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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 20 juillet 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage aux victimes des attentats de Nice

2. Questions au Gouvernement

Attentat de Nice

M. Éric Ciotti

M. Michel Vauzelle

M. Rudy Salles

M. Joël Giraud

Mme Jacqueline Fraysse

M. Manuel Valls, Premier ministre

Action militaire contre Daech

Mme Patricia Adam

M. Manuel Valls, Premier ministre

Attentat de Nice

M. Georges Fenech

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Prorogation de l’état d’urgence

M. Olivier Dussopt

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Lutte contre le salafisme

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Manuel Valls, Premier ministre

Traitement médiatique des attentats

M. Michel Françaix

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

Lutte contre le terrorisme

M. Yves Nicolin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Réserve opérationnelle

M. Nicolas Bays

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Stocks de bombes des armées

M. Philippe Meunier

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Aide aux victimes des attentats

Mme Elisabeth Pochon

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes

Placements des caisses de retraite des professions libérales

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

3. Travail, modernisation du dialogue social et sécurisation des parcours professionnels

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. Manuel Valls, Premier ministre

M. le président

Suspension et reprise de la séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin

4. République numérique

Présentation

M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique

Discussion générale

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Philippe Gosselin

M. Bertrand Pancher

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 1 , 2 , 3 , 6 , 4 , 5

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

5. Reconquête de la biodiversité – Nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité

Présentation commune

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale commune

Mme Viviane Le Dissez

M. Jean-Marie Sermier

M. Bertrand Pancher

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Stéphane Claireaux

M. Gabriel Serville

Reconquête de la biodiversité (texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture)

Amendements nos 26 , 24 , 19 , 23 , 38 , 14 , 22 , 1 , 8 , 17 , 37 , 36 , 9 , 21 , 15 , 20 , 27 , 31 , 25 , 18 , 30 , 28 , 32, 33 , 12

Vote sur l’ensemble

Nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (discussion des articles)

Article 1er

M. Martial Saddier

M. Guillaume Chevrollier

M. Bertrand Pancher

M. François de Rugy

M. François-Michel Lambert

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

Article 2

Vote sur l’ensemble

6. Régulation, responsabilisation et simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes

Discussion des articles (suite)

Après l’article 4

Amendement no 20

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Article 5

Amendements nos 21 , 76 , 89 , 104, 105 (sous-amendements) , 112, 111 (sous-amendements) , 77 , 108 , 46 , 87

Après l’article 5

Amendements nos 94 rectifié , 92, 81 , 82 , 22 , 100

Article 6

Amendement no 93

Article 7

Amendement no 23

Article 7 bis

Amendements nos 47 , 48

Article 8

Amendement no 24

Après l’article 8

Amendements nos 62 , 71 , 73

Article 9

Amendement no 88

Titre

Amendement no 25

Explications de vote

M. Philippe Duron

M. Bertrand Pancher

Vote sur l’ensemble

7. Démission d’un député

8. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux victimes des attentats de Nice

M. le président. Mesdames, messieurs (Mesdames et messieurs les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), le 14 juillet, fête nationale française, évocation de la prise de la Bastille, est une date qui exalte la liberté et l’égalité pour le monde entier.

C’est ce jour-là, jour ô combien symbolique, qu’un des sites les plus emblématiques de la beauté et de la vie nationales a été lâchement endeuillé par une attaque odieuse.

La Promenade des Anglais incarne la lumière, les rencontres des nationalités, la joie populaire. « Ces couleurs de Nice ! C’est dommage que je ne puisse les détacher et te les envoyer », écrivait Frédéric Nietzsche à sa sœur. Ces couleurs inimitables se sont assombries jeudi soir.

Quatre-vingt-quatre personnes sont mortes, dont dix enfants et adolescents. Des dizaines de personnes blessées luttent en ce moment même pour leur vie, pour leur santé. À ces personnes qui souffrent, quelle que soit leur nationalité, j’exprime en votre nom notre plus profonde solidarité.

En attendant les résultats de l’enquête en cours, je m’adresse en votre nom aux Niçois, aux Français, pour leur exprimer la détermination de leurs représentants à ne jamais faiblir dans leur tâche pour défendre la liberté, l’égalité, la fraternité et l’État de droit.



J’assure les services publics de soins, les médecins, les infirmiers, les personnels des hôpitaux, le SAMU, les brancardiers, les ambulanciers, les bénévoles, les associations, de notre solidarité et de notre admiration. Ils sont notre fierté, comme le sont ces citoyens anonymes qui, en tentant d’arrêter la machine de mort, en secourant les blessés, ont révélé des actes d’héroïsme citoyen édifiant.



J’adresse à toutes les forces de protection et de sécurité, aux pompiers et aux policiers, les encouragements de l’Assemblée nationale.



La France et ses forces de sécurité sont durement éprouvées sur plusieurs fronts. Nous avons appris ce matin la disparition de trois soldats de l’armée française, trois sous-officiers de nos forces spéciales, lors d’une mission commandée en Libye, à Benghazi. L’Assemblée nationale, profondément émue du sacrifice de ces trois soldats morts pour notre sécurité et la liberté de la Méditerranée et de l’Europe, adresse ses condoléances les plus attristées à leurs familles et à leurs proches.



Au nom de la représentation nationale, j’adresse aux familles des victimes de l’attaque de Nice et à leurs proches nos très sincères condoléances et le témoignage de notre profonde sympathie.



Je vous invite à observer une minute de silence. (Mesdames et messieurs les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

J’indique que le Premier ministre répondra de manière globale aux cinq premières questions, qui seront posées par un représentant de chacun des groupes et qui toutes portent sur l’attentat de Nice.

Attentat de Nice

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe Les Républicains.

M. Éric Ciotti. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Vous venez, monsieur le président, par des mots empreints d’émotion dont je vous remercie, de rendre hommage aux victimes de l’attentat qui a frappé au cœur la ville de Nice, ma ville, et notre pays. Il a frappé l’humanité tout entière, car c’est à toute forme d’humanité que la barbarie islamiste s’est attaquée une nouvelle fois. J’exprime à mon tour un sentiment d’émotion et de reconnaissance. L’émotion s’adresse aux familles des victimes, qui sont nombreuses – vous avez rappelé, monsieur le président, ce terrifiant bilan. J’exprime simultanément ma reconnaissance à tous ceux qui ont participé à la formidable chaîne des secours, aux policiers de la police nationale qui ont intercepté le camion avec un courage extraordinaire et auxquels il faut rendre hommage, ainsi qu’aux policiers municipaux et à toute la chaîne des secours.

Cet attentat, monsieur le Premier ministre, ne doit pas rester sans réponse. Notre devoir, notre responsabilité collective consistent à tenir compte des 240 morts que déplore la France depuis l’attaque du Bataclan. Vous avez trouvé les mots pour définir ce phénomène : la France est en effet en état de guerre. Mais vous n’avez pas trouvé la réponse claire, précise et efficace à l’angoisse des Français et à la montée du terrorisme. Nous vous le demandons donc aujourd’hui, monsieur le Premier ministre : il faut changer de stratégie. Nous sommes en guerre, utilisons les armes de la guerre, car si nous ne combattons pas avec les armes de la guerre, alors ces terroristes abattront notre démocratie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et de nombreux bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le Premier ministre, nous avons exprimé tout à l’heure notre solidarité, celle de la représentation nationale, avec tous ceux qui, à Nice, ont été témoins ou victimes de l’horreur. Mais c’est tout notre peuple qui est inquiet de la montée de la violence. Elle touche la France, à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières, car il n’y a plus de frontière entre notre politique extérieure et notre politique intérieure face au terrorisme. En Libye, trois soldats français viennent de mourir pour la France. Sur le territoire national, nous déplorons les morts de Nice, ville symbole pour la France, un 14 juillet, jour de la fête nationale : c’est une double blessure pour la France ! Cette violence se nourrit aussi d’un malaise social. Nous l’avons encore constaté cette nuit lors de la mort d’un jeune homme à Beaumont-sur-Oise qui a suscité la réaction, certes inadmissible, d’une jeunesse bien souvent victime de la montée de la xénophobie et du racisme, non seulement ethnique mais social.

La crise est morale, l’individualisme exacerbé : injures quotidiennes à l’adresse des élus de la nation, au risque de détruire la démocratie représentative ; proposition tout aussi injurieuse envers la démocratie, cette nuit, d’établir un système de délation et de privation de liberté sans jugement, sur simple soupçon. La France doit éviter que la guerre contre le terrorisme ne dégénère en une guerre civile fondée sur le racisme et la xénophobie. Renforcer encore les dispositifs de sécurité alors que nos soldats, nos gendarmes et nos policiers sont à rude épreuve et refuser absolument la dérive vers un État totalitaire : existe-t-il, monsieur le Premier ministre, une solution pour assurer la sécurité des Français qui ont peur sans toucher aux valeurs de la France républicaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Monsieur le Premier ministre, c’est avec gravité et émotion que je prends la parole devant vous pour évoquer le terrible attentat qui a frappé ma ville et qui a entraîné la mort de 84 innocents. J’associe à ma question le président de la métropole, Christian Estrosi, ainsi que le maire de Nice, Philippe Pradal.

Vous étiez présent à la minute de silence à Nice ce lundi. Une foule immense était rassemblée dans le recueillement. Malgré cela, lors de votre arrivée, une partie de cette assistance s’est manifestée de façon hostile. Je tiens à vous dire solennellement que je désapprouve ces comportements en pareilles circonstances, qui ne sont pas dignes de leurs auteurs. (Applaudissements sur tous les bancs.)

En revanche, ils traduisent un mouvement de colère profond dans le pays, qu’il faut entendre. Comment peut-il en être autrement ? Le Président de la République déclare qu’il défend la Maison France, alors que les victimes du terrorisme se comptent en centaines depuis un an et demi.

Je ne veux absolument pas polémiquer, mais je veux poser quelques questions sur ce qui s’est passé. Tout d’abord, le ministre de l’intérieur est arrivé à Nice dans la nuit de jeudi à vendredi. L’accès à la réunion avec les services a été refusé au président de la métropole, au maire ainsi qu’au président du conseil départemental. Pourquoi ?

Le Gouvernement est le seul à avoir accès aux informations relatives au risque terroriste. Pourquoi l’enceinte piétonne n’a-t-elle pas été gardée par des personnels militaires ou policiers lourdement armés, qui auraient pu intercepter le terroriste ? Pourquoi des chicanes de béton n’ont-elles pas été posées, à l’instar de ce qui avait été fait pour l’Euro de football ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Enfin, le terroriste était un étranger bénéficiant d’un titre de séjour. Il avait été condamné par la justice de notre pays pour des actes de violences. N’est-il pas temps de rendre automatique, pour les étrangers condamnés pour des crimes ou des délits commis en France, le retrait de leur titre de séjour et leur renvoi immédiat dans leur pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.) Si tel avait été le cas, cet attentat n’aurait peut-être pas eu lieu ! (« Oh ! » sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste

M. Joël Giraud. Monsieur le Premier ministre, le symbole est fort. L’auteur de l’attaque de Nice, en plein feu d’artifice, qui a écrasé volontairement hommes, femmes, enfants, faisant plus de cent morts et blessés à vie, n’a pas choisi cette cible par hasard. Il a voulu atteindre deux symboles que les salafistes haïssent : la République, parce que « liberté », « égalité » et « fraternité » sont trois mots qui ne peuvent se conjuguer dans la forme d’État que l’État islamique a mise sur pied, qui ne vit que par et pour la terreur ; et la fête, car la haine de la fête, considérée comme une dépravation, est le ressort de leur pensée mortifère.

Au-delà de la nécessaire compassion, qui va aussi à nos trois militaires morts au combat à Benghazi, il faut nous tourner vers les vivants, pour montrer la force et la cohésion de la nation. La violence terroriste cherche à provoquer l’affolement en chacune et chacun, la suspicion généralisée, la surenchère des « y’a qu’à » nourrie du sentiment d’impuissance, la division et la désignation des boucs émissaires. Face à une France au bord de la crise de nerfs, nous devons puiser notre force dans le calme et la confiance.

Nous n’y parviendrons que si nous comprenons que le terrorisme est notre problème à tous. Chacun doit prendre conscience de son devoir : les politiques en faisant preuve de dignité ; et aussi chaque citoyen, en transformant la paranoïa qui le guette en vigilance citoyenne. Cette vigilance organisée dans la société est le seul moyen de maintenir le lien fragilisé entre des concitoyens traumatisés par les attaques à répétition.

L’état d’urgence et sa prorogation étaient nécessaires, mais face à la lutte longue contre le terrorisme, il faudrait désormais inventer une nouvelle forme de société en renouant les liens entre citoyens et nation. En Israël, le risque d’attentat est quasi permanent. Mais la population ne vit pas majoritairement dans l’angoisse, ou du moins sait-elle la gérer car dans ce pays, les trois quarts de la population ont fait leur service militaire. En Suisse, le consensus helvète, dont nous ferions bien de nous inspirer, repose depuis 1848 sur un service national qui n’a cessé d’évoluer.

Monsieur le Premier ministre, comptez-vous redonner à la France le rôle intégrateur d’une forme de service national modernisé, pour prolonger l’impérieuse nécessité d’une éducation citoyenne et civique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le Premier ministre, une fois de plus, notre pays est victime d’un terrible attentat causant d’immenses souffrances. Une fois de plus, c’est la quatrième, vous répondez par la prolongation de l’état d’urgence. Je ne joindrai pas ma voix à celles de la droite et de son extrême, qui tentent de faire croire que cette situation pourrait être surmontée facilement. Je le ferai d’autant moins que sous son autorité, le fonctionnement des services de police et de renseignement s’est dégradé.

Je ne crois pas non plus qu’il soit décent d’user de surenchères à vocation politicienne ni d’utiliser les médias pour en rajouter dans le sensationnel et l’anxiogène, qui entravent la réflexion. Je voudrais simplement vous dire que la réponse ne peut pas être uniquement sécuritaire et guerrière.

Nos concitoyens revendiquent la sécurité, c’est bien normal. Mais nous devons avoir l’honnêteté de leur dire que si cette exigence passe par des moyens de police et de justice, ce n’est pas en cadenassant notre société que nous traiterons les causes de cette situation. Car Daech ne tombe pas de nulle part.

Aussi, j’ose vous inviter à vous demander si cette fuite en avant vers le tout sécuritaire qui nous fait basculer dans un état d’exception permanent sans que le pire ait pu être conjuré ne sert pas, à terme, ceux qui nous frappent.

N’est-il pas temps de renoncer aux politiques néolibérales qui ont déchiré le tissu social (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), et aux discours exaltant l’identité nationale qui stimulent le communautarisme ? Décidons, au contraire, de développer en grand des services publics de qualité, ouverts à tous et dans tous les domaines, qui permettent à chacun, quelles que soient son origine, sa religion et sa situation sociale, d’être considéré et reconnu à égalité de droits et de devoirs, de se sentir citoyen à part entière ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous avons hier, jusqu’à tôt ce matin, longuement discuté de la prorogation de l’état d’urgence, ce qui nous a permis d’aborder de nombreux sujets que vous venez de reprendre au travers de vos questions.

Bien sûr, nos pensées vont d’abord vers les victimes, les morts, au nombre de quatre-vingt-quatre, les blessés, ceux qui luttent encore aujourd’hui pour leur survie, les blessés handicapés à vie, handicapés pour toujours, ceux qui garderont à tout jamais dans leur chair et dans leur esprit ces moments atroces. Je veux aussi avoir une pensée avec vous, dans ces moments-là, pour toutes les victimes des attentats de ces derniers mois, qui revivent à travers le drame atroce de Nice les terribles épreuves qu’ils ont traversées en janvier ou en novembre 2015. Nous pensons à tous, bien évidemment. La nature de notre travail d’aide aux victimes s’en trouve transformée car nous comptons aujourd’hui des centaines, des milliers de personnes – à travers les familles, les proches – concernées par ces attentats, ce qui est, malheureusement, totalement inédit pour notre pays, en tout cas depuis ces dernières décennies. C’est vers eux que nous devons nous tourner aujourd’hui.

Bien sûr, nous avons la responsabilité de protéger les Français. Ils sont inquiets, ils ont peur, ils l’expriment, partout, avec dignité, en observant en particulier une minute de silence lundi. Ces moments sont importants car il est essentiel que la nation puisse se retrouver. C’est ce qu’ont fait nos compatriotes à Nice. À cet égard, je vous remercie pour les propos que vous avez tenus, monsieur Rudy Salles, mais rassurez-vous, je ne confonds pas l’attitude de l’immense majorité de cette foule, qui se recueillait et chantait La Marseillaise, avec celle des auteurs des sifflets. De toute façon, il appartient à ceux qui gouvernent, à ceux qui représentent la nation, d’endosser et de porter avec responsabilité, lucidité, humilité, ce poids car c’est un véritable poids, une charge pour chacun d’entre nous.

J’entends parfaitement l’exigence des Français. J’entends aussi celle de l’Assemblée nationale, comme celle du Sénat. Nous aurons l’occasion, dans le débat, qui commencera à 17 heures au Sénat, autour de la prorogation de l’état d’urgence, de reprendre ces questions.

Vous les avez évoquées hier soir. Monsieur Éric Ciotti, monsieur Rudy Salles, j’ai une pensée toute particulière pour vous qui êtes élus de cette ville de Nice, dont Claude Bartolone a parlé avec des mots qui viennent du cœur d’un Méditerranéen. Je comprends tout à fait vos exigences, en particulier concernant la stratégie. Je fus l’un des premiers à l’évoquer, d’ailleurs. C’est mon rôle, en tant que chef du Gouvernement, ou, comme je l’étais avant, en tant que ministre de l’intérieur, de détecter la menace que représentaient, dès l’été 2012, les premières filières syro-irakiennes, aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de nos frontières, et d’en prendre toute la mesure.

J’avais évoqué ces questions, au Sénat d’abord, à l’Assemblée nationale ensuite, en présentant la première loi antiterroriste, qui tirait essentiellement les leçons des crimes de Toulouse et de Montauban, mais aussi de la première commission d’enquête sur les événements de mars 2012, travail mené par l’Assemblée nationale sous la houlette des députés Jean-Jacques Urvoas et Patrice Verchère.

J’avais alors évoqué un « ennemi intérieur », ce qui m’avait été parfois reproché, mais je voulais qualifier ce que nous étions en train de vivre, à savoir les risques d’une véritable guerre intérieure. Je vous invite à aller voir le beau documentaire de Bernard-Henri Lévy, Peshmerga, qui relate la guerre au Kurdistan, à la frontière de Mossoul. C’est par ce type de documentaire et le travail des journalistes que l’on prend conscience de la réalité de cette guerre. En France, la situation est évidemment très différente, mais cela reste une guerre. Certes, elle n’a rien à voir avec ce que nous avons connu au XXsiècle, mais c’est bel et bien une guerre qui nous est menée. Chacun l’a dit avec ses mots, et c’est pour cette raison que nous avons pris, en responsabilité, tous les moyens pour y faire face, qu’il s’agisse des deux lois antiterroristes, d’ailleurs votées par une immense majorité des parlementaires, celle que j’ai portée et celle de Bernard Cazeneuve, des deux lois relatives au renseignement. Depuis plus de trente ans, depuis la loi portée par Michel Rocard et Édith Cresson en 1991, nous n’avions pas eu de loi sur le renseignement.

Ces lois sont nécessaires, mais ce n’est pas un seul outil qu’il nous faut. Tous les moyens doivent être engagés pour lutter contre le terrorisme, le traitement humain, le travail de la police et de la gendarmerie, des services de renseignement, le travail autour des réseaux sociaux et d’internet, la mobilisation de la société.

La nouvelle loi de procédure pénale, annoncée et confortée par le Président de la République lors de son discours à Versailles, les amendements retenus, émanant de tous les groupes de la majorité comme de l’opposition, à l’Assemblée et au Sénat, nous permettent de disposer d’un arsenal que je crois à la mesure du défi qui nous est posé.

Bien sûr, nous devons en permanence nous adapter car l’ennemi, l’adversaire, lui aussi s’adapte en permanence. Nous voyons bien que nous avons été confrontés à deux modes opératoires au moins. D’un côté, l’organisation de groupes depuis la Syrie ou l’Irak, coordonnée en Belgique ou en France pour ce qui concerne les attentats de 2015, avec des individus au parcours criminel, délinquants, aguerris, souvent formés au maniement des armes de guerre – au passage, grâce à nos services, pas moins de seize projets d’attentats ont été déjoués, dont en mars dernier celui du groupe mené par Reda Kriket, qui s’apprêtait à commettre des attentats particulièrement meurtriers. Mais il y a au moins un autre mode opératoire, celui de Nice, avec un attentat perpétré par un individu radicalisé sans doute en très peu de temps, pas fiché S, inconnu des services de renseignement, simplement connu défavorablement des services de police pour les faits qui ont été rapportés, ou par les services sociaux du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Face à ces nouvelles menaces, nous devons nous adapter. Je pense que nous avons les outils au niveau de la police, de la gendarmerie ou des services de renseignement, même s’ils peuvent encore être améliorés.

Nous les avons d’ailleurs déjà améliorés. C’est sous ma responsabilité de ministre de l’intérieur que nous avons mené la réforme de la Direction générale de la sécurité intérieure, avec un vrai sujet. Nous avons évoqué hier la disparition des renseignements généraux mais je crois vraiment, comme le ministre de l’intérieur, que nous devons nous appuyer sur la police et sur la gendarmerie, pour assurer un renseignement de proximité qui nous permettra de recueillir le maximum d’informations, en lien avec les services et les travailleurs sociaux. Le travail mené par le Gouvernement, avec les ministres Marisol Touraine et Laurence Rossignol, va dans ce sens. Il s’agit de mobiliser tous les services sociaux, dont les cultures sont souvent très éloignées des modes de travail de la police, de la gendarmerie ou de la justice.

Police, gendarmerie, justice disposent aujourd’hui de ces moyens, mais nous devons rester ouverts et attentifs à tout ce qui pourrait nous permettre de mieux lutter contre le terrorisme, sans jamais sortir de l’ordre constitutionnel ni de l’état de droit.

J’en viens à la question des opérations extérieures, que je développerai tout à l’heure en réponse à une autre question. Elles sont essentielles car la guerre se joue, à court et moyen termes au moins, en Irak, en Syrie, et sans doute aussi en Libye. Mais pas seulement. La guerre sera très longue sur notre sol. Quand j’ai dit qu’il y aurait d’autres attentats et de nouvelles victimes innocentes – même si Malek Boutih a eu parfaitement raison de rappeler hier soir que nous faisons tout pour empêcher un nouvel attentat et que, bien sûr, nous gagnerons cette guerre –, ce n’est pas par fatalisme que j’ai tenu de tels propos, mais parce que nous devons cette vérité aux Français. Si tout l’arsenal proposé ici hier soir ou par d’autres en dehors de cette enceinte, était adopté et mis en œuvre, et que des attentats aient quand même lieu, quel nouveau pas devrions-nous franchir ?

Nous voyons bien la difficulté. Regardez ce qu’il se passe aux États-Unis. Malgré le Patriot Act, malgré l’existence de la peine de mort en Floride, et tous les moyens exceptionnels mis en œuvre, le drame d’Orlando a-t-il pu être évité ? La question est éminemment complexe. Le terrorisme de Daech, son idéologie, les kits qu’il fournit à ces terroristes, ces individus, ces meurtriers, quel que soit le qualificatif que l’on retient, est d’une très grande efficacité, malheureusement. C’est pour cela que nous devons nous mobiliser.

Vous avez parfaitement raison, madame la députée Jacqueline Fraysse, si la seule réponse dite sécuritaire est indispensable, tout comme la réponse judiciaire, avec une aggravation des peines, nous voyons bien qu’au-delà, toute la mobilisation de la société est nécessaire. J’y reviendrai.

Enfin, je voudrais répondre à Rudy Salles avec la précision chère au ministre de l’intérieur, au sujet des événements de Nice, car je crois nécessaire de donner tous les éléments à l’Assemblée nationale. Comme l’a rappelé le préfet des Alpes-Maritimes, l’organisation du feu d’artifice du 14 juillet avait été précédée, vous le savez, monsieur le député, de deux réunions qui associaient la ville et la préfecture ainsi que de deux autres réunions, les 1er et 12 juillet, entre la direction départementale de la sécurité publique et la police municipale, que je connais bien. Je me suis en effet souvent rendu à Nice. D’ailleurs, nous avons souvent dit, avec MM. Estrosi et Ciotti, que les deux polices municipales les plus efficaces étaient celles de Nice et d’Évry, même si les effectifs de cette dernière sont beaucoup moins nombreux. Je connais bien aussi le dispositif de la vidéosurveillance. Mais nous savons tous que cela ne suffit pas.

Lors de la première réunion qui s’est tenue le 28 juin à 15 heures, la préfecture avait appelé l’attention de la ville sur la nécessité de mieux sécuriser l’environnement de la manifestation. Lors de la seconde réunion qui a eu lieu, elle, le 7 juillet à 15 heures, un accord avait été trouvé pour mettre en place un contrôle aléatoire des accès, comme pour le carnaval de Nice, autre grande manifestation.

Un arrêté du 11 juillet, signé par le directeur général adjoint des services de la ville, en charge de la sécurité, de la proximité et des quartiers, réglementait la circulation sur la Promenade des Anglais et ses abords, car c’est là une responsabilité du maire et de la police municipale. Ce dispositif a été concerté, consenti et validé par le maire de Nice, sinon cela aurait signifié que la collectivité locale organisatrice du feu d’artifice – ce n’est pas l’État qui organise les feux d’artifice dans notre pays – aurait accepté l’organisation d’un événement sans souscrire aux dispositifs de sécurité. Qui peut l’imaginer un seul instant ? Et pour cause ! Le ministre de l’intérieur a reconstitué la liste de tous les policiers nationaux présents sur le terrain à partir des mains-courantes attestant de leur engagement. Ils étaient quatre-vingt-cinq à 19 heures, quatre-vingt-neuf à 20 heures, quatre-vingt-douze heures à 21 heures, soixante-quatre entre 22 heures et 23 heures. Nous tenons le tableau récapitulatif des présences à la disposition de la justice.

En tout et pour tout, cent quatre-vingt-cinq policiers nationaux et vingt militaires de l’opération Sentinelle étaient mobilisés à Nice dans le cadre des festivités du 14 juillet. Par ailleurs, les policiers municipaux étaient, en périphérie de l’événement, chargés notamment de la circulation. C’est d’ailleurs grâce au courage des fonctionnaires de police présents, tous l’ont rappelé, que le terroriste a pu être stoppé avant qu’il ne tue encore davantage de personnes. Ce travail s’est nourri de l’expérience de la préparation de l’Euro puisque cinq exercices antiterroristes majeurs avaient été organisés à Nice.

Je suis convaincu, mesdames et messieurs les députés, que le pays a besoin de vérité, a besoin de tout savoir, mais nous tous, aussi bien nous qui exerçons les responsabilités que vous, qui êtes parlementaires, qui avez exercé des responsabilités, qui souhaitez à nouveau en exercer, nous avons un devoir de vérité et d’exigence vis-à-vis de nos compatriotes. Le combat sera long et difficile. Nous aurons encore des victimes à déplorer, malheureusement, mais ce combat, nous le gagnerons, au Levant et en France, parce que c’est la France qui a été attaquée, parce que c’est le pays des droits de l’homme, le pays de la laïcité, parce que c’est un pays qui prend ses responsabilités au Levant comme au Sahel, parce que c’est un pays qui compte des millions de compatriotes et de concitoyens musulmans et que le terrorisme s’attaque à notre société pour la diviser. Nous vaincrons d’autant plus que nous serons unis et solidaires face au terrorisme pour le vaincre. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Action militaire contre Daech

M. le président. La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Patricia Adam. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Nous combattons l’ennemi terroriste là où il se trouve, à l’extérieur comme à l’intérieur de nos frontières. La menace est protéiforme et le combat est dur. Je veux donc saluer ici très solennellement, en tant que présidente de la commission de la défense et des forces armées et au nom de l’ensemble de mes collègues, à l’heure où nous déplorons à nouveau trois morts parmi nos forces, le professionnalisme et le courage de nos soldats et de leurs chefs. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Je le pense, nous le pensons : ce combat, nous allons le gagner. Notre stratégie militaire, tout comme celle de nos services de renseignement, est claire : nous éradiquerons l’ennemi afin qu’il ne dispose plus de l’initiative sur le terrain. Nous l’éradiquerons au cœur de son dispositif, là où il conçoit ses opérations contre nous et jusque sur notre territoire national. C’est le sens de l’engagement de nos forces au Sahel, en Irak, en Syrie, et aussi en Libye.

Nous vaincrons l’ennemi car nous nous en donnons les moyens, en augmentant à la fois le budget de la défense et nos effectifs. Nous le vaincrons, enfin, car le cadre de notre action au sein de la coalition est clair et légitime. La France, nous le savons, n’a pas ménagé ses efforts pour faire converger les actions militaires de chacun autour d’un dénominateur commun : l’élimination de Daech.

C’est l’objet du déplacement des ministres de la défense et des affaires étrangères en ce moment même à Washington. Nous auditionnerons d’ailleurs M. Le Drian sur ce point la semaine prochaine.

Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous indiquer d’ores et déjà…

M. le président. Merci madame.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la présidente Patricia Adam, comme le président de l’Assemblée nationale et vous-même l’avez rappelé, trois militaires français sont morts en Libye, dans un accident d’hélicoptère, alors qu’ils étaient en mission de renseignement. Je tiens à mon tour à saluer leur mémoire et leur courage et j’exprime, au nom du Gouvernement, la gratitude de la France et nos sincères condoléances à leurs familles. Il faut rappeler le sacrifice de ces soldats qui portent nos couleurs et nos valeurs au Sahel, au Levant et en Libye.

La Libye, vous le savez, connaît une instabilité dangereuse depuis plusieurs années. Nous soutenons le conseil présidentiel du Premier ministre Sarraj. Avec nos partenaires, nous avons fait évoluer le mandat de la mission européenne Sophia en Méditerranée afin de lutter contre les trafics d’armes et afin de former les garde-côtes libyens. En ce moment même, nous menons, c’est vrai, des opérations périlleuses de renseignement en Libye. Nous prenons ainsi toutes nos responsabilités pour protéger les Français car nous savons quelles sont les conséquences de la déstabilisation de la Libye. Nous prenons l’ensemble des mesures qui nous semblent appropriées, notamment pour être renseignés face à cette menace au large de nos côtes méditerranéennes.

Nous prenons également nos responsabilités en annonçant, comme l’a fait le Président de la République, que la France intensifiera aussi ses interventions au Levant, où Daech recule sur l’ensemble des fronts. Le tempo, l’agenda des opérations contre les djihadistes s’accélère depuis plusieurs semaines déjà. En Irak, la ville de Fallouja est libérée, notamment grâce à l’action des forces irakiennes, dont nous formons les troupes d’élite, et à l’appui aérien significatif que nous avons apporté. À Kayara, à moins de soixante kilomètres de Mossoul, la base aérienne de Daech est tombée la semaine dernière. En Syrie, à Manbij, les Kurdes et leurs alliés arabes resserrent lentement l’encerclement des combattants de Daech vers le centre de la ville avec le soutien de la coalition.

Notre participation à cet effort est significative. Comme je le rappelais hier, plus de 780 frappes aériennes ont été effectuées par la France depuis le 19 septembre 2014. Nous formons environs un tiers de la force d’élite antiterroriste irakienne et notre dispositif de forces spéciales au Kurdistan est également particulièrement efficace sur le terrain, en soutien des peshmergas.

Madame la présidente, le ministre de la défense vous apportera sans nul doute des informations et des renseignements dans les prochains jours. La réunion de Washington est en effet importante car la France rappellera à chacun des partenaires de la coalition, à chacun des acteurs des coalitions qui existent sur le terrain, que tout doit être fait pour éradiquer l’État islamique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Attentat de Nice

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe Les Républicains.

M. Georges Fenech. Monsieur le ministre de l’intérieur, le 14 juillet 2016, la France a été à nouveau cruellement frappée, cette fois-ci en province, dans la ville de Nice, au nom de l’islam radical. Le tragique bilan encore provisoire fait état de 84 morts et de 202 blessés. Il n’est pas sans rappeler la tuerie du Bataclan en novembre dernier et ses 89 morts et centaines de blessés, à propos de laquelle la commission d’enquête que j’ai présidée et dont Sébastien Pietrasanta était le rapporteur a pointé très précisément toutes les failles et dysfonctionnements, notamment des services de renseignement français et européens.

J’observe d’ailleurs avec soulagement que dans une interview au journal Le Monde de ce soir, vous vous déclarez enfin ouvert à l’organisation d’une meilleure coordination et d’un meilleur partage du renseignement.

À Nice, c’est à la question des failles dans la sécurité mise en place à l’occasion de ce grand événement qu’il vous incombe de répondre. Mais, de grâce, n’invoquez plus l’union sacrée ou je ne sais quel esprit polémique pour échapper aux questions relevant de vos responsabilités ministérielles ! C’est l’honneur de notre démocratie, et c’est aussi le rôle et le devoir de l’opposition que de vous poser ces questions, toutes ces questions. L’interrogation est d’autant plus légitime que cet attentat revendiqué par Daech s’est produit alors que nous étions déjà sous le régime de l’état d’urgence censé nous protéger.

Monsieur le ministre, les victimes et leurs familles martyrisées sur la promenade des Anglais vous demandent légitimement les explications auxquelles elles ont droit. En effet, si, comme vous ne manquez jamais une occasion de le rappeler, et vous avez raison, en matière de terrorisme le risque zéro n’existe pas, est-ce qu’à Nice, l’État a bien pris toutes les mesures de sécurité qui s’imposaient pour parer ce type d’attentat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, après M. Rudy Salles, vous me posez une question extrêmement précise à laquelle je veux répondre avec tout autant de précision. Comme vous l’avez dit à juste titre, nous devons la vérité aux victimes et l’État, dans la responsabilité qui est la sienne, doit rendre des comptes avec le niveau de précision qui lui incombe lorsqu’il s’agit de ses compétences.

Vous soulignez l’excellent travail réalisé par Sébastien Pietrasanta dans son rapport. (Murmures sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Quelle médiocrité de votre part !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous indiquez aussi que je déclare aujourd’hui dans Le Monde être ouvert à une réforme du renseignement. Je veux vous dire qu’il m’a été très agréable de vous recevoir la semaine dernière et que j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de vous donner cette information.

Pour ce qui concerne la sécurité à Nice, le Premier ministre vient, sur la base d’élément tout à fait précis, de vous donner les informations qui correspondent à la réalité. Il y a eu quatre réunions : deux réunions entre la sécurité publique et la police municipale et deux réunions entre la préfecture et la ville de Nice.

M. Christian Jacob. Ce n’est pas la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Toutes avaient pour objectif de définir précisément les mesures appropriées à prendre dans un contexte de menace concernant tout le pays – il n’existait aucune information au sujet de menaces spécifiques à Nice. C’est dans ce cadre que l’État a défini le niveau des effectifs de police qui devaient être mobilisés sur la promenade des Anglais, et que la ville de Nice, dans sa compétence d’organisatrice de la manifestation et dans sa compétence sur la voirie municipale, a pris par un arrêté du 11 juillet l’ensemble des mesures qui lui incombaient.

Une contestation a eu lieu sur la présence effective des effectifs de police nationale. J’ai fait reconstituer la liste nominative des policiers présents à partir des ordres d’opération et des mains courantes. Je communiquerai ces éléments au procureur de la République puis au juge d’instruction lorsque celui-ci aura été désigné. Ils correspondent à la stricte vérité et éteignent des polémiques qui n’auraient pas eu lieu d’être et qui ont mis en cause injustement le préfet, le directeur départemental de la sécurité publique et les policiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je protégerai toujours ces fonctionnaires…

M. le président. Merci monsieur le ministre.

M. Christian Jacob. C’est médiocre, monsieur le ministre !

Prorogation de l’état d’urgence

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le ministre de l’intérieur, face à la barbarie des terroristes qui attaquent notre pays, la réponse de l’État doit être digne et efficace.

La dignité, c’est celle dont le Gouvernement fait preuve…

M. Christian Jacob. Ce n’est pas celle du ministre de l’intérieur !

M. Olivier Dussopt. …quand il se tient aux côtés des victimes, de leurs familles et des forces de l’ordre. La dignité, la vérité aussi, c’est lorsque vous assumez clairement, avec le Premier ministre, sans démagogie, le fait que face au terrorisme, le risque zéro n’existe pas, c’est lorsque vous dites aux Français quels sont les risques et ce que vous faites pour les prévenir.

Cela tranche singulièrement avec celles et ceux qui, au mépris de la morale mais aussi parfois de leur propre expérience des responsabilités, comme en 1995, se sont livrés à des tentatives de récupération aussi rapides qu’indécentes et inacceptables. La course à je ne sais quelle candidature ne saurait justifier ni excuser les mots qui ont pu être prononcés.

La mise en œuvre d’une réponse plus efficace au terrorisme est aussi ce qui mobilise le Gouvernement depuis plusieurs années. L’efficacité et l’action, c’est l’augmentation des moyens des forces de sécurité de presque 20 % depuis 2012 alors qu’ils avaient diminué au cours des cinq années précédentes. C’est aussi la réorganisation de nos services de renseignement, alors même que votre prédécesseur, dès 2008, avait mis à mal le maillage territorial des renseignements généraux après avoir mis à bas, en 2003, la police de proximité.

Plus d’efficacité, c’est bien sûr la création de 9 000 postes de policiers et de gendarmes depuis 2012, quand près de 13 000 avaient été supprimés pendant la période précédente…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. C’est faux !

M. Olivier Dussopt. …par ceux-là mêmes qui aujourd’hui prétendent nous donner des leçons, comme si ces leçons pouvaient masquer et faire oublier les dégâts qu’ils ont causés et leur bilan.

M. Claude Goasguen. C’est incroyable !

M. Olivier Dussopt. Plus d’efficacité, c’est enfin intégrer dans notre droit les dispositions les plus pertinentes. Nous avons ainsi voté plusieurs réformes pour adapter notre droit à une menace inédite et nous avons décidé, la nuit dernière, de proroger l’état d’urgence. Nous l’avons fait avec une volonté farouche, celle de donner à nos forces de sécurité et à la justice plus d’efficacité et de moyens, mais aussi celle de préserver l’État de droit et de respecter nos textes fondamentaux. Car y renoncer serait la plus belle victoire que nous pourrions offrir à nos adversaires.

L’état d’urgence a été prorogé de six mois et a fait l’objet de mesures renforcées. Nous souhaitons connaître les intentions du Gouvernement et les moyens qu’il entend mettre en place pour que cette période soit la plus utile possible. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous rappelez la nécessité, dans la lutte contre le terrorisme, de mobiliser à chaque instant tous les moyens. Je profite de votre question pour rappeler à quel point nous sommes déterminés à engager tous les moyens nécessaires pour lutter contre le terrorisme.

Le Premier ministre l’a rappelé dans son intervention en réponse aux orateurs de chacun des groupes, nous avons décidé de faire en sorte que les forces de police et de gendarmerie ainsi que les services de renseignement disposent des effectifs dont ils ont besoin pour assurer la lutte contre le terrorisme.

Vous avez évoqué 9 000 postes. Sur ces 9 000 postes, plus de 2 000 seront affectés aux services de renseignement : 500 au renseignement intérieur au sein de la Direction générale de la sécurité intérieure, près de 800 au sein du Service central du renseignement territorial, plus de 100 au sein de la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris. Nous allons également réarmer les services chargés de la lutte contre le cyberterrorisme au sein de la Direction centrale de la police judiciaire.

Nous avons augmenté de 17 % les crédits de la police et de la gendarmerie pour permettre l’équipement des primo-intervenants en cas de tuerie de masse : cela concerne notamment les équipements nouveaux alloués aux BAC, les brigades anti-criminalité de la police, et aux PSIG, les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie.

Nous avons défini un nouveau plan d’intervention des forces spécialisées sur l’ensemble du territoire national pour faire face à des criminels exigeant d’être neutralisés dans les délais les plus brefs. Nous avons décidé d’engager une grande réforme du renseignement à travers la création de la DGSI, le rehaussement des moyens du renseignement territorial, et enfin la création de l’EMOPT – état-major opérationnel de prévention du terrorisme – qui permet le suivi individualisé de 13 000 individus.

Nous sommes prêts à aller plus loin dans cette réforme, notamment pour un meilleur partage des analyses autour du coordonnateur national du renseignement, placé auprès du Président de la République.

Enfin, nous avons instauré l’état d’urgence qui a permis de saisir 750 armes ainsi que de procéder à de nombreuses perquisitions administratives et assignations à résidence qui ont mis hors d’état de nuire un certain nombre de terroristes. Nous allons poursuivre cet effort en mettant en œuvre nos objectifs budgétaires et en maintenant le niveau de vigilance qui est le nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Lutte contre le salafisme

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe Les Républicains.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, notre assemblée a voté cette nuit la prorogation de l’état d’urgence, mais nous savons déjà que ce texte est insuffisant.

Le terrorisme prospère sur un terreau fertile : le salafisme. Des salles de prière se créent, des mosquées sont prises en main par des individus qui prêchent la haine, la supériorité de la loi religieuse sur les lois de la République et la soumission des femmes.

Est-ce une opinion ? Est-ce une religion ? N’est-ce pas plutôt une dérive sectaire de l’islam, responsable de la radicalisation, allant parfois jusqu’au terrorisme et au meurtre ?

Il est temps de déclarer le salafisme hors la loi, en tant que dérive sectaire ou atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation : choisissons la voie la plus sûre. Déclarer le salafisme hors la loi, c’est donner un fondement solide à la fermeture des mosquées qui prêchent la haine et, dans le même temps, affirmer que ceux qui pratiquent paisiblement leur religion n’ont rien à voir avec ceux-là.

Cette mesure doit naturellement s’inscrire dans le cadre d’une politique globale pour l’émergence d’un islam de France, respectueux des lois de la République, un islam enfin débarrassé des influences étrangères et donc des financements, notamment ceux du Qatar et de l’Arabie saoudite.

Des solutions existent, comme celle que j’ai proposée, à savoir la création d’une redevance sur le halal. D’autres sont possibles, comme celle proposée par notre ancien collègue Gérald Darmanin. Débattons-en ! Mais, monsieur le Premier ministre, sortons de l’hypocrisie actuelle qui laisse prospérer dans nos cités une idéologie que nous dénonçons par ailleurs et qui sert aujourd’hui de terreau au terrorisme.

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement soutiendra-t-il un projet ou une proposition de loi visant à mettre enfin le salafisme hors la loi ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la ministre Nathalie Kosciusko-Morizet, avant de répondre à cette question opportune et intéressante, je voudrais rappeler une vérité.

Le salafisme est une minorité de l’islam de France. On compte dans notre pays, ce n’est pas négligeable, un peu plus de 120 lieux de culte salafiste – sur plus de 2 300 mosquées –, et seulement quelques dizaines de milliers de fidèles. Par ailleurs, le fondamentalisme, l’intégrisme ne prospèrent pas uniquement sur le terreau du salafisme.

C’est vrai, numériquement, le salafisme ne représente pas un courant fort, mais idéologiquement, c’est une minorité agissante qui gagne des batailles. Ses messages sont diffusés, des mosquées sont déstabilisées de son fait et il mène, notamment sur internet, une stratégie d’expansion.

J’ai d’ailleurs peut-être été le premier – peu importe – à le dire ici, dans cette enceinte. J’ai été le premier en effet à dire que cette idéologie intégriste, qui rejette la démocratie, combat nos valeurs universelles et ne reconnaît aucune souveraineté autre que la religion – sa religion –, était une idéologie violente qu’il convient naturellement de combattre.

Le salafisme, c’est la négation du vivre-ensemble. C’est une idéologie qui retranche la femme du monde et propage des idées dangereuses, perverses, rétrogrades.

Oui, le salafisme, qui a détruit et perverti une partie du monde musulman, est un danger pour les musulmans eux-mêmes et un danger pour la France.

Pour le combattre, vous avez évoqué la lutte contre les sectes. Nous poursuivrons le débat, mais je ne suis pas certain que cela soit le bon outil. D’une part, vous le savez, madame la députée, il n’existe pas, en droit, de définition des sectes ; d’autre part, ces organisations savent parfaitement échapper à la justice en dissimulant leur véritable nature, car vous n’ignorez pas que la liberté de conscience en France est une liberté fondamentale, consacrée par nos principes et nos textes.

Je dis également attention, même si je reconnais qu’il y a lieu d’approfondir le débat, à tout signe qui laisserait à penser qu’il existe une déresponsabilisation, que ceux qui plongent dans le salafisme sont en quelque sorte les victimes d’une grande manipulation, comme c’est le cas concernant les sectes. Non, car il y a aussi une part de volonté personnelle qu’il ne faut jamais écarter, faute de quoi nous passons à côté de l’essentiel.

C’est un combat contre le salafisme, contre le fondamentalisme, contre l’intégrisme qu’il faut engager, et je fais écho aux interventions de Bruno Le Maire sur l’islam politique et de Malek Boutih, hier soir, sur la radicalisation et le radicalisme. Le mouvement des Frères musulmans et le salafisme sont au cœur de ces idéologies qui prospèrent dans notre pays après avoir prospéré dans d’autres – regardons ce qui s’est objectivement passé en Égypte.

L’islam de France a lui aussi tout son rôle à jouer. Les musulmans français ont leur part, nous devons les y aider et les encourager, dans la défense de la République. À eux aussi, avec notre soutien, de mener ce combat pour clairement séparer la réalité de l’islam de France et ces idéologies perverses. Ce combat doit être mené partout – dans les mosquées, dans les quartiers, dans les familles – sans aucune complaisance, de la manière la plus claire et la plus nette.

Nous savons ici, et cela relève de notre responsabilité, que nous devons protéger tous nos compatriotes, et bien sûr nos compatriotes et concitoyens musulmans ou de culture musulmane qui aujourd’hui ont peur, eux aussi. Ils se sentent montrés du doigt et voient les dégâts considérables causés par les attentats et ce que recherche Daech en fracturant la société française. À eux aussi, à cet islam de France, en Europe et dans le monde, de prendre toutes ses responsabilités.

Nous sommes prêts, naturellement, à étudier tous les moyens qui existent pour réduire l’influence de l’islam politique, qu’il s’agisse du salafisme ou des Frères musulmans, avec la plus grande détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Traitement médiatique des attentats

M. le président. La parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Michel Françaix. Madame la ministre de la culture et de la communication, depuis longtemps sur les réseaux sociaux, on voit des vidéos faites pour nourrir les instincts du voyeurisme. Difficile d’y remédier, car ces réseaux donnent la parole à chaque citoyen, et cela est parfois précieux, même si l’on sait aussi que tout n’est pas humanisme chez l’homme.

Puis les chaînes d’information continue, boucle obsessionnelle qui brasse parfois plus de vide que de fond, sont rentrées dans la course, privilégiant trop souvent « l’informer vite » sur « l’informer bien ».

Lors des événements tragiques que nous venons de vivre, les chaînes généralistes privées et publiques ont participé hélas à ce triste spectacle fait d’exploitation de la douleur, d’images insoutenables et de rumeurs non vérifiées. On a donné trop souvent à voir du sang, des morts, sans aucun respect des victimes, sans aucun recul, sans aucune considération pour l’intelligence ou la sensibilité des téléspectateurs.

M. Paul Molac. Eh oui.

M. Michel Françaix. Loin de moi l’idée de demander aux législateurs de rédiger à la place des journalistes code de déontologie ou charte d’éthique. Loin de moi l’idée de vous demander, madame la ministre, une intervention qui remettrait en cause l’indépendance des journalistes, car il est révolu, le temps où le Président de la République intervenait à tout bout de champ et nommait les présidents des chaînes du service public. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

C’est au Conseil supérieur de l’audiovisuel – CSA – d’intervenir fermement pour que simplification, spectacularisation, émotion et mise en scène ne prennent pas définitivement l’avantage sur la mise en perspective. C’est aux journalistes d’approfondir leur réflexion avec nous, les citoyens, pour savoir que montrer, qu’occulter, où placer la limite du soutenable, où s’arrête l’information et où débute le voyeurisme dans un monde en pleine mutation.

Au CSA de rappeler droits et devoirs, et de faire que le cahier des charges soit respecté. Aux politiques eux-mêmes de lutter contre toutes formes de désinformation du style « dites-leur ce qu’ils veulent entendre ».

À vous, madame la ministre, de nous donner la direction, et de vous souvenir avec Victor Hugo que « Souvent la foule trahit le peuple ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je comprends votre indignation, qui a également été celle de beaucoup de Français, alors que nous étions encore sous le choc de cette violence inouïe qui, à Nice, a frappé des enfants, des femmes, des hommes.

Il y a quarante-huit heures, j’ai défendu ici même devant vous la proposition de loi de votre collègue Patrick Bloche visant à renforcer l’indépendance des médias et à mieux protéger le travail des journalistes. La liberté de la presse est au cœur de notre démocratie. Nous ne devons pas transiger sur cette valeur.

Mais cette liberté implique aussi une responsabilité forte. Elle implique de la part des médias le respect des principes fondamentaux que sont la dignité humaine et l’honnêteté de l’information. C’est pour cela que la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a confié, vous l’avez dit, au CSA, autorité indépendante dont nous avons encore renforcé l’indépendance, la mission de veiller au bon respect de ces principes et que nous l’avons doté d’un pouvoir de sanction.

Dès janvier 2015, le CSA avait relevé des manquements, prononcé des mises en garde et même, pour les cas les plus graves, des mises en demeure. (« Pour quel résultat ? » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Le traitement de novembre 2015 n’a pas donné lieu à des incidents du même ordre. Force est de constater avec vous, malheureusement, que certains médias n’ont pas fait preuve de la même vigilance dans la couverture des événements du 14 juillet, diffusant des images choquantes ou même des informations infondées.

Le CSA s’est de nouveau saisi de la question. Il a adressé une note aux rédactions et vient d’annoncer l’ouverture d’une instruction sur la base des images dont il s’est saisi. Cette instruction pourra donner lieu à des sanctions.

M. François Loncle. Ils n’en ont rien à faire ! Ils continueront…

Mme Audrey Azoulay, ministre. Pour ce qui est du service public, France Télévisions l’a reconnu et a présenté des excuses : la diffusion d’images brutales et choquantes a été une erreur grave.

Vous avez cité Victor Hugo. Rousseau nous éclaire également lorsqu’il nous dit que mieux vaut une liberté dangereuse qu’une servitude tranquille. Mais la liberté implique la responsabilité et l’appel à la décence dans les toutes premières heures qui ont suivi le massacre ne concerne pas que les médias. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Lutte contre le terrorisme

M. le président. La parole est à M. Yves Nicolin, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, pendant près de huit heures hier soir et jusqu’à près de cinq heures ce matin, nous avons débattu des mesures que vous proposez pour protéger les Français face aux attaques terroristes. Je ressors de ce débat avec un sentiment d’amertume, d’indignation et aussi de colère.

Au-delà de votre posture, de votre ton martial, de vos coups de sang, de votre assurance qui confine à l’arrogance, pas le début de commencement de mea-culpa de votre part, de celle du Président de la République ni de votre ministre de l’intérieur !

M. Jean-Paul Bacquet. Soyons sérieux !

M. Yves Nicolin. Pas une fois, vous n’avez formulé le moindre regret pour des mesures que vous n’auriez pas prises et qui auraient pu limiter, prévenir ou empêcher le drame de Nice !

Que proposez-vous aux Français pour les protéger aujourd’hui, en dehors de la prolongation de l’état d’urgence ? Rien.

À situation exceptionnelle, nous proposons des mesures exceptionnelles prises par de nombreux autres pays qui sont tout autant que nous des pays de droit. Permettre le contrôle d’identité par les policiers municipaux : refusé. Permettre à la police municipale de disposer des mêmes armes que la police nationale : refusé. Mettre en place des centres de rétention pour les fichés S : refusé. Expulser de notre territoire national les étrangers condamnés : refusé. Supprimer toute prestation sociale à un terroriste et sa famille : refusé.

M. Pascal Popelin. Arrêtez ! C’est un scandale !

M. Yves Nicolin. Permettre la fouille des véhicules par la police sans réquisition préalable : refusé. Interdire le financement des lieux de culte par des puissances étrangères : refusé. Revoir la loi sur la légitime défense des policiers : refusé. Fermer les mosquées salafistes ou prêchant la haine : refusé. Allonger la durée d’assignation à résidence : refusé. Interdire le retour sur le territoire national de djihadistes binationaux partis à étranger semer la mort : refusé. Supprimer l’automaticité de réduction des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme : refusé.

Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. C’est faux !

M. Yves Nicolin. Réorienter notre politique pour lutter avec la Russie contre l’État islamique : refusé. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. S’il vous plaît…

M. Yves Nicolin. Monsieur le Premier ministre, il y a dans le pays une colère qui monte. Entendez-la et agissez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pascal Popelin. Scandaleux !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je l’ai dit hier à la tribune en présentant le projet de loi prorogeant l’application de l’état d’urgence : croyez-vous que le ministre de l’intérieur – parce que j’ai occupé aussi cette fonction, et pour en avoir parlé avec lui, je connais ses réflexions ; que moi-même, en tant que chef du Gouvernement ; et que le Président de la République, bien sûr ; croyez-vous donc que, après les drames que nous venons de connaître, ces victimes, ces corps sur la promenade des Anglais, ces blessés que nous avons vus à l’hôpital de Nice, ces cris de douleur et de colère, nous ne nous interrogeons pas un seul instant ?

Pensez-vous que nous ne nous posons pas de questions, comme tous les êtres humains, sur tout ce qui a ou n’a pas été fait pour empêcher ces drames ? Pour qui nous prenez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Eduardo Rihan Cypel. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pensez-vous que nous n’avons pas un moment de conscience et que nous ne posons pas de questions fondamentales, comme tous ceux qui ont eu l’occasion de gouverner – je dis bien tous ?

Je me rappelle, moi, du visage du Président de la République de l’époque, Nicolas Sarkozy, et j’imagine ce qu’il pouvait endurer, comme le fait aujourd’hui le Président François Hollande, quand, dans la cour des Invalides, il se trouvait face à des cercueils de militaires, à la suite de décisions qu’il avait prises en tant que chef de l’État.

Nous aussi, nous avons évidemment ce questionnement, mais nous savons en même temps que tous les débats que nous avons eus à l’Assemblée nationale, toutes les actions que nous avons engagées et que j’ai rappelées tout à l’heure, je n’y reviens pas, visent et viseront toujours à protéger les Français. Nous sommes engagés et nous engageons tous les moyens, à 100 %, pour protéger les Français.

En même temps, nous leur devons cette vérité que j’ai rappelée : parce que nous avons évalué les risques qui existent, parce que nous avons qualifié la nature de ce terrorisme, de ce djihadisme, de l’islamisme radical, nous sommes plus forts pour pouvoir prendre toutes les décisions.

Il y a un débat dans le pays. Il est légitime. Je pourrais céder – peut-être l’ai-je fait hier, comme nous pourrions tous le faire – à la facilité, qui rejoint là un devoir d’exigence et de vérité, en rappelant ce qui a été fait depuis 2012 comme ce qui n’a pas été fait.

Je pourrais rappeler que certains ont pris la responsabilité de supprimer près de 13 000 postes de policiers et de gendarmes dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), de supprimer les renseignements généraux,…

M. Claude Goasguen. Nous n’étions pas en guerre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …de baisser les moyens de nos forces de sécurité et de nos forces de l’ordre.

Je pourrais le faire. C’est tellement facile, et c’est tellement vrai ! Mais je refuse la facilité et la démagogie.

Précisément parce que notre pays est confronté à un défi, nous devons être exigeants, les uns et les autres. Nous devons être unis, non parce que le Gouvernement souhaiterait l’unité nationale, mais parce que le terrorisme, mettez-vous bien ça dans la tête, veut nous diviser. Il veut nous diviser, nous fracturer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Au lieu de cela, soyons capables de nous rassembler sur l’essentiel. Nous l’avons fait cette nuit en votant à une très large majorité le prolongement de l’état d’urgence, en intégrant au texte des amendements de la majorité comme de l’opposition. C’est cette vision des choses que je veux, parce que je crois, moi, à la noblesse de la politique.

Avec cette action, cette noblesse et ce rassemblement, nous vaincrons le terrorisme. C’est en tout cas ma conception de la politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Jérôme Lambert. Très bien !

Réserve opérationnelle

M. le président. La parole est à M. Nicolas Bays, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Nicolas Bays. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, notre pays a été de nouveau frappé dans son cœur et dans sa chair. Nous sommes en guerre contre l’État islamique, cet ennemi de l’extérieur et de l’intérieur. Ce mouvement sectaire, totalitaire et terroriste n’a rien d’un État et ne représente pas l’islam.

Nos forces armées et de sécurité sont aujourd’hui mobilisées à la limite de leurs capacités. C’est pour permettre de les soulager, mais aussi pour accroître notre présence sur le territoire national, que le Président de la République a lui-même appelé les Français à s’engager et à se mobiliser pour la sécurité collective en rejoignant la réserve opérationnelle, prémices d’une garde nationale.

Dans cette guerre, toutes les mesures doivent être prises pour tendre vers le risque zéro, tout en étant conscient que celui-ci n’existe pas. Pour ma part, je ne pourrai jamais me résoudre à vivre avec le terrorisme, car vivre avec le terrorisme, c’est déjà accepter le joug de l’horreur.

Faire appel à ces réserves est aujourd’hui le seul moyen d’accroître significativement la présence des forces de sécurité auprès de nos concitoyens. C’est pour cela que dès 2015, nous avions permis d’en augmenter le budget et les effectifs via l’actualisation de la loi de programmation militaire.

Être réserviste dans l’armée, la police ou la gendarmerie est un moyen pour chaque citoyen de s’engager au service de l’intérêt national. Depuis janvier 2015, des milliers de Français cherchent à s’engager et à servir leur pays. Soyons tous collectivement ici fiers d’eux.

Pour ceux qui ne rempliraient pas les conditions de la réserve opérationnelle, il existe aussi la réserve citoyenne, dont le but est de promouvoir les valeurs de la République, ces valeurs qui sont aujourd’hui d’une terrible modernité, ces valeurs qui, n’en déplaise à certains, restent le seul phare dans la nuit à même de nous sortir du chaos dans lequel nous sommes plongés.

Pouvez-vous nous préciser quelles mesures et quels moyens supplémentaires seront mis en œuvre pour assurer la montée en puissance des réserves opérationnelles, quelles sont les conditions d’engagement, et enfin quelles mesures incitatives sont envisagées auprès des entreprises pour que l’engagement dans la réserve ne soit pas un frein à l’embauche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur. Il y a beaucoup de questions dans votre question, monsieur le député, mais je vais essayer de vous donner satisfaction au maximum.

Nous avons besoin de la réserve opérationnelle. Depuis maintenant des mois, plus de 100 000 policiers et gendarmes assurent en effet quotidiennement sur le territoire national la sécurisation d’écoles, de lieux de culte, de grandes institutions, et plus globalement des lieux où vivent les Français face à la menace terroriste.

Compte tenu du niveau de la menace, du nombre d’attentats que nous avons déjoués, compte tenu aussi du nombre d’informations, qui conduisent chaque jour à une mobilisation maximale des services de renseignement, il nous faut déployer le maximum de forces sur le territoire national. Tel est donc notre objectif : déployer sur le territoire national le maximum de forces de police, de gendarmerie et de militaires pour assurer cette sécurisation dans un contexte où ces forces, le Premier ministre le rappelait à l’instant, ont perdu beaucoup de substance au cours des dernières années.

C’est la raison pour laquelle nous mobilisons l’opération Sentinelle – 10 000 soldats – dans l’attente de la montée en puissance des effectifs nouvellement recrutés dans la police et la gendarmerie grâce aux décisions prises par le Gouvernement. Nous faisons en outre appel à la réserve opérationnelle, qui compte plus de 20 000 gendarmes et policiers. Nous avons décidé de la mobiliser à hauteur de 9 000 hommes au cours des prochains jours, de manière à permettre une présence supplémentaire de 3 000 gendarmes et policiers quotidiennement sur le territoire national. Jean-Yves Le Drian fait de même dans sa responsabilité de ministre de la défense, de telle sorte que l’on puisse mobiliser, aux côtés des policiers et des gendarmes, 1 000 militaires pour des opérations de sécurisation sur le territoire national. Nous nous sommes rendus tous deux en Avignon, où nous avons pu constater l’excellente articulation entre le dispositif Sentinelle et les forces de sécurité intérieure dans la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Stocks de bombes des armées

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Meunier. Le ministre de la défense étant absent pour cause de réunion à Washington avec les ministres de la défense de la coalition contre l’État islamique, ma question s’adresse au Premier ministre. Avant de la formuler, je tiens à saluer, au nom du groupe Les Républicains, la mémoire de nos trois militaires morts pour la France en Afrique du nord. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Depuis la fin de l’année 2014, nos forces sont engagées contre l’État islamique en Irak et en Syrie. Nos aviateurs et nos marins ont effectué à ce jour plus de 13 000 heures de vol et délivré plus de 1 500 munitions, avec une efficacité remarquée et reconnue par nos alliés.

Suite à cette attaque ignoble qui a frappé notre ville de Nice, le ministre de la défense a annoncé de nouveaux bombardements. Or aujourd’hui, le niveau des stocks de bombes en service dans nos forces ne le permet pas. Cette insuffisance concerne à la fois les bombes d’origine américaine, pour lesquelles nous sommes dépendants des États-Unis pour nos réapprovisionnements, et les bombes d’origine française, dont les commandes ont été notoirement sous-dimensionnées.

Ces manquements graves de votre loi de programmation militaire ont pour conséquence de limiter le nombre de missions, entraînant même l’annulation de certaines d’entre elles, alors que les cibles sont clairement identifiées.

Annoncer le renforcement dès cette semaine des bombardements en Irak et en Syrie, comme votre gouvernement vient de le faire, relève donc purement et simplement de la gesticulation. Telle est la vérité ; les Français doivent la connaître.

La représentation nationale souhaite donc être informée des raisons pour lesquelles nos stocks de bombes n’ont pas fait l’objet d’une remise à niveau en temps et en heure afin de pallier cette insuffisance. Nous souhaitons également connaître les décisions que vous allez prendre pour renouveler nos stocks et savoir à quelle échéance seront livrées ces bombes, afin que nos forces aériennes puissent mener contre nos ennemis une guerre totale. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, vous aviez déjà noté, en connaisseur des questions de défense que vous êtes, que Jean-Yves Le Drian n’était pas là aujourd’hui. Ce n’est donc pas une surprise pour vous.

Vous avez posé une question d’une grande ampleur.

Mme Laure de La Raudière et M. Alain Chrétien. Non ! Une question très précise !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Néanmoins, le Gouvernement est en mesure de vous répondre très précisément. Non, monsieur le député, ce que font nos soldats au Levant n’est pas de la gesticulation. Ils sont présents depuis maintenant des jours, des semaines et des mois…

Mme Laure de La Raudière. La question porte sur les bombes !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. …et vous le savez, puisque la presse s’en est fait l’écho, ils ont renforcé leurs actions sur cette zone, notamment parce qu’elle est au cœur du dispositif de Daech.

Mme Laure de La Raudière. Répondez à la question !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Et comme nous avons l’intention de combattre Daech aussi bien sur les théâtres extérieurs que sur le théâtre intérieur, nos armées, nos soldats et nos aviateurs sont tout à fait présents et actifs, et nous sommes un des membres éminents de la coalition internationale. (Vives exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Je ne comprends pas comment vous pouvez remettre en cause l’action de ces troupes, tout particulièrement aujourd’hui ! (Mêmes mouvements) Oui, un peu de dignité siérait à nos débats : le respect que l’on doit à nos troupes mérite une autre attitude ! (Mêmes mouvements)

M. Yves Nicolin. Quelle réponse scandaleuse !

M. le président. Monsieur Nicolin, s’il vous plaît !

M. Philippe Meunier et M. Patrice Verchère. Vous ne répondez pas à la question !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Quant à la question tout à fait précise que vous avez posée, vous ne manquerez pas, j’en suis sûr, de la poser à Jean-Yves Le Drian, notamment dans le cadre de la commission de la défense. Elle a en effet son utilité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Philippe Meunier. Je connais la réponse !

Aide aux victimes des attentats

M. le président. La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Elisabeth Pochon. Madame la secrétaire d’état chargée de l’aide aux victimes, il y a à peine six jours, le soir de notre fête nationale, la ville de Nice a été le théâtre d’un attentat terroriste parmi les plus meurtriers qu’a connus notre pays. Les obsèques des défunts n’ont pas encore eu lieu, des centaines de blessés luttent encore pour la vie ou souffrent dans leur chair, et la vie ne sera plus jamais la même pour des dizaines de couples, de parents, d’enfants, de frères, de sœurs, d’amis qui ont laissé définitivement une partie d’eux-mêmes sur cette promenade. Des Français et des étrangers partagent cette même douleur, et pour eux tous, l’élan de compassion est national.

L’État français est un État qui protège ses concitoyens et, au-delà, tous ceux présents sur son sol, car tel est le sens et l’héritage de son histoire et la traduction revendiquée de notre si belle devise propre à conjurer ce 14 juillet sanglant, « liberté, égalité, fraternité ». Cette spécificité française s’illustre par l’existence d’un Fonds de garantie des actes de terrorisme et d’autres infractions, créé par la loi du 6 juillet 1990 sous le gouvernement de Michel Rocard. Ce fonds est l’illustration du bon fonctionnement de la solidarité nationale, puisqu’il est financé par une taxe prélevée sur tous les contrats d’assurance aux biens des concitoyens.

L’urgence se manifeste à nouveau de venir au secours des victimes d’un attentat d’une ampleur inédite. Cette urgence, le Gouvernement l’a prise en compte immédiatement, et votre engagement a permis à la ministre de la santé d’annoncer la prise en charge à 100 % par la Sécurité sociale des soins des blessés. Le Fonds, lui, est en charge d’indemniser les dommages corporels et tous les préjudices consécutifs à l’acte de terrorisme, et d’aider à la prise en charge des obsèques.

Mais la multiplication des actes de terrorisme a des incidences budgétaires certaines. À Nice, on peut potentiellement dénombrer 30 000 victimes. On entend ici et là des craintes s’exprimer sur l’insuffisance des moyens disponibles. Madame la secrétaire d’État, vous avez déclaré que l’État serait au rendez-vous. Pouvez-vous nous apporter les éléments de nature à rassurer la population ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes.

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes. Madame la députée, le 14 juillet, la France a été frappée à nouveau dans sa chair et ses valeurs : 84 morts, 330 blessés, des centaines de victimes choquées psychologiquement, qui vivent un moment cauchemardesque. Non seulement les victimes décédées l’ont vécu, mais leurs proches et les blessés vont vivre dans les années qui viennent un cauchemar. Notre travail est de faire en sorte que ce cauchemar s’arrête un jour.

La politique d’aide aux victimes que nous mettons en œuvre, au-delà, évidemment, de l’empathie, s’incarne dans des actions concrètes. Dès les premières heures de l’attentat, la cellule interministérielle d’aide aux victimes a été activée, ce qui signifie que l’information, toute l’information, la bonne information a été rendue disponible une heure et demie après la survenance du drame et au terme de l’activation d’un numéro d’information unique qui a bien fonctionné. Par ailleurs, à Nice, j’ai veillé immédiatement sur place et quotidiennement depuis ce 14 juillet noir.

Qu’est-ce que l’aide aux victimes ? C’est d’abord, du soutien concret apporté à chaque victime, du soutien sur mesure, de la présence humaine, de l’accompagnement psychologique fin. Le temps nécessaire a été donné à chacune de ces actions. C’est ensuite du soutien et des moyens matériels.

Les délais d’identification des personnes décédées ont été maîtrisés. La prise en charge a été optimisée et individualisée.

Mon combat pour les victimes, madame la députée, est de leur rendre la vie moins dure, dans la mesure du possible, à la suite d’un tel drame. J’ai obtenu la gratuité des soins, y compris s’agissant des dépassements d’honoraires et des exonérations fiscales. Le fonds d’indemnisation a suffisamment d’argent : 1,45 milliard d’euros seront disponibles pour l’indemnisation de l’ensemble des victimes.

Je veux vous dire aujourd’hui mon soutien et ma détermination. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Placements des caisses de retraite des professions libérales

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Door. Madame la ministre de la santé, notre groupe souhaite également remercier chaleureusement les professionnels de santé, du secteur public comme libéral, pour leur action remarquable lors du drame de Nice. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mais permettez-moi de prendre un peu de distance avec l’actualité de cet après-midi pour vous poser, avant la fin de la session extraordinaire, une question importante. Alors que des négociations – houleuses – sont en cours entre l’assurance maladie et les médecins sur la question des tarifs, je souhaite vous interroger sur le projet de décret visant à encadrer les placements des caisses de retraite des professions libérales. Ce projet de décret, qui a été élaboré sans concertation avec les élus des caisses, inquiète fortement, et je voudrais relayer les préoccupations légitimes des professionnels libéraux. S’il paraît logique de contrôler la pertinence de ces placements, la possibilité pour l’État, par une décision autoritaire, d’agir sur la répartition des placements est, elle, déconnectée des réalités du monde économique et financier, et serait préjudiciable.

Ajouter, à la souffrance des actifs professionnels libéraux, le malheur des retraités par des prises de risques inconsidérées s’apparenterait à une faute. Les professionnels libéraux s’inquiètent de l’inadéquation du cadre légal proposé à la spécificité des réserves de ces caisses. Leur gestion actuelle ne souffre à ce jour d’aucune critique d’importance.

Madame la ministre, il est encore temps d’engager le dialogue avec les élus des caisses des professions libérales. Je vous remercie par avance de les écouter, ce qui, je pense, permettra de résoudre le problème. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Mesdames, messieurs les députés, je veux à mon tour saluer le travail remarquable des professionnels de santé dans les hôpitaux de Nice, qui, aujourd’hui, accompagnent ceux qui sont encore blessés. Je veux vous dire qu’aujourd’hui soixante-trois personnes restent hospitalisées à Nice, dont quinze voient encore leur pronostic vital engagé.

Vous m’interrogez, monsieur le député, sur un projet de décret relatif aux placements assurés par les caisses de retraite. Il s’agit de rassurer, car je suis certaine que nous partageons la volonté de garantir le versement de leurs retraites à l’ensemble des Français et, parmi eux, aux professionnels libéraux. Des textes législatifs et réglementaires existent déjà. Il ne s’agit donc pas d’instaurer un cadre légal, mais de faire évoluer l’existant pour tenir compte de l’évolution des règles prudentielles en matière de solvabilité. Par ailleurs, des rapports de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales appellent à une clarification des dispositions applicables.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur le député, une concertation est en cours depuis plusieurs semaines, et les différents organismes sont consultés. Un projet de décret a en effet été élaboré en lien avec les ministères des finances et de l’économie, qui a pour objectif de stabiliser les règles et de les adapter aux réalités actuelles. Je veux vous dire, monsieur le député, que nous tenons compte des observations qui nous sont faites dans l’intérêt des retraités actuels et futurs, s’agissant des professionnels libéraux comme de l’ensemble des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Travail, modernisation du dialogue social et sécurisation des parcours professionnels

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (n3976).

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes à nouveau réunis dans cet hémicycle à un moment grave pour notre nation, aux lendemains d’une attaque terroriste qui a ensanglanté une nouvelle fois notre pays ; nous venons d’en discuter longuement.

Dans un tel moment, comme nous le disions, l’unité est indispensable, car c’est unis que nous serons forts face à la menace. Cependant, l’unité ne revient pas à faire taire le débat démocratique ; au contraire. Ces débats, je le rappelais hier soir, font la grandeur de notre pays.

Depuis les attentats du mois de novembre dernier, nous sommes en état d’urgence, mais le Gouvernement a toujours veillé à ce que les opinions, les désaccords puissent s’exprimer. Ils se sont exprimés ici même ; ils se sont exprimés dans la rue.

Le projet de loi travail, je veux le rappeler, a fait l’objet d’une large concertation.

M. Patrick Hetzel. C’est pour cela que vous utilisez l’article 49, alinéa 3 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement a dialogué avec des syndicats. Il a écouté leurs propositions, il a entendu leurs interrogations. Patiemment, avec Myriam El Khomri, nous avons construit un compromis solide avec des organisations syndicales et de jeunesse réformistes.

M. Dominique Tian. La preuve !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce texte est un texte de progrès pour notre économie, pour nos entreprises, pour les salariés. Il comprend de nombreuses avancées. Nous avons fait le pari du dialogue social, au plus près des réalités du terrain. La philosophie de ce texte est de faire confiance aux salariés, aux entrepreneurs, pour décider de ce qui les concerne, notamment en matière d’organisation du temps de travail ou de rémunération des heures supplémentaires.

Ce texte casse également les rigidités du marché du travail. Il donne de la visibilité à nos PME et à nos TPE pour qu’elles embauchent, pour qu’elles aient recours aux CDI plutôt qu’aux CDD ou à l’intérim.

Enfin, ce texte crée de nouveaux droits pour les salariés en mettant en œuvre le compte personnel d’activité, c’est-à-dire une véritable sécurité sociale professionnelle pour se former tout au long de sa carrière. Il généralise la garantie jeunes et instaure un droit à la déconnexion, prenant ainsi en compte les mutations irréversibles de la réalité du monde du travail.

Grâce au travail de votre rapporteur Christophe Sirugue, notamment, que je veux saluer, le texte qui vous a été présenté s’est enrichi de 1 054 amendements. Je pense par exemple à ceux qui visaient à renforcer le rôle des branches professionnelles.

Je l’ai déjà dit, sur certains textes, le Gouvernement ne dispose que d’une majorité relative ; je le regrette, et j’en prends acte. Je veux toutefois dire clairement qu’il n’y a pas de majorité alternative dans cet hémicycle, et chacun le sait.

M. Patrick Hetzel. Si, nous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En tant que chef du Gouvernement, je ne peux pas me résoudre au statu quo, à l’immobilisme. Ce projet de loi travail, défendu par Myriam El Khomri, dont je salue la force de conviction, est une grande réforme de ce quinquennat, une réforme indispensable pour l’avenir de notre pays. C’est pour cela que, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution,…

M. Patrick Hetzel. On y vient !

M. Dominique Tian. Tout ça pour ça !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …j’ai décidé, après la délibération du conseil des ministres du 10 mai 2016, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote, en lecture définitive, du projet de loi relatif au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dans sa version considérée comme adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture le 6 juillet dernier. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Dominique Tian. Ce n’est pas glorieux !

M. le président. L’Assemblée nationale prend acte de l’engagement de la responsabilité du Gouvernement conformément aux dispositions de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Le texte sur lequel le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.

En application de l’article 155, alinéa premier, du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu.

M. Dominique Tian. Le débat n’a jamais eu lieu !

M. le président. Ce texte sera considéré comme adopté, sauf si une motion de censure, déposée avant demain, seize heures trente, est votée dans les conditions prévues à l’article 49 de la Constitution.

M. Dominique Tian. Quel échec !

M. Gérard Cherpion. Ce n’est pas glorieux !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Vautrin.)

Présidence de Mme Catherine Vautrin

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

4

République numérique

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi pour une République numérique (n3902).

M. Jean-Luc Laurent. Enfin un débat et un vote ! Ça va changer ! (Sourires.)

Mme la présidente. Nous avons eu un long débat hier !

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée du numérique, chers collègues, il y a dix-huit mois, presque jour pour jour, j’avais exprimé auprès de certains collègues et de journalistes ma vive inquiétude s’agissant de la capacité du Parlement de mener un débat constructif et serein autour du numérique. En janvier 2015, nous avions eu un débat relatif à la stratégie numérique de la France. Nous avions alors constaté que certains de nos collègues avaient une vision datée du monde numérique, erronée même quant à la réalité des acteurs et des forces en présence, et qu’ils manquaient d’une vision d’ensemble s’agissant de la structuration et de l’engagement en la matière.

Tous ceux qui ont travaillé de longue date sur ces sujets qui touchent désormais la société tout entière, et en particulier vous, madame la secrétaire d’État, ont fait œuvre de pédagogie. Ce projet de loi pour une République numérique vise désormais à donner les voies et les moyens d’un accès à internet, à une vision, à une ambition pour la France.

Tous, sur tous ces bancs, nous avions l’ambition de doter notre pays d’un texte utile, efficace et ambitieux. Cette ambition s’est traduite dans l’intitulé même du texte, puisqu’il s’agit du « projet de loi pour une République numérique ». Aussi bien à l’Assemblée qu’en commission mixte paritaire, avec nos collègues sénateurs, nous nous sommes efforcés de traduire cette ambition dans les faits.

Il s’agit d’abord d’une ambition économique, enjeu majeur, autour des data, c’est-à-dire les données, qui, nous le savons, sont aujourd’hui l’énergie, le carburant de nos entreprises, et pas uniquement des jeunes pousses, de nos start-up : cela concerne tout un pan de l’économie. Il s’agit de faire en sorte que cette nouvelle énergie soit accessible à tous. C’est pourquoi nous avons inscrit au début du texte la politique d’open data concernant les données publiques, les données d’intérêt général, sujet sur lequel Corinne Erhel et Philippe Gosselin ont particulièrement travaillé.

Nous avons aussi abordé des sujets très sensibles, tels que les données de la recherche, notamment la fouille de textes – ou text and data mining –, qui a fait l’objet de longs débats eu égard aux réticences qui sont apparues dans ce domaine. Nous avons en effet été interpellés à très nombreuses reprises sur ce sujet. Le choix du Parlement – celui de l’ensemble des députés et de la quasi-totalité des sénateurs – a été d’aller le plus loin possible pour accompagner la recherche et nos chercheurs. Nous sommes même allés au-delà des préconisations du CNRS.

Il s’agit ensuite d’une ambition citoyenne à travers la question de la transparence démocratique. Chaque citoyen doit pouvoir, par le biais des collectivités et de leurs satellites ou, plus largement, de ce qui relève d’une délégation de service public, trouver l’information publique.

Tout cela n’aurait pas de sens si, à côté de cette ambition économique et démocratique, nous n’avions pas, dans le même temps, accordé de vrais droits à nos concitoyens dans le monde numérique qui est désormais notre quotidien, de vrais droits pour disposer réellement des données personnelles liées à l’identité numérique. Toutes les traces que nous laissons lorsque nous effectuons un achat ou une recherche sur un moteur de recherche sont autant d’éléments d’information sur notre parcours et notre identité numériques, sans parler des informations que nous laissons volontairement sur les réseaux sociaux – plus de deux milliards sur Facebook et plus d’un milliard sur Twitter, à travers la planète.

C’est pourquoi nous avons souhaité que les données personnelles et l’identité numérique fassent l’objet de droits réels pour tous nos concitoyens. Cela s’est traduit par la création d’un droit à la connaissance de ces données, un droit d’accès, un droit de rectification et un droit à l’oubli.

S’agissant de ce dernier, certains souhaitaient un droit à l’effacement complet, ce qui, dans un monde ultra-connecté, avec des serveurs présents partout et des possibilités de copie, aurait été compliqué à mettre en œuvre. En revanche, le déréférencement, ce droit à l’oubli, est particulièrement important s’agissant de mineurs impliqués par des photos ou des posts sur les réseaux sociaux qui pourraient leur nuire. Ce droit doit aussi être effectif pour l’ensemble des majeurs qui pourraient vouloir en disposer, avec pour ce faire une procédure ad hoc.

Le caractère effectif de ces droits doit être envisagé par rapport aux géants du monde numérique – je pense évidemment à l’ensemble des plateformes. Nous avons souhaité définir leur statut dans la loi, faire la différence entre les éditeurs et les hébergeurs. Nous devons en effet être en mesure d’identifier tous ceux qui agrègent des contenus et de les soumettre à une obligation de loyauté.

Ce sujet a été évoqué à de nombreuses reprises par les uns et les autres : ce texte consacre un droit réel et opposable pour les Français. Nous pouvons désormais leur garantir une transparence totale sur les critères de classement et de référencement des plateformes, sur la façon dont elles ont décidé de traiter les données. Lors d’une recherche destinée à obtenir un service, en l’occurrence le meilleur service possible – qu’il s’agisse d’un restaurant, d’un hôtel ou d’autre chose –, on doit avoir la garantie que la réponse apportée est le fruit d’un algorithme sincère. Si cela est lié à un enjeu capitalistique, une prestation commerciale, une publicité ou à la promotion des services de la société qui apporte la réponse, cela doit être transparent. Il faut que l’information soit juste.

C’est ainsi que nous contribuerons à faire en sorte que les Français évoluent dans le monde numérique de demain.

Nous avons également souhaité aller plus loin s’agissant d’un sujet récurrent, traité au niveau européen – comme d’autres, du reste –, à savoir le respect du principe de la neutralité de l’internet.

Dans ce domaine, Marie-Anne Chapdelaine a souhaité aborder la question des hackers « blancs », c’est-à-dire des personnes ayant pénétré dans un site alors qu’elles n’étaient pas censées y accéder. Dans le cas où ces hackers en font le signalement suffisamment tôt, et qu’il n’y a pas eu d’utilisation abusive des données auxquelles ils auraient pu accéder, ils ne devraient pas être automatiquement soumis à des poursuites. S’ils sont vraiment « blancs », leur acte peut rendre service au site concerné – on peut penser aux services de l’État ou à des services liés à la sécurité nationale, en particulier dans le contexte actuel –, et ils doivent pouvoir continuer à faire cette œuvre de signalement.

Autre sujet, abordé par Catherine Coutelle : le revenge porn, c’est-à-dire des images à caractère sexuel utilisées à des fins de vengeance, que l’on retrouve sur internet, en particulier sur les réseaux sociaux. La peine qui doit s’appliquer en ce domaine doit être extrêmement forte, et nous avons sur ce point abouti à une rédaction commune avec le Sénat.

À cet égard, je souhaite saluer la qualité des échanges que nous avons eus avec nos collègues sénateurs. Pendant le mois de juin, nous avons travaillé de la meilleure manière avec Christophe-André Frassa, rapporteur de la commission des lois du Sénat, ainsi qu’avec les sept sénateurs qui composaient la CMP. Ici, à l’Assemblée nationale, je souhaite saluer l’ensemble de nos collègues pour leur contribution, et particulièrement Patrice Martin-Lalande, qui a abordé les questions de transparence et de démocratie, ainsi que Nathalie Kosciusko-Morizet, pour ses interventions sur l’accès à l’internet, l’open data et le text and data mining.

Au-delà de notre ambition pour la France numérique, laquelle fait consensus, il s’agit aussi d’un sujet politique. Nous avons instauré des droits nouveaux, augmenté notre capacité à nous opposer, lorsqu’il le faudra, à certains géants d’internet, la plupart du temps américains. Tout cela est éminemment politique et mérite, sous réserve de l’adoption de plusieurs amendements rédactionnels et de coordination présentés par le Gouvernement, que nous votions ce texte, porteur de droits nouveaux pour l’ensemble des Français, et ce dès sa publication dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du numérique.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, me voici de nouveau devant vous après l’adoption par votre assemblée en janvier dernier, en première lecture, du projet de loi pour une République numérique.

Lorsque l’on investit les lieux d’écriture de la loi, on comprend qu’un texte naît toujours dans un certain contexte et que la lecture académique qui en est faite ensuite par les professeurs, par les praticiens du droit et par les acteurs économiques ne peut s’abstraire de la réalité politique d’un moment, du contexte dans lequel s’inscrit cette rencontre entre les représentants du peuple et la volonté d’un gouvernement. Ce moment, vous le connaissez. Il est douloureux pour notre nation entière. Nous avons été attaqués par trois fois, dans la chair de nos enfants, par des terroristes au projet fou et destructeur.

Ce qu’on entend ici est cependant une autre musique, plus douce, qui rompt avec la dissonance, avec ce bruit qui fait mal. Tant qu’un tel espace est possible pour la création d’une autre musique, il affirme le pouvoir d’agir des citoyens et revendique la légitimité de l’intervention et de la puissance publiques face aux lobbies de l’impuissance. Il cherche à inclure dans la famille du progrès technologique tous les territoires et tous les citoyens, dans une acception plus large de ce progrès, qui inclut aussi le progrès social et sociétal. Tant que nous entendrons cette petite musique, la République trouvera une zone de réconfort et pourra regarder l’avenir avec une certaine sérénité.

Ce texte prône, à sa façon, une forme de résilience en faisant le choix de l’innovation, de l’espoir d’un avenir meilleur et du rassemblement pour préparer notre pays à la révolution numérique. Dans le contexte actuel, il n’est pas anodin de parler de transparence, d’ouverture, de liberté, de nouveaux droits et d’inclusion. Gouverner, c’est aussi trouver ce juste équilibre entre sécurité et liberté, entre innovation et précaution, entre ouverture et vie privée. Or, les équilibres trouvés ici, qui font le pari de la confiance et de l’avenir, sont le signe d’un optimisme plus général qui peut faire du bien à notre nation. C’est un autre élément de contexte qu’il est impossible de ne pas relever, tant le calendrier parlementaire reflète des modes d’adoption de la loi aux antipodes l’un de l’autre, avec d’une part une co-construction citoyenne de ce texte de loi et d’autre part un recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

On sent pourtant bien, confusément pour certains et plus précisément pour d’autres, que l’enjeu est un peu le même : il s’agit d’accompagner la transition et d’entrer dans la modernité, d’accompagner deux mondes qui s’opposent trop en vue d’une plus grande adaptation, d’une plus grande capacité de réaction, d’une plus grande agilité dans la prise de décision et d’une plus grande prise avec la réalité concrète de l’entreprise, du monde du travail et de l’environnement numérique.

Je fais ici le vœu que la méthode utilisée pour préparer cette loi pour une République numérique ne reste pas une simple parenthèse,…

M. Patrice Martin-Lalande. Très bien !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. …une expérimentation qui resterait isolée, et que les outils numériques puissent être véritablement utilisés au service du renouveau démocratique et du dialogue avec nos concitoyens.

Les propos que tenait Pierre Mendès France voilà soixante ans prennent un relief tout particulier à l’heure du numérique : « La démocratie ne consiste pas à mettre épisodiquement un bulletin dans une urne, à déléguer les pouvoirs à un ou plusieurs élus, puis à se désintéresser, s’abstenir, se taire pendant cinq ans. La démocratie n’est efficace que si elle existe partout et en tout temps. ». C’est la première fois de notre histoire commune que nous pouvons, partout et en tout temps, faire vivre la démocratie – et c’est grâce aux outils numériques. Il faut donc voir le numérique, non pas comme une menace, malgré la présentation qui en est souvent faite, mais bien comme un outil de reconnexion, de réconciliation entre les citoyens et la politique et de création de liens, de liant.

Au terme de cette consultation et du travail de la commission mixte paritaire, nous disposons d’un texte « augmenté », au sens presque numérique du terme car, s’il n’est certes pas imprimé en trois dimensions ou connecté à un objet, il a été véritablement enrichi et co-construit, non seulement avec des internautes dans sa phase initiale d’écriture, mais aussi avec les parlementaires, sur un mode de confiance que j’ai trouvé remarquable tout au long des six mois qu’aura duré la procédure parlementaire.

M. Philippe Gosselin. C’est ce qu’on appelle de la confiance dans l’économie numérique !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Cet exercice s’est voulu horizontal par essence et c’est là un pari politique, car vous n’imaginez pas les obstacles qui se sont dressés sur le chemin de l’invention de cette nouvelle manière de légiférer – et qui ne se sont du reste pas trouvés là où on les attendait le plus. On peut regretter qu’ils aient été si nombreux sur le plan institutionnel.

Je salue à ce propos M. Patrice Martin-Lalande pour le travail qu’il a engagé, appuyé par le rapporteur Luc Belot, par le président de la commission des lois, Dominique Raimbourg, et par d’autres députés, sur la généralisation de ces consultations publiques et je renouvelle ici mon soutien au souhait de voir aboutir cette proposition de loi.

Le travail effectué en commission mixte paritaire a été, je le répète, remarquable. Les rapporteurs, notamment M. Luc Belot, se sont enfermés à double tour pendant des heures et des jours et j’ai pris soin de garder la clé jusqu’à ce qu’un accord soit trouvé. (Sourires.) Aujourd’hui, le texte consacre des principes fondateurs. Sans plagier la présentation qu’a faite M. Belot des conclusions de cette commission mixte paritaire – car, comme Michelle Obama, je pense que rien ne vaut la version originale (Sourires) –, je rappellerai cependant quels sont pour moi ces principes fondateurs et ce qui fait le cœur et l’originalité de ce texte de loi.

Il s’agit d’abord du principe d’ouverture par défaut des données publiques et de son application à des champs sectoriels très spécifiques tels que les concessions publiques, la consommation énergétique, les valeurs foncières, la jurisprudence des tribunaux ou la qualité de la couverture de téléphonie mobile. Ce champ qui s’ouvre grâce à l’ouverture des données est un formidable potentiel d’innovation pour créer de la valeur à partir de cette ressource – les data, c’est-à-dire les données –, qui ne doit pas être rare. Quelle source d’information possible pour nos concitoyens ! Ils ont raison d’exiger la transparence de l’action publique comme une condition de la redevabilité démocratique. Encore faut-il sortir d’une certaine culture de l’opacité et du secret. C’est ce que permet ce texte.

Le texte consacre aussi l’intelligence de l’immatériel. Il outille très concrètement nos chercheurs pour leur permettre de tirer tout le potentiel de l’utilisation des données. Avec l’accès à des données sensibles et la possibilité de procéder à de l’appariement de données à des fins de recherche, avec le libre accès aux publications scientifiques, avec le text and data mining, la recherche française se trouve presque comme à la veille de la conquête spatiale – même si cet espace est moins tangible –, face à un champ infini des possibles en termes de sujets d’investigation. Nous adressons aux chercheurs français et à ceux qui travaillent pour la recherche française un message de confiance et de reconnaissance.

Nous nous adressons aussi aux administrations, non pas pour exprimer une défiance, mais pour les accompagner dans l’acculturation à la culture numérique et dans l’utilisation intelligente et stratégique des données qu’elles produisent. C’est tout l’enjeu de la création de la mission de service public de la donnée, qui concerne les administrations centrales comme les collectivités locales. Il s’agit d’embarquer un pays tout entier, en particulier ses acteurs publics, dans cette conscientisation des enjeux autour de la société de la donnée.

Dans le domaine éducatif, nous décidons de conférer une valeur diplômante aux cours en ligne – les MOOC. C’est là aussi ouvrir des possibilités nouvelles aux établissements d’enseignement supérieur et leur donner un écho garanti, une place dans le monde, en particulier dans le monde francophone, et un accès à des publics qu’ils ne touchaient pas jusqu’à présent. En un mot, il s’agit de démocratiser l’enseignement et de coller à la nouvelle réalité des mobilités humaines en s’appuyant sur les outils numériques.

Sur le plan économique, les premières voix lobbyistes qui, dans un premier temps, contestaient le texte en toussotant, se sont tues car la confiance des utilisateurs d’internet est un critère indispensable pour l’essor de l’économie numérique.

M. Patrice Martin-Lalande. Exactement !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Il est tout de même difficile de s’opposer à l’économie de marché et à l’affirmation de la libre concurrence, qui doit permettre l’entrée des nouveaux acteurs, en particulier des start-up, ces jeunes entreprises innovantes, dans le marché numérique. Le texte affirme donc le nouveau principe de la portabilité de données d’usage – je fais d’ailleurs le pari que, d’ici à quelques années, ce principe sera affirmé aux États-Unis et au niveau européen. Du reste, la Commission européenne est tout à fait alignée avec la France sur ce sujet, qu’elle a décidé d’étudier pour en faire un élément du marché unique du numérique.

Il est également difficile pour les entreprises d’expliquer qu’elles sont opposées aux principes de confidentialité des communications numériques ou d’authentification des avis en ligne des utilisateurs dans cette nouvelle économie qu’est l’économie de la recommandation. Il est difficile de se dire opposé à la libre disposition des données personnelles par les internautes ou à l’information des consommateurs par les grandes plateformes, qui sont désormais soumises à un principe de loyauté. Étant donné l’importance qu’elles revêtent dans l’économie et la société françaises, c’est bien la moindre des choses.

J’ai entendu affirmer qu’il serait prétentieux de vouloir influencer le travail mené à Bruxelles au niveau européen, mais il ne faut pas voir de prétention là où il y a de l’ambition. Oui, le travail d’articulation avec le droit européen – qui n’est pas toujours parfaitement à jour, notamment pour ce qui concerne les usages numériques – a dû se faire à coups de négociations, d’influence et de conviction, mais n’est-ce pas là le rôle des États, en particulier d’un État comme la France, que d’aiguiller, ou au moins de tenter d’influencer le travail de ses partenaires européens et de la Commission européenne ? Après le Brexit, le déficit démocratique européen dont nous parlons tant et qui est constaté tous les jours par nos concitoyens est peut-être dû aussi à une forme de désinvestissement politique de la part des gouvernements. La nature a horreur du vide et la technocratie sait parfaitement combler ce vide.

Dans ces conditions, au vu des enjeux – notamment économiques, qui sont immenses –, le projet européen est plus important que jamais. C’est la raison pour laquelle il faut l’investir sur le plan du numérique. C’est ce que nous avons fait avec ce travail sur le projet de loi pour une République numérique, dans le respect du droit européen actuel.

Un autre principe sous-jacent, qui a innervé toute l’écriture de ce texte et la discussion à laquelle il a donné lieu, est une certaine vision de la France des territoires. Il existe un numérique qui est un concentré d’ultra-innovation dans la capitale des pays les plus technologiques, et un autre qui est une promesse de progrès pour une nation tout entière. C’est ce deuxième choix que nous avons fait, parce qu’il s’est imposé et parce que notre pays est profondément ancré dans l’histoire de ses territoires, lesquels ont aujourd’hui une capacité d’innover, notamment sur le plan public, qui fait parfois défaut à l’État au niveau national.

D’où l’exigence d’accélérer la couverture numérique des territoires, que ce soit pour les réseaux fixes ou mobiles, avec des avancées très réelles dans les discussions parlementaires, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, avec la consécration du droit à la fibre en Espagne, avec l’opposabilité des engagements pris par les opérateurs de télécommunications, avec l’accord trouvé, à la suite de discussions au Sénat, sur la création d’un guichet visant à lancer un appel à projets pour la couverture de téléphonie mobile des zones rurales et avec une vision d’internet comme un bien commun. Si une instance internationale devait un jour s’intéresser aux enjeux du numérique au niveau global, j’espère que la vision qu’elle défendrait serait cette vision française d’un internet accessible à tous.

Les avancées obtenues, grâce à l’implication très forte des parlementaires, en matière d’accessibilité des outils numériques aux personnes en situation de handicap est historique, non pas tant parce que nous permettons ainsi, par exemple, à 6 millions de personnes sourdes et malentendantes d’interagir et de communiquer avec le reste de la population française, que parce que nous permettons à 66 millions de Français de communiquer enfin avec ces personnes.

M. Philippe Gosselin. Très bien ! Belle avancée !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Nous le faisons avec le pari de l’innovation car le numérique, quand il est bien utilisé, peut être un formidable facteur d’inclusion. Là aussi, c’est un champ des possibles qui s’ouvre à notre nation.

Je terminerai par des remerciements, avec d’autant plus de sincérité et d’émotion que je n’ai pas pu les formuler à l’issue du premier vote dans cet hémicycle, car mon petit Éloi – tel est en effet son nom –, qui nous écoute avec son papa, a attendu patiemment le lendemain du vote de la loi en première lecture à l’Assemblée pour voir le jour.

Je le mentionne ici car je suis assez fière d’avoir tenu le coup – pas pour moi, Axelle Lemaire, mais pour les centaines de milliers de femmes qui, chaque année, en France, tiennent le coup dans leur environnement professionnel sans avoir l’occasion de le faire remarquer publiquement.

S’il est aujourd’hui possible d’accoucher et de défendre parallèlement une loi au Parlement – je fais un clin d’œil à Nathalie Kosciusko-Morizet, qui est passée par là elle aussi –, c’est grâce aux femmes politiques engagées avant nous, qui ont sans doute essuyé plus de difficultés que nous n’en connaissons.

Mais je le mentionne aussi parce qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir : ce genre d’événement ne doit plus être hors-norme, et son coût ne doit pas être assumé uniquement d’un point de vue individuel ou par une équipe très bienveillante et dévouée, composée de gens de bonne volonté. Pendant que certains marchent, d’autres accouchent (Sourires), les obligeant ensuite à sprinter si l’esprit collectif n’est pas au rendez-vous.

Je tiens tout d’abord à saluer la qualité de nos débats et l’intérêt marqué par les parlementaires pour cette loi. Merci au président de la commission des lois, Dominique Raimbourg, au rapporteur, Luc Bélot, pour son remarquable travail, aux rapporteurs pour avis – Emeric Bréhier, Marietta Karamanli, Corinne Erhel et Hélène Geoffroy, qui a rejoint le Gouvernement –, ainsi qu’à Marie-Anne Chapdelaine, responsable pour le groupe socialiste.

Merci également à tous les autres membres de la commission mixte paritaire – Laure de la Raudière, Patrice Martin-Lalande, Lionel Tardy, Philippe Gosselin, Cécile Untermaier, Jeanine Dubié, Bertrand Pancher, Alain Suguenot –, ainsi qu’à André Chassaigne pour sa proposition de loi, désormais passée à la postérité.

Merci aux services de l’Assemblée nationale, à ses administrateurs, dont la qualité du travail n’est plus à souligner.

Merci d’avoir contribué tous ensemble à la fondation de cette République numérique, qui doit faire de la France le pays d’un numérique partout, par tous et pour tous. Vous défendez là une certaine conception de la démocratie, une certaine image de notre République, dont il fallait actualiser le logiciel : elle est désormais prête. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, six mois après son examen en première lecture, nous nous apprêtons à mettre un point final à l’écriture de la loi pour une République numérique.

Je souhaite en premier lieu saluer la méthode retenue pour son élaboration. De nombreux acteurs se sont emparés du sujet, apportant des contributions utiles sur la première version publiée en septembre 2015 et soumise à l’ensemble des concitoyens à travers une plateforme en ligne.

Ces contributions sous forme d’amendements citoyens ont donné lieu à des modifications parfois significatives. Cette méthode innovante créera un précédent : vous êtes, madame la secrétaire d’État, pionnière et précurseur en la matière.

Ce procédé rajeunit notre démocratie parlementaire et peut constituer une des réponses pour lutter contre le sentiment d’éloignement entre les grandes institutions de la République et les citoyens. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je tiens à vous féliciter.

Le numérique touche tous les aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos institutions et de l’ensemble des acteurs socioculturels.

Ce projet de loi accompagnera ces changements en inscrivant les grands principes de la circulation des données publiques, de la protection des données personnelles et du renforcement de l’accessibilité dans le domaine du numérique.

Les débats législatifs sur tous ces sujets complexes ont globalement abouti à des compromis acceptables. Je pense ainsi à la transparence, avec l’ouverture des données publiques pour encourager l’innovation et l’efficacité ; à la liberté de panorama ; aux progrès des droits des citoyens et des consommateurs avec le droit à l’oubli, la mort numérique, le droit à la portabilité et la vérification des avis écrits sur le net ; aux principes de loyauté des plateformes et de neutralité des réseaux, ou encore au progrès social pour les personnes en situation de handicap.

Concernant la couverture numérique, les sanctions financières infligées par l’ARCEP – l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes – aux opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations de couverture du territoire sont une bonne chose. Il est temps de renforcer les exigences des pouvoirs publics dans ce domaine, car la couverture numérique de tout le territoire est un enjeu démocratique majeur, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne.

Toutefois, nous regrettons une forme de timidité du texte sur l’encouragement du logiciel libre et des formats ouverts ou encore les réponses un peu lacunaires aux inquiétudes légitimes des éditeurs scientifiques.

Je souhaite ensuite exprimer ma satisfaction à l’égard du texte adopté par la commission mixte paritaire en ce qui concerne la régulation pour équitable des systèmes de location d’appartements entre particuliers.

Le numérique bouscule les modèles économiques existants : c’est ce qu’on appelle l’« ubérisation » de l’économie et de la société. Même si le développement de l’économie numérique présente des avantages, nous devons être attentifs aux effets indésirables tels que la concurrence déloyale, la précarité, la perte d’assurances sociales et de recettes fiscales ou l’affaiblissement du salariat.

Les radicaux sont des libéraux, fervents défenseurs du progrès, mais pas dans n’importe quelles conditions. Ainsi, la mise en œuvre du dispositif visant à identifier la qualité de l’annonceur sur la plateforme, l’enregistrement simple et dématérialisé par les communes des logements mis en location générant un numéro d’enregistrement figurant sur les annonces, ou encore le contrôle du nombre de nuitées louées pour respecter le seuil des 120 jours sont des avancées qui répondent aux attentes des professionnels de l’hôtellerie. Il nous reste à traiter l’aspect fiscal, mais rendez-vous est pris pour l’examen de la loi de finances.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous interroger sur la mise en œuvre concrète de ces mesures, en particulier pour les communes ou stations touristiques non situées en zone tendue et d’une taille bien inférieure au seuil des 200 000 habitants. Là aussi, le secteur hôtelier traditionnel souffre gravement de la concurrence des plateformes.

En CMP, notre rapporteur, Luc Belot, nous a garanti que le dispositif adopté pourra être étendu à toutes les communes sans nécessité de seuil, par décision du préfet sur proposition du maire et par délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunal ou du conseil municipal. Pouvez-vous, madame la secrétaire d’État, nous confirmer cette interprétation ?

Au final, cette loi contient de nombreuses avancées positives et va dans le bon sens. Son élaboration et son examen parlementaire ont été exemplaires. Je tiens à saluer le travail concerté de notre rapporteur, Luc Belot, et de son homologue au Sénat, Christophe-André Frassa, qui a largement contribué à l’accord trouvé en CMP.

J’associe à ces remerciements les députés et sénateurs impliqués, qui ont fait preuve de responsabilité et d’équilibre : c’est ce que nos concitoyens attendent de nous.

M. Philippe Gosselin. C’est notre travail !

Mme Jeanine Dubié. Les députés du groupe RRDP voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je lisais, il y a peu, le dernier ouvrage coécrit par le romancier Marc Dugain et le journaliste Christophe Labbé, intitulé L’Homme nu. La dictature invisible du numérique.

Pour ne rien vous cacher, je dois vous dire que ce livre m’a particulièrement frappé. Cette dictature douce et invisible que nous préparent les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – fait froid dans le dos.

Toute-puissance des big data, liens étroits avec les services de renseignement, extinction progressive de la vie privée, confusion grandissante entre le monde réel et monde virtuel – en témoigne d’ailleurs la toute dernière application en réalité augmentée où il faut chasser les Pokémon avec son smartphone ! (Sourires) –,…

M. Luc Belot, rapporteur. Très bien !

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Quelle culture !

M. André Chassaigne. …consommation intensive des écrans, overdose technologique, et j’en passe !

L’ouvrage met en lumière le péril d’un monde dirigé froidement par des algorithmes et des serveurs, souvent situés à l’étranger, hors de tout contrôle démocratique, au profit de quelques-uns et reléguant les droits et libertés fondamentales au rang de concepts abstraits.

Il est vrai qu’en l’espace de quelques années, le numérique est venu transformer nos vies en profondeur. On peut même parler de raz-de-marée pour qualifier tous ces changements qui ont bouleversé notre façon de travailler, d’échanger avec les autres, d’apprendre, d’entreprendre ou de consommer.

Sans aucun doute, le numérique bouleverse aussi nos institutions, l’État, notre protection sociale et son financement, nos rapports avec notre population et la démocratie.

La genèse de ce projet de loi a été exemplaire. De manière incontestable, la démarche citoyenne menée en amont de la préparation du projet de loi doit être saluée – et je le fais. Véritable innovation politique, elle a permis de renforcer la transparence et la traçabilité dans la construction de la règle de droit.

Bien sûr, les points à améliorer dans la méthode sont nombreux ; nous le constatons tous dans les expériences de démocratie active ou participative. Il n’y aurait rien de pire qu’une démocratie participative de façade, qui reléguerait au second rang des propositions qui, pourtant, recueillent un très large assentiment de la population.

Pour cette raison, nous sommes déçus de ne pas voir, dans le projet de loi final, des dispositions relatives à la protection des biens communs, une définition ambitieuse de la neutralité d’internet. Il aurait également été bienvenu d’accorder la priorité aux logiciels libres, comme d’autres pays l’ont fait ; nous en avons beaucoup discuté.

Néanmoins, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, le processus participatif mis au point ici est indiscutablement une première étape qui doit nous aider à construire une démocratie et une République bien dans leur époque.

D’ailleurs, au-delà de la forme et de la méthode ici employée, nous voyons ce projet de loi comme une première étape, la première pierre d’une régulation plus large qui irait de la fiscalité à la souveraineté numérique de notre pays dans ce domaine.

Ce projet de loi sacralise l’ouverture des données publiques, ce qui favorisera la transparence et le développement de nouveaux services potentiellement utiles à nos concitoyens : c’est une bonne chose.

Mais ne soyons pas naïfs : les données sont une mine d’or – vous sentez, en m’entendant dire cela, le marxiste qui émerge ! Elles sont même l’origine de la fortune colossale accumulée par les GAFAM. Le Parlement aurait pu et aurait dû prendre ses responsabilités et faire en sorte que la création de valeur exclusive et privée au moyen d’une donnée publique ait une contrepartie au bénéfice de la collectivité.

À cet égard, la question de la protection de la vie privée reste posée. Bien entendu, nous saluons les avancées en matière de mort numérique, tout comme celles sur la portabilité des données des consommateurs et le droit à l’oubli. La reconnaissance de la liberté de panorama est incontestablement un autre point positif de ce projet de loi.

Par ailleurs, l’autorisation pour la recherche publique d’explorer les copies et reproductions numériques provenant de sources licites sans autorisation préalable des auteurs constitue un pas en avant que nous accueillons favorablement.

Enfin, l’accès de tous au numérique sort renforcé avec ce projet de loi. À coup sûr, le maintien de la connexion internet des personnes les plus démunies permettra de ne pas couper le fil, tout comme le permettra cette disposition du projet de loi reprenant la proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine que je défendais, adoptée à l’unanimité l’an dernier, sur l’entretien et le renouvellement du réseau des lignes téléphoniques. Merci d’avoir permis cette intégration, madame la secrétaire d’État.

Pour conclure, le numérique doit être mis au service d’un projet émancipateur et transformateur, vecteur de progrès économique, social et environnemental au profit de tous nos concitoyens.

Le numérique est une opportunité mais il pose des questions tout à fait fondamentales et les défis à relever restent immenses pour réellement parler de « République numérique ».

En tout état de cause, les avancées portées par ce texte méritent d’être reconnues. Ainsi, les députés du Front de gauche voteront pour ce projet de loi – cela n’arrive pas tous les jours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. « Descendez dans la rue et regardez quels sont les nouveaux usages du numérique via les téléphones portables. » Cette invitation est celle qu’adresse un dirigeant d’entreprise de ma circonscription, spécialisé dans le numérique, à celles et à ceux qui attendent ses services pour ne pas laisser passer le train du numérique, nécessaire au développement de leur activité.

C’est dire à quel point, sur ces nouveaux usages et ces nouveaux enjeux, il appartenait à la puissance publique de prendre la place qui lui revenait, afin que le plus grand nombre s’en saisisse et que n’apparaisse pas de fracture dans une société qui doit se serrer les coudes, s’unir et se rassembler.

Madame la secrétaire d’État, vous ne vous y êtes pas trompée. C’est avec intelligence qu’est né ce projet de loi cohérent et utile, à l’issue d’une consultation effective et efficace. Un débat de qualité pouvait dès lors s’engager. Il trouve son terme aujourd’hui.

Le texte initial a été largement enrichi par les assemblées parlementaires. Comptant 48 articles à l’origine, le texte en compte désormais 120.

À l’Assemblée nationale, ce sont 46 articles additionnels qui ont été insérés. Ils ont permis de créer une nouvelle incrimination de vengeance pornographique, ainsi qu’un régime particulier pour les compétitions de jeux vidéo. Au Sénat, ce sont 45 nouveaux articles qui ont été insérés, dont l’open data pour les décisions de justice, l’encadrement de la location des meublés de tourisme pour une clientèle de passage, la fameuse déclaration fiscale des plateformes, mais aussi l’extension du projet « Dites-le-nous une fois ».

J’en profite pour saluer nos collègues d’outre-mer, puisque nous avons aussi parlé de l’itinérance ultramarine.

Je voudrais conclure cette liste sur la mutualisation des réseaux radioélectriques : ce ne sont pas moins de cinq commissions qui se sont saisies du projet, tout le monde travaillant en bonne intelligence pour aboutir au meilleur texte possible.

Chacun peut constater que les assemblées ont travaillé de manière intelligente et rapide sur un texte complexe en bien des aspects, tant la vérité d’un jour, dans le domaine du numérique, peut être bousculée dès le lendemain. Le rapport rend ainsi hommage à un texte qui « constitue une première en France et en Europe puisqu’il balaie le numérique dans tous les aspects de la vie quotidienne de nos concitoyens, des entreprises, des territoires et des administrations publiques. […] Il fait de la France un pays pionnier en matière numérique ».

Au final, le compromis de la CMP est particulièrement fructueux, puisque la philosophie du texte en ressort consolidée et finalement enrichie par les apports successifs de l’Assemblée et du Sénat.

Le périmètre de cette loi est rigoureusement délimité : elle porte sur la circulation des données et du savoir, la protection des droits individuels et collectifs, et l’accès au numérique quel que soit le statut social, l’état physique et le lieu de résidence. Je voudrais à cet égard saluer l’engagement de ma collègue Élisabeth Pochon sur la question des sourds et des malentendants.

Nous abordons donc sereinement le présent et l’avenir. Des bases claires nous permettent de faire face aux enjeux de court et de moyen terme. Les fondements sont solides pour préparer les enjeux de long terme, connus pour certains, imprécis pour d’autres. Nous sommes prêts pour affronter le futur.

Je terminerai en saluant le travail du rapporteur, qui a su allier compétence et courtoisie pour rassembler autour de ce texte et faire en sorte que chaque député donne le meilleur de lui-même pour préparer l’avenir. Il s’agit de l’avenir de nos enfants, car le numérique certes nous appartient, mais il leur appartiendra encore plus à mon avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Ce texte issu de la CMP est l’aboutissement de longs mois de travail : une forme d’accouchement, madame la secrétaire d’État, vous l’avez souligné tout à l’heure. Certains accouchent, d’autres sont « en marche », mais c’est une autre histoire. (Sourires.)

Ce travail a lieu au Parlement depuis le 9 décembre 2015, date de la présentation du texte en conseil des ministres, mais il a commencé en amont avec le procédé inédit de la consultation en ligne dont je vous donne acte, madame la secrétaire d’État. Notre collègue Patrice Martin-Lalande, avec d’autres, souhaite sa généralisation.

Il s’agit là d’une nouvelle forme de citoyenneté, d’un autre engagement, pour bousculer quelque peu les cadres tout en maintenant à la représentation nationale la place qui lui est due. Nous sommes dans un système qui est celui de la VRépublique.

Une fois n’est pas coutume, la CMP a abouti. La majorité à l’Assemblée et la majorité au Sénat ont su trouver un accord et même un bon accord.

Ce n’est pas la saint Luc, monsieur le rapporteur, car nous sommes en juillet, mais il arrive qu’on annonce Pâques avant l’heure…

Bravo aux rapporteurs : à celui du Sénat bien sûr, et à vous, mon cher Luc, qui avez été un rapporteur – je peux en témoigner, comme chacun de nos collègues ici présents – soucieux des préoccupations de l’opposition, ce qui est rare, et qui a su répondre à un certain nombre de nos observations. Beaucoup de rapporteurs n’ont pas ce talent ni cette prévenance à l’égard de l’opposition.

Je voudrais aussi saluer, madame la secrétaire d’État, le travail de vos services qui ont su, eux aussi, faire passer des messages et entretenir cette chaîne de relations quand il le fallait. Chacun était dans son rôle, mais les rôles ont été bien joués par chacun et je voulais le souligner.

Sur la forme, je regretterai que ce texte, annoncé depuis le début du quinquennat, ne vienne qu’en fin de législature et surtout en procédure accélérée. Non que nous voulions absolument ajouter du temps au temps, mais sur plusieurs points, une seconde lecture n’aurait pas été inutile, ne serait-ce que pour se mettre au carré, si j’ose dire, avec les textes européens. Je pense en particulier à ce fameux règlement qui s’appliquera à partir du 25 mai 2018 et que nous avons parfois bousculé, nous appuyant dessus avant de le fouler aux pieds, utilisant les uns et les autres des arguments quelque peu contradictoires. Je crains que ce règlement ne se rappelle à notre bon souvenir dans les mois et les années qui viennent : il faudra sans doute retravailler certains points.

Cela dit, l’avancée est réelle.

Une seconde lecture aurait aussi permis de nous assurer que nous n’adoptions pas des rédactions à la limite du droit, afin de prévenir de délicats problèmes de mise en œuvre. Nous pourrions encore parler de quelques improvisations dans la présentation des amendements qui n’ont pas toujours facilité le débat.

Quoi qu’il en soit, sur le fond, nous aboutissons à plusieurs points positifs comme l’ouverture des données publiques, le droit à l’oubli pour les mineurs ou le sort des données personnelles à la mort de l’intéressé : voilà des avancées concrètes, précises, palpables pour nos concitoyens.

J’évoquerai aussi le renforcement des pouvoirs de la Commission nationale de l’informatique et des libertés : le commissaire à la CNIL que je suis, comme tous les autres membres du collège, sont sensibles à la cohérence donnée à cette autorité administrative indépendante, même si celle-ci devra s’adapter dans les années à venir à ce texte comme au règlement européen.

Les débats parlementaires ont permis d’enrichir le projet de manière équilibrée sur l’encadrement des locations de meublés pour des courtes durées : l’enregistrement, le plafond des 120 nuitées et la suppression de l’obligation de déclaration des revenus font que l’ensemble des professionnels sont relativement satisfaits, sans que nous ayons cassé pour autant une économie nouvelle qui est en train d’émerger. Je refuse l’ubérisation de la société, mais nous ne pouvons pas refuser les évolutions. Encore faut-il maintenir l’équilibre en matière de concurrence et prévoir des règles valables pour tous.

Un équilibre a été trouvé sur la liberté de panorama. Il sera désormais possible de déroger au droit d’auteur pour les reproductions et représentations d’œuvres architecturales.

Nous avons encore trouvé un équilibre sur la répression pénale de la diffusion d’images à caractère sexuel sans le consentement de la personne, à l’article 33 quater. C’était à l’évidence un point important.

Vous avez évoqué l’accès des personnes sourdes et malentendantes aux services téléphoniques. C’est une grande avancée qui sera bénéfique à l’ensemble de la société.

Mais nous avons toujours quelques préoccupations et nous restons vigilants. Ainsi, l’ensemble de notre territoire n’est pas aussi bien desservi qu’il le devrait en termes de couverture numérique et les moyens mis à la disposition des collectivités – même si celles-ci doivent s’engager de leur côté – sont insuffisants.

Je déplore enfin l’absence de certaines mesures, concernant notamment le numérique et les entreprises. Elles avaient été renvoyées au projet dit « Macron 2 », mais peut-être ce texte est-il lui aussi « en marche ». Nous verrons ce qu’il en adviendra.

Pour conclure, ce texte n’institue peut-être pas une « République numérique » mais, sans doute, s’en approche. Malgré ses manques, le groupe Les Républicains a adopté une position d’abstention bienveillante qui n’exclut nullement le vote favorable d’un certain nombre de parlementaires qui ont suivi l’examen de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Luc Belot, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. André Chassaigne. Nous allons voir si c’est l’union sacrée !

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le texte que nous nous apprêtons à adopter a pour premier mérite d’aborder chacun des enjeux contemporains du numérique, à l’image de l’open data, du principe de neutralité du net, de la loyauté des plateformes, du droit à l’oubli ou encore de la mort numérique.

S’agissant de la concertation qui a précédé l’élaboration de ce texte, on peut se réjouir de la méthode utilisée par le Gouvernement puisque celui-ci a sollicité et pris en compte l’avis d’institutions comme le Conseil national du numérique, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou encore l’Autorité de régulation des communications et des postes. Cela peut sembler normal mais encore fallait-il le faire.

L’élargissement de la consultation aux internautes est également une initiative louable qu’il nous faudra certainement par la suite encourager. Au sein du think tank que je préside, Décider ensemble, nous avons travaillé sur la concertation, qui a occupé une place importante dans ce débat.

Pour autant, cet esprit de co-construction et de recherche du consensus qui a tenu jusqu’à l’élaboration d’un texte commun entre le Sénat et l’Assemblée n’empêche pas qu’on déplore certaines lacunes.

On peut reprocher son titre hyperbolique à ce projet de loi qui a été en partie vidé de sa substance par la loi relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public et, en ce qui concerne les droits et libertés numériques, par la loi relative au renseignement.

On peut également regretter l’absence de dispositions relatives à l’économie numérique, réservées en vain au projet dit « Macron 2 ».

M. Lionel Tardy et M. Philippe Gosselin. Eh oui !

M. Bertrand Pancher. Les enjeux liés à la mutation numérique, qu’ils soient sociaux, économiques, politiques ou juridiques, nécessitent une approche globale et coordonnée, qui aurait largement justifié l’examen d’un texte unique.

Par ailleurs, une République numérique aurait dû s’accompagner d’une résorption de la fracture technologique qui pénalise lourdement les territoires ne bénéficiant pas de l’accès à un réseau de qualité. Dans mon département, la Meuse, 89 communes continuent d’être mal, voire très mal desservies par les réseaux mobiles.

M. Philippe Gosselin. C’est pareil dans la Manche !

M. Martial Saddier. C’est terrible en montagne !

M. Bertrand Pancher. Et je ne parle pas du haut débit. La région Grand Est, entre autres, travaille sur ce sujet. On ne couvrira pas en haut débit, dans de bonnes conditions, un département rural comme le mien avant sept ou huit ans.

La République numérique ne doit pas non plus délaisser certains citoyens, en particulier les publics les plus fragiles. Or on constate que le texte fait en partie l’impasse sur la question de la formation aux outils numériques des jeunes et des personnes âgées, ainsi que sur la mutualisation. Notre seule source de satisfaction dans ce domaine est l’adoption, à l’article 43, d’un dispositif d’accès des sourds et malentendants aux services téléphoniques.

Chacun le sait, au-delà de l’enjeu économique, l’open data peut contribuer à changer profondément le rapport entre citoyens et décideurs en assurant une meilleure information de tous et en instaurant un équilibre des savoirs entre tous les acteurs, à condition, bien entendu, que le dispositif soit structuré.

L’open data peut également permettre d’alimenter les échanges entre l’administration et ses usagers, de mieux comprendre l’action publique et de mettre en place des habitudes de coopération au niveau territorial. Alors qu’un sentiment de défiance envers la classe politique s’ancre dans l’opinion publique, l’open data peut et doit accompagner une gouvernance ouverte, facteur de confiance entre les citoyens et l’administration, entre les citoyens et les élus, entre les citoyens et les médias, entre les citoyens et les grandes entreprises.

Les citoyens, les développeurs et les entreprises demandent à avoir accès aux données publiques. Alors que les outils informatiques donnent pleinement les moyens aux acteurs publics de mettre en œuvre des politiques volontaristes dans ce domaine, le cadre juridique français n’encourage pas suffisamment les potentialités de l’open data et, en mars 2014, j’avais moi-même lancé une consultation pour moderniser la loi de 1978 relative à l’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques. Le Gouvernement a tenu compte de la plupart des observations qui s’étaient ensuivies et je me réjouis aujourd’hui du chemin parcouru vers l’ouverture de ces données.

Pour autant, étant à l’origine d’un observatoire de l’open data, nous nous rendons compte que, dans ce domaine, les besoins de mutualisation des pratiques sont immenses et que la mise en œuvre de l’ensemble des dispositifs existants est complexe.

Mes chers collègues, madame la secrétaire d’État, nous peinons à trouver dans ce texte une stratégie d’ensemble pour l’avenir numérique de notre pays mais, dès lors que la plupart des dispositions adoptées est utile, le groupe UDI votera bien entendu en faveur de ce bon projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Luc Belot, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Amendement de coordination.

(L’amendement n1, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n2.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Amendement rédactionnel.

(L’amendement n2, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n3.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Amendement de cohérence de rédaction entre les différents alinéas de l’article 42 bis A.

(L’amendement n3, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n6.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Amendement de coordination et de correction d’une erreur matérielle à l’article 44 bis.

(L’amendement n6, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n4.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Amendement de coordination et correction d’une erreur matérielle.

(L’amendement n4, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n5.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. Amendement de coordination.

(L’amendement n5, accepté par la commission, est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur l’ensemble des bancs.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Reconquête de la biodiversité



Nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité

Discussion, en lecture définitive, d’un projet de loi et, en deuxième lecture, d’une proposition de loi organique (discussion générale commune)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (n3971) et, en deuxième lecture, de la proposition de loi organique, modifiée par le Sénat, relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (no3440, 3925, 3548).

La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, c’est la quatrième fois, après une deuxième lecture et une nouvelle lecture, que le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vient en discussion dans cet hémicycle. Je ne vous infligerai donc pas un discours classique de présentation, détaillant titre par titre son contenu, car vous le connaissez.

Je voudrais cependant vous dire quelques mots pour remettre en perspective le texte issu de vos travaux et sur lequel vous allez vous exprimer après avoir examiné des amendements adoptés au Sénat en nouvelle lecture et sur lesquels, dans la plupart des cas, je serai amenée à émettre un avis défavorable. En effet, sur les points qui restent à trancher, tout a été dit, et il y a dans ce texte auquel vous vous apprêtez à donner force de loi, il faut le reconnaître, quelques sujets qui continuent à ne pas être consensuels. Je le regrette, mais c’est aussi le prix normal du pluralisme démocratique et le signe d’une prise de conscience différente des enjeux écologiques.

Cela ne doit pas nous empêcher de constater que, sur de très nombreux points, ce texte rassemble bien au-delà des frontières politiques classiques.

Mesdames et messieurs les députés, le processus parlementaire conduit à maintenir tout au long des discussions un suspens qui concerne uniquement les articles qui ne sont pas consensuels ou dont le contenu n’est pas calé. On peut donc avoir l’impression, à l’issue des différentes lectures, que le texte se résume à certaines dispositions qui ont fait l’actualité et qui vous ont parfois divisés, mais n’oublions pas les très nombreux articles qui ont été adoptés depuis bien longtemps et qui ne font plus, au fil des lectures, l’objet de discussion et de débats.

Ces articles, qui sont souvent d’une grande importance pour notre politique de biodiversité, sont votre œuvre commune, quel que soit le vote que vous exprimerez tout à l’heure sur l’ensemble du texte.

Sur les quelque 174 articles que comporte désormais ce projet de loi – ce qui atteste son importance et son enrichissement au cours du débat parlementaire –, plus de 130 ont été votés conformes par les deux assemblées.

Permettez-moi de vous dire quelques mots plus politiques. Lorsque je suis arrivée au ministère et que Ségolène Royal m’a confié le pilotage de la suite de l’examen parlementaire du projet de loi, j’avais deux objectifs. Le premier était de faire en sorte que tous les éléments du projet de loi initial soient maintenus et solidifiés – en un mot, que l’ambition du projet de loi ne soit pas édulcorée ; le second était de favoriser les initiatives parlementaires qui avaient enrichi la loi lors de ses deux premières lectures mais qui méritaient réécriture, parfois, et précision, souvent.

C’était notamment le cas des débats sur l’action de groupe en matière environnementale, sur le préjudice écologique, la taxation de l’huile de palme, ou encore l’interdiction des néonicotinoïdes. Je n’oublie pas non plus la pêche en eaux profondes qui, bien que jamais formellement intégrée dans ce projet de loi, a suscité amendements et débats et qui constitue une vraie question de biodiversité.

Sur tous ces points, la méthode que nous avons adoptée tenait en deux mots : la détermination et l’écoute. Détermination à avancer, à faire progresser l’écologie dans nos politiques publiques, à contribuer à des équilibres favorables à la biodiversité ; mais écoute, également, parce que nul – fût-il ou fût-elle écologiste – ne peut prétendre détenir la solution à de tels défis. C’est par le dialogue, la conviction, la recherche d’équilibres que se fait une politique et non par des positions de principe ou des postures, c’est aussi par des échanges et, in fine, par des compromis susceptibles de trouver une majorité.

Je me réjouis de constater que, grâce aux initiatives que le Gouvernement a prises ou soutenues, aux choix que vous avez faits et au contenu du texte qui vous est soumis, ces deux objectifs seront remplis.

En ce qui concerne, d’abord, les principes et dispositifs du texte initial, votre travail a permis d’affiner, de préciser et de concrétiser des éléments qui marqueront durablement notre politique de biodiversité et qui permettront de réaliser des changements nécessaires et attendus.

La loi consacre ainsi le principe de solidarité écologique. Elle reconnaît l’importance des liens qui existent entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines. Ce principe permet de s’assurer que les questions complexes d’interactions et d’effets directs et indirects sont prises en compte dans les décisions. Il s’agit là, d’ailleurs, d’un élément majeur de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique.

Ce principe de solidarité concerne également les territoires : la loi offre des outils pour renforcer les continuités écologiques. La création ou la restauration d’espaces de nature vise non seulement à préserver la biodiversité, mais aussi à maintenir les services rendus par les écosystèmes. L’existence des trames verte et bleue est essentielle pour nous adapter au changement climatique, en réduire les effets et participer à stopper l’érosion de la biodiversité.

Le texte qui vous est soumis consacre le principe de non-régression de la protection de l’environnement : toute évolution législative future ne pourra avoir pour objectif qu’une amélioration constante de la protection de l’environnement.

La séquence consistant à éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit, à défaut, à en réduire la portée et, en dernier recours, à en compenser les impacts résiduels pour les projets d’aménagement est confortée et précisée par le texte.

Votre travail aura permis de clarifier la mise en œuvre de ce principe essentiel, notamment avec la mise en place de nouveaux outils comme les opérateurs de compensation ou les sites naturels de compensation.

Le principe « zéro perte nette de biodiversité » est désormais inscrit dans le code de l’environnement dans la section énumérant les grands principes qui guident la protection de l’environnement : il s’agit d’une disposition d’action préventive et de correction des atteintes à l’environnement qui assigne aux mesures de compensation des atteintes à l’environnement une obligation de résultat et de durée égale aux atteintes constatées. Les projets qui ne répondraient pas à ces obligations ne pourront être autorisés en l’état.

Face aux enjeux de perte de biodiversité et d’adaptation aux effets du changement climatique, la loi crée l’Agence française pour la biodiversité, qui sera un opérateur central, la référence institutionnelle au service d’un nouveau modèle de développement. Ségolène Royal avait obtenu, dès la première lecture du texte, le vote unanime du Sénat en faveur de la création de cette agence. Vos travaux, depuis lors, ont permis d’apporter des précisions qui favoriseront son travail dès sa création.

La mise en place de l’équipe d’installation, les séminaires de travail avec les services de l’État et les régions ont permis d’avancer parallèlement à vos travaux : outil d’expertise et de pilotage unique, l’Agence sera créée dès la promulgation de la loi pour être opérationnelle au 1er janvier 2017.

En collaboration avec les services de l’État sur le terrain, l’AFB et les régions auront l’initiative de créer des agences régionales associant aussi les autres collectivités territoriales et les autres acteurs concernés.

Le texte que vous allez voter autorise enfin la ratification du protocole de Nagoya. Cet accord réglemente l’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées en vue d’assurer un partage juste et équitable des avantages économiques qui en sont retirés au bénéfice de la biodiversité.

Ainsi, si demain une société exploite une molécule issue de la recherche sur une plante sauvage et que son exploitation lui permet de développer un marché, elle fera bénéficier les populations concernées d’une partie des avantages. La France se donne ainsi les moyens d’innover sans piller et concrétise un engagement international pris il y a 25 ans lors du sommet de la Terre à Rio.

Voilà pour les grands principes.

Oui, malgré les pressions, malgré les tentatives, parfois, de raboter le texte déposé en 2014, tous les éléments qui figuraient dans le projet prendront bientôt, grâce à vous, force de loi.

En ce qui concerne, ensuite, tous les éléments que je citais tout à l’heure et qui ont surgi lors de la discussion parlementaire, des réponses sont au rendez-vous. Certaines sont inscrites dans cette loi, d’autres ont été concrétisées dans d’autres textes. L’important est qu’il en ait été ainsi. Vous pouvez être certains d’une chose : vos travaux ont été utiles pour les faire aboutir.

Je pense, par exemple, à l’action de groupe dans le domaine des préjudices environnementaux. À la suite d’un travail approfondi avec mon collègue garde des sceaux, cette disposition figure dans le texte du projet de loi de modernisation de la justice du XXIsiècle.

Je pense également à la pêche en eaux profondes, qui sera donc proscrite dans l’Union européenne au-dessous de 800 mètres. Cette décision s’inscrit dans un règlement européen qui renforcera significativement la protection des écosystèmes marins vulnérables. Elle a été obtenue grâce à une forte volonté de députés européens, au travail de la Commission et à la mobilisation de certains États – au premier rang desquels la France. C’est une belle victoire et je tiens à saluer ici toutes celles et tous ceux qui ont contribué à l’arracher.

Le préjudice écologique, traduction dans la loi de la jurisprudence « Erika », est conforté par la version du texte à laquelle vous êtes parvenus : c’est une bonne nouvelle pour l’environnement et les acteurs économiques, qui ont désormais une visibilité juridique sur les conséquences de leurs actions. Nous le devons aux parlementaires qui en ont pris l’initiative – je pense à votre collègue sénateur Bruno Retailleau –, ainsi qu’à une collaboration fructueuse entre votre rapporteure et le Gouvernement.

Nous allons pouvoir réexaminer la question de la taxation de l’huile de palme dans son ensemble, en incluant toutes les huiles alimentaires et en intégrant une dimension incitative à travers des certifications de production durable. Cela permettra de répondre aux inquiétudes de pays producteurs et à un risque de contentieux devant les juridictions commerciales internationales au titre d’une discrimination.

Je sais que certains ont dénoncé un recul. Je veux bien qu’on considère que le courage en politique consiste à ignorer les conséquences, y compris diplomatiques ou commerciales, de ses décisions. Mais je crois exactement le contraire : le courage, c’est d’agir en examinant tous les paramètres et en adaptant ses décisions au contexte, dès lors – et c’est essentiel – qu’on ne perd pas de vue son objectif. En l’occurrence, l’objectif est bien de contribuer à mettre fin aux déforestations qui accompagnent encore trop souvent la production d’huile de palme.

Les services du ministère travaillent déjà sur cette question de la certification des huiles. Et, croyez-moi, nous ne lâcherons rien tant que nous n’aurons pas atteint notre objectif. C’est ce que vous avez voté, et c’est ce que nous ferons ensemble.

Sur les néonicotinoïdes, enfin, que de débats, mais aussi que d’avancées dans le débat !

Mme Delphine Batho. Non !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Quand on compare les premiers amendements déposés sur le sujet, dont certains demandaient l’expérimentation de pratiques alternatives, et le texte que vous allez voter, qui fixe la fin des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles et en organise la sortie pour nos agriculteurs, on mesure les avancées qui ont eu lieu.

M. Jean-Marie Sermier. Hélas !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Un responsable d’ONG, qui n’est pas réputé pour être parmi les moins-disants en la matière, me confiait d’ailleurs récemment que si on lui avait dit, il y a trois ans, alors que le sujet surgissait seulement sur la scène parlementaire, que cette interdiction serait votée au cours de cette législature, il n’y aurait pas cru. Eh bien, nous y sommes, et c’est une grande avancée.

M. Bertrand Pancher. Une des rares du texte !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Ces avancées, mesdames et messieurs les députés, c’est votre œuvre, et c’est le résultat d’une coproduction entre le Parlement et le Gouvernement. Mais c’est aussi, et je veux le souligner, même si nous ne sommes pas encore tout à fait d’accord sur le chemin à emprunter, le résultat d’une évolution considérable des positions de l’opposition sur ce sujet.

Je veux saluer ici toutes celles et tous ceux qui, par la mobilisation citoyenne entretenue sur cette question, ont su convaincre et entraîner. Au sein du Gouvernement, sur tous ces sujets, j’ai bénéficié du soutien sans faille de Ségolène Royal. La ministre de l’environnement ne pouvait pas être présente pour assister à votre vote, puisqu’elle est à l’étranger dans le cadre de sa présidence de la COP21. Mais je sais qu’elle se réjouira du vote de cette loi, qu’elle avait conçue, après que Philippe Martin l’avait initiée, et que vos travaux ont permis d’enrichir. Et si vos travaux ont été si fructueux, nous le devons, je tiens à le souligner encore une fois, à l’engagement, à la patience, à la pugnacité, aussi, de votre rapporteure, Geneviève Gaillard, et du président de votre commission, Jean-Paul Chanteguet.

C’est une belle œuvre législative que vous vous apprêtez à concrétiser, un de ces textes dont on retient peut-être, sur le moment, quelques sujets polémiques, mais qui, pour des années, conditionnera l’action publique, accompagnera une économie plus respectueuse de la nature et aidera les usagers et défenseurs de l’environnement.

Alors, soyons fiers : fiers des dispositions de ce texte mais aussi, au-delà, fiers de notre démocratie, laquelle fait face à des périls immédiats et souffre de blessures profondes, mais sait trouver en elle-même les ressorts pour préparer l’avenir en prenant à bras-le-corps une question aussi essentielle que celle de la biodiversité.

Mesdames et messieurs les députés, dans un monde soumis à la violence, aux tentations du repli et de la division, au fantasme de la théorie d’un choc de civilisations, il n’est jamais inutile de rappeler que ce qui rapproche les hommes et les unit au-delà même de leurs volontés, c’est la planète qu’ils ont en partage, la nature, dont ils sont tout à la fois parties prenantes et responsables.

En apportant des réponses concrètes à l’appauvrissement de la biodiversité, qui constitue, avec le réchauffement climatique, l’un des deux enjeux écologiques majeurs de ce début de siècle, c’est aussi, c’est peut-être même avant tout une part d’humanité que vous contribuez à entretenir et à affirmer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le projet de loi de reconquête de la biodiversité.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, madame la rapporteure de la commission des lois, chers collègues, je serai brève au moment d’entamer la lecture définitive du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, puisque nous en avons déjà beaucoup parlé et que Mme la secrétaire d’État vient d’en rappeler les grands enjeux, ainsi que les mesures que nous avons prises – et celles que nous aurions pu prendre.

Dans quelques heures va enfin se clore l’examen de ce texte, qui a duré plus de vingt-sept mois, qui nous a réunis à maintes reprises, a nécessité nombre de débats et de consultations – et parfois même des confrontations – entre nous, mais aussi avec les acteurs concernés, entreprises ou associations, notamment. Au bout du compte, il me semble que nous pouvons être satisfaits du texte issu de ce long travail.

Avant d’aller plus loin, j’aimerais remercier les personnes qui ont, selon moi, joué un rôle déterminant dans son élaboration, à commencer par vous, madame la secrétaire d’État. Dès votre nomination, vous avez pris ce texte à bras-le-corps. Grâce à vous et à vos services, nous avons pu avancer de manière intelligente, parfois dans la confrontation, car nous n’avons pas toujours partagé le même point de vue – mais c’est le propre du dialogue et des relations humaines.

Je voudrais remercier le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Chanteguet, qui ne devrait pas tarder à nous rejoindre. Voilà vingt ans que je travaille avec lui sur les problèmes d’environnement et d’écologie. Vous le connaissez tous et vous savez combien il est sensible à la problématique de la biodiversité. Sans son soutien, sans ses analyses, sans doute ne serions-nous pas allés aussi loin dans les propositions que nous vous avons faites.

Je souhaite également remercier Viviane Le Dissez, responsable de ce texte pour le groupe socialiste, écologiste et républicain, qui a également pris ce texte à bras-le-corps. Nous avons su trouver ensemble un terrain d’entente, ce qui nous a permis d’avancer.

Je voudrais remercier tous les collègues qui ont pris part à nos débats et qui les ont enrichis, mais aussi, très chaleureusement, les administrateurs de l’Assemblée nationale, sans qui nous n’aurions pas pu travailler aussi vite que nous l’avons fait – même si l’examen de ce texte a été extrêmement long.

J’adresserai, pour finir, mes remerciements aux sénateurs, qui ont eux aussi contribué à enrichir le texte – Mme la secrétaire d’État l’a rappelé – en y introduisant notamment la notion phare de préjudice écologique. Nous avons amélioré et amendé leur proposition, mais sans eux, sans la force de conviction de Jérôme Bignon, qui a rencontré bien des obstacles, nous n’en serions pas là aujourd’hui.

Il est rare, je l’ai dit, qu’un texte fasse l’objet d’un examen aussi long que celui-ci. Je suis satisfaite de nos travaux, qui ont abouti à la rédaction d’un texte équilibré. Je vous proposerai de revenir au dernier texte voté par l’Assemblée nationale, en y intégrant tout de même deux amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture.

À l’article 4, l’Assemblée s’était opposée à ce que les associations participent à la collecte des données qui, après validation du Muséum national d’histoire naturelle, serviront de base à la mise en place des plans de gestion. Les arguments avancés ne m’avaient pas paru de bon sens, ni très honnêtes – et je l’avais d’ailleurs indiqué à l’époque. Les associations font un travail considérable sur le terrain ; sans elles, nous ne disposerions pas des mêmes connaissances, et notre entreprise de reconquête de la biodiversité n’avancerait pas comme elle avance.

Les associations ont un rôle important…

M. Martial Saddier. Quand elles sont agréées !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. …tout comme le Muséum, qui joue un rôle extraordinaire. Nous avons donc déposé un amendement tendant à leur donner le rôle qu’elles méritent.

À l’article 60, s’agissant de la possibilité de détruire des espèces protégées, nous reprendrons à notre compte un amendement déposé au Sénat. Nous avons commis une erreur et avons été, si vous me permettez l’expression, à côté de la plaque. Mais c’est la grandeur des parlementaires, comme de n’importe quel homme ou quelle femme, de savoir reconnaître ses erreurs.

Nous avons aussi des regrets, concernant l’huile de palme, ou la pêche en eaux profondes, même si la réglementation nous permettra d’avancer. Il s’agit là d’un vrai sujet, même si on ne s’y intéresse pas assez. À titre plus personnel, je regrette aussi que nous ne soyons pas parvenus à moderniser la chasse, même si j’avais fait des propositions en ce sens. C’est dommage, car il y avait des choses à faire, mais on a bien vu que les oppositions étaient très fortes.

Avec les agriculteurs, auxquels nous avons pensé tout au long de l’examen de ce projet de loi, les choses ont bien avancé, et les quiproquos qui ont pu exister me semblent avoir été levés. Vous verrez que le texte final contient de réelles avancées pour eux.

Ce texte comporte donc quelques victoires notables pour la biodiversité. Mais, ne nous y trompons pas, il ne constitue pas un aboutissement, seulement une première étape dans la mise en œuvre d’une refonte, d’une restructuration de notre politique publique de conservation de la biodiversité. Pour reconquérir et conserver la biodiversité, il nous faudra réinventer, nous adapter, observer et avancer au jour le jour.

Tout cela, nous le faisons pour les générations futures. Notre présence sur terre est limitée ; c’est à nos enfants, à nos petits-enfants et à leurs descendants que je pense. Ils ont besoin de cette biodiversité, et nous devons faire en sorte de leur donner des outils pour la conserver. Je suis donc très fière de voir aboutir aujourd’hui l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Danielle Auroi, Mme Michèle Bonneton et Mme Laurence Abeille. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure de la commission du développement durable, mesdames et messieurs, chers collègues, la proposition de loi organique dont je suis rapporteure est un texte important, nullement anecdotique.

Il n’était pas prévu, au départ, que l’Agence française pour la biodiversité voie son président nommé par le Président de la République. Elle devait constituer, plus classiquement, une institution dépendant du ministère de l’environnement. La commission des lois en a décidé autrement, considérant que l’Agence française pour la biodiversité devait figurer au nombre des grandes institutions de la République, dont les présidents ou présidentes sont nommés en conseil des ministres, après audition par les commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est un acte fort, politique et institutionnel, un acte qui marque l’engagement, pour l’avenir, de la France en faveur de la biodiversité.

Le concept même de biodiversité n’est pas si récent, à l’échelle mondiale, comme en France. Longtemps, on lui a préféré la notion d’« environnement », qui n’était pas clairement définie. La biodiversité touche à quelque chose de profond : la présence de la vie sur terre, la manière dont elle se déploie sur notre planète, et la façon dont l’espèce humaine l’a modifiée et s’en est nourrie, au sens le plus profond du terme, pour la transformer à travers l’agriculture, l’élevage, la foresterie, et même la pêche et l’aquaculture.

Ce projet de loi assoit le fait qu’il existe deux grands types de biodiversité : la biodiversité que je qualifierai de « naturelle » – je ne dirai pas « sauvage » –, qui correspond à l’écologie primaire, et dont il reste peu de traces en France, et encore moins dans le reste du monde, d’une part ; la biodiversité créée par l’homme, et dite anthropique, d’autre part. Parce que l’Agence française pour la biodiversité traitera de toutes ces questions, il importait que son président ou sa présidente soit nommé en conseil des ministres, sur décision du Président de la République.

Nous avons été amenés à modifier, et le Sénat l’a accepté – ce dont je le remercie –, le tableau annexé à la loi organique n2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Il est clair que l’apparition de la sexualité sur cette planète a largement contribué, et est même à l’origine de l’explosion de la biodiversité sur terre ; que c’est l’apparition de la sexualité, et donc des deux genres, mâle et femelle, qui a abouti à une biodiversité puissante, extrêmement variée, et à l’évolution des espèces animales, végétales, microbiennes et autres. Or je me suis aperçue, en consultant le tableau annexe, qu’il était rédigé uniquement au masculin, ce qui n’est pas justifié.

La fonction devant prévaloir sur la personne qui l’occupe, il fallait la rendre neutre en introduisant le terme de « présidence » de l’agence. En conséquence, nous avons dû modifier la totalité du tableau annexé à la loi organique de 2010 en remplaçant « directeur » par « direction », « gouverneur » par « gouvernorat », « délégué » par « délégation ».

Certains pourront trouver cette démarche anecdotique mais la reconnaissance de l’altérité sexuelle – et donc d’une certaine forme de parité – est essentielle car c’est le fondement de la biodiversité de notre planète. Il convient donc de reconnaître les grandes valences que sont, d’une part, la différence entre mâle et femme, et, de l’autre, la biodiversité naturelle et la biodiversité cultivée, ou anthropique.

Par ailleurs, je me félicite que la richesse de la biodiversité de la France la place au deuxième rang mondial en la matière. Elle est en effet présente sur tous les continents et toutes les terres du globe. Elle dispose du deuxième domaine maritime mondial après les États-Unis. Grâce aux départements et territoires d’outre-mer, tous les climax sont représentés, de l’écosystème boréal à celui de l’équateur. C’est une force considérable et remarquée, comme est d’ailleurs saluée la qualité de nos ingénieurs, de nos scientifiques, de nos techniciens et de tous ceux qui s’occupent au quotidien de la biodiversité, en espace naturel ou cultivé.

Le Sénat a eu l’élégance d’ajouter au tableau annexé à loi organique de 2010 la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, qui revêt une importance particulière dans le contexte douloureux, marqué par le terrorisme, que nous connaissons aujourd’hui. En outre, nous avons légèrement repoussé la date d’entrée en vigueur de la proposition de loi organique car son examen s’est étendu dans le temps.

Si les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, nous avons eu une profonde convergence de vue avec les sénateurs sur la proposition de loi organique, et je tiens à les en remercier. La commission des lois l’a donc adoptée sans modification, en deuxième lecture, le 6 juillet dernier et je vous invite à faire de même aujourd’hui. Je rappelle simplement son principal objet : la biodiversité est, par nature et par fonction, non pas stable, mais évolutive, car elle repose sur le principe même d’évolution, lequel dépend lui-même d’une notion fondamentale, qui s’appelle la sexualité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Discussion générale commune

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Viviane Le Dissez.

Mme Viviane Le Dissez. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous voilà enfin réunis pour la lecture définitive et le vote du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Que d’heures passées en commission et en séance à débattre, que d’amendements déposés et examinés, que de débats sur des sujets complexes, techniques, mais déterminants pour l’avenir de nos enfants !

Ce texte répond à un engagement du Président de la République et constitue un levier fort et essentiel pour la préservation de notre patrimoine naturel, l’autre pilier indispensable au respect des engagements pris lors de la COP21. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble du projet de loi, mais je souhaite souligner quelques points ambitieux qu’il comporte.

L’article 2 est le fondement même de ce texte, puisqu’il pose le principe de non-régression des textes législatifs en matière environnementale. L’article 9 du texte est lui aussi fondamental, puisqu’il crée l’Agence française pour la biodiversité. Il a été largement débattu et affiné pendant les examens successifs au Sénat et à l’Assemblée. Sa rédaction répond aux craintes de chacun, notamment des personnels, quant à la composition mais aussi aux missions et objectifs de l’Agence, puisque la prépondérance des outre-mer, entre autres, est reconnue.

Rassembler au sein d’une institution unique l’ensemble des opérateurs de la biodiversité apparaît comme une évidence. Il nous faut veiller à ne pas déstabiliser l’équilibre trouvé : même si l’expertise faunistique terrestre est maintenue au sein de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – l’ONCFS –, gageons que, d’ici à quelques années, tous se retrouveront dans un opérateur unique. À titre d’exemple, le caractère complémentaire et indissociable des missions de la police de l’eau et de la nature et de la police de l’ONCFS ont été reconnus dans le rapport réalisé par le Conseil général de l’environnement et du développement durable – CGEDD –, qui a inspiré la création de l’AFB en dressant les contours de ce nouvel opérateur et en mettant à la disposition des acteurs une nouvelle organisation rationnelle et efficace des politiques publiques en matière de biodiversité.

Ensuite, en tant qu’élue des Côtes-d’Armor mais surtout du pays qui, grâce à ses territoires ultramarins, est la deuxième puissance maritime mondiale, je souhaite évoquer les avancées relatives à la biodiversité marine de notre pays, dont traite également ce texte. Il est indéniable qu’il nous faut progresser dans la connaissance des espaces océaniques et maritimes. Des dispositions permettront de pallier, à petite échelle, le manque de données sur la mer et les écosystèmes marins.

J’ai eu également l’occasion de défendre la création d’un rapport visant à évaluer l’impact environnemental et économique sur le littoral et l’écosystème marin des activités d’exploration des extractions minérales, car les exploitations concernent non seulement les sols, c’est-à-dire le substrat, mais aussi les espèces marines. Les dépeuplements peuvent être liés au changement physique des plages ou des substrats rocheux. Les coraux profonds, espèces essentielles présentes dans les talus ou les canyons, sont potentiellement menacés par ces phénomènes.

Enfin, je souhaiterais évoquer la question sensible des néonicotinoïdes. Plus de 85 % des espèces végétales sur terre s’appuient sur l’action des pollinisateurs. Il nous faut être exemplaires et précurseurs dans la lutte contre les produits qui non seulement détruisent notre biodiversité, mais ont aussi des conséquences lourdes sur l’être humain. La rédaction issue de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale me semble juste, équilibrée et lucide.

Je souhaite souligner l’implication et la persévérance de notre rapporteure. Je remercie Mme la secrétaire d’État, qui s’est beaucoup impliquée dans l’examen de ce long texte, qui fut long, mais aussi tous les collègues qui se sont tenus loin des groupes de pression. Ce texte est aussi attendu par les citoyens et je ne doute pas, madame la secrétaire d’État, que les décrets d’application seront pris d’ici à la fin de l’année – mais je suis peut-être trop optimiste !

Pour toutes ces raisons, mais aussi pour toutes celles qui ont déjà été exposées au cours des longues lectures précédentes, le groupe SER soutiendra sans réserve un texte pionnier, pragmatique et volontariste. La biodiversité n’attend plus et il est urgent d’appliquer les mesures de ce projet de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous examinons pour la quatrième fois le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité. Les débats furent, à n’en pas douter, passionnants et passionnés.

Si je ne partage pas le point de vue de tous les intervenants précédents, je dois reconnaître, madame la rapporteure, que votre engagement a été sans faille et que vous avez beaucoup travaillé sur le sujet, même si, à maints égards, vous ne m’avez pas convaincu.

Je viens me faire de nouveau, à cette tribune, le porte-parole de la ruralité.

M. Guillaume Chevrollier. Très bien !

M. Jean-Marie Sermier. Nos campagnes constituent un pan important et même essentiel de l’identité de notre pays. Elles sont aussi une partie de son avenir, pourvu qu’on ait une vision moderne, audacieuse et nouvelle de l’aménagement du territoire. Les territoires ruraux sont souvent oubliés, abandonnés, sacrifiés, car la priorité est toujours accordée aux métropoles. Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle à veiller à l’avenir de nos territoires ruraux,…

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Tout le monde y pense ! Moi aussi j’y pense !

M. Jean-Marie Sermier. …et nous y penserons aussi dans le cadre des débats qui s’ouvriront au printemps 2017.

Le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité aurait dû s’adresser d’abord à cette France rurale. Or, et probablement sans que vous le vouliez, madame la secrétaire d’État, il va à son encontre. En effet, j’ai acquis la conviction, au cours de nos précédents débats, que vous ne méprisez pas la ruralité. Vous n’y êtes pas hostile par principe, mais, en réalité, vous la connaissez mal. Vous en avez une vision stéréotypée, semblable à celle des documentaires télévisés. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Je vous inviterai à visiter mon territoire !

M. Jean-Marie Sermier. Vous imaginez des paysages, la faune et la flore, en oubliant que c’est aussi le cadre de vie quotidien de millions de nos compatriotes. Vous pensez, comme beaucoup, qu’on peut mettre les paysages et la ruralité sous cloche, ne plus y toucher et se contenter de les contempler. Mais si ces paysages sont aussi jolis et attrayants, c’est parce qu’un certain nombre de Français y travaillent au quotidien.

Mme Danielle Auroi. Vous n’êtes pas propriétaires de la ruralité !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Vous n’avez pas compris le projet de loi !

M. Jean-Luc Laurent. C’est pitoyable !

M. Jean-Marie Sermier. Vous oubliez tous ceux qui travaillent dans nos campagnes – les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs, les forestiers –, mais aussi tous ceux qui y vivent, même s’ils travaillent à la ville. Je le répète, ce sont eux les véritables amis de la nature.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Vous ne manquez pas de culot !

M. Jean-Marie Sermier. Je tiens à évoquer deux points importants du texte. D’abord, le principe de non-régression est un OVNI juridique consistant à affirmer dans la loi que la protection de l’environnement ne pourra faire l’objet que d’améliorations et que toutes les dispositions prises aujourd’hui sont immuables.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Non, il s’agit simplement d’un principe de non-régression !

M. Jean-Marie Sermier. Quelle prétention vis-à-vis des générations futures ! En effet, cela revient à dire que nous sommes plus intelligents qu’elles, que notre législation est parfaite, qu’elle répond à tous les problèmes d’aujourd’hui et surtout à ceux de demain, donc qu’il ne faudra plus jamais y toucher.

M. David Douillet. Absolument !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Quelle interprétation vicieuse !

M. Jean-Marie Sermier. Sur la forme, ce principe pose un sérieux problème juridique. Vous inscrivez dans la loi, non pas une règle de droit, mais une ambition. Elle est louable, mais abstraite et subjective.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Jean-Marie Sermier. Or le Parlement est souverain. Aujourd’hui comme demain, nos successeurs, députés et sénateurs, seront libres. Nous n’avons pas le droit de leur mettre des chaînes aux pieds. Je vous annonce donc que le groupe Les Républicains déposera un recours devant le Conseil constitutionnel pour démontrer l’inconstitutionnalité du principe de non-régression.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

M. Jean-Marie Sermier. J’en viens au fameux article 51 quaterdecies, qui prévoit d’interdire aux agriculteurs l’usage de produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes pour protéger leurs cultures.

Mme Danielle Auroi et M. Gérard Bapt. Ah !

M. Jean-Marie Sermier. Il suscite bien des passions – j’entends d’ailleurs l’hémicycle s’échauffer – mais cette question requiert du pragmatisme. Il ne faut pas croire qu’il existe des partisans fanatiques des néonicotinoïdes, qui prendraient plaisir à en répandre le plus possible sur les cultures. Soyons sérieux ! Personne ne nie les effets indésirables de ces substances.

M. Gérard Bapt. Ah !

M. Jean-Marie Sermier. Simplement, il faut bien se prémunir contre les maladies agricoles et protéger les récoltes. Cette année, par exemple, les conditions météorologiques ont créé de vrais problèmes. Il convient également de sécuriser les agriculteurs et leurs familles.

La situation est finalement comparable à celle des médicaments : personne n’aime en prendre, les effets secondaires sont connus, mais ils sont nécessaires pour combattre la maladie.

M. Guillaume Chevrollier. C’est du bon sens !

M. Jean-Marie Sermier. Nul doute que le quatrième examen de ce texte nous donnera l’occasion de revenir sur des éléments importants. Ce que nous vous demandons, madame la secrétaire d’État – et vous l’avez sans doute compris –, c’est tout simplement de ne pas fragiliser la production agricole dès 2018 et de laisser encore un peu de place à la négociation entre les agriculteurs, qui sont raisonnables, les chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique – INRA – et l’ensemble des pouvoirs publics, dont le rôle est évidemment d’améliorer la protection de l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, chers collègues, enfin, nous clôturons l’examen de ce texte qui, s’étant installé dans la durée, n’en a été que plus complexe, cumulant les approximations, les contradictions et les pis-aller.

M. François-Michel Lambert. Arrêtez !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Mais que racontez-vous ?

M. Bertrand Pancher. Sa genèse fut poussive : issu d’une promesse faite en 2012 par le Président de la République, il fut présenté en conseil des ministres en 2014 seulement. Son examen fut laborieux, s’étalant de 2014 à aujourd’hui, sans parler de la publication des décrets d’application. Nous verrons ce qu’il restera de ce texte dans quelques mois. Dès lors, tous les éléments étaient réunis pour un enlisement en règle. Et nous fûmes servis.

En effet, si l’esprit des commissions fut constructif – je salue l’engagement de notre collègue Geneviève Gaillard –, il n’en fut pas de même au niveau gouvernemental. Néonicotinoïdes, préjudice écologique, chasse : autant de dossiers sur lesquels les ministères, le Gouvernement et sa majorité n’ont cessé de s’opposer. Quelle ruche, madame la secrétaire d’État ! D’ordres en contre-ordres, d’atermoiements en revirements, nos discussions furent ainsi privées de la sérénité et de la consistance qui leur étaient dues étant donnés les enjeux.

Que dire également des débats, qui se sont évertués à opposer l’ensemble des acteurs concernés, mettant constamment dos à dos agriculteurs, chasseurs et organisations environnementales.

M. François-Michel Lambert. Mais non !

M. Bertrand Pancher. Pourtant, ce texte se devait de concilier les avis de chacun car, personne n’en doute ici, tous ont aujourd’hui conscience des enjeux de la biodiversité et tous veulent consentir des efforts en sa faveur. Tous les acteurs ont compris que développement économique et développement durable sont totalement compatibles. Oublié, l’esprit du Grenelle de l’environnement ; oubliées, également, son envergure et ses mesures innovantes !

Car que dire enfin du manque d’ambition qui a prévalu à nos débats ? Je prendrai l’exemple de la pêche en eaux profondes, madame la secrétaire d’État. Il y a quelques instants, ici même, vous avez revendiqué les avancées en la matière : les bras nous en tombent !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’était un combat de longue haleine !

M. Bertrand Pancher. Je me suis beaucoup battu sur ce dossier et cela aura servi, mais sans doute hors de notre hémicycle, où fut balayé l’amendement visant à interdire cette pêche ennemie de la biodiversité, que j’avais réussi à faire adopter en commission. Eh bien, ce que nous avons refusé de décider au niveau national a été décidé au niveau européen, mon intervention sur ces bancs, à côté de celles d’autres collègues, ayant participé à réveiller le débat à Bruxelles et à aboutir enfin, après plusieurs années de combat des ONG, à l’interdiction de cette pêche destructrice. Nous aurions pu avoir un coup d’avance : encore raté ! Tant est si bien qu’aujourd’hui il ne faut pas s’étonner si, à nouveau, la montagne accouche d’une souris. Ce texte, trop approximatif et véritable patchwork, n’assure pas les fondations solides indispensables à une vraie protection de la biodiversité.

Heureusement, au milieu d’une cacophonie législative généralisée, nous avons réussi à sauver quelques meubles : je pense notamment à la suppression de la taxe sur l’huile de palme. Certes, ce texte contient certaines avancées, voire des avancées certaines, dont, outre quelques principes, la meilleure prise en compte des spécificités de nos départements et collectivités d’outre-mer, ce dont nous nous félicitons. Cependant le groupe UDI, à l’instar de nombreux acteurs de terrain, reste extrêmement dubitatif sur un trop grand nombre de points.

Nous sommes désolés de la position finale adoptée sur les néonicotinoïdes. Alors que le groupe UDI avait ardemment défendu une position équilibrée et de bon sens, que nous étions près d’atteindre, à savoir une interdiction progressive, en fonction des alternatives connues et moins nocives que les produits néonicotinoïdes, et que l’amendement adopté au Sénat répondait à nos attentes, tout a été remis en cause par votre amendement, madame la rapporteure, fixant une interdiction au 1er septembre 2018. On marche sur la tête ! Il est encore temps de retrouver l’équilibre. Comment allons-nous expliquer aux agriculteurs, qui subissent une des moissons sans doute les plus pourries de leur histoire, que demain toute forme de traitement sera interdite en l’absence de produit de substitution ? Allez le leur expliquer, madame la secrétaire d’État et chers collègues.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Vous exagérez ! Vous avez bien changé en deux ans !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Sommes-nous à l’assemblée générale de la FNSEA ?

M. Bertrand Pancher. Il est encore temps de retrouver l’équilibre. Si nous le faisons dans quelques instants, je changerai mon vote.

Mme la présidente. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Bertrand Pancher. Considérant que nos deux ans de travaux n’ont pas permis de faire évoluer ce texte pour en faire une vraie grande loi sur la biodiversité, et que celui-ci n’est surtout qu’un agglomérat de postures et de mesures plus ou moins applicables, voire complètement irréalistes, le groupe UDI a prévu de voter contre, sauf, je le répète, si l’examen de l’amendement sur les néonicotinoïdes permet de faire évoluer le texte sur cette question. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Claireaux.

M. Stéphane Claireaux. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après plusieurs années d’attente et d’examen parlementaire, nous nous apprêtons à mettre un point final à l’écriture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Après les cols de montagne et les contre-la-montre, des chutes et de belles victoires acquises parfois au sprint, ce texte important revient dans notre hémicycle pour l’ultime étape d’un parcours chaotique et chahuté.

Depuis son premier examen en juin 2014 – il y a plus de deux ans –, nous en sommes aujourd’hui à la onzième version du texte. Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je veux saluer encore une fois l’engagement et la détermination des acteurs impliqués dans l’examen de ce projet de loi. Je pense notamment aux associations ainsi que, dans notre hémicycle, aux députés sincèrement intéressés, voire passionnés par ces sujets, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.

L’examen n’a pas toujours été facile mais, après des milliers d’amendements débattus et des allers-retours féconds entre l’Assemblée nationale et le Sénat, nous avons abouti à des compromis équilibrés qui nous paraissent acceptables. Un travail de fond a été effectué et je ne doute pas que la biodiversité sera mieux protégée après la promulgation de la loi, laquelle prend également en compte les attentes légitimes des acteurs quotidiens de la biodiversité que sont les paysans ou les chasseurs.

Nous l’avons déjà dit ici : les députés du groupe RRDP sont conscients de l’enjeu fondamental que représente la préservation de la biodiversité pour l’avenir de notre pays et de la planète. Toutefois, sur ce sujet, comme sur beaucoup d’autres, nous pensons qu’une seule boussole doit nous guider : une boussole scientifique. Au-delà des clivages partisans, nous pouvons nous rassembler sur des points de consensus. Car, au sens propre comme au sens figuré, la préservation de la biodiversité, dont la dégradation continue est préoccupante, est un enjeu vital.

Du fait de la diversité de ses paysages, de ses côtes et de sa présence dans de nombreux territoires sur la planète – je pense en particulier à nos territoires d’outre-mer –, la France est le cinquième point chaud de la biodiversité mondiale. Nous avons incontestablement une responsabilité particulière pour ce qui est de relever les défis des relations entre les écosystèmes et les êtres humains. La principale problématique consiste à trouver les bonnes réponses pour concilier ensemble développement économique, respect des écosystèmes et soutien de tous les acteurs de la biodiversité.

La biodiversité, richesse patrimoniale et moteur économique, est certes aujourd’hui de plus en plus menacée par la surexploitation, la destruction et la fragmentation des habitats, l’introduction d’espèces envahissantes et les pollutions. Toutefois, ces menaces ne doivent pas nous empêcher de trouver des régulations intelligentes pour nous donner les moyens de fonder des compromis qui protègent la nature tout en respectant la culture et l’homme.

Le projet de loi contient de nombreuses avancées et nous le soutenons. Durant les navettes, nous avons trouvé des points de compromis équilibrés et des articles ont été adoptés conformes par dizaines. Il reste cependant des points de divergence importants sur le principe de non-régression, les réserves naturelles, la définition du préjudice écologique, la préservation de nos beaux chemins ruraux ou le zonage prioritaire pour la biodiversité.

Je n’oublie pas la question à la fois complexe, médiatique et polémique des modalités de l’interdiction des néonicotinoïdes. Notre groupe soutient majoritairement un compromis sur une interdiction progressive avec une mission pérenne de vigilance donnée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Cette interdiction ne peut pas raisonnablement s’appliquer partout et immédiatement sans concertation ni expertise scientifique préalables. Nous sommes tous d’accord pour reconnaître que nous devons interdire à terme les néonicotinoïdes, mais progressivement et une fois les produits de substitution disponibles, même si ces produits sont plus chers. Il serait irresponsable d’ordonner à un agriculteur de rester passif devant la dévastation de ses cultures, sans lui proposer aucune solution.

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. Stéphane Claireaux. Si plusieurs dispositions nous placent dans l’inconfort, nous voterons toutefois le projet de loi et nous espérons pouvoir prochainement assurer la promotion des meilleures mesures dans nos circonscriptions.

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous entamons aujourd’hui la dernière lecture du projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Après l’échec, assez prévisible, de la commission mixte paritaire, et une nouvelle lecture, la procédure législative veut que notre assemblée reprenne le texte issu de la nouvelle lecture, en intégrant, si elle le souhaite, les amendements adoptés par le Sénat à ce même stade.

Nous avons déjà eu l’occasion de le dire : le dernier texte adopté par l’Assemblée nationale nous convient et nous voterons donc son adoption définitive.

Bien sûr, ce n’est pas la loi historique qu’attendaient nombre d’associations environnementales, quarante ans après la loi de 1976 sur la protection de la nature et alors que tous les signaux sont au rouge. Si nous ne nous sommes pas parfaitement hissés à la hauteur des enjeux, nos débats auront néanmoins permis d’enregistrer des avancées importantes. Ainsi, l’inscription dans le code civil du principe de réparation des atteintes à l’environnement, que j’ai défendu avec une poignée de collègues socialistes, représente un progrès considérable. Il faudra désormais veiller à ce que ce principe devienne effectif en précisant à la fois le contenu de la notion de préjudice écologique et l’étendue de l’intérêt à agir.

Au titre des autres avancées essentielles, retenons l’adoption du principe de non-régression du droit de l’environnement. L’inscription de ce principe est essentielle dans le contexte que nous connaissons, alors que tant d’élus de droite clament haut et fort leur mépris pour l’écologie et la protection de l’environnement. Je tiens également à remercier ceux de nos collègues qui ont permis l’adoption, contre l’avis du Gouvernement, d’amendements permettant une représentation plus juste et plus équitable des outre-mer dans la gouvernance de la biodiversité. Madame la secrétaire d’État, vous l’aurez compris : une fois n’est pas coutume.

Parmi les autres mesures que nous saluons, je mentionnerai, bien entendu, la ratification du protocole international de Nagoya, qui réglemente l’accès aux ressources génétiques naturelles et le partage de leur utilisation, ou encore la création de zones de conservation halieutique et d’espaces de continuité écologique.

Nous relevons enfin les avancées concernant la non-brevetabilité du vivant. Une disposition, qui a été définitivement adoptée, inscrit dans la loi l’interdiction de breveter les produits issus de procédés essentiellement biologiques, ainsi que les parties et les composantes génétiques de ces produits. Nous saluons également, dans le même esprit, l’autorisation de la cession, de la fourniture ou du transfert de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public.

Pour finir sur ce volet positif, la défense des fonds marins aura progressé, au-delà même de l’interdiction du chalutage au-dessous de 800 mètres de profondeur, que j’avais vivement défendue, et qui a été décidée par l’Europe. C’est un progrès indiscutable.

À côté de ces points positifs, nous sommes nombreux à regretter les reculs opérés sur le dossier des néonicotinoïdes, d’une part, et la taxation de l’huile de palme, d’autre part. Dans le premier cas, les dérogations de portée générale conduiront à repousser de fait l’interdiction de deux ans. Nous connaissons pourtant la nocivité de ces produits et l’urgence qu’il y avait – et qu’il y a toujours – à agir. Concernant la taxe additionnelle sur l’huile de palme, dite « taxe Nutella », il s’agissait non seulement d’une mesure de justice fiscale mais surtout d’une mesure de bon sens, compte tenu des effets dévastateurs de la production de ces huiles en termes de déforestation.

Au terme de la discussion de ce texte, il est indispensable de garder à l’esprit que beaucoup reste à faire pour enrayer le déclin inexorable de la biodiversité. C’est seulement une fois ce déclin enrayé que nous pourrons parler véritablement de reconquête. Nous n’en sommes pas encore là. Nous marquons quelques points au sprint intermédiaire, si je puis dire, mais la ligne d’arrivée n’est pas franchie, loin de là.

Pour finir, je tiens à remercier les membres du Gouvernement chargés de ce dossier, Mmes Ségolène Royal et Barbara Pompili, qui ont su faire preuve d’une grande qualité d’écoute. Je tiens aussi à remercier notre rapporteure, Mme Geneviève Gaillard, pour sa détermination et la conviction avec laquelle elle a su défendre la cause de la biodiversité. Je la remercie tout particulièrement d’avoir compris l’impérieuse nécessité de penser ce texte avec les outre-mer, dans laquelle est concentrée pas moins de 80 % de la biodiversité nationale – c’est assez rare pour être souligné.

Sans aucune hésitation, le groupe GDR votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Reconquête de la biodiversité

(texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture)

Mme la présidente. J’appelle d’abord, conformément à l’article 114, alinéa 3, du règlement, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

J’invite l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement, cosigné par l’ensemble des députés du groupe Les Républicains, traite de la réparation du préjudice écologique. Il vise notamment à rédiger ainsi l’article 1386-19 du code civil : « Toute personne responsable d’un dommage anormal causé à l’environnement est tenue de réparer le préjudice écologique qui en résulte. » L’article 1386-20 du même code disposerait : « La réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature. Elle vise à supprimer, réduire ou compenser le dommage. » Je ne ferai pas la lecture complète de cet amendement. Il consiste en fait à rétablir le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat, lequel avait trouvé une écriture équilibrée et pragmatique sur le sujet sensible du préjudice écologique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous avons déjà longuement discuté de la rédaction de l’article 2 bis. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement car l’écriture de l’Assemblée nationale est plus claire, plus précise et ne sera pas source de flou.

(L’amendement n26, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n24.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Amendement de coordination.

(L’amendement n24, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 19 et 23.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n19.

Mme Laurence Abeille. Je remercie la rapporteure, Mme Geneviève Gaillard, le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, M. Jean-Paul Chanteguet, la secrétaire d’État, Mme Barbara Pompili, et tous les parlementaires qui ont activement contribué, depuis des années, à enrichir ce projet de loi.

L’amendement n19 rend hommage aux organisations de protection de l’environnement, qui ont été des partenaires très importants, très précieux, dans le cadre de l’élaboration de ce texte et de nos réflexions. Nous souhaitons que les plans nationaux d’action pour la conservation ou le rétablissement des espèces puissent être fondés non seulement sur les données des instituts scientifiques compétents, mais également sur celles des organisations de protection de l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement identique n23.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Même argumentation.

Mme la présidente. J’imagine donc, madame la rapporteure, que vous êtes favorable à l’amendement n19, puisqu’il est identique au vôtre.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Bien sûr, madame la présidente. (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Avis favorable. Cet amendement, adopté par le Sénat, me semble très bienvenu.

Mme la présidente. La parole est à M. David Douillet.

M. David Douillet. Les associations de protection de la nature sont encore une fois placées dans une situation de conflit d’intérêts manifeste, nous l’avions déjà dénoncé lors des lectures précédentes. Les associations dites scientifiques, en particulier l’ONCFS, sont tout à fait aptes à produire les données sur la base desquelles les plans d’action sont élaborés. Elles le font d’ailleurs formidablement bien, depuis des années, sans que personne n’y trouve à redire.

Pour employer une métaphore qui va peut-être vous faire sourire, cet amendement va faire entrer le renard dans le poulailler. (Sourires. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. David Douillet. Il va en effet inclure des associations totalement opposées au principe de régulation des espèces, des associations clairement anti-chasse, disons-le, dans le processus d’élaboration des plans d’action. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Daniel Fasquelle. Eh oui, bien sûr ! C’est ce qui va se passer ! Vous le savez très bien !

M. David Douillet. Ces associations pourront interpréter différemment les données, modifier les comptages relatifs à l’évolution des espèces et ainsi affaiblir le principe de la régulation, vertueux pour l’équilibre des espèces, la chaîne alimentaire et la biodiversité.

M. Daniel Fasquelle. Très bien !

(Les amendements identiques nos 19 et 23 sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement n38.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis cohérente car, lors des lectures précédentes, j’ai déjà déposé cet amendement à l’article 4 ter, afin de rétablir la rédaction adoptée par le Sénat.

Il s’agit de faire en sorte qu’un brevet légitimement accordé à une invention relative à une information génétique ne s’étende pas à la même information génétique qui aurait été obtenue par la voie classique, historique, traditionnelle, c’est-à-dire par croisement ou sélection. La rédaction actuelle pourrait laisser entendre le contraire.

Par nature et par fonction, le secteur des semences exerce un travail de recherche génétique – c’est vieux comme le monde, cela date de la création de l’agriculture. Il me semble compliqué d’interdire ce qui se pratique depuis longtemps, notamment en matière de certificats d’obtention végétale, pour la seule raison que nous aurions peur du brevet.

Il convient de ne pas décourager cette filière économique française puissante, la deuxième du monde, dont le chiffre d’affaires annuel atteint 4 milliards d’euros, dont 1,6 milliard d’euros d’excédent commercial à l’international. Aucun autre pays du monde ne détient aujourd’hui une telle puissance. Cette filière contribue largement au maintien d’une présence économique et humaine forte sur l’ensemble du territoire national, notamment dans les campagnes.

De plus, je tiens à le dire, la filière semencière française, dont l’histoire est très ancienne, contribue à l’enrichissement de la biodiversité cultivée, qui est utile à l’alimentation humaine et a permis à l’agriculture de se déployer, depuis la naissance du concept même d’agriculture.

La sélection variétale par la méthode traditionnelle étamine-pistil et son optimisation, au XXsiècle, grâce à la découverte des lois de Mendel, ont permis des avancées considérables et l’essor d’une filière semencière française dynamique, puissante et reconnue au niveau international.

Les États-Unis n’ont pas du tout effectué les mêmes choix puisqu’ils optent pour les OGM, avec une tendance à l’uniformisation des productions, avec une semence unique, un gêne unique dans de nombreux écosystèmes différents.

Mme la présidente. Merci de conclure, ma chère collègue.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Au contraire, la filière semencière française s’adapte aux écosystèmes, à la culture, à l’alimentation et aux traditions locales.

C’est pourquoi je souhaite rétablir la rédaction précédente de l’article 4 ter, comme je l’ai déjà demandé lors des lectures précédentes.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Notre commission et notre assemblée ont déjà repoussé cet amendement. Je rappellerai rapidement que la rédaction actuelle de l’article 4 ter permettra aux agriculteurs de cultiver des produits présentant des caractères biologiques importants, obtenus par multiplication et par procédé biologique, sans que ces produits ne tombent sous le coup d’un éventuel brevet ayant été déposé antérieurement sur les mêmes informations génétiques. Il est crucial de laisser nos agriculteurs travailler dans de bonnes conditions – c’est la position que nous défendons sur tous les bancs, M. Sermier l’a souligné tout à l’heure.

Comme je l’ai déjà dit la dernière fois, l’amendement n38 est un amendement des semenciers. Or l’article 4 ter n’enlèvera rien aux semenciers, qui pourront continuer de travailler comme ils le font actuellement. C’est pourquoi je vous demande de rejeter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. La position du Gouvernement sur ce sujet est constante : il s’agit d’un débat d’experts ; aussi, les deux positions peuvent se défendre. Dans ces cas-là, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée nationale, qui prend toujours la meilleure décision.

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je soutiens l’amendement de Mme Le Dain, qui devrait vous satisfaire, madame la rapporteure, car, en définitive, il limite la portée du brevet.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Pas du tout !

M. Antoine Herth. Nous autres Européens, défenseurs du certificat d’obtention végétale, ce que nous reprochions au brevet, c’est qu’il comporte un risque de captation par des entreprises privées d’un bien génétique qui est aussi un bien commun, comme vous l’avez affirmé d’une certaine façon, madame Gaillard. Or l’amendement de Mme Le Dain limite la portée du brevet et rapproche la législation de notre culture européenne, selon laquelle la génétique doit rester un bien ouvert.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ce n’est pas vrai ! Ce sont deux sujets différents !

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’amendement de Mme Le Dain ne traite que de la question des brevets sur une matière biologique dotée de propriétés, et non du thème que vous avez développé, monsieur Herth. Effectivement, il s’agit d’un débat d’experts, d’un débat compliqué. Tel qu’il a été voté par l’Assemblée nationale, l’article 4 ter permet véritablement de clarifier un certain nombre de choses en matière d’informations génétiques.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Non !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il faut donc absolument maintenir sa rédaction actuelle.

(L’amendement n38 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n14.

M. Martial Saddier. Cet amendement vise à supprimer l’article 7 ter A, aux termes duquel le Gouvernement devrait remettre au Parlement un rapport, un de plus. Nous ne sommes pas obligés de multiplier les demandes de rapports, dans tous les textes. Mon collègue Tardy et moi-même ne remettons pas en cause le bien-fondé d’un inventaire de l’utilisation des recettes de la part départementale de la taxe d’aménagement destinée à financer les espaces naturels sensibles. Cependant, la représentation nationale peut tout à fait s’organiser pour obtenir ces données sans demander un rapport.

(L’amendement n14, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n22.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Amendement de coordination.

(L’amendement n22, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 1, 8, 17 et 37.

La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement n1.

M. Philippe Plisson. Il convient de garantir les règles de transparence et de concertation encadrant la création de réserves naturelles à compter du 1er juillet 2016. Tous les acteurs concernés, y compris ceux qui ont des activités en lien avec la nature, doivent être mis autour de la table. Nous demandons un élargissement de la concertation car la rédaction actuelle de l’article 32 bis AA nous paraît trop restrictive.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement identique n8.

M. Gilles Lurton. Cet amendement vise en effet à organiser une concertation avec les utilisateurs habituels pour toutes les réglementations et interdictions relatives aux réserves naturelles créés à compter du 1er juillet 2016 ou dont le périmètre sera modifié à compter de cette date. Il s’agit de garantir une réelle transparence des règles qui encadrent la création des réserves naturelles, en particulier pour les initiateurs de ces réserves – principalement les services de l’État – et les utilisateurs habituels des territoires concernés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement identique n17.

Mme Jeanine Dubié. Comme cela vient d’être dit, cet amendement tend à améliorer la concertation entre les instances à l’origine des réserves naturelles, en particulier les services de l’État, et les utilisateurs habituels des territoires concernés, en vue de garantir et de renforcer les règles de transparence encadrant la création des réserves naturelles. La transparence des décisions administratives étant souhaitée par la très grande majorité de la population, il nous semble raisonnable d’organiser une consultation préalable aux procédures d’enquête publique, dont le formalisme et la rigidité peuvent faire obstacle à l’expression de l’avis des utilisateurs concernés.

Mme la présidente. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement identique n37.

M. David Douillet. Je ne vous ferai pas l’affront, madame la rapporteure, d’affirmer qu’il faut étendre la discussion et la transparence à ceux qui connaissent le mieux le terrain et s’efforcer d’être réellement objectif dans cette affaire. Or ceux qui connaissent le mieux ces zones, y compris les espaces naturels protégés, sont ceux qui les pratiquent le plus, c’est-à-dire les 1,3 million de chasseurs français, qui protègent la nature chaque jour.

Mme Isabelle Attard. Et pas ceux qui travaillent dans les parcs naturels ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable. La concertation ayant déjà eu lieu, il est inutile d’en prévoir une autre dans la législation, d’autant qu’elle est l’essence même de la création et de l’organisation des réserves naturelles. Quant aux « utilisateurs habituels », faute de définition précise, j’ignore de qui il s’agit.

(Les amendements identiques nos 1, 8, 17 et 37, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Douillet, pour soutenir l’amendement n36.

M. David Douillet. Cet amendement a pour objet de consacrer la reconnaissance des missions de conservation de la biodiversité des parcs zoologiques, qui concourent à l’éducation du public et à la culture de la biodiversité. Supprimé en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, cet article a été réintroduit par le Sénat.

De nombreux emplois sont en jeu dans les parcs zoologiques, dont certains ont bien du mal à vivre, leur modèle économique demeurant tendu et fragile. La vocation d’éducation et de respect de la nature y fonctionne à plein.

Je rappelle une fois de plus à tous nos collègues que l’on ne peut protéger que ce que l’on connaît, ce que l’on voit. Si les fonds marins de Méditerranée ont été saccagés, c’est tout simplement parce qu’on ne mettait pas la tête sous l’eau jusqu’à une certaine époque. Ce qu’on connaît, ce qu’on voit, on le protège et on le prend en considération, c’est humain. Telle est aussi la vocation des parcs zoologiques.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’Assemblée nationale a déjà repoussé cet amendement. Monsieur Douillet, il n’est pas nécessaire de rappeler que les parcs zoologiques participent à la préservation de la biodiversité car l’arrêté du 25 mars 2004 auquel sont soumis ces établissements les y oblige pratiquement, en leur assignant une mission de recherche et de maintien de la biodiversité. Puisque la loi ne doit pas être bavarde, il n’y a aucune raison d’adopter un tel amendement.

Un autre problème se pose sans doute, celui de la TVA, auquel cas il faudra revenir sur ce sujet dans le cadre du projet de loi de finances.

Mme Isabelle Attard. Exactement !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Quoi qu’il en soit, la commission a émis un avis défavorable.

(L’amendement n36, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n9.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement vise à ajuster la rédaction des dispositions relatives à l’articulation entre les obligations réelles environnementales et les droits des tiers. Il précise le dispositif, garantit la préservation des droits liés à l’exercice de la pêche et supprime l’obligation faite au preneur de bail rural, introduite à l’Assemblée nationale, de motiver un refus en vue de préserver sa liberté.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement supprime l’obligation faite au preneur de bail rural de motiver un refus de mise en œuvre d’une obligation réelle environnementale, au motif qu’il convient de préserver sa liberté. Mais l’obligation de motivation introduite par l’Assemblée nationale n’affecte en rien la liberté du preneur de bail, qui sera toujours libre d’accepter ou de refuser une obligation réelle environnementale – cela découle d’ailleurs du droit des contrats. L’obligation de motivation, courante dans le droit français, a pour seul objet d’éviter le refus de principe. En outre, en cas de litige, le juge n’appréciera pas la validité du motif de refus mais se bornera à vérifier que le refus est bien assorti d’un motif, même brièvement exposé. Pour toutes ces raisons, nous avons émis un avis défavorable.

(L’amendement n9, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n21.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Amendement de coordination.

(L’amendement n21, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n15.

M. Martial Saddier. Il est défendu.

(L’amendement n15, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 20, 27 et 31.

La parole est à M. Jean-Yves Caullet, pour soutenir l’amendement n20.

M. Jean-Yves Caullet. Nous avons déjà largement débattu de ce sujet. Je souligne, après Mme la secrétaire d’État, la convergence à propos de l’interdiction des néonicotinoïdes : les différentes versions proposées prévoient une interdiction totale en 2020, précédée d’une interdiction progressive à partir de 2018. La version que nous défendons est celle du Sénat ; elle présente à mes yeux un certain nombre d’avantages, que je soumets à votre jugement et votre suffrage, chers collègues.

Tout d’abord, confier la prise de décision à l’ANSES est conforme aux dispositions de la LLAF, la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Cela offrira en outre une meilleure garantie technique de substitution aux pratiques agricoles, comme la culture des betteraves, des céréales d’hiver ou des noisettes, qui, comme me l’a indiqué notre collègue Régine Povéda, dépendent grandement de l’utilisation de ces produits et comptent bien s’en passer à mesure que seront mises au point des techniques nouvelles.

Cette version présente également l’avantage d’être compatible avec les processus dont nous pouvons espérer la mise en place en Europe.

Enfin, et ce n’est pas son moindre avantage à mes yeux, afficher vis-à-vis de nos concitoyens et de nos agriculteurs une convergence entre le Sénat et l’Assemblée, aux majorités divergentes mais convergentes vers ce même objectif, conférera au dispositif bien plus de solidité qu’une interdiction assortie de dérogations administratives dépendant uniquement du pouvoir exécutif.

Voilà pourquoi je souhaite que soit mis aux voix le retour à la rédaction sénatoriale en la matière.

M. Bertrand Pancher. C’est du bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement identique n27.

M. Jean-Louis Costes. Il s’agit d’un sujet très important. L’interdiction des néonicotinoïdes, si elle était appliquée, constituerait une véritable catastrophe. Ce sujet, je l’ai déjà dit, est dominé par l’émotion et la polémique. Nous sommes tous des défenseurs des abeilles mais il ne faut pas tout mélanger. Nous proposons donc de revenir à l’interdiction progressive votée par le Sénat. Si l’interdiction était appliquée dès aujourd’hui, cela provoquerait un cataclysme dans certaines filières agricoles comme celles de la fraise, du pruneau et de la noisette, pour lesquelles il n’existe aucun produit de substitution. En outre, le Gouvernement envisage d’interdire toute une famille chimique alors que l’ANSES et l’Union européenne ont prouvé que certains produits de cette famille sont sans conséquences sur les abeilles. Nous demandons simplement un peu de bon sens. Nous sommes d’accord sur le principe mais demandons d’en étaler l’application dans le temps.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel, pour soutenir l’amendement identique n31.

M. Jean-Jacques Cottel. Cet amendement privilégie effectivement une démarche pragmatique et volontaire en matière d’interdiction des néonicotinoïdes. Il me semble intéressant de se donner deux années supplémentaires, sachant que ces substances, à terme, devront être abandonnées. Je suis moi aussi élu dans une circonscription agricole où les agriculteurs sont très sensibles à ce problème mais souhaitent, afin de continuer à exercer leur activité économique dans les meilleures conditions, qu’on leur donne deux années supplémentaires avant de trouver un produit de substitution. Je préconise donc une interdiction définitive des néonicotinoïdes en 2020.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ces amendements visent à modifier la rédaction de l’article adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture en reprenant celle adoptée par le Sénat en nouvelle lecture, qui rétablissait en la complétant celle adoptée par les sénateurs en deuxième lecture. Ils ont donc parcouru tout un chemin, nous en avons largement discuté. Ils prévoient que l’ensemble des produits contenant des néonicotinoïdes demeurent autorisés jusqu’au 1er juillet 2020, à l’exception de ceux interdits par l’ANSES entre le 1er juillet 2018 et le 1er juillet 2020.

L’amendement que nous avons adopté à l’Assemblée nationale « suit une logique inverse », selon les termes de l’auteur de l’amendement sénatorial. Il prévoit en effet une interdiction générale des produits contenant des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018 et dispose que des dérogations pourront être accordées jusqu’au 1er juillet 2020, par un arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé. Je rappelle que la rédaction adoptée à l’Assemblée a recueilli dans notre hémicycle un soutien appuyé de la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, et de la secrétaire d’État Barbara Pompili, ici présente. J’émettrai à nouveau un avis défavorable sur les amendements présentés par MM. Caullet, Costes et Cottel, pour trois raisons qui nous avaient déjà conduits à les repousser.

Tout d’abord, il ne convient pas, selon nous, que le législateur se décharge sur l’ANSES de décisions qui ne sont pas seulement techniques mais aussi très politiques.

Ensuite, en raison des propriétés de systémie et de persistance des néonicotinoïdes, les mesures d’interdiction partielle et de réduction des risques prises jusqu’alors n’ont pas eu d’effets suffisants pour réduire l’intoxication chronique non seulement des êtres vivants mais aussi de l’environnement. Seule la mise en place dès 2018 d’une interdiction étendue à ces produits phytopharmaceutiques et évidemment assortie de dérogations va dans le bon sens.

Enfin, la rédaction de l’amendement adopté au Sénat pose toute une série de problèmes rédactionnels et juridiques, que je n’énumérerai pas maintenant mais dont nous pourrons discuter ultérieurement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Nous sommes à un moment important du débat. Le Gouvernement émettra un avis défavorable sur ces amendements. La rédaction sénatoriale n’est pas mauvaise en elle-même car elle a émergé des débats et a été proposée au Sénat par le Gouvernement lui-même au titre de compromis. Toutefois, celui-ci a considéré, lors de la dernière lecture, que la rédaction proposée par Geneviève Gaillard et Jean-Paul Chanteguet, président de la commission, était meilleure à certains égards.

Tout d’abord, la mise en place d’une interdiction dès 2018 constitue un message clair et donne une direction : tout le monde saura où l’on va ; or il est important de ne pas rester dans le flou.

Ensuite, c’est ce qu’attendent nos concitoyens, puisque près de 700 000 personnes ont signé une pétition demandant l’interdiction de ces produits. Nous devons nous préoccuper de la protection de l’environnement, de la sauvegarde des pollinisateurs et de la santé des personnes, en particulier des agriculteurs eux-mêmes. En France, je le rappelle, plus d’1 million de professionnels du secteur agricole sont potentiellement exposés aux pesticides. Nous savons que les données manquent. C’est le sens de l’autosaisine de l’ANSES, qui date de 2011, pour mener une expertise collective visant à évaluer ces risques ; le rapport sera publié à l’automne. Dans cet esprit, avec Ségolène Royal et Marisol Touraine, j’ai aussi saisi l’ANSES, en avril, à propos de l’évaluation de l’impact sur la santé publique des produits phytosanitaires contenant des néonicotinoïdes ; ce rapport est attendu à la fin de l’année.

Enfin, c’est très important, le texte issu de la dernière lecture de l’Assemblée prévoit que des dérogations, qui prendront fin en 2020, pourront être délivrées par arrêté interministériel – cela relève donc de la responsabilité du politique – pour des usages concernant des filières agricoles pour lesquelles aucune alternative plus satisfaisante n’existe. Car oui, il faut que nous accompagnions nos agriculteurs dans cette transition, qui peut être plus ou moins simple selon les types de culture et peut donc nécessiter des adaptations. C’est pourquoi ces dérogations sont importantes. Et elles ne sont pas fondées sur rien, mais sur l’avis scientifique de l’ANSES, une agence en laquelle le Gouvernement – et tout le monde ici, je crois –, a entière confiance.

Je suis donc défavorable à cet amendement. Telle est la position du Gouvernement, encore soutenu aujourd’hui même par le Président de la République.

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. D’abord, je veux rendre hommage au travail de l’Assemblée nationale, puisque le projet de loi relatif à la biodiversité initialement présenté par le Gouvernement ne contenait aucune disposition sur les pollinisateurs et sur les néonicotinoïdes.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. C’est vrai !

Mme Delphine Batho. C’est le travail parlementaire qui a permis d’introduire cette disposition. En première lecture, madame la secrétaire d’État, le Gouvernement, alors opposé à l’interdiction, parlait d’ailleurs de territoires d’expérimentation, mais les députés ont bien voté l’interdiction des néonicotinoïdes.

Mme Isabelle Attard. Partout !

Mme Delphine Batho. Permettez-moi de saluer les collègues avec lesquels nous avons beaucoup travaillé : Jean-Paul Chanteguet et Gérard Bapt, ainsi que Viviane Le Dissez et la rapporteure, Geneviève Gaillard, ma voisine des Deux-Sèvres. Je salue aussi le travail accompli par les scientifiques et la mobilisation des citoyens. Ainsi, lorsqu’une volonté politique déterminée rencontre la mobilisation de la société civile, aucune résistance n’est insurmontable.

Je l’avais dit, le texte de l’Assemblée nationale adopté en troisième lecture est en retrait sur deux points : les dérogations sont possibles jusqu’en 2020 et elles ne sont pas encadrées. Mais il est bien meilleur que la rédaction proposée par ces amendements, qui visent à rétablir le texte issu du Sénat. Celui-ci ne tient pas debout juridiquement puisqu’il renvoie la balle à l’ANSES, laquelle n’est pas habilitée à prendre la décision d’interdire l’usage d’une substance. Ces amendements sont par conséquent inapplicables et j’invite mes collègues à les repousser, pour en rester au texte adopté par l’Assemblée nationale.

Quelles que soient les positions des uns et des autres, et quand bien même les lobbies, dans l’avenir, tenteront de prendre leur revanche, puisque l’application est renvoyée à plus tard, ce débat parlementaire aura permis un acquis : toute la représentation nationale, opposition comme majorité, à l’Assemblée comme au Sénat, reconnaît l’existence d’un problème pour les pollinisateurs et reconnaît la toxicité des néonicotinoïdes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Bertrand Pancher. Nous l’avons toujours reconnu !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Après avoir plusieurs fois débattu des pesticides néonicotinoïdes, nous arrivons à un moment solennel, celui de la lecture ultime, et nous allons voter cet apport parlementaire tendant à interdire ces produits extrêmement dangereux. C’est un moment important du combat pour la protection de la santé de nos concitoyens, en particulier des agricultrices et des agriculteurs – dont beaucoup sont victimes des pesticides – et des générations futures.

La biodiversité est mise à mal et ce texte, qui propose de la reconquérir, contribuera, je pense, à améliorer la situation. En tout cas, nous prenons de bonnes directions. Certes, le texte est un peu en recul par rapport à ce que nous aurions souhaité, mais il faut voter massivement pour la rédaction issue de l’Assemblée nationale et surtout ne pas revenir en arrière. Nous sommes tous attendus sur ce vote. La société l’espère, les agriculteurs sont prêts, les alternatives existent, il n’y a plus d’hésitation à avoir. Donnons ce signal fort pour la transition de l’agriculture !

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. J’apporte mon soutien à ces amendements. Nous pouvons être d’accord sur la perspective donnée aux néonicotinoïdes. Pour autant, je ne souscris pas à vos propos, madame Batho : il n’existe pas de consensus à propos de la dangerosité des néonicotinoïdes ;…

M. François-Michel Lambert. Bien sûr que si !

M. Antoine Herth. …pour ma part, dans le doute,…

Mme Delphine Batho. Aucun doute n’est permis, mille études scientifiques le prouvent.

M. Antoine Herth. …je me méfie de la famille des néonicotinoïdes et considère qu’il faut envisager de se passer de l’utilisation de ce type de produits.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, contrairement à ce que vous affirmez, la rédaction actuelle, défendue par Mme Gaillard, n’apportera aucune clarification. Interdire les produits au 1er septembre 2018 ne signifie pas que les molécules seront prohibées puisque seule l’Union européenne est habilitée à le faire. Nous avons uniquement la possibilité de retirer les autorisations de mise sur le marché, ce qui signifie que les entreprises commercialisant ces produits cesseront de les vendre, ne les auront plus en stock. Lorsqu’un problème surviendra, le temps pris pour publier un arrêté ministériel sera suffisant pour que les dégâts sur les cultures soient déjà irréversibles. Et quand bien même l’arrêté arriverait en temps et en heure, il n’y aura plus de produits sur le marché.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure pour avis. Ils les trouveront, n’ayez crainte !

M. Antoine Herth. Ainsi, ce qui est proposé ne fonctionnera pas en pratique ; nous nous dirigeons vers une impasse.

M. François-Michel Lambert. Mais non ! L’impasse, c’est la disparition des abeilles !

M. Antoine Herth. Enfin, je souhaite reprendre l’argument de M. Caullet concernant le principe voté par cette majorité dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture : l’ANSES a un rôle central. Il faut respecter ce choix majoritaire et ne pas revenir incessamment sur les dispositions adoptées ici.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson.

M. Philippe Plisson. Nous sommes placés devant un choix de société crucial. Les Français ont compris que nous vivons un moment important de bascule, où le pays en finit avec la frénésie de l’agriculture productiviste. Étant fils d’agriculteur et élu du monde rural profond, personne ne peut m’accuser d’être opposé au monde rural. Il faut tenir compte des évolutions de l’agriculture, des maladies qui touchent ces professionnels – notre collègue Frédéric Roig me confiait tout à l’heure qu’un de ces amis est mort de l’ingestion de produits chimiques. Nous devons aussi prendre en compte le grand nombre de personnes qui se sont mobilisées et attendent que nous fassions ce choix.

Alors, pourquoi septembre 2018 plutôt que 2020 ? Ce sont aussi des signaux que nous envoyons : l’Assemblée a pris conscience de ce problème et a pris ses responsabilités et puis nous disons aux entreprises de la chimie que le temps est venu de ne plus empoisonner la population.

L’interdiction en 2018 laisse un délai raisonnable. La possibilité de recourir à des dérogations, sous contrôle scientifique, ne met pas le couteau sous la gorge des agriculteurs. Il faut donc en rester au texte, modifié par l’amendement de compromis proposé par Jean-Paul Chanteguet, et rejeter les trois amendements identiques sur lesquels nous sommes invités à nous prononcer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Christophe Caresche et M. François de Rugy. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Chers collègues, je voudrais très solennellement vous appeler à confirmer un vote que nous avons déjà formulé à trois reprises, en séance publique, depuis le début de l’examen de ce texte. Il s’agit, pour le pouvoir politique, de prendre une décision claire d’interdiction de produits dont la toxicité – pour les abeilles et de nombreux animaux mais aussi pour l’air, les sols et les eaux, sans oublier l’être humain, comme le prouvent les premières recherches alarmantes – fait l’unanimité au sein de la communauté scientifique.

Au fil des débats, nous sommes parvenus à un texte d’équilibre, appuyé et partagé par la ministre de l’environnement et la secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Nous avons ainsi retardé la date d’entrée en vigueur de cette interdiction et prévu des dérogations, afin de permettre aux agriculteurs de mettre en place d’autres modes de traitement et de culture. Ils seront aidés en cela par les travaux de l’ANSES, qui devra définir des substituts chimiques, biologiques culturaux, même si de nombreuses alternatives existent déjà.

Il est d’autant plus urgent de prononcer cette interdiction et de donner le signal du changement que l’évolution actuelle marque une aggravation du problème. En effet, les agriculteurs français, loin de réduire l’utilisation de ces produits, ont augmenté leurs achats d’imidaclopride de 36 % en 2014 par rapport à 2013, tandis que le volume de vente du thiaclopride triplait. Le temps n’est plus à l’observation et aux hésitations. Les scientifiques ont dit ce qu’ils avaient à dire. Les hommes et les femmes politiques que nous sommes doivent maintenant prendre leurs responsabilités et faire prévaloir l’intérêt public, l’intérêt des citoyens, sur les intérêts particuliers des semenciers de l’industrie phytopharmaceutique.

Depuis deux ans, la société civile s’est intensément mobilisée, bien au-delà des apiculteurs et des agriculteurs qui ont déjà effectué leur transition ou des associations environnementales. Quelque 670 000 citoyens ont signé des pétitions réclamant cette interdiction. Ils ne comprendraient pas que nous nous défaussions ce soir. Je vous appelle donc à rejeter ces amendements identiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daniel.

M. Yves Daniel. Le député, mais aussi l’agriculteur bio que je suis, veut participer à ce débat et conforter les arguments du Gouvernement, de la commission et de certains de mes collègues.

La question est certes technique mais elle peut être résolue puisque nous disposons déjà d’alternatives aux néonicotinoïdes. Cependant, un travail important doit être encore accompli, car il nous faudra trouver des alternatives jusqu’en 2020, grâce aux dérogations.

Mais la question est aussi éminemment politique, Mme la rapporteure l’a dit. Il faut que nous soyons cohérents : nous ne pouvons pas à la fois porter un projet de politique d’agro-écologie et refuser d’agir, de jouer pleinement notre rôle de parlementaires pour faire évoluer les choses et reconquérir la biodiversité.

Depuis la dernière lecture, je n’ai pas changé d’avis : je souhaite que nous n’adoptions pas les amendements de MM. Caullet et Cottel.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Je veux lever tout malentendu : les différentes rédactions proposées visent toutes une interdiction totale des néonicotinoïdes en 2020 et je ne vois pas en quoi ce signal serait flou.

J’appelle votre attention sur la fragilité d’un système d’interdiction à horizon de deux ans, avec des dérogations purement exécutives, alors que l’amendement que je défends pourrait être porté par une majorité si large qu’elle le mettrait à l’abri des alternances.

Mme Michèle Bonneton. Oh !

M. Jean-Yves Caullet. Par ailleurs, l’ANSES s’est vu confier la mission d’interdire ou non les mises sur le marché, ce qui a fait débat ici. C’était auparavant de la compétence du Gouvernement, mais ce n’est plus le cas, si bien que notre amendement est en conformité avec le droit.

Enfin, en adoptant ces amendements, nous proposerions une procédure susceptible de s’appliquer à la mise en extinction d’autres molécules – car le problème est général – et pouvant servir d’exemple en Europe. Au lieu de quoi ce texte donne un signal d’avant-garde, qui ne sera suivi par personne et risque fort d’être remis en cause avant longtemps.

(Les amendements identiques nos 20, 27 et 31 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement n25.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Amendement de coordination.

(L’amendement n25, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 18 et 30.

La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement n18.

Mme Laurence Abeille. Cet amendement vise à rétablir une disposition adoptée par le Sénat en deuxième lecture avec avis favorable de la commission puis supprimée à l’Assemblée nationale. Il s’agit de préciser que le régime général de destruction d’animaux prévu par le code de l’environnement ne s’applique pas à la destruction de spécimens d’espèces protégées, mentionnées dans le même code. Actuellement, des arrêtés ministériels facilitent la régulation d’espèces protégées comme les grands cormorans ou les goélands, en s’appuyant sur les possibilités de dérogation à la protection des espèces.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n30.

Mme Geneviève Gaillard. Comme je l’ai dit précédemment, il faut savoir reconnaître ses erreurs. Je remercie Mme Abeille d’avoir, elle aussi, présenté cet amendement, auquel la commission est évidemment favorable.

(Les amendements identiques nos 18 et 30, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n28.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 68 sexies adoptée en séance, au Sénat, en deuxième lecture. En effet, il est nécessaire que les déboisements dans les cinq premières années de l’installation d’un jeune agriculteur ne soient pas considérés comme défrichement au sens du code forestier, car un jeune qui s’installe doit parfois avoir recours au déboisement de quelques parcelles pour disposer d’une assise foncière suffisante. Or le coût de ce déboisement est trop important, alors qu’il doit déjà supporter celui du lancement de son activité, surtout dans un contexte agricole difficile. Il est grave d’imposer de nouvelles contraintes aux jeunes agriculteurs, au lieu d’alléger celles qui existent déjà.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis défavorable. Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, on ne peut pas multiplier les dérogations sous le prétexte d’aider les agriculteurs, sachant que de nombreux outils ont été créés à cet effet. Nous examinons une loi sur la biodiversité ; trop de dérogations la videraient de son sens. C’est un peu fort de café.

(L’amendement n28, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 32 et 33, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour les soutenir.

M. Jean-Louis Costes. Ils sont défendus.

(Les amendements nos 32 et 33, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement n12.

M. Jean-Louis Costes. Il est défendu.

(L’amendement n12, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix le projet de loi dans le texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, modifié par les amendements qui ont été adoptés.

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité

(discussion des articles)

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi organique relative à la nomination de la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.

Article 1er

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Ce texte restera comme celui de cette législature qui aura nécessité le plus de temps pour être adopté. Pour autant, le temps n’aura pas permis de dégager un consensus car il fera aussi partie des rares textes pour lesquels la CMP a échoué.

Je ne reprendrai pas les points examinés mais je pointerai de nouveau une grosse lacune : l’absence de débat autour du financement de l’Agence nationale pour la biodiversité et de l’ensemble de ses actions, dont le Parlement a discuté. Une nouvelle fois, la maladie française qui veut que le Parlement vote un texte mais en renvoie les conséquences financières au prochain projet de loi de finances a frappé. Nous n’avons aucune visibilité sur le financement de l’Agence, encore moins sur ses antennes régionales, si ce n’est, nous l’avons bien compris, qu’il faudra se tourner vers les nouvelles régions pour leur construction.

Ce mode de fonctionnement nous rappelle malheureusement la loi NOTRe, portant nouvelle organisation territoriale de la République : ceux qui se retrouvent au cœur de cette loi, qu’ils se situent à l’échelon local, communal, intercommunal, départemental ou régional, peuvent témoigner qu’à six mois de la fin de l’année 2016, ils se retrouvent dans une impasse inquiétante. Je crains que ce schéma ne soit en train de se reproduire.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Nous débattons en deuxième lecture de la proposition de loi organique relative à la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité, texte qui complète le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. C’est une occasion supplémentaire de souligner la complexité de nos travaux, illisibles pour la plupart de nos concitoyens. Cela fait plus de deux ans, en effet, que nous débattons de ces sujets.

M. François-Michel Lambert. La critique est facile !

M. Guillaume Chevrollier. Au départ, le président de l’Agence devait être élu parmi les membres du conseil d’administration. Puis cette élection a été remplacée par une désignation par le Président de la République au sein et sur proposition du conseil d’administration. Cette nomination sera soumise à la procédure d’audition et d’avis public des commissions parlementaires.

Ce changement a donc nécessité le dépôt d’une proposition de loi organique. Il convient de se féliciter qu’un accord ait pu être trouvé entre le Sénat et l’Assemblée nationale mais permettez-moi de regretter que pareil accord n’ait pu être dégagé sur l’ensemble du projet de loi relatif à la biodiversité. En effet, les versions adoptées par la Chambre haute témoignaient de la recherche d’un équilibre car la préservation de la biodiversité reste un objectif pour chacun d’entre nous, quelles que soient les couleurs politiques : notre pays – comme tous les autres, d’ailleurs – doit mettre un terme à la dégradation de sa biodiversité. Le Sénat, lui, avait su trouver un équilibre, en tenant compte d’impératifs essentiels comme la réalité économique et du rôle de ceux qui, au quotidien, défendent la biodiversité – les agriculteurs, les chasseurs ou les gestionnaires d’espaces naturels. Le Sénat, lui, avait pris conscience de la nécessité de simplifier, mais ce texte, nous venons de le voir, est malheureusement devenu un catalogue d’interdictions, de nouvelles normes et contraintes en tout genre.

Si nous approuvons cette proposition de loi organique, nous ne pouvons que regretter l’adoption du texte précédent, qui penche vers l’écologie punitive plutôt que vers l’écologie positive.

M. François-Michel Lambert. Non !

M. Guillaume Chevrollier. La préservation de la biodiversité aurait dû faire consensus mais trop de postures idéologiques perdurent sur certains bancs de cet hémicycle.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Alors que le Président François Hollande nous avait promis une grande agence de la biodiversité, nous n’avons au final qu’une petite agence en charge des milieux aquatiques. Alors qu’il nous avait promis, lors de la conférence environnementale, des moyens importants, aucun moyen nouveau n’est finalement débloqué.

Après des travaux laborieux, nous avions mis des années à essayer de faire travailler ensemble tous les grands acteurs et tous les usagers de la nature pour qu’ils prennent des engagements en faveur de la biodiversité. Le résultat, c’est qu’ils s’opposent les uns aux autres. Cela laissera des traces durables dans le paysage environnemental français.

La loi relative à la transition énergétique a fait ricaner ; on voit ce que cela donne pour la PPE, la programmation pluriannuelle de l’énergie. De même, vous verrez que la loi relative à la biodiversité fera grimacer.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. À ce stade du débat, je voudrais saluer, avec mes collègues écologistes, l’adoption définitive de la loi relative à la biodiversité, qui, dans quelques années, lorsque nous aurons pris un peu de recul, s’inscrira sans aucun doute parmi les grandes lois de protection de la nature et de l’environnement de notre pays, grâce à la création de l’Agence française pour la biodiversité.

Contrairement à ce que prétendent les Cassandre et autres oiseaux de mauvais augure – toujours bien présents, tant dans cet hémicycle qu’en dehors, on peut leur faire confiance pour cela –, nous savons, et la secrétaire d’État le confirmera peut-être dans un instant, que le travail préparatoire a été important et qu’il ne fallait pas se contenter de voter un texte pour créer cette Agence française pour la biodiversité. Celle-ci regroupera des organismes existants : il ne s’agit pas de créer une structure supplémentaire mais bien de réformer le dispositif existant afin de lui conférer plus de poids et d’améliorer son efficacité. La secrétaire d’État a obtenu du Gouvernement des garanties, en termes de personnels et de moyens ; cela mérite d’être reconnu et salué.

Telle est notre conception, ne vous en déplaise ! Il est regrettable que vous ressassiez sans cesse vos vieilles antiennes sur l’écologie punitive. Changez donc de disque ! C’est l’écologie qui agit, l’écologie pragmatique et réaliste, que l’on voit à l’œuvre aujourd’hui dans notre assemblée. Je voudrais saluer le vote de la majorité de gauche et écologiste, par lequel vient d’être adopté ce texte, alors que, comme le sait la rapporteure – dont je salue l’engagement et l’action au côté du président de la commission –, beaucoup de temps a été perdu au cours de la phase préparatoire.

Depuis la nomination au Gouvernement d’une secrétaire d’État chargé la biodiversité, ce qui constitue un signe en soi,…

M. David Douillet. Un signe politique !

M. François de Rugy. …le processus s’est accéléré, ce qui nous satisfait. Ce texte important sera à mettre au bilan écologique de cette majorité. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Je reste abasourdi par la manière dont nos collègues de droite persistent à aborder les sujets. Est-ce un texte majeur ? Oui, sans aucun doute, je suis d’accord avec Delphine Batho sur ce point. Nous avons mis un certain temps à le préparer. Vous le trouvez trop long mais ce fut un temps parlementaire. Quand ce temps permet d’enrichir un texte, de progresser, de rapprocher les positions, de prendre des mesures importantes, comme celle relative aux néonicotinoïdes, et au final d’écrire un texte essentiel, peu importe le temps passé.

Nous avons par ailleurs provoqué une prise de conscience dans la société et parmi les élus. Combien de communes sont désormais prêtes à bannir tous les produits phytosanitaires en janvier 2017 ? Combien de communes commencent à comprendre l’importance de préserver ou de restaurer la biodiversité de leur territoire, qui est l’une de leurs ressources les plus précieuses ? Oui, c’est un grand texte.

Nous avons également rapproché deux mondes qui ne se parlaient pas et s’affrontaient de manière stérile, permettez-moi de le dire. Chers collègues David Douillet et Martial Saddier, je remarque que vous étiez plutôt favorables à l’interdiction des néonicotinoïdes dès 2018. Nous avons en effet tous intérêt à supprimer les produits nocifs pour la biodiversité : vous-mêmes, vous défendez le monde de la chasse, qui subit les conséquences de la disparition des pollinisateurs.

M. Martial Saddier. Fait personnel, madame la présidente ! (Sourires.)

M. François-Michel Lambert. Nous devons donc aller de l’avant et poursuivre dans cette direction.

Je salue enfin l’engagement de la secrétaire d’État Barbara Pompili car il est évident que l’arrivée des écologistes réformistes au Gouvernement a permis de progresser et de faire aboutir ce texte,…

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. François-Michel Lambert. …qui ne montrera sa pleine efficacité que s’il est repris par ces deux mondes qui s’opposent mais qui devront unir leurs efforts pour sauvegarder la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Ce texte n’est pas un texte écologiste mais un texte pour l’écologie et nous allons à présent travailler pour qu’il s’applique au plus vite. Nous poursuivrons dans les prochaines semaines notre travail de collaboration, en particulier avec Mme la rapporteure et M. Jérôme Bignon, afin que les décrets d’application sortent rapidement et que, notamment, l’Agence française pour la biodiversité soit installée au 1er janvier 2017. Vous pouvez compter sur mon engagement absolu.

Je rappelle qu’il y a quarante ans jour pour jour, une grande loi sur la nature était votée ici même. La vie parlementaire produit, je crois, des règles non écrites : l’on pourra dire que le mois de juillet est favorable à la protection de la nature. J’espère que cette bonne habitude se perpétuera.

Je veux vous dire merci à deux titres.

Je vous remercie d’abord en tant que secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Le temps, l’énergie, la passion que vous avez tous investis dans ce débat ont consacré la biodiversité comme un objet politique à part entière. Il s’agit bien d’un enjeu majeur et d’une préoccupation digne du travail parlementaire. L’indispensable prise de conscience par nos concitoyens de l’importance de la biodiversité demande à être renforcée. Autant c’est en partie chose faite pour le réchauffement climatique, autant cela reste à consolider et à développer s’agissant des menaces que la perte de biodiversité considérable à laquelle nous sommes confrontés fait peser sur la vie. Je suis convaincue que votre engagement dans ce débat contribuera à cette prise de conscience.

Je vous remercie également en tant qu’écologiste. Beaucoup des combats que je porte depuis des années avec d’autres – quels que soient, d’ailleurs, nos choix politiques d’aujourd’hui – trouvent leur concrétisation dans ce texte. J’en suis très émue.

Je remercie enfin tous ceux qu’on ne voit pas mais qui sont derrière : les collaborateurs des commissions, du ministère et des cabinets, pour leur travail acharné. Sans eux, nous n’aurions pas pu accomplir ce travail et réussir cette belle loi.

Merci à tous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 2.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique.

(La proposition de loi organique est adoptée.)

6

Régulation, responsabilisation et simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes

Suite de la discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. Bruno Le Roux, Laurent Grandguillaume et plusieurs de leurs collègues relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (nos 3855, 3921).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la proposition de loi, s’arrêtant à l’amendement n27 rectifié, portant article additionnel après à l’article 4.

Après l’article 4

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n20, portant article additionnel après l’article 4.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, mes chers collègues, je défends cet amendement au nom de M. Lionel Tardy et en y associant Mme de La Raudière.

Une disposition de la loi Thévenoud relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur a fait couler beaucoup d’encre : comble de l’absurde, on interdit aux VTC – les voitures de transport avec chauffeur – la technologie de la géolocalisation : depuis l’adoption de cette loi, les applications de VTC ne peuvent pas indiquer à la fois la localisation et la disponibilité d’un véhicule.

Nous nous étions élevés contre cette mesure, aberrante sur le principe quand on la met en regard de tous les discours gouvernementaux concernant le numérique et la French Tech. Le Conseil constitutionnel ne l’a certes pas censurée car elle n’empêche pas d’informer les utilisateurs du temps d’attente avant que le véhicule ne soit disponible – ce qui, vous en conviendrez, revient au même…

Bref, s’il existe des solutions, cette disposition n’en reste pas moins une atteinte à l’innovation et ne présente guère de logique. Il serait donc raisonnable de la supprimer.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. L’avis de la commission est défavorable. Si le Conseil constitutionnel a validé cette disposition relative à la géolocalisation, c’est précisément parce qu’elle n’affecte pas seulement les VTC : elle est aussi applicable aux taxis hors de la zone à laquelle leur ADS – autorisation de stationnement – est géographiquement rattachée.

Rappelons que la profession de taxi est réglementée. Les taxis ont une autorisation administrative de stationner sur la voie publique, mais cette autorisation a un champ géographique limité, qui renvoie d’ailleurs aux compétences des collectivités territoriales. Leurs tarifs sont également réglementés. En contrepartie de ces contraintes, ils disposent d’un monopole de la maraude à l’intérieur de la zone de leur ADS. Si l’on ouvre la maraude aux VTC, ceux-ci accepteront-ils, en contrepartie, que leurs tarifs soient réglementés et que le champ géographique de leur activité soit limité, pour en arriver par exemple à une sectorisation des VTC ? Je n’en suis pas persuadé.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Même argumentation. Avis défavorable.

(L’amendement n20 n’est pas adopté.)

Article 5

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n21.

M. Martial Saddier. Toujours avec Lionel Tardy, nous proposons par cet amendement de fusionner deux alinéas en un seul.

J’en profite pour faire observer que, bien loin d’introduire de la simplification, cette proposition de loi alourdira le code des transports.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Défavorable. L’architecture du texte sépare, d’une part, les conditions d’aptitude et d’honorabilité professionnelles, et, d’autre part, le fait d’être titulaire d’une carte professionnelle. Reprenant le schéma actuel, elle ne soulève pas de difficulté particulière. Si l’amendement était adopté, attention aux coordinations !

(L’amendement n21, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n76.

M. Christophe Caresche. Le texte veut aligner, ce que je peux comprendre sur le plan intellectuel, les conditions d’aptitude des VTC sur celles des taxis. Il introduit, à cet effet, une clause dite d’« honorabilité professionnelle ».

Je me rappelle avoir déposé le même amendement lorsque cette disposition avait été imposée aux taxis – car ceux-ci n’y ont pas toujours été soumis. Je considère en effet qu’il s’agit d’une restriction à l’entrée dans la profession. Pour certaines populations, c’est pourtant, de fait, un des seuls métiers accessibles. Je ne vois pas pourquoi une personne ayant été condamnée et ayant purgé sa peine verrait interdire d’accéder à cette profession. Pour la réinsertion, cela a même du sens de laisser ouvertes ce type de professions.

C’est dans cet esprit que je soutiens le présent amendement. Je le précise car les bonnes âmes – autrement dit les démagogues – y trouveront évidemment beaucoup à gloser. Cela n’a évidemment aucun lien avec le terrorisme, dont nous avons discuté longuement cette nuit. Il s’agit tout simplement, je le répète, de laisser la profession ouverte à certaines personnes pour lesquelles elle constitue en réalité une des seules perspectives.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Défavorable. La condition d’honorabilité, demandée du reste aux taxis comme aux VTC, est une très bonne chose. Cette condition figurait bien dans les dispositions législatives ou réglementaires. L’article R. 3120-6 du code des transports est applicable aux trois catégories de conducteurs : taxis, VTC et deux-roues. Il est plutôt de bonne méthode que la disposition revienne au niveau législatif pour tous les conducteurs ; cela renforcera la protection du consommateur.

M. Christophe Caresche. Ça se discute !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement et vous demande de bien vouloir le retirer, monsieur Caresche. Je crains en effet que votre initiative ne puisse être caricaturée ou mal comprise, pour deux raisons.

Premièrement, je comprends bien ce que vous dites au sujet de l’accès de certaines populations à ces professions, mais vous comprendrez que présenter une profession avec cette argumentation ne correspond pas à ce que nous voulons promouvoir en matière de formation.

Deuxièmement, une personne qui a été condamnée ne peut en effet être exclue d’une activité professionnelle, y compris celle dont nous parlons. Mais c’est au juge qu’il appartient de porter une appréciation en matière d’honorabilité et de casier judiciaire. En effet, vous le savez, il est toujours possible, soit à l’origine, soit postérieurement, de saisir un tribunal pour demander qu’une condamnation ne vous marque pas à vie. Je crois que cela correspond au souhait que vous avez exprimé.

Pour que votre position soit bien comprise, peut-être serait-il souhaitable que vous retiriez votre amendement.

Mme la présidente. Le retirez-vous, monsieur Caresche ?

M. Christophe Caresche. Oui, madame la présidente. Il est bien que le débat ait eu lieu.

(L’amendement n76 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n89, qui fait l’objet de quatre sous-amendements, nos 104, 105, 112 et 111.

La parole est à M. Luc Belot, pour soutenir l’amendement n89.

M. Luc Belot. Cet amendement traite lui aussi des conditions d’aptitude professionnelle et de leur reconnaissance. Son objectif est de donner à chacun les meilleures chances de réussir aux examens. Il s’agit de mettre à disposition, à l’instar des annales du baccalauréat comme Annabac, des instruments permettant d’améliorer ses aptitudes.

L’amendement pose deux principes simples et essentiels dans l’organisation de ces examens, tant pour les VTC que pour les taxis. D’une part, les épreuves ont pour objet d’assurer la sécurité routière et celle des passagers. D’autre part, il faut répondre à la demande effective pour passer les examens. À cet effet, il est proposé une obligation de transparence de tous les sujets d’examen, qui ont vocation à être diffusés pour servir de documents de préparation.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir les sous-amendements nos 104 et 105, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. L’amendement de M. Belot va dans le bon sens puisqu’il permettra de clarifier la situation et de donner de la visibilité aux acteurs.

Le sous-amendement n104 est rédactionnel.

Quant au n105, je le retire afin que figurent toutes les précisions nécessaires.

Je suis donc favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement n104.

(L’amendement n105 est retiré.)

Mme la présidente. Vous êtes donc favorable à l’amendement n89, monsieur le rapporteur, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n104 ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Absolument, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir les sous-amendements nos 112 et 111, pouvant également faire l’objet d’une présentation groupée, et pour donner l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n104 et sur l’amendement n89.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement est d’accord avec le principe que vous posez, monsieur Belot, à ceci près que vous préconisez la publication des sujets corrigés. La question est d’ordre pratique. Pour nous prononcer sur votre amendement, nous nous sommes renseignés sur ce qui était d’usage pour l’examen du permis de conduire : il apparaît que le ministère de l’intérieur se livre à une sorte de sondage en publiant régulièrement des questions, afin que les candidats disposent d’informations sur le périmètre de l’examen, mais les questions et les corrigés ne sont jamais posés in extenso, sans quoi l’on se trouverait confronté à un problème de renouvellement des questionnaires. Il n’en demeure pas moins que nous partageons l’objectif de transparence dans les examens.

Aussi le sous-amendement n111 vise-t-il à supprimer l’obligation de publication des sujets corrigés, qui entraînerait, je l’ai dit, une difficulté matérielle.

Quant au sous-amendement n112, en cohérence avec le n104 du rapporteur, il substitue au mot « épreuves » le mot « examens » à l’alinéa 3 de l’amendement.

Le Gouvernement émet un avis favorable au sous-amendement du rapporteur ainsi qu’à l’amendement de M. Belot.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements du Gouvernement ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot.

M. Luc Belot. Les deux sous-amendements rédactionnels relèvent effectivement du bon sens : il faut donc les prendre en compte dans la rédaction de l’amendement.

Quant au sous-amendement n111 du Gouvernement, qui vise à supprimer les mots « , les sujets corrigés », il répond à un enjeu de transparence et faciliterait la préparation des examens. Compte tenu des arguments développés par le ministre concernant les épreuves et de la manière dont le ministère procède vis-à-vis du permis de conduire, j’admets que cette mention puisse tout à fait être supprimée.

Je suis donc tout à fait favorable à ces trois sous-amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. L’amendement, tel qu’il est corrigé, me convient. Certes, il est important de définir des critères de transparence mais je ne voudrais pas que nous nous leurrions : l’examen représente le système de régulation du marché et nous voulons un système régulé. Il serait d’ailleurs intéressant que ces procédures d’examen soient progressivement décentralisées, comme nous aimerions le faire en matière de contrôle, et effectuées par les autorités organisatrices des transports. En effet, faute d’un système de régulation, la compétition n’est pas saine.

(Les sous-amendements nos 104, 112 et 111, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

(L’amendement n89, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n77.

M. Christophe Caresche. Il est retiré.

(L’amendement n77 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot, pour soutenir l’amendement n108.

M. Luc Belot. La séance a scindé mon amendement initial en deux : celui-là et le n94 rectifié, qui sera présenté après l’article 5. Pour faciliter les débats et dans un souci de cohérence, je propose de retirer le n108 et de défendre rapidement, dans un instant, le n94 rectifié.

(L’amendement n108 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n46.

(L’amendement n46, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot, pour soutenir l’amendement n87.

M. Luc Belot. Il s’agit d’insérer un alinéa tendant à supprimer le deuxième alinéa de l’article L. 3122-4 du code des transports. Les véhicules sous statut LOTI – la d’orientation des transports intérieurs – sont soumises à un contrôle technique obligatoire tous les six mois. Tout en prenant en compte l’obligation de capacité financière imposée aux VTC – notamment pour le bon entretien du véhicule utilisé – l’Autorité de la concurrence a constaté que cet objectif n’était pas atteint. Cet amendement vise donc à ce que le contrôle technique soit soumis à des obligations supplémentaires relevant du pouvoir réglementaire et qui devront être établies en fonction du niveau d’utilisation du ou des véhicules transportant des personnes.

Nous avons discuté, hier soir, d’un amendement de même nature, le n80 à l’article 2, et le Gouvernement s’est engagé à poursuivre le débat. Si cet engagement est confirmé, je retire cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis défavorable. La capacité financière est une garantie de sérieux nécessaire à l’exercice de l’activité et n’a jusqu’à présent pas posé de problème particulier pour l’accès à la profession. Je pense qu’il convient au contraire de maintenir cette disposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. M. Belot a lui-même évoqué une porte de sortie. Dans la mesure où nous avons besoin, d’ici la lecture devant le Sénat, de préciser les objectifs de l’amendement, je vous demande, monsieur Belot, de le retirer, afin d’éviter tout contentieux inutile. Vous pourrez ainsi préciser votre pensée pendant que, de notre côté, nous développerons notre argumentation, et nous verrons si elles peuvent se rencontrer.

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot.

M. Luc Belot. Je retire l’amendement.

(L’amendement n87 est retiré.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Après l’article 5

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 5.

Les amendements nos 94 rectifié, 92 et 81 peuvent être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Luc Belot, pour soutenir l’amendement n94 rectifié.

M. Luc Belot. Comme l’amendement n108, cet amendement rejoint un enjeu global portant sur les contraintes de pollution, la transition énergétique et la manière dont on les applique, sachant que les règles peuvent être différentes s’il s’agit de flottes de moins de dix véhicules ou de plus de dix véhicules.

La loi relative à la transition énergétique prévoit l’encadrement des émissions de polluants pour l’ensemble des véhicules de transport collectif, avec des dispositions spécifiques pour les taxis et les VTC. Cependant, ces dispositions resteront globalement sans impact puisqu’elles s’appliquent uniquement aux sociétés disposant d’une flotte de plus de dix véhicules. La plupart des sociétés opérant, s’il ne s’agit pas d’entreprises individuelles, sont des petites structures dont la plupart ne possèdent qu’un seul véhicule.

Je vous propose donc de remplacer les contraintes techniques en vigueur sur ces véhicules par des contraintes environnementales, dans l’optique de renforcer et de conforter les objectifs que nous avions fixés ici même dans la loi relative à la transition énergétique, en mettant en place un encadrement spécifique pour le transport public particulier.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir les amendements nos 92 et 81, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Christophe Caresche. L’amendement n92 vise à harmoniser les caractéristiques techniques des véhicules utilisés par les VTC et des véhicules utilisés par les taxis. Puisque nous souhaitons nous diriger vers l’harmonisation des deux professions, pourquoi ne pas commencer par ces caractéristiques ? Je vous rappelle que les VTC sont tenus, par exemple, à utiliser des véhicules assez puissants – de 115 ou 120 chevaux, je crois. Pour un usage urbain, il leur serait sans doute possible d’utiliser des véhicules moins puissants.

L’amendement n81 concerne les véhicules électriques ou hybrides. Il semble, si mon information n’est pas fausse – le rapporteur et le secrétaire d’État me le confirmeront peut-être –, que les dispositions réglementaires qui permettraient aux VTC d’utiliser de tels véhicules n’aient toujours pas été prises. Or il y a maintenant deux ans que cette mesure a été adoptée. Mon amendement propose de rendre cette disposition d’application directe.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je demande leur retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

Le premier amendement imposerait à tous les véhicules de T3P – transport public particulier de personnes – de répondre à des exigences environnementales fixées par décret et supprimerait les dispositions de l’article L. 3122-4 du code des transports, relatif aux VTC. Cette mesure n’a pas été expertisée ni soumise à une concertation préalable, ce qui pose un véritable problème. Par ailleurs, les véhicules présentent des caractéristiques différentes : les taxis, par exemple, doivent être dotés d’un signal lumineux et bénéficient du monopole de la maraude.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. L’objectif de l’amendement n94 rectifié – supprimer des obligations de caractéristiques techniques pour les remplacer par des obligations environnementales – peut être entendu. Mais, si cela se dit facilement, dès que l’on passe aux travaux pratiques, c’est une autre affaire : en réalité, l’amendement présente de nombreuses difficultés.

À ce stade, je veux bien examiner cette proposition. Toutefois, dans la mesure où nous avons travaillé en concertation avec les professionnels, il ne nous est pas possible de procéder à une modification aussi importante sans avoir affiné la démarche, étudié les conséquences concrètes et échangé avec les professionnels.

Je comprends donc votre démarche mais je souhaiterais que cet amendement soit retiré. À défaut, compte tenu du saut dans l’inconnu qu’il représenterait, j’émets un avis défavorable.

J’émets également un avis défavorable sur les amendements nos 92 et 81.

Je ne vois pas la nécessité de votre amendement n81, monsieur Caresche, car la rédaction actuelle du texte n’impose pas l’existence d’un acte réglementaire ultérieur. Vous avez vous-même considéré que cette proposition était nécessaire pour une mise en application. La définition des véhicules électriques et hybrides existe déjà, aux termes d’un arrêté du 9 février 2009. Nous ne souhaitons pas prendre d’autres actes réglementaires. Au bénéfice de mes explications, cet amendement pourrait être retiré.

En ce qui concerne l’amendement n92, je ne reprendrai pas les arguments du rapporteur mais je les partage.

Mme la présidente. Monsieur Belot, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Luc Belot. Oui.

(L’amendement n94 rectifié est retiré.)

Mme la présidente. Et vous, monsieur Caresche, retirez-vous les deux vôtres ?

M. Christophe Caresche. Oui.

(Les amendements nos 92 et 81 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot, pour soutenir l’amendement n82.

M. Luc Belot. Cet amendement d’équilibre répond aux positions parfois extrêmement manichéennes des pro-VTC et des pro-taxis. Je reste convaincu, dans l’esprit du rapport Thévenoud, qu’un juste équilibre est nécessaire, que nos territoires ont besoin des deux types de service et que les deux peuvent fonctionner convenablement.

M. Christophe Caresche. Très bien !

M. Luc Belot. La loi du 1er octobre 2014 a prévu que, dans les zones à fort enjeu touristique, tous les taxis soient dotés d’un même signe distinctif. Je peux témoigner de ce qui a été fait dans mon agglomération, à Angers : tous les taxis y ont adopté une même couleur. Cela facilite leur revente – préoccupation importante pour les chauffeurs. Les véhicules sont gris avec des bordées orange, couleur du territoire de la communauté urbaine, ce qui permet de les identifier sur tout le territoire, dans le centre-ville, près de la gare comme dans les principaux secteurs touristiques, à commencer par le château d’Angers.

Je souhaite que l’on puisse aller plus loin en prévoyant que, dans les zones touristiques désignées par décret, la totalité des taxis soient parés de signes distinctifs forts. Cela représente un véritable enjeu pour le tourisme sur l’ensemble du territoire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. J’ai été surpris par cet amendement, qui constitue en réalité une mesure de centralisation. Je ne pense pas que ce soit le sens dans lequel vous voulez aller, monsieur Belot. Vous entendez confier cette mission au ministère, alors que cette compétence relève aujourd’hui de l’échelon territorial – mairies et préfectures –, qui attribuent notamment les ADS. J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement, qui ne va pas dans le sens de la décentralisation.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je comprends bien l’objectif de cet amendement mais je suis surpris que vous vouliez redonner au ministre chargé du tourisme la possibilité d’intervenir par arrêté. En effet, l’État a déjà pâti, il y a plusieurs années, de la concurrence entre trois ministères, et il a fallu beaucoup de temps pour trouver la bonne décision et confier la coordination à l’un d’entre eux. Même s’il reste une suspicion, je considère que seul le ministère des transports doit dorénavant intervenir.

Comme le rapporteur, je ne suis pas certain de l’opportunité de recentraliser et de laisser l’initiative au Gouvernement. Dans votre agglomération, un signe distinctif a été mis en place, et cela a été probablement bien fait. Il convient de respecter, en premier lieu, l’avis des professionnels et surtout le pouvoir des collectivités territoriales. J’ajoute qu’un peu d’initiative et de liberté au niveau local, pour davantage d’efficacité, notamment en matière touristique, ne peut pas faire de mal. Pourquoi inventer une réglementation qui, de toute façon, serait mal comprise ?

Pour ces raisons, si l’amendement est maintenu, j’émettrai un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. J’irai dans le sens du rapporteur et du secrétaire d’État. L’amendement procède d’une bonne intention. Le problème, qui se pose en montagne, dans les stations de ski – zones de tourisme intense par excellence –, est bien connu de certains collègues, dont Mme Laclais, ici présente, et agite les offices de tourisme : chaque commune, chaque station, étant une marque territoriale et une marque commerciale en tant que telle, s’est arrangée pour marquer les véhicules, même les taxis, de manière spécifique.

Au-delà des arguments développés par le rapporteur et le secrétaire d’État, je considère qu’en ce moment, la République a d’autres soucis, d’autres préoccupations… Laissons un peu respirer nos territoires, s’il vous plaît !

M. Bertrand Pancher. Voilà qui relève du bon sens !

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Je conviens que la République a beaucoup d’autres préoccupations en ce moment, cher collègue, mais la représentation nationale doit avoir à cœur de veiller à ce que la loi adoptée il y a deux ans trouve à s’appliquer.

L’amendement de Luc Belot pose la question de l’identification des taxis. Où en sommes-nous, monsieur le secrétaire d’État, en ce qui concerne la couleur unique, évoquée par la loi ? La question peut faire sourire mais elle touche à l’identification, à l’attractivité. Elle se pose partout et la solution est difficile à mettre en œuvre, puisqu’elle réclame l’accord des professionnels.

Le rapport de l’inspection générale des finances pointant la faible implication de la loi sur certaines questions ; je profite du présent amendement pour vous interroger sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je réponds volontiers car l’idée est bonne. Il suffit de voyager pour constater à quel point la question de l’identité est forte. Néanmoins, monsieur Thévenoud, vous avez formulé à la fois la question et la réponse : il faut engager une discussion avec les professionnels. Je n’ai pas sorti ce sujet pour l’intégrer à notre périmètre de réflexion et en faire une priorité. Mais vous avez raison d’appeler mon attention dessus. Dès que nous aurons franchi l’étape de la feuille de route, je souhaite que nous y réfléchissions.

M. Thomas Thévenoud. Très bien !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. C’était une bonne idée à l’origine.

M. Luc Belot. Oui !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Ça l’est encore aujourd’hui et vous avez raison de nous rappeler qu’il faudrait passer aux travaux pratiques.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Belot ?

M. Luc Belot. Oui.

(L’amendement n82 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n22.

M. Martial Saddier. Il faudra tout de même éviter de peindre les taxis de montagne en blanc, monsieur le secrétaire d’État !

J’ai cosigné l’amendement n82 avec M. Tardy. Afin de ne pas bloquer l’accès à la profession de chauffeur de VTC, donc la création d’emploi, nous proposons de préciser que le silence du gestionnaire du registre dans les deux mois vaut inscription définitive. Ce délai est suffisant pour effectuer les contrôles nécessaires au niveau régional. L’amendement introduira une réelle simplification et fera contrepoids à certaines mesures restrictives que pourrait induire la proposition de loi.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je vous suggère de retirer l’amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable. Le principe « silence vaut accord » s’applique déjà. Il n’y a donc pas lieu d’alourdir le texte par une précision inutile. Par ailleurs, quand une difficulté surgit en préfecture, c’est parce que le dossier n’est pas complet, ce qui occasionne une relance pour que l’intéressé adresse les documents manquants.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Même avis.

Mme la présidente. Souhaitez-vous retirer l’amendement, monsieur Saddier ?

M. Martial Saddier. En l’absence de M. Tardy, non, madame la présidente.

(L’amendement n22 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Luc Belot, pour soutenir l’amendement n100.

M. Luc Belot. Nous avons eu de longs débats, lors de l’examen de la loi Thévenoud, sur la pertinence de l’obligation du retour des VTC à la base. J’espère que notre collègue ne prendra pas ombrage de ma remarque, mais l’objectif initial de la mesure, lors de la première rédaction, était surtout d’« enquiquiner » les VTC et de faire plaisir aux taxis…

Nous sommes sortis de ce cadre peu intéressant et fort éloigné de l’enjeu du développement partagé par les uns et les autres. Sur un coin de table, à quelques mètres de cet hémicycle, nous avons négocié nuitamment des amendements dont la rédaction a beaucoup évolué, et nous sommes finalement convenus d’un retour à la base.

J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer à plusieurs reprises que cette obligation n’est ni contrôlable ni vérifiable, et qu’elle pose divers problèmes. Ainsi, certaines bases sont situées au troisième sous-sol d’un parking souterrain, où le smartphone du chauffeur ne capte pas, ce qui lui interdit de recevoir des appels. En outre, imposer à un chauffeur de parcourir des kilomètres pour rejoindre sa base – nombre d’entre elles ont été aménagées, en silo ou en sous-terrain – va au rebours de la politique environnementale.

Mieux vaudrait être plus cohérent, éviter que les chauffeurs dépendent des seules applications et leur permettre d’enchaîner les courses. L’esprit du texte, explicité par le rapporteur, vise en effet à favoriser le travail avec plusieurs plateformes, plusieurs employeurs et plusieurs services.

Supprimons donc l’obligation du retour à la base, qui n’était pas pertinente à l’origine et dont l’application, me semble-t-il, n’apporte absolument rien.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis défavorable. Les taxis détiennent le monopole de la maraude dans la rue ou de manière numérique – vous connaissez bien le sujet, monsieur Belot – et ils doivent demeurer dans le périmètre de leur licence. En revanche, les VTC et les taxis, hors de leur périmètre, doivent retourner se garer sur un parking. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel n’a pas considéré que l’obligation du retour à la base induisait une rupture d’égalité.

À New York, la TCL, la Taxi and Limousine Commission, vérifie, par la géolocalisation, que le retour aux 900 bases de l’agglomération – souvent des parkings – est effectif. Nous devons nous doter de moyens numériques permettant d’opérer les contrôles, au lieu de remettre en cause un modèle qui doit pouvoir fonctionner.

Contrairement à ce qu’on entend parfois, l’obligation du retour à la base, qui est une bonne mesure, s’applique dans d’autres pays connaissant une concurrence entre taxis et VTC.

Je vous suggère par conséquent de retirer l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le principal argument contre le retour à la base était la rupture d’égalité entre taxis et VTC. Le débat est tranché depuis que le Conseil constitutionnel a validé la possibilité pour le législateur d’opérer cette distinction.

Vous objectez que le contrôle est difficile. Ce n’est pas complètement faux, mais l’argument est réversible : aux chauffeurs de taxi, qui nous demandent de faire mieux respecter cette obligation, allons-nous répondre que nous la supprimons précisément parce qu’elle n’est pas respectée ? L’exemple de New York est pertinent.

Quant à l’argument environnemental que vous invoquez, avançant qu’il n’est pas écologique d’allonger le trajet des chauffeurs, je pense qu’il faut s’en méfier. Avec ce genre de raisonnement, nous pourrions aussi bien supprimer l’obligation faite actuellement aux poids lourds de contourner les agglomérations, sous prétexte de consommer moins de carburant.

En somme, je comprends vos efforts, mais la mesure proposée ne me semble pas très rationnelle. Si l’amendement est maintenu, j’émettrai donc un avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. J’entends les arguments du secrétaire d’État mais, à l’heure où sa ministre de tutelle prône en tout lieu la transition énergétique, comment pourrions-nous maintenir l’obligation du retour à la base, qui accroît la consommation de carburant, donc la production de gaz à effet de serre, allonge les bouchons et crée d’autres conséquences négatives en cascade ?

À vous entendre, l’adoption de l’amendement pourrait conduire, par cohérence, à autoriser l’accès du centre-ville au transport de marchandises. Il y a tout de même quelques différences entre le transport des marchandises et celui des voyageurs.

Enfin, à l’heure où les performances numériques permettent de mesurer au centimètre près le déplacement des véhicules, il serait étonnant de maintenir le retour à la base, obligation qui n’apporte rien sur le plan économique.

De toute façon, toutes ces mesures seront balayées, avant quatre ans, par les robots taxis, auxquels on n’imposera rien de semblable, puisqu’ils seront automatiques. Pourquoi ne pas renoncer tout de suite à un système qui n’a pas de sens et aller de l’avant ?

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Belot ?

M. Luc Belot. Sur les douze amendements que j’ai déposés sur le texte, j’en ai retiré plus de la moitié, au bénéfice des engagements pris par le rapporteur ou le secrétaire d’État. D’autres ont été adoptés, ce dont je les remercie.

Celui-ci reflète une position que j’ai tenue depuis le début du débat. L’état d’esprit initial justifiant l’obligation du retour à la base était peu fondé. Il n’y a pas lieu de perpétuer une mesure qui ne contribue pas à l’égalité et n’apporte rien. Je maintiens donc mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Duron.

M. Philippe Duron. Je voudrais appeler l’attention de nos collègues Belot et Lambert sur le fait que les propositions de loi Thévenoud, puis Grandguillaume traduisent le souci de rétablir un équilibre entre taxis et VTC, ainsi qu’une certaine paix civile entre des professions qui se sont durement affrontés.

Je le dis solennellement : si l’amendement est adopté, je crains que ne surviennent, entre taxis et VTC, de très grosses difficultés, semblables à celles que nous avons connues en 2014 et en janvier 2016.

M. Christophe Caresche. C’est évident !

M. Philippe Duron. Dans ce cas, le travail accompli par M. Thévenoud et M. Grandguillaume serait réduit à néant. Je vous invite donc, monsieur Belot, à la raison, à la prudence et à la responsabilité, qui devraient vous amener à retirer votre amendement.

M. Bertrand Pancher. Très juste !

(L’amendement n100 n’est pas adopté.)

Article 6

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n93.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement reprend une disposition qui figurait dans le texte d’origine, mais a été déclarée irrecevable, au motif qu’elle contrevenait aux dispositions de l’article 40 de la Constitution.

L’amendement vise à confier aux chambres de métiers et de l’artisanat la vérification des conditions d’aptitude pour les chauffeurs de VTC. En effet, il nous faut trouver un organisme ayant la capacité de faire passer un examen de manière équitable sur l’ensemble du territoire et possédant une expertise reconnue en matière d’examens. La structure étant officielle et remplissant des conditions de service public, elle sécurisera les candidats.

Les taxis et les VTC ont en commun d’appartenir au périmètre des chambres de métiers, qui régissent les deux professions. D’ailleurs, lors des prochaines élections, chauffeurs de taxis comme de VTC pourront tous voter.

Comment les autres professions ont-elles réglé des questions semblables à celle qui les oppose ? Grâce à des examens professionnels et systématiques, organisés par les chambres de métiers.

M. Bertrand Pancher. Oui !

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Dans cette affaire, le débat est un peu malsain : le fait que le président de l’assemblée des chambres de métiers soit lui-même un représentant des taxis a suscité une forme de suspicion. Mais les assemblées des chambres de métiers ont eu des présidents de toutes les professions et, quand ce fut un boulanger, il n’y a pas eu de révolte des pâtissiers au motif que cela risquait de leur nuire. (Sourires.) Non : les chambres des métiers ont toujours fonctionné. Une partie de leur activité est d’ailleurs placée sous la tutelle de l’État, notamment en la personne des préfets, qui assistent souvent à leurs assemblées générales. Il y a là une expertise en même temps qu’une garantie de neutralité.

Très honnêtement, je préfère confier cette mission à un organisme placé sous le contrôle des pouvoirs publics, qui dispose d’une expérience et est reconnu par les professionnels. Ce débat me rappelle celui que nous avions eu à propos des autoentrepreneurs, dans le cadre de l’application de la loi Novelli, qui nous avait tous perturbés à l’époque. Il s’agissait de savoir si les autoentrepreneurs devaient avoir affaire – notamment en matière de formation – aux chambres de métiers. Ils s’étaient révoltés – la mobilisation était vigoureuse – en expliquant que c’était impossible, parce qu’ils étaient en concurrence avec les artisans et qu’on ne pouvait pas les envoyer dans la gueule du loup. Cela s’est tout de même fait. Allez donc expliquer aujourd’hui aux autoentrepreneurs qu’ils ne vont plus dépendre des chambres des métiers. Ils pousseront les hauts cris, car il en découle une sorte de reconnaissance professionnelle et cela fonctionne parfaitement. D’une certaine façon, cela a même permis d’aplanir les relations entre les autoentrepreneurs et les artisans, y compris en cas de conflit, car ils s’adressent au même organisme de référence.

Franchement, les procès d’intention sont mal venus. Les chambres de métiers possèdent l’expérience et les références nécessaires. En outre, elles sont placées sous le contrôle des pouvoirs publics. Si des errements devaient se produire, ici ou là, ce que je ne crois pas, nous aurions la possibilité d’intervenir beaucoup plus aisément qu’auprès de centres agréés privés.

Nous avons fait le choix d’apporter des garanties. Je m’engage d’ailleurs, je le dis clairement, à ce que tous les éléments relatifs aux contenus, aux modalités d’examen et à la transparence des résultats soient communiqués à l’ensemble des professionnels intéressés, taxis ou VTC, de manière à ce que la transparence, facteur d’égalité, soit au rendez-vous.

Voilà pourquoi le Gouvernement vous demande de confier cette mission aux chambres de métiers.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis favorable. Cette disposition figurait dans la proposition de loi originelle mais elle était tombée sous le coup de l’article 40. J’ai eu à connaître du conflit entre les autoentrepreneurs, surnommés les « poussins », et les artisans. Nous avons effectivement mis en place l’immatriculation des autoentrepreneurs au répertoire des métiers et l’obligation de passer le stage préparatoire à l’installation. Aujourd’hui, cela se passe bien et les relations entre les uns et les autres sont apaisées. À l’instar de M. le secrétaire d’État, ne vois pas pourquoi l’application de ces dispositions aux taxis et aux VTC conduirait à la fracture, d’autant qu’ils sont déjà tous immatriculés dans les mêmes chambres de métiers.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Il me semble que M. le secrétaire d’État a bien résumé le débat.

Premièrement, cet examen ne doit pas être considéré comme une barrière. Sur ce point, il faut reconnaître qu’un certain nombre d’ambiguïtés circulent. M. Pancher s’est d’ailleurs exprimé dans un sens différent. Pour ma part, je suis en désaccord avec cette vision des choses : l’examen n’est pas là pour créer une barrière ou une nouvelle profession réglementée, mais pour vérifier des aptitudes. Cette ambiguïté doit être levée.

Deuxièmement, il faut s’assurer que les chambres de métiers aient la capacité d’organiser ces examens, afin de ne pas créer de goulets d’étranglement. Sans doute avez-vous des éléments susceptibles de rassurer ceux qui s’inquiètent à ce sujet.

(L’amendement n93 est adopté ; en conséquence, l’article 6 est ainsi rédigé.)

Article 7

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n23.

M. Martial Saddier. Cet amendement que j’ai déposé avec mon collègue Lionel Tardy vise à prévoir les cas de maladie grave ou d’affection de longue durée pour les exploitants de taxis. Il s’agit d’introduire une dérogation au caractère incessible de la licence pour leur permettre d’exploiter à nouveau leur fonds dès la fin de leur convalescence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis défavorable. Compte tenu de la rédaction de l’amendement, le dispositif nécessiterait pour certains exploitants non concernés un changement de statut juridique pour pouvoir embaucher un salarié, à un moment où leur situation d’incapacité rend très difficile ce type de démarche.

(L’amendement n23, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 7 est adopté.)

Article 7 bis

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n47.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n47, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n48.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Amendement de précision.

(L’amendement n48, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 7 bis, amendé, est adopté.)

Article 8

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n24.

M. Martial Saddier. Le débat est allé tellement vite que je n’ai pas eu le temps d’observer que l’amendement n47 va tout de même au-delà de la simple correction. Voilà trois fois que le même article est modifié en un an et demi, et cela dans trois lois différentes. Je l’ai vu, monsieur le rapporteur, même si nous traversons une semaine difficile…

Quant à l’amendement n24, il vise à supprimer l’alinéa 6 de l’article 8. La suppression de la disposition selon laquelle « le registre national de disponibilité des taxis est géré par l’autorité administrative chargée de faciliter et de coordonner la mise à disposition des données publiques en vue de faciliter leur réutilisation » ne paraît en effet pas justifiée.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. L’alinéa 6 désigne le gestionnaire du registre. La disposition du code des transports est d’ordre réglementaire, d’où la proposition de la supprimer. Par conséquent, avis défavorable sur l’amendement.

(L’amendement n24, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’article 8 est adopté.)

Après l’article 8

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 62 et 71, portant article additionnel après l’article 8.

La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n62.

M. François-Michel Lambert. J’irai droit au but, en vous renvoyant au long argumentaire développé dans l’exposé sommaire.

En complément de l’article 52 de la loi relative à la transition énergétique, la présente proposition de loi offre la possibilité d’activer de nouveaux leviers pour développer le covoiturage local. En effet, elle rend clairement possible de s’appuyer beaucoup plus fortement sur les exploitants des plateformes dématérialisées afin de susciter et de maintenir une offre de covoiturage, ce système ne décollant pas suffisamment en France – il faudrait pour cela atteindre une masse critique.

Cet amendement propose donc de reconnaître expressément la possibilité, pour les exploitants de plateformes, d’inciter, y compris financièrement, les conducteurs à pratiquer le covoiturage. Il encadre le montant de ces éventuelles incitations.

En définitive et concrètement, les mesures incitatives dont cet amendement vise à conforter la possibilité de mise en œuvre doivent seulement permettre à tout exploitant d’une plateforme dématérialisée de covoiturage d’accroître et de structurer son offre de services, en incitant les conducteurs non professionnels à utiliser sa plateforme de mise en relation et à proposer par ce biais des trajets en covoiturage. Ces mesures incitatives ne sauraient en revanche constituer un mode de rémunération au profit des covoitureurs sur les trajets effectivement réalisés par eux selon ce mode.

Il s’agit bien de notre capacité à nous engager dans la transition énergétique et à abandonner la voiture individuelle avec un seul occupant.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement identique n71.

M. Christophe Caresche. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Je demande à leurs auteurs de bien vouloir retirer ces amendements, à défaut de quoi l’avis de la commission serait défavorable. Je comprends l’intention et l’objectif mais, comme le reconnaît l’exposé sommaire, une disposition législative n’est pas nécessaire pour pouvoir mettre en place ce type d’incitation. Par ailleurs, la définition législative du covoiturage est très claire et mentionne déjà le partage de frais.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Je trouve ces amendements inopportuns et dangereux, et ils ne sont pas nécessaires. Ce que vous appelez de vos vœux, comme nous tous, est possible : rien n’empêche les plateformes d’atteindre l’objectif que se fixent ces amendements. Vos amendements apparaissent par conséquent comme une sorte de produit d’appel : si vous voulez rappeler vos convictions, nous pouvons le faire ensemble. Cependant, avec la rédaction que vous proposez, le prix à payer n’est pas anodin.

Tout d’abord, inscrire cette disposition dans la loi jetterait un trouble incompréhensible. Rappelons que nous parlons du transport public particulier de personnes. Si nous voulons conférer une spécificité au covoiturage – et c’est aussi mon souhait –, je ne conseille à personne de mêler le sujet avec celui des taxis et des VTC. Ce mélange des principes serait une démarche très dangereuse, même si je comprends vos objectifs.

Ensuite, de toute façon, la disposition proposée ne s’insère pas au bon endroit dans le texte. Les articles que nous examinons sont relatifs à la compétence des autorités organisatrices de la mobilité. Or ces amendements portent sur des acteurs qui ne sont pas nécessairement les collectivités locales.

Nous avons bien reçu le message mais, si vous partagez mes observations, du moins si vous les comprenez, mieux vaudrait retirer ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Compte tenu des éléments relatifs à sa rédaction qui viennent d’être évoqués, je retire mon amendement.

Mais je ne suis pas d’accord sur le fond. À force de saucissonner l’approche des problèmes, nous ne résolvons rien. C’est bien de mobilité urbaine que nous parlons, et le covoiturage en fait partie, de même que les nouvelles formes de mise en relation des personnes qui permettent de l’assurer. Il faudra bien, à un moment donné, sortir par le haut de la démarche très volontariste qui a été initiée – de ce point de vue, je salue ici M. le rapporteur. Il convient maintenant d’aller plus loin et repenser la mobilité urbaine avec toutes les offres existantes, qui vont bien au-delà des seuls taxis et VTC. Le citoyen qui se déplace ne se pose pas la question du choix entre taxi, VTC, métro, trottinette ou covoiturage, mais celle de l’efficacité par rapport à ses attentes propres : rapidité, confort, coût, disponibilité, etc.

M. Bertrand Pancher. Absolument !

M. François-Michel Lambert. Or nous n’avons jamais abordé la question sous l’angle du bouleversement que connaît le citoyen dans ses déplacements. C’est devant nous : il nous faudra bien en parler.

(L’amendement n62 est retiré.)

Mme la présidente. Retirez-vous aussi votre amendement, monsieur Caresche ?

M. Christophe Caresche. Oui, madame la présidente.

(L’amendement n71 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n73.

M. Christophe Caresche. Même si je connais d’ores et déjà la réponse du Gouvernement, puisqu’il nous a indiqué ne pas souhaiter traiter ce type de questions à ce stade, je vais défendre mon amendement car je pense qu’il faudra traiter du problème un jour ou l’autre. Il s’agit de ce que l’on appelle l’économie collaborative, sujet sur lequel notre collègue Pascal Terrasse a remis au Premier ministre un rapport qui a été salué.

Cet amendement vise tout simplement à donner un cadre légal à cette économie collaborative, qui rend des services importants et reste pour l’instant un peu en marge de la loi. Je sais qu’un certain nombre de contentieux sont en cours et j’ai compris que le Gouvernement y serait attentif, mais il faudra bien se préoccuper de cette question à un moment ou à un autre et essayer d’inscrire dans la loi un cadre permettant le développement harmonieux de cette activité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement vise à reconnaître une situation concernant une entreprise en particulier, qui comparaîtra en décembre, je crois, devant le tribunal correctionnel. En fin de compte, nous avons, d’un côté, le covoiturage, qui a récemment été défini par la loi, avec le partage de frais, et, de l’autre, le transport public particulier de personnes, qui est très bien défini, avec des chauffeurs qualifiés. Cet amendement ajouterait de la complexité à un écosystème qui me semble déjà bien assez complexe.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. M. Caresche et les coauteurs de l’amendement affirment qu’un cadre juridique est nécessaire pour réglementer ces activités, en faisant référence au rapport de Pascal Terrasse : ils ont raison. Mais, en l’occurrence, leur amendement ne définit pas un cadre juridique ; tout au contraire, il propose une mesure défensive par rapport à la loi.

Vous avez eu l’honnêteté de tourner votre amendement loyalement, monsieur Caresche. Quelle est sa disposition importante, susceptible d’entraîner d’énormes difficultés, comme je l’ai dit hier ? C’est celle qui figure au dernier alinéa, aux termes duquel « La mise en relation des personnes physiques aux fins de ce partage peut être effectuée à titre onéreux et n’entre pas dans le champ des professions définies à l’article L. 1411-1. » Cette rédaction juridique a pour fin de priver de base légale la procédure pénale – car il ne s’agit pas d’un procès au civil – en cours contre Heetch.

Je ne porte pas d’appréciation sur le fond, je ne dis pas que les poursuites engagées contre Heetch sont fondées, que cette société doit être condamnée. J’insiste simplement sur le fait que, en nos qualités de représentants du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, nous devons être garants de l’indépendance de la justice. À la limite, on aurait pu tenir ce débat avant que les poursuites ne soient engagées, et peut-être faudra-t-il l’avoir à l’avenir, une fois ce contentieux clos. Mais je ne souhaite pas, alors que les poursuites pénales sont en cours, que le législateur vienne modifier les conditions d’application du droit.

Les Français se disent parfois qu’ils sont les seuls à éprouver ce type de difficultés. Mais elles se rencontrent fréquemment : la confrontation du droit avec le monde qui évolue aboutit partout à des difficultés. Vous avez vu ce qui s’est passé dans deux États américains, où Uber a payé 100 millions pour arrêter les poursuites. Aujourd’hui même, alors qu’une action de ce type est engagée en France, des syndicats anglais ont engagé une procédure, en Angleterre, pour faire reconnaître le lien de subordination. Les juridictions rendront leurs décisions et les règles s’harmoniseront. Ne nourrissons pas le sentiment que notre droit et nos procédures seraient épouvantables, tandis que d’autres législations seraient placées sous le signe de la modernité ! Non, le même problème se pose ailleurs dans les mêmes conditions, ce qui est bien normal.

Le Parlement et le Gouvernement français doivent, à tout le moins, respecter le droit français, dont l’un des principes est la séparation des pouvoirs. Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour ces précisions. Vous avez raison de rappeler qu’une procédure est en cours. Toutefois, vous avez mis en avant, pour ne pas prendre position sur le service Heetch, le respect de la séparation des pouvoirs et de l’indépendance de la justice. Or cette attitude n’est pas tout à fait celle qui a prévalu il y a quelques mois, au moment de l’affaire UberPop. On pourra difficilement me faire passer pour un défenseur de la compagnie Uber ou du service UberPop. Je considère, pour ma part, que Heetch, c’est UberPop la nuit : c’est le même système, le même service, qui aboutit à la précarisation d’un certain nombre d’acteurs économiques. J’y suis donc défavorable, en cohérence avec l’article 12 de la loi du 1er octobre 2014.

Je vous signale seulement, monsieur le secrétaire d’État, que, lors de l’affaire UberPop, il y a six mois, alors qu’une procédure pénale était déjà en cours – la première condamnation d’UberPop, devant le tribunal correctionnel de Paris, date en effet du 16 octobre 2014 –, le Gouvernement s’était exprimé en faveur de l’interdiction de ce service. Des préfets avaient même pris des arrêtés. Le Président de la République en personne avait même pris position pour demander la dissolution du service UberPop. De fait, je le répète, UberPop et Hitch, c’est la même chose. Il me semble que, là aussi, il conviendrait que la loi du 1er octobre 2014 s’applique et que son article 12 soit mis en œuvre.

Mme la présidente. Vous retirez votre amendement, monsieur Caresche, n’est-ce pas ?

M. Christophe Caresche. Oui, je le retire.

(L’amendement n73 est retiré.)

Article 9

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n88, tendant à supprimer l’article 9.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Il a pour objet de lever le gage.

(L’amendement n88, accepté par la commission, est adopté ; en conséquence, l’article 9 est supprimé.)

Titre

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour soutenir l’amendement n25.

M. Martial Saddier. Cet amendement a été rédigé par notre collègue Tardy, qui n’était pas pleinement convaincu que l’objectif de simplification affiché dans le titre serait atteint par la somme des mesures ajoutées. L’amendement vise donc, à tout le moins, à simplifier le titre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Avis défavorable. Le titre de la loi est très complet, ce qui va dans le bon sens.

(L’amendement n25, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Philippe Duron, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Philippe Duron. Le groupe SER votera ce texte pour différentes raisons.

Mme Chantal Guittet. Bravo !

M. Philippe Duron. D’abord, il simplifiera et renforcera la législation applicable aux trois types de véhicules que sont les taxis, les VTC et les LOTI, en confortant la loi du 1er octobre 2014, dont Thomas Thévenoud est à l’origine. C’est satisfaisant car ce texte était utile et même nécessaire.

Par ailleurs, notre groupe voudrait rendre hommage à M. le rapporteur, qui a accompli un travail considérable, ainsi qu’à M. le secrétaire d’État, qui a manifesté une grande qualité d’écoute, une parfaite connaissance du dossier, et apporté des éclairages juridiques précieux pour nous permettre de mieux évaluer la portée du texte et les amendements portés par nos collègues.

Je remercie enfin tous nos collègues ayant déposé des amendements. Ceux-ci ont permis un débat que j’ai trouvé très intéressant, et ouvert des perspectives, dans le domaine du transport particulier de personnes, que nous serons certainement amenés à approfondir dans les années à venir.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Bertrand Pancher. Je veux aussi remercier l’ensemble des intervenants, en particulier M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État. Nous avons travaillé dans un très bon état d’esprit.

Je voudrais aussi avoir une pensée pour les chauffeurs de taxi, à qui je rends hommage. Ils exercent en effet un métier très difficile et se sont beaucoup mobilisés ces derniers mois, avec leurs organisations syndicales, pour se faire entendre. Un certain nombre d’entre eux seront satisfaits de constater que le présent texte contient des avancées. Cette proposition de loi n’est pas pour autant dirigée contre les VTC, qui ont aussi besoin d’être protégés. On devrait arriver à faire en sorte que l’ensemble des professionnels s’en sortent un peu mieux demain qu’hier.

Cela dit, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, tout cela, ne l’oublions pas, ne réglera pas une question qui nous intéresse au premier chef : les conditions réelles de travail de l’ensemble de ces professionnels. Nous devons nous engager dans deux directions sur lesquelles je souhaite à nouveau insister.

Il s’agit, premièrement, de l’application de la loi par des contrôles réguliers. Pour ce faire, il n’est d’autre possibilité que de nous diriger un jour, que j’espère proche, vers une décentralisation des moyens en direction des autorités organisatrices de transport. De fait, dans tous les pays du monde, c’est ainsi que cela fonctionne.

Deuxièmement, nous devons nous engager de façon déterminée vers un rachat des licences de taxi, car les chauffeurs de taxi sont ruinés (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain)

M. Christophe Caresche. Mais non !

M. Bertrand Pancher. …et il ne faut pas baisser la garde, monsieur le secrétaire d’État, dans ce domaine.

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

7

Démission d’un député

Mme la présidente. Le président a reçu de M. Hervé Morin, député de la troisième circonscription de l’Eure, une lettre l’informant qu’il démissionnait de son mandat de député.

Acte est donné de cette démission, qui sera notifiée à M. le Premier ministre.

8

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Mes chers collègues, la commission mixte paritaire sur le projet de loi prorogeant l’état d’urgence se réunit ce soir. Si elle parvient à un accord, notre assemblée examinera le texte de la CMP demain à douze heures. Dans le cas contraire, notre assemblée procédera à la nouvelle lecture demain à quinze heures.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quarante.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly