d’Alexandre Dumas : sans remords dans le passé, soyons confiants dans le présent et pleins d’espérance dans l’avenir ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) C’est dans cet état d’esprit constructif que les députés du groupe RRDP voteront à l’unanimité en faveur de votre projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission spéciale, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, les écologistes – vous l’imaginez bien – manifestent la vigilance la plus haute dès lors qu’il s’agit de transition énergétique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous voilà rassurés !

Mme Cécile Duflot. Des années de messages d’alerte, lancés souvent en vain, ont forgé notre patience, mais aussi notre détermination.

Je dirai donc un mot de l’état d’esprit qui a été le nôtre tout au long des deux lectures successives du texte. C’est habités par un sentiment d’urgence et de responsabilité que nous avons siégé, avec l’espoir en tête mais aussi avec, souvent, une boule au ventre. Les écologistes ont parfois peur : peur qu’il soit désormais trop tard,…

M. Sylvain Berrios. Ce sont les Français qui ont peur !

Mme Cécile Duflot. …et peur que nous passions une fois encore à côté des enjeux écologiques majeurs qui constituent notre présent ; peur aussi que le conformisme et les conservatismes étouffent le souffle du changement qui devrait irriguer l’ensemble des politiques publiques. Si nous sommes réellement désireux de protéger notre planète et les femmes et les hommes qui l’habitent, nous devons être déterminés.

M. Franck Gilard. C’est laborieux !

Mme Cécile Duflot. Notre peur, cependant, ne l’emporte pas sur l’espoir, parce que nous ne pouvons nous permettre le luxe de la paralysie. C’est pourquoi nous avançons contre vents et marées, au-delà des effets de mode et des effets de manche. Je ne peux que souhaiter que cette avancée soit plus rapide, plus franche et plus dynamique. Tout pas en avant est bon à prendre ; tout progrès doit être enregistré, encouragé et gravé dans le marbre.

Dans le même temps, je veux dire ici, au nom de toutes celles et de tous ceux qui ont l’intérêt écologique chevillé au corps, que la politique des petits pas ne suffit plus. Nous aurions pu – nous aurions dû – être plus audacieux et plus ambitieux dans la mise en œuvre de notre politique de transition énergétique.

Il ne s’agit pas, madame la ministre, de mégoter notre soutien au texte, dont nous avons longuement discuté. Nous le soutenons, et pleinement. Qu’il nous soit cependant permis de continuer à plaider pour que notre pays passe à la vitesse supérieure. Oui, enfin, un texte ébranle quelque peu le statu quo nucléariste qui prévalait jusqu’à présent dans notre pays. C’est pourtant bien tard et bien insuffisant. L’objectif d’un pays tel que le nôtre en 2015 devrait être de s’engager dans la voie du 100 % renouvelable.

Pour résumer notre position, je dirai que l’examen en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale a permis de redonner une véritable ambition à un texte qui avait subi de nombreux reculs lors de son examen au Sénat, tout en confortant des mesures nouvelles et positives qui avaient été introduites sur proposition des députés écologistes.

M. Franck Gilard. Heureusement qu’on les a !

Mme Cécile Duflot. Les grands objectifs du texte, contenus dans l’article 1er, ont été confirmés en séance. Ces objectifs, indispensables pour affirmer une direction ambitieuse, ont été réintroduits dès l’examen en commission spéciale : réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025, diminution des consommations énergétiques à 50 % en 2050 par rapport à l’année 2012, et développement des énergies renouvelables à 23 % en 2020 et à 32 % en 2030, avec des sous-objectifs spécifiques par vecteur énergétique.

Parce que nous savons que les enjeux sociaux et les enjeux environnementaux sont liés, il était essentiel que la priorité soit donnée à l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages, à la lutte contre la précarité énergétique, au développement de l’emploi et à la préservation de la santé humaine et de l’environnement.

Concernant le titre II, qui porte sur les bâtiments, nous pouvons nous féliciter du maintien d’objectifs ambitieux de rénovation énergétique – c’est-à-dire 500 000 logements par an à partir de 2017 et un objectif de baisse de la précarité énergétique de 15 % d’ici 2020 – et de l’obligation de rénovation énergétique indiquée dans l’article 3 B, qui concerne l’ensemble des logements du parc privé.

Sur ce sujet, il faut aussi noter des avancées concernant la lutte contre la précarité énergétique. À l’initiative de la fondation Abbé Pierre et avec le soutien actif des députés écologistes, nous avons pu obtenir une nouvelle obligation spécifique de certificats d’économie d’énergie pour des économies à réaliser exclusivement au bénéfice des ménages en situation de précarité énergétique.

En revanche, je veux dire un mot d’un sujet grave et sérieux qui demeure une pierre d’achoppement : l’éolien. Les amendements adoptés par le Sénat divisaient par dix à vingt la surface de notre territoire susceptible d’accueillir des éoliennes. Ces amendements ont été utilement rectifiés en commission spéciale.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme Cécile Duflot. En séance, cependant, il a été impossible de corriger une dernière fois certains points concernant les éoliennes : la rédaction choisie pour le retour aux 500 mètres de distance vis-à-vis des habitations comporte une vulnérabilité juridique. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour consolider ce point car, en l’état, le texte serait loin de remplir ses objectifs. De ce point de vue, il est tout à fait regrettable d’avoir manqué une occasion historique de développer l’énergie éolienne dans notre pays.

Pour conclure, je dirai que nous voterons ce texte sans aucun état d’âme et même avec espoir – un espoir mâtiné de vigilance, mais un espoir résolu : celui que l’écologie avance enfin au rythme nécessaire pour être à la hauteur des enjeux, au moment même où notre pays s’apprête à accueillir ce rendez-vous historique qu’est la conférence de Paris sur le climat. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants556
Nombre de suffrages exprimés525
Majorité absolue263
Pour l’adoption308
contre217

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je voudrais en quelques mots remercier toutes celles et tous ceux qui viennent de voter en faveur de cette loi de transition énergétique pour la croissance verte au terme d’un travail considérable, si l’on en juge par l’écart qui existe entre le point de départ et le point d’arrivée.

Je tiens naturellement à remercier la commission spéciale et son président, M. François Brottes, ainsi que l’ensemble des rapporteurs, qui ont accompli un travail remarquable.

Je remercie également ceux qui n’ont pas voté en faveur de ce texte mais qui ont souvent contribué au débat dans l’hémicycle, et qui ont même formulé un certain nombre de propositions que nous avons accueillies sans aucun préjugé ni mesquinerie politique, car je suis convaincue que nous avons à bâtir des convergences pour doter la France d’un modèle énergétique exemplaire.

Par ce texte, vous faites précisément de la France un pays exemplaire à l’avant-garde du combat contre le dérèglement climatique, et ce à six mois de la conférence de Paris sur le climat. Par ce texte, la France est le premier pays à se doter d’une législation globale et à l’accompagner d’actions concrètes. Elle est le premier pays d’Europe à traduire dans la loi les engagements européens en faveur de l’Europe de l’énergie.

Je serai brève : il s’agit d’une loi de réconciliation, d’action et de respect. C’est une loi de réconciliation entre les différentes énergies, qui s’opposaient violemment au début de ce débat. Chacun a su faire un pas et nous avons construit, par le dialogue et par une intelligence collective et participative, un mix énergétique équilibré qui permet à nos entreprises de voir clair et de pouvoir investir et créer les emplois de la croissance verte.

C’est pourquoi je dirai en deuxième lieu qu’il s’agit d’une loi d’action pour la croissance verte, justement, qui favorise la création des 100 000 emplois liés à la transition énergétique, que ce soit dans le secteur du bâtiment, des énergies renouvelables ou de l’économie circulaire, pour ne citer que quelques chantiers.

Il y a également eu les actions concrètes que j’ai veillé à accompagner tout au long de nos débats, qu’il s’agisse de décisions fiscales pour les citoyens comme le crédit d’impôt pour la transition énergétique, de décisions pour les entreprises comme la mobilisation des soutiens de la Banque publique d’investissement, ou de décisions pour les territoires à énergie positive avec le fonds de transition énergétique pour la croissance verte.

M. Yves Censi. Et les décisions concernant les éoliennes, hélas !

Mme Ségolène Royal, ministre. On sait en effet que la transition énergétique réussira si tout le monde s’y met, des citoyens aux entreprises en passant par les territoires.

Je reprendrai volontiers cette expression que M. Christophe Bouillon vient d’employer : c’est une « chaîne de valeurs » que nous sommes invités à construire, et je sais que vous êtes engagés sur vos territoires pour faire monter en puissance cette transition énergétique. Sachez que le ministère de l’écologie est à vos côtés, notamment pour engager les actions opérationnelles sur les territoires à énergie positive.

Enfin, ce texte est une loi de respect ; respect de la planète, naturellement, mais aussi respect de notre futur commun et respect de nos valeurs fondamentales, qui nous obligent à rétablir le lien crucial qui unit les êtres humains à la nature qui les entoure – ce lien si souvent abîmé, voire détruit. Nous devons le reconstruire, en luttant notamment contre toutes les formes de pollution de l’eau, de l’air, des sols et des paysages. De même, la loi pour la reconquête de la biodiversité permettra de rétablir cette harmonie nécessaire sans laquelle aucun être humain ne peut vivre, ni même survivre. D’autres valeurs concernent la lutte contre toutes les formes de gaspillage et, enfin, la lutte pour le développement et la justice à l’échelle de la planète.

En effet, nous pouvons faire de ce défi que représente la lutte contre le dérèglement climatique une chance : tout à la fois une chance de sortie de crise pour nos pays développés et industrialisés, mais aussi une chance de sortie de la pauvreté pour tous ceux qui ont souffert des modes de développement de nos pays dits développés, et qui doivent désormais eux aussi réussir leur transition énergétique et accéder aux technologies d’utilisation des énergies renouvelables.

C’est donc une responsabilité majeure que nous allons devoir relever à la fin de cette année, pour mobiliser le même état d’esprit qui nous a rassemblés ici – un état d’esprit de dialogue, de construction et d’intelligence collective – lors de la conférence de Paris sur le climat, qui appelle aussi un immense effort de compréhension mutuelle.

Je voudrais saluer les travaux qui ont été les vôtres et la qualité du dialogue que vous avez noué avec le Gouvernement, qui a permis d’améliorer son texte initial au fil du débat grâce à l’expérience que vous avez les uns et les autres sur vos territoires et grâce au souci de l’intérêt général que vous avez su manifester. Nous avons fait une œuvre utile, nécessaire et efficace non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour inventer nos lendemains que nous devrons transmettre aux générations futures. Soyez-en profondément remerciés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. Denis Baupin.)

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Dialogue social et emploi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif au dialogue social et à l’emploi (nos 2739, 2770, 2773, 2792).

La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Gérard Cherpion. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, je voudrais tout d’abord vous remercier, vous, les rapporteurs, ainsi que tous les membres de vos commissions et de la délégation aux droits des femmes. Vos travaux ont été constructifs et je suis sûr qu’ils le seront tout autant en séance publique.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des grandes lois sociales défendues par les gouvernements de gauche depuis plus de trente ans.

Et tout d’abord dans la lignée des lois Auroux, qui ont inventé les formes actuelles du dialogue social en entreprise et prouvé leur force et leur justesse. En relisant les débats qui avaient animé cette assemblée à l’époque, je ne peux que constater le chemin que nous avons parcouru. Je veux d’ailleurs remercier Jean Auroux qui a bien voulu partager avec moi son expérience et la mémoire de ces débats.

Depuis trente ans, notre économie, nos entreprises, les formes mêmes du dialogue social ont heureusement évolué. Ce sont ces évolutions que nous devons aujourd’hui prendre en compte, tout en conservant sa vitalité au principe de citoyenneté dans l’entreprise et de participation des salariés.

Ce projet de loi s’inscrit également dans la lignée des lois sociales présentées par le Gouvernement. Depuis 2012, le pays avance, il se transforme, et à ces transformations correspond une seule et même méthode : le dialogue social.

Mesurons le chemin qu’elle nous a permis de parcourir : généralisation de la complémentaire santé, progrès de la portabilité et de la sécurisation des parcours professionnels, refonte de la formation professionnelle, solutions nouvelles pour l’anticipation et la gestion des difficultés des entreprises, présence des salariés dans le conseil d’administration des grandes entreprises, réforme du financement du paritarisme et de la représentativité des organisations patronales. Voilà les avancées concrètes qu’ont soutenues, ensemble, le Gouvernement, représenté notamment par Michel Sapin, et les partenaires sociaux.

Ce qui se joue derrière ces lois, c’est la modernisation de notre société et de notre économie ; c’est aussi l’amélioration de leur fonctionnement et leur capacité à s’adapter aux changements de fond qui touchent notre pays.

Pour répondre à cet objectif, le projet de loi prévoit de rénover profondément le dialogue social dans l’entreprise afin d’en faire un levier de performance économique et sociale et de mieux répondre aux préoccupations des salariés. Ce texte valorise également l’engagement des 600 000 élus ou représentants syndicaux qui le font vivre au quotidien et, pour la première fois, il accroît la place des femmes parmi ces élus.

Il renforce en outre la lutte contre le chômage avec une AFPA rénovée – l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – et de nouvelles dispositions favorisant la formation des demandeurs d’emploi de longue durée.

Ce projet de loi s’adresse également aux millions de travailleurs modestes, qui verront leur pouvoir d’achat renforcé et leur activité encouragée grâce à l’instauration de la prime d’activité. Je remercie la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Marisol Touraine, qui, avec moi, a soutenu la création de la prime d’activité. Elle s’adressera à vous dans quelques instants.

Plus globalement, ce texte trace la perspective d’une nouvelle sécurisation des parcours professionnels avec la création du compte personnel d’activité voulue par le Président de la République.

Enfin, il donne de la visibilité aux intermittents du spectacle, en inscrivant dans le code du travail la spécificité de leurs règles d’assurance chômage, et donne un rôle plus important, dans la négociation, aux représentants de la profession. Je remercie la ministre de la culture et de la communication, Fleur Pellerin, avec laquelle j’ai élaboré ce volet du projet de loi.

La première partie du projet de loi fait suite à la négociation interprofessionnelle sur l’efficacité et la qualité du dialogue social que j’ai proposée aux partenaires sociaux en juillet dernier. Cette méthode, qui a fait ses preuves, est la marque du quinquennat, comme en témoignent les trois grandes conférences sociales et les cinq accords nationaux interprofessionnels signés depuis 2012.

Bien que les négociations sur le dialogue social n’aient pas abouti, toutes les organisations ont négocié jusqu’au bout, donnant lieu à de réelles avancées, et nous avons été près de trouver un accord. Aussi le Gouvernement a-t-il repris la main avec le souci de trouver un nouveau point d’équilibre, plus proche des orientations que j’avais fixées en juillet dernier.

J’ai ainsi consulté les représentants des organisations patronales et syndicales tout au long du processus d’écriture du projet de loi. L’accueil qu’il a reçu montre que les points de vue des uns et des autres ont été écoutés.

Le projet de réforme du dialogue social repose sur un équilibre construit avec les partenaires sociaux. Je serai attentif à ce qu’il puisse être conservé, tout en étant ouvert aux propositions que vous ferez – comme je l’ai été au cours des échanges fructueux que nous avons eus en commission des affaires sociales.

Ce projet de loi se fonde sur une conviction qui dépasse largement les clivages partisans : les salariés et les entreprises de notre pays ont tout à gagner à un dialogue social de meilleure qualité.

Le dialogue social est une réalité et il joue aujourd’hui un rôle clef dans le fonctionnement de notre économie. Les 36 000 accords signés chaque année dans les entreprises sont le signe de sa vitalité et il en est de même des accords de branche. Pour autant, nous connaissons tous la crise de légitimité qui touche les institutions et, à cet égard, celles du dialogue social ne sont pas épargnées.

Voilà pourquoi il faut agir. Agir pour renforcer la légitimité des instances représentatives du personnel dans l’entreprise. Agir aussi pour rendre le dialogue social plus performant, en répondant à deux exigences : une exigence démocratique et une exigence d’efficacité économique.

L’exigence démocratique, tout d’abord. La participation des salariés est un principe inscrit dans notre Constitution. Parce qu’il est juste que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui touchent à leurs conditions de travail, à leur pouvoir d’achat, à leur formation et à leur emploi, comme il est juste qu’ils participent aux choix stratégiques qui déterminent leur vie dans l’entreprise et leur avenir.

Mais un dialogue social plus performant, c’est aussi répondre à une exigence d’efficacité, en premier lieu d’efficacité sociale. Des relations apaisées et plus confiantes dans l’entreprise sont la garantie d’une meilleure qualité de vie au travail.

Un dialogue social plus performant, c’est aussi l’assurance que les fruits de la croissance seront mieux partagés et que des solutions justes seront trouvées si l’entreprise se trouve en difficulté. Être mieux associés à la vie de leurs entreprises : voilà ce qu’attendent légitimement nos concitoyens. Nos principes démocratiques ne doivent pas s’arrêter aux portes des entreprises.

Enfin, un dialogue social plus performant est un facteur d’efficacité économique. Il n’y a pas que le coût du travail et le capital qui font la compétitivité d’une entreprise. Sa capacité à innover, à améliorer la qualité de ses produits, à répondre aux attentes de ses clients, constitue un avantage stratégique. Pour cela, il faut que l’entreprise soit un lieu de coopération et que l’engagement soit collectif. Investir dans les compétences et privilégier le long-terme : telle est la clef d’un climat social apaisé et d’une motivation plus forte des salariés. Il faut que les salariés puissent être entendus et participer aux débats qui déterminent les orientations stratégiques des entreprises.

C’est une absurdité d’opposer dialogue social et performance économique, car l’un et l’autre sont complémentaires. Et cette vision conciliant exigence démocratique et exigence d’efficacité montre la voie du progrès social et renforcera la démocratie sociale dans notre pays.

Le projet de loi propose ainsi de concrétiser quatre objectifs.

Le premier est de faire en sorte que l’ensemble des salariés de notre pays soient représentés. Peut-on accepter une situation dans laquelle le dialogue social exclut une très grande partie des salariés, ceux qui travaillent dans les petites et moyennes entreprises ? La réponse est non.

Aujourd’hui, seuls les salariés des très petites entreprises de quelques secteurs, tels que l’artisanat ou l’agriculture, bénéficient d’une représentation syndicale. Je souhaite que tous les salariés de notre pays soient représentés, par le biais de dispositions qui tiennent compte des particularités des entreprises de petite taille.

Le texte offre ainsi aux 4,6 millions de salariés des TPE une représentation de qualité. Quelle forme prendra-t-elle ? Celle de commissions paritaires régionales composées d’employés et d’employeurs des TPE qui seront des lieux de dialogue et de conseil. Il s’agit d’une grande avancée et d’une première en Europe qu’il faut prendre comme telle !

La commission des affaires sociales a souhaité leur attribuer deux prérogatives supplémentaires, un rôle de médiation en cas de conflit entre salariés et employeurs si les deux parties le souhaitent et un rôle de proposition en matière d’activités sociales et culturelles. Ces nouvelles missions sont fidèles à l’esprit des commissions qui seront des lieux de dialogue utiles aux TPE et à leurs salariés.

Des précédents de ces commissions existent dans l’artisanat, y compris chargées de ces deux missions. Pourquoi ne pas étendre ce qui a fonctionné et fonctionne toujours pour des milliers d’entreprises artisanales à toutes les TPE ? Il faut donc raison garder en la matière et éviter d’attiser les craintes. Il s’agit d’une avancée sociale importante s’appuyant sur des expériences concrètes et réussies.

Le deuxième objectif consiste à renforcer la démocratie sociale en rendant plus vivant, plus performant et plus efficace le dialogue social dans l’entreprise. Lors de mes entretiens avec les représentants des salariés et des employeurs, nous sommes tombés d’accord sur un constat que vous partagez également, mesdames et messieurs les députés, celui du formalisme excessif des obligations de consulter et de négocier. Peut-on accepter que le formalisme prenne le pas sur la stratégie ? Non, je ne le crois pas ! Il faut faire en sorte que toutes les conditions soient réunies afin que les salariés fassent entendre leur voix et pèsent sur les orientations de l’entreprise.

C’est pourquoi le texte prévoit de passer de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles. La première portera sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la seconde sur la situation économique et financière de l’entreprise et la troisième sur sa situation sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Les douze obligations de négociations seront quant à elles regroupées en trois blocs cohérents. Le premier portera sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée, le deuxième sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail et le troisième sur la gestion des emplois et des compétences. Le dialogue social aura ainsi plus de sens. Mieux vaut des réunions moins nombreuses et centrées sur les enjeux stratégiques qu’un enchaînement de réunions masquant les questions essentielles de l’avenir de l’entreprise et de ses emplois.

Le troisième objectif consiste à faire en sorte que les institutions représentatives du personnel soient adaptées à la taille des entreprises. Chaque instance existant actuellement a sa raison d’être et je sais que tous les partenaires sociaux y sont attachés. C’est pourquoi elles seront toutes maintenues ainsi que leurs compétences et leurs missions selon le principe consistant à définir un fonctionnement plus simple, plus clair et surtout mieux adapté à la spécificité des entreprises, en particulier de petite taille. À cette fin, le projet de loi étend la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel – DUP – incluant le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT – aux entreprises de moins de 300 salariés. Là encore, nous nous appuyons sur ce qui a bien fonctionné. La délégation unique du personnel existe depuis vingt ans dans les entreprises de moins de 200 salariés et a été choisie par 60 % des employeurs.

Au cours des concertations, je n’ai entendu personne en dresser un bilan négatif. Nous nous sommes même rendus compte que de nombreuses entreprises la conservent au-delà du seuil de 200 salariés à la demande des élus du personnel. Nous encourageons donc cette dynamique en faisant passer le seuil de 200 à 300 salariés et en y intégrant le CHSCT. Il en résulte une instance unique lisible pour les salariés et adaptée au fonctionnement des PME.

Le projet de loi prévoit également la possibilité de regrouper tout ou partie des instances représentatives du personnel dans les entreprises de plus de 300 salariés si un accord majoritaire, c’est-à-dire rassemblant les syndicats ayant obtenu au moins 50 % des voix aux élections professionnelles, est conclu. Cette mesure responsabilise les acteurs du dialogue social et tire la conséquence de la légitimité démocratique que leur confère leur représentativité, ce qui est bien normal. Ils définiront eux-mêmes les règles des instances, leur périmètre et les moyens des représentants. J’ai la conviction profonde que les partenaires sociaux sont les mieux placés dans l’entreprise pour définir les règles du jeu dans le cadre fixé par la loi.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est vrai !

M. François Rebsamen, ministre. Certains craignent la disparition du CHSCT. Au contraire, le projet de loi le valorise et le renforce. Toutes ses prérogatives sont conservées au sein de la délégation unique. Dans les institutions regroupées par accord majoritaire dans les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique traitant de l’hygiène, de la santé et des conditions de travail sera instituée. Je ne doute pas que les organisations majoritaires signant un tel accord auront à cœur de renforcer le dialogue au sujet des conditions de travail et de la sécurité des salariés. Enfin, le Gouvernement réalise une nouvelle avancée : tous les salariés d’un établissement appartenant à une entreprise de plus de cinquante salariés seront désormais couverts par un CHSCT, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Le quatrième objectif consiste à reconnaître, valoriser et favoriser l’engagement de ceux qui font vivre le dialogue social dans l’entreprise. Il s’agit d’apporter une réponse concrète aux salariés exerçant des mandats lourds et consacrant une grande partie de leur temps de travail à des fonctions électives ou syndicales.

L’engagement de certains au service des autres ne doit pas constituer un frein à leur carrière et doit au contraire être reconnu, favorisé et valorisé. Les salariés ne doivent pas être pénalisés en raison d’une moindre présence à leur poste de travail. C’est pourquoi le projet de loi prévoit un mécanisme garantissant aux élus dont le mandat exige un volume horaire important une progression salariale identique à celle de leurs collègues.

Il ne s’agit ni de l’octroi d’un privilège à ces élus ni de la suspicion qu’ils font l’objet d’une discrimination massive de la part des employeurs, mais comme ils sont moins présents à leur poste de travail, leur supérieur leur accorde moins souvent des augmentations individuelles, sans parler des cas de discrimination manifeste. Nous réparons ainsi une injustice.

À l’issue de leur mandat, après quatre, huit ou douze ans passés essentiellement au service des autres, il est normal que leur entretien professionnel soit renforcé afin de les accompagner dans leur évolution professionnelle. Le projet de loi prévoit donc que les centaines de milliers de salariés exerçant un mandat bénéficient d’un entretien de prise de fonctions afin qu’ils articulent mieux temps professionnel et temps consacré à l’exercice du mandat.

Il instaure aussi un nouveau système de certification des compétences acquises dans l’exercice de leurs fonctions car accomplir un mandat et participer à la prise de décision permet d’acquérir des compétences professionnelles. Les élus que vous êtes, mesdames et messieurs les députés, sont bien placés pour le savoir !

Toutes ces mesures visent à favoriser l’engagement de chacun dans l’entreprise. C’est en agissant concrètement sur les conditions d’exercice des mandats que l’on satisfera les besoins de ceux qui font vivre quotidiennement le dialogue social et que l’on suscitera de nécessaires vocations parmi les jeunes générations de travailleurs.

Lutter contre les discriminations dans le monde du travail, c’est aussi agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai entendu les craintes qui se sont exprimées dans le cadre du débat public au sujet du rapport de situation comparée. Je rappelle que notre texte s’inscrit dans la lignée de la loi de sécurisation de l’emploi prévoyant l’intégration progressive des divers rapports à une base de données unique, mesure qui n’a suscité lors de son adoption aucune levée de boucliers. J’espère que les amendements adoptés en commission des affaires sociales ont dissipé les malentendus, tant sur l’analyse de situation comparée que sur son rôle dans les consultations et négociations relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le cas échéant, nous aurons à cœur d’apporter les éclaircissements nécessaires au cours du débat. Je remercie tout particulièrement M. le rapporteur Christophe Sirugue et Mme la rapporteure de la délégation aux droits des femmes Sandrine Mazetier du travail accompli ensemble en toute confiance.

Ces craintes, désormais dissipées pour la plupart, ne doivent pas faire oublier que le projet de loi instaure pour la première fois l’obligation d’une représentation équilibrée lors des élections professionnelles, ce qui constitue une avancée importante en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Chaque liste de candidats devra en effet respecter l’équilibre entre femmes et hommes du corps électoral d’une entreprise donnée. La commission des affaires sociales, avec mon soutien, est allée encore plus loin en proposant que les femmes soient prioritairement placées en position éligible. Les listes électorales obéiront donc au principe de la représentation équilibrée et la composition des instances s’inscrira dans une logique paritaire. Il s’agit d’un pas supplémentaire en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes pour laquelle nous nous battons.

Telles sont les dispositions qui moderniseront notre dialogue social et le rendront plus vivant et plus pertinent. Cette réforme profonde rapprochera le dialogue social à la fois de la réalité des entreprises et des préoccupations des salariés, ce qui favorisera également la croissance économique de notre pays.

Certains volets ne sont pas issus de la négociation interprofessionnelle mais n’en ont pas moins été élaborés avec force concertation.

Le premier concerne les intermittents du spectacle. Comme chacun ici le sait, chaque renégociation du régime d’assurance chômage voit les annexes VIII et X spécifiques aux intermittents du spectacle remises en cause, ce qui engendre des crises successives ainsi que l’inquiétude et l’insécurité parmi les professionnels concernés. Ces règles particulières visent pourtant à prendre en compte la discontinuité spécifique du travail des artistes et des professionnels de la création. C’est pourquoi le projet de loi les inscrit dans la loi. Nous proposons d’inscrire dans le code du travail les règles spécifiques d’indemnisation des intermittents du spectacle. Un tel signal de confiance est très attendu par les centaines de milliers de salariés du spectacle vivant.

Nous proposons également d’y améliorer la méthode de négociation en permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier eux-mêmes les règles spécifiques dans un cadre défini au niveau interprofessionnel. Ces avancées n’auraient pas vu le jour sans le travail de la mission confiée à Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et votre excellent rapporteur Jean-Patrick Gille.

M. Michel Issindou. Je confirme !

M. François Rebsamen, ministre. Je sais pouvoir compter sur lui, en qualité de rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour défendre l’équilibre élaboré au cours de plusieurs mois d’intenses concertations.

Le second volet concerne la sécurisation des parcours professionnels. Le projet de loi crée un contrat de professionnalisation intitulé « Nouvelle chance » spécialement adapté aux demandeurs d’emploi de longue durée dans le cadre du plan « Nouvelles solutions face au chômage de longue durée » que j’ai présenté en février. Il apporte également des réponses à la situation difficile dans laquelle nous avons trouvé l’Association pour la formation professionnelle des adultes. Le ministre des finances M. Michel Sapin et moi-même avons travaillé avec les partenaires sociaux afin d’élaborer des solutions pérennes au sujet des missions et du statut de l’AFPA, acteur majeur de la formation et de l’insertion professionnelles. Ces avancées marquent l’engagement de l’État en faveur de la pérennisation de l’AFPA et sa volonté de conforter ses missions de service public qui sont précisées, ce qui a été unanimement apprécié par les organisations syndicales et la direction de l’AFPA.

J’ai donc présenté une habilitation à agir par ordonnance en vue de créer un établissement public exerçant les missions de l’AFPA et de préciser les modalités de dévolution d’actifs immobiliers de l’État et les conditions de transfert des droits et obligations de l’AFPA au nouvel établissement. Ces évolutions respecteront pleinement le droit de la concurrence et les prérogatives des régions en matière de formation professionnelle.

L’AFPA demeure pour la majorité de ses activités un acteur du marché concurrentiel de la formation et devra incontestablement poursuivre ses efforts d’adaptation de l’offre et d’amélioration de sa compétitivité afin de répondre aux attentes des donneurs d’ordre. La création de l’EPIC s’accompagnera de la mise en œuvre d’une stricte séparation entre activités de service public et activités concurrentielles.

La création du compte personnel d’activité inscrit également le projet de loi dans le long terme. Jadis, la protection sociale était gagée sur un emploi à vie et standardisé et le chômage n’existait presque pas. Les droits augmentaient avec le temps et chacun progressait dans le couloir de son régime de protection sociale. Dans la société d’aujourd’hui, ce n’est plus le cas. L’enjeu est donc de faire coïncider la protection sociale avec les façons actuelles de travailler.

Dès 2012, je l’ai dit, nous avons mis en place des outils pour sécuriser les parcours professionnels : compte personnel de formation, compte personnel de prévention de la pénibilité, généralisation de la complémentaire santé. Le nouveau défi qui nous attend consiste à protéger la personne dans sa trajectoire, c’est-à-dire d’attacher les droits à la personne, et plus seulement au contrat de travail, de faire en sorte qu’ils la suivent quels que soient les changements qu’elle connaisse.

Pour atteindre cet objectif ambitieux, le Président de la République a annoncé la création du compte personnel d’activité. Celui-ci sera le capital de ceux qui travaillent. Il concentrera tous les droits individuels des salariés et notamment, les droits de formation, le compte épargne-temps et le compte pénibilité pour qu’ils soient ainsi réunis.

M. Michel Issindou. Très bien !

M. François Rebsamen, ministre. Au-delà de l’accès aux droits, le compte personnel d’activité devra permettre de rendre ces derniers entièrement portables, quelle que soit l’évolution de la situation professionnelle de l’individu. Le compte personnel de formation – le CPF – montre que la portabilité de ces droits est possible. Nous travaillerons ensemble, avec les partenaires sociaux, pour concrétiser ces ambitions en engageant une concertation dans les prochains mois.

Parmi les nouveaux droits portables qui permettront de sécuriser les parcours professionnels, il y a, je l’évoquais à l’instant, le droit ouvert par la pénibilité. C’est un droit novateur ; un seul fait générateur, la pénibilité, donne accès à plusieurs prestations pour s’adapter aux besoins et souhaits individuels : retraite, formation professionnelle, ou encore compensation du passage à temps partiel. C’est aussi un droit qui répond à une exigence de justice. La ministre des affaires sociales a raison de le rappeler sans cesse : les inégalités d’espérance de vie générées par le travail doivent être combattues.

Cependant, des craintes se sont exprimées sur la complexité du dispositif.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est vrai !

M. François Rebsamen, ministre. Or, un droit effectif pour les salariés est un droit simple dans sa mise en œuvre.

M. Gérard Cherpion. Précisément !

M. Francis Vercamer. C’est mal parti !

M. François Rebsamen, ministre. Mesdames, messieurs de l’opposition, c’est vous qui avez inventé la complexité !

La simplicité joue en faveur des salariés et des entreprises : si les entreprises ne sont pas en mesure d’évaluer et de déclarer les expositions de façon simple, ce sont les salariés qui seront privés de leurs droits. Il y a aujourd’hui consensus sur le principe ; le même consensus doit prévaloir quant à la mise en œuvre. C’est pourquoi le Gouvernement a confié une mission à Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville, qui ont remis leur rapport au Premier ministre ce matin même. Ce rapport préconise de simplifier et de sécuriser : simplifier les procédures déclaratives et sécuriser l’appréciation par les employeurs de l’exposition à la pénibilité.

Le Gouvernement a adopté cette approche et je présenterai des amendements qui iront dans ce sens. Pour simplifier le dispositif, le Gouvernement retient la proposition concernant l’établissement et la transmission de la fiche. Cette obligation ne reposera plus sur l’employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise. L’employeur devra déclarer les salariés exposés à la caisse de retraite, en fin d’année, et cette dernière se chargera d’informer les salariés de leur exposition et des points dont ils bénéficient. Les salariés ne seront donc pas privés de leurs droits mais, tout au contraire, installés dans leurs droits.

Pour sécuriser la déclaration par les employeurs, l’évaluation des six nouveaux facteurs pourra être déterminée par des référentiels établis au niveau des branches professionnelles. Ces référentiels permettront de définir les postes exposés aux facteurs de pénibilité. Pour ces facteurs, les employeurs n’auront plus de mesures individuelles à accomplir et seront réputés de bonne foi, dès lors qu’ils appliqueront le référentiel, qui sera bien sûr homologué par l’administration.

Pour les branches, la réalisation des référentiels et leur homologation demanderont plus de temps. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de décaler l’entrée en vigueur des six derniers facteurs au 1er juillet 2016. Afin que ce report ne pénalise pas les salariés concernés en 2016, ces derniers bénéficieront, pour le second semestre 2016, des points correspondant à une année entière.

Enfin, pour qu’il n’y ait aucun doute sur la possibilité de mettre en œuvre tous les facteurs, le Gouvernement reprendra les propositions du rapport de façon à modifier la définition de certains facteurs pour les rendre plus efficientes.

Ces aménagements se feront à droits constants pour les salariés.

Le rapport Sirugue-Huot-Virville met aussi l’accent sur la prévention de la pénibilité. C’est une proposition à laquelle le Gouvernement a souhaité pleinement souscrire. L’action des employeurs sur les facteurs de pénibilité sera au cœur du troisième plan Santé au travail et deviendra un axe de la politique des pouvoirs publics, de la Sécurité sociale et des partenaires sociaux.

Mesdames, messieurs les députés, pour le Gouvernement, le dialogue social demeure la méthode sans laquelle il n’y a pas de réforme durable dans notre société. Pour que nos lois soient efficaces, elles doivent être conçues avec les acteurs qui le font vivre. Cet attachement au dialogue social correspond à l’engagement du Gouvernement en faveur d’un fonctionnement plus démocratique de notre société et d’une organisation plus efficace de notre économie. C’est le sens du progrès social, et c’est aussi ma conviction et ma méthode. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, cher monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les députés, la grande ambition du modèle social français, c’est de donner à chacun de nos concitoyens la possibilité de s’épanouir dans une société qui ne conçoit pas de se construire sans chacune et chacun d’entre eux. Évidemment, au cœur de cette promesse, il y a le travail, parce que le travail, c’est d’abord du lien social, mais aussi le fondement de notre protection sociale. De ce point de vue, l’activité, le travail n’est pas seulement la rétribution d’un effort : c’est aussi le moyen de l’émancipation individuelle et collective, le moyen de se construire et de développer une vie personnelle.

La responsabilité d’un gouvernement de gauche est de prendre en compte les évolutions de la société pour faire en sorte que le travail soit toujours valorisé, dans un contexte qui évolue. C’est bien le sens de la prime d’activité, dont la création figure au titre IV de ce texte porté par François Rebsamen. La crise a considérablement fragilisé le lien de nos concitoyens avec le travail, pas simplement parce qu’il y a du chômage, parce que l’inquiétude de ne pas avoir d’emploi, de ne pas en retrouver est évidemment très forte chez un nombre important de Français, mais aussi parce que, de manière paradoxale, il y a, pour un certain nombre de nos concitoyens, l’impression, le sentiment, l’inquiétude, – en fonction des situations – que la reprise d’une activité pourrait s’accompagner d’une précarisation accrue.

De fait, la reprise d’une activité, ce sont aussi, parfois, des contraintes et des coûts supplémentaires : des frais de transport, des frais de garde d’enfants, parfois des frais d’équipement. Nous devons donc faire en sorte que la reprise de l’activité soit toujours valorisée, et que plus un de nos concitoyens ne s’interroge sur son utilité, sur la capacité qu’il peut avoir à reprendre le chemin de l’activité ou d’une activité plus importante. C’est pour cela qu’à travers la prime d’activité, nous nous adressons à ceux qui perdent le bénéfice du revenu de solidarité active – le RSA socle – pour reprendre quelques heures de travail, voire davantage, ainsi qu’à ceux qui ont un emploi à temps partiel et qui ont la possibilité, par exemple, de trouver un emploi à temps plein.

La prime d’activité exercera son plein effet au profit de ceux de nos concitoyens qui perçoivent une rémunération comprise entre 900 et 1 300 euros par mois. La cible est donc bien identifiée. Les dispositifs qui existent, plus ou moins récents – parce qu’en effet, il en existe – fonctionnent mal. De fait, la prime pour l’emploi était perçue par des salariés qui ne savaient pas toujours pourquoi, et qui la percevaient avec un an de retard, de manière relativement éparse et, parfois, pour des montants très limités. Quant au RSA activité – comme nous l’avions souligné lors de sa mise en place –, il renvoyait paradoxalement du côté des revenus d’assistance des hommes et des femmes qui travaillaient. Lorsque nos concitoyens entendaient « RSA activité », ils comprenaient « RSA », plus qu’ « activité ». L’objectif recherché n’a pas été atteint : nous savons que des Français ont préféré ne pas demander le bénéfice du RSA activité, en raison de leur fierté du travail, de l’activité, et de leur souhait que cette fierté soit reconnue.

La cible principale de la prime d’activité, j’y insiste, concerne les personnes percevant de 900 à 1 300 euros de revenus, ce qui ne signifie pas que les personnes gagnant moins ne perçoivent aucune prime. L’enjeu est aussi de reconnaître qu’il y a des Français qui travaillent, gagnent par exemple le SMIC, et ont l’impression de ne plus cocher les cases de la reconnaissance sociale. Ils gagnent « trop » – j’emploie des guillemets – pour pouvoir bénéficier des aides sociales qui s’adressent aux plus démunis, mais ne gagnent pas assez pour payer des impôts – ce qui est on ne peut plus logique – et ne pourront donc pas bénéficier des baisses d’impôts qui vont s’appliquer, à la rentrée prochaine, aux contribuables concernés par la première tranche d’imposition. Il y a donc une partie importante de Français qui gagnent trop pour bénéficier des aides sociales mais pas assez pour profiter des baisses fiscales.

Mme Isabelle Le Callennec. C’est du Sarkozy dans le texte !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous voulons leur adresser un signe en termes de pouvoir d’achat. La prime d’activité n’est donc en aucun cas, j’y insiste, un dispositif de lutte contre la pauvreté. C’est un dispositif d’accompagnement à la reprise ou à l’accroissement de l’activité. C’est un dispositif de reconnaissance et de pouvoir d’achat pour ceux qui sont au niveau du SMIC. Il ne s’agit pas de cibler les plus précaires de nos concitoyens, pour qui existent d’autres dispositifs.

Cette prime sera liée à l’activité individuelle et, dans le même temps, tiendra compte de la situation familiale. Je n’ignore pas qu’un certain nombre d’entre vous auraient préféré que cette prime soit exclusivement individuelle, mais je veux appeler votre attention sur le fait qu’une prestation strictement individuelle reviendrait à pénaliser les parents, en particulier les parents isolés, alors que nous devons évidemment être attentifs à leur situation. Dans le cadre du dispositif qui vous est proposé, une mère seule – les parents isolés étant souvent des femmes –, avec un enfant à charge, qui perçoit le SMIC, bénéficiera d’une prime de 290 euros par mois, ce qui représentera un gain net de pouvoir d’achat d’un peu plus de 130 euros par mois.

Cette prime d’activité représente une avancée majeure, en particulier pour les jeunes de 18 à 25 ans, puisqu’elle traduit l’engagement du Président de la République en faveur de la jeunesse. Les gouvernements appartenant à la précédente majorité, lorsqu’ils ont mis en place des dispositifs qui étaient censés accompagner la reprise d’emploi, avaient fait des jeunes les grands sacrifiés de leur politique. Il suffit de rappeler qu’il y a aujourd’hui, en tout et pour tout, 5 000 jeunes de 18 à 25 ans qui bénéficient du RSA activité. Or, il n’y a aucune raison que ces derniers, lorsqu’ils travaillent dans les mêmes conditions qu’une personne plus âgée, ne puissent pas bénéficier, selon les mêmes modalités, des mêmes dispositifs d’accompagnement social…

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est clair !

Mme Marisol Touraine, ministre. …d’autant plus que, on le sait, lorsque les jeunes entrent dans la vie active, ils ont plus de difficultés que les autres à s’y insérer durablement.

De fait, les difficultés d’insertion que l’on connaît autour de la vingtaine, au début de la vie active, forment souvent une cicatrice qui marque durablement la vie professionnelle. C’est la raison pour laquelle la prime d’activité, telle qu’elle vous est proposée, accompagnera tous ceux qui travaillent, tous les actifs, y compris les jeunes et certains étudiants et apprentis qui, même s’ils ont encore un contrat d’apprentissage ou une carte d’étudiant, sont déjà largement actifs. La prime sera étendue aux étudiants et aux apprentis qui gagnent plus de 0,78 SMIC, soit environ 900 euros par mois. Demain, au total, un million de jeunes – je dis bien : un million de jeunes – pourront bénéficier de cette prime d’activité alors qu’ils ne sont aujourd’hui que 5 000, en tout et pour tout, à bénéficier du RSA activité.

Cette prime est aussi la démonstration que la protection sociale ne peut pas être considérée comme de l’assistanat. Ce gouvernement s’est engagé à rappeler constamment et fermement que la protection sociale a été mise en place pour protéger contre les risques nés de l’organisation du travail issue de la révolution industrielle.

Chacun aspire en réalité à s’épanouir dans et par son travail ; encore faut-il lui en donner la possibilité. C’est précisément ce que nous voulons faire en renforçant la valeur que les travailleurs tirent de leur activité.

Ainsi que l’a indiqué François Rebsamen, ce projet de loi sera par ailleurs l’occasion de préciser les contours du compte pénibilité issu de la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.

Je ne reviendrai pas sur les dispositions que le ministre a mentionnées. Je rappellerai simplement que ce compte est une avancée sociale majeure. En reconnaissant la pénibilité au travail, nous effectuons un travail objectif d’identification de celles et ceux qui, en raison de leurs conditions de travail, connaîtront une espérance de vie en bonne santé plus courte que les autres salariés. Reconnaître la pénibilité, c’est donc faire œuvre de justice, car être juste revient à considérer que les conditions de départ en retraite doivent être différentes selon les situations individuelles.

J’ai annoncé voilà quelque temps que la déclaration de la pénibilité par les entrepreneurs se ferait en un simple clic. C’est aujourd’hui le cas pour les quatre facteurs de pénibilité pris en considération pour le calcul des points depuis le 1er janvier 2015. La même démarche doit être suivie grâce aux propositions inscrites par Christophe Sirugue et les autres auteurs dans le rapport remis ce matin, propositions qui susciteront des amendements sur le présent texte.

Je voudrais pour ma part insister sur trois points. Premièrement, au travers de ce travail, la logique du compte pénibilité est bien renforcée ; elle n’est nullement remise en cause. Les dix facteurs sont maintenus, le barème des points également. Je rappelle que cette année, 1 million de salariés vont acquérir des points au titre de ce compte. Ils seront environ 3 millions l’année prochaine lorsque les dix facteurs de pénibilité seront entrés en vigueur. Au terme de la montée en charge du dispositif, ce sont plus de 100 000 salariés par an qui pourront partir à la retraite plus tôt grâce au compte pénibilité.

Cependant, et c’est le deuxième point sur lequel je souhaite appeler votre attention, pour que ce compte soit effectif, il faut en simplifier le plus possible la mise en œuvre, afin d’en faciliter le déploiement sur le terrain et de garantir l’effectivité des droits nouveaux des salariés. Il n’y a pas d’un côté, les employeurs et, de l’autre, les salariés. Une meilleure compréhension des seuils d’exposition et une meilleure information sur les droits en la matière et les démarches à entreprendre devraient profiter à tous.

Il a ainsi été décidé que la caisse nationale d’assurance vieillesse, au travers des caisses de retraites, assumerait la responsabilité d’organiser le compte, de répertorier les points et de les transmettre aux salariés.

Troisième point, en sécurisant juridiquement le dispositif, il ne s’agit en aucun cas de créer de nouveaux régimes spéciaux. Ce serait évidemment contraire à l’esprit même de la loi qui a créé ce compte. Les branches définiront des cadres opposables qui s’appliqueront ensuite individuellement aux salariés concernés. Grâce à cette étape nouvelle de simplification, l’avancée majeure que représente la mise en place du compte pénibilité entrera de façon définitive dans le patrimoine social des salariés.

Je souhaiterais enfin aborder rapidement la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans ce projet de loi, car je sais qu’elle a suscité des inquiétudes auxquelles le ministre du travail a répondu à l’instant.

Il n’a jamais été question de remettre en cause les acquis en matière d’égalité professionnelle, et ce d’autant moins que ce gouvernement, depuis trois ans, s’est engagé résolument en faveur des droits des femmes, en particulier pour l’égalité professionnelle et salariale.

Il fallait lever ces inquiétudes ; c’est chose faite. J’y insiste : aucune des informations que l’employeur doit actuellement transmettre relativement à l’égalité professionnelle ne disparaîtra. L’intégralité du contenu du rapport de situation comparée est maintenue dans la loi.

Nous avons également entendu les inquiétudes sur le devenir de la négociation sur l’égalité professionnelle. Une simplification des négociations est nécessaire, mais l’égalité n’est évidemment pas une option. On ne simplifie pas « sur le dos » de ceux, en l’occurrence de celles qui se trouvent dans les situations les plus fragiles. C’est bien pourquoi l’égalité professionnelle reste un thème de négociation obligatoire et que, en l’absence d’accord, l’obligation de l’employeur de déposer un plan d’action spécifique est maintenue. Les entreprises qui ne respectent pas ces obligations encourront évidemment des pénalités.

Pour aller plus loin, un amendement sera présenté qui tend à apporter de nouvelles avancées. La périodicité de la négociation sur l’égalité professionnelle ne pourra pas être modifiée en l’absence d’accord sur ce thème.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement veut confirmer ce qui est l’une de ses priorités depuis trois ans : l’égalité entre les femmes et les hommes partout, dans tous les domaines, en particulier, bien sûr, sur le marché du travail.

Je voudrais rappeler que c’est ce gouvernement qui a rendu effectives les lois sur l’égalité professionnelle qui depuis trente ans se succédaient sans être appliquées : les entreprises sont enfin contrôlées, et lorsqu’elles ne respectent pas leurs obligations, elles sont sanctionnées.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est ce gouvernement qui a enrichi les informations que doit transmettre l’employeur en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est ce gouvernement qui a inscrit dans la loi un seuil minimal pour les emplois à temps partiel, occupés à 80 % par des femmes.

Les inégalités salariales reculent aujourd’hui presque deux fois plus vite en France que dans le reste de l’Europe. Depuis 2012, le taux d’activité et le taux d’emploi des femmes ont recommencé à progresser après des années de recul ou de stagnation.

Tous ces acquis, nous les avons obtenus par la politique que nous menons depuis trois ans. Nous devons évidemment faire en sorte de progresser encore, d’aller plus loin, en luttant contre tout ce qui vient entraver l’égalité professionnelle et l’épanouissement des femmes au travail, notamment contre tout ce qui s’apparente à du sexisme. Le sexisme sévit dans tous les champs d’activité, dans la société, dans les transports, dans la vie quotidienne. Vous le savez, nous sommes engagés dans une politique résolue contre le sexisme, qui inclut la lutte contre le sexisme au travail.

Nous sommes collectivement fiers de cette action, des résultats qu’elle produit. Nous devons tenir bon et rester vigilants, car en période de crise, certains sont tentés de mettre de côté l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous entendons dire, chez certains de nos voisins mais aussi parfois en France, que tout irait mieux si les femmes restaient chez elles pour que les hommes puissent travailler. Cette petite musique ressurgit toujours en situation de crise, mais je peux vous assurer que ce gouvernement ne l’écoutera pas. C’est notre engagement, notre fierté, et telle est notre volonté. En période de crise plus encore qu’en période de croissance, nous devons nous assurer que les droits des femmes et l’accès des femmes au marché du travail sont bien garantis.

Mesdames, messieurs les députés, mois après mois, réforme après réforme, ce gouvernement imprime une marque, sa marque sur notre modèle social. Modernisé, celui-ci est plus juste. Porteur de droits nouveaux pour toutes et tous, il est le ciment de notre société. Ce texte en est une nouvelle illustration. La prime d’activité est et sera considérée comme une avancée majeure pour les travailleurs modestes qui sauront désormais qu’ils peuvent eux aussi compter sur notre république sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, modernisation et renforcement du dialogue social, amélioration des conditions de travail, soutien aux parcours syndicaux, création du compte personnel d’activité, accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi, sécurisation du régime des intermittents, création de la prime d’activité, les avancées inscrites dans ce texte sont à la fois nombreuses et fortes.

Elles sont fortes, monsieur le ministre, car pour la première fois nous mettons en place des commissions paritaires régionales qui permettent une représentation des salariés des très petites entreprises, ces 4,6 millions de salariés qui, de manière surprenante, n’étaient pas couverts par le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, aux termes duquel « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».

Nous avons fièrement porté cette proposition, monsieur le ministre. Nous avons même estimé qu’il était nécessaire d’aller encore plus loin en garantissant pour ces commissions une composition équilibrée entre hommes et femmes, madame la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, en autorisant plus de souplesse pour le décompte des heures de délégation, et surtout en facilitant le rôle de médiation de ces commissions, qui est très important.

Une autre avancée importante concerne la place des administrateurs salariés. Leur participation a été prévue par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi ; les responsables des différents conseils d’administration ont toutefois oublié cette obligation dans les holdings, et il était important de prendre la décision d’empêcher un tel contournement. Il nous faudra encore débattre sur deux autres aspects : le seuil des entreprises soumises à la présence des administrateurs salariés et le nombre minimum d’administrateurs salariés.

Nous continuons de soutenir celles et ceux qui se sont engagés dans la représentation syndicale et qui, ce faisant – toutes les études le montrent –, ont été ralentis dans leur parcours salarial ou ont perdu leur place dans l’entreprise, et ont besoin d’être valorisés. Que cette expérience, que cet engagement pris au travers d’un mandat syndical puisse enfin être reconnu plus qu’il ne l’est aujourd’hui me paraît être une avancée significative.

Nous avançons également de manière significative en matière de parité entre les femmes et les hommes : les candidatures aux commissions paritaires régionales devront respecter la répartition sexuée des collèges électoraux. La commission a voté un amendement prévoyant pour les élections professionnelles la parité des listes jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de candidat d’un sexe. Ce mode de scrutin, qui permet une représentation fidèle des différentes branches professionnelles, est en outre volontariste, car il est nécessaire de l’être sur cette question de la parité entre les femmes et les hommes.

Par ailleurs, si nous militions pour le regroupement des instances représentatives du personnel et l’extension du champ de mise en place d’une délégation unique du personnel, nous considérions néanmoins que le CHSCT était important. Des amendements ont été adoptés en commission qui ont permis de le rappeler et de signifier que ces comités n’avaient pas vocation à être fusionnés dans l’instance de regroupement. À cet égard, je remercie M. le ministre d’avoir accepté la proposition de mise en place d’un secrétaire adjoint dans les DUP : elle pourra être le signe, pour les organisations syndicales, que la mission du CHSCT est bien distincte des autres missions. Liberté leur sera ainsi donnée.

L’amélioration du dialogue social est à la fois une nécessité et un engagement, lequel devient concret au travers des propositions de ce texte. Les dix-sept obligations d’information et de consultation ont ainsi été ramenées à trois consultations thématiques, non pas pour en oublier les enjeux, mais pour en accroître l’efficacité et mettre en perspective les différents sujets.

Le regroupement des négociations annuelles obligatoires en trois grandes thématiques est là encore une avancée qui me paraît importante.

Je voudrais dire un mot de la latitude laissée aux accords d’entreprise, dans les deux cas, pour adapter les infos-consultations du comité d’entreprise et modifier la périodicité des négociations. Nous voulons un cadre tout en préservant une certaine souplesse. Il est important de le rappeler.

La commission est allée au-delà des préconisations du Gouvernement quant à la place et au rôle des suppléants. Je me dois de vous expliquer pourquoi j’ai proposé cet amendement que la commission a soutenu. Les suppléants, tels qu’ils existent aujourd’hui dans les comités d’entreprise, sont des représentants syndicaux qui participent, par leur présence, d’une forme de formation continue. Ce serait une erreur que les sortir des conseils d’administration, des réunions auxquelles ils étaient jusqu’alors associés et je remercie les collègues qui ont su reconnaître l’importance de leur rôle dans l’organisation syndicale ainsi que dans le suivi des dossiers au sein des entreprises.

Ce texte représente des avancées dans le domaine des conditions de travail. De nouvelles mesures seront présentées en séance publique et enrichies par les amendements que présentera Michel Issindou, auteur d’un récent rapport sur la santé au travail.

J’ai remis ce matin au Premier ministre, avec Gérard Huot et Michel de Virville, le rapport sur le compte personnel de prévention de la pénibilité. Je ne reviendrai pas sur les orientations définies sauf pour rappeler leur ambition de favoriser le dialogue au sein de l’entreprise.

Nous aurons un débat sur la question du burn-out, qui menace nombre de salariés soumis à des conditions de travail difficiles. Sans aller jusqu’à le reconnaître comme une maladie professionnelle, des avancées sont possibles et je suis heureux que le débat ait lieu en hémicycle.

S’agissant du compte personnel d’activité, dont nous débattons depuis plus de quinze ans au travers de ce qui s’appelait la sécurisation des parcours professionnels, sa création est d’autant plus nécessaire que les activités professionnelles sont aujourd’hui morcelées et que l’on ne reste plus vingt-cinq ou trente ans dans une même entreprise. Le portage, la mutualisation des droits acquis sont devenus nécessaires, notamment en matière de formation. C’est ce que devrait permettre de réaliser ce compte dont nous laisserons aux partenaires sociaux le soin de définir le contenu.

L’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi représente une avancée significative avec le souci de développer tous les instruments pour lutter contre le chômage de longue durée qui concerne quatre demandeurs d’emploi sur dix.

Dans ce contexte, les missions de service public de l’Association pour la formation professionnelle des adultes – AFPA – ont été réaffirmées, cet organisme ayant été particulièrement malmené sous le mandat précédent.

Mme Sandrine Mazetier. Eh oui !

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Le Gouvernement a aujourd’hui le courage de lui donner un statut et des moyens ainsi que de régler le problème de l’immobilier, autant de questions ignorées par les gouvernements précédents.

Par ailleurs, un contrat de professionnalisation « nouvelle chance » à destination des publics les plus éloignés de l’emploi est créé. Nous devrons travailler ces questions pour élargir les conditions d’accès aux contrats aidés seniors.

J’en viens aux deux derniers points, à commencer par la sécurisation du régime des intermittents que Jean-Patrick Gille abordera dans un instant. Le Gouvernement a eu le courage de se saisir de ce sujet à bras le corps et, sans doute parce que je suis élu d’une ville qui abrite un festival des arts de la rue, je sais combien la question des intermittents est prégnante et forte. D’ailleurs, la culture, dans bien des domaines, ne serait pas possible sans ces intermittents.

Quant à la prime d’activité, les rapports que j’ai remis en tant que rapporteur pour avis de la mission « Solidarité » lors des débats budgétaires m’ont amené, depuis 2007, à faire chaque année un peu plus le constat des mauvais résultats des dispositifs existants. La prime pour l’emploi a certes beaucoup de vertus, mais présente l’inconvénient d’être un saupoudrage extraordinaire, d’autant plus que la non-revalorisation de son barème la condamne à l’extinction en 2025 sans que personne ne s’en émeuve.

La réforme du RSA activité tire enfin les conséquences d’un constat établi depuis longtemps, celui d’un outil qui ne remplissait pas ses objectifs. C’est la fin de l’hypocrisie pour les jeunes qui ont longtemps cru en lui alors qu’au vu du nombre de bénéficiaires, il était évident que le dispositif n’était pas à la hauteur.

L’ouverture aux 18-25 ans est sans conteste l’une des plus grandes avancées que je veux rappeler.

La prime est aujourd’hui déterminante. Nous serons vigilants car les résultats sont attendus et parce que nous avons souhaité cibler les bénéficiaires de la prime d’activité. Il est important de viser ceux qui ne bénéficient ni du plan de lutte contre la pauvreté ni des baisses d’impôt résultant de la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, parce que leurs ressources sont insuffisantes. Nous devions nous intéresser à ceux qui ont besoin de ce soutien et de cette reconnaissance.

Telles sont les raisons qui m’amènent à considérer ce texte comme porteur d’avancées significatives, que nos amendements enrichiront encore davantage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

M. Jean-Patrick Gille, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis de l’article 20 du projet de loi qui, traduisant la volonté du Gouvernement de trouver une solution pérenne aux crises récurrentes dans le spectacle vivant, confère une base législative au régime d’indemnisation au titre de l’assurance chômage des intermittents du spectacle,

Ce régime particulier est justifié par la discontinuité spécifique de l’emploi, liée à l’économie de projet des artistes et des professionnels du spectacle vivant ou enregistré. Il trouve sa traduction dans l’existence des annexes VIII et X à la convention d’assurance chômage, annexes reconduites à chaque négociation entre partenaires sociaux interprofessionnels, mais qu’il serait, en droit, possible de remettre en cause, ce qui ne crée pas les conditions propices à apaiser les inquiétudes des professionnels concernés, d’où l’inscription dans la loi du principe de l’existence de règles spécifiquement applicables aux intermittents.

Cela reprend en fait l’une des principales préconisations contenues dans le rapport que nous avons remis, Hortense Archambault, ancienne codirectrice du festival d’Avignon, Jean-Denis Combrexelle, président de la section sociale du Conseil d’État, et moi-même le 7 janvier 2015 au Premier ministre. Nous avions alors esquissé un scénario de sortie de crise de nature à bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle, scénario dont les grandes lignes sont reprises par les quatre points qui structurent l’article 20.

Premier point : la consécration législative de l’existence de règles spécifiques pour l’indemnisation chômage des intermittents, qui permettra d’apaiser les discussions et de donner un cadre clair aux parties prenantes, tout en maintenant ce régime dans la solidarité interprofessionnelle.

Cette sanctuarisation ne signifie cependant pas qu’il sera accepté de recourir excessivement à l’intermittence, d’où l’obligation de réexaminer les listes d’emplois pouvant être pourvus en CDD d’usage – c’est le deuxième point. Cette disposition ne doit surtout pas être, comme c’est parfois le cas aujourd’hui, interprétée à tort comme une autorisation de recruter en CDD d’usage tous les personnels occupant un emploi figurant sur ces listes. Un tel recrutement doit en premier lieu répondre aux critères du CDD et les employeurs doivent être incités à recruter en priorité en CDI dès que c’est possible ! Ce sera d’ailleurs l’un des objets de la conférence sur l’emploi artistique qui sera organisée par le ministère de la culture à la rentrée.

Troisième point : la mise en place d’une forme inédite de subsidiarité encadrée de la négociation du niveau interprofessionnel vers le niveau professionnel.

Allant plus loin que les préconisations de la mission de concertation, qui avait plaidé pour l’établissement d’une concertation entre les niveaux professionnel et interprofessionnel, par une simple consultation du premier par le second avant toute négociation sur l’assurance chômage, l’article 20 met en place un mécanisme de quasi-délégation de négociation du niveau interprofessionnel au niveau professionnel. La négociation sera donc au niveau professionnel, mais encadrée par des objectifs du niveau interprofessionnel. En retour, elle est assortie d’un principe de reprise obligatoire par l’interprofession de tout accord professionnel respectant les objectifs qu’elle aura fixés.

Quatrième point : la création d’un comité d’expertise ad hoc venant en appui aux négociateurs, qui constitue très largement la reprise de la méthode novatrice expérimentée par la mission de concertation fondée sur une expertise partagée, transparente et consensuelle et l’élaboration d’un outil de simulation, qui repose sur l’étude de 10 000 cas, outil désormais reconnu par tous.

L’article 20 crée un comité d’expertise, auquel il confie deux types de missions. La principale, à mes yeux, est celle d’appui technique aux organisations patronales et salariales en cours de négociations : il sera chargé d’expertiser et de chiffrer les différentes propositions qui lui seront soumises.

Mais il lui revenait aussi, dans le cadre du projet de loi initial, de rendre un avis sur le respect par l’accord conclu au niveau professionnel du contenu du document de cadrage. De mon point de vue, et j’ai été en cela suivi tant par la commission des affaires culturelles que par la commission des affaires sociales, le comité d’expertise doit être avant tout un groupe d’appui pour le secteur professionnel, lui permettant de se doter d’une expertise qui ne se réduise pas à celle de l’UNEDIC même si l’UNEDIC participera à ce comité.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 20, sous réserve des huit amendements qu’elle a adoptés, dont sept ont été repris par la commission des affaires sociales et sont à ce titre intégrés dans le texte soumis à notre discussion aujourd’hui. Je voudrais les présenter rapidement.

Outre deux amendements précisant la rédaction de certains points de la procédure de négociation en deux temps, qui pouvaient prêter à confusion, la commission des affaires culturelles a adopté quatre amendements ayant pour objet de repositionner le groupe d’expertise, afin de lui donner pour mission principale un rôle d’appui aux négociations.

La notion d’« avis » que serait susceptible de rendre le comité d’expertise, notion qui comprend une dimension de jugement et de sanction, serait remplacée par celle d’« évaluation », plus souple et plus conforme au rôle d’appui technique qui doit être donné au comité.

Par ailleurs la faculté pour l’interprofession de désigner certaines des personnalités qualifiées qui le composeront a été supprimée, de même que la mention expresse de sa faculté de le consulter directement – ce dernier point n’a pas été retenu par la commission des affaires sociales, mais je vous proposerai un nouvel amendement.

Enfin, sur l’initiative de Mme Isabelle Attard, la commission a adopté un amendement sur les "matermittentes" visant à améliorer au plus vite la prise en compte des périodes de maladie et de maternité des intermittents.

L’équilibre auquel sont parvenues nos deux commissions sur cet article – je salue le rapporteur Christophe Sirugue avec lequel j’ai travaillé en étroite collaboration – respecte l’esprit des travaux de la mission de concertation, qui a fait le pari de la responsabilisation des acteurs. Pour toutes ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des affaires culturelles, à soutenir ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances s’est saisie pour avis du titre IV du projet de loi soumis à notre examen, titre qui porte sur la création d’une prime d’activité qui se substituera, à compter du 1erjanvier prochain, d’une part à la prime pour l’emploi créée en 2002, dont la suppression a été votée par notre assemblée dans la loi de finances pour 2015 et qui sera versée pour la dernière fois en septembre prochain, d’autre part, au RSA activité créé en 2008.

Aucune autre disposition du texte ne pouvait justifier à elle seule une saisine de la commission des finances en raison de l’absence de lien avec un dispositif fiscal ou de coût budgétaire significatif ; toutefois, je me permets de souligner à titre personnel – puisque la commission des finances, qui a émis un avis favorable sur le titre IV et a adopté sans les amender les quatre articles qui lui étaient soumis, n’a pas débattu de l’ensemble du texte – que ce projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi est un élément essentiel du programme national de réformes qui accompagne et appuie le programme de stabilité, tous deux traduisant les engagements européens de la France.

À ce titre, ce texte mérite d’être soutenu et enrichi, non seulement parce qu’il fait partie des engagements de la France vis-à-vis de ses partenaires, mais aussi parce que la modernisation et l’enrichissement du dialogue social dans notre pays sont des éléments essentiels de notre compétitivité, comme de notre modèle social.

Pour en revenir à la prime d’activité, dont la commission des finances a approuvé les dispositions de nature législative qui la créent, la discussion des articles permettra sans doute, monsieur le ministre, d’apporter des précisions utiles sur le dispositif réglementaire qui, comme cela est normal en matière de prestations sociales, précisera les modalités de sa mise en œuvre. Dans l’attente des avant-projets de décrets d’application, j’en resterai, dans le cadre de cette présentation, aux grands principes d’une réforme dont je veux souligner l’exemplarité dans la genèse et la préparation, l’ambition dans les objectifs et le courage dans les choix de mise en œuvre.

Exemplarité dans la genèse et la préparation, puisque cette réforme découle directement de travaux dont le pilotage avait été confié à des parlementaires et auxquels ont été associés les partenaires sociaux et les acteurs sociaux, notamment ceux de l’insertion. Je veux bien évidemment parler du rapport rédigé par Christophe Sirugue, qui a proposé cette réforme, mais également des réflexions du groupe de travail sur la fiscalité des ménages que j’ai animé avec François Auvigne. Tous deux convergeaient sur ces points.

Ambition dans les objectifs, d’abord parce que la création de la prime d’activité impliquera un effort budgétaire supplémentaire après des années de réduction des moyens consacrés au soutien du pouvoir d’achat des travailleurs modestes en raison du gel de la prime pour l’emploi, décidé par la précédente majorité, et de l’échec du RSA activité, qui s’est traduit par un taux de recours bien trop faible. Il est donc mis fin au rabotage systématique de ces crédits décidé par la précédente majorité, qui générait chaque année des centaines de milliers de perdants – et d’abord parmi les plus pauvres puisque le taux moyen de la prime pour l’emploi baissait. Après la réforme, il y aura plus d’argent pour le soutien à la reprise d’activité et pour le pouvoir d’achat des travailleurs modestes, et cet argent sera mieux utilisé.

Ambition aussi, parce qu’il est mis fin à une injustice qui était aussi une erreur sociale et économique, à savoir l’exclusion des jeunes de 18 à 25 ans des mesures de soutien à la reprise d’activité ou de maintien dans l’activité, puisque – comme Martin Hirsch, que j’ai auditionné, me l’a confirmé – tout a été fait pour que le RSA activité jeunes ne marche pas. Ce sont près de 700 000 à 1 million de jeunes salariés qui vont pouvoir bénéficier de la prime d’activité, ce qui représentera 20 % du coût budgétaire du dispositif.

Ambition enfin, puisqu’il s’agit de soutenir en priorité celles et ceux qui travaillent et dont le revenu varie entre 0,8 et 1,2 SMIC. La prime d’activité est dissociée du RSA, qui est un revenu d’assistance, et elle repose sur un principe simple : il doit toujours y avoir plus intérêt à travailler qu’à ne pas le faire. Or, et le rapport sur la fiscalité des ménages l’a bien montré, c’est entre 0,8 et 1,2 SMIC que ce que l’on appelle les « trappes à inactivité », autrement dit le taux de prélèvement implicite du système socio-fiscal, est le plus confiscatoire – parfois bien plus que ce que certains, à la droite de cet hémicycle, dénoncent s’agissant des plus hauts revenus –, et cela non parce que notre système de solidarité serait trop généreux envers les plus pauvres et les plus éloignés de l’emploi, mais du seul fait d’effets de seuil engendrés tant par le système fiscal que par le système de prestations familiales sur les premiers déciles. C’est bien le problème qu’entend traiter en priorité la prime d’activité, et c’est ce que notre discussion parlementaire devra non seulement préserver mais conforter, pour que le gain permis par la réforme soit maximum à ce niveau de salaire.

Cette réforme ne doit d’ailleurs pas être examinée isolément des autres politiques publiques, qu’il s’agisse du plan de lutte contre la pauvreté – 12 milliards d’euros au cours de ce quinquennat – ou de la réforme fiscale qui, cette année, avec la suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu, conduira à la non-imposition de plus de 9 millions de ménages. Il s’agit là de politiques cohérentes, articulées entre elles, qui permettront de couvrir tous les déciles de niveau de vie : plan de lutte contre la pauvreté pour les deux premiers, prime d’activité pour les trois suivants, suppression de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu pour les trois suivants.

Je le souligne car la troisième caractéristique de cette réforme est le courage. Courage de mettre fin à des dispositifs dont on connaissait de longue date l’inefficacité et le manque de ciblage, mais qu’il était plus facile de faire perdurer que de transformer – ce qui avait été fait en 2008 quand on avait créé le RSA activité sans supprimer la prime pour l’emploi. Courage aussi de faire une telle réforme avec des moyens globalement constants – même s’ils seront légèrement plus importants.

Cela veut dire que nous assumons bien évidemment qu’il y aura dans cette réforme des gagnants, mais aussi des perdants.

M. Francis Vercamer. Ah ça, ce ne sera pas gagnant-gagnant !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Et pour l’apprécier correctement, il faudra considérer si les gagnants sont bien conformes à nos objectifs politiques.

Mme Isabelle Le Callennec. Quid des perdants ?

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. De ce point de vue, je rappelle que les actuels bénéficiaires du RSA ne pourront que voir leur situation s’améliorer, que les principaux bénéficiaires du nouveau dispositif seront les jeunes et les couples avec enfants, que la prime d’activité favorisera, madame la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, la bi-activité et que l’incitation au maintien en activité et à la reprise d’activité sera améliorée.

Un mot, pour conclure, sur les risques de la réforme. Il y en a deux. D’abord, le risque budgétaire…

M. Francis Vercamer. Très élevé !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. …qui, bien évidemment, intéresse tout particulièrement la commission des finances. Il existe, il doit être aux environs de 1 milliard, mais il devra être assumé, car ce sera la preuve que cette politique aura réussi, puisque le taux de recours sera, comme le prévoit l’étude d’impact, supérieur à 50 %.

L’autre risque, majeur, et qui a fait l’objet de toutes les attentions de la commission des finances, à l’étonnement peut-être de certains dans cet hémicycle, serait en effet un taux de recours trop faible, qui ferait que cette réforme n’atteindrait pas ses objectifs. De ce point de vue, la mobilisation du Gouvernement et des administrations sera essentielle, en particulier durant la période de transition, notamment pour les actuels bénéficiaires du RSA activité et de la prime pour l’emploi. À la commission des finances, c’est bien ce risque-là qui nous soucie le plus.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite, au nom de la commission des finances, à adopter le titre IV. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure de la délégation aux droits des femmes, messieurs les rapporteur pour avis, mes chers collègues, le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi est un texte attendu et important. Même si les négociations n’ont pas abouti, on ne peut pas parler d’échec : les partenaires sociaux se sont parlé et, en l’absence d’accord, le législateur joue son rôle et reprend la main, en tenant compte néanmoins des négociations qui ont eu lieu.

J’entends dire ça et là qu’il n’y aurait nul besoin de représentation dans les toutes petites entreprises sous prétexte que le dialogue y serait direct et permanent – c’est ce qu’ont dit des représentants patronaux lors de leur audition par la commission. Or, dans les très petites entreprises – les TPE –, le colloque singulier entre l’employeur et le salarié peut mettre en exergue le lien de subordination entre les deux ; si dialogue il y a, ce que je ne nie pas, c’est un dialogue qui peut prendre toutes les formes : il peut être cordial, mais il peut aussi être très brutal. Il n’y a pas d’un côté les gentils, de l’autre les méchants. Il est donc plus que temps d’instaurer une représentation adaptée aux spécificités des TPE aussi bien pour les salariés que pour les employeurs.

Mon parcours professionnel fait que j’étais dans une branche dans laquelle existait un accord de branche. J’ai été successivement salariée puis employeur, et j’ai été présidente d’une association de commerçants, artisans et professions libérales du centre-ville d’une grande ville – Toulouse, pour ne pas la citer. J’ai bien vu qu’il pouvait exister des difficultés entre salariés et employeurs dans ces toutes petites structures, où il était difficile pour les uns et pour les autres de connaître leurs droits. Le dialogue direct qui est sans cesse mis en avant ne favorise pas toujours la pacification. D’ailleurs, tout le monde le reconnaît ; même les adversaires d’une représentation spécifique aux TPE disent que ces dossiers-là finissent très souvent devant les prud’hommes. N’oublions pas que nous parlons de 4,6 millions de salariés !

M. Gérard Cherpion. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’article 1er du projet de loi confie aux futures commissions paritaires régionales un rôle d’information essentiel, et la commission des affaires sociales leur a attribué en plus – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – un rôle de médiation à la demande des parties, ainsi qu’un rôle de proposition, dans différents domaines.

Ce texte est un bon texte ; cela a été dit, il rendra le dialogue social plus fluide, moins formel. Les articles 8 et 9 faciliteront la mise en place d’une délégation unique du personnel dans les entreprises de moins de 300 salariés, ce qui a pu susciter quelque peur chez les délégués du personnel et les représentants des syndicats. Il s’agit pourtant d’une simplification bienvenue : il n’y a pas d’un côté les conditions de travail, de l’autre la vie économique de l’entreprise ; tout cela est lié.

Le projet de loi prévoit également de réduire le nombre de réunions, comme vous l’avez fort bien expliqué, monsieur le ministre, et je n’y reviendrai pas.

En somme, le fil rouge de ce projet de loi est le dialogue social dans l’entreprise. Le texte pose un cadre, il organise, encourage, mais ne tranche pas sur des contenus qui relèvent d’abord des partenaires sociaux.

Tel est le cas du burn-out– en français : « syndrome d’épuisement professionnel ». Je souhaite évoquer ce sujet, qui touche un grand nombre de nos concitoyens sur leur lieu de travail, car des amendements ont été déposés dessus. Le syndrome d’épuisement professionnel prend toutefois de très nombreuses formes et, pour ma part, je ne pense pas qu’on puisse régler par voie d’amendement ce grave problème. Les partenaires sociaux doivent continuer à en discuter ; on ne doit pas prendre le risque de créer des cas de jurisprudence en écrivant un texte à la va-vite, sans donner du phénomène une définition correcte.

Le projet de loi comporte aussi plusieurs dispositions relatives à la valorisation des parcours des représentants du personnel, qui visent à encourager les salariés à prendre des responsabilités au service des autres.

Il conforte également le régime d’assurance chômage de l’intermittence, ce qui devrait contribuer à apaiser – enfin !, ai-je envie de dire – un secteur qui subit des crises récurrentes depuis de nombreuses années. Dans notre pays, quand l’été arrive, c’est toujours l’angoisse pour les festivals ! Permettez-moi, à ce titre, de saluer le travail du rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, M. Jean-Patrick Gille, qui s’investit sur le sujet depuis de très longs mois.

La création du compte personnel d’activité assurera une certaine sécurisation des parcours professionnels. Nous pourrons toutefois l’affirmer quand on aura donné vie à ce compte et quand les partenaires sociaux, salariés comme employeurs, s’en seront saisis et le feront vivre.

Enfin, la création de la prime d’activité, qui remplace la prime pour l’emploi et le RSA activité, parachèvera le processus de simplification entamé à l’automne dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2014. Cette prime d’activité vise un double objectif : ramener vers l’emploi des personnes qui en sont éloignées et permettre à chacun de vivre dignement de son travail. Il faudra toutefois veiller à ce que les bénéficiaires potentiels fassent bien valoir leur droit, car le RSA a pâti d’un taux de recours trop faible.

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faudra aussi veiller à ce qu’il n’y ait pas d’effets d’aubaine dans certains secteurs, qui entraîneraient des baisses de salaire, ou du moins un défaut de revalorisation, en raison de l’existence de cet appoint au pouvoir d’achat et au niveau de vie.

Au nom de la commission des affaires sociales, je tiens à remercier notre rapporteur, M. Christophe Sirugue, qui s’est beaucoup investi et a fourni un travail remarquable, bien qu’on lui ait imposé, disons-le, un agenda de folie en lui demandant de publier son rapport en début de semaine. Je veux aussi remercier Christian Hutin, vice-président de la commission, qui a excellemment animé les travaux en commission la semaine dernière.

M. Francis Vercamer. Excellemment, c’est le mot !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je citerai pour terminer deux personnes. John Lennon, qui disait : « Le travail, c’est la vie, et sans lui il n’y a que peur et insécurité » ; et le général de Gaulle,…

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Il existe donc encore des gaullistes ? (Sourires.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …qui affirmait : « La vie n’est pas le travail. Travailler sans cesse rend fou. » Faisons en sorte que travailler soit la synthèse de ces deux opinions – et c’est un vrai défi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, au nom de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, en 2015, les femmes sont traitées de manière profondément inégalitaire dans le monde du travail. Elles gagnent 27 % de moins que les hommes et représentent l’écrasante majorité des travailleurs précaires. Ces inégalités dès l’embauche se creusent tout au long de leur vie et font qu’en 2012 un retraité touchait en moyenne une pension de 1 600 euros quand celle d’une retraitée était inférieure à 1 000 euros.

Il était donc naturel que la délégation aux droits des femmes se penche sur ce projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

La commission a adopté de nombreux amendements inspirés des recommandations de mon rapport d’information. Nous avons ainsi prévu la désignation à parité des membres des commissions paritaires régionales interprofessionnelles et précisé avec le rapporteur, que je tiens à saluer, les dispositions de l’article 5 : au-delà d’une représentation proportionnelle sur les listes, les femmes doivent surtout être en position éligible sur les listes présentées pour toutes les élections des instances représentatives du personnel. Je vous propose qu’il en soit de même pour les administrateurs salariés et que la parité soit instaurée dans tous les collèges pour les conseils de prud’hommes.

Un débat est né, dont on a beaucoup parlé dans la presse, sur les outils de l’égalité professionnelle, qui s’est cristallisé sur le rapport de situation comparée et sur la pénalité ; la question a même suscité des inquiétudes. Nous avons veillé à lever toute ambiguïté sur le fondement juridique de la pénalité pour défaut d’égalité professionnelle. Nous avons rétabli dans la base de données unique toutes les informations du rapport de situation comparée, tant qualitatives que quantitatives, et sur les neuf thèmes prévus par la loi du 4 août 2014. Au-delà de données chiffrées, cette base comportera donc des éléments de diagnostic et d’analyse expliquant les écarts. Ce faisant, nous avons élargi à toutes les entreprises de plus de cinquante salariés les informations du rapport de situation comparée qui ne concernaient jusqu’à présent que les entreprises de plus de 300 salariés. Nous avons fait en sorte que l’égalité professionnelle se retrouve bien dans les trois informations-consultations et dans les trois négociations. L’égalité professionnelle est ainsi à la fois transversale et spécifique.

L’enjeu est désormais infralégislatif. Il n’en reste pas moins décisif, monsieur le ministre, et il est double.

C’est d’abord l’enjeu de l’accès de tous les membres des instances représentatives du personnel à ces données, dans toute l’entreprise et dans chacun de ses établissements. C’est ensuite celui de l’accompagnement des acteurs du dialogue social pour comprendre le caractère systémique des inégalités entre femmes et hommes et forger les bons indicateurs, les bons outils, pour supprimer ces écarts salariaux entre les femmes et les hommes.

Je formule donc, avec de nombreux collègues du groupe SRC, des propositions pour que les comités d’entreprise bénéficient, dès lors qu’ils existent, et pas seulement lorsqu’il y a plus de 200 salariés, d’une expertise sur l’égalité professionnelle à l’instar de celles dont ils disposent pour analyser les documents comptables de l’entreprise. Sur ces deux sujets, vous l’avez compris, monsieur le ministre, vous êtes très attendu.

M. François Rebsamen, ministre. Je sais.

Mme Sandrine Mazetier. Le groupe socialiste considère avec moi qu’il faut conditionner la possibilité de rendre triennales les négociations obligatoires annuelles à la conclusion d’un accord sur l’égalité professionnelle ou, à défaut, à l’élaboration d’un authentique plan d’action unilatéral, mais j’ai entendu que le Gouvernement partageait ce point de vue.

Je propose enfin que la sensibilisation à la problématique de l’égalité professionnelle soit l’un des objets du fonds paritaire prévu pour nourrir le dialogue social, tant il est vrai que les syndicats ont besoin des femmes et que les femmes ont besoin des syndicats, comme le souligne Rachel Silvera.

La délégation aux droits des femmes a aussi souhaité, comme la commission des affaires culturelles et comme celle des affaires sociales, alerter le Gouvernement sur l’inacceptable situation des « matermittentes ». Nous souhaitons qu’une solution soit enfin trouvée à la situation kafkaïenne de ces femmes privées de tout revenu parce qu’elles ont donné naissance à des enfants.

Enfin, je souhaite évoquer la prime d’activité, excellent dispositif dont la ministre a rappelé à cette tribune qu’elle est non pas une aide sociale mais bien, comme son nom l’indique, une prime qui vient compléter les revenus des travailleurs pauvres et assurer le pouvoir d’achat de ceux dont les revenus sont supérieurs aux minima sociaux, que nous avons revalorisés, mais qui gagnent trop peu pour bénéficier des baisses d’impôts que nous avons votées. Il serait incompréhensible que les pensions alimentaires, qui, rappelons-le, ne génèrent ni droit au chômage ni droit à la retraite, soient prises en compte dans la base ressources qui permet le calcul de la prime d’activité.

À la veille de l’entrée au Panthéon de Germaine Tillion, à qui nous devons tant, je conclurai par ses mots qui valent pour tout, mais particulièrement pour l’égalité entre les femmes et les hommes : « Dire le vrai ne suffit pas, il faut aussi dire le juste. »

C’est ce que nous attendons dans ce débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Après ce concert de louanges, il me revient de prononcer les premières paroles critiques sur ce projet de loi, et je n’ai pas l’intention de faillir à la mission qui m’est confiée par notre groupe. Souffrez donc, monsieur le ministre, que je commence par évoquer la manière particulière dont nous sommes saisis, en particulier de deux sujets. À vous entendre, à entendre les rapporteurs, ces sujets sont centraux, mais, en réalité, les dispositions concernées vont en fait venir compléter le projet de loi. Il s’agit, premièrement, des dispositions sur la pénibilité, rendues publiques ce matin, alors que nous entamons l’examen du projet de loi cet après-midi. Accordez-le moi : on peut faire plus long, comme délai. Il s’agit, deuxièmement, de la question du burn-out. À moins que je n’aie mal compris, nous ne connaissons toujours pas, à l’heure où nous parlons, les dispositions que vous vous apprêtez vous-même à inclure dans ce texte. Sur ces deux questions, qui sont loin d’être mineures, nous aurions préféré être prévenus plus tôt et disposer d’un temps de préparation un peu plus important, mais nous verrons bien, au cours du débat, ce que vous nous avez préparé.

Ensuite, monsieur le ministre, j’ai le regret de déplorer la piètre qualité rédactionnelle du texte que vous nous proposez : il est encore truffé de fautes de grammaire et de français. Jugeons-en au nombre d’amendements rédactionnels que le rapporteur a choisi de déposer, qui ne visent pas tous à apporter des précisions sémantiques ! Je m’interroge quand même sur le respect que l’on témoigne au Parlement en produisant et en déposant sur son bureau des textes d’une telle qualité. J’essaierai de corriger, par voie d’amendements, ces fautes dont je ne saurais faire grief au rapporteur de ne pas les avoir toutes relevées – le fond du texte l’occupait aussi. J’en profite pour saluer à mon tour le travail de mes collègues, en particulier Jean-Patrick Gille, dont je sais qu’il a passé beaucoup de temps sur la question des intermittents, et ce même si je ne partage pas tout à fait un certain nombre de ses conclusions.

À vous entendre, monsieur le ministre, c’est là une grande loi sociale, un texte qui va permettre l’adaptation des entreprises, une meilleure performance, une rénovation profonde du dialogue social – je ne fais que vous citer. Ce serait l’un de ces textes qui annoncent le retour du soleil, puisque, comme dit un adage que ne dément, jusqu’à présent, aucun contre-exemple, après la pluie, le beau temps.

À la différence de ce que vous nous avez dit, j’emprunterai mes deux premières citations à Jacques Rouxel – l’Assemblée n’a pas oublié que nous fêtons cette année le cinquantenaire de la naissance des Shadoks. Ces deux citations, tirées des Shadoks, me paraissent résumer parfaitement le texte que vous nous proposez : « Il vaut mieux pomper, même s’il ne se passe rien, que de risquer qu’il se passe quelque chose si on ne pompe pas » ; « En essayant continuellement, on finit par réussir, donc plus ça rate, plus on a des chances que ça marche ». Ces deux aphorismes me permettent, monsieur le ministre, de résumer votre intention. Pour le dire plus sérieusement, ce projet de loi n’est pas le texte du grand soir et de la révolution du retour de l’emploi. C’est au moins une occasion manquée et au pire un texte inutile.

Devant défendre devant vous la motion de rejet, cette motion de procédure qui regroupe les anciennes question préalable et exception d’irrecevabilité, je ne m’attacherai pas à montrer que ce texte est anticonstitutionnel : il ne contient aucun élément d’inconstitutionnalité, me semble-t-il. En revanche, il recèle beaucoup d’inutilités, et nous pourrions passer une partie de notre temps à autre chose.

Monsieur le ministre, depuis trois ans, notre pays compte chaque année 200 000 chômeurs supplémentaires. Nous avons dépassé, il y a quelques semaines, le seuil des 3,5 millions demandeurs d’emploi en catégorie A. Or je n’ai pas entendu parler, depuis une heure et demie, de ces personnes. Et, ayant suivi, par les moyens informatiques, les travaux de la commission, ayant entendu, tout à l’heure, les deux ministres et les différents rapporteurs, je ne vois toujours pas comment ce texte contribuera à réduire rapidement le nombre de demandeurs d’emploi dans notre pays.

Fallait-il faire une réforme du statut des intermittents ? Sans doute. Fallait-il consacrer ce statut dans la loi ? Pourquoi pas ? Faut-il veiller à ce que le régime des intermittents soit stabilisé ? Probablement, parce que nous partageons ce point de vue : si nous ne solidifiions pas le statut des intermittents, tout un pan de l’activité culturelle dans notre pays serait mis en danger. C’est une évidence partagée par tous, mais nous attendons avec impatience, monsieur le ministre, au-delà de ces dispositions législatives, une forme de courage qui consisterait à faire en sorte que plus personne ne puisse utiliser de manière détournée ce statut.

Nous le savons bien : le déséquilibre du régime des intermittents est principalement dû à deux phénomènes. Le premier, c’est le montant des indemnités perçues par certains bénéficiaires. Le deuxième, c’est le recours abusif à ce statut d’un certain nombre d’entreprises, y compris publiques, alors que les salariés en question remplissent tous les critères et présentent toutes les caractéristiques pour être employés en CDI. La réforme proposée ne nous paraît donc pas répondre à la question de fond.

Fallait-il réformer le système d’assistance des droits professionnels ? Je veux bien que le RSA ne soit pas efficace, d’autant que je n’ai pas voté cette réforme au cours de la précédente législature. Ce n’est donc pas moi qui avancerai des objections de fond. Faut-il, cependant, faire la réforme que vous nous proposez ? Mme la présidente de la commission des affaires sociales a bien dit tout à l’heure ce qu’il fallait dire : il faudra que le système atterrisse, c’est-à-dire qu’il faudra s’assurer que ceux qui sont censés en bénéficier puissent réellement en profiter, parce que c’est tout le problème qui sera posé. Et quand je vois la complexité du dispositif proposé, très franchement, il m’arrive parfois d’en douter.

Je concentrerai mon intervention sur le titre Ier du projet de loi. Mon excellente collègue Isabelle Le Callennec prendra tout à l’heure le relais sur la suite. Quel est, monsieur le ministre, l’innovation principale du titre Ier ? Est-ce la délégation unique du personnel ? Sûrement pas. Vous avez dit tout à l’heure vous-même à cette tribune qu’elle donnait pleinement satisfaction aux entreprises qui l’utilisent aujourd’hui. Il n’y a donc pas de révolution du côté de la délégation unique. Son régime est étendu. Pourquoi pas ? Ce n’est pas en soi une mauvaise idée. Admettons donc, mais nous nous demanderons – ce sera l’objet d’amendements – pour quelles raisons vous n’avez pas souhaité l’étendre davantage encore.

Est-ce le régime des négociations annuelles obligatoires ? Le rapporteur Sirugue l’a dit à la tribune, ce n’est pas non plus cela. Aucune de ces négociations n’est supprimée. Elles sont simplement regroupées, dans une volonté de réduire le nombre des échéances, des convocations et des réunions. Je ne suis pas moi-même un très ardent défenseur des négociations obligatoires, parce que, dans beaucoup de cas, on ne voit pas très bien à quoi elles servent… mais enfin, admettons. La révolution, en tout cas, n’est pas là.

La vraie innovation du titre Ier de votre texte, monsieur le ministre, ce sont les commissions paritaires régionales, bien entendu. Or celles-ci me paraissent présenter des inconvénients qui devraient inciter à porter un œil critique sur leur réalité.

D’abord, je ne vois pas quelle mission novatrice ces commissions paritaires régionales exerceront dans le concert du dialogue social. S’il s’agit de désigner dix représentants des salariés, dix représentants des employeurs pour faire de l’information sociale sur des milliers de kilomètres carrés, en l’absence de moyens renforcés et de mission précise, avec une organisation qui n’est pas définie, je ne vois pas comment ces commissions partiaires régionales pourront simplement remplir la mission que vous leur confiez.

J’ajoute que les missions attribuées par la loi aux commissions partiaires régionales pourraient être déjà très utilement remplies soit par les organisations professionnelles de salariés, puisque c’est le travail des syndicats que d’informer les salariés, soit par les organisations professionnelles d’employeurs, puisque c’est le travail des organisations professionnelles – branches ou fédérations – d’informer leurs adhérents. Le principal problème des petites entreprises, ce n’est pas le dialogue social interne, c’est la manière dont s’appliquent les conventions collectives dans leur sein. C’est cela, la question de fond, et s’il fallait aider les entreprises de petite taille à quelque chose, ce serait à faire en sorte qu’elles appliquent correctement et complètement les conventions collectives de leur champ d’activité. Or il n’est pas de cas si particulier, de ce point de vue, qu’il nécessite une législation de cette nature – en tout cas, je n’en ai pas entendu parler. Nous n’avons pas particulièrement besoin d’instaurer comme vous le faites, par le biais de médiateurs ou d’intermédiaires, un dialogue formalisé dans les entreprises de petite taille.

Toutes les enquêtes d’opinion ont montré, à plusieurs reprises – et vous le savez, monsieur le ministre, car ces enquêtes arrivent d’abord chez vous –, que la majorité des salariés sont attachés à leur entreprise, entretiennent de bonnes relations avec leurs responsables et leurs employeurs ; c’est particulièrement le cas dans les petites entreprises. Il peut y avoir des désaccords, des frottements – c’est la vie –, mais les conflits de grande envergure qui se produisent dans les grandes organisations n’ont rien de comparable avec l’état du dialogue social dans les petites unités. Ce sont deux mondes différents : c’est d’ailleurs l’un des drames français que d’appliquer de manière univoque à ces deux univers les mêmes lois, les mêmes types de contrats.

Le dispositif que vous proposez conduira vingt personnes – dans le cas de la région dans laquelle j’ai été élu – à piloter des milliers d’entreprises. Ce problème se retrouvera dans toutes les régions de France : ces personnes devront, sans en avoir les moyens, informer des millions de salariés. Très franchement, je ne vois pas comment cela peut fonctionner. Certes, au bout du compte, le dispositif que vous avez inventé fera plaisir à une organisation syndicale, et ne fâchera pas une grande organisation patronale, mais au-delà, nous n’en voyons absolument pas l’utilité.

Monsieur le ministre, vous ratez une occasion de renforcer le dialogue social. Il n’y a pas, dans cet hémicycle, d’ennemis du dialogue social, en tout cas pas sur les bancs de l’opposition. Comment aurait-on pu renforcer réellement le dialogue social à l’occasion de ce projet de loi ?

Premièrement, il aurait fallu traiter la question des seuils : or vous ne le faites pas. Pourtant, vous savez qu’en 2008, le Premier ministre en exercice, François Fillon, a sollicité les partenaires sociaux pour engager une réflexion sur ce sujet. Il est advenu des seuils ce qu’il était advenu précédemment de la pénibilité, cher collègue Sebaoun : les partenaires sociaux n’ont réussi à s’entendre sur rien. Vous avez dit tout à l’heure vous-même, à cette tribune, et Mme Touraine ainsi que Mme Lemorton l’ont répété : dans ces cas-là, les pouvoirs publics – c’est-à-dire le Gouvernement et le législateur – doivent prendre la main et, selon leur volonté politique, dessiner le cadre d’une réforme des seuils. Quel est ce cadre ? Il n’y en a pas ! Il n’y a pas de réforme des seuils, alors que c’est certainement la première attente des employeurs à l’heure actuelle.

M. Claude Sturni. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. La seule mesure qui touche à ces seuils consiste à faire passer de 200 salariés à 300 salariés le seuil au-delà duquel on ne peut recourir à la délégation unique du personnel. La belle affaire ! Il n’est pas question des seuils qui déclenchent des obligations administratives nouvelles, ni des seuils qui déclenchent des obligations financières nouvelles, ni du seuil qui oblige à afficher le règlement d’évacuation en cas d’incendie – quand une entreprise compte 151 salariés, elle est obligée de le faire, quand elle n’en compte que 149, elle n’est pas obligée ! Tout un ensemble d’obligations de cette nature ne sont pas visées par ce texte. C’est très dommage, car si une chose aurait pu justifier le soutien – pourquoi pas ? – de l’opposition à une réforme de cette nature, c’eût été cela ! Faire débattre le Parlement d’un texte qui se borne à réformer la délégation unique du personnel et les négociations annuelles obligatoires, en rassemblant un certain nombre d’obligations, sans toucher au reste, c’est franchement du temps perdu.

Subsistera dans notre législation une myriade de seuils qui ne recouvrent plus beaucoup de réalités. Même si ces seuils ne coûtent pas forcément plus cher, le simple fait qu’ils existent empêche les entreprises de fonctionner correctement.

Deuxièmement, monsieur le ministre, il aurait fallu renforcer le dialogue social territorial. Celui-ci est possible à l’heure actuelle : les partenaires sociaux ont parfaitement le droit de passer, sur un territoire donné, tous les accords qu’ils souhaitent. Il y a des exemples d’accords territoriaux qui sont des succès. Je sais bien que ce dialogue social territorial fait débat dans les organisations syndicales ; au sein de l’UMP, comme sans doute au sein du groupe socialiste, tout le monde n’est pas d’accord sur le sujet : cela ne m’a pas échappé. Les grandes centrales syndicales elles-mêmes sont traversées par des divisions de cette nature. Je vois notre collègue Gaby Charroux, qui siège sur les bancs du Front de Gauche : il me fait penser – je ne sais pas pourquoi : c’est sans doute un hasard – à la CGT. La CGT elle-même, qui était réfractaire il y a quelques années au principe même d’un dialogue social territorial, y devient en partie favorable dans la réalité. Sur ce point, il y a donc des évolutions.

L’enjeu n’est donc pas de faire exister le dialogue social territorial, car il existe déjà : il s’agit de le renforcer, et de lui donner la possibilité de passer, à titre expérimental, des accords à caractère normatif. Il faut lui donner les moyens de réfléchir à des stratégies de territoire sur des bassins d’emploi, aux moyens d’assouplir la législation sur l’alternance, l’apprentissage et la formation professionnelle, entre partenaires sociaux, sur un bassin d’emploi donné : cela aurait eu du sens ! La logique du bassin d’emploi devrait s’imposer, particulièrement dans le contexte que vous décriviez tout à l’heure, contre la logique plus générale des législations, des réglementations, des politiques publiques. Voilà une hypothèse avec laquelle nous aurions été à l’aise, et sur laquelle nous aurions pu assez facilement travailler. Rien de tout cela, monsieur le ministre, ne figure pourtant dans votre texte !

Je me demande bien pourquoi, alors que deux rapports très intéressants ont abordé cette question : l’un, remis par votre serviteur au Premier ministre, sur la négociation collective et les branches professionnelles ; l’autre, présenté au Conseil économique, social et environnemental par l’Alsacien Jean-Louis Walter, intitulé « Réalité et avenir du dialogue social territorial ». De toute façon, il faudra s’habituer à ces logiques : il faudra les apprivoiser. Comment se fait-il que votre texte ne comporte pas de dispositions sur ce sujet ? C’est tout de même étonnant !

Troisièmement, pour renforcer le dialogue social, monsieur le ministre, il ne suffit pas de donner un médiateur aux petites entreprises ! Sur ce point, je reconnais que ce n’est pas vraiment la faute du Gouvernement, car si j’ai bien compris, c’est plutôt une initiative de M. le rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est d’ailleurs avec la joie au cœur que le Gouvernement a dû accepter cette initiative, car si les partenaires sociaux sont parvenus à un accord, c’est sans doute parce que le médiateur n’y était pas ! Nous reviendrons sur cette question au moment de l’examen des amendements.

Qu’attendent les petites entreprises ? Pas de la médiation ! Personne n’est opposé à la médiation, la question n’est pas là, mais les petites entreprises attendent de la visibilité ; elles attendent qu’on les aide à définir une stratégie, à renforcer les partenariats ; enfin, elles attendent des dispositions qui leur permettent de développer leur activité. Or les propositions que j’ai évoquées pourraient, précisément, aider le dialogue social à devenir créateur d’activité, plutôt que d’être une simple activité occupationnelle, comme dans les centres aérés le mercredi après-midi.

Quatrièmement, nous attendions également une répartition plus claire des tâches entre les différentes instances représentatives du personnel – vieux problème ! Malheureusement, dans la pratique, l’action des comités d’entreprise et celle des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail se recoupent – quand ces deux instances existent : même dans les entreprises où cela devrait être obligatoire, ce n’est pas toujours le cas. Je vois l’ancien bâtonnier de Châteauroux sourire : je suppose qu’il a dû être confronté à ce cas une fois ou deux dans sa vie ! Quand ces deux instances existent, en effet, il arrive qu’elles se marchent dessus : dans ce cas, elles compliquent la vie de l’entreprise plus qu’elles ne la simplifient, et n’aident pas celle-ci à créer plus de richesse, à être plus performante.

Cinquièmement et pour terminer, monsieur le ministre, si les commissions paritaires régionales sont si importantes que vous le dites, si leur poids symbolique est vraiment la marque d’une évolution manifeste du dialogue social, alors comment se fait-il que vous ayez relégué le chapitre qui les concerne au dernier rang des chapitres qui concernent la représentation du personnel ? Votre projet de loi relègue les commissions paritaires régionales après les comités d’entreprise qui représentent les salariés transfrontaliers. Je n’ai rien contre les salariés transfrontaliers, mais vous auriez pu placer les commissions paritaires régionales plus haut dans le code du travail, car vous savez qu’il en va des dispositions du code du travail comme des autres : plus elles figurent haut dans le code, plus elles sont importantes. Vous auriez pu placer ces articles à une place plus éminente, afin de manifester votre considération pour cette nouvelle instance. Je vois là un manque de conviction de votre part, monsieur le rapporteur, et de la part de M. le ministre.

Vous nous direz aussi plus tard, au moment de l’examen des amendements, pourquoi vous avez numéroté ainsi ces nouveaux articles. Je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en découvrant la nouvelle numérotation du code du travail : l’article 23 figure après l’article 2480. Cette arithmétique m’échappe ! Vous nous expliquerez tout cela au cours de nos débats.

Au bout du compte, monsieur le ministre, quel est le mérite essentiel de ce texte ?

M. Claude Sturni. Il n’y en a pas !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il faut bien en venir à la réalité. D’abord, ce projet de loi permettra au congrès du parti socialiste de se tenir dans des conditions de pression et de température à peu près normales.

M. Alain Fauré. Ne vous occupez pas de cela, monsieur Poisson !

M. Jean-Frédéric Poisson. J’aimerais ne pas avoir à m’en occuper ! Nous avons eu droit à la couturière du congrès, au moment de l’examen des dispositions relatives au travail dominical ; à présent, nous avons droit à la répétition générale : je vois qu’on se rapproche de l’échéance. Puisque ce texte vise à permettre aux festivals de se tenir dans des conditions normales, il n’est pas totalement étonnant qu’il inclue aussi des dispositions concernant les intermittents du spectacle.

Le Président de la République a estimé que ce projet de loi était « le plus important du quinquennat ». Heureusement que Mme Aubry est allée déjeuner à l’Élysée il y a quelques semaines, sans quoi le Président de la République n’aurait pas eu de projet de loi le plus important du quinquennat ! Avouez que ce texte ne porte pas la marque d’une projection stratégique de tout premier ordre !

Pour le reste, à part des aménagements dont nous pouvons reconnaître l’utilité – nous ne voterons pas contre les dispositions relatives à la délégation unique du personnel, ni contre les dispositions relatives aux négociations annuelles obligatoires, car tout cela va dans le bon sens –, ce texte est loin d’avoir l’envergure dont vous parlez. Il n’améliorera pas la compétitivité, la performance des entreprises ; il ne fera pas baisser le nombre de demandeurs d’emploi, et n’augmentera pas la prospérité, la richesse de ce pays.

M. Claude Sturni. C’est vrai !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’améliorera pas non plus la représentation des salariés des très petites entreprises, car les vingt malheureux représentants de ces TPE seront confrontés à des régions que vous avez vous-mêmes retaillées à des dimensions respectables. Ce sera tout particulièrement le cas, monsieur le ministre, pour la région qui vous est chère : il n’y a pas beaucoup de points communs entre le bassin industriel de Montbéliard et le sud de la Nièvre. Il sera difficile de représenter en même temps les salariés des petites entreprises de ces deux territoires ! Vous voyez bien qu’à cause de la disparité et de l’étendue des territoires, du manque de moyens, et des missions qui n’existent pas ou ne servent à rien, les commissions paritaires régionales ne seront pas l’avancée sociale que vous décrivez.

Pour toutes ces raisons, je demande à l’Assemblée nationale d’adopter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Cela ne vous étonnera pas, monsieur Poisson : je ne partage pas du tout votre analyse.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est curieux !

M. François Rebsamen, ministre. Je crois avoir montré, lors de mon intervention liminaire, toute la conviction avec laquelle je défends ce texte. Je considère que celui-ci représente une véritable avancée sociale et qu’il permettra d’améliorer l’efficacité économique des entreprises. Je ne peux donc souscrire à vos arguments, et j’appelle l’ensemble des membres de cette assemblée à rejeter cette motion de rejet préalable.

M. Denys Robiliard. Voilà qui est synthétique !

M. le président. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Denys Robiliard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Denys Robiliard. M. Poisson a fait une belle prestation :…

M. Élie Aboud. Comme d’habitude !

M. Denys Robiliard. …je reconnais qu’il connaît bien le droit du travail.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça commence mal !

M. Denys Robiliard. Vous connaissez tout aussi bien, monsieur Poisson, le règlement de l’Assemblée nationale : vous savez donc qu’une motion de rejet préalable a pour objet « de faire reconnaître que le texte proposé est contraire à une ou plusieurs dispositions constitutionnelles ou de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer ». Or vous avez d’emblée, avec une parfaite honnêteté intellectuelle, reconnu que ce projet de loi n’était inconstitutionnel par aucun aspect. Votre motion vise donc à faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer.

Vous dites qu’il n’y a pas lieu à délibérer, mais dans le même temps, vous avouez que les propositions concernant les intermittents vous intéressent, qu’elles vous paraissent nécessaires, même si dans le détail vous n’êtes pas d’accord : quoi qu’il en soit, vous reconnaissez qu’il y a lieu d’en délibérer. Vous dites également que les dispositions concernant la délégation unique du personnel vous intéressent, que ce n’est « pas une mauvaise idée », pour reprendre vos termes. Certes, de votre point de vue, elles ne vont pas assez loin, mais l’intégration du CHSCT et le relèvement du seuil à 300 salariés vous paraissent des mesures bénéfiques.

Enfin, vous dites que les commissions paritaires régionales pour les très petites entreprises compteront trop peu de membres et auront trop peu de moyens.

M. Jean-Frédéric Poisson. Elles ne serviront à rien !

M. Denys Robiliard. Je n’ai pas entendu la même chose en commission venant de vos collègues du groupe UMP ! J’ai même entendu l’inverse : que ces commissions seraient trop nombreuses, trop importantes, et qu’il ne fallait pas les créer. Pour vos collègues, le problème venait non pas d’un manque, mais d’un trop-plein. Cela doit être un effet Shadok : du fait du pompage, on est passé du trop-plein au trop peu ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

Bref, pour rester dans le temps de parole qui m’est imparti, je me demande s’il ne s’agit pas d’une motion Shadok, qui a pour unique objet de pomper l’air de la majorité. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Gérard Cherpion. Cela ne vous étonnera pas : je soutiens la motion de rejet préalable présentée par Jean-Frédéric Poisson. En quelques minutes, il a délimité le cadre des débats qui occuperont une semaine qui s’annonce très longue et qui, probablement, n’aboutira qu’à peu de progrès social : nous le regrettons d’avance.

En réalité, la remarque qui nous vient à l’esprit à la lecture de ce texte, c’est : « Tout ça pour ça ! » On ne peut pas dire qu’il comprenne beaucoup d’avancées, même si – je suis d’accord avec M. Poisson à cet égard – certains points sont intéressants, comme les dispositions concernant la délégation unique du personnel. Je vous rappelle que j’étais moi-même partisan des commissions paritaires régionales : j’ai déposé un amendement pour m’opposer aux évolutions qui ont touché ces instances.

Le problème, c’est qu’il y a 3,6 millions de chômeurs aujourd’hui en France. Or il n’y a pas une ligne de votre projet de loi qui puisse intéresser ces demandeurs d’emploi ; il n’y a pas, dans tout ce projet, la moindre ouverture vers l’emploi. Plutôt que d’examiner un texte comme celui-ci, nous devrions chercher ensemble des solutions pour amener ces 3,6 millions de demandeurs d’emploi vers le travail.

Monsieur le ministre, dans un élan qui vous a vite été reproché au niveau du Gouvernement, vous vous êtes attaqué à la question des seuils, avant de revenir en arrière par un rétropédalage digne des Shadoks. Vous nous aviez annoncé que les seuils représentaient une vraie difficulté, et que vous institueriez un moratoire pour plusieurs années.

La semaine suivante, tout cela était rangé au fond d’un tiroir et nous ne pouvons que le regretter.

S’agissant de la représentation des salariés des TPE, il y a effectivement un problème mais il est évidemment lié au niveau des seuils. Comme ce sujet n’est pas traité, le problème ne l’est pas non plus. Plus largement, de nouvelles dispositions ont été proposées au dernier moment par voie d’amendement, procédé que nous avons déjà connu lors de l’examen de la loi Macron. Si nous avons aimé la loi Macron, nous aimerons la loi Rebsamen ! Nous aurons le plaisir de découvrir un certain nombre d’amendements sur la pénibilité, ce qui rendra notre travail à l’Assemblée un peu pénible. C’est la raison pour laquelle je soutiendrai la motion de notre ami Jean-Frédéric Poisson.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Seul l’intitulé de ce projet de loi a trait au dialogue social et à l’emploi. Jean-Frédéric Poisson l’a dit tout à l’heure, s’il est un projet de loi qui porte mal son nom, c’est bien celui-là.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

M. Francis Vercamer. D’abord, s’agissant du compte personnel d’activité, l’article L1 du code du travail n’a même pas été respecté : aucune négociation avec les partenaires sociaux n’a eu lieu avant l’inscription de cette disposition dans le texte et aucun document d’orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs et les options n’a été communiqué. Le dialogue social n’a pas été respecté !

Ensuite, s’agissant de la commission paritaire régionale interprofessionnelle, les partenaires sociaux ont, au départ, regardé ce dispositif d’un œil bienveillant mais une grande majorité d’entre eux est aujourd’hui vent debout contre ce texte, notamment les représentants des entreprises. En ce qui concerne l’emploi, rien n’est prévu pour lutter contre les effets de seuil. Pourtant, vous vous étiez vous-même engagé, monsieur le ministre, à lisser ces seuils, dont nous savons très bien qu’ils sont un frein à l’emploi.

En revanche, une prime d’activité est créée, avec un objectif de taux de recours de 50 %.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Par rapport à quoi ?

M. Francis Vercamer. Rendez-vous compte, mesdames et messieurs les députés ! On estime que seuls 50 % des salariés éligibles à cette prime y auront recours, alors que 100 % ont aujourd’hui droit à la PPE ! Monsieur le ministre, en matière d’accès au droit, on pourrait faire mieux ! En outre, rien n’est prévu sur le chômage et l’emploi, M. Poisson l’a dit.

Vous avez la fâcheuse habitude d’avoir recours à la procédure accélérée pour l’examen de vos textes. Là encore, après engagement de la procédure accélérée, nous allons réviser le compte pénibilité, pourtant voté par la majorité il y a quelques mois. Le Premier ministre lui-même l’a remis en cause, avant même son entrée en application. Le Gouvernement a déposé des amendements au dernier moment et la ministre en a encore annoncé de nouveaux. Ce texte est mal fagoté, mal construit et mal écrit. Il y aura à nouveau des problèmes.

Enfin, cerise sur le gâteau, le Président de la République a annoncé une mission sur la phase de négociations en entreprise, alors qu’il s’agit précisément de dialogue social. Ce texte ne concerne en rien le dialogue social et l’emploi. C’est une logique de congrès, non de progrès, qui y préside.

M. Dominique Tian. Très bien !

M. Francis Vercamer. Je suis comme les Shadoks, je voterai la motion de M. Poisson, soutenue par le groupe UDI. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Certes, l’exposé de Jean-Frédéric Poisson était sûrement brillant et plein d’humour, mais force est de constater que sa motion de rejet témoignait aussi d’une vision assez idéologique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il parle en expert !

M. Christophe Cavard. Par exemple, elle se fonde sur l’argument selon lequel ce texte n’apporterait pas de réponse à la question de l’emploi, qui est une préoccupation partagée sur l’ensemble de ces bancs. Rendez-vous compte ! Tout le monde reconnaît que le dialogue social permet à l’entreprise de se développer, et c’est d’ailleurs pour cela qu’il est accepté, y compris par les entreprises. Il permet aux salariés et aux employeurs de contribuer, ensemble, au développement, donc à la santé, de l’entreprise. Et, à vous entendre, il ne serait pas créateur d’emplois ! C’est très étonnant !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le texte n’en parle pas !

M. Christophe Cavard. Si ! Le texte permet à tous ceux qui font vivre les entreprises, et non pas uniquement aux employeurs, de les développer et donc de créer de l’emploi.

Vous vous voulez revenir sur la commission paritaire régionale interprofessionnelle qui constitue pour la plupart des personnes concernées une avancée sociale non négligeable. Les seuils en matière d’organisation de la représentation du personnel excluent plus de 4 millions de salariés. Ce texte leur ouvre la possibilité d’être représentés. Vous dites, monsieur Poisson, qu’il n’y a pas assez de représentants au sein de la commission paritaire régionale interprofessionnelle. J’espère que vous présenterez des amendements – je suis prêt à les soutenir – pour accroître leur nombre et les moyens octroyés à cette commission. Donnons-lui ensemble les moyens de jouer pleinement son rôle ! Le débat nous permettra sûrement de le faire.

Enfin, puisque vous avez dénoncé d’éventuelles erreurs du texte sur les intermittents des spectacles, je me permets de rappeler qu’ils n’ont pas de statut spécifique : leur statut, c’est artiste, et le régime qui leur permet de vivre, c’est celui de l’intermittence du spectacle. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, 3,6 millions de chômeurs, 615 000 de plus depuis l’élection du Président Hollande, qui avait pourtant promis d’inverser la courbe du chômage : au groupe UMP, nous disons : « stop ! ». Stop aux discours en parfait décalage avec la réalité vécue par les Français ; stop à une méthode de gouvernement qui, chaque jour, prouve son inefficacité, puisque les résultats ne suivent pas ; stop aux demi-mesures qui ne règlent en rien le problème de la rigidité du marché du travail et laissent à la porte des entreprises des milliers de demandeurs d’emploi, singulièrement des jeunes.

Que s’est-il passé depuis trois ans ? Une comédie en trois actes. Premier acte, ce que j’appelle les péchés originels : la fin des heures supplémentaires défiscalisées ; la suppression de la TVA anti-délocalisation ; la diminution des aides à l’apprentissage ; les 90 milliards d’impôts supplémentaires sur les ménages et les entreprises. Les conséquences ont été immédiates : la perte de pouvoir d’achat des classes moyennes, un coup porté à la compétitivité des entreprises, l’augmentation inexorable du chômage.

Deuxième acte, la prétendue parade du Gouvernement, qui s’est appuyé sur deux leviers : d’abord, le recours massif aux contrats aidés – 3,2 milliards d’euros dépensés pour la seule année 2015 –, à l’instar des emplois dits d’avenir, subventionnés par l’État dans les collectivités territoriales et les associations, dont on connaît pourtant les difficultés financières. Ensuite, le crédit impôt compétitivité emploi était censé redonner des marges financières aux entreprises mais après les avoir accablées de charges supplémentaires.

M. Michel Issindou. C’est une réalité, demandez-leur !

Mme Martine Pinville. On leur donne beaucoup !

Mme Isabelle Le Callennec. Évoquez donc, monsieur le ministre, le CICE avec les petites entreprises, les indépendants, ceux qui reversent la moitié de leur revenu en impôts et taxes quand ils ne sont pas en conflit ouvert avec le régime social des indépendants – RSI : vous mesurerez à quel point votre politique anti-entreprise est mal vécue sur le terrain et en parfaite contradiction avec le « J’aime l’entreprise » du Premier ministre – une déclaration d’amour dont on attend toujours les preuves !

M. Michel Issindou. C’est faux ! Soyez de bonne foi !

Mme Isabelle Le Callennec. Fin du deuxième acte, prévisible et désespérant : le chômage poursuit sa trajectoire haussière. Et le chômage, ce n’est pas que des statistiques : ce sont des hommes et des femmes, des familles, des jeunes, à qui il est inadmissible de laisser croire qu’ils sont victimes de la fatalité ou qu’on aurait tout essayé. Car comment expliquer que les taux de chômage de certains de nos voisins européens, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, s’établissent respectivement à 4,8 % et 5,5 % ? En Allemagne, le taux de chômage des jeunes est de 7,1 %, quand il atteint chez nous 25,3 %, un taux trois fois plus élevé !

Et même en France, comment expliquer que certains territoires s’en sortent mieux que les autres et affichent des taux de chômage deux fois inférieurs à la moyenne nationale, y compris dans des bassins industriels ? C’est le cas dans ma circonscription, mais pour combien de temps encore, si le Gouvernement ne prend pas conscience de la nécessité de lever les innombrables freins à la croissance et à l’activité dans notre pays ?

Troisième acte, le pari tout théorique de la croissance, de l’activité et de l’emploi, avec le fameux projet de loi Macron puis celui que nous examinons aujourd’hui sur le dialogue social. Là encore, quelle déception pour ceux qui avaient cru à une possible conversion libérale sociale de votre majorité ! De l’aveu même du Président de la République, la loi Macron n’est pas la loi du siècle. C’est le moins que l’on puisse dire ! Il est évident qu’elle n’apportera pas le point et demi de croissance nécessaire à la baisse durable du chômage. Et d’ailleurs, quelle loi Macron ? Celle qui a profondément divisé votre majorité, réveillé l’autoritarisme du Premier ministre et provoqué le passage en force à l’Assemblée nationale ? Ou celle, totalement réécrite par les sénateurs, qui devra faire l’objet d’un examen en commission mixte paritaire puis d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale ? Il est à craindre que, là encore, ce projet de loi – qui est en discussion depuis le 12 janvier 2015, n’est toujours pas voté, encore moins promulgué, et je ne parle même pas des décrets d’application – n’ait de croissance et d’activité que le nom, comme de trop nombreuses lois.

Il risque d’en être de même avec le projet de loi relative au dialogue social et à l’emploi, dont dix-neuf seulement des vingt-six articles ont un rapport direct avec le dialogue social. Un article concerne le régime des intermittents du spectacle : pourquoi ici, pourquoi maintenant ? Nous avons une petite idée, à quelques semaines de l’été. Les six autres concernent, pêle-mêle, la création du compte personnel d’activité, le statut de l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes – l’AFPA –, les contrats de professionnalisation adaptés aux chômeurs de longue durée ou encore la création de la prime d’activité.

À nos collègues non-membres de la commission des affaires sociales, je voudrais indiquer que la création du compte personnel d’activité, tout comme celle de la prime d’activité, n’a fait l’objet que de quelques très courts échanges entre nous, l’essentiel de nos débats ayant porté sur ce qui devait être l’objet du projet de loi, à savoir l’amélioration du dialogue social ou prétendu tel.

Quand on constate les difficultés à mettre en œuvre le compte personnel de formation ou le compte pénibilité, on peut être sceptique vis-à-vis de la création d’un énième compte, le compte personnel d’activité. Tout compte fait, sur quoi peut compter le salarié pour sécuriser son parcours ? Trêve de plaisanterie, ce n’est pas l’accumulation d’annonces de nouveaux dispositifs conceptuels et complexes qui sera de nature à rassurer les salariés et les demandeurs d’emploi sur leur avenir. Quant aux chefs d’entreprise, qui créent les emplois, ce qu’ils attendent du législateur est pourtant simple : moins de charges – cela passe par la maîtrise de la dépense publique –, moins de complexité administrative, plus de liberté laissée aux acteurs de terrain.

La prime d’activité n’est rien moins que la fusion de la prime pour l’emploi, qui existe depuis 2001, et du RSA activité, créé en 2008. La PPE concerne 9 millions de foyers fiscaux, le RSA activité 476 000. La première, imaginée pour améliorer le pouvoir d’achat, est versée chaque année par les services fiscaux aux ménages dont les revenus ne dépassent pas un certain plafond. Le deuxième, conçu pour inciter à reprendre un emploi ou quelques heures de travail supplémentaire, est calculé chaque trimestre et versé mensuellement par la caisse d’allocations familiales. La PPE coûterait chaque année 2,5 milliards d’euros au budget de l’État, le RSA activité 2 milliards. Selon les intervenants, la prime d’activité concernerait 8, 5 ou 6 millions de Français. Quel est le chiffre exact ? C’est la question que j’aurais posée à Mme la ministre si elle nous avait fait l’honneur de rester avec nous jusqu’au bout du débat. Qui seront les gagnants ? Qui seront les perdants ? Assurément, les perdants seront, une fois de plus, la classe moyenne. Quel sera le coût effectif de la mesure ? 4 milliards d’euros, comme annoncé initialement, ou plus ? D’autant que le Président de la République a imprudemment annoncé à l’occasion d’une prestation télévisée, le 19 avril dernier, que la prime pour l’emploi concernerait aussi les étudiants et les apprentis. Les experts ont dû refaire les calculs : ce sera 1 million de plus. Que ne ferait-on pas pour tenter de s’attirer de nouveau les faveurs des jeunes qui, à 74 %, regrettent d’avoir voté pour M. Hollande ?

Chacun mesure donc bien les enjeux de cette fusion en termes de public cible, d’impact sur les finances publiques mais également de choix idéologiques. Le Gouvernement préfère subventionner le travail plutôt que créer les conditions de l’embauche de chômeurs et de la juste rémunération des salariés dans les entreprises.

Alors s’il ne devait y avoir qu’un motif valable de renvoi en commission, ce serait précisément, chers collègues, vous l’aurez bien compris, celui de l’examen au fond du compte et de la prime d’activité que le Gouvernement ne manque pas de présenter, à grand renfort de communication, comme des mesures de progrès social.

En outre, chers collègues, s’agissant des articles du projet de loi traitant directement du dialogue social, il y aurait matière à approfondir le débat en commission, comme nous avons, avec mes collègues de l’UMP, tenté de le faire avec, il faut bien le reconnaître, un maigre succès.

Je ne prendrais que deux exemples : l’article 1er qui crée les commissions paritaires régionales interprofessionnelles et l’article 19 qui revient sur le compte pénibilité. La création des commissions paritaires régionales a été présentée comme faisant consensus entre les partenaires sociaux. C’est faux. La Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME, pour ne citer que cette organisation patronale, qui représente pas moins de 1,6 million d’entreprises et 13,5 millions de salariés, a fait savoir, à plusieurs reprises, son opposition à la création de ces commissions.

J’ai bien entendu, en commission, les arguments de leurs défenseurs : ils font valoir qu’elles assurent la représentation des salariés des TPE. Mais j’ai aussi bien compris qu’en définitive, dix membres par commission multiplié par treize régions, cela ferait 130 salariés de TPE pour représenter 4,6 millions de salariés. Aussi je m’interroge : les salariés des TPE éprouvent-ils vraiment le besoin d’être représentés, quand on sait qu’aujourd’hui 63 % des établissements de onze à dix-neuf salariés et 35 % de ceux de 20 à 49 salariés n’ont ni délégués syndicaux ni représentants du personnel ?

M. Lionel Tardy. Et ça fonctionne…

Mme Isabelle Le Callennec. Ne faudrait-il pas, au préalable, comprendre les raisons de cette désaffection ? La création de ces commissions paritaires sera-t-elle de nature à améliorer véritablement et concrètement le dialogue dans les entreprises où il fait défaut ? Or dans les TPE, cela est rarement le cas : les relations entre le chef d’entreprise et les salariés sont quotidiennes. Et puis, voir inscrite à l’article 1er d’une loi sur le dialogue social la création d’une énième structure chargée d’apporter des informations, de débattre et de rendre tout avis utile sur les questions spécifiques aux entreprises de moins de onze salariés n’est vraiment pas de nature à nous rassurer sur son utilité réelle.

D’autant qu’au fil de l’adoption d’amendements de la majorité, les prérogatives de ces commissions se sont élargies au point d’intégrer l’accès des membres de ces commissions aux entreprises. Cet accès ne sera certes possible, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, qu’avec l’accord du chef d’entreprise concerné. Mais cette ingérence ne dit rien qui vaille. Pour mémoire, le texte initial du Gouvernement précisait qu’un tel accès ne serait pas possible : je suppose qu’en cela il avait tenu compte d’un avis majoritaire des partenaires sociaux.

Plus généralement, il est toujours étonnant de constater, là encore, le décalage entre les déclarations grandiloquentes et la nécessité de respecter les partenaires sociaux. « J’aimerais que le dialogue social soit inscrit dans la Constitution » déclarait ainsi le 23 mai 2013 votre prédécesseur, Michel Sapin, alors qu’il a été fait peu de cas des remarques de ces mêmes partenaires.

Tel est par exemple le cas du compte pénibilité, dont les chefs d’entreprises vous disent et vous redisent qu’il est une usine à gaz. Le 10 octobre 2013, vous procédez à sa création dans la loi sur les retraites. Face aux difficultés d’application, vous mandatez un « médiateur », Michel de Virville. Le 14 octobre 2014, vous annoncez que seuls quatre critères de pénibilité retenus seront mis en œuvre au 1er janvier 2015. Les autres – parmi lesquels figurait tout de même le travail répétitif, qui peut être un facteur de pénibilité – attendront janvier 2016. Cela n’allant toujours pas, et pour cause, vous avez confié une mission à notre collègue Sirugue, rapporteur du projet de loi dont nous débattons.

Et puis, coup de théâtre, monsieur le ministre : vous annoncez à l’assemblée générale de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, le 9 avril, qu’« il n’y aura pas de fiches individuelles du compte pénibilité à partir de juin, c’est inapplicable ». Aujourd’hui même, vous annoncez des amendements afin que l’employeur n’ait plus de mesures individuelles à accomplir lorsqu’il pourra disposer d’un référentiel de branche. Vous dites qu’il s’agit d’un message de confiance en direction des entreprises. Les messages ne suffisent plus, nous attendons des actes, notamment le vote de l’amendement du groupe UMP qui vise précisément à supprimer, dans ce texte, les fiches individuelles, casse-tête pour les employeurs et sources de contentieux. Nous verrons si vous y êtes favorable.

Vous voyez bien, chers collègues, qu’entre les annonces, les effets de manche, la communication et la réalité de ce qui est voté dans cette maison, il y a un fossé, ou plutôt un abîme. Et c’est précisément ce double langage qui désespère, à raison, les Français.

Une fois de plus, une loi risque d’être votée alors qu’elle n’aura aucun impact positif sur chômage, ou un impact très marginal. Une fois de plus, l’absence de courage aura interdit de s’attaquer aux véritables freins à la croissance et à l’emploi que sont les charges qui pèsent sur les entreprises, les rigidités du code du travail ainsi que l’inadéquation entre l’offre et la demande d’emplois. Monsieur le ministre, 350 000 offres d’emplois ne trouvent pas preneur dans notre pays.

Quand allez-vous vous attaquer à ce triste triptyque bien français : 3,6 millions de chômeurs, 350 000 emplois non pourvus et 140 000 jeunes sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification ?

Souvenez-vous, chers collègues, qu’à l’origine ce texte sur le dialogue social devait constituer une réponse aux chefs d’entreprises qui fustigent les seuils sociaux, ceux qui allongent, lorsqu’ils les dépassent, la liste de leurs obligations d’employeurs. Le seuil des cinquante salariés aurait dû faire l’objet de toute notre attention tant il est manifestement, dans notre pays, un frein au développement des PME, dont je rappelle qu’elles assurent 85 % de la création d’emplois.

Au final, ce texte dans sa globalité est au mieux un coup pour rien, au pire – je pense à la prime d’activité – un non-sens économique. Même le Premier ministre semble s’en détacher puisqu’il a installé, en parallèle, la commission Combrexelle sur les accords collectifs et le travail, son intention étant de moderniser notre système de relations sociales et sa pratique. Or, comme chacun sait, les parallèles ne se rejoignent jamais.

Alors permettez-moi cette question, que d’aucuns trouveront naïve : à quoi servons nous ? Où se prennent les décisions dans notre pays ? En fait, des décisions sont prises d’ailleurs, car règne depuis trois ans un sentiment d’inefficience publique, alors que les entreprises et les salariés, doivent, eux, s’adapter en permanence aux marchés et cultiver la réactivité maximale. Allons-nous continuer longtemps à donner l’illusion d’une démocratie adulte ?

Nous sommes tous attachés au dialogue social, mais chacun d’entre nous ne définit pas forcément de la même façon le dialogue social efficace, pour reprendre l’adjectif employé par les partenaires sociaux que nous avons auditionnés.

La loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social, dite loi Larcher, prévoit que tout projet gouvernemental impliquant des réformes dans les domaines des relations du travail doit d’abord comporter une phase de concertation avec les partenaires sociaux, dans le but de permettre l’ouverture d’une négociation. Cette dernière a eu lieu mais fut un échec, puisque nous examinons un projet de loi.

Cette même loi Larcher fut une étape importante. Mais huit ans après, acceptons quelques constats : seulement 6 % des salariés sont syndiqués dans notre pays, et aucun accord national interprofessionnel n’a recueilli la signature de l’ensemble des organisations syndicales de salariés et d’employeurs reconnues représentatives au niveau national. Pourtant, ces accords s’appliquent à tous et doivent être consignés dans la loi. Or, les lois traduisent rarement l’accord national interprofessionnel, et rien que lui, à l’instar de la loi sur la sécurisation de l’emploi.

Sont plutôt votées des lois ajoutant des pages au code du travail qui en compte déjà plus de 1 600 : choc de simplification dans les mots, choc de complexification dans les faits.

Vous connaissant par cœur, chers collègues, je me doute du sort qui sera réservé à cette motion de renvoi en commission.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Il y a une petite chance. (Sourires.)

Mme Isabelle Le Callennec. Mais réfléchissez bien tout de même, car je pense que, comme moi, vous vous interrogez parfois sur votre rôle de législateur. Vous vous offusquez peut-être – nous, à l’UMP, certainement – de l’attitude du Gouvernement, qui au fil des mois, s’habitue, quand il n’est pas certain de pouvoir compter sur une large majorité, à faire fi du Parlement. Ce matin, monsieur le ministre, vous déclariez vous-même que vous n’étiez pas opposé à un recours à l’article 49-3 de la Constitution pour faire voter cette loi sur le dialogue social.

Mme Arlette Grosskost. Incroyable !

Mme Isabelle Le Callennec. Je ne doute pas, chers collègues, que vous avez été élus en en promettant de travailler sérieusement dans le sens de l’intérêt général. Or en l’espèce, l’intérêt général commande de remettre l’ouvrage sur le métier. (« Très bien » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP).

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. François Rebsamen, ministre. Madame la députée, vous avez dressé un réquisitoire relatif aux trois premières années du quinquennat, en oubliant dix années d’incurie sociale. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Jo Zimmermann. C’est fatiguant.

M. François Rebsamen, ministre. Nous ne partons donc pas d’une page blanche. Vous avez, pendant dix ans, écrit par la loi les règles de fonctionnement de notre société. Vous ne pouvez donc pas ignorer l’état dans lequel vous l’avez laissée – c’est d’ailleurs pour cette raison que les Français n’ont plus voulu de vous. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. N’importe quoi !

M. Lionel Tardy. Profitez, profitez.

M. François Rebsamen, ministre. Je ne vais pas m’étendre sur cette critique de fond : ce n’est pas à moi de le faire ici, à cet instant. Mais je voulais néanmoins vous dire les choses.

Sur la forme, car il s’agit d’une motion de renvoi en commission, vous avez donné plusieurs exemples s’agissant du dialogue social. Or, nous avons quelques souvenirs de la façon dont vous pratiquiez ce même dialogue.

Nous n’avons donc, en la matière, pas de leçons à recevoir de votre part car depuis 2008, les partenaires sociaux essaient effectivement de moderniser le dialogue social, et ils ont du mal à aboutir. Ils ont échoué une nouvelle fois, alors qu’ils étaient proches du but. Leur accord, vous le savez très bien, intégrait les commissions paritaires régionales. Passons… En tous cas, cette concertation a eu lieu.

Je l’ai reprise à mon compte et j’ai, pendant deux mois, renégocié avec eux. Puis j’ai défendu le projet de loi en commission, où nous avons, notamment avec le rapporteur, travaillé pendant deux jours. Finalement, des avancées et des progrès ont été possibles. Or vous nous proposez de retourner en commission…

Mme Bérengère Poletti. Aucune réponse sur le fond.

M. François Rebsamen, ministre. Cela n’est pas possible : j’appelle les députés de la majorité, ainsi que tous ceux qui le veulent, à rejeter cette motion de renvoi en commission.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Denys Robiliard. Le groupe SRC votera la motion de renvoi en commission défendue par Mme Le Callennec, comme il a voté la motion de rejet préalable défendue par M. Poisson, c’est-à-dire qu’il votera contre.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Quel acteur !

M. Denys Robiliard. Ce qui est sympathique, c’est que vous vous soyez laissé prendre à un minimum de suspense : je vous remercie pour votre magnifique écoute. (Sourires.)

Nous avons effectivement entendu un réquisitoire portant sur les trois premières années, sous cette législature, de la majorité : or cela ne constitue pas un motif suffisant pour renvoyer ce projet de loi en commission.

Vous avez regretté les 150 000 emplois d’avenir. Madame la députée, vous avez rappelé que les chômeurs étaient des personnes qui souffrent, comme leurs familles : c’est vrai. 150 000 jeunes travaillent aujourd’hui grâce à ce dispositif.

Mme Bérengère Poletti. C’est la vision de gauche de l’emploi.

M. Denys Robiliard. Je rappelle que si le chômage augmente, celui des jeunes baisse.

Ces 150 000 jeunes entendront que vous ne vouliez pas de ce dispositif qui leur donne un véritable emploi, sur une durée moyenne qui leur permet d’acquérir une première expérience professionnelle : il faut que cela soit redit.

Vous avez stigmatisé la décision que nous avions prise, dès juillet 2012, de refiscaliser et de resocialiser les heures supplémentaires : c’est la critique habituelle portant sur le pouvoir d’achat.

Mme Isabelle Le Callennec. Oui, mais cette décision a fait du mal.

M. Denys Robiliard. Oui, mais quand il y a des millions de chômeurs, l’argent public doit-il servir à subventionner les heures supplémentaires ? C’est ce que vous faisiez.

Mme Isabelle Le Callennec. C’était du pouvoir d’achat.

Mme Bérengère Poletti. Et cela créait de la richesse, donc de l’emploi.

M. Denys Robiliard. Alors que vous nous dites que nous ne faisons jamais assez d’économies, nous avons pris la responsabilité d’en réaliser une en supprimant ce dispositif, qui coûtait tout de même, en année pleine, près de 5 milliards d’euros, intégralement empruntés. Mais quand nous faisons des économies, ce ne sont jamais les bonnes…

M. Jean-Frédéric Poisson. Le projet de loi ne changera rien à cela !

M. Denys Robiliard. …et vous ne donnez aucune explication sur celles que vous feriez.

Pour conclure, quand on l’appelle de ses vœux le dialogue social, peut-on se féliciter qu’il n’y ait en France que 6 % de salariés syndiqués et que notre pays ne compte pas assez d’institutions représentatives du personnel dans les petites entreprises qui y ont droit ?

M. le président. Merci de conclure.

M. Denys Robiliard. Nous avons parfaitement respecté la loi Larcher puisque ce projet de loi a été déposé parce que les négociations n’ont pas abouti. Mais d’autres accords nationaux interprofessionnels ont été signés, y compris à l’unanimité des partenaires sociaux représentatifs.

Mme Isabelle Le Callennec. Non, tout le monde n’a pas signé.

M. Denys Robiliard. Considérez celui relatif à la formation professionnelle : sauf erreur de ma part, il l’a été dans ces conditions. Par conséquent, il n’y a pas de raison de différer davantage l’examen au fond du projet de loi dont nous sommes saisis. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Dominique Tian. Bien sûr, le groupe UMP votera la motion de renvoi en commission qu’a brillamment défendue Isabelle Le Callennec il y a quelques instants. Sans en venir au fond de cette loi, elle a eu raison de dire qu’il s’agissait d’une loi pour rien ainsi que d’une loi fourre-tout.

Cette loi fait également l’unanimité contre elle, car des syndicats ouvriers comme la CGT ou Force ouvrière et des syndicats patronaux comme le MEDEF et la CGPME se demandent quel est son objet. Vouloir faire passer en force une loi sur le dialogue social contre l’avis de l’ensemble des acteurs de ce même dialogue est un peu particulier… En outre, qui pense que dans les petites entreprises de moins de onze salariés, le dialogue social n’existe pas entre les chefs d’entreprises et les salariés qui y travaillent ? Si tel est le cas, cela peut être grave.

Le renvoi en commission se justifie également au regard de certaines notions, comme la pénibilité, qui font l’objet d’amendements que nous ne connaissons pas. Nous entendons beaucoup parler – sans doute en vue d’un congrès prochain – de M. Benoît Hamon, qui a introduit par voie d’amendement de nouvelles notions, notamment celle du burn-out. Or, nous ne disposons pas de ces amendements qui n’ont pas été étudiés en commission. C’est au titre de l’article 88 qu’une partie des vingt-six articles du texte seront enrichis sans qu’une discussion en commission n’ait pu intervenir. D’autres sujets sont dans le même cas : le compte personnel, la prime d’activité ou les intermittents du spectacle. Nous aurions pu prendre un peu de temps…

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Il fallait être là en commission !

M. Dominique Tian. …avant de passer en force. C’est pourquoi le retour en commission paraît une évidence à l’ensemble du groupe UMP. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. Il ne vous étonnera pas que le groupe UDI vote la motion de renvoi en commission. Depuis quelques jours, pleuvent un certain nombre de nouvelles propositions qui ont un rapport avec ce texte. Premier exemple : la présentation aujourd’hui de la suppression de la fiche individuelle du compte pénibilité par le Premier ministre, alors que nous sommes en train d’étudier le compte personnel d’activité qui n’a pas fait l’objet d’une négociation avec les partenaires sociaux.

M. Lionel Tardy. C’est le dialogue social, ça !

M. Francis Vercamer. Deuxième exemple : la prime d’activité, pour laquelle on n’arrête pas d’ajouter des bénéficiaires. Tout à l’heure encore, Mme la ministre annonçait des amendements en ce sens. Le dispositif n’est pas stabilisé et a besoin d’être travaillé. Troisième exemple : la mission sur la place de la négociation annoncée par le Président de la République, laquelle doit rendre son rapport à l’automne. Là encore, il s’agira du dialogue social, alors que nous sommes en train d’étudier un texte sur le sujet. Je passe sur la discrimination : une proposition de loi du groupe SRC sera discutée prochainement sur la question, alors que le ministre présente, dans ce texte, un amendement qui y est relatif. Je passe également sur le burn-out de M. Hamon qui veut inscrire cette notion dans le cadre de la pénibilité, alors qu’elle mérite une vraie réflexion et non pas un amendement quelconque proposé par quelqu’un qui représente 30 % du groupe socialiste !

M. Luc Belot. Bien moins !

M. Francis Vercamer. Il me paraît important de pouvoir discuter de ce sujet.

Ce texte est décousu et sans vision d’ensemble. Si vous ne voulez pas que ce soient les parlementaires qui subissent un burn-out (Sourires), je pense qu’il faudrait retravailler le projet en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour le groupe écologiste.

M. Christophe Cavard. Cela ne vous étonnera pas que le groupe écologiste vote contre la motion de renvoi. Madame Le Callennec, votre propos confirme ce que je disais tout à l’heure à M. Poisson : votre position sur la question du dialogue social, de sa perception et de son utilité dans l’entreprise relève d’une posture idéologique. Si vous avez le droit de contester la série de mesures que nous avons instaurées, démocratiquement, depuis 2012, reconnaissez au moins que certaines sont utiles à nos concitoyens, d’autant que, comme le disait le ministre, nous n’avons pas vu, de 2002 à 2012, quand vous étiez au pouvoir, la fameuse courbe du chômage s’inverser !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas vrai jusqu’en 2008 !

M. Christophe Cavard. Je veux revenir sur un point très précis : le rôle de la commission paritaire régionale. Je suis surpris que vous négligiez à ce point la question de l’information auprès des salariés, notamment le rôle qu’elle peut jouer dans les petites entreprises de onze salariés, d’autant que vous êtes très attentive au sujet de la formation professionnelle. Nous avions d’ailleurs travaillé ensemble sur ce texte. Tout le monde convenait alors de l’intérêt potentiel du compte personnel de formation. Vous savez aussi bien que moi que, chez les employeurs des petites entreprises comme chez les salariés, il peut y avoir parfois une certaine méconnaissance du dispositif. Nous avons donc intérêt à ce que cette commission paritaire régionale joue pleinement son rôle dans ce domaine. Vous comprendrez, mes chers collègues, que le renvoi a peu de sens, au vu des travaux que nous avons menés ensemble en commission et de la façon dont le texte lui-même a évolué grâce à nos travaux.

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce texte relatif au dialogue social et à l’emploi traite de trois grands sujets : le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle ; la mise en place de la prime d’activité ; les nouvelles règles concernant le dialogue social. Les dispositions concernant les intermittents du spectacle traduisent les engagements pris par le Premier ministre. Elles inscrivent dans la loi le principe d’indemnisation du chômage qui leur est propre et donnent la possibilité aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de conduire les négociations sur leur convention d’assurance-chômage. Ce sont là des avancées que nous soutenons.

Nous pensons toutefois que le texte pourrait être amélioré, s’agissant notamment de la lutte contre la précarité de ces professionnels qui souffrent d’un recours abusif aux contrats à durée déterminée. Nous formulerons des propositions en ce sens. Ce texte crée par ailleurs une prime d’activité, en fusionnant le RSA activité avec la prime pour l’emploi. Si nous pouvons soutenir cette proposition qui simplifie et qui, surtout, selon les objectifs annoncés, vise à soutenir prioritairement les travailleurs les plus modestes – à savoir ceux qui perçoivent entre 908 et 1 363 euros net par mois –, nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par le fait que cette réforme se fasse à enveloppe constante, dans le cadre des 4,1 milliards d’euros actuels. En effet, nous doutons que vous puissiez tenir vos engagements que les actuels bénéficiaires du RSA activité ne soient pas perdants et que, de surcroît, cette nouvelle prime bénéficie, sous certaines conditions, aux étudiants et aux apprentis qui étaient jusqu’ici exclus du RSA activité, et qui n’entraient donc pas dans l’enveloppe actuelle. Nous souhaiterions que vous nous précisiez le financement de cette mesure.

Je veux croire que le Gouvernementne compte pas sur un faible recours à ce nouveau dispositif pour entrer dans l’enveloppe. Une autre de nos préoccupations est le très faible recours à ces dispositifs d’aide, puisque l’on considère aujourd’hui que, parmi ceux qui y ont droit, une personne sur deux seulement en bénéficie, alors qu’elles en ont pourtant éminemment besoin. Nous souhaiterions savoir quelles mesures sont concrètement envisagées pour dépasser ce taux de recours estimé à seulement 50 %.

Je veux dire un mot du compte personnel d’activité dont l’article 21 fixe un calendrier de mise en œuvre. Ce compte personnel, qui doit permettre le regroupement et la portabilité des comptes pénibilité, formation et épargne temps, va dans le sens du progrès. Cependant, pour qu’il constitue une réelle avancée sociale, il faut qu’il prenne en compte l’ensemble des droits susceptibles d’être attachés au salarié, donc portables. Je pense, par exemple, à l’ancienneté que nous proposerons d’introduire par un amendement.

J’en viens au cœur de ce texte, concernant la modernisation et la simplification du dialogue social. Vous posez d’emblée, et à juste titre, la nécessité de revisiter les conditions du dialogue social pour l’améliorer, en partant du constat – je cite l’exposé des motifs – « qu’il est souvent marqué d’un formalisme qui ne favorise ni la recherche constructive de solutions, ni la délibération sur les enjeux stratégiques auxquels l’entreprise est confrontée ». Il est vrai que différentes institutions représentatives du personnel coexistent, que leurs missions se sont étoffées au fil du temps, que, de ce fait, les réunions se multiplient et que l’employeur est dans l’obligation de remettre aux salariés de plus en plus de documents. Rien d’anormal à tout cela. C’est l’évolution de la vie, tant concernant les droits des salariés que le fonctionnement des entreprises.

Assurément, il est nécessaire de moderniser le dialogue social, non pour le réduire mais pour le rationaliser, le stimuler et le rendre plus sincère. Le préambule de la Constitution de 1946 met le dialogue social au cœur de notre contrat social en ces termes : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail, ainsi qu’à la gestion des entreprises. » Cela signifie que ce dialogue ne peut être efficace qu’à condition de donner un réel pouvoir aux salariés et à leur représentation collective, afin de contrebalancer la subordination du salarié face à l’employeur, ce qui est contraire au principe constitutionnel d’égalité.

Or ce texte, quand on le prend dans sa globalité, aboutit en réalité, sous couvert de modernisation, à réduire les droits des représentants des salariés. Certes, avec la création des commissions régionales paritaires, vous instaurez enfin une représentation réclamée depuis longtemps par les travailleurs des très petites entreprises de moins de onze salariés. Ce n’est pas un détail, puisque cette disposition concerne 4,6 millions de salariés ; aussi nous en félicitons-nous. Pour autant, d’une part, cette avancée ne saurait justifier une réduction des droits des autres salariés ; d’autre part, des améliorations indispensables doivent y être apportées comme le droit pour les représentants des salariés d’entrer dans les très petites entreprises. Nous avons voulu introduire cette disposition par amendement et vous l’avez refusée en commission au prétexte qu’elle porterait atteinte au droit de propriété ! Sérieusement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, personne ne songe à s’emparer d’une entreprise, en portant atteinte au droit sacré de la propriété ! (Sourires.) Le débat est ailleurs.

Concernant l’extension de la délégation unique du personnel – DUP – aux entreprises comprenant jusqu’à 300 salariés et plus lorsqu’un accord collectif le prévoit, force est de constater que cette disposition aboutit à une baisse du nombre d’élus et du nombre d’heures de délégation, avec finalement une importante centralisation des instances, laissant certains établissements sans aucune représentation et conduisant à affadir la pluralité de l’expression syndicale, surtout si cette délégation inclut désormais, comme le prévoit le texte dans sa rédaction actuelle, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT. Ainsi, la baisse des moyens liés à la DUP pour cette catégorie d’entreprises, ajoutée à l’augmentation des missions pour chaque représentant des salariés, signifie que les élus connaîtront moins bien leur sujet et qu’ils seront moins bien placés qu’aujourd’hui pour les traiter.

En effet, comment demander aux mêmes élus, moins nombreux que lorsque les instances sont distinctes, et avec moins d’heures de délégations, de maîtriser tout à la fois les questions économiques, la législation du travail, les conventions collectives applicables dans l’entreprise et les problématiques en matière de santé et de sécurité au travail, dont chacun reconnaît la spécificité et dont on peut dire, malheureusement, que tout confirme l’importance ? Il s’agit là d’un recul net, qui n’est pas acceptable, particulièrement dans cette période de chômage qui fait peser si lourdement sur les salariés, et sur les syndicalistes, les contraintes économiques et la crainte de perdre leur emploi.

Nous constatons, par ailleurs, que le niveau national interprofessionnel est le grand absent de ce texte. Il est pourtant fondamental, puisque les accords signés à ce niveau de négociation figurent dans la loi et font le code du travail. Comment prétendre, comme vous le faites dans l’exposé des motifs, « à l’amélioration de la représentation des salariés, quelle que soit la taille de leur entreprise », sans traiter le niveau de négociation national, interprofessionnel, si essentiel ? Ce manque est d’autant plus préjudiciable que la plupart des organisations syndicales se rejoignent pour dénoncer la mainmise du MEDEF sur ces négociations, dont l’intégralité des réunions se déroulent dans ses propres locaux, à partir de textes proposés par le patronat. Je passe sur d’autres détails, faute de temps.

Un projet de loi de modernisation du dialogue social digne de ce nom devrait avoir le courage de traiter ce sujet et, par là même, du rôle et de la place des parlementaires, garants de l’intérêt général. En effet, le Parlement ne peut être cantonné à la simple transposition dans la loi des accords nationaux interprofessionnels.

De plus, nous sommes préoccupés par le traitement dans le texte de l’égalité professionnelle, nous y reviendrons lors de l’examen des articles.

Pour conclure, si on peut saluer les indiscutables progrès concernant la représentation des salariés des très petites entreprises, nous ne pouvons que déplorer le recul de leur représentation dans les entreprises plus grandes. Je ne vous cache pas que déshabiller Pierre pour habiller Paul gâche beaucoup l’avancée concernant les TPE.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 à la réforme de la formation professionnelle du 5 mars 2014 en passant par la réforme des retraites, ce gouvernement a érigé le dialogue social en principe de gouvernance. Il s’agit d’avancer sans fracturer. Ce projet de loi entend y contribuer en fluidifiant le dialogue entre les partenaires sociaux là où nous avons diagnostiqué des points de blocage. L’objectif est d’accroître la performance économique des entreprises françaises, mais pas seulement : notre conviction est que les relations entre partenaires sociaux doivent dépasser le jeu d’acteurs dans lequel s’affrontent ceux qui considèrent le dialogue social comme une obligation légale et ceux qui le perçoivent comme un frein social : c’est le ciment de toute communauté de travailleurs qui a fait le pari de la confiance et de l’intelligence pour avancer. Notre conviction est qu’il fallait rendre le dialogue social en France plus fluide, plus ouvert, plus paritaire.

Il sera rendu plus fluide car le projet de loi simplifie le cadre des consultations et des négociations : il sera moins segmenté, plus adapté aux sujets à traiter – orientation stratégique de l’entreprise et ses conséquences, situation économique, politique sociale. Le texte regroupe ainsi les dix-sept obligations de consultation et les douze négociations annuelles en trois temps forts dont le périmètre et la périodicité pourront être ajustés par accord d’entreprise. Les délégations uniques du personnel, déjà plébiscitées par 60 % des PME, seront étendues aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés, et leur champ de compétences élargi aux missions relevant des CHSCT. Les moyens des instances représentatives du personnel sont réservés : la majorité y a veillé en prévoyant en plus un secrétaire adjoint pour les DUP, en annualisant pour partie les heures de délégation, surtout, en maintenant la participation des suppléants aux réunions.

Le dialogue social sera plus ouvert puisque les 4,6 millions de salariés des TPE auront enfin droit à une représentation, et ce au sein de commissions paritaires régionales, et à des conseils sur leurs droits et obligations, première demande des salariés et des employeurs de ces entreprises. Nous avons par ailleurs étendu les prérogatives de ces commissions à la médiation entre employeur et salariés ainsi qu’aux œuvres sociales et culturelles. J’ajoute qu’il ne sera plus possible, dans les grands groupes, de déroger à l’obligation de désigner des administrateurs salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance.

Le dialogue social sera également plus paritaire : la parité hommes-femmes est renforcée ainsi que le respect des obligations des entreprises en matière d’égalité professionnelle.

Par ailleurs, ce projet ajuste nos politiques en faveur de l’activité et de l’emploi, les développant, les corrigeant et les stabilisant. Il y aura ainsi un contrat « Nouvelle chance » à destination des chômeurs de longue durée pour leur permettre de bénéficier d’actions de professionnalisation sur une période de vingt-quatre mois. Cette possibilité sera également ouverte aux seniors en difficulté de reconversion et qui n’auraient pas pu constituer leurs droits complets à la retraite. De plus, le texte lance le compte personnel d’activité, qui doit déboucher sur une sécurité sociale professionnelle rassemblant tous les droits du salarié – compte pénibilité, compte personnel de formation, etc. – et qui le suivra bien sûr tout le long de sa carrière professionnelle. Nous corrigeons aussi les dispositifs de soutien à la reprise d’activité et aux travailleurs pauvres en créant une prime d’activité plus simple, plus juste, plus ciblée : 5,56 millions d’actifs, salariés ou indépendants, y seront éligibles, dont 1,2 million de jeunes, dès dix-huit ans et dès le premier euro tiré de leur activité. Nous complétons par ailleurs utilement notre action à destination de ceux qui ne sont pas assez pauvres pour percevoir les minima sociaux mais pas assez riches pour bénéficier des allégements d’impôt que nous avons votés pour les premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu. Enfin, nous stabilisons le régime des intermittents dont les crises chroniques n’avaient de cesse d’affecter l’ensemble du secteur culturel.

En tous points, ce projet de loi est l’affirmation de notre confiance dans le dialogue pour gouverner, pour lutter contre les peurs qui minent notre société. Si nécessaire, le groupe socialiste ajustera la voilure en séance. Ainsi, il ne restera pas indifférent à toute avancée supplémentaire ou à des préoccupations nouvelles : je pense au syndrome d’épuisement professionnel, évoqué tout à l’heure, car il confine à la dépression majeure et détruit le salarié tant sur le plan psychique que physique.

Nous avons devant nous, comme a dit Gérard Cherpion, quelques jours de discussions au cours desquels ce projet de loi, déjà excellent, ne pourra être qu’amélioré. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le dialogue social avait été érigé en philosophie par François Hollande, en principe de gouvernance pour son quinquennat, comme vient de le rappeler mon éminent collègue Michel Liebgott. Y étant moi-même attaché, je considérais cette volonté comme positive. Pourtant, mois après mois, la conclusion d’accords nationaux interprofessionnels se fait de plus en plus rare, voire inexistante. L’échec de la dernière négociation en est un exemple et explique la présentation par le Gouvernement de ce projet de loi.

Certaines mesures prévues par le projet de loi initial allaient plutôt dans le bon sens, même s’il y avait un manque d’ambition. Mais j’y reviendrai. Se pose toutefois la question de la cohérence et de la lisibilité. Alors que nous discutons d’un projet de loi relatif au dialogue social, le Premier ministre charge Jean-Denis Combrexelle d’une mission sur la place des accords dans les entreprises. Cette mission devra « élargir la place de l’accord collectif dans notre droit du travail et la construction des normes sociales », et ne devra pas se contenter « d’aménagements » mais ouvrir « des perspectives nouvelles et audacieuses ». Quel programme ! Cette mission va clairement dans le bon sens puisque c’est ce que l’UMP demande depuis longtemps et que j’ai proposé en octobre 2014 dans ma proposition de loi. Mais le calendrier pose question : pourquoi ne pas avoir intégré son contenu dans l’élaboration de ce projet de loi dont c’est le sujet ? Pourquoi ne pas avoir attendu les conclusions de cette mission ? Où est la cohérence politique, monsieur le ministre ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Gérard Cherpion. Dans le même esprit, c’est aujourd’hui même que M. Sirugue, rapporteur du présent projet de loi, remet parallèlement au Premier ministre un rapport sur la pénibilité. À nouveau, la question de la cohérence se pose… Doit-on s’attendre une nouvelle fois à des amendements de dernière minute du Gouvernement ? M. le Premier ministre a confirmé cet après-midi le dépôt d’un certain nombre d’amendements dont nous n’avons pas connaissance, que nous ne pourrons par conséquent pas étudier et qui bien évidemment, comme pour la loi Macron, vont enrichir à leur manière un texte déjà fourre-tout.

L’Assemblée nationale travaille donc sur un projet de loi qui, malgré quelques avancées, est un texte pour le moins en demi-teinte. Est-ce le congrès socialiste qui paralyse l’action du Gouvernement ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais oui !

M. Michel Issindou. Oh ! Ça suffit ! !

M. Gérard Cherpion. Est-ce la volonté de ne déplaire ni aux syndicats salariés ni aux organisations patronales ? C’est pourtant la meilleure façon de ne contenter personne, et vous y êtes parfaitement parvenu.

Pourtant, le temps n’est plus aux tergiversations. Il faut profondément réformer le marché du travail et notre code du travail. La volonté du Gouvernement, dans le cadre de la mission Combrexelle, de donner plus de poids aux accords d’entreprise et de branche est positive. J’ai ainsi déposé un amendement visant à créer des accords de maintien dans l’emploi offensif, dispositif d’ailleurs souhaité, semble-t-il, par le Gouvernement. Monsieur le ministre, je vous invite à passer des paroles aux actes et à soutenir cet amendement.

L’article 1er du projet de loi crée des commissions paritaires interprofessionnelles destinées à représenter les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés. L’ayant moi-même proposé en octobre dernier, je ne pouvais pas m’opposer à ce principe. Il est en effet important que les quatre millions six cent mille salariés qui ne sont pas représentés actuellement le soient. Toutefois, je regrette que ce ne soit pas l’occasion de revoir les seuils des entreprises. Ma proposition concernait la mise en place d’une représentation territoriale des salariés pour les entreprises de moins de cent salariés. Cette proposition avait l’avantage de simplifier le passage du seuil des cinquante tout en intégrant les TPE. C’est une occasion manquée de faire bouger les seuils pour libérer l’emploi alors que vous vous y étiez engagé, monsieur le ministre. Bien que je sois ouvert à votre article 1er, vous pouvez voir que j’ai déposé un amendement de suppression. En effet, les changements opérés par la commission, sur proposition du rapporteur, ne sont pas acceptables. L’ouverture des entreprises aux représentants des salariés provenant de l’extérieur inquiète fortement les patrons des petites entreprises. Cette inquiétude ne peut être ignorée, et ce n’est d’ailleurs la volonté d’aucun des partenaires sociaux. Le groupe UMP ne peut donc pas voter l’article 1er.

La réforme des instances représentatives du personnel va dans le bon sens. Les entreprises de cinquante à trois cents salariés pourront élargir et moduler la délégation unique du personnel, et les entreprises de plus de trois cents salariés regrouper les IRP aux termes d’accords majoritaires. Ces mesures sont des avancées pour les entreprises et leur permettront une plus grande souplesse.

Je regrette toutefois, je le répète, que vous ayez revu à la baisse votre action. Vous sembliez prêts, l’année dernière, a réellement avancer sur la question des seuils sociaux puisqu’ils sont un frein à la création d’emplois. Le passage à cinquante salariés créera ainsi plus de trente-cinq nouvelles obligations et augmentera le coût du travail de 4 %.

M. Jean-Frédéric Poisson. Eh oui !

M. Gérard Cherpion. Vous aviez émis l’idée de geler les seuils sociaux pendant trois ans. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? En commission, vous avez répondu qu’on ne pouvait pas toucher aux seuils sociaux sans l’accord des partenaires sociaux. Avec tout le respect que je leur dois, lorsque le dialogue social est en panne comme aujourd’hui, c’est aux politiques de prendre leur responsabilité, c’est au gouvernement de proposer une réforme et aux parlementaires de l’adopter. Les seuils sociaux sont un des freins au développement de l’économie française. S’il n’y a pas d’accord des partenaires sociaux, le Gouvernement doit avoir le courage de proposer une réforme, tout en tenant compte bien évidemment de leurs propositions. Il y va de l’avenir de la France.

La rationalisation de l’agenda social des entreprises part également d’une bonne intention : fusionner dix-sept obligations d’information en trois grandes consultations est une bonne chose. Mais on aurait pu aller plus loin en supprimant certaines obligations afin de donner une plus grande liberté aux entreprises.

En ce qui concerne les intermittents du spectacle, les annexes 8 et 10 qui leur sont propres n’ont jamais été remises en cause, et pourtant nous allons les inscrire dans la loi. Cela ressemble fort à un geste politique. Qui plus est, ce geste crée un précédent : quelles catégories de travailleurs vont demander, demain, de sortir de la convention d’assurance chômage pour obtenir leur propre négociation ? Enfin, il reste un véritable problème : le régime intermittent est déficitaire de plus d’un milliard d’euros pour 100 000 bénéficiaires ; le ratio allocations-contributions est ainsi le plus élevé de tous les régimes. Votre réforme ne règle pas ce sujet.

M. Jean-Frédéric Poisson. Absolument !

M. Gérard Cherpion. Quant au compte personnel d’activité, comme d’autres points abordés par ce projet de loi, l’idée est intéressante. Il serait en effet positif pour les salariés d’avoir un seul guichet pour tous leurs comptes différents. Toutefois, comme pour les autres mesures du projet de loi, le nouveau compte pêche dans sa mise en œuvre. Tout d’abord, vous n’avez pas respecté l’article L1 du code du travail,…

M. François Rebsamen, ministre. Mais si !

M. Gérard Cherpion. …bafouant donc le dialogue social, et vous renvoyez seulement à une concertation. Je rappelle que l’article L1 reprend la loi sur le dialogue social de Gérard Larcher, ce qui montre qu’il existait bien déjà il y a quelques années. Au passage, puisque vous êtes remonté aux lois Auroux, je rappellerai aussi Chaban-Delmas et la Nouvelle société, qui avait déjà instauré les grands principes du dialogue social.

M. Dominique Tian. Voilà !

M. Gérard Cherpion. Mais, surtout, ce compte personnel est un grand flou : Nous ne savons rien de son financement, de sa portabilité, du coût qu’il aura sur le travail, et bien d’autres questions demeurent en suspens.

La nouvelle prime d’activité bénéficiera, selon les projections du Gouvernement, à deux millions huit cent mille actifs et à deux millions de foyers. Mais le RSA activité et la prime pour l’emploi bénéficient à près de sept millions de foyers. Cette grande différence entre le nombre de bénéficiaires soulève une vraie question : est-ce une réelle avancée ? De plus, ce sont encore une fois les mêmes qui vont payer la facture : les foyers de la classe moyenne. Ce sont les vrais perdants de cette réforme car même avec la suppression de la première tranche d’imposition, il restera 820 000 ménages perdants. La classe moyenne paye toujours plus d’impôts et bénéficie de moins en moins des aides de l’État. Enfin, en ouvrant cette prime aux jeunes, vous émettez un mauvais signal. Nous devons aider les jeunes à s’insérer plus efficacement et plus rapidement sur le marché du travail, et inciter les entreprises à mieux les rémunérer. Mais ce n’est pas en favorisant l’assistanat que nous rendons service aux jeunes. Ainsi, un apprenti aura un salaire pour un travail à mi-temps et bénéficiera d’un complément de rémunération, mais lorsqu’il trouvera un emploi, il gagnera autant pour travailler à plein temps. Comment le lui expliquer ?

Votre projet de loi s’intitule : « Dialogue social et emploi ». Si le dialogue social vous échappe, que dire de de l’emploi puisque aucun article n’ouvre un accès à l’emploi aux trois millions six cent mille chômeurs, les oubliés de ce texte !

En conclusion, vous aurez compris que nous ne sommes pas opposés à toutes les mesures. Toutefois, leur mise en œuvre ne va pas assez loin, et le travail de la commission a déséquilibré le texte. Nous ne pouvons plus nous satisfaire de bouger simplement les curseurs ; nous devons profondément réformer la France. C’est la raison pour laquelle notre groupe ne votera pas ce projet de loi dans sa rédaction actuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Francis Vercamer. Très bien !

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi sur le dialogue social et l’emploi.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly