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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2014-2015

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 18 juin 2015

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Motion de censure

Discussion et vote

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion et le vote sur la motion de censure déposée en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, par M. Christian Jacob, M. Philippe Vigier et 146 membres de l’Assemblée.

M. Pascal Popelin. Seulement ?

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, premier orateur inscrit, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, le congrès socialiste de Poitiers devait réconcilier les socialistes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.). II n’a été qu’une mascarade, un théâtre d’ombres, une synthèse molle dont la France va faire les frais.

Preuve s’il en est, dix jours plus tard, vous êtes dans le même état clinique qu’avant, affaibli, isolé, diviseur, fossoyeur de votre propre majorité.

Les Français ne doivent pas s’y tromper. Ce que révèle ce 49-3, ce n’est pas votre courage à réformer : il n’y a presque rien dans cette petite loi Macron. Ce qu’il révèle, c’est votre incapacité à entraîner votre propre majorité et le pays vers un horizon meilleur.

En arrivant à Matignon, vous aviez théoriquement 340 députés de gauche pour vous soutenir : combien sont-ils encore aujourd’hui ? Personne ne le sait vraiment et vous faites d’ailleurs tout pour qu’on ne le sache pas.

M. Pascal Popelin. Nous allons les compter tout à l’heure, tout de même !

M. Christian Jacob. Celles et ceux qui ne vous lâchent pas sont en réalité celles et ceux qui vous ressemblent le plus, celles et ceux qui s’accrochent à leur mandat car ils savent très bien que si des élections avaient lieu dimanche prochain, vous seriez balayés.

Votre bail à Matignon est depuis le commencement un long calvaire parlementaire.

La première étape de ce calvaire, c’est votre déclaration de politique générale en avril 2014, juste après votre débâcle électorale des municipales : 340 députés auraient dû vous soutenir ; ils n’étaient que 306 à l’arrivée.

C’était il y a à peine plus d’un an, quatorze mois exactement. En temps normal, c’est peu, quatorze mois, pour un Premier ministre. Mais avec vous, ce fut long, très long : longueur de l’inaction, longueur de l’absence de réformes, longueur, enfin, de l’absence de résultat !

À plusieurs reprises, vous avez frôlé la correctionnelle, notamment lors du vote du pacte de stabilité.

Vous aviez à ce moment 265 députés pour vous soutenir – déjà, une majorité très affaiblie et très étriquée.

Nous n’avons pas non plus oublié la tragi-comédie de la fin du mois d’août dernier quand, humilié par M. Montebourg, vous êtes revenu devant l’Assemblée en engageant votre responsabilité.

Bien des vôtres ont encore manqué à l’appel : 81 députés de gauche vous ont refusé la confiance, 81, monsieur le Premier ministre, j’ai vérifié ! C’est beaucoup !

Est alors venu le temps de la loi dite « Macron », la loi qui sans doute porte le plus mal son nom dans l’histoire parlementaire récente, une loi pour la croissance et l’activité.

M. Emmanuel Macron, ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique. Et l’égalité des chances économiques !

M. Christian Jacob. Il ne fallait pas rire : cette loi devait libérer les énergies, remettre le pays sur les rails, que sais-je encore !

La vérité, c’est que cette loi est une mystification totale, elle ne traite aucun des grands défis auxquels notre pays est confronté : rien sur le temps de travail, rien sur le coût du travail, rien sur la réforme du code du travail.

M. Bruno Le Roux et M. Jean-Christophe Cambadélis. Tiens tiens !

M. Christian Jacob. Nous n’avons pas vu dans cette loi que vous abrogiez les 35 heures alors que la France avait besoin d’être remise au travail. Nous n’avons pas vu que vous organisiez les conditions d’un choc fiscal pour nos entreprises qui ont besoin d’affronter la concurrence économique mondiale. Nous n’avons pas vu, non plus, que vous allégiez les contraintes du code du travail, qui est devenu une machine à fabriquer des blocages, de l’attentisme et du chômage.

Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous ouvrir les yeux, quand allez-vous comprendre que notre pays est au bord de la rupture, qu’il a besoin d’oxygène, de liberté d’entreprendre, de liberté de travailler ?

Nous avons besoin qu’on en finisse avec le matraquage fiscal de celles et ceux qui travaillent, qui produisent, qui enrichissent la France ! Nous avons besoin d’une rupture avec une politique d’assistanat qui fragilise la communauté nationale !

C’est tout le contraire de ce que vous avez fait depuis trois ans. Vous avez mis vos pas dans ceux de Jean-Marc Ayrault et les résultats – il faut bien le dire – ne s’améliorent pas. Ils sont mêmes pires, et c’est peu de le constater !

À moins de deux années de la fin du quinquennat, avez-vous conscience de l’état dans lequel vous allez laisser la France à vos successeurs ?

La France vient de perdre trois ans et elle s’apprête à en perdre deux de plus : cinq ans en mode « pause » pour une grande puissance comme la nôtre ! La France est en voie de relégation, en situation de décrochage économique en Europe ! Nous venons d’être rétrogradés au sixième rang mondial et cela va continuer si un électrochoc n’a pas lieu.

Où en est le pays après trois ans de socialisme ? Des impôts qui flambent, une dette qui explose, un chômage qui galope, une politique d’assistanat qui met en péril notre modèle social et qui dresse les Français les uns contre les autres !

Votre bilan, Monsieur le Premier ministre, ce sont d’abord les chiffres de l’exécution budgétaire de 2014, avec un déficit qui s’est aggravé de 11 milliards pour cette seule année-là.

Les recettes de l’État, notamment l’impôt sur les sociétés, se sont effondrées car votre politique fiscale a littéralement asphyxié notre économie.

Il fallait vraiment être très fort pour parvenir à creuser le déficit et diminuer les recettes tout en augmentant les impôts ! Eh bien, vous avez réussi !

La France s’enfonce car elle ploie sous la lourde charge des impôts et c’est ce moment que le Président de la République choisit pour annoncer le prélèvement à la source.

Comme vous êtes incapable de faire baisser les impôts, vous amusez la galerie en prônant une réforme du mode de prélèvement pour 2018. Il est risible d’annoncer un tel délai. Et nous vous mettons en garde.

M. Pascal Popelin. Vous n’avez pas montré de grandes capacités en la matière vous non plus.

M. Christian Jacob. Si l’objectif du prélèvement à la source, c’est de s’attaquer au quotient conjugal, au quotient familial ou, pire encore, d’être le cheval de Troie d’une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu, sachez que nous combattrons cette réforme de toutes nos forces ! Les classes moyennes françaises ont déjà payé un trop lourd tribut à votre folie fiscale depuis trois ans.

Le résultat de vos échecs budgétaires et fiscaux, c’est une dette publique record de 2 037 milliards à ce stade, que nous léguerons d’ailleurs à nos enfants. Le réveil sera très douloureux. Cette dette socialiste est une véritable bombe à retardement ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Pascal Popelin. Vous ne manquez pas d’air !

Mme Julie Sommaruga. La dette, c’est vous !

M. Christian Jacob. Je vous le répète : 2 037 milliards de dette légués à nos enfants, tel est le montant de la dette socialiste !

Venons-en à l’échec le plus criant de ce quinquennat pour rien : l’emploi. Trente-six mois de mandat de Hollande…

M. Manuel Valls, Premier ministre. De M. François Hollande.

M. Christian Jacob. …c’est trente et un mois de hausse du chômage.

Depuis trois ans, notre pays compte 647 000 chômeurs de plus. Toutes catégories confondues, on atteint 5,3 millions de chômeurs, une hausse de plus d’un million, de mille chômeurs supplémentaires chaque jour, soit, près d’un chômeur de plus toutes les 90 secondes ! C’est cela, votre responsabilité, c’est cela votre bilan, monsieur le Premier ministre !

Mme Julie Sommaruga. Vous auriez dû faire le même comptage en 2012 !

M. Christian Jacob. Et, pendant ce temps, François Hollande ne perd pas son sens de l’humour.

En 2012, il promet l’inversion de la courbe de chômage d’ici l’année suivante. En février 2013, il nous annonce que la reprise sera là en 2014. Le 18 avril 2014, il annonce que si le chômage ne baisse pas d’ici à 2017, il n’a pas de raison d’être candidat. Rassurez-le, il n’y parviendra pas, même en ouvrant les vannes des contrats aidés et des petits expédients !

Il n’y arrivera pas car il faudrait qu’il ait une ambition qui le dépasse, une ambition pour la France, une vision d’avenir ! La triste réalité, c’est que ni lui, ni le Gouvernement ne l’ont ! Votre Gouvernement est en panne, en panne sèche, vous n’avez plus de carburant politique !

Monsieur le Premier ministre, vous êtes le spectateur du déclin français…

M. Jean-Jacques Guillet. L’acteur, même !

M. Christian Jacob. …spectateur dans un pays pourtant au bord de l’explosion sociale et économique !

Il est pris en étau entre, d’une part, les Français qui travaillent et qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts, les demandeurs d’emplois qui se désespèrent d’être sur le carreau et, d’autre part, ceux qui profitent d’un système d’assistanat complètement incontrôlé.

Ce système est à bout de souffle. On ne peut plus tolérer que le guichet des dépenses d’assistanat soit un tonneau des danaïdes.

On ne peut plus tolérer le versement sans contrôle du RSA, qui met les finances des départements dans le rouge.

On ne peut plus tolérer qu’il y ait toujours plus d’allocataires de la CMU…

M. Jean-Christophe Cambadélis. Même vos amis ne vous regardent pas !

M. le président. S’il vous plaît ! Un seul orateur a la parole.

M. Christian Jacob. …en face de salariés modestes ou de petits retraités qui, eux, s’acquittent chaque mois d’une mutuelle.

On ne peut plus tolérer non plus la dérive infernale des dépenses de l’aide médicale d’État qui vont atteindre 900 millions. Qui peut encore accepter qu’un clandestin bénéficie de soins illimités gratuits sans rien payer ?

M. Pascal Popelin. Quel rapport avec la loi Macron ?

M. Christian Jacob. Cette politique globale qui privilégie l’assistanat sur la solidarité nationale est d’autant plus exaspérante que vous venez de rompre avec un pilier de notre politique familiale : l’universalité des allocations familiales.

Ce qui nous différencie profondément, c’est que nous pensons qu’il n’y a pas d’un côté des enfants de riches et, de l’autre, des enfants de pauvres ! Il n’y a que des enfants de France, des enfants qui ont tous droit à la solidarité nationale quelle que soit la situation de leurs parents. (« Excellent ! » et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Car tous les parents font des sacrifices pour élever leurs enfants, ces enfants que vous stigmatisez et qui paieront demain les retraites des actifs d’aujourd’hui.

Il est grand temps, Monsieur le Premier ministre, que vous preniez la mesure de l’exaspération de nos concitoyens, l’exaspération des familles de France !

M. Alain Chrétien. Écoutez le peuple !

M. Christian Jacob. Mais nous ne nous faisons malheureusement aucune illusion : vous n’avez plus les moyens de gouverner. Telle est la réalité.

Ce recours abusif au 49-3 est en quelque sorte le troisième acte de votre effacement politique. Il y avait eu le vote de confiance étriqué de septembre. II y a eu le premier 49-3. Il y a maintenant ce second 49-3 décidé dans des conditions de mépris du Parlement jamais égalées.

Vous avez engagé votre responsabilité sur un texte qui n’a jamais été présenté dans l’hémicycle…

M. Gérard Cherpion. Tout à fait !

M. Christian Jacob. …dont les amendements n’ont pas été débattus en commission alors que, pour certains d’entre eux, il s’agit d’amendements de fond qui changent complètement sa nature.

Non seulement vous mentez en prétendant que les amendements du Gouvernement sont des amendements de forme mais, plus grave, vous violez notre Constitution modifiée en 2008.

On se souviendra de vous, ici, comme le Premier ministre qui a humilié et trahi sa majorité, qui a violenté le Parlement et notre Constitution pour un tout petit dessein : se maintenir coûte que coûte à Matignon.

La noblesse aurait été d’aller au vote et, le cas échéant, d’en tirer les conséquences en vous démettant ou en convoquant des élections législatives.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais bien sûr !

M. Christian Jacob. Au point où en est la France, c’est le meilleur service qu’on pourrait lui rendre.

Vous êtes déjà minoritaire dans le pays ; vous l’êtes, de fait, aujourd’hui, dans cette assemblée. Vous allez, en recourant à l’article 49, alinéa 3, solliciter encore quelques mois de plus de vos bourreaux. Ils vous les accorderont car, en vous sauvant, ils se sauvent eux-mêmes. Mais cela ne changera pas le cours des choses.

Cette censure que le groupe Les Républicains votera avec toutes celles et ceux qui, sur tous les bancs, entendent que le Parlement soit respecté, est une étape vers l’alternance, la grande alternance que les Français attendent pour le bien de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale connaît aujourd’hui une situation tristement inédite, en devenant une la vitrine des divisions du parti socialiste – qui, elles, n’ont rien d’inédit –, alors que nous devrions tous, en ce 18 juin, célébrer le refus de la résignation.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, vous avez estimé qu’il n’appartenait pas à la représentation nationale de débattre plus longtemps des quelque quatre cents articles du projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Vous considérez en revanche comme naturel que l’Assemblée nationale vive la pénible expérience d’accueillir la revanche du congrès du parti socialiste. C’est bel et bien l’absence de majorité solide qui vous contraint à engager la responsabilité du Gouvernement, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ce projet de loi et ses trop timides avancées constituent le point de rupture de votre majorité, entre les conservateurs et ceux qui savent que l’immobilisme n’est plus tenable. En 2012, votre majorité s’est construite sur un mensonge.

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Un mensonge dont le responsable est François Hollande, candidat de l’immobilisme ; l’immobilisme, seul projet capable de réconcilier les gauches. Un mensonge dont il devra répondre devant le peuple français ; un mensonge qui a consisté à nier la gravité de la crise et à accuser la majorité précédente d’être la seule responsable de tous les maux de la France.

Un mensonge qui l’a conduit à promettre la retraite à 60 ans, à promettre que les plus modestes seraient épargnés par les hausses d’impôts, à promettre la guerre contre la finance, à promettre la renégociation du traité européen, ou encore l’impossible inversion de la courbe du chômage.

M. Stéphane Demilly. Très bien !

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, alors que l’exercice des responsabilités vous impose désormais d’agir pour sortir de la crise, vous êtes malheureusement prisonnier de ces mensonges. Vous êtes dans l’impossibilité de vous délier d’un contrat de majorité qui va à l’encontre des intérêts de la France – et vous le savez bien ! Le groupe UDI, qui s’est toujours déterminé en fonction de l’intérêt supérieur de la nation, ne peut que le regretter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Le 3 juillet 2012, à cette tribune, en réponse à la déclaration de politique générale de votre prédécesseur, Jean-Louis Borloo avait annoncé que notre groupe serait la « vigie lucide, indépendante et exigeante de cette législature ». Jamais, depuis lors, nous n’avons manqué à cette triple exigence.

Notre abstention bienveillante, monsieur le Premier ministre, sur le programme de stabilité, en avril 2014, en témoigne.

M. Stéphane Demilly. En effet !

M. Philippe Vigier. C’est pourquoi nous avions entamé l’examen du projet de loi Macron avec l’espoir qu’il constitue une chance de tourner définitivement la page des deux premières années du quinquennat.

M. François Rochebloine. C’est vrai !

M. Philippe Vigier. Oui, nous le reconnaissons volontiers, monsieur le ministre, l’espoir suscité par ce projet de loi était inédit depuis le début du quinquennat. Nous caressions l’espoir que vous donneriez enfin des signaux sans ambiguïté aux créateurs de richesses, à celles et ceux qui entreprennent ; l’espoir que vous mettriez tout en œuvre pour libérer les énergies, paralysées par les immobilismes et par le poids des contraintes et des normes ; l’espoir que vous feriez tout pour lever les freins à l’embauche et permettre ainsi la création d’emplois. Nous pensions que, comme nous, vous vouliez dessiner un cap qui s’affranchisse des conservatismes et des frilosités ; qui ne s’appuie pas sur des compromis politiques permettant de gagner quelques voix ou de ne pas en perdre. Nous pensions que vous vouliez ouvrir une voie qu’auraient pu emprunter tous ceux qui aspirent, ici, sur tous ces bancs, à l’intérêt général. Il n’en a malheureusement rien été !

M. François Rochebloine. Et c’est triste !

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, vous avez été pris en otage par les nostalgiques, par les archaïques, par les cyniques qui vivent de beau langage, par ceux qui feignent d’ignorer que leur immobilisme aggrave une crise qui frappe avant tout les plus modestes, dont ils se sont autoproclamés les porte-parole.

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Quelle cruelle ironie de devoir recourir à l’article 49, alinéa 3, à cause de ceux qui, au sein de votre majorité, tiennent trop à leur carrière, à leur siège de député, aux faveurs et honneurs que leur accordent les médias, pour prendre le risque de censurer le Gouvernement. Où sont les frondeurs ? La vérité est qu’ils ont besoin de vous, monsieur le Premier ministre, de votre incapacité à réformer en profondeur, de votre absence de résultats et de vos échecs, pour continuer à prétendre qu’une autre politique est possible ! Pire, la vérité, c’est que vous aussi, monsieur le Premier ministre, vous avez besoin des frondeurs, qui font passer vos timides velléités de réforme pour des bouleversements profonds ! Mais ce jeu de dupes, mes chers collègues, ne fait pas illusion face à l’absence de résultats qui caractérise votre bilan.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Exactement !

M. André Schneider. C’est la vérité !

M. Philippe Vigier. Naturellement, vous voudriez faire croire, monsieur le Premier ministre, que le recours à l’article 49, alinéa 3 est justifié par l’urgence qu’il y a à mettre en œuvre une réforme vitale pour l’emploi et la croissance. Vous voudriez nous faire croire que nous sommes à dix jours près, alors que nous avons perdu trois ans dans la bataille de l’emploi. Dire cela n’est pas la vérité : nous ne sommes pas face à une réforme d’ampleur ! Nous sommes face à un projet de loi tentaculaire, illisible, et qui manque bien souvent de cohérence.

Vous voudriez faire croire que le recours à l’article 49, alinéa 3 est la meilleure arme face à ce que vous appelez une « guérilla parlementaire ». Oubliez-vous seulement que l’opposition n’a fait que jouer son rôle avec responsabilité, en faisant des propositions constructives et ambitieuses ?

Mme Marie-Louise Fort et Mme Marie-Jo Zimmermann. Absolument !

M. Philippe Vigier. Des propositions qui ont toutes été balayées d’un revers de main, tandis que les frondeurs, qui ne sont pas là, confisquaient le débat et nous forçaient à assister à l’avant-première du congrès du parti socialiste.

Vous voudriez faire croire que le soutien ou l’opposition à ce projet de loi ou à ce gouvernement délimite la frontière entre conservateurs et réformateurs, mais c’est vous qui renvoyez dos à dos opposition et majorité, et qui considérez qu’il est impossible de transcender les clivages partisans.

Vous voudriez nous faire croire que le recours à l’article 49, alinéa 3 est un acte d’autorité, au service de la France. Il est, au contraire, un aveu d’échec, ainsi que la manifestation de votre faiblesse. Il est la preuve que vous êtes une nouvelle fois mis en situation de devoir arbitrer entre les intérêts du parti socialiste et ceux de la France. Il est la démonstration éclatante que votre volontarisme, que nous reconnaissons, n’a pas survécu à l’épreuve de votre majorité. Il démontre qu’il vous est impossible d’emprunter la voie de la réforme et du progrès, et que vous êtes, par conséquent, condamné à l’impuissance.

M. François Rochebloine. Excellent !

M. Philippe Vigier. Nous vous avions dit, en février dernier, que le quinquennat s’était achevé lorsque, pour la première fois, vous avez choisi de recourir à l’article 49, alinéa 3. Nous le maintenons : vous êtes dans l’impasse et votre majorité est disqualifiée pour mener les réformes indispensables.

M. Jean-Pierre Door. C’est bien vrai ! Carton rouge !

M. Philippe Vigier. Pourquoi exercer le pouvoir, si vous n’êtes pas en mesure de relever les défis immenses qui s’offrent à la France ? Comment pouvez-vous vous satisfaire d’un pouvoir qui n’est plus qu’illusion, dont l’autorité et l’efficacité ne sont qu’apparences ? Avez-vous abandonné l’idée que le pouvoir n’a de sens que lorsqu’il est exercé pour la France ?

Exercer le pouvoir, monsieur le Premier ministre, ce n’est pas se contenter de mettre en scène son autorité personnelle. Exercer le pouvoir exige un dévouement absolu au service de la République, un dévouement si sincère qu’il se suffit à lui-même, un dévouement qui ne réclame aucun artifice. Exercer le pouvoir, ce n’est pas s’affirmer. C’est, au contraire, ne plus s’appartenir.

Exercer le pouvoir, c’est croire en la puissance de la vérité, en la force de l’intelligence des Français qui sont prêts à l’entendre, à l’accepter, et à œuvrer ensemble au redressement du pays. C’est les prendre à témoin, lorsque vous considérez que votre majorité ne défend plus leurs intérêts, mais les siens.

Exercer le pouvoir, c’est se libérer des enjeux partisans. Non, la France ne se limite pas à la rue de Solférino non plus que l’intérêt général à la synthèse des courants du parti socialiste.

M. Stéphane Demilly. Très bien !

M. Philippe Vigier. Exercer le pouvoir, ce n’est pas non plus se réfugier derrière les institutions et tenter de rassembler artificiellement une majorité contre la motion de censure, à défaut de pouvoir la rassembler véritablement autour d’un projet cohérent.

Exercer le pouvoir, c’est avoir une exigence constante, celle de mobiliser et de fédérer la nation autour d’une vraie méthode de gouvernement, reposant sur un vrai dialogue. Exercer le pouvoir, c’est s’appuyer sur l’écoute, le compromis, le rassemblement le plus large possible, pour engager les transformations profondes, pour en faire des mutations irréversibles qui s’inscrivent dans la durée. C’est ce que notre groupe s’emploie à faire depuis le début, dans le sillage du Grenelle de Jean-Louis Borloo. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe écologiste.)

Exercer le pouvoir pour la France est incompatible avec toute forme de brutalité. Or vous agissez avec brutalité lorsque vous refusez à l’Assemblée nationale un débat sur un projet de loi qui aborde pourtant des questions aussi cruciales que le plafonnement des indemnités pour licenciements abusifs.

M. Alain Chrétien. Que faites-vous du droit d’amendement ?

M. Philippe Vigier. Vous agissez avec brutalité lorsque vous foulez aux pieds le dialogue social en mettant en œuvre le compte personnel d’activité et la prime d’activité pour tenter d’apaiser la gauche de la gauche.

Exercer le pouvoir pour la France, ce n’est pas considérer, monsieur le Premier ministre, que l’esprit du 11 janvier, qui nous a tous rassemblés, et que vous ne cessez d’invoquer, constitue un blanc-seing.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ne dites pas une chose pareille, ce n’est pas bien.

M. Philippe Vigier. Exercer le pouvoir, c’est avoir conscience que vos échecs alimentent une défiance à l’endroit de l’ensemble de la classe politique et font monter les extrêmes. C’est ne pas fermer les yeux sur le fait que, ce faisant, vous participez vous-même à l’aggravation de la crise morale qui fragilise notre République !

Monsieur le Premier ministre, plus que jamais, aujourd’hui, vous êtes dans l’incapacité d’emporter l’adhésion de votre majorité, l’adhésion de celles et ceux qui sont prêts à se retrouver autour de décisions vitales et urgentes pour sortir de cette crise. La réalité, c’est que vous avez refusé de prendre vos responsabilités et que vous n’avez plus le courage, ni, par conséquent, la confiance.

Or ce courage, cette confiance, cette responsabilité, vous les devez à toutes ces familles qui ont du mal à joindre les deux bouts, que des fermetures d’usines, des licenciements brutaux, des délocalisations sauvages ont brisées, ou qui vivent tous les jours dans la hantise du chômage. Oui, vous devez de vraies décisions à ces mille chômeurs supplémentaires par jour depuis le début du quinquennat. Pas seulement de nouveaux emplois aidés ! Vous devez de vraies décisions à ces entreprises qui se désespèrent de ne pouvoir créer des emplois, tant le code du travail est complexe, la fiscalité pesante.

M. Yannick Moreau. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Pas des usines à gaz comme le crédit d’impôt compétitivité emploi, dont l’efficacité est contestée. Pas de timides allégements de charges, que vous menacez régulièrement d’annuler !

Vous devez de vraies décisions à la France, pour préparer l’avenir : la réforme de l’État et des collectivités territoriales, la réforme de la protection sociale et de la santé, la réforme du temps et de l’organisation du travail, la réforme de la transition écologique, la valorisation de la ressource humaine de notre nation. Ce sont des chantiers qu’il faut approfondir, et que vous n’avez fait qu’effleurer.

Vous devez à la France, monsieur le Premier ministre, à son idéal qui, en République, se nomme progrès, de reconnaître que vous êtes dans l’incapacité de prendre ces décisions. Pour ces raisons, le groupe UDI votera la motion de censure contre le Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous voici aujourd’hui amenés à nous exprimer sur une motion de censure de l’opposition, à l’occasion de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement sur un texte – le même qu’il y a quatre mois – votre projet de loi, monsieur le ministre de l’économie.

Enfin, ce n’est pas tout à fait le même texte, et c’est bien ce qui suscite le dépit des écologistes, un dépit encore plus marqué que lors du recours à l’article 49 alinéa 3 en première lecture.

M. Yannick Moreau. Votez la motion de censure !

Mme Barbara Pompili. En février dernier, monsieur le ministre de l’économie, vous pouviez encore affirmer avoir réuni, sur chacun des articles de votre projet de loi dans sa version d’alors, une majorité de députés en séance. À défaut d’avoir été toujours satisfaisante, et notamment d’avoir établi des équilibres sur lesquels toute la majorité aurait pu se retrouver, la discussion parlementaire en première lecture avait été – nous l’avions souligné – consistante, respectueuse et, sur un certain nombre de points, fructueuse.

En utilisant l’article 49 alinéa 3, vous reconnaissiez alors une réalité : sur l’ensemble de votre texte, il n’existait pas de majorité dans cette assemblée. Mais, au moins, la discussion sur chacun des articles avait-elle pu se dérouler dans des conditions normales, conformes à la vie parlementaire et respectueuses des droits du Parlement.

En coupant court au processus parlementaire en deuxième lecture, avant même que nous ayons pu mener à bien, en séance, l’examen du texte issu des travaux de la commission spéciale, vous ajoutez au constat d’absence de majorité sur l’ensemble du texte la reconnaissance d’un doute : un doute sur votre capacité à faire adopter sans coup férir toutes les dispositions modifiées depuis.

En effet, le caractère protéiforme du projet de loi, dont nous avions déploré l’absence de cohérence générale, s’est accru au fil du temps. Trois cent cinquante articles, dont une partie réécrite, voire introduite à la hussarde entre l’examen au Sénat et la commission spéciale à l’Assemblée. Comprenez que nous ne puissions pas applaudir l’artifice législatif qui coupe court à la nécessaire discussion au fond et jusqu’au bout, sans laquelle il n’y a pas de travail législatif sérieux.

Vous avez donc, avec ce texte de loi, adopté une méthode artificielle qui consiste à lier entre elles des mesures n’ayant rien à voir les unes avec les autres. Cette méthode se trouve aggravée par les ajouts opérés depuis la première lecture.

Des contenus – souvent contestables – en plus, des capacités d’amélioration parlementaire en moins, l’équation politique n’est pas à somme nulle. Elle est, du simple point de vue démocratique, négative. La philosophie du projet de loi en elle-même et la méthode adoptée ne pouvaient que conduire à une coagulation des oppositions.

Construire un texte fourre-tout, c’était tourner le dos à la recherche de compromis dynamiques. Vous aviez d’ailleurs, comme en préalable, intégré cette réalité en incluant dans votre projet de loi le recours – à nos yeux excessif – à des ordonnances, sur des sujets extrêmement sensibles comme le droit de l’environnement. Un mauvais calcul, car il est clairement contredit par l’expérience. Dans ces domaines, le travail parlementaire et la prise en compte des réalités du terrain permettent le plus souvent une œuvre législative plus efficiente.

Certes, nous ne méconnaissons pas les avancées et les enrichissements apportés sur ce sujet depuis l’examen en première lecture, ainsi que le retrait du projet d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, cavalier législatif funeste ajouté au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Certes, nous saluons l’introduction de mesures issues du rapport que la commission spéciale du CNTE a réalisé sur la démocratie environnementale, et notamment l’introduction de la notion de droit d’initiative sur les projets contestés.

Mais pour les écologistes, sur les questions d’écologie, le compte n’y est pas, car ce choix malheureux de traiter une question aussi sensible au milieu d’un tel projet de loi, pour la renvoyer à des ordonnances, demeure un mauvais choix.

Ce mauvais choix est aggravé par la nouvelle rédaction de l’article consacré aux démolitions de constructions illégales. Vous limitez la possibilité de démolition dans l’espace, en excluant l’essentiel du territoire, y compris des espaces qui méritent protection particulière. Vous la limitez dans le temps, en supprimant le délai de six mois pour engager un recours dans toutes les zones du territoire national. Cet équilibre insatisfaisant, trouvé à l’issue de la deuxième lecture en commission, nécessitait clairement d’être retravaillé dans l’hémicycle pour aboutir à une rédaction acceptable.

C’est une aubaine pour certains promoteurs peu scrupuleux, c’est un facteur d’insécurité pour les élus chargés de délivrer les permis de construire, c’est un recul du droit pour les riverains et les associations de protection des paysages : c’est un mauvais coup pour l’environnement. Le tout pour un bénéfice extrêmement faible, puisque des dispositions avaient déjà été prises pour limiter les recours abusifs.

Pour quels bénéfices ? C’est une question qui se pose sur la plupart des dispositions du projet de loi qui ont trait à l’écologie. Quels bénéfices rapides, en termes d’emplois et d’activité, aura la mise en place à marche forcée d’une société de projet pour le financement du canal Seine-Nord ? Chacun s’accorde à reconnaître que les financements nécessaires sont de moins en moins compatibles avec nos capacités d’investissement.

Il y a tout de même un sacré paradoxe à voir ce texte censé favoriser la croissance et l’activité intégrer un projet condamné avec force par Jacques Attali. Vous voyez, je ne suis pas sectaire dans mes références, y compris lorsqu’elles soutiennent une position sur le travail dominical qui n’est pas la mienne.

Je cite sur ce point, et sans la dénaturer, la prise de position de celui auquel les inspirateurs de ce projet de loi se réfèrent si souvent : « La démocratie est ainsi faite que les Parlements et les opinions publiques passent parfois des mois, sinon des années, à discuter de sujets absolument mineurs, et zéro minute sur des sujets structurants pour des siècles l’avenir d’un pays : Ainsi du choix entre la création d’un canal Seine Nord et le renforcement du port du Havre, un des choix majeurs, qui devait être fait durant ce quinquennat et qui a été fait de la pire des façons, dans la forme comme sur le fond. »

Chaque jour, dans les territoires concernés, y compris dans des familles politiques peu suspectes de connivence avec les écologistes – je pense par exemple à Édouard Philippe – des interrogations surgissent sur le sens, l’utilité et la faisabilité de ce projet pharaonique.

Quel besoin avait-on de mettre ce sujet sur la table, lorsque l’enjeu est de mettre en œuvre des mesures ayant un effet rapide et concret sur l’activité et l’emploi, et que, s’agissant de ce choix d’équipement, il est aussi de rassembler ? Et quel besoin de le faire ainsi, en force, alors que le débat démocratique n’a pas réellement eu lieu sur le sujet ?

La même question pourrait d’ailleurs se poser pour la ligne Charles de Gaulle express en Île-de-France.

Vous nous aviez annoncé un projet de loi novateur, réformateur, constitué de mesures simples, concrètes et rapidement mises en œuvre pour accélérer une reprise de l’activité et le développement de l’emploi. Les services de Bercy n’ont pas pu s’empêcher d’y ajouter des dispositions colbertistes et budgétivores, ce n’est pas le moindre des paradoxes. Ce paradoxe s’ajoute à l’incohérence patente entre le contenu environnemental de ce projet de loi – qui comporte par ailleurs des dispositions positives pour le développement des énergies renouvelables – et les déclarations du Président de la République en janvier sur la démocratie environnementale.

Pour prendre un autre exemple, franchement, quel intérêt présente pour l’emploi et l’activité le fait de réduire par quatre les délais dont disposent les associations environnementales pour déposer un recours contre des projets d’installations classées, notamment en matière d’agriculture industrielle ? Ces projets se développent trop souvent au détriment de l’emploi agricole existant, au détriment de l’environnement ou encore au prix de risques sanitaires qui auront, eux, des conséquences financières sur le long terme.

Ce n’est pas en les favorisant, mais bien en en renforçant l’acceptabilité économique, environnementale et citoyenne qu’on créera les conditions d’une croissance vertueuse et durable. En voulant traiter trop de sujets, on risque, sur chacun d’entre eux, l’imprécision et la maladresse.

M. Jacques Myard. Vote la censure, alors !

Mme Barbara Pompili. En voulant traiter trop de sujets, on risque, sur l’ensemble, l’incohérence et la contradiction entre de bonnes dispositions et des mesures négatives. C’est le cas, malheureusement, sur les questions liées à l’écologie. C’est ce qui avait justifié que nous vous indiquions, en première lecture, que nous ne voterions pas ce projet de loi. Les évolutions enregistrées depuis n’ont malheureusement pas modifié notre approche.

Mais si au sein du groupe au nom duquel je m’exprime peuvent exister des différences d’approche, de sensibilité, d’appréciation sur les questions économiques et sociales, y compris sur certaines dispositions du projet de loi – au moins nous, nous ne les cachons pas –, nous suivons tous une même boussole, celle de l’écologie.

Et sur cet aspect des choses, les incohérences sont trop profondes, les contradictions trop flagrantes, les imprécisions trop inquiétantes, les avancées trop timides, les reculs trop nombreux, pour que nous puissions juger le bilan positif.

Je ne m’étendrai pas sur les questions liées au droit du travail. En février déjà, François de Rugy avait exprimé nos réticences, notamment sur l’élargissement du travail dominical, question sur laquelle une nouvelle loi est indispensable – car l’insuffisance de la Loi Mallié est patente, notamment en termes de garanties pour les salariés – mais qui mérite mieux que quelques articles au détour d’un projet de loi qui traite de tant de sujets à la fois.

Mais comme je le disais au début de mon intervention, le texte final comporte des dispositions nouvelles qui inquiètent et interpellent : le plafonnement des indemnités dues aux salariés abusivement licenciés suscite nos interrogations, et notamment ses fondements constitutionnels. Nous espérons que le Conseil constitutionnel sera amené à statuer clairement sur cette disposition.

En engageant de nouveau la responsabilité du Gouvernement sur ce texte, par l’utilisation de l’article 49 alinéa 3, et cette fois-ci de manière précipitée – j’allais dire préventive – alors que notre Assemblée aurait dû l’examiner jusqu’à son terme, ce n’est pas un acte d’autorité que vous accomplissez, monsieur le Premier ministre : c’est l’échec d’un débat au sein de la majorité que vous actez.

Et comme l’avait fait François de Rugy de cette tribune en première lecture, je veux réaffirmer que c’est la majorité dans son ensemble qui doit trouver en son sein le moyen de sortir de cette impasse, pour continuer à aller de l’avant et agir efficacement, dans les deux ans qui viennent, au service des Français et de ceux qui nous ont fait confiance.

Nous en sommes capables, comme en témoigne le travail fructueux réalisé sur la loi de transition énergétique. C’est cet esprit qui doit tous nous animer car c’est pour cela que les Français nous ont élus : pour trouver entre nous les nécessaires compromis dynamiques, ceux qui permettent d’avancer, de mettre en œuvre de vrais changements, en tenant compte des approches de chacune des composantes de la majorité.

J’ai beaucoup parlé du projet de loi Macron. D’une certaine manière, les écologistes auront tenté, au cours de cette discussion sur la motion de censure, de porter le message et les propositions dont l’usage précipité de l’article 49 alinéa 3 nous aura privés au cours de la seconde lecture. On en oublierait presque que l’objet de notre séance d’aujourd’hui, c’est la discussion de la motion de censure que nous a présentée le président Jacob, la première motion de censure déposée par le groupe autoproclamé « républicain ». (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Changement de direction !

M. le président. Un peu de calme, s’il vous plaît !

Mme Barbara Pompili. Si je voulais résumer le fond de ma pensée, après avoir entendu le président Jacob, je dirais qu’une motion de censure signée Les Républicains, c’est la même chose qu’une motion de censure signée UMP, en pire.

Toujours plus loin dans la caricature, toujours plus fort dans les incohérences entre les objectifs affichés pour demain et la politique menée hier, toujours plus outrancier dans l’analyse, toujours plus politicien. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous voyons s’exprimer – et encore à l’instant sous nos yeux – une droite de moins en moins républicaine dans ses comportements et dans ses postures, de plus en plus éloignée du modèle social français, de plus en plus tentée d’engager une fuite en avant pour espérer contenir le populisme de l’extrême droite.

M. Christian Jacob. Si avec ça elle n’est pas ministre, il n’y a pas de justice !

Mme Barbara Pompili. Pas plus aujourd’hui qu’hier, les écologistes ne se livreront à la politique du pire. Pas plus aujourd’hui qu’hier et pas plus que demain. Et dans cet épisode peu glorieux de notre vie parlementaire, l’essentiel c’est bien demain. (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

M. Guy Geoffroy. Elle va être numéro deux du Gouvernement !

M. le président. Monsieur Geoffroy, s’il vous plaît !

Mme Barbara Pompili. Je me disais en écoutant le discours outrancier de monsieur Jacob – parce que moi, je l’ai écouté – que finalement, bien plus que la question de la responsabilité du Gouvernement aujourd’hui, c’est la responsabilité de chacune et chacun, dans la majorité demain, qui est posée.

M. Jacques Myard. Pas trop difficile, le trapèze ?

Mme Barbara Pompili. Serons-nous capables, individuellement, aux responsabilités qui sont celles de chacune et de chacun, à la place qu’il occupe, de la plus humble à la plus éminente, de recréer les conditions de la confiance ?

M. Jacques Myard. Oui madame la ministre !

Mme Barbara Pompili. La confiance entre nous, certes, mais avant tout la confiance avec les Françaises et les Français qui nous avaient accordé la leur. En serons-nous capables, collectivement, par notre sens des responsabilités et notre refus de petits jeux délétères ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Quelle mascarade !

M. le président. Monsieur Poisson, retrouvez votre calme !

Mme Barbara Pompili. C’est le pari que je formule, c’est l’espoir que j’exprime, c’est l’appel que je lance, en vous confirmant ici que les députés écologistes, à la quasi-unanimité, ne voteront pas la motion de censure qui nous est proposée. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues. Monsieur le Premier ministre, notre groupe, vous le savez, a un jugement favorable sur votre personne, sur votre action globale, connaissant votre énergie, votre volonté, votre détermination à agir.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas gentil pour son prédécesseur !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça commence mal !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais ce qui est en débat aujourd’hui, c’est ce texte de loi particulier. Très particulier. Le fait de nous connaître depuis longtemps m’autorise sans doute à vous parler avec solidarité, mais aussi avec sincérité. Vous vous rappelez la phrase de Saint-Just : « Le prix d’éloquence sera donné au laconisme. »

M. André Schneider. Qu’en termes élégants, ces choses-là sont dites !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. À coup sûr, vous mériteriez d’être le lauréat de ce prix, avec l’intervention que vous avez faite mardi dernier, à cette tribune, pour annoncer le recours à l’article 49 alinéa 3. Intervention brévissime, d’une concision extrême.

M. Antoine Herth. Belle solidarité !

M. André Schneider. Au moins, c’est bien dit !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Nous aurions bien sûr préféré que la nouvelle lecture du projet de loi Macron à l’Assemblée nationale ne soit pas soumise, elle aussi, à cette procédure. Selon nous, l’article 49, alinéa 3 de la Constitution doit être une arme d’exception, et non une arme à répétition.

Certes, avant vous, beaucoup de premiers ministres ont utilisé cette procédure, qu’ils appartiennent à la droite, comme M. Balladur, M. Juppé, ou M. de Villepin en 2006 sur un projet de loi qui s’intitulait lui aussi « égalité des chances » et qui créait le contrat première embauche, ou qu’ils appartiennent à la gauche, comme Michel Rocard, sympathique stakhanoviste de l’article 49, alinéa 3 quand il était à Matignon. (Sourires.)

M. Christian Jacob. Il l’a utilisé vingt-huit fois !

M. Paul Giacobbi. Il était conseillé par Manuel Valls !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais celui-ci ne disposait pas d’une majorité absolue à l’Assemblée, à votre différence, monsieur le Premier ministre.

Était-il vraiment impossible de trouver un accord avec l’ensemble des députés de la majorité, en acceptant de préciser ou d’infléchir quelques dispositions de ce texte plutôt que de sembler vouloir forcer l’assentiment ? Mieux vaut convaincre que contraindre. Ainsi, Lionel Jospin, qui avait pourtant une majorité très diversifiée avec la « gauche plurielle », composée de cinq partis différents, n’a pas recouru à cette procédure pendant les cinq ans qu’il a passés à Matignon.

M. Bernard Deflesselles. Cela s’est mal terminé !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le 15 février 2006, pour protester contre le recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution par M. de Villepin sur le projet de loi pour l’égalité des chances, le parti socialiste et le parti radical de gauche avaient déposé ensemble une motion de censure, dont j’étais le troisième signataire après deux personnalités brillantes, Jean-Marc Ayrault, alors président du groupe socialiste, et François Hollande, alors premier secrétaire du parti socialiste. Cette motion, signée par 145 députés dont l’un allait lui aussi exercer une fonction éminente quelques années plus tard, critiquait « le verrouillage de la délibération parlementaire par l’exécutif, à travers l’usage de l’article 49-3 ». Le ton était peut-être un peu vif, mais cette motion exprimait la position habituelle de nos partis sur l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

M. Bernard Deflesselles. Le rappel historique est intéressant !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par ailleurs, le recours à cet article sur le projet de loi Macron n’était pas nécessaire pour surmonter une éventuelle obstruction de l’opposition. En effet, la nouvelle lecture de ce projet de loi avait été soumise à la règle du temps législatif programmé, qui détermine la durée maximale de l’examen d’un texte. Cette durée avait été fixée à vingt-cinq heures par la Conférence des présidents.

Pour justifier le recours à l’article 49, alinéa 3 de la Constitution, l’un des membres du Gouvernement assure qu’il faut « aller vite, gagner du temps ». Mais vingt-cinq heures, est-ce vraiment un très long délai dans un ordre du jour parlementaire ?

M. Paul Giacobbi. Très bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. D’ailleurs, on peut s’interroger. On dit supprimer l’examen normal du projet de loi Macron pour gagner du temps. Mais que fait-on de ce temps ainsi gagné ?

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Rien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Rien, ou presque.

M. Jean-Marie Sermier. Nous sommes en vacances !

M. Bernard Deflesselles. C’est cruel !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mardi soir, l’Assemblée a traité de sujets d’une importance relative : l’octroi de mer, les services aériens entre la France et le Turkménistan. Mercredi, elle a siégé seulement une heure pour les questions au Gouvernement.

Aujourd’hui, elle va débattre environ deux heures et demie sur la motion de censure. Enfin, vendredi et lundi, elle ne siégera pas, contrairement à ce qui était initialement prévu.

M. Bernard Deflesselles. Pendant ce temps, nous aurions pu débattre !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Dernier point : l’article 49, alinéa 3 de la Constitution a été conçu pour éviter le vote sur un texte, et non pour éviter un débat sur ce texte.

M. Guy Geoffroy. Exactement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Les députés n’ont pas été élus pour se transformer en trappistes qui auraient fait vœu de silence.

M. Jacques Myard. En ce qui nous concerne, aucun risque !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cet ordre est très honorable, mais sa mission n’est pas la même que la nôtre.

Comme on le sait, le mot « Parlement » vient du verbe « parler ». C’est sa fonction même : parler, dialoguer, échanger, débattre avec le Gouvernement pour produire ou coproduire des lois.

Toutefois, soyons équitables. Ce projet de loi a fait l’objet d’un examen très approfondi en commission spéciale, à deux reprises, et en séance publique, lors de sa première lecture à l’Assemblée nationale.

M. Pascal Popelin. C’est vrai !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Il faut bien sûr vous en donner acte.

Venons-en donc au contenu de ce projet de loi. Ce texte fleuve se caractérise par sa longueur et par son caractère très composite. Il ressemble à un patchwork et modifie une quinzaine de codes différents, tant il porte sur des domaines nombreux et divers, voire disparates. Ainsi, naturellement, on peut porter une appréciation positive sur telle disposition et un jugement plus nuancé sur telle autre.

Ce texte a plusieurs mérites. L’un d’eux est de libérer l’activité dans certains secteurs où elle se trouve freinée ou entravée par des blocages et des usages archaïques. À titre d’exemple, il est utile de rénover le régime de certaines professions juridiques réglementées pour les ouvrir plus facilement à la jeune génération.

Par ailleurs, certaines réformes contribueront à faire réaliser des économies à nos concitoyens. L’ouverture des lignes d’autocar sur le territoire national permettra le développement de moyens de transport plus économiques. La réforme du permis de conduire rendra son obtention moins longue et donc moins coûteuse. Les nouvelles règles relatives au secteur routier concédé permettront de mieux réguler les coûts. Nous pourrions continuer de faire l’éloge des points positifs de ce texte…

M. François André. Un quart d’heure ne suffirait pas !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …qui, vous le savez comme moi, en comporte encore beaucoup d’autres. Mais je ne veux pas vous lasser. (Sourires.)

En revanche, d’autres dispositions de ce texte peuvent susciter des réserves.

Il en est ainsi des modalités du travail dominical. Monsieur le Premier ministre, vous vous réclamez souvent de Georges Clemenceau, qui a été président du Conseil, notamment de 1906 à 1909. C’est Clemenceau qui met alors concrètement en œuvre la loi sur le repos hebdomadaire, votée juste quelques mois avant son arrivée à la fonction de chef du gouvernement. C’est également Clemenceau qui crée, en 1906, le ministère du travail, pour protéger les salariés.

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques traite des ouvertures dominicales, notamment du passage possible de cinq à douze de ce qu’on appelle habituellement les « dimanches du maire ». Mais, par ailleurs, les commerces pourront être ouverts chaque dimanche dans les zones touristiques, au nombre de 620, et dans les zones commerciales, les anciens périmètres d’usage de consommation exceptionnel, dits « PUCE ». Il en ira de même dans les zones touristiques internationales, dont le mode de création apparaît peu satisfaisant. En effet, elles seront délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et non à sa demande comme dans les zones touristiques actuelles, ce qui va à l’encontre du principe de décentralisation et du rôle nécessaire des élus locaux.

Je veux évoquer un autre point, qui relève d’une considération plus générale sur la marchandisation éventuelle du temps et de la vie personnelle. Ce n’est pas nécessairement notre idéal : l’action de la gauche a plutôt été à l’opposé, c’est-à-dire à la réduction du temps de travail, avec Blum en 1936, avec Mitterrand en 1981, avec Jospin en 1997. Le dimanche, c’est d’abord la vie personnelle, la vie familiale ou amicale. C’est le temps de la détente et du repos.

M. Jacques Myard. C’est aussi le jour de la messe !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cette préconisation du repos hebdomadaire ne date pas d’hier. Monsieur le ministre de l’économie, vous connaissez ce livre un peu ancien, dont le début s’appelle « la Genèse » et qui comporte cette phrase : « Le septième jour, Il se reposa. »

M. François André. Quelle référence !

M. Antoine Herth. Pour un radical…

M. Jacques Myard. Finalement, vous êtes un sacré catho ! Un radical catho !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je sais qu’un radical n’est pas qualifié pour citer la Bible. Si vous préférez une autre référence, il faudrait rappeler un livre de Paul Lafargue.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Eh oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je ne suis pas qualifié non plus, car il était député socialiste et gendre de Karl Marx, mais tout de même… Dans son livre au titre très provocateur, Le Droit à la paresse, Paul Lafargue protestait contre une vie tout entière consacrée au labeur et se refusait à définir l’homme ou la femme par son seul travail.

Parmi les mesures de ce texte, je veux évoquer un dernier point qui concerne les indemnités prud’homales et les dommages et intérêts accordés dans certains cas. Dans ce texte, en effet, un autre point pose problème, au plan à la fois pratique et juridique : le plafonnement des indemnités prud’homales pouvant être accordées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Même si cette mesure comporte un plancher et un plafond, préservant ainsi une certaine marge de manœuvre, il n’est pas sûr que l’existence de ces fourchettes, relativement peu ouvertes, soit considérée comme suffisante pour préserver le principe du pouvoir d’appréciation du juge. De même, il n’est pas sûr que, dans certains cas, la présence de plafonds soit compatible avec le principe de réparation intégrale du préjudice consécutif à un licenciement litigieux. Enfin, instituer des seuils différents selon la dimension de l’entreprise peut exposer à un autre risque : la rupture d’égalité. Ce nouveau dispositif peut donc paraître relativement hasardeux.

Même si certaines dispositions de ce texte peuvent appeler des réserves, nous ne voterons évidemment pas la censure, car ce serait désavouer la politique d’ensemble du Gouvernement, alors que nous en sommes naturellement solidaires. Nous vous soutiendrons car, globalement, votre politique se traduit par des avancées significatives. Sous votre conduite, plusieurs réformes ont été décidées ou mises en œuvre, qui inscrivent le progrès dans la matière des faits : justice fiscale, d’abord, avec la réforme de l’impôt sur le revenu ; effort soutenu pour l’éducation nationale, naguère délaissée, qui aura bénéficié de 60 000 nouveaux emplois d’ici 2017 ; loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ; création de 210 000 emplois d’avenir pour les jeunes peu qualifiés ; création d’une prime d’activité qui bénéficiera aussi, maintenant, aux moins de 25 ans ; extension de la complémentaire santé ; généralisation du tiers payant d’ici 2017.

Monsieur le Premier ministre, vous connaissez votre majorité. Elle n’est pas uniforme : elle est pluraliste et diverse. Elle se compose de plusieurs groupes, dont chacun a son identité particulière.

Depuis le début de cette législature, notre groupe a eu l’occasion d’exprimer des différences ou des divergences sur tel ou tel point, même si cela n’a pas empêché la solidarité sur les grands choix. Bien sûr, nous ne sommes pas d’accord sur tout, sur la totalité des décisions, mais nous sommes d’accord sur beaucoup, notamment sur l’essentiel.

M. Jean-Christophe Cambadélis. Bon !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Nous vous redisons donc notre confiance : confiance dans votre personne, confiance dans votre action, confiance dans votre fidélité aux valeurs de progrès.

L’objectif prioritaire doit être de bâtir une France plus juste et plus humaine, une France qui agisse pour chacune, pour chacun, et d’abord pour les moins favorisés, en faisant le plus pour ceux qui ont le moins, comme c’est la tradition, comme c’est la vocation des partis que nous représentons ici, dans cet espace particulier conçu pour assurer la justice et le progrès. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe socialiste, républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Sylvain Berrios. Enfin un véritable opposant !

M. André Chassaigne. Il y a quatre mois, monsieur le Premier ministre, vous avez eu recours à l’article 49, alinéa 3 de notre Constitution pour imposer à la représentation nationale le bien mal nommé projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Vous vouliez faire taire toute contestation et ne pas prendre le risque d’un rejet du texte. Les voix manquaient à gauche et vous ne disposiez pas de la majorité nécessaire pour faire adopter ce projet de loi qui, sous son apparence fourre-tout, s’attaque à notre modèle social et aux valeurs de la gauche.

Aujourd’hui, vous usez à nouveau de cette arme constitutionnelle pour passer en force en privant la représentation nationale de tout débat. Vous y ajoutez la procédure du vote bloqué pour faire adopter sans discussion des dispositions nouvelles. Dans quelques instants, si la motion de censure ne recueille pas la majorité requise, ce texte sera donc considéré comme adopté en nouvelle lecture. C’est l’annonce que fera le président de l’Assemblée nationale, à l’issue du vote.

M. François Loncle. Et ce sera très bien !

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier le ministre, nous ne pouvons nous y résoudre.

Nous aurions voulu débattre avec vous de l’ensemble des dispositions de ce texte, dans l’hémicycle et non dans le conclave d’une commission.

Nous aurions voulu que vous nous expliquiez publiquement pourquoi vous avez fait le choix d’accentuer encore le saisissant virage libéral imposé par ce projet de loi.

Nous aurions voulu que l’ensemble des députés puissent s’exprimer sur le fameux amendement gouvernemental, déposé il y a quelques jours, qui prévoit désormais de plafonner les indemnités en cas de licenciement abusif.

Nous aurions voulu que vous tentiez de nous expliquer en quoi cette disposition n’est pas une attaque en règle du CDI et une mesure de régression sociale majeure.

M. Marc Dolez et M. Jean-Jacques Candelier. Très juste.

M. André Chassaigne. Vous avez préféré traiter par le mépris – le mot n’est pas trop fort – le peuple et ses représentants. Vous avez préféré étouffer notre démocratie au prétexte que notre Constitution vous en donnait le droit. Vous avez préféré faire le choix de la brutalité, certes permise par les institutions présidentialistes, les institutions d’une Cinquième République à bout de souffle.

M. Marc Dolez. Très bien.

M. Jacques Myard. Oh !

M. André Chassaigne. C’est pourquoi, dès l’annonce de cette dérobade constitutionnelle, nous avons élaboré notre propre motion de censure. Une motion de censure de gauche. Le seuil minimum de signataires n’ayant pu être atteint, nous n’avons pu la soumettre au vote d’aujourd’hui.

Nous souhaitons, néanmoins, vous en rappeler l’esprit et la lettre. Elle se résumait à quelques lignes, tant s’imposent l’urgence et la nécessité de nommer un nouveau gouvernement qui puisse réunir l’ensemble des forces de gauche pour conduire une politique de progrès social et de refondation démocratique.

M. Jean-Jacques Candelier. Très bien.

M. André Chassaigne. Une motion que nous aurions souhaité voir adopter aujourd’hui, pour rejeter le projet de loi Macron, mais aussi pour permettre la mise en place d’un gouvernement qui œuvre au changement promis en 2012, qui incarne une alternative à la politique de Sarkozy et qui mène la guerre contre la finance.

Je donne lecture du texte de notre motion de censure :

« Après avoir privé de vote les parlementaires en première lecture, le Gouvernement décide de passer une nouvelle fois en force sans même, cette fois-ci, laisser aux représentants du peuple la possibilité de s’exprimer dans l’hémicycle.

Nos concitoyens seront donc privés de la possibilité de s’emparer du débat public. Cette brutalité ne peut rester sans réponse. Il est temps que le Gouvernement accepte un débat de fond sur sa politique économique et sociale.

Le chômage atteint un niveau insupportable. Les inégalités ne cessent de se creuser, comme l’a souligné l’OCDE. La pauvreté, notamment celle qui frappe les enfants, nous alerte sur la dégradation continue des conditions de vie dans notre pays. Dans ce contexte, le Gouvernement doit faire en sorte que le Parlement joue pleinement son rôle d’assemblée délibérative pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

Pour ces raisons, l’Assemblée nationale censure le Gouvernement en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. ».

Tel est le texte de notre motion de censure.

Nous avons échoué aujourd’hui non pas parce qu’il n’existe pas d’alternative à gauche, mais parce que votre méthode de gouvernement l’empêche de s’exprimer.

D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle vous muselez notre Assemblée : vous craignez que l’alternative de gauche à votre politique n’éclate au grand jour. La vérité, c’est que ceux qui s’opposaient au détricotage de notre modèle social, ceux qui refusaient les atteintes au droit environnemental, ceux qui ne pouvaient se résoudre aux coups portés aux droits des salariés, étaient suffisamment nombreux pour empêcher le passage de ce texte.

Quelle majorité de gauche peut en effet se rassembler sur un texte qui accumule les mesures de régression sociale… ?

M. Henri Guaino. Voilà !

M. André Chassaigne. …qui ne répond en effet en rien aux urgences de notre pays, qui favorise une mutation idéologique profonde vers la société de marché ?

Un texte dont l’ultralibéralisme est le fil conducteur.

M. Bernard Deflesselles. Oh là là !

M. André Chassaigne. Abandon du ferroviaire au profit de sociétés d’autocars, remise en cause du service public de la justice,…

M. Marc Dolez. Hélas !

M. André Chassaigne. …privatisation de la gestion d’aéroports rentables et de l’industrie de défense,…

M. Jean-Jacques Candelier. Dommage !

M. André Chassaigne. …allégement fiscal au profit des dirigeants du CAC 40,…

M. Bernard Deflesselles. Quel réquisitoire !

M. André Chassaigne. …extension du travail du dimanche et de nuit, recul des droits des salariés et des obligations patronales, déconstruction du droit de l’environnement par ordonnance et limitation du recours en démolition en cas de permis illégal.

Sans compter les mesures régressives nouvelles imposées par le Gouvernement à l’occasion de la deuxième lecture, en particulier le plafonnement des indemnités pour licenciement abusif – je dis bien « pour licenciement abusif » – qui n’aura pas d’impact sur le plan de la lutte contre le chômage, mais qui constitue ni plus ni moins un encouragement pour les employeurs à licencier abusivement.

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. Jean-Jacques Candelier. Demande du MEDEF !

M. André Chassaigne. Ce texte, conçu pour satisfaire la Commission européenne, accentue un saisissant virage libéral. Il sera économiquement inefficace, socialement injuste, écologiquement contre-productif.

M. Jean-Jacques Candelier. Comme tout le reste !

M. André Chassaigne. Il est en fait calibré pour répondre aux exigences de Bruxelles. Son objectif est d’envoyer à nos partenaires européens le signal que notre pays se réforme, c’est-à-dire, selon votre définition, que notre pays ouvre un peu plus ses portes aux marchés financiers et aux investisseurs avides de profits et de rentes confortables.

Depuis la ratification du traité budgétaire européen, véritable péché originel, le Gouvernement assume pleinement sa position, celle du tournant libéral que la droite appelle de ses vœux.

La droite est constante. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Elle n’hésite pas, comme en février dernier, à se livrer à son traditionnel numéro de claquettes, sans craindre le ridicule, en affichant une opposition de façade au projet de loi, projet qu’elle souhaite voir adopter avec la même impatience que M. Gattaz. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Nous sommes constants, nous aussi, mais dans la dignité et le respect du peuple.

Mme Marie-Louise Fort. Facile !

M. André Chassaigne. C’est pourquoi nous ne pouvons que répéter les mots que nous avions prononcés ici même, et dans les mêmes circonstances, il y a quatre mois de cela.

Pour des députés de la gauche progressiste,…

M. Yves Albarello. Ils ne sont pas nombreux !

M. André Chassaigne. …le rejet du projet de loi Macron, qui passe par le vote d’une motion de censure, n’est pas un ralliement à la motion présentée par la droite ! (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains.) Chacun sait bien que la droite manœuvre, sans craindre de mettre à jour ses incohérences et contradictions, puisqu’elle vote contre la politique qu’elle-même préconise !

Mesdames et messieurs les députés de droite, vous savez que votre censure est l’expression d’une simple hypocrisie politicienne…

M. Guénhaël Huet. Oh ! C’est vous les hypocrites !

M. André Chassaigne. …pour occulter le bilan désastreux de vos années de pouvoir. Personne n’est dupe du programme destructeur qui est le vôtre et qui enfoncerait encore un peu plus notre pays dans la crise. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Yves Albarello. Démagogue !

M. André Chassaigne. Le seul reproche que vous avez à faire au Gouvernement, c’est d’avoir adhéré à votre propre programme économique…

M. Guénhaël Huet. Non, c’est le chômage !

M. André Chassaigne. …et de l’appliquer sans vous reconnaître les droits d’auteur. Votre souhait de censurer le Gouvernement ne s’explique que parce que vous n’exercez pas le pouvoir. Votre démarche ne s’explique donc que par des considérations de pouvoir personnel, qui ne servent nullement l’intérêt général, et encore moins l’intérêt du peuple.

Pour les députés du Front de gauche, et je dirais plus largement de la gauche progressiste, il n’y a pas, en effet, de fatalité au triomphe de la logique libérale de mise en concurrence des territoires et des peuples. Il ne peut y avoir de résignation face aux pressions et humiliations que les institutions et gouvernements européens infligent aux Grecs et aux autres peuples d’Europe.

M. Bernard Deflesselles. Quel numéro d’équilibriste !

M. André Chassaigne. Nous sommes nombreux à croire à la nécessité de réformes, mais des réformes s’attaquant véritablement aux inégalités économiques et sociales, répondant à la crise écologique,…

M. Bernard Deflesselles. C’est du trapèze volant !

M. André Chassaigne. …protégeant et développant les services publics, dynamisant l’économie sociale et solidaire, entraînant des investissements et une reprise de l’activité économique, pour créer une dynamique et permettre aux millions de chômeurs de retrouver un emploi.

Dans ce contexte, nous croyons possible de nous retrouver, dans le respect de nos sensibilités, pour jouer pleinement notre rôle, pour refuser les dérives libérales actuelles. Nous y travaillons au quotidien, sans relâche.

Nous voulons porter, ensemble, l’idée que des alternatives existent, que des politiques de progrès, de transformation écologique et de justice sociale doivent être mises en œuvre en direction de nos concitoyens.

Au nom du peuple de gauche et dans l’intérêt du pays, avec conviction et détermination, en notre âme et conscience, nous votons aujourd’hui pour rejeter votre projet de loi... (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

...rejeter le projet de loi sur lequel vous avez décidé d’engager votre responsabilité. Tel est le sens de notre vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Marc Dolez. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Marie-Louise Fort. Un vieux routard de la politique !

M. Sylvain Berrios. Il y a un temps de parole pour les frondeurs ?

M. Bruno Le Roux. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, comme en février dernier, avant l’intervention du Premier ministre, je voudrais profiter du temps de parole qui m’est imparti pour sortir d’un certain nombre de confusions entretenues depuis plusieurs mois sur ce texte et depuis plusieurs jours sur la procédure qui nous conduit à ce débat aujourd’hui.

Je commencerai par la procédure. Soyons clairs, mes chers collègues : nous nous accordons tous à reconnaître que nos procédures parlementaires ne sont pas pleinement adaptées aux modes de délibération actuels, qui empruntent à la fois à la démocratie représentative et à la démocratie d’opinion.

Trop souvent, trop de temps s’écoule entre l’annonce d’une réforme par le Gouvernement et son entrée en application. Et au final, les Français s’y perdent.

Ce projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a été évoqué pour la première fois l’année dernière. La discussion parlementaire a occupé plus de 400 heures de débat. Et la loi ne serait pas promulguée avant l’été ? Il faudrait encore attendre ?

Les Français ne comprendraient pas que sur l’ensemble des dispositions concrètes, précises, qui doivent avoir un effet sur leur vie quotidienne, cela traîne encore, qu’on « lambine », si vous me permettez l’expression, et qu’en fin de compte, tout se perde, s’oublie et disparaisse.

Pour autant, mes chers collègues, ce projet de loi a été soumis au débat démocratique. Ce n’est pas un texte imposé, c’est un texte coproduit, et véritablement coproduit !

M. Jean-Christophe Cambadélis. Absolument !

M. Bruno Le Roux. De mémoire de parlementaire, rarement projet de loi n’aura autant été coécrit avec la représentation nationale et je veux ici, monsieur le ministre, vous en remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christian Jacob. C’est pour cela que vous utilisez le 49-3 !

M. Bruno Le Roux. Cela est une réalité que personne ici ne peut contester. Reportez-vous au texte initial, lisez la version sortie de la commission spéciale qui a siégé plus de quarante heures, et comparez ! J’invite tout le monde à le faire.

M. Guénhaël Huet. Il y a quatre fois plus d’articles !

Vous verrez que le Parlement a travaillé, que le Parlement a été respecté, que le Parlement a pleinement délibéré.

C’est faux !

M. Bruno Le Roux. Alors pourquoi crier au loup ? À l’absence de démocratie ? Aux droits du Parlement bafoués ? Il n’y a pas de loup, et rien de flou. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe Les Républicains.) La vérité est que nous devons collectivement gagner en efficacité et tout faire pour que la loi – celle-ci comme les autres – trouve à s’appliquer le plus rapidement possible. C’est notre honneur de parlementaires que de savoir accélérer le pas, après avoir pris le temps du travail parlementaire. Nous sommes au service des Français du pays, et non dans un théâtre où le spectacle prend parfois le pas sur le débat parlementaire et où nous sommes tournés vers nous-mêmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Avec ce texte, nous nous tournons résolument vers les Français pour mettre en application au quotidien les dispositions importantes qu’il contient.

J’en viens au texte lui-même, mes chers collègues. Que ce texte semble aimanter toutes les caricatures et raviver toutes les postures est pour moi un mystère.

M. Céleste Lett. Les leçons, ça suffit !

M. Bruno Le Roux. On lui fait dire ce qu’il ne dit pas, alors que le débat a tout dit et que tout est dans le texte.

On lui prête des intentions, alors qu’il ne se propose que de libérer certaines énergies, de casser les rentes de certaines professions, de capter davantage de croissance, et au final de favoriser l’emploi.

On lui prête des arrière-pensées, alors que les équilibres qu’il promeut n’ont pas vocation à être modifiés.

Je l’ai dit en février dernier, et je le répète aujourd’hui : cette loi est une loi de progrès social, qui non seulement entend doper la croissance, mais plus encore entend le faire avec l’objectif du progrès et de l’égalité des chances.

Il n’est que de regarder le travail fait à l’Assemblée nationale et celui effectué au Sénat pour se rendre compte que le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances est une loi de progrès !

Une loi de progrès pour les jeunes de ce pays, à qui on garantit une place à l’examen du permis de conduire sous 45 jours, sans devoir payer encore, encore et encore, comme c’est le cas aujourd’hui. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Une loi de progrès pour les jeunes de ce pays, qui pourront prétendre exercer des professions qui, aujourd’hui encore, paraissent inabordables, verrouillées, réservées à quelques héritiers ou initiés.

Une loi de progrès pour les salariés de ce pays, qui verront le travail illégal dans le secteur du bâtiment davantage contrôlé et les travailleurs détachés mieux encadrés. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Une loi de progrès pour les salariés de ce pays, qui ne subiront plus, dans le secteur du transport routier, la concurrence déloyale des compagnies étrangères à bas coût.

Un progrès social pour les salariés de ce pays, qui verront leur rémunération augmenter très sensiblement lorsqu’ils seront conduits à travailler en soirée et le dimanche.

Une loi de progrès social pour les salariés de ce pays, qui verront mettre fin à la dérive inique des retraites-chapeaux des mandataires sociaux. Il s’agit là encore d’un ajout que la majorité a souhaité faire à ce texte.

Enfin, un progrès pour les salariés de ce pays, qui verront la justice prud’homale plus efficace, plus rapide et plus égale d’un tribunal à l’autre, sur l’ensemble du territoire. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Je pourrais continuer ainsi, tant il est vrai que ce projet de loi impacte de nombreux secteurs économiques. Il encourage la construction de logements intermédiaires – le pays n’en aurait-il pas besoin ? Il autorise le développement des déplacements en autocar, complémentaires du train, là où les besoins existent. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Faudrait-il assigner certains de nos concitoyens à résidence et les contraindre à ne jamais emprunter les transports collectifs ? Non, nous ne nous résolvons pas à cela. Il vise à accélérer la réalisation de grands projets d’infrastructure – notre pays devrait-il s’en passer ?

Mes chers collègues, l’enjeu pour notre pays est double, et il constitue la feuille de route de la majorité : il est de redresser le pays et capter la croissance nécessaire au retour de l’emploi, et d’inventer les nouvelles protections qui bénéficieront à tous les travailleurs de ce pays. Ce projet de loi concourt fortement à la réalisation de ces deux objectifs. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Au Sénat, qu’a fait la droite ? Qu’ont fait vos collègues, monsieur le président Jacob ? Ils ont cédé aux obsessions de votre camp, ils ont détricoté, ils ont, systématiquement ou presque, baissé et amoindri les protections nouvelles offertes aux salariés.

Je citerai pêle-mêle : ils ont voulu contourner les 35 heures – leur obsession depuis plus de quinze ans maintenant. Ils ont voulu rétablir les jours de carence dans la fonction publique. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-Pierre Door. C’est très bien !

M. Bruno Le Roux. Ah ! les fonctionnaires ! Toujours pointés du doigt ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Ils ont voulu rendre inopérant le compte pénibilité. Ils ont voulu doubler les seuils sociaux. Ils ont voulu porter la durée maximale des stages de six à douze mois. Que les étudiants entendent cela : alors que nous voulons garantir des stages de qualité, ils ont voulu en doubler la durée ! Là encore, on voit bien la différence. (Approbations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Voilà !

M. Bruno Le Roux. Ils ont voulu continuer à protéger l’entre-soi de certaines professions réglementées pour éviter ces nouveaux entrants. Je pourrais, là encore, continuer à détailler ce travail réactionnaire fait au Sénat par la droite pour balayer tous les acquis sociaux qui sont dans ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Lors de notre débat de février, j’avais rapidement évoqué l’une des plaies de notre pays (« Le socialisme ! » sur les bancs du groupe Les Républicains), ce « Yalta social » qui fait que certains bénéficient de l’emploi et que d’autres en sont durablement exclus. Je disais que ce Yalta social n’était pas une fatalité, mais un choix raisonné de la Nation, et que c’est ce choix-là que nous devions remettre en cause. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)



Cette loi contribuera, à sa juste place et avec les effets que l’on peut en attendre…

M. Jacques Myard. Rien !

M. Bruno Le Roux. ...à déverrouiller certains secteurs économiques, à favoriser le dialogue et les accords d’entreprise, à mieux protéger les salariés et les petits employeurs et, au bout du compte, à écorner, à remettre en cause ce Yalta social.

Nous aurons à la compléter avec l’un des chantiers majeurs de ce quinquennat, que constituera, monsieur le Premier ministre, la mise en place d’une sécurité sociale professionnelle, car cette loi, soyez en pleinement persuadés sur tous les bancs, n’épuise pas notre ambition de réforme.

Si j’osais, je dirais que nous devons à la fois réduire le chômage et le changer. Il ne doit plus être une trappe, une machine à exclure et à détruire l’estime de soi. Il ne doit plus être un trou noir dans une vie, un tunnel sans fin,…

Mme Claude Greff. C’est laborieux !

M. Bruno Le Roux. …mais un moment d’une vie professionnelle pendant lequel on se forme, on change de métier, on reconsidère son parcours professionnel – un moment pendant lequel on s’autorise à envisager autre chose. Ce chantier de la création d’une véritable sécurité sociale professionnelle, nous l’avons initié et nous en sommes particulièrement fiers. Il demandera plusieurs années de mise en place,…

Mme Claude Greff. On y est, dans le tunnel !

M. Bruno Le Roux. …il enjambera ce quinquennat et le suivant, mais il est impérieux et correspond aux protections nouvelles que nos concitoyens attendent dans un monde en mouvement.

Je l’ai dit au début de mon intervention : je souhaite que nous sortions collectivement d’un certain nombre de confusions.

Mme Claude Greff. C’est raté !

M. Bruno Le Roux. Je sais bien qu’à l’examen de ce texte, certains considèrent – et ils siègent, trois fois hélas, sur tous ces bancs – que les politiques de la majorité d’aujourd’hui seraient quasiment identiques à celles de la majorité d’hier. Cessons d’alimenter cette petite musique, mes chers collègues, car elle sonne faux – je crois que je viens de le démontrer à propos de ce texte – et elle entretient tous les populismes.

Il suffit, du reste, de regarder les positions des uns et des autres, qui se précisent petit à petit, semaine après semaine. Nous l’avons vu à propos de l’école : vous êtes sortis du bois, mesdames et messieurs de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Pour vous, le projet de l’école républicaine ne consiste pas à donner sa chance à chaque enfant, mais bien à maintenir intacts les mécanismes scolaires de la reproduction sociale en anticipant l’orientation des élèves – M. Le Maire a été clair sur ce point. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Nous l’avons vu aussi à propos de notre modèle social : vous proposez régulièrement, mesdames et messieurs de l’opposition, de mettre les budgets sociaux à la diète et de réaliser 130 milliards d’économies, ce qui revient à détruire notre modèle social et à tailler dans nos régimes de solidarité que, pour l’occasion, je vous ai entendu cinq fois rebaptiser « assistanat » – M. Fillon a été clair, M. Wauquiez aussi. Il est impossible de vouloir, au péril de toute caricature, dire que la politique menée aujourd’hui pour la dignité et l’émancipation des hommes et des femmes ressemble à la politique de remise en cause de toutes les solidarités proposée de l’autre côté de l’Hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Patrick Ollier. Caricature !

M. Bruno Le Roux. Nous l’avons vu encore dernièrement à propos de la remise en cause du droit du sol.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est honteux !

M. Bruno Le Roux. Imaginez un peu ! La remise en cause du droit du sol dans notre vieille nation qui s’est construite sur ce principe, dans notre vieux pays qui y a puisé sa richesse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Sarkozy a été clair, bien qu’il se soit totalement renié par rapport aux propos qu’il tenait en 2003 sur ce thème.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Bruno Le Roux. D’abord tonitruant, puis plus hésitant, il a du moins été clair : il est votre chef et il vous mènera, une fois encore, sur ce terrain qui vous différencie fondamentalement de ce que nous voulons faire ici et de la façon dont nous voulons maintenir le pacte républicain sur tous ses pieds. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marie-Louise Fort. Et la loi Macron ?

M. Bruno Le Roux. La vérité est que nos projets sont différents, qu’ils sont opposés et que de leur mise en œuvre n’émerge pas la même société.

M. Guénhaël Huet. Avec vous, c’est le chômage qui émerge !

M. Bruno Le Roux. Mes chers collègues, nous faisons, quant à nous, le choix du mouvement, le choix de bousculer les lignes et de tirer notre pays vers le haut. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Vous faites le choix de vociférer – je m’y suis habitué – mais, surtout, de conserver les conservatismes et les rentes de situation, quand nous faisons le choix des nouvelles énergies, de l’égalité des chances et du progrès. (« Le choix du chômage ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Sur ce texte, le débat a eu lieu. Il faut, monsieur le Premier ministre, que la loi puisse être débattue et promulguée au plus vite. Il faudra que les décrets d’application soient rapidement rédigés. Là encore, je remercie le ministre des engagements qu’il a pris à ce propos en commission. Il faut tout faire, sans attendre, pour que cette loi irrigue la vie quotidienne de nos concitoyens.

Monsieur le Premier ministre, je veux vous assurer de la solidarité de mon groupe et je tiens à vous redire notre confiance dans l’action de redressement économique et de transformation sociale que nous conduisons à vos côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, madame la présidente de groupe, messieurs les présidents de groupe, mesdames, messieurs les députés, pour la deuxième fois, sur le même texte, j’ai décidé d’engager la responsabilité de mon gouvernement.

Mme Claude Greff. Bientôt la troisième !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce n’est pas un choix anodin. Ce n’est une surprise pour personne. Notre Constitution est par ailleurs pleinement respectée. La responsabilité qui est la mienne, qui est la nôtre, c’est de répondre, bien sûr et d’abord, à l’exigence des Français. Et à travers vous, mesdames et messieurs les députés, c’est à eux, bien sûr, que je m’adresse. Les Français veulent que notre pays se remette en mouvement, qu’il se réforme,…

Mme Claude Greff. Pas n’importe comment !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …que l’économie se redresse et que la croissance s’accélère. Ils veulent que nous répondions à leurs attentes, à leurs urgences…

M. Jacques Myard. Il faut partir, alors !

M. Manuel Valls, Premier ministre. ...et que nous mettions tout en œuvre pour l’emploi, contre la vie chère, pour l’égalité, monsieur le président Le Roux, pour préparer l’avenir. (« Et le chômage ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mesdames et messieurs les députés, le Parlement a été bien entendu. Pleinement associé.

Mme Claude Greff. Ah oui ?

M. Céleste Lett. Il a le sens de l’humour !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Plus de 400 heures de débats dans les deux assemblées ! Plus de 2 000 amendements votés !

Mais le débat, ce ne sont ni les postures, ni l’attentisme, et encore moins l’hypocrisie. Certains versent des larmes de crocodile sur l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution au nom même du débat soi-disant constructif, alors qu’ils voulaient simplement s’opposer, parce qu’ils ne savent faire que cela. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Sylvain Berrios. On a le droit de ne pas être d’accord avec vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Être efficace, aller vite pour répondre à l’exigence des Français : voilà ce que j’assume totalement. (Mêmes mouvements.)

M. André Schneider. C’est incroyable !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Réfléchissons un peu : si cette loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques concentre les crispations, les invectives, mais aussi les attentes et les espoirs,…

M. Antoine Herth. Et les doutes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …c’est parce qu’elle est devenue un symbole. Non pas le symbole d’un « passage en force », monsieur le président Jacob, mais le symbole du passage à l’action, le symbole du mouvement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Avec cette loi, la France s’inscrit pleinement, définitivement – et c’est la raison pour laquelle c’est un moment important – dans la réforme. La réforme au service de tous, et surtout de ceux et de celles qui en ont le plus besoin.

Notre pays est depuis longtemps pris au piège de tant de petits blocages ! Nous les connaissons bien ; ils freinent notre économie, exaspèrent, découragent, rendent la vie plus difficile à nos concitoyens.



Cette loi a été écrite par celles et ceux qui veulent regarder la réalité en face, et je salue tous les parlementaires qui l’ont enrichie. Elle invite, avec pragmatisme, à dépasser les vieux réflexes, les vieux dogmes dont nous sommes prisonniers depuis trop longtemps. Elle libère tout ce qui peut l’être. Elle autorise, là où c’était impossible. Elle facilite, là où c’était toujours compliqué.

M. Guy Geoffroy. Toujours les vieilles ficelles !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Certains disent qu’elle s’éparpille ou vise trop large – je vous ai entendue, madame Pompili. Moi, je dis au contraire qu’elle s’attaque largement à tous les verrous, où qu’ils soient. Son principe même, c’est de se diffuser partout au cœur de notre économie, d’aller dénicher ici, d’extirper là chacun des blocages, méthodiquement. Cette loi ouvre des perspectives et elle étend le champ des possibles.

Alors, forcément, elle souligne aussi, en creux, tout ce qui ne marche pas, ou ne marche plus, dans notre pays. Elle n’ôte aucun droit à quiconque, mais elle dérange évidemment les positions acquises et les conservatismes. Elle bouscule les idées reçues. Mais elle donne aussi plus de chances aux jeunes, aux créateurs, à ceux qui veulent entreprendre, à ceux qui ont des idées.

La loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, c’est redonner, tout simplement, à chacun la capacité d’agir et de construire – aux entreprises, d’investir et d’embaucher et, aux salariés, de travailler et de faire des projets d’avenir.

Elle est du côté de la prise d’initiative, de la prise de risque. Elle est du côté du travail et du mérite. Du mouvement. Oui, c’est une loi de gauche et de progrès, vous l’avez fort bien dit, monsieur le président Le Roux. Oui, c’est une loi de gauche, de progrès, concrète, efficace, précise. Monsieur le président Chassaigne, vous vous trompez de camp !

Vous êtes aujourd’hui aux côtés des conservateurs. Les censeurs d’aujourd’hui, c’est l’alliance de tous les conservateurs, et je le regrette ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. François de Rugy. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Chassaigne, vous vous trompez de camp ! Quelle est votre cohérence à mêler vos voix à celles de la droite, avec ceux qui, pendant dix ans, ont mis à mal notre modèle social et nos services publics (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), avec ceux qui, aujourd’hui, plaident pour des coupes budgétaires massives ?

Alors, monsieur Chassaigne, quelle est votre cohérence dans cette alliance improbable ? Vous votez sur le texte de la droite, pas sur la motion de censure que vous auriez voulu déposer !

M. André Chassaigne. C’est votre texte qui est de droite !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous votez sur le texte de la droite pour vous opposer à sa politique : allez comprendre !

M. André Chassaigne. C’est un texte libéral !

M. le président. Monsieur Chassaigne, vous avez eu la parole !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les Français, monsieur Chassaigne, ne veulent plus de ces vieilles ficelles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Moi, je sais quelle est ma cohérence ! Je sais quelle est notre cohérence, celle de la majorité : c’est celle d’une gauche efficace, responsable, qui assume les responsabilités du pouvoir dans les moments particulièrement difficiles et qui ne se dérobera jamais à ses responsabilités ! (Mêmes mouvements.)

M. Patrick Ollier. Les frondeurs, c’est le problème de votre majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, une nouvelle fois, vous avez choisi de déposer une motion de censure. C’est votre droit – et heureusement qu’existe le 49-3 pour que vous puissiez enfin déposer une motion de censure (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains),

M. Patrick Ollier. Demandez donc aux frondeurs du PS !

M. le président. Monsieur Ollier, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …même si je note que certains dans vos rangs ne la voteront pas.

Laissons de côté les attaques personnelles : le Parlement mérite mieux que cela, et peut-être encore plus depuis la séance du 13 janvier, en effet, monsieur le président Vigier – je vous ai trouvé parfois plus inspiré, monsieur le président Vigier, mais les régionales approchent et le centre, dans le Centre, prépare les régionales avec Les Républicains ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Laissons de côté toutes les outrances ! Laissons de côté tous les poncifs pour qualifier le 49-3 !

M. Pierre Lequiller. À cause de qui ? Des frondeurs !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Dérive autoritaire, césarisme, déni de démocratie, Constitution violée : poncifs et outrances qui discréditent leurs auteurs ! (Exclamations sur divers bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Allons ! Madame Greff, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parlons du fond ! Et au fond, que vous voulez-vous censurer ? (Mêmes mouvements.) Il est quand même assez étonnant que ceux qui, aujourd’hui, crient au coup de force soient justement ceux qui sont incapables d’écouter ceux qui parlent à la tribune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît ! Nous avons entendu votre position, maintenant nous écoutons le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parlons du fond ! Voulez-vous censurer la réforme ?

M. Guy Geoffroy. Non : le Gouvernement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Voulez-vous censurer un pays qui se remet en mouvement ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Je le dis de toutes mes forces : il n’y a pas, dans cette Assemblée, de majorité pour le statu quo ! Il n’y a pas de majorité pour l’immobilisme ! Il n’y a pas de majorité pour le retour en arrière ! Par cette motion de censure et son rejet, nous allons en réalité démontrer qu’il y a une majorité pour la réforme !

M. Bruno Le Roux. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais poursuivons : que voulez-vous censurer au juste, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ? Le permis de conduire pour les jeunes, moins cher et plus rapide à obtenir, alors que nous connaissons la situation inacceptable de ces candidats qui attendent des mois pour pouvoir repasser leur examen ?

Mme Marie-Anne Chapdelaine. C’est vrai !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est cela que vous voulez censurer ? Alors dites-le aux Français !

L’accès élargi des jeunes à la profession de notaire ou d’huissier, ce qui est bon pour l’emploi ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’encadrement de leurs tarifs, ce qui est bon pour le pouvoir d’achat ? C’est cela que vous voulez censurer ? Alors dites-le aux Français !

La fin de ce que l’on appelle les « zones blanches », alors que tant de nos concitoyens, notamment dans les territoires ruraux, trouvent insupportable de payer un abonnement de téléphonie mobile et de ne pas pouvoir l’utiliser chez eux ? C’est cela que vous voulez censurer ? Alors dites-le aux Français !

Mme Claude Greff. Et votre majorité, que dit-elle ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’ouverture de nouvelles lignes d’autocar dès cet été (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), c’est-à-dire des transports de proximité moins chers, plus nombreux, moins polluants que les véhicules individuels, et gages de milliers d’emplois supplémentaires ? C’est cela que vous voulez censurer ? Alors dites-le aux Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

La fin des dérives des « retraites chapeau », des privilèges injustifiés dont bénéficient certains dirigeants de grandes entreprises, une meilleure reconnaissance de l’effort ? C’est cela que vous voulez censurer ? Alors dites-le aussi aux Français ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

L’ouverture des magasins le dimanche dans les zones commerciales et touristiques, ce qui est bon pour l’activité économique et pour les salariés volontaires qui auront des compensations salariales, donc plus d’argent à la fin du mois : c’est cela que vous voulez censurer ? Alors dites-le aux Français ! Assumez vos choix, parce que c’est sur le fond qu’ils se déterminent, et pas sur les postures ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Le message que vous envoyez aujourd’hui, avec votre motion de censure, les Français ne le comprennent pas. Vous tenez, monsieur Jacob, un discours de résignation et de fatalisme, d’autant plus que vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord, au sein même de l’opposition, entre députés et sénateurs !

Mme Claude Greff. Et vous, alors ! Vous n’avez plus de majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette censure vous protège, elle vous arrange pour éviter l’étalage de vos divisions et de votre incapacité à proposer un projet aux Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Ce n’est pas nous qui demandons le 49-3 !

M. le président. Monsieur le président Jacob, s’il vous plaît !

M. Patrick Ollier. Vous utilisez le 49-3 parce que vous n’avez pas de majorité !

M. le président. S’il vous plaît, on écoute le Premier ministre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous voulez, et j’en viens à l’Assemblée et au Sénat, modifier le dispositif fiscal exceptionnel que nous avons mis en place pour l’investissement, alors même que les sénateurs de votre formation l’avaient adopté en l’état. Vous voulez supprimer les articles sur le travail du dimanche, alors que le Sénat acceptait l’esprit de ce dispositif. Vous refusez la réforme des prud’hommes : le Sénat avait vu son utilité !

M. Pierre Lequiller. Si on en est là aujourd’hui, c’est la faute des frondeurs !

M. Patrick Ollier. Ils ne sont pas là, les frondeurs !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À propos du Sénat et du respect du Parlement, parlons de la prise en compte des apports du Sénat au cours de la navette sur le projet de loi croissance et activité : le Sénat a adopté quatre-vingt-dix articles conformes en première lecture ; en première lecture, l’Assemblée a ajouté 103 articles et le Sénat 107 ; lors de l’examen en nouvelle lecture, la commission spéciale de l’Assemblée a adopté une soixantaine d’articles conformes issus du texte du Sénat. Si tous les articles qui étaient au cœur de votre projet ont en effet été écartés, je veux dire encore une fois ici que le Parlement dans son ensemble a été respecté.

Vous parlez, messieurs les présidents Vigier et Jacob, de trois années de perdues. Moi, je vous réponds : nous avons fait en trois ans bien plus pour l’économie, le pouvoir d’achat, les salariés, les entreprises que vous n’avez eu le courage de faire en dix ans ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et une nouvelle fois, que voulez-vous censurer au juste, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ? La croissance qui repart ? L’investissement qui reprend ? La confiance qui revient ? Les baisses d’impôt à la rentrée prochaine pour 9 millions de ménages ? C’est cela que vous voulez censurer ? Là encore, ce message que vous envoyez, les Français ne le comprennent pas !

Mme Claude Greff. Écoutez donc ce que disent les Français aujourd’hui !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Votre motion de censure – votre attitude le démontre – n’est qu’une posture, une de ces postures politiciennes que nos concitoyens détestent, dont notre pays a trop souffert !

La vérité que vous ne voulez pas voir, c’est que les réformes engagées portent leurs premiers fruits grâce à une majorité qui porte ces réformes (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) – Bruno Le Roux et Roger-Gérard Schwartzenberg viennent de le rappeler avec conviction.

M. Christian Jacob. Elle est où, votre majorité ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, la croissance en France s’est élevée, au premier trimestre, à 0,6 %. C’est plus que la zone euro.

M. Michel Herbillon. Les Français ne vous croient plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cela confirme que notre prévision d’une croissance à 1 % pour l’ensemble de l’année 2015 était particulièrement prudente et sera, selon toute vraisemblance, dépassée.

M. Alain Suguenot. 1,4 million de chômeurs de plus !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, la consommation des ménages repart : leurs achats de biens ont progressé de 2 % sur les douze derniers mois. La confiance des ménages, mesurée par l’INSEE, a bondi de sept points depuis octobre dernier. Les entreprises recommencent à investir, et le climat des affaires dans l’industrie est au plus haut depuis août 2011.

M. Guy Geoffroy. Le chômage aussi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce sont les signes que nous sommes sur la bonne voie, qu’elle mène au retour de la confiance. Oui, par exemple, le coût du travail dans l’industrie est désormais moins élevé en France qu’en Allemagne. Oui, depuis 2014, après trois années de stagnation, les investisseurs étrangers font de nouveau le choix de la France : plus 8 % l’année dernière.

M. Jacques Myard. Et les nôtres, ils foutent le camp !

M. le président. Monsieur Myard !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les exportations progressent : nous en sommes à trois mois consécutifs de hausse et, donc, l’industrie française regagne des parts de marché à l’international ; le Salon du Bourget en est une belle illustration. Quand les choses vont mieux en France, il faut le dire et il faut en être fier ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Si le chômage reste à un niveau insoutenable, constatons cependant – prudemment ! – que l’emploi repart également : 20 000 emplois supplémentaires ont été créés sur les six derniers mois. C’est trop faible encore, bien sûr, pour absorber la progression de la population active ou encore des destructions d’emplois, mais l’UNEDIC, dans ses prévisions publiées mardi, anticipe une baisse du chômage avant la fin de l’année. Les premiers résultats sont là. (Exclamations sur divers bancs du groupe Les Républicains.) Ils sont encourageants, mais ils ne sont pas suffisants.

Parce que nous sommes lucides, nous savons qu’il faut aller plus loin, pour plus de croissance, et pour que cette croissance se traduise par beaucoup plus d’emplois et par des richesses mieux réparties.

Mme Claude Greff. Cela fait trois ans qu’on attend !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Car notre travail, ce n’est pas seulement de relancer l’économie, même si c’est essentiel : c’est aussi de s’assurer que, progressivement, la croissance bénéficie et bénéficiera à tous.

Amplifier la croissance, aller la chercher là où elle se trouve,…

M. Guy Geoffroy. À Berlin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …c’est le but, je l’ai dit, du projet de loi porté avec talent, avec ingéniosité, par le ministre de l’économie, qui a été à l’écoute en permanence du Parlement.

Amplifier la croissance en agissant pour la compétitivité, c’est le but, vous le savez, du pacte de solidarité et de responsabilité : 40 milliards d’allégements des charges et de la fiscalité pour redonner aux entreprises des marges de manœuvre pour innover, investir, et embaucher !

Nous avons prévu, aussi, avec Michel Sapin, Christian Eckert et Emmanuel Macron, des mesures ciblées pour les TPE et les PME, pour leur permettre de se développer et de créer des emplois, en les aidant à recruter leur premier salarié avec une prime à l’embauche de 4 000 euros ; en apportant des souplesses de bon sens dans la gestion de leurs effectifs ; en allégeant leurs formalités administratives ; en développant pour elles de nouvelles solutions de trésorerie avec la Banque publique d’investissement.

Nous avons également renforcé – c’est un sujet majeur – le contrôle du travail illégal et du recours aux travailleurs détachés,…

M. Jean-Luc Laurent. Ça, c’est bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …car il est inadmissible que certaines entreprises contournent les règles et nient les droits des salariés. Pour les salariés, pour les travailleurs de ce pays, nous faisons en sorte que l’état d’esprit ne soit pas gangrené par ce recours au travail illégal. Quand vous étiez au pouvoir, vous n’avez rien fait ! C’est nous qui le faisons pour protéger nos entreprises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Nous avons enfin réformé les procédures aux prud’hommes, pour qu’elles soient plus efficaces,…

M. Jacques Myard. Chassaigne, écoute !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …plus rapides, plus prévisibles pour les employeurs comme pour les salariés. Ces derniers bénéficieront, pour la première fois dans les petites entreprises, d’un plancher d’indemnités, c’est-à-dire un niveau au-dessous duquel on ne peut pas aller. Cela, monsieur Chassaigne, n’existait pas avant. Là encore, c’est un progrès concret pour les Françaises et les Français, pour les salariés !

M. André Chassaigne. Mais c’est incroyable ! C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Là encore, le débat a eu lieu.

M. André Chassaigne. C’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces avancées sont le fruit du travail de votre commission spéciale – à condition d’y participer. Elles ont été amendées, votées !

Mme Claude Greff. M. Chassaigne a raison : c’est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux, une fois encore, saluer le président Brottes, votre rapporteur général, Richard Ferrand, et l’ensemble des rapporteurs thématiques pour leur travail. Il n’y a pas un travail technique en commission et un travail politique dans l’hémicycle : les parlementaires font en commission un travail qui est à l’honneur du Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Je veux saluer ces rapporteurs thématiques une nouvelle fois : Gilles Savary, Christophe Castaner, Cécile Untermaier, Laurent Grandguillaume, Stéphane Travert, Denis Robiliard, Alain Tourret et bien sûr Clotilde Valter, et je n’oublie pas le rôle de Jean-Yves Caullet, que je salue. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christian Jacob. Et c’est pour respecter le Parlement que vous utilisez le 49-3 ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le mouvement de réformes, nous allons le poursuivre. En septembre – oui, monsieur Jacob, on en parle depuis tellement longtemps, mais cela n’a jamais été fait ! Il y a même eu des propositions dans votre camp, mais quand le Gouvernement le propose, parce que vous êtes dans l’opposition frontale et stérile, vous vous y opposez !

M. Christian Jacob. Dites-le à votre majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’impôt des Français baissera de nouveau, et nous allons lancer la réforme du prélèvement à la source, qui entrera en vigueur en 2018 ; c’est un mouvement irréversible que nous avons engagé.

Nous continuons également avec le ministre du travail, François Rebsamen, à réformer notre marché du travail, en simplifiant le dialogue social, gage de performance pour nos entreprises, et ce texte de loi sera voté. Le compte personnel d’activité, qui entrera en œuvre le 1er janvier 2017, sera une révolution pour les salariés, car leurs droits à la formation et à la prise en compte de la pénibilité les suivront tout au long de leur carrière. Cela veut dire que les salariés pourront être plus mobiles et bénéficier de meilleures perspectives d’évolution professionnelle.

Nous continuerons, enfin, à encourager l’investissement des entreprises pour moderniser notre industrie, afin que les technologies d’avenir – dans le domaine des objets intelligents, des transports de demain, de la ville durable – voient le jour en France.

Car la France doit être, plus encore, le pays de l’innovation : c’est en innovant que nous pourrons prendre le tournant de l’économie verte et de la transition énergétique, loi portée par Ségolène Royal, qui sera votée aussi avant l’été.

C’est en innovant que nous profiterons pleinement des opportunités du numérique – un autre gisement d’emplois –, et j’ai présenté ce matin la stratégie dans ce domaine du Gouvernement. Voilà toutes les réformes qui nous attendent ! Le rythme ne faiblira pas, et nous continuerons bien sûr à gouverner.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi, vous le savez, est attendu par les Français. S’y opposer, c’est choisir le fatalisme et le recul.

Mme Claude Greff. C’est votre majorité qui s’y oppose !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est faire douter les Français, alors qu’ils ont besoin de retrouver la confiance.

M. Guy Geoffroy. C’est vous qui avez besoin de retrouver la confiance !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est affaiblir l’action publique, alors qu’aujourd’hui nous devons être déterminés. Nous exerçons le pouvoir. J’exerce le pouvoir. Je sais que la droite nous fera toujours un procès en illégitimité, mais nous sommes là pour gouverner.

M. Christian Jacob. Le problème, c’est votre majorité, ce n’est pas nous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République a été élu en 2012. Il faut savoir compter, monsieur Jacob : un quinquennat dure cinq ans, et que vous le souffriez ou non, nous gouvernerons jusqu’au bout, parce que c’est le mandat que les Français nous ont donné ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Exercer le pouvoir, c’est prendre des décisions difficiles, dans tous les domaines, pour réformer notre économie, pour réformer l’école que vous avez délaissée, pour mettre en place et en œuvre les mesures de sécurité nécessaires, alors que vous avez affaibli notre police et notre gendarmerie ; pour faire face au terrorisme, pour faire vivre les valeurs de la République ( « Oh ça va ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) et de la laïcité.

C’est à nous qu’incombe cette tâche : vous divisez ; nous rassemblons et nous apaisons le pays. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe Les Républicains ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste)

M. Christian Jacob. On le voit, comment vous rassemblez !

M. Daniel Fasquelle. Vous ne rassemblez même pas votre majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. S’opposer à cette loi, messieurs les présidents Jacob, Vigier et Chassaigne, c’est fuir ses responsabilités, et je ne doute pas que dans quelques instants, ce gouvernement continuera d’exercer les responsabilités et qu’avec la majorité il poursuivra son travail, il continuera à réformer, pour les Français et pour la France ! ( Mesdames et messieurs les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen se lèvent et applaudissent ; applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La discussion est close.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je rappelle que seuls les députés favorables à la motion de censure participent au scrutin, et que le vote se déroule dans les salles voisines de l’hémicycle.

Le scrutin va être ouvert pour trente minutes : il sera donc clos à dix-huit heures quinze.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin :

Majorité requise pour l’adoption de la motion de censure, soit la majorité absolue des membres composant l’Assemblée : 289

Pour l’adoption : 198

La majorité requise n’étant pas atteinte, la motion de censure n’est pas adoptée.

En conséquence, est considéré comme adopté le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 23 juin, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Projet de loi relatif à la convention France-Maroc d’entraide judiciaire en matière pénale ;

Proposition de loi relative à la télévision numérique terrestre.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures vingt.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly