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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 03 juin 2015

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Débat sur les négociations internationales sur le climat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les négociations internationales climatiques.

La Conférence des Présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties.

Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement.

Ensuite, nous procéderons à une séance de questions-réponses.

La parole est à Mme Danielle Auroi, première oratrice inscrite, pour le groupe écologiste.

Mme Danielle Auroi. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je suis très heureuse de participer à ce débat sur les négociations internationales relatives au changement climatique, à six mois de la Conférence de Paris sur le climat, et au moment où les négociateurs des 196 parties prenantes sont réunis à Bonn pour la préparer. Limiter le réchauffement climatique à une augmentation de 2° C à l’horizon 2100, voilà l’enjeu majeur pour notre pays, pour l’Europe et pour l’avenir économique, social et environnemental de toute la planète. Gouvernement, collectivités, associations, entreprises et citoyens, l’action est nécessaire à tous les échelons, la France l’a bien compris. Sous l’impulsion de son président, l’Assemblée prend toute sa place dans ces efforts, comme nous en avons ce soir la démonstration.

La commission des affaires européennes, que j’ai l’honneur de présider, est très active en la matière, ainsi qu’en témoigne le rapport d’information de nos collègues Bernard Deflesselles, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy. Le dernier rapport du GIEC est implacable. D’une part, les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent des niveaux record, d’autre part les épisodes climatiques extrêmes se multiplient et accentuent la vulnérabilité de nombreux écosystèmes, en particulier dans les pays les plus pauvres, avec le risque de millions de réfugiés climatiques – même si vous le savez comme moi, je me permets de vous signaler que les réfugiés climatiques sont déjà plus nombreux que ceux liés aux conflits.

La Conférence de Lima a souligné l’urgence d’agir. L’horizon peut s’éclaircir, et nous l’espérons encore à tout moment, car tout est mis en œuvre pour réussir. Ce défi, c’est aussi un espoir et un formidable potentiel d’innovations, d’emplois et d’initiatives pour développer une économie décarbonée. Sans elle, nous ne gagnerons pas cette bataille. Tous les secteurs – énergie, transport, habitat ou agriculture – doivent engager leur transition vers la sobriété et l’efficacité énergétiques. C’est le rôle des politiques de les y encourager, et cette volonté doit être suffisamment présente et forte.

Avec la loi sur la transition énergétique, la France montre sa volonté d’agir. Mais cela sera-t-il suffisant et assez rapide ? Saurons-nous tourner le dos au miroir aux alouettes que représente le nucléaire et développer enfin suffisamment les énergies renouvelables en France ? Nos banques arrêteront-elles de financer le secteur du charbon et des autres énergies fossiles ? Nos multinationales du secteur extractif et certains États où elles agissent deviendront-ils exemplaires, tant sur le plan humain que sur le plan environnemental ? L’heure de vérité se rapproche.

Au niveau européen, l’Union, hier très en pointe, semble s’être essoufflée. Le second paquet énergie-climat inspire des sentiments mitigés – j’ai déjà eu l’occasion de le dire ici – et le bilan fait à Riga ces jours-ci montre que notre volonté politique n’est pas forcément partagée au sein de toute l’Union européenne. Pour donner un nouveau souffle à ces ambitions, la construction de l’Union de l’énergie est cruciale, comme l’a été, en son temps, la Communauté du charbon et de l’acier. Des outils fiscaux communs efficaces s’imposent, qu’il s’agisse d’une taxe carbone européenne ou de la taxe sur les transactions financières qui ressemble plus à l’Arlésienne qu’à autre chose, alors que les pays en développement l’attendent depuis si longtemps. La conférence d’Addis-Abeba, sur le financement du développement, ne peut être utile et efficace que si les pays du sud sont rassurés sur la solidarité, y compris financière, des pays du nord.

Cette réalité est incontournable : les pays les plus pauvres et les plus vulnérables ont besoin d’aide et de transitions technologiques pour s’adapter au changement climatique. L’Europe et la France ont là des responsabilités historiques à assumer. Tenir nos promesses sans tergiverser constituerait un formidable message d’espoir. Des engagements concrets des pays riches, lors de la conférence sur le développement, permettront que la bataille de Paris puisse être gagnée. Si la bataille d’Addis-Abeba est perdue, celle de Paris sera mal engagée.

Soyons lucides, car il y a d’autres obstacles sur le chemin d’un accord ambitieux. Je ne reviens pas sur les climato-sceptiques, qui ont été relativement déboutés, me semble-t-il. Les producteurs d’énergies fossiles ont tout intérêt à nier l’évidence. Aux États-Unis, en Russie et dans les pays du Golfe, la rentabilité à court terme l’emportera-t-elle ? Les grands émergents, comme le Brésil et l’Inde, voudront-ils freiner leur croissance, alors que les transferts de technologies vertes de la part des pays développés se font attendre ? Certes, la Chine développe massivement ses renouvelables, mais ira-t-elle au-delà de son accord avec les États-Unis, s’il n’y a pas de signaux de notre part ? En Europe, ceux qui se battent pour maintenir le charbon ou pour nier les risques du nucléaire ne préféreront-ils pas continuer d’acheter une énergie qui vient d’ailleurs ?

En cette semaine européenne du développement durable, tous les pays de l’Union doivent se mobiliser sur ce sujet. C’est cette mobilisation, aussi bien citoyenne qu’étatique, et la détermination de tous pour réussir la COP 21 qui nous permettront de franchir une étape de cette construction ; les écologistes seront au rendez-vous, vous le savez bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, pour prendre la mesure des enjeux des négociations internationales sur le climat dont la COP 21 à Paris en décembre constitue le point d’orgue, il existe un document de référence : le cinquième rapport du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, rendu public en novembre dernier. Il comporte des éléments de confirmation et des données nouvelles. Quatre scénarios sont élaborés et le plus probable est le plus pessimiste, qui table sur une poursuite des émissions actuelles de gaz à effet de serre. Le précédent rapport proposait des projections pour le XXIsiècle. Le cinquième rapport intègre des prévisions décennales.

Pour aller vite, je relève quelques autres éléments nouveaux : la hausse du niveau des mers pourrait être plus importante que prévue ; des événements climatiques extrêmes plus intenses et plus fréquents pourraient survenir ; depuis trente ans, chaque décennie a été significativement plus chaude que la précédente. En bref, seul un scénario de réduction des émissions est en mesure de maintenir la hausse des températures sous le seuil des 2° C, ce qui implique de réduire nos gaz à effet de serre de 10 % par décennie. Tel est l’enjeu majeur des négociations en cours et de la Conférence de Paris.

La convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été signée par 195 pays. Tous ont intérêt à lutter contre le réchauffement climatique. Pour autant, trouver un accord et se fixer des engagements se révèle extrêmement compliqué. Les pays les plus développés ont apporté leur lot au dérèglement climatique. Entre 70 % et 80 % des émissions de gaz à effet de serre sont le fait d’une quinzaine d’États membres du G20. Les pays émergents, quant à eux, vivent souvent les exigences environnementales comme des contraintes et des freins à leur développement. Ils goûtent peu les leçons données par les pays développés, qui semblent leur dénier le droit à déployer leur potentiel de croissance selon le mode même qui a permis aux pays riches de le devenir. Il y a un bras de fer entre les grands émergents – la Chine et l’Inde –, l’Union européenne et les États-Unis.

L’envoyée spéciale des Nations unies pour le climat au sommet de Lima en 2014, Mary Robinson, déclarait : « Les gouvernements, au Pérou, ont fait le strict minimum pour garder le processus de négociations multimodal, mais ils n’ont pas fait assez pour convaincre que le monde est prêt à adopter un accord sur le climat ambitieux et équitable à Paris. » Pour prendre des engagements communs, il nous faudrait un monde de coopération. Or, nous sommes dans un monde de la compétition et de la concurrence. Pour gagner des parts de marché, il faut les arracher à d’autres. Pour vivre un peu mieux, il faut que d’autres vivent moins bien.

C’est un mode de production et de développement qui est en cause, fondé sur le dumping social, la main-d’œuvre à moindre coût, le productivisme et une consommation énergivore.  Les lois du marché  envahissent toutes les activités humaines, ce qui est contradictoire avec les exigences en faveur du climat et rend complexe les accords internationaux nécessaires. La situation en ce qui concerne le financement de la lutte contre le réchauffement climatique est, de ce point de vue, éclairante.

En décembre 2009, les États réunis à Copenhague avaient décidé de créer le Fonds vert pour le climat destiné à aider les pays en développement à financer des projets de réduction des émissions de carbone et d’adaptation aux changements climatiques. L’objectif fixé était de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. La collecte des fonds a eu beaucoup de mal à décoller. Il a fallu que les pays en développement et les ONG haussent le ton pour que le mouvement s’amorce, mais nous n’avons pas encore atteint la capitalisation initiale prévue de 15 milliards de dollars. Vingt et un pays ont annoncé leur engagement pour un total de 9,3 milliards de dollars. Ce financement constitue pourtant un facteur essentiel de la réussite ou de l’échec du sommet de Paris en décembre.

Les États-Unis se sont engagés à verser 3 milliards de dollars, le Japon 1,5 milliard, le Royaume-Uni 1,1 milliard, l’Allemagne et la France 1 milliard chacune. Mais il y a de grands absents, à commencer par la Commission européenne, prétextant qu’elle n’est pas membre du conseil d’administration du Fonds, et des nations aussi importantes que la Chine, l’Inde, le Canada, l’Australie, l’Irlande et la Belgique. Les pays développés peinent donc à s’engager ; certains s’y refusent. Dans le même temps, les pays en développement subissent les effets du réchauffement climatique et leur mode de développement est celui avec lequel il faudrait rompre.

Il y aurait pourtant sur cette question un moyen d’enrayer les inégalités et d’amorcer un nouveau mode de production et de coopération. Il pourrait reposer notamment sur une taxe sur les transactions financières. Elle servirait à financer l’adaptation au changement climatique et l’aide à un développement respectueux de l’environnement. Cette simple mesure changerait l’état des relations internationales. Un autre dispositif permettrait d’aller dans le même sens, en fondant les relations commerciales et les échanges sur les conditions de production, en favorisant celles qui respectent les engagements en faveur du climat. L’Union européenne aurait un rôle à jouer en ce domaine.

Je souhaite que la COP 21 débouche sur des résultats concrets, mais nous voyons bien les raisons qui pourraient en limiter la possibilité. Tout est question de volonté politique…

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Arnaud Leroy. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je suis, avec Jérôme Lambert et Bernard Deflesselles, l’un des co-rapporteurs du groupe de travail qui suit les négociations internationales climatiques, depuis le début de cette législature, dans une démarche transpartisane. Vous me permettrez de faire quelques observations d’un point de vue purement parlementaire. Nous assistons à une course de fond et, sans vouloir plagier la ministre de l’écologie dans ses interviews du week-end, notre mode d’élaboration des textes pour répondre à l’urgence touche, à mon sens, certainement à sa fin.

Nous sommes en train d’essayer de trouver une suite au protocole de Kyoto, signé par peu d’États, malgré une forte mobilisation. Je voudrais souligner l’aspect positif des démarches du Brésil notamment et de certains pays émergents, dans une conception nouvelle de la responsabilité commune mais différenciée. Mais l’interprétation qui est faite de cette responsabilité reste très stricte, lorsqu’il est question de financement. Ce sujet, à mon avis, constituera le point central des négociations de Paris, comme ce le sera aussi en premier lieu à Addis-Abeba et c’est l’accord sur ce point essentiel qui déterminera le succès ou l’échec de la COP 21.

Il faudrait aussi insister dans la négociation sur la solidarité, notamment générationnelle : Nous nous devons de laisser une planète vivable et exploitable à nos enfants et à nos descendants. Une partie de la jeunesse actuelle devra vivre avec les évolutions majeures du climat après les années 2040-2050.

S’agissant de la diplomatie parlementaire, qui me tient à cœur, je crois, madame la secrétaire d’État, que le temps est venu de se battre au niveau de l’UNFCCC – United Nations Framework Convention on Climate Change – pour qu’il y ait un volet parlementaire dans les négociations. Nous ne pouvons plus nous contenter d’enregistrer les traités, une fois qu’ils ont été approuvés. C’est aussi en tant que président, à l’échelle européenne, de GLOBE – une association internationale de parlementaires – et vice-président à l’échelle mondiale que je vous dis cela. Nous accompagnons depuis 1997 toutes les grandes conférences des partis et, à chaque fois, nos chefs de délégation nous disent leur surprise de ne jouer aucun rôle dans ces négociations.

Au regard de la dimension que prend la question climatique – indépendamment de la protection de l’environnement, il s’agit de redéfinir notre société –, vu son impact budgétaire et la mobilité qu’elle impose à certaines populations, je crois qu’il est temps de réserver un volet démocratique propre à cette question. J’aimerais, et j’en avais parlé avec le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, en marge d’un déplacement au Qatar, que la France soit la première à poser cette question : comment organiser une discussion parlementaire sur la négociation climatique ?

Je terminerai sur un autre aspect important : il ne faut pas faire de la Conférence de Paris le point d’arrivée final. Certes, ce sera certainement l’arrivée d’un nouveau régime, le post-Kyoto, et il y aura pour sûr un avant et un après Paris ; mais il faut que ce soit surtout le point de départ de quelque chose de nouveau. On le voit avec les négociations en cours, avec la place qu’y prennent les sociétés privées et avec les discussions sur l’agenda des solutions dans le cadre du quatrième pilier. Nous essayons ensemble de mettre autour de la table toutes les parties qui font société pour trouver un accord et une solution à un problème qui nous concerne tous. Au regard de cette nouvelle ouverture, ajouter un volet parlementaire, et donc démocratique, aux négociations climatiques est pour moi essentiel. C’est un souhait que je formule devant vous ce soir, madame la secrétaire d’État.

M. Jean Launay. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Audibert Troin, pour le groupe Les Républicains.

M. Olivier Audibert Troin. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la prochaine réunion sur le changement climatique, la COP 21, aura donc lieu à Paris, en décembre prochain. Elle doit préparer l’après-Kyoto, faisant suite aux réunions de Doha en 2012, de Varsovie en 2013 et de Lima en 2014 qui n’ont pas, reconnaissons-le, été couronnées d’un franc succès. Quelles sont les difficultés ? Quel est l’état des négociations ? Quelle doit être l’action de la France ? Voilà les trois questions que je vais aborder dans les cinq minutes qui me sont imparties.

Quelles sont les difficultés ? Il faut un outil juridiquement contraignant, différencié et universel. Mais iI n’y a pas de consensus à l’heure actuelle ni sur la nature – s’agirait-il d’un protocole ou d’un traité ? – ni sur le champ d’applicationde l’accord – objectifs chiffrés ou simples déclarations d’intention ? Il faut un outil universel, disais-je, un outil nouveau, différent de celui conçu à Kyoto, lequel n’a été appliqué que par 2 % des pays signataires. Il faut, cette fois-ci, inclure 196 pays dont les principaux émetteurs que sont la Chine, les États-Unis et l’Inde. Il ne peut s’agir que d’un outil différencié car si la responsabilité doit être commune, elle est aussi différenciée : il faut distinguer entre les pays en voie de développement et les pays développés, même si chaque pays doit tenir ses engagements à la lumière des circonstances nationales.

L’Union européenne est toujours à la pointe du combat. Elle l’a confirmé récemment avec l’adoption du quatrième paquet énergie-climat, en octobre dernier, qui prévoit une réduction de 40 % des émissions des gaz à effet de serre en 2030… Mais regardons les choses en face : elle ne représente que 11 % des émissions mondiales et rien ne peut se faire sans les États-Unis et la Chine, qui n’ont pas ratifié le protocole de Kyoto. L’accord sur le climat signé entre la Chine et les États-Unis du 12 novembre dernier est encore insuffisant : les États-Unis se sont engagés à réduire de 26 % leurs émissions de gaz à effet de serre par an en 2030, mais par rapport au niveau de 2005 et pas de 1990, ce qui, en réalité, ne représenterait que 10 % par rapport à cette date initiale. La Chine s’est seulement engagée à stabiliser ses émissions après 2030, sans prendre aucun engagement pour la période précédant cette date. Le fossé entre les pays en voie de développement et les pays développés n’a cessé de se creuser, notamment à cause des promesses non tenues des pays développées sur le Fonds vert qui doit servir à financer les programmes d’adaptation aux changements climatiques des pays en voie de développement : Il devrait être de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2030… Seulement 10 milliards ont été récoltés.

Deuxièmement, quel est l’état des négociations ? Tout le monde s’accorde à dire que celles-ci patinent : la Chine est encore très ambiguë sur sa volonté d’établir un accord durable ; il n’y a pas d’accord sur les sujets tels que le financement des efforts d’adaptation aux changements climatiques des pays en voie de développement, ni sur le transfert des technologies Nord-Sud, ni sur les moyens d’évaluation et de contrôle. S’agissant des contributions nationales, seulement trente-sept pays, représentant 31 % des émissions de gaz à effet de serre mondiales, dont les vingt-huit de l’Union européenne, ont soumis leur contribution, quatre pays du G20, dont l’Australie, la Chine et le Brésil, ne se sont toujours pas manifesté malgré leurs promesses de les remettre fin juin ! Plus de soixante-dix pays, dont l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Indonésie et les autres pays du G20, représentant plus de 32 % des émissions mondiales, se sont engagés à présenter leur contribution à la fin de l’année 2015… Mais rien n’est moins sûr. Près d’une dizaine de pays en voie de développement ne seront vraisemblablement pas en mesure d’en présenter une. Le texte examiné à Bonn en ce moment fait quatre-vingts pages : il faudrait arriver, à l’unanimité, à un texte de vingt pages maximum. La négociatrice française, Laurence Tubiana, reconnaît elle-même qu’au rythme actuel, on n’y arrivera jamais.

Troisième point : le gouvernement français doit donner l’image d’un réel consensus et d’une vraie volonté d’agir. Or la conférence de Bonn qui se tient en ce moment démontre aux yeux de tous les rivalités entre Mme Royal et M. Fabius – un grand quotidien du soir s’en faisait d’ailleurs l’écho hier. Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie anticipe l’échec des négociations et de la conférence de Paris, et prône un changement de méthode radical car elle considère que les négociations de l’ONU sont totalement inadaptées à l’urgence climatique. Ses dissonances avec M. le ministre des affaires étrangères et du développement international, qui a refusé en son temps la co-présidence de la COP21, enlève tout son poids à la France pour peser sur l’avenir des négociations. Il est temps d’harmoniser le propos, d’unir les compétences et les moyens afin que la voix de la France porte et s’impose lors des négociations. Notre pays devrait se focaliser sur les sujets qui bloquent vraiment : la nature contraignante de l’accord ; la question des financements et des contrôles ; l’appel des industriels qui demandent une approche réaliste et pragmatique menant à une tarification claire du carbone. Le Président de la République, qui a engagé depuis quelques mois une tournée diplomatique d’importance, doit montrer quels sont la stratégie et le choix de la France. Il ne pourra se contenter, en décembre, d’une simple synthèse entre ses deux ministres. De même, le gouvernement français doit se résoudre à parler haut, fort et clair, et d’une seule voix. À défaut, peu de progrès concrets sont attendus de la conférence de Paris, tout au plus un accord arraché à la dernière minute.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Jean Launay. Quel pessimisme !

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour parler des négociations climatiques, et une réflexion me vient d’emblée à l’esprit : comment ne pas faire la comparaison entre un hémicycle tout à l’heure plein à craquer lors de la réception du roi d’Espagne, même si c’est un événement politique important, et les quelques députés présents ce soir, certes représentant tous les groupes, pour un sujet essentiel qui concerne l’avenir de tous nos jeunes, l’avenir de notre pays, celui de l’Europe et du monde. Cherchez l’erreur… On voit bien toute la difficulté qui est la nôtre à aborder des sujets de long terme pour y entraîner la société et à ne pas être éblouis par les dorures du décorum.

Mme Jeanine Dubié. Très juste !

M. Bertrand Pancher. Je tiens évidemment, madame la secrétaire d’État, à vous remercier d’avoir accepté de participer à ce débat de façon à ce que nous puissions ensemble tirer des enseignements de ces négociations climatiques et voir comment on pourrait aller plus loin.

Traiter du dérèglement climatique, c’est raconter l’histoire d’une tragédie annoncée. Je suis persuadé qu’au siècle prochain, les historiens qui se pencheront sur les générations qui auront traversé ce drame, se diront : « Mais que s’est-il passé dans la tête des hommes dans ces sociétés dites développées alors qu’ils savaient ce qui allait arriver ? Il n’y avait en effet plus aucune controverse sur la question du réchauffement climatique. Ils avaient clairement identifié les moyens à mettre en œuvre. Pourtant, ils n’ont rien fait, ou alors beaucoup trop tard. »

Le phénomène est ancien. Sans remonter jusqu’à la conférence de Stockholm, le Sommet de la Terre à Rio, en 1992, avait déjà analysé ce problème. Et puis les conférences se sont succédé. Certes, il y a eu Kyoto, mais on a bien vu que peu d’États se sont engagés. Depuis 1990, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 50 %, et la communauté internationale parle, parle, parle… La conférence de Copenhague a été un échec. Il y a quelques jours, en écoutant Ségolène Royal, j’avais l’impression d’entendre mot pour mot Nicolas Sarkozy à la suite de cette conférence de Copenhague – j’y étais – quand il a dit que la communauté internationale devrait se mettre d’accord et qu’il faut changer de méthode. Depuis, la communauté internationale s’est tout de même ravisée, comprenant qu’il n’était pas possible de continuer ainsi. Les pays émergents ont heureusement cessé de faire porter la responsabilité sur les pays développés comme il y a quelques années, lorsqu’ils leur disaient : « C’est votre faute. Débrouillez-vous. » Car pendant ce temps, l’Himalaya fond, les crues du Gange envahissent tout. Il y a quand même une prise de conscience de la communauté internationale.

Après Cancún, Copenhague, il va y avoir le rendez-vous de la conférence de Paris. On en connaît bien les enjeux : aboutir à une somme de contributions de toute la communauté internationale ; parvenir à ce que ces engagements soient crédibles au regard de la trajectoire visant à ne pas dépasser les 2° C d’augmentation de température ; établir un mode de contrôle desdits engagements ; et évidemment le Fonds vert. Il ne suffit pas de clamer qu’il faut aller vers la transition énergétique tout en laissant les Africains, comme c’est le cas actuellement, augmenter leur production d’électricité au moyen de centrales à charbon. C’est sur tous ces points, madame la secrétaire d’État, que notre groupe jugera non pas de l’énergie de la France, car nous n’en doutons pas et nous sommes ici derrière le Président de la République, mais de celle de la communauté internationale. C’est mal parti : on devait recevoir toutes les contributions pour le mois de mars, et seuls quarante pays les ont rendues ; sur cette base, une règle de trois montre qu’on dépasserait tout de même l’augmentation de 2° C qui est visée, et on n’évoque pas de système de contrôle et de régulation. Quant au Fonds vert, les Africains et les habitants des îles du Pacifique attendent de savoir ce que cela va donner de façon à pouvoir s’engager dans cette vaste transition énergétique.

Nous soutenons la France. Nous espérons que la conférence de Paris sera un succès. Nous appelons cependant l’attention de tous et de toutes sur le fait que quel que soit son succès, celui-ci ne sera pas suffisant. Il faudra continuer à entraîner le monde, grâce vraisemblablement à une régulation des marchés. Ce sera une autre histoire. Je vous interrogerai d’ailleurs dans quelques minutes sur les initiatives que notre pays pourrait prendre dans ce domaine.

Mme Jeanine Dubié et M. Olivier Audibert Troin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Claireaux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, permettez-moi tout d’abord, au nom des députés du groupe des radicaux de gauche et apparentés, de remercier à la fois la commission des affaires européennes et les députés du groupe écologiste pour l’organisation de ce débat sur les négociations climatiques internationales. Les députés du groupe RRDP sont convaincus de l’importance de la réussite des négociations internationales pour répondre aux dérèglements climatiques.

Pourtant, le développement durable et le changement climatique sont des thèmes parfois un peu relégués au second rang, et pour une raison simple : ce sont des enjeux de long terme. Notre débat de ce soir doit nous donner l’occasion de réaffirmer qu’aujourd’hui, après le rapport Stern et le cinquième rapport du GIEC, le constat scientifique et économique est clairement établi : le dérèglement climatique est préoccupant et y faire face nécessite une volonté politique forte aux niveaux français, européen et international.

À l’échelle mondiale, la concentration de CO2 dans l’atmosphère a augmenté de 40 % depuis 1750 et de 20 % depuis 1958. Le phénomène s’accélère et provoque un bouleversement généralisé de notre environnement, aux conséquences graves : inondations, sécheresses, tempêtes, menaces sur les régions côtières, pour l’agriculture, développement des flux migratoires, conflits : les risques sont avérés, nombreux et considérables.

À quelques semaines de la conférence d’Addis-Abeba, étape majeure dans la perspective du rendez-vous crucial qui aura lieu à Paris en décembre 2015, le piétinement des négociations nous montre l’ampleur de la tâche à accomplir.

La France a une responsabilité particulière dans la réussite du sommet, d’abord parce que nous allons accueillir et présider la COP 21, mais aussi, de manière plus générale, parce qu’avec les autres pays industriels européens et occidentaux, nous sommes collectivement responsables de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis 1750. L’histoire nous oblige.

Mais nous ne sommes pas les seuls responsables. Aujourd’hui, la part de la Chine dans les émissions mondiales est d’environ 22 %, celle des États-Unis de 13 % et celle de l’Union européenne de 9 %. Nous avons fait des efforts, les autres doivent en faire aussi. Il conviendra donc d’accroître nos exigences ensemble. En novembre dernier, la Chine et les États-Unis ont annoncé, dans la perspective de la préparation de la Conférence de Paris, des mesures encourageantes en vue d’une réduction de leurs émissions respectives. C’est un petit pas important.

Nous constatons et saluons l’action ambitieuse du Président de la République et de la diplomatie française en vue de réussir les négociations. Les efforts déployés sont considérables, d’abord pour convaincre nos partenaires européens de la nécessité de définir un accord ambitieux dès le Conseil européen du mois d’octobre, ensuite pour trouver des compromis à la fois équitables et efficaces. S’agissant par exemple du paquet énergie-climat, nous partageons les regrets des associations et des grandes voix françaises sur le fait que le troisième objectif indicatif, visant à une amélioration d’au moins 27 % de l’efficacité énergétique par rapport aux projections courantes, avec un réexamen d’étape en 2020, ne soit pas contraignant. Certains y voient un recul inadmissible ; toutefois, nous pensons qu’un compromis solide est préférable à une absence d’accord – d’autant que les clauses de revoyure permettront de rectifier le tir.

Dans le compromis européen, nous avons tenu compte de la situation des États les plus en retard, en prévoyant des mécanismes de flexibilité et de solidarité. Les États membres dont le PIB par habitant est inférieur à 60 % de la moyenne de l’Union et dont la part de ressources fossiles dans la production d’énergie est plus importante, pourront accorder des quotas gratuits d’émissions de CO2 à leur secteur de l’énergie et bénéficier de financements pour des projets d’amélioration de l’efficacité énergétique. Quant aux États qui ont des interconnexions énergétiques déficientes, des financements supplémentaires sont prévus.

Cette méthode nous semble opérante. Notre expérience et nos réussites dans les négociations européennes nous aideront pour rechercher un accord équilibré au plan international.

Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je voudrais affirmer notre attachement à l’exigence de justice, et donc à la prise en considération des différences de richesse qui existent entre les États. Si nous ne devons pas être naïfs, et si tous les États devront au final diminuer leurs émissions de CO2, les efforts seront équitables et équilibrés, ou ne seront pas. Il ne s’agit en aucun cas d’imposer aux pays en développement des contraintes insoutenables.

Pour conclure, je veux également réaffirmer notre attachement aux questions agricoles, trop souvent minorées alors qu’elles sont vitales. En Europe, nous avons réussi à convaincre que l’agriculture disposait d’une situation spécifique et d’un moindre potentiel en matière de réduction des gaz à effet de serre. Des améliorations remarquables de l’efficacité énergétique ont déjà été obtenues ; d’autres sont possibles, et il convient de soutenir la recherche sur le sujet, mais nous sommes convaincus qu’il faut savoir hiérarchiser nos exigences et ne pas nous déconnecter des acteurs de terrain, qui vivent au quotidien dans la nature et l’entretiennent pour nous.

Madame la secrétaire d’État, nombreux sont les acteurs mobilisés pour trouver les voies étroites de l’accord universel auquel nous voulons aboutir. Nous saluons la belle détermination du Gouvernement et de la diplomatie française sur le sujet. Sachez que vous pourrez toujours compter sur notre soutien pour vous donner toutes les chances de réussir. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Sergio Coronado, dernier orateur inscrit.

M. Sergio Coronado. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, chers collègues, je tiens en premier lieu à remercier mes collègues Bernard Deflesselles, Jérôme Lambert et Arnaud Leroy – lequel, ayant d’autres obligations, a malheureusement dû nous quitter – pour la qualité de leur travail, qui nous a permis de prendre connaissance de l’état des négociations internationales relatives au changement climatique. Ces négociations, cela a déjà été souligné, sont difficiles à décrypter, mais leur travail souligne à quel point la situation que nous avons à affronter est grave.

Le rapport qu’ils ont rendu public il y a quelques semaines note à juste titre que la dix-neuvième conférence des parties, la COP 19, qui s’était tenue à Varsovie, fut une conférence d’étape – étape qui, je le rappelle, s’est soldée par un échec, l’omniprésence des lobbies et des intérêts privés ayant poussé les ONG, les syndicats et les mouvements sociaux et citoyens à quitter la conférence.

Six mois après la conférence de Lima, où les États parties n’ont pas réussi à s’entendre sur l’idée d’une justice climatique et d’une répartition équitable de l’effort à fournir dans la lutte contre le réchauffement global, et six mois avant la conférence du Bourget, se déroule en ce moment même à Bonn une étape-clé des négociations climatiques. Les 195 États signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques tentent d’avancer sur la voie d’un préaccord mondial pour contenir la hausse de la température moyenne à 2° C par rapport à celle de l’ère préindustrielle. Alors que seulement trente-huit États ont soumis leur contribution chiffrée, il apparaît difficile de penser qu’ils réussiront en une dizaine de jours à s’accorder sur les points de tension qui subsistent encore, là où les conférences sur le climat de Bali en 2007 et de Copenhague en 2009 ont échoué. Ma collègue Danielle Auroi l’a rappelé : l’Union européenne a proposé des objectifs ambitieux, mais qui ne trouvent que peu d’écho, notamment chez les acteurs majeurs que sont l’Australie ou le Brésil.

Les grandes institutions internationales, au premier rang desquelles l’Organisation des Nations unies, la Banque mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques et le Fonds monétaire international, dont la présidente a déclaré que les subventions aux énergies fossiles étaient un gâchis pour la planète, s’accordent, elles aussi, à reconnaître l’urgence de la situation.

Laurence Tubiana, l’ambassadrice chargée des négociations pour la France, et Laurent Fabius, qui présidera les travaux de la conférence de Paris, sont manifestement peu optimistes. La première reconnaît que les contributions ont pris du retard et qu’il n’y aura pas de miracle à Bonn, tandis que le ministre des affaires étrangères avoue à demi-mot qu’il est fort probable que la somme des contributions dépasse en réalité les 2° C.

Le texte, dont la longueur – une centaine de pages – semble en cause, ne permet pas d’avancer efficacement. Ban Ki-moon lui-même a admis qu’un texte d’accord international ne devait pas dépasser une vingtaine de pages ! Il serait donc nécessaire que les gouvernements adressent des instructions claires à leurs négociateurs afin d’élaguer le texte sur lequel se baseront les négociations de la conférence de Paris.

Mme Tubiana a récemment déclaré à Barcelone, dans le cadre de la « Carbon Expo », que si l’on n’arrivait pas réduire la longueur du texte avant la fin de l’été – ce qu’elle ne souhaite bien évidemment pas –, la France serait prête à élaborer un document de travail qui s’imposerait comme base de négociation à Paris. Elle a certes nuancé son propos entre-temps, mais sa déclaration était claire. Dans le même esprit, Ségolène Royal a récemment mis en cause le fonctionnement des négociations onusiennes en raison de leur lenteur inadaptée à l’urgence de la situation ; selon elle, le mode opératoire de ces négociations serait même un frein. Il ne semble pas que la ministre de l’environnement se soit exprimée sur un coup de tête, aucune déclaration n’étant venue infirmer son propos. Ce dernier a troublé, certes, mais il n’est pas totalement isolé : Helen Clark, administratrice du Programme des Nations unies pour le développement et ancienne chef de gouvernement de la Nouvelle-Zélande, estime ainsi que le ministre des affaires étrangères devrait déclarer publiquement à Bonn qu’il est impératif de trouver un préaccord sur lequel se baser.

La situation est grave, mais elle est aussi quelque peu confuse. Il serait nécessaire qu’à six mois de la conférence de Paris, le Gouvernement explicite très clairement, et d’une seule voix, sa stratégie ; j’espère, madame la secrétaire d’État, que vous allez nous aider à comprendre celle-ci en nous disant ce que le Gouvernement compte faire en cas d’absence de préaccord. Comme l’a rappelé Arnaud Leroy, plusieurs hypothèses circulent : il y a la proposition du Brésil de classer les pays suivant des cercles, il y a la procédure classique des conférences des parties, et puis il y a la proposition, quelque peu brutale mais néanmoins intéressante, de Ségolène Royal de produire un texte national qui servirait de base à la négociation.

Mes chers collègues, comme le Premier ministre le soulignait en février en évoquant la COP 21, la France doit montrer l’exemple. Il faut commencer par montrer la voie en disant quel chemin nous souhaitons emprunter pour que la conférence de Paris soit un succès. Il y va de l’avenir de l’avenir de la planète et de la lutte contre le réchauffement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Bertrand Pancher. Applaudie sur tous les bancs !

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je veux tout d’abord remercier, à mon tour, le groupe écologiste et la commission des affaires européennes de nous offrir l’occasion de débattre des négociations internationales sur le climat et de la conférence Paris Climat 2015, aussi appelée « COP 21 ».

Ce débat s’inscrit dans la continuité de la mobilisation de votre assemblée sur la question climatique. Les nombreux rapports que vous avez rédigés et les auditions que vous avez menées ont permis d’engager un dialogue régulier et approfondi avec les ministres et leurs équipes, aujourd’hui chargées de la négociation. La présence de parlementaires au comité de pilotage de la COP 21 est ainsi le signe de la volonté du Gouvernement d’associer le Parlement à ce travail. Je tiens à féliciter, à mon tour, les trois rapporteurs pour la qualité du rapport d’information qu’ils ont présenté, au nom la commission des affaires européennes, sur les négociations internationales relatives au changement climatique. Je voudrais, comme vous m’y avez invitée, profiter de ce débat pour vous rendre compte de l’état de la négociation, six mois avant le début de la conférence de Paris.

La volonté de la France est de construire ce que nous appelons « l’alliance de Paris pour le climat ». Cette alliance repose sur quatre piliers.

Le premier est le texte que nous négocions actuellement, et qui est aujourd’hui en discussion à Bonn. Vous l’avez dit : ce texte est bien trop long. Il convient de le simplifier, de le raccourcir et de trouver des compromis sur les grandes questions politiques qui demeurent en suspens. Je pense notamment à la forme juridique de l’accord – certains d’entre vous en ont parlé ; sur ce point, notre objectif est bien, comme vous l’avez appelé de vos vœux, monsieur Audibert Troin, d’aboutir à un accord universel et contraignant. D’aucuns estiment que c’est optimiste, mais nous ne pouvons pas nous permettre, aujourd’hui, de ne pas l’être.

Le deuxième pilier, ce sont les contributions nationales. Les premières ont été publiées en mars dernier ; ce fut notamment le cas de celles de l’Union européenne, des États-Unis et de la Russie, mais aussi de celle du Gabon. Une nouvelle série est attendue en juin et nous espérons le reste pour septembre au plus tard, l’objectif étant de faire un point aux alentours de la fin septembre. Ces contributions sont fondamentales, car elles contiennent les objectifs et les engagements des États pour lutter contre le dérèglement climatique.

On ne le dit pas assez : disposer de contributions de la part de tous les États est une grande première. On peut éprouver des craintes, estimer que le travail sera long et difficile, mais il convient de se réjouir à chaque fois que l’on franchit une nouvelle étape – et celle-ci est particulièrement importante. Ce sera en effet, je le répète, la première fois que tous les États apporteront une contribution à la négociation officielle : les pays émetteurs, bien entendu, y compris la Chine et les États-Unis – il faut s’en féliciter car c’est un signal extrêmement positif –, mais aussi les pays africains ; cela signifie que les pays les plus fragiles sont aujourd’hui au rendez-vous de la responsabilité, et c’est un très beau symbole que de voir ces pays s’inscrire dans la logique de la lutte contre le réchauffement climatique alors même qu’ils ont très peu contribué au dérèglement climatique, dont ils sont souvent les premières victimes.

Vous avez raison, monsieur Audibert Troin : on peut s’interroger sur le fait de savoir si ces contributions permettront de respecter l’objectif d’une hausse des températures limitée à 2° C que nous nous sommes fixé et dont le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a souligné l’importance. Il est encore trop tôt pour le savoir, car, à ce jour, trop peu de contributions ont été déposées ; il manque notamment celle de la Chine, actuellement le plus gros émetteur de gaz à effet de serre.

Une chose est certaine : nous avons besoin de cette « alliance de Paris », qui nous fixera un cadre pour revenir progressivement dans la bonne trajectoire. Tel doit être notre objectif : que la conférence de Paris nous remette sur la trajectoire idoine pour atteindre l’objectif des 2° C.

Le troisième pilier, c’est bien sûr celui du financement – et l’on pourra aussi, monsieur Pancher, juger les négociations à cette aune. Le Président de la République l’a rappelé il y a quelques jours en Allemagne : sans avancée sur les financements, il n’y aura pas d’accord à Paris. Nous avons, vous l’avez rappelé, fait une promesse à Copenhague : mobiliser 100 milliards de dollars de fonds publics et privés à partir de 2020 pour les pays en développement. C’est un engageant que nous devons tenir. Nous le devons aux plus vulnérables, nous le devons à ceux qui ont lancé avec nous l’appel de Manille ou encore l’appel de Fort-de-France, il y a quelques semaines – le Président de la République s’y était rendu. Les financements seront vraiment l’élément important de cette négociation, et pas seulement de celle-ci. Je suis d’accord avec la présidente de la commission des affaires européennes : le financement, c’est aussi la question de la conférence d’Addis-Abeba, qui se tiendra au mois de juillet. Ce fut souvent discuté mais je suis aujourd’hui heureuse de savoir qu’il est presque partout admis que la conférence d’Addis Abeba est une étape déterminante sur la voie de l’accord de Paris – d’ailleurs, cette voie passera aussi par New York.

Sur cette question des financements, nous avons, de notre côté, fait des progrès. Ainsi, l’Agence française de développement a consacré plus de 2,5 milliards d’euros au climat et, vous le savez, elle contribue à hauteur de 1 milliard de dollars sur quatre ans au financement du Fonds vert pour le climat. Le compte n’y est pas encore, c’est évident, et loin de moi l’idée de dire que nous avons fait la plus grande part du chemin, au contraire ! Sur cette question, notre diplomatie est active et engagée. Elle travaille à mobiliser les banques de développement et les pays industrialisés, mais aussi le secteur privé. Et, bien entendu, nous travaillons sur la question des financements innovants.

Le quatrième pilier, c’est l’agenda des solutions. C’est aussi quelque chose de totalement nouveau, la mobilisation de tous les acteurs, les entreprises, les ONG, bien sûr, et les collectivités territoriales, est importante – il faut le répéter. Le défi, c’est de réussir aussi, à Paris, une mobilisation générale sur le climat pour que nous puissions atteindre nos objectifs, car il est évident que les États ne pourront y parvenir seuls. Plusieurs réunions ont eu lieu ou auront lieu, à Paris, à Lyon et à Marseille, mais aussi à l’étranger, qui concrétisent cette mobilisation et montrent que la dynamique est là. C’est la première fois que nous assistons à une mobilisation d’une telle ampleur, je souhaite le rappeler aux plus pessimistes d’entre vous, car c’est le signe que la société est prête à agir, prête à s’engager, et elle nous le dit.

Le sommet des entreprises de la mi-mai a permis des avancées. Je pense par exemple à Axa, qui a fait des annonces et qui va stopper ses investissements dans le charbon, ce qui représente 500 millions d’euros. Je pense également à des entreprises comme Unilever ou Carrefour qui s’engagent à réduire la déforestation ou à ne plus utiliser dans leur chaîne de production des produits qui en sont issus, par exemple, dans l’agroalimentaire. Voilà aussi qui est totalement nouveau.

Il est clair que ce n’est qu’un début. Laurent Fabius, Ségolène Royal et moi-même avons appelé les entreprises, les grands secteurs économiques, à prendre leurs responsabilités en prenant des engagements, rendus publics avant la conférence de Paris. Il est important que l’on trouve également, sur cette trajectoire des 2° C, des collectivités et des entreprises aux côtés des États. Dans le même esprit, la réunion de Marseille – la MEDCOP21 – et celle de Lyon au mois de juillet permettront, je l’évoquais, de mobiliser les collectivités territoriales. Celles-ci seront au rendez-vous, elles l’ont déjà annoncé. Cet agenda des solutions, c’est le moyen pour tous de s’inscrire dans la perspective de l’après-carbone.

Je veux aussi, en tant que secrétaire d’État au développement, insister sur un point. Le changement climatique est un fardeau pour les plus pauvres, un poison pour le développement. Dans le cadre de l’organisation de la COP21 et de sa préparation par le Gouvernement, je suis chargée du dialogue avec les pays les plus vulnérables, les petites îles, et, bien sûr, l’Afrique, qui font face à des défis colossaux en termes d’éducation, de santé, d’accès à l’énergie et de sécurité alimentaire. Je suis allée sur le terrain à la rencontre de ces pays pauvres, isolés, qui n’ont ni la force ni la voix des grandes puissances. Ils n’ont pas pollué, ou presque, mais ce sont les premières victimes du changement climatique. Certains sont menacés dans leur existence même. Je pense aux Samoa, dans le Pacifique, où je me suis rendue, et où des villageois m’ont expliqué qu’ils avaient déjà déplacé leur village trois fois en cinquante ans ! Ils nous demandent aujourd’hui notre soutien. Je les entends. Il faut les entendre, et c’est d’abord à ces pays que doivent bénéficier les financements climat.

La France s’est ainsi mobilisée, il faut le signaler, pour que 50 % des ressources du Fonds vert puissent servir à l’adaptation, dans ces pays qui en ont besoin parce que les conséquences du dérèglement climatique y sont gravissimes. Au Sahel, le dérèglement climatique tue déjà, silencieusement, des milliers de personnes étant victimes, tour à tour, des sécheresses et des inondations. Les plus exposés sont notamment, vous avez raison, monsieur Claireaux, les agriculteurs, et ils demandent eux aussi que nous puissions leur proposer des solutions durables et les accompagner.

Si nous n’atteignons pas notre objectif, le réchauffement climatique, plusieurs orateurs l’ont déjà dit, entraînera demain d’autres inondations, d’autres sécheresses, de grandes migrations. La question des migrations est aujourd’hui centrale, mais nous savons pertinemment qu’elle est loin d’être réglée si le dérèglement climatique se poursuit. Il y aura aussi des déplacés, ce qui pose la question de savoir ce qu’est un déplacé, un réfugié climatique et la manière dont il convient de le considérer. Ce seront aussi là autant de menaces pour la paix. Que le réchauffement ne dépasse pas ces deux petits degrés conditionne donc l’équilibre géopolitique de notre planète.

En 2015, nous devons, il est nécessaire de le rappeler, nous fixer l’objectif de construire un monde à zéro carbone et zéro pauvreté. C’est l’objectif de tous ces grands rendez-vous de 2015, notamment la conférence sur le financement du développement qui aura lieu à Addis Abeba au mois de juillet. Si les pays les plus démunis, les plus vulnérables sont au rendez-vous de la responsabilité, nous devons être au rendez-vous de la solidarité et nous montrer à la hauteur de ce qu’elle exige. Ce sera aussi l’enjeu du sommet spécial sur le développement durable qui se tiendra à New York en septembre 2015 et sera l’occasion de définir des objectifs de développement durable, l’agenda post-2015. Ce sera enfin, bien sûr, l’enjeu de la conférence de Paris, au mois de décembre.

Mesdames et messieurs les députés, ces négociations sont longues, vous l’avez dit, elles sont compliquées, parfois incompréhensibles aux yeux du grand public. Elles n’en sont pas moins essentielles. Pour les petits pays, pour les sans voix du climat, l’ONU, malgré toutes les critiques que j’ai pu entendre, reste la seule tribune, aujourd’hui, où se faire entendre. Nous voulons un accord écrit par tous et pour tous. C’est un exercice diplomatique difficile et exigeant, mais c’est la condition nécessaire pour ne pas répéter Copenhague, où l’on avait tenté de conclure en une nuit des discussions qui duraient depuis plus de deux ans. La France ne souhaite pas que cela se reproduise.

Nous, les différents ministres qui travaillons sur le climat, Laurent Fabius, Ségolène Royal et moi-même, parcourons le monde, échangeons avec les différents gouvernements, rencontrons sur le terrain les victimes du dérèglement climatique, mais trouvons aussi des solutions. Nous avons une responsabilité énorme, mais nous avons aussi une chance inouïe. Le Gouvernement, le Président de la République sont mobilisés, la volonté politique est là, je puis ici vous l’affirmer. Les citoyens sont aussi mobilisés, certains l’ont dit, et ils seront nombreux, j’en suis persuadée, à participer au débat citoyen planétaire sur le climat qui aura lieu le 6 juin prochain. Nous avons donc la capacité, j’en suis convaincue, de réussir la plus grande conférence internationale que la France ait jamais accueillie.

Je veux évoquer, même si M. Leroy n’est plus parmi nous, le rôle des parlementaires. La diplomatie parlementaire existe déjà. En votant des lois sur le climat, cette diplomatie inscrit la question à l’agenda de nombreux pays. Le forum parlementaire Globe International en est l’outil. Plus encore, la participation des parlementaires permet de faire avancer les échanges entre parlements et entraîne déjà des évolutions, comme on le voit en Inde ou au Brésil. Ces échanges, je les reconnais et je souhaite que nous puissions les approfondir. Il faut travailler ensemble, c’est évident. C’est d’ailleurs pour cela que les parlementaires sont aussi associés aux réunions du comité de pilotage de la COP21. Les échanges que nous avons ce soir, et qui vont se poursuivre avec vos questions, sont aussi extrêmement importants, et je serai toujours au rendez-vous si vous voulez approfondir ces questions.

Il nous reste 200 jours qu’il nous faut tous mettre à profit pour la réussite de la conférence de Paris, pour faire que la mobilisation soit encore plus large que celle que nous connaissons actuellement. Nous voulons travailler en toute transparence avec le Parlement, sous le regard des peuples et sous le jugement de leurs représentants. En effet, c’est vous, députés, qui aurez au bout du compte votre mot à dire, puisqu’en France, c’est bien le Parlement qui autorise la ratification des accords et traités internationaux. Je me félicite déjà de notre échange de ce soir, qui va se poursuivre avec vos questions, mais, pour ma part, je vous l’ai dit, je resterai à votre disposition pour poursuivre le dialogue.

Je reste optimiste. Je me dois de l’être, c’est ma mission. Vous savez, quand on voit sur le terrain, en Afrique, tant de solutions qui n’attendent que d’être développées à une autre échelle, on ne peut qu’être empli d’espoir quant à ce que nous pourrons faire à Paris ! (Applaudissements sur l’ensemble des bancs.)

Mme la présidente. Nous en venons aux questions. Je vous rappelle que leur durée, ainsi que celle des réponses, est limitée à deux minutes.

La parole est à M. Sergio Coronado, pour le groupe écologiste.

M. Sergio Coronado. Madame la secrétaire d’État au développement et à la francophonie, le Gouvernement a ouvert aux entreprises la possibilité de contribuer financièrement à l’organisation de la conférence climat qui se tiendra au mois de décembre prochain. Elles pourront en contrepartie apposer le logo de la COP21 sur l’ensemble de leurs supports de communication et ainsi, pour quelques dizaines de milliers d’euros, s’offrir une image de sociétés qui s’engagent dans la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique. Or, sur la liste d’entreprises publiée la semaine dernière par le Gouvernement, figurent notamment des membres du lobby en faveur du gaz de schiste, une compagnie aérienne opposée à la réduction des émissions de CO2, la première banque française en termes de soutien au charbon, comme l’a rappelé ma collègue Danielle Auroi, et les responsables de plus de la moitié des émissions françaises de CO2.

Le ministre des affaires étrangères a justifié ce recours au mécénat des entreprises par la recherche d’une réduction de coût pour le contribuable français. L’organisation de la COP21 coûtera environ 180 millions d’euros à l’État. En ouvrant aux entreprises la possibilité de sponsoriser l’événement, le Gouvernement espère récupérer 20 % de la somme, soit 34 millions d’euros dans les caisses de l’État.

À titre de comparaison, le financement du prochain Euro 2016 coûtera 700 millions d’euros aux contribuables, soit quatre fois le budget de la COP21. Il aurait été envisageable d’affecter une part de ces crédits à l’organisation de cette conférence. L’argument budgétaire ne tient donc pas, d’autant que certains des grands groupes figurant sur cette liste, au-delà de leur engagement tout relatif pour le climat, sont loin d’être exemplaires en matière fiscale. Nul ne conteste, madame la secrétaire d’État, la nécessité d’engager les entreprises dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais, vous le savez, comme le crédit d’impôt compétitivité emploi l’a montré, sans mécanisme de contrepartie, les entreprises ont un peu de mal à jouer le jeu.

Personne ne souhaite que la COP21 ressemble à l’Exposition universelle de Milan cette année, dont le thème est « nourrir la planète, énergie pour la vie », alors que l’événement est trusté par Coca-Cola et les firmes de restauration rapide, et dont le site, qui plus est, a été pris sur des terres agricoles ! Vous avez dit, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement a invité les entreprises à prendre leur part à l’effort collectif dans la lutte contre le réchauffement climatique. Le Gouvernement a-t-il au moins prévu à cet effet que les entreprises signent une charte d’engagements avec un calendrier de diminution des émissions de gaz à effet de serre ou s’agit-il encore simplement d’un vœu, et, comme souvent en pareil cas, d’un vœu pieux ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Monsieur le député, vous m’interrogez sur le mécénat des entreprises. Nous voulons que la conférence de Paris soit élégante et sobre, tant en carbone qu’en argent public. Le coût budgétaire de cette manifestation s’élève à 170 millions d’euros pour l’État, réserves déduites.

Il est vrai que l’État a fait appel au mécénat des entreprises. Nous estimons que pour accueillir dans de bonnes conditions les 196 délégations, il nous faut 170 millions d’euros. Nous avons choisi de permettre un certain nombre de mécénats. Toutes les entreprises s’étant proposées n’ont bien sûr pas été retenues.

Vous me demandez si des contrats seront signés avec les entreprises concernées, et si elles auront de quelconques obligations. Oui, nous avons demandé que leurs propres engagements en matière de lutte contre le dérèglement climatique soient publiés. Certaines participent financièrement, directement, d’autres sous forme de participations matérielles – je pense, par exemple, au système de chauffage à haute performance énergétique fourni par Engie, ou aux 200 véhicules électriques fournis par Renault-Nissan. Aurions-nous dû refuser ces participations, ou les assortir de davantage de conditions ? Je ne crois pas. Je crois que nous sommes dans un élan, où il est important que chacun puisse s’engager.

Si la conférence de Paris ne réunissait que les pays très engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique, nous ne serions pas très nombreux : je crois que c’est la même chose pour les entreprises. Il s’agit de considérer que toutes celles qui apportent leur contribution à la conférence de Paris s’engagent dans un processus et se mobilisent pour nous aider à faire advenir le monde plus juste, plus durable, plus équitable, que nous voulons construire tous ensemble. Nous ne faisons pas « d’éco-blanchiment» – j’utilise ce néologisme puisque, comme ministre de la francophonie, je dois éviter les anglicismes.

Nous n’acceptons pas tous les mécénats. De plus, le fait que nous acceptions l’aide de telle ou telle entreprise n’implique pas que nous approuvions la totalité de ses actions passées, présentes et futures ! Mais, en tout état de cause, nous estimons que nous avons besoin des entreprises dans la dynamique enclenchée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la secrétaire d’État, l’une des questions à l’ordre du jour de la COP 21 concerne le financement de la lutte contre le réchauffement climatique. Elle comporte trois aspects.

D’abord, le Fonds vert, créé en 2009 à Copenhague, est censé mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Comme je l’ai dit tout à l’heure, les États-Unis se sont engagés à verser 3 milliards de dollars, le Japon 1,5 milliard de dollars, le Royaume-Uni 1,1 milliard de dollars, l’Allemagne et la France 1 milliard chacun. Mais il y a de grands absents : la Chine, l’Inde, le Canada, l’Australie, l’Irlande, la Belgique et l’Union européenne. Si nous ne réglons pas ce problème, si les engagements de Copenhague ne sont pas respectés, il est illusoire de penser pouvoir aller plus loin. Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ?

Deuxième aspect : le sommet de Paris a pour mission de fixer les modalités de financement après 2020. Que proposera notre pays pour ce qui concerne les niveaux et les cycles d’engagements de chaque pays ?

Troisième aspect : il n’est pas d’issue sans maîtrise des flux financiers, sans leur mise à contribution, sans règles de respect environnemental et social dans la production et les échanges. L’OMC – Organisation mondiale du commerce – et l’Union européenne savent le faire, quand il s’agit d’imposer les règles de la concurrence et la loi des marchés. La France est-elle prête à engager ce combat-là, sans lequel les engagements en faveur du climat sont illusoires ? Vous avez déjà répondu partiellement à mes questions.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Nous avons été nombreux, tout à l’heure, à dire que la question des financements est essentielle, centrale ; chacun sait qu’il n’y aura pas d’accord positif sans une réponse à la question du financement, traduisant une solidarité réelle envers les pays vulnérables.

Vous m’avez interrogée, dans un premier temps, à propos des 100 milliards de dollars qui doivent être versés au Fonds vert. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, tous les pays n’abondent pas ce fonds. Les pays industrialisés se sont engagés sur 100 milliards à partir de 2020. Par ailleurs, le Fonds vert n’englobe pas l’ensemble des financements : la Commission européenne, par exemple, ne peut pas abonder ce fonds, alors qu’elle est un acteur essentiel du financement de la lutte contre le changement climatique. Elle a ainsi effectué 500 millions d’euros de dons pour soutenir l’accès de tous aux énergies durables. Vous le voyez, il y a plusieurs moyens de financer la lutte contre le dérèglement climatique.

La question des grands pays émergents est très différente, car ils ne se sont pas engagés à contribuer aux 100 milliards de dollars en question. Mais la Chine, par exemple, a annoncé à New York en 2014 qu’elle développerait sa coopération Sud-Sud sur le climat ; nous attendons qu’elle détaille, à Paris, ces engagements.

Vous avez également abordé la question des financements après 2020. Sur ce point, il faut sortir de la seule logique de la solidarité, et passer à celle de la responsabilité, avec l’ensemble des acteurs et l’ensemble des pays. Il faudra être clair s’agissant des instruments financiers, non seulement pour ce qui concerne le changement climatique, mais aussi pour ce qui touche au développement, et donc le volet adaptation.

Les choses bougent, les choses changent. Je crois que chacun a compris que la responsabilité doit être partagée – même si elle peut être différenciée – et que la solidarité doit être au rendez-vous, notamment au cours des premières années. Le volet financier de l’accord de Paris devra être très transparent et suffisamment précis, notamment à l’intention des pays vulnérables, quant à la manière dont nous comptons répondre à cette question financière.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour la première question du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Viviane Le Dissez. Madame la secrétaire d’État, ce débat sur les négociations climatiques internationales est l’occasion pour nous tous de souligner à nouveau la mesure des enjeux de la conférence internationale qui se tiendra à Paris au début de l’hiver prochain. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus concrètes pour tous nos concitoyens.

J’appelle votre attention sur l’impact des phénomènes climatiques sur les populations littorales. Les populations littorales de la planète sont, malheureusement, d’ores et déjà contraintes d’évaluer les incidences de l’érosion côtière, de l’augmentation du risque de submersion, ainsi que de la fréquence des tempêtes et autres phénomènes météorologiques extrêmes. Elles sont particulièrement sensibilisées aux dangers que court la planète. Vous êtes, madame la secrétaire d’État, particulièrement consciente de ces problèmes, et savez donc combien il importe qu’ils ne soient pas éludés au cours des négociations à venir.

Les océans, qui couvrent 71 % de la surface du globe et qui sont à la fois le poumon et le thermostat de notre planète, sont directement affectés par le réchauffement climatique, et le dérèglement de leur écosystème complexe est particulièrement préoccupant. Une étude toute récente a montré que si nous ne parvenons pas à limiter l’augmentation de la température à 2° C, les mers perdront de 10 % à 12 % des espèces qui les peuplent.

Au-delà de la menace que représente la montée du niveau de la mer, au-delà des catastrophes humaines qu’elle pourrait provoquer, il m’apparaît indispensable de prendre également en compte la menace alimentaire qui en découle. Je me permets d’insister sur ce point, car si notre place de deuxième puissance maritime mondiale – grâce, notamment, aux outre-mer – représente un véritable atout, via ce que l’on appelle aujourd’hui la croissance bleue, elle nous confère aussi des responsabilités. Il m’apparaît important de plaider pour une meilleure prise en compte des océans dans le cadre des négociations internationales sur le climat, lesquelles devraient être aussi un véritable moteur pour mieux les connaître et mieux protéger leurs écosystèmes.

Pour conclure, je citerai Jean-Louis Étienne : « la terre et la mer ont la fièvre. » Madame la ministre, comment comptez-vous donner aux océans la place qu’ils méritent dans ce débat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que des groupes écologiste et radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Madame la députée, vous savez que la question des océans a toujours été au cœur de mes préoccupations. Vous savez tous, ici, que je suis issue d’un territoire d’outre-mer qui sera, lui aussi, victime de la montée des eaux si nous ne reprenons pas rapidement le chemin des 2° C. Les océans sont largement affectés par le dérèglement climatique : leur acidification est un phénomène global, qui bouleverse totalement les écosystèmes et dont les conséquences sont graves. Ainsi, la capacité des océans à capter le carbone de l’atmosphère en est diminuée.

Nous voyons bien qu’il y a là un véritable un problème. La mer, qui a été la meilleure amie de l’homme, devient sa pire ennemie, notamment pour les populations littorales, y compris en France. On parle souvent des îles du Pacifique qui vont disparaître, on a parlé des Philippines ou des Caraïbes, mais dans l’Atlantique aussi la question se pose, y compris pour les côtes françaises.

Nous souhaitons donc qu’à l’occasion de la conférence Paris climat 2015, la question des océans soit abordée. Des solutions concrètes doivent être élaborées : croyez bien que j’y travaille. Grâce à vous, grâce au travail que nous sommes en train d’accomplir, cette question trouvera toute sa place.

Il est par ailleurs évident que l’accord de Paris ne pourra pas tout résoudre, même si la France a proposé à Sendaï, par la voix de Laurent Fabius, de mettre en place un système d’alerte précoce, afin de prévenir le plus tôt possible les populations victimes de catastrophes naturelles, notamment près des côtes. Nous travaillons sur ces questions avec les États-Unis, le Japon et la Banque mondiale. Nous présenterons un projet concret dans le cadre de l’accord de Paris.

Nous mobilisons aussi des ressources pour protéger le littoral. Je me suis rendue à plusieurs reprises sur les lieux de travaux que nous menons, notamment sur les mangroves, dans les Caraïbes et en Afrique. Nous avons aussi demandé, dans le cadre du Fonds vert, que la question des océans soit abordée dans le volet adaptation. Je ne néglige pas la question alimentaire, avec les conséquences que peut avoir le réchauffement climatique sur la pêche. Les pêcheurs doivent en effet faire face à d’importants changements de la ressource maritime halieutique.

Nous partageons donc toutes ces préoccupations avec vous, madame la députée. Je peux vous assurer que ces questions seront abordées, même si – je le répète – toutes les questions spécifiques ne pourront pas être traitées dans l’accord de Paris. Ce sera, du moins, l’occasion d’en débattre, et d’apporter des solutions à un certain nombre d’entre elles.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour la seconde question du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Dufau. La France doit accueillir au mois de décembre 2015 la 21ème conférence des Nations unies sur le dérèglement climatique. La COP 21 – c’est son appellation officielle – porte un nom bien ingrat et bien peu mobilisateur, alors que le temps presse. Tous, gouvernements comme citoyens, nous devons impérativement prendre le problème à bras-le-corps, pour ralentir, à défaut de l’empêcher, l’élévation des températures.

Les conséquences du laisser-faire, en ce domaine comme dans d’autres, sont redoutables. La progression des déserts, la montée des eaux, la détérioration de la qualité de l’air, sont les conséquences imparables de l’inaction. Le fait que l’on en parle, depuis quelques années, de COP en COP, est en soi positif. Mais à un moment donné, il faudra bien agir, prendre des décisions !

Le Président de la République a pu mesurer le 9 mai dernier, en Martinique, l’inquiétude des pays insulaires. Des engagements ont été pris. Dans quelques jours, le 7 juin, l’Allemagne accueillera une réunion du G7, qui a inscrit le réchauffement climatique à son ordre du jour. L’Allemagne, qui préside ce forum économique mondial, serait elle aussi – comme l’a déclaré la chancelière Merkel à un grand quotidien du soir – tout à la fois mobilisée et optimiste. Soit. « Nous pourrions nous rapprocher de l’objectif de limiter à  2° C la hausse de la température sur la planète », a-t-elle indiqué. « Nous pourrions » : c’est un conditionnel, une possibilité, pas une certitude.

La COP 21 se tiendra dans six mois. Ma question, madame la secrétaire d’État, est toute simple : où en sont véritablement les négociations préparatoires ? Laissent-elles espérer qu’en décembre prochain, par la conjugaison de nos efforts, la lutte contre le réchauffement climatique ne relève pas du conditionnel, mais du présent et au futur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Monsieur le député, j’étais avec le Président de la République à la Martinique au moment de l’appel de Fort-de-France, lancé avec l’ensemble des chefs d’État des Caraïbes présents. Tous ces États insulaires sont menacés par le réchauffement climatique, par la montée des eaux. Vous avez raison : nous devons retrouver le chemin des2° C, parce que celui des 4° C, qui nous est annoncé aujourd’hui, entraînerait une hausse d’un mètre du niveau de la mer. Nous comprenons donc très bien la préoccupation des États insulaires, exprimée dans cet appel des Caraïbes, lancé en présence du Président de la République, François Hollande.

C’est un appel à l’action, le temps n’est plus celui des discours. Le Président de la République et le Gouvernement s’engagent à donner toute leur place aux revendications des pays les plus vulnérables. Ceux-ci, notamment les États insulaires, réclament d’ailleurs de limiter le réchauffement à 1,5° C pour limiter les dégâts car, à 2° C déjà, nous le savons, une partie des côtes de certains pays, y compris des côtes françaises, serait submergée.

Cet appel invitait à revenir sur la voie des 2° C mais aussi à développer les énergies renouvelables dans les Caraïbes car il existe là-bas, comme dans d’autres endroits du monde, notamment en Afrique, un vrai potentiel pour le solaire, la géothermie et l’énergie marine. Un certain nombre de projets ont vu le jour et les entreprises françaises peuvent être leaders en la matière. La vision d’un monde à zéro carbone peut s’élaborer à partir des outre-mer français – nous parlons aujourd’hui des Caraïbes mais ce potentiel existe également dans d’autres bassins maritimes. La France a la possibilité d’agir concrètement sur ces questions.

L’appel de Fort-de-France, c’est aussi la solidarité à l’égard des plus vulnérables. Nous avons l’obligation de réussir. Nous devons revenir sur la trajectoire des 2° C, être solidaires avec les plus vulnérables, garantir des financements pour l’adaptation, apporter la preuve que nous allons respecter l’engagement des 100 milliards de dollars à partir de 2020 et que les flux financiers seront suffisants pour faire face aux premiers dégâts du réchauffement climatique. Il faut mobiliser les banques de développement.

Il est important de donner des exemples concrets : le sens de mes déplacements sur le terrain est de montrer que nous agissons déjà, que nous avons les solutions et que nous pouvons relever le défi si les financements sont au rendez-vous. Certes, il y a des raisons d’être quelque peu pessimistes aujourd’hui car les contributions ne sont pas encore arrivées en masse, mais nous les espérons pour le mois de juin et pour le mois de septembre. Nous espérons, sinon atteindre l’objectif de la limitation du réchauffement à 2° C, du moins retrouver cette trajectoire et poser les jalons pour atteindre l’objectif.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie tout d’abord pour votre intervention liminaire et tiens à vous dire combien j’ai apprécié vos propos. Ma question porte sur les instruments de régulation. Il est important que les États fixent les objectifs, mais le problème est de contrôler le respect des engagements pris. S’agissant de l’accord de Paris, vous avez parlé d’accord juridiquement contraignant. Mais qu’est-ce que cela signifie exactement ? Le protocole de Kyoto l’était mais certains États n’ont pas tenu leurs engagements et n’ont rien fait, notamment le Canada.

Autre point : le Fonds vert figure parmi les objectifs de la COP. Nous voulons des moyens directs supplémentaires, mais ceux-ci doivent être à terme assis sur des instruments de financements innovants. Vous avez un peu abordé ces sujets tout à l’heure, mais peut-être pourriez-vous les préciser.

S’il est important que la COP réussisse, pour autant cela ne suffira pas. Tous les grands acteurs économiques du monde de la finance ont, lors de la conférence de l’UNESCO, lancé un appel en faveur de la fixation d’un prix pour le carbone. On voit bien comment fixer ce prix, tout le problème est de faire en sorte que le dispositif fonctionne. Quelle est la stratégie du Gouvernement dans ce domaine, notamment sur le plan international ? Incitera-t-on de grands pays à fixer un tel prix et à passer ensuite des accords entre eux ? Instaurera-t-on une tarification aux frontières ? Il peut également y avoir un dispositif incitatif de bonus-malus. On peut aussi jouer sur la responsabilité sociale des entreprises. Il y a bien sûr, enfin, les instruments européens, qu’il faut utiliser. Ce n’est pas de tout de dire qu’il faut fixer un prix du carbone ! Si le dispositif ne fonctionne pas, quelle est la stratégie de la France dans ce domaine ? J’aimerais bien vous entendre sur le sujet, madame la secrétaire d’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Votre question, monsieur Pancher, me permettra de compléter la réponse que j’ai commencé à apporter à M. Candelier sur le prix du carbone. Vous évoquez le sujet essentiel de la forme juridique de l’accord de Paris. L’objectif est que tout le monde respecte la règle du jeu, car il ne suffit pas de se fixer des règles, encore faut-il pouvoir les appliquer. Un accord juridiquement contraignant, cela signifie que nous devrons nous donner les moyens de vérifier l’application des règles communes. Les États auront l’obligation de se soumettre régulièrement à une revue et de présenter leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi une obligation de transparence totale sur leurs émissions.

La grande force de l’accord de Paris sur le climat, c’est qu’il sera universel. Chaque pays aura des objectifs à la hauteur de ses moyens ou de ses responsabilités. Il est évident qu’on ne demandera pas au Burkina Faso de prendre les mêmes engagements que ceux demandés au Canada ou à la Chine ! Mais chacun devra agir à la hauteur de ses moyens.

J’en viens au prix du carbone. Il ne fait pas partie des sujets de la négociation en tant que tel. Il n’y aura pas, à Paris, un accord international sur le prix du carbone – j’ai déjà eu l’occasion de le dire. Mais cela n’empêche pas qu’il faille travailler sur cette question et avancer. Il y a dix ans, l’Europe était la seule région du monde à avoir créé un marché du carbone. À Washington, j’ai participé il y a quelques semaines à un événement de la coalition mondiale pour la tarification du carbone qui regroupait quelque soixante pays. En 2016, la Chine va lancer son marché du carbone. La Californie s’est associée à certaines provinces canadiennes et discute avec le Mexique. La taxation aux frontières est moins d’actualité car, si le marché du carbone se généralise – ce que nous voulons –, cette question-là se posera beaucoup moins. Un mouvement mondial pour la tarification du carbone est en train de se développer, ce qui limiterait les risques sur la compétitivité, sujet qui préoccupait plusieurs pays.

La responsabilité sociale et environnementale fait partie des sujets qui prennent de plus en plus d’importance dans le cadre des discussions sur le climat et sur le développement. Elle fait partie des sujets que nous aborderons à Addis Abeba.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Jeanine Dubié. Madame la secrétaire d’État, le dérèglement climatique est le grand défi des prochaines années, celui de la France mais aussi celui de l’Europe, et plus largement celui de tous ceux qui veulent agir en faveur d’un monde plus responsable. Comme vous, madame la secrétaire d’État, notre ambition est d’aboutir à un accord juste, équitable et ambitieux, qui permettra de limiter le réchauffement climatique à 2° C et ainsi d’éviter des conséquences irréversibles. Je pense notamment à la situation des pays les plus pauvres, car ce sont eux qui font d’abord les frais du changement climatique. Ces effets sont d’ores et déjà visibles sur le terrain : insécurité alimentaire, problèmes d’accès à l’eau qui mènent bien souvent à la violence et aux conflits.

Nous devons le répéter – vous l’avez fait, madame la secrétaire d’État et nous le faisons à votre suite –, l’Afrique est le continent qui a le moins pollué dans l’histoire. Pourtant, il est la première victime du changement climatique. Les chiffres sont criants de vérité. Aujourd’hui, ce continent représente plus de 15,7 % de la population mondiale, probablement plus de 25 % en 2050, et pourtant, il ne consomme que 3 % de l’électricité et ne produit que 8 % des émissions. Au Burkina Faso, les émissions par habitant sont dix fois inférieures à celle d’un Européen, et vingt fois à celle d’un Américain.

Madame la secrétaire d’État, nous savons que vous militez en faveur du « zéro carbone, zéro pauvreté ». Ainsi, ma question sera simple : dans quelle mesure l’accord de Paris permettra-t-il à ces pays de se développer, de lutter contre la pauvreté, notamment énergétique, tout en s’associant à la lutte contre le dérèglement climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate.)

M. Bertrand Pancher. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Annick Girardin, secrétaire d’État. Vous avez raison, madame la députée, l’Afrique est le continent le moins responsable des émissions de gaz à effet de serre, celui qui a le moins pollué. Et pourtant, comme les petits États insulaires, c’est l’une des premières victimes du dérèglement climatique. En Afrique, la grande menace liée au climat est la sécurité alimentaire. Une élévation de 4° C des températures aurait non seulement un impact considérable sur le niveau des océans et des mers, mais anéantirait également tous les progrès des quarante dernières années dans la lutte contre la mortalité infantile, par exemple. Ce serait une véritable catastrophe !

Pourtant, l’Afrique est aussi le continent du mouvement et des solutions, je le constate tous les jours. Il est d’ailleurs notable que le Maroc et le Gabon figurent parmi les premiers pays à avoir présenté leur contribution. Il faut se féliciter de la dynamique qui existe en Afrique, alors que le continent doit aujourd’hui relever tous les défis.

L’Afrique s’organise, se prépare, mais a également certaines demandes, qu’elle a d’ailleurs réitérées à Bonn dans le cadre des négociations en cours : comment l’aider davantage pour ses investissements, publics et privés, en matière d’énergies renouvelables ? Comment l’aider à résister aux sécheresses et aux inondations, à lutter contre l’érosion côtière ? Comment permettre que des terres soient à nouveau exploitables en luttant contre la désertification ? Comment lutter également contre la déforestation ? Telles sont les questions pratiques de l’Afrique et tel est également l’objet de l’accord de Paris. Il s’agira de porter le sujet de l’adaptation au même niveau que celui de l’atténuation. La France porte cette voix. Il conviendra également d’apporter des réponses concrètes à des questions précises, car il en va de la survie même pour certaines populations, notamment en Afrique.

Comment apporter les meilleures réponses ? L’agenda des solutions, l’un des piliers de l’accord de Paris, sera l’un des éléments de notre réponse collective aux pays les plus vulnérables, qui sont aussi les plus pauvres. C’est aussi de tout cela que nous discuterons à Addis Abeba. C’est la voix que la France souhaite faire entendre, au travers notamment du G7 et des propositions qui seront faites avec l’Allemagne.

Chacun a aujourd’hui pris conscience que c’est véritablement, en cette année 2015, un monde différent que nous préparons. Nous avons tous ici notre rôle à jouer. Bien sûr, l’ensemble du Gouvernement est mobilisé sur ces questions, mais je sais que nous pouvons également compter sur le Parlement pour avancer. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly