Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 17 juin 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Initiatives françaises pour la politique européenne

M. François Sauvadet

M. Manuel Valls, Premier ministre

Financement du monde associatif

Mme Eva Sas

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Situation des communes

M. Sylvain Berrios

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Prélèvement à la source

M. Hugues Fourage

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Charges financières des communes

M. Lionnel Luca

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Politique migratoire

Mme Annie Le Houerou

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Politique française en Syrie

M. Jacques Myard

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution

M. André Chassaigne

M. Manuel Valls, Premier ministre

Sort des communes rurales

M. Dino Cinieri

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Situation de la Grèce

M. Alain Rodet

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

SNCM

M. Paul Giacobbi

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique

Prélèvement à la source

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Salon aéronautique du Bourget

Mme Linda Gourjade

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Réforme du marché du travail

M. Gilles Lurton

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Filière porcine

M. Gwenegan Bui

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Initiatives françaises pour la politique européenne

M. le président. La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. François Sauvadet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chaque jour, nous avons devant nous ces mêmes images insoutenables de migrants qui débarquent, hagards, sur les côtes italiennes, et que l’on voit désormais attendre accrochés à des rochers de Vintimille, à la frontière franco-italienne. Le sentiment que l’on éprouve, et que beaucoup de Français ressentent, est d’abord un sentiment d’incompréhension face à l’impuissance des gouvernements et de l’Europe à résoudre cette question lancinante.

Pour nous, députés du groupe UDI, qui sommes profondément européens, et pour tous ceux qui croient en l’Europe, pour tous les humanistes, cette situation est inacceptable et intenable. Le ministre de l’intérieur vient d’annoncer un « plan migrants » de 10 000 places supplémentaires. C’est sans doute nécessaire, mais c’est aujourd’hui en Italie que se pose la vraie question et que se trouve la vraie urgence. Que faisons-nous face à cette situation invraisemblable qui voit les migrants errer pour tenter de passer la frontière et être immédiatement reconduits ensuite ?

Sur ces questions, monsieur le Premier ministre, on attend la voix de la France. Or nous avons le sentiment que votre gouvernement n’a pas de projet pour sortir l’Europe de l’ornière.

C’est d’ailleurs le même sentiment d’impuissance que nous ressentons face à la question grecque qui traîne en longueur, au point que certains pensent désormais que son départ de la zone euro serait une solution et une nouvelle chance qui lui serait donnée.

Allons-nous continuer de laisser la situation se déliter sous nos yeux ? Allons-nous continuer de laisser planer la suspicion sur la capacité de l’Europe et sur notre propre capacité à répondre à ces urgences ?

Car si la France est immobile, comment voulez-vous que l’Europe avance ?

La France ne peut pas rester les bras croisés quand tant d’enjeux globaux nous imposent « plus d’Europe » et « mieux d’Europe ».

J’aimerais donc que vous répondiez clairement à cette question : quelles initiatives urgentes la France va-t-elle porter pour que l’Europe soit en mesure de répondre sans attendre aux défis migratoire et économique qui nous sont aujourd’hui posés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, Bernard Cazeneuve et Michel Sapin auraient pu vous répondre sur ces deux questions – ce qu’ils feront sans doute au cours de cette séance de questions au Gouvernement.

Il est d’ailleurs un peu paradoxal – même si je vais bien sûr vous répondre sur le fond, car votre question est à la fois importante, cruciale et intéressante – de renvoyer uniquement vers la France ce sentiment d’impuissance de l’Union européenne.

S’agissant de la Grèce, je ne peux vous suivre : la France agit, à la fois par la voix du Président de la République et par celle du Gouvernement. Michel Sapin, en particulier, travaille dans le cadre du Conseil Ecofin, comme dans le cadre de ses relations avec ses collègues en charge des finances, pour trouver une solution avec le gouvernement grec, l’ensemble des gouvernements européens, mais aussi le FMI et les institutions européennes.

Il faut trouver une solution qui tienne compte de la situation de la Grèce et du peuple grec, mais aussi des engagements de la Grèce. De ce point de vue, la position de la France est extrêmement claire : il faut que la Grèce reste dans l’Union européenne, puisque la question a été posée, mais aussi dans la zone euro.

Dans les jours qui viennent, la France fera tout pour trouver la solution qui permette de répondre non seulement à un certain nombre d’aspirations du peuple grec, mais aussi aux enjeux financiers et budgétaires de l’Europe, dans le respect des engagements que la Grèce doit prendre en assumant ses responsabilités.

Pour ce qui est de la question migratoire, nous sommes face, au fond, à des défis semblables même s’ils sont d’une autre nature. Disons clairement les choses : la première réponse est en Afrique. Elle réside bien sûr dans la résorption des conflits au Proche et au Moyen-Orient. À cet égard, l’Europe doit assumer pleinement ses responsabilités. Si un pays a assumé ses responsabilités en Afrique, au Proche et au Moyen-Orient, c’est bien la France, au travers de sa diplomatie et de l’engagement de François Hollande ou de Laurent Fabius.

En ce domaine, nous demandons qu’il y ait plus d’Europe et que l’Europe assume pleinement ses responsabilités en Afrique.

Quant à la situation dramatique des migrants, nous prenons un certain nombre de mesures au niveau de notre pays. Mais nous faisons en sorte – et c’était l’engagement de Bernard Cazeneuve hier, dans le cadre du conseil Justice et affaires intérieures, avec notamment  les ministres allemand et italien – de trouver des solutions.

Oui, vous avez raison : nous avons besoin de plus d’Europe. Sur ces deux questions, l’Europe est d’ailleurs à la croisée des chemins ; elle pourrait même sortir de l’Histoire si elle se révélait incapable de relever ces deux grands défis.

Soyez en tout cas assuré que la France assume pleinement ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Financement du monde associatif

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

Mme Eva Sas. Monsieur le Premier ministre, la vie associative est l’un des piliers de notre société. C’est grâce aux associations que les secteurs de la petite enfance, du sport et de la culture sont vivants dans notre pays. C’est grâce aux associations que demeurent la convivialité, le brassage des cultures, l’entraide – tout ce qui nous permet de vivre bien ensemble. En somme, c’est grâce aux associations que notre société tient debout.

Or, comme vous le savez, la vie associative est actuellement menacée en France. La responsabilité est double : elle tient certes aux baisses de dotations aux collectivités locales, qui imposent de réelles contraintes budgétaires aux communes, mais aussi – et surtout – au fait que de nombreux élus municipaux de droite, pour qui la vie associative n’est qu’une variable d’ajustement (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), prennent prétexte de ces baisses de dotations pour justifier leur désengagement de services pourtant indispensables aux familles et aux jeunes de notre pays (« Et à gauche ? Scandaleux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.).

Dans ma ville de Savigny-sur-Orge, la municipalité a décidé de supprimer brutalement de nombreuses subventions, notamment celles qui étaient destinées à la maison des jeunes et de la culture – la MJC –, à la crèche municipale, à la colonie de vacances et aux activités pour la jeunesse.

M. Christian Jacob. C’est une question orale sans débat, monsieur le président, et non une question d’actualité !

Mme Eva Sas. À travers toute la France, de très nombreuses maisons des jeunes et de la culture sont menacées. À Chilly-Mazarin et à Herblay, des populations sont mobilisées. En mai 2015, on recensait déjà 195 fermetures de structures culturelles et annulations de festivals dans toute la France.

M. Alain Chrétien. À qui la faute ?

Mme Eva Sas. Monsieur le Premier ministre, nous voulons vous alerter concernant la menace qui pèse sur la cohésion même de notre société. Les associations et les structures de petite enfance et d’éducation populaire ont un besoin urgent de soutien.

Je souhaiterais donc savoir quelles actions sont prévues pour pallier la défaillance de plus en plus fréquente de ces collectivités locales, qui mettent en difficulté la vie associative de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Vous avez raison, madame la députée, de rappeler que la loi du 1er juillet 1901 fait partie des piliers fondamentaux de notre République. Il est vrai qu’aujourd’hui, ceux qui se font appeler « Les Républicains » sapent manifestement ce pilier par la baisse méthodique des crédits alloués aux associations sur les territoires qu’ils dirigent.

M. Bernard Deflesselles. Ça suffit !

M. Patrick Kanner, ministre. Ce n’est pas la moindre de leurs contradictions ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Pour ma part, je suis convaincu que le rôle des associations est majeur. Un million d’associations et seize millions de bénévoles sont autant de relais de solidarité et de fraternité.

M. David Douillet. Le respect aussi fait partie du sport !

M. Patrick Kanner, ministre. Les bénévoles inventent pour faciliter l’accès à la culture et au sport dans les quartiers prioritaires des villes, mais aussi partout ailleurs.

Lors du comité interministériel pour l’égalité et la citoyenneté, nous avons rétabli 50 millions d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) pour le secteur associatif dans le cadre d’une nouvelle donne avec ces partenaires. L’objectif est de soutenir les structures associatives comme les maisons de la jeunesse et de la culture, les projets de bénévoles, la mise en place des conseils de citoyens ou encore les fabriques citoyennes.

Permettez-moi de rappeler l’abattement sur la taxe sur les salaires qui a été voté dans le cadre de la loi de finances pour 2014 : c’est un effort budgétaire de plus de 300 millions d’euros. D’autre part, les associations sont parmi les principaux bénéficiaires des 400 contrats de ville que nous signerons d’ici la fin de l’été.

Cette action, mesdames et messieurs les députés, s’inscrit dans le cadre des rapports rédigés par vos collègues Yves Blein et Françoise Dumas. Il s’agit d’un marqueur de la politique de ce Gouvernement, qui illustre toute la confiance que nous plaçons dans le mouvement associatif ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste ; Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Situation des communes

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe Les Républicains.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le Premier ministre, les maires sont les premiers élus au contact des Français. Ils sont sollicités chaque jour par des associations, pour des crèches, pour les affaires scolaires, pour la sécurité, le logement, l’aide sociale, la propreté, l’urbanisme ou encore la voirie. Ils accompagnent les Français tout au long de la vie, de la naissance au décès en passant par le mariage.

Or, les maires, monsieur le Premier ministre, sont en colère, et ils l’ont manifesté à l’instant devant l’Assemblée nationale. Ils sont en colère parce que le Gouvernement a choisi de les désigner comme des adversaires. Vous avez fait voter une loi sur le non-cumul pour que les maires quittent l’Assemblée ; vous ne parviendrez pas à les faire taire pour autant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Parce que vous n’arrivez pas à boucler le budget de l’État, vous décidez de couper les dotations aux communes. Pourtant, vous augmenterez le salaire des fonctionnaires en 2017, année d’élection !

Pendant ce temps, les maires doivent réduire les manifestations, augmenter les tarifs des piscines ou des cantines, renoncer aux investissements importants. Les communes se serrent la ceinture ? Vous leur demandez de financer une réforme des rythmes scolaires absurde et inopérante pour les enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yves Durand. C’est faux !

M. Sylvain Berrios. Les communes sont étranglées par les emprunts toxiques ? Vous choisissez les banques contre les communes !

Vous perdez les élections départementales ? Vous rajoutez une couche au mille-feuille administratif en choisissant de découper les territoires dans le secret des cabinets dorés de Matignon !

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Sylvain Berrios. Vous voulez donner des gages à l’aile gauche du parti socialiste ? Vous désignez les maires comme responsables du logement social, vous les livrez à la vindicte populaire, vous les sanctionnez comme aux pires heures de la Terreur simplement parce qu’ils ne pensent pas comme vous ! (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Claude Perez. Tout en nuance !

M. Sylvain Berrios. Monsieur le Premier ministre, nous les maires, qui sommes encore quelques-uns à être parlementaires, sommes-nous les adversaires de ce Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député, je rencontre comme vous de nombreux maires tout au long de la semaine et je me déplace dans tous les départements de France ; j’étais encore samedi dernier au congrès des maires du Tarn.

M. Thierry Solère. Doivent-ils vous remercier ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je rencontre des maires qui, il est vrai, sont préoccupés et soucieux de l’intérêt général de leurs populations, et qui sont depuis longtemps les hussards de la République. Je leur explique que le Gouvernement est conscient de l’effort qu’il leur demande : 11 milliards de baisses de dotations sur trois ans, soit 20 % du plan d’économies global de 50 milliards. Or, 20 %, c’est précisément le poids que pèse la dépense publique locale dans la dépense publique globale. L’effort est donc proportionné à ce que représentent les finances locales dans les finances publiques de la France.

M. Sylvain Berrios. Réformez l’État !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Deuxièmement, afin que cet effort – qui est important, je le répète – soit équitablement réparti, nous avons renforcé la péréquation, c’est-à-dire la solidarité entre les communes les plus riches et mieux dotées que la moyenne, et les communes les moins favorisées et les plus en difficulté.

M. Philippe Cochet. Quelle invention que la péréquation !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Troisième élément très important : l’investissement public local représente 70 % de l’investissement public en France. Nous y sommes très attentifs.

M. Patrick Ollier. Les communes vont cesser d’investir !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Le Premier ministre a annoncé des mesures en matière de TVA, notamment. Avec Christian Eckert, nous avons reçu l’Association des maires de France autour du Premier ministre il y a quinze jours ; un nouveau rendez-vous est pris en juillet. Nous voulons en effet continuer à prendre des mesures pour les territoires ruraux, mais aussi pour les territoires urbains, monsieur le député du Val-de-Marne, afin d’aider les communes à continuer d’investir, car c’est très important pour l’activité économique de notre pays.

Prélèvement à la source

M. le président. La parole est à M. Hugues Fourage, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Hugues Fourage. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics.

Monsieur le ministre, après la suppression de la première tranche de l’impôt sur le revenu, qui va bénéficier à neuf millions de Français, vous engagez la réforme du prélèvement à la source.

Cette réforme est un vieux serpent de mer. Elle revient régulièrement depuis plus de quarante ans, mais elle est sans cesse ajournée. Aujourd’hui, avec courage et détermination, le Gouvernement souhaite la mettre en place.

Mais les réformes fiscales, vous le savez aussi bien que moi, inquiètent toujours. Pourtant, il existe de par le monde de nombreux exemples de pays dans lesquels le prélèvement à la source est un succès et un facteur de modernisation du système fiscal.

Pour que cette réforme soit réussie, il convient qu’elle soit simple, juste, efficace et protectrice.

Simple, car elle doit supprimer les difficultés des contribuables qui, d’une année sur l’autre, ne perçoivent pas le même revenu. Il conviendra également de gérer au mieux la période complexe de la transition.

Juste, ce qui implique que les calculs de l’impôt ne changent pas à cette occasion et qu’il n’y ait pas d’effets d’aubaine lors de la période de transition. Il s’agit d’un changement de méthode de recouvrement de l’impôt,  voire de la poursuite du mouvement de baisse des impôts que vous avez initié. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Efficace, ce qui suppose que le système de régulation annuelle soit lisible.

Protectrice enfin, ce qui exige que les données personnelles restent confidentielles.

C’est en réunissant toutes ces conditions, monsieur le ministre, que vous réussirez cette réforme et encouragerez le consentement des Français à l’impôt.

Dès lors, je vous remercie de préciser à la représentation nationale les modalités pratiques et le calendrier de mise en œuvre de cette réforme importante – j’oserais dire irréversible – que nous soutenons de tout cœur. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, voilà des années que cette belle idée qu’est le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu est avancée.

M. Hervé Mariton. C’est une mauvaise idée !

M. Michel Sapin, ministre. Nous vous proposons de la mettre en oeuvre, mais en prenant le temps de la réflexion. Nous n’en sommes pas au temps de la décision, mais au temps de la précision pour réussir cette belle et bonne réforme.

M. Christian Jacob. Quel talent oratoire !

M. Michel Sapin, ministre. Cette réforme est une réforme de simplicité, car il est évidemment plus simple de payer chaque mois l’impôt que l’on doit…

M. Yves Nicolin. C’est une usine à gaz !

M. Michel Sapin, ministre. ...plutôt que d’entrer dans des mécanismes plus complexes de calcul et de paiement.

C’est une réforme de justice, pour la raison que vous avez indiquée, que tout le monde ici devrait partager. Lorsque, après avoir perçu au cours d’une année des revenus importants, vous partez à la retraite ou vous retrouvez au chômage, vous devez malgré tout payer vos impôts en fonction du revenu de l’année précédente : cela n’est pas juste, car c’est au moment où vous rencontrez des difficultés que vous devez payer le maximum.

C’est la raison fondamentale pour laquelle nous souhaitons mettre en œuvre cette réforme de simplicité et de justice.

Cette réforme soulève naturellement un certain nombre de questions. Pour qu’elle soit réussie, nous devons répondre à chacune des questions qui se posent…

M. Bernard Accoyer. Qu’en pense M. Thévenoud ?

M. Michel Sapin, ministre. …en les considérant non comme des obstacles qui nous obligeraient à renoncer à la mettre en œuvre, mais comme des éléments de simplicité et de transparence auxquels il faudra répondre point par point.

Les données fiscales concernant chacun et chacune des Français doivent être préservées… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Lionnel Luca. Bla bla bla !

M. Michel Sapin, ministre. …et seule l’administration fiscale est en capacité de préserver cette confidentialité.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Voyons !

M. Michel Sapin, ministre. Le système lui-même ne doit pas être une charge supplémentaire pour les entreprises ; nous trouverons donc le plus simple. Quoi qu’il en soit, nous sommes déterminés, nous avons pris la décision, et avec le concours du Parlement, nous mettrons en œuvre cette réforme de simplicité et de justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Charges financières des communes

M. le président. La parole est à M. Lionnel Luca, pour le groupe Les Républicains.

M. Lionnel Luca. Monsieur le Premier ministre, vous voulez faire croire que vous menez une politique de réduction des dépenses de l’État et du déficit budgétaire.

M. Bernard Roman. C’est vrai !

M. Lionnel Luca. Il n’en est rien, comme le révèle un rapport accablant de la Cour des comptes qui démontre qu’en 2014, le déficit s’est aggravé de plus de 10 milliards d’euros par rapport à 2013, que la dette a été augmentée et que les dépenses ont seulement été stabilisées.

M. Jean-Claude Perez. C’est vrai !

M. Lionnel Luca. Vous voulez faire croire que les maires sont d’aussi mauvais gestionnaires que vous. Il n’en est rien, puisqu’ils votent, eux, leur budget en équilibre chaque année. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Vous voulez faire croire qu’ils doivent participer à la politique de la supposée réduction des dépenses – ce que l’État ne fait pas.



Il n’en est rien : il s’agit simplement d’un racket. Vous aggravez chaque année la réduction de leur dotation ;  vous aggravez chaque année les prélèvements sous prétexte de solidarité urbaine – je pense au fonds de péréquation, par exemple.



Ainsi, les équipes nouvelles issues des élections de 2014, qui n’étaient en rien responsables de la mauvaise gestion du logement dans les années 2011-2013…

Un député du groupe socialiste, républicain et et, citoyen. Qu’aviez-vous fait ?

M. Lionnel Luca. …ont été accablées et mises en carence. Surtout, elles ont vu leurs pénalités multipliées par deux, trois, quatre, voire cinq parce que des préfets aux ordres voulaient susciter des rentrées fiscales !

M. Christian Jacob, Mme Marie-Christine Dalloz et M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Lionnel Luca. Vous créez de nouvelles dépenses pour les communes, notamment avec les nouveaux rythmes scolaires qui obligent à faire payer les enfants de la République. Quand allez-vous respecter les maires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député, je vais vous répondre sur les deux derniers points que sont le logement et les rythmes scolaires.

Le Gouvernement avait créé un fonds de 400 millions d’euros. Ce n’était au départ qu’un fonds d’amorçage, mais il a été pérennisé.

M. Yves Nicolin. Heureusement !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Je vous confirme, monsieur le député, que le Gouvernement souhaite mener une politique active en matière de logement social et aider les communes qui s’engagent activement dans cette politique. C’est pourquoi le Premier ministre a annoncé une nouvelle aide de 100 millions d’euros pour les maires bâtisseurs…

Mme Claude Greff. Il va les chercher où ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. …qui se traduira par une somme de 2 000 euros par logement créé dans les zones tendues.

Plus généralement, monsieur le député, comme je l’indiquais il y a quelques minutes à M. Berrios, l’effort que nous demandons aux collectivités locales est important, nul ne le conteste, mais il s’inscrit dans un effort global de réduction des déficits. La France ne peut pas continuer à vivre avec une dette vertigineuse, celle que vous avez laissée, et des déficits abyssaux, ceux que vous avez laissés. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Le Gouvernement redresse les comptes du pays ; il demande aux communes d’y contribuer à hauteur de ce qu’elles représentent dans la dépense publique nationale.

M. Yves Nicolin. Baratin !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Sur 50 milliards d’euros d’économies, nous demandons 11 milliards aux collectivités locales, c’est-à-dire 20 %, ce qui correspond à leur poids dans l’ensemble des dépenses du pays. C’est un effort important, équitablement réparti grâce à la péréquation et que les maires, dans leur immense majorité, comprennent très bien.

Mme Bérengère Poletti. Non, ils ne comprennent pas !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Car moi aussi, je rencontre chaque semaine des dizaines de maires, qui sont conscients des responsabilités qui sont les leurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs des groupes écologiste et radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Politique migratoire

M. le président. La parole est à Mme Annie Le Houerou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annie Le Houerou. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur. Vous avez présenté ce matin en conseil des ministres un plan d’action afin d’apporter une réponse coordonnée aux arrivées de migrants en France, monsieur le ministre. À cette occasion, vous avez rappelé que la France est déterminée à refuser la formation sur son territoire de campements illicites aux conditions sanitaires indignes et inacceptables. Leur évacuation se poursuivra et doit avoir lieu dans le respect du droit et des droits des personnes qui ont été poussées, souvent déchirées, sur les chemins de l’exode. Le respect de leur dignité doit être garanti par des solutions d’hébergement alternatives. La feuille de route de la France est claire. Elle consiste à refuser l’exploitation de la misère par des filières mafieuses prospérant sur les deux rives de la Méditerranée et à lutter contre ces filières sans renoncer aux valeurs humanistes qui font la France. Le respect de notre politique d’asile tout comme la protection des plus vulnérables sont indissociables de la politique déterminée que nous menons, qui nécessite aussi la mobilisation de nos partenaires européens afin que l’effort d’accueil soit mieux réparti. Une réponse européenne est nécessaire et urgente.

À ce sujet, de part et d’autre de l’échiquier politique, chacun aime à prendre des références historiques pour mieux caricaturer la situation. Celles-ci enflamment un débat qui devient rapidement passionnel. La politique migratoire, ce n’est ni Waterloo ni Austerlitz ! Ce n’est certainement pas non plus l’ouverture d’un débat sur le droit du sol relevant d’une stratégie électorale ambiguë qui tourne le dos aux valeurs de notre République ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Aux effets de manche ou de tribune, nous préférons la force d’une politique équilibrée conjuguant lutte contre les filières mafieuses et respect des droits humains. C’est ce qu’attendent les Français. Pouvez-vous, monsieur le ministre, détailler le plan d’action que vous avez présenté ce matin en conseil des ministres ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Mme Pinel ministre du logement et moi-même avons présenté un plan destiné à apporter des réponses très précises à la situation tragique dans laquelle se trouvent des femmes, des hommes et des enfants qui ont été jetés sur les chemins de l’exode car ils vivaient dans des pays dont les régimes les persécutent, les exécutent et les martyrisent. Bien entendu, nous souhaitons apporter une réponse humanitaire, ce qui suppose de tout mettre en œuvre afin que personne en France ne se trouve en situation de vulnérabilité, dans les rues et sans protection. Que faisons-nous ? Aux réfugiés bénéficiant déjà du statut de réfugié, dont certains se trouvent encore dans les centres d’accès pour demandeurs d’asile ou les centres d’hébergement d’urgence, nous proposons une accession au logement dans des conditions de droit commun et d’accompagnement social, notamment dans les zones non tendues. Ainsi, 5 000 logements ou opportunités de logement seront offerts aux réfugiés se trouvant en France dans des situations précaires.

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est du baratin ! Ce n’est pas vrai !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ils sortiront ainsi des centres d’hébergement d’urgence et des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, ce qui permettra de mieux accueillir ceux qui relèvent de l’asile et d’offrir dans les centres d’hébergement d’urgence un abri à ceux qui se trouvent dans les rues en situation vulnérable. Tout cela n’est soutenable qu’à condition de procéder à la reconduite à la frontière de ceux qui sont en situation d’immigration économique irrégulière et de lutter résolument contre les réseaux de passeurs, comme le prévoit la deuxième partie du plan. Des moyens supplémentaires seront accordés à nos services afin de lutter efficacement contre l’immigration irrégulière et de démanteler les réseaux de passeurs. Enfin, il faut agir au niveau européen. Nous sommes déterminés à le faire. Mon collègue allemand Thomas de Maizière et moi-même avons tout mis en œuvre hier, aux côtés de notre collègue italien, afin de trouver une solution européenne au drame des migrants supposant elle aussi un bon équilibre entre solidarité et responsabilité. Voilà ce que nous construisons en France et en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste.)

Politique française en Syrie

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour le groupe les Républicains.

M. Jacques Myard. D’abord, vous n’avez pas le monopole de la vie associative et nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous en matière d’aides, monsieur le ministre de la ville ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Nous savons que l’Orient est compliqué, monsieur le ministre des affaires étrangères, et il est parfois difficile de lire et comprendre les tenants et aboutissants de l’imbroglio géopolitique et diplomatique qui y règne. Mais il semble aussi difficile de lire et comprendre votre politique étrangère dans cette région explosive ! Vouloir la chute du régime de Damas est une chose mais il faut s’interroger sur les conséquences du changement de régime pour la Syrie, les Syriens et le Liban. Il faut surtout s’interroger sur les alliances que l’on noue à cette fin. Vous présentiez jusqu’à présent l’armée syrienne libre comme la seule force démocratique opposée à Damas. Il est vrai que l’ASL est davantage représentée dans les salons des hôtels internationaux que sur le terrain !

Or depuis quelques semaines, emboîtant le pas aux Américains, à l’Arabie saoudite, au Qatar et à la Turquie, la France a choisi, afin de faire tomber le régime de Damas et lutter contre l’État islamique, de soutenir al-Nosra, mouvement terroriste affilié à Al-Qaïda. Il est vrai que ce mouvement, afin de se refaire une virginité, a changé de nom et s’appelle désormais Jaysh al-Fateh, l’armée de la conquête ! Son chef, Mohamed al-Joulani, affirme sur Al Jazeera qu’il appliquera la charia en Syrie après la victoire. Voilà une annonce qui comblera de joie toutes les minorités religieuses, dont les chrétiens d’Orient ! Hier, une roquette syrienne est tombée sur le lycée français où les enfants passaient les épreuves du brevet ! La politique que vous menez, monsieur le ministre, dont l’obsession est de faire tomber Damas, aura pour conséquence d’y installer Al-Qaïda, ce qui traduit à l’évidence une habileté diplomatique consommée ! Quand cesserez-vous de suivre ces génies de la géopolitique que sont les Américains et les Saoudiens qui jouent les apprentis sorciers et mettent le feu au Proche Orient ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Tout d’abord, je vous remercie de votre question qui comme d’habitude est tout en nuances, monsieur le député Myard ! (Rires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.) Quant au fond, vous professez depuis déjà plusieurs mois qu’il faut soutenir le régime de M. Bachar el-Assad si l’on veut trouver une solution en Syrie. Cela serait d’abord une infamie d’un point de vue moral, comme nous nous en sommes déjà expliqués, car ce n’est pas parce que l’on reçoit des journalistes en costume cravate qu’on élimine le sang qu’on a sur les mains ! (Applaudissements sur quelques bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste.) Et même si l’on s’en tient à la seule efficacité, il faut bien comprendre que M. Bachar al-Assad et les terroristes que vous évoquez sont l’avers et le revers d’une même médaille.

Il n’y a qu’une solution, la recherche de la paix, et celle-ci passe par une solution politique. Cela signifie d’une part soutenir l’opposition, non pas l’opposition terroriste mais celle qui accepte la présence en Syrie de toutes les communautés, et d’autre part promouvoir une solution unissant l’opposition et certains éléments du régime à l’exclusion de M. Bachar el-Assad. Voilà ce dont nous discutons avec les Arabes, les Américains et aussi les Russes, ce qui devrait vous faire plaisir, monsieur Myard ! C’est la seule façon d’avancer. Vous critiquez la politique de la France mais elle n’a qu’un objectif, rechercher la paix et la recherche de la paix n’est jamais une erreur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé, sans surprise, de recourir à nouveau à l’article 49-3 et, de surcroît, d’échapper cette fois à toute discussion. De fait, cet article 49-3 est associé à l’article 44-3 pour faire adopter sans débat et sans vote des dispositions nouvelles. Nous l’avons dit, nous considérons que c’est un mépris de la représentation nationale et de nos concitoyens : le recours à cette méthode confisque le débat public.

Vous ne voulez pas débattre publiquement, par exemple, de la remise en cause, de fait, du CDI par le biais du plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif. Vous ne voulez pas débattre dans cet hémicycle d’un texte qui formalise une atteinte sans précédent au monde du travail. Vous ne voulez pas débattre ici des sujets qui fâchent.

En réalité, vous n’avez pas de majorité à gauche sur ce texte. Quant à la droite, elle se livre à une véritable mascarade en affichant une opposition de façade à un texte qu’elle soutient et qu’elle souhaite voir adopter avec la même impatience que M. Gattaz. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

L’urgence économique n’est qu’un prétexte idéologique. Votre texte ne contribuera pas à sortir notre économie des difficultés, à créer des emplois, à favoriser l’investissement ni à réduire les inégalités. La vérité, c’est que vous cédez aux injonctions de Bruxelles, de ceux-là mêmes qui tentent de faire plier le peuple grec. Vous cédez à la même dérive autoritaire.

Dix ans après le référendum de 2005 et la victoire du « non » au projet de traité constitutionnel européen, le mépris de la démocratie reste la règle. Dix ans après le rejet par le peuple français de l’Europe libérale, vous continuez de vouloir imposer à nos concitoyens son contre-modèle social.

Monsieur le Premier ministre, nous prenons l’ensemble des Français – je dis bien l’ensemble des Français – à témoin de la gravité de ce qui se joue aujourd’hui pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Claude Greff. Tout à fait ! Je suis d’accord !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je crois que nous sommes tous très conscients de la gravité de la situation et, en tout cas, des défis auxquels notre pays est confronté. C’est la raison pour laquelle nous réformons et avons engagé ce projet de loi, qui vise à soutenir la croissance et l’activité.

Nous pouvons avoir des désaccords ; vous les exprimez plus calmement qu’hier, en exposant des arguments de fond – c’est l’honneur du débat démocratique.

Ce texte de loi, présenté par Emmanuel Macron, a fait l’objet de longs débats, ici même, à l’Assemblée nationale, en première lecture…

Mme Claude Greff. Ils étaient nécessaires !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ...après les débats déjà très longs qui ont eu lieu au sein de la commission spéciale, puis à nouveau, en deuxième lecture, au sein de cette même commission. Je ne dirais pas que tout a été dit, puisque par essence, le débat démocratique permet d’aborder tous les sujets. Toutefois, j’ai considéré, en conscience, avec le Président de la République et le Gouvernement, qu’il fallait recourir à nouveau à l’article 49-3, parce que je ne voulais pas que dix jours supplémentaires soient consacrés non à des débats de fond, mais à des postures, des guerres de tranchées, un ralentissement de l’adoption d’un texte qui doit être mis en œuvre le plus rapidement possible.

Mme Claude Greff. Quel mépris pour le Parlement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux vous rassurer – même si je ne suis pas certain que cela vous réconforte, mesdames et messieurs de l’opposition –, il y a une majorité pour réformer la France ; cette majorité est solide, aux côtés du Gouvernement, pour redresser notre pays. Il y a une majorité pour voter les budgets. Il y a une majorité pour adopter le pacte de responsabilité et de solidarité. Il y a une majorité pour baisser l’impôt sur le revenu à la rentrée prochaine pour neuf millions de ménages. Il y a une majorité pour réformer notre organisation territoriale.

Mme Claude Greff. Non, vous n’avez pas de majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a une majorité pour engager la France dans la transition énergétique. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains).

M. Sylvain Berrios. Une majorité pour vous mettre dehors !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a une majorité pour moderniser le dialogue social. Il y a une majorité plus large encore pour adopter le projet de loi relatif au renseignement.

Je vous ai bien entendu dire qu’il n’y avait pas de majorité alternative, et je m’en réjouis, car ces propos vont dans le bon sens. Par conséquent, je suis convaincu que vous ne voterez pas la motion de censure de la droite demain, car elle ne correspond pas à ce qu’il faut pour le pays. Aussi, monsieur Chassaigne, continuez à débattre, continuons à discuter.

Mme Claude Greff. Où cela ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais le Gouvernement se doit de réformer le pays, de soutenir la croissance et la compétitivité de nos entreprises, là où on crée de l’emploi, notamment dans les PME et les TPE.

Nous allons poursuivre la politique engagée dans le respect du Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), en utilisant, bien évidemment, les armes que nous donne la Constitution – c’est cela aussi, la démocratie – parce que le pays a un besoin urgent de réformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Julien Aubert. Le paillasson vous remercie !

Sort des communes rurales

M. le président. La parole est à M. Dino Cinieri, pour le groupe Les Républicains.

M. Dino Cinieri. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, et je veux y associer mes collègues Laurent Wauquiez, Paul Salen et Yves Nicolin.

Monsieur le Premier ministre, les maires ruraux sont en colère contre vous et votre gouvernement. Après avoir baissé drastiquement les dotations, après leur avoir imposé une réforme des rythmes scolaires aussi coûteuse qu’inutile, vous voulez maintenant anéantir le niveau de proximité préféré des Français qu’est la commune.

Pour les petites communes rurales, la dotation globale de fonctionnement s’élève à 64 euros par habitant et par an, ce qui est largement insuffisant, alors qu’elle atteint 128 euros pour les grandes villes. Non, monsieur le Premier ministre, les habitants des communes rurales ne sont pas des demi-Français ! Un effort financier supplémentaire sera donc le bienvenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Dino Cinieri. Votre projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République va amplifier l’opposition entre villes et campagne et ne réglera pas les problèmes d’équité et d’accès aux services publics en milieu rural.

Les élus locaux ruraux font un travail admirable pour leurs administrés. Ils sont dévoués, engagés, courageux et ne comptent pas le temps donné pour leurs villages, qui sont le véritable poumon vert de la France. Je veux ici, avec l’ensemble de mes collègues, rendre hommage à tous les maires, adjoints et conseillers municipaux des communes rurales. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Dino Cinieri. Monsieur le Premier ministre, vous avez privé les maires et les conseillers municipaux des petites communes de leur pouvoir de décision en matière de logement, d’urbanisme, de maintien des services ou encore d’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Avec la loi NOTRe, les maires en seront réduits à célébrer des mariages !

Monsieur le Premier ministre, écoutez enfin les maires ruraux et revenez sur cette réforme, qui va dénaturer notre pays et dévaster nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député, je vous connais bien, et de longue date : nous sommes tous deux de la région Rhône-Alpes. Vous m’aviez habitué dans nos conversations à moins d’outrance et de caricatures. Le Gouvernement ne veut absolument pas la disparition des communes. Comme j’ai coutume de le dire aux maires ruraux, que je rencontre moi aussi dans toute la France, la commune fait partie de l’ADN de la République française. Personne ne touchera aux communes.

M. Yves Nicolin. Ce sont des mots : passez aux actes !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Cela étant, nous sommes tous d’accord, quelle que soit notre sensibilité politique, pour renforcer l’intercommunalité, pour faire à plusieurs beaucoup mieux que ce que l’on peut faire tout seul.

M. Yves Nicolin. Avec quels moyens ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Les élus ruraux en sont les premiers convaincus. Depuis vingt ans, l’intercommunalité est montée en puissance, consacrant une révolution silencieuse qui permet de remédier à l’émiettement communal. Nous allons renforcer ce mouvement intercommunal dans tous les territoires ruraux, quelles que soient les étiquettes politiques des maires – qui n’en ont souvent pas. Ils sont d’accord pour ce renforcement de l’intercommunalité.

De la même façon que vous avez voté à la quasi-unanimité la loi sur les communes nouvelles, issue de propositions conjointes de Christine Pires Beaune, députée socialiste du Puy-de-Dôme, et de Jacques Pélissard, député, alors UMP, du Jura, nous pouvons trouver, sur ces questions, des accords républicains, transpartisans, en mettant de côté les caricatures et les outrances.

Les territoires ruraux font l’objet d’une attention particulière du Gouvernement.

M. Yves Nicolin. Cela ne se voit pas !

M. André Vallini, secrétaire d’État. La dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, a été abondée cette année de 200 millions d’euros, passant de 600 à 800 millions d’euros : si ce n’est pas le signe de l’intérêt que porte le Gouvernement aux territoires ruraux, qu’est-ce donc ?

Enfin, monsieur le député, vous critiquez la baisse des dotations, qui s’inscrit dans le cadre d’un plan d’économies global de 50 milliards d’euros pour les finances publiques. La formation politique à laquelle vous appartenez – l’UMP hier, Les Républicains aujourd’hui – proposait de réaliser 150 milliards d’euros d’économies : où les prenez-vous et combien demandez-vous aux collectivités locales ? Vous ne le dites jamais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Alain Tourret. Très bien !

Situation de la Grèce

M. le président. La parole est à M. Alain Rodet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Alain Rodet. Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Nous le savons, la situation de la Grèce est extrêmement préoccupante, sur les plans tant social et politique que financier.

Depuis plusieurs semaines, les autorités grecques peinent à trouver un accord avec la Commission européenne et avec les autres États membres de la zone euro. Pourtant, le temps presse : il faut rapidement trouver une issue.

L’objectif de la France, du chef de l’État, du Gouvernement, est que la Grèce puisse s’en sortir. Pour cela, elle doit avoir les moyens de faire face à ses dépenses et à ses obligations. Le niveau des efforts budgétaires demandés à la Grèce a été considérablement diminué. Les délais sont désormais très courts. Il convient donc de reprendre rapidement la négociation.

Demain, jeudi 17 juin, l’Eurogroupe se réunit pour mettre au point le compromis de la dernière chance. Trop demander à la Grèce, c’est bien sûr étouffer son peuple et tuer son économie. Ne rien lui demander, c’est affaiblir considérablement la zone euro tout entière. Il faut donc s’employer à ce que la Grèce puisse rester dans la zone euro par l’adoption d’un compromis équilibré.

Monsieur le ministre, nous savons les efforts que la France a déjà consentis pour aboutir à une solution équitable et responsable. À la veille de la réunion de l’Eurogroupe, pouvez-vous nous rappeler la position du Gouvernement dans ce contexte de crise qui concerne bien sûr au premier chef la Grèce, mais qui peut avoir également un impact important en France et en Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député Alain Rodet, comme vous le dites vous-même, la situation de la Grèce est préoccupante.

Il n’y a qu’une solution et une seule : réussir les négociations entre la Grèce et ses partenaires que sont les autres pays de la zone euro et de l’Union européenne, la Commission, la Banque centrale européenne, le Fonds monétaire international. Il n’y a pas d’autre solution. Un échec serait extrêmement dommageable, d’abord et avant tout pour la Grèce, qui a déjà souffert pendant cinq ans. Le peuple grec a été obligé de fournir beaucoup d’efforts pour que les erreurs du passé soient en partie réparées.

Il y a encore des efforts à faire, il y a des responsabilités à prendre. Il appartient au gouvernement grec d’avancer des propositions en toute liberté, en toute souveraineté pour montrer que la Grèce est prête à faire des efforts supplémentaires, moins importants que ceux qui étaient demandés auparavant, parce que le Gouvernement a changé et que la situation rend nécessaire la relance de la croissance, de l’activité économique et de l’emploi, en Grèce comme ailleurs.

Chacun doit prendre ses responsabilités, y compris nous, les interlocuteurs du gouvernement grec. Aucun pays, aucune institution ne peut se résoudre à un échec, qui serait gravissime, non seulement pour la Grèce, mais aussi pour le projet européen et pour la confiance dans l’économie européenne que nous devons progressivement restaurer.

Tous, nous avons besoin de croissance ; tous, la Grèce comme les autres États européens, nous avons besoin d’emplois supplémentaires. Nous avons un destin commun, une vocation commune, un intérêt commun qui est de trouver un accord. La France est là pour permettre d’en fixer les termes, le Président de la République est là pour cela. Et demain, en tant que ministre des finances, j’y travaillerai également avec mes collègues. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

SNCM

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le ministre de l’économie, le mois dernier, dans cet hémicycle, j’ai indiqué au Gouvernement que la collectivité territoriale de Corse n’avait pas le droit de continuer à payer la Société nationale Corse Méditerranée, la SNCM, au titre de la délégation de service public, et on m’a répondu par une argutie.

J’ai pu vérifier à nouveau hier, en rencontrant à Bruxelles Mme Vestager, commissaire européenne à la concurrence, à quel point votre analyse n’était pas partagée. Nous trouverons cependant avec la Commission européenne un modus vivendi sur ce point, peut-être aux dépens de la collectivité territoriale de Corse, probablement, car rien ne nous garantit que devant le Tribunal de l’Union européenne nous n’aurons pas tort.

Je vous avais aussi indiqué que, sans la Compagnie méridionale de navigation, aucune solution de reprise n’était possible. Le Gouvernement n’en a eu cure et, de ce fait, le tribunal de commerce a repoussé sa décision à la fin du mois de septembre, provoquant une réaction très négative de la Commission européenne dont vous avez certainement eu l’écho.

Face au tribunal de commerce, il a fallu que je dénonce publiquement, dans la procédure, une offre très suspecte pour que le procureur de la République de Marseille reconnaisse, reprenant mot à mot ce que j’avais écrit, qu’elle était constitutive d’un abus de biens sociaux.

La solution nouvelle qui se dessine aujourd’hui suppose l’accord de l’Union européenne et sans doute également, au plan national, celui de l’Autorité de la concurrence. Il faut de surcroît qu’une nouvelle délégation de service public soit mise en œuvre.

Allez-vous enfin, sur cette affaire, assumer vos responsabilités ? Allez-vous travailler main dans la main avec l’autorité délégante, la collectivité territoriale de Corse et la Commission européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Monsieur le député Paul Giacobbi, voilà plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années que le sujet de la SNCM nous est à toutes et à tous familier, et je peux vous affirmer que, dès le premier jour de cette affaire, le Gouvernement a pris ses responsabilités. M. le Premier ministre, Mme Ségolène Royal, M. Vidalies ou moi-même n’avons cessé depuis lors de travailler avec l’ensemble des autorités compétentes, en particulier avec la Commission européenne et la commissaire Margrethe Vestager, que j’ai encore vue en début de semaine.

Je veux donc vous rassurer sur ce point, si besoin en était. Prendre ses responsabilités, c’est les prendre tous ensemble, jusqu’au bout, en toute rigueur et avec une parfaite neutralité.

Le 10 juin dernier, le tribunal de commerce a en effet rejeté les trois offres de reprise. Il a décidé d’un nouvel appel d’offres et fixé au 25 septembre l’audience d’examen des offres qui seront déposées. Nous devons donc, après le rejet intervenu récemment, travailler dans cette perspective.

Je veux tout de même vous rappeler, monsieur Giacobbi, que le Gouvernement ne soutient ni n’a à soutenir aucune offre en particulier et que le choix du repreneur est une prérogative exclusive du tribunal de commerce. J’observe d’ailleurs que ce dernier n’a pas pris en considération plusieurs modifications des différentes offres qui lui avaient été transmises en cours de délibéré et s’est principalement prononcé sur le volet social.

Le Gouvernement a d’ailleurs obtenu que la garantie sur le non-recouvrement des aides d’État jugées illégales soit acquise, ce qui était déjà le cas pour le prononcé du 10 juin dernier. Je tiens à répéter que nous ferons tout pour que d’ici au 25 septembre cette garantie soit obtenue. L’engagement du Gouvernement est plein et entier, en responsabilité, et cette responsabilité doit être partagée avec les autorités délégantes, la Commission européenne et la collectivité territoriale de Corse pour que l’entreprise et ses salariés soient préservés, et le plus grand nombre possible d’emplois maintenus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Prélèvement à la source

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le prélèvement à la source, grande promesse du candidat Hollande en 2012, devient aujourd’hui une hypothèse de réforme. Le Gouvernement confirme son intention de le rendre effectif au 1er janvier 2018. Mais c’est une réforme floue, mal préparée et qui laisse trop de questions sans réponse. Encore une grande illusion, encore un effet d’annonce !

Monsieur le Premier ministre, la communication a ses limites.

Sur la forme d’abord. Le prélèvement serait effectif au 1er janvier 2018. Pourquoi 2018 ? Après vous, le déluge ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Vous prenez une décision qui engagera l’avenir sans vous. Encore une illusion !

Sur le fond ensuite. Vous parlez d’une réforme « irréversible » qui doit s’accompagner d’un cadeau fiscal pour les revenus salariaux de 2017. Belles illusions, mais sérieuses désillusions pour ceux qui seraient tentés de croire à vos promesses ! Faut-il voir dans cette annonce un coup politique ?

De plus, 2017 serait une « année blanche » sur le plan comptable. C’est parfaitement illusoire compte tenu du contexte financier actuel ! La France est le pays d’Europe qui détient le déficit le plus important,…

M. Gilbert Le Bris. La faute à qui ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …la dette augmente, la situation est très critique.

Vous avancez l’argument du « lissage ». Autre grande illusion ! Si une dépense peut se lisser sur plusieurs années, expliquez-moi par quel tour de magie vous lissez une recette sur plusieurs années…

M. Patrick Mennucci. Question incroyable ! Affligeante !

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, l’impôt en France est familialisé. Quel sera l’impact de cette mesure sur les familles ? Seront-elles, encore une fois, les plus touchées par votre matraquage fiscal ? Le gouvernement Ayrault avait annoncé que neuf Français sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d’impôt. Quelle désillusion !

Cette réforme, monsieur le Premier ministre, n’est-elle qu’un miroir aux alouettes pour appâter les Français dans la perspective de 2017 ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée, je voudrais préciser différents points afin de vous rassurer.

Tout d’abord, les grands principes de l’impôt sur le revenu ne seront pas changés.

M. Jean-Claude Perez. Mme Dalloz le sait très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet impôt restera familialisé, le quotient familial subsistera, la notion de foyer fiscal et la progressivité qui en résulte seront maintenues.

L’objectif est de rapprocher le moment où l’on paie l’impôt sur le revenu du moment où l’on perçoit ledit revenu. Actuellement, en effet, les personnes qui voient leurs revenus baisser sont soumises à l’impôt de l’année précédente, ce qui est pour elles source de difficultés.

Concrètement, que va-t-il se passer ? En 2017, l’impôt sur le revenu sera calculé et payé sur la base des revenus perçus en 2016, comme d’habitude. En 2018, l’impôt sur le revenu sera payé sur la base des revenus de l’année 2018. Les contribuables continueront donc d’être soumis chaque année à une annuité d’impôt sur le revenu : il n’y aura pas d’année double. Quant au budget de l’État, il continuera d’être alimenté tous les ans par le produit de cet impôt.

Je reconnais volontiers que des difficultés subsistent. Il y a là un travail auquel le Gouvernement invite les parlementaires et l’ensemble des acteurs concernés par ces questions.

Cette réforme, beaucoup d’entre vous l’ont souhaitée, y compris sur les bancs de l’opposition.

M. Jean-Luc Laurent. Et nous, nous la faisons !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avec toutes les questions qu’il nous faut encore résoudre, nous mettrons en œuvre sereinement et sans précipitation la retenue à la source le 1er janvier 2018. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Salon aéronautique du Bourget

M. le président. La parole est à Mme Linda Gourjade, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Linda Gourjade. Monsieur le ministre de la défense, le cinquante et unième salon du Bourget a ouvert ses portes ce lundi. Historiquement, la France est en pointe en matière d’industrie aéronautique et de défense. Cette position, nous l’avons renforcée, comme l’a encore démontré le rapport sur les exportations d’armement pour 2014. L’année 2015 s’annonce prometteuse, symbolisée par les ventes spectaculaires de Rafale à l’Inde, à l’Égypte et au Qatar.

Plusieurs facteurs concourent à cette situation : les efforts déployés par notre diplomatie économique, engagée dès 2012 par le Président de la République ; le rééquilibrage entre l’euro et le dollar préconisé par notre majorité ; mais aussi, bien évidemment, l’excellence des travailleurs et des entreprises du secteur.

Voisine du bassin d’emploi toulousain, je mesure très concrètement dans ma circonscription du Tarn les vertus d’un écosystème alliant innovation, investissement et progrès social. Le dynamisme du secteur profite à notre territoire et à ses habitants.

La vitalité de nos industries dans l’aéronautique est également une bonne nouvelle pour notre politique de défense. En effet, le produit de certaines ventes abonde les recettes exceptionnelles qui financent la loi de programmation militaire. Alors que les défis relevés chaque jour par nos forces sur le territoire national comme sur les théâtres extérieurs sont considérables, nous devons tous nous féliciter de la solidité de notre outil industriel.

Monsieur le ministre, au cœur de cette semaine du Bourget, pouvez-vous détailler à la représentation nationale votre analyse sur la santé de notre industrie de défense ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Noël Carpentier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Comme vous le soulignez, madame la députée, le salon du Bourget se déroule de manière excellente, tant par l’affluence – 320 000 visiteurs sont attendus – que par le nombre de délégations étrangères, plus d’une centaine. Cela est dû à l’excellence de nos entreprises, dans le domaine de l’aéronautique comme dans celui du spatial, dans le domaine civil comme dans le domaine militaire, qu’il s’agisse de nos grands groupes ou des PME spécialisées qui parsèment le territoire.

Comme tous les ans au mois de juin, j’ai rendu publics la semaine dernière les chiffres d’exportation de défense. Alors que le montant des exportations de défense de la France était de 4,7 milliards d’euros en 2012, il atteindra en 2014 le record historique de 8,2 milliards, et tout laisse à penser, après les commandes de Rafale – auxquelles il faut ajouter les commandes d’hélicoptères passées la semaine dernière par le Koweït –, que nous doublerons ce chiffre en 2015.

M. Gilbert Le Bris. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il y a plusieurs raisons à ces performances : d’abord les menaces, bien réelles ; ensuite, bien entendu, la qualité et l’excellence de nos entreprises ; mais aussi le fait que nos forces utilisent ces capacités en opérations, confirmant ainsi leur grande qualité ; enfin une méthode différente, qui consiste d’abord et avant tout à respecter notre partenaire.

Il faut que ce mouvement se poursuive. Ce sera le cas, je crois, à deux conditions.

Premièrement, une condition de formation. « L’Avion des métiers », filière de formation développée par la profession – le GIFAS, ou Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales – et soutenue par François Rebsamen doit être au rendez-vous.

Deuxièmement, une condition d’innovation. Si nous voulons que nos industries de défense soient aux rendez-vous d’après-demain, il faut préserver les crédits affectés à l’innovation et à la recherche dès aujourd’hui. C’est ce que nous faisons, et c’est pourquoi je suis optimiste pour l’avenir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Réforme du marché du travail

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, un sujet du bac de philosophie avait ce matin pour thème : « La politique échappe-t-elle a tout exigence de vérité ? » Monsieur le ministre, votre politique n’échappe pas à la réalité de notre pays. Le chômage augmente inexorablement : 1 million de chômeurs en plus depuis trois ans.

M. Jean-Luc Laurent. Ne cherchez pas à philosopher, vous auriez une mauvaise note !

M. Gilles Lurton. Vos réformes n’ont fait qu’aggraver la situation : complexification à outrance du code du travail, pénibilité, frein sans précédent à la construction de logements et aux initiatives économiques. Quelques heures à peine après le passage en force du projet de loi Macron, nous nous réveillons ce matin avec l’annonce d’une nouvelle réforme du code du travail. « Le travail, c’est moi ; lui, il s’occupe d’économie » a répliqué immédiatement François Rebsamen, assurant main sur le cœur qu’on ne réécrirait pas le code du travail. Quelle belle cohérence gouvernementale !

Monsieur le ministre, votre réforme en profondeur du marché du travail, est-ce la loi Macron, dont nous ne voyons toujours pas en quoi elle relancera la croissance, l’activité et l’emploi dans nos entreprises ? Vous n’avez plus de majorité : l’article 49, alinéa 3, nous privera de discussions sur de nombreux articles, concoctés à la va-vite entre deux suspensions de séance la semaine dernière, et malgré les remarques pertinentes de nos collègues sénateurs. Est-ce la loi sur le dialogue social, qui sera source de complexification et de formalisme dans les TPE et PME pour les chefs d’entreprise mais aussi pour les salariés ? Est-ce la création de 100 000 emplois aidés supplémentaires ? Monsieur le ministre, les Français ont besoin de vérité. Comment comptez-vous concilier cohésion gouvernementale et réforme du marché du travail sans le complexifier davantage, comme vous le faites depuis trois ans ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, on dirait qu’il y a, dans vos rangs, comme une envie de supprimer le code du travail d’un coup de baguette magique ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Beaucoup en parlent mais, en définitive, peu l’ont lu et le connaissent. Ce code du travail, c’est le produit d’une longue histoire, celle du monde du travail, des combats des ouvriers pour assurer leur santé et garantir les droits sociaux dans l’entreprise, depuis l’interdiction du travail de nuit des enfants jusqu’à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, en passant par les congés payés.

Telle est l’histoire du code du travail et vous ne pouvez pas la rayer d’un trait de plume !

M. Yves Fromion. Vous n’êtes plus dans le siècle, monsieur le ministre !

M. François Rebsamen, ministre. Les réflexions qui viennent d’être présentées par Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen, professeur éminent, sont, elles, très intéressantes parce qu’elles apportent un éclairage sur le droit du travail, une sorte de préambule ou des principes généraux de celui-ci.

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Jean-Frédéric Poisson. Répondez à la question !

M. François Rebsamen, ministre. S’agissant du code du travail, l’existence d’une règle est souvent une garantie et l’absence de loi une source d’insécurité. Vous ne pourrez pas réformer le code du travail sans en parler d’abord aux partenaires sociaux. Mais, vous le savez, ce sont des propos de tribune que vous tenez quand vous êtes dans l’opposition, mais vous êtes bien incapables de les répéter quand vous êtes au pouvoir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Bernard Deflesselles. C’est à vous de réformer !

M. Yves Fromion. Laissez-nous la place, vous allez voir !

Filière porcine

M. le président. La parole est à M. Gwenegan Bui, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gwenegan Bui. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis 2007, le secteur porcin est en crise chronique. Une production en baisse, des éleveurs moins nombreux, des prix peu rémunérateurs, des investissements trop faibles, une interprofession anémique, un cadran fragilisé, des coopératives et des groupements de plus en plus éloignés de leurs coopérants, ce sont autant de symptômes qui caractérisent les difficultés économiques que connaît actuellement la filière. Représentant 58 % de la production nationale, la Bretagne n’échappe pas à cette crise. La tension est de plus en forte dans les campagnes. Et je ne reviens pas sur la fermeture de l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau, avec ses 900 salariés licenciés, qui est la traduction la plus brutale et la plus visible du marasme et de la schizophrénie dans lequel est plongée cette filière.

Pourtant, depuis 2012, de nombreux efforts ont été consentis par les pouvoir publics afin de restructurer la filière, à commencer par vos mesures, monsieur le ministre, qui ont permis l’allégement des procédures administratives, longtemps réclamé par les agriculteurs, la diminution, voire l’exonération dans certains cas, des cotisations patronales, ou encore la mise en place d’un plan de compétitivité ambitieux visant à moderniser les élevages. L’arrêté que vous avez pris vendredi dernier, qui encadre les promotions et qui renforce les sanctions contre les pratiques commerciales abusives, constitue également une vraie avancée et un outil de régulation.

Malheureusement, ces dispositions fortes, qui s’inscrivent à moyen et long terme, ne suffisent pas à régler les difficultés immédiates de la filière. Elles ne suffisent pas, car la profession elle-même doit se réformer si elle veut affronter la concurrence européenne. C’était le sens du pacte d’avenir de la filière porcine que vous avez lancé en avril 2013 et dont l’objectif était simple : recréer une dynamique collective et coordonnée de la filière permettant de dégager une solidarité entre les différents maillons qui la composent. Force est de constater que cet effort n’a pas été fait.

Monsieur le ministre, face à la détresse des producteurs porcins français, pouvez-vous nous rappeler les mesures structurelles que vous venez de prendre, mais aussi nous faire savoir quels sont les engagements, les réformes et les garanties que l’interprofession est prête à prendre pour relever ce défi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, vous avez évoqué la crise de la filière porcine dans une région qui représente 58 % de la production. Cette crise s’accompagne d’une crise de la filière bovine – ce sera l’objet d’une réunion cet après-midi. S’agissant de la filière porcine, comme je l’ai dit lors de l’assemblée générale des producteurs de porcs à Ploërmel la semaine dernière, des mesures conjoncturelles sont d’abord nécessaires, c’est-à-dire un engagement de tous les acteurs à faire remonter le prix, aujourd’hui trop bas, pour pérenniser l’activité porcine en Bretagne et ailleurs, car 15 % des exploitations sont de ce fait à la limite du dépôt de bilan.

Ensuite, vous l’avez très bien dit, il est nécessaire de penser à des mesures structurelles de moyen et de long terme d’organisation de la filière. Nous ne pouvons plus considérer que cette filière doit être divisée entre la production porcine elle-même, la transformation et la distribution. Il faut mieux coordonner les enjeux de l’activité commerciale – les conditions, en particulier la mention « viande porcine française » – avec l’objectif des producteurs et de la production. C’est pourquoi nous nous sommes engagés, avec la profession, à établir un pacte porcin qui devra déboucher sur des perspectives nouvelles, notamment sur la contractualisation. J’ai également demandé à l’interprofession, qui se réunit aujourd’hui, de me faire une proposition sur ce qu’on appelle les prix des produits à la découpe, qui, pour l’heure, diffèrent fortement et conduisent parfois à des ventes à perte par rapport au coût de revient.

Cette proposition devrait être faite aujourd’hui. Sur cette base, je prendrai un arrêté. S’il n’y a pas de proposition, je prendrai quand même un arrêté, comme je l’ai fait pour l’encadrement des promotions commerciales. Nous essayons, vous l’avez très bien dit, de réorganiser l’ensemble de cette filière. Cela vaut pour tous les échelons de la filière, en particulier pour la production, qui doit assumer une partie de cette organisation. On connaît trop bien ce qu’est la concurrence entre tous les acteurs, notamment dans le domaine de la production. Ils doivent maintenant travailler ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à seize heures :

Débat et vote sur une motion de censure déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly