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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 21 octobre 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Hommage aux trente-trois femmes élues à l’Assemblée constituante le 21 octobre 1945

Mme la présidente

2. Questions au Gouvernement

Violences en Isère

M. Jean-Pierre Barbier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Violences en Isère

M. Michel Issindou

M. Manuel Valls, Premier ministre

Cruauté envers les animaux dans les abattoirs

Mme Laurence Abeille

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Réforme de l’aide juridictionnelle

M. Francis Hillmeyer

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Respect par France télévisions de l’équité entre les candidats en période électorale

M. Sébastien Huyghe

M. Manuel Valls, Premier ministre

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Mme Martine Carrillon-Couvreur

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Dialogue social

M. André Chassaigne

M. Manuel Valls, Premier ministre

Indemnisation des victimes du terrorisme

Mme Marianne Dubois

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Parité dans la représentation politique

Mme Catherine Coutelle

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes

Enseignement supérieur

Mme Dominique Nachury

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Conférence sociale

Mme Françoise Dumas

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Prise en charge des personnes handicapées

M. Gilles Lurton

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Présence de l’islam en France

M. Jacques Bompard

M. Manuel Valls, Premier ministre

Mémorial de Rivesaltes

M. Pierre Aylagas

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Institut national de recherche en informatique et en automatique

M. François de Mazières

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche

Filière de santé visuelle

Mme Dominique Orliac

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

3. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (suite)

Discussion générale (suite)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Première partie

Article 1er

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Christophe Premat

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean-Pierre Door

M. Dominique Tian

M. Bernard Accoyer

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Article 2 et annexe A

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Bernard Accoyer

M. Christophe Premat

M. Jean-Pierre Barbier

M. Michel Liebgott

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales

Vote sur l’ensemble de la première partie

Deuxième partie

Article 3

M. Bernard Accoyer

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Christophe Premat

Mme Isabelle Le Callennec

M. Jean-Pierre Door

Mme Marisol Touraine, ministre

M. Francis Vercamer

M. Élie Aboud

Amendement no 641

Mme Michèle Delaunay, rapporteure

Article 4

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Pierre Door

M. Denis Jacquat, rapporteur

M. Christophe Premat

M. Élie Aboud

M. Gérard Sebaoun

Amendements nos 276 , 279 , 327 rectifié , 158 , 344

Rappel au règlement

M. Bernard Accoyer

Mme Marisol Touraine, ministre

Article 4 (suite)

Amendements nos 345 , 345 , 190 , 346

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Rappels au règlement

M. Francis Vercamer

M. Jean-Pierre Door

Mme Michèle Delaunay, rapporteure

Article 4 (suite)

Amendements nos 277 , 278 , 326 , 377 , 21 , 159

Article 5

M. Denis Jacquat, rapporteur

Mme Isabelle Le Callennec

Amendement no 771

Article 6

M. Bernard Accoyer

Mme Isabelle Le Callennec

Après l’article 6

Amendement no 642

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

Troisième partie

Article 7

M. Dominique Tian

M. Bernard Accoyer

M. Jean-Pierre Door

M. Denis Jacquat, rapporteur

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Bernard Gérard

M. Francis Vercamer

M. Jean-Louis Costes

M. Gérard Bapt, rapporteur

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Amendements nos 317 , 708 , 933 , 644 , 320 rectifié , 591 , 646 , 645

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux trente-trois femmes élues à l’Assemblée constituante le 21 octobre 1945

Mme la présidente. Le 21 octobre 1945, il y a soixante-dix ans jour pour jour, trente-trois femmes étaient élues députées à la première Assemblée constituante.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Merci de Gaulle !

Mme la présidente. Certaines avaient été résistantes ou déportées pendant la Seconde Guerre mondiale. Qu’elles aient été sans profession, infirmières, journalistes, professeures, institutrices, ouvrières, avocates, secrétaires, photographes, tisserandes ou employées de bureau, ces pionnières ont illustré avec éclat, dans leur diversité, l’entrée des femmes dans la vie politique de notre pays, seulement dix-huit mois après que le droit de vote leur a été accordé. Elles ont été les actrices d’une première victoire dans le long combat toujours inachevé pour l’égalité entre les femmes et les hommes. En ce jour particulier, je tiens, au nom de la représentation nationale, à rendre un vibrant hommage à chacune d’elles. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Merci de Gaulle !

2

Questions au Gouvernement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Violences en Isère

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Barbier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et j’y associe mon collègue Alain Moyne-Bressand. La commune de Moirans, située dans l’Isère, a été hier le théâtre de scènes de violences et de guérilla urbaine inadmissibles et inexcusables. Au prétexte d’une décision de justice défavorable quant à une permission de sortie de prison pour des obsèques, des individus se sont livrés à de véritables actes de guerre civile, durant plusieurs heures : voitures brûlées, bâtiments publics saccagés, routes et voies ferrées bloquées, mairie assiégée. C’est la terreur qui a régné à Moirans. Je veux rendre hommage aux habitants, aux riverains, pour leur sang-froid ainsi qu’aux élus locaux et en particulier au maire de Moirans, qui a dû faire face seul, dans les premiers instants, à ce déchaînement de violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

J’adresse également mes remerciements aux forces de l’ordre et aux sapeurs-pompiers qui, sous l’autorité du préfet, sont intervenus avec efficacité dans un contexte extrêmement tendu pour ramener le calme et la sécurité sans qu’aucune victime ne soit à déplorer.

Monsieur le Premier ministre, rien ne justifie ce qui vient de se passer. Les auteurs de ces actes devront être recherchés et condamnés. La justice et l’État ne doivent pas plier. Un défi est lancé, depuis quelques mois, à la République par des minorités. Sans faire d’amalgame, je considère que toute contestation par la violence d’une décision de justice, qu’elle concerne des enjeux environnementaux ou sociétaux, n’est pas acceptable et ne devrait pas ouvrir de droit au dialogue. Sinon, demain, la violence serait légitimée et ce serait l’anarchie qui régnerait dans notre pays.

J’ai entendu des déclarations de condamnation et de fermeté du Gouvernement. Elles sont conformes à une attitude républicaine que je partage. Mais au-delà des déclarations, ce sont des actes qu’attendent aujourd’hui les Français et les habitants de l’Isère, dans ce cas particulier mais aussi de manière plus générale. Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à adopter cette attitude de fermeté à propos de tous les sujets qui ont émaillé l’actualité au cours de ces derniers mois ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, L’État et la République, c’est l’autorité, ce sont des mots. Mais ce sont aussi des actes qui doivent suivre, vous avez raison. L’autorité de la loi et des décisions de justice…

M. Christian Jacob. Il faut décider et arrêter de parler !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Jacob, le ton de la question de M. Barbier ne mérite pas vos interruptions et mérite une autre attitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Ce qui importe, c’est le maintien et le respect de l’ordre républicain. Je vous réponds très directement que les décisions de justice s’appliquent partout, à Moirans, en Isère comme sur l’ensemble du territoire. J’ai d’ailleurs répondu le plus clairement possible hier à une question portant sur Notre-Dame-des-Landes. Les troubles qui ont eu lieu hier à Moirans, à Voreppe, en Isère et au centre pénitentiaire d’Aiton en Savoie sont, par leur gravité et leur violence, inexcusables.

Tout cela choque légitimement nos concitoyens. Comment pourrait-il en être autrement ? Il est intolérable qu’un déchaînement de violence, quelle que soit la raison, soit commis au prétexte de contester par ailleurs une décision de justice. La seule manière légitime de le faire, c’est d’user des voies de recours. Il ne peut pas y avoir d’autre attitude. Hier après-midi, le Gouvernement, par la voix du ministre de l’intérieur, a immédiatement donné des instructions de fermeté au préfet afin que l’ordre républicain soit rétabli. Comme vous le savez, les unités de forces mobiles ont été dépêchées sur place et elles y resteront autant que nécessaire. Le Gouvernement veut féliciter les gendarmes, les policiers, les agents pénitentiaires et le préfet, grâce au sang-froid et à la maîtrise professionnelle desquels aucun blessé n’est à déplorer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Claude Greff. Heureusement qu’ils sont là où vous n’êtes pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux saluer comme vous, monsieur le député, le maire de Moirans et ses équipes ainsi que tous les habitants qui se sont retrouvés face à ce déchaînement de violence. Ceux qui veulent tordre le bras à la justice, tordre le bras aux forces de l’ordre, tordre le bras à la République s’exposent à une réponse d’une extrême fermeté. Ceux qui ont agi hier doivent s’attendre à être implacablement recherchés et poursuivis en justice.

À Moirans, hier comme aujourd’hui et jusque devant les juges d’appel, les magistrats ont rendu des décisions fermes dans un contexte difficile et complexe, qui rappelle s’il en était besoin la difficulté de leur mission.

Mme Claude Greff. Où est la République ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je les assure de l’appui total du Gouvernement pour que les décisions de justice puissent être rendues dans la sérénité, comme elles doivent l’être, et sans que l’ordre public ne soit jamais pris en otage. Nous répondrons avec la plus grande fermeté, avec les forces de l’ordre et avec la justice, qui sont les piliers de l’État de droit, face à ces violences. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Christian Jacob. C’est avant qu’il fallait le faire !

Violences en Isère

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Issindou. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Hier, à Moirans, dans le département de l’Isère, des exactions inadmissibles ont été commises. En fin d’après-midi, plusieurs dizaines de membres de la communauté des gens du voyage ont bloqué la route départementale et les voies ferrées. Dès le début de la soirée, les forces de l’ordre déployées ont repris le contrôle de la situation et rétabli la circulation routière et ferroviaire. Ces émeutes en réaction à une décision de justice sont inacceptables, intolérables dans un État de droit comme le nôtre. Nous pouvons et devons, chers collègues, sur tous les bancs de notre assemblée, rendre hommage au travail exemplaire des forces de l’ordre, policiers et gendarmes, mais aussi pompiers et services de l’État, dans ce contexte extrêmement difficile. Les habitants de Moirans et de l’Isère savent ce qu’ils leur doivent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Comme vous l’avez dit, monsieur le Premier ministre, « face aux violences inadmissibles commises à Moirans, une seule réponse : la fermeté et le rétablissement de l’ordre républicain ». Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, la garde des sceaux, Christiane Taubira (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), et l’ensemble des membres du Gouvernement font bloc pour protéger l’ordre républicain, garant de la tranquillité et de la sécurité de nos concitoyens. Dans une société de plus en plus violente, notre détermination à lutter contre la délinquance sous toutes ses formes est totale. Car ce sont toujours les plus faibles qui sont les premières victimes de ces actes.



Chers collègues, les contre-vérités, les caricatures et les mensonges assénés par la droite et l’extrême droite pour dépeindre une gauche laxiste ne résistent pas à l’examen des faits. En matière d’allocation de moyens à la police, à la gendarmerie et à la justice, de lutte contre le terrorisme et de préservation de l’ordre républicain, nous avons agi sans relâche ni faiblesse. Monsieur le Premier ministre, alors que la situation sur place demeure fragile, que peut nous dire le Gouvernement sur les événements d’hier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Claude Greff. Rien du tout !

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, face à la violence, il faut agir.

Un député du groupe Les Républicains. Allons-y !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous sommes dans une société où il y a de la violence. C’est pour cela que la sécurité est une priorité. Je rappelle à ceux qui utilisent à chaque fois ce type d’événement pour essayer de prospérer électoralement qu’ils ont eux-mêmes affaibli la police et la gendarmerie en supprimant 13 000 postes de policiers et de gendarmes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Alain Marty. Le problème, c’est aujourd’hui !

M. Christian Jacob. Que faites-vous depuis trois ans, sinon de la démagogie et du populisme ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est mon gouvernement, sous l’autorité du Président de la République, qui crée des postes de policiers et de gendarmes, plus de 5 000 au cours du quinquennat. Nous donnons davantage de moyens techniques et matériels à la police et à la gendarmerie ainsi qu’aux services de renseignement au lieu de faire de la sécurité un sujet de polémique comme vous cherchez à le faire en permanence ! Vous êtes pris dans cette contradiction terrible : sur le terrain, les élus venant à la rencontre du Premier ministre et des ministres, quelle que soit d’ailleurs la majorité, se comportent dignement dans un esprit républicain, alors que d’autres, sur les ondes et ici même dans cet hémicycle, croient que c’est sur le thème de l’insécurité, sur le thème de la sécurité, qu’ils pourront courir derrière le Front national ! Vous vous trompez lourdement ! En matière de sécurité, après les événements de Moirans, les Français attendent une réponse ferme. Et cette réponse ferme, c’est celle de l’État de droit : police, gendarmerie, polices municipales, justice. C’est cela, l’État de droit. Et l’on ne conteste pas les décisions de justice à son gré !

M. Jean-Claude Perez. Exactement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous respectons, nous, les décisions de justice, surtout quand elles sont prises dans un contexte particulièrement difficile. Chacun s’honorerait à les respecter, parce que c’est cela, conforter l’État de droit.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous continuerons à mobiliser des moyens sur le terrain, notamment à Moirans, dans ce territoire, cette circonscription, ce canton qu’André Vallini connaît bien. Ce qui s’est passé est intolérable et nos concitoyens, nos compatriotes, ont besoin de cette réponse en matière de sécurité et d’ordre républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Cruauté envers les animaux dans les abattoirs

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.

Mme Laurence Abeille. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

La semaine dernière, l’association L214 a diffusé des vidéos difficilement supportables, tournées dans les abattoirs d’Alès. Cette association donne à voir ce que beaucoup ne voyaient pas, comme elle l’a déjà fait avec le broyage des poussins dans l’industrie avicole. Je salue son combat.

Ces vidéos révèlent que de nombreuses règles d’abattage sont bafouées, qu’elles soient relatives au bien-être animal ou à la sécurité sanitaire des aliments. On y voit des chevaux égorgés encore conscients, des porcs asphyxiés au dioxyde de carbone, des vaches agonisant à même le sol. Tout cela est indigne, et le maire d’Alès a pris la seule décision qui convenait : fermer cet abattoir.

Ce cas conduit à s’interroger plus largement sur la réalité de l’abattage en France et sur le respect des normes relatives au bien-être animal. Certains nous disent : « Alès est un cas à part, une situation exceptionnelle ». Mais qu’en sait-on, puisque les abattoirs sont des lieux fermés à tous, et que les contrôles vétérinaires manquent cruellement sur le terrain ?

Certes, vous avez annoncé la création de 240 emplois dans les services vétérinaires ; mais est-ce suffisant ? Lorsque des infractions sont constatées, elles ne débouchent que rarement sur des sanctions. Et de toute façon, ces sanctions sont trop faibles et n’incitent pas à respecter les règles relatives au bien-être animal, déjà laxistes.

En matière d’abattage, les sanctions prévues ne sont que des contraventions de 1 500 euros maximum ! Le règlement européen de 2009 demande pourtant aux États de mettre en place des sanctions dissuasives. La France est régulièrement épinglée par la Commission européenne pour non-respect des règles.

Monsieur le ministre, au-delà de nouveaux postes d’inspecteurs, nous vous demandons de repenser globalement la prise en compte du bien-être animal dans notre système d’élevage. Car mieux prendre en compte le bien-être animal, c’est tendre vers une production de qualité qui permette aux éleveurs de vivre et produire dignement. Tout est lié, et l’un ne peut se faire au détriment de l’autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la députée, vous avez évoqué le cas de l’abattoir d’Alès, qui, avant sa fermeture, avait déjà fait l’objet d’un contrôle – pour les mêmes faits que ceux dénoncés par les vidéos – le 4 septembre. Un autre contrôle était prévu deux mois plus tard, et des mises en demeures devaient être effectuées début novembre. Comme vous l’avez rappelé, la diffusion des vidéos a conduit à la fermeture de cet abattoir.

Le respect de la directive sur le bien-être animal doit être un impératif dans tous les abattoirs. Les professionnels doivent s’y engager, et l’État assurer les contrôles nécessaires. Cela a été évoqué lors de l’examen de la loi d’avenir sur l’agriculture, et à plusieurs reprises dans les débats budgétaires : nous avons mis fin aux suppressions de postes dans les services vétérinaires. Soixante postes ont été créés l’an dernier, soixante nouveaux postes le seront cette année et le budget pour 2017 devrait prévoir la création de soixante postes supplémentaires. Ainsi, les moyens de contrôle de l’État seront renforcés.

Mais tout dépendra aussi de la capacité de chacun à assumer le respect des règles en matière de bien-être animal. Après la communication, cette semaine, d’une instruction à l’ensemble des abattoirs, j’engagerai une discussion avec les professionnels afin d’établir, pour 2016, une feuille de route concernant le respect du bien-être animal et les conditions d’abattage. Comme vous, je suis sensible au fait que le respect des règles doit être un impératif pour tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)

Réforme de l’aide juridictionnelle

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux.

L’État doit garantir à tous les citoyens un égal accès à la justice. C’est l’un des grands principes de la justice de notre pays et un fondement de notre démocratie et de notre pacte républicain. L’une des voies pour y parvenir est l’aide juridictionnelle.

Les avocats, fidèles à leur serment, remplissent leur rôle en défendant les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle, souvent en grande précarité. Pour cela, ils perçoivent, vous le savez, une rémunération inférieure à leur seuil de rentabilité.

Il aura fallu un mouvement de grève sans précédent pour que vous renonciez à financer l’augmentation de l’aide juridictionnelle par un prélèvement de 15 millions d’euros sur les caisses des avocats, un dispositif que vous aviez fait voter il y a une semaine à peine. Que de revirements, d’atermoiements et de renoncements en trois ans !

Mais les questions relatives à la revalorisation de la justice restent sans réponse. Je veux parler ici des unités de valeur. Concrètement, votre réforme maintient une augmentation de l’aide juridictionnelle de 1,70 euro, alors que le nombre d’unités attribuées aux procédures courantes sera réduit, selon vos propres documents de travail, diminuant ainsi le montant de l’aide juridictionnelle de 30 %. Comment peut-on, dans ces conditions, assurer une défense de qualité aux concitoyens les plus vulnérables ?

Madame la garde des sceaux, ne vous y trompez pas : les avocats étaient dans la rue pour défendre une conception de la justice pour tous et les moyens de l’assurer. Confirmez-vous avoir renoncé à ce mode de financement ? Que comptez-vous y substituer ? Quelles mesures mettrez-vous en œuvre pour, enfin, moderniser la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous avez raison de parler d’un dispositif de solidarité nationale. L’aide juridictionnelle a été conçue pour permettre à des personnes dont les ressources se trouvaient inférieures au seuil de pauvreté d’accéder au droit et à la justice. Elle rétribue les services assurés par les avocats.

Je rappellerai une chose très simple : nous n’avons cessé d’augmenter le budget de l’aide juridictionnelle depuis que nous sommes aux responsabilités. Il a atteint 375 millions d’euros cette année, alors qu’il était de 275 millions d’euros en 2010 (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Étienne Blanc. Quelle erreur !

M. Philippe Gosselin. Alors même que toute l’enveloppe n’était pas utilisée !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Entre-temps, nous avons supprimé la taxe de 35 euros qui entravait l’accès à la justice et au droit, compensant cette suppression par un abondement de 60 millions d’euros du budget de l’aide juridictionnelle. L’augmentation se poursuit, puisque la dotation sera de 405 millions d’euros en 2016. Voilà la politique que nous menons.

Nous aurions pu nous en contenter.

Mme Claude Greff. Cela aurait mieux valu !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais nous voulons aussi réformer un système dont les rapports, depuis 2001, disent qu’il est à bout de souffle. C’est la raison pour laquelle nous discutons avec les représentants nationaux des avocats depuis trois ans. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) La disposition inscrite dans le projet de loi de finances pour 2016 – à savoir un prélèvement sur les intérêts de fonds placés dans les caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats, les CARPA – était une proposition des avocats eux-mêmes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Charles de Courson. Ce n’est pas vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En effet, la loi de 1991 prévoit une répartition générale de l’aide juridictionnelle. Pourtant, ce sont seulement 16 % des avocats qui assurent 84 % de son fonctionnement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Respect par France télévisions de l’équité entre les candidats en période électorale

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe Les Républicains.

M. Sébastien Huyghe. Ma question s’adresse au Premier ministre mais je voudrais au préalable lui dire qu’en matière de sécurité, s’il peut toujours essayer de remettre en cause le quinquennat précédent, une chose est sûre, c’est que la délinquance a résolument diminué sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy alors qu’elle repart à la hausse depuis que François Hollande est Président de la République ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. - Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mais ma question n’est pas là, monsieur le Premier ministre.

Demain, France Télévisions a choisi de faire de Marine Le Pen l’invitée vedette de son émission politique, Des paroles et des Actes. Plus de deux heures de direct devant trois millions de téléspectateurs en moyenne. Mais la fille de Jean-Marie Le Pen n’est pas seulement la présidente du Front national. Elle est aussi la tête de liste aux élections régionales dans la nouvelle grande région Nord-Pas-de-Calais-Picardie.

Or cette invitation intervient deux jours avant que ne coure le délai de six semaines qui impose à France Télévisions l’équité de traitement entre les candidats. Cette invitation est donc une rupture claire des engagements de service public de France Télévisions.

Devant ce scandale sans pareil, Delphine Ernotte, la présidente du groupe France Télévisions, a été saisie par Xavier Bertrand : pas de réponse. La ministre de la culture, tutelle de France Télévisions, a été saisie par Xavier Bertrand : pas de réponse. C’est la raison pour laquelle je m’adresse à vous, monsieur le Premier ministre, et non à Fleur Pellerin, restée muette sur ce dossier.

Devant la polémique, nous avons eu pour seule réponse une proposition indécente de la part de la rédaction de l’émission Des paroles et des Actes : un reportage en campagne, de trois à cinq minutes, partagé avec la tête de liste socialiste, sur une émission de plus de deux heures. C’est une honte. (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Cette invitation ne choque pas uniquement dans les rangs de l’opposition. Le Premier secrétaire du Parti socialiste a lui-même reconnu que c’était parfaitement anormal. Je crois même qu’il s’est fendu d’une lettre.

Ma question est simple, monsieur le Premier ministre : France Télévisions a-t-elle décidé de faire la campagne de Marine Le Pen ? Si tel est le cas, allez-vous réintégrer la redevance payée par chaque Français dans les comptes de campagne de Mme Le Pen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, j’ai bien compris que, pour des raisons tout à fait admissibles, la campagne des régionales allait s’inviter régulièrement dans cet hémicycle. Votre question est tout à fait légitime. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit être saisi précisément pour faire respecter l’équité entre les candidats aux élections régionales. Nous pouvons tous être d’accord sur ce point. Ce n’est pas la première fois qu’un problème de cette nature se pose, malheureusement. Je ne doute pas un seul instant – je l’espère même – que des débats seront organisés dans les régions pour permettre aux différents candidats de faire valoir leurs bilans et leurs projets. Il faut le souhaiter pour la démocratie.

Mme Claude Greff. Il n’est pas très à l’aise.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il faut débattre. Le Gouvernement et la majorité ont fait un autre choix que le vôtre : Stéphane Le Foll, membre et porte-parole du Gouvernement, sera confronté demain à Marine Le Pen.

M. Christian Jacob. Cela va changer quelque chose !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Au-delà de cette question légitime, c’est le débat qui nous importe, avec et contre l’extrême droite en particulier, en France et en Europe, sur le fond et sur les idées. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Le choix, plus que jamais dans notre pays, c’est celui entre une certaine vision de la France qui privilégie les valeurs de la République, le rassemblement, l’apaisement, la non-exploitation des peurs face au défi terroriste, au défi des réfugiés, aux problèmes de sécurité, et une autre vision, celle de la rupture, qui traduit, au fond, la volonté de mettre à bas et notre modèle social et une certaine vision de la France. (Exclamations sur les mêmes bancs.)

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, il y a soixante-dix ans, sous l’impulsion du Conseil national de la Résistance, notre République instaurait l’un des systèmes de protection les plus performants au monde : la Sécurité sociale.

Depuis, cette grande idée a été bousculée au fil du temps par un déséquilibre chronique de ses comptes, dû principalement au chômage et à l’allongement de la durée de la vie.

Certains mouvements d’opinion ont alors utilisé les déficits pour prôner, au travers d’un libéralisme exacerbé, le recours au système d’assurances privées.

À force de se faire entendre, ces mouvements ont réussi à inquiéter les Français sur l’avenir de notre système de protection sociale. Fort heureusement, ce modèle où « chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins » est suffisamment solide pour continuer à assurer à tous une couverture sociale efficace. (« C’est faux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Afin de pérenniser et de renforcer cette protection, vous poursuivez, madame la ministre, trois objectifs : la préservation des acquis sociaux, la conquête de nouveaux droits, l’assainissement de nos comptes publics.

Ainsi, depuis 2012, nous avons rétabli la retraite à soixante ans pour les carrières longues, revalorisé de 10 % le RSA et l’aide à la complémentaire santé pour les personnes âgées, pris en compte la pénibilité au travail, rendu gratuite la contraception pour les mineures et mis en place le remboursement à 100 % de l’IVG.

Pour la première fois depuis plus de dix ans, votre action permet de faire reculer les inégalités tout en redressant les comptes sociaux.

M. Christian Jacob. Votre action a servi à faire monter le Front national !

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Dans le cadre du budget de la Sécurité sociale que nous examinons depuis hier, vous impulsez une politique volontariste en matière de prévention. (« Son temps de parole est écoulé ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Vous déclinez des priorités pour offrir de nouvelles protections et de nouveaux droits aux Françaises et aux Français.

Mme la présidente. Merci, madame la députée.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, vous avez raison de souligner que la Sécurité sociale joue un rôle essentiel dans la cohésion de notre République. Elle est un facteur d’adhésion aux valeurs que nous devons tous partager. C’est la raison pour laquelle, avec ténacité, volonté, nous poursuivons depuis trois ans le rétablissement des comptes de la Sécurité sociale, parce que l’équilibre est un gage de confiance adressé à nos concitoyens.

Par-delà le rétablissement des comptes, ce sont des droits nouveaux qui sont inscrits année après année. Ce PLFSS pour 2016 nous permet de progresser encore et d’adresser des messages de confiance à nos concitoyens.

Plusieurs mesures sont ainsi proposées. Nous allons étendre la gratuité du dépistage du cancer du sein aux examens supplémentaires réalisés sur les femmes présentant un risque plus élevé.

Par ailleurs, nous comptons bien ne pas en rester à la gratuité de la contraception pour les mineures mais permettre la prise en charge à 100 % des consultations et des actes médicaux liés à la prescription de cette contraception pour les mineures.

Nous adressons également un message aux familles monoparentales en leur permettant de compter sur une garantie, afin que puisse être perçue la pension alimentaire que ne verse pas le conjoint défaillant.

Enfin, nous mettons en place une protection universelle d’assurance maladie qui permettra à des millions de Français de faire face aux difficultés de la vie quotidienne quand ils changent de régime, de résidence ou de métier.

C’est cela, le message que nous voulons adresser à nos concitoyens : permettre à chacune et à chacun de se retrouver simplement dans notre modèle social. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Dialogue social

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de rendre hommage aux trente-trois femmes députées, dont dix-sept communistes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), élues le 21 octobre 1945.

M. Alain Chrétien. Merci de Gaulle !

M. André Chassaigne. Parmi elles, Raymonde Nédelec-Tillon, dernière députée survivante de cette assemblée. Elle fêtera demain ses cent ans. Nous lui souhaitons un bel anniversaire ! (Applaudissements sur tous les bancs.)

C’est au nom des valeurs de justice et de liberté qu’elle a défendues au cours de son mandat que nous interrogeons le Gouvernement.

La violence sociale subie par les salariés d’Air France, qui seront demain devant notre assemblée, est symptomatique de la rupture avec le monde du travail, une rupture installée malgré la conférence sociale qui se tenait ce lundi et les efforts de mise en scène du dialogue social qu’on y a déployés.

Monsieur le Premier ministre, pour qu’il y ait dialogue social, une exigence s’impose : un respect mutuel des parties prenantes.

M. Pascal Popelin. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Faut-il rappeler la loi Macron, qui généralise le travail dominical et renforce les pouvoirs patronaux en matière de licenciements économiques – loi qui revient sur le devant de la scène avec un projet de décret complexifiant l’accès à la justice prud’homale ?

Faut-il rappeler la loi Rebsamen, inspirée du texte rédigé par le MEDEF après son rejet par les organisations syndicales ?

M. Guy Teissier. Changez de logiciel !

M. André Chassaigne. Faut-il rappeler la signature récente de l’accord sur les retraites complémentaires, qui coûtera 300 millions d’euros au patronat mais 5,7 milliards aux salariés et retraités, et qui repousse de fait l’âge du départ à la retraite à 63 ans ?

Le dialogue social nécessite que le Gouvernement permette l’émergence d’un compromis. Pour cela, il ne faut pas prendre systématiquement le parti des employeurs.

M. Alain Chrétien. Son temps de parole est écoulé, madame la présidente !

M. André Chassaigne. N’est-il pas urgent que le Gouvernement prenne – enfin ! – en compte les revendications du monde du travail pour renouer avec le progrès social ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez eu raison, monsieur le président Chassaigne, de rendre hommage aux premières femmes élues dans cette assemblée, dont vous partagez, je n’en doute pas, l’exigence de justice sociale et de vérité.

Avec le Président de la République, avec Mme Myriam El Khomri, la ministre du travail, et plusieurs membres du Gouvernement, nous avons tenu la conférence sociale au début de cette semaine. Cette conférence a permis de bien travailler sur des sujets qui concernent d’abord les salariés, mais aussi les entrepreneurs, notamment la préparation de ce rendez-vous essentiel pour la France et pour l’humanité qu’est la COP 21, et la réflexion que nous devons mener ensemble, dans l’intérêt des salariés eux-mêmes, sur les changements profonds introduits par le numérique dans le travail et dans l’entreprise et sur la nouvelle France industrielle que nous devons bâtir pour apporter compétitivité et richesse à nos entreprises.

Surtout, nous avons évoqué le compte personnel d’activité, que Myriam El Khomri a présenté et qui vise, peut-être l’avez-vous oublié, à ouvrir de nouveaux droits aux salariés. L’idée d’une sécurité sociale professionnelle est d’ailleurs une vieille idée soutenue par le monde syndical.

Mme Claude Greff. Mais vous l’avez trahie !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il est à cet égard assez étonnant – mais n’y voyez aucune allusion à la question que vous venez de poser – que l’organisation qui a beaucoup défendu cette idée ait été absente de la conférence sociale.

M. André Chassaigne. Pourquoi, à votre avis ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’accord sur les retraites complémentaires que vous évoquez est un accord entre partenaires sociaux. S’il n’était pas intervenu, nous aurions été plongés dans une très grande difficulté non seulement pour assurer l’avenir des retraites complémentaires, mais aussi, du point de vue juridique, pour savoir quelle autre réponse apporter. Je rappelle qu’il a été conclu entre, d’un côté, le patronat, le MEDEF, et, de l’autre, des organisations syndicales.

Puisque vous parlez de respect, permettez-moi de vous inviter à respecter, comme nous nous employons tous à le faire, à respecter l’ensemble des organisations syndicales.

M. André Chassaigne. Je les respecte !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Car il n’y a pas une seule organisation syndicale, il y en a plusieurs !

M. François Rochebloine. Eh oui !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Alors oui : respect, vérité et responsabilité, monsieur le président Chassaigne ! Dans ce moment que nous décrivons tous comme difficile pour le pays et qui exige du dialogue, de l’écoute, du respect pour les salariés, il est essentiel que les partenaires sociaux se respectent mais assument aussi leurs responsabilités en signant des accords. C’est le seul moyen d’avancer, et d’ailleurs on en signe beaucoup dans les branches et dans les entreprises. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas avancer aussi au niveau interprofessionnel.

Oui, respect, écoute des directions comme des salariés, respect de ceux qui les représentent, respect du dialogue social.

C’est le seul message que je veux vous faire passer : à un moment où certains mettent profondément en cause le pacte social, veulent en finir avec le paritarisme, contestent les syndicats et le dialogue social,…

M. Jean-Claude Perez. Toujours les mêmes !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …il est essentiel que tous ensemble, notamment les forces de gauche et de progrès, nous fassions vivre le dialogue social.

M. Claude Goasguen. Baratin !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le respect de tous, c’est le meilleur moyen pour avancer ; c’est le meilleur vecteur de justice sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste.)

Indemnisation des victimes du terrorisme

Mme la présidente. La parole est à Mme Marianne Dubois, pour le groupe Les Républicains.

Mme Marianne Dubois. Ma question, à laquelle j’associe mon collègue Georges Fenech, s’adresse à Mme la garde des sceaux.

Madame la ministre, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions de droit commun, le FGTI, a été notamment créé pour indemniser les victimes d’actes de terrorisme. À la suite de la vague d’attentats qui a frappé la France en 1986, la loi a prévu d’alimenter ce fonds de garantie à hauteur de 75 % par une contribution forfaitaire de 3,30 euros prélevée sur chaque contrat d’assurance de biens souscrit auprès d’une entreprise opérant en France, ce qui est un acquis unique au monde.

Sept mois après l’attentat du Bardo, qui a fait vingt-quatre morts et quarante-cinq blessés, les victimes françaises n’ont toujours pas été indemnisées. Elles se sentent oubliées et délaissées par l’État français. C’est une triste réalité, vécue notamment par trois victimes du Loiret. Deux d’entre elles sont présentes aujourd’hui dans les tribunes du public.

Elles m’ont fait part de leur détresse. Depuis le 18 mars, date de l’attentat, leur quotidien est de continuer à vivre avec un arrêt maladie sans complément de salaire ou de fournir régulièrement des justificatifs alors que leurs demandes sont de droit. Les victimes ont seulement reçu une avance de 10 000 euros octroyée par le fonds de garantie.

Madame la garde des sceaux, que pensez-vous des 37 000 euros proposés au titre du préjudice affectif pour la perte d’une mère ? Y a-t-il un véritable débat de fond au sujet des décisions du conseil d’administration du FGTI, composé, entre autres, de représentants issus de quatre ministères différents ? Que pouvez-vous répondre sur le sentiment d’inégalité de traitement qu’éprouvent les victimes du terrorisme en général ? Pourquoi les barèmes d’indemnisation selon les préjudices subis sont-ils figés ? Enfin, pourquoi une clause de confidentialité est-elle imposée aux victimes sur le montant final des indemnisations ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, vous rappelez un événement extrêmement douloureux. Nous avons encore en mémoire et dans le cœur le souvenir de nos quatre compatriotes qui ont perdu la vie dans cet attentat, et nous n’oublions pas que cinq personnes ont été blessées et que trente-quatre autres ont subi un choc psychologique. Je veux saluer ici les victimes qui assistent à notre séance.

Dès le lendemain de l’attentat, le centre de crise et de soutien du ministère des affaires étrangères a été mobilisé. Il a rapatrié immédiatement les personnes qui ne présentaient pas de blessures graves. Celles que l’on a ramenées par bateau ont bénéficié d’un accompagnement psychologique et ont été accueillies à Marseille par la cellule d’urgence médico-psychologique.

Nous avons également mobilisé sans délai le réseau des associations d’aide aux victimes. Le fonds de garantie a proposé dans l’immédiat une indemnisation qui s’est élevée à un total de 585 000 euros et a fait les premières offres d’indemnisation. Nous avons veillé à prendre en charge l’intégralité des soins. L’Office national des anciens combattants et victimes de guerre a reçu récemment les familles qui peuvent être concernées par le statut de pupille de la nation.

S’agissant des deux procédures judiciaires ouvertes – l’une en Tunisie et l’autre en France –, nous veillons à informer régulièrement les familles.

J’examinerai très précisément la situation des personnes que vous avez signalées. Les informations qui nous remontent du FGTI, qui est placé sous l’autorité conjointe du ministère des finances, de celui des affaires sociales et de celui de la justice, concernent les propositions faites aux différentes victimes et l’estimation de leur indemnisation. Néanmoins, nous avons constaté qu’il y a sans doute lieu de revoir certaines règles applicables aux décisions du fonds. Sur la base du rapport Mantel, nous avons donc décidé d’une telle révision. Nous vous en tiendrons informée le plus rapidement possible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Parité dans la représentation politique

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Catherine Coutelle. L’accès des femmes à la citoyenneté pleine et entière est un combat difficile, particulièrement en France. Ce n’est que le 21 avril 1944 qu’une ordonnance du Général de Gaulle,…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Ah !

Mme Catherine Coutelle. …sur un amendement du communiste Grenier, reconnaît enfin aux femmes le droit de vote et le droit d’être élues. Et ce n’est pas le Parlement qui a ouvert ce droit car, à six reprises, entre les deux guerres, le Sénat s’y est opposé. (Exclamations sur divers bancs.) J’aurais aimé vous citer des morceaux d’anthologie, mais je ne le peux pas. Je ne citerai qu’un sénateur…

M. Claude Goasguen. Quel rapport ?

Mme Catherine Coutelle. …un certain Calmel, qui, en 1932, refusant encore ce texte, affirmait : « Donner le droit de vote aux femmes, c’est l’aventure, le saut dans l’inconnu. Nous avons le devoir de ne pas nous précipiter dans cette aventure. Toutes les fois que la République a été en péril, c’est le Sénat qui l’a sauvée ». (Rires sur divers bancs.)

Le 21 octobre 1945, trente-trois femmes entrent à l’Assemblée : des noms connus, d’autres oubliés, des militantes, des résistantes, des combattantes. Nous venons de leur rendre hommage, madame la présidente.

Depuis 1945, la parité a progressé mais il a fallu passer par la loi, par la contrainte, par la sanction.

Sur ces bancs, chers collègues, si vous comptez bien, nous sommes cent cinquante et une femmes. Dit autrement, vous êtes 73 % d’hommes. Nous sommes cent dix-huit dans le groupe majoritaire. Parce que la parité en politique doit beaucoup à la gauche – pas seulement, mais beaucoup.

M. Jacques Myard. Super !

Mme Catherine Coutelle. C’est en juillet 1999 que Lionel Jospin, Premier ministre, fait entrer la parité dans la Constitution. C’est encore la loi du 4 août 2014 qui a renforcé les outils de sanction contre les partis qui ne respectent pas la parité.

Il faut que, sur tous ces bancs, la parité soit mise en application. Il n’est pas trop tard pour donner une nouvelle impulsion à l’égalité dans cette assemblée. Si la parité est en place dans les textes, elle doit l’être dans la réalité.

Comment, monsieur le Premier ministre, comptez-vous imposer la parité lors du renouvellement de cette assemblée en 2017 ? Nous savons pouvoir compter sur vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des droits des femmes. Madame la députée et présidente de la délégation aux droits des femmes, je vous remercie pour votre question. Je remercie également Mme la présidente d’avoir rendu cet hommage au début de cette séance. C’est en effet un événement majeur qui s’est produit il y a soixante-dix ans dans notre pays, qui a attendu fort longtemps avant de donner le droit de vote et d’éligibilité aux femmes.

Il y a soixante-dix ans, trente-trois femmes entraient dans cet hémicycle pour la première fois, et vous l’avez dit, madame la présidente Coutelle, nombre d’entre elles étaient de gauche, il faut le dire. Je voudrais en citer quelques-unes : Madeleine Léo-Lagrange, Marie-Claude Vaillant-Couturier, Eugénie Éboué-Tell, ou encore Germaine Poinso-Chapuis, qui deviendra ministre par la suite.

Depuis, vous l’avez dit, il a fallu beaucoup de combats pour qu’en 1999 le gouvernement de Lionel Jospin propose pour la première fois une loi faisant de la parité une obligation sur les listes électorales à tous les niveaux et imposant des règles pour les élections législatives. Et il a fallu attendre 2013 et le ministre de l’intérieur Manuel Valls pour que, enfin, dans nos départements, la parité écrase cette proportion de 16 % de femmes autorisées à participer à ces instances départementales.

Aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés, il reste encore beaucoup de chemin à faire. Parce que si, il y a soixante-dix ans, trente-trois femmes entraient dans cet hémicycle, elles ne sont que 27 % aujourd’hui.

Je le dis tout simplement, il y va de la responsabilité des partis politiques.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. Il n’est que d’observer cet hémicycle pour savoir que certains partis, aujourd’hui encore, préfèrent payer des amendes plutôt que de respecter la loi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous avons renforcé ces amendes dans la loi du 4 août 2014.

Oui, il faut de la volonté politique. Oui, les droits des femmes, c’est un combat. Et ce gouvernement, qui compte plus de femmes ministres que d’hommes, est le fruit de la volonté politique et du Président de la République et du Premier ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Enseignement supérieur

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Nachury, pour le groupe Les Républicains.

Mme Dominique Nachury. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Il y a peu était remis le rapport portant proposition pour une stratégie nationale de l’enseignement supérieur, rapport qui affiche une grande ambition pour l’enseignement supérieur, entend répondre aux aspirations de la jeunesse et trace des pistes d’avenir.

Il y a quelques semaines ou quelques jours avait lieu la rentrée universitaire. Rentrée parfois différée, comme à Toulouse pour 1 200 étudiants ; rentrée avec 65 000 étudiants de plus qu’en 2014, soit l’équivalent de trois universités ; rentrée après des tests, ce qui traduit une sélection non avouée, avec parfois des tirages au sort, et très souvent des amphis bondés ou incapables d’accueillir tous les étudiants ; rentrée dans des bâtiments dont 40 % sont dans un état de dégradation inquiétant, voire franchement préoccupant pour 12 % d’entre eux. Je cite le rapport de notre collègue Anne-Christine Lang, mais on peut aussi consulter les deux sites suivants : « Ma salle de cours va craquer » et « Ruines d’université ».

Faire évoluer l’enseignement supérieur et les universités est une nécessité : mutualisation des moyens des composantes, meilleur usage des nouvelles technologies, pédagogie inversée. Mais cela passe aussi par la réhabilitation et l’adaptation des lieux d’enseignement et de vie, la réflexion sur les conditions d’accès à l’université et l’orientation, l’anticipation de la formation à de nouvelles pédagogies pour les enseignants, du supérieur comme du secondaire, pour les étudiants comme pour les lycéens.

Construire l’enseignement supérieur du XXIe siècle ne peut être une incantation, un inventaire d’idées, une vaine promesse faite à la jeunesse et sans cesse renouvelée. Le budget de la mission « Enseignement supérieur et recherche », présenté ce matin en commission élargie, ne donne aucun signe encourageant.

Madame la ministre, quels axes, quelle réorientation des priorités et des moyens, et quels déploiements dans le temps entendez-vous retenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Madame la députée, votre question porte sur la rentrée universitaire et, bien au-delà, sur le nouveau défi auquel est confrontée notre université, défi dont nous devons d’ailleurs nous féliciter…

M. Claude Goasguen. Ah ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. …car il est dû à son succès. Le nombre toujours plus grand d’étudiants qui veulent y poursuivre des études ainsi que le nombre toujours plus grand d’étrangers qui souhaitent faire leurs études en France démontrent la capacité de notre université à qualifier les jeunes.

M. Claude Goasguen. Mais non !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Cette capacité est d’ailleurs reconnue par l’OCDE. En effet, 80 % des personnes diplômées de l’enseignement secondaire en France deviennent diplômées dans l’enseignement supérieur, contre une moyenne de 70 % dans les pays de l’OCDE.

Mais vous avez raison, ce bond démographique, que l’on évalue entre 38 000 et 40 000 nouveaux étudiants, hors doubles comptes, soulève un certain nombre de défis.

Le premier est un défi immobilier. Ce défi, le Gouvernement y répond puissamment à travers les contrats de plan État-régions puisque l’aide accordée au titre de l’immobilier universitaire dans les cinq prochaines années sera équivalente à plus d’1 milliard d’euros, complétée par 1 milliard d’euros provenant des collectivités territoriales.

Le Plan Campus, pour la même période 2015-2020, apportera 2,6 milliards d’euros supplémentaires à cet investissement immobilier.

Au terme de ces efforts, nous disposerons d’un immobilier de bien meilleure qualité. Des solutions innovantes devront peut-être compléter ces efforts.

Sur le plan budgétaire, le budget qui a été adopté ce matin en commission élargie est la marque d’un effort significatif en faveur du programme de soutien à l’université. Cet effort est le plus important réalisé depuis le début du quinquennat puisque, amendement gouvernemental compris, il sera en progression de 165 millions d’euros.

Enfin, grâce au numérique et à l’innovation pédagogique, notre université saura concilier la démocratisation et l’exigence de qualité qui doit animer les parcours de premier cycle universitaire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Conférence sociale

Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Dumas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Dumas. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, la conférence sociale, c’est un calendrier, une méthode et des contenus.

Lundi 19 octobre, s’est tenue la quatrième conférence sociale du quinquennat. Décriée lors de son lancement en 2012, la conférence sociale s’est imposée dans notre vie publique comme un moment privilégié, qui permet aux partenaires sociaux et aux pouvoirs publics de se saisir ensemble des grands enjeux touchant à la vie des travailleurs. C’était particulièrement vrai en 2012, après un quinquennat de brutalité et de dénigrement des corps intermédiaires.

Cette démarche originale voulue par le Président de la République correspond pleinement à ce dont notre pays a besoin. L’accord intervenu la semaine dernière pour sauver les retraites complémentaires en est une parfaite illustration.

Chers collègues, le dialogue social crée les conditions de la confiance et permet la mise en œuvre des réformes nécessaires. C’est une richesse et un atout.

Les discussions du 19 octobre ont notamment porté sur l’instauration du compte personnel d’activité qui entrera en vigueur en 2017 et construira une véritable sécurité sociale professionnelle, garante de plus de justice sociale et d’efficacité économique.

Elles ont aussi permis de prendre des décisions importantes en matière de formation professionnelle car, nous le savons, la répartition des moyens affectés à cette dimension doit être toujours plus dirigée vers les demandeurs d’emploi.

Madame la ministre, quel bilan peut être tiré de ce quatrième rendez-vous ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Guy Geoffroy. Et du chômage !

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, vous venez de le rappeler : lundi dernier, a eu lieu la quatrième conférence sociale depuis le début du quinquennat. C’est un temps social extrêmement fort qui nous a permis, avec les dix-sept organisations présentes, de construire la feuille de route de l’année qui vient.

M. Jacques Myard. Eh bien, ça, si ce n’est pas de la langue de bois…

Mme Myriam El Khomri, ministre. Quatre axes prioritaires ont été retenus. Le premier vise à créer des emplois grâce à la transformation numérique et à la transition énergétique. Ce sont des mutations majeures, sources d’opportunités, qui seront aussi à l’origine de difficultés si nous ne sommes pas capables de les anticiper.

M. Yves Censi. Tout ça, on le sait ! On l’a lu dans la presse.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Il nous faut donc offrir, notamment aux demandeurs d’emploi, le moyen d’accéder à une formation adaptée. Le programme de formation prioritaire sera ainsi prolongé et le nombre de formations porté dès 2016 à 150 000.

Le deuxième axe concerne le compte personnel d’activité et la sécurisation des parcours professionnels. Tous les participants se sont retrouvés sur cet objectif. Celui-ci permettra à chacun de mieux connaître ses droits sociaux et il en apportera de nouveaux. Ce doit être un instrument de lutte contre les inégalités. Une négociation va s’engager entre les partenaires sociaux, en vue d’aboutir avant la fin de l’année à un accord sur les principes, le calendrier et la méthode. J’en tirerai toutes les conséquences dans le cadre du projet de loi que je vous présenterai début 2016.

Le troisième axe tend à construire le droit du travail de demain. Le défi consiste à offrir à la fois de nouveaux droits et de nouvelles garanties aux salariés, tout en donnant aux entreprises les moyens de s’adapter à leur environnement. Pour cela, il faut donner plus de place à la négociation collective. Il faut aussi renforcer le poids des acteurs du dialogue social. Cela a été rappelé par le Président de la République et, à l’instant, par le Premier ministre, auquel je présenterai, le 28 octobre, les suites que je réserve au rapport Combrexelle.

Le quatrième axe, en un mot, ce sont les jeunes : extension de la garantie jeune dès 2016 à tous les territoires prioritaires, abondement du compte personnel d’activité pour les jeunes qui n’ont pas bénéficié de qualification. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Prise en charge des personnes handicapées

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains.

M. Gilles Lurton. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, alors que nous venons de commencer l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, les associations de personnes handicapées et de parents d’enfants handicapés manifestent leur désarroi.

Nous avons tous été saisis dans nos circonscriptions de ces situations : enfants en attente de place en instituts médico-éducatifs, jeunes adultes maintenus dans ces établissements au titre de l’amendement Creton, adultes dont la situation nécessite des places médicalisées en attente de place dans un foyer ou dans un établissement spécialisé d’aide par le travail – autant de situations douloureuses, autant de personnes maintenues à domicile et perdant ainsi tout espoir d’intégration.

Il nous faut entendre leur appel. Beaucoup d’entre eux sont aujourd’hui contraints de s’exiler dans des établissements de Belgique, au risque d’une rupture familiale, d’un véritable déracinement, d’une perte de relations avec leurs parents, sans parler du sentiment d’abandon éprouvé par les parents qui doivent placer leur enfant loin de chez eux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Vous venez d’annoncer une somme de 15 millions d’euros pour faire face à cette situation. C’est un premier pas certes, mais nettement insuffisant pour répondre aux milliers de personnes handicapées qui restent sans solution d’accueil, nettement insuffisant aussi quand nous le comparons aux 4 000 emplois financés par notre pays sur le territoire belge.

M. Bernard Accoyer. Plutôt 6 000 !

M. Gilles Lurton. Ce montant d’au moins 250 millions d’euros par an pour nos budgets sociaux et pour les conseils départementaux, il faut le ramener dans notre pays. Une telle situation doit nous mobiliser, au-delà de nos appartenances politiques.

Alors, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour permettre à toutes les personnes handicapées de trouver en France les places d’accueil dont elles ont besoin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Pascal Terrasse. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le député, vous avez raison : la situation de ces familles forcées de s’exiler en Belgique est non seulement douloureuse mais inacceptable. Je le dis très clairement devant vous aujourd’hui : les départs forcés des personnes handicapées vers la Belgique, financés par l’assurance maladie, à partir de maintenant, c’est fini. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Pour vous répondre complètement, il faut que je rappelle la réalité de la situation actuelle. Depuis plus de dix ans, des milliers de personnes handicapées s’exilent en Belgique pour être accueillies dans des établissements.

Malgré la création de 4 000 nouvelles places par an en France, malgré le nombre de places dans notre pays, qui se monte à 490 000, malgré les 9 milliards d’euros investis chaque année par l’assurance maladie, le nombre de départs ne baisse pas.

C’est la raison pour laquelle Marisol Touraine et moi-même avons adopté une stratégie spécifique pour lutter contre ces départs forcés vers la Belgique. Cette stratégie a débuté il y a un peu plus d’un an par un accord entre la France et la Wallonie, avec pour objectif a d’établir au moins la qualité de l’accueil en Belgique, quand malheureusement les gens ont dû partir.

Deuxième étape, que nous avons annoncée il y a quinze jours : nous avons stoppé le flux de l’assurance maladie vers la Belgique. Désormais, les financements ne partiront plus chez nos voisins.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Très bien !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Enfin, nous avons mis en place un fonds d’amorçage de 15 millions d’euros, en vue de créer des places sur mesure à proximité du domicile des personnes.

Ce que j’attends maintenant, c’est que les conseils départementaux suivent l’exemple de l’assurance maladie,… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Vous ne leur donnez aucun moyen pour le faire !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. …parce qu’eux aussi orientent les personnes vers la Belgique.

Il est donc souhaitable, comme l’ont déjà fait beaucoup d’entre eux, qu’ils s’engagent au côté du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur certains bancs du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Présence de l’islam en France

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Chers collègues, la France est au point de rupture : une rupture identitaire, spirituelle, économique, sociale et migratoire, une rupture que l’on désigne comme insécurité culturelle, dictature du prêt-à-penser, grand remplacement, crise de la France périphérique, dissolution civilisationnelle. Personne n’ose prendre la mesure de la signification de cette crise, alors que les explosions identitaires sont historiquement les plus violentes.

En vérité, sans redécouverte rapide du bon sens et du réel, notre pays va à l’implosion. Face à cette civilisation fragmentée et dissoute, une autre explication du monde avance : l’islam. Une explication du monde dont le président hongrois, Viktor Orbán, a dit récemment qu’elle n’appartenait pas spirituellement à l’Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il va sans dire que La Mecque n’est ni voisine d’Aix-la-Chapelle, ni à côté de Reims.

M. Patrick Mennucci. Ça suffit !

M. Jacques Bompard. En France, une forte communauté musulmane existe, qui totalise sept millions de pratiquants, d’après leurs représentants. (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Razzy Hammadi. Honte à vous !

M. Jacques Bompard. Mais ce qui est insupportable aux Français, c’est que l’État encourage l’islamisation de notre société.

M. Michel Pouzol. Honteux !

M. Jacques Bompard. En France, des préfets font pression pour la construction de mosquées. En France, des membres du Conseil d’État sont commissionnés à la Fondation pour les œuvres de l’islam. En France, les Frères musulmans sont des interlocuteurs du ministère de l’intérieur. (Mêmes mouvements.)

M. Pascal Terrasse. Il y a deux visions !

M. Jacques Bompard. J’ajoute que l’explosion de l’influence salafiste auprès des communautés musulmanes modérées est une réalité, quand nous ne maîtrisons toujours pas le financement des mosquées et des associations cultuelles et nous ne mettons pas en œuvre le refus de tout communautarisme dans l’action politique. (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.Le tumulte couvre progressivement les propos de l’orateur, qui deviennent à peine audibles.)

M. Jean Glavany. Les deux minutes sont écoulées, madame la présidente !

M. Jacques Bompard. Dans ma circonscription, à Bollène, des non-salafistes en sont à réclamer un deuxième lieu de culte. Devant une telle situation, il est urgent de créer un moratoire sur la construction de mosquées en France, afin de fermer celles qui sont soutenues par des islamistes.

M. Jean-Luc Laurent. C’est nul !

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Il ne faut pas lui répondre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je n’ai pas pu entendre la fin de votre intervention…

Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Cela vaut mieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais on aurait pu penser que votre question avait pour objet d’appeler la vigilance nécessaire sur des dangers qui existent en termes d’endoctrinement et de propagande, liés au djihadisme ou à l’islam radical. Le Gouvernement, la représentation parlementaire, à travers les travaux, les réponses et, surtout, l’action, y répondent tous les jours. Nous devons bien sûr être vigilants, ce qui amène régulièrement le Gouvernement à dissoudre des associations, à alerter sur les dangers du salafisme et à expulser des imams étrangers radicaux.

Mais, monsieur le député, il faut être cohérent. Quand on veut lutter contre le terrorisme, contre le djihadisme, contre l’islamisme radical, on va jusqu’au bout et, contrairement à ce que vous avez fait, on vote la loi sur le renseignement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) S’il s’agit, en revanche, monsieur le député, de trouver un nouveau prétexte pour mettre en cause la liberté de culte et, tout simplement, la liberté dans notre pays, alors vous nous trouverez pour vous barrer la route.

Je vous rappelle – vous devriez le savoir – que le principe de laïcité signifie, comme l’énonce en son article 1er la loi du 9 décembre 1905, que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » C’est cela qui fonde, précisément, la loi de la République.

Vous avez énoncé des contre-vérités. Au fond, cela doit être une chance pour la France – mais c’est un débat que nous avons dans le pays – de compter sur plusieurs millions de compatriotes ou de concitoyens de confession et de culture musulmanes. En quoi cela serait-il un défi, un problème ? C’est sans doute un défi pour l’islam, mais pas pour la France et pour l’Europe, qui accueillent d’ailleurs des musulmans depuis de très nombreuses années, depuis des siècles même – il suffit de regarder l’histoire de l’Espagne, celle de l’ex-Yougoslavie ou notre propre histoire, depuis des décennies. Mais si vous voulez ce débat – et je peux sentir parfois de la gêne dans d’autres rangs –, eh bien il faut l’avoir.

Chacun, quelle que soit sa croyance ou son absence de croyance, doit respecter les lois de la République, mais chacun, dans notre pays, a le droit de croire et d’exercer son culte à partir du moment où il respecte les lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Michel Piron. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il est hors de question d’adopter l’attitude de M. Orbán, qui se trouve d’ailleurs aujourd’hui avec M. Sarkozy, Mme Merkel et M. Rajoy au congrès du Parti populaire européen. Parce qu’il ne suffit pas de citer M. Orbán, il faut que chacun soit au clair, aussi, avec les prises de position des uns et des autres en Europe, quand on appartient à la même formation politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. M. Orbán a tenu des propos inadmissibles, indignes à l’aune des valeurs de l’Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Qu’un chef d’État, en Europe, puisse tenir ces propos est inacceptable, comme il est inacceptable que l’on puisse, comme vous le souhaitez, établir parmi les réfugiés qui demandent le droit d’asile une distinction en fonction de leur confession – ici, chrétiens ; là, musulmans – avant de les accueillir dans nos villes. C’est ce débat qu’il faut avoir dans le pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Il est fini le temps où l’on courbait l’échine, où l’on acceptait cette doctrine, la théorie du grand remplacement, la théorie sur l’immigration qui est en train de tout envahir : des mots, mesdames, messieurs, qui sont prononcés par l’extrême droite, mais qui sont aussi prononcés par des leaders de la droite courant derrière le Front national. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il est temps – je le dis notamment à la gauche – d’avoir un vrai débat sur ce que sont les valeurs de la République et quelle France nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Mémorial de Rivesaltes

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Aylagas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre Aylagas. Madame la ministre de l’éducation nationale, vendredi dernier, vous êtes venue avec le Premier ministre dans les Pyrénées-Orientales pour inaugurer le mémorial du camp de Rivesaltes, un lieu hommage, de résistance à l’oubli, et un lieu de pédagogie. Dans ce camp, environ 60 000 personnes ont transité. D’abord les républicains espagnols en 1939, jetés sur les routes de la Retirada pour fuir le franquisme, placés là, entassés. Puis, en 1941, Pétain fait parquer Juifs et Tziganes, qui sont internés avant d’être déportés, via Drancy, vers les camps de la mort. En 1962, ce sont les harkis, rapatriés d’Algérie, qui intègrent le camp, de force.

Ce mémorial était voulu et porté par Christian Bourquin, dès son arrivée à la tête du conseil général des Pyrénées-Orientales. Il s’agissait pour lui et pour de nombreux élus catalans – nous en sommes ici un certain nombre – de regarder en face notre histoire, avec responsabilité, d’avoir le courage de reconnaître ces heures sombres, de garder la mémoire vivante pour que cela n’arrive plus.

Comme l’a dit le Premier ministre lors de son allocution, « ce mémorial est un centre scientifique, un lieu de savoir, de recherche. La transmission de l’histoire a besoin de précision, d’exigence, face à ceux qui s’empressent de vouloir la nier, de vouloir la récrire ou de s’en servir pour manipuler le présent. » Il nous faut enseigner avec justesse la vérité des faits historiques à tous, et à nos jeunes en particulier. Soyons des citoyens lucides, conscients de notre passé, de notre présent et de notre futur.

Oui, il y a une vigilance de tous les instants à maintenir. Sinon, on perd nos valeurs, celles de la République, qui sont universelles et font rayonner la France. Elles fondent notre identité. Nous devons les faire vivre, les porter haut et fort pour garder son sens à notre devise, inscrite dans toutes nos écoles : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Voilà une des missions de l’éducation nationale. Madame la ministre, quelles sont les mesures du Gouvernement en ce sens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, nous avons vécu, vendredi dernier, un moment très fort, en inaugurant le mémorial de Rivesaltes, ce mémorial magnifique érigé sur un lieu de souffrances multiples : souffrances, vous l’avez rappelé, des républicains espagnols, des Juifs, des Tziganes, des Harkis, des tirailleurs guinéens et de bien d’autres. Vous avez eu raison de rendre hommage à Christian Bourquin et, à mon tour, je veux le remercier ici publiquement, même si c’est à titre posthume, pour sa détermination sans faille dans la conduite de ce projet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Il a été trop longtemps seul, avant que le Premier ministre, Manuel Valls, ne vienne enfin réparer une injustice en assurant le soutien financier de l’État à ce projet.

Ce mémorial de Rivesaltes est un outil précieux pour que les voix des victimes ne s’éteignent jamais et rappellent chacun de nous à ses responsabilités. C’est un outil plus précieux encore pour les élèves dont nous avons la charge, tant il est vrai qu’ils n’apprennent pas seulement l’histoire dans les livres ou dans les programmes scolaires, mais aussi en se confrontant aux lieux et aux disparus.

Paul Ricœur nous appelait à leur transmettre la vérité de l’histoire mais aussi la fidélité à la mémoire. C’est ce que j’ai souhaité faire, en créant pour nos élèves un véritable parcours citoyen, qui conduira chacun d’entre eux, au cours de sa scolarité, à découvrir au moins un de ces lieux magistraux. Le mémorial de Rivesaltes, comme le Camp des Milles, le mémorial de Caen ou le mémorial de l’abolition de l’esclavage, à Nantes, fait partie de ces lieux. C’est la raison pour laquelle nous avons signé une convention avec l’éducation nationale le reconnaissant comme un partenaire à part entière, tant s’agissant de l’accueil des scolaires que de la formation des enseignants ou de l’ouverture des portes de l’école aux témoins qui peuvent encore venir raconter ces pages sombres de notre histoire.

Vous l’aurez compris, monsieur le député, au-delà de la fidélité à la mémoire, il s’agit aussi de prémunir nos élèves contre le poison toujours actif de l’antisémitisme, du racisme et de la xénophobie, dont la question précédente était une frappante illustration. Il s’agit d’une urgente nécessité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Gérard Charasse et Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Institut national de recherche

en informatique et en automatique

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe Les Républicains.

M. François de Mazières. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Les élus des Yvelines viennent d’apprendre, de manière totalement fortuite, que l’INRIA, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique, institut très important spécialisé dans le numérique, allait quitter le site historique de Rocquencourt. Les élus n’ont reçu aucune information officielle.

M. Jacques Myard. Scandaleux !

M. François de Mazières. Le préfet lui-même, quand on l’interroge, dit découvrir l’information.

Monsieur le Premier ministre, vous avez vous-même été député et maire d’une ville où se développait le Genopole. Qu’auriez-vous fait à notre place ? Vous auriez posé une question dans cet hémicycle et demandé s’il y avait encore un pilote pour les affaires gouvernementales.

M. Christian Jacob. Voilà longtemps qu’il n’y en a plus !

M. François de Mazières. En effet, monsieur le Premier ministre, cette affaire a une forte charge symbolique. Tout d’abord, les élus sont méprisés. Comment peut-on imaginer qu’un institut de cette importance, qui emploie près de 400 chercheurs, déménage sans que les élus aient été officiellement informés ? On nous dit d’ailleurs que c’est dans l’air depuis sept ans.

M. Guy Geoffroy. Cela va bientôt être notre faute ! (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. François de Mazières. Pourtant, aucune information officielle, aucune réunion !

Ensuite, l’autre élément préoccupant, c’est le renoncement à toute la politique de décentralisation.

Si on estime désormais que la recherche ne peut se faire qu’à Paris – en l’occurrence, le déménagement a pour destination le douzième arrondissement –, alors toute votre politique de décentralisation tombe à l’eau.

M. Sylvain Berrios. Très bien !

M. François de Mazières. Enfin, s’agissant de votre grand projet de Paris-Saclay, que vous connaissez bien en tant qu’ancien député de l’Essonne, il tombe également à l’eau si vous avez pour philosophie de ramener tous les chercheurs au centre de la région, à Paris. Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de reprendre en main ce dossier un peu plus sérieusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, vous semblez découvrir aujourd’hui une décision concernant votre circonscription qui a été votée définitivement voilà six mois et dont le principe a été arrêté il y a un an,…

M. François de Mazières. Et alors ? Aucune information ne nous a été fournie !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. …décision qui résulte d’un groupe de travail mis en place il y a deux ans et de discussions continues entre le ministère et l’INRIA depuis 2007.

M. Franck Gilard. Comment peut-il le savoir ?

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Manifestement, le dialogue que vous alimentez avec cette structure est perfectible. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

En tous les cas, ce déménagement se justifie pleinement sur le plan scientifique,…

M. François de Mazières. C’est faux !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. …puisque l’INRIA est une structure de recherche en informatique et que l’essentiel de son activité scientifique se déroule depuis des années à Paris.

M. François de Mazières. Donc les élus n’existent plus !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Participation à trois établissements de la communauté d’universités et d’établissements Sorbonne Universités, partenariats complets et très imbriqués avec l’École normale supérieure, le Collège de France et Mines ParisTech : dans le territoire du numérique, il est normal que l’INRIA cherche à renforcer son implantation.

M. Christian Jacob. Vous avez été meilleur, monsieur Mandon !

M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Ne vous inquiétez pas pour Saclay : 500 chercheurs de l’INRIA y sont implantés. Ne vous inquiétez pas pour Rocquencourt : le siège social de l’INRIA y restera, ce qui représente 130 personnes. Ne vous inquiétez pas non plus pour les salariés de l’INRIA, dont vous ne parlez pas, car dans leur immense majorité ils sont tout à fait d’accord avec ce déménagement et nous avons mis en place les outils qui permettront de régler toutes les difficultés qui se posent.

Réjouissez-vous plutôt que l’organisation de la recherche, en particulier dans le domaine du numérique, soit suffisamment agile et fluide pour s’imbriquer dans les pôles de développement économique, dans les pôles scientifiques et technologiques moteurs et pour donner à la recherche en informatique le lustre qu’elle mérite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Filière de santé visuelle

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et concerne la filière visuelle.

Une expérimentation a été menée voilà quelques mois dans les Pays de la Loire pour réduire les délais d’obtention d’un rendez-vous en ophtalmologie. Elle se fondait sur le travail aidé avec des orthoptistes et était extrêmement prometteuse.

Cependant, les dispositions relatives à la santé visuelle ne sont pas vraiment négociées avec les acteurs de la branche actuellement et nous nous trouvons désormais dans une situation relativement insatisfaisante au regard de l’objectif d’inciter le travail aidé en s’appuyant sur des auxiliaires paramédicaux réalisant des actes à tarif opposable.

En effet, la proposition faite aujourd’hui est celle d’un contrat de trois ans non renouvelable qui ne serait pas très incitatif. Ceux qui souhaitent travailler avec des auxiliaires libéraux ne pourraient en outre le faire que dans les maisons de santé et les centres de santé, alors que nous savons pertinemment que les cabinets d’ophtalmologie libéraux sont bien plus nombreux. Ces mesures ne permettront donc pas de mobiliser tous les moyens pour moderniser le secteur. En revanche, l’extension du contrat collectif aux ophtalmologistes et orthoptistes qui se seraient regroupés pour former un pôle ophtalmologique aurait été nécessaire. D’ailleurs, une des recommandations formulées dans le rapport rendu par Dominique Voynet pour l’IGAS sur votre demande va tout à fait dans ce sens.

Madame la ministre, qu’allez-vous nous proposer pour améliorer la filière visuelle et faire en sorte que les patients soient pris en charge chez un ophtalmologiste, et pour mettre en place réellement, dans les cabinets à la fois de secteur 2 et de secteur 1, du travail aidé avec des orthoptistes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, la filière visuelle ne fonctionne pas de manière optimale aujourd’hui, c’est le moins que l’on puisse dire. C’est ce que disent les Français lorsqu’ils doivent attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste. C’est ce qu’ils disent lorsqu’ils sont contraints de régler des dépassements d’honoraires importants.

À cet égard, l’engagement du Gouvernement est de faciliter l’accès à la filière visuelle, à des soins ophtalmologiques sans dépassements d’honoraires partout sur le territoire. Des mesures ont été prises. Vous avez évoqué une expérimentation qui donne d’excellents résultats dans les Pays de la Loire ; c’est à partir de celle-ci que nous proposons d’élargir un certain nombre de mesures à l’ensemble du territoire.

Un rapport a été remis par Mme Dominique Voynet qui a fait l’objet d’une large concertation et qui trouve le soutien de l’ensemble des acteurs de la filière visuelle. C’est à partir de ce travail que des propositions ont été faites, à la fois dans le projet de loi de modernisation de notre système de santé et dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, sur lequel nous venons d’engager le débat.

Il s’agit de faire en sorte que les ophtalmologistes puissent se concentrer sur les actes qui requièrent véritablement leurs compétences, de soutenir ce qu’on appelle le travail aidé au sein des cabinets, afin que les ophtalmologistes puissent être accompagnés par d’autres professionnels de santé et que, de cette manière, ils puissent proposer partout sur le territoire des soins à tarif opposable. C’est en commençant par les maisons de santé et les centres de santé que nous pourrons diffuser cette démarche.

Je suis certaine, madame la députée, que vous adhérez aux principes qui sont les nôtres, à la démarche engagée qui vise une égalité d’accès à des soins visuels de bonne qualité et sans dépassements d’honoraires partout sur le territoire. C’est sur cette base que le débat va s’engager dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Mme la présidente. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

3

Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (nos 3106, 3129, 3127).

Discussion générale (suite)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Mesdames et messieurs les députés, la discussion générale de ce projet de loi s’est achevée hier soir.

Pour ne pas allonger nos débats et afin que la discussion prenne toute sa place dans le cadre de l’examen de vos amendements ou des articles, je me contenterai à ce stade d’évoquer quelques questions dont vous avez souligné qu’elles n’avaient pas encore trouvé de réponses ou de perspectives.

Votre rapporteur pour la branche AT-MP, accidents du travail et maladies professionnelles, M. Jacquat, m’a ainsi interrogée sur plusieurs points.

Le premier concerne le versement dû à la branche maladie par la branche AT-MP au titre de la sous-déclaration des accidents de travail et des maladies professionnelles. La commission dédiée estime que le coût de cette sous-déclaration est compris entre 695 millions et 1,3 milliard d’euros, soit un montant en forte hausse par rapport à la précédente évaluation. J’avais indiqué lors de mon audition devant la commission des affaires sociales les différentes raisons qui l’ont conduite à ce résultat ; je n’y reviendrai donc pas, d’autant que son rapport sur ce sujet, sur lequel vous m’avez également interrogée, monsieur Jacquat, est consultable depuis le mois de septembre sur le site internet de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés – CNAMTS.

Pour ce qui est de la réforme des juridictions sociales, je peux vous confirmer, monsieur le rapporteur, qu’elle ne modifiera en rien les principes qui régissent ces juridictions, à savoir la gratuité de la procédure et l’échevinage de la composition des juridictions.

Concernant les propositions de M. le rapporteur pour l’assurance vieillesse, Michel Issindou, relatives à la réforme de la médecine de travail, nous en partageons les objectifs : renforcer la prévention et la santé au travail en réorientant l’intervention du médecin du travail sur ce qui présente une réelle valeur ajoutée médicale. Ces réformes, qui relèvent du ministère du travail, feront l’objet d’un projet de loi présenté par Myriam El Khomri au début de l’année prochaine.

Je partage bien évidemment les préoccupations de Mme Laclais relatives à la prévention et au dépistage du cancer du sein. C’est la raison pour laquelle je proposerai, comme je l’ai déjà annoncé, un amendement visant à étendre à toutes les femmes la prise en charge des examens réalisés dans ce domaine. S’agissant du reste à charge en matière de traitement du cancer et de soins de reconstruction, nous avons demandé à l’Institut national du cancer – INCA – de consacrer un rapport à cette question qui s’inscrit dans le prolongement de celle de la prévention. Il est actuellement en cours de rédaction. Je serai évidemment très attentive à ses conclusions, qui pourront vous être communiquées.

M. Claireaux m’a interrogée sur l’application au territoire de Saint-Pierre et Miquelon des droits nouveaux prévus par ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale – PLFSS. Je tiens à le rassurer : l’ensemble des dispositions du texte sera étendu à l’archipel par amendement gouvernemental.

À Mme Massonneau, qui m’a demandé quels seraient les effets concrets de l’enveloppe de 40 millions d’euros que j’ai annoncée pour financer le renforcement des soins palliatifs, je réponds qu’au moins trente nouvelles équipes de soins mobiles seront créées en 2016 grâce à cette somme.

Enfin, Mme Fraysse m’a interrogée sur le calendrier de publication du décret relatif à la définition des seuils d’exposition des travailleurs à l’amiante. Un premier décret a d’ores et déjà été publié au mois de juin dernier, prévoyant une entrée en application des nouveaux seuils au 1er juillet 2015. Un autre, portant sur le niveau d’empoussièrement, sera publié au cours de l’année 2016. Ce délai tient au fait que le futur décret se fondera sur les conclusions de l’étude menée actuellement par l’Institut national de recherche et de sécurité – INRS.

Telles sont les précisions que je voulais apporter aux interrogations très spécifiques que vous avez formulées. Bien entendu, l’examen des amendements nous permettra de revenir sur l’ensemble des sujets qui ont été abordés à l’occasion de la discussion générale.

Première partie

M. le président. J’appelle maintenant les articles du projet de loi dans le texte du Gouvernement, en commençant par les dispositions relatives à l’exercice 2014.

Article 1er

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles.

M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les projets de loi de financement de la Sécurité sociale, créés en 1996, ont été pensés pour répondre à des problèmes importants concernant la Sécurité sociale, et plus généralement la santé. Le Parlement s’est alors posé plusieurs questions : quelle politique de santé veut-on ? Quels moyens lui consacrer, et où trouver les recettes ? Depuis, nous ne nous sommes jamais posé véritablement ces questions de fond, quel que soit le Gouvernement. Nous nous contentons d’évaluer les dépenses et les recettes et de d’intervenir sur des bouts de ficelle. J’aimerais savoir si nous aurons un jour cette discussion de fond.

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat.

M. Christophe Premat. Pour qualifier l’exercice de certification des comptes de 2014, l’expression qui me vient à l’esprit est celle de sincérité budgétaire. L’objectif national de dépenses d’assurance maladie – ONDAM – pour 2014 a été parfaitement respecté. Ce principe de sincérité budgétaire présidera sans doute à nos discussions à venir sur l’effort de maîtrise des dépenses sociales et l’accès à des soins de qualité et de proximité.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, le PLFSS est à l’image de ses prédécesseurs : il traduit une tentative de maîtrise des coûts, mais qui cache un défaut majeur : l’absence de toute réforme structurelle, alors qu’elles sont indispensables. La Cour des comptes elle-même vous met en garde en soulignant que l’équilibre des comptes ne pourra être atteint que par des efforts plus ambitieux, et de nature structurelle. Cet équilibre tant attendu, d’abord promis pour 2017, est d’ailleurs encore repoussé : il est désormais renvoyé à 2020. Voilà une promesse qui n’engage pas trop le Gouvernement ! Vos successeurs lui en sauront gré...

Vous notez à juste titre l’amélioration de la situation de la branche vieillesse, mais tentez de faire croire qu’elle est de votre fait. En réalité, ce résultat est la conséquence de la réforme courageuse issue de la loi Fillon du 9 novembre 2010, et non de la réformette menée par votre gouvernement en 2013. En effet, ce dernier ne sait pas réformer ; il ne fait que raboter. Voyez le sort réservé à la branche maladie, obligée de supporter l’essentiel des économies annoncées ! En outre, comme d’habitude, l’effort est concentré sur le médicament.

Permettez aussi à l’élu rural que je suis de vous alerter. Nous parlons depuis des années du manque de médecins dans les territoires ruraux ; or la contagion a gagné aussi les pharmacies, qui sont nombreuses à fermer. Après les déserts médicaux, il convient donc également d’évoquer les déserts pharmaceutiques. Pour contenter votre majorité, vous vous vantez de garantir des droits sociaux et d’en étendre encore davantage le bénéfice aux plus pauvres. L’intention est louable, mais entendez le mécontentement des médecins et leur découragement ! Savez-vous que votre politique contribue, de fait, à la fermeture de nombreux cabinets médicaux ? Donner plus de droits à tous, c’est très bien, mais si une telle action contribue à l’absence des professionnels de santé dans les territoires, je doute de son efficacité.

Par ailleurs, vous vous êtes engagés à développer les soins palliatifs. Où sont les crédits pour financer cette autre promesse ? Que faites-vous pour aider les hôpitaux locaux, qui doivent palier les conséquences de la baisse de la démographie médicale ? Non, ce PLFSS n’est décidément pas à la hauteur de la situation et vous le savez très bien.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. En premier lieu, je tiens à demander à la ministre pourquoi elle ne répond pas aux questions posées par les députés de l’opposition – ils ont été nombreux à intervenir hier, et ce jusqu’à une heure tardive –, alors que ceux de la majorité ont obtenu des réponses.

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas vrai ! J’ai répondu à M. Jacquat, qui est membre de l’opposition !

M. Jean-Pierre Door. En second lieu, s’agissant de l’article 1er portant sur les comptes de 2014, je rappelle que c’est grâce aux professionnels de santé, notamment ceux exerçant sur le terrain, que l’ONDAM est respecté pour la cinquième année consécutive, alors qu’ils sont souvent cloués au pilori et accusés de tous les maux.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Je tiens à exprimer le désarroi de l’opposition : hier soir, jusqu’à une heure du matin, nous avons abordé plusieurs sujets lors de la discussion générale. Certes, Mme Touraine était absente mais M. Eckert et Mme Rossignol assistaient aux débats et auraient pu lui rapporter nos propos. Si la discussion générale ne sert à rien, pourquoi perdre notre temps à y participer ? Nous n’avons pourtant pas l’impression que tous nos propos étaient inintéressants. Vous avez répondu à M. le rapporteur Denis Jacquat, madame la ministre, et c’est très bien – et d’ailleurs normal –, mais une vingtaine d’autres députés sont intervenus et, contrairement à la tradition, vous ne leur avez pas répondu individuellement. D’habitude, le Gouvernement profite de cette étape pour donner quelques petits coups de griffes, mais là, nous n’y avons même pas eu droit ! En l’occurrence, nous n’avons servi à rien jusqu’à une heure du matin. Les députés, et particulièrement ceux de l’opposition, sont décidément mal considérés. D’ailleurs, même ceux de la majorité n’ont pas tous obtenu des réponses à leurs questions, ce dont, à leur place, je m’étonnerais. Ce silence, madame la ministre, est assez choquant.

M. Michel Issindou, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est tout ? Tout ça pour ça ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 1er présente les tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2014. L’ONDAM a été une nouvelle fois sous-exécuté, mais je tiens à revenir sur l’évolution des comptes dans les différentes branches. D’abord, s’agissant de l’équilibre général, la Cour des comptes a observé qu’il était repoussé aux calendes grecques, ce qui est particulièrement grave car c’est l’objectif principal d’un PLFSS. Un tel équilibre est d’ailleurs atteint dans la plupart des pays européens, la France restant l’un des seuls à ne pas y parvenir.

S’agissant de la branche vieillesse, l’évolution tendancielle favorable est uniquement liée aux effets de la loi Woerth qui, en prévoyant le report de l’âge légal, a rendu les départs à la retraite moins nombreux. Le déficit du Fonds de solidarité vieillesse – FSV –, quant à lui, tend à se creuser.

Le déficit de la branche maladie, lui, a tendance à s’aggraver, malgré des mesures mécaniques sur le médicament – j’y reviendrai – et en raison du caractère inopérant des dispositions concernant l’hôpital, aucune réforme structurelle n’étant prévue dans ce secteur pourtant particulièrement coûteux. En outre, les mesures relatives aux médicaments auront des effets économiques et sociaux désastreux.

Enfin, s’agissant de la branche famille, les économies proviennent de la diminution des prestations accordées à un grand nombre de familles françaises, ce qui constitue une régression.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Je tiens à faire plusieurs observations. Ayant été présent pendant la majeure partie de la discussion générale, j’ai passé beaucoup de temps à vous écouter.

J’ai ainsi entendu vingt-trois fois – j’ai compté ! – l’expression « réformes structurelles ».

M. Dominique Tian. C’est la Cour des comptes qui en parle !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Alors j’ai cherché, dans vos interventions, les réformes structurelles que vous proposiez. J’ai entendu une proposition de réforme, dont j’ignore, du reste, si elle est structurelle : c’est l’augmentation du prix des médicaments. Vous êtes tous rassemblés sur cette question, et M. Jean-Pierre Barbier nous en a même parlé pendant un quart d’heure – c’est son droit. Vous vous accordez tous pour dire que la première réforme structurelle qui s’impose, c’est de favoriser une envolée, ou en tout cas une progression, du prix des médicaments. Nous en prenons acte.

Mais savez-vous, mesdames et messieurs les députés, à quand remonte le dernier budget en équilibre de la Sécurité sociale ?

M. Patrick Mennucci. Répondez, Tian !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’était en 2001, et le Premier ministre était alors M. Lionel Jospin !

Mme Joëlle Huillier, rapporteure de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Savez-vous, mesdames et messieurs les députés, à quel moment le déficit de la Sécurité sociale a été le plus élevé ?

M. Denis Jacquat. C’est un véritable QCM !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. On dépassait les 21 ou les 22 milliards d’euros de déficit, et l’on était même arrivé à 30 milliards d’euros – mais admettons que la période ait été alors plus difficile. Quoi qu’il en soit, le Président de la République était M. Nicolas Sarkozy et le Premier ministre, M. François Fillon. Aujourd’hui, le déficit a été ramené à un peu plus de 10 milliards d’euros, soit la moitié de ce que vous nous avez laissé. Je considère que c’est un progrès. Alors, mesdames et messieurs les députés, n’ayez pas peur !

Je lis aussi les rapports de la Cour des comptes, monsieur Accoyer. Vous nous avez dit que, selon la Cour, le retour à l’équilibre était reporté aux calendes grecques. J’ai cherché cette expression dans le rapport, mais je ne l’ai pas trouvée. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

L’opposition souhaite recommencer la discussion générale, mais je crois pour ma part qu’il est temps de passer à l’examen des articles. Le premier d’entre eux vous propose de prendre acte – et vous ne le niez d’ailleurs pas – que l’ONDAM a été respecté, et qu’il a même été plus que respecté, puisque ce sont 300 millions de moins que prévu qui ont été dépensés sur l’assurance maladie. Je vous propose donc d’adopter immédiatement l’article 1er et de passer à la suite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2 et annexe A

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur le président, je ferai, pour ainsi dire, un « cavalier » sur cet article. Hier, lors des questions d’actualité, M. Michel Sapin a indiqué que ce sont les députés siégeant à la droite de l’hémicycle qui avaient supprimé la demi-part des veuves. (« C’est vrai ! »sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

S’il est vrai que cette mesure a été adoptée au temps d’un gouvernement de droite, je tiens à préciser que la commission des affaires sociales, dans laquelle je siégeais, s’est opposée à cette décision, qu’avait prise la commission des finances. Nous n’avons pas gagné, mais nous avions obtenu, dans un deuxième temps, que soit introduite une sortie dite « en sifflet ». Je maintiens néanmoins que cette disposition n’aurait pas dû être adoptée.

L’année dernière, lorsque le PLFSS a été examiné en commission des affaires sociales, certaines personnes siégeant sur d’autres bancs que les nôtres nous ont assuré que cette demi-part serait rétablie, mais rien n’a été fait.

M. Guillaume Chevrollier. Absolument !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Et nous avons encore été interpellés hier. Il y a quelques jours, des représentants de la Fédération des associations de conjoints survivants et parents d’orphelins, la FAVEC, sont venus répéter dans ces murs qu’ils souhaitaient ardemment le rétablissement de cette demi-part. Cette mesure me paraît nécessaire, car la plupart des personnes concernées sont dans une situation précaire. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quand comptez-vous la rétablir ?

M. François André. C’est un peu facile !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. M. le secrétaire d’État chargé du budget, qui m’a fait l’honneur de me citer, a fait semblant de ne pas comprendre ce que je voulais dire, lorsque j’ai déploré que le rétablissement de l’équilibre soit remis à plus tard. Il nous a par ailleurs reproché de réclamer des réformes structurelles. Nous allons lui parler de réformes structurelles, à M. le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’attends !

M. Bernard Accoyer. Je songe aux réformes structurelles concernant l’hospitalisation.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est-à-dire ?

M. Bernard Accoyer. Les lits sont en surnombre dans le pays…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous voulez fermer des lits ?

M. Bernard Accoyer. …et rien n’est fait pour évaluer la pertinence de leur maintien.

On sait bien que ce n’est pas la proximité qui importe le plus, en matière de lits hospitaliers, mais la qualité et la sécurité – or, de ce point de vue, l’évaluation n’est pas toujours au rendez-vous. On sait bien que l’hôpital a un retard considérable en matière de chirurgie ambulatoire. On sait bien que ce gouvernement a supprimé la journée de carence, qui représentait pourtant une économie de plusieurs dizaines de millions d’euros dans la fonction publique hospitalière, c’est-à-dire pour le budget des hôpitaux. On sait bien que les 35 heures à l’hôpital ont été une catastrophe : Mme Martine Aubry et M. Lionel Jospin, eux-mêmes, ont concédé cette évidence. On sait bien que vous avez abandonné la convergence tarifaire, qui aurait pourtant constitué une réforme structurelle importante : pourquoi appliquer des tarifs différents dans le public et dans le privé, alors même que ce sont les mêmes contraintes, les mêmes exigences de qualité et de sécurité qui s’imposent dans les deux cas ?

S’agissant du ticket modérateur de l’hôpital public, le tarif journalier de prestation, qui devait n’être qu’un dispositif temporaire, coûte 1 milliard d’euros chaque année. Or on le laisse courir et on le prolonge. Voilà des réformes structurelles qui mériteraient un peu de courage, mais auxquelles le Gouvernement refuse de donner suite ! Il en est de même des missions d’intérêt général et à l’aide à la contractualisation, les MIGAC, dont le coût atteint 6 milliards d’euros chaque année, et qui sont fléchées à 99 % en direction de l’hôpital public. Voilà des réformes structurelles, monsieur le secrétaire d’État !

S’agissant du médicament, ce ne sont pas des réformes que vous proposez : vous menez seulement la politique de la tronçonneuse tarifaire, au point que les retours de l’industrie pharmaceutique, qui sont demandés à l’aveugle, atteignent 5,5 milliards sur quatre ans. Les résultats de cette politique, nous les détaillerons au cours du débat : ils concernent à la fois l’emploi, les exportations et l’avenir même de ce secteur extrêmement important. Favoriser l’accès à l’innovation : voilà une réforme structurelle qui serait intéressante !

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat.

M. Christophe Premat. Permettez-moi de revenir à l’objet de cet article, et de commenter l’annexe A plutôt que de chercher à prolonger la discussion générale.

Dans le même souci de sincérité budgétaire évoqué précédemment, le déficit du régime général en 2014, comme le montrent les différents tableaux, s’est réduit de 2 milliards d’euros de plus que ce qui était prévu pour 2015 : il s’établit finalement à 9,7 milliards d’euros, en dehors de la branche vieillesse. En 2016, ce déficit diminuera encore de 3 milliards d’euros, ce qui ramènera le régime général à son niveau de 2008, soit un déficit réduit de 40 % en trois ans.

Cette évolution n’est pas due à un simple effet mécanique ; elle est aussi la conséquence d’un pacte de solidarité. L’effort consenti et la sincérité des comptes permettent d’avoir une trajectoire contrôlée pour la diminution des déficits, préalable indispensable à une meilleure justice des soins – je pense notamment à la mise en œuvre de la protection maladie universelle.

Je voudrais, pour finir, ajouter un mot à ce qui vient d’être dit sur les réformes structurelles touchant l’hôpital. Notre collègue Olivier Véran, qui ne siège plus dans cet hémicycle, avait rendu, en décembre 2013, un rapport sur l’emploi médical temporaire, dans lequel il montrait que le recours à des missions temporaires, auquel l’hôpital est contraint, est extrêmement coûteux. Peut-être son rapport pourrait-il offrir une piste de réflexion plus sérieuse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Vous m’avez également fait l’honneur, monsieur le secrétaire d’État, de me citer tout à l’heure. Vous demandez à l’opposition de proposer des réformes structurelles, mais vu le nombre d’amendements que nous sommes arrivés à faire adopter au cours des huit heures de débat en commission, il faut avouer que nous sommes un peu découragés.

Cela dit, puisqu’il faut que nous fassions le travail de la majorité, (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), nous avons une réforme structurelle à vous proposer au sujet du médicament. Et vous feriez bien, de temps à autre, d’écouter ceux qui ont une modeste expérience en la matière.

Notre propos concernait l’innovation : si vous comptez financer l’innovation de demain par la seule baisse du prix du médicament, c’est un leurre : vous n’y arriverez pas. Nous avions proposé une réforme structurelle l’année dernière, mais Mme la ministre ne nous a pas écoutés : nous avions indiqué que l’innovation ne pouvait se financer que si nous prenions en compte les économies obtenues grâce à l’usage de ces nouvelles molécules. En effet, lorsque vous mettez sur le marché une molécule qui guérit les gens, comme c’est le cas pour l’hépatite C, vous réalisez à très long terme des économies sur le traitement.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Barbier. C’est cela qu’il faut mettre dans la balance : voilà une vraie réforme structurelle, qui permettrait de financer l’innovation de demain. Au lieu de cela, vous préférez baisser le prix du médicament, avec toutes les conséquences que cette baisse peut avoir sur l’emploi, sur les exportations et sur l’innovation dans notre pays. Vous auriez, je le répète, l’occasion de réaliser une véritable réforme structurelle. Mais à quoi sert-il de vous la suggérer, puisqu’à chaque fois que nous vous faisons des propositions, vous refusez de nous écouter ?

S’agissant de l’hôpital, vous parlez de médecine ambulatoire et de chirurgie ambulatoire, mais combien de lits proposez-vous de fermer ? À quoi bon faire sortir les gens plus vite de l’hôpital, si vous ne fermez pas de lits ? Je regrette, madame la ministre, mais la seule réforme structurelle de l’hôpital que vous proposez, je l’ai trouvée dans la Revue parlementaire : il s’agit de développer le tourisme médical en France pour renflouer l’hôpital public.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. Oh la la !

M. Jean-Pierre Barbier. Je n’approuve pas cette orientation, et ce n’est pas, en tout cas, ce que j’appelle une réforme structurelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. On entend beaucoup nos collègues de l’opposition réclamer des réformes structurelles. Permettez-moi de faire un petit rappel sur les questions qui nous occupent aujourd’hui. Vous avez constaté, comme nous, que la branche vieillesse, qui sera excédentaire en 2016,…

M. Bernard Accoyer. Il faut prendre en compte la situation du FSV !

M. Michel Liebgott. …est déjà quasi équilibrée cette année. Et vous attribuez ces bons résultats à la réforme d’Éric Woerth. Il faudra alors nous expliquer pourquoi les différents candidats du parti Les Républicains se battent aujourd’hui pour savoir s’il faut faire passer l’âge de départ à la retraite à 65 ans, comme M. François Fillon le propose, ou à 63 ans, comme le réclame M. Nicolas Sarkozy. C’est bien qu’ils considèrent que les réformes – les vôtres comme les nôtres – sont insuffisantes.

La branche vieillesse, je le répète, sera excédentaire en 2016. Nous devons nous en féliciter et ne pas faire de surenchère préélectorale.

S’agissant de la branche du régime général, personne ne peut nier que son déficit a connu, depuis trois ans que cette majorité gouverne, une diminution de 40 %. C’est un fait : il suffit de lire les chiffres.

S’agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, nous sommes à l’équilibre depuis quatre ans : vous constatez, une fois encore, une concordance entre notre arrivée aux responsabilités dans ce pays et le retour à l’équilibre.

S’agissant, enfin, de la branche famille, personne ne niera, même si vous les avez contestées, que nos réformes en matière de politique familiale ont abouti à une amélioration de la situation.

M. Bernard Accoyer. Vous avez pris 4,5 milliards d’euros aux familles !

M. Michel Liebgott. Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous féliciter, premièrement, de la réduction des déficits que nous avons réalisée ; deuxièmement, de la réduction des inégalités, que l’INSEE constate, et que nul ne conteste. Dans le même temps, nous réussissons, même si cela est quelquefois contesté, y compris à gauche, à réduire le coût du travail. Nous faisons ce qui est notre marque de fabrique – assurer une plus grande égalité entre nos concitoyens – tout en garantissant une certaine efficacité économique, laquelle rend d’ailleurs possible le renforcement de la lutte contre les inégalités.

M. François André. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales. À propos de ces deux premiers articles, qui ne font que le constat, certifié par la Cour des comptes, de la situation d’équilibre des comptes et de la situation patrimoniale de nos organismes de Sécurité sociale, nous sommes en train d’entamer une seconde discussion générale, et j’ai compris pourquoi.

M. Dominique Tian. C’est parce que nous n’avons pas eu de réponse !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mme la ministre occupe une telle place dans la gestion de nos politiques de santé et dans celle de la Sécurité sociale depuis trois ans, que vous avez été frustrés hier soir. Mais nous aurons plusieurs soirées pour l’entendre !

Les attaques au sujet de l’absence de réformes structurelles sont très injustes. Mme la ministre a présenté l’an dernier une stratégie nationale de santé, une loi de modernisation de la santé et, au fil des PLFSS qui se sont succédé, un certain nombre de réformes qui sont de nature structurelle. Elle n’a pas fait un « grand soir » de la santé, comme vous pensez, dans l’opposition, être capables de le faire : elle a proposé un enchaînement continu de réformes, qui méritent maintenant d’être appliquées et vécues.

S’agissant de la question du médicament, je suis fier, pour ma part que, grâce aux mesures qui ont été proposées par le Gouvernement et votées par cette majorité, la France soit le pays d’Europe où le prix du Sovaldi est le plus bas, et où le plus grand nombre de patients ont été traités par ce produit innovant, sans que les comptes soient déséquilibrés. Voilà une réforme structurelle qui a été réalisée, et vous refusez de la voir. Nous aurons l’occasion de parler d’un certain nombre d’autres mesures, mais vos critiques sont à la fois injustes et vaines.

M. Jean-Pierre Barbier. Vaines, c’est sûr !

(L’article 2 et l’annexe A sont adoptés.)

Vote sur l’ensemble de la première partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Deuxième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la deuxième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives à l’année 2015.

Article 3

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Monsieur Bapt, à quoi se résume la loi Santé ? À ce que les professionnels de santé vous répètent à longueur de journée : le tiers payant généralisé dont aucun médecin ne veut. Pourtant, le Gouvernement persiste. Ce n’est pas cela, une réforme structurelle. Celle-ci aura au contraire un effet déresponsabilisant et inflationniste, qu’il faudra corriger en revenant sur la mesure.

Monsieur Liebgott, oui, les familles ont donné : elles ont donné 4,5 milliards d’euros depuis qu’il y a un gouvernement de gauche. Quant à l’âge de la retraite, la réforme Woerth a bien permis une amélioration tendancielle des comptes de la branche vieillesse. Toutefois, celle-ci ne suffira pas et c’est pour cette raison qu’il faut regarder plus loin et que se tient aujourd’hui un débat sur l’âge légal de la retraite, un débat interdit au sein de la majorité. Ce sont les partenaires sociaux qui, pour sauver le régime complémentaire des salariés du privé, ont admis ne pas avoir trouvé d’autre solution que de porter à 63 ans l’âge permettant de percevoir sa retraite complémentaire sans moins-value. Ce tabou montre l’irresponsabilité de certains sur ces questions.

Monsieur le secrétaire d’État au budget, le Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses de l’assurance maladie exige des réformes structurelles dans son avis du 6 octobre : il s’y dit favorable à des « mesures structurelles de maîtrise de la dépense », nécessaires pour éviter des dérapages.

Le comité évoque aussi le fait qu’une partie des économies prévues résulte « d’une modification du taux des cotisations maladie des personnels de santé exerçant en ville : actuellement fixé à 9,81 %, dont 9,70 % à la charge de la CNAM, ce taux serait ramené au niveau de celui des travailleurs indépendants – 6,5 % – en deux étapes ». Il ajoute que cette modification « réduit simultanément et d’un même montant les dépenses de l’ONDAM et les recettes de la CNAM, ainsi amputées de l’écart entre l’ancien et le nouveau taux de cotisation. Cette mesure, sans effet sur le solde de la CNAM, ne constitue pas une véritable mesure d’économie mais permet de réduire le taux facial d’évolution de l’ONDAM de ville de 0,3 point. » Tel est le stratagème utilisé pour tromper la représentation nationale ! Nous entendions le dénoncer.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Nous assistons, à l’article 3, à la diminution de deux dotations. Pour justifier celle de la dotation de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, l’exposé des motifs invoque « un moindre niveau d’activité de l’offre constaté au cours de l’année 2015 ». Ce moindre niveau d’activité n’a-t-il pas pour origine le fait que monter un dossier est un véritable parcours du combattant ?

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat.

M. Christophe Premat. Cet article fait suite à des mesures d’économie se traduisant par un recul des dépenses. C’est la preuve que l’ONDAM 2015 a bien été tenu, conformément aux engagements pris dans le pacte de stabilité. La méthode suivie permet finalement de maîtriser les dépenses pour agir sur la régulation du financement de certains médicaments. C’est le point intéressant de cet article : avoir une santé de qualité implique de réfléchir opportunément aux médicaments à sélectionner, notamment dans certaines thérapies.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je tiens à profiter de la présence et de la ministre de la santé et du secrétaire d’État au budget pour m’étonner, une nouvelle fois, que main basse ait été faite sur 50 millions d’euros du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés – FMESPP. C’est au moins la deuxième fois que, pour des raisons d’économie, 50 millions d’euros disparaissent du budget de la sécurité sociale alors que les besoins sont réels sur le territoire.

Certes, me répondrez-vous, l’article 16 prélève 40 millions d’euros du fonds pour l’emploi hospitalier au profit du FMESPP. Il manque toutefois encore 10 millions. Chacun sait qu’il existe plusieurs catégories d’hôpitaux dans notre pays : les centres hospitaliers universitaires régionaux, les centres hospitaliers, les centres spécialisés en psychiatrie, les hôpitaux de proximité. J’aimerais connaître les demandes d’investissement collectées par les agences régionales de santé.

Nous demandons depuis des années 15 millions d’euros pour hisser l’hôpital de Vitré au niveau de qualité de soins demandé par l’agence régionale de santé : cette dotation nous est à chaque fois refusée. Mettez-vous à ma place, lorsque j’apprends que 50 millions d’euros, qui ont été votés l’année dernière, disparaissent de la dotation du fonds de modernisation ! Certes, la mesure doit faire plaisir au secrétaire d’État au budget, qui récupère de l’argent. Je m’étonne en revanche qu’elle ne fasse pas réagir la ministre de la santé, alors que chacun sait que les besoins existent sur le territoire.

C’est pourquoi je voterai l’amendement de suppression de l’article 3 déposé par l’UDI puisque cet article supprime, quant à lui, 50 millions d’euros, alors que, je le répète, les besoins sont réels et que nous avons voté une enveloppe dédiée à la modernisation. J’avais également demandé que cet argent soit redéployé notamment en direction des services à la prématurité, qui ont, chacun le sait, des besoins importants en investissement. C’est pourquoi je souhaite, outre le maintien de ces 50 millions d’euros, que la transparence soit faite sur les demandes reçues par les agences régionales de santé et sur l’affectation des dotations du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’article 3 voit la diminution des dotations, tant en direction de l’ONIAM que du fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés. Pour ce dernier, il s’agit non tant d’un rabot de 50 millions que d’un jeu de bonneteau, puisque vous le doterez de 40 millions à l’article 16. Est-il normal qu’on ait, l’an passé, voté d’une main un budget qu’on diminue de l’autre main cette année ? Régulièrement, nous vous demandons pourquoi ces budgets ne sont pas exécutés. Les demandes de travaux ou de modernisation sont-elles en nombre insuffisant ? Ou ces demandes se heurtent-elles à des blocages au niveau des ordonnateurs, notamment des ARS ? Nous savons que toutes les demandes ne sont pas exécutées : sous prétexte qu’il manque de l’argent, on répond qu’il convient de les renvoyer à l’année suivante.

Madame la ministre, pourriez-vous nous renseigner sur ce phénomène, qui concerne plusieurs régions ? Est-il, oui ou non, répondu à la demande de tous les établissements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Répondre à cette question me permettra de souligner des contradictions ou des incohérences dans les propos tenus par les membres de l’opposition, selon qu’ils se préoccupent ou non des hôpitaux de proximité. C’est ainsi que Mme Le Callennec, en raison des besoins en investissement de l’hôpital de proximité de Vitré, a souhaité savoir où passent les ressources affectées au fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés, quelques minutes à peine après que nous avons entendu un vibrant plaidoyer pour la remise en cause des lits dans les hôpitaux de proximité.

Mme Isabelle Le Callennec et M. Élie Aboud. Cela n’a aucun rapport !

Mme Marisol Touraine, ministre. J’en viens à vos 50 millions, madame Le Callennec, mais je comprends que vous soyez gênée par la contradiction entre ces propos et les vôtres.

M. Bernard Accoyer. Quelle mauvaise foi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les masques tombent ! Les propos nous accusant de faire disparaître par un tour de passe-passe 50 millions d’euros cachent mal ceux, tenus quelques minutes auparavant, qui ont visé à nous expliquer que la seule réforme structurelle digne de ce nom serait, me glisse le secrétaire d’État au budget, de serrer la vis, c’est-à-dire de fermer des lits (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…

M. le président. Seule madame la ministre a la parole.

Mme Marisol Touraine, ministre. …et de rendre encore plus difficile l’exercice des soins dans les hôpitaux publics, notamment les hôpitaux de proximité. J’affirme haut et fort que nous avons besoin d’hôpitaux de proximité si nous voulons répondre aux besoins de santé de nos concitoyens. Je suis étonnée, monsieur Accoyer que vous ayez expliqué, lors de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, qu’il s’agissait d’une loi jacobine, régulatrice et excessivement étatique, pour, aujourd’hui, demander que l’État édicte des règles au niveau national fixant le nombre de lits ou de postes à supprimer. Comme si, à l’évidence, nous ne devions pas répondre à des situations locales.

M. Bernard Accoyer. Cela n’a rien à voir !

Mme Marisol Touraine, ministre. En matière hospitalière comme, plus généralement, en matière de santé – telle est votre contradiction –, il nous faut partir des réalités de territoire pour répondre aux besoins de nos concitoyens.

Madame Le Callennec, monsieur Door, il n’y a aucun tour de passe-passe : vous l’avez souligné vous-mêmes, l’article 16 permet de réaffecter une partie des réserves.

M. Jean-Pierre Door. Bonneteau !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas de saine gestion qu’un fonds hospitalier dispose de réserves trop importantes. Vous voulez de la transparence ? Je vous invite à consulter le rapport annuel de la Caisse des dépôts sur l’utilisation des sommes affectées au fonds pour la modernisation : c’est la Caisse, en effet, et non l’État, qui gère ce fonds. Pourquoi, sous tous les gouvernements, observons-nous des décalages ? Pourquoi les sommes dépensées ne correspondent-elles pas au centime près aux sommes affectées ? Parce que, dans la vie réelle, les projets adoptés ne peuvent pas toujours être réalisés dans le cadre de l’annualité budgétaire.

Mme Isabelle Le Callennec. J’ai cité un exemple précis de l’ordre de 15 millions d’euros.

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque des projets sont décidés, ils font l’objet des financements prévus. Je ne connais pas la situation de l’hôpital de Vitré, au profit duquel vous souhaitez un investissement. Je ne doute pas que l’agence régionale de santé vous apporte toutes les explications nécessaires. Les investissements prévus sont réalisés de manière totalement transparente, puisque, pour les plus importants d’entre eux, c’est une commission indépendante qui prend, ou ne prend pas, la décision de les financer : ce n’est pas le ministère, dans son coin, tout seul. C’est pourquoi je puis d’ores et déjà annoncer que je donnerai, lorsqu’il viendra en discussion, un avis défavorable à l’amendement n641.

Rester cohérent entre ses interventions à l’article 1er et à l’article 3 ne serait pas inutile.

Mme Isabelle Le Callennec. Il faut faire des économies ailleurs !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Madame la ministre, on dirait que vous avez placé exprès cet article en début de PLFSS : il est en effet à l’image, à la fois, du PLFSS et du Gouvernement. Lorsque j’ai déposé l’amendement n641 en commission, le rapporteur a protesté, parce qu’il existe déjà un report de 211 millions de l’année précédente : si la dotation était maintenue, trop de crédits seraient inscrits au FMESPP. Cela signifie donc que des crédits votés fin 2013 n’ont été dépensés ni en 2014 ni en 2015 et qu’ils le seront peut-être en 2016. Vous avez invoqué la longueur des délais, madame la ministre : ils sont vraiment bien longs ! Il vous faudrait avoir plus d’autorité sur votre ministère.

Cet article 3 illustre bien la méthode du Gouvernement, fondée sur l’illusion. D’un côté, on nous explique qu’il faut réduire de 50 millions d’euros la dotation du FMESPP, mais de l’autre, on réabonde le fonds de 40 millions à l’article 16. Cette manœuvre vise à essayer d’améliorer la situation financière du FMESPP à la fin de l’année 2015, afin que l’on puisse dire, l’année prochaine, qu’on a amélioré la situation des comptes de la Sécurité sociale en 2015, qu’on a fait une économie de 50 millions d’euros et que c’est extraordinaire. Or, par un tour de passe-passe, ces 50 millions auront été réinscrits à l’article 16 sur l’année 2016 : on aura donc simplement procédé à un transfert d’une année sur l’autre. Ce n’est pas une excellente gestion.

Par ailleurs, vous le savez, madame la ministre : un grand nombre d’hôpitaux connaissent aujourd’hui des problèmes de sécurité, d’accessibilité…

M. Jean-Pierre Barbier. Eh oui !

M. Francis Vercamer. …– vous avez récemment fait adopter une loi sur ce sujet – et de modernisation. Les matériels sont obsolètes. Si vous voulez procéder à des réformes structurelles, commencez par augmenter l’investissement !

M. Bernard Accoyer et M. Jean-Pierre Barbier. Bravo !

M. Francis Vercamer. Ça, c’est du structurel, cela aura des effets sur le fonctionnement ! Les fonds comme le FMESPP sont des fonds structurels ; or vous les annulez, vous les reportez d’année en année, et vous ne prenez aucune décision politique pour les utiliser en vue de moderniser l’hôpital.

J’interviendrai à nouveau dans quelques instants pour défendre mon amendement n641.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure de la commission des affaires sociales et M. Gérard Bapt, rapporteur. N’êtes-vous pas en train de défendre votre amendement ?

M. Francis Vercamer. Madame la ministre, votre intervention de tout à l’heure était un peu mal à propos. Vous auriez peut-être dû attendre que je parle avant de vous exprimer. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, nous n’avons pas entendu la même chose. Je n’ai jamais entendu, dans la bouche de M. Accoyer, qu’il fallait fermer les hôpitaux de proximité. M. le secrétaire d’État chargé du budget nous demandait de proposer un certain nombre de réformes structurelles – nous en avons d’ailleurs cité de très bonnes, telles que la convergence tarifaire, l’assouplissement des 35 heures à l’hôpital…

M. François André. Il y en a d’autres !

M. Élie Aboud. …et la nécessité de réfléchir à la possibilité d’assurer des soins de manière sécurisée dans des centres ultra-spécialisés tout en garantissant l’aménagement du territoire grâce aux hôpitaux de proximité. Il ne faut surtout pas déformer nos propos !

J’en reviens à l’article 3. Aujourd’hui, madame la ministre, les hôpitaux qui souhaitent s’engager dans des projets de travaux sont confrontés à un refus de l’ARS, qui leur répond qu’elle n’a plus d’argent.

Mme Isabelle Le Callennec. On entend cela alors que 50 millions d’euros sont disponibles ! Ce n’est pas possible !

M. Élie Aboud. C’est pour cette raison que l’on connaît aujourd’hui des retards dans les travaux. Les hôpitaux, de proximité et universitaires, n’en sont pas du tout responsables.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n641.

M. Francis Vercamer. L’année dernière, nous avons déjà annulé des crédits du FMESPP : je m’y étais déjà opposé en défendant un amendement de suppression de cette disposition. Systématiquement, tous les ans, vous supprimez des crédits qui permettraient de réaliser des réformes structurelles. Cela permet peut-être d’améliorer la situation financière de la Sécurité sociale, mais en tout cas, cela n’aide pas à la modernisation des hôpitaux !

Il existe un bon moyen d’éviter de dépenser : cela s’appelle le gel budgétaire. Derrière cet article 3, il y a en réalité un problème de gel budgétaire : on vote des crédits, mais Bercy les gèle de sorte qu’ils ne soient pas dépensés.

Mme Isabelle Le Callennec. Exactement !

M. Francis Vercamer. Après, on nous demande de les annuler, puisqu’ils n’ont pas été dépensés. Forcément ! Le gel politique est bien un acte politique assumé par le Gouvernement.

Ainsi, mon amendement n641 vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 3, afin que le FMESPP puisse conserver l’ensemble de ses crédits, à savoir les 211 millions d’euros reportés de l’année précédente et les 280 millions d’euros votés dans le cadre du PLFSS pour 2015.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et vous voulez faire des économies ?

M. Francis Vercamer. Ainsi, les hôpitaux pourront enfin procéder aux travaux nécessaires pour être un peu plus sécurisés et accessibles qu’ils ne le sont maintenant, ainsi qu’à des réformes structurelles touchant au matériel et à l’innovation, afin que leurs coûts de fonctionnement soient plus faibles demain.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Il a été rejeté par la commission. Sa discussion a été très largement entamée. Le FMESPP dispose, en trésorerie, de 492 millions d’euros. Le fait de ne pas laisser ces montants en trésorerie relève tout simplement d’un principe de bonne gestion.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Mais non !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous ne défendez pas l’hôpital !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Dans ce qui a été dit, il y a quand même une dose de mauvaise foi extraordinaire,…

M. Bernard Accoyer. C’est l’hôpital qui se moque de la charité !

M. Christophe Sirugue. …et elle est d’autant plus extraordinaire venant de députés qui sont, par ailleurs, gestionnaires de collectivités et qui inscrivent bien évidemment, dans la section d’investissement de leur budget primitif, les montants exacts des crédits qui seront dépensés au cours de l’année !

Cet ajustement est d’autant plus nécessaire s’agissant de projets lourds comme ceux dont nous parlons aujourd’hui. Si l’on sort de la mauvaise foi qui vous caractérise à l’instant, chers collègues de l’opposition, chacun sait bien que les chantiers avancent parfois plus ou moins vite que ce que l’on avait imaginé, et qu’il est alors nécessaire, comme nous l’avons tous fait et comme nous le faisons tous dans nos budgets, d’adapter les lignes d’investissement à cette réalité. C’est exactement l’objet de l’article 3 : sur les 144,6 millions d’euros qui avaient été programmés, nous constatons que seuls 107,8 millions ont finalement été engagés, et il est donc bien normal d’adapter cette ligne en fonction de la réalité de cette consommation.

Il est extraordinairement malhonnête – excusez-moi de le dire (Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) – de considérer que nous remettons en cause les investissements, alors que nous ne faisons que suivre budgétairement ces éléments. Tous ceux d’entre nous, sur tous les bancs, qui ont géré ou qui gèrent des collectivités font exactement la même chose. Il ne faut pas tout confondre ! Bien évidemment, cet amendement n’a aucune raison d’être.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous votez des crédits, vous les gelez, puis vous les annulez.

M. Bernard Accoyer. Et voilà !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas nouveau !

Mme Isabelle Le Callennec. Comme vient de l’expliquer Élie Aboud, les besoins existent. Qu’avez-vous à répondre ? Je pense que certains députés de la majorité sont confrontés à la même réalité. Les hôpitaux ont des besoins d’investissement, ils soumettent des propositions aux agences régionales de santé et ces dernières leur répondent qu’il n’y a plus d’argent. Or, ici, à l’Assemblée nationale, nous allons annuler 50 millions d’euros.

M. Christophe Sirugue. Ils sont fléchés !

Mme Isabelle Le Callennec. Si nous prenons en compte les 40 millions d’euros de crédits que nous allons voter à l’article 16, le solde est négatif de 10 millions. Le secrétaire d’État chargé du budget s’est absenté : cela m’embête, car j’aimerais savoir ce qu’il va faire de ces 10 millions.

M. Christophe Sirugue. Ils sont fléchés !

Mme Isabelle Le Callennec. Je vais vous citer un exemple qui ne concerne pas un hôpital de proximité, madame la ministre, mais un centre hospitalier. Dans les six prochains mois, vous allez mettre en place les groupements hospitaliers de territoire : des hôpitaux vont devoir travailler ensemble. Il va y avoir un sacré décalage entre ceux qui sont dotés de moyens et les autres qui ne demandent qu’à être mis à niveau ! Vous dites que les projets ne sont pas prêts ou que vous êtes obligés de geler les crédits. Je ne ferai pas de rapprochement avec les budgets des collectivités locales : il s’agit là d’hôpitaux, en l’occurrence publics. Je ne comprends pas : vous défendez les hôpitaux publics en permanence, et là, vous leur supprimez 50 millions d’euros pour des investissements. L’hôpital dont je parlais tout à l’heure aurait besoin de 15 millions d’euros pour réaliser des travaux ; on les lui refuse, alors qu’ici, nous disposons de 50 millions d’euros. C’est incompréhensible !

M. Bernard Accoyer. Très bien ! L’explication est lumineuse !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Je suis un peu surpris par les accusations de mauvaise foi et de malhonnêteté qui nous sont lancées à la figure.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est pas correct !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Personne n’a jamais parlé de malhonnêteté ! Vous inventez, monsieur Barbier !

M. Jean-Pierre Barbier. Il est tout de même un peu compliqué de commencer le débat sur le PLFSS de cette manière, surtout quand on parle de ce sujet ! Reporter des crédits d’investissement pour les hôpitaux publics, deux années de suite, c’est penser que les directeurs ne font pas bien leur travail et ne mènent pas les travaux de manière correcte.

M. Christophe Sirugue. C’est faux !

M. Jean-Pierre Barbier. S’agissant des réformes structurelles, j’ai pour habitude de dire ici un certain nombre de choses et de les appliquer sur le terrain. Vous le savez pertinemment, madame la ministre, puisque j’ai accompagné dans ma circonscription la mutation d’une clinique privée vers de la chirurgie ambulatoire en acceptant, avec la directrice de l’ARS, la fermeture d’un certain nombre de lits. Si l’on veut tenir un discours responsable, c’est comme cela qu’il faut procéder.

Les fermetures de lits ne doivent pas concerner uniquement les hôpitaux de proximité. Je n’ai pas proposé de fermer les hôpitaux de proximité, mais simplement de fermer des lits partout où cela est nécessaire…

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cela se fait ! La preuve !

M. Jean-Pierre Barbier. …du fait de la mise en place de la chirurgie ambulatoire. Si vous ne prenez pas ces décisions, nous n’y arriverons pas.

J’en reviens à l’amendement qui nous intéresse. Nous devons conserver les 50 millions d’euros d’investissement. Combien d’hôpitaux publics sont-ils confrontés à la nécessité de se mettre aux normes ? Combien d’hôpitaux publics sont-ils dans l’incapacité de répondre aux besoins d’investissement courant ? Ils n’ont plus aucun moyen d’emprunter,…

M. Bernard Accoyer. Ils sont endettés à mort !

M. Jean-Pierre Barbier. …parce que leur situation financière est catastrophique. Pourquoi leur retirer ces moyens ?

M. le président. Merci, mon cher collègue.

M. Jean-Pierre Barbier. Essayons de ne pas nous invectiver au début de nos discussions sur ce PLFSS.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur Sirugue, j’ai entendu la leçon budgétaire que vous nous avez donnée. C’est édifiant ! Quand vous parlez d’insincérité budgétaire…

M. Christophe Sirugue. Je n’ai pas du tout parlé d’insincérité budgétaire !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est en tout cas ce que j’ai compris. Certains départements ont récemment changé de majorité : là, nous avons vu ce qu’était l’insincérité budgétaire pratiquée dans le passé… (Protestations sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. C’est honteux !

Mme Marie-Christine Dalloz. Plus sérieusement, je trouve cet amendement particulièrement intéressant. Mon collègue Jean-Pierre Barbier a dit que vous aviez reporté des crédits, mais en réalité, vous les avez débudgétisés, c’est-à-dire annulés. C’est là que l’on frôle l’insincérité budgétaire.

M. Gérard Sebaoun. En quoi est-ce de l’insincérité budgétaire ? C’est incroyable !

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la ministre, faites preuve d’un peu de bon sens ! Vous savez que, dans toute la France, vos ARS se sont engagées dans une réflexion sur une réorganisation territoriale de nos hôpitaux.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Eh oui ! Cela se fait tous les jours !

Mme Marie-Christine Dalloz. À force de repousser les investissements nécessaires dans nombre d’hôpitaux de proximité, vous serez un jour amenée à prendre des mesures de fermeture au motif que les conditions de sécurité ne seront pas remplies. C’est une vraie malhonnêteté intellectuelle. Si vous alliez au bout de la démarche, le bon sens serait d’accompagner ces hôpitaux de proximité dans leurs projets d’investissements, qui sont nécessaires.

Pour ces raisons, et parce que nous avons du bon sens et une vraie volonté de transparence et de sérieux budgétaire, nous voterons bien évidemment l’amendement n641 de M. Vercamer.

M. Élie Aboud. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Cet amendement soulève une question extrêmement intéressante. Nous savons malheureusement depuis plusieurs années que les hôpitaux français accusent un retard d’investissement important, notamment en équipements d’investigation médicale, retard qui porte préjudice à la santé des Français.

Vous dites que vous n’arrivez pas à dépenser la dotation du FMESPP. Mais avec cet argent qui n’est pas dépensé, vous devriez justement constituer un fonds d’urgence pour l’équipement des hôpitaux et en informer ces derniers pour qu’ils puissent résorber ce retard. Ce n’est quand même pas normal que des élus fassent remonter l’impossibilité de financer des projets alors qu’à l’Assemblée nationale, on nous dise qu’on n’a pas réussi à dépenser cet argent !

Je voterai évidemment cet amendement, qui pose une question intéressante, car les hôpitaux ont besoin de moyens.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur Sirugue, vous êtes très gentil de faire l’apologie du cumul des mandats en rappelant que les élus locaux doivent connaître ces mécanismes de gestion budgétaire. Heureusement que le cumul des mandats est encore autorisé ! Quand il ne le sera plus, vous ne pourrez plus faire cette remarque.

Vous nous accusez, monsieur Sirugue, de faire preuve de mauvaise foi. Mais je constate, comme beaucoup d’entre nous et, j’en suis sûr, beaucoup d’entre vous, que les hôpitaux ont des besoins d’investissement lourds mais qu’ils n’arrivent pas à obtenir de financement de l’ARS, qui leur répond qu’il n’y a pas de crédits disponibles. Or nous entendons que 211 millions d’euros de la dotation du FMESPP n’ont pas été dépensés l’année dernière et qu’ils ont donc été reportés. Comment cela se fait-il ?

Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Sirugue, que nous sommes dans une comptabilité d’engagement : les 211 millions d’euros pourraient donc être engagés même si les travaux seront réalisés plus tard. Nous ne parlons pas de crédits de paiement, mais de crédits d’engagement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà !

M. Francis Vercamer. Les explications entendues depuis tout à l’heure sont tout à fait hors de propos : il suffirait d’engager les crédits, même si les travaux seront réalisés dans deux ou trois ans, pour les bloquer et éviter de les perdre.

L’article 3 n’opère pas un report : il annule 50 millions d’euros. Or, vous le savez comme moi, la Cour des comptes demande des réformes structurelles, un travail sur la chirurgie ambulatoire et un certain nombre d’actions pour diminuer le coût de fonctionnement des hôpitaux. Ces crédits seraient les bienvenus, madame la ministre : leur annulation constitue une erreur politique fondamentale.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. M. Sirugue vous l’a dit à l’instant, notre expérience en matière de gestion municipale nous apprend qu’il y a des restes à réaliser dans les budgets. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Francis Vercamer. On engage les crédits !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Les gros équipements sont en effet réalisés sur plusieurs années.

Vous proposez que le Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés verse des crédits sur des travaux qui seraient réalisés deux ou trois ans plus tard. Mais quel conseil général accepterait de verser des subventions sur des travaux à venir ?

Mme Isabelle Le Callennec. Les projets sont prêts !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Même s’agissant de la réserve parlementaire, les investissements doivent être réalisés dans les collectivités avant le versement de celle-ci. Un tel principe est-il donc incompréhensible en matière budgétaire ? À l’heure où nous devons réduire les déficits, est-il acceptable de laisser des crédits dormir dans des trésoreries où ils resteront inutilisés ?

Mme Isabelle Le Callennec et M. Denis Jacquat. Ils ne dorment pas !

M. Élie Aboud. On peut les utiliser l’année suivante !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est donc tout à fait logique que le Gouvernement propose une telle mesure.

En outre, alors que vous venez de dire qu’il fallait faire des réformes structurelles…

Mme Isabelle Le Callennec. Ailleurs !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …pour réduire la dépense hospitalière, en particulier publique…

Mme Isabelle Le Callennec. Pas sur l’investissement !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …et que vous réclamiez la convergence, il est pour le moins paradoxal de vouloir ouvrir les vannes en matière de dépenses d’équipements hospitaliers.

L’amendement de notre collègue Vercamer doit être repoussé, car la disposition qu’il souhaite supprimer relève d’une gestion correcte de nos finances publiques. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

(L’amendement n641 n’est pas adopté.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 4.

La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. L’article 4 concerne la régulation des dépenses de médicaments, sujet majeur, tant le médicament joue un rôle décisif dans la capacité de l’assurance maladie et de notre système de soins à porter remède à ceux qui souffrent de quelque mal que ce soit.

Sur le plan de l’industrie pharmaceutique, la France est un grand pays – ou du moins l’a été. On peut même dire que le médicament représente un fleuron de l’industrie française. Or depuis 2012, le Gouvernement s’acharne à faire reverser des sommes, chaque année plus importantes, en cas de déclenchement de la clause de sauvegarde, c’est-à-dire lorsqu’un certain niveau de dépenses est atteint.

En quatre ans, et en comptant ce qui est attendu pour 2016, les prélèvements auront atteint la somme colossale de 5,5 milliards d’euros. Et cette année, la moitié des mesures dites d’économies que le Gouvernement a inscrite dans le PLFSS est prise sur l’industrie pharmaceutique, ce qui représente la somme record de 1,7 milliard.

Ainsi, alors que l’industrie du médicament contribue à hauteur de de 15 % aux dépenses de l’assurance maladie, vous décidez de lui faire supporter 50 % de l’effort d’économies. Évidemment, les conséquences sont là : pour la première fois, depuis de nombreuses années, le nombre d’emplois dans l’industrie pharmaceutique est passé en dessous de 100 000 ; la balance commerciale a été dégradée de 50 % et l’investissement en France a diminué de plus de 100 millions d’euros.

Tout cela est contraire à l’objectif prioritaire que le Gouvernement s’est fixé, et que nous soutenons, à savoir la lutte contre le chômage. C’est là, vous en conviendrez, une attitude schizophrénique. En outre, le danger se prolonge dans le temps. À l’heure où l’industrie pharmaceutique ouvre des espérances nouvelles dans le cas de maladies jusque-là incurables – nous avons évoqué tout à l’heure les avancées magnifiques obtenues dans le traitement de l’hépatite C, qui peut désormais se guérir à 99 %, mais il y a bien d’autres molécules nouvelles en préparation –, seule une minorité de ces molécules – moins de dix – seront développées et produites en France, contre deux fois plus en Grande-Bretagne et trois fois plus en Allemagne.

Telles sont, madame la ministre, les conséquences des mesures aveugles que vous avez décidé d’imposer à l’industrie pharmaceutique au lieu de négocier avec elle une sorte de contrat d’accès à l’innovation prenant en compte les économies majeures que cette dernière fait réaliser à l’assurance maladie tout en permettant de résoudre des problèmes thérapeutiques auparavant insolubles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. L’article 4 procède à des ajustements ponctuels des dispositifs L et W. Ce dernier, qui ne visait au départ que quelques laboratoires et devait répondre au problème posé par le coût du traitement de l’hépatite C, a finalement retenti sur l’ensemble de l’industrie pharmaceutique.

Vous voulez améliorer la prévisibilité du montant qui serait dû par chaque industriel au cas où la clause de sauvegarde viendrait à être déclenchée. Mais le calcul prévu n’est pas très cohérent : la comparaison va s’établir entre les années N et N - 1 et ne porte donc pas sur la même assiette. On peut se poser la question de la justesse et de la justice de cet effet rétroactif, dont la conséquence sera un manque de visibilité et de lisibilité pour les entreprises concernées.

La pression exercée par le Gouvernement sur les entreprises du médicament aura sans aucun doute un effet délétère sur l’activité de ce secteur. Or l’industrie pharmaceutique était considérée comme stratégique pour l’économie nationale et l’emploi.

Un tel procédé paraît extrêmement dangereux. Aussi, par nos amendements, nous demanderons la suppression des dispositifs L et W.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. En France, le médicament, ce sont des usines de fabrication, mais aussi des centres de recherche et de développement. Or, comme cela a été dit à plusieurs reprises, l’industrie a besoin de dégager des marges pour financer la recherche. En France, nous voulons des produits innovants : les Français qui vivent de plus en plus longtemps veulent également rester le plus longtemps possible en bonne santé. Un autre atout des produits innovants est qu’ils favorisent l’exportation.

Prenons l’exemple de l’hépatite C, déjà été cité à de nombreuses reprises : alors qu’auparavant, des malades décédaient faute de greffons, nous disposons désormais d’un médicament qui, certes, coûte cher, mais permet d’éviter les greffes. C’est tout à fait extraordinaire. N’oublions pas qu’une personne ayant subi une greffe doit prendre des médicaments après son opération. Grâce au progrès médical, il sera peut-être possible de s’en passer après la greffe. Pour toutes ces raisons, la recherche en matière de produits innovants est extrêmement importante.

Autre exemple, le VIH. À l’époque où Claude Évin était ministre de la santé, lorsque l’on évoquait le sida dans cet hémicycle, cela voulait dire « mort ». Maintenant, grâce aux nouvelles thérapeutiques, des personnes vont quasiment vivre la vie qu’ils auraient dû avoir s’ils n’étaient pas atteints par cette maladie. Il s’agit d’un progrès extraordinaire dû à nos centres de recherche et aux produits innovants.

Or nous assistons à une première mondiale : la taxation, dans le cadre des réformes structurelles, des baisses de chiffre d’affaires subies par les entreprises relevant de l’industrie pharmaceutique !

Ces industries sont pourtant déjà en difficulté ; elles licencient. Des centres de recherche ferment ou sont délocalisés à l’étranger. Que veut-on ? Supprimer des emplois dans les usines et les centres de recherche ? Non : comme le reste du monde, la France a besoin de produits innovants. Notre pays est novateur dans ce domaine et doit le rester.

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat.

M. Christophe Premat. L’article 4 est un article de précision qui actualise un certain nombre d’éléments dans le code de la Sécurité sociale. L’utilisation adéquate des médicaments est un point important, notamment s’agissant des médicaments orphelins.

Si l’article 4 procède à des ajustements techniques concernant les taux L et W, il vise aussi à obtenir une meilleure régulation des médicaments, notamment pour les maladies rares.

Chaque année, 7 000 maladies rares sont recensées et on en compte 200 à 300 nouvelles supplémentaires chaque année, dont 80 % sont génétiques.

M. Bernard Accoyer. Ça n’a rien à voir !

M. Christophe Premat. Nous avons par ailleurs évoqué au cours du débat sur le dialogue social le cas des maladies professionnelles.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Rien à voir avec les maladies professionnelles.

M. Christophe Premat. Si, je pense notamment à la fibromyalgie qui se développe à l’occasion d’un stress lié au travail.

M. Bernard Accoyer. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, mes collègues ont parlé de l’hépatite C, du sida et de certaines maladies génétiques. Pour ma part, je veux vous parler de l’oncologie, une spécialité dont les professionnels sont vent debout contre vos projets. Vous le savez ou vous ne le savez peut-être pas, mais 70 % des chimiothérapies sont aujourd’hui inefficaces. Dès lors, on mène des recherches sur les mutations moléculaires et on fait de la thérapie ciblée. Et ce sont ces produits innovants qui vont faire les frais de votre démarche ! Vous généralisez un dispositif qui au départ ne concernait que l’hépatite C ; cela aura des conséquences négatives sur l’ensemble de l’industrie pharmaceutique.

M. Bernard Accoyer. Il a raison.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je souhaite répondre à plusieurs interpellations et rappeler le cadre de notre politique du médicament et de maîtrise des dépenses de médicaments. D’où partons-nous ? D’une situation – c’est un fait, regrettable – dans laquelle nos concitoyens consomment plus de médicaments que tout autre habitant d’un pays européen. Nous consommons en moyenne quarante-huit boîtes de médicaments par personne et par an.

M. Dominique Tian. Qui prescrit ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans le cas des personnes très âgées, cette consommation atteint même soixante, voire quatre-vingts boîtes par an.

Il se trouve, monsieur Tian, qu’aux Pays-Bas, l’on consomme deux fois moins de médicaments. Or on ne vit pas plus mal ni moins longtemps aux Pays-Bas qu’en France.

M. Dominique Tian. Cela dépend des médicaments !

Mme Marisol Touraine, ministre. Si ma réponse ne vous intéresse pas, je m’assieds et nous passons à la suite du débat.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Aux Pays-Bas, la gauche n’est pas au pouvoir !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Pitoyable !

Mme Marisol Touraine, ministre. Une telle remarque, monsieur Jacquat, est totalement déplacée !

M. Denis Jacquat, rapporteur. Voyons, un petit sourire, madame la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Si nous prenions les chiffres de consommation de médicaments dans les années 2000, je ne suis pas certaine que nous constaterions une différence majeure.

Quoi qu’il en soit, partant d’une situation dans laquelle la consommation de médicaments est excessive, nous prenons une série de mesures pour y répondre, avec la préoccupation de donner des perspectives à l’industrie pharmaceutique.

Car je le disais déjà il y a deux ans : cette industrie doit disposer d’une visibilité et d’une lisibilité quant aux actions que nous menons.

C’est la raison pour laquelle j’ai pris, voilà un an, l’engagement d’une stabilité des dépenses de médicaments sur les trois années qui viennent. Cet engagement a été tenu l’année dernière et l’est également dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Les industriels ne peuvent donc pas dire que nous changeons les règles du jeu, car ces règles ont été annoncées voilà plus d’un an et sont réaffirmées sans aucune modification.

Venons-en aux mécanismes de régulation instaurés par les clauses « L » et « K », dont vous avez eu l’honnêteté de dire, monsieur Door, que vos amendements n’avaient, au fond, pas d’autre objectif que de demander la suppression.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

Mme Marisol Touraine, ministre. L’innovation est un objectif que nous partageons tous, mais elle ne passe pas par l’absence de régulation. La France a du reste une politique forte d’innovation, reconnue comme telle notamment par nos partenaires et par les industriels étrangers.

Permettez-moi de vous rappeler quelques mesures adoptées dans le domaine des produits de santé et des médicaments, mais aussi des dispositifs médicaux. Au-delà du crédit d’impôt recherche, élément constant et réaffirmé auquel nous consacrons d’importantes ressources et qui est identifié à l’étranger – M. Eckert aura certainement l’occasion de l’évoquer plus longuement –, j’ai annoncé voici quelques jours à peine la mise en place d’un nouveau fonds de soutien à l’innovation en santé, doté pour commencer de 100 millions d’euros – si nous devons aller plus loin, nous le ferons. Ce mécanisme est destiné à aider les projets de développement engagés par des industriels concevant des molécules ou des projets nouveaux.

De la même manière, la France est reconnue à l’échelle internationale pour son dispositif d’autorisation temporaire d’utilisation – ATU –, qui fait des envieux dans de nombreux pays et nous permet de « tester », d’utiliser des produits qui n’ont pas encore reçu l’autorisation de mise sur le marché et peuvent néanmoins bénéficier à des patients sans attendre cette procédure.

Nous pouvons également, sans attendre l’autorisation de mise sur le marché, accorder des prises en charge financières par le biais du forfait innovation, que vous aviez voté, mais jamais appliqué, et que j’ai mis en place voilà maintenant deux ans. Ce dispositif bénéficie non seulement à des industriels, mais aussi et surtout à des patients. La France dispose donc bien d’une politique forte et reconnue en faveur de l’innovation.

Le patron de Google X – entreprise américaine qui propose, non des médicaments, mais de dispositifs médicaux –, que je recevais voici quelques jours, déclarait que, si beaucoup d’argent est investi aux États-Unis, l’Europe bénéficie, notamment en France, d’une rapidité de mise en œuvre des essais thérapeutiques et de la recherche translationnelle dont ne disposent pas les États-Unis. Il ajoutait que les industriels développaient aux États-Unis des produits qu’ils venaient essayer d’abord en Europe, où les conditions étaient plus favorables. On ne peut donc pas dire qu’il n’y aurait pas de politique en faveur de l’innovation.

L’innovation progresse et de nouvelles molécules se développent – hier pour lutter contre l’hépatite C, demain contre les cancers. Nous savons que, dans les prochains mois ou les prochaines années, de nouvelles molécules, coûteuses, vont arriver sur le marché et nous avons, en France, la volonté que l’ensemble des patients susceptibles d’en bénéficier le puissent. Cependant, l’arrivée de cette innovation thérapeutique ne signifie pas que nous devions être prêts à la payer à n’importe quel prix.

De retour de Berlin, où je participais voici une quinzaine de jours au G7 « santé », je puis témoigner que la préoccupation que j’exprime et qui se traduit par la régulation proposée depuis l’année dernière dans le PLFSS est partagée par l’ensemble des pays membres de ce groupe. La ministre américaine, avec qui j’ai eu un échange, m’a ainsi déclaré que son pays était confronté à un problème de prix en passe de devenir insoutenable, au point que certains Américains vont même acheter des produits dans d’autres pays et que, pour les nouvelles molécules, cet enjeu s’exprime en termes de soutenabilité du modèle social américain.

Les Britanniques, les Allemands et les autres membres du G7 – Japonais, Canadiens ou Italiens – ont tenu le même discours. La préoccupation que nous portons ici est donc portée par tous les pays. Au niveau européen, au-delà du G7, j’ai formulé au nom de la France des propositions visant à nous doter d’une position partagée sur la régulation du prix de l’innovation. Nous souhaitons évidemment que cette position européenne soit ensuite partagée par les États-Unis, compte tenu de l’importance de ce pays pour le marché du médicament.

Je trouve donc assez étonnant que, face à un défi majeur pour les industriels comme pour les patients, ainsi que pour la soutenabilité de nos modèles de protection sociale, votre seule réaction consiste, au fond, à défendre l’absence de régulation (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), comme si c’était une réponse à la nécessité devant laquelle nous nous trouvons de faire place à l’innovation.

Nous émettrons donc des avis défavorables à vos amendements, mais le débat que vous ouvrez à l’occasion de cet article 4 est un débat majeur. Ne faisons donc pas comme si nous pouvions dire aux industriels – vous ne le feriez pas si vous étiez aux responsabilités – qu’ils peuvent mettre des produits sur le marché et demander des autorisations, et que nous paierons le prix qu’ils voudront.

M. Jean-Pierre Door. Ce n’est pas ce que nous disons !

Mme Valérie Boyer. Nous n’avons pas dit cela !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous ne pouvons évidemment pas répondre ainsi, car nous serions alors contraints, après avoir mis sur le marché un médicament ou un médicament et demi, de constater notre incapacité à payer et à répondre aux besoins de nos concitoyens.

Ce débat est si important que, dans l’intérêt de la santé des Français, nous pourrions nous retrouver et faire preuve d’esprit constructif, réfléchir aux mécanismes de la régulation, et non pas balayer d’un revers de main ce qui va dans le sens d’une mise à la disposition de tous les Français des produits les plus innovants.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Nous souscrivons tous à l’idée que nous devons disposer d’une industrie pharmaceutique qui innove et qui soit un bras armé important de notre pays. Pour prendre l’exemple du plus grand de ces groupes – Sanofi –, il ne s’agit pas de détruire ce qui a été construit en de très nombreuses années par un groupe de niveau mondial, mais regardons cependant quelques chiffres : Sanofi, c’est 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires,…

M. Bernard Accoyer. Dans le monde !

M. Gérard Sebaoun. Merci de me laisser terminer ! Ce sont aussi 31 milliards d’euros en pharmacie, 5 milliards d’euros en recherche et développement et une marge nette mondiale de 20 %. Ces chiffres sont certes pour le monde, mais vous savez comme moi que, comme Sanofi, les groupes pharmaceutiques européens font leurs bénéfices à l’étranger et ont de grandes difficultés à trouver des marges en Europe.

Il est donc bien normal que, comme vient de le dire la ministre, dans nos économies où l’on s’intéresse à l’industrie pharmaceutique et au budget de l’État, nous discutions avec les industriels pour adopter les prix les plus justes. Le temps des blockbusters est terminé : aujourd’hui, une concentration s’opère dans le secteur de la pharmacie et dans les partenariats, avec des diversifications. Il faut regarder cette situation en face. Nous devons affronter des maladies chroniques et il est normal de le faire en considérant tranquillement la pharmacie telle qu’elle est aujourd’hui, et non pas telle qu’elle était hier.

J’ajoute enfin que, depuis vingt ans, le niveau des dividendes versés par Sanofi, par exemple, est stable…

M. Bernard Accoyer. Et alors ?

M. Gérard Sebaoun. …et augmente même tous les ans.

M. Bernard Accoyer. De toute façon, ils vont quitter le pays !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Monsieur le président, permettez-moi de corroborer d’un mot les propos de Mme la ministre.

M. Dominique Tian. Merci pour elle !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Lorsque nous nous rendons dans des sociétés internationales, par exemple de cancérologie, nous sommes très jalousés,…

M. Dominique Tian. Pas pour une loi comme celle-là !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. …car notre pays est celui qui peut traiter le plus vite le plus grand nombre de malades par des molécules innovantes, tandis que, bien souvent, les laboratoires des États-Unis n’ont pas encore pu disposer de ces molécules pour les intégrer dans des essais. J’en ai été fière à de multiples reprises et je tiens à souligner concrètement la force de ce mécanisme et de sa mise en œuvre.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 276, 279 et 327 rectifié.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n276.

M. Dominique Tian. Il semble qu’il y ait au moins unanimité pour reconnaître que l’industrie pharmaceutique française est l’une des meilleures au monde : merci, madame la rapporteure.

Monsieur Sebaoun, le raisonnement selon lequel mieux vaut que Sanofi ne gagne pas d’argent en France et fasse de grosses marges à l’étranger se heurte souvent à des limites. Viendra en effet un moment où les autres se diront que les Français peuvent assumer une véritable part des dépenses. Ainsi, madame la ministre, si nous consommons beaucoup plus de médicaments qu’aux Pays-Bas, ce que je veux bien admettre, ce n’est pas à l’industrie pharmaceutique de battre sa coulpe, mais peut-être faut-il nous demander pourquoi nous consommons ces médicaments, quels sont les problèmes de la psychiatrie, pourquoi notre médecine préventive est l’une des plus mauvaises du monde ou pourquoi il n’y a plus de médecine scolaire en France.

M. Gérard Sebaoun. Vous n’aviez qu’à soutenir la loi santé !

M. Dominique Tian. Les questions que nous pouvons nous poser sont nombreuses et il ne suffit pas de citer des chiffres – peut-être un peu erronés, au demeurant – sur la consommation des médicaments en France.

Sans doute faut-il également se demander pourquoi, PLFSS après PLFSS, la seule méthode adoptée – cela va plaire M. Eckert – consiste à ne surtout pas faire de réformes structurelles.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Allons donc !

M. Dominique Tian. Avec les réformes qui s’annoncent, comme la généralisation du tiers payant, les dépenses ne seront pas maîtrisées, mais nous continuerons en revanche, comme c’est le cas dans les trois derniers PLFSS, à faire porter sur le médicament la moitié des économies réalisées par la Sécurité sociale – mesure qui se répète bien qu’elle soit, chaque fois, censée être exceptionnelle.

En l’occurrence, il est question d’une nouvelle classe de médicaments très efficaces contre l’hépatite C, mais très coûteux. Suivons votre raisonnement jusqu’au bout : puisqu’un médicament est efficace, mais coûteux, il faut se débrouiller pour faire payer les gens, notamment les laboratoires médicaux. Or, puisque trois ou quatre laboratoires seulement ont trouvé cette molécule, ce sont eux qui en supporteront le surcoût. On ne manquera pas d’observer que tout cela n’incite pas à l’innovation thérapeutique et à la recherche : dès qu’un laboratoire trouvera des molécules, il en paiera directement les conséquences !

Ainsi, lorsque le Président de la République appelle au secours Les Entreprises du médicament – LEEM – en lui demandant d’intervenir pour éviter la fermeture d’une usine pharmaceutique dans son ancien département – qu’il a laissé, du reste, dans un état financier pitoyable –, le LEEM répond que, si ce laboratoire ferme, c’est peut-être parce qu’il y a un problème.

Madame la ministre, le raisonnement que vous exposez a donc des limites. Nous ne cessons d’évoquer ces économies incessantes, toujours les mêmes, sur les médicaments, et peut-être cette logique s’appliquera-t-elle encore pour le PLFSS de l’année prochaine. En tout état de cause, les réformes structurelles réclamées par la Cour des comptes ne sont toujours pas là.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n279.

M. Jean-Pierre Barbier. Madame le ministre, quand on parle de prix et de consommation, il faut avoir les idées claires. Vous n’assistiez pas – ce n’est pas un reproche – à l’audition de M. Dominique Giorgi, président du Comité économique des produits de santé, entendu l’année dernière par la commission des affaires sociales.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous confirmons qu’elle n’y était pas !

M. Jean-Pierre Barbier. Selon M. Giorgi, des efforts ont été faits sur le prix du médicament en France et il est difficile d’aller au-delà, car la France se trouve, en termes de prix, dans le peloton de queue au niveau européen, ce qui pose des problèmes d’approvisionnement au niveau national, car les laboratoires préfèrent vendre leur production à l’étranger plutôt qu’en France, où cela devient moins rentable. Ce point est indiscutable.

M. Giorgi a reconnu que la France avait été championne du monde de la consommation de médicaments, que les choses s’étaient beaucoup améliorées, mais que des efforts restaient nécessaires sur certaines classes thérapeutiques.

Vous voulez faire baisser les prix du médicament et continuer à agir sur les volumes en versant des primes aux médecins généralistes pour qu’ils ne prescrivent pas – j’aimerais, du reste, connaître le montant de ces primes : ce serait une donnée intéressante, que les Français devraient pouvoir connaître. Si vous pensez financer l’innovation de cette manière, cela ne pourra pas marcher et cela n’ira pas loin. Le seul moyen est d’adopter une autre approche – nous vous l’avions dit l’année dernière.

Vous attendez aujourd’hui l’arrivée de huit à dix molécules innovantes. Je crains que le financement de ces molécules ne soit pas prévu, que nous ayons en fin d’année d’énormes surprises et que ne puissions pas faire bénéficier nos concitoyens de ces molécules.

Madame la ministre, il faut donc regarder les chiffres avec honnêteté,…

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je ne vous le fais pas dire !

M. Jean-Pierre Barbier. …et non pas les utiliser pour tenter de faire passer les réformes dogmatiques qui vous intéressent. Ce n’est pas comme cela que nous sauverons notre système de santé.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quelles sont vos propositions ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n327 rectifié.

M. Bernard Accoyer. Le mécanisme du taux W pose un problème, qui vient d’être développé. La mesure étant nulle ou contre-productive, il convient de l’abroger.

Pour aller un peu plus loin et prolonger les excellents arguments qui viennent d’être présentés par mes collègues, et en particulier par Jean-Pierre Barbier, je voudrais soulever la question de l’accès à l’innovation.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Oh, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer. Madame la rapporteure Delaunay, vous vous êtes félicitée d’avoir pu jusque-là assister à l’accès à l’innovation ; mais, malheureusement, tout s’arrête un jour. Or vous êtes justement en train d’accompagner les initiatives qui restreignent déjà l’accès à l’innovation de nos compatriotes.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Quelles initiatives ?

M. Bernard Accoyer. Prenons le cas du traitement de l’hépatite C : il a été instauré une commission qui décide que tel ou tel malade infecté par le virus de l’hépatite C pourra bénéficier d’un traitement certes onéreux, mais qui le guérira à 99,9 % de chances. Quand on connaît le pas de géant que cette innovation a fait franchir à la thérapeutique dans notre pays, on ne peut limiter l’arbitrage à une question de prix.

En effet, le bilan financier de cette avancée thérapeutique est positif – même si cela a déjà été évoqué, il faut y revenir – parce qu’il n’y aura pas d’autre traitement à mettre en œuvre, parce qu’il n’y aura pas de transplantation à programmer et à réaliser ni d’accompagnement avec des traitements très lourds et onéreux pendant de nombreuses années. À l’avenir, cette maladie pourra être éradiquée. C’est ce bilan qui n’est pas fait.

J’ajoute qu’il se pose une question d’éthique : madame la ministre, on ne peut pas décider de façon autoritaire, comme vous l’avez fait, que l’on va rationner telle ou telle quantité budgétaire octroyée à la maîtrise de telle ou telle maladie quand on sait le nombre de molécules nouvelles qui sont en préparation, qui vont arriver,…

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est justement pour cela qu’il faut réguler !

M. Bernard Accoyer. …et qui, en raison des mesures que vous prenez, seront d’ailleurs produites pour la majorité d’entre elles à l’étranger. Elles seront ainsi probablement dispensées dans les pays étrangers, mais pas en France.

Nous devons avoir ce débat : il est du ressort de la représentation nationale, c’est l’honneur d’un Gouvernement et d’un Parlement de débattre de ces questions extrêmement sensibles.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. C’est précisément ce que nous sommes en train de faire !

M. Bernard Accoyer. Si l’un d’entre nous ou quelqu’un que nous connaissons est soumis à cet arbitrage, il sera en droit de se demander qui a décidé que celui-ci sera soigné de manière déterminante et pourra guérir, et que celui-là ne le sera pas.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est le prescripteur qui décide !

M. Bernard Accoyer. Voilà le débat que nous voulons !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. L’avis est évidemment défavorable. Nous sommes très choqués d’entendre M. Accoyer parler comme il le fait : il donne l’impression qu’un tribunal va quasiment tirer aux dés les personnes qui seront traitées !

Grâce à ce mécanisme de mise en œuvre d’une contribution exceptionnelle,…

M. Jean-Pierre Barbier. Ça ne marchera pas !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. …tous les malades qui en avaient besoin de manière décisive ont pu bénéficier du traitement innovant de l’hépatite C…

M. Bernard Accoyer. Regardez l’avenir !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. …et ce, sans faire exploser le budget de la Sécurité sociale !

Rappelons aussi que la vocation de ce mécanisme est d’inciter l’industrie pharmaceutique à maîtriser les dépenses exponentielles des médicaments innovants, que j’ai eu bien souvent à utiliser.

M. Bernard Accoyer. C’est bien le problème ! Pour notre part, notre objectif est de soigner les gens !

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Ils peuvent les maîtriser, et nous savons que des débordements sont possibles, monsieur Accoyer ! Si nous supprimons cette contribution exceptionnelle, comme vous le proposez, il n’y aura plus aucune incitation à faire des efforts de maîtrise des dépenses et les pires dérives, telles qu’on en a vu aux États-Unis – vous avez certainement lu la presse dans ce domaine – auront libre cours. Ce n’est certainement pas ce que nous voulons affronter.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Premier point : s’il y a beaucoup de pharmaciens et de médecins dans cette assemblée – ce n’est pas une critique ! –, je n’en suis pas. Lorsque j’ai pris mes fonctions, le directeur de la Sécurité sociale, comme il est d’usage, est venu prendre contact et faire le point sur les sujets d’actualité ; c’était il y a dix-huit mois. Il m’a dit : « Monsieur le ministre, je me dois de vous parler d’un sujet. C’est une bénédiction : nous venons de trouver un nouveau médicament qui soigne l’hépatite C. Mais ce bonheur, qui permet de guérir, ne vient pas sans une difficulté : toutes choses égales par ailleurs, cela va nous coûter un milliard ! »

M. Jean-Pierre Barbier. Vous ne comptez pas les économies !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela nous a coûté, parce que nous avons mis en place des dispositifs de régulation, 650 millions d’euros l’année dernière. Lors de cette discussion, il m’a demandé ce qu’il fallait faire : soit on soigne tout le monde, soit on décide de soigner les pauvres, les riches, les vieux, les jeunes, les femmes…

M. Bernard Accoyer. Ayons ce débat !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non ! Nous avons soigné tout le monde !

M. Bernard Accoyer. Allez donc interroger ceux qui n’ont pas pu en bénéficier !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout le monde a pu en bénéficier dès lors que cela lui avait été prescrit !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons mis en place, avec une pression au niveau européen, une négociation des prix et un coefficient de régulation qui nous ont permis, si j’ose dire, de nous en tenir à 650 millions d’euros pour l’année dernière.

Deuxième point, sur l’innovation : un dispositif existe en France, d’ailleurs parfois critiqué, que le Gouvernement entend sanctuariser, qui s’appelle le crédit d’impôt recherche.

M. Jean-Pierre Barbier. Encore !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela vous fait soupirer, monsieur le député !

M. Jean-Pierre Barbier. Oui ! L’enjeu n’est pas là !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Savez-vous combien l’industrie pharmaceutique bénéficie de crédit d’impôt recherche ?

M. Jean-Pierre Barbier. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cela n’a rien à voir ? Je ne peux pas vous dire le chiffre de Sanofi car je suis astreint au secret fiscal, mais je le connais. Je peux vous dire en revanche que l’industrie pharmaceutique dans son ensemble perçoit 600 millions d’euros de crédit d’impôt recherche !

M. Jean-Pierre Barbier. Une nouvelle molécule, c’est 1 milliard !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Alors que sa part dans la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière est de 5 %, l’industrie pharmaceutique reçoit 15 % du crédit d’impôt recherche distribué dans ce pays ! Vous dites qu’on ne soutient pas l’innovation, monsieur le député : c’est faux !

M. Jean-Pierre Barbier. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Selon vous, cela n’a rien à voir : peut-être, mais il n’empêche que 600 millions d’euros sont versés en crédits d’impôt à l’industrie pharmaceutique française. J’ai cru vous entendre parler de recherche et d’innovation : c’est le but du crédit d’impôt recherche.

M. Jean-Pierre Barbier. Combien cela coûte-t-il de développer une molécule ? Un milliard par molécule !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je suis vraiment sidéré, monsieur le député, que vous puissiez dire que cela n’a rien à voir !

M. Jean-Pierre Barbier. Ce n’est pas en rapport !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Boyer.

Mme Valérie Boyer. Ainsi que mes collègues l’ont indiqué, si davantage de médicaments sont consommés, il y a quand même moins de maladies iatrogènes en France parce que ces médicaments sont bien consommés par nos concitoyens grâce à nos filières de consommation des médicaments, notamment les pharmacies d’officine.

J’aimerais ensuite insister sur le manque de réformes structurelles.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Et allez donc !

Mme Valérie Boyer. Il n’est pas possible de faire porter plus de la moitié des dépenses de la Sécurité sociale par le seul médicament. Je vous rappelle en outre que des pharmacies ferment quasiment tous les jours ou connaissent de grandes difficultés. Tout cela a un impact extrêmement fort, tant sur l’industrie du médicament que sur nos professionnels de santé et sur le tissu dans nos noyaux villageois, qui sont importants.

Je souhaite également insister sur notre objectif, qui est de favoriser l’innovation. Je ne comprends donc pas l’anathème que vous lancez sur notre débat.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Aucun anathème : nous débattons !

Mme Valérie Boyer. Nous souhaitons préserver ce fleuron de notre industrie française qu’est l’industrie pharmaceutique. Nous nous désespérons de constater que ces entreprises partent, s’expatrient, voient leur chiffre d’affaires diminuer et rencontrent de plus en plus de difficultés à intervenir sur notre territoire. Si notre capacité à innover dans ce domaine continue à diminuer, ce serait une grande perte pour la recherche, pour la santé et pour notre industrie.

Je ne vois pas pourquoi nous sommes si injustement vilipendés sur les bancs du Gouvernement, car notre volonté est que l’industrie pharmaceutique continue à se développer sans dogmatisme, afin que les Français bénéficient de molécules innovantes et que leurs chances soient préservées : voilà notre volonté ! Je ne comprends donc pas pourquoi nous ne pouvons pas débattre tranquillement de ce sujet sans être attaqués de façon aussi dogmatique.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous avez autant de temps de parole que vous le souhaitez !

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la rapporteure Delaunay, je fais appel à votre expertise technique et scientifique. Un produit innovant n’est pas une charge, mais une solution.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ce n’est pas évident : l’innovation doit apporter un plus.

M. Élie Aboud. Monsieur le ministre, pour continuer dans l’esprit comptable, je peux vous assurer que nous pouvons faire des économies avec ce système – Mme la rapporteure pourra confirmer ou infirmer ce que je dis.

J’évoquais l’oncologie : avec les produits innovants en thérapie ciblée, on coûte deux fois moins cher à la puissance publique. Réguler, oui, madame la ministre : nous ne sommes pas contre le fait de réguler ! Mais attention à ne pas freiner !

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je suis assez éberluée par ce que j’entends sur les bancs de l’opposition. L’industrie pharmaceutique fait partie des rares industries en Europe ayant une balance commerciale positive. Dit autrement, le fonctionnement de cette industrie repose sur le fait que notre protection de la santé est largement financée par l’argent public ; c’est l’une des rares industries où il fait bon être vendeur en Europe. Nous finançons par l’argent public l’intégralité des chiffres d’affaires, de la recherche et donc du fonctionnement des entreprises et industries pharmaceutiques. Ne pas avoir un droit de regard sur la façon dont nous finançons directement ces industries est…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas du tout ce que nous avons dit !

Mme Karine Berger. C’est tout à fait ce que vous dites, monsieur Accoyer, à tel point…

M. Bernard Accoyer. Vous venez d’arriver : vous n’avez pas écouté le débat !

Mme Karine Berger. Navrée, je suis là depuis le début de la séance, mais M. Accoyer ne regarde pas précisément ses collègues !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Misogyne !

Mme Karine Berger. Nous faisons face à une industrie qui, si nous n’obtenons pas de contrepartie de négociation, pourra exiger une rente, infinie si nécessaire, sur un certain nombre d’innovations. Nombre de pays réagissent aujourd’hui contre cela, le prix du médicament faisant l’objet de divers recours dans d’autres pays, notamment en Inde.

Je trouve absolument incroyable que vous vous fassiez les avocats d’un système dans lequel l’argent public ne serait jamais contrôlé, puisque tel est précisément l’esprit des amendements que vous proposez.

M. Pouria Amirshahi. Ils relèvent de la soumission aux lobbys !

Mme Karine Berger. Ce n’est pas, à mon sens, du soutien à l’industrie : c’est carrément une rente à l’industrie que vous voulez nous faire voter !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Barbier.

M. Jean-Pierre Barbier. Alors là, je ne vais même pas répondre !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Alors asseyez-vous !

M. Jean-Pierre Barbier. L’espérance de vie dans notre pays augmente de manière remarquable depuis des années. Quand Alexander Fleming a inventé la pénicilline, il pensait très certainement à donner une rente à vie à l’industrie pharmaceutique, mais pas du tout à soigner les infections !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La part du médicament, c’est 20 % !

M. Pouria Amirshahi. Quelle mauvaise foi ! Nous parlons de l’industrie pharmaceutique actuelle !

M. Jean-Pierre Barbier. Nous ne nous faisons pas du tout les avocats de l’industrie pharmaceutique !

Je souhaite en revenir à des choses plus sérieuses et aborder les sujets que nous avons évoqués. Comparons le prix des médicaments en France et en Allemagne : quel que soit le niveau d’amélioration du service médical rendu – I, II, III ou IV –, si vous prenez un indice 100 en France, ce même indice varie entre 120 et 136 en Allemagne. Autrement dit, le médicament est 20 à 30 % moins cher en France qu’en Allemagne.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Rien à voir avec l’innovation !

M. Jean-Pierre Barbier. Par ailleurs, concernant l’innovation thérapeutique, le Sovaldi vous a peut-être coûté 650 millions sur une année, monsieur Eckert, mais combien vous aura-t-il fait économiser sur cinq ans ? Combien de traitements interférons, combien de greffes hépatiques auront-ils été évités ?

M. Bernard Accoyer. Ce calcul, vous êtes les seuls à ne pas l’avoir fait !

M. Jean-Pierre Barbier. Voilà ce que nous vous demandons de prendre en compte, non pas pour vous embêter mais pour avoir une vision sur cinq ans permettant de prendre en compte ces traitements innovants !

M. Élie Aboud. Voilà le vrai sujet !

M. Jean-Pierre Barbier. Quand dix molécules arriveront en même temps, comment expliquerez-vous aux gens, avec vos taux K, W ou autre, que vous n’arrivez plus à les financer ?

M. Bernard Accoyer. Le Gouvernement est expert en la matière !

M. Jean-Pierre Barbier. Si vous ne changez pas l’approche du mode de financement de l’innovation, les gens ne pourront plus demain avoir accès à ces traitements innovants.

Je terminerai sur le crédit impôt recherche, puisque, monsieur Eckert, vous trouvez que six cents millions d’euros c’est beaucoup d’argent : sachez que la moindre recherche d’une nouvelle molécule coûte un milliard d’euros.

C’est pourquoi je disais que cela n’avait strictement rien à voir. Nous ne sommes pas dans les mêmes ordres de grandeur. Il ne sert à rien de donner d’une main si c’est pour reprendre de l’autre : ce n’est pas comme ça que vous soutiendrez l’industrie.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je veux d’abord tuer le canard que vous laissez courir depuis un moment en prétendant que le Gouvernement voudrait diminuer les dépenses pharmaceutiques.

Si le taux L est négatif, c’est parce que la tendance spontanée du chiffre d’affaires sera une croissance de 1 %. Si cette croissance, hors génériques et hors médicaments orphelins, est plus élevée, à ce moment-là le taux L entre en jeu. Il ne s’agit donc pas de diminution mais de stabilisation. Comme Mme la ministre l’a très bien expliqué par une démonstration suffisamment brillante pour que je n’ai pas à la répéter, c’est grâce à cette stabilisation qu’on va financer l’innovation.

C’est ce qui s’est passé avec le Sovaldi, monsieur Accoyer. Nous sommes en Europe le pays qui a traité le plus grand nombre de patients et le plus rapidement. Et ce n’est pas l’ARS qui dit quel malade doit être traité : c’est le prescripteur, en fonction des recommandations de la Haute Autorité de santé, définies sur la base du rapport Dhumeaux. Selon ces recommandations, on doit traiter en priorité les patients dont le degré de fibrose hépatique est de trois ou de deux, alors que les patients qui ne sont pas en danger peuvent attendre.

Deuxièmement, s’agissant du mécanisme W, le montant de sept cents millions d’euros a été négocié conventionnellement par le président du Comité économique des produits de santé, le CEPS. Si les dépenses étaient supérieures à ce montant, le laboratoire s’engageait à rembourser à l’assurance maladie, en fonction du degré de dépassement, un pourcentage progressif lui aussi. C’est ce qui s’est passé, pour un montant de trois cents millions d’euros je crois.

Troisièmement, vous semblez ne pas distinguer ce qu’est le financement de l’innovation. Avec le Sovaldi on ne finance pas une innovation. Cette innovation a été financée par le laboratoire américain Gilead, qui a racheté pour onze milliards de dollars une start-up propriétaire du brevet du Sovaldi.

M. Élie Aboud. Ce n’est pas le sujet !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le laboratoire Gilead a acquis la propriété de ce brevet en rachetant la start-up et on est passé ensuite à la commercialisation.

Moi qui suis l’évolution du chiffre d’affaires de Gilead trimestre par trimestre, je peux vous rassurer sur le sort de ce laboratoire : il connaît une croissance exponentielle.

M. Jean-Pierre Barbier. Et alors ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. En effet, au fur et à mesure où d’autres pays s’ouvrent, souvent après nous, à l’utilisation de ce type de molécule pour traiter les patients atteints de l’hépatite C, le chiffre d’affaires de Gilead augmente, ainsi que son excédent d’exploitation : celui-ci s’élevait à dix milliards de dollars au premier semestre 2015, c’est-à-dire deux à trois milliards de plus qu’au premier semestre 2014.

Quant au financement de l’innovation elle-même, c’est-à-dire de l’innovation issue de la recherche européenne et française, je crois que les mécanismes mis en place par Mme la ministre sont suffisamment clairs, sans parler du crédit impôt recherche.

Voilà, monsieur le président, les quelques éclaircissements qui me semblaient devoir être donnés.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. J’aimerais bien, monsieur Aboud, qu’innovation rime avec succès thérapeutique, mais ce n’est malheureusement pas le cas. Si tel était le cas, nos malades réclameraient à grands cris qu’on leur administre des molécules innovantes.

Vous savez aussi bien que moi que de nombreuses molécules innovantes ont malheureusement déçu. En cancérologie, il faut souvent le recul de plusieurs années et la connaissance des taux de survie pour en mesurer le bénéfice. On doit pouvoir en faire bénéficier les patients dans le cadre d’essais thérapeutiques, mais il ne faut pas faire croire à ceux qui suivent nos débats qu’innovation signifie obligatoirement succès thérapeutique. Ce fut le cas pour le Sovaldi, et nous nous en réjouissons, mais à vous entendre on pourrait croire que c’est systématique. Avoir toujours ce mot à la bouche relève d’une forme de fétichisme. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Puisque vous avez invoqué le bon sens, je vous appelle à raison garder.

(Les amendements identiques nos 276, 279 et 327 rectifié ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 158 et 344.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n158.

M. Jean-Pierre Door. Je vous rappelle, madame la ministre, qu’il n’a jamais été question dans notre esprit de supprimer tout mécanisme de régulation. Une régulation est effectivement indispensable, mais nous souhaiterions une régulation entre le prix et les volumes. Nous considérons en outre qu’elle relève de l’arbitrage du CEPS, le Comité économique des produits de santé, et du Conseil stratégique des industries de santé. C’est au niveau de ces organismes, où les pouvoirs publics et les entreprises pharmaceutiques sont représentés, que ces décisions doivent être prises. Nous n’avons pas à entrer dans ces détails, comme vient de le faire Mme Berger en évoquant des milliards en plus ou en moins ici ou là.

À l’entendre, on a l’impression que l’industrie pharmaceutique, naguère un fleuron de notre économie, est devenue une sorte de loup-garou !

Oui au crédit impôt recherche, monsieur Eckert. Cela fait des années qu’il a été mis en place et il est indispensable de poursuivre cette démarche, s’agissant d’entreprises qui investissent de 17 à 20 % de leur chiffre d’affaires dans le domaine de la recherche.

En revanche, nous ne sommes pas d’accord avec ce mécanisme W, créé à la suite de l’affaire Solvadi et qui nuit à la reconnaissance de l’innovation. C’est pourquoi nous voudrions par cet amendement rétablir une règle de calcul cohérente pour le déclenchement de la clause de sauvegarde.

Dans l’état actuel du droit, le déclenchement du mécanisme résulte de la comparaison entre le chiffre d’affaires net de remises d’une année N et le même chiffre d’affaires de l’année N-1 minoré de la contribution versée au titre du mécanisme L de l’année N-1. Une telle rétroactivité enlève au mécanisme toute visibilité pour les entreprises concernées.

Je vous rappelle, madame Berger, que le secteur pharmaceutique occupait la troisième place dans l’économie française et qu’il est tombé à la septième ou huitième, autrement dit en deuxième division. Faites attention à ne pas pousser ces entrepreneurs à partir s’installer ailleurs. Aujourd’hui, ils risquent de préférer l’Irlande, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, voire l’Espagne ou l’Italie. Vous le savez, puisque l’entreprise est votre spécialité. Regardez bien ce qui se passe : ce n’est pas aussi facile que vous le dites.

Quant au taux L, qui est votre œuvre, c’est du jamais vu ! En tout cas personnellement je n’ai jamais vu ça et cela fait pourtant des années que je siège sur ces bancs, après avoir travaillé longtemps dans ce domaine ! Que l’impôt croisse en proportion du chiffre d’affaires, on peut le comprendre, mais taxer une croissance négative du chiffre d’affaires, il faut quand même le faire ! Personne n’y comprend rien ! Qui a bien pu inventer un tel mécanisme ? Je ne pense pas que ce soit vous, madame la ministre, ni vous, monsieur le secrétaire d’État. Cela doit sortir de je ne sais quel cabinet ministériel. Ce mécanisme étrangle ces entreprises.

Enfin, le caractère rétroactif du dispositif est contestable sur le plan juridique.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n344.

M. Bernard Accoyer. Je ne peux qu’approuver le propos qui vient d’être excellemment développé par Jean-Pierre Door.

Trop c’est trop, madame la ministre ! L’essentiel des économies que vous prétendez faire via ce PLFSS le sont au détriment de l’industrie pharmaceutique.

Vous inventez pour cela un mécanisme paranoïaque. Oser taxer une entreprise dont le chiffre d’affaires régresse d’une année sur l’autre d’autant plus que la taxe de l’année précédente a été importante, c’est inqualifiable.

Il s’agit d’un mécanisme irrationnel et même délirant, et vous prenez une responsabilité extrêmement lourde en créant un tel dispositif, que j’ose qualifier de paranoïaque, suicidaire et destructeur, et ceci simplement par facilité. En effet – je le répète, au risque de réveiller M. le secrétaire d’État – c’est parce que vous refusez des réformes de structure que vous êtes obligés de procéder avec un tel simplisme.

Vous aurez beau nous expliquer sur un ton péremptoire que nous n’avons rien compris et que ce que nous faisons n’a ni queue ni tête, la réalité c’est cette disposition absolument inimaginable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je reconnais que passer du montant W au taux L n’est pas toujours simple, et c’est pourquoi je vais essayer, au risque d’être excessivement technique, de vous expliquer pourquoi ce que vous dites est faux.

Nous cherchons à harmoniser l’assiette permettant de calculer la croissance du chiffre d’affaires entre l’année N-1 et l’année N. Cette différence d’assiette peut paraître pénalisante. Mais il faut rappeler tout d’abord que la clause de sauvegarde ne se déclenchera à l’année N que si les objectifs d’économies votés par le Parlement dans le cadre de l’ONDAM ne sont pas atteints. Or vous remarquerez que nous les atteignons désormais.

Dans ce cas, les entreprises pourront choisir d’être exonérées du paiement de cette contribution si elles choisissent de s’acquitter en contrepartie de remises conventionnelles. Si tel est le cas, ne pas prendre en compte ces remises, qui devront être versées au CEPS à l’année N- 1, reviendrait à considérer ces dépassements comme acquis et à les reprendre dans la base de calcul des années suivantes.

C’est exactement le contraire de l’objectif de la clause de sauvegarde, puisque celle-ci vise au contraire à sécuriser l’objectif de stabilité des dépenses de médicaments sur la période 2015-2017. Ainsi, si la contribution se déclenche en 2015, en adoptant votre amendement, la base de calcul pour évaluer si la contribution se déclenchera ou non en 2016 serait complètement faussée, le niveau de base retenu étant remonté.

Je reconnais que la présentation est austère, mais quand on examine posément et calmement cette démonstration, on se rend compte qu’elle est tout à fait logique. Je suis sûre que cette logique ralliera vos suffrages.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qui ont été excellemment présentées par Mme la rapporteure.

Il est vrai que ce sujet est un peu technique, mais j’ai ici un petit dessin.

Mme Isabelle Le Callennec. Nous avons de beaux écrans dans l’hémicycle, ils pourraient servir !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il montre assez bien que la dépense pour 2016, si l’objectif est atteint, est beaucoup plus importante qu’en 2015. La logique, compte tenu de cette marche à monter, voudrait que le mécanisme de régulation se déclenche.

M. le président. Je rappelle, comme je le fais régulièrement aux parlementaires, qu’on ne peut pas présenter de tels documents ici. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je n’exprime que la constance du règlement sur cette question.

Mme Marisol Touraine, ministre. J’en suis absolument désolée, parce qu’il est des cas où les petits schémas sont très explicites et permettent de comprendre des mécanismes compliqués.

Je donne un avis défavorable, parce qu’on voit bien qu’en retirant de la base de calcul une partie des sommes acquittées par les industriels, on rend la marche à monter moins importante. Ce qui compte, c’est bien l’ensemble de la dépense.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Monsieur le président, je voudrais que vous usiez de tout votre pouvoir pour que les ministres puissent nous présenter des documents.

Nous avons découvert dans l’hémicycle ces panneaux, qui sont horribles. Dans une collectivité territoriale, l’architecte des bâtiments de France ferait retirer immédiatement des panneaux de ce type. Qu’ils aient au moins une utilité : il faudrait que nous nous adaptions aux nouvelles technologies pour que la ministre puisse présenter ses documents. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. Pour le moment, nous avons un règlement. Si vous souhaitez le modifier, vous pouvez faire une proposition en ce sens.

(Les amendements identiques nos 158 et 344 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Madame la ministre, vous n’aviez qu’à venir en commission si vous aviez des schémas à nous montrer. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marisol Touraine, ministre. J’y étais !

M. Bernard Accoyer. De façon tout à fait insuffisante ! D’habitude, les ministres restent pendant toute la discussion. Vous aviez fait ainsi l’année dernière.

Mme Marisol Touraine, ministre. Non.

M. Bernard Accoyer. Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. Si vous avez besoin de dessins pour vous expliquer dans l’hémicycle, c’est que ce que vous expliquez est tout bonnement injustifiable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je reconnais bien là le caractère aimable de M. Accoyer…

Mme Françoise Dumas. Élégant !

Mme Marisol Touraine, ministre. …élégant même, vous avez raison madame la députée. Mais nous en avons l’habitude et je ne sais même pas pourquoi je réponds.

J’ai été présente au moment où la commission a souhaité que je le sois. Sur les textes financiers, il se trouve que la commission des affaires sociales considère que, le texte du Gouvernement étant examiné dans l’hémicycle, la présence des ministres non seulement n’est pas requise, mais n’est pas souhaitée. (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je me tiens à la disposition du Parlement et me plie à ses règles. Ne faites pas, monsieur le député, comme si je n’avais pas respecté les règles qui ont été fixées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Article 4 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 189 et 345.

La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n345.

M. Élie Aboud. Je respecte quant à moi le règlement, monsieur le président, mais nous étions preneurs de cette explication iconographique et pédagogique, parce que nous ne parlons pas de la même chose.

Pardonnez-moi madame la ministre, mais je vais rester très scolaire. L’assiette de la contribution n’étant pas identique d’une année sur l’autre, vous nous faites entrer dans un cercle vicieux : plus la contribution versée l’année n – 1 est forte, plus le versement de l’année n sera important. En outre, cet effet va s’amplifier avec le temps.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n345.

M. Bernard Accoyer. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est vraiment amusant : ces amendements visent à supprimer la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 138-12. Nous avons en vain cherché la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 138-12 : elle n’existe pas ! Vous proposez de la supprimer, mais vous feriez mieux de retirer vos amendements. (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

(Les amendements identiques nos 189 et 345 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Et la deuxième phrase est donc maintenue… (Sourires.)

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 190 et 346.

La parole est à M. Jean-Pierre Barbier, pour soutenir l’amendement n190.

M. Jean-Pierre Barbier. Je regrette que les travaux en commission n’aient duré que huit heures. Nous aurions pu discuter de manière intéressante en examinant le schéma que vous présentiez tout à l’heure.

Vous allez taxer une croissance négative, ce qui paraît tout de même incompréhensible. Je vais vous réexpliquer tout cela, mais vous monsieur le secrétaire d’État, qui êtes professeur de mathématiques, vous devriez comprendre.

Quand vous consentez une déduction sur une cotisation versée dans l’année n -1 et que vous comparez le chiffre d’affaires avec celui de l’année n, sans aucune déduction, vous majorez forcément la différence entre ces deux années, ce qui est incohérent puisque vous allez taxer deux fois la déduction. En plus, les effets de ce système seront cumulatifs.

Pour calculer le taux L – qu’il soit ou non négatif, c’est votre problème –, ne comptez pas la déduction de l’année précédente, sinon c’est une double injustice pour l’industrie.

C’est une règle mathématique toute simple : on ne compare que ce qui est comparable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n346.

M. Bernard Accoyer. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 190 et 346, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je souhaite faire une mise au point concernant la présence des ministres durant les travaux de la commission des affaires sociales. Depuis 2012, au nom de la séparation des pouvoirs, il a été jugé préférable que les députés discutent entre eux en matière législative. Les ministres viennent défendre leurs projets de loi quand ceux-ci viennent d’être approuvés en Conseil des ministres, ce qui a été le cas pour ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Par ailleurs, les débats en commission font l’objet de vidéos. J’invite ceux qui croiraient ce que vous dites à voir celle de mardi dernier : l’opposition a eu tout le temps de parole qu’elle voulait sur des amendements redondants, la majorité l’écoutant même lire l’exposé des motifs jusqu’à trois fois de suite. À partir du moment où il n’y avait plus d’amendements, j’ai estimé que c’était la fin du débat. À deux heures du matin, nous avons donc terminé. Je ne vois pas en quoi nous n’aurions pas discuté suffisamment en commission. Nous avons fait le travail qui devait être fait.

Si vous aviez déposé vos centaines d’amendements en commission, nous en aurions discuté. Vous avez pris le parti, comme d’habitude, de les déposer pour la séance : la commission n’y est pour rien.

M. Jean-Pierre Barbier. Nous n’avons eu aucun débat ni aucune réponse !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour un rappel au règlement.

M. Francis Vercamer. Si tout se passe comme le dit Mme la présidente de la commission, il serait bien que le rapporteur ne nous dise pas à chaque fois qu’il va interroger le Gouvernement. Si nous sommes entre nous, le rapporteur devrait donner son avis et non le définir en fonction de celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Je l’ai fait remarquer plusieurs fois en commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Door. Je me contenterai d’une observation, monsieur le président.

Pour répondre à Mme Lemorton, il est vrai qu’il y a eu un débat en commission, même s’il a duré peu de temps, et que l’opposition a eu tout le temps de parler. La majorité a été curieusement absente : c’est comme cela !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous étions présents !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Qu’est-ce que ça veut dire ?

M. Jean-Pierre Door. Je voudrais simplement dire à Mme la ministre qu’elle a des documents intéressants que le règlement nous empêche d’examiner ici. Comme nous allons passer nos nuits ensemble, peut-être pourriez-vous faire des photocopies et nous les distribuer discrètement, en dehors de la séance ? Il serait tout de même intéressant d’avoir ce document. En tout cas, à titre personnel, il m’intéresse.

M. le président. C’est tout à fait possible.

La parole est à Mme Michèle Delaunay, rapporteure.

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. Je voudrais répondre à M. Vercamer. J’ai dit et je viens de confirmer que l’article sur les délégations de gestion était en cours de rédaction et que nous aurions un complément d’information par Mme la ministre, si elle le voulait bien, en séance. Je n’ai pas l’impression d’avoir grandement péché. (Sourires.)

M. Denis Jacquat. Ego te absolvo !

Article 4 (suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 277, 278, 326 et 377.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n277.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n278.

M. Jean-Pierre Door. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n326.

M. Bernard Accoyer. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n377.

M. Élie Aboud. Défendu.

(Les amendements identiques nos 277, 278, 326 et 377, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 21 et 159.

La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n21.

M. Élie Aboud. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n159.

M. Jean-Pierre Door. Défendu.

(Les amendements identiques nos 21 et 159, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

(L’article 4 est adopté.)

Article 5

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Dans l’exposé des motifs, on lit que « le déficit du régime général et du FSV devrait s’établir à 12,8 milliards d’euros en 2015, soit une amélioration par rapport aux prévisions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 de 0,7 milliard d’euros. Cet écart s’explique essentiellement par l’amélioration du solde des branches vieillesse et famille, qui est plus importante que la dégradation du solde du Fonds de solidarité vieillesse. »

Nous en avons déjà parlé en commission et je voudrais en reparler ici, en séance publique : ce sont les bornes d’âge qui ont été votées en leur temps qui provoquent actuellement cette amélioration du solde de la branche vieillesse. Je tiens à rappeler qu’ici même, dans cet hémicycle, vous avez combattu de façon extrêmement ardente le recul de 60 à 62 ans de l’âge de la retraite, en indiquant même que dès le retour au pouvoir de la gauche, la borne des 60 ans serait rétablie.

Souvenons-nous d’ailleurs qu’à l’époque, certains prônaient plutôt 63 ou de 65 ans, en s’inspirant des pays où existe un système par répartition. Dans tous ces pays, on est au-dessus de la borne des 60 ans.

Nous avons semé, vous avez récolté, mais ne l’oublions pas : ce qui compte, c’est la personne concernée. On ne parle pas beaucoup, je trouve, du FSV.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 5 tend à rectifier les prévisions et objectifs relatifs à 2015, année marquée par une diminution du rythme de réduction des déficits par rapport aux estimations prévues dans la loi de financement rectificative de 2014.

La Cour des comptes estime que cette nouvelle trajectoire reporte à un horizon indéfini l’objectif de retour à l’équilibre.

Je voudrais appeler votre attention sur le Fonds de solidarité vieillesse, monsieur le secrétaire d’État au budget. Son déficit en 2015 serait supérieur de près d’un milliard à l’objectif fixé. C’est dû, selon le rapport, à une baisse des recettes plus forte que celle des dépenses. Cette baisse des recettes serait due elle-même à la diminution de la contribution sociale de solidarité des sociétés ou C3S et à celle de la fraction de contribution sociale généralisée ou CSG.

Ma question est donc simple, monsieur le secrétaire d’État : allez-vous laisser filer ce déficit ? Sinon, comment allez-vous le combler dans les années qui viennent ?

Quant à la CADES, la Caisse d’amortissement de la dette sociale, l’ensemble des dettes sociales depuis sa création en 1996 s’élève à 237 milliards d’euros dont 127 resteraient à amortir, soit près de six points de PIB, d’où ma seconde question : où les trouve-t-on ?

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur, pour soutenir l’amendement n771.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il est rédactionnel.

(L’amendement n771, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Article 6

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, inscrit sur l’article.

M. Bernard Accoyer. Cet article vient conforter la démonstration qu’Isabelle Le Callennec a faite tout à l’heure à propos des gels de crédits ensuite annulés par voie législative. Cet article y procède, si l’on en croit l’exposé des motifs, dans les trois branches de la Sécurité sociale. Dans la branche maladie, il s’agit d’annulations de crédits et d’une réduction autoritaire du coût du médicament. Dans la branche vieillesse, c’est le résultat de la réforme Woerth à propos de laquelle vous n’avez pas eu de mots assez durs ni d’attitude assez violente lorsque vous la combattiez, chers collègues socialistes. Dans la branche famille, ce sont des réductions de prestations comme on n’en a jamais vu depuis sa création. Les articles 5 et 6 mettent en perspective les méthodes utilisées par le Gouvernement pour essayer de contenir les déficits. En réalité, elles sont exactement contraires d’une part aux principes de bonne gestion, d’autre part aux discours que le Gouvernement a toujours tenus.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 6 rectifie l’ONDAM et ses sous-objectifs pour 2015. Je vous entends chaque année vous enorgueillir des taux d’ONDAM que vous votez, chers collègues socialistes, mais j’observe aussi de forts décalages entre les prévisions et l’exécution ! J’en donnerai deux exemples. L’ONDAM sur les soins de ville connaît une augmentation de soixante-dix millions d’euros pour les horaires médicaux, de quarante-cinq millions d’euros pour les dispositifs médicaux et de trente millions d’euros pour les transports de patients mais une diminution de cinquante millions d’euros sur le médicament, de soixante-dix millions d’euros sur les honoraires des auxiliaires médicaux et de vingt-cinq millions d’euros sur les analyses médicales. Il importe de mentionner tous ces chiffres.

De même, on observe une légère sous-consommation de l’ONDAM médico-social qui, selon le tome II du rapport, « contribuerait à une économie de quatre-vingt-cinq millions d’euros ». Voilà qui réjouit sans doute le secrétaire d’État au budget mais je suis très étonnée que cela laisse indifférente la ministre de la santé ! Compte tenu des besoins du secteur médico-social dans nos territoires, je ne comprends pas que vous laissiez passer cela, chers collègues de la majorité socialiste !

(L’article 6 est adopté.)

Après l’article 6

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n642.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à satisfaire la Cour des comptes qui recommande de fixer dans la loi le seuil d’alerte de dépassement de l’ONDAM à 0,5 % au lieu de 1 %. Ce seuil est déjà fixé par décret, me dira-t-on, mais je rappelle que le décret est d’ordre réglementaire et que nous sommes ici au Parlement qui a vocation à exercer un contrôle. Je souhaite donc que l’on inscrive dans la loi le seuil de 0,5 %, ce qui d’ailleurs permettra à Mme la ministre de le fixer par décret à 0,4 % !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Michèle Delaunay, rapporteure. L’amendement a été rejeté car il est satisfait par l’article D. 114-4-7 du code de la Sécurité sociale qui fixe le seuil d’alerte à 0,5 % alors qu’il était à 0,75 % en 2010, 0,7 % en 2011 et 0,6 % en 2012. Il ne semble pas utile de l’abaisser par voie législative car il s’agit d’un instrument de souplesse.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’ajoute à ce que vient de dire Mme la rapporteure que je ne comprends pas très bien l’intérêt pratique de votre amendement, monsieur le député. La loi fixe un seuil d’alerte qui ne peut être supérieur à 1 %. Les décrets d’application de l’article de loi fixent des seuils de déclenchement de plus en plus bas. Depuis deux ans, le seuil de déclenchement est fixé à 0,5 %, soit celui que vous proposez d’inscrire dans la loi. Quelle est donc la portée pratique de votre amendement sinon affirmer qu’il me permettra de le fixer à 0,4 % ? À un moment donné, on inscrit dans la loi des chiffres pour les chiffres !

Votre amendement aurait un intérêt si nous constations que l’ONDAM n’est pas respecté et si vous proposiez des instruments plus contraignants pour sa gestion, mais tel n’est pas le cas. En 2012, nous avons sous-exécuté l’ONDAM de 900 millions d’euros, soit 0,5 %, loin du seuil d’alerte. En 2013, nous l’avons sous-exécuté de 1,4 milliard d’euros, soit 0,8 % et en 2014 de 300 millions d’euros. Votre amendement vise donc uniquement à exhorter le Gouvernement à davantage de fermeté, mais nous sommes bien plus fermes que ce que propose votre amendement. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

(L’amendement n642 n’est pas adopté.)

Vote sur l’ensemble de la deuxième partie

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2015.

(L’ensemble de la deuxième partie du projet de loi est adopté.)

Troisième partie

M. le président. Nous abordons maintenant la troisième partie du projet de loi, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année 2016.

Article 7

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. L’article 7 reporte de trois mois la baisse des charges prévue par le pacte de responsabilité. L’extension de la réduction du taux de cotisation d’allocations familiales aux rémunérations comprises entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC aura donc lieu avec trois mois de retard. Il s’agit d’un coup de canif assez irresponsable porté aux engagements du Président de la République, qui ampute le pacte de responsabilité de 25 % des baisses de charges prévues en 2016. Cela pose évidemment beaucoup de problèmes aux chefs d’entreprise et aux directeurs des ressources humaines qui ont anticipé la baisse et paramétré leurs logiciels. Une nouvelle fois, un mauvais signal est adressé aux entreprises qui ont besoin de lisibilité et de certitude pour investir. Comment instaurer la confiance si on renie des engagements de baisse de charges à trois mois seulement de leur mise en œuvre ?

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Le pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République a constitué l’aveu de l’erreur qu’il a commise, et le Gouvernement et la majorité avec lui, en assommant au-delà du raisonnable les Français et les entreprises d’impôts et de hausses des prélèvements sociaux en tous genres à un niveau de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Prenant conscience de cette catastrophe qui malheureusement dure encore, le Président de la République a brusquement annoncé le pacte de responsabilité et de solidarité afin de rétablir un minimum de confiance. Il s’agit de baisses de cotisations d’allocations familiales qui ont d’abord concerné les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC.

L’engagement présidentiel consistait à étendre ces baisses de charges aux salaires inférieurs à 3,5 fois le SMIC au 1er janvier 2016. L’article 7 du PLFSS constitue le reniement de la parole du Président de la République, ce qui n’est pas rien et dégrade encore la confiance que le monde économique, les investisseurs et les entreprises placent dans les décisions prises par le Gouvernement. Cet article repoussant de trois mois les baisses de charge, ce qui mettra en difficulté de nombreuses entreprises en matière de trésorerie, ne peut être accepté en l’état.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Cet article met en œuvre l’acte II du pacte de responsabilité prévoyant l’élargissement de la baisse des cotisations sur les salaires inférieurs à 1,6 fois le SMIC votée dans la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014 aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC. Mais cette baisse ne prendra effet qu’au 1er avril, trois mois après la date prévue initialement, ce que dénoncent les organisations patronales. Certes, vous prévoyez de réaliser une économie estimée à plus d’un milliard d’euros, monsieur le secrétaire d’État. C’est assez typique d’un effet de rabot en vue d’une économie réalisée sur le dos des entreprises. Nous contestons l’article 7.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Jean-Pierre Door vient de rappeler l’historique de la mesure. Il ne faut pas oublier que le principal problème de notre pays, c’est l’emploi. La baisse des cotisations ne prendra effet qu’au 1er avril, soit trois mois après la date prévue initialement. En repoussant l’application du deuxième étage du pacte de responsabilité, le Gouvernement espère réaliser une économie d’un milliard d’euros. Cela n’est pas normal en un temps où les entreprises souffrent.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je profite de la présence de M. le secrétaire d’État au budget pour lui rappeler les débats de la semaine dernière. La mise en œuvre différée de cette disposition du pacte de responsabilité concerne les entreprises et prend en défaut un engagement du Président de la République, car la baisse des cotisations sur les salaires compris entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC devait avoir lieu au 1er janvier 2016. Son coût initial pour l’État s’élevait à quatre milliards d’euros. Le Gouvernement réalise une économie d’un milliard d’euros en la repoussant d’un trimestre mais si on se projette un peu plus loin rien ne garantit que ce milliard d’euros économisé sur le budget de 2016 se trouvera dans celui de 2017. C’est en effet un fusil à un coup car dès 2017 l’engagement vaudra bien pour l’année complète. Le risque, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous ne soyez plus là en 2017 au-delà des cinq premiers mois. Je pense à l’avenir des finances publiques. Cette petite mesure permet de réaliser une économie d’un milliard d’euros, certes importante mais inscrite une seule fois dans le budget alors qu’elle engage l’avenir des finances publiques de la France.

M. le président. La parole est à M. Bernard Gérard.

M. Bernard Gérard. On ne dira jamais assez combien cet article est une aberration. Le Président de la République a annoncé en grande pompe le pacte de responsabilité censé donner un ballon d’oxygène aux entreprises après plus de trois ans d’errements. Et comme si tout allait bien, on reporte ce ballon d’oxygène de trois mois sur le dos des entreprises ! Quand on prend un engagement, on doit le tenir. Économiquement, il ne faut pas croire que cela restera sans conséquences. Je rappelle que notre collègue Lionel Tardy, lors des auditions qu’il a menées dans le cadre du rapport pour avis sur le PLF, a eu la confirmation que certaines PME ont anticipé cette baisse dans leur activité, non pas au 1er avril mais au 1er janvier. Les plus fragiles, le Gouvernement vient les fragiliser encore plus ! Un tel revirement, aggravant l’instabilité fiscale, pèsera forcément sur les entreprises.

Ce qui est cocasse, c’est que le Premier ministre a publié voici à peine une semaine une circulaire prévoyant de mesurer l’impact des projets de loi sur les entreprises. Nul doute que cet article n’aurait pas passé le fameux « test PME » dont manifestement le Gouvernement n’a cure.

Enfin, politiquement, il est assez effrayant de constater à quel point le Gouvernement a des difficultés pour boucler son budget. On peut s’interroger sur la pression fiscale qui pèsera encore plus cette année sur les entreprises. Je suppose que vous leur adresserez une lettre pour leur expliquer la situation, monsieur le secrétaire d’État, comme vous en avez adressé une à de nombreux concitoyens. On peut imaginer que l’année prochaine ils devront à nouveau supporter les difficultés budgétaires auxquelles vous avez à faire face cette année.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. On voit, avec cet article, que le Gouvernement louvoie. Il n’y a pas de cap, monsieur le secrétaire d’État. Le problème, c’est le financement de la protection sociale par le travail. La majorité précédente avait entrepris une réforme structurelle, puisque le financement reposait non plus sur le travail mais sur la TVA compétitivité. La première chose que vous avez faite en arrivant aux affaires, c’est de supprimer cette mesure. Puis, vous apercevant que la compétitivité était mise à mal, vous avez créé le CICE, qui est une usine à gaz qui a du mal à fonctionner, comme plusieurs rapports, parlementaires ou non, l’ont démontré.

Le Président de la République a d’ailleurs reconnu son erreur et revient en arrière, en étendant l’allégement des cotisations familiales aux salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC. Mais ce sont des petites mesures. Et comme l’on s’aperçoit que cela coûte trop cher, on recule la date d’application au 1er avril.

Il n’y a pas de cap, pas de vision sur le financement de la protection sociale. Cela pèse sur l’entreprise, sur la compétitivité et, surtout, sur la confiance que les Français et les entreprises placent dans le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Costes.

M. Jean-Louis Costes. Ce n’est pas tant le report de cette mesure qui importe, que l’impact de cette instabilité fiscale et sociale dramatique sur les chefs d’entreprise. Cela explique leur frilosité et leur perte de confiance dans la parole publique. Vous leur avez déjà fait le coup avec les dispositifs sur l’apprentissage, que vous avez supprimés puis réinstaurés en partie, et vous recommencez. L’effet de cette décision sur notre économie, dont vous savez qu’elle repose à 50 % sur la psychologie et le mental, est catastrophique. Avec une mesure telle que celle-ci, vous aller casser le moral des chefs d’entreprise et renforcer le déficit de crédibilité de la parole publique.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Le Gouvernement propose le report de trois mois de l’extension de l’allégement des cotisations familiales. Dont acte. Mais vous ne pouvez pas dire que le pacte de responsabilité est ainsi ébréché, puisque cette mesure vise à financer des mesures favorables aux entreprises, adoptées notamment dans le cadre de la loi Macron, comme le sur-amortissement ou la modification de certaines règles relatives à l’épargne salariale.

Globalement, le pacte de responsabilité tel qu’annoncé par le Gouvernement sera respecté. Pour autant, il n’a pas été dit que les engagements étaient pris pour trois ans, mais votés en trois étapes, par annualité budgétaire. Prenez donc acte, de votre côté, que les mesures votées pour l’entreprise seront financées, à due concurrence, par l’économie obtenue sur le premier trimestre de 2016.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Les interventions de nos collègues sur l’article 7 qui, comme l’article 8, porte sur la mise en œuvre du pacte de responsabilité, m’ont inquiété… puis rassuré. À les entendre, les chefs d’entreprise pensent que nous n’allons pas prendre cette mesure. Or nous allons la voter, et les cotisations familiales passeront de 5,75 % à 3,45 % pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC, le 1er avril. Les engagements du pacte de responsabilité sont tenus.

Mme Bérengère Poletti. Avec un coup de canif dans le contrat !

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Nous nous sommes engagés à aider les entreprises à hauteur de 41 milliards d’euros. Les allégements représenteront 33 milliards d’euros en 2016, ce qui est plus que la somme des augmentations d’impôts que nous avons dû mettre en œuvre pour combler les trous que vous aviez laissés. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mais ce qui me rassure, c’est que vous voterez les articles 7 et 8, car ne pas le faire reviendrait à refuser de baisser les charges qui pèsent sur les entreprises.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Le Président de la République lui-même avait parlé du 1er janvier !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La présentation qui a été faite de cet article est pour le moins fallacieuse, puisqu’elle laisse entendre qu’en reportant de trois mois une mesure, il vise à réaliser un milliard d’euros d’économies.

M. Denis Jacquat, rapporteur. C’est bien cela !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est à se demander si vous savez lire ! Cet article met en place un allégement de cotisations pour les entreprises, qui représente une dépense annuelle de 4,2 milliards d’euros pour la Sécurité sociale – compensée par l’État. Vous ne voulez donc pas le voter ?

M. Denis Jacquat. Nous attendons les explications !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Si cet article ne devait pas être adopté, cette mesure de 4,2 milliards d’euros en année pleine – et jamais vous n’en avez pris une de cet acabit – ne serait pas mise en œuvre en faveur des entreprises.

J’en viens au milliard d’euros que représente le décalage d’un trimestre. Le coût des mesures prises en 2015, dont chacun reconnaîtra qu’elles profitent aux entreprises – sur-amortissement de 40 % des investissements, pour un coût de 500 millions d’euros en année pleine ; dispositif « zéro charge », pour les salaires équivalant au SMIC ; prime de 4 000 euros à l’embauche du premier salarié ; dispositifs en faveur de l’apprentissage – est de l’ordre de 1,3 milliard. Ce coût a été compensé par des économies dans le budget de l’État en 2015. Mais en 2016, il entre dans les 9 milliards d’euros de baisse des impôts et des cotisations des entreprises que l’État s’est engagé à réaliser.

Je vous rappelle que l’allégement des cotisations familiales consenti depuis le 1er janvier 2015 pour les salaires compris entre 1 et 1,6 SMIC représente déjà un effort financier pour une dépense publique de 3,7 milliards d’euros.

La mesure de décalage, qui ramène le coût du dispositif à 3,1 milliards d’euros, est prise pour compenser le milliard d’aides aux entreprises. Certes, nous aurions pu prendre une mesure pérenne, mais la dépense fiscale est appelée à diminuer, l’un des dispositifs s’éteignant en sifflet.

Avec la suppression de la contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises et l’exonération de la C3S, l’allégement d’impôts et de cotisations sociales pour les entreprises atteindra bien 9 milliards d’euros, ainsi que le Président de la République s’y est engagé.

Monsieur Vercamer, vous pouvez toujours user des mêmes arguments éculés, et clamer que le CICE serait une usine à gaz compliquée, incompréhensible pour les entreprises. Pour ma part, je lis la presse économique – pas toujours favorable à ce gouvernement – et je vois fleurir ces dernières semaines des articles expliquant que les entreprises se sont bien approprié le dispositif, en vantent le fonctionnement et nous demandent de ne pas y toucher. J’en veux pour preuve que, cette année, la dépense budgétaire relative au CICE est supérieure d’un milliard à nos prévisions ! Il s’agit d’une mesure pérenne, ainsi que le Président de la République l’a confirmé. Mais rien n’empêchera telle ou telle majorité de revenir dessus – c’est le sort de toutes les mesures que le législateur décide.

Je ne souhaite éluder aucun débat. Mais prétendre que cet article serait une manœuvre du Gouvernement pour réaliser un milliard d’euros d’économies est fallacieux : il prévoit au contraire une diminution des cotisations de 3,1 milliards d’euros en 2016 et de 4,2 milliards d’euros en 2017.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements de suppression, nos 317, 708 et 933.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n317.

Mme Jacqueline Fraysse. Je note avec beaucoup d’intérêt que nos collègues de droite sont d’ardents défenseurs des intérêts du patronat ! (Sourires.) Plutôt que de vous inquiéter du moral des chefs d’entreprise, vous feriez bien de vous soucier du moral des Français !

M. le secrétaire d’État a souligné l’ampleur des efforts consentis en faveur des entreprises, dans l’objectif de les inciter à investir et à créer des emplois, et ainsi de relancer l’économie et de résorber le chômage, qui grève douloureusement notre société.

Cet objectif, nous ne le contestons pas. Mais nous constatons que cet argent public, offert aux entreprises depuis plusieurs années, ne donne pas de résultat tangible pour le moment. Dès le départ, nous nous sommes opposés à cette initiative car nous pensions que ce n’était pas la bonne voie. Nous aurions pu nous tromper ; mais aujourd’hui, nous voyons bien que nous avions raison.

Je regrette que le Gouvernement, faisant le même constat, conserve cette stratégie, et même l’amplifie. Vous allez ajouter 4,5 milliards d’aides à des entreprises qui, non seulement ne créent pas d’emplois, mais en suppriment – pour ne citer que les 2 900 emplois d’Air France. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’extension de ce dispositif, qui nous prive d’un argent public précieux dont nous avons impérativement besoin, et ne donne pas les résultats escomptés.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n708.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous contestons depuis le début ces mesures du pacte de responsabilité que nous jugeons injustes et surtout inefficaces. Nous avons pu le constater lors de la publication des chiffres du chômage. L’absence de réponse des entreprises, qui avaient promis de s’engager en faveur de l’emploi mais ne le font pas, sans que le Gouvernement ne réagisse, nous conforte dans notre position.

L’article 7 prévoit d’étendre jusqu’au seuil de 3,5 SMIC, soit 5 000 euros brut mensuels, la baisse de 1,8 point des cotisations familiales. À ce niveau de salaire, il ne s’agit plus d’inciter à l’emploi. Le frein à l’embauche que peuvent représenter les cotisations familiales à la charge de l’employeur est quasi inexistant. Il s’agit donc d’un cadeau, offert sans aucune contrepartie puisque les entreprises visées ne sont même pas celles en difficulté et qu’aucune condition n’est exigée. L’injustice s’ajoute à l’inefficacité.

Rappelons tout de même qu’au moment de la création de la Sécurité sociale, la France a fait le choix d’une politique familiale universaliste. Au début, le taux des cotisations pour financer cette branche s’élevait à 16,75 %. Il a peu à peu décru pour se stabiliser à 5,4 % depuis 1991. Il ressort du rapport de mai 2013 de la Cour des comptes, relatif au financement de la branche famille, que si ce taux est, depuis lors, resté facialement inchangé, la contribution des entreprises a en réalité très sensiblement diminué par la mise en œuvre d’un dispositif d’allégements généraux de cotisations, qui s’est traduit par un transfert des financements sur d’autres assiettes, donc sur les ménages.

Les entreprises bénéficient largement de la politique familiale telle qu’elle est menée dans notre pays puisque près d’un tiers du budget total de la branche permet de financer la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle. Selon la Cour des comptes, ces actions auraient un effet positif sur le taux d’activité et contribueraient au dynamisme global du marché du travail ainsi qu’à l’augmentation de la croissance potentielle. Les entreprises bénéficient directement, au premier chef, de la politique ainsi conduite.

Pour cette raison, je vous propose de supprimer purement et simplement cet article.

M. le président. La parole est à M. Christophe Léonard, pour soutenir l’amendement n933.

M. Christophe Léonard. L’article 7 vise à élargir, au 1er avril 2016, au bénéfice des employeurs, la réduction du taux de cotisation d’allocation familiale aux rémunérations comprises entre 1,6 et 3,5 fois le SMIC, afin de relancer la compétitivité et la création d’emploi.

Or, chers collègues, nous ne pourrons obtenir de résultats économiques en termes de création d’emplois, par ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qu’à condition, comme nous y a invités la rapporteure générale du budget, de réussir le tournant de l’investissement pour les ménages, les entreprises et les collectivités locales. Malheureusement, cet article 7, qui vise à priver les organismes de Sécurité sociale de 4,5 milliards d’euros en année pleine, ne donne aucune garantie d’efficacité. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit ni plus ni moins d’un dispositif uniforme qui bénéficie aux entreprises qui en ont besoin comme à celles qui n’en ont pas besoin et, par conséquent, insuffisamment à celles qui en ont vraiment besoin. Le tout sans contrepartie en termes d’emplois et d’investissement.

Surtout, il me paraît paradoxal qu’un pays comme la France qui, chaque jour davantage, demande aux plus humbles de nos concitoyens, pour endiguer les possibles fraudes, de justifier de leur situation de précarité avant de pouvoir bénéficier des amortisseurs sociaux, envisage de créer une forme d’assistance économique sans contrepartie, au risque de l’inefficacité. Il est encore plus paradoxal, sans présager du débat que nous aurons tout à l’heure à l’article 10, d’allouer par cet article 7 pas moins de 3 milliards d’euros sans aucune contrepartie en termes d’emplois et d’investissement et de vouloir, par l’article 10, supprimer la franchise de cotisation patronale de Sécurité sociale du dispositif bassin d’emploi à redynamiser – BER – pour quelques millions d’euros, au motif de rationaliser la dépense publique et de limiter les effets d’aubaine, alors que, justement, le déclenchement des exonérations au bénéfice des entreprises du BER est conditionné par la création effective d’emplois sans possibilité de distribution des dividendes. C’est pourquoi je vous propose de supprimer cet article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Avis défavorable car la commission est restée fidèle à l’engagement du Gouvernement pour ce qui est du pacte de responsabilité et des actions d’allégements généraux de charges, qu’il considère favorables à la compétitivité et à l’emploi.

Je voudrais simplement dire à Mme Fraysse, M. Roumeguas et M. Léonard qu’ils posent comme un postulat l’échec de cette politique. Or, nous n’en sommes qu’au dixième mois d’application.

Mme Karine Berger. Vingt-six mois !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elle n’a été mise en œuvre qu’au 1er janvier 2015, madame Berger. Il me semble prématuré de dresser, après seulement dix mois d’application, un tel constat d’échec du choix fait par le Président de la République et le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement ne peut pas être favorable à la suppression d’un article qu’il vous a lui-même proposé. Avis défavorable, bien évidemment, à ces amendements.

Un constat est partagé : le manque de compétitivité de notre industrie, en particulier, et de notre économie en général. Un cap a été franchi, contrairement à ce que certains prétendent. Les cotisations et les impôts des entreprises ont été considérablement réduits et les impôts des ménages ont diminué également. Cette dernière baisse est de moindre ampleur mais cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas. Nous en avons parlé en première partie du projet de loi de finances.

Se pose la question des contreparties ou du ciblage, et de l’efficacité. Madame Fraysse, vous ne voyez pas les résultats mais le rapporteur Gérard Bapt a utilement rappelé que cette politique fait suite à une dizaine d’années de perte de compétitivité. Les parts de marché perdues, la compétitivité perdue, la désindustrialisation ne datent pas d’aujourd’hui, ni de 2012, ni de 2010. Elles remontent à beaucoup plus loin. Peut-on les combattre en quelques mois ? Aujourd’hui, tout le monde a-t-il bien conscience que, depuis le 1er janvier 2015, les cotisations ont baissé ? Je n’en suis pas sûr. Parmi les chefs d’entreprise que je rencontre, peu ont pris la mesure de cette baisse qui date du 1er janvier 2015 et coûte 3,5 milliards d’euros. Personne n’en a encore pris pleinement conscience, dans les résultats des entreprises comme dans la conduite de leur politique.

On peut toujours se demander si les résultats n’auraient pas été pires si on n’avait pas pris cette décision. On ne le saura jamais, on ne réécrira pas l’histoire. Ce choix a été fait et il mérite probablement un peu plus de temps pour produire des résultats. Quant au ciblage, j’ai eu l’occasion de m’en expliquer très souvent. Nous souhaitons adopter une mesure générale car réserver un dispositif aux entreprises en difficulté nécessiterait d’en définir la notion. Conditionnée à quoi ? À de la création d’emploi ? Cela signifierait qu’on empêcherait une entreprise contrainte de supprimer des emplois, d’en bénéficier. C’est un discours que nous avons déjà eu et que nous aurons sans doute encore.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Je voudrais m’exprimer contre ces amendements. Ils n’auraient jamais été déposés si nous n’avions pas eu à subir le pacte de responsabilité et de solidarité, une explosion des charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises, ainsi que les mensonges du candidat Hollande en campagne.

En réalité, à l’élection du président Hollande, la fiscalité des charges sociales pesant sur les entreprises a explosé. La catastrophe n’a pas tardé à se faire sentir, avec une aggravation du chômage. Le dogmatisme a conduit le Gouvernement, conformément à un engagement du candidat Hollande, à abroger les dispositions concernant la TVA anti-délocalisation dont les dispositions sont réintroduites par le pacte de responsabilité et de solidarité. Le pacte, annoncé aux vœux du Président de la République en 2014, se met en place en deux étapes, la deuxième étape étant d’ailleurs repoussée, contrairement aux engagements présidentiels, dont il est question dans cet article.

Il n’est pas étonnant que la majorité sorte complètement explosée de cette affaire, avec d’un côté les frondeurs, et de l’autre des Verts totalement ingérables.

M. Christophe Léonard. Ils ne sont pas les seuls !

M. Bernard Accoyer. Chacun part de son côté, mettant à mal la lisibilité politique, la majorité, le Gouvernement et l’image de la France. Néanmoins dans cette affaire, monsieur le secrétaire d’État, nous volerons à votre secours en votant contre ces amendements.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je me saisis des amendements de mes collègues, non pas pour aborder la question des effets sur l’emploi des différentes mesures car nous en débattrons à l’occasion des prochains amendements, mais pour poser une question très simple au secrétaire d’État.

Cet article coûtera environ 4 milliards d’euros à nos finances publiques, soit 0,2 % de PIB de prélèvement obligatoire en moins. Malheureusement, le taux de prélèvement obligatoire global sur 2016 ne baisse pas de 0,2 point, ce qui signifie que la baisse des cotisations patronales se répercute sur un autre impôt. Êtes-vous, monsieur le secrétaire d’État, en train de nous proposer de voter un basculement des cotisations patronales sur un impôt pesant sur les ménages français ?

M. Jean-Pierre Barbier. Très bonne question !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai bien entendu la réponse du Gouvernement. En effet, le pacte de responsabilité est trop récent pour en tirer des conclusions. J’observerai néanmoins que les exonérations de cotisations sociales patronales n’ont pas commencé par le pacte de responsabilité, lequel a simplement élargi le champ de ces exonérations, encore accentué par ce nouvel article.

Nous avons fait l’expérience de ce type de mesure. L’exonération des cotisations sociales patronales, appliquée ainsi, ne donne pas les résultats escomptés. Les chefs d’entreprise nous font des déclarations la main sur le cœur, quand ils en font encore, ils promettent un million d’emplois, sans trop s’engager, mais maintenant nous savons qu’ils prennent l’argent, le dépensent pour différentes actions, en particulier la hausse des dividendes, sans jamais investir. Et nous persévérons dans cette voie en accentuant encore cette mesure. Voilà pourquoi je ne suis pas convaincue par la réponse du secrétaire d’État.

(Les amendements identiques nos 317, 708 et 933 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 644 et 320 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n644.

M. Francis Vercamer. Vous ne cessez de dire, monsieur le secrétaire d’État, que l’opposition ne fait aucune proposition. Eh bien en voilà une, visant, qui plus est, une réforme structurelle ! Ce que nous vous proposons, c’est un choc de compétitivité consistant pour l’essentiel à supprimer les cotisations familiales patronales moyennant la suppression en retour du CICE. Il s’agit d’une réécriture en un tout autre sens de l’article 7, lequel vous coûte en l’état 4 milliards d’euros auxquels il faut ajouter les 20 milliards du CICE. La suppression du CICE représenterait donc un gain total de 24 milliards, tandis que celle des cotisations familiales patronales coûterait 30 milliards. Aussi gageons-nous la différence par une « TVA compétitivité ».

La réforme est structurelle en ce qu’elle fait peser la charge de la protection sociale familiale non plus sur le travail, mais sur la solidarité nationale et la consommation. En effet, la courbe du chômage ne s’est pas inversée et cela fait plusieurs années que les entreprises n’embauchent plus. Tous les indicateurs sont au vert depuis longtemps, le taux de change nous est bien plus favorable, le coût de l’énergie est au plus bas, les taux d’intérêt sont quasiment à zéro, et pourtant la croissance et l’emploi ne repartent pas !

Vous m’objecterez, une fois encore, que le CICE se traduit par un décalage de trésorerie. Certes, mais le Président de la République lui-même a affirmé à la télévision qu’il voulait le transformer en 2017. Je vous propose simplement de le faire en 2016.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n320 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit, cela ne vous étonnera pas, d’un amendement diamétralement opposé à celui de M. Vercamer.

Nous contestons pour notre part la philosophie qui consiste à exonérer les entreprises de la participation au financement de la politique familiale, car nous pensons qu’une politique familiale de qualité contribue au bon fonctionnement des entreprises et de l’économie du pays. Les entreprises doivent y être attentives et apporter leur contribution à l’épanouissement des familles.

Les résultats du CICE ne sont pas au rendez-vous, je n’y insiste pas. Or cet argent va manquer pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Nous en mesurons déjà les conséquences : les prestations familiales n’ont pas été revalorisées et la politique de modulation des allocations, qui vise à faire des économies…

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure de la commission des affaires sociales. C’est une politique plus juste !

Mme Jacqueline Fraysse. « Plus juste », c’est ce que vous dites toujours, ma chère collègue. Retirer de l’argent à certaines familles aisées, cela peut se discuter si on redonne cet argent à des familles plus modestes. Mais, en l’occurrence, vous économisez 865 millions d’euros en 2015, ce qui signifie que vous ne redonnez pas la totalité de la somme aux familles qui en ont besoin.

M. Gérard Bapt, rapporteur. C’est inexact.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est votre choix. Je ne le partage pas, mais au moins admettez-le ! Ce n’est pas moi qui le dit, c’est la Caisse nationale des allocations familiale : 15 % des familles connaissent une baisse de leurs allocations. Quand on prélève des milliards, il ne faut pas s’étonner ensuite qu’ils manquent ! À l’arrivée, les prestations sont forcément moins élevées. Vous devez l’assumer.

L’objet de cet amendement, et, pensons-nous, son utilité, sont donc de supprimer les exonérations de cotisations familiales décidées dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Vous avez mis en discussion commune deux amendements profondément différents, monsieur le président.

M. le président. C’est bien parce qu’ils s’opposent qu’ils sont en discussion commune, mon cher collègue : l’adoption de l’un interdirait celle de l’autre.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Celui de Mme Fraysse est en cohérence avec les amendements habituellement présentés par son groupe : il tend à revenir sur un élément fondamental du pacte de responsabilité et de solidarité, et c’est à ce titre que la commission l’a rejeté.

Celui de M. Vercamer et de son groupe est tout différent. Certes, il propose aussi de réécrire entièrement l’article, mais en supprimant dans un même temps l’ensemble des cotisations familiales et le CICE. Il se traduirait par une perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale, qu’il est proposé de compenser par une augmentation de la TVA, et par une perte de recettes pour l’État, qui serait compensée par une augmentation des droits sur le tabac. Les consommateurs seraient donc particulièrement touchés.

Quoi qu’il en soit, la convergence entre les effets du CICE et ceux de l’exonération de cotisations familiales a été évoquée par le Président de la République et vous aurez sans doute l’occasion de contribuer de nouveau à ce débat l’an prochain, monsieur Vercamer.

La commission a rejeté votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis.

M. Dominique Lefebvre, rapporteur pour avis. Je rappelle que la commission des finances a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 7 sans modification, ce qui me conduit évidemment à rendre un avis défavorable à l’ensemble des amendements déposés sur cet article.

Votre amendement, monsieur Vercamer, présente deux défauts.

Tout d’abord, il a un coût d’au moins 3 milliards d’euros. Le CICE représente en effet 20 milliards et les cotisations familiales patronales 31 milliards, auxquels il faut retrancher les 4 milliards correspondant à la baisse que nous avons opérée l’année dernière et les 4 milliards correspondant à la baisse de cette année. Pour compenser cette différence de 3 milliards, vous proposez de réintroduire une augmentation de la TVA qui pèsera sur les ménages. J’ignore quelle sera la réponse du ministre à Mme Berger, mais ce qui est sûr, c’est que votre mesure consiste à financer des baisses de cotisations patronales par une augmentation des impôts sur les ménages. Indépendamment des problèmes de trésorerie que cela poserait, rappelons que les entreprises se sont saisies du CICE. Le secrétaire d’État l’a rappelé aujourd’hui et tous les chiffres le montrent. Selon le dernier rapport en date, celui que France Stratégie a remis en septembre, une mesure d’abaissement général des charges aurait autant de pérennité que celle-là. Je pense donc qu’il faut laisser vivre ce dispositif.

M. le président. J’imagine que le Gouvernement partage l’avis de la commission, monsieur le secrétaire d’État…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne voudrais pas donner l’impression de ne pas répondre aux questions, y compris à celles que l’on a posées lors de l’examen des amendements de suppressions, monsieur le président.

Je répondrai d’abord à Mme Berger. Tout le monde va répétant que le taux de prélèvements obligatoires ne baisse pas. Or il s’élevait à 44,9 % en 2014, il sera en 2015, selon toute vraisemblance, de 44,6 % et nous prévoyons qu’il passe à 44,5 % en 2016. Ajoutons à cela que la croissance était d’environ 1 % en 2014 – le chiffre ne fait guère débat – et que nous prévoyons un taux de 1,5 % pour 2016. Il ne faut pas confondre le raisonnement en volume et le raisonnement en pourcentage, madame Berger. Une augmentation du PIB de 1,5 %, correspond à environ 30 milliards de hausse en volume. Avec un taux de prélèvements un peu inférieur à 50 %, la marge dégagée est de 12 ou 13 milliards d’euros.

En outre, je le dis en toute transparence et franchise, d’autres prélèvements vivent leur vie.

C’est le cas de la contribution climat énergie, et nous aurons l’occasion d’y revenir à l’occasion du projet de loi de finances rectificative. Nous avons fixé une trajectoire pour cette contribution dont le produit augmente. Étant rapporteur général du budget au moment où on l’a instaurée, je me souviens avoir établi qu’au bout des trois années pour lesquelles son tarif était fixé, elle produirait environ 4,5 milliards d’euros.

C’est aussi le cas, nous en avons déjà parlé, des différentes réformes des retraites. Celle de M. Woerth sous le gouvernement de M. Fillon et celle de Mme Touraine lors de la présente législature ont fixé des augmentations de cotisations, étalées sur plusieurs années, à la fois pour les salariés et pour les employeurs, à hauteur, si ma mémoire est bonne, de 0,05 % par an. En volume, cela représente environ 1 milliard supplémentaire. Nous aurons sans doute l’occasion, madame Berger, de refaire ensemble un compte précis.

Pour ce qui est des deux amendements en discussion, ils sont tellement divergents que le Gouvernement, se trouvant au milieu, ne peut qu’y être défavorable.

Nous avons déjà eu ce débat : votre amendement, monsieur Vercamer, vise clairement à transférer de la fiscalité sur les entreprises vers de la fiscalité sur les ménages. Ce n’est pas le point de vue du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. À ces deux amendements qui poursuivent en effet des objectifs opposés, il faut ajouter l’amendement n4 rectifié de M. Frédéric Lefebvre, qui rejoint l’amendement n644 mais qui n’a pas été présenté. Nous partageons la logique de M. Vercamer, qui tend à transférer sur la consommation les charges qui pèsent sur le travail et la production. En effet, ces charges entraînent augmentation du coût du travail et perte de compétitivité, autant de facteurs de chômage qui auraient dû retenir l’attention du Gouvernement. Mais ce dernier a choisi une autre voie : il a abrogé la TVA anti-délocalisations. Ce n’est que tardivement et en se reniant qu’il s’est engagé, avec le CICE et le pacte de responsabilité et de solidarité, sur celle de la baisse des charges.

Dans ces conditions, notre position sur l’amendement de M. Vercamer est l’abstention. Par contre, nous nous opposerons à l’amendement n320 rectifié de Mme Fraysse, qui rejette radicalement toute baisse des charges. Une telle disposition n’est pas acceptable au regard des handicaps considérables dont souffre l’économie française.

M. Jean-Pierre Door. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le CICE, monsieur le secrétaire d’État et messieurs les rapporteurs, ne concerne pas toutes les entreprises. Une partie des entreprises de l’économie sociale et solidaire n’est pas concernée. On a d’ailleurs lancé des réflexions pour les faire entrer dans le dispositif moyennant une véritable usine à gaz. C’est un sujet qui a sa place dans la discussion sur le PLFSS, puisque de très nombreuses d’association œuvrant dans le secteur médico-social ne peuvent bénéficier de ce crédit d’impôt. Au moins, tout le monde pourra profiter de la baisse de charges que je propose.

Qu’il s’agisse de transférer de la fiscalité sur les entreprises vers de la fiscalité sur de la consommation, assurément, mais je vous rappelle que les charges patronales se retrouvent dans le coût de revient et dans les prix à la consommation. Dans tous les cas, c’est le consommateur qui paie.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Francis Vercamer. N’allez pas croire que, par philanthropie, les entreprises puissent décider de compenser ces charges par on ne sait quel moyen ! De toute façon, le coût se retrouve dans le coût de revient. La différence, c’est que la consommation, contrairement au travail, ne se délocalise pas.

M. Bernard Accoyer. M. Vercamer a raison !

M. Francis Vercamer. Rappelons enfin que la croissance est atone depuis bon nombre d’années, nonobstant vos promesses et vos objectifs. Un bon choc de compétitivité serait plus efficace que votre mesure.

(Les amendements nos 644 et 320 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 591, 646 et 645, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Christophe Caresche, pour soutenir l’amendement n591.

M. Christophe Caresche. Je suis tout à fait favorable au Pacte de responsabilité. C’est un engagement important du Président de la République mis en œuvre par le Gouvernement et je ne remets en cause ni son objectif ni son montant. Et je me réjouis de voir que l’opposition le soutient puisqu’il est en partie justifié par les dix ans d’inaction qui, malheureusement, ont dégradé considérablement la compétitivité des entreprises françaises.

M. Bernard Accoyer. Il y avait longtemps !

M. Christophe Caresche. En revanche, je voudrais formuler deux interrogations concernant la mesure qui nous est proposée et qui vise à poursuivre les allégements de cotisations en les portant de 1,6 à 3,5 SMIC.

Je m’interroge tout d’abord sur l’efficacité de cette mesure lorsqu’elle s’applique à des salaires élevés. Beaucoup d’économistes considèrent, et d’ailleurs cela apparaît dans l’exposé des motifs de l’article proposé par le Gouvernement, que si les allégements sont d’autant plus efficaces, en termes d’emploi, qu’ils s’appliquent aux salaires proches du SMIC et aux bas salaires, ils le sont moins pour les salaires éloignés du SMIC, avec une progressivité allant de un au niveau du SMIC à un tiers au niveau d’un salaire moyen.

Le niveau des salaires concernés me paraît très élevé et je propose de concentrer plus fortement les allégements de charges sur les salaires moins élevés et d’en rester au niveau de salaire retenu pour le CICE, c’est-à-dire 2,5 fois le SMIC.

Ma deuxième interrogation concerne l’éventuelle fusion entre les deux dispositifs. Car vous-même, monsieur le secrétaire d’État, ainsi que le rapporteur l’avez rappelé, le Président de la République a annoncé qu’une fusion entre le CICE et les allégements de cotisations était envisageable. Il ne serait pas stupide de leur appliquer la même assiette, sachant que le CICE s’adresse aux salaires allant de un à 2,5 fois le SMIC. En cas de fusion, il ne serait pas totalement incohérent d’accorder les assiettes, ce qui rendrait la fusion plus facile.

Il ne s’agit aucunement, encore une fois, de remettre en cause les objectifs du Pacte de responsabilité, ni son montant puisque mon amendement s’entend à budget constant.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n646.

M. Francis Vercamer. Je présenterai en même temps l’amendement n645 car ils sont complémentaires.

M. le président. Je vous en prie.

M. Francis Vercamer. La Cour des comptes a estimé à plusieurs reprises que les effets de seuil étaient préjudiciables à une évolution des salaires.

Je propose non pas d’exonérer ou d’abaisser les charges sur les salaires de moins de 3,5 SMIC mais sur la part des salaires inférieure à 3,5 SMIC. L’ensemble des salariés seraient exonérés jusqu’à 3,5 SMIC, au-delà ils resteraient au taux normal.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Une fois encore, nous examinons en discussion commune des amendements contenant des propositions totalement opposées.

M. Caresche nous propose de concentrer les allégements de cotisations familiales jusqu’à 2,5 fois le SMIC. Ce n’est ni le choix initial du Gouvernement lors de la rédaction du Pacte de responsabilité et de solidarité, ni l’orientation du rapport Gallois : les exonérations de cotisations patronales doivent concerner des salaires relativement élevés de manière à atteindre les salariés des entreprises exportatrices, dans lesquelles les qualifications et les salaires sont en moyenne plus élevés.

Vous n’échapperez pas, cher collègue, à l’argument que vient de développer M. Vercamer, qui concerne les effets de seuil. À partir de 2,5 fois le SMIC, le coût du travail augmenterait de près de 80 %, entraînant un effet de trappe à salaires invraisemblable.

Je vous rappelle que 3,5 fois le SMIC correspond à un salaire brut de 4 500 euros. Dans les entreprises qui emploient beaucoup de techniciens qualifiés et d’ingénieurs, parfois dans de fortes proportions, ce niveau de salaire est très courant, or ce sont des entreprises exportatrices.

Quant à l’amendement n646 de M. Vercamer, il a un inconvénient, celui d’exploser les coûts, les exonérations de cotisations concernant tous les salaires jusqu’au plafond de 3,5 SMIC. C’est certainement la raison pour laquelle vous prévoyez de réaliser des recettes qui, sans doute par égard à Mme Delaunay, ne portent que sur les droits sur le tabac…

M. Bernard Accoyer. Elle n’est pas là !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous abordons un débat très important. Il s’agit de savoir quel est l’effet recherché, si j’ose dire.

Certains considèrent que concentrer les allégements de charges sur les bas salaires produit un effet en faveur de l’emploi plus immédiat. C’est ce que pensent certains membres des directions de Bercy, en charge des logiciels de simulation des impacts des mesures sur l’emploi. C’est a priori une réalité. C’est pour cette raison que la première étape du Pacte de responsabilité concentre l’allégement de cotisations sur les salaires entre 1 et 1,6 SMIC.

L’autre aspect est celui de la compétitivité. Gérard Bapt, votre rapporteur, a rappelé utilement que le rapport Gallois préconisait d’aller beaucoup plus loin, jusqu’à 3,5 SMIC. Pourquoi ? Parce que dans les industries de pointe – aviation, automobile – à caractère plus primaire, les salaires sont généralement plus importants que dans les petites entreprises. Nous avons répondu à cette préoccupation dans la deuxième étape du Pacte en étendant les allégements jusqu’à 3,5 fois le SMIC afin de stimuler la compétitivité de nos grandes entreprises industrielles.

C’est le choix que nous faisons et je pense qu’il se comprend, même si on peut en contester l’opportunité et l’efficacité, immédiate et à long terme.

Nous avons donc mis en place les deux dispositifs, en optant dans un premier temps pour les bas salaires, et dans un second temps pour les salaires plus élevés.

Monsieur Caresche, vous proposez de caler les deux dispositifs à 2,5 fois le SMIC. Je n’y suis pas favorable car, comme l’a indiqué M. Bapt, cela créerait un effet de seuil trop important. Le CICE s’arrête à 2,5 fois le SMIC. Si nous arrêtions à ce même niveau l’allégement de cotisations sociales, nous créerions un effet de seuil massif. Je crois me souvenir que lors de l’élaboration du CICE, deux écoles s’affrontaient : certains voulaient qu’il s’applique jusqu’à 2,5 fois le SMIC sans aller au-delà, et d’autres voulaient qu’il s’arrête un peu avant 2,5 pour diminuer ensuite « en sifflet ». J’appartenais quant à moi à la deuxième école, j’ai donc perdu. Quoi qu’il en soit, le CICE produit un effet de seuil qu’il ne faut pas négliger. Un calage à 2,5 produirait un effet de seuil trop important.

Monsieur Caresche, même si cela paraît un peu mesquin, nous avons évalué le coût votre amendement : il augmenterait la dépense de 600 millions d’euros. Je sais que le débat existe et nous l’aurons encore certainement, ici même et en d’autres lieux. Je me devais de vous répondre et ne pas me contenter d’écarter votre amendement au motif qu’il augmente la dépense de 600 millions d’euros, ce que j’ai mentionné par honnêteté intellectuelle.

Voilà pourquoi, mesdames et messieurs les députés, il serait opportun que M. Caresche retire cet amendement.

S’agissant des amendements de M. Vercamer, le rapporteur a déjà dit tout le mal qu’il en pensait. Il considère qu’ils sont inopportuns et le Gouvernement partage cet avis.

Avis défavorable à ces trois amendements s’ils étaient maintenus.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan.

Mme Barbara Romagnan. Contrairement à M. Caresche, je suis extrêmement dubitative quant à l’intérêt et à l’efficacité du Pacte de responsabilité.

M. Bernard Accoyer. Voilà les frondeurs !

Mme Barbara Romagnan. Je voulais néanmoins revenir sur la question du coût du travail. Le coût du travail, s’il participe de la compétitivité, est aussi très relatif. Il ne faut pas s’arrêter aux salariés dont le travail coûte cher mais regarder la valeur qu’ils créent. Et ce n’est pas avec des salariés dont les salaires sont très bas et qui coûtent le moins cher que nous sommes forcément plus compétitifs.

Encore une fois, je suis très dubitative sur le Pacte et je le suis tout autant en ce qui concerne une exonération qui serait concentrée encore plus sur les bas salaires. La France est l’un des pays dans lequel le nombre de salariés payés au SMIC est le plus élevé. Je ne suis pas sûre que notre objectif soit de les multiplier…

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Une nouvelle fois, nous allons essayer de venir en aide au Gouvernement, qui est attaqué par sa propre majorité… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Jacqueline Fraysse. C’est dommage, le débat était intéressant !

M. Bernard Accoyer. …et nous le faisons de bon cœur.

Nous voterons contre l’amendement de M. Caresche, qui est tout à fait irréaliste et prouve une méconnaissance de l’industrie et de l’économie françaises – mais il n’est pas le seul, sur ces bancs, à faire preuve d’une telle méconnaissance…

En revanche, l’amendement de notre collègue Vercamer est intéressant puisqu’il aboutirait à une réelle baisse de charges, jusqu’au niveau retenu par le Gouvernement, ainsi qu’à un transfert d’assiettes de cotisations auquel nous sommes favorables.

Nous nous opposons donc à l’amendement n° 591 et nous nous abstiendrons sur le vote de l’amendement n° 646.

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Je retire mon amendement.

(L’amendement n591 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je voudrais revenir sur plusieurs questions économiques qui sont soulevées par ces amendements.

Tout d’abord, savons-nous ce qui se passe quand nous baissons les cotisations patronales sur l’emploi ? Nous le savons puisque la même chose se produit depuis 1993. Toutes les études économiques qui ont été réalisées depuis, quels que soient les débats et les hypothèses choisies, sont très claires : cela crée peu d’emplois et uniquement lorsque les baisses concernent les bas salaires. Il n’existe pas, monsieur le secrétaire d’État, d’autre version que celle de vos services, que vous avez rappelée : les baisses de cotisations patronales n’ont d’impact sur la création d’emplois que quand elles portent sur des salaires inférieurs à deux SMIC, voire même inférieurs à 1,8 SMIC.

M. Denis Jacquat, rapporteur. Si vous en êtes convaincue, nous pouvons partir et vous laisser entre vous !

Mme Karine Berger. Ce n’est ni mon opinion ni la vôtre, cher collègue, mais celle exprimée dans tous les articles et les études économiques qui ont été publiés depuis que nous avons recours, à droite comme à gauche, à ce type de mesure.

D’autre part, ces mesures peuvent-elles provoquer des effets de seuil ? J’espère que, dès la mise en place du pacte de responsabilité et de solidarité, on a prévu un dispositif en sifflet de manière à éviter tout effet de ce type, quel que soit le seuil retenu. Si tel n’était pas le cas, nous serions très embêtés.

Je terminerai par un point qui mettra tout le monde d’accord. L’INSEE, que l’on ne peut soupçonner d’adopter des positions idéologiques,…

M. Bernard Accoyer. Voilà une affirmation bien péremptoire !

Mme Karine Berger. …a chiffré dans la dernière note de conjoncture l’impact du CICE et de la première partie du pacte de responsabilité. Les chiffres sont intéressants : l’intégralité du CICE a créé 10 000 emplois par trimestre, soit 40 000 par an, tout comme la première partie du pacte de responsabilité.

Ainsi, selon cette source, les deux dispositifs créeront au maximum 100 000 emplois en 2015, alors qu’ils engagent quelque 18 milliards d’euros. Je pense que le débat sur l’impact économique exact de ces mesures mérite d’être mené dans notre hémicycle.

(Les amendements nos 646 et 645, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly