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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mardi 27 octobre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Hommage aux victimes de l’accident de Puisseguin

M. le président

M. Manuel Valls, Premier ministre

2. Questions au Gouvernement

Fiscalité

M. Hervé Mariton

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique de l’emploi

Mme Corinne Erhel

M. Manuel Valls, Premier ministre

Politique de l’emploi

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Emploi et croissance

M. Éric Alauzet

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Égalité et citoyenneté

M. Razzy Hammadi

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports

Avenir de l’Union européenne

M. Gérard Charasse

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Situation des retraités

M. Laurent Wauquiez

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Protection universelle maladie

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Logements sociaux

M. Sylvain Berrios

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité

Politique du handicap

M. Philip Cordery

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Métropole du Grand Paris

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Politique sanitaire

M. Stéphane Travert

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Réforme de la dotation globale de fonctionnement

M. Michel Heinrich

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Bombardement de l’hôpital de Kunduz en Afghanistan

M. Alain Marty

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Effectifs et moyens de la douane

M. Gaby Charroux

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Claude Bartolone

3. Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Explications de vote

Mme Dominique Orliac

M. François Asensi

M. Gérard Bapt

M. Jean-Pierre Door

M. Francis Vercamer

M. Jean-Louis Roumégas

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. David Habib

4. Projet de loi de finances pour 2016

Seconde partie

Défense

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

M. Jean-Pierre Maggi

M. Jean-Jacques Candelier

M. Philippe Nauche

M. Philippe Meunier

M. Francis Hillmeyer

M. François de Rugy

M. Jean-Pierre Maggi

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Joaquim Pueyo

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Laurent Kalinowski

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Nicolas Dhuicq

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Charles de La Verpillière

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Guy Teissier

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

Mission « Défense » (état B)

Amendement no 138

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 139 , 113 , 81

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées

M. le président

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage aux victimes de l’accident de Puisseguin

M. le président. Mes chers collègues (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent), ce matin, en présence du Président de la République et du Premier ministre, un hommage républicain a été rendu aux victimes de l’accident de Puisseguin.

Quarante-trois personnes ont trouvé la mort dans cette épouvantable catastrophe routière, la plus dramatique que notre pays ait à déplorer depuis trente ans.

Aux familles des victimes, je fais part, en votre nom à tous, de notre compassion et j’adresse les condoléances les plus sincères de la représentation nationale. Aux blessés, je transmets nos vœux de plus prompt rétablissement.

La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, au nom du Gouvernement, je m’associe à vos mots. Nous étions ce matin, avec le Président de la République, auprès des nombreux élus, auprès des maires qui, sur le terrain, courageusement, soutiennent les proches et les familles des victimes. Ce fut une cérémonie émouvante et à travers la présence du Chef de l’État, toute la nation se trouvait rassemblée pour rendre hommage à ces quarante-trois victimes.

Nous avons rencontré, avec le Président de la République et la ministre de la santé, les blessés. Nous avons une pensée pour eux et notre devoir est de faire en sorte que l’enquête puisse établir toute la vérité pour comprendre ce qu’il s’est passé et en tirer les conséquences.

Le moment est au recueillement, au deuil et à la pensée pour les victimes.

M. le président. Mesdames, messieurs, je vous demande d’observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence).

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Fiscalité

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe Les Républicains.

M. Hervé Mariton. Monsieur le Premier ministre, vous avez dénoncé vendredi les dégâts considérables résultant d’augmentations d’impôt que vous avez décidées depuis le début de ce quinquennat. Jean-Marc Ayrault avait annoncé que neuf Français sur dix seraient épargnés. En réalité, tous ont payé davantage.

L’Observatoire français des conjonctures économiques, en général aimable à l’égard des idées socialistes, nous indique que les prélèvements obligatoires sur les ménages seraient, en 2016, au taux le plus élevé de l’histoire de notre pays : plus de 28,2 % de la richesse nationale ! En effet, les ménages ont payé 10 milliards de plus d’impôt en 2014, 5 milliards de plus en 2015 et ils en paieront près de 4 milliards de plus en 2016. Vous avez beaucoup taxé les familles et vous abusez du prétexte de la fiscalité écologique.

Les consommateurs d’électricité auront payé plus de 5 milliards en quatre ans et vous prévoyez d’augmenter la fiscalité du gazole et de l’essence de plus de dix centimes par litre d’ici à 2020. Le diesel que vous dénoncez a bon dos, le monde rural souffre, les abonnés au gaz paient. En fait, toute la fiscalité de l’énergie augmente. Ce sont tous les Français qui paient.

L’écologie mérite mieux que de servir de camouflage à votre politique d’augmentation des impôts. En 2016, on le sait déjà, la potion sera amère, mais elle sera encore aggravée par le collectif budgétaire de décembre. Pour 2017, monsieur le Premier ministre, année électorale, oserez-vous renouveler l’engagement de François Hollande qui nous avait promis, l’an dernier, qu’en 2015 aucun Français ne paierait davantage ? Le Président de la République a menti. Pour 2017, monsieur le Premier ministre, qui vous croira ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Mariton, ce n’est pas un mea culpa qu’il faut, c’est de la vérité. À l’occasion de mon discours de politique générale, en avril 2014, j’avais pointé les maux dont souffre la France depuis un certain nombre d’années – chômage de masse, déficit et fiscalité trop élevés.

J’évoquais vendredi le poids de la fiscalité sur les entreprises et les ménages, qu’il s’agisse de la fiscalité de l’État ou de celle des collectivités locales. Nous devons dire la vérité aux Français pour expliquer nos choix de 2012. Le déficit dépassait alors les 5 %, puisque vous nous avez laissé 600 milliards de dette. Il faut toujours rappeler les chiffres, qui parlent souvent d’eux-mêmes.

Oui, les impôts ont augmenté de plus de 20 milliards entre 2010 et 2012 et tout autant depuis 2012. On pourrait entrer dans le détail pour savoir qui a réellement été imposé, mais l’effort de redressement a en effet pesé sur les Français pour faire face au déficit et à l’endettement.

Je veux rappeler que, pour les seules entreprises, la majorité précédente a augmenté la fiscalité de 16 milliards. Entre 2012 et 2014, la majorité actuelle l’a augmentée de 18 milliards. Mais, grâce au pacte de responsabilité, nous sommes en train de baisser les charges et la fiscalité de 36 milliards, et le projet de loi de finances s’inscrit dans cette continuité.

Vérité aussi pour ce qui concerne la fiscalité qui pèse sur les ménages puisque 12 millions de foyers fiscaux bénéficieront sur ces deux années de la baisse de la fiscalité.

Monsieur Mariton, je vous demande d’être clair quant aux choix du passé qui nous ont amenés à redresser les comptes publics dans les conditions que je viens de rappeler. Et de dire la vérité aux Français pour le futur. Comment allez-vous faire pour financer les priorités que sont la sécurité, la défense et l’emploi  tout en baissant les dépenses publiques de plus de 100 milliards, comme tous les candidats de votre parti à la primaire le proposent, et sans augmenter les impôts ? C’est vous qui mentez aux Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Politique de l’emploi

M. le président. La parole est à Mme Corinne Erhel, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Corinne Erhel. Monsieur le Premier ministre, hier ont été publiés les chiffres du chômage pour le mois de septembre. (« Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Avec 23 800 personnes au chômage de moins, notre pays enregistre la plus forte baisse mensuelle depuis le déclenchement de la crise financière. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Yves Fromion. Il était temps !

Mme Corinne Erhel. L’amélioration est notable, en particulier pour les jeunes, population pour laquelle le chômage diminue pour le quatrième mois consécutif.

M. Christian Jacob. Bref, tout va très bien !

M. François Rochebloine. Se féliciter alors que le chômage est à un tel niveau, c’est honteux !

Mme Corinne Erhel. S’il faut rester prudent et mesuré compte tenu de la situation globale de l’emploi, c’est une bonne nouvelle qui doit nous encourager à poursuivre notre stratégie mise en œuvre depuis 2012 au service des Français : pacte de compétitivité, qui redonne de la force à notre appareil productif et industriel ; réhabilitation des politiques actives de lutte contre le chômage ; appui à l’embauche dans les PME, emplois d’avenir, contrats de génération, soutien à l’apprentissage, garantie jeunes ; réformes de structure négociées avec les partenaires sociaux : accord national interprofessionnel, formation professionnelle, compte personnel d’activité.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Nul !

M. Christian Jacob. Un peu de pudeur !

Mme Corinne Erhel. Afin d’amplifier cette tendance encourageante, nous devons aussi faire preuve de volontarisme et d’audace pour accélérer dans tous les secteurs d’activité la transformation numérique et la transition énergétique et environnementale, leviers de croissance et d’emploi incontournables.

Dans ce cadre, il est en effet déterminant de s’engager toujours plus avant dans la formation et dans l’adaptation des compétences tout au long de la vie. La persévérance, la constance, l’équilibre entre ambition économique, innovation et progrès social, produisent des résultats qui prennent forme dans nos territoires et nos régions.

Après ces chiffres encourageants, quelle est votre feuille de route pour les prochains mois afin de confirmer dans la durée cette tendance à la baisse et préparer notre pays et les Français aux emplois de demain ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et plusieurs bancs du groupe écologiste – « Allô ! Allô ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée,…

M. Christian Jacob. Merci de votre question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …je vous prie tout d’abord d’excuser Mme Myriam El Khomri, qui est souffrante et ne peut être parmi nous aujourd’hui. Elle vous aurait répondu en se référant à ce que vous venez de rappeler, à savoir la baisse du nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A de 0,7 % en septembre. Cela représente – et, quelles que soient les opinions ici représentées, nous devrions au moins nous en réjouir – 23 800 demandeurs d’emploi en moins.

M. Christian Jacob. Il y en a eu 700 000 de plus en trois ans !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme nous avons eu souvent l’occasion de le dire, il faut analyser l’évolution de ces chiffres en tendance et sur la durée. En l’occurrence, cette évolution est encourageante. Pour la première fois depuis 2011, le chômage baisse globalement sur une période de quatre mois. Le chômage des jeunes, quant à lui, est en baisse depuis le début de l’année et il diminue en septembre pour le quatrième mois consécutif.

Mme Claude Greff. À coups de contrats aidés !

M. Manuel Valls, Premier ministre. En quatre mois, il y aura eu près de 25 000 jeunes de moins au chômage, dont 14 000 pour le seul mois de septembre. C’est une bonne nouvelle et un encouragement à poursuivre, d’autant que nous constatons que nos entreprises créent à nouveau des emplois : 34 000 au cours des neuf derniers mois. C’est le résultat d’une conjoncture que chacun connaît, c’est le résultat des réformes que nous avons engagées,…

M. Christian Jacob. Comment pouvez-vous dire cela sans rire ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et cela doit nous inciter à poursuivre à travers les rendez-vous que nous avons prévus. Nous vous présenterons ainsi un projet de loi visant à faire bénéficier notre pays des nouvelles opportunités que représente, pour son économie, la transformation numérique. Nous nous appuierons aussi, vous avez raison de le souligner, sur la transition énergétique pour créer de nouveaux emplois. Enfin, nous allons intensifier le recours aux outils de la politique de l’emploi, notamment grâce à la refonte du code du travail.

Ces chiffres sont un encouragement à continuer et à approfondir notre action pour répondre à la première préoccupation de nos compatriotes, face à laquelle nous devrions tous nous retrouver : l’emploi, l’emploi, l’emploi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. Philippe Vigier. Oui, l’emploi, l’emploi, l’emploi, voilà la priorité !

Politique de l’emploi

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Fromantin. Au regard de l’enjeu que représente l’emploi, j’associe à ma question l’ensemble du groupe UDI, monsieur le président.

Nous aurions envie de nous réjouir de la baisse de 23 000 demandeurs d’emploi évoquée précédemment, mais comment pourrions-nous le faire avec 5,7 millions de chômeurs, un chiffre qui a augmenté de 125 000 au cours de cette année ? Il faut vraiment poser la question de la politique de l’emploi et regarder ces chiffres en face, dans leur vérité. Sont-ils le reflet d’une nouvelle politique économique ou simplement des mouvements erratiques liés à quelques mesures correctives ? Lorsque l’on en examine le détail, on s’aperçoit qu’ils ne traduisent pas vraiment une politique économique qui aurait intégré les nouveaux codes de l’économie telle qu’elle évolue.

Il suffit de regarder le chômage des jeunes. Certes, il bouge un peu, mais c’est grâce aux contrats aidés et non à de nouveaux mouvements économiques. (Approbations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Il suffit de regarder aussi le chiffre terrible du chômage de longue durée, qui explose. Or, vous le savez, le chômage de longue durée est le principal témoin d’une économie qui décroche, et non pas d’une économie qui se réveille et qui prospère.

Enfin, si l’on veut vraiment comparer les chiffres, prenons ceux de nos voisins européens, qui se trouvent tous dans une situation différente. Nous sommes le seul pays d’Europe – mais la comparaison vaut aussi avec d’autres pays, tels le Japon ou les États-Unis – dont la courbe continue à décliner, alors qu’ailleurs les courbes se sont déjà inversées. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, soyons vigilants ! Nous décrochons en termes de parts de marché et nous décrochons en termes d’emploi par rapport aux autres pays. Ces deux agrégats ne sont-ils pas le témoin d’une dramatique perte de vitesse de l’économie générale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Sur un mode interrogatif mais un peu trop pessimiste de mon point de vue, vous posez deux questions, monsieur le député.

Premièrement, est-il utile de mettre en place, notamment à destination des jeunes chômeurs, une politique volontariste pour leur offrir une première insertion dans l’action vers l’emploi ?

Nous le faisons car nous pensons que cette politique est bonne. Elle donne d’ailleurs des résultats : depuis quatre mois, plus de 30 000 jeunes ont trouvé ou retrouvé un emploi. Et nous avons bien l’intention de continuer pour ces jeunes, en mobilisant 150 000 emplois d’insertion et en créant d’autres dispositifs dont nous aurons l’occasion de discuter ici même dans les semaines qui viennent, notamment à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi de M. Grandguillaume. Par une action volontariste de l’État, nous faisons en sorte que les jeunes, mais aussi les chômeurs de longue durée, réintègrent l’emploi.

Deuxièmement, existe-t-il, au-delà de ces politiques volontaristes, des éléments de politique économique indiquant que nous prenons une meilleure direction ?

Le chiffre des créations d’emplois par nos entreprises, et non le simple chiffre de la diminution du nombre de chômeurs, est sans doute le signal positif que vous attendez. Plus de 35 000 emplois ont en effet été créés ces dernières semaines. Vous n’ignorez pas non plus que la croissance repart, de même que le moral des chefs d’entreprise. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Contrairement à vous, ceux-ci ont une vision pragmatique des choses et ils nous disent que notre économie est en train de repartir.

M. Charles de La Verpillière. Bavardage !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Au-delà des politiques volontaristes de l’État et du Gouvernement, c’est toute une économie qui repart avec la mobilisation de tous les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Emploi et croissance

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le Premier ministre, le nombre de personnes au chômage a baissé en septembre et se stabilise sur les quatre derniers mois. C’est une bonne nouvelle.

Un député du groupe Les Républicains. Alléluia !

M. Éric Alauzet. C’est la première fois depuis 2011, et l’année 2016 devrait confirmer la tendance sur le front de l’emploi, qui est notre obsession commune depuis le début de la mandature, car derrière les chiffres c’est de parcours de vie qu’il s’agit.

Puisqu’on ne peut plus compter sur un taux de croissance élevé, la question des choix économiques devient cruciale : comment créer plus d’emplois avec moins de croissance ? Personne, sur ces bancs, ne peut prétendre avoir toutes les réponses.

Mais au-delà des incertitudes, il y a des choses que l’on sait. On sait que l’on crée plus d’emplois avec les énergies renouvelables que dans le nucléaire ; que l’on crée plus d’emplois dans la rénovation des logements et des bâtiments que dans la construction neuve et les grandes infrastructures. Le Président de la République d’ailleurs a reconnu que ce sont les difficultés du bâtiment qui limitent le redémarrage économique.

Il faut donc faire les bons choix, qui doivent aussi répondre à la demande sociale et à la transition énergétique.

Ces choix se jouent d’abord sur les territoires avec le relais des collectivités locales, notamment des régions, qui sont au cœur de l’enjeu et dont notre assemblée a consacré le rôle en matière économique.

Le Gouvernement publie aujourd’hui le premier rapport sur les nouveaux indicateurs de richesse. C’est un premier pas, mais il faut aller plus loin pour éclairer nos choix.

Pour ce faire, monsieur le Premier ministre, le Gouvernement est-il prêt à s’appuyer sur les taux d’emploi pour chaque secteur économique de notre pays afin de déterminer quels sont les plus riches en emplois ?

Cette démarche permettrait de nourrir un débat crucial, qui devrait se tenir en ce moment, à l’approche des élections régionales, mais qui malheureusement est trop souvent occulté par des considérations politiciennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Julien Aubert. Baratin !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, vous l’avez dit, cette baisse est une bonne nouvelle. Avec un climat des affaires qui s’améliore et un niveau de création d’emplois jamais atteint depuis plusieurs années (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), nous avons de bonnes raisons de penser que la tendance, que l’on accueille aujourd’hui avec satisfaction – comme je peux le constater sur tous les bancs –, va se poursuivre.

Dans ce climat, comment accompagner et accélérer la création d’emplois ?

Je rappelle tout d’abord que ce que nous avons mis en place – le CICE et le Pacte de responsabilité, de compétitivité et de solidarité – repose sur des engagements qui ont été tenus et sont aujourd’hui mis en œuvre. Certaines entreprises se sont engagées à créer des emplois par accord avec les organisations syndicales. Aujourd’hui, il faut passer aux engagements et cela a été vérifié.

Mais, vous l’avez dit aussi, nous avons une responsabilité : nous devons préparer et accompagner la transition énergétique. Nous avons également parlé de l’économie numérique. C’est une nécessité.

M. Christian Jacob. Baratin !

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État. Vous l’avez souligné, les régions jouent un rôle essentiel en la matière. Cette transition va créer des milliers d’emplois et générer de nouveaux métiers auxquels il faut former, notamment les jeunes. Nous devons accompagner la montée en charge de compétences nouvelles et pour cela il faut offrir des formations adaptées, en particulier à destination des jeunes et des demandeurs d’emploi.

Comme l’a indiqué Myriam El Khomri, nous avons décidé lundi dernier, lors de la conférence sociale, de lancer un programme de formations prioritaires dont le nombre de bénéficiaires sera porté à 150 000 en 2016.

C’est bien dans les territoires et au plus près de l’ensemble des filières entrepreneuriales que les réponses doivent être adaptées. Vous avez raison, nous avons besoin de la mobilisation de tous, en particulier dans les territoires, d’où l’importance de l’enjeu que représentent les collectivités locales en matière d’emploi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Égalité et citoyenneté

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Razzy Hammadi. Monsieur le Premier ministre, le deuxième comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté a rendu compte hier des résultats obtenus au cours des neuf premiers mois suite aux annonces faites le 6 mars dernier pour une République en actes.

Neuf mois plus tard, nous ne sommes ni dans le commentaire, ni dans l’analyse, ni dans le constat, mais dans l’action. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

L’action, c’est le concret.

Le concret, c’est lorsque nous refondons la géographie prioritaire afin de concentrer les moyens sur 1 500 quartiers et 5,5 millions d’habitants. D’ores et déjà, 437 contrats ont été signés et 800 villes sont concernées.

Le concret, c’est le financement pérennisé de l’ANRU – l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – si chère à Jean-Louis Borloo et dont je salue le président François Pupponi, avec 20 milliards d’euros sur dix ans.

Le concret, c’est l’éducation, avec des milliers d’enseignants recrutés et enfin formés.

Le concret, c’est ce que nous avons fait en prévoyant plus d’enseignants que de classes là où c’est nécessaire.

Le concret, c’est le logement, en faisant en sorte que les terrains soient réquisitionnés pour construire des logements là où certains maires ne veulent pas des pauvres chez eux, et que les logements vacants du parc privé soient réquisitionnés. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. La question !

M. Razzy Hammadi. Le concret, c’est ce que nous avons fait pour le transport, grâce à plusieurs milliards d’euros que nous attendions depuis de nombreuses années pour désenclaver nos quartiers, dans les aires urbaines et dans les territoires ruraux.

Le concret, c’est l’action prioritaire que nous menons et qui vise aussi la culture et la lutte contre la reproduction des élites. C’est pourquoi nous avons décidé que les soixante-quinze écoles qui préparent l’entrée dans la fonction publique bénéficieront désormais d’un programme adapté. Ce sont aussi les parcours d’excellence pour les écoles classées en REP+, les nouveaux réseaux d’éducation prioritaire.

Cette politique n’est pas simplement une énième refonte de la politique de la ville. C’est une politique pour la République.

M. Philippe Meunier. Flatteur !

M. Razzy Hammadi. Pouvez-vous confirmer l’arrivée prochaine au Parlement du projet de loi « Égalité et citoyenneté », qui viendrait compléter le comité interministériel ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.

M. Patrick Kanner, ministre de la ville, de la jeunesse et des sports. Monsieur le député, dans trois heures, je serai aux côtés du maire de Clichy-sous-Bois et des familles Benna et Traoré, parents, frères et sœurs de Zyed et Bouna, jeunes français morts à dix-sept et quinze ans voici dix ans jour pour jour. Ils méritent le respect.

La politique de la ville a un fil rouge : la lutte contre les inégalités, contre les discriminations, contre la ségrégation, contre la relégation.

Mme Claude Greff. Nous n’avons pas besoin de vos leçons !

M. Patrick Kanner, ministre. Comme l’a dit le Président de la République à La Courneuve, il n’y a pas de « quartier perdu dans la République ». Et comme l’a dit hier le Premier ministre aux Mureaux, « Laisser faire, c’est prendre le risque d’une explosion permanente de notre société ».

Mesdames, messieurs les députés, nos quartiers populaires et leurs cinq millions et demi d’habitants veulent non pas de la compassion, mais de la reconnaissance. Ce sont des territoires qui concentrent les difficultés de notre société. Ils sont une loupe posée sur les dysfonctionnements de notre nation.

Beaucoup a été fait, mais beaucoup reste encore à faire. Alors avec lucidité, avec humilité, mais avec détermination, il ne faut rien lâcher, monsieur le député !

En matière de développement économique, avec l’Agence France Entrepreneur ; en matière de jeunesse et de cohésion sociale, avec les emplois d’avenir, la garantie jeunes, le contrat starter, le service civique, le rétablissement des crédits aux associations, crédits que Nicolas Sarkozy avait supprimés entre 2009 et 2012 (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains) ; en matière de lutte contre les discriminations, avec une grande campagne de testing dans les entreprises de plus de 1 000 salariés. (Mêmes mouvements.)

Enfin, avec l’application sans faille de la loi SRU dans les communes qui s’en exonèrent depuis quinze ans et pensent pouvoir continuer à défier la République ! (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Pour une vraie action de gauche dans ce gouvernement, je puis vous dire que la politique de la ville ira jusqu’au bout de sa logique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen - Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Avenir de l’Union européenne

M. le président. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, la victoire des conservateurs populistes aux élections législatives en Pologne vient grossir les forces centrifuges qui sont à l’œuvre au sein de l’Union européenne et tendent à affaiblir l’Union politique qui fait pourtant notre force.

Alors que la Grande-Bretagne agite la menace d’une sortie de l’Union européenne – hypothèse que n’envisagent pas les traités constitutionnels – sous couvert de ménager les intérêts de sa place financière, cette situation met en péril le principe de libre circulation des capitaux, ne répond pas à la pression migratoire non plus qu’aux mesures isolées prises par les États d’Europe centrale.

Dans le même temps, nous sommes obligés de réguler de façon collective le flux des migrants empruntant la route des Balkans et de tenter, par là même, de sauvegarder le traité de Schengen et le principe de libre circulation.

L’affaiblissement des libertés fondatrices affirmées depuis le traité de Rome en 1957 fait craindre une dégénérescence de l’Europe qu’ont voulue les pères fondateurs et que continuent de vouloir les Européens convaincus.

Nous avons frôlé le désastre avec la crise financière qui s’est abattue sur nous, en particulier sur les États du sud, notamment la Grèce. Nous devons à l’action résolue menée par le président de la Banque centrale européenne, institution indépendante, le maintien de l’euro et de l’Union économique monétaire.

Maintenant, l’échelon politique doit reprendre le dessus. La France, qui a toujours été à l’initiative d’un renforcement politique de l’Europe, même si les positions qu’elle défendait n’étaient pas unanimement partagées par ses voisins, doit absolument encourager l’affermissement d’une Europe intégrée, qui tende vers une union toujours plus étroite entre les peuples. Seule cette Union est légitime aux yeux de nos concitoyens.

Monsieur le secrétaire d’État, quelles initiatives comptez-vous prendre pour renforcer la légitimité politique de l’Union européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste, et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, les citoyens polonais ont fait un choix que nous respectons, comme nous respectons l’expression démocratique de tous les peuples en Europe. Nous coopérerons donc avec le nouveau gouvernement polonais comme nous le faisons avec tous nos partenaires européens.

Le Président de la République recevra d’ailleurs dès demain son homologue, le nouveau Président polonais, M. Andrzej Duda, élu en mai.

Au-delà de la situation polonaise, vous avez raison de souligner que l’Europe est confrontée à des défis et à des crises d’une ampleur sans précédent, face auxquels nous avons besoin de la plus grande cohésion et de la plus grande unité.

Dans cette situation, il n’y a pas de place pour la fragmentation, pour les divisions, pour la sortie de l’Union ou le repli sur soi. Ce ne sont pas des options.

Face à l’afflux de réfugiés lié à la guerre en Syrie et à de nombreuses instabilités dans l’environnement de l’Union européenne, face à la menace terroriste toujours présente, face au défi du réchauffement climatique que nous traiterons dans quelques semaines, ou encore, parce qu’il s’agit d’une priorité, à la nécessité de soutenir la croissance et l’emploi, tous les États membres de l’Union doivent se rassembler, se mobiliser et bâtir des réponses communes.

Nous avons besoin de la mobilisation de tous nos partenaires pour y répondre, conformément aux valeurs de solidarité et de cohésion, qui sont le fondement du projet européen. C’est ce que la France rappellera et rappelle à chacun.

Sur tous ces sujets, la France est à l’initiative, avec l’Allemagne et d’autres partenaires. Le Président de la République a été à l’initiative pour trouver une solution qui permette à la Grèce de rester dans la zone euro, et donc pour préserver l’intégrité de celle-ci.

M. Pierre Lellouche. Bla-bla !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. Nous sommes à l’initiative avec le ministre de l’intérieur…

Mme Claude Greff. On le voit !

M. Harlem Désir, secrétaire d’État. …depuis le début de la crise des réfugiés, pour trouver une réponse globale, qui porte à la fois sur la solidarité et sur la protection des frontières.

Nous sommes à l’initiative pour approfondir la zone euro, selon les propositions du Président de la République. C’est ce à quoi nous appellerons tous les États membres. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Situation des retraités

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe Les Républicains.

M. Laurent Wauquiez. Monsieur le Premier ministre, nous avons appris ce matin que plusieurs dizaines de milliers de nos concitoyens subissent des retards dans le versement de leur retraite. (« C’est scandaleux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) La conséquence, c’est que certains assurés se retrouvent sans ressources durant des mois.

Mme Claude Greff. À part ça, tout va bien !

M. Laurent Wauquiez. Cette situation n’est pas seulement inadmissible. Elle est surtout symbolique de la façon dont votre gouvernement traite les retraités. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Marcel Rogemont. Propos scandaleux !

M. Laurent Wauquiez. Les faits ont la tête dure. Vous n’avez cessé de pénaliser le pouvoir d’achat des retraités par des ponctions sans précédent : contribution de solidarité pour l’autonomie, fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions des retraités ayant eu au moins trois enfants, augmentation de la CSG, sans parler de celle de la fiscalité des ménages ou du prix de journée dans les maisons de retraite.

Dans le même temps, vous n’avez même pas fait l’effort minimal de solidarité qui aurait consisté à revaloriser décemment le minimum vieillesse. Celui-ci n’a augmenté que d’à peine 1,7 % depuis avril 2013, alors que, sous le quinquennat précédent, notre majorité l’avait revalorisé de 25 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nous avions fait le choix du respect des retraités ; vous faites celui du mépris.

M. Philippe Baumel. C’est pathétique !

M. Laurent Wauquiez. Aujourd’hui, des Français qui ont travaillé toute leur vie peinent à joindre les deux bouts en raison des augmentations d’impôt successives auxquelles vous les avez soumis.

Quand prendrez-vous enfin en compte la situation des retraités de France ? Comment redonner espoir à la France qui travaille quand les efforts de toute une vie ne suffisent plus à garantir une retraite décente ?

Nous vous accusons, monsieur le Premier ministre, d’avoir abandonné les retraités. Vous sous-estimez leur colère. Ils n’ont que faire de vos prétendus remords sur les impôts. Les mea culpa ne suffisent plus. Ils attendent de vrais gestes.

M. Régis Juanico. Il est gonflé !

M. Laurent Wauquiez. La revalorisation de leur situation s’inscrit dans la litanie des promesses faites par le candidat Hollande, qui ne seront jamais tenues. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, quelle outrance dans vos propos ! (Vives exclamations sur les mêmes bancs.) Quelle manière de mettre à mal la solidarité nationale et l’effort consenti par l’ensemble de la communauté nationale en direction des retraités !

La première chose que nous ayons faite en ce sens a été de rétablir l’équilibre des comptes de nos caisses de retraite, qui garantissent à tous les retraités de France, comme vous dites, que leurs pensions seront versées dans la durée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen).

Nous nous sommes préoccupés des plus modestes, ce qui n’a pas l’air de vous avoir touché, en élevant le minimum vieillesse à 800 euros, en permettant le cumul du minimum vieillesse et d’un emploi,… (Mêmes mouvements.)

M. Christian Jacob. Allons ! Pas vous !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et en permettant le versement d’une prime spécifique de 40 euros à tous les retraités dont la pension est inférieure à 1 200 euros.

M. Christian Jacob. Quarante euros, bravo !

M. Claude Goasguen. Et la question ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Et puis, la situation des retraités, ce sont des sommes versées, mais c’est aussi une attention aux conditions de vie quotidienne, à la prévention de la dépendance et au soutien aux personnes âgées. Nous faisons voter, Laurence Rossignol et moi-même, un projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, qui permettra de mieux prendre en charge la dépendance et de financer les aides techniques dont nos concitoyens les plus âgés ont besoin. Ceux-ci recevront plus d’heures d’aide, au titre de l’APA, tout en ayant moins d’argent à verser.

Monsieur le député, ce n’est pas vous qui allez nous donner des leçons de solidarité. (« Si ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Ce n’est pas vous qui allez nous dire comment nous devons organiser la solidarité que les retraités peuvent légitimement attendre de l’État, parce que nous la mettons en œuvre au quotidien. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Protection universelle maladie

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Brigitte Bourguignon. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, nous allons voter cet après-midi sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Ce texte poursuit nos efforts de redressement des comptes, tout en créant de nouveaux droits. Depuis 2012, nous avons réduit de 40 % le déficit de la Sécurité sociale. La majorité et le Gouvernement assurent aux Français une meilleure prise en charge et préparent l’avenir en consolidant et en pérennisant notre système social. Cette politique volontariste poursuit trois objectifs : améliorer l’accès aux soins, soutenir les priorités de santé publique telles que l’accès à la contraception pour les mineurs et la lutte contre l’obésité et, enfin, renforcer les droits sociaux.

Le projet de loi soumis aujourd’hui à notre vote met en place la protection universelle maladie, qui simplifie l’accès aux droits de ceux qui se trouvent confrontés à un changement de situation professionnelle ou familiale. C’est un progrès majeur. De fait, aucun citoyen ne doit être empêché dans l’accès à ses droits ; tous ceux qui cotisent à l’assurance maladie française ont droit à une légitime prise en charge de leurs frais de santé. Ce projet de loi instaure une assurance maladie vraiment universelle qui permettra de faire face à tous les aléas de la vie.

Madame la ministre, comme nous le démontrons, l’ambition sociale et la maîtrise des comptes ne sont pas inconciliables. Notre action est guidée par les principes de solidarité, d’égalité, et de responsabilité. Pouvez-vous nous dire comment va se mettre en place la protection universelle maladie ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, dans quelques minutes, l’Assemblée nationale va voter sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Ce texte poursuit d’abord l’effort important de redressement des comptes sociaux que nous avons engagé depuis notre arrivée aux responsabilités.

Mme Claude Greff. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Au-delà, il contient des mesures fortes, en particulier la protection universelle maladie. De quoi s’agit-il, très concrètement ? Chaque année, des millions de nos concitoyens voient leur environnement se modifier, leur situation personnelle évoluer, qu’il s’agisse d’un changement de travail ou de résidence, de l’entrée dans la vie active, de la séparation de femmes mariées – les femmes sont en effet majoritairement concernées –, qui n’exerçaient pas d’emploi et étaient les ayants droit de leur conjoint. Toutes ces personnes voient leur situation changer et sont confrontées à des ruptures dans leurs droits alors qu’en théorie, rien ne s’oppose à ce que ces évolutions puissent être prises en charge.

La protection universelle maladie traduit la volonté de permettre à nos concitoyens de voir leurs droits garantis alors même que leur environnement change. Très concrètement, ils pourront changer de caisse primaire de rattachement en quelques clics ; il n’y aura plus de statut d’ayant droit : chacun, chacune, sera porteur, à titre personnel, individuel, de ses propres droits. On aura donc, comme passeport pour la citoyenneté sociale, à vie, une carte Vitale individuelle qu’il ne sera plus nécessaire de changer.

Vous le voyez, madame la députée, nous travaillons collectivement, très concrètement, pour améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens et, soixante-dix ans après sa naissance, la Sécurité sociale est plus vivante que jamais. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Logements sociaux

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios, pour le groupe Les Républicains.

M. Sylvain Berrios. Monsieur le Premier ministre, hier, la moitié de votre gouvernement a traversé le périphérique pour se rendre en banlieue, faire des annonces – souvent réchauffées, d’ailleurs – avant de regagner immédiatement les ministères du septième arrondissement.

M. Jean-Luc Laurent. Parlons du logement social à Saint-Maur-des-Fossés !

M. Sylvain Berrios. Pour des raisons politiciennes, vous avez décidé de punir les maires qui, avec le soutien de leurs populations, ont choisi de préserver leur cadre de vie en proposant des logements sociaux à taille humaine et bien intégrés. Monsieur le Premier ministre, ce n’est pas à la hauteur de la situation ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Ce n’est pas en punissant telle ou telle ville que l’on vivra mieux dans les quartiers les plus défavorisés. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Ce que les Français attendent, ce n’est pas une liste noire des villes carencées, c’est une liste d’or des quartiers en faveur desquels vous devez mobiliser les moyens de l’État.

M. Pascal Popelin. Ce que les Français attendent, c’est que tout le monde ait un logement !

M. Sylvain Berrios. Les Français ne veulent pas de ces deux France, de ces deux Républiques que vous opposez avec cynisme, mépris et intolérance. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Gouverner, ce n’est pas souffler sur les braises de l’intolérance et s’étonner ensuite que l’incendie se propage. Gouverner, c’est agir avec conviction et détermination, ce n’est pas chercher en toute occasion un bouc émissaire sur qui reporter les échecs du passé. Croyez-vous vraiment qu’en sanctionnant des maires qui ne partagent pas votre opinion, vous allez régler les problèmes d’insécurité, de violence, de logement, d’éducation, d’emploi, d’intégration et de drogue dans les quartiers difficiles ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, croyez-vous vraiment qu’au lendemain de vos annonces, les habitants de ces quartiers vivront mieux ? Monsieur le Premier ministre, dix ans après les émeutes que la France a subies, croyez-vous vraiment que vos annonces portent un espoir pour les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Monsieur le député, quelle mauvaise foi, quelle malhonnêteté dans votre question ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Oui, ce gouvernement agit avec détermination pour faire du logement social et de la mixité sociale une de ses priorités. Mais, puisque votre ton était polémique, permettez-moi de rappeler quelques chiffres, qui concernent une commune que vous connaissez bien. Dans votre ville de Saint-Maur-des-Fossés, on dénombre 7 % de logements sociaux. (« Hou ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Votre commune a été quatre fois carencée, successivement, depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains – SRU –, dans un territoire qui compte pourtant plus de 394 000 demandeurs de logements sociaux, quand notre pays compte 1,7 million de demandeurs de logements sociaux. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.) Oui, il nous faut agir !

Et que dire, monsieur le député-maire, de votre décision de mettre en vente des logements communaux vacants et de refuser de transmettre la déclaration d’intention d’aliéner, alors que l’État avait manifesté l’intention de les préempter pour construire des logements sociaux ? (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations et claquements de pupitres sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Voilà, monsieur le député, les raisons pour lesquelles, dans les trente-six communes que nous avons dévoilées hier, l’État souhaite reprendre la main pour délivrer les permis de construire, préempter les terrains communaux et mobiliser le parc privé. (Exclamations prolongées sur les bancs du groupe Les Républicains.) C’est cela, la mixité sociale, l’égalité des territoires. Ce n’est pas en adoptant un comportement égoïste, en ne permettant pas à nos concitoyens de se loger dignement, que vous honorerez la République ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Politique du handicap

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philip Cordery. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. La question de l’hébergement des personnes handicapées est un problème important. Aujourd’hui, 4 500 adultes et près de 1 600 enfants sont hébergés dans des établissements en Belgique. Près de 1 200 enfants supplémentaires y sont scolarisés.

Ces départs vers la Belgique sont trop nombreux et ne peuvent nous satisfaire, mais ils constituent une réelle solution pour des centaines de familles. Certains y vont par manque de places en France, d’autres à la recherche de méthodes comportementalistes plus développées, d’autres encore pour intégrer des écoles spécialisées gérées par le ministère de l’enseignement, d’autres enfin, atteints de polyhandicap ou de troubles sévères du comportement, pour échapper à l’hôpital psychiatrique.

Madame la secrétaire d’État, vous vous êtes engagée l’année dernière à la fois à améliorer l’accueil des personnes hébergées en Belgique et à augmenter l’offre en France. Cette promesse a été tenue. L’accord-cadre entre la France et la Wallonie est entré en vigueur et vous continuez à travailler avec votre homologue pour améliorer l’accueil. Pour créer de nouvelles places sur notre territoire, vous venez d’engager 15 millions d’euros pour 2016, ce qui est une étape importante, à l’instar de ce que fut le troisième plan Autisme.

Cependant, face aux demandes croissantes, notamment du fait de la détection de plus en plus précoce du handicap, et de l’avancée en âge des personnes handicapées, l’hébergement en Belgique continuera d’être une solution pour certaines familles.

Dès lors, pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que votre gouvernement continuera d’agir sur ces deux volets, afin que les personnes en situation de handicap puissent avoir pleinement le choix du lieu de prise en charge, que de nouvelles places continuent d’être créées en France et que les familles puissent choisir la Belgique si elles le souhaitent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le député Philip Cordery, je vous remercie de votre question, qui concerne un sujet sur lequel vous avez particulièrement travaillé : l’hébergement et l’accompagnement des personnes handicapées dans les établissements belges.

Votre question va me permettre de donner quelques précisions, notamment des chiffres, sur la situation des personnes handicapées actuellement hébergées en Belgique. Vous l’avez dit, 1 500 enfants et 4 500 adultes sont concernés. Un accord franco-wallon – vous l’avez évoqué dans votre question – a été voté dans cet hémicycle l’année dernière, en 2014, et permet d’assurer la qualité des établissements d’accueil par des inspections conjointes des services de contrôle français et belges.

J’ai annoncé ici même la semaine dernière que Marisol Touraine et moi-même souhaitions stopper le flux des départs forcés. J’insiste sur le qualificatif : dans un certain nombre de situations, les familles sont contraintes d’envoyer la personne handicapée, enfant, jeune adulte ou adulte en Belgique. Notre souhait est de stopper ce flux et de garantir la liberté de choix des familles. Si certains, parce qu’ils vivent à proximité de la frontière, préfèrent envoyer leurs proches à quelques kilomètres de chez eux du côté belge, cette possibilité sera préservée.

J’en viens aux mesures spécifiques que nous avons annoncées, parce que la somme de 15 millions d’euros a suscité beaucoup de débats.

Mme Bérengère Poletti. Ce n’est rien du tout !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. Il s’agit d’un fonds d’amorçage,…

M. Guy Geoffroy. Ce sont les rois des fonds d’amorçage !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État. …qui vient s’ajouter aux prévisions de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ou ONDAM, donc, et dont l’objet est de permettre la création de solutions sur mesure à proximité du domicile des personnes. Il sera complété en fonction des besoins. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Métropole du Grand Paris

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, pour le groupe Les Républicains.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, je veux appeler votre attention sur la situation financière de la future métropole du Grand Paris. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Elle verra le jour le 1er janvier prochain, mais on se demande bien comment elle pourra exercer ses missions tant ses moyens sont inadaptés. Le budget de la Ville de Paris, mes chers collègues, s’élève à 9 milliards d’euros ; celui de la région est de 5 milliards d’euros ; quant à la future métropole du Grand Paris, elle disposerait d’un budget initial de seulement 70 millions d’euros.

Ce n’est pas tout. Dans le projet de loi de finances pour 2016, le Gouvernement prévoit d’augmenter le fonds de péréquation des ressources intercommunales de 220 millions d’euros. Personne ne conteste la péréquation, dont le principe a d’ailleurs été établi par la droite, mais après la baisse massive des dotations et l’année même de la création des métropoles de Paris et Marseille, cette nouvelle hausse est inadaptée. Si on suit votre chemin, la métropole sera déficitaire dès sa naissance.

À cela s’ajoute le poids de l’incertitude liée aux nouvelles conditions d’attribution des dotations. Le ministère, monsieur le Premier ministre, se dit incapable de fournir des simulations financières. De ce fait, on ne connaît pas le montant total de la ponction sur la métropole. Il pourrait atteindre 380 millions d’euros. On ne sait pas non plus qui supportera cette ponction. Ainsi, trente et une communes, situées essentiellement en Seine-Saint-Denis, étaient bénéficiaires de la péréquation en 2015 et ne savent pas si elles le resteront en 2016.

M. Marcel Rogemont. Si je comprends bien, la péréquation, c’est pour les autres, pas pour vous !

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Monsieur le Premier ministre, les élus de la métropole, toutes tendances politiques confondues, vous demandent un moratoire le temps de lancer le Grand Paris. Il faut stabiliser le montant du fonds de péréquation pour 2016, il faut geler sa répartition dans le périmètre de la métropole. Monsieur le Premier ministre, y êtes-vous prêts ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Madame la députée Nathalie Kosciusko-Morizet, votre question est légitime et je vais y répondre précisément.

Le budget est nécessairement le reflet des compétences. Près de 92 % des élus concernés, toutes tendances politiques confondues, ont signé une motion en octobre 2014 pour demander une montée en puissance très progressive des compétences de la métropole du Grand Paris.

M. Patrick Ollier. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le chiffre que vous donnez est donc une estimation suffisante pour les compétences de planification de la première phase.

Bien évidemment, les règles du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – seront adaptées à l’architecture particulière de la métropole en tenant compte des capacités contributives de chacun. Il n’y aura donc pas de déficit, pour aucun échelon, et la métropole du Grand Paris pourra boucler son budget. Nous réunirons la semaine prochaine les élus de droite comme de gauche qui ont participé à la rédaction des ordonnances financières et fiscales pour leur présenter l’application de la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF – et du FPIC, l’adaptation à leur territoire. Il est logique qu’ils y soient associés.

M. Alain Marty. C’est la moindre des choses !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Madame la députée, vous avez mené au cours de la précédente législature deux grandes réformes de la fiscalité locale : en catastrophe, celle de la taxe professionnelle, donc nous payons encore aujourd’hui les conséquences…

Un député du groupe Les Républicains. Vous pouvez revenir dessus, si elle ne vous convient pas !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. … et la création du FPIC, outil de péréquation entre les collectivités, que nous avons votée car, je vous l’accorde, c’était une bonne réforme.

Mme Claude Greff. Les bonnes réformes, c’est toujours nous !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Elle prévoyait une montée en puissance à 2 % des recettes fiscales du bloc communal. Nous n’irons pas jusqu’à cette somme mais répondrons partiellement à votre attente. Le FPIC progressera de 220 millions d’euros parce que c’est un outil apprécié de péréquation et de solidarité entre les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Politique sanitaire

M. le président. La parole est à M. Stéphane Travert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Stéphane Travert. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. J’y associe ma collègue Geneviève Gosselin-Fleury et les élus du Cotentin. La santé est un bien précieux auquel nos concitoyens sont très attachés. L’accès aux services de soins, y compris en milieu rural, est un droit fondamental au cœur de nos préoccupations. Nos collectivités, les régions en particulier, investissent lourdement et durablement dans la construction de pôles de santé libéraux et ambulatoires pour assurer le nécessaire accès aux soins de nos concitoyens et préserver nos territoires du déclin de la démographie médicale.

Tel est le cas en Basse-Normandie et en particulier dans la Manche où la collectivité régionale porte une attention significative à la prise en charge sociale et sanitaire de ses habitants par des investissements conséquents. Depuis le mois d’août dernier, l’hôpital de Valognes est au cœur de l’actualité en raison de la fermeture du service des urgences et du service mobile d’urgence et de réanimation – SMUR. Une mobilisation sans précédent des élus, de la population et de la communauté médicale a vu le jour et une pétition visant à défendre le service public hospitalier, lancée par une association dont je salue ici l’engagement, a rassemblé 24 000 signatures.

Votre intervention, madame la ministre, a été capitale. Elle a permis de faire face aux urgences vitales et de rouvrir le service mobile, indispensable dans le Cotentin. Nous travaillons actuellement avec le maire de Valognes, les élus et vos services à la mise en place d’un service de soins non programmés susceptible de répondre aux besoins de nos concitoyens qui doivent à tout moment se sentir pleinement accompagnés par l’État ainsi qu’en sécurité sanitaire et médicale. Nous connaissons votre attachement aux missions de service public et au maillage territorial des unités de soins. Pouvez-vous indiquer les mesures concrètes que vous comptez prendre afin d’assurer avec les élus l’égalité d’accès à des soins de qualité et de proximité pour tous les Français ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Christian Jacob. Qui peut remercier M. Travert de sa question !

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, le centre hospitalier public du Cotentin est en effet confronté depuis plusieurs mois à d’importantes difficultés de recrutement de médecins, en particulier urgentistes. Il a été contraint cet été de fermer temporairement les urgences de Valognes, car les patients ne pouvaient y être accueillis dans les conditions de sécurité nécessaires faute de professionnels. Je tiens à répéter que les difficultés de Valognes ne sont en aucun cas liées à des problèmes budgétaires ; elles tiennent uniquement à des problèmes de recrutement.

Votre collègue Geneviève Gosselin-Fleury et vous-même, monsieur le député, vous êtes immédiatement mobilisés afin de vous assurer que la continuité des soins serait garantie.

M. Yves Censi. C’est une question orale sans débat !

Mme Marisol Touraine, ministre. Plusieurs mesures ont été prises et je me suis engagée à vos côtés. Les SMUR voisins et les urgences du service de Cherbourg ont ainsi été mobilisés, ce dont je remercie tous les professionnels.

M. Yves Censi. Et l’hôpital d’Espalion ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le fonctionnement du SMUR a été rétabli à Valognes dès le mois d’août afin d’assurer la réponse aux besoins vitaux. Il sera évidemment maintenu, j’en ai pris l’engagement devant vous. L’objectif est désormais d’ouvrir à Valognes un centre de soins non programmés. Des recrutements de praticiens hospitaliers sont en cours. Un pôle de santé ambulatoire animé par des médecins libéraux et le maire de Valognes avec le soutien de l’agence régionale de santé est en cours d’élaboration. Plus généralement, nous travaillons à l’organisation territoriale des urgences. J’aurai prochainement l’occasion d’annoncer des mesures visant à favoriser l’attractivité des carrières de praticien hospitalier et à améliorer l’organisation territoriale des urgences. Comme vous le voyez, monsieur le député, nous travaillons au service public hospitalier dans tous les territoires et à Valognes en particulier. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Réforme de la dotation globale de fonctionnement

M. le président. La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe Les Républicains.

M. Michel Heinrich. Monsieur le Premier ministre, l’article 58 du projet de loi de finances pour 2016 vise à mettre en œuvre la réforme de la dotation globale de fonctionnement du bloc communal afin de réduire les écarts de dotation par habitant que le Gouvernement estime injustifiés. Vous souhaitez introduire une dotation forfaitaire de 75 euros par habitant pour toutes les communes. Certes, l’histoire de la DGF est complexe, mais les écarts de DGF ne sont pas toujours injustifiés compte tenu du poids de certaines charges comme les charges de centralité ou touristiques que la réforme envisage de supprimer et qui ne seront que très partiellement compensées. Les évaluations et études d’impact sont étrangement absentes du projet de refonte de la DGF.

M. Dominique Dord. Complètement absentes !

M. Michel Heinrich. Quelles en seront les conséquences pour les villes en 2016, 2017, 2018, voire 2025 ? Quelles seront les strates gagnantes et les strates perdantes ? Qu’en résultera-t-il pour les collectivités en 2016 hors mécanisme de stabilisation ? Autant de questions qui demeurent sans réponse ! Les effets de la réforme se cumuleront avec le mécanisme de contribution des collectivités locales au redressement des finances publiques et seront donc extrêmement négatifs pour les communes de plus de 15 000 habitants dont la dotation forfaitaire comme la pression fiscale sont historiquement plus importantes qu’en milieu rural.

Par ailleurs, l’extension en cours du périmètre des intercommunalités pose un problème de calendrier de la réforme car la stabilisation des périmètres ne sera effective qu’en 2017, voire 2018. Dans ces conditions, ne serait-il pas nécessaire et raisonnable, comme le souhaitent les maires de villes de toutes sensibilités politiques, de remettre la réforme à 2017 afin de mettre à profit l’année 2016 pour réaliser de réelles simulations et mener une étude approfondie associant tous les acteurs du bloc communal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député, quel est le constat ? La DGF est devenue illisible et profondément injuste. Elle est illisible, car elle résulte d’une sédimentation accumulée depuis des années de dotations supprimées et compensées. Dans cette illisibilité complète, plus personne ne s’y retrouve, pas même les plus grands spécialistes des finances locales. Ensuite, la DGF est devenue très injuste. Au lieu de corriger les inégalités entre les collectivités locales, notamment les communes, elle les aggrave. Entre communes d’une même strate, à potentiel fiscal, richesse et population équivalents, les écarts vont du simple au double. Le constat dressé par le rapport de Mme Christine Pires Beaune et du regretté sénateur Jean Germain fait donc l’unanimité : il faut réformer la DGF. Qui dans cet hémicycle peut le nier ?

Il faut une réforme pour plus de clarté et plus de justice. Pour plus de clarté, ce sont trois dotations : une dotation forfaitaire de base identique en euros par habitant pour toutes les communes de France, une dotation de centralité pour les communes qui subissent des charges de centralité et une dotation de ruralité pour les communes rurales. Voilà pour la clarté.

Pour plus de justice, nous renforcerons la péréquation, tant la dotation de solidarité urbaine que la dotation de solidarité rurale. Les premières simulations laissent apparaître que deux tiers des communes représentant 65 % de la population et 72 % des EPCI représentant 74 % de la population seraient bénéficiaires d’une telle réforme. Dans ces conditions, nous devons réussir celle-ci ensemble. Le Gouvernement sera à l’écoute du Parlement afin de l’améliorer par voie d’amendements car les élus attendent cette réforme de justice et de solidarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et  du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Bombardement de l’hôpital de Kunduz en Afghanistan

M. le président. La parole est à M. Alain Marty, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Marty. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. Il y a un mois, les talibans ont lancé une offensive sur la ville de Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan. Dans la nuit du 3 octobre, l’aviation américaine est intervenue et des bombardements ont touché l’hôpital de Kunduz, administré par Médecins sans frontières – MSF.

Les forces américaines disposaient des coordonnées GPS de l’hôpital. Bien que les responsables de Médecins sans frontières aient informé Kaboul et Washington dès les premiers bombardements, le bâtiment a continué d’être pris pour cible pendant quarante-cinq minutes.

Le bilan est lourd : douze personnes tuées parmi le personnel soignant et dix morts parmi les hospitalisés, dont trois enfants brûlés sur leur lit dans l’incendie du bâtiment.

Les explications du général Campbell, chef de la mission de l’OTAN en Afghanistan, sont pour le moins confuses. Il admet néanmoins la nécessité de revoir les conditions d’engagement. Le 7 octobre, le président Obama a présenté des excuses pour ce tragique accident et annoncé une enquête militaire interne.

Il est important de marquer notre désaccord. La destruction d’un hôpital est un acte inacceptable, contraire aux conventions de Genève et à nos valeurs.

MSF demande qu’une enquête transparente et indépendante soit menée par la Commission internationale humanitaire d’établissement des faits, créée officiellement en 1991. Pour que la Commission puisse se saisir d’un dossier, il suffit que l’un des 76 États qui l’ont reconnue en fasse la demande. Cette demande a été formalisée.

Monsieur le Premier ministre, ma question est simple. Le Gouvernement soutient-il la demande d’une enquête indépendante ? Le Gouvernement a-t-il saisi la Commission internationale humanitaire ? Si tel n’est pas le cas, pour quelles raisons ? Entendez-vous demander aux autorités américaines et afghanes de faciliter cette enquête et de ne pas l’entraver ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, comme vous, nous avons été profondément choqués par le bombardement d’un hôpital de Médecins sans frontières en Afghanistan. Le président des États-Unis, Barack Obama, a présenté ses excuses à l’organisation non gouvernementale pour un bombardement qui a causé de nombreuses victimes, à la fois parmi les malades et parmi les personnels recrutés pour tenir cet hôpital.

Ce bombardement résulte manifestement d’une erreur dans l’appréciation des cibles. Une enquête doit être menée pour établir les responsabilités, dans la décision de mener cette attaque et de ne pas l’interrompre, alors qu’il avait été signalé que l’hôpital était la cible de bombardements et que MSF avait notifié à l’avance aux forces de l’OTAN et aux forces américaines les coordonnées GPS de ce site sanitaire.

Nous attendons les explications qui seront données par les États-Unis, dont je rappelle qu’ils sont nos alliés, à la fois au sein de l’OTAN et aujourd’hui, sur le plan international.

Nous demandons que toute la clarté soit faite. Cela montre qu’il est absolument nécessaire, dans les opérations militaires internationales, de respecter les règles d’engagement, de protéger les populations civiles et de veiller à ne pas être associé à des crimes qui peuvent être qualifiés de crimes de guerre.

Nous pensons en particulier que tout doit être fait pour assurer la protection des humanitaires, de la Croix rouge et des organisations françaises et internationales qui viennent au secours des populations civiles. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Effectifs et moyens de la douane

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Gaby Charroux. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, la douane est un service public majeur de l’État, qui assure des missions de sécurité, de protection et de contrôle. Elle participe ainsi à la protection de notre territoire, au développement économique et à la sûreté.

Avec mon collègue Éric Woerth, j’ai conduit une mission d’évaluation sur les services de la douane dans la lutte contre les fraudes et les trafics. Il ressort de cette évaluation que les différentes réorganisations, abouties ou non, le manque de dialogue social et la pénurie de moyens sont des freins majeurs pour la bonne conduite de l’action douanière.

Le rapport de cette mission souligne l’importance de conserver a minima les moyens. J’ai voulu marquer fortement mon opposition à toute suppression de postes, car les services de la douane ont vu fondre leurs effectifs de 15 % en dix ans – 3 000 postes ont été supprimés et plus de 1 500 services ont été fermés.

En matière de surveillance du territoire, le ciblage et la technique ne pourront jamais remplacer les hommes. Mais chaque jour, des trafics d’armes, de drogues, de médicaments ou de contrefaçons, des faits de fraude fiscale sont constatés, malgré l’excellent travail des douaniers.

En dépit des recommandations de maintien et de développement des moyens, les douaniers marseillais de la brigade côtière ont été obligés de faire grève et d’occuper leur navire pour que vous acceptiez de maintenir leur outil naval et que vous vous engagiez à l’acquisition d’un nouveau navire en 2017.

Dépassant le cadre paritaire, des fermetures de brigades sont encore annoncées et le plan Douane 2018 aura détruit 400 emplois supplémentaires. En 2016 et 2017, derrière l’annonce de la création de 35 emplois au titre de la lutte antiterroriste, ce sont 215 postes supplémentaires qui seront sacrifiés.

Monsieur le ministre, pouvez-vous affirmer aujourd’hui que le plan de suppression d’emplois dans la douane prendra fin, respectant ainsi la valeur du travail de nos agents et la qualité de vie des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, nous sommes d’accord pour dire que la douane effectue un travail remarquable dans des domaines très variés. Comme vous, je soulignerai son action en matière de lutte contre le terrorisme : ce sont des douaniers qui ont arrêté, à Marseille, le suspect de la tuerie de Bruxelles.

La douane n’échappe pas aux efforts de modernisation et, conséquemment, de réduction des effectifs. Il faut bien reconnaître qu’au moment où des efforts sont faits pour réduire les déficits publics, la mutualisation des moyens, y compris aériens et maritimes, est nécessaire. C’est pourquoi l’action de l’État en mer, assurée par la police, la gendarmerie, l’armée et la douane, doit être coordonnée afin que les moyens et les équipements soient au mieux utilisés.

J’ai rencontré la semaine dernière une délégation syndicale des douanes marseillaises. Certes, il aura fallu une grève, mais je me suis engagé à ce que l’équipement, prévu en 2018, soit mis à leur disposition dès 2017. Nous avons examiné ensemble la manière de partager les moyens en mer entre les ports méditerranéens. Les douaniers marseillais sont repartis pleinement rassurés. Dans toutes ces actions, l’État est bien disposé à donner les moyens nécessaires aux douaniers. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Claude Bartolone.)

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est reprise.

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Projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 (nos 3106, 3129, 3127).

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous nous apprêtons à voter ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale – PLFSS – pour 2016, dont la finalité est de ramener le déficit de l’assurance maladie à 6,2 milliards d’euros en 2016.

L’objectif de progression des dépenses de l’assurance maladie a été fixé à un niveau historiquement bas – 1,75 % pour l’an prochain – tandis que 3,4 milliards d’euros d’économie sont attendus dans le secteur de la santé : ils concernent le médicament, les dépenses de ville et les dépenses hospitalières.

Cependant, pour nous, radicaux de gauche, une politique de santé ne se limite pas à une gestion de crises sanitaires ou à une multiplication des taxes – notamment, pour la quatrième année consécutive, touchant l’industrie du médicament. Étant partisans d’une industrie française du médicament performante, nous déplorons que, cette année encore, les économies portent essentiellement sur ce secteur, ce qui est contraire à la croissance et à l’emploi.

Cette année, nous assistons également à une dégradation économique de l’officine : une pharmacie ferme tous les deux jours en 2015. En 2016, 400 disparaîtront, ce qui posera un problème de santé publique et d’accès aux soins dans tous les territoires. Après la désertification médicale, la désertification pharmaceutique se précise : un plan d’urgence est obligatoire.

En outre, madame la ministre, nous regrettons le maintien en l’état de l’article 21 qui vise à sélectionner par une mise en concurrence les contrats de complémentaire santé à destination des plus de 65 ans, ce qui amplifie la segmentation entre les assurés et remet en cause le principe de mutualisation des risques sur lequel repose le système assurantiel.

J’aimerais également revenir sur l’article 42 relatif à la filière visuelle. Malgré l’affichage en faveur d’un accès aux soins ophtalmologiques sans dépassement d’honoraire, la situation est insatisfaisante. L’objectif était d’inciter le travail aidé en s’appuyant sur des auxiliaires paramédicaux réalisant des actes à tarif opposable. Or la proposition faite aujourd’hui est celle d’un contrat de trois ans non renouvelable, qui ne sera pas incitatif.

En outre, ceux qui souhaitent travailler avec des auxiliaires médicaux libéraux ne pourront le faire que dans des maisons de santé et des centres de santé, alors que nous savons pertinemment que les cabinets d’ophtalmologie sont bien plus nombreux. Ces mesures mobiliseront donc peu de moyens pour moderniser le secteur.

En revanche, l’extension du contrat collectif aux ophtalmologistes et orthoptistes qui se seraient regroupés pour former un pôle ophtalmologique aurait été efficace. C’est une des recommandations formulées par Dominique Voynet dans son rapport pour l’Inspection générale des affaires sociales, rendu à votre demande, madame la ministre.

Lors de la discussion des articles, nous avons été très attentifs à ce que certaines mesures soient appliquées également à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, le statut particulier de l’archipel ne doit pas pour autant l’évincer d’avancées sociales. Concernant la santé et la Sécurité sociale, il était ainsi important d’obtenir la confirmation de l’applicabilité de ces mesures à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Madame la ministre, votre PLFSS contient toutefois des avancées que nous saluons. Instituée à la fin de la Seconde guerre mondiale, la Sécurité sociale, véritable pilier de notre modèle républicain, est l’un de nos biens les plus précieux. Garante d’une solidarité entre les plus faibles et les plus forts, la Sécurité sociale, qui fête cette année ses 70 ans, a su s’adapter au fil des années tant aux bouleversements économiques qu’à l’allongement de la durée de la vie ou aux évolutions des structures familiales depuis 1945.

Avec la protection universelle maladie, dotée de procédures simplifiées et de plus de clarté, nous allons dans le bon sens. La protection universelle maladie permettra à chacun de faire valoir ses droits à l’assurance maladie, sans avoir à avancer les frais – qui restent des moins à charge – ou, pire, à renoncer purement et simplement aux soins.

La protection universelle maladie permettra d’éviter des situations de rupture de droits. En cas de changement de situation professionnelle, familiale, résidentielle, de caisse ou de régime, les changements de caisses primaires d’assurance maladie se feront plus rapidement ; le statut d’ayant droit sera supprimé pour les majeurs ; la carte vitale pourra être obtenue dès douze ans pour les enfants dont les parents le souhaitent.

En outre, nous soutenons les mesures concernant la lutte contre l’obésité chez les enfants de 3 à 8 ans, ainsi que le renforcement de l’accès des mineures à la contraception. Enfin, nous saluons les mesures garantissant la prise en charge intégrale des soins dispensés aux victimes présentes sur les lieux d’un acte terroriste.

En conclusion, madame la ministre, ce PLFSS participe au renforcement des droits sociaux : c’est à ce titre que le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, dans sa grande majorité, le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.).)

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Avec ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, le Gouvernement s’inscrit résolument dans une logique comptable où les économies priment sur les besoins sociaux et de santé de nos concitoyens.

Le PLFSS se fixe en effet pour objectif d’économiser sur la santé 10 milliards d’euros en trois ans, dont 3,4 milliards en 2016. À cela s’ajoutent 5,3 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales que vous avez décidé d’accorder aux entreprises, sans contrepartie ni contrôle, dans le cadre de la poursuite du pacte de responsabilité. Ce sont là des milliards en moins pour les caisses de Sécurité sociale.

Vous nous expliquez que l’État compensera l’ensemble de ces dépenses. Soit. Mais il n’y a pas de mystère : l’argent que vous prenez dans une caisse manque évidemment dans une autre. Les collectivités locales, par exemple, paient un lourd tribut dans ces tours de passe-passe qui les conduisent à réduire leurs investissements et les services qu’elles offrent à la population. Au final, ce sont toujours les mêmes qui sont pénalisés : nos concitoyens.

Concernant les dépenses de santé, vous fixez l’objectif national des dépenses d’assurance maladie – ONDAM – à 1,75 % : c’est le taux le plus faible depuis vingt ans, alors que l’évolution des dépenses est estimée par les pouvoirs publics à 4 %. En d’autres termes, l’enveloppe budgétaire de l’assurance maladie progresse deux fois moins vite que les besoins de santé des Français. Les hôpitaux publics, dont beaucoup sont déjà dans une situation critique, seront, une fois de plus, lourdement pénalisés, et avec eux leurs personnels et leurs patients.

Vous justifiez ces choix d’austérité, selon vous inévitables, en brandissant le déficit de la Sécurité sociale, que vous vous vantez d’avoir réduit. Il a diminué, c’est indéniable, mais au détriment des prestations. Ainsi, concernant la branche famille, si vous avez divisé par deux son déficit, c’est par le gel de la revalorisation des prestations servies aux familles en 2014 et 2015, ainsi que par la mise en œuvre, l’été dernier, de la modulation des allocations familiales. Cette mesure, que vous défendiez au nom de la justice sociale en faveur des familles les plus modestes, se traduit en réalité par 865 millions d’économie sur leur dos.

De même, le caractère excédentaire de la branche vieillesse est le résultat des réformes des retraites initiées par les précédents gouvernements de droite, que vous avez confortées. Elles se traduisent pour les Français par une baisse du montant de leur pension et un allongement de la durée de cotisation et de l’âge de départ à la retraite. Quant à l’excédent de la branche accidents du travail-maladies professionnelles – AT-MP – il est notoirement dû à la sous-déclaration de ces accidents et maladies.

Alors c’est sûr, vous réduisez les déficits, mais contrairement à vos déclarations, vous le faites en diminuant les prestations dans tous les secteurs. Et vous nous expliquez, la main sur le cœur, que c’est le seul moyen de « sauver » notre système de protection sociale, auquel les Français sont à juste titre attachés et dont le soixante-dixième anniversaire est salué.

En réalité le déficit de la Sécurité sociale est d’abord dû à votre politique de bas salaires et de chômage. Il pourrait être comblé si vous recherchiez de nouvelles recettes. Jacqueline Fraysse, dont je salue le remarquable investissement dans ce dossier, vous a fait des propositions en ce sens mais vous les avez obstinément refusées, qu’il s’agisse de lutter efficacement contre la fraude aux cotisations patronales, dont le coût total est estimé par la Cour des comptes à plus de 20 milliards pour la seule année 2012, ou de soumettre les revenus financiers des sociétés au même taux de cotisation que ceux des salariés.

Ce PLFSS confirme une véritable spirale de régression qui aggrave les inégalités d’accès aux soins et ne permet pas d’affronter les nouveaux défis que constituent notamment le vieillissement de la population et l’accroissement des maladies chroniques.

L’accent mis sur les complémentaires santé, assurances devenues indispensables face au recul de la prise en charge universelle par la Sécurité sociale, ne fait que confirmer la marche vers la privatisation de notre protection sociale. Cette situation conduit un nombre toujours plus grand de nos concitoyens à se soigner selon leurs moyens et non selon leurs besoins.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, nous ne voterons pas votre budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. Jean Glavany. Oh !

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Gérard Bapt. Ce vote solennel à l’issue de la première lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016 intervient à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la création de la Sécurité sociale.

Il faut rendre hommage aujourd’hui aux pères fondateurs de la Sécurité sociale, héritée du programme du Conseil national de la Résistance. La France est fière de cette richesse, ce système qui protège nos concitoyens des risques de la vie – la maladie, l’accident du travail, le handicap – et les soutient dans les moments plus heureux comme la maternité ou la retraite.

Préserver la Sécurité sociale nous oblige à faire preuve de responsabilité afin que les générations futures bénéficient du même niveau de protection que leurs parents. Et c’est bien à une étape importante du redressement de nos comptes sociaux, entamé depuis 2012, que ce PLFSS procède. Alors que le déficit constaté en 2012 était de 17,5 milliards d’euros, le déficit prévisionnel pour 2016 est inférieur à 10 milliards, déficit du Fonds de solidarité vieillesse – FSV – inclus, lequel est lié avant tout à la situation économique. Le déficit du régime général proprement dit se situe à 6 milliards d’euros, un niveau qui n’avait jamais été atteint depuis 2002.

Ces prévisions reposent sur une perspective de croissance crédible, de 1,5 % contre 1 % cette année. Le retour à l’équilibre des régimes obligatoires de base doit être obtenu en 2019. Ces prévisions pour 2016 sont conformes à l’engagement présidentiel de stabilisation des prélèvements obligatoires. L’essentiel de l’effort porte sur l’efficience, sans déremboursement, franchise ni prélèvement nouveau, contrairement à ce qui vient d’être affirmé.

Ce PLFSS marque la deuxième phase du pacte de responsabilité et de solidarité, après les mesures de la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale d’août 2014, dont les effets se font désormais sentir à la fois sur la situation des entreprises et sur les chiffres du chômage. Ces mesures génèrent des pertes de recettes, intégralement compensées par le budget de l’État.

Il est aussi marqué, pour la branche maladie, par des avancées majeures renforçant les droits des assurés sociaux : la création de la protection universelle maladie, visant à rendre effective l’universalité de la Sécurité sociale en donnant à chacun la capacité de faire valoir ses droits, l’accès gratuit et confidentiel des mineures à la contraception, l’expérimentation de la prise en charge d’enfants de 3 à 8 ans menacés d’obésité, la réforme du financement des soins de suite et de réadaptation, pour pallier les carences actuelles et favoriser le développement des prises en charge ambulatoires, et enfin la généralisation de la complémentaire santé pour les salariés au 1er janvier 2016. Une étape supplémentaire est franchie avec l’accès soutenu à la complémentaire santé pour les retraités ainsi que pour les salariés précaires.

La responsabilité, c’est aussi le respect du droit : le PLFSS tire les conséquences d’une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne, l’arrêt de Ruyter, aux termes duquel des prélèvements sociaux acquittés par des personnes qui ne sont pas affiliées à notre système de protection sociale ne peuvent pas être affectés au financement de prestations contributives relevant d’une logique d’assurance. Il reste qu’il est juste que les revenus du capital détenu par des personnes non affiliés à la Sécurité sociale financent des prestations non contributives de solidarité nationale dont elles-mêmes sont susceptibles de bénéficier.

Ce PLFSS contribue aussi au choc de simplification, d’abord avec la refonte des dates et des méthodes de revalorisation des prestations sociales, hors pensions de retraite, sur la base de l’inflation constatée, mais en excluant toute régularisation à la baisse en fonction de l’inflation, comme c’est le cas actuellement. Il le fait aussi avec plusieurs mesures d’amélioration des relations entre URSSAF et cotisants, sur la base du rapport parlementaire de nos collègues Marc Goua et Bernard Gérard, ou d’autres concernant le régime social des indépendants – RSI.

Agir en responsabilité, c’est aussi profiter de taux d’intérêt historiquement bas pour faire reprendre par la CADES – Caisse d’amortissement de la dette sociale – 23,6 milliards d’euros de déficit supportés par l’ACOSS – Agence centrale des organismes de Sécurité sociale – tandis que, pour la première fois, la dette sociale entame une réduction en 2015, réduction qui s’accentuera en 2016.

En 2016, la branche retraite sera en quasi-équilibre ; la branche famille est en route vers l’équilibre, tout en connaissant une avancée sociale majeure : la généralisation de la garantie pour le conjoint chef de famille d’une pension alimentaire minimale de 100 euros par enfant et le renforcement des moyens de recouvrement des pensions non payées par le parent défaillant.

Ainsi, en 2016, le retour à l’équilibre financier sera en bonne voie, l’emploi et la croissance seront soutenus par le pacte de responsabilité, et des avancées sociales majeures seront réalisées. Le groupe SRC votera le PLFSS pour 2016 et appelle l’Assemblée nationale à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Pierre Door. Le groupe Les Républicains ne votera pas le PLFSS pour 2016, (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), quatrième et dernier en année pleine avant les échéances électorales de 2017.

M. Marc Goua. Quelle surprise !

M. Pascal Popelin. C’est normal, il n’y a pas assez de déficit !

M. Jean-Pierre Door. Notre système social est en danger, de graves menaces pèsent sur lui. Alors que le Gouvernement célèbre son soixante-dixième anniversaire à coups de grandes déclarations, nombreux sont ceux qui affirment que son mode de financement est en fin de cycle et que sans une rénovation structurelle du système de soins nous allons dans le mur.

Où sont vos promesses, madame la ministre ? Où sont les engagements du Président de la République, qui prévoyait un retour à l’équilibre en 2017 ? Vous n’agissez pas, vous n’assumez pas et surtout vous n’économisez pas, comme en témoigne le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui évoque plutôt un report à 2020.

Un chômage qui atteint des sommets, des impôts et des taxes qui se multiplient, une croissance au point mort : c’est l’échec sur toute la ligne. Pas de vision, pas de conviction, pas de courage politique. Votre projet de loi a mis en évidence qu’entre votre majorité et l’industrie pharmaceutique, les mutuelles et assurances complémentaires, les professionnels de santé ainsi que la fédération de l’hospitalisation privée, le divorce est consommé.

Vous ponctionnez les entreprises du médicament au risque de les affaiblir et de les chasser de France. Vous allez jusqu’à taxer une croissance négative de leur chiffre d’affaires ! Vous engagez la rupture avec les complémentaires, après l’Accord national interprofessionnel, en généralisant des contrats low cost pour les plus de 65 ans et en organisant des délégations de gestion à sens unique vers les institutionnels.

Vous continuez à tourner le dos à la convergence tarifaire entre le public et le privé et à toute réforme de l’hôpital public. Votre réforme de la tarification des soins de suite et de réadaptation trahit l’impréparation la plus totale, source de risques à venir. Enfin, vous transférez une partie de la dette de l’ACOSS à la CADES sans y adjoindre les recettes nécessaires. Vous glissez ainsi sous le tapis 30 milliards d’euros qui resteront non financés – un cadeau que vous faites à vos successeurs !

Chacun peut constater que la dette sociale s’élève à près de 200 milliards d’euros, soit un montant pas très éloigné du niveau d’endettement de la Grèce, et qui ne se réduit pas faute de réformes structurelles.

L’instauration de la protection universelle maladie est certes un marqueur de gauche, mais c’est aussi un appel à une multiplication des cartes Vitale, au mépris du principe fondamental de ce qu’on appelle l’ayant droit.

Dans ce PLFSS sans âme, je trouve quand même, madame la ministre, un motif de satisfaction, même s’il est bien maigre : la généralisation de la permanence des soins ambulatoires à l’ensemble des territoires, qui fait suite à une recommandation du rapport d’information rendu par Mme Lemorton et moi-même.

Le groupe Les Républicains se réjouit par ailleurs d’avoir obtenu le maintien de l’exonération des cotisations sociales dans les zones de revitalisation rurale via la suppression de l’article 10. Nous soutenons la ruralité.

Avant de conclure, je vous signale, madame la ministre, que le déficit de la branche maladie ne cesse de se creuser depuis 2012 faute de réformes. Et si la branche vieillesse va mieux, c’est grâce à la réforme Fillon-Woerth de 2011.

Notre groupe aurait choisi une autre politique, dépourvue d’idéologie, ambitieuse, responsable.

M. Pascal Popelin. Celle du quinquennat précédent ?

M. Jean-Pierre Door. Le budget que vous nous proposez, lui, est un budget de renoncement, en trompe-l’œil et surtout électoraliste. Vous avez compris que nous ne le voterons pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Vercamer. La Sécurité sociale a 70 ans cette année, et ce projet de loi de financement aurait pu être l’occasion d’accomplir des actes forts permettant de relever les défis auxquels elle est exposée ; l’occasion également de faire naître dans notre pays un débat le plus ouvert possible sur les évolutions de notre société et les risques nouveaux que la Sécurité sociale est amenée à couvrir, que ce soit dans le domaine du travail, de la famille, de la santé ou du vieillissement ; l’occasion ensuite de susciter entre les acteurs de la Sécurité sociale, professionnels et ayants droit, un diagnostic largement partagé sur des enjeux majeurs tels que le financement de notre protection sociale, la maîtrise des dépenses, la qualité et l’organisation de notre système de soins, ou le maintien sur le marché du travail combiné à une entrée plus tardive à l’âge de la retraite ; l’occasion enfin d’apporter sur ces enjeux des réponses claires et courageuses, seules en mesure de pérenniser une protection sociale qui est un marqueur essentiel de notre modèle de société.

Au lieu de cela, les débats que nous avons eus dans cet hémicycle tout au long de la semaine dernière n’ont fait que confirmer l’orientation que le Gouvernement a imprimée à ce budget.

Nous sommes ainsi face à un projet de loi de financement dont les dispositions sont sans aucun rapport avec l’ampleur des enjeux que je viens d’énumérer. Une fois encore, le Gouvernement demande à la représentation nationale de se prononcer sur un budget sans ambition, qui gère tant bien que mal les affaires courantes de la Sécurité sociale mais n’en garantit pas l’avenir.

Les chiffres en effet n’incitent guère à l’optimisme. La réduction du déficit du régime général entre 2014 et 2015 reste très limitée, à hauteur de 400 millions d’euros. Le Fonds de solidarité vieillesse devrait voir son déficit s’accentuer, pour atteindre 3,7 milliards d’euros en 2016. La dette sociale ne se réduit que très faiblement en 2015. Enfin, le retour à l’équilibre des régimes de base de la Sécurité sociale ne devrait intervenir qu’à l’horizon 2020 ou 2021, alors qu’il avait été promis pour 2017. Encore faut-il souligner, comme le fait la Cour des comptes, que pour l’heure, la réduction des déficits, quand elle est au rendez-vous, est largement due à une augmentation des recettes, tirée par l’augmentation des prélèvements.

Tout au long des débats, le Gouvernement a par ailleurs confirmé des choix préjudiciables à notre système de santé, tels que le gel des crédits de modernisation des hôpitaux en 2015, amputés de 50 millions d’euros. Vous avez également renforcé l’impression de flou qui entoure les principales orientations de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale que sont la protection maladie universelle et la réforme du financement des établissements de soins de suite et de réadaptation.

Si nous pouvons comprendre les objectifs poursuivis par le Gouvernement à travers ces deux dispositifs, nous restons perplexes devant la faiblesse des études d’impact et le peu de précisions dont nous disposons quant à leurs conséquences sur les finances publiques dans les années qui viennent.

Le Gouvernement a également confirmé son choix de faire peser une part considérable des économies prévues par ce projet sur le secteur du médicament. Ce faisant, vous prenez le risque de fragiliser l’industrie pharmaceutique, mais aussi le réseau des officines, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans l’accès aux soins de nos concitoyens, en milieu rural en particulier.

Le Gouvernement a à nouveau démontré son peu d’entrain à réformer l’organisation de notre système de soins, à mieux organiser l’offre hospitalière sur le territoire. Il a confirmé son absence de volonté en ne réformant pas le financement de notre protection sociale, qui pèse trop, aujourd’hui encore, sur le travail et pénalise la compétitivité de nos entreprises. Il a fait montre, dans la même logique, de son manque de courage concernant les régimes spéciaux de protection sociale et de retraite, en refusant d’engager des réformes structurelles.

En conclusion, madame et monsieur les ministres, monsieur le secrétaire d’État, vous avez confirmé qu’en tout point, ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale est en décalage avec les attentes des professionnels qui font vivre notre protection sociale, et avec celles de nos concitoyens. C’est pourquoi le groupe UDI votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumégas.

M. Jean-Louis Roumégas. En ces jours où nous commémorons la naissance de la Sécurité sociale, compte tenu des contraintes budgétaires et de l’explosion de maladies chroniques – j’insiste sur ce dernier point – l’enjeu est bien la pérennité de notre modèle social.

Au cours des deux premières années du quinquennat, le groupe écologiste a soutenu la réduction des déficits et la maîtrise des dépenses parce qu’elles lui paraissaient nécessaires et qu’elles étaient réalisées dans un souci de justice dès lors que le niveau des prestations sociales était maintenu, voire augmenté, pour les plus faibles.

Mais, depuis l’application du pacte de responsabilité et le projet de loi de finances rectificative pour 2014, la logique a changé. Le Gouvernement s’est engagé dans une politique de l’offre fondée strictement sur la compétitivité, qui s’est traduite par une exonération de cotisations sociales pour les entreprises sans contreparties ni conditions.

C’est encore cette logique qui prévaut dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, avec la baisse des cotisations sur les salaires inférieurs à 3,5 SMIC et une nouvelle baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés à hauteur d’environ 1 milliard, alors que l’ONDAM progressera de 1,75 %, passant d’environ 475 à 478 milliards, soit plus de 3 milliards d’augmentation.

Ces mesures sont à la fois injustes, car elles ne ciblent pas suffisamment les TPE et PME, et inefficaces, puisqu’elles ne produisent aucun résultat sur la réduction du chômage. Elles sont le fruit d’une logique purement comptable.

Qu’il ne soit pas reproché aux écologistes une posture de simple protestation : bien entendu, nous saluons plusieurs des mesures contenues dans ce projet, qu’il s’agisse de la lutte contre l’abus de médicaments par la promotion des génériques, de la lutte contre le gaspillage en général, du développement de l’ambulatoire, de l’action engagée contre la redondance des examens, de l’effort consenti en faveur de l’autonomie des personnes handicapées ou de la volonté de renforcer l’accès à la contraception et l’autonomie des femmes.

Mais à l’amputation des recettes et à la réduction des dépenses de l’assurance maladie, nous préférons un changement de paradigme qui s’attaque aux causes de l’épidémie de maladies chroniques – je veux parler de l’impact des pollutions de l’environnement sur notre santé – et à celles de l’augmentation des dépenses – le poids des lobbies sur notre politique de santé.

Alors même que la loi de santé a introduit le concept d’exposome, nous restons convaincus que les bons choix d’aujourd’hui seront les économies de demain. Faut-il rappeler l’impact sanitaire de nos modes de transport sur la qualité de l’air que nous respirons – 97 milliards par an, selon la commission d’enquête sénatoriale ? Sans parler de la qualité de l’air intérieur, que nous respirons à 80 % de notre temps, et dont l’impact sanitaire a été évalué par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail à 19 milliards par an ! Faut-il rappeler l’impact de nos habitudes alimentaires sur l’augmentation du diabète, de l’obésité ou des maladies cardio-vasculaires ?

Nous regrettons par conséquent que le Gouvernement n’ait pas soutenu nos amendements visant à réorienter notre politique de santé vers la prévention des maladies liées à la pollution, notamment pour limiter l’usage du diesel, du tabac ou de l’huile de palme.

De même, on ne peut que s’interroger sur les relais actifs, au sein de l’Assemblée, de groupes de pression industriels, pharmaceutiques, agroalimentaires, trop longtemps nourris à la mamelle des aides publiques et dictant, pour chaque molécule nouvelle, son prix et son niveau de remboursement.

Nous déplorons donc le rejet de nos propositions visant à prévenir les risques de l’usage abusif du médicament, la multiplication des campagnes de vaccination et les conflits d’intérêts dans nos agences sanitaires, ou à renforcer la transparence des instances de fixation du prix et du taux de remboursement des médicaments.

Nous accueillons en revanche favorablement l’annonce d’une protection universelle et continue par le Président de la République, réforme tenant compte de l’évolution des changements de vie et des ruptures potentielles de couverture. Vous comprendrez donc que les écologistes aient une position nuancée qui se traduira par un partage des votes entre abstention et soutien. Nous voulons rappeler au Gouvernement que nous sommes prêts à le soutenir pour des mesures de long terme, de précaution et de prévention au service de la protection des populations et des générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants558
Nombre de suffrages exprimés531
Majorité absolue266
Pour l’adoption286
contre245

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. David Habib.)

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

4

Projet de loi de finances pour 2016

Seconde partie

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 (n3096).

Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que l’examen en séance des missions de la seconde partie du projet de loi de finances se déroulera en quatre phases : une intervention du Gouvernement pour une durée de cinq minutes ; une intervention des porte-parole des groupes pour cinq minutes chacun ; une séquence de questions-réponses d’une durée de deux minutes par question et par réponse ; enfin, la mise aux voix des crédits des missions et des éventuels articles rattachés.

Défense

M. le président. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense (n3110, annexes 11 et 12, avis n3113, tome IV, avis n3115, tomes II à VII).

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi de finances consacré à la mission « Défense » pour 2016 marque un tournant résultant d’un contexte sécuritaire dégradé et d’un niveau de menace terroriste sur le territoire qui n’a pas eu de précédent depuis très longtemps.

Les attentats de Charlie Hebdo et d’autres actes ou tentatives d’actes terroristes ont frappé ou voulu frapper notre pays. L’installation au Moyen-Orient de groupes puissamment armés et organisés en simili État, la situation chaotique qui règne en Libye, dont profitent ces mêmes groupes, et l’instabilité qui touche l’Europe elle-même à ses frontières nous placent devant une donne stratégique renouvelée. Le Président de la République et le gouvernement français en ont pris la pleine mesure.

C’est le sens du déploiement de l’opération Sentinelle, qui marque un tournant sans précédent dans l’histoire de nos armées. C’est le sens de la décision majeure prise par le chef de l’État, chef des armées, d’augmenter en cours de programmation l’effort que la France consent pour sa défense et de rehausser le niveau de nos effectifs militaires programmés. C’est le sens de ce projet de loi de finances qui transcrit cet effort pour 2016 à travers la mission « Défense ».

Devant la commission de la défense nationale et des forces armées, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’évoquer l’ensemble de ces points. Je voudrais d’abord rappeler les éléments les plus importants de l’actualisation de la loi de programmation militaire – LPM – dont découle très directement ce budget pour 2016.

Je vous rappelle que la LPM actualisée a posé sept orientations principales : premièrement, un nouveau contrat « protection » pour les armées, avec un accroissement de la capacité opérationnelle et de la force opérationnelle terrestre – FOT ; deuxièmement, un allégement global de la déflation des effectifs de la défense ; troisièmement, un budget de la mission « Défense » revu à la hausse et sécurisé, la très grande majorité des ressources exceptionnelles étant transformées en crédits budgétaires ; quatrièmement, un effort supplémentaire de 500 millions au profit de la régénération des matériels pour soutenir l’activité opérationnelle intense en ce moment ; cinquièmement, des acquisitions nouvelles dans des domaines critiques, en particulier s’agissant des hélicoptères, de la capacité de projection aérienne tactique et du renseignement ; sixièmement, un appel renforcé à la réserve et l’adaptation à la nouvelle donne du dispositif permettant d’accroître le nombre de jours d’activité des réservistes ; septièmement enfin, une concertation profondément transformée avec la création des associations professionnelles nationales de militaires.

Ces orientations sont toutes structurantes. Le projet de budget qui vous est présenté pour 2016 est l’application très concrète et la fidèle traduction de tous les engagements que nous avons eu l’occasion d’évoquer lors du débat sur la réactualisation de la LPM.

Je souhaite simplement formuler deux ou trois remarques complémentaires qui s’ajoutent à celles que j’ai faites lors de nos longues discussions antérieures.

Je vous fais observer tout d’abord que ce budget est doublement renforcé. D’abord, parce que 600 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires viennent l’abonder, portant le budget de la défense à près de 32 milliards, toutes ressources confondues, contre 31,4 milliards prévus par la LPM initiale. Ensuite, parce que ces ressources sont sécurisées, l’essentiel des ressources extrabudgétaires ayant été budgétisées conformément aux prévisions de la LPM actualisée.

Mesdames et messieurs les députés, c’est la première loi de finances initiales qui se présente ainsi depuis 2009. Ainsi, la part des recettes issues de cessions n’est plus que de 250 millions d’euros en 2016, ce qui représente moins de 0,8 % des ressources totales de la mission « Défense ». Depuis 2009, aucun budget initial n’avait été aussi sanctuarisé que celui-ci.

S’agissant de la trajectoire des effectifs au cours de 2016, l’essentiel est la remontée de la FOT, structure prioritaire cette année. Elle s’accompagnera de la progression des recrutements dans le domaine du renseignement et de la cyberdéfense. Ainsi, pour la première fois depuis très longtemps, le solde de création net d’emplois en 2016 sera de 2 300, ce qui est très significatif.

J’ajoute qu’en 2016 la préparation opérationnelle et tout ce qui y concourt seront notoirement renforcés – 200 millions de plus par rapport à 2015 pour l’entretien programmé des matériels. Enfin, l’effort réalisé pour le renouvellement de l’équipement de nos forces sera également très significatif puisqu’il portera sur près de 17 milliards contre 16,4 milliards en 2014 et 16,7 milliards en 2015.

J’ai eu l’occasion de décliner à la fois les livraisons et les commandes pour 2016 inscrites dans le projet de budget pour la défense. J’aurai sans doute l’occasion d’y revenir en répondant à vos questions mais je tiens à vous faire observer l’importance de l’effort d’investissement réalisé dans ce projet de budget. J’ajoute que dans le domaine de la recherche et du développement, nous avons tenu à ce que le secteur des études amont soit totalement préservé.

Voilà, mesdames et messieurs les députés, quelques éléments majeurs de ce budget que j’ai déjà eu l’occasion d’exposer à plusieurs reprises. Ils permettront à la défense de relever les défis qui se présentent à elle. Je souhaite que nos armées, plus que jamais mobilisées sur de nombreux fronts, soient soutenues une fois encore par l’ensemble de la représentation parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Pierre Maggi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, chers collègues, dans le contexte budgétaire contraint qui est le nôtre, il faut se féliciter que les crédits de la mission « Défense » pour 2016 soient en hausse de 600 millions, pour atteindre 32 milliards d’euros. Ils permettront la mise en œuvre des priorités définies dans la loi de programmation militaire actualisée au mois de juillet dernier en donnant aux armées les moyens de faire face aux nombreux défis auxquels elles sont confrontées, tant sur notre territoire que sur les théâtres d’opération extérieurs.

Ce sera le cas tout d’abord en termes d’effectifs. En effet, la diminution des effectifs de la mission « Défense », initialement prévue à hauteur de 33 675 postes pour la période 2015-2019, est atténuée depuis l’actualisation pour s’établir à 14 925, ce qui induira pour le ministère la création nette de 2 300 emplois en 2016.

Ces moindres déflations d’effectifs permettront en outre une remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre de 11 000 postes d’ici la fin de l’année 2016 afin d’assurer la permanence de 7 000 hommes sur le territoire national dans le cadre de l’opération Sentinelle. Ces déflations d’effectifs recouvrent également le soutien humain et logistique à cette opération ainsi que le renforcement de la protection des sites du ministère.

Les effectifs contribuant au renseignement et à la cyberdéfense sont aussi significativement renforcés en conséquence de l’actualisation de la LPM puisque, sur la période 2014-2019, les effectifs du renseignement relevant du ministère de la défense bénéficient d’une augmentation de l’ordre de 900 postes, qui s’ajoutent aux 300 initialement prévus par la LPM. Au total, en 2016, près de 190 créations d’emplois sont ainsi prévues au titre du renseignement et de la cyberdéfense, laquelle bénéficiera en outre d’au moins 1 000 civils et militaires d’active supplémentaires sur la même période.

Par ailleurs, dans le cadre du renforcement du contrat « protection », la contribution de la réserve opérationnelle militaire, partie intégrante des forces armées, sera également accrue, la hausse de ses crédits s’élevant à 11 millions en 2016. Cette augmentation du budget est une réponse donnée aux nouveaux défis de la réserve opérationnelle : augmentation des activités dans le cadre de la protection du territoire national, augmentation du recrutement, fidélisation de la ressource et montée en puissance de nouvelles composantes spécialisées telle que la cyberdéfense.

Autre objectif de l’actualisation concrétisé dans le budget pour 2016 : l’adaptation en termes d’équipements, en particulier au profit de la régénération des matériels. En effet, le niveau actuel des engagements, leur nature et les moyens disponibles pour s’y préparer nécessitent de maintenir dans la durée un potentiel technique suffisant des matériels des forces armées.

Les efforts réalisés au profit des équipements ces dernières années seront poursuivis en 2016, l’effort financier au profit des matériels les plus sollicités en opérations étant encore amplifié puisque les crédits dédiés passeront de 16,7 milliards en loi de finances initiale pour 2015 à 17 milliards. Ils permettront notamment le maintien des capacités de projection mobile et de soutien, le renforcement des capacités d’engagement et de combat ainsi que le renouvellement des capacités de protection-sauvegarde.

Par ailleurs, ce budget prolonge l’expérimentation du service militaire volontaire – SMV – en cours depuis le mois de septembre dernier. Encadré par du personnel militaire qui assure la mission de formateur, le SMV accueillera 300 jeunes d’ici le mois de janvier 2016 et jusqu’à 1 000 durant la durée de l’expérimentation.

C’est un dispositif original et innovant qui ambitionne d’accompagner des jeunes « décrocheurs » sur le chemin de la socialisation et de l’emploi en leur offrant une formation globale. D’abord militaire, celle-ci leur apprendra au sein de l’armée de terre le goût de l’effort et du dépassement de soi pendant un mois. Elle pourra être aussi l’occasion pour eux de porter assistance aux populations dans le cadre des missions de sécurité civile.

Citoyenne ensuite, cette formation se fera à travers une remise à niveau scolaire, un apprentissage des valeurs de la République et des règles de vie en collectivité ainsi que la formation au permis de conduire et au secourisme. Enfin, une formation professionnelle pourra également être proposée et, le cas échéant, les volontaires stagiaires pourront effectuer des périodes de mise en situation professionnelle en entreprise.

Ce service militaire volontaire présente donc plusieurs intérêts et devra être généralisé après les deux années d’expérimentation prévues.

Puisqu’elle s’inscrit dans la lignée des choix opérés lors de l’actualisation de la LPM, la mission « Défense » se trouve renforcée pour 2016. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste en votera les crédits car ils donnent à la France les moyens de mettre en œuvre un modèle d’armée ambitieux, apte à répondre au besoin de sécurisation du territoire national et à l’évolution des enjeux internationaux. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Il est prévu, pour 2016, une augmentation du budget de la défense de 3,7 %, ce qui est nettement supérieur à la hausse du budget de l’État. Cette augmentation est trois fois plus forte que celle du budget de l’enseignement scolaire – 1,1 % – tandis que les budgets de la recherche, de la culture, de l’emploi et de l’administration territoriale stagnent ou sont en baisse.

La hausse du budget consacré à la dissuasion nucléaire représente, à elle seule, les deux tiers de l’augmentation totale. Le Gouvernement écrase le pays par une cure d’austérité, mais il s’apprête à dépenser 3,721 milliards d’euros dans la dissuasion nucléaire, soit 10,2 millions par jour. Cette augmentation de 758 millions d’euros représente une hausse de 25 % par rapport à 2015.

Aucun budget de l’État n’augmente autant que celui-ci. Le Gouvernement s’est engagé dans le renouvellement des armes nucléaires : ce choix, qui couvre 37 % du budget d’équipement des forces, pèse très lourdement sur l’équipement conventionnel de nos soldats. Aujourd’hui, face aux nouvelles menaces, l’arme nucléaire, c’est la ligne Maginot de 1940 : elle ne donne que l’illusion de la protection. Il faudrait investir massivement dans l’équipement conventionnel pour garantir une protection accrue de nos soldats. Il est inadmissible qu’ils soient parfois contraints de s’équiper en protection individuelle à leurs frais.

L’article 6 du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires impose de « poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée ». Où sont les initiatives de la France dans ce domaine ? L’abandon de la composante aérienne, je l’ai dit l’an dernier, je l’ai dit plusieurs fois en commission et je le répète aujourd’hui, serait une première étape sur la voie d’un monde sans arme nucléaire. Un rêve, peut-être !

Les effectifs de la mission « Défense » augmenteront, avec 2 300 fonctionnaires supplémentaires. Ce sont 3 081 postes de militaires qui seront créés pour faire face aux besoins grandissants des opérations extérieures et à leurs conséquences sur la sécurité intérieure. Les personnels civils serviront, une fois de plus, de variable d’ajustement. Si le Gouvernement crée 526 emplois dans les catégories A et B, il en supprime 1 307 dans les catégories C et ouvriers d’État. Sur la période 2014-2019, l’objectif de suppression de postes passe certes de 33 675 à 14 925, mais l’objectif de la suppression de postes de travail reste tout de même inacceptable.

Depuis plusieurs années, nos gouvernements ont provoqué un démantèlement progressif d’une part importante de notre industrie de défense : fermeture de la manufacture de Saint-Étienne et des ateliers du Mans, affaiblissement de l’outil industriel et des compétences, ou encore éloignement des centres de décision pour GIAT-Nexter, SAMP, Safran et bien d’autres. On doit particulièrement s’inquiéter de l’emploi à DCNS, qui privilégie des objectifs financiers de court terme sur les besoins de notre défense.

Nous considérons que la défense nationale, troisième poste de dépenses de l’État après l’éducation nationale et le service de la dette, doit contribuer pleinement à la relance de l’industrie française en faisant le choix de fabriquer sur le territoire national les munitions, les fusils d’assaut et les véhicules qui équipent nos armées. Depuis 1717, nos soldats sont équipés d’un fusil français, mais le Gouvernement a fait le choix d’acheter à l’étranger le futur fusil d’assaut qui remplacera l’emblématique FAMAS, et le risque existe que les futurs blindés légers et véhicules tout-terrain soient fournis par Ford ou Volkswagen.

M. Yves Fromion. Volkswagen, vraiment ?

M. Jean-Jacques Candelier. Notre industrie est pourtant capable de fabriquer ces armes et ces véhicules. Il s’agit également d’une question de souveraineté nationale. Jamais l’approvisionnement de nos armées n’a été aussi dépendant de l’extérieur qu’aujourd’hui. Cela est d’autant plus grave que certains de nos fournisseurs bafouent impunément le droit international – à titre d’exemple, l’État d’Israël.

Monsieur le ministre, vous avez déclaré en commission que l’époque de l’économie administrée vous semble dépassée. Je suis en désaccord avec vous, je le dis gentiment (Sourires) car j’estime qu’il faut faire passer les intérêts de la nation et ceux des travailleurs avant ceux de la finance.

S’agissant des opérations extérieures, la France est en première ligne, trop souvent sans mandat de l’ONU. Le surcoût des opérations extérieures – OPEX – prévu pour 2015 a été très largement dépassé, et ce sont, encore et toujours, les autres budgets de l’État qui paient la facture. Le budget prévu en 2016 pour les OPEX n’est pas sincère. Il contient des dépenses illégales au regard du droit international, comme l’intervention en Syrie ou encore la tentaculaire opération Barkhane, jamais débattue ni votée au Parlement, contrairement à ce que prévoit notre Constitution – je sais ce que vous allez me répondre sur ce point.

M. Yves Fromion. Et Poutine en Ukraine, c’est légal ?

M. Jean-Jacques Candelier. En conclusion, nous affirmons notre soutien aux militaires et aux agents du ministère qui subissent les choix de notre gouvernement en matière de défense. Ces choix sont directement liés à notre adhésion à l’OTAN, que nous remettons en cause. C’est une organisation belliqueuse, coupable de crimes de guerre : citons l’exemple récent, dont il a été question tout à l’heure lors des questions au Gouvernement, du bombardement de l’hôpital de Médecins sans frontières en Afghanistan. Un scandale !

La France doit retrouver sa souveraineté et une parole crédible et respectée à travers le monde. Nous voterons contre ce budget.

M. Philippe Meunier et M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Nauche. Le budget que nous examinons aujourd’hui constitue la première annuité de la loi de programmation militaire actualisée. Il est la traduction concrète des priorités affichées dans cette loi, à commencer par le renforcement de la posture de protection nationale. En effet, le déploiement dans la durée sur le territoire national de 7 000 militaires – ce nombre pouvant monter jusqu’à 10 000 pour un mois – et la consolidation de la réserve opérationnelle sont concrètement assurés. De même, un effort soutenu est réalisé en faveur des équipements, à travers l’entretien programmé des matériels, qui permet la régénération des équipements particulièrement sollicités en opération extérieure, ou des opérations d’armement permettant le renforcement de capacités critiques telles que les avions de transport tactique, le renseignement ou les hélicoptères.

Le budget pour 2016 continue, par ailleurs, d’accorder une place majeure à la connaissance et à l’anticipation, en particulier à la cyberdéfense et au renseignement, en amplifiant l’effort engagé en matière d’effectifs, d’acquisition d’équipements spécialisés et de développement des capacités de recueil, de traitement et de diffusion du renseignement. Les moyens alloués à la recherche et au développement témoignent de l’attention portée à la préparation de l’avenir, gage de la préservation de notre base industrielle et technologique, qui participe à la souveraineté et à l’autonomie stratégique de la France.

Ces priorités s’expliquent par un contexte géostratégique qui s’est considérablement dégradé depuis 2013 et le dernier Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. En effet, tandis que la crise ukrainienne bouleverse l’équilibre des forces et des frontières sur le vieux continent, les attentats de janvier 2015 ont montré que la France, comme les autres États européens, est directement exposée à une menace terroriste à l’ampleur inédite, notamment en Afrique et au Moyen-Orient. Plus que jamais, la sécurité de la population sur le territoire national et l’action de la France à l’extérieur de ses frontières sont étroitement imbriquées.

Afin de tirer les conséquences de ces évolutions et du niveau élevé d’engagement de nos forces armées, la loi de programmation militaire pour 2014-2019 a été actualisée en termes d’effectifs et d’équipements en juillet 2015. Ainsi, dans un contexte de réduction des déficits publics, le Président de la République, chef des armées, a fait le choix de porter l’effort consenti par la nation à sa défense à 162,4 milliards d’euros courants sur la période 2015-2019, soit une hausse de 3,8 milliards par rapport à la trajectoire initiale de la loi de programmation militaire, accompagnée du remplacement par des crédits budgétaires de la majeure partie des recettes exceptionnelles. Vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le ministre : c’est une première quant au respect, et surtout à l’amélioration d’une loi de programmation militaire. La déflation des effectifs du ministère de la défense est par ailleurs atténuée de 18 750 postes.

Quelques mots à présent sur chacun des quatre programmes composant ce budget.

Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » représente 1,283 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,285 milliard en crédits de paiement. Il est dédié à l’analyse du contexte stratégique et à l’anticipation de son évolution. Il contient les crédits de deux actions érigées en priorité par le Livre blanc et la LPM, à savoir les services de renseignement et les études amont des grands programmes d’équipement.

Le programme 178 « Préparation et emploi des forces », avec 8,7 milliards en autorisations d’engagement et 7 milliards en crédits de paiement, contient les crédits nécessaires à l’activité des forces et à l’entretien des matériels des armées. En 2015, dans la continuité de 2014, nos forces ont connu un fort engagement opérationnel, avec les opérations Sentinelle, Sangaris, Chammal et Barkhane. Un nouvel effort financier est donc réalisé au profit de l’entretien programmé des matériels, qui augmente de près de 7 % pour dépasser 3,4 milliards d’euros, accompagnant la montée en puissance des nouveaux équipements et la régénération des parcs plus anciens, fortement sollicités sur les théâtres extérieurs.

Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », avec 21 milliards en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, regroupe les fonctions de direction et de soutien mutualisées au profit du ministère de la défense. Le plafond d’emplois pour 2016 est fixé à 271 510 équivalents temps plein, dans la mesure où la révision de la LPM n’implique pas, pour 2016, de restructuration territoriale majeure, mais la poursuite des actions initiées au titre des restructurations décidées précédemment.

Le programme 146 « Équipement des forces », enfin, regroupe une large part des investissements de l’État à travers les programmes et opérations d’armement permettant d’acquérir ou de maintenir les capacités prévues par la politique de défense. Ce programme, structuré à partir des systèmes de force répondant à des besoins opérationnels dans une logique totalement interarmées, est abondé de 13 milliards en autorisations d’engagement et de 9,9 milliards en crédits de paiement. L’année 2016 contribuera ainsi à la consolidation des capacités militaires d’intervention.

Je voudrais, pour conclure, rendre hommage à la capacité d’adaptation et à la disponibilité de nos personnels, malgré les difficultés matérielles, ainsi qu’à l’engagement de nos soldats, qui interviennent au péril de leur vie. Ils méritent notre respect et notre mobilisation. Chacun peut constater, monsieur le ministre, que ce budget respecte les engagements pris, pourvoit aux besoins et prépare l’avenir. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, républicain et citoyen le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Meunier. Le vote du budget de la défense est un moment important non seulement pour nos armées, mais aussi pour notre communauté nationale, car il s’agit, avant toute autre considération, de protéger nos compatriotes des agressions extérieures.

Faute d’avoir su anticiper et préparer nos armées, vous essayez vainement, avec ce budget pour 2016, et après une loi de programmation pour 2014-2019 calamiteuse, de compenser vos carences et les erreurs d’analyse de François Hollande et de son ministre des affaires étrangères. Fin 2013, lors des débats parlementaires concernant cette loi de programmation militaire, nous vous avons alerté solennellement sur la nécessité de préparer notre outil de défense pour faire face aux nouvelles menaces, notamment terroristes. Au Mali, en Centrafrique, en Irak et en Syrie, nos armées payent aujourd’hui les erreurs et les fautes de la politique étrangère du gouvernement auquel vous appartenez.

Votre majorité s’est lourdement trompée en 2012 sur le niveau des effectifs de nos armées et le budget qui étaient nécessaires pour accomplir les missions qui leur sont demandées.

M. Jean-David Ciot. En 2012, nous avions ce que vous nous aviez laissé !

M. Philippe Meunier. Votre gouvernement a préféré financer la suppression du jour de carence pour la fonction publique, qui coûte 500 millions d’euros par an à nos finances publiques, alors que, dans le même temps, nos militaires n’ont pas assez de crédits pour s’entraîner au niveau des normes OTAN. Et dois-je vous rappeler que le Gouvernement préfère augmenter le budget de l’aide médicale d’État pour soigner gratuitement les étrangers en situation irrégulière alors que nos propres soldats sont trop souvent logés dans des conditions qui ne sont pas acceptables ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cela n’a aucun rapport !

M. Philippe Meunier. Enfin, monsieur le ministre dois-je une fois encore vous rappeler que le Gouvernement a décidé de recruter 60 000 fonctionnaires supplémentaires pour le compte du ministère de l’éducation nationale, alors que dans le même temps vous exigez de nos armées la suppression de nombreux postes sur l’ensemble de cette LPM ?

M. Philippe Nauche. Et la RGPP, c’était quoi ?

M. Philippe Meunier. Avec ce budget pour 2016, conséquence de la poursuite de l’opération Sentinelle, vous tentez d’éviter la déstructuration complète de nos armées en réduisant votre déflation, mais la vérité nous oblige à vous dire qu’à l’issue de votre LPM, nos armées auront moins d’effectifs qu’en 2012.

L’armée de terre, l’armée de l’air et la marine, à qui vous demandez un effort considérable, sont au bord de la rupture, compte tenu de leurs multiples engagements opérationnels. L’engagement massif de nos troupes entraîne une usure accélérée des matériels, notamment ceux de notre armée de terre. Le capital en matériel est entamé et l’entretien programmé du matériel ne réglera pas la question de son ancienneté.

M. Bernard Deflesselles. C’est juste !

M. Philippe Meunier. L’armée de l’air engage un nombre d’avions de combat supérieur à son contrat opérationnel. Le retard pris dans le remplacement des Alpha Jet décale le projet Cognac 2016. Cela aura des conséquences sur le coût de la formation des pilotes, et donc un impact négatif sur les capacités opérationnelles de nos forces.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Non !

M. Philippe Meunier. La marine subira, quant à elle, un retard des livraisons de frégates multi-missions – FREMM – à la suite de la vente de la frégate Normandie à l’Égypte, et il faudra attendre 2019 pour récupérer les capacités opérationnelles perdues. La refonte à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle, opération majeure, débutera en 2017 et non plus fin 2016, ce qui permettra, comme par hasard, d’en reporter la charge financière sur la prochaine majorité.

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Nous assumerons !

M. Philippe Meunier. Les forces sous-marines subiront également un décalage dans la livraison de leur premier sous-marin Barracuda, contrairement à ce que vous nous aviez annoncé.

En fait, monsieur le ministre, avec ce budget pour 2016, vous mettez, une fois encore, un peu plus de poussière sous le tapis, en attendant l’arrivée d’une nouvelle majorité en 2017 qui aura à payer la facture.

La preuve par les chiffres – vos chiffres monsieur le ministre ! En 2015, le budget reste inchangé, alors que l’opération Sentinelle est déjà lancée. En 2016, vous prévoyez une augmentation de 600 millions d’euros seulement, ce qui permettra simplement d’éviter la rupture. Cette hausse est sans commune mesure avec les efforts demandés à nos armées. Et, d’après votre LPM actualisée, il faudra attendre 2018 pour voir le budget augmenter de 1 milliard, puis 2019 pour une nouvelle hausse de 1,5 milliard.

Tout le monde a bien compris que vous laisserez l’addition à vos successeurs. Vous auriez dû, monsieur le ministre, faire strictement l’inverse, car c’est maintenant que notre industrie et notre armée ont besoin de ces sommes.

À ce sujet, vous surfez sur la vente des Rafale et des FREMM, oubliant de dire que vous n’êtes en rien à l’origine de ces programmes, fleurons de notre industrie. La France retiendra en revanche que, pour la première fois de notre histoire, vous avez fait le choix d’acheter à l’étranger le remplaçant du FAMAS. La France retiendra également que vous avez préféré acheter en urgence des 4x4 à l’étranger, alors que vous auriez dû anticiper le remplacement du véhicule P4. La France retiendra aussi que vous avez fait le choix, dans le cadre de la loi Macron, de placer Nexter, un des fleurons de notre filière de l’armement terrestre, entre les mains de l’industrie allemande.

M. Nicolas Dhuicq. Oui !

M. Philippe Meunier. A ce sujet, monsieur le ministre pouvez-vous éclairer l’Assemblée nationale sur votre volonté de brader le savoir-faire de la société française SAMP a une filiale italienne de la société allemande Rheinmetall ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Nous aurons l’occasion de reparler de tous ces sujets car nous sommes un certain nombre, de droite comme de gauche, à refuser votre politique d’abandon et de démantèlement de notre industrie de l’armement terrestre. Votre LPM initiale est un échec. L’actualisation que vous avez fait voter par vos députés socialistes n’est qu’un rideau de fumée et ce budget 2016 n’est pas à la hauteur des engagements de nos soldats.

À la fin de 2017, François Hollande et vous laisserez nos armées dans un triste état, bien loin du discours d’autosatisfaction que vous entretenez avec la complicité de certains. Il est vrai qu’aujourd’hui vous avez déjà la tête ailleurs, dans votre campagne des régionales, alors que la France a besoin d’un ministre de la défense à plein-temps. Si le devoir d’un soldat est de mener à bien sa mission, la responsabilité qui incombe à tout gouvernement digne de ce nom est de lui octroyer les moyens nécessaires à sa mise en œuvre.

Force est de constater que votre budget 2016 n’est pas à la hauteur de l’engagement que vous exigez de nos forces armées. Le groupe Les Républicains votera donc contre votre projet de loi de finances pour 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Nos soldats sont sur tous les fronts. Les OPEX engagent la France au Mali, en Centrafrique, ainsi qu’en Irak. Depuis le 27 septembre 2015, notre pays opère également des frappes en Syrie afin de lutter contre Daech.

Les événements de janvier dernier ont été le déclencheur de l’opération Sentinelle, en vue d’assurer la protection de nos concitoyens sur le territoire national. À travers cette mobilisation de 10 000 hommes, ramenés à 7 000, l’armée a montré qu’elle était la seule institution de la République capable de mobiliser autant de moyens en si peu de temps et avec une telle efficacité. Avec un niveau de risque toujours aussi élevé, ne doit-on pas pérenniser cette surveillance en créant une force dédiée à la protection des lieux sensibles sans amputer nos forces armées ?

Toujours est-il que l’engagement de nos troupes est avant tout celui de la France pour la défense de la démocratie et de la liberté, dans la lutte contre le fondamentalisme. Mon collègue Philippe Folliot, l’ensemble des députés du groupe UDI et moi-même avons soutenu ces opérations dès leur lancement, dans un esprit de responsabilité et d’union nationale. Nous saluons le professionnalisme, le courage, la détermination et la volonté de nos soldats. Que ce soit sur le territoire national ou en opérations extérieures, ils nous démontrent qu’ils assument une mission essentielle, dans un contexte particulièrement difficile.

Onze soldats ont été tués en 2013 et 2014 : honorons leur mémoire. Ils sont tombés au champ d’honneur, ils font la fierté de la France. Plusieurs autres ont été blessés. Afin que la France puisse continuer de lutter pour la défense de la liberté et contre le terrorisme, il est absolument essentiel que la défense se voie allouer des crédits suffisants.

Depuis le début du quinquennat nous avons dénoncé les coupes budgétaires et les baisses d’effectifs drastiques qui ont touché la défense. Nous avions ainsi voté contre les budgets pour 2013, 2014 et 2015, mais aussi contre la LPM 2014-2019.

Ces textes prévoyaient en effet 23 500 suppressions de postes, s’ajoutant aux 54 000 postes supprimés dans la précédente LPM. Aucun autre ministère n’a autant contribué à la nécessaire résorption des déficits publics : la contribution de la défense est bien supérieure à ce qu’aurait voulu la simple proportionnalité. Nous avions souligné combien il nous paraissait difficile de consentir des efforts supplémentaires. En outre, de fortes incertitudes pesaient sur les crédits : les recettes exceptionnelles étaient particulièrement élevées, à hauteur de 6,1 milliards d’euros, alors même qu’il était évident qu’elles ne pouvaient pas être réalisées.

La permanence de la menace terroriste a ainsi conduit le Gouvernement à actualiser la LPM afin de renforcer les moyens de nos armées. Nous avons soutenu cette actualisation, qui a permis, sans pour autant les faire disparaître, de réduire un certain nombre d’aléas qui pesaient sur la réalisation de la LPM. C’est un progrès et, fidèles à l’attitude constructive qui a toujours été la nôtre, nous tenons à saluer, monsieur le ministre, votre effort dans un contexte que chacun sait contraint.

Malgré cela, tous s’accordent aujourd’hui pour souligner que la France a atteint sa capacité maximale, tant en opérations extérieures qu’en opérations intérieures. Le général de Villiers a ainsi souligné que l’emploi de ce volume de troupes déséquilibre les armées, particulièrement l’armée de terre. La préparation opérationnelle a été réduite, des engagements internationaux annulés et des relèves modifiées. En outre, des soldats ont vu des permissions réduites, voire supprimées.

Il reste un point essentiel : celui de notre industrie de la défense. Un pays n’est jamais aussi fort que lorsqu’il possède l’outil apte à fournir le matériel nécessaire à ses forces. Ce n’est plus le cas des munitions de petit calibre, dont les ministres de la défense successifs se sont tous accordés à dire que l’achat à l’étranger était plus rentable – sauf que, d’après le retour que j’ai du terrain, près d’un tiers de ces munitions sont de très mauvaise qualité, voir dangereuses pour ceux qui les utilisent.

La France a toujours une industrie capable de relancer la production, telle Manurhin, industrie implantée dans ma circonscription. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.) Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il est temps de prendre le contre-pied de décisions anciennes qui n’ont pas prouvé leur efficacité ? Et je n’évoquerai pas la question du FAMAS, Philippe Meunier en a parlé.

Toutefois, il est aujourd’hui nécessaire de nous adapter à un monde toujours plus instable et dangereux, où existent de nombreux risques asymétriques. Les moyens que propose le présent texte sont tout juste suffisants. Ils ne sont pas à la hauteur de nos ambitions ni de nos enjeux. C’est pourquoi, malgré des avancées indéniables que le groupe UDI salue, nous nous abstiendrons sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean-David Ciot. Bonne intervention.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Cela fait quatre années que j’interviens au nom de mon groupe sur le budget de la défense. Depuis quatre ans, je souligne la difficulté de respecter nos engagements opérationnels en entretenant le mythe, encore présent dans le Livre blanc, d’une puissance globale qui protège, qui dissuade et qui intervient. Depuis quatre années, j’alerte sur le risque d’éviction au sein du budget de la défense, au profit de la dissuasion nucléaire et au détriment de nos forces conventionnelles.

Ce budget 2016 n’échappe pas totalement à cette critique. Certes, conformément aux orientations fixées dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire, la mission budgétaire que nous examinons est en légère hausse. Elle consacre notamment une augmentation des crédits de 600 millions d’euros et une pause dans la déflation des effectifs. Mais cette parenthèse, que le Président de la République lui-même a qualifiée d’« exceptionnelle », ne permettra pas de garantir durablement les moyens matériels conventionnels dont les soldats français ont besoin pour remplir l’ensemble de leurs missions.

Pour notre groupe, les solutions structurelles ne sont d’ailleurs pas à aller chercher à l’extérieur du budget de la défense, dans la mesure où le bouclage du budget de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales demeure très contraint et où les Français ne veulent pas d’impôts supplémentaires – on les comprend ! – après tant d’années de hausse de la fiscalité. C’est au sein même de ce budget que nous devons opérer des choix pour pérenniser les deux missions fondamentales à nos yeux que sont la protection du territoire national et la participation à des interventions internationales en cohérence avec notre diplomatie.

En la matière, le réajustement de notre arsenal nucléaire demeure à nos yeux la piste la plus crédible et la plus urgente à exploiter. En 2016, la dissuasion nucléaire coûtera encore près de 4 milliards d’euros au budget de la France, près d’un tiers des crédits alloués à l’équipement des armées. Dans les années qui viennent, cette enveloppe augmentera mécaniquement sous l’effet de la rénovation de la composante océanique et du financement du programme de simulation.

Les autorisations d’engagements détaillées dans le bleu budgétaire confirment d’ailleurs très nettement cette tendance. Pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces », les crédits de paiement sont de 423 millions d’euros alors que les autorisations d’engagement sont d’1,73 milliard. Il en est de même pour le programme 146 « Équipement des forces » : les crédits de paiement sont de 2,9 milliards alors que les autorisations d’engagement s’élèvent à 3,720 milliards. Bref, contrairement à une idée entretenue, la part de la dissuasion nucléaire dans le budget de la défense ne baisse pas. Elle est même en hausse et la tendance risque de s’aggraver dans les années qui viennent.

En parallèle, les forces conventionnelles sont de plus en plus mises à l’épreuve et risquent de subir un déclassement capacitaire. Je prendrai un exemple précis : au printemps dernier, à la faveur de l’opération Sentinelle – je profite de l’occasion pour rappeler que la nouvelle doctrine stratégique que cette opération mériterait, monsieur le ministre, de faire l’objet d’un débat dans cet hémicycle – une extension de la force opérationnelle terrestre de 66 000 à 77 000 hommes a été décidée. Toutefois, les moyens en infrastructures et capacitaires exigés par cette décision n’ont pas suivi. À ce jour, pour la période 2016-2019, il manquerait 100 millions pour financer l’hébergement, 130 millions pour financer le petit équipement, 150 millions pour remonter le parc des unités et 30 millions pour l’habillement et le fonctionnement.

Ce constat est tout à fait révélateur du paradoxe que j’ai dénoncé précédemment : d’une part, nous continuons à dépenser des sommes considérables dans des programmes de dissuasion nucléaire qui ne correspondent plus à notre grille stratégique, alors que d’autre part, nous faisons l’impasse sur des capacités peu coûteuses mais indispensables pour les soldats français en opération.

En dehors de ce désaccord majeur, qui n’est pas nouveau, et qui ne doit pas nous exonérer d’une analyse objective du reste de la mission, il faut reconnaître que ce budget comporte des éléments tout à fait encourageants. C’est notamment le cas du domaine des ressources humaines, dans lequel on constate une baisse tendancielle du nombre d’officiers par rapport au nombre de militaires du rang. Ces éléments laissent présager un retour à la maîtrise de la masse salariale et un assainissement de notre modèle de ressources humaines qu’il faut saluer. Enfin, je veux souligner les décisions qui ont été prises pour favoriser l’activité opérationnelle : je pense notamment à la montée en puissance des parcs de nouvelle génération qui constituent une demande ancienne des soldats français.

À la lumière de ces éléments – un désaccord de fond sur la dissuasion nucléaire et des améliorations non négligeables dans l’équipement et le reformatage des armées – je m’abstiendrai sur ce budget.

M. le président. Nous en arrivons aux questions.

La parole est à M. Jean-Pierre Maggi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jean-Pierre Maggi. Ma question porte sur les crédits d’infrastructure.

Pour conserver les infrastructures en plein état de fonctionnement, le ministère les entretient et les modernise en permanence, notamment pour s’adapter aux nouveaux équipements. Dans cette perspective, les crédits ont été abondés de 83 millions d’euros sur la période 2016-2019, dont 22 millions dès 2016 et 16 millions en 2017. Or, à la lecture du rapport budgétaire, l’estimation des besoins serait plus proche des 300 millions, puisque sont notamment évoqués les investissements nécessaires pour le réaménagement du camp du Larzac en vue de l’arrivée prochaine des troupes rapatriées des émirats, qui nécessiterait quelque 115 millions, ainsi que les réaménagements nécessaires des régiments concernés par le redimensionnement de la force opérationnelle terrestre, qui passera de 66 000 à 77 000 hommes.

Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, comment l’ensemble de ces besoins seront pris en compte dans la programmation financière ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le député, vous mettez l’accent sur la question importante des infrastructures. Je tiens à vous rappeler que dans le budget 2016, plus d’1 milliard d’euros seront consacrés à l’ensemble des sujets que vous abordez : 70 % de cette somme seront consacrés aux investissements accompagnant les équipements, notamment les nouveaux programmes en cours de déploiement – je pense au sous-marin nucléaire d’attaque, au MRTT et à l’A400M – et 30 % à l’entretien des infrastructures existantes.

Nous élaborons sur la durée les opérations qui doivent être menées.

Je tiens à répondre plus précisément à certaines de vos questions.

Dans le cadre de l’opération Sentinelle, 15 millions d’euros seront consacrés en 2016 aux infrastructures nécessaires, tandis que 55 millions d’euros seront réservés à la montée en puissance de la flotte. Ce sont les deux urgences que vous avez indiquées. Il est prévu de maintenir cet effort en 2017, à peu près dans les mêmes conditions.

Vous m’avez interrogé sur le Larzac : comme vous l’avez indiqué, une enveloppe d’environ 115 millions d’euros est prévue. Cette somme correspond aux investissements qui seront conduits entre 2016 et 2020.

En matière d’infrastructures, nous avons choisi de concentrer nos efforts sur les programmes qui permettent à nos forces de réaliser leurs contrats opérationnels dans les conditions les plus adéquates. En ce sens, il me semble que j’ai pu répondre à vos préoccupations.

M. le président. Nous poursuivons avec les questions du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Le Gouvernement s’engage en faveur de notre défense. Cela se vérifie dans les faits, puisque le budget consacré à la défense dans ce projet de loi de finances est augmenté de 600 millions d’euros afin de répondre aux besoins de nos armées.

M. Philippe Meunier. C’est insuffisant !

M. Joaquim Pueyo. Dans une période de forte contrainte budgétaire, c’est un message fort envoyé aux hommes et aux femmes de la défense, mais également à nos concitoyens.

Notre pays est engagé militairement au Sahel, avec l’opération Barkhane qui a pris la suite de l’intervention française au Mali, mais également, depuis un an, en Irak et maintenant en Syrie pour combattre Daech.

Dans le cadre de ces deux opérations, les moyens aériens de notre armée sont particulièrement sollicités. Pour l’opération Chammal, qui lutte contre les terroristes en Syrie et en Irak, nos moyens sont notamment déployés depuis la base aérienne d’Abou Dabi aux Émirats arabes unis. En tant que président du groupe d’amitié France-Émirats arabes unis, j’ai pu me rendre à Abou Dabi il y a quelques semaines et je tiens à saluer les convergences de vues ainsi que la très forte coopération entre nos deux pays, particulièrement dans la lutte contre l’extrémisme violent.

Compte tenu des nombreuses missions menées, ces OPEX entraînent une très forte utilisation des matériels aériens, ce qui peut accélérer leur usure. Cette sollicitation accrue des matériels a lieu dans des conditions climatiques particulières, du fait de la spécificité des théâtres d’opérations : les conditions désertiques au Sahel et au Moyen-Orient ont une incidence directe, eu égard aux températures élevées, de même que la nature du terrain, puisque l’on connaît l’impact du sable sur les matériels.

Un effort significatif est donc réalisé concernant l’entretien des matériels soumis à rude épreuve du fait des engagements de la France à l’étranger. Le maintien en condition opérationnelle est donc primordial pour permettre à nos militaires de mener à bien les missions qui leur sont confiées.

Mais il faut également disposer d’un nombre suffisant d’appareils, non seulement parce que ceux qui arrivent en fin de vie doivent être remplacés, mais également parce que le grand nombre de nos engagements ne doit pas nous conduire à négliger certains aspects de notre sécurité.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous donner quelques éléments supplémentaires concernant les moyens aériens. Sont-ils actuellement suffisants ? Je pense bien évidemment à ceux dont dispose la base aérienne d’Abou Dabi. Pouvez-vous également nous indiquer quels sont les différents équipements qui viendront compléter ou remplacer les appareils actuellement engagés dans les OPEX ? J’ai bien noté que le PLF pour 2016 prévoit une augmentation de 7 % du budget consacré à l’entretien des matériels, passant de 3,22 milliards à 3,44 milliards d’euros, ce qui est tout de même un geste très significatif dans le cadre de ce budget pour 2016.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. À l’heure actuelle, monsieur Pueyo, nous n’envisageons pas d’augmenter la capacité aérienne de la base d’Abou Dabi. La question majeure que vous posez est celle de l’entretien, du taux de disponibilité et de l’usure des matériels, en raison des conditions climatiques exceptionnelles, que ce soit à Abou Dabi ou ailleurs, notamment dans le cadre des opérations Barkhane et Sangaris.

Je l’ai déjà indiqué à plusieurs reprises, mais votre question m’incite à le répéter : ce souci nous a amenés, dans le cadre de l’actualisation de la loi de programmation militaire, à augmenter de 200 millions d’euros les crédits consacrés à l’entretien des matériels par rapport à l’exercice 2015. M. Nauche le rappelait tout à l’heure : il s’agit d’une hausse de près de 7 % en valeur, qui nous permettra d’améliorer significativement l’entretien programmé des matériels, qui est l’une de mes priorités depuis 2012.

Quand je suis arrivé aux responsabilités, monsieur Meunier, chacun reconnaissait que l’entretien programmé des matériels et le maintien en condition opérationnelle étaient la variable d’ajustement du budget de la défense. Or j’ai souhaité augmenter les crédits correspondants de 4,3 % par an, et même de 7 % aujourd’hui, ce qui est un geste important qui permettra de régler une partie des difficultés que vous pouvez constater et que je constate moi-même lorsque je me rends sur les théâtres d’opérations.

Au-delà de l’entretien des matériels existants, l’actualisation de la loi de programmation militaire permet l’acquisition, directement liée aux conséquences des opérations extérieures, de six hélicoptères NH90 et sept Tigre supplémentaires. En matière de transport aérien, il était également nécessaire d’acquérir des C-130 afin de renforcer la capacité de transport logistique et de disposer d’une capacité de ravitaillement en vol des hélicoptères – il s’agit d’un point très important, sur lequel j’ai récemment constaté quelques lacunes.

Des contraintes nouvelles sont apparues, et nous avons constaté la nécessité d’élaborer une stratégie d’entretien et d’acquisition de nouveaux hélicoptères : c’est pourquoi nous avons décidé, en accord avec le chef d’état-major des armées, de mettre en place un plan spécifique pour les hélicoptères. La décision d’acquérir six NH90 et sept Tigre supplémentaires est la première conséquence de ce plan, mais d’autres inflexions seront également données en matière de politique d’accompagnement et d’entretien des hélicoptères, qui est un sujet très préoccupant.

M. le président. La parole est à M. Laurent Kalinowski.

M. Laurent Kalinowski. Monsieur le ministre, le 5 février dernier, le Président de la République annonçait l’expérimentation pendant vingt-quatre mois d’un service militaire volontaire, le SMV. Mis en place par les articles 22 et 23 de la loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019, le SMV permet aux jeunes de 17 à 26 ans, en décrochage scolaire ou éloignés de l’emploi, de bénéficier d’une formation globale de six à douze mois.

Le SMV propose une formation à la vie en collectivité dans un cadre militaire, pour que ces jeunes puissent se réapproprier les règles simples du « vivre ensemble », bénéficier d’une formation civique et citoyenne et d’une éducation au savoir-être. En outre, il offre une remise à niveau scolaire pour consolider les connaissances élémentaires permettant l’accès à l’emploi, mais aussi à une formation professionnelle certifiée, associant l’acquisition de savoir-faire à une expérience professionnelle reconnue, avec des périodes de stages en entreprises et l’obtention du permis de conduire.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, le dispositif annoncé par le Président de la République en début d’année est opérationnel. Le premier centre de service militaire volontaire a ouvert ses portes le 15 octobre à Montigny-lès-Metz, dans mon département de la Moselle, et connaît un franc succès au vu du nombre de candidatures déposées.

L’ancrage territorial du SMV est un des éléments essentiels de sa conception. Auditionné par les députés de la commission de la défense, le Général Bertrand Clément-Bollé expliquait que des synergies avec des outils d’insertion déjà existants sur les territoires seraient mises en œuvre – ce pourrait être le cas, par exemple, avec des écoles de la deuxième chance.

Alors que nous discutons aujourd’hui du projet de loi de finances pour 2016, qui prévoit les moyens permettant la mise en œuvre de ce nouveau dispositif, pourriez-vous, monsieur le ministre, développer le champ de ces partenariats et nous présenter un point d’étape quant à l’avancée de la mise en place du SMV ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le député, vous avez rappelé opportunément que le projet de loi de finances pour 2016 intégrait la mise en œuvre du service militaire volontaire. Cette décision du Président de la République, sur ma proposition, est une forme de transposition du service militaire adapté – SMA –, qui a fait ses preuves outre-mer. Vous avez peut-être eu l’occasion de rencontrer les acteurs des différents pôles de SMA outre-mer.

La loi actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 permet la mise en œuvre du SMV en métropole, à titre expérimental. Elle maintient évidemment le statut militaire des jeunes accueillis et conserve l’esprit du SMA, qu’elle tente d’adapter en métropole.

L’ouverture du premier centre de SMV à Montigny-lès-Metz, auquel vous avez fait allusion, nous permet aujourd’hui de constater une mise en œuvre très positive de cette initiative. À Montigny-lès-Metz, les deux tiers des volontaires viennent du département de la Moselle, et 86 % des jeunes ont été envoyés par les missions locales pour l’emploi. Ainsi, on observe une bonne synergie entre l’ensemble des acteurs,…

M. Victorin Lurel. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …que ce soient les entreprises, les missions locales pour l’emploi ou les collectivités, qui font en sorte que le SMV soit une réussite.

Le dispositif sera complété très prochainement par l’ouverture du centre de Brétigny-sur-Orge, puis de celui de La Rochelle, qui accueillera ses premiers volontaires au début de l’année 2016. Le centre de Châlons-en-Champagne, actuellement en gestation, pourrait s’intégrer dans le processus que nous avons initié.

Ce dernier devra faire l’objet d’un examen, compte tenu de son caractère expérimental. Un rapport sera présenté au Parlement, au plus tard à la fin de l’année 2016 : nous déterminerons ensuite comment nous progresserons. Le ministère de la défense n’a pas vocation à poursuivre cette initiative à partir de son seul budget, mais il devrait conserver la tutelle du SMV pour garantir le caractère militaire de ce dernier.

M. Victorin Lurel. Cela fonctionne bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. L’initiative donne de bons résultats, comme vous avez pu le constater vous-mêmes.

M. le président. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. La réalité, monsieur le ministre, c’est que notre armée de terre risque de souffrir au Mali du même syndrome que celui qui a touché l’armée de terre de Sa Majesté, à savoir la disparition pure et simple de ses matériels. Ainsi, nous avons appris qu’un véhicule de l’avant blindé – VAB – doit parcourir 50 000 kilomètres par an et être révisé au bout de deux ans pendant une période de dix-sept à dix-huit mois.

La réalité, monsieur le ministre, c’est que, si nous vendons des Rafale à l’Inde – ce que nous souhaitons tous pour notre armée de l’air –, nous risquons que soient remises en cause, faute de pilotes et de mécaniciens, la montée en puissance du troisième escadron des Forces aériennes stratégiques, et même les opérations tactiques de l’armée de l’air. Dans certaines opérations, en effet, vous avez envoyé des Mirage 2000 faute d’équipage pour les Rafale.

La réalité, monsieur le ministre, c’est que notre flotte risque un trou capacitaire majeur en matière de bateaux de surveillance. La coque de certains bateaux devient de plus en plus fine et ne tient que grâce à l’excellence des marins français.

La réalité, monsieur le ministre, c’est que, tant que le gouvernement de la France ne sera pas capable de changer de politique, de mettre un terme à ces emplois assistés qui mènent la jeunesse au désespoir, tant que le gouvernement de la France ne sera pas capable de comprendre qu’il est totalement inefficace, en termes macroéconomiques, de surtaxer et de pousser à l’exode ceux qui créent des richesses, tant que le gouvernement de la France ne sera pas capable de consacrer 2 % du produit intérieur brut aux dépenses militaires, nous ne pourrons pas maintenir la cohérence de notre modèle qui associe indéfectiblement dissuasion nucléaire et dissuasion conventionnelle.

Monsieur le ministre, ma question porte sur la flotte. Je redoute une perte de compétences et un trou capacitaire en matière de systèmes antiaériens à l’horizon 2020, au moment où tous les pays du monde se dotent de missiles de croisière tirés à partir des côtes. Je m’inquiète également, monsieur le ministre, de la taille des nouvelles frégates. Aujourd’hui, nul ne sait quels armements seront à bord de nos bateaux dans trente ans. S’ils font appel à des énergies électriques nécessitant un grand nombre de batteries, il sera de plus en plus difficile de moderniser ces bateaux avec des petites coques. Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette inquiétude majeure quant à notre capacité de défendre le groupe aéronaval ou toute opération maritime contre des missiles ?

M. Philippe Meunier et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis circonspect face à la multiplicité des questions posées en rafale, si je puis dire, par M. Dhuicq. (Sourires.)

À propos de Rafale, monsieur Meunier, s’il est si facile de vendre ces avions, pourquoi ne l’avez-vous pas fait avant que je n’arrive ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Meunier. Arrêtez de vous lancer sans cesse des fleurs !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. C’est trop simple de lancer à la tribune des proclamations aussi sommaires !

Si j’ai bien compris, monsieur Dhuicq, la grande question que vous me posez porte sur la frégate de taille intermédiaire – FTI.

M. Nicolas Dhuicq. Non, sur le trou capacitaire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai pris la décision de lancer des études qui commencent maintenant. Je ne vais pas vous donner leurs conclusions avant qu’elles ne soient réalisées !

La marine nationale a estimé que la future frégate de taille intermédiaire était la bonne réponse à un besoin qu’il fallait couvrir avant la fin de l’application de la loi de programmation militaire. Si j’ai décidé d’accélérer le processus de deux ans, c’est précisément pour répondre à cette préoccupation capacitaire.

La réalisation des études est inscrite dans le budget pour 2016 : elles vont donc commencer maintenant. Lorsqu’elles auront abouti à des conclusions, nous pourrons étudier devant la commission de la défense les avantages et les inconvénients de la FTI. Il fallait prendre cette décision.

J’ai toujours été, monsieur Dhuicq, en situation de prendre les décisions qu’il fallait prendre. Certains d’entre vous le reconnaissent.

Je me souviens, monsieur Fromion, qu’il y a peu, vous insistiez sur les Airbus MRTT : j’ai pris les décisions nécessaires. J’ai également pris les décisions concernant les drones. Bref, j’ai pris de nombreuses décisions sur des questions latentes qui n’avaient pas fait jusqu’alors l’objet de prises de position très fermes. Je pense donc avoir pris mes responsabilités, et je remercie ceux qui parmi vous le reconnaissent.

S’agissant de l’effort budgétaire – je rappelle au passage que j’ai siégé à la commission de la défense presque sans discontinuer depuis 1978 –, je n’ai jamais connu une loi de programmation dont les disponibilités budgétaires aient augmenté en cours de route. Jamais !

M. Jean-Luc Laurent. Tout à fait.

M. Philippe Meunier. Oh !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Jamais, depuis 1978, monsieur le député, alors qu’il y a pourtant eu des situations conflictuelles.

Dans la loi de programmation militaire précédente, le montant des engagements budgétaires s’élevait à 31,4 milliards d’euros. C’est le montant que j’ai trouvé en arrivant au ministère, et je l’ai maintenu. On nous dit aujourd’hui qu’il faudrait l’augmenter, mais il aurait fallu bien davantage à l’époque également. En tout cas, ce n’est pas moi qui ai supprimé 54 000 postes dans les armées…

M. Nicolas Dhuicq. Parlez-nous de l’avenir, pas du passé !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …alors même, monsieur Meunier, monsieur Dhuicq, que la situation était celle que l’on sait en Afghanistan, en Libye et en Côte d’Ivoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Je tenais à vous rappeler les faits. Il n’est pas dans mes habitudes de polémiquer s’agissant du budget de la défense. Et je crois ne l’avoir jamais fait. Mais l’attitude de M. Meunier tout à l’heure m’y incite fortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Nicolas Dhuicq. Nous sommes en 2015, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Une nouvelle fois sous le quinquennat de M. Hollande, vous nous proposez un budget de la défense en trompe-l’œil qui vise à masquer l’affaiblissement inexorable de nos forces armées.

M. Jean Lassalle. En effet !

M. Charles de La Verpillière. Dans votre discours de présentation, vous avez insisté sur l’augmentation de 600 millions d’euros du projet de budget 2016 par rapport au budget 2015. C’est vrai, puisque l’on passe de 31,4 milliards d’euros à 32 milliards d’euros. Mais vous avez oublié de rappeler que le budget était bloqué à 31,4 milliards depuis 2013, soit trois exercices budgétaires.

Vous avez oublié aussi de préciser que sur cette période, l’inflation, certes faible –1 % par an – a amputé le pouvoir d’achat des armées d’environ 1 milliard d’euros.

M. Nicolas Dhuicq. Exact.

M. Charles de La Verpillière. La vérité est donc celle-ci, monsieur le ministre : en rajoutant 600 millions d’euros en 2016, vous ne compensez même pas l’érosion monétaire depuis 2013 !

M. Nicolas Dhuicq. C’est vrai.

M. Charles de La Verpillière. Notre groupe l’a dit lors du débat sur l’actualisation de la loi de programmation militaire au mois de juillet : votre politique militaire, celle du Président de la République, affaiblit notre outil de défense. C’est d’autant plus grave que notre armée est toujours plus sollicitée : par les opérations extérieures tout d’abord – Barkhane dans la bande sahélo-saharienne ; Chammal en Syrie et en Irak –, avec un surcoût supérieur à 1,1 milliard par an ; par les opérations de sécurité intérieure ensuite, puisque vous avez fait le choix, contestable, de faire exécuter l’opération Sentinelle par des personnels militaires.

Monsieur le ministre, les postures martiales et un budget en trompe-l’œil ne suffisent plus à rassurer les Français, à commencer par nos soldats dont je tiens à saluer ici le courage et la valeur professionnelle. Un malaise s’installe, qui se manifeste dans la diminution des candidats au recrutement militaire.

D’où ma question, monsieur le ministre. Face aux premiers signes d’usure de nos armées et à l’insuffisance patente des moyens budgétaires, quelles mesures correctrices comptez-vous prendre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’ai bien compris que vous étiez dans la polémique, ce qui pourtant n’est pas dans vos habitudes, monsieur de La Verpillière. Puisqu’il en est ainsi, je vais vous rappeler que le budget de la défense pour 2011 s’élevait à 31,1 milliards d’euros.

M. Nicolas Dhuicq. C’est le passé, on parle de l’avenir !

Plusieurs députés du groupe SRC. Cela vous dérange qu’on rappelle les faits !

M. Jean-David Ciot. Les 2 % n’étaient pas atteints !

M. Jean-Luc Laurent. Il faut être attaché à l’histoire.

M. Nicolas Dhuicq. Avec vous, on va sortir de l’histoire !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le budget de 2012 était de 31,4 milliards d’euros, et je l’ai maintenu. En outre, le présent budget est le premier depuis 2009 à ne pas comporter de ressources exceptionnelles. Il ne faudrait tout de même pas l’oublier alors que, chaque année jusqu’à présent, les arguments que vous m’opposiez étaient que les budgets n’étaient pas crédibles au motif qu’ils comportaient des ressources exceptionnelles.

À la fin de chaque exercice, j’ai toujours été au rendez-vous avec les 31,4 milliards, comme je vous avais d’ailleurs chaque fois dit que je le serais. Dans ce budget, nous avons remplacé des ressources exceptionnelles par de vrais crédits budgétaires. Et voilà que maintenant, changeant de pied, vous contestez l’effort important que la nation consacre à sa défense. Pour ma part, je n’ai pas l’habitude d’ouvrir des polémiques sur les questions relatives à la défense. J’avais le sentiment, et c’est encore celui que j’ai eu en commission élargie, que l’effort consenti par le pays en matière de défense était reconnu et respecté par tous. Manifestement pas par vous, monsieur de La Verpillière, je le regrette. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier.

M. Guy Teissier. Monsieur le ministre, permettez-moi, sans esprit polémique, de revenir sur vos propos à l’égard de notre collègue Meunier relatif au marché des Rafale. Vous ne pouvez pas mésestimer le travail qui a été fait par le précédent gouvernement dans cette opération. Vous avez transformé l’essai, si je puis m’exprimer ainsi, nous en sommes ravis et applaudissons. Cela s’appelle la continuité républicaine.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Mais oui !

M. Guy Teissier. Il faut savoir l’accepter. Pour ma part, en tout cas, je l’accepte. Il ne doit pas y avoir de polémique à ce sujet.

Ma question porte sur l’effort budgétaire nécessaire au financement de l’effort de défense de la France à moyen et long termes. Nous avons, en effet, devant nous trois marches importantes.

La première est de boucler l’actuelle LPM, dont le terme est fin 2017. La seconde sera d’élaborer la future LPM, car il faudra atteindre, pour toutes les armées, le format prévu à l’horizon 2025 – je suppose que c’est aussi votre objectif. Il le faudra bien sûr pour l’armée de terre, qui est la plus engagée, et dont nos collègues, des deux côtés de l’hémicycle d’ailleurs, ont souligné l’attrition à la fois des personnels et des matériels. Mais la marine également devra être suivie, de même que l’armée de l’air surtout si, comme vous semblez le décider, nous passons au tout Rafale pour ses chasseurs.

La troisième marche, qui interfère d’ailleurs avec les deux autres, est la dépense nécessaire au maintien de la dissuasion nucléaire. Son coût pourrait doubler d’ici à dix ans car comme vous le savez, il faudra en 2020, prévoir le remplacement des actuels sous-marins nucléaires lanceurs d’engins – SNLE –, ce qui représente un coût faramineux. Cette dernière question est d’autant moins simple qu’elle pose celle d’un possible abandon d’une des composantes de la dissuasion, ce qui serait un choix terrible. La dissuasion est pour notre pays une nécessité car elle conditionne son statut de grande puissance membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU.

Les projections semblent montrer que pour financer tout cela, il faudra porter le budget de la défense à 2 % du PIB, contre 1,5 % actuellement ; 2 % est d’ailleurs la préconisation formulée l’an dernier par les chefs d’État et de gouvernement de l’OTAN lors du sommet qui s’est tenu au Pays de Galles.

Nous confirmez-vous ces éléments, monsieur le ministre, et selon ceux dont vous disposez, à partir de quand sera-t-il nécessaire d’atteindre ce niveau, sans quoi nous serions contraints de penser que vous voulez laisser la facture à d’autres ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous remercie, monsieur Teissier, de la qualité de vos propos. Je constate avec vous qu’il sera nécessaire de renforcer l’affectation de crédits budgétaires au profit de la dissuasion nucléaire dans les années qui viennent parce qu’on sera en phase de renouvellement. La montée en puissance des crédits affectés à l’ensemble du nucléaire devra se faire progressivement pour être aux rendez-vous de la décennie qui vient, c’est vrai.

Je ferai également observer que l’actuelle loi de programmation militaire a prévu une augmentation des crédits budgétaires de 3,8 milliards d’euros, dans cette perspective en particulier. Ce sera à la future loi de programmation de faire les choix pour la décennie à venir. J’ai eu l’occasion d’indiquer à M. Dhuicq en commission élargie que nous avions engagé les études pour ce qui concerne la troisième génération de sous-marins nucléaires. Mais ce mouvement, indispensable, sera progressif. Je ne suis pas de ceux qui sont favorables à la suppression de l’une des composantes, je le dis et aurai l’occasion de le répéter à M. de Rugy puisque c’est un débat que nous avons ensemble chaque année. Je n’y suis pas favorable pour des raisons à la fois tactiques et financières.

M. Guy Teissier. Très bien !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Dans le paquet qu’il faudra mobiliser pour l’avenir, cette deuxième composante est relativement faible par rapport aux enjeux financiers de la dissuasion.

S’agissant des objectifs budgétaires, lors du sommet de l’OTAN à Newport, la France a validé l’objectif que se sont fixé les pays de l’OTAN d’atteindre 2 % du produit intérieur brut dans les dix ans qui viennent. À cet égard, nous sommes en progression. Vous avez reconnu vous-même que nous étions à 1,5 % – hors pensions. Si nous voulons atteindre l’ensemble des objectifs, nous devons viser ces 2 %.

M. le président. Nous avons terminé les questions.

Mission « Défense » (état B)

M. le président. J’appelle les crédits de la mission « Défense », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisi de plusieurs amendements.

La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n138.

M. François de Rugy. Le présent amendement prolongera quelque peu le débat qui vient de s’amorcer. Vous aurez compris, mes chers collègues, qu’il existe deux approches : la nôtre et celle défendue par celles et ceux pour qui la dissuasion est un horizon indépassable, avec les dépenses et la course aux crédits qui en découlent. J’ai ainsi bien noté, monsieur Teissier, que vous proposiez ni plus ni moins que d’augmenter le budget de la défense de 10 milliards d’euros, soit une augmentation d’un tiers ! Je ne sais pas où vous les trouverez alors que dans le même temps, vous préconisez une politique d’économies.

Les charges nucléaires portées par les missiles M-51 sont équivalentes à trente-cinq fois Hiroshima. Les têtes nucléaires océaniques sont équipées d’une charge nucléaire équivalente à soixante fois Hiroshima. Autant dire qu’avec trois jeux de seize missiles M-51 et quarante-cinq missiles ASMP-A, nous sommes au paroxysme de notre dissuasion.

Notre amendement propose donc de diviser par deux les crédits affectés à des études amont – M. le ministre vient d’indiquer qu’il y a déjà une perspective d’augmentation de crédits pour les études – afin de satisfaire les besoins les plus urgents des forces conventionnelles, à savoir le financement de la politique immobilière. Il faudrait notamment réaliser les travaux immobiliers urgents nécessaires aux troupes déployées dans le cadre de l’opération Sentinelle et accompagner les effectifs supplémentaires déployés dans les unités de forces opérationnelles terrestres.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour le budget opérationnel de la défense, afin de donner l’avis de la commission.

M. Jean Launay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Nous avons sur la question du nucléaire, monsieur de Rugy – vous l’avez vous-même rappelé tout à l’heure dans votre intervention liminaire –, un désaccord qui ne date pas d’hier et qui s’exprime à chaque débat budgétaire. La dissuasion nucléaire est la pierre angulaire de notre sécurité collective. En matière de technologies duales, d’influence diplomatique, d’excellence de notre industrie, les avantages liés à la dissuasion nucléaire sont nombreux.

Vous noterez, monsieur de Rugy, que les deux composantes de nos forces de dissuasion nucléaire ont été sauvegardées dans le Livre blanc de la défense, validé en décembre 2013, et qu’elles sont en conséquence confirmées dans la LPM actualisée. Vous noterez également que les crédits de la dissuasion sont stables depuis plusieurs années : il convient de les conserver à ce niveau. Vous noterez enfin que l’année 2016 sera marquée par la livraison d’un troisième lot de missiles M-51. La marine recevra également l’adaptation du deuxième sous-marin nucléaire lanceur d’engins Le Triomphant aux M-51. Ces travaux d’adaptation se poursuivront pour Le Téméraire.

En conséquence, il est dangereux et paradoxal, comme j’aurai l’occasion de le dire tout à l’heure à M. Fromion, d’imputer d’ores et déjà le surplus lié aux opérations intérieures au ministère de la défense alors même que s’engage une discussion en vue de sa couverture interministérielle.

Cet amendement a été rejeté par la commission de la défense à l’issue de la commission élargie. J’y formule ici un avis défavorable.

M. Yves Fromion. Serez-vous également défavorable à mon amendement qui va être examiné un peu plus tard ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial. En effet.

M. Yves Fromion. C’est de la trahison par anticipation !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous venons d’évoquer cette question. L’amendement proposé tend à supprimer la moitié des crédits dédiés aux études amont sur le nucléaire qui, à elles seules, représentent plus du tiers du montant total des études amont. S’il était adopté, il aurait pour conséquence directe de remettre en cause le maintien des capacités de recherche et d’ingénierie indispensables pour préserver la capacité de notre pays de disposer d’un équipement de défense répondant à ses besoins, notamment en matière d’armement nucléaire, à moyen et à long terme. J’y suis donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Monsieur le rapporteur a laissé entendre, d’une manière qui pouvait être ressentie comme l’intention de le balayer du revers de la main, que l’amendement relevait d’un débat purement philosophique sur la dissuasion nucléaire. Or, cet amendement, comme vient du reste de le relever le ministre, est uniquement ciblé sur les crédits d’études, et non pas sur l’ensemble des crédits de la dissuasion – ce qui représenterait des sommes beaucoup plus importantes, car ces crédits comptent pour plus de 10 % du budget global de la défense et plus de 25 % des crédits d’équipement.

Il s’agit simplement de bien montrer, par un exemple, qu’il faut faire des choix entre le développement de la dissuasion pour le futur, par le biais de crédits d’études, et l’équipement des forces conventionnelles.

Enfin, et c’est là un point sur lequel je suis en désaccord profond avec vous, monsieur le rapporteur, la crédibilité de la France ne réside pas uniquement dans la dissuasion – ou alors, c’est grave, et je ne pense pas que le ministre souscrirait à de tels propos. De fait, la crédibilité politique et diplomatique de la France, celle du Président de la République lorsqu’il s’engage par exemple dans des opérations au Mali, en Centrafrique ou en Syrie, ne repose aucunement sur la dissuasion nucléaire mais, au contraire, uniquement sur des équipements conventionnels.

Les problèmes de vétusté des matériels – qu’a reconnus le ministre lorsqu’il est arrivé aux responsabilités en 2012, déclarant que le maintien en condition opérationnelle avait été une variable d’ajustement de nos équipements – mettent en cause la crédibilité de la capacité d’intervention de la France. C’est cette crédibilité que nous voulons défendre prioritairement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Nous suivons le parcours politique de M. de Rugy avec une certaine satisfaction. Nous voyons en effet qu’il reconnaît, avec cet amendement, que nos forces conventionnelles manquent de moyens. Vous dérivez cependant, monsieur de Rugy, lorsque vous attaquez une fois encore notre dissuasion nucléaire. Monsieur le ministre, l’opposition sait prendre ses responsabilités et nous défendons l’intérêt général : nous voterons contre cet amendement.

(L’amendement n138 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n139.

M. François de Rugy. Cet amendement relève du même type de débat que le précédent et repose sur une comparaison entre les crédits alloués respectivement aux opérations extérieures et à la composante aéroportée. Nous avons déjà débattu de cette question, qui n’est pas un débat philosophique sur la dissuasion nucléaire et sur ses risques – ou, pour certains, sur la nécessité et l’opportunité qu’elle représente –, mais bien sur la composante aéroportée.

Je rappelle que, dans le passé, il existait une composante terrestre et que, lors de sa suppression sous la présidence de François Mitterrand, certains ont hurlé à la mort de la dissuasion nucléaire française, mais rien de semblable ne s’est produit.

Nos voisins britanniques ont supprimé cette composante aéroportée et, lorsque nous avons auditionné l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France dans le cadre des débats que nous avons eus à ce propos en commission de la défense – je saisis cette occasion pour remercier à nouveau la présidente de cette commission d’avoir satisfait à notre demande en ce sens –, celui-ci a reconnu que, sur la longue durée, cette suppression avait généré des économies importantes.

Nous les chiffrons, pour notre pays, à 300 millions d’euros par an, qui pourraient être affectés au financement des opérations extérieures. Je connais au demeurant le raisonnement du ministre, et suis prêt à y souscrire : les opérations extérieures pourraient être financées grâce à des arbitrages interministériels – son talent en la matière n’est plus à démontrer depuis trois ans et demi. Il s’agit cependant toujours de choix qui doivent être opérés à l’intérieur du budget de l’État. Or, dans ces arbitrages budgétaires, 300 millions d’euros sont une somme importante.

Là encore, la crédibilité de la France est en jeu : on ne peut pas s’engager dans des opérations extérieures s’il existe des doutes quant à leur financement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Il faut reconnaître à M. de Rugy la constance dans son argumentation. Je m’en tiendrai cependant au rejet de cet amendement. Comme pour les opérations intérieures, en effet, il est paradoxal d’imputer au ministère de la défense le surcoût lié aux OPEX, alors même que, comme vous venez vous-même de reconnaître, est acté dans la loi de programmation militaire le principe d’une couverture interministérielle de ce surcoût, que le ministre va s’attacher à assurer. Cet amendement a ainsi été rejeté par la commission de la défense à l’issue de la commission élargie. J’y émets ici un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La deuxième composante de la dissuasion nucléaire – qui, à chaque examen budgétaire, fait l’objet d’amendements répétés de la part de M. de Rugy – présente quatre avantages, et peut-être même un cinquième.

Premier avantage : elle offre une garantie face à une éventuelle percée technologique imprévue dont pourrait bénéficier un adversaire potentiel, que ce soit en matière de défense aérienne, de défense antimissile ou de détection sous-marine.

En termes tactiques, deuxièmement, la composante aéroportée offre au chef de l’État un large panel d’options stratégiques, et donc un spectre plus large d’actions possibles, qui permet d’éviter le « tout ou rien ».

Troisièmement, la composante aéroportée correspond à une capacité visible qui offre à l’autorité politique – au Président de la République – un espace pour une manœuvre politico-diplomatique pouvant être très utile et très opportune en cas de crise majeure.

Enfin, quatrièmement, la complémentarité des deux composantes génère une contrainte supplémentaire pour les défenses adverses, qui sont obligées de tenir compte de deux modes de pénétration différents et doivent donc elles-mêmes être redondantes dans leurs capacités de défense.

Voilà donc quatre atouts complémentaires justifiant la nécessité de cette deuxième composante dans la panoplie nucléaire. Monsieur de Rugy, vous revenez régulièrement sur cette question et nous ne sommes pas d’accord, mais il faut avoir conscience de ces enjeux.

J’ajoute un cinquième avantage : en plus, ce n’est pas cher. De fait, un coût de 300 millions d’euros pour répondre à ces quatre fondamentaux en complémentarité avec la dissuasion de la force océanique stratégique est un élément supplémentaire qui justifie pleinement le maintien, aujourd’hui et demain, de la deuxième composante nucléaire, laquelle me paraît tout à fait indispensable.

Je suis donc défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je rappelle tout d’abord à notre excellent et honorable collègue – c’est là un anglicisme à dessein – que Sa Majesté n’a jamais disposé, en la matière, d’une indépendance absolue, car elle a toujours dépendu des États-Unis pour le tir éventuel du feu nucléaire. La France, en revanche, se trouve dans la situation d’un pays totalement autonome, si ce n’est pour certaines composantes et, historiquement, pour les recherches qui ont mené à cette technologie.

En deuxième lieu, la voix de la France et sa défense lient intimement le conventionnel et le non-conventionnel et il n’est pas logique de vouloir séparer intellectuellement ces deux composantes. Nous existons parce que nous disposons de cette composante et nos aînés, lors de la crise de Suez, ont bien compris quel intérêt politique majeur leur conférait le fait de posséder la dissuasion.

En troisième lieu, il n’y a pas deux composantes, mais une seule dissuasion, qui est un ensemble, un bloc, et qui permet au chef de l’État, chef des armées, de prendre au nom de la Nation des décisions graves en tout temps et en tout lieu, avec une panoplie suffisante pour répondre à tous les défis. Séparer les deux composantes est donc une erreur majeure, d’autant plus que, si M. de Rugy veut transmettre les montants correspondants aux forces conventionnelles, il devrait être, comme moi, beaucoup plus sceptique quant à la capacité de Bercy et des différents ministres à comprendre cet intérêt.

Il importe enfin de rappeler, pour nos débats et pour le public qui les lirait, que nous en sommes parvenus à une stricte suffisance en matière de projectiles non conventionnels. Nous devons en effet disposer de plusieurs jeux, afin qu’il y ait toujours un bateau en opérations et un autre prêt à partir, sans parler des révisions car les projectiles doivent être entretenus. La France se situe donc déjà au niveau minimal en termes de nombre de têtes.

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne referai pas tout le débat, car les arguments en présence sont connus et, à ce stade, ce n’est pas l’intervention de M. Dhuicq, ni celle de M. Meunier, qui me convaincra. Je salue cependant le fait qu’ils reconnaissent ma constance en la matière.

Je relèverai cependant, monsieur le ministre, le premier argument que vous avez avancé au bénéfice de la composante aérienne, à savoir le fait que nos adversaires, également dotés de l’arme nucléaire, pourraient bénéficier d’une avancée technologique – en pratique, dans le domaine du repérage des sous-marins. De fait, dans les prochaines années, les sous-marins pourraient être beaucoup plus facilement repérés, de telle sorte que la composante aérienne pourrait prendre un avantage plus décisif.

Je suis tenté de renverser votre dernier argument, lapidaire, selon lequel cette composante ne serait pas chère : on peut faire un choix plus radical encore. Un collègue ici présent de l’opposition – mais je ne veux pas m’exprimer à sa place – m’a en effet fait observer voilà quelques mois que, si nous voulions faire des économies beaucoup plus importantes sur la dissuasion, sans pour autant l’abandonner, il faudrait se concentrer sur la composante aérienne et faire des choix drastiques, tels que ceux devant lesquels nous serons placés à propos des sous-marins et de leur permanence à la mer.

Sans m’étendre sur ce sujet, que M. Dhuicq a déjà évoqué, je rappelle pour ceux qui nous écouteraient ou nous liraient qu’il s’agit là de l’un des critères de crédibilité de la dissuasion, laquelle pourrait être mise en cause dans les prochaines années, faute – en raison, cette fois encore, des choix budgétaires – de moyens financiers nécessaires pour disposer de quatre sous-marins, dont deux en permanence à la mer.

(L’amendement n139 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n113.

M. Jean-Jacques Candelier. L’Office national d’études et de recherches aérospatiales – ONERA – a pour mission de développer, d’orienter, de coordonner et de promouvoir les recherches dans le domaine aérospatial. L’ONERA est une référence internationale. Le montant de 105 millions d’euros proposé par le Gouvernement pour sa subvention pour charges de service public paraît bien trop faible pour lui permettre d’assumer toutes ses missions et de conserver son rang international. La Cour des comptes elle-même, dans son rapport sur les années 2008 à 2013, a pointé cette faiblesse, tout comme, inlassablement, l’intersyndicale de l’ONERA. Tous, élus et ministres, industriels, en particulier lors du Salon du Bourget, ont reconnu le niveau de performances de l’ONERA et ont réaffirmé leur soutien à l’Office.

Il s’agit de transformer ces messages de soutien politique en acte budgétaire. Aujourd’hui, la filière aéronautique et spatiale française est en danger. Afin d’y remédier, il est proposé d’augmenter de 72 millions d’euros le budget de l’ONERA pour lui permettre d’assumer les risques de la recherche et de l’innovation. Il est ainsi proposé de réduire les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire aéroportée pour abonder l’ONERA.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean Launay, rapporteur spécial. Monsieur Candelier, vous proposez une augmentation de 70 % du budget de l’ONERA. Je tiens à préciser que cette subvention pour charges de service public augmente de 8 millions d’euros entre la loi de finances initiale pour 2015 et le projet de loi de finances sur lequel nous travaillons.

Le ministre a déclaré en commission élargie – je tiens à le préciser, car votre groupe n’était pas représenté lors de cette réunion – qu’il avait demandé au directeur de l’ONEERA de lui transmettre un projet stratégique actualisé, afin de mieux évaluer les moyens nécessaires au soutien de l’effort de recherche que conduit l’Office. En attendant les recommandations de ce groupe de travail et les conclusions qui devront suivre, j’émets un avis défavorable sur l’opportunité d’un tel amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Merci de cet amendement qui me permettra de dire quelques mots de l’ONERA afin que les choses soient claires pour tout le monde. Rappelons tout d’abord que, cette année, afin de boucler le budget de l’ONERA, le ministère de la défense y a ajouté 9 millions d’euros, portant ainsi sa dotation à 114 millions d’euros. Cette remarque m’amène à vous faire deux commentaires. Tout d’abord, le ministère de la défense ne laissera pas tomber l’ONERA. Il ne l’a jamais fait par le passé et il n’a pas l’intention de le faire à présent. Nous sommes attachés à cet office qui réalise un travail de recherche en amont dans l’un des domaines les plus porteurs en France, celui de l’aéronautique.

Par ailleurs, la situation financière critique rencontrée en fin d’année dernière traduit un problème de fond auquel il faut s’atteler. Le budget de l’ONERA repose à plus de 50 % sur la subvention publique, portée elle-même à 100 % par le seul ministère de la défense alors que l’aéronautique est un secteur dual dont la défense ne représente globalement que le quart du chiffre d’affaires.

De surcroît, les industriels se sont peu à peu écartés de l’ONERA ces dernières années, de même que certains clients institutionnels. Par conséquent, l’ONERA doit engager une profonde refondation de sa stratégie. J’ai lancé les études nécessaires et les premiers résultats devraient me parvenir dans quelques jours. Ils se traduiront dans un contrat d’objectifs et de performances à la fin de cette année.

Cette refondation, que je réalise avec des industriels du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales – le GIFAS –, de la direction générale de l’aviation civile, du centre national d’études spatiales et de la direction générale de l’armement, a pour objectif de restaurer la confiance entre l’ONERA et l’ensemble de ses clients afin de déboucher sur de nouvelles relations. Par ailleurs, à 105 millions d’euros, la subvention de l’ONERA est conforme à la moyenne de ces dernières années.

Pour toutes ces raisons, avis défavorable à cet amendement, de surcroît examiné après le débat que nous avons eu autour de la dissuasion. Mais il m’a donné l’opportunité, monsieur Candelier, l’intérêt et l’importance que nous accordons à cet office.

(L’amendement n113 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement n81.

M. Yves Fromion. Je l’ai déjà dit, cet amendement ne poursuit qu’un objectif, celui de soutenir le ministre dans le difficile débat interministériel qu’il devra mener pour obtenir le financement de l’opération Sentinelle. Je suis d’ailleurs consterné que le rapporteur spécial, qui appartient pourtant à votre majorité, monsieur le ministre, ait pu pulvériser en plein vol nos ambitions, nos espérances, et le secours que nous voulions vous apporter. Je ne doute pas que le président du groupe socialiste, qui a entendu cela, soit proprement scandalisé et se fasse un devoir de frotter les oreilles du rapporteur, qui ne mérite pas mieux.

M. Bruno Le Roux. Je le suis en effet ! (Sourires.)

M. Yves Fromion. Je vais profiter de ce propos pour élargir le débat au financement du programme de restructuration de l’armée de terre dénommé Au contact. Je sais que vous répondrez à mes interrogations, même si elles sont hors sujet. C’est un programme ambitieux qui nous a été présenté par le chef d’état-major de l’armée de terre et nous sommes tous d’accord avec la vision qu’il porte de l’avenir de notre armée de terre et des problématiques qu’elle a rencontrées. Malheureusement, on ne nous a pas présenté le financement de ce programme qui promet d’être élevé en dépenses d’immobilier, de personnel, de transformations, d’équipement ou d’adaptation des nouvelles structures avec le programme Scorpion. Le financement sera lourd et ce ne sont pas les 600 millions prévus dans le budget 2016 qui pourront y pourvoir puisque l’utilisation en est déjà prévue. Rien ne permet de penser que les 700 millions de 2017 feront mieux. Il y a là un mystère que mon groupe, tout comme l’armée de terre, souhaiterait voir se dissiper : comment ce projet ambitieux, que nous soutenons, sera-t-il financé ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ?

M. Jean Launay, rapporteur. Monsieur Fromion, votre proposition participe d’une bonne ambition, le financement de l’opération Sentinelle.

M. Yves Fromion. Merci de le reconnaître.

M. Jean Launay, rapporteur. Cependant, même avec les oreilles frottées, je dois vous dire que la voie que vous proposez ne me semble pas la bonne. Si nous adoptions cet amendement, nous risquerions, paradoxalement, d’affaiblir la position du ministre de la défense dans la négociation interministérielle. Vous le savez, cela a déjà été dit en commission élargie.

Il est essentiel que le Gouvernement s’en tienne strictement à ce qui est prévu par la loi de programmation militaire actualisée. Nous avons alerté le Gouvernement, dans notre rapport et lors de la commission élargie de la semaine dernière, sur l’existence d’un certain nombre de surcoûts qui pourraient menacer cette trajectoire. Nous en avons bien conscience, notamment en raison des opérations intérieures. Ce qualificatif n’est pas choisi au hasard. Nous considérons bien ces opérations comme étant le parallèle en France de celles menées à l’extérieur, au Sahel ou au Levant, pour ne citer que les principales.

Nous comptons sur le respect de la parole du Président de la République ainsi que sur celui du vote, très majoritaire à l’Assemblée nationale, du projet de loi de programmation militaire actualisée. Nous faisons confiance au ministre dans cette discussion. Avis défavorable à l’amendement.

M. Jean-David Ciot. Excellent rapporteur !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je ne suis pas certain que l’amendement « tactique » que vous proposez puisse me servir. Je vous en remercie cependant mais, si j’engage la discussion avec le ministère des finances sur la base d’un chiffre déjà pré-inscrit, je me retrouverai face à des difficultés plus importantes que dans le cas contraire, au moins pour la première année.

Par ailleurs, pourquoi voulez-vous fermer le musée de la Marine et celui de l’Armée ? Si je suivais vos préconisations, nous n’aurions plus qu’à les fermer, en effet. Je ne vous retrouve pas dans cette volonté de gommer un pan de l’Histoire. Confisquer 33 millions d’euros aux musées reviendrait tout simplement à les fermer.

S’agissant du programme Au contact, je reconnais qu’il est ambitieux mais nous devons le mener à bien. J’ai pris les décisions qui convenaient à cet égard, y compris en matière de capacités, puisque j’ai engagé le Griffon et le Jaguar – la programmation de l’ensemble de ces capacités est prévue dans la loi de programmation militaire actualisée. Sans actualisation de cette loi, nous n’y arriverions pas, c’est vrai, mais grâce à elle, nous pouvons inscrire, dès l’année 2016, les effectifs et une partie des infrastructures. Nous pourrons également acquérir les véhicules blindés nécessaires, y compris le système d’information unifié que nous avons mis en œuvre – je l’avais lancé en avril 2013. Les marchés d’acquisition ont été, pour le Griffon et pour le Jaguar, notifiés en décembre 2014. Je crois d’ailleurs que vous participiez à cette manifestation. Ce projet Au contact, essentiel pour l’armée de terre, sera mené à bien.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Monsieur le ministre, vous comprendrez bien que je défends, comme vous, les musées, en particulier celui de la Marine, et tout spécialement celui de Toulon. Loin de là l’idée de leur prendre un sou. Cela étant, notre ami Yves Fromion soulève un problème réel. Nous sommes confrontés, depuis de nombreuses années, à la difficulté de financer les OPEX et aujourd’hui, nous voici face à celle de financer les OPINT. Vous nous présentez un chiffre, celui de 26 millions d’euros, mais nous vous demandons simplement de le réévaluer pour qu’il corresponde à la réalité. C’est dans la seule perspective de vous aider que je soutiens mon collègue et ami M. Fromion.

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, nous avons tous bien compris la manœuvre, mais il serait anormal que l’Assemblée ne place pas ce problème au premier plan. J’en profite d’ailleurs pour vous faire remarquer combien il est scandaleux que, dans votre bleu budgétaire, la capacité de l’armée de terre soit évaluée à 50 % de sa capacité nominale pour 2016 ! Comment peut-on remettre ainsi en cause les capacités de l’armée de terre ? Je ne peux pas me satisfaire de la réponse que vous m’avez apportée. Il n’est pas acceptable d’écrire cela quand on sait comment l’armée de terre réagit et fait face à la menace terroriste dans le cadre de l’opération Sentinelle. Il est invraisemblable que le Gouvernement accepte qu’une telle affirmation figure dans un bleu budgétaire.

Je reviens à l’amendement. Je l’ai déposé en ayant bien conscience de sa fragilité mais le but n’était pas là. Il s’agissait simplement de faire prendre conscience que l’armée de terre ne devait pas être la seule à porter le poids financier de l’opération Sentinelle. Or, on connaît la facilité budgétaire avec laquelle on fait supporter à l’armée de terre ou aux armées, les dépenses difficiles à caser ailleurs.

Quant au projet Au contact, nous aurions aimé – mais il n’est jamais trop tard, monsieur le ministre –, en avoir le détail, qu’il s’agisse de son financement ou de son phasage. Cette réforme en profondeur de l’armée de terre n’a pas été expliquée devant le Parlement. J’espère que vous en trouverez l’occasion. Nous aurons le plus grand plaisir à vous accueillir devant notre commission, si la présidente le veut bien.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est avec plaisir que nous accueillerons le ministre de la défense, comme nous l’avons toujours fait, car il a toujours répondu avec sérieux et précision aux questions que les uns et les autres avons pu lui poser.

L’opération Sentinelle se déroule pour la première fois cette année, ce qui explique que les investissements soient plus importants qu’ils ne le seront à l’avenir, en 2016 en tout cas. Nous la suivrons de très près, en particulier pour l’exercice budgétaire 2015, et donc la fin de cette année.

Je vous l’ai déjà dit en commission et en commission élargie, nous pourrons effectuer des contrôles sur pièce et sur place, avec la commission des finances, comme nous l’avons toujours fait, afin de contrôler effectivement la loi de finances rectificative de fin d’année. Je le dis ici très clairement et un compte rendu en sera fait à la commission de la défense comme, fort probablement, à la commission des finances.

S’agissant de l’opération Sentinelle et de la doctrine que nous présentera le ministre à la rentrée, nous avons déjà missionné en janvier deux de nos collègues pour travailler sur le sujet. J’ai bien sûr prévu des auditions en commission de façon à ce que l’ensemble des commissaires reçoive le maximum d’informations sur ce point. Nous pouvons être rassurés quant au travail de la commission en ce domaine et je ne doute pas, compte tenu de l’enjeu de Sentinelle sur le territoire national, que le ministre saura défendre le budget de cette opération, ainsi qu’il l’a toujours fait.

M. Yves Fromion. Ce n’est pas de lui dont nous nous méfions !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Rappelons enfin les 11 000 emplois supplémentaires à destination de l’armée de terre. Le chef d’état-major nous a longuement expliqué cette montée en puissance, les manœuvres en cours. Nous lui faisons confiance pour réussir cette opération et, à la fin de l’année, c’est environ 5 500 recrutements qui pourront être effectués – le reste le sera l’année suivante. Nous devrons bien entendu former ces jeunes qui rejoindront nos forces, ce qui prendra un peu de temps, mais vous connaissez tout cela parfaitement, monsieur Fromion.

Notre armée de terre pourra récupérer sa pleine capacité, sur les opérations qui lui ont été confiées, fin 2016. Nous retrouverons alors des capacités d’entraînement et de formation conformes à ce que nous avons voté et voulu depuis l’actuelle loi de programmation militaire.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Fromion ?

M. Yves Fromion. Bien sûr ! Un si bel amendement !

(L’amendement n81 n’est pas adopté.)

(Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l’examen de la mission « Défense ».

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 : examen des crédits de la mission "Recherche et enseignement supérieur".

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly