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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Troisième séance du mardi 02 juin 2015

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Questions sur la politique de l’éducation

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions sur la politique de l’éducation.

Je vous rappelle que la Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.

Nous commençons par trois questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, il y a un mois, lorsque vous avez présenté votre réforme du collège comme une urgence républicaine, je n’en ai pas cru mes yeux lorsque j’ai lu que vous souhaitiez mettre la méritocratie au cœur du dispositif. Nous en sommes loin !

Vous avez parlé de réponse pragmatique, dans un climat apaisé, alors que vous venez d’entamer une grande partie de chamboule-tout en cassant des classes bilangues qui marchent, en refondant l’ensemble des programmes et en réveillant le serpent de mer de l’interdisciplinarité.

Votre réforme ne fixe aucun cap. Pourtant, consolider au collège le socle de connaissances, de compétences et de culture est primordial.

Votre réforme dilue les fondamentaux – le français, les maths, les langues vivantes, l’histoire – dont les heures seront réduites, dans des pratiques interdisciplinaires plus que floues qui ne pourront que masquer l’abandon des langues anciennes, la régression de l’allemand ou la dilution de l’éducation citoyenne.

Je me souviens des « 10 % » au collège, qui furent une joyeuse pagaille, ou, à la fin des années 1980, des PAE – projets d’action éducative – censés faire travailler ensemble des professeurs de disciplines différentes, deux dispositifs jamais pérennisés.

Ce ne sont pas des réponses quantitatives et de beaux slogans que les enseignants attendent mais des réponses qualitatives, avec une revalorisation indiciaire à la clé, et la fin du pilotage défaillant relevé par la Cour des comptes dans son dernier rapport.

Depuis les événements tragiques de janvier 2015, j’ai l’impression que le vivre-ensemble à l’école est devenu une obsession, tandis que le goût de l’effort et la transmission des savoirs sont passés au second plan.

Madame la ministre, vous parlez d’une évaluation qui encourage l’effort alors que vous envisagiez il y a peu de supprimer les notes. Comprenne qui pourra…

Dans une politique éducative qui devrait servir la mixité sociale et permettre de faire face à l’hétérogénéité des publics scolaires, ne pensez-vous pas que l’adaptation de l’enseignement aux besoins de chaque élève reste le principal défi à relever ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, votre question est multiple. Si vous me le permettez, je commencerai par rappeler les objectifs de la réforme du collège, lesquels rejoignent d’ailleurs ce que vous demandez à la fin de votre question. Il s’agit de s’adresser à chaque collégien pour le faire progresser, lui permettre de mieux apprendre et de mieux réussir. Telle est la vocation de cette réforme.

Pour ce faire, elle donne plus de marges de manœuvre aux établissements en leur accordant un surcroît de 20 % d’autonomie pour qu’ils s’adaptent aux besoins de leur élèves ; elle offre davantage d’accompagnement personnalisé aux élèves – je pense en particulier aux trois heures accordées en classe de sixième parce que les enfants en ont besoin, à cet âge-là, pour mieux comprendre ce que l’on attend d’eux et mieux « apprendre à apprendre ».

En outre, la réforme prévoit de l’interdisciplinarité – sur laquelle vous avez exprimé votre scepticisme. Mais je veux dire ici que nous n’inventons rien en matière d’interdisciplinarité. Allez voir ce qui se pratique en Allemagne, souvent présentée comme modèle, ou encore en Finlande – deux pays qui, en matière d’éducation, ont, je le crois, fait leurs preuves : vous verrez qu’en croisant les disciplines et les savoirs, on permet aux élèves de mieux les comprendre ; en leur offrant la possibilité de conduire des projets pratiques, concrets, auxquels ils travaillent en groupe, on leur permet d’apprendre à faire et pas simplement à savoir.

Mais j’en reviens à ce que l’on attend de l’école, en particulier au lendemain des attentats de janvier. L’école doit transmettre des savoirs, mais aussi des savoir-faire et des savoir-être, et c’est tout ce que tente de faire, de façon très modeste, cette réforme du collège.

La réforme, et j’insiste sur ce point, c’est ce qu’en feront les enseignants qui seront amenés à l’appliquer. C’est pourquoi je considère que l’essentiel du travail commence maintenant puisqu’il va falloir accompagner et former les équipes enseignantes qui auront demain à mettre en œuvre ces nouvelles pratiques pédagogiques qui, encore une fois, sans jamais porter préjudice aux disciplines en tant que telles, ont pour seul but d’aider les élèves à mieux apprendre et à mieux réussir.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Madame la ministre, depuis votre annonce de la réforme du collège, vos méthodes ne cessent de nous interroger et nous peinons à y trouver de la cohérence.

Par exemple, on le sait, c’est à l’école primaire que se joue l’avenir scolaire des enfants, à travers leur capacité de maîtriser les fondamentaux. Un élève qui, au sortir du primaire, ne les maîtrise pas verra ses difficultés s’amplifier, ce qui explique que 18 % des jeunes de 17 ans ne comprennent pas correctement le sens d’un texte. Là est le vrai scandale. Pourquoi ne pas avoir commencé par la réforme du primaire ? La clé réside dans la pédagogie et son évaluation, notion qui, je crois, vous inspire une trop grande méfiance.

Autre exemple, vous présentez la suppression des classes bilangues et de l’enseignement des langues anciennes tel qu’il existe aujourd’hui comme un acte de justice sociale, comme si leur succès et leur existence même les rendaient illégitimes au regard de l’échec scolaire.

Mais le latin est la troisième langue la plus étudiée au collège – 93 % des collèges des zones d’éducation prioritaire la proposent en option. C’est un patrimoine dont ni vous ni nous ne sommes les propriétaires, mais que nous avons le devoir de transmettre. Or, vous voulez le latin pour tous, ce pourrait être le latin pour personne…

M. Xavier Breton. Absolument !

Mme Annie Genevard. En dissociant de façon absurde l’étymologie, la civilisation et l’étude de la langue sur trois temps scolaires distincts, sous la responsabilité de plusieurs enseignants pas nécessairement formés à la discipline, vous compliquez inutilement les choses. L’idéologie a chassé le bon sens.

Madame la ministre, vous avez affirmé que vous étiez ouverte à la discussion. Le dire ne suffit pas. Nous recevoir au ministère en délégation avec le groupe d’amitié franco-allemand pour ensuite ne pas bouger d’un iota votre position sur la question a été ressenti comme un véritable camouflet.

De même, il y a quelques jours, vous avez reçu les membres du Conseil supérieur des programmes, dont je fais partie. Nous vous avons indiqué que changer les programmes de neuf niveaux en même temps était une folie pour les concepteurs de programmes, pour les éditeurs de manuels scolaires, pour les enseignants eux-mêmes. Pas de réponse !

Madame la ministre, s’il y a une résistance à développer, ce n’est pas contre la classe politique de gauche ou de droite qui condamne la réforme…

Mme la présidente. Merci, madame la députée.

Mme Annie Genevard. …ce n’est pas contre les parents d’élèves, qui s’inquiètent à juste titre, ce n’est pas contre les enseignants qui défilent, ce n’est pas contre les intellectuels qui vous alertent. La valeur d’une réforme ne se mesure pas au volume des critiques qu’elle suscite.

Mme la présidente. Et la qualité d’une question ne se mesure pas à sa longueur ! La durée maximale de chaque question et de chaque réponse est de deux minutes. Gardez l’œil sur le chronomètre mis à votre disposition !

La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, pourquoi ne pas commencer par le primaire ? C’est une très bonne question. D’ailleurs nous avons commencé par le primaire…

Mme Annie Genevard. Non.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Bien sûr que si ! La loi de refondation de l’école et tout ce qui a été fait par ce gouvernement depuis notre retour aux responsabilités en 2012 a consisté à redonner la priorité à l’école primaire grâce à des créations de postes, par le biais notamment du dispositif « plus de maîtres que de classes ». Ce dispositif, dont j’ai vu hier, à Nancy, une formidable illustration, a été mis en place pour permettre aux équipes pédagogiques, dans les écoles primaires, d’être épaulées par un maître supplémentaire qui, de temps à autre, peut accueillir les élèves en petit groupe pour les faire progresser.

Nous avons aussi agi à la maternelle. Depuis 2012, nous avons veillé à développer la pré-scolarisation pour les enfants âgés de moins de trois ans parce que nous considérons, nous en sommes d’accord avec vous, que c’est dès le plus jeune âge que les difficultés apparaissent et les inégalités se creusent.

C’est bien à l’école primaire qu’à partir de la rentrée prochaine, nous nous donnerons les moyens d’évaluer systématiquement le niveau de lecture et d’écriture des enfants à l’entrée en CE2 afin de corriger et de rattraper les retards quand il en est encore temps.

Nous n’avons jamais oublié l’école primaire. Elle était notre première étape et nous progressons chronologiquement puisque nous en sommes à l’étape du collège, dont chacun, depuis des années, s’accorde à reconnaître qu’il ne fonctionne pas, que beaucoup de choses doivent y être améliorées, car on ne peut laisser, comme c’est le cas depuis dix ans, un élève sur cinq en sortir sans maîtriser les fondamentaux. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de changer son organisation en donnant davantage d’autonomie aux établissements, en rénovant les pratiques pédagogiques, en mettant en place l’interdisciplinarité et l’accompagnement personnalisé. Car il s’agit de relever ce défi fondamental, qui nous est posé à tous, du déterminisme social.

Notre système scolaire, nous le savons, se caractérise par le fait que non seulement il ne contre pas les inégalités sociales mais qu’il les aggrave. Lorsque l’on regarde ce qui se passe dans le système scolaire, on comprend très vite que dans la répartition des moyens entre élèves, on a tendance, depuis quelques années, à « mettre le paquet » sur ceux qui sont déjà dans une bonne situation, soit parce qu’ils sont bons élèves, soit parce qu’ils sont issus de familles aisées, au détriment, parce que les moyens sont toujours contraints, de ceux qui auraient mérité d’être davantage soutenus et épaulés pour progresser.

Cette réforme du collège a, c’est vrai, vocation à la fois à faire réussir tous les élèves et à mettre fin à ces inégalités et ce déterminisme social.

Mme Annie Genevard. Et le latin ?

Mme la présidente. Le chronomètre est également à la disposition du Gouvernement !

La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Madame la ministre, je sais que vous n’aimez pas l’entendre, mais avec cette réforme du collège, indéniablement, vous nivelez par le bas.

À l’heure où le délitement de l’apprentissage du français et des mathématiques est si profond, introduire la deuxième langue vivante dès la cinquième, même à dose homéopathique, et par ailleurs prendre des heures aux matières fondamentales pour y substituer un enseignement interdisciplinaire, cela revient évidemment à accorder moins d’heures aux matières fondamentales, à un moment où, au contraire, il faudrait insister sur ces matières.

S’il y avait une réforme à faire, c’était éventuellement d’augmenter le volume horaire consacré à ces matières fondamentales au lieu de le réduire.

Sur ce point, nous n’avons jamais obtenu la moindre réponse de votre part. D’ailleurs vos réponses sont extrêmement fuyantes. Très vite, votre argumentation devient de nature idéologique. Vous parlez de reproduction sociale mais sur le fond, à savoir la réussite scolaire, depuis deux mois vous ne répondez pas à nos questions.

Votre réforme conduit à réduire l’enseignement structuré et structurant au profit d’un enseignement décousu, au travers de l’interdisciplinarité, et ce sans la moindre exigence formelle. Procéder comme vous le faites, je me permets de le dire ici, est particulièrement irresponsable.

J’insiste car, pour une fois, j’aimerais recevoir une réponse précise – car habituellement vous répondez à côté ou fuyez les questions précises : comment, compte tenu de la réduction horaire à laquelle vous procédez, avec l’interdisciplinarité et l’introduction d’une deuxième langue vivante dès la cinquième, allez-vous améliorer la performance scolaire de nos collégiens ? Vos réponses sur ce point sont très fortement attendues.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, je n’ai pas l’impression de fuir…

M. Patrick Hetzel. Vous répondez à côté !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …lorsque je vous réponds, comme je l’ai fait à de multiples occasions, qu’aucune discipline ne perd dans la nouvelle organisation de la grille horaire du collège.

M. Patrick Hetzel. Bien sûr que si !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous me demandez comment cela est possible et je vais vous répondre. Les nouveaux enseignements que nous introduisons, qu’il s’agisse des enseignements pratiques interdisciplinaires ou de l’accompagnement personnalisé, ne seront pas dispensés par des intervenants extérieurs mais par les équipes de l’établissement. Les enseignements interdisciplinaires seront, par définition, délivrés par des enseignants de disciplines différentes et chacune des disciplines aura sa place dans ces enseignements pratiques interdisciplinaires, comme dans l’accompagnement personnalisé.

S’agissant de ce dernier, nous ne ferons pas appel à des surveillants de collège pour aider les enfants à progresser. Je le dis car c’est la pratique qui s’était développée au cours des dernières années, avec le très piètre résultat que l’on sait… L’accompagnement personnalisé sera bien réalisé par les enseignants eux-mêmes.

Quant à l’autonomie laissée aux établissements, elle permet précisément d’évaluer ce dont les élèves ont besoin. Si le besoin apparaît, pendant une période donnée, disons de six mois, de renforcer davantage le français, il sera davantage fait appel au professeur de français. Si le besoin porte ensuite plutôt sur l’histoire, ce sera fait. Mais je le dis ici, il reviendra au conseil pédagogique de l’établissement, lequel réunit le chef d’établissement et l’ensemble des enseignants, d’organiser la répartition de ces 20 % du temps scolaire consacrés à l’interdisciplinarité, au travail en petits groupes et à l’accompagnement personnalisé, et de veiller bien évidemment à ce qu’aucune discipline ne soit lésée.

Je veux le redire ici, il faut aussi nous faire confiance.

M. Patrick Hetzel. Ça !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. On peut se défier de tout, mais en ce cas on ne réformera jamais rien car il sera toujours plus inquiétant d’entrer dans un nouveau système que de rester dans celui que l’on connaît. Mais lorsque celui-ci présente autant d’insuffisances qu’aujourd’hui, je crois vraiment qu’il faut nous faire confiance pour avancer. Nous avons, nous, décidé de faire confiance aux enseignants et aux équipes pédagogiques.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. François Rochebloine.

M. François Rochebloine. Madame la ministre, la présentation de votre réforme du collège a suscité de profondes inquiétudes parmi les enseignants et relancé le débat sur l’efficacité et les difficultés de notre système scolaire. L’éducation nationale a besoin de moyens importants compte tenu de la redéfinition constante de ses missions et des besoins grandissants liés à l’évolution de notre société. Un constat alarmant et largement partagé est dressé depuis plusieurs années au sujet du taux de réussite scolaire. Notre système éducatif, en stagnant, serait ainsi devenu l’un des plus inégalitaires d’Europe. Ce qui est en cause aujourd’hui, c’est la méthode que vous employez pour réformer, qui s’apparente à un nouveau passage en force après la réforme des rythmes scolaires, mais aussi le sentiment que l’acquisition des fondamentaux n’est plus au cœur des programmes. Trop d’élèves entrent au collège sans les maîtriser. Ne serait-il pas plus urgent d’agir à ce niveau avant de mener la réforme contestée du collège ?

Pour tous ces élèves qui ont raté leur apprentissage dès l’école élémentaire, quelles perspectives demeurent ? Trop de situations objectives dans nos villes et dans nos quartiers qui se ghettoïsent entretiennent cet état de fait et renforcent les décrochages scolaires. Nous savons par exemple que la jeunesse a beaucoup régressé en lecture, et chacun peut se rendre compte de la pauvreté de la langue couramment parlée. Il semble donc plus que jamais indispensable de recentrer les enseignements, quitte à abandonner le référentiel des compétences pour revenir aux apprentissages fondamentaux, c’est-à-dire au savoir lire, écrire et compter, qui sont indispensables pour la poursuite de tout cursus scolaire. Dans ce contexte, revaloriser à l’école et au collège la dictée, cet exercice de moins en moins pratiqué, favoriserait l’appropriation de la langue écrite par les mots, quoi qu’on en pense. Songeons au formidable succès des Dicos d’or créés par Bernard Pivot mais aussi à toutes les initiatives prises en dehors du cadre scolaire par les associations ! Sur ce point, beaucoup de Français s’interrogent et nous serons, quant à nous, particulièrement vigilants.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En espérant ne pas me répéter, j’insiste vraiment sur un point : je souhaite moi aussi que l’on règle les difficultés des enfants le plus tôt possible. C’est la raison pour laquelle ce gouvernement a fait de l’école primaire sa priorité dès son arrivée aux affaires en 2012. Nous avons instauré, et ce n’est pas anodin, le principe « plus de maîtres que de classes » en termes de moyens dégagés et donné la priorité à la création de postes et aux ouvertures de classes.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas la question !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. On ne regarde pas forcément constamment dans le rétroviseur mais il faut se souvenir de quelle situation nous sortions. Tous les ans, au moment de la définition de la carte scolaire, des classes fermaient et des enseignants n’étaient pas remplacés. Nous avons donc redonné la priorité à l’école primaire en termes de postes. Nous avons veillé à scolariser les enfants de moins de trois ans car nous savons que les choses se jouent tôt. Nous avons veillé à rendre plus efficaces les nouveaux programmes de l’école maternelle qui entreront en vigueur à la rentrée 2015 afin de faire naître très tôt chez l’enfant ce que l’on appelle une conscience phonologique et le préparer dans les meilleures conditions possibles à apprendre à lire et écrire. Nous mettrons également en place une évaluation en début de CE2 à partir de la rentrée prochaine.

Je le redis, « mettre le paquet » sur le primaire, nous avons commencé à le faire et continuerons à le faire. Il n’en reste pas moins que le collège est actuellement vécu comme le stade où les enfants en difficulté ne progressent pas pour la plupart, voire même en sortent avec des difficultés aggravées. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes donné des moyens. La réforme du collège ne se fait pas à moyens constants mais s’accompagne de la création de 4 000 postes afin de développer le travail en petits groupes que nous évoquions tout à l’heure et de mieux accompagner les enfants. Je ne sais donc pas sur quel sujet nous serions en désaccord fondamental, monsieur le député. Je suis moi-même très attachée à la dictée et pense qu’il faut la pratiquer mais ce n’est en rien contradictoire avec la réforme du collège.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine pour sa seconde question.

M. François Rochebloine. Cette seconde question porte sur les enseignants, leurs difficultés et la nécessité de revaloriser leur métier. De l’avis général, ils sont de moins en moins considérés et respectés dans leur rôle. Le regard des parents sur l’école a changé, tout comme les rapports entre parents et enfants. Votre réforme du collège prétend s’appuyer sur une série de principes généraux qui, soit dit en passant, ne font plus vraiment débat aujourd’hui. Mais quel est l’ordre de vos priorités ? L’autonomie des collèges ? En effet, une modernisation s’impose afin d’adapter les réponses aux difficultés des élèves, à condition toutefois que les moyens suivent et que l’on n’en reste pas simplement aux déclarations d’intention. Sur ce point, donnerez-vous, oui ou non, aux chefs d’établissements la responsabilité de l’évaluation et du recrutement des enseignants ? L’interdisciplinarité ? Pourquoi pas, mais cela non plus ne peut s’improviser et tout dépend des disciplines ! Reconnaissons que les conditions d’enseignement comme les outils pédagogiques à la disposition des enseignants n’ont que très peu évolué. Il ne faudrait pas pour autant niveler par le bas.

L’accompagnement personnalisé reste une grande ambition mais beaucoup reste à faire. Et que faites-vous pour affirmer l’autorité de l’enseignant et la faire respecter ? Il ne se passe pas un jour sans que nous ayons connaissance d’incidents ou de problèmes disciplinaires graves survenus dans nos établissements. L’heure ne doit pas être au renoncement et les enseignants doivent se sentir soutenus par leur hiérarchie. Enfin, les réflexions sur ces différents points ne doivent pas être cantonnées au niveau du seul débat d’experts car elles concernent tous nos concitoyens. Nous connaissons une réelle crise des vocations dans certaines disciplines et il faut maintenir la qualité des recrutements. Que comptez-vous faire, madame la ministre, afin de revaloriser véritablement cette profession, ce beau métier d’enseignant hélas trop souvent déconsidéré ?

M. Patrick Hetzel. Excellent !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il y a quelques mois, mais cela est peut-être passé un peu inaperçu faute de susciter autant de débats que la réforme du collège, nous avons profondément rénové le statut des enseignants, lequel datait de 1950 et n’avait jamais été rénové aussi profondément. Nous avons veillé à mieux reconnaître les missions des enseignants, prévoyant d’ailleurs que leur mission ne consiste pas simplement en un face-à-face en classe mais aussi à travailler en équipe, recevoir les parents et préparer les cours. Il s’agit également de mieux reconnaître les responsabilités des chefs d’établissement en leur conférant, grâce en particulier au mécanisme des indemnités pour mission particulière que nous avons introduit, plus de poids et de pouvoir en termes de gestion et d’organisation de leurs équipes. La réforme du collège entrera en résonance profonde avec ce nouveau statut.

Quant à l’autorité des maîtres, j’y suis très sensible. Pour la rétablir ou la renforcer, il convient d’abord, selon moi, de les former. J’ai souvent été amenée à discuter avec certains d’entre eux au lendemain des attentats que nous évoquions tout à l’heure au sujet des incidents constatés lors de la minute de silence. D’après eux, la difficulté qu’ils éprouvent à gérer en classe des incidents, des provocations ou des perturbations provient du fait qu’ils sont démunis, n’ont pas les outils et n’ont pas été suffisamment accompagnés.

M. François Rochebloine. Ils s’en passaient auparavant !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Ainsi, la suppression de la formation initiale des enseignants a été un mauvais coup porté à l’autorité des enseignants au cours des dernières années. Nous l’avons rétablie et je conçois qu’il faille aller plus loin. La formation initiale est une chose, la formation continue concentrera désormais le gros de notre effort, notamment pour préparer la mise en œuvre de la réforme du collège.

Un deuxième point me semble important en matière de renforcement de l’autorité des maîtres. Il faut être à leurs côtés, c’est-à-dire faire en sorte que les chefs d’établissement ne minimisent pas les incidents qu’ils signalent et les fassent bien remonter, et dépêcher dans les établissements, comme nous l’avons fait au mois de janvier dernier, des professionnels aguerris pour les accompagner et faire en sorte d’aborder à nouveau les sujets dans la classe où les perturbations ont eu lieu. C’est un point auquel nous sommes très attachés. Nous continuerons à procéder de la sorte notamment en développant les proviseurs vie scolaire au sein des établissements.

Enfin, renforcer l’autorité des maîtres, c’est aussi veiller en permanence au climat scolaire. Un point de la réforme du collège est quelque peu passé inaperçu : nous généralisons à tous les collèges les enquêtes de climat scolaire qui permettront aux équipes enseignantes comme aux élèves de dire fois par an ce qu’ils vivent. Cela permettra d’apporter des réponses en termes de lutte contre le harcèlement scolaire, la violence et les incidents.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. La loi de 2005 prévoit l’accueil des élèves en situation de handicap dans les écoles et constitue une grande avancée humaine, tout le monde le dit. Plus de 250 000 enfants sont aujourd’hui scolarisés en milieu ordinaire. Mais on sent bien qu’il faut encore améliorer les conditions de leur scolarisation. À cette fin, notre majorité a fait des choses très positives dans le cadre de la loi pour la refondation de l’école votée en 2013 qui renforce l’école inclusive.

M. Xavier Breton. Elle l’affaiblit !

M. Jean-Noël Carpentier. Elle constitue un réel progrès. Elle comporte des dispositions relatives à la formation des enseignants et à la coopération entre l’éducation nationale et les établissements spécialisés. De même, le personnel encadrant s’est vu conforté dans ses missions. Et même s’il reste encore beaucoup à faire en vue d’une véritable reconnaissance de ce métier, les statuts et les conditions de travail ont été largement améliorés. Mais il n’en demeure pas moins que les effectifs des accompagnants des élèves en situation de handicap, ceux que l’on appelait les AVS, sont cruellement insuffisants. L’accueil et l’accompagnement ne peuvent s’arrêter aux portes de la classe. Il faut aussi s’occuper du temps périscolaire, notamment dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires.

M. Xavier Breton. Désastreuse réforme !

M. Jean-Noël Carpentier. J’aimerais donc vous alerter, madame la ministre. Dans bien des communes, il est très difficile d’assurer l’accompagnement des élèves en situation de handicap à la cantine et, plus globalement, lors des activités périscolaires organisées par les collectivités territoriales. Ma question est donc simple. Quelles mesures envisagez-vous de prendre afin que l’aide apportée aux élèves en situation de handicap fonctionne réellement toute la journée ? C’est à cette condition que ces enfants vivront réellement et pleinement l’école de la République.

M. Jacques Krabal. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez raison, monsieur le député. Dire que l’école doit être inclusive, comme le prévoit la loi pour la refondation de l’école, signifie que ce n’est pas aux enfants de s’adapter à l’école mais bien à l’école de s’adapter aux spécificités du parcours de chaque enfant, et c’est aussi valable pour le temps périscolaire. C’est la raison pour laquelle nous avons proposé à tous les auxiliaires de vie scolaire de bénéficier d’un contrat à durée indéterminée dès lors qu’ils ont exercé pendant six ans sous le statut d’assistant d’éducation car il faut des personnels à la fois stabilisés, sécurisés et de plus en plus qualifiés sur ces sujets. Il s’agit d’une mesure importante qui devrait bénéficier au cours des prochaines années à près de 30 000 personnels et facilitera la continuité de l’aide humaine apportée aux enfants en situation de handicap. Le temps périscolaire et le temps de cantine sont aussi des sujets importants. Les activités périscolaires, qui relèvent des communes, doivent être rendues accessibles à tous les enfants, comme nous avons veillé à le rappeler dans la circulaire relative aux rythmes scolaires de mars 2014, prise en concertation avec l’ensemble des associations d’élus locaux.

En pratique, cet objectif se heurte souvent en effet à des contraintes organisationnelles, matérielles ou d’encadrement. Nous avons donc veillé à deux choses. D’une part, nous nous sommes entendus avec la Caisse nationale d’allocations familiales afin qu’une aide financière soit apportée aux communes souhaitant rendre leurs activités périscolaires accessibles à ces enfants. Une telle aide est désormais possible et la CNAF en a précisé dans une circulaire du 25 février dernier ses modalités d’octroi. D’autre part, nous avons veillé de notre côté à ce que les auxiliaires de vie scolaire que nous embauchons, formons et sécurisons à l’éducation nationale soient aussi utilisés par les communes dans le cadre du temps périscolaire afin d’assurer une continuité et que les adultes connus des enfants restent les mêmes dans le temps scolaire comme dans le temps périscolaire. Telles sont les quelques réponses que je peux vous apporter, monsieur le député. Sur ce sujet, nous pourrons toujours faire mieux et je me tiens à votre disposition afin de progresser.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la ministre, j’ai déjà posé la question de la panne de l’ascenseur social à votre prédécesseur. Je la réitère ce soir parce que je sais que cette problématique est au cœur de vos préoccupations, comme des nôtres, d’ailleurs.

D’après l’OCDE, en France, seuls 38 % des jeunes adultes issus des classes moyennes ou défavorisées suivent des études supérieures. Jamais, depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le fossé entre les enfants des milieux aisés et ceux des milieux modestes n’a été aussi grand.

L’Institut d’études politiques de Paris nous a montré l’exemple en réservant des places pour des jeunes issus de lycées de ZEP, au travers de conventions d’éducation prioritaire. Après dix ans d’expérience, près de mille étudiants issus des classes moyennes ont intégré cette prestigieuse école. Mais, parmi les cent lycées partenaires, il n’y en a aucun dans l’Aisne, département ô combien défavorisé – dans lequel, je vous le rappelle, le parti populiste d’extrême droite réalise un de ses meilleurs scores – et ce, alors même que le lycée Jean de La Fontaine et d’autres, dans ma circonscription, classés en ZEP, comptent un grand nombre d’élèves boursiers. Pourquoi ces lycées n’ont-ils pas accès à ces dispositifs ?

Madame la ministre, au-delà de la nécessité de réformer pour plus de justice sociale et plus de justice scolaire, nous devons tout faire pour tirer vers le haut l’ensemble des élèves, indépendamment de leur niveau social. Ce qui est possible pour Sciences Po Paris et Bordeaux doit l’être pour les autres écoles. Madame la ministre, pourquoi n’est-il pas possible de réserver 15 % – voire davantage – des places de toutes les formations post-bac soumises à concours aux enfants boursiers issus des lycées de ZEP ?

L’instruction et l’espoir sont les meilleures barrières contre l’extrémisme. Jean de La Fontaine nous le rappelait dans L’ours et l’amateur des jardins : « Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ; mieux vaudrait un sage ennemi. »

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, je partage absolument votre ambition de voir accéder le plus grand nombre à l’excellence. Puisque votre dernière question portait sur la possibilité d’ouvrir 15 % des places des classes préparatoires aux grandes écoles et des filières sélectives à des enfants provenant de territoires en difficulté, je veux ici vous rappeler que, dans le cadre de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, qu’a fait adopter ma prédécesseure Geneviève Fioraso, vous avez adopté ensemble une mesure concernant les 10 % des meilleurs bacheliers. Elle consiste à permettre aux 10 % des bacheliers les plus méritants de chaque lycée de France – je dis bien : de chaque lycée de France – en zone urbaine comme en zone rurale, d’accéder, par des places réservées, à des classes préparatoires aux grandes écoles. Depuis que j’exerce mes fonctions, j’ai étendu ce dispositif à des écoles d’ingénieurs et à un certain nombre d’autres grandes écoles qui, désormais, y participent. Chaque année, des places sont réservées aux 10 % des meilleurs bacheliers de chaque établissement de France.

C’est une mesure importante que je prends le temps de rappeler, car elle n’est en effet pas très connue. Tout le défi est d’ailleurs pour nous de la faire mieux connaître. J’ai écrit à l’ensemble des proviseurs pour leur demander de communiquer à ce sujet auprès de leurs élèves, qui passent le bac dans quelques jours. C’est très important, car ces places sont réservées et disponibles. Dans votre ville comme dans les autres, il faut que les élèves en question puissent y accéder.

Un dernier mot sur l’enseignement supérieur. Les bacheliers professionnels constituent un vrai défi. Nous le constatons, ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter y accéder, mais leur taux de réussite y est très faible, de l’ordre de 5 %. Nous sommes en train d’avancer aussi sur ce sujet, en créant des passerelles, en améliorant l’orientation de ces bacheliers dans l’enseignement supérieur. Bref, il faut leur garantir cet accès, tout en veillant à ce qu’ils n’en pâtissent pas.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe écologiste.

La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Madame la ministre, vous le savez, nous soutenons la réforme du collège, dont les principes vont dans le sens d’une démocratisation de la réussite. Face à un système scolaire qui aggrave les inégalités sociales, il est urgent de changer d’approche, et c’est justement ce qui est proposé ici avec, notamment, un accompagnement personnalisé, du travail en petits groupes ou encore plus d’interdisciplinarité. Mais rien ne sera possible sans l’accompagnement de l’ensemble des équipes.

La formation continue est pourtant aujourd’hui en jachère, alors qu’elle est le pivot d’une appropriation réussie de cette nouvelle approche. Qu’il s’agisse d’ailleurs de la formation continue ou initiale, les retours de terrain sur la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation – ESPÉ – nous inquiètent. Tout d’abord, l’ouverture de ces écoles à l’ensemble des acteurs de l’éducation semble bien timide. La réforme des rythmes montre qu’il est essentiel d’apprendre à travailler avec les autres acteurs : les associations, les animateurs ou encore le secteur médico-social. La diversité est un atout et doit se retrouver tant chez les étudiants que parmi les formateurs.

La question de la formation des formateurs eux-mêmes mérite elle aussi d’être posée. Peut-être conviendrait-il également de revoir le continuum de formation pour sortir du bachotage de l’année de master 1, dont la conséquence directe est une année de master 2 bien trop chargée. Une formation s’inscrivant réellement sur deux ans avec un concours en fin de licence 3 permettrait en outre de mieux organiser certaines formations qui font encore défaut : je pense par exemple à la formation à l’accueil des élèves en situation de handicap ou à la meilleure prise en compte des spécificités des maternelles, surtout alors que vont être mis en place de nouveaux programmes.

Madame la ministre, comment entendez-vous relever ces défis pour faire concrètement de la formation initiale et continue une priorité et donner ainsi les moyens aux différentes réformes de se déployer ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée, nous évoquions tout à l’heure la réforme du collège : je disais que, si nous voulons que la rentrée 2016 se passe dans les meilleures conditions et que cette réforme entre bien en vigueur, il faut évidemment un accompagnement et une formation des équipes. Pour répondre à votre question, je citerai l’exemple du plan national que nous avons prévu à destination des cadres et des formateurs, qui sera publié dans les tout prochains jours. Ce plan se déclinera, dans un premier temps, en vingt-trois séminaires nationaux, portant sur la réforme du collège, les nouveaux programmes, les nouveaux enseignements et l’introduction du numérique, puisque ce sera aussi la réalité de la rentrée 2016. Ces séminaires concerneront tous les conseillers principaux d’éducation, les chefs d’établissement, les cadres, afin qu’ensuite, d’octobre 2015 à mai 2016, puisse avoir lieu une formation sur site, dans tous les collèges concernés : on se rendra sur place pour former ensemble, en équipe, les enseignants qui seront ensuite invités à travailler en équipe dans le cadre de la réforme du collège. D’évidence, nous allons être amenés à mobiliser des crédits importants. C’est ce sur quoi nous sommes en train de travailler. Les discussions sont ouvertes avec les organisations syndicales pour définir les contours exacts de ce plan de formation. Les enseignants auront entre quatre et cinq jours de formation intensive consacrée à ce sujet.

Au-delà de cet exemple, je veux vous dire que les ESPE sont encore jeunes : notre majorité les a mises en place en 2012 ; elles commencent à faire leurs preuves, mais on peut encore les améliorer. Il faut avoir à l’esprit qu’elles ont accueilli 25 000 jeunes l’année dernière et qu’elles en accueillent 50 000 cette année. On a malgré tout réussi à désigner sans retard des tuteurs pour accueillir ces stagiaires et à mobiliser les formateurs. On doit faire un point dans quelques semaines avec l’ensemble des directeurs d’ESPE, pour veiller notamment à harmoniser le contenu du tronc commun.

Vous avez été très ambitieux, ce qui explique que la loi de refondation de l’école ait demandé beaucoup aux ESPE, mais il y a aujourd’hui une hétérogénéité entre ce qu’elles offrent d’un territoire à l’autre. Ce tronc commun doit être plus harmonisé afin qu’y figure bien l’essentiel : je pense en particulier, puisque l’on parlait tout à l’heure des attentats de janvier, de la capacité des enseignants à transmettre les valeurs républicaines. Je n’en dirai pas davantage car je serai trop longue. Mais c’est évidemment un travail qu’il faut poursuivre.

Mme la présidente. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les langues et cultures régionales dans le cadre de la rénovation du collège. Les langues régionales sont des langues vivantes, comme les langues étrangères. Elles apportent les mêmes bienfaits sur le développement personnel et les capacités métalinguistiques des élèves. Elles ont l’avantage de préserver la glottodiversité de notre pays.

Je rappelle que, dans la plupart des régions de France, le nombre de locuteurs de ces langues est insuffisant pour pourvoir les emplois disponibles dans des domaines tels que l’enseignement, la culture, les médias ou le secrétariat.

La réforme du collège suscite interrogations et inquiétudes quant à la place des langues régionales. Si elles sont mentionnées dans l’un des huit thèmes d’enseignement pratique interdisciplinaire, ce qui peut apparaître comme un progrès, nous éprouvons cependant des craintes quant à l’enseignement de ces langues en sixième, aussi bien en ce qui concerne les filières bilingues que l’enseignement optionnel. Il est important de prévoir une articulation entre les différents niveaux afin que les élèves puissent construire un parcours cohérent, dans le cadre des enseignements complémentaires, à même de développer leurs compétences linguistiques, qu’ils pourront poursuivre, s’ils le désirent, par exemple à l’université. À titre d’information, certaines régions, comme la Corse et la Bretagne, ont développé l’enseignement optionnel dès le primaire.

L’enseignement bilingue français-langue régionale commence dès la maternelle. Il donne d’excellents résultats, tant sur les plans linguistique et plurilinguistique, que sur celui des apprentissages scolaires. Depuis plus de trente ans, l’éducation nationale s’est attachée progressivement à structurer cet enseignement. Cet effort de longue haleine ne me semble pas reconnu à sa juste valeur dans le projet de réforme.

Il nous semble important de compléter l’article 8 de l’arrêté du 19 mai 2015 afin de sécuriser l’enseignement des langues régionales en faisant une référence explicite à ces langues.

Enfin, pour assurer ces enseignements, quels moyens seront mis à la disposition des académies où existent des langues régionales et sous quelle forme seront répartis ces moyens dans les établissements ? À l’heure actuelle, les heures d’enseignement de langues régionales font l’objet de dotations spécifiques.

Mme Barbara Pompili. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député, je tiens à vous rassurer : la réforme du collège ne remet absolument pas en question les dispositifs de promotion des langues vivantes régionales que vous avez évoqués, qui ont été mis en place par le décret du 5 septembre 2001 et l’arrêté du 12 avril 2003 et qui ont institué un enseignement bilingue en langue régionale dans les écoles, les collèges et les lycées. Tout cela restera en place dans le cadre de la réforme du collège, y compris ces classes bilingues français-langue régionale dès la sixième.

Non seulement ces dispositifs perdurent, mais nous introduisons, parmi les huit enseignements pratiques interdisciplinaires, un enseignement intitulé « langues et cultures régionales et étrangères », qui aura vocation à donner goût à ces langues régionales, dans les établissements qui le souhaiteront, à un nombre bien plus important d’élèves que ceux qui les étudient aujourd’hui. Cet enseignement pratique interdisciplinaire pourra, de la même façon que l’enseignement relatif aux « langues et cultures de l’Antiquité » – je réponds là à ceux qui s’interrogent sur le latin –, s’accompagner d’un enseignement complémentaire permettant à ceux qui le souhaitent d’aller plus loin et de bénéficier d’une continuité sur l’ensemble des années de collège, et ainsi d’apprendre de façon progressive. Cela vaut pour le latin et le grec comme pour les langues régionales.

On en a moins parlé dans le débat public, c’est pourquoi j’insiste sur ce point. Vous le savez, l’article 8 de l’arrêté relatif à l’organisation du nouveau collège prévoit par ailleurs que « les élèves qui ont bénéficié de l’enseignement d’une langue vivante étrangère autre que l’anglais à l’école élémentaire peuvent se voir proposer de poursuivre l’apprentissage de cette langue en même temps que l’enseignement de l’anglais dès la classe de sixième. » Sachez que nous ferons évidemment en sorte que cet article s’applique de plein droit aux langues régionales. Nous le préciserons dans la circulaire sur laquelle nous sommes en train de travailler.

Enfin, j’ai évoqué la préparation en cours d’une carte académique des langues, qui sera pilotée au niveau national – ce qui est une vraie nouveauté – pour proposer, sur l’ensemble du territoire, une offre diversifiée de langues. Cette cartographie profitera aussi aux langues régionales, que nous veillerons à développer, notamment par une bonne gestion des ressources humaines permettant de flécher les professeurs susceptibles de les enseigner là où existent des demandes.

Telles sont les mesures qui permettront de promouvoir et soutenir les langues régionales.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, le débat à propos de la réforme des rythmes scolaires a mis sur le devant de la scène la nécessaire cohérence d’une politique éducative au service de l’émancipation et de la culture de toutes et de tous. Cette politique demande que tous les acteurs soient mobilisés et réunis.

Dans ce cadre, le ministère de la jeunesse et des sports, donc son personnel, a un grand rôle à jouer. Ses attributions intègrent des dimensions essentielles de l’activité éducative ; je veux parler du sport, de la vie associative, de l’éducation populaire. Chacun de ces domaines a sa spécificité. Le sport, par exemple, ne doit pas être seulement appréhendé au travers de la politique de santé, de la politique de la ville ou de la prévention de la délinquance, mais pour ce qu’il est : une activité avant tout humaine, qui participe au développement de chaque être humain, et tant de son corps que de son esprit.

Les personnels attachés à ces objectifs ont donc des compétences et une expérience spécifiques, tout comme les personnels en lien avec les associations dont l’action est essentielle pour la consolidation de ce pilier de la démocratie. Pourtant, ces qualifications et ces métiers ont été remis en cause par l’instauration de la RGPP, la révision générale des politiques publiques sous l’ère de M. Sarkozy.

Mme Annie Genevard. Que dire alors de la MAP, la modernisation de l’action publique ?

Mme Marie-George Buffet. Les fonctionnaires exerçant ces métiers dans les départements et les régions ont été regroupés au sein d’un grand pôle « cohésion sociale » où, de fait, les spécificités de leur mission éducative ont été déniées. Ces personnels sont en grande souffrance et les associations sont orphelines de leurs services. En 2012, le candidat François Hollande s’était prononcé pour un grand pôle éducatif ; les personnels de la jeunesse et des sports demandent à y être inclus.

Aussi, madame la ministre, que pensez-vous de la nécessité d’inclure de nouveau ce ministère – et donc ses personnels – au sein d’un véritable pôle éducatif au lieu de réduire son champ à la cohésion sociale ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée Marie-George Buffet, vous savez que je suis sensible au sujet que vous évoquez, ne serait-ce qu’en raison de la fonction que j’occupais avant celle-ci, qui incluait le portefeuille de la jeunesse. Je connais donc le malaise de ces personnels durement affectés par les réorganisations qui ont été décidées voilà quelques années et dont la mise en œuvre ne s’est pas faite dans les meilleures conditions possibles.

Voici la situation actuelle : mon collègue Patrick Kanner m’a fait part de sa volonté de maintenir le rattachement de ces personnels au secrétariat général du ministère des affaires sociales. C’est également le souhait de Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales, et de la ministre du logement. Dès lors que ce souhait a été émis par les ministres compétents, je ne peux que respecter leur décision, n’ayant moi-même pas d’autorité particulière sur leurs agents.

Mais j’en viens au fond, c’est-à-dire la façon dont la mission éducative de ces agents est mise en valeur. Je connais pour ma part la proximité très forte et historique entre certains métiers de la jeunesse et des sports et ceux de l’éducation nationale, et ce n’est pas un hasard si nous faisons appel si souvent, au ministère de l’éducation nationale, à l’éducation populaire. Je pense en particulier à la réforme des rythmes scolaires, qui a amplement mobilisé ces personnels.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à mes services de faire en sorte que les demandes de mobilité au sein des services du ministère de l’éducation nationale venant de personnels des services jeunesse et sports soient examinées avec beaucoup d’attention, avec toute l’attention qu’elles méritent, car il y a en effet une profonde cohérence entre les missions.

Je souhaite également que nous allions plus loin dans le sens d’un décloisonnement de nos politiques. J’étais d’ailleurs hier avec Patrick Kanner à Nancy pour un déplacement sur les questions liées à la jeunesse. Il va de soi que pour répondre aux difficultés des jeunes, il convient non pas de les renvoyer d’un guichet à l’autre, du service de l’éducation à celui de la jeunesse ou de l’emploi, mais de s’adresser à eux de manière décloisonnée ; c’est la meilleure réponse qu’on puisse leur apporter, et c’était tout le sens du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, sur lequel nous avons travaillé ensemble récemment, et nous continuerons de le faire.

Si donc il y a bien une culture commune et que nous veillons à développer les passerelles et à décloisonner, ces services restent différents.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-George Buffet pour poser sa seconde question.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, la recherche en France est victime d’un paradoxe. D’un côté, on soumet la recherche publique à la réduction des dépenses publiques et à une obligation de se financer au moyen des transferts qu’elle doit engendrer ; de l’autre, l’État attribue 6 milliards de crédit d’impôt recherche aux entreprises, sans véritablement contrôler l’utilisation qui en est faite.

La communauté scientifique nous a alertés lors de la discussion budgétaire sur la misère de l’emploi scientifique. Elle demandait à bénéficier d’une partie des sommes du crédit d’impôt recherche qui n’allaient pas à la recherche. Le Gouvernement a opposé une fin de non-recevoir. Depuis lors, une commission d’enquête sénatoriale a montré que pour la période 2007-2012 on ne pouvait établir aucune corrélation entre le crédit d’impôt recherche et la création d’emplois. L’ensemble des entreprises de plus de 500 salariés, qui capte 63 % du crédit d’impôt recherche, n’a créé que 18 % des emplois nouveaux de recherche- développement au cours de cette même période. Le secteur de la pharmacie a même détruit 2 400 emplois dans ses laboratoires après avoir bénéficié de 2 milliards d’euros de crédit d’impôt recherche entre 2008 et 2012.

La logique consistant à faire des cadeaux aux entreprises sans contrôler l’utilisation des fonds ainsi alloués pénalise ainsi le développement de la recherche. L’emploi scientifique privé et public va mal pour le plus grand malheur de la recherche et de l’avenir scientifique de notre pays. Le sort réservé au CNRS, le Centre national de la recherche scientifique, est de ce point de vue parlant. Son budget est inférieur au montant total du crédit d’impôt recherche ! De plus, le projet de contrat d’objectifs 2015-2018 entre l’État et le CNRS somme cet organisme public de se tourner vers le transfert et l’innovation, au détriment de la recherche fondamentale.

Madame la ministre, la recherche publique a fait les grandes heures de notre pays. Le succès des programmes français dans l’aéronautique, le spatial, l’énergie, la médecine et bien d’autres domaines a été rendu possible par l’ampleur de l’investissement public et sa qualité dans la durée, de la recherche fondamentale au développement industriel. Allez-vous répondre aux chercheurs en reversant une partie du crédit impôt recherche à la recherche publique ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée Marie-George Buffet, vous l’avez dit, le crédit d’impôt recherche a vocation non seulement à rendre notre pays plus attractif, mais aussi à soutenir la recherche et l’innovation. En effet, le problème en France n’est pas tant le montant alloué à la recherche publique que celui qui échoit à la recherche privée, lequel, on peut le constater au moyen de données comparatives, est souvent plus important dans d’autres pays. Le crédit d’impôt recherche a donc également vocation à soutenir et à financer davantage la recherche privée.

Ce dispositif, qui représente un peu plus de 5 milliards d’euros, concerne aujourd’hui environ 20 000 entreprises, contre seulement quelque au début des années 2000. Il a donc fait preuve de son efficacité et touche quasiment toutes les entreprises qui font de la recherche et développement.

Nous avons fait mener des études pour mesurer l’impact du crédit d’impôt recherche. Tout d’abord, au niveau microéconomique, il n’y a pas d’effet d’aubaine : le crédit d’impôt recherche s’ajoute aux dépenses de recherche et développement de l’entreprise. Ensuite, au niveau macroéconomique, le montant globalement investi en recherche et développement par les entreprises a augmenté ces dernières années grâce à cette mesure alors même que la désindustrialisation de notre pays aurait pu entraîner sa diminution. Tous ces éléments sont donc plutôt positifs.

Parallèlement à cela, on constate que les entreprises ont augmenté le nombre de chercheurs auxquels elles font appel de plus de 30 % depuis 2007 ; ce sont plus de 160 000 chercheurs qui sont aujourd’hui embauchés dans le secteur privé qui, de fait, est devenu le premier pourvoyeur d’emplois pour les chercheurs en France.

Tout n’est pas parfait, toutefois, et une commission d’enquête parlementaire doit se pencher sur ce sujet. Elle montrera sans doute que le crédit d’impôt recherche a conduit les entreprises à investir davantage dans la recherche et développement et, de ce fait, accru la compétitivité de notre pays dans son ensemble et fourni de l’emploi aux chercheurs, ce qui me paraît être votre objectif. Je laisserai cependant à la commission d’enquête le soin de nous livrer ses conclusions.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Yves Durand.

M. Yves Durand. Madame la ministre, après près d’une heure de débat, j’ai l’impression que nous pourrions arriver, avec un peu d’effort, à un consensus sur notre politique éducative.

Au fond, toutes les personnes qui se sont exprimées conviennent de la nécessité de défendre les fondamentaux – savoir lire et écrire à l’entrée en sixième –, de donner la priorité au primaire, ce que nous avons fait au travers de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, de rétablir – ceux-là mêmes qui l’avaient supprimée en attestent – la formation initiale et continue des maîtres, qui est au cœur même du métier d’enseignant.

Mme Annie Genevard. Les ESPE doivent encore faire leur preuve !

M. Yves Durand. Le principe « plus de maîtres que de classes », qui permet le suivi personnalisé des élèves,…

Mme Annie Genevard. C’est nous qui l’avons mis en place, le suivi personnalisé !

M. Yves Durand. …est également aux dires de tous une bonne chose, et reprend d’ailleurs ce qui avait été mis en place auparavant.

Je souhaite que le consensus qui se dégage tienne également au sujet de la réforme du collège, tout simplement parce que celle-ci est inscrite dans la politique d’ensemble de la réussite éducative et qu’elle est cohérente avec la loi de refondation de l’école ; elle en fait d’ailleurs explicitement partie.

M. Xavier Breton. Non, pas du tout !

Mme Annie Genevard. Nous n’en avons pas du tout débattu !

M. Xavier Breton. À aucun moment !

M. Yves Durand. Bien sûr que si, elle figure dans le texte de la loi.

Cette réforme du collège que nous soutenons, madame la ministre, vise notamment à instaurer un cycle nouveau, le cycle 3, qui court du CM 1 à la sixième et inclut donc la fin de l’enseignement primaire et le début de l’enseignement secondaire. Cela montre notre volonté de marquer une continuité éducative, un élément essentiel pour l’école du socle.

Je vous poserai donc la question suivante, madame la ministre : comment organiser ce cycle nouveau, très important pour la continuité éducative, dans le cadre des nouveaux cycles qui se mettront en place à la rentrée prochaine et des nouveaux programmes qui entreront en vigueur à la rentrée suivante ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Tout d’abord, monsieur le député Yves Durand, je vous remercie d’avoir remis en perspective cette réforme du collègue dans le cadre plus général de la loi de refondation de l’école. Je le répète ici : dans cette loi, il était bien prévu de « repenser le collège unique », ce sont les termes exacts de la loi du 8 juillet 2013.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas dans la loi, c’est dans l’annexe !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Le principe d’un collège unique est réaffirmé comme élément clé de l’acquisition par tous du socle commun, un collège unique organisé autour d’un tronc commun, avec des pratiques différenciées adaptées aux besoins des élèves, et qui ne soit pas synonyme d’uniformisation de l’enseignement, avec enfin une autonomie donnée aux équipes enseignantes.

Il faut donc bien remettre tout cela en perspective pour comprendre la cohérence profonde de ce que nous faisons. Vous avez raison d’insister sur un point qui disparaît souvent des débats publics, monsieur le député : la nouvelle logique autour d’un socle commun de connaissances, de compétences et de culture, en d’autres termes ce qu’un élève doit maîtriser à la fin de sa scolarité obligatoire. Ce socle, nous l’avons repensé, et ce, non pas dans notre coin, mais avec la participation de toute la communauté des enseignants ; 800 000 enseignants se sont ainsi exprimés lors d’une demi-journée de consultation sur le sujet, ce qui avait alors fait couler beaucoup d’encre.

À partir de ce socle, et là réside la véritable nouveauté, nous déclinons de nouveaux programmes, qui s’inscriront dans plusieurs cycles au cours de la scolarité obligatoire. Le cycle 3, que vous évoquiez, et qui inclut le CM1, le CM2 et la sixième, nous permet de relier la fin de l’école primaire et le début du collège et d’assurer ainsi une meilleure transition et une meilleure progressivité des apprentissages pour les enfants dans cette période charnière.

La classe de sixième est en effet connue comme l’année de tous les dangers pour les élèves : les jeunes collégiens rencontrent de grandes difficultés à leur arrivée dans ce nouveau cadre où plusieurs enseignants remplacent l’unique maître du primaire. Les enseignants du primaire et du secondaire doivent pouvoir communiquer davantage pour améliorer l’apprentissage des élèves et les faire entrer dans le secondaire dans les meilleures conditions possibles ; tel est l’objet du conseil école-collège qui sera mis en place.

La nouveauté des réformes que nous conduisons tient à ce que, contrairement à ce qui avait été fait par le passé, nous aurons enfin un socle commun dont la nation garantit la maîtrise à tous les élèves à leur sortie de leur scolarité obligatoire, des programmes déclinés en cohérence avec ce socle et pensés pour être progressifs, lisibles, clairs et conduire à la réussite, et une organisation des temps par le biais de cycles de trois ans qui permettent d’évaluer à l’issue de la période l’acquisition véritable des fondamentaux par les élèves.

C’est pourquoi je crois que cette réforme du collège a toutes les raisons d’aboutir.

Mme Annie Genevard. Nous le souhaitons !

Mme la présidente. La parole est à Mme Julie Sommaruga.

Mme Julie Sommaruga. Madame la ministre, ma question porte sur l’apprentissage des savoirs fondamentaux.

La dernière enquête PISA révèle qu’entre 2003 et 2012, le niveau moyen des élèves a chuté de 16 points en mathématiques et que le nombre d’élèves en difficulté en lecture a augmenté de 4 points. Ce résultat, c’est le passif coupable de la droite, qui a sacrifié notre école et qui s’est ainsi détournée de la première des missions que les républicains ont le devoir d’accomplir : la réussite de tous nos enfants.

Cette situation insupportable, le Gouvernement a décidé de la combattre dès 2012 avec la refondation de l’école, en renforçant l’acquisition des savoirs fondamentaux pour tous les élèves dès l’école primaire. Permettez-moi de rappeler, sans prétendre à l’exhaustivité, les avancées de cette loi en la matière : la réforme globale des programmes conduite par le Conseil supérieur des programmes, qui a pour mission de remettre les savoirs fondamentaux au cœur des apprentissages ; l’accent mis sur la maîtrise du langage oral, avec le nouveau programme de maternelle qui entrera en vigueur à la rentrée prochaine ; l’augmentation du nombre de postes en primaire, après les suppressions massives orchestrées par la droite ; le dispositif « plus de maîtres que de classes », visant à mettre en place dans les quartiers prioritaires des pratiques pédagogiques innovantes ; la réforme des rythmes scolaires, qui permet de consacrer une matinée de plus aux apprentissages fondamentaux.

Mme Annie Genevard. Parlons-en !

Mme Julie Sommaruga. Ces efforts sans précédent doivent absolument se poursuivre au collège : 20 % des enfants âgés de 15 ans ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux. Nous connaissons, madame la ministre, votre détermination à réformer le collège pour que tous les élèves puissent mieux apprendre, donc mieux réussir. Aussi, pouvez-vous nous présenter les mesures de la réforme du collège qui permettront une meilleure acquisition de ces savoirs ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Vous avez eu raison de présenter les choses ainsi, madame la députée. Je n’ai de cesse de le dire, même si parfois les débats brouillent ce propos : le seul objectif de cette réforme, ce n’est pas de changer pour le plaisir de changer mais d’obtenir que les enfants, en sortant du collège, maîtrisent ce qui est attendu d’eux et qui leur permettra de projeter leur vie personnelle et professionnelle dans un monde qui change, un monde dans lequel on n’attend pas des enfants les mêmes compétences qu’il y a trente ans. Il nous fallait non seulement nous attaquer aux échecs du collège actuel, mais aussi moderniser ce que l’on attend de ces enfants qui, demain, lorsqu’ils rejoindront le marché du travail au début des années 2020, auront besoin de pratiquer plusieurs langues étrangères, d’être à l’aise avec les outils numériques, de savoir trier l’information en faisant la part de ce qui relève de la désinformation, car tel sera leur monde.

C’est bien ce que, modestement, cette réforme du collège prévoit. Il s’agit tout d’abord de faire en sorte que les fondamentaux soient bien acquis chez chaque élève. Nous avons longuement évoqué tout à l’heure l’apprentissage du français, et il est vrai que c’est un sujet : lorsqu’un élève sur cinq sort du collège sans maîtriser les fondamentaux en français, cela signifie que cet élève n’a pas la capacité d’énoncer, de penser, de débattre comme il le lui faudrait. Nous avons pu mesurer, par exemple lors des incidents qui ont suivi les attentats de janvier dernier, le retard que nous devions rattraper auprès d’un certain nombre de collégiens.

La réforme prévoit des pratiques pédagogiques davantage tournées vers les acquis des élèves. Plutôt que de réclamer des enseignants qu’ils respectent des programmes toujours plus lourds, sans prendre le temps de vérifier la bonne acquisition des connaissances, nous démultiplions les façons d’apprendre. Les apprentissages peuvent aussi bien se faire par des cours théoriques, magistraux, que par une pédagogie de projet, ce que les Anglo-Saxons appellent le learning by doing : faire réaliser aux élèves des projets concrets, pratiques, en les faisant travailler ensemble et échanger, de manière à mieux maîtriser l’oral que ce n’est le cas aujourd’hui.

Nous prévoyons également un accompagnement personnalisé. On peut avoir l’ambition d’un collège unique, c’est-à-dire un collège qui amène toute une génération à ce niveau de qualification, tout en reconnaissant la grande diversité qui existe chez nos collégiens. Si nous voulons bien traiter leurs besoins, il faut parfois les prendre en petits groupes homogènes en fonction de leurs difficultés, parfois assurer un accompagnement singulier, personnalisé.

Enfin, 2016 verra l’entrée en vigueur de programmes repensés de manière à placer les fondamentaux en leur cœur, c’est-à-dire concentrés sur l’essentiel. Les programmes actuels, on le sait, sont lourds, parfois bavards. Les enseignants n’ont le temps ni de les terminer, ce qui les conduit à faire des impasses – on ne s’en était pas beaucoup ému jusqu’à présent ! –, ni de vérifier que les élèves les ont compris. C’est pourquoi les programmes sont repensés pour être plus lisibles, plus cohérents, plus progressifs, donc plus efficaces.

M. Frédéric Reiss. Il faudrait d’abord qu’ils soient plus compréhensibles !

Mme la présidente. Merci, madame la ministre. Oserai-je dire qu’il n’y a pas que les programmes qui soient bavards ? (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

La parole est à M. Jacques Cresta.

M. Jacques Cresta. Madame la ministre, je profite de cette séance pour vous interroger sur l’éducation artistique et culturelle.

Celle-ci, nécessaire à la constitution d’une culture artistique essentielle au socle commun de connaissances, de compétences et de culture, est à la fois une ouverture au monde et une ouverture à soi. En effet, l’éducation artistique et culturelle est bien souvent, pour les élèves, une découverte du monde et d’eux-mêmes.

En cela, son inscription dans l’article 10 de la loi pour la refondation de l’école était un élément de reconnaissance important. Car, si l’éducation artistique et culturelle n’a naturellement pas été créée par cette loi, les dispositions prises depuis sa promulgation renforcent, amplifient et mettent en cohérence les initiatives préexistantes. Je pense, par exemple, à l’action menée par de nombreuses associations telle l’ANRAT – association nationale de recherche et d’action théâtrale –, qui, avec peu de moyens, tisse depuis de nombreuses années les liens essentiels entre les artistes et les équipes pédagogiques pour parvenir à l’ouverture d’esprit indispensable aux citoyens de demain.

D’où ma première question : pensez-vous qu’il sera pertinent, à l’avenir, de renforcer les liens entre le monde pédagogique et le monde culturel et artistique ? Peut-être cela pourra-t-il se faire en établissant des liens renforcés entre les rectorats et les DRAC, les directions régionales des affaires culturelles, à l’instar de ceux qui existent déjà en matière de formation des enseignants avec des partenariats entre ESPE – écoles supérieures du professorat et de l’éducation – et grandes structures artistiques – je pense notamment à celui qui unit l’ESPE d’Aix-Marseille et le ballet Preljocaj.

Ma deuxième question concerne plus spécifiquement le collège. Les « référents culture » sont des professeurs volontaires nommés dans chaque lycée pour élaborer le volet culturel du projet d’établissement. Ils bénéficient de formations en partenariat avec les DRAC, les collectivités territoriales et les institutions culturelles. Ne pensez-vous pas que ce dispositif pourrait être étendu aux collèges ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme vous le savez, monsieur le député, ma collègue ministre de la culture Fleur Pellerin et moi-même avons adopté il y a quelques mois une feuille de route conjointe à nos deux ministères qui vise à renforcer les liens entre le monde scolaire et le monde des arts et de la culture. Nous menons cette action de plusieurs façons.

D’abord grâce à un partenariat renouvelé qui se décline à chaque échelon. Nous organisons mardi prochain, pour la première fois, une réunion des DRAC et des recteurs. Cette démarche a vocation à devenir régulière, afin que les DRAC soient systématiquement nos partenaires dans les académies et que pas un seul établissement sur le territoire français ne soit privé d’une ouverture à l’art et à la culture. Nous avons déjà commencé à travailler à des partenariats institutionnels entre les écoles, via leur projet d’école, et les institutions culturelles, mais aussi, par exemple, entre le ministère de l’éducation nationale et la chaîne Arte – c’était il y a quelques jours – pour mettre à la disposition des écoles des ressources culturelles de très grande qualité en accès libre.

J’évoquerai ensuite notre action dans le cadre des ESPE, qui, elles aussi, veillent désormais à offrir aux futurs enseignants un parcours d’éducation artistique et culturelle au moyen de partenariats avec des institutions culturelles, comme celui que vous avez évoqué avec le ballet Preljocaj. L’objectif est que les enseignants soient par la suite en mesure de transmettre cette éducation.

Les référents culture jouent également un rôle très important dans la mise en œuvre de ce parcours d’éducation artistique et culturelle. Comme vous le suggériez, ils seront aussi nommés dans les collèges et pourront ainsi participer à l’élaboration du volet culturel du projet d’établissement, en liaison avec le conseil pédagogique et le conseil pour la vie collégienne.

Rappelons enfin que, parmi les huit enseignements pratiques interdisciplinaires prévus par la réforme du collège, il en est un, intitulé « culture et création artistique », qui permettra de ménager un temps privilégié pour mettre en œuvre le parcours d’éducation artistique et culturelle.

Mme la présidente. Nous en revenons aux questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. « Vous avez embrouillé pendant des semaines les Français à coups d’enfumage, de contrevérités, de mensonges qui nous ont éloignés de l’essentiel. » (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Tels sont madame la ministre, les mots – peu délicats, vous en conviendrez – que vous utilisiez ici même le 19 mai dernier pour répondre à une question d’actualité de notre collègue Jean-Charles Taugourdeau sur la réforme du collège.

Ce compliment de l’enfumage, de la contre-vérité et du mensonge, nous pouvons aujourd’hui vous le retourner quand vous affirmez avec beaucoup d’aplomb : « La réforme du collège était prévue par la loi de refondation de l’école, débattue il y a deux ans pendant des mois et des mois au sein même du Parlement. »

M. Yves Durand. C’est pourtant vrai !

M. Xavier Breton. Toutes celles et tous ceux qui ont participé aux longues heures de débat sur la loi Peillon peuvent en témoigner : la réforme du collège ne figure pas dans les articles de cette loi. Lorsque votre prédécesseur Vincent Peillon passe en revue ce qu’il considère comme les avancées de sa loi à l’occasion de la séance achevant la première lecture, il n’évoque à aucun moment la réforme du collège. Le jour même de la publication de la loi au Journal officiel, le 9 juillet 2013, le ministre de l’éducation nationale publie un communiqué de presse qui mentionne le collège fugitivement, pour évoquer simplement le renforcement des liens entre l’école et le collège, mais qui ne fait nulle part état d’une quelconque réforme. Et, à cet instant, dans sa présentation des dix réformes de la loi Peillon pour assurer la réussite scolaire, le site du ministère ne fait aucune allusion à quelque réforme du collège que ce soit !

Mme Annie Genevard. C.Q.F.D. !

M. Xavier Breton. Entre nous, madame la ministre, pouvez-vous nous préciser où vous avez vu que la réforme du collège, aujourd’hui si contestée et décriée, notamment en raison du manque de concertation, était prévue par la loi dite de refondation de l’école ?

M. Yves Durand. Dans le rapport annexé, qui fait partie de la loi !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Comme vient de le rappeler M. Durand, l’article 1er de la loi de refondation de l’école approuve l’annexe qui l’accompagne. Le rapport annexé fait partie de la loi.

M. Xavier Breton. Il n’a pas valeur législative !

M. Patrick Hetzel. Ce ne sont là que des arguties !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Les grands principes de la réforme du collège, comme l’autonomie, l’interdisciplinarité, l’accompagnement personnalisé, ont été discutés. Pour ce qui est du détail, j’en conviens, le travail a été mené dans les mois qui ont suivi. Mais il est faux de dire que cette réforme est née d’hier. Elle a fait l’objet, comme vous le savez, de plusieurs mois de travail avec les partenaires sociaux réunis au sein du Conseil supérieur de l’éducation, qui l’a adoptée le 10 avril dernier. Pour ce qui me concerne, j’en avais présenté les grands principes au début du mois de mars. J’ai quelques raisons d’être surprise, vous me l’accorderez, de vous voir vous réveiller si tardivement après cette présentation et l’adoption, à une large majorité de la communauté éducative, par le Conseil supérieur de l’éducation.

Mme Annie Genevard. Vous ne nous avez pas laissé le temps de l’analyser !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il serait temps, je crois, d’en finir avec les polémiques inutiles et de nous concentrer sur ce qui reste à faire.

Mme Catherine Coutelle. Oui ! Ce serait plus utile pour l’école !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous avons trouvé un accord sur le diagnostic, sur ce qu’il en est de l’état actuel de notre collège et de ses lacunes. Que préférez-vous : en rester au statu quo, ou nous donner la chance d’évoluer en permettant l’application de cette réforme dans les meilleures conditions ?

M. Xavier Breton. Pas cette réforme-là !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. L’école n’a pas besoin aujourd’hui d’une polémique de plus.

M. Frédéric Reiss. Certes !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Pour la réussite de la réforme, le travail des enseignants et des chefs d’établissement réclame de la sérénité. Il ne réclame plus le débat que nous connaissons depuis un mois et demi, d’autant que ce débat, vous ne pourrez le nier, a été truffé de contre-vérités. C’est d’ailleurs ce qui a brouillé la compréhension de la réforme pour beaucoup de nos concitoyens. Je souhaite que l’on en revienne à un débat plus apaisé. Nous pourrons examiner ensemble, si cela vous intéresse, les modalités d’application, comme les organisations syndicales seront invitées à le faire à nos côtés. Mais, de grâce, laissons désormais les enseignants, les équipes et les chefs d’établissement mettre en œuvre cette réforme d’intérêt général pour nos enfants !

M. Stéphane Travert. Très bien !

M. Yves Durand. Tout « républicains » qu’ils soient, ils ne veulent pas le rassemblement !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury.

Mme Dominique Nachury. Madame la ministre, il y a deux ans, votre majorité votait la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, proposée par l’un de vos prédécesseurs, qui, par ailleurs, réformait les rythmes scolaires de façon autoritaire, générale et sans évaluation préalable des besoins ni des accompagnements nécessaires.

Mme Catherine Coutelle. Et vous, qu’avez-vous fait avec la semaine de quatre jours ?

Mme Dominique Nachury. Membre du comité d’évaluation de cette loi, je peux entendre toutes les difficultés, les besoins de délais qu’induit cette loi et la lenteur, somme toute normale, de sa mise en œuvre, que j’illustrerai de plusieurs exemples : la mise en place des écoles supérieures du professorat et de l’éducation ; le manque de formation pour les enseignants en fonction ; la réalité du dispositif « plus de maîtres que de classes » ; le lien primaire-collège.

À votre arrivée à ce ministère, lors d’une audition de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, vous disiez ne pas vouloir imprimer de nouvelles réformes, mais conforter les lois Peillon et Fioraso. C’était reconnaître qu’il faut du temps pour que de nouvelles dispositions conçues au niveau central arrivent au niveau des lieux d’application que sont les établissements avec leurs enseignants, leurs élèves.

Alors avez-vous conscience de ce que cette réforme du collège, conduite sans concertation ni anticipation, bouscule dans les établissements ? Les classes bilangues, créées en 2004, sont désormais sans avenir. N’est-ce pas, au mieux, un vilain signe adressé à ceux qui les ont portées, au pire un gâchis ?

Avez-vous conscience des conflits, des luttes d’influence entre les enseignants de langues, en raison des pertes d’heures d’enseignement ? Comment comprendre la suppression des heures d’accompagnement éducatif hors zone d’enseignement prioritaire, alors que les équipes s’étaient organisées, mobilisées, obtenaient des résultats, et que rien n’est prévu pour 2015-2016 ?

Comment concevoir les enseignements pratiques interdisciplinaires, alors que certaines matières sont à faible horaire ? Peut-on engager un changement total de la manière d’enseigner, sans formation préalable des enseignants en fonction ? Enfin, mesurez-vous les conséquences pour les chefs d’établissement, qui doivent gérer les moyens et les hommes ? Voilà quelques questions venues du terrain.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée Dominique Nachury, je serai la première à reconnaître à vos côtés qu’il est difficile de réformer le système scolaire et que nous avons besoin de mieux évaluer ce que nous faisons. Lorsque nous sommes revenus aux responsabilités, nous aurions préféré trouver des mécanismes d’évaluation des politiques publiques, et pouvoir jauger à notre tour les réformes que vous auriez mises en place… (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Annie Genevard. Mais vous avez tout supprimé, comme la loi sur l’absentéisme !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Contrairement à une idée reçue, notre système, et je pense en particulier au collège, ne souffre pas d’avoir été trop souvent réformé, mais de ne pas l’avoir été assez. Certes, il y a eu des tentatives, mais une réforme de fond telle que celle que nous entreprenons aujourd’hui, qui s’attaque à tous les leviers – pratique pédagogique, organisation du collège, programmes et évaluation –, est inédite. Oui, je ne vous le cache pas : c’est un défi. Nous avons décidé de le relever, non pas en une journée et une nuit, mais grâce à des mois et des mois de travail, qui nous ont permis de partager un diagnostic sur les lacunes actuelles du collège, sur ce qu’il faut faire pour l’améliorer, le moderniser et permettre au plus grand nombre possible de collégiens de franchir dans les meilleures conditions cette étape de leur vie.

Vous évoquez la réforme des rythmes scolaires. C’est sûr, il était plus facile de supprimer une demi-journée de classe, quasiment en catimini, sans avoir consulté quiconque…

Mme Catherine Coutelle. C’est sûr !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. …que de faire ce que Vincent Peillon a entrepris : rétablir cette demi-journée et organiser du temps périscolaire avec les collectivités locales, pour faire en sorte que les enfants puissent tous avoir accès à des activités culturelles, sportives et de loisir. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Annie Genevard. Une catastrophe !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Cette réforme, sur laquelle nous avons du recul, vous montre que nous sommes pragmatiques et que nous avançons en marchant. Nous savons prendre en compte les problèmes qui remontent du terrain et des collectivités locales. Ainsi avons-nous décidé de mieux respecter le temps de sieste ou la pause méridienne dans les classes maternelles, ou encore de dégager 400 millions d’euros supplémentaires chaque année afin d’aider les collectivités locales dans la mise en œuvre de cette réforme.

Oui, il faut réformer, car si l’on passe son temps à déplorer sans jamais avancer, on ne rend service à aucun des enfants. Puis il faut savoir évaluer progressivement, comme nous le faisons pour chacune des réformes que nous avons conduites. Ainsi est-il prévu que la récente réforme de l’éducation prioritaire sera évaluée tous les trois ans. Que je sache, ce n’était pas la méthode suivie auparavant ! Nous veillerons à ce que cette réforme du collège entre en vigueur dans les meilleures conditions possible et qu’elle soit évaluée régulièrement. Je pense qu’il s’imposait à nous d’en finir avec le statu quo et l’immobilisme. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Madame la ministre, je commencerai par une remarque. Vous venez d’indiquer, à juste titre, que vous souhaitiez un débat apaisé, sans contrevérités. Mais quelques secondes plus tard, vous assenez qu’à votre arrivée au pouvoir, les systèmes d’évaluation n’étaient pas performants. Or, je vous rappelle que la loi de refondation a supprimé des dispositifs d’évaluation. Je vous rappelle aussi que les programmes du primaire mis en place par Xavier Darcos ont été eux-mêmes supprimés, sans même avoir été évalués ! Les reproches que vous nous adressez, il me semble que nous pouvons vous les retourner, même si chacun sait que, durant le quinquennat précédent, le Parti socialiste n’a jamais proféré une quelconque contrevérité et que c’est toujours avec une nuance caractérisée que l’opposition a abordé le débat – apaisé ! – sur l’éducation ! (Sourires.)

Ma question porte sur la réforme des programmes, madame la ministre. Je trouve une très grande qualité à cette réforme, celle d’agir enfin sur l’ensemble du socle commun. La réforme des neuf années, organisées par cycles, me paraît une très bonne chose : cela permettra d’éviter les incohérences entre primaire et collège et autorisera une approche globale.

Mon interrogation porte davantage sur la mise en œuvre de cette réforme. Traditionnellement, une réforme des programmes se fait année après année, jamais d’un bloc. Or il semblerait que vous ayez décidé d’appliquer votre réforme sur les neuf années d’un coup, en une seule rentrée scolaire. Cela s’est déjà produit, mais pour des réformes de programme sur trois ans, non sur l’ensemble des quatre cycles du socle commun de connaissances. Là, nous nous interrogeons car il ne nous paraît pas souhaitable de « couper » ainsi la scolarité des élèves, sans compter les nombreux problèmes que cela posera aux éditeurs de manuels scolaires.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député Benoist Apparu, s’agissant des vérités à rétablir de suite, permettez-moi de vous rappeler que les programmes préparés par l’un de mes prédécesseurs, M. Darcos, avaient été rejetés par les enseignants à l’issue de leur consultation. De même, s’agissant des mécanismes d’évaluation, c’est bien la loi de refondation de l’école qui a créé le conseil national d’évaluation du système scolaire, le CNESCO.

M. Benoist Apparu. Je parlais des évaluations dans le primaire !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous ne parlons pas de la même chose : je parle de l’évaluation des politiques publiques, monsieur le député.

Si nous avons décidé de faire entrer en vigueur l’ensemble des nouveaux programmes des neuf années, c’est précisément parce que nous voulons impulser un changement, notamment au collège, dans les pratiques pédagogiques et dans la façon de travailler ensemble, y compris d’une année sur l’autre, comme dans le cycle 3, à cheval entre le primaire et le collège. Nous voulons le faire d’un seul bloc, pour l’ensemble des enseignants concernés. Faire entrer en vigueur la réforme sur plusieurs années ne donnerait des résultats qu’au bout de neuf ans seulement, ce qui n’est pas exactement notre objectif.

Quant aux éditeurs de livres scolaires, vous imaginez bien que nous travaillons avec eux de façon étroite depuis déjà quelque temps. Il leur est laissé au minimum un an pour éditer ces manuels. Je rappelle qu’à la suite de la réforme du lycée conduite en 2010, les enseignants concernés n’avaient reçu les manuels qu’un mois après la rentrée scolaire !

M. Benoist Apparu. Vous faites toujours mieux que les autres !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Il ne s’agit pas de cela, mais vous conviendrez qu’il y a une différence de pratique entre le fait d’adresser les manuels aux enseignants un mois après l’entrée en vigueur d’une réforme et celui de laisser quinze mois aux éditeurs pour travailler sur lesdits manuels !

Mme la présidente. Nous revenons au groupe socialiste, républicain et citoyen pour ses deux dernières questions.

La parole est à M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert. Madame la ministre, l’école de la République est redevenue une priorité depuis l’arrivée de notre majorité aux responsabilités. Avec 80 000 emplois supprimés, la fin de la formation initiale et continue des enseignants et la suppression des RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, la liste est bien longue et a conduit notre système éducatif vers les classements les plus bas au sein de l’Union européenne ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

La réforme du collège est le deuxième pilier de la refondation de l’école permettant que chaque élève puisse maîtriser l’ensemble des savoirs fondamentaux. La droite tente d’en faire un chiffon rouge pour mieux masquer ses échecs, après les dix années qu’elle a passées aux responsabilités.

M. Benoist Apparu. C’est ce qui s’appelle un débat apaisé !

M. Stéphane Travert. Pour mettre en œuvre l’ensemble des nouveaux apprentissages et des nouvelles méthodes de travail, nous considérons que les chefs d’établissement et les enseignants, à qui nous renouvelons ici notre confiance, sont les clefs de voûte essentielles et indispensables pour la réussite de chacun, et pour celle de la réforme.

Dans les territoires, nous entendons les inquiétudes légitimes de la communauté éducative, particulièrement sur l’enseignement de l’allemand. La Normandie, terre de sacrifices à la Libération, a su nouer avec nos voisins allemands des relations fortes qui ont participé à la construction de la paix et à l’amitié entre les peuples, avec de nombreux échanges et jumelages entre nos villes.

Madame la ministre, pouvez-vous rassurer ces professeurs sur le fait que ces enseignements non seulement perdureront, mais seront valorisés par cette réforme ? Pouvez-vous préciser quels temps y seront consacrés ? Enfin, alors que la réforme du collège s’imposera aussi bien aux établissements privés sous contrat qu’aux établissements publics, les peurs suscitées par la droite ont pu inciter les familles à se tourner vers le privé. De quelles informations disposez-vous sur ces flux ? Combien d’enfants quittent aujourd’hui l’enseignement public pour rejoindre l’enseignement privé sous contrat ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député Stéphane Travert, votre question me permet d’apporter un certain nombre de précisions au sujet des langues vivantes étrangères.

M. Guénhaël Huet. La question a été ciselée à cet effet !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. En effet, on me l’a dit tout à l’heure, une contrevérité circule encore, consistant à prétendre que si nous avançons d’un an l’apprentissage de la langue vivante 2, c’est au détriment de la langue vivante 1, qui aurait moins d’heures au final. Je profite donc de ce débat pour redire que la langue vivante 1 non seulement ne perd rien mais que, de surcroît, son apprentissage est renforcé puisqu’elle sera apprise un an plus tôt, dès la classe de CP. S’agissant de la langue vivante 2, elle sera apprise un an plus tôt, en classe de cinquième, et gagnera en temps d’apprentissage, puisque 54 heures supplémentaires lui seront consacrées sur l’ensemble de la scolarité, soit 25 % de temps en plus. Pour l’allemand, souvent choisi en langue vivante 2, cette réforme sera évidemment bénéfique.

Cela étant, j’ai entendu les craintes qui se sont exprimées ces dernières semaines, à savoir que l’allemand puisse être concurrencé par d’autres langues – pour des raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas –, et le souhait que les pouvoirs publics français affirment leur volontarisme dans la promotion de cette langue. Je suis la première à rappeler la relation toute particulière que notre pays entretient avec l’Allemagne. Il est vrai que les classes bilangues, telles qu’elles avaient été lancées au début des années 2000, ont donné davantage d’heures d’allemand à certains élèves, ce qui ne signifie d’ailleurs pas que les établissements aient fait le plein en nombre d’élèves potentiellement germanistes. Et il est arrivé dans certains collèges que ces classes bilangues « captent » les professeurs d’allemand et que ceux-ci n’étant plus en nombre suffisant, des élèves qui, en classe de quatrième souhaitaient choisir l’allemand comme langue vivante 2, soient orientés vers l’apprentissage d’autres langues.

Il faut aussi se poser cette question : quand on cherche à promouvoir une langue, n’est-il pas préférable d’augmenter le nombre d’élèves qui l’apprennent plutôt que de concentrer beaucoup d’heures sur un nombre limité d’élèves ? Cela étant, j’ai entendu l’inquiétude et je développerai une politique nationale très volontariste des langues, avec une carte académique et des objectifs chiffrés. Alors qu’aujourd’hui 178 000 élèves choisissent allemand en langue vivante 1, ils seront 200 000 à la rentrée 2016. Quant à ceux qui choisissent l’allemand en langue vivante 2, ils devraient passer de 487 000 à 515 000.

Comment respecterons-nous ces objectifs ? En ouvrant le nombre de classes nécessaires, en menant une politique de développement des jumelages entre écoles pour rendre attractif l’apprentissage de l’allemand, en fléchant des postes de professeurs d’école dans le premier degré susceptibles d’enseigner cette langue, surtout en recourant à des intervenants extérieurs, des locuteurs natifs, que la précédente majorité avait quasiment supprimés.

M. Benoist Apparu. Voilà quelques minutes que vous ne nous aviez rien reproché !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Tout le monde le déplore ! Je le dis en particulier à ceux d’entre vous qui défendent, avec raison, l’allemand. Faire appel à des étudiants allemands pour intervenir dans nos écoles était une formidable façon de procéder. Nous ferons de nouveau appel à eux, d’autant plus que c’est une belle manière de développer les relations culturelles entre les deux pays au-delà de l’enseignement de la langue.

Un mot sur l’enseignement privé pour terminer. Nous disposons d’un certain nombre de chiffres qui montrent que, contrairement à une idée reçue, la part des établissements privés dans l’enseignement secondaire est, depuis quelques années, relativement stable – 21,3 % en 2011 et 21,2 % en 2014. La menace, brandie en permanence, d’une fuite des élèves vers l’enseignement privé, ne tient pas compte du fait que l’enseignement privé appliquera la réforme du collège exactement dans les mêmes termes que l’enseignement public. Enfin, la meilleure manière de la contrer est d’élever le niveau de l’enseignement public pour le rendre excellent et attractif. Tel est l’objet de cette réforme.

Mme la présidente. Cinq minutes deux !

M. Benoist Apparu. Moins d’allemand mais plus de temps de parole pour la ministre !

Mme la présidente. La parole est à Mme Sylvie Tolmont pour deux minutes, et deux minutes seulement, j’en suis désolée.

Mme Sylvie Tolmont. Madame la ministre, depuis trois ans, sans relâche, notre majorité œuvre en faveur de l’éducation. De nombreux chantiers ont d’ores et déjà été ouverts, concrétisant ainsi la ferme volonté du Gouvernement d’offrir aux élèves français un système éducatif plus juste et plus performant.

Madame la ministre, avec beaucoup de courage et un grand sens du dialogue (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), vous façonnez la réforme du collège dans le cadre de la loi de refondation de l’école qui réaffirme les principes du collège unique et de l’école inclusive visant ainsi à réduire les écarts de réussite liés à l’origine sociale.

M. Benoist Apparu. Enfin un débat apaisé !

Mme la présidente. Monsieur Apparu, je vous en prie !

Mme Sylvie Tolmont. Cette réforme est au service de tous et notamment des élèves les plus en difficulté scolaire et sociale. C’est précisément par les progrès des enfants des familles les plus défavorisées que nous mesurerons la capacité de notre école à faire réussir tous les élèves.

Aujourd’hui, l’enseignement adapté apparaît comme un révélateur des inégalités que notre école non seulement ne corrige pas, mais aggrave. En effet, les sections d’enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, accueillent dès la sixième près de 100 000 élèves rencontrant de très grandes difficultés scolaires et issus à plus de 70 % de classes sociales défavorisées. Ces sections témoignent ainsi du lien entre précarité et difficultés scolaires.

Les SEGPA, avec des effectifs réduits et un encadrement de qualité, disposent d’atouts considérables pour des élèves qui demandent une attention pédagogique spécifique et un suivi particulier.

Cependant, elles dérogent clairement au principe de l’école inclusive, c’est-à-dire au droit pour chaque enfant, même lorsqu’il a des besoins particuliers, d’être scolarisé dans les mêmes conditions que les autres élèves et avec eux. En outre, elles offrent peu de passerelles vers le cursus ordinaire tant l’orientation vers ces structures est le plus souvent sans retour. Enfin, la question du moment le plus propice pour l’entrée dans ces sections est posée, puisqu’elle intervient actuellement au milieu du nouveau cycle de consolidation.

J’avais, dans mon rapport budgétaire sur l’enseignement scolaire, fin 2014, proposé quelques pistes pour répondre à ces difficultés. J’ai pu constater que le Conseil économique, social et environnemental, dans son récent rapport sur l’école, aboutit aux mêmes conclusions.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle place aura l’enseignement adapté dans la réforme du collège ? Quel avenir envisagez-vous pour les SEGPA et quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour une meilleure inclusion de ces sections dans les collèges ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame la députée Sylvie Tolmont, je ne voudrais pas vous paraître obsessionnelle en dénonçant sans cesse les contre-vérités et la désinformation, mais je profite à nouveau de ce dialogue pour vous dire ma surprise d’entendre dernièrement l’invité d’une émission de télévision affirmer que la réforme des collègues mettrait fin aux SEGPA. Son assurance était telle qu’il a réussi à faire douter ses interlocuteurs !

Je le répète ici : il n’a jamais été question de mettre fin aux SEGPA. Je vous remercie, d’ailleurs, madame la députée, de l’énergie que vous déployez avec constance à les défendre.

Les SEGPA permettent de traiter de manière plus singulière, plus proche, plus étroite, les difficultés très particulières d’un certain nombre d’élèves au sein du collège, grâce à un enseignement général et professionnel adapté. Ces SEGPA non seulement doivent demeurer mais elles doivent bénéficier de la réforme du collège. C’est ce qui est prévu puisque l’accompagnement personnalisé et les enseignements pratiques interdisciplinaires bénéficieront aussi à leurs élèves.

Vous vous demandez comment améliorer l’efficacité de ces sections. Il nous faut en effet aller encore plus loin. Maintenant que le redoublement présente un caractère exceptionnel, il pourrait ne plus être une condition nécessaire à l’orientation des élèves en SEGPA, et le droit des élèves de SEGPA d’être scolarisés dans les mêmes conditions que les autres ou dans des conditions qui s’en approchent le plus possible pourrait se concrétiser.

Nous travaillons en ce moment à une circulaire relative aux SEGPA qui sera prochainement publiée et remplacera celle de 2009. Elle confortera l’existence et les moyens des SEGPA pour une meilleure inclusion des élèves, renforcera les critères d’orientation et les modalités d’admission des élèves dans ces sections – je vous renvoie au rapport du CESE qui en a largement traité. Elle détaillera également les conditions nécessaires à l’individualisation des parcours de formation pour que tous ces élèves soient assurés, à la fin de leur scolarité obligatoire, de pouvoir accéder à leur tour à une formation débouchant sur une qualification au minimum de niveau V. Nous y travaillons et je réaffirme ici notre attachement à ce dispositif.

Mme la présidente. Nous en revenons au groupe des Républicains, pour sa dernière question.

La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Madame la ministre, je ne vous trouve ni qualifiée ni légitime pour parler d’apaisement. Quand on sait ce que vous avez fait, avec la publication en force de ce décret il y a quelques semaines, et quand on entend vos réponses ou vos interventions, dont la plupart sont faites sur le ton de la polémique, on ne peut penser autrement ! Vous êtes dans ce que les linguistes appellent « le pouvoir de représentation des mots ». Plus vous utilisez les mots, moins vous mettez en pratique ce qu’ils désignent !

Ma question concerne la suppression des classes européennes et des classes bilangues. Les classes bilangues et les sections européennes, qui offraient la possibilité d’apprendre deux langues vivantes dès la classe de sixième, se sont développées depuis 2002. Elles touchaient presque 16 % des élèves de sixième en 2013 contre seulement 5 % en 2004. Elles ont permis d’assurer une vraie diversité de l’enseignement des langues et une mixité sociale dans les établissements les moins favorisés. Par ailleurs, elles ont rendu accessible l’enseignement d’autres langues vivantes que l’anglais et l’espagnol.

La suppression des classes bilangues et des sections européennes obligerait la France à revenir sur certains de ses engagements internationaux et de ses accords bilatéraux, notamment avec l’Allemagne. Est-ce réellement un bon signal envoyé à nos partenaires, en particulier outre-Rhin ?

En effet, les classes bilangues ont permis de relever de 10 à 15 % le nombre d’élèves qui étudiaient l’allemand, dans la mesure où elles n’étaient accessibles qu’aux élèves étudiant l’allemand et l’anglais.

La suppression des classes bilangues entraînerait donc une baisse du nombre d’élèves apprenant la langue allemande, ce qui pourrait remettre en cause les diplômes de langue, les jumelages, les échanges scolaires ou le travail de l’Office franco-allemand pour la jeunesse.

C’est d’ailleurs l’avis qu’a exprimé Mme Wasum-Rainer, ambassadeur d’Allemagne en France, mais je crois, madame la ministre, que les avis des uns et des autres vous importent peu tant vous êtes drapée dans vos certitudes et votre refus de voir la réalité en face.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Monsieur le député Guénhaël Huet, je n’ai pas l’impression d’être dans le seul discours. D’ailleurs, ce que vous me reprochez, c’est précisément d’agir. Oui, je vous confirme que je mets en cohérence notre volontarisme, notre idéal d’une école qui permettrait au maximum d’élèves de réussir et pas seulement à quelques-uns, avec nos actes. Le temps de la consultation est derrière nous et l’heure est aujourd’hui largement venue de mettre en œuvre cette réforme, appelée, je le redis, sur chacun des bancs de cette Assemblée. Partout un constat commun a été fait sur la nécessité d’avancer, de réformer.

Je ne suis pas omnisciente, monsieur le député, et j’approuve le principe d’une évaluation régulière. S’il advenait dans quatre ou cinq ans que cette réforme du collège ne vous convainque pas, libre à vous de la revoir.

M. Guénhaël Huet. Dans deux ans !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Nous allons faire de même avec la réforme du lycée que vous avez mise en œuvre et que j’évoquais tout à l’heure. S’il ressort de son évaluation qu’elle n’a pas été efficace sur le seul plan qui nous intéresse, à savoir la réussite des élèves, il ne faudra pas s’interdire de la repenser. Il ne faut avoir aucun tabou vis-à-vis du système scolaire : lorsqu’une réforme ne donne pas les résultats escomptés, il faut en tirer les conséquences et avancer.

Pour ce qui est des langues vivantes étrangères, je crois avoir déjà tout dit. Cessez, s’il vous plaît, de parler de suppression des classes bilangues quand la réforme du collège 2016 les généralise. Le « bilanguisme », cette possibilité de pratiquer précocement deux langues, sera offert non plus à 15 % des élèves en classe de sixième mais à 100 % en classe de cinquième.

Vous vous demandez sans doute pourquoi l’on n’a pas généralisé la pratique de deux langues à tous les élèves en classe de sixième. C’est un choix, tout simplement. Je note aujourd’hui que c’est votre idéal, ce que vous souhaiteriez faire si un jour vous revenez aux responsabilités. Cela étant, quelle ne fut pas ma surprise de constater que, dans le contre-projet qu’une personnalité de votre formation politique m’a, enfin présenté, la langue vivante 2 avait tout simplement disparu du programme enseigné à l’ensemble des collégiens ! Je vous avoue ne pas toujours bien vous suivre. Accordez-vous de l’importance au fait de maîtriser tôt dans la scolarité deux langues vivantes ? Si c’est le cas, vous ne pouvez qu’approuver notre démarche. Ou bien considérez-vous qu’il faille le réserver à quelques-uns, voire en supprimer la possibilité pour la grande majorité des collégiens ? Auquel cas, nous n’arriverons jamais à nous retrouver.

Je conclurai en rappelant qu’un délégué ministériel à la promotion de l’allemand sera nommé. Il veillera, en circulant d’académie en académie, à ce que les objectifs chiffrés que j’ai annoncés tout à l’heure soient respectés et que, en lien avec l’Office franco-allemand de la jeunesse, les jumelages entre écoles françaises et allemandes soient développés, car c’est la meilleure façon de rendre cet enseignement attractif.

Mme la présidente. Nous avons terminé la séance de questions sur la politique de l’éducation.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Allocution du roi d’Espagne Felipe VI ;

Débat sur l’évaluation du soutien public aux exportations.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly