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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 12 novembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. David Habib

1. Projet de loi de finances pour 2016

Seconde partie (suite)

Articles non rattachés

Suspension et reprise de la séance

M. le président

Article 33

Amendement no 1155

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Après l’article 33

Amendements nos 1068 , 1146 (sous-amendement) , 1151 (sous-amendement) , 1152 , 1153 , 1156 , 496 , 514

Après l’article 47 (amendements appelés par priorité)

Amendements nos 861 , 888 , 1095 , 1149, 1150 (sous-amendements)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendement no 989

Rappel au règlement

Mme Cécile Duflot

Après l’article 47 (suite)

Amendements nos 349 , 1032

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 1076 rectifié , 886 rectifié , 978 , 862 , 1079 , 1084 , 411 , 1099 , 970, 980, 969

Article 37 (appelé par priorité)

Amendement no 1048

Article 38 (appelé par priorité)

Amendements nos 828, 829, 830, 831, 832

Article 35

Amendements nos 819, 820, 821, 822, 823, 824, 825 rectifié, 826

Après l’article 35

Amendements nos 1080 , 827 , 621 , 1083 , 1082

Article 36

Article 39

M. Alain Rousset

M. Charles de Courson

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale

Amendements nos 897 , 608 , 1085, 1086 , 834 , 1092 , 1157 , 835 , 836 , 837 , 1091 , 1034

Après l’article 39

Amendements nos 1158 , 799 , 517 , 601 , 120 , 868 , 899 rectifié

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2016

Seconde partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 (nos 3096, 3110).

Articles non rattachés

M. le président. Nous en venons à l’examen des articles non rattachés à des missions.

Mme la rapporteure générale est en ce moment en commission des finances. Les travaux de celle-ci ne sont pas terminés : je vous propose donc de suspendre la séance quelques instants, le temps qu’elle nous rejoigne. Si vous en êtes d’accord, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, nous reprendrons la séance dès son arrivée.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Très certainement, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à neuf heures trente, est reprise à neuf heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Pour la clarté de nos débats, je vous annonce qu’à la demande du Gouvernement, la discussion se déroulera aujourd’hui de la façon suivante. Tout d’abord, comme de coutume, les articles de récapitulation – c’est-à-dire les articles 24 à 32 – seront examinés à la fin de la première délibération.

Après l’examen de l’article 33 et des amendements portant article additionnel après l’article 33, nous examinerons, par priorité, les amendements nos 10, 861, 888, 1095, 989, 939, 349, 1032, 1076 rectifié, 22, 886 rectifié, 978, 862, 1079, 1084, 411, 1099, 970, 980 et 969 portant articles additionnels après l’article 47, qui concernent la procédure fiscale. Puis, toujours par priorité, nous examinerons les articles 37 et 38, relatifs au prix de transfert et aux caisses frauduleuses.

Nous reprendrons ensuite le cours normal de la discussion à partir de l’article 35.

Dès la reprise de la séance, cet après-midi à 15 heures, nous examinerons l’article 34 et les amendements portant articles additionnels après l’article 34, relatifs à la modernisation de l’impôt sur le revenu et au prélèvement à la source.

Toutes ces modifications figurent sur le programme de séance communément appelé « feuille jaune ». Je crois que de son côté, le Gouvernement a déjà informé les auteurs des amendements concernés de l’organisation de nos débats.

Article 33

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget, pour soutenir l’amendement n1155.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Cet amendement de coordination vise à appliquer à l’allocation pour demandeur d’asile les modalités de revalorisation prévues dans le présent article pour les autres prestations.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avis favorable à cet amendement qui, comme vient de le préciser M. le secrétaire d’État, répare un oubli.

(L’amendement n1155 est adopté.)

(L’article 33, amendé, est adopté.)

Après l’article 33

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 33.

J’appelle d’abord l’amendement n1068, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 1146 et 1151.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à mettre en place un dispositif de soutien en faveur des entreprises électro-intensives qui, exposées à la concurrence internationale, appartiennent à des secteurs dont vous connaissez l’importance en termes d’emploi et de localisation des activités industrielles sur notre territoire.

La compétitivité de ces industries, au service de l’emploi, priorité du Gouvernement, dépend d’un approvisionnement compétitif et prévisible en électricité. L’amendement, dans cette optique, prévoit un dispositif dit de « compensation carbone » dès 2016, comme le droit européen le permet ; le montant de cette aide permettrait de compenser une partie du coût carbone incorporé au prix de l’électricité par le système européen d’échange de quotas.

Une telle aide a déjà été appliquée par plusieurs États membres, dont l’Allemagne depuis juillet 2013 ; son coût total représente une enveloppe évaluée à 93 millions d’euros en 2016, financée dans le cadre de la réforme de la contribution au service public de l’électricité prévue dans le projet de loi de finances rectificative – PLFR – pour 2015.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir le sous-amendement n1146.

Mme Bernadette Laclais. Ce sous-amendement, que j’ai déposé avec Marc Goua et Christophe Caresche, vise à préciser le dispositif que M. le secrétaire d’État vient de présenter, et que je tiens à saluer. De fait, cela fait plusieurs années que nous travaillons sur le sujet.

Il s’agit de préciser les modalités de calcul de l’aide dite de « compensation carbone », non seulement pour l’année 2016, mais aussi pour les années 2017 à 2021. Assurer cette protection dans la durée fournirait aux industriels la visibilité requise pour investir et permettrait la pérennité et le développement de leurs activités, structurantes pour les territoires puisqu’elles représentent 80 000 emplois directs en France.

Le sous-amendement renforcerait donc les efforts engagés depuis 2014 par le Gouvernement pour soutenir la compétitivité de l’approvisionnement énergétique des sites industriels les plus intensifs en électricité, au service de l’emploi, tout en continuant à inciter à l’efficacité énergétique. Bref, cette lisibilité permettrait de rassurer, tout en complétant le dispositif.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, pour soutenir le sous-amendement n1151.

Mme Bernadette Laclais. Ce sous-amendement participe du même esprit que le précédent ; il distingue entre les produits éligibles à l’aide et ceux qui ne le sont pas, en réservant l’aide maximale aux seuls premiers.

Une telle précision garantirait une égalité de traitement entre une production internalisée et une production externalisée. Sans doute le Gouvernement m’objectera-t-il qu’elle est satisfaite par l’amendement, mais certains pays, dont l’Allemagne, ont considéré qu’ils devaient l’inscrire dans leur législation pour être en accord avec la directive européenne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement et les sous-amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous avons examiné cet amendement lors d’une réunion de la commission au titre de l’article 88. Je comprends l’argument sur le risque d’une compétition inégalitaire avec l’Allemagne, mais je rappelle que l’an dernier fut voté un amendement parlementaire instaurant, pour les entreprises électro-intensives, un régime dérogatoire au regard de la non-déductibilité des frais financiers.

M. Dominique Baert. C’est vrai.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. M. Blein, auteur de cet amendement, en avait chiffré le coût à 1,50 euro par mégawatt, auquel s’ajouterait donc, avec le dispositif proposé, un soutien équivalent à 3 euros par mégawatt. Une vision globale nécessite en effet l’addition de tous les soutiens accordés. En Allemagne, monsieur le secrétaire d’État, il n’existe pas de régime dérogatoire quant à la déduction des frais financiers. Je souhaitais mentionner ce point, bien que la commission ait émis un avis favorable à l’amendement, dans le cadre d’un examen au titre de l’article 88.

Avis favorable au sous-amendement n1146 : l’indexation sur la cotation du carbone me paraît intéressante.

Quant au sous-amendement n1151, il me semble satisfait ; aussi je vous invite à le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les deux sous-amendements ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Comme la rapporteure générale, le Gouvernement estime le sous-amendement n1151 satisfait, et préconise donc son retrait. La rédaction de l’amendement permet en effet de prendre en compte de manière différenciée les produits mentionnés à l’annexe III des lignes directrices et ceux qui, ne l’étant pas, relèvent des sous-secteurs mentionnés à l’annexe II.

Avis défavorable au sous-amendement n1146, pour des raisons d’ailleurs suggérées par la rapporteure générale : il faut rappeler le cumul des aides pour les entreprises concernées, notamment avec la déductibilité des frais financiers.

Tel qu’il est proposé par le Gouvernement, l’amendement ajouterait une couche supplémentaire, si je puis dire, dans l’aide apportée au secteur. Le sous-amendement n1146 préjugerait d’une augmentation substantielle de ces aides dans les années à venir, puisqu’il établit une proportionnalité entre le coût du carbone et l’exonération ; or le coût du carbone n’est, pour ces industries, qu’un élément de contexte parmi d’autres, même s’il est important – d’où l’amendement du Gouvernement. Un soutien de 90 millions, enveloppe estimée pour 2016, est déjà significatif. Le sous-amendement n1146 le majorerait encore fortement, si tant est que le coût du carbone suivra, comme nous le pensons, une progression très soutenue dans les prochaines années.

M. le président. Retirez-vous le sous-amendement n1151, madame Laclais ?

Mme Bernadette Laclais. Oui, monsieur le président, au bénéfice des explications de M. le secrétaire d’État, qui seront intégralement consignées au compte rendu.

(Le sous-amendement n1151 est retiré.)

M. le président. Maintenez-vous le sous-amendement n1146 ?

Mme Bernadette Laclais. Oui, en m’appuyant sur l’avis favorable de la rapporteure générale ; non que j’entende générer une dépense qui, dans la durée, pourrait devenir déraisonnable, mais la hausse du coût du CO2 accroîtra les ressources de l’État à travers la taxe qui lui est dédiée. On peut donc considérer que les effets de l’indexation seront financés.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je souhaite poser deux questions techniques au Gouvernement.

L’exposé sommaire de l’amendement suggère, dans son avant-dernier alinéa, que la mesure est conforme au droit communautaire. L’aide est-elle néanmoins assimilable à une aide d’État, et doit-elle à ce titre être notifiée à Bruxelles ?

Aux termes du dernier alinéa du même exposé sommaire, un « mouvement de rebudgétisation » sera opéré dans le projet de loi de finances rectificative pour 2015 : cette rebudgétisation sera-t-elle partielle ou totale ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, l’aide n’a pas besoin d’être notifiée ; elle ne l’a pas été, en tout cas, par les pays où elle fut mise en œuvre.

Quant à la seconde question, la rebudgétisation, dans le cadre du PLFR, sera totale.

(Le sous-amendement n1146 est adopté.)

(Le sous-amendement n1151 est retiré.)

(L’amendement n1068, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1152.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit de mettre en musique, si vous me passez l’expression, ce qui a été convenu au sujet du financement de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, compte tenu de l’élargissement de son périmètre d’intervention, notamment aux autoroutes et au transport par car.

Cette disposition n’avait pu être votée, pour des raisons techniques, dans le cadre du projet de loi relatif à la croissance et à l’activité. L’amendement répond, je crois, au souhait général des parlementaires qui avaient suivi le sujet.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement est arrivé cette nuit. Nous ne l’avons donc abordé que rapidement, dans le cadre de l’examen en article 88 tout à l’heure, après avoir demandé des données financières que nous n’avons pas reçues.

Au vu des enjeux financiers indiqués, la commission a émis un avis favorable, même s’il serait bon qu’on s’en tienne à la discipline qui conduit au rejet de mesures dont l’impact financier n’est pas précisé.

(L’amendement n1152 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1153.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’amendement tend à opérer un transfert de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, vers le budget de l’État, afin de financer le régime d’allocation viagère des gérants de débit de tabac.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable à cet amendement que nous avons reçu tardivement. Si nous avons bien compris les éléments reçus ce matin, l’opération est la suivante : l’État récupère prend en charge 28 millions d’euros mais les récupère sur les droits de consommation sur le tabac.

(L’amendement n1153 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1156.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit de prolonger d’un an le régime dérogatoire concernant les plans de prévention des risques littoraux, les PPRL, introduits suite à la tempête Xynthia.

Le dispositif devait en principe s’éteindre à la fin de cette année, mais certaines communes littorales concernées ne sont toujours pas couvertes par un PPRL approuvé. Afin qu’elles puissent bénéficier du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », nous souhaitons que le dispositif en vigueur soit prolongé d’un an, afin de tenir compte des conséquences de la tempête Xynthia.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement que nous avons également reçu tardivement, mais sur lequel je remercie les services du ministre de nous avoir fourni des éléments. L’impact budgétaire de cette prolongation du dispositif est, pour l’État, de 13 millions d’euros : notre commission a donc souhaité donner un avis favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Petite précision : le coût sera en définitive supporté par les assureurs puisqu’il s’agit d’utiliser les dispositifs Barnier.

(L’amendement n1156 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n496.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En 2010, la société Adoma était gérée par l’État et se trouvait dans une situation financière qui faisait courir un risque de rupture de continuité dans la fourniture de services d’hébergement d’urgence. À cette époque, il a été décidé de monter au capital de la Société nationale immobilière – la SNI – à hauteur de 42 % et de mettre en place une nouvelle équipe dirigeante chargée de redresser la situation.

L’État et l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’Ascsé, avaient octroyé à Adoma 44 millions d’euros d’avances en compte courant d’actionnaires afin de subventionner des projets d’investissements.

Il était normal que ces avances en compte courant d’actionnaires soient converties en subventions car elles ont financé des projets non équilibrés. Il s’agit donc de procéder à un abandon de ces deux créances, pour un montant total de 44 millions d’euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été discuté assez rapidement en commission des finances, et n’a pas fait l’objet d’un consensus, en raison notamment des impacts budgétaires et financiers.

Le Gouvernement propose un abandon de créances. Faisons le point sur la situation et les équilibres financiers : tout d’abord, l’opération de sauvetage que vous avez mentionnée, monsieur le secrétaire d’État, avait permis d’apporter de l’argent frais à la société Adoma.

Cet apport a permis de revaloriser cette société, et par conséquent de la participation de l’État, dans celle-ci. Si elle s’était trouvée en grande difficulté, la participation de l’État n’aurait en définitive plus rien valu : cette opération a donc eu pour conséquence une réelle valorisation.

Bien entendu, apporter un soutien à Adoma paraît, au regard des missions de service public qu’elle remplit, effectivement souhaitable. Enfin, et même si cet argument est d’un maniement toujours compliqué, un abandon de créances n’a pas d’impact budgétaire mais a un impact sur le hors-bilan de l’État : la mesure n’est donc pas payée aujourd’hui en euros sonnants et trébuchants.

Au regard des éléments qui lui manquaient, la commission a émis un avis défavorable que je suis obligée de rapporter ce matin en séance publique. Pour autant, un certain nombre d’éléments plaident effectivement en faveur du soutien à Adoma ; j’en reste néanmoins à la position de la commission.

J’ai par ailleurs rappelé les trois points – revalorisation de la participation de l’État dans la société Adoma, nature extra-budgétaire, c’est-à-dire hors-bilan, de la mesure, et caractère de service public des missions poursuivies par cette société – qui plaident en faveur de cet amendement. Cependant, notre commission a, en raison d’un manque d’information, émis un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’ai été, pour ma part, quelque peu étonné par cet amendement. En effet, qui sont les actionnaires de la société Adoma ? Ils sont plusieurs : pourquoi donc l’État renonce-t-il aux 37 millions d’euros et ne procède-t-il pas à une augmentation de capital ? Choisir la première option d’abandon de créances revient en effet à enrichir les autres actionnaires, même si je n’ai plus en tête le montant exact de la participation de l’État dans Adoma. N’existe-t-il pas des actionnaires privés ou des tiers qui, de ce fait, vont s’enrichir, alors qu’il aurait été possible d’augmenter le capital, à due concurrence ?

Ma deuxième question porte sur le deuxième alinéa : comment l’État peut-il faire délibérer sur les 7,146 millions d’euros détenus par l’Acsé qui est gérée par ses propres instances, et notamment par un conseil d’administration ? Je trouve cela un peu curieux : la mesure est-elle conforme à l’ordre juridique ? On passe en effet par-dessus les instances chargées de gérer cette agence. Pourriez-vous par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, nous éclairer sur ces deux points ?

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Si je souscris à ce que vient de dire M. de Courson sur le fond, je souhaite faire une simple réflexion de forme : s’agissant de sujets relativement importants sur le plan des conséquences juridiques et financières, je ne comprends pas pourquoi les amendements arrivent dans la nuit. Cela nous prive du temps nécessaire pour les étudier.

Effectivement, cela crée des problèmes en séance : sans disposer des informations ni des chiffres ni des conséquences, il est forcément difficile de statuer ainsi, d’une manière un peu improvisée. J’ajoute, monsieur le secrétaire d’État, qu’il ne s’agit pas du seul amendement arrivé dans la nuit : les autres susciteront les mêmes réactions. Je ne peux que le regretter, car cela nuit incontestablement à la qualité des débats.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député Ollier, vous consultez forcément tous les jours les liasses d’amendements : cet amendement a été déposé la semaine dernière. Il n’est donc pas arrivé dans la nuit.

M. Patrick Ollier. Celui-là ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Parfaitement.

M. Patrick Ollier. Je vous prie donc de m’excuser.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Pour répondre aux questions de M. de Courson, la SNI, toujours dans le cadre du pacte d’actionnaires qui a été conclu en 2010, a procédé à une augmentation de capital de 50 millions d’euros : elle est donc bien montée au capital. En échange, et comme cela avait été convenu, l’État a consenti un abandon de créances.

Par conséquent, la participation de l’État dans Adoma a baissé pour atteindre 42 % – si mes informations sont exactes – conformément au pacte d’actionnaires conclu en 2010 : cela répond, monsieur de Courson, à votre question sur la qualité juridique de la décision.

Enfin, je tiens à souligner, une nouvelle fois, que ce type de décision participe d’une philosophie vertueuse : si Adoma, remplissant ainsi ses missions de service public, peut proposer davantage de places d’hébergement, ce qui est le cas, cela diminue d’autant le coût des nuitées, dont chacun sait qu’elles contribuent à alourdir, de façon un peu anormale, le coût de l’hébergement d’urgence. Telle est également, en termes plus factuels, la signification de cette opération.

Sur le plan budgétaire, il est vrai que l’économie réalisée sur les nuitées d’hôtels viendra largement compenser cet abandon de créances. Sur le reste des points évoqués et en particulier de la norme de dépense, je souscris, bien entendu, à ce qu’a dit tout à l’heure la rapporteure générale.

(L’amendement n496 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n514.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit de transférer à des acteurs professionnels spécialisés dix-huit établissements médico-sociaux de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre – ONAC-VG – chargés de la reconversion professionnelle des personnes handicapées.

L’objet social de l’ONAC-VG rendait jusqu’à présent ces écoles et ces établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – peu identifiables pour les autres acteurs de la filière. Le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique du 17 juillet 2013 a lancé une mission d’expertise : ses conclusions sont reprises dans le présent amendement qui a été suggéré par la Secrétariat d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable : il s’agit de transférer des biens immobiliers de l’ONAC-VG vers des structures publiques. Ils ne sortent donc pas du domaine public. Les évaluations qui nous été transmises par France Domaine font état d’un montant de 40 millions et de 35 millions d’euros. L’amendement porte donc sur 75 millions d’euros, sachant que les biens concernés restent dans la sphère publique.

(L’amendement n514 est adopté.)

Après l’article 47 (amendements appelés par priorité)

M. le président. À la demande du Gouvernement, nous examinons donc en priorité les amendements nos 10, 861, 888, 1095, 989, 939, 349, 1032, 1076 rectifié, 22, 886 rectifié, 978, 862, 1079, 1084, 411, 1099, 970, 980 et 969 portant article additionnel après l’article 47.

L’amendement n10 n’est pas soutenu.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 861 et 888.

La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement n861.

M. Philip Cordery. L’impôt sur le revenu a pour principes la progressivité et la prise en compte du quotient familial : nous le savons tous. Mais les non-résidents sont assujettis à un minimum de 20 % de prélèvements et ils ne bénéficient pas de la prise en compte du quotient familial. Cet état de fait peut, par la suite, être contesté, en prouvant ses revenus mondiaux.

Mais cette procédure est méconnue, longue, et souvent fastidieuse : il peut s’écouler plusieurs années avant de recevoir sa feuille d’imposition du pays de résidence et de pouvoir procéder à une contestation. Or ce sont les ménages les plus modestes, qui se situent dans les tranches inférieures à 20 %, qui sont pénalisés.

L’amendement propose que, dans l’Union européenne ainsi que dans les pays qui ont signé un accord fiscal avec la France, les revenus mondiaux puissent faire l’objet d’une déclaration sur l’honneur afin de prendre en compte, dès le départ, la progressivité de l’impôt ainsi que le quotient familial. Nous avons défendu l’égalité devant l’impôt, lors du vote sur la CSG-CRDS des non-résidents : il s’agit ici d’une logique identique.

M. le président. Peut-on considérer, monsieur Cordery, que vous avez également défendu l’amendement n888 ?

M. Philip Cordery. Oui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ces deux amendements, ainsi que vient de le dire Philip Cordery, sont, en grande partie, satisfaits par une procédure parfois méconnue et peu utilisée. Vos amendements proposent de l’alléger un peu plus : actuellement, nous nous contentons de la déclaration de revenus à l’étranger, et vous souhaitez y substituer une déclaration sur l’honneur. Pourquoi pas ?

Encore une fois, je pense néanmoins que les éléments que vous avez mentionnés sont, pour la plupart, satisfaits, même si la procédure concernée est peu connue.

L’analyse du Gouvernement sur ces deux amendements n888 et n861 est la même : il préférerait qu’ils soient retirés, mais, s’ils ne l’étaient pas, il s’en remettrait à la sagesse de l’Assemblée.

(Les amendements identiques nos 861 et 888, acceptés par la commission, sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n1095, qui fait l’objet de deux sous-amendements, nos 1149 et 1150.

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement.

Mme Karine Berger. Cet amendement présenté par M. Le Roux et les membres du groupe socialiste prolonge une réflexion que nous avons eue en commission des finances.

Depuis 2012, l’ensemble des pays du G20 se sont engagés dans une démarche très ambitieuse de lutte contre l’optimisation fiscale agressive, que l’on peut appeler évasion fiscale, des grands groupes, amenant certaines entreprises à ne pas payer les impôts dus dans les pays.

L’OCDE a proposé un plan de quinze points, qui ont été considérablement travaillés au cours de l’année qui vient de s’écouler, ce qui doit normalement permettre au G20 de prendre position dès le 15 novembre en faveur de ce plan extraordinairement ambitieux.

L’amendement n1095 est l’une des applications de ce plan, dit BEPS, de l’OCDE. Il contient deux éléments.

Il prévoit d’abord que les grandes entreprises, au-delà de 750 millions de chiffre d’affaires, doivent obligatoirement déposer auprès du fisc français la liste de leurs implantations partout dans le monde ainsi qu’un certain nombre d’indications de leur activité dans ces pays. Ces éléments seront précisés par voie de décret mais on peut imaginer qu’il y aura le chiffre d’affaires, les profits, les effectifs, l’ensemble des informations permettant de savoir si une entreprise fait ou pas du profit et du chiffre d’affaires dans un pays et est soumis correctement à l’impôt de ce pays.

Il prévoit ensuite que ces informations seront transmises entre les pays dans le cadre de l’accord de transmission automatique d’informations en train de se mettre en place partout dans le monde, notamment, au sein de notre Union européenne. Dans le cas où ces entreprises ne respecteraient pas cette obligation, une amende est prévue, allant jusqu’à 100 000 euros.

C’est l’amendement que beaucoup attendent depuis de nombreuses années pour mettre vraiment certaines entreprises devant la réalité de leur refus de payer l’impôt. Quand ces dispositions seront dans la loi française et dans la loi de nombreux pays européens et pays de l’OCDE et du G20, on pourra dire que nous aurons pris le taureau par les cornes en matière d’évasion fiscale et d’optimisation fiscale agressive. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous en venons aux deux sous-amendements, nos 1149 et 1150 de monsieur Alauzet.

M. Éric Alauzet. C’est effectivement un amendement très important, qui est la première déclinaison dans la loi française du programme BEPS commandé par le G20 et préparé par l’OCDE pour lutter contre l’optimisation fiscale agressive, avec un reporting des activités, un échange automatique entre les États pour mesurer la réalité des activités des entreprises dans les paradis fiscaux et les transferts de bénéfices.

Vous vous souvenez sans doute de nos débats en 2013 autour de notre amendement sur le reporting bancaire adopté dans la loi de séparation et de régulation des activités bancaires. Certains nous disaient à l’époque que son adoption allait isoler la France sur la scène européenne et mettre en péril les banques françaises. D’autres disaient au contraire que son adoption n’aurait aucun effet. Cela n’a été ni l’un ni l’autre.

M. Jean-Luc Laurent. Exact !

M. Éric Alauzet. Il ne faut pas être trop présomptueux mais, grâce à cet amendement, qui prévoyait deux critères, le Sénat ayant décidé d’en mettre quatre, la France a été un pays précurseur, a eu le leadership, cela a conforté l’Europe qui travaillait sur la question.

En seconde lecture, le groupe SRC avait proposé un amendement pour étendre le dispositif aux entreprises. C’était conditionné à l’adoption au niveau européen du même dispositif.

Bref, on voit comment, grâce à une articulation entre l’Europe et les États, entre les différents groupes politiques, on a pu avancer progressivement pour aboutir aujourd’hui à une concrétisation à travers le programme BECS.

La France a donc eu le leadership sur la loi bancaire. La publicité des informations bancaires a été effective en France depuis 2014. Je propose qu’il en soit de même et que les informations concernées par l’amendement soient rendues publiques. Jusqu’à preuve du contraire, cela n’a pas nui particulièrement aux banques françaises que ces informations soient disponibles. J’invite donc mes collègues à soutenir mon sous-amendement.

M. le président. Vous avez donc présenté également le suivant.

La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. J’étais responsable du groupe SRC sur la transparence des paradis fiscaux. Effectivement, l’amendement sur la transparence des holdings est attendu en liaison avec une directive européenne. Nous menons des combats qui montrent que nous sommes dans un nouvel âge de la mondialisation, contre les paradis fiscaux, le travail détaché. Demain, il y a aura un devoir de vigilance des multinationales. Nous ne sommes pas contre la mondialisation, nous ne sommes pas contre l’entreprise, nous voulons qu’il y ait de la loyauté dans ce domaine et c’est une fierté pour nos groupes majoritaires de mener ces combats.

Nous pourrons aller plus loin sur le seuil des entreprises et la transparence des informations, soit dans en deuxième lecture, soit dans les mois et les années qui viennent, mais cette étape doit être appréciée à sa juste valeur, cela va dans le sens de ce nouvel âge de la mondialisation qui doit redonner confiance à la République, à nos territoires, et qui passe bien sûr par l’Europe.

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics, pour donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. C’est un amendement important parce qu’il se place dans le cadre beaucoup plus général de la lutte contre l’optimisation fiscale agressive, au niveau national, au niveau européen ou, en l’occurrence, au niveau international. Je prendrai donc quelques minutes pour que chacun ait bien en tête le cadre dans lequel nous travaillons et l’importance du vote sue ce point.

Je le dis tout de suite, le Gouvernement est favorable à l’adoption de cet amendement. Il est en tout point conforme à celui que j’aurais introduit dans le projet de loi de finances rectificative, qui sera présenté en conseil des ministres demain. Mais je pense important que le Parlement puisse se prononcer dès maintenant sur ce point dans la mesure où les chefs d’État et de gouvernement du G20 réunis à Antalya auront à adopter définitivement l’ensemble du dispositif. Si le vote a déjà eu lieu à l’Assemblée nationale, ce sera un bon point pour la France, une preuve de crédibilité.

La volonté de lutter contre la fraude fiscale et l’optimisation fiscale est partagée depuis longtemps mais elle a été affirmée avec énormément de force depuis 2012.

Le BEPS est donc une avancée majeure dans la lutte contre l’optimisation fiscale des multinationales, tout particulièrement celles qui s’inscrivent dans une mondialisation, non pas celles qui souhaitent normalement se développer dans ce cadre, mais celles qui utilisent les subtilités des différences de législation pour aboutir à des situations extrêmement dommageables pour l’ensemble des pays concernés, et pas seulement la France.

Je vous rappelle que les différents mécanismes, souvent extrêmement complexes, qui sont à l’œuvre, mis en place par de grands spécialistes, qui doivent finir par être payés à peu près le même montant que ce qu’ils font gagner aux entreprises concernées, entraînent une perte de recettes d’impôt sur les sociétés de l’ordre de 4 à 10 % à l’échelle de la planète. Ce sont 100 à 240 milliards d’impôts qui ne sont pas payés par les grands groupes multinationaux grâce à des stratégies d’évitement. C’est évidemment inacceptable.

Bien entendu, on ne peut lutter contre des mécanismes internationaux que si l’on travaille au niveau approprié, qui est le niveau international. C’est ce que BEPS a fait tout au long de l’année et le travail devra être poursuivi en 2016.

Karine Berger disait à juste titre qu’il y avait quinze points. Nous avons l’air de ne discuter que d’un seul d’entre eux. Non, nous allons mette en œuvre la totalité de ces points, mais par des outils juridiques de nature différente.

Il y aura d’abord la négociation d’un accord multilatéral, action 15, qui permettra d’adapter en une fois l’ensemble des conventions fiscales bilatérale – la France en a 125 – au nouveau cadre BEPS. Quatre-vingts pays participent déjà aux négociations. Cette adaptation des conventions fiscales permettra notamment d’y introduire des clauses anti-abus, déjà présentes dans les conventions signées par la France, particulièrement celle qui permettra d’éviter que les entreprises ne se livrent à du treaty shopping, c’est-à-dire l’implantation de sociétés boîtes aux lettres pour bénéficier des avantages offerts par une convention bilatérale.

Certaines actions demanderont des réponses européennes. En janvier, la Commission européenne doit présenter son troisième paquet fiscal, qui intégrera notamment des dispositions visant à appliquer certaines conclusions du BEPS de façon coordonnée en Europe. Je souhaite que ce projet contienne des règles renforcées sur les produits hybrides, c’est l’action 2, produits qui sont au cœur de certaines situations de double non taxation et sur lesquels nous avons déjà commencé à adapter notre droit national dans la loi de finance de 2014.

Cette directive devrait également contenir des dispositions sur les règles applicables aux sociétés étrangères contrôlées, c’est l’action 3, règles qui permettent aujourd’hui aux entreprises d’établir des filiales dans des États à fiscalité privilégiée afin de diminuer leur imposition.

Nous allons concrétiser l’accord politique obtenu lors de l’ECOFIN du 8 octobre sur l’échange automatique des rulings, qui met fin à une ère d’opacité inacceptable et sera la concrétisation européenne d’une partie de l’action 5 du BEPS.

M. Philip Cordery. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Cette directive entrera en vigueur au 1er janvier 2017 et concernera tous les rulings de moins de cinq ans, ainsi que ceux qui étaient en vigueur au 1er janvier 2014, ce qui permettra de couvrir particulièrement les rulings apparus au cours de l’année 2014 dans tel ou tel pays, dont la taille importe peu, et qui seraient aujourd’hui caduques.

J’accueille donc favorablement l’initiative de Mme Berger qui vise à traduire cet accord dans la loi dès aujourd’hui.

Enfin, nous avons des travaux à mener au niveau national, poursuivant ainsi les efforts menés depuis 2012.

Dans ce projet de loi de finances, l’article 37 propose une dématérialisation des déclarations obligatoires de prix de transfert, ce qui va énormément faciliter les travaux.

Cette documentation doit être complétée, c’est l’objet de l’amendement présenté par le groupe, comme cela est prévu dans l’action 13 du BEPS, par une déclaration pays par pays des principaux agrégats comptables des multinationales, en particulier le chiffre d’affaires, le bénéfice mais aussi l’impôt payé.

Je remercie le groupe socialiste, républicain et citoyen et tous ceux qui soutiennent cette initiative pour le dépôt de cet amendement, qui vise à inscrire dès le projet de loi de finances ce reporting pays par pays. J’avais annoncé que le Gouvernement allait vous proposer une telle disposition dans le projet de loi de finances rectificative mais l’adopter aujourd’hui me paraît être une excellente chose.

Je souhaite que tout le BEPS soit traduit dans notre droit, mais rien que le BEPS. D’autres discussions ont lieu, y compris au niveau européen, qui permettront peut-être d’avancer au cours de l’année 2016. Je pense en particulier à la publicité des informations qui seront déclarées obligatoirement aux administrations fiscales, ce qui permettra à l’ensemble de nos administrations fiscales de faire leur travail, de faire éventuellement des rappels d’imposition et, s’il y a des manœuvres, d’infliger les pénalités afférentes, mais, pour la publicité, c’est-à-dire la possibilité pour tout un chacun d’en connaître le contenu, je souhaite que ce soit fait au niveau européen.

C’est la raison pour laquelle, tout en comprenant parfaitement et en partageant l’esprit du  sous-amendement, de monsieur Alauzet, le Gouvernement, à ce stade, ne souhaite pas qu’il soit adopté.

M. Jean-Luc Laurent. Dommage !

M. Michel Sapin, ministre. C’est donc un grand moment, un amendement très important, une avancée considérable. Le débat a commencé en 2012 lors d’un G20 à Los Cabos. Ce sont des sujets qui étaient abordés depuis des dizaines d’années, avec différents obstacles, chacun prenant prétexte de l’intérêt national pour ne pas avancer et bloquer le reste. En l’espace de trois ans, puisque ce sera adopté à Antalya dimanche ou lundi prochain par l’ensemble des pays du G20 et des pays de l’OCDE, le progrès aura été considérable.

Voilà l’exemple d’un cas où, pour réagir aux conséquences néfastes de la crise financière et, surtout, aux causes mêmes de cette crise, les États sont capables d’avancer ensemble pour protéger leurs intérêts nationaux et, en même temps, globalement, agir pour qu’il y ait un bon financement de l’économie au niveau planétaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Notre assemblée se mobilise depuis de longs mois pour traduire dans notre droit les quinze recommandations de l’OCDE sur le plan BEPS. Je remercie M. le ministre et le groupe socialiste d’avoir porté ce combat, Bruno le Roux en tête. Il trouve aujourd’hui sa concrétisation dans cet amendement qui a recueilli de nombreuses signatures sur l’ensemble des bancs de la gauche.

En préambule, rappelons un constat très simple que dresse la Commission européenne : l’optimisation fiscale agressive et l’évasion fiscale amoindrissent les recettes dans les caisses des États concernés. Cette baisse est compensée par une augmentation des impôts des citoyens, ce qui est d’une injustice absolument insupportable pour l’ensemble de nos démocraties européennes. L’amendement est une première étape vers l’application de ce corpus des quinze recommandations de l’OCDE. Notre commission a émis un avis favorable.

S’agissant du sous-amendement d’Éric Alauzet, je tiens à préciser que des étapes ont déjà été franchies de manière très significative et que nous progressons avec l’ensemble de nos collègues européens. Sur cette question de la publicité des informations, ils ont émis il y a quelques jours un avis défavorable, soucieux d’avancer pas à pas. Je rejoins donc leur position et émets un avis défavorable au sous-amendement.

M. Jean-Luc Laurent. C’est dommage !

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Je vous invite à voter le sous-amendement n1149 de mon collègue Éric Alauzet et de l’ensemble du groupe écologiste sur le caractère public de l’information pays par pays. Le principe même du reporting dans la lutte contre les paradis fiscaux, c’est le « name and shame », soit de rendre publiques les informations pour faire pression sur les entreprises afin qu’elles fassent évoluer leur comportement. Aujourd’hui, dans cet hémicycle, je n’ai entendu aucun argument déterminant pour conserver le caractère si ce n’est confidentiel, tout du moins non public de l’information. Je n’ai rien entendu non plus qui aille dans le sens d’une publicité de l’information fournie.

Je crains qu’en votant le caractère non public du reporting, nous ne fassions pression sur la négociation européenne en cours et que l’on ne s’arrête à ce stade, au niveau français comme européen, ce qui serait extrêmement dommage. Le sous-amendement nous permettrait d’appliquer vraiment le principe même du reporting et de satisfaire enfin le souhait que nous avons depuis la loi de séparation bancaire, en l’imposant à l’ensemble des multinationales.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Vous me permettrez, monsieur le président, et ce n’est pas une clause de style, de féliciter et de remercier les parlementaires pour leur travail mené avec le Gouvernement, depuis plus de trois ans, sur ces questions de lutte contre toutes les formes de fraude et d’optimisation fiscale agressive, qui est, en quelque sorte, une marque de fabrique de notre majorité. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, quand on demande des efforts – et il en a été demandé – à nos concitoyens, il n’est pas possible de laisser perdurer des comportements qui font perdre des dizaines, voire des centaines, de milliards d’euros à nos économies.

Je veux dire ici l’engagement de la majorité sur tous ces textes. Nous avons pris cette initiative, parce qu’il est bon que le Parlement français puisse, dans une démarche cohérente avec tout ce qu’il a fait auparavant, peser sur nos partenaires du G20 et nos partenaires européens lors du sommet prometteur des 15 et 16 novembre. Il est bon que le Parlement français prenne toutes ses responsabilités aujourd’hui et adopte cet amendement qui sera complété par l’amendement n1176, déposé par Karine Berger, lequel va dans le même sens, en permettant d’éviter de longues investigations à l’administration fiscale et d’examiner les montages de transferts d’actifs faits de notre pays vers des pays à fiscalité privilégiée. Les amendements présentés par la majorité sont cohérents, grâce au travail commun que nous menons depuis plusieurs années avec le Gouvernement sur ces questions.

M. Philip Cordery. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je tiens à rappeler que l’opposition est tout à fait favorable à l’aboutissement des travaux menés dans le cadre du plan BEPS. Ces questions ont été soulevées par Nicolas Sarkozy, lors des G20, il y a plusieurs années, et nous avons cherché à progresser constamment. Je rappelle également que la commission des finances a mené un travail extrêmement important dans le cadre d’une mission présidée par Éric Woerth et dont le rapporteur était Pierre-Alain Muet. C’est dire à quel point je souscris à une telle orientation.

Mais je tiens, messieurs les ministres, à vous faire part d’une préoccupation, en reprenant l’exemple cité par nos collègues écologistes : celui de la loi de séparation bancaire. Nous devons être vigilants à la bonne coordination entre nos travaux législatifs, la progression de la réglementation européenne et les travaux conduits dans le cadre des G20 ou de l’OCDE. La loi de séparation bancaire, rapportée par Mme Berger, était censée anticiper sur une directive européenne en préparation. Nous avons conduit ces travaux de qualité, sans inquiétude particulière.

M. Éric Alauzet. Non ! Il y avait bien des inquiétudes !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’avais, pour ma part, fait le point à plusieurs reprises avec Michel Barnier, qui était alors commissaire européen, et nous semblions en accord avec la Commission européenne. Où en sommes-nous deux ans plus tard ? Une directive est en préparation, qui ne pénalise que trois grandes banques universelles, lesquelles, comme par hasard, sont nos trois principales banques générales françaises, et qui exclut au nom du système dit Vickers les banques britanniques,…

Mme Eva Sas. Pas sur le reporting !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …plus encore que les filiales européennes de banques d’affaires américaines. Nous risquons de mettre notre industrie bancaire, et ses dizaines de milliers d’emplois, en grande difficulté.

Vous me dites, monsieur Alauzet, que ce n’est pas le même sujet ; au contraire, ils sont totalement liés. Nous brandissons l’exemple français, l’avancée de la France et les valeurs françaises pour éclairer le monde, mais si le monde entier ne vous suit pas… Je prends toujours le même exemple : au mois de mars 2012, j’ai été le rapporteur du projet de loi de finances rectificative qui créait une taxe sur les transactions financières. J’avais alors reçu des plus hautes personnalités du gouvernement de l’époque la garantie qu’elle serait créée en Allemagne avant la fin de l’année 2012. Elle ne l’est toujours pas aujourd’hui !

Je renouvelle auprès des ministres l’excellente question que posait Christophe Caresche il y a quinze jours : où en est cette directive ? Nous ne pouvons pas laisser instaurer, au niveau européen, un système qui ne pénalisera que nos banques et l’emploi bancaire dans notre pays. Je souscris complètement à l’orientation générale, mais nous devons faire attention à défendre les intérêts français et l’emploi en France.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. À mon tour, je voudrais saluer l’ensemble des collègues parlementaires qui se sont mobilisés sur cette question, à l’image de Karine Berger, de Valérie Rabault, de Pierre-Alain Muet ou encore de Dominique Potier, ainsi que le Gouvernement pour sa pugnacité dans les G20. Nous avons eu beaucoup de débats parlementaires sur ces questions et l’on nous a appelés à la patience, débat après débat. Saluons donc aujourd’hui cet aboutissement au plan international, parce que c’est à ce niveau que tout se joue – et je rejoins M. Carrez sur ce point.

En revanche, je ne le rejoins pas lorsqu’il dit que l’opposition d’aujourd’hui, qui était la majorité d’hier, voulait avancer sur ces questions. Nous avons tous entendu les discours de M. Sarkozy sur les banquiers voyous, mais nous avons attendu les actes. L’idéologie est revenue au galop, comme en témoigne aujourd’hui le vide des bancs à la droite de l’hémicycle, alors même que ce combat est essentiel.

Il peut paraître technique, mais il est fondamentalement éthique : sur le plan démocratique, puisqu’il représente le début de la reprise en main d’une économie mondialisée qui échappait aux États ; sur le plan de la justice, parce que les dispositions prévues dans les amendements signifient que les richesses doivent être taxées, soit produire du bien collectif, soit du salaire différé dans les pays où elles sont véritablement créées. C’est rendre justice aux salariés et à tous ceux qui produisent des efforts, aux créateurs et aux investisseurs de notre pays.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot.

Mme Cécile Duflot. Je me félicite également du travail qui a été fait et de l’avancée que constitue cet amendement. Mais, monsieur le secrétaire d’État et madame Rabault, on peut tout à fait retourner les arguments que vous avanciez contre le sous-amendement écologiste. À ne pas décider de la publicité aujourd’hui, nous risquons d’en faire la règle et d’hypothéquer le travail qui sera fait durablement au niveau européen.

Eva Sas a pris l’exemple de la loi bancaire. À ce propos, monsieur Carrez, vous avez confondu le reporting qui s’applique à l’ensemble des banques et la question relative à la séparation des activités qui est un autre débat.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Pas du tout !

Mme Cécile Duflot. S’agissant du reporting, quel qu’il soit, ce qu’a dit Éva Sas est très juste. S’il n’y a pas de publicité générale sur ces activités, on restera dans un entre-deux qui nous laissera dans une situation relativement inconfortable. Or, si la position de la France est bien de demander une généralisation de cette publicité au niveau européen, cela sera d’autant favorisé que la mesure aura été adoptée par notre Parlement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le groupe UDI a toujours été favorable à la transposition en droit français du projet international de lutte contre l’érosion de la base d’imposition des sociétés et le transfert de bénéfices. La bonne solution juridique, c’est la transposition en droit français d’une convention multilatérale, qui seule nous permettra d’être efficaces.

L’amendement n1095 est partiellement inopérant du fait de la territorialité du droit français, notamment pour les filiales françaises dont les têtes de groupe sont implantées dans un État ou un territoire qui ne transmettent pas les déclarations pays par pays à la France. Comment sanctionner l’absence de déclaration ? Qui va payer ? Est-ce la filiale française de ce groupe étranger implanté dans un État non coopératif ? Vous ne pourrez pas sanctionner la tête du groupe, puisqu’elle ne sera pas assujettie au droit français.

La seule bonne solution, comme M. le ministre l’a dit tout à l’heure, c’est la ratification, le plus vite possible, de la convention multilatérale. C’est le seul moyen d’être efficace. Or, quelle est la portée juridique de l’amendement n1095 ? Elle est nulle pour toutes les filiales en France de groupes dont les têtes sont implantées dans un État non coopératif.

Nous pouvons nous faire plaisir, mes chers collègues ! D’ailleurs, nous aimons beaucoup cela dans cette assemblée, en votant parfois des textes dont nous savons pertinemment qu’ils sont inapplicables... Les ministres pourraient-ils me dire comment s’applique l’amendement dans le cas de filiales françaises de groupes dont la tête est implantée dans un État non coopératif ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement présenté par le groupe socialiste est très fortement soutenu par le Gouvernement. Au-delà de cette unanimité – ou presque, mais j’apporterai quelques éléments de réponse pour vous rassurer, monsieur de Courson –, restent plusieurs questions.

Première question : devons-nous faire tout le BEPS mais rien que le BEPS, ou plus encore que le BEPS ? Je propose, et c’est une avancée absolument considérable qui était souhaitée par beaucoup d’entre vous depuis des années, que nous marquions par le vote de cet amendement la volonté du Parlement français, et le nombre de ceux qui le soutiennent montre que c’est celle de la France, de mettre en œuvre des dispositifs de cette nature. Notre pays a été très mobilisé pour entraîner les autres pays. Ne croyez pas que tout le monde était volontaire : les obstacles étaient extrêmement nombreux, et des pays très importants du point de vue économique, parfois même le plus important, traînaient les pieds. Mais nous avons fini par emporter leur conviction.

Et puis il y a la question de la coordination – votre référence à la loi bancaire était quelque peu tordue si je peux me permettre, monsieur le président Carrez, car c’est un autre sujet. Il y a des débats au niveau européen : certains disent qu’il faut prendre les mesures avant les autres car cela va pousser l’Europe à aller dans ce sens. Mais l’exemple pris par le président Carrez montre que même si on agit avant les autres, ce n’est pas pour autant toujours adopté au niveau européen, et on se trouve alors dans une situation assez particulière. Dans la loi bancaire, s’agissant des entreprises, il est d’ailleurs prévu la publicité mais dès lors que ce sera acquis dans les autres pays de l’Union. Je propose donc qu’on s’en tienne à ce qui a été voté à l’époque.

Dès lors qu’il y aura accord au niveau européen, nous serons alors favorables à la mise en place de cette publicité. Je vois bien le raisonnement consistant à assimiler publicité et obligation morale, voire au-delà, pour les entreprises de s’y conformer. Mais la déclaration publique n’a pas ce seul objet : elle contient un certain nombre d’informations très importantes sur l’activité même de l’entreprise. Par conséquent, s’il n’y a pas une réciprocité très large ou si seules les entreprises françaises donnent des informations sur leur activité – je ne parle pas en l’occurrence de leur manière de passer outre au paiement de l’impôt –, cela risque de créer pour elles de réelles difficultés.

C’est la raison pour laquelle j’estime, même si je comprends parfaitement l’état d’esprit de ceux qui le souhaitent, que mettre en place un tel dispositif aujourd’hui sans qu’il le soit aussi au niveau européen mettrait notre pays en difficulté sans lui donner une force supplémentaire pour convaincre les autres. La France est très puissante, très intelligente, mais elle ne parvient pas toujours à faire partager immédiatement son point de vue à tout le monde. Je vous demande d’avoir ce réalisme positif, plein d’ambition et d’optimisme qui nous permettra de continuer à avancer sans nous mettre en difficulté.

Enfin, restent quelques questions d’ordre juridique.

Un paragraphe de l’amendement répond à vos interrogations, monsieur de Courson : « Une personne morale établie en France qui est détenue ou contrôlée, directement ou indirectement, par une personne morale établie dans un pays ou territoire ne figurant pas sur la liste mentionnée […] » serait tenue au dépôt de la déclaration. Il est donc prévu que cette obligation s’applique aux entreprises que vous avez décrites.

Vous vous demandez aussi ce qui se passera si tous les pays ne sont pas d’accord, ne se donnent pas la main pour lutter contre la fraude fiscale. Mais que faisons-nous déjà dans le cadre de la lutte contre la détention à l’étranger d’avoirs non déclarés ? Nous allons aboutir à un accord international, mais il était déjà nécessaire de voter les dispositions législatives. Il en en va de même aujourd’hui. Tous les pays du monde ne signeront pas, mais tout l’OCDE, dont les pays du G20, cela commence tout de même à faire beaucoup de monde. J’ajoute qu’avec l’accord sur les transferts d’informations – comme pour celui sur les comptes des foyers –, la dissuasion va jouer : je peux vous assurer que les pays qui ne sont pas aujourd’hui signataires de ces conventions commencent à en sentir les conséquences. Il faudra être déterminé pour que ces pays ne puissent plus être des lieux d’implantation légaux d’un certain nombre d’activités pour les pousser à s’y rallier parce que c’est ce qui a été signé le plus grand nombre de pays. C’est ainsi que nous allons progresser : les dispositions législatives nécessaires pour adapter notre droit à la réforme ; la convention internationale parce qu’on ne la fait pas dans un seul pays ; enfin, la mise sous pression, pas seulement morale puisqu’il y aura aussi des conséquences financières très fortes. Tous les pays de la planète en viendront ainsi à respecter des règles qui, au bout du compte, sont aussi dans leur intérêt à eux.

M. le président. Je m’en excuse auprès des collègues qui demandent encore la parole, mais nous avons déjà consacré trente-cinq minutes à un amendement et nous passons maintenant à la mise aux voix.

M. Éric Alauzet. Je n’ai pas parlé sur mon second sous-amendement !

Mme Cécile Duflot. Il n’a pas été présenté !

M. le président. J’ai donné la parole à tous les groupes qui l’ont demandé, plus particulièrement au vôtre.

(Les sous-amendements nos 1149 et 1150, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n1095 est adopté.)

M. le président. Je ne souhaite pas faire une application stricte du règlement tant les amendements que nous discutons sont importants, mais je vous demande, mes chers collègues, d’être extrêmement synthétiques dans vos propos.

La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l’amendement n989.

M. René Dosière. Cet amendement a pour objet de mettre un terme à la fraude à la TVA dite « carrousel » dans les échanges intracommunautaires, ce qui générerait une recette fiscale supplémentaire de l’ordre de 5 milliards d’euros par an. Cette fraude consiste à ne pas reverser au Trésor la TVA facturée et encaissée auprès d’une autre entreprise à la suite de la livraison de marchandises acquises en exonération dans le cadre des échanges intracommunautaires.

Les modifications que l’amendement propose visent à rendre impossibles de tels montages par la mise en place d’une déclaration en temps réel des achats réalisés par les assujettis à la TVA. Limitée à la mention du montant de l’opération et du numéro d’enregistrement du fournisseur, cette formalité serait ouverte à tous les opérateurs, mais ne serait rendue obligatoire que pour les livraisons de biens d’un montant important – supérieur à 783 000 euros –, si bien qu’elle ne concernerait que quelques dizaines de milliers d’entreprises. Reçues par la Direction nationale des enquêtes fiscales, ces informations, immédiatement recoupées avec la base de données des assujettis tenue par ce service, permettraient à l’administration d’identifier les fournisseurs dont le profil n’est pas cohérent avec le montant de la livraison en cause et qui sont susceptibles de disparaître soudainement en éludant la TVA facturée. Ainsi serait radicalement dissuadée toute possibilité d’action des acteurs de l’escroquerie à la TVA que l’on désigne sous le terme de « taxis ». Pour les entreprises concernées, c’est-à-dire les grandes entreprises, la charge de gestion créée par cette nouvelle obligation déclarative sera nulle puisque la collecte et la transmission des données s’intégreront entièrement dans le traitement dématérialisé de leurs opérations comptables. Mais pour leur laisser le délai nécessaire à l’initialisation du module informatique requis, il est proposé d’étaler l’entrée en vigueur du dispositif entre juillet 2016 et janvier 2017. Du côté de l’administration, les moyens informatiques nécessaires sont déjà disponibles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Un amendement au même contenu a déjà été présenté dans notre hémicycle. Le délai de vingt-quatre heures pour que les commerçants déclarent la TVA lorsqu’ils ont fait des achats auprès de leur fournisseur, c’est tout de même très court et à l’inverse de la simplification. L’amendement du Gouvernement visant à lutter contre les logiciels de caisse permettant de frauder à la TVA est déjà une avancée extrêmement importante. La commission a d’ailleurs émis un avis défavorable au vôtre, monsieur Dosière.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement souscrit aux arguments développés à l’instant par la rapporteure générale. Ce serait évidemment un facteur de grande complexité et une charge très importante pour les entreprises, même s’il est prévu d’étaler dans le temps la mise en vigueur du dispositif. Beaucoup de mesures ont été déjà prises en ce domaine, d’autres vont l’être ici et prochainement dans d’autres textes concernant la lutte contre la fraude. Nous ne souhaitons pas ouvrir aussi largement l’option de l’autoliquidation de la TVA à l’importation. Je rappelle que cette procédure est déjà mise en place pour des secteurs particulièrement sensibles en ce domaine, notamment le bâtiment. Les difficultés techniques et juridiques ne seraient pas forcément insurmontables, mais ce serait tout de même très complexe et facteur de lourdeur alors même que le Gouvernement souhaite simplifier les démarches pour les entreprises. L’avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Je prends note des observations de M. le secrétaire d’État. Je ne les partage pas forcément, mais je me rends compte qu’il est sans doute nécessaire de poursuivre le dialogue avec le Gouvernement pour voir où se trouvent les véritables difficultés techniques. Ce ne sera pas le premier dialogue sur une initiative des parlementaires en matière fiscale. Je retire cet amendement.

(L’amendement n989 est retiré.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour un rappel au règlement.

Mme Cécile Duflot. Je tiens à signaler que M. Alauzet n’a pu présenter le sous-amendement no 1150. Vous avez dit, monsieur le président, que 35 minutes de débat étaient suffisantes, mais je rappelle que nous parlons de plusieurs dizaines de milliards d’euros de fraude fiscale. Le débat méritait d’être conclu dans de bonnes conditions.

Après l’article 47 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 349 et 1032.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n349.

M. Charles de Courson. Vous savez, mes chers collègues, que nous débattons depuis des années sur les moyens de lutter contre le tabagisme et que le Gouvernement veut préconiser, dans la loi Santé, le paquet neutre et la hausse des prix du tabac comme un de ces moyens. Nous attirons depuis longtemps l’attention des gouvernements successifs sur le fait que si les prix sont excessifs, la non-coordination européenne aboutit à une explosion des importations : 26 % des parts de marché aujourd’hui, avec une progression d’un point à un point et demi chaque année, entraînant des pertes de recettes considérables que certains estiment même à 3 milliards. Le groupe UDI a toujours préconisé une coordination européenne via la fiscalité puisque avant de fumer du tabac, on fume des impôts.

L’OMS estime que le commerce parallèle ne peut être endigué que par la mise en place d’une traçabilité des produits du tabac, définie par le protocole dit « Pour éliminer le commerce illicite de tabac », traçabilité strictement indépendante des fabricants de tabac accusés par l’OMS de prendre part à l’organisation des trafics. « L’industrie du tabac oppose une résistance à la fois déclarée et non déclarée au protocole », constate le docteur Vera da Costa, chef du secrétariat de la convention-cadre de l’OMS. « Les fabricants savent qu’une fois le protocole appliqué, il sera bien plus difficile d’attirer les jeunes et les démunis dans le piège de l’addiction tabagique », ajoute-t-il.

Pour rendre le protocole immédiatement applicable, il faut supprimer l’article 569 du code général des impôts qui reprend les termes de l’article 15 de la directive sur les produits du tabac, dont l’articulation avec l’alinéa 12 de l’article 8 du protocole de l’OMS pose problème.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux, pour soutenir l’amendement n1032.

M. Bruno Le Roux. Après la récente ratification du protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac et avant la future disposition relative au paquet neutre dans le projet de loi relatif à la santé, cet amendement de cohérence s’inscrit dans la lutte contre toutes les formes de contrebande, qui coûtent cher à l’État français et aux contribuables, et qui sont pour partie organisées par les producteurs, lutte que nous voulons renforcer aujourd’hui, grâce à une traçabilité indépendante.

Trois textes définissent la traçabilité des produits du tabac : au niveau international, le protocole que nous avons ratifié ; au niveau européen, la directive sur les produits du tabac ; au niveau français, l’article 569 du code général des impôts.

Ces textes comportent une différence fondamentale. L’article 8 du protocole stipule que chaque partie instaure un système de suivi et de traçabilité contrôlée par elle, et que les obligations auxquelles une partie est tenue ne sont pas remplies par l’industrie du tabac et ne lui sont pas déléguées. L’article 15 de la directive sur les produits du tabac, en revanche, définit la traçabilité mais, à l’exception du stockage des données, permet à l’industrie du tabac d’être en charge de la traçabilité de ses produits, ce que le protocole interdit formellement. Cette interdiction relève du bon sens : on ne voit pas comment on peut être à la fois contrôleur et contrôlé.

Il ne fait aucun doute que le protocole de l’OMS que nous avons ratifié est une norme juridique supérieure à la directive sur les produits du tabac et à l’article 569 du code général des impôts. C’est pour lutter contre la contrebande et mettre en place, dès 2016, cette traçabilité indépendante, qui ne coûtera rien à l’État français puisqu’elle est financée par les cigarettiers, que nous nous étions tous engagés, en séance, à abroger l’article 569.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Lors de l’examen en commission, auquel participait d’ailleurs M. de Courson, Frédéric Barbier a retiré cet amendement pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, l’amendement tel qu’il est rédigé supprime purement et simplement l’article 569, qui transpose la directive sur les produits du tabac : aucune obligation de traçabilité ou de marquage des produits ne figurerait donc plus dans le code général des impôts. Cela semble contraire à l’objectif poursuivi.

Ensuite, la commission des finances a évoqué la conformité avec les dispositions du projet de loi relatif à la santé, qui vont dans le sens des amendements identiques de M. Le Roux et de M. Barbier. Un amendement à l’article 5 octodecies, adopté conforme dans le projet de loi relatif à la santé, vise à établir un contrôle indépendant de l’enregistrement et de la traçabilité des produits du tabac. Cette disposition figure donc déjà dans le projet de loi relatif à la santé.

Enfin, la législation française doit être conforme aux directives européennes. C’est pourquoi certaines retouches ont déjà été apportées au projet de loi relatif à la santé : nous avons ainsi déposé plusieurs amendements, afin que la France ne soit pas condamnée pour un quelconque manquement au droit de l’Union européenne.

Pour ces trois raisons, la commission a émis un avis défavorable à ces amendements.

M. Bruno Le Roux. Elle n’a pas examiné mon amendement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Votre amendement, monsieur Le Roux, est identique à celui de M. Barbier, défendu par M. de Courson, qui a été examiné par la commission réunie au titre de l’article 86. Il a été brièvement mentionné lors de la réunion qui a eu lieu au titre de l’article 88. La discussion sur le fond a bien eu lieu en commission des finances, en présence de M. Barbier.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Sur ce sujet, qui revient régulièrement et qui a déjà été débattu, l’avis du Gouvernement rejoint celui de la commission des finances pour de nombreuses raisons.

Tout d’abord, l’idée que les grands fabricants internationaux alimenteraient la contrebande est fausse, du moins dans notre pays. Si ces faits ont pu être constatés il y a longtemps, aujourd’hui, compte tenu de notre système monopolistique de distribution du tabac et de l’unicité du distributeur, indépendamment du réseau des buralistes, la contrebande n’est plus alimentée par des produits fabriqués par les grands producteurs. Seuls certains producteurs, en Grèce par exemple, alimentent parfois la contrebande par des produits qui échappent à tout contrôle.

Ensuite, contrairement à vous, monsieur Le Roux, et à d’autres qui travaillent – cela est légitime – sur ces questions et qui nous alertent, nous ne considérons pas l’article 569 par lequel la France a transposé la directive européenne sur les produits du tabac comme incompatible avec le protocole de l’OMS. Le débat n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est que ce texte est à présent ratifié : il ne l’était pas l’an dernier lorsque nous avons abordé ce sujet. Le protocole prévoit « d’instaurer un système de suivi et de traçabilité contrôlé » par la France. L’article 569 atteint ce but. Bien que vous le contestiez, monsieur Le Roux, l’ensemble des ministères qui suivent cette question partagent cette analyse : nous estimons donc qu’il n’y a pas de contradiction entre l’article 569 et le protocole de l’OMS.

Je vous épargne l’ensemble des dispositions que le Gouvernement met en œuvre, notamment avec les douanes, pour lutter contre la contrebande, la contrefaçon et les importations illégales. Pas une semaine ne se passe sans que la presse ne se fasse l’écho de saisies, parfois impressionnantes. Vous avez vous-même accepté d’interdire l’achat de tabac sur Internet l’an dernier. Ces dispositions commencent d’ailleurs à porter leurs fruits. Une grosse opération a ainsi été menée récemment dans le nord de la France, dont les résultats ont été impressionnants.

Ensuite, M. de Courson a fait allusion, à raison, à une nécessaire harmonisation européenne. Marisol Touraine et moi-même avons saisi la Commission européenne sur cette question, le 11 septembre dernier, pour avancer sur deux questions : l’harmonisation fiscale – une question que je connais bien, étant proche du Grand-duché de Luxembourg – et la traçabilité, pour laquelle nous attendons d’ailleurs toujours les actes dérivés de la directive, que nous avons transposée dans l’article 569.

Cette question fait l’objet de débats, parfois violents, entre les différents acteurs qui travaillent sur ce sujet. Je n’ai absolument aucun lien – le point a été parfois soulevé – ni avec un quelconque lobby défenseur ou non de l’industrie du tabac, ni avec un groupe industriel qui souhaiterait promouvoir tel ou tel dispositif. Nous nous plaçons dans un cadre européen car ce n’est que dans ce cadre, compte tenu de la spécificité de notre réseau de distribution, qu’un système de traçabilité sera utile pour lutter contre la contrebande, ce que nous faisons par d’autres moyens, toujours difficiles à mettre en œuvre mais grâce auxquels nous obtenons certains résultats.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je voudrais apporter mon soutien aux amendements de MM. Le Roux et de Courson. Nous partageons tous ici l’idée qu’il faut lutter contre le tabagisme et les dégâts qu’il engendre pour la santé. Dans le même temps, chacun connaît la souffrance, parfois grande, des buralistes, qui sont parfois des agents de l’État, puisqu’ils vendent en son nom certains produits.

Je suis élu d’une circonscription frontalière de la Belgique, où le nombre de cigarettes par paquet est plus élevé qu’en France, où la publicité n’est pas la même, où les carottes de tabac sont nombreuses alors qu’elles sont réglementées en France, où aucun paquet neutre ne s’appliquera – vous connaissez bien ces questions, monsieur le secrétaire d’État. Je suis en outre maire de Tourcoing, où votre administration est très présente puisque la ville accueille l’École nationale des douanes. Je suis ainsi très sensible à la nécessité d’une lutte efficace contre la contrebande.

Dans ce domaine, cependant, on a mis la charrue avant les bœufs ! Avant de commencer à imposer à nos buralistes le paquet neutre et la diminution des avantages que de nombreux pays européens conservent, il aurait fallu d’abord réussir l’harmonisation fiscale, c’est-à-dire une réglementation sanitaire identique dans tous les pays de l’Union européenne – pour ne pas dire, du monde –, donc appliquer ce que nous souhaitons avec l’OMS.

Avec le projet de loi relatif à la santé et les dispositions que vous ne voulez pas appliquer désormais, monsieur le secrétaire d’État, vous allez renforcer la contrebande, qui ne s’appliquera pas uniquement dans les territoires frontaliers. Aujourd’hui, même sans Internet, les douaniers constatent que la contrebande concerne jusqu’à des régions reculées de la Corrèze et de la Drôme, où des paquets de cigarettes sont échangés sur les aires d’autoroutes.

Le refus du Gouvernement d’adapter cette réglementation est pire que tout, d’autant que la démarche est très longue. Cette adaptation aurait dû être menée avant d’aborder la question du paquet neutre et de la lutte contre le tabagisme.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Ce débat est ancien : lors de la discussion sur la ratification du protocole de l’OMS, j’ai ainsi eu l’occasion, monsieur le secrétaire d’État, de vous dire en quoi mes arguments différaient des vôtres. J’avais notamment démontré à la tribune comment, en livrant beaucoup plus que les quantités permises ou déclarées, dans tous les pays frontaliers, on alimentait un commerce transfrontalier parallèle, une contrebande contre laquelle notre pays n’est absolument pas protégé.

Il suffit de lire le rapport rédigé par Frédéric Barbier, qui s’excuse de son absence aujourd’hui compte tenu du changement de l’ordre du jour, pour réaliser la nécessité d’une traçabilité indépendante pour lutter contre les trafics et introduire le paquet neutre. Que l’on s’en félicite ou non, il serait dramatique de généraliser le paquet neutre avant que les autres pays de l’Union européenne ne prennent des dispositions similaires et de ne pas instaurer une traçabilité qui évite toute forme de contrebande et qui, en outre, sécurise les vendeurs. La traçabilité est en effet aussi importante pour les officines qui vendent les produits du tabac, ces buralistes qui sont soumis à des attaques et qui bénéficieraient ainsi d’une protection supplémentaire.

Sur ce sujet, comme sur celui du paquet neutre, la législation française peut aller plus vite que la législation européenne. Il n’y a là aucune incompatibilité ni contradiction. Je tiens à votre disposition, monsieur le secrétaire d’État, les arguments juridiques qui mettront le Gouvernement à l’abri de tous les lobbys que nous connaissons sur cette question et qui utilisent toujours les mêmes arguments, très rodés, que l’on peut combattre sans aucune difficulté.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. J’avais posé une question, le Gouvernement y a très correctement répondu et je vais donc retirer l’amendement n349.

Je tiens toutefois à indiquer à mes collègues que le problème reste devant nous, en raison de la hausse constante de la part du commerce parallèle. Aux dernières nouvelles, on en est à 26 %, avec une progression d’un point et demi chaque année – encore s’agit-il d’une moyenne : dans les Pyrénées-Atlantiques, on est bien au-delà ! Chez moi, le commerce parallèle représente plus du tiers du marché, et dans la circonscription de M. le secrétaire d’État on doit atteindre les 40 à 45 %, au moins. Quasiment tous les fumeurs y consomment du tabac provenant du Luxembourg ! Et il ne s’agit pas de contrebande, mes chers collègues : pour la plus grande part, c’est un commerce parfaitement légal. Chez moi, on va à cinq ou six en voiture au Luxembourg, et l’on en revient avec de l’alcool, du tabac et le plein d’essence : c’est très rentable ! Si on y ajoute le trafic organisé, on voit qu’on n’est pas sorti de l’auberge !

Quant au paquet neutre, réfléchissons bien avant de le mettre en place, car il risque d’accentuer encore le phénomène. On en vient à se demander s’il existe encore un monopole de la distribution du tabac en France ! On en est déjà à 26 % de commerce parallèle ; quand on en sera à 50 %, que restera-t-il du monopole ? Ce sera une pure fiction !

Cela étant dit, je retire l’amendement n349.

(L’amendement n349 est retiré.)

M. le président. Qu’il est doux de vous entendre parler des Pyrénées-Atlantiques, monsieur de Courson ! (Sourires.)

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais apporter une précision. Comme l’a souligné la rapporteure générale, l’adoption de l’amendement n1032 reviendrait à abroger la traçabilité : j’imagine que vous en êtes conscients, mais il faut qu’on le sache.

Quant au débat sur le paquet neutre, il ne me semble pas avoir sa place ici, votre assemblée l’ayant tranché très récemment en adoptant cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Vous devez également rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que, comme la rapporteure générale l’a souligné, certaines dispositions du projet de loi relatif à la santé vont dans le sens de notre amendement et qu’en vertu du protocole de l’Organisation mondiale de la santé que nous avons ratifié, l’État français devra nécessairement mettre en place pour l’année 2016 cette traçabilité. Il y a donc une cohérence totale entre nos différents votes.

(L’amendement n1032 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n1076 rectifié.

Mme Karine Berger. Cet amendement, cosigné par une cinquantaine de mes collègues – auxquels je me dois d’ajouter Pierre-Alain Muet, que j’ai honteusement oublié – vise à mettre en application la recommandation n12 du projet de l’OCDE de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert des bénéfices, le BEPS.

Je voudrais illustrer mon propos d’un cas concret et qui me concerne personnellement. Travaillant pour une entreprise privée dans une vie antérieure, j’ai été amenée à transférer les structures juridiques de l’entreprise de la France et d’un certain nombre d’autres pays vers les Pays-Bas de manière à ce que l’entreprise relève de la loi fiscale de ce pays et non plus de celle de la France de l’Italie, etc.

Il est parfaitement possible de transférer juridiquement des entités, des marques, des actifs incorporels dans d’autres pays, notamment de l’Union européenne. Les régimes fiscaux applicables sont ainsi fonction du pays où la société est consolidée, et non des pays où ont lieu les transactions. L’Union européenne étant un marché libre pour les capitaux, ce type d’évolutions fiscales n’y pose pas problème.

La recommandation n12 du projet BEPS vise à rendre obligatoire la déclaration de ces transferts d’actifs, de marques ou d’entités juridiques auprès de l’administration fiscale, en l’occurrence française. En outre, celle-ci aurait l’obligation d’en informer les administrations fiscales des autres pays.

Certes la rédaction de l’amendement n’est pas forcément très « pure » sur le plan juridique, mais il s’agit de lutter contre un phénomène qui concerne particulièrement l’Union européenne. En effet, si nous pouvons interdire par la loi le transferts d’actifs ou les transferts juridiques vers des pays à fiscalité non coopérative, nous n’avons pas le droit de le faire dans le cadre de l’Union européenne du fait de la liberté de transfert des capitaux. Si nous ne pouvons pas l’interdire, nous devons a minima en être informés : c’est l’objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement avait été discuté en commission des finances puis à nouveau examiné dans le cadre de l’article 88, et il a reçu un avis favorable. Par rapport à la version que nous avons étudiée l’année dernière dans l’hémicycle, la notion de réorganisation d’entreprise est mieux définie.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement partage naturellement les préoccupations des auteurs de l’amendement et soutient son objectif. Je vous ferai simplement observer, madame Berger, qu’au-delà de son « impureté » juridique, sa rédaction le rend difficilement applicable.

En outre il est déjà en grande partie satisfait. En effet les entreprises qui représentent les enjeux fiscaux les plus élevés doivent, dans leur déclaration relative à la politique de prix de transfert, mentionner les cessions d’actifs corporels ou incorporels réalisées au profit d’une entité située dans un pays à fiscalité privilégiée. Votre préoccupation est donc en partie satisfaite, le champ de votre amendement étant plus large.

Pour le reste, je vous demanderai de bien vouloir le retirer, au bénéfice d’un travail complémentaire qui nous donnera l’occasion de réécrire cet amendement afin de lui donner une plus grande « pureté » juridique.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je vous remercie pour cette réponse, monsieur le ministre. Il est vrai que la question des cessions d’actifs a déjà été traitée par notre assemblée l’année dernière et je considère qu’il s’agit d’une évolution très positive. En revanche, le cas de la réorganisation interne d’une entreprise qui ne passe pas par une cession, comme dans l’exemple que j’ai donné, n’est malheureusement toujours pas traité.

Ce n’est pas facile à écrire juridiquement mais je compte sur le Gouvernement, qui semble d’accord avec l’esprit de l’amendement…

M. Dominique Baert. C’est déjà quelque chose !

Mme Karine Berger. …pour proposer une évolution juridique, éventuellement à l’issue du sommet du G20 d’Antalya. En attendant, je retire cet amendement.

(L’amendement n1076 rectifié est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Philip Cordery, pour soutenir l’amendement n886 rectifié.

M. Philip Cordery. Nous proposons par cet amendement une mesure de simplification. L’Europe avance et nous sommes aujourd’hui dotés d’un espace unique de paiement en euros, le SEPA. Il convient donc de permettre aux Français non-résidents établis dans cette zone monétaire de procéder, au même titre que les résidents, à la mensualisation de leurs impôts en France.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été accepté par la commission. Il accorde effectivement aux contribuables vivant à l’étranger des facilités opérationnelles de règlement de leurs impôts. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Les textes et accords européens relatifs à l’Espace unique de paiement en euros, plus connu sous le nom de SEPA, ainsi que la directive « Services » prévoient déjà l’obligation de permettre les prélèvements sur tout compte de la zone SEPA. Quant à la gratuité proposée par votre amendement, elle est déjà prévue par le code général des impôts. L’objet de cet amendement est donc satisfait sur le plan juridique.

D’un point de vue pratique, les contribuables ont, depuis le début du mois de novembre 2015, la possibilité de payer leurs impôts en ligne depuis un compte SEPA. Cette possibilité sera étendue en 2016 au paiement par prélèvement mensuel et au paiement par prélèvement à échéance. De ce point de vue, votre amendement apporte davantage de clarté et c’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.

(L’amendement n886 rectifié est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Chabanne, pour soutenir l’amendement n978.

Mme Nathalie Chabanne. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a repoussé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis défavorable.

(L’amendement n978 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n862, qui fait l’objet de deux sous-amendements.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n862.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je le retire en raison de l’adoption d’un amendement précédent.

(L’amendement n862 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n1079.

Mme Karine Berger. C’est le troisième amendement à s’inscrire dans la logique du BEPS parmi ceux que nous examinons ce matin. Il s’agit cette fois-ci de mettre en œuvre la recommandation n5 du plan d’action. Vous avez déjà en partie répondu sur le fond, monsieur le ministre, mais je voudrais profiter de cette intervention pour expliquer de quoi il s’agit.

On est là sur un sujet éminemment européen puisqu’il s’agit des tax rulings – « rescrits fiscaux » en français – passés entre des pays de l’Union européenne et certaines entreprises. Ces accords fiscaux sont la cause principale de la concurrence fiscale réellement déloyale qui sévit au sein même de l’Union européenne, sachant qu’en outre les profits qui font l’objet de ces tax rulings sont souvent transférés dans des pays à fiscalité non coopérative.

La Commission européenne vient d’avancer de manière décisive sur cette question en condamnant au nom du principe de concurrence un certain nombre de pays, notamment le Luxembourg, pour certains de ces tax rulings.

Encore faut-il, pour pouvoir établir qu’il y a concurrence déloyale, savoir qu’un tel accord existe. C’est pourquoi l’amendement prévoit l’obligation de déclaration des rescrits auprès de l’administration fiscale, et surtout l’obligation pour l’administration fiscale de transmettre ces informations aux administrations des autres pays. Si une telle obligation avait existé, les rescrits que le Luxembourg a passés avec un certain nombre de grandes entreprises auraient été transmis immédiatement aux pays, notamment de l’Union européenne, qui ont vu leur base fiscale disparaître du fait de l’existence de ces rescrits.

Un accord politique a été établi par les pays de l’Union européenne le 6 octobre dernier avant que le Conseil européen ne décide de passer à l’offensive.

L’amendement vise, avec « les moyens du bord », à inscrire dans notre législation cette avancée majeure. Il s’agit là d’évolutions sans doute historiques pour la fiscalité et l’intégration européennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement reprend effectivement la disposition n5 du projet BEPS de l’OCDE, qui fera sans doute l’objet de discussions au cours du sommet de la semaine prochaine.

Je connais la position du Gouvernement et les critiques que la rédaction de cet amendement encourt, notamment au regard de la directive actuellement en préparation par la Commission, mais celle-ci pose des principes très clairs et les objectifs de l’Union européenne sont écrits noir sur blanc. C’est une avancée très encourageante.

Je profite de mon intervention pour indiquer à l’Assemblée que j’ai demandé à Bercy de me faire connaître le nombre de rescrits signés par la France. Disposer de telles statistiques, dans le respect naturellement du secret fiscal, permettrait d’éclairer la représentation nationale sur l’importance de ce phénomène.

Cet amendement a reçu un avis favorable même si je comprends les réserves que le Gouvernement peut formuler à l’égard de sa rédaction. Nous sommes évidemment preneurs des lumières que le Gouvernement pourrait nous apporter en ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Sans vouloir consacrer trop de temps à cette question du BEPS, vous avez là encore pointé un élément décisif pour nous permettre de lutter, principalement dans le cadre européen, contre des situations anormales nées d’accords et de conventions bilatérales ou multilatérales. En effet ces entreprises soi-disant imposées dans un pays sont en réalité soumises à un taux d’imposition quasiment nul en vertu d’accords négociés avec le pays en question, alors qu’elles sont exonérées de toute imposition dans les autres pays. C’est une situation totalement anormale.

Je voudrais cependant apporter une précision sémantique, qui n’apprendra rien à Karine Berger et à Mme la rapporteure générale. Je préfère parler en anglais pour une fois. En effet le terme de tax ruling désigne des accords négociés entre l’administration et une entreprise en vue de ne pas appliquer la règle de droit et de faire bénéficier l’entreprise concernée d’une imposition plus faible voire quasiment nulle.

Le terme de « rescrit », s’il en est la traduction, ne veut juridiquement pas dire la même chose puisqu’en France un rescrit vise à informer une entreprise de ses droits et non pas négocier avec elle une imposition plus faible. Il existe certes quelques cas, qui ne sont pas forcément des entreprises – vous avez d’ailleurs débattu, ici même, du niveau de l’imposition qui doit s’appliquer à telle ou telle manifestation sportive. Mais ici il s’agit simplement d’« afficher la couleur » pour que les entreprises se déterminent en connaissance de cause.

Nous répondrons bien évidemment d’une manière positive à votre demande, madame la rapporteure générale, et vous pourrez constater qu’il ne s’agit que d’indiquer à chaque entreprise les droits qui sont les siens dans le contexte juridique actuel.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous parlions d’un dispositif qui s’inscrit dans l’esprit du tax ruling.

M. Michel Sapin, ministre. En tout cas, en France, il n’y a pas de tax ruling. Il n’y a que des rescrits fiscaux, dont je viens de décrire le fonctionnement.

Quant au fond, le dernier Conseil des ministres a pris la décision, à laquelle j’ai activement participé, d’approuver la position politique du Conseil, conforme aux orientations de la Commission. Il faut en effet mettre fin à ces tax ruling: les administrations fiscales doivent échanger les informations, pour permettre à chacune d’en tirer les conséquences quant à l’imposition des entreprises concernées. Cela signera la fin de ces pratiques, et c’est tant mieux.

Nous avons donc adopté des principes politiques : ils sont très clairs et notre détermination est totale. Il faut maintenant rédiger le texte de la directive, auquel la loi française devra être conforme. Tant que la directive n’est pas rédigée, les « moyens du bord » dont vous parlez, que ce soient les vôtres ou les nôtres, ne nous permettent pas d’avancer.

Par conséquent, bien que le Gouvernement soit favorable à l’esprit de l’amendement et à la volonté politique qu’il exprime, je vous demande un peu de temps pour nous permettre de rédiger un texte conforme à la future directive.

Je vous propose en conséquence de retirer l’amendement. Nous réexaminerons cette question soit dans la suite de la discussion, soit dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative, soit, si la directive nous parvient trop tard, à l’occasion d’un autre texte que nous étudierions le plus tôt possible en 2016.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Je retire l’amendement en considération de votre réponse, monsieur le ministre, et je souhaite bon courage aux juristes de Bercy, qui devront distinguer le méchant tax ruling, du type luxembourgeois, du gentil tax ruling, du genre néerlandais, sachant, à vous entendre, que la France ne connaît pas ce dispositif. On est là dans un vide juridique auquel il va être très compliqué de remédier.

Quoi qu’il en soit, je suis très satisfaite que le Gouvernement français ait pris un engagement politique clair sur le sujet.

(L’amendement n1079 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n1084.

Mme Karine Berger. C’est la même proposition, hormis une question de date. Il est donc également retiré.

(L’amendement n1084 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Guy Bailliart, pour soutenir l’amendement n411.

M. Guy Bailliart. Il s’agit d’un amendement de simplification, dont l’objet est de donner plus d’efficacité au fonctionnement de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l’ANGDM.

Cet établissement public administratif, créé par la loi du 3 février 2004, doit s’assurer de l’exacte liquidation tant des prestations prévues par le statut du mineur de 1946 et le règlement national d’action sanitaire et sociale du régime minier que des cotisations sociales assises sur lesdites prestations.

Pour mener à bien ces missions, l’ANGDM est tenue de demander chaque année à ses bénéficiaires la transmission de leur dernier avis d’imposition, ce qui suscite, outre des coûts de gestion supplémentaires, de plus en plus de difficultés, en raison de la récurrence de la demande et de l’âge croissant – soixante-dix-huit ans en moyenne – des bénéficiaires. Ne pouvant recouper les informations, elle renouvelle l’opération auprès du bénéficiaire de l’action sanitaire et sociale.

Une disposition législative est donc nécessaire pour lui permettre d’obtenir de l’administration fiscale des données pertinentes sans avoir à solliciter les intéressés. Il va de soi que les personnels qui géreront ces informations devront être soumis au secret professionnel, dont la rupture entraînerait des sanctions.

Fin 2014, l’article 91 de la loi de finances pour 2015 a inséré dans le livre des procédures fiscales un article L.154 prévoyant l’échange automatisé des données fiscales individuelles nécessaires au contrôle du bon versement des prestations entre l’ANGDM et l’administration fiscale. Cependant, pour des motifs d’ordre technique, cet article ne porte que sur les prestations sociales et n’inclut pas les dépenses relevant de l’action sanitaire et sociale.

Il convient donc de compléter le dispositif en étendant le champ de l’article L.154 du livre des procédures fiscales à l’ensemble des dépenses d’intervention de l’ANGDM. La simplification qui s’ensuivrait concernerait tant les bénéficiaires que l’agence chargée du traitement des prestations, dont ni la nature ni le montant ne seront modifiés. Les économies de gestion ainsi réalisées se situeraient entre 250 000 et 300 000 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Avis favorable. L’amendement est de bon aloi, puisqu’il vise à ouvrir le champ d’action de l’ANGDM, dont vous avez parfaitement décrit le fonctionnement, au bénéfice d’un public que je connais bien.

Cette mesure facilitera les échanges d’information dans le respect de la loi « Informatique et libertés », qui protège la confidentialité des données individuelles. Au passage, il permettra de réaliser quelques économies de courrier.

(L’amendement n411 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n1099.

Mme Karine Berger. Par cet amendement, dont l’initiative revient à mon collègue Yann Galut, il s’agit toujours de combattre ce qu’on pourrait appeler l’optimisation fiscale agressive qui, en l’occurrence bascule dans la fraude fiscale puisqu’il vise à lutter contre la fraude à la TVA.

Après des rapports particulièrement alarmants, faisant état d’un manque à gagner fiscal, ou VAT gap, de dix milliards d’euros causé par des mécanismes illicites, une task force a été constituée pour lutter contre cette situation, problématique pour les rentrées fiscales de notre pays.

Ce que propose l’amendement, c’est rien moins qu’un véritable changement de paradigme dans la lutte contre la fraude à la TVA. Il s’agit de donner aux agents de cette cellule opérationnelle les moyens d’exploiter les formidables opportunités du data mining pour évaluer « en amont », en quelque sorte, le rendement potentiel de la TVAElle pourra ainsi évaluer le chiffre d’affaires d’une entreprise en fonction de toutes les informations dont on dispose et prévoir les plus gros risques de fraude à la TVA. En effet, la meilleure solution pour lutter contre cet fléau est d’anticiper les cas où le risque est le plus élevé. C’est ce à quoi tend l’amendement.

Sachant, monsieur le secrétaire d’État, que vos services sont particulièrement mobilisés dans ce domaine de la lutte contre la fraude, notamment la fraude à la TVA, je compte que notre proposition recueillera votre assentiment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. L’amendement est avant tout organisationnel, puisqu’il vise  à réaffirmer les objectifs de la task force créée au ministère des finances plutôt qu’à déplacer le curseur de la loi.

Néanmoins, la commission a émis un avis favorable pour inviter le Gouvernement à nous transmettre un bilan. Où en est cette task force créée le 4 avril 2014 ? De quels effectifs et de quels moyens a-t-elle été dotée ? Lui permettent-ils de combattre efficacement la fraude à la TVA ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement est autant que vous déterminé à lutter contre la fraude. Je n’ai pas changé de point de vue sur ce sujet.

Un rapport récent de la Commission européenne évalue à 14,1 milliards d’euros le coût de la fraude à la TVA. Cette estimation est très différente de celles qui avaient été avancées par les uns ou les autres, notamment lors des débats que nous avons eus sur le sujet dans cet hémicycle il y a un an. Le taux de fuite de la TVA serait de 8,9 % en France, contre 11,2 % en Allemagne, 9,8 % en Grande-Bretagne et 33,8 % en Italie. Ce n’est pas parce que d’autres font moins bien que nous que nous devrions considérer que nous sommes parfaits mais ces chiffres confirment que certains discours entendus l’an dernier dans cet hémicycle étaient excessifs.

Nos services ont recours au data mining depuis deux ans et les premiers résultats sont tout à fait intéressants. Ainsi, sur 2 000 dossiers repérés par ce procédé, un tiers, dont la moitié n’avaient pas été signalés par les méthodes traditionnelles, se sont avérés frauduleux.

Un rapport sur ce qui n’est encore qu’une expérimentation sera transmis à votre assemblée aujourd’hui même, après avoir fait l’objet de relectures et de corrections mineures. Sur la base de la nouvelle autorisation délivrée par la CNIL, cette expérimentation devrait connaître des développements plus ambitieux.

Vous trouverez dans ce rapport des éléments qui prouvent que cela fonctionne. Je peux même vous dire en confidence que le ministre a quelquefois « boosté » son administration pour la faire avancer au rythme que vous souhaitez. Vous « boostez » le Gouvernement, qui « booste » son administration : c’est bien, mais le résultats doivent être au rendez-vous.

Sur le plan interministériel, les différents services concernés, dont TRACFIN, coopèrent. Ce n’est pas toujours simple, mais plusieurs réunions interministérielles ont été organisées dans le but d’assurer le bon fonctionnement du dispositif.

Je pense que ces précisions répondent au message que vous souhaitiez envoyer au Gouvernement au travers de cet amendement, dont je ne souhaite pas forcément l’adoption d’autant qu’il faut être prudent dans ces affaires. Certes il y a de la fraude et il faut lutter contre, mais les chiffres dont vous faites état comprennent également la défaillance de certaines entreprises, qui se traduit par des pertes de TVA. Ce n’est pas à dire que c’est excusable mais c’est plus compréhensible que des schémas de fraude, qui sont désormais repérés, dénoncés et rendus publics pour dissuader d’éventuels fraudeurs.

Au bénéfice de ces explications, je pense qu’il serait sage de retirer l’amendement, ce qu’il propose étant déjà mis en œuvre. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. La réponse du Gouvernement est très satisfaisante. M. Galut, ainsi que les autres signataires de l’amendement attendaient ce rapport avec impatience. S’il nous parvient dans la journée, ce sera parfait. Savoir que le dispositif fait l’objet d’un boosting au carré plaît non seulement à l’ancien professeur de mathématiques qui siège au banc du Gouvernement, mais à tous les députés qui souhaitaient cette accélération.

Je retire l’amendement.

(L’amendement n1099 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 970, 980 et 969, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Nathalie Chabanne, pour les soutenir.

Mme Nathalie Chabanne. Les amendements nos 970 et 980 visent à allonger le délai de l’exercice de son droit de reprise par l’administration dans le cas où le contribuable n’a pas rempli ses obligations déclaratives et que l’administration lui a adressé un procès-verbal de flagrance fiscale pour l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les sociétés ou la TVA.

L’amendement n969, qui vise à porter de six à dix ans le délai de prescription permettant le dépôt d’une plainte concerne le volet pénal de la lutte contre la fraude fiscale, sujet qui nous intéresse tous et auquel Henri Emmanuelli est particulièrement attentif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission a émis un avis défavorable à ces trois amendements. Je rappelle que la loi de finances rectificatives pour 2012 a déjà durci le dispositif, qui a été encore renforcé en 2013 par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale. Beaucoup a donc déjà été fait en ce domaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage l’analyse de Mme la rapporteure générale. Les délais de reprise ont déjà été considérablement allongés en 2013. Les porter à vingt ans, comme le propose l’amendement n970, notamment pour l’impôt sur le revenu, me paraît à la fois excessif et difficile à mettre en œuvre. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à ces trois amendements. La durée de prescription de l’action publique a déjà été allongée de façon significative ; il n’est pas nécessaire d’aller au-delà.

Je profite de ces amendements, madame la députée, pour vous répondre sur une autre question que le président Emmanuelli souhaitait évoquer, celle de la rémunération des aviseurs. L’amendement qu’il avait déposé à ce sujet ayant été écarté au titre de l’article 40, je voudrais lui apporter des informations rassurantes.

Le Gouvernement entend bien avancer dans le sens qu’il propose, mais il reste quelques problèmes à régler en matière de protection juridique des fonctionnaires. Il procédera par voie législative – dans le cadre du projet de loi de finances rectificative – pour ce qui concerne la protection juridique des fonctionnaires, et par voie réglementaire pour ce qui concerne la possibilité de rémunérer des aviseurs. Il faut être clair et transparent sur ce sujet d’importance.

(Les amendements nos 970, 980 et 969, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. À la demande du Gouvernement, nous examinons en priorité les articles 37 et 38.

Article 37 (appelé par priorité)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n1048.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel, monsieur le Président.

(L’amendement n1048, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 37, amendé, est adopté.)

Article 38 (appelé par priorité)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements, nos 828, 829, 830, 831 et 832, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour les soutenir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les amendements n828 et 830 sont des amendements de précision ; l’amendement n829 est un amendement de précision rédactionnelle. Quant aux amendements n831 et 832, ils sont rédactionnels.

(Les amendements nos 828, 829, 830, 831 et 832, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 38, amendé, est adopté.)

M. le président. L’article 34 et les amendements portant articles additionnels après l’article 34 étant réservés, nous en venons à l’article 35.

Article 35

M. le président. Je suis saisi de huit amendements, nos 819, 820, 821, 822, 823, 824, 825 rectifié et 826, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour les soutenir.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les amendements n819, 820, 822 et 823 sont rédactionnels, monsieur le président ; l’amendement n821 est de précision ; les amendements n824 et 825 rectifié sont des amendements de coordination ; l’amendement n826 est un amendement de coordination rédactionnelle.

(Les amendements nos 819, 820, 821, 822, 823, 824, 825 rectifié et 826, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 35, amendé, est adopté.)

Après l’article 35

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1 080.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit de mettre en œuvre une loi adoptée – à l’unanimité me semble-t-il – par le Parlement sur les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance vie en déshérence. Cet amendement vise à simplifier les modalités de recouvrement du prélèvement applicable aux sommes issues de comptes ou de contrats d’assurance vie en déshérence versées par la Caisse des dépôts et consignations aux ayants droit de leurs titulaires à compter du 1er janvier prochain, en prévoyant la compétence d’un comptable unique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Favorable.

(L’amendement n1080 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 827 et 621.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n827.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement a été adopté par la commission des finances à l’initiative de M. Giraud. Il propose de porter de 7,50 à 9 euros par hectolitre la taxe sur les boissons sucrées et édulcorées. Cette augmentation se traduirait par 60 millions d’euros de recettes supplémentaires pour les caisses de l’État, mais là n’est pas le principal argument pour défendre cette proposition.

La Commission a d’abord rappelé que ces boissons bénéficient déjà d’une forme de soutien public à travers un taux réduit de TVA – à 5,5 % si la boisson est emportée, à 10 % lorsqu’elle est consommée sur place. Au regard des objectifs de santé publique, qui ont été longuement évoqués à cette occasion, elle a donc considéré qu’elle pouvait manifester son soutien à ces objectifs en augmentant légèrement le rendement de cette taxe, une consommation excessive de ces produits n’étant pas exactement bénéfique pour la santé.

Je me permets de rappeler que cet amendement, s’il n’a pas été adopté à l’unanimité, a cependant fait l’objet d’un large consensus au sein de notre commission.

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard, pour soutenir l’amendement identique n621.

M. Jacques Moignard. Je voudrais d’abord faire remarquer que l’exposé des motifs qui figure à la suite de cet amendement n’est pas le bon, mais vous l’aurez certainement rectifié de vous-mêmes.

J’ai calculé l’incidence d’une telle augmentation : à supposer que vous buviez quarante canettes par mois, cela représenterait un coût de 20 centimes d’euro supplémentaires. L’augmentation est donc faible, mais la mesure pourrait tout de même rapporter près de 80 millions d’euros au budget de la sécurité sociale.

M. le président. La parole est à M. Joaquim Pueyo.

M. Joaquim Pueyo. Pour ma part, je suis résolument opposé à cet amendement. Si les enjeux de santé publique sont réels, l’effet des taxes comportementales est sujet à caution. Une étude de la Commission européenne de juillet 2014 a par ailleurs mis en évidence leur incidence négative sur la compétitivité des industriels du secteur, en particulier les plus petits d’entre eux, alors même que les objectifs de santé publique visés ne sont pas atteints.

On parle d’une augmentation mineure, mais à l’hectolitre, passer de 7,50 euros à 9 euros n’est pas négligeable.

Par ailleurs, la commission des finances a demandé à la Cour des comptes une enquête sur l’ensemble des taxes sur les produits sucrés, gras, etc. Dans l’attente des résultats de cette enquête, il serait opportun de surseoir à toute augmentation de cette taxe, dont le produit n’est d’ailleurs pas affecté à la lutte contre l’obésité, afin d’envisager un plan de prévention global plus efficace sur le plan sanitaire et plus juste sur le plan économique.

Enfin, j’avoue avoir du mal à comprendre que l’on propose une nouvelle augmentation de taxe au moment même où nous reconnaissons la nécessité de stabiliser la fiscalité pesant sur les entreprises, les consommateurs et les usagers.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. À supposer que vous buviez quarante canettes par mois, nous dit M. Moignard, l’impact serait de 20 centimes d’euro supplémentaires. Il est donc certain que l’objectif de santé publique ne sera pas atteint car ce ne sont pas 20 centimes d’euro supplémentaires qui suffiront à décourager la consommation de ces boissons.

C’est vrai, madame la rapporteure générale, il y a eu consensus. Mais s’est aussi exprimée, au-delà des clivages politiques, la volonté de mettre fin à l’espèce de « créativité » permanente à laquelle ces questions donnent lieu. Le bureau de la commission des finances a d’ailleurs acté le principe d’une mission d’information sur l’ensemble des taxes et prélèvements pesant sur les produits alimentaires.

J’avais personnellement déposé un certain nombre d’amendements concernant les farines : à cause des taxes et des prélèvements que nous avons mis en place, nos meuniers se retrouvent aujourd’hui victimes du dumping de producteurs étrangers. Puisque nous avons acté le principe d’une mission globale et transpartisane pour disposer d’une vision d’ensemble dans la perspective du prochain projet de loi de finances, restons-en là. Je m’opposerai pour ma part à cet amendement, comme je l’ai fait en commission des finances, en rappelant qu’à l’instar de nombre de mes collègues, j’ai retiré mes amendements portant sur les autres produits alimentaires une fois le principe de cette mission d’information acté.

Enfin, mon collègue a eu raison d’en appeler à la stabilité fiscale car en définitive qui va payer, sinon le consommateur ?

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Est-ce vraiment une bonne idée d’augmenter encore les impôts ? Je croyais que le Gouvernement avait dit à sa majorité qu’il ne fallait plus en créer de nouveaux parce que les Français en avaient assez – position qui est la nôtre depuis le début de la législature. Le groupe UDI est opposé à cette proposition d’augmentation.

Pourquoi d’ailleurs augmenter cette taxe au bénéfice de la sécurité sociale, alors qu’elle avait été créée pour permettre une réduction des cotisations sociales sur les salariés agricoles ? Au fond, ce n’était rien d’autre qu’une TVA sociale sectorielle. À l’époque, la gauche était vent debout contre la création de cette taxe ! Nous l’avons fait voter, mais la contrepartie en termes de baisse des cotisations sociales a été abrogée – par vos soins. En revanche, l’impôt sur les sodas a été maintenu.

Étant donné l’historique de cette taxe, autant vous dire que continuer à augmenter cette taxe, qui avait été créée pour financer une mesure aujourd’hui abrogée alors qu’elle allait dans le bon sens, n’est pas acceptable.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Cet amendement adopté par la commission des finances est un très bon amendement.

On nous dit que nous ne devrions plus envisager d’augmentations de taxes. Dans ce cas, pourquoi débattre de la loi de finances de début octobre à fin décembre ? Bien sûr que nous devons continuer à rechercher la meilleure fiscalité pour notre pays !

Nous parlons ici d’un produit, les boissons sucrées, qui, de l’avis général des organisations compétentes en matière de santé, pose un vrai problème pour la santé des enfants, notamment ceux des familles les plus modestes. Pour des raisons que je préfère ignorer, ces produits bénéficient depuis des années d’un taux très réduit de TVA. On voit très bien quels lobbies ont été à la manœuvre en la matière.

Ce que propose la commission des finances, à l’initiative de notre collègue Joël Giraud, c’est simplement de rappeler aux grandes entreprises qui fabriquent ces produits et les « fourguent » aux enfants que beaucoup de gens en France ne sont pas d’accord pour qu’elles continuent à bénéficier d’une TVA à taux réduit.

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le règlement m’autorise à clore la discussion d’un amendement lorsqu’au moins deux orateurs d’avis contraire sont intervenus. J’ai reçu quatre demandes de parole supplémentaires, auxquelles je vais faire droit, mais je vous demande de vous conformer à l’esprit, sinon à la lettre d’un règlement que certains d’entre vous ont d’ailleurs voté – ce n’est pas mon cas, et j’ignore si c’est celui de M. de Courson.

La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Puisque j’ai l’honneur de représenter le groupe Les Républicains à moi seul depuis le début de cette matinée, vous conviendrez tous qu’il aurait été dommage de ne pas m’entendre. (Sourires.)

Ce débat relève de la tartuferie. Notre collègue de Courson l’a très bien dit, et certains de nos collègues socialistes semblent l’avoir découvert : il y a une nette différence entre ce qui est dit dans les médias tels BFM et i-Télé, et ce que nous observons ici, c’est-à-dire une augmentation de la fiscalité.

J’entends vos arguments, madame la rapporteure, mais je vous rappelle que le Président de la République a pris l’engagement très solennel, quasiment la main sur la Constitution, de ne plus augmenter les impôts. Soit vous augmentez les impôts, soit vous ne les augmentez pas.

Le terme « fourguer » employé par Mme Berger me paraît d’ailleurs assez insultant, à propos de gens qui travaillent, qui fabriquent, qui créent de la valeur, de la richesse : les chefs d’entreprise. Si ces canettes de boissons – pas toujours sucrées d’ailleurs – constituent un tel drame pour la santé publique, interdisez-les. La démonstration a aujourd’hui été faite par l’absurde par les députés de votre majorité, qu’ils s’opposent à cette mesure ou qu’ils la soutiennent, qu’une augmentation de quelques dizaines de centimes a peu de chances de dissuader ceux qui souffrent de diabète ou d’autres pathologies de ce type.

En réalité il s’agit de trouver un nouveau moyen de récupérer quelques millions supplémentaires en faisant du bricolage fiscal, au risque de fragiliser des entreprises, de brouiller le message que vous leur adressez, sans pour autant résoudre ces problèmes de santé publique. Ce n’est pas très sérieux. Tout le monde en est convenu, y compris les députés socialistes : vous devriez les écouter.

M. le président. La parole est à M. Serge Bardy.

M. Serge Bardy. L’augmentation de cette taxe ne me paraît pas judicieuse à moi non plus. En effet, nous avons pris un engagement vis-à-vis des entreprises et, une fois de plus, nous risquons de ne pas le tenir. Je souhaite que l’on respecte cet engagement même si cela implique, pour revenir sur ce que disait Karine Berger, que, d’ici la fin de l’année, on n’accroisse plus aucune taxe.

Il y a une façon de parvenir aux objectifs évoqués qui me paraîtrait plus judicieuse. Dans une étude sur les taxes alimentaires de juillet 2014, la Commission européenne conclut que celles-ci sont inefficaces si elles ne sont pas harmonisées au sein de l’Union européenne.

M. Gérald Darmanin. Bien sûr !

M. Serge Bardy. Je pense que cette objection de la Commission est à prendre en compte. Par ailleurs, la Commission pose la question : si l’on taxe ces boissons, pourquoi ne taxerait-on pas également les jus de fruits, qui contiennent également des sucres, du sel, voire de la matière grasse ?

Par ailleurs, il reste à démontrer que ce sont bien ces boissons qui sont à l’origine de l’obésité et du diabète. Je ne suis pas persuadé qu’elles sont les seules responsables, même si elles ont leur part dans la survenance de ces maladies.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Afin de préparer le travail de la mission d’information, nous avons commencé à échanger avec Mme Louwagie, à titre officieux. Aujourd’hui, les taxes et autres prélèvements sur les produits alimentaires ne tiennent pas compte des externalités écologiques et environnementales. Le critère de la taille de la société productrice n’est pas davantage pris en compte. Il faut savoir qu’en France, 96 sociétés locales se posent en alternative aux grandes marques de soda et produisent au plus près des territoires, en recourant aux circuits courts de distribution. La hausse de la taxe à l’hectolitre frapperait de plein fouet ces sociétés, tandis qu’elle serait indolore pour les grandes enseignes, qui en tout état de cause la répercuteraient immédiatement sur les consommateurs.

Monsieur Darmanin, la stabilité fiscale ne veut pas dire que l’on ne cherche pas à avoir une fiscalité plus intelligente. S’agissant de l’amendement tendant à supprimer la taxe sur les farines, tout le monde était d’accord avec les arguments exposés, mais on a constaté qu’il manquerait 60 millions d’euros pour la Mutualité sociale agricole – la MSA. Or, l’amendement en discussion rapporterait 60 millions d’euros. Ne pourrait-on pas avoir une réflexion globale, qui nous conduirait à stabiliser les prélèvements tout en garantissant les ressources ? Je suis opposé à cet amendement, dans la mesure où il prend le problème par le petit bout de la lorgnette.

M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.

M. Jacques Moignard. Je veux préciser qu’il ne s’agit pas d’une taxe comportementale mais d’une taxe de rendement au profit de la Sécurité sociale, plus précisément de la MSA. Je rappellerai également à mon collègue et ami de Courson que, l’an passé, cet amendement avait été voté par le groupe UDI.

M. Charles de Courson. Pas par moi !

M. Jacques Moignard. Peut-être pas par vous, mais par votre groupe, en la personne de M. Arnaud Richard. Il faudrait peut-être remettre l’ouvrage sur le métier aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques nos 827 et 621 ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement estime, premièrement qu’il est très probable que l’impact d’une augmentation de cette taxe soit reporté sur les consommateurs. Cette augmentation des prix n’est pas opportune, d’autant que les producteurs ne manqueraient pas de faire savoir qu’elle est due à une augmentation de la fiscalité.

Deuxièmement, M. Hammadi a opportunément rappelé qu’une réflexion est sur le point de s’engager sur l’ensemble des taxes et prélèvements sur les produits alimentaires, qui ont selon certain une vocation de rendement et selon d’autres une visée comportementale ou un objectif sanitaire.

Une augmentation d’un demi-centime du prix de ces produits est-il véritablement un signal susceptible d’avoir une influence sur le comportement ? Je crois que ce sera perçu uniquement comme une opération de rendement, ce qui ne correspond pas à la volonté du Gouvernement. L’impact global de l’amendement en termes de recettes étant tout de même de 62 millions d’euros, on va encore nous accuser d’avoir cherché, par un moyen indolore, à accroître les ressources fiscales. Ce n’est pas, je le répète, la volonté du Gouvernement, qui est opposé à l’adoption de ces amendements.

(Les amendements identiques nos 827 et 621 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1083.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de simplification, qui a pour objet de supprimer l’obligation pour une entreprise de transmettre un document d’adhésion aux téléprocédures avant de pouvoir les employer. Il paraît en effet quelque peu paradoxal de demander un papier pour pouvoir être dispensé de papier. (Sourires.) Tel est l’objet de cet amendement de simplification et de fluidification des relations entre les entreprises et l’administration.

(L’amendement n1083, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1082.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit là encore d’un amendement de simplification, qui a pour objet de supprimer l’obligation de transmission par les mairies à l’administration fiscale des actes de décès, dans la mesure où ceux-ci sont déjà transmis automatiquement par l’INSEE. Cela permettra d’éviter l’envoi de 560 000 relevés par an, dont l’inutilité paraît évidente puisqu’ils font doublon.

(L’amendement n1082, accepté par la commission, est adopté.)

Article 36

(L’article 36 est adopté.)

Article 39

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset, inscrit sur l’article 39.

M. Alain Rousset. Par cet article, il s’agit pour le Gouvernement de traduire l’engagement du Premier ministre de rééquilibrer les recettes des régions.

Pour les régions, cet engagement constitue une avancée majeure, d’abord pour redonner du sens à la fiscalité régionale et de la cohérence entre les compétences des régions, réaffirmées par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République – dite loi NOTRe – et la fiscalité ; il s’agit, autrement dit, d’une forme de retour sur investissement.

Par ailleurs, les régions sont l’échelon territorial le moins fiscalisé : leur autonomie financière n’est que de 12 %. Dépourvues de ressources fiscales et de dynamisme, elles subissent à plein la baisse des dotations. À titre d’exemple, en 2014, l’échelon régional a été le seul niveau de collectivité à constater une baisse en euros de ses recettes de fonctionnement.

Ensuite, cette évolution du transfert du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – la CVAE – a pour objectif de compenser en partie le transfert des compétences départementales en matière de transport opéré par la loi NOTRe. Ce n’est qu’une compensation partielle : selon nos simulations, elle ne couvrira nationalement que 90 % des charges de transport transférées. Dans la région Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin, la part de la CVAE transférée est inférieure au coût de ce transfert de compétence de 34 millions d’euros ; pour l’Auvergne, elle est inférieure de 33 millions d’euros.

Ce transfert ne compensera pas le transfert de compétences en matière de développement économique qui a été opéré en direction des régions. C’est pourquoi nous avions déposé un amendement, qui a été rejeté, ayant pour objet de transférer une ressource de 500 millions d’euros au profit des entreprises ; cette mesure était financée par un prélèvement sur les frais de gestion de l’État.

En tout état de cause, j’approuve cet article.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous sommes très troublés par cet article 39. Il serait logique en effet, lorsque l’on transfère des compétences aux régions, qu’une commission les évalue dans chaque département et en assure la compensation aux régions. Or l’étude d’impact de l’article 39 ne fournit pas de calcul précis département par département. Alors que certains départements interviennent beaucoup dans le domaine économique et d’autres moins, la réduction de la part de CVAE revenant aux départements est homogène sur tout le territoire.

Je pense donc que cet article est inconstitutionnel, dans la mesure où il n’est pas conforme au principe constitutionnel selon lequel les transferts doivent être compensés à l’euro près, collectivité par collectivité. Le Gouvernement pourrait-il nous indiquer le montant pour chacun des 102 départements et par rapport à la baisse homogène de la CSVAE ?

Il y avait une autre solution, à savoir diminuer la dotation globale de fonctionnement – la DGF – à due concurrence du montant pour chaque département. Mais avec le choix que vous avez fait, je pense que l’on va au clash, tant avec les départements qu’avec le Conseil constitutionnel.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. L’intervention de M. de Courson appelle quelques précisions de ma part.

Nous disposons d’une évaluation, et la rapporteure générale, qui a été saisie du sujet, connaît les montants. L’objectif de l’article est précisément d’organiser le travail des commissions auxquelles vous faites allusion, dans le respect des principes constitutionnels encadrant le transfert de compétences. La redistribution qu’il organise vise à permettre une compensation à l’euro près des compétences transférées.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je voudrais également apporter à M. de Courson quelques éléments de précision que je n’étais pas en mesure de lui livrer en commission puisque je n’en disposais pas alors.

La question était de savoir si le transfert de 25 % du produit de la CVAE permettrait de couvrir les charges de transport scolaire et de transport routier non urbain. On s’est rendu compte qu’en 2014, cette ressource était insuffisante pour vingt-huit départements, et supérieure aux coûts engagés pour soixante-quatre départements. Les proportions étaient sensiblement identiques en 2013 : c’était insuffisant pour trente et un départements et un peu supérieur aux coûts engagés pour soixante et un départements.

Les alinéas 34 à 39 de l’article proposé par le Gouvernement prévoient un ajustement annuel : le trop-perçu par une région ou un département serait reversé sous la forme de dotation à une autre collectivité. L’obligation d’une compensation la plus juste possible figure donc dans ces alinéas.

En revanche on peut entendre votre préférence pour une recette dynamique par rapport à une dotation figée car il est exact que le transfert d’une partie de la CVAE n’est pas indexé aux charges.

M. le président. Nous en venons aux amendements à l’article 39.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n897.

M. Charles de Courson. Lorsque j’avais posé ma question au cours de l’examen de l’article 39 en commission, nous n’avions aucun élément à son sujet, mes chers collègues…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est la raison pour laquelle nous les avons demandés !

M. Charles de Courson. … et nous les découvrons aujourd’hui. Et si vous disposez de ces éléments, madame la rapporteure générale, ce n’est pas mon cas.

Je ne comprends toujours pas comment le différentiel sera ajusté. La DGF servira-t-elle de variable d’ajustement ? À cela s’ajoute le problème de l’indexation : la CVAE suivant grosso modo l’évolution de la valeur ajoutée des entreprises, elle est dynamique par définition. Le Gouvernement envisage-t-il une indexation de la compensation ? Si on reste dans un système gelé, faudra-t-il chaque année refaire les calculs pour déterminer quels départements sont excédentaires et quels départements sont déficitaires, et procéder ensuite aux ajustements ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Rousset.

M. Alain Rousset. Mon collègue de Courson est trop versé en finances publiques, locales en particulier, pour ignorer la situation financière des régions, leurs compétences en matière de développement économique et ce qu’elles peuvent apporter en matière d’animation du tissu industriel territorial sur d’autres bases – foncières, immobilières – à la fois aux régions et aux communes. Il me semble donc équitable de confier aux régions une recette cohérente avec leurs compétences et qui bénéficiera à l’ensemble des collectivités par l’effet du retour sur investissement.

Par ailleurs, ainsi que je l’indiquais voilà quelques instants, et les propos de Mme la rapporteure l’ont confirmé, ce transfert de 25 % des recettes de CVAE couvrira 90 % du coût des transports Intercités et des transports scolaires. Aujourd’hui, ce sont les régions qui doivent fournir cet effort avec des bases fiscales beaucoup plus figées que celles des autres collectivités.

(L’amendement n897 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n608.

M. Charles de Courson. Il est défendu.

(L’amendement n608, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Les amendements nos 1085 et 1086 sont rédactionnels, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui, monsieur le président.

(Les amendements nos 1085 et 1086, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n834.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cet amendement adopté par la commission des finances à l’initiative de Mme Christine Pires Beaune vise à permettre aux régions fusionnées de définir début 2016 un montant de réfaction et de majoration de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – applicable sur l’ensemble du nouveau territoire régional.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement apprécie l’intention des auteurs de l’amendement.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Cela commence mal !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. La rédaction de Mme Pires Beaune, bien qu’étant de qualité, mérite cependant d’être perfectionnée. Nous préférerions donc qu’il soit retiré au bénéfice de l’amendement n1157 du Gouvernement, dont l’objet est identique, mais la rédaction plus appropriée, pour le dire avec élégance. À défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. L’amendement est-il maintenu, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Non, je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n834 est retiré.)

M. le président. L’amendement n1092 est rédactionnel, madame la rapporteure générale ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n1092, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1157.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je viens de le défendre.

(L’amendement n1157, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement n835.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement vise simplement à rétablir la possibilité pour les régions regroupées de voter début 2016 et jusqu’à la date d’adoption des budgets la taxe par cheval-vapeur, c’est-à-dire la taxe sur les certificats d’immatriculation.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il s’agit d’adopter pour les certificats d’immatriculation le même dispositif que pour la TICPE. La rédaction ne posant cette fois pas de problème, le Gouvernement a émis un avis favorable sur cet amendement.

(L’amendement n835 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Christine Pires Beaune, pour soutenir l’amendement n836.

Mme Christine Pires Beaune. Selon le principe du parallélisme des formes, le présent amendement vise à prévoir le même dispositif que le précédent, cette fois pour les permis de conduire.

(L’amendement n836, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n837.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Toujours selon le principe du parallélisme des formes, cet amendement tend au même objectif, cette fois pour les cartes grises.

(L’amendement n837, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n1091.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il est rédactionnel, monsieur le président.

(L’amendement n1091, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1034.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent amendement vise à organiser les modalités de compensation financière des transferts de charges relatives aux ports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. En l’état actuel du droit, les départements peuvent demander à récupérer la compétence des ports. Aucune compensation financière n’était prévue jusqu’à présent, d’où l’objet de cet amendement. La commission a donc émis un avis favorable.

(L’amendement n1034 est adopté.)

(L’article 39, amendé, est adopté.)

Après l’article 39

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements portant article additionnel après l’article 39.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n1158.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le présent amendement a pour objet d’insérer un article qui instaure une date limite d’adoption des délibérations visant à instituer la taxe de séjour. Il fixe les modalités de publication en ligne des informations relatives aux modalités et aux conditions de recouvrement de cette taxe de séjour.

(L’amendement n1158, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n799.

M. Gérald Darmanin. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il me semble que l’amendement proposé est satisfait, sauf pour les meublés de tourisme situés en zone de revitalisation rurale. J’attends la réponse du Gouvernement sur ce point, car après avoir pensé s’en remettre à la sagesse de l’Assemblée, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Cet amendement est satisfait, puisque quel que soit le lieu de résidence les personnes qui sont propriétaires de leur propre hébergement sont dispensés du paiement de la taxe de séjour.

M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Darmanin ?

M. Gérald Darmanin. Je veux bien le retirer, monsieur le président. Toutefois, les hésitations de Mme la rapporteure générale et de M. le ministre me conduisent à demander à ce dernier, pour que cela figure clairement au compte rendu, de préciser que le gérant ne facture pas la taxe de séjour au propriétaire d’un meublé de tourisme, puisque cette possibilité n’est pas explicitement fermée par la loi.

M. Charles de Courson. C’est pourtant clair !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je vais donc répéter mes propos avec un peu plus de fermeté : les propriétaires de meublés de tourisme ne sont pas assujettis à la taxe de séjour lorsqu’ils résident dans l’hébergement en question.

M. Gérald Darmanin. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État ! Je retire mon amendement.

(L’amendement n799 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 517 et 601.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n517.

M. Éric Alauzet. Le Gouvernement a proposé en loi de finances pour 2015 une refonte de la taxe de séjour, qui méritait en effet d’être revue. Cette réforme a cependant pénalisé les personnes en situation de handicap, qui ne sont plus exemptées, à l’instar des adultes percevant des aides sociales, alors même que ces personnes ont de faibles ressources et sont, pour beaucoup d’entre elles, dans l’incapacité de travailler. Les possibilités déjà modestes de ces personnes de partir en vacances sont de ce fait encore réduites.

De nombreux hébergeurs spécialisés dans l’accueil de groupes de personnes en situation de handicap témoignent de la difficulté pour ces derniers à payer cette taxe. Ces hébergements ne faisant pas partie d’une catégorie spécifique, le tarif de la taxe de séjour est fonction de leur classement et représente désormais une part non négligeable du montant global du séjour.

Cet amendement vise donc à créer une possibilité d’exemption du paiement de la taxe de séjour pour les établissements spécialisés dans l’accueil des personnes en situation de handicap.

M. le président. Monsieur Alauzet, vous êtes également signataire de l’amendement identique n601, adopté par la commission des lois. Je considère donc que vous avez défendu conjointement ces deux amendements identiques.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avant que la taxe de séjour soit réformée l’an dernier, tous les bénéficiaires d’aides sociales, notamment les personnes handicapées, en étaient effectivement exonérés. Dans le cadre de la réforme adoptée l’an dernier par notre assemblée, cette exonération a en partie disparu. Vous proposez, monsieur Alauzet, de la réinstaurer en faveur de toutes les personnes en situation de handicap, quel que soit leur niveau de ressources, c’est-à-dire même si elles ne bénéficient pas d’une prestation sociale, ce qui était une condition avant la réforme. Néanmoins, notre commission a donné un avis favorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Là encore, le Gouvernement considère que ces amendements sont satisfaits. S’il subsiste quelques doutes, je veux redire ici que seuls les hébergements touristiques entrent dans le champ d’application de la taxe. Or les établissements spécialisés dans l’accueil des personnes en situation de handicap relèvent des établissements sociaux et médico-sociaux, et non des établissements touristiques. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de ces amendements ; à défaut, il y serait défavorable.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Nous maintenons notre amendement, car il ne concerne pas seulement les établissements spécialisés dans l’accueil des personnes en situation de handicap.

(Les amendements identiques nos 517 et 601 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n120.

M. Gérald Darmanin. Il s’agit d’un amendement de bon sens, mais ce n’est pas pour autant que le Gouvernement l’acceptera !

Je rappelle qu’au titre de son pouvoir de police, c’est le maire qui est responsable de la salubrité publique dans sa commune et qui fait dresser à ce titre un certain nombre de procès-verbaux ou de timbres-amendes, selon la réglementation en vigueur, pour sanctionner la divagation d’animaux, le jet de papiers ou l’abandon d’ordures sur la voie publique, par exemple. Dans la ville de Tourcoing, dont j’ai l’honneur d’être le maire, 3 800 abandons d’ordures ont déjà été constatés depuis le 1erjanvier ; le ramassage de ces immondices représente un coût de 320 000 euros pour le budget de fonctionnement de ma commune.

C’est le maire qui assure cette police, qui fait dresser les procès-verbaux et les timbres-amendes, mais l’intégralité des recettes correspondantes alimentent le budget de l’État. Or, en matière de police de la route, en cas d’amendes pour excès de vitesse par exemple, une partie des recettes sont versées au budget communal. Avouez que tout cela n’est pas très clair, d’autant que le maire est le seul responsable de la salubrité publique dans sa commune, dans le cadre de son pouvoir de police.

Monsieur le secrétaire d’État, le reversement du produit des contraventions au budget des communes permettrait aux élus locaux d’améliorer leurs ressources sans avoir besoin que l’État augmente ses dotations. Il permettrait également à chacun de nos concitoyens de comprendre que le maire est le responsable de la salubrité publique et qu’il peut donc les sanctionner en la matière. Ce serait enfin un bel encouragement pour nos policiers municipaux, nos gardes champêtres et tous les agents dont la mission est de garantir cette salubrité, que les Français ont bien raison de réclamer dans leur commune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Monsieur le député, vous avez l’air de dire que le produit des amendes devrait revenir à l’autorité qui a constaté les infractions. Dans ce cas, je ne vois pas pourquoi une part substantielle des amendes infligées par la police nationale, notamment suite aux infractions constatées par le moyen de radars automatiques, serait reversée aux collectivités locales, comme c’est le cas actuellement ! En effet, une grande partie des amendes infligées par la police nationale en matière de circulation routière, notamment après un contrôle par radar, contribuent au financement de certains investissements des collectivités locales. Il n’y a pas de raison d’établir un lien entre l’autorité qui inflige la contravention et celle qui bénéficie du produit de l’amende.

J’ajoute qu’à la demande des élus locaux, le régime des amendes liées au stationnement va faire l’objet d’une évolution significative, afin de donner aux collectivités locales, en particulier aux communes, plus de latitude et de moyens pour mettre en œuvre une politique efficace en la matière, tant pour la constatation des contraventions que pour l’aménagement de lieux de stationnement.

Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Excusez-moi, monsieur le secrétaire d’État, mais bien loin de contrarier mon argumentation, vous la renforcez ! Aujourd’hui, lorsque la police nationale ou municipale dresse un procès-verbal pour un excès de vitesse, la commune ou la collectivité locale récupère une partie de la recette générée par l’amende. Ce n’est pas le cas en matière de police liée au cadre de vie, celle qui vise à sanctionner les jets de papier, les divagations d’animaux ou les dépôts d’ordures sauvages sur la voie publique : lorsqu’une amende est infligée, les collectivités ne bénéficient d’aucun retour ! C’est bien ce que j’essaie de démontrer. Il serait bon que les règles applicables en matière de police de la route soient étendues aux autres pouvoirs de police du maire.

Ceux d’entre vous, de la majorité comme de l’opposition, qui sont ou ont été élus locaux peuvent confirmer qu’il s’agit d’un amendement de bon sens et je les appelle à soutenir les élus locaux de France. Il n’y aurait rien de plus normal que de reverser au budget des communes une partie des recettes issues de l’exercice par le maire de ses pouvoirs de police. Ce serait en outre, monsieur le secrétaire d’État une manière de ne pas vous demander des dotations supplémentaires.

(L’amendement n120 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 868 et 899 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n868.

M. Éric Alauzet. Cet amendement concerne la perception de la taxe sur la consommation finale d’électricité. La situation actuelle est extrêmement confuse. Pour les communes de moins de 2 000 habitants, c’est la loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité – la loi NOME – qui s’applique : la taxe est donc perçue par le syndicat intercommunal ou le département compétent. Quant aux communes de plus de 2 000 habitants, elles perçoivent elles-mêmes la taxe.

En 2013, nous avions décidé d’étendre aux communes de plus de 2 000 habitants le régime applicable à celles de moins de 2 000 habitants, mais en 2014, nous sommes revenus sur cette décision et avons maintenu la coexistence de deux régimes différents. En effet, notre décision de 2013 avait provoqué une forte baisse des recettes perçues par les communes de plus de 2 000 habitants, dans un contexte extrêmement difficile.

Ce qui est vrai pour les communes de plus de 2 000 habitants l’est tout autant pour les communes de moins de 2 000 habitants ! C’est pourquoi mon amendement vise à étendre à ces dernières le régime applicable aux communes de plus de 2 000 habitants, en leur laissant la possibilité de percevoir la taxe, avec l’assentiment du département ou du syndicat intercommunal compétent – ce n’est donc pas une remise en cause de la loi NOME.

Cet amendement présente l’intérêt d’éviter l’instauration d’un prélèvement supplémentaire à la charge des habitants. En effet, dans les communes qui ne percevaient pas cette taxe, sa mise en œuvre au niveau départemental a soumis les ménages à un impôt nouveau ; dans les communes qui la percevaient, son transfert au département a provoqué une perte de recettes fiscales, parfois compensée par une augmentation des impôts pesant sur les ménages.

Par cet amendement, nous demandons en réalité l’égalité entre toutes les communes, que leur population soit supérieure ou inférieure à 2 000 habitants.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n899 rectifié.

M. Charles de Courson. Je suis étonné que mon amendement fasse objet d’une discussion commune avec celui de M. Alauzet : ces deux amendements n’ont absolument rien à voir !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ils sont même contradictoires !

M. Charles de Courson. Totalement contradictoires, en effet. Je vais exposer mon amendement avant de dire ce que je pense de l’amendement de mon collègue Alauzet.

Il existe actuellement un seuil à 2 000 habitants : s’agissant des communes de moins de 2 000 habitants, la taxe sur la consommation finale d’électricité est généralement départementalisée ; au-dessus, tout dépend de la décision des conseils municipaux.

Mon amendement est très simple. Son objet est beaucoup plus réduit que celui de M. Alauzet puisqu’il pose le problème des communes nouvelles, issues de la fusion de deux ou plusieurs communes de moins de 2 000 habitants fusionnent et dépassant le seuil de 2 000 habitants. En l’état actuel du droit, la commune nouvelle retrouve son autonomie et perçoit la taxe. Mon amendement prévoit au contraire le maintien du régime antérieur, faute de quoi les syndicats départementaux d’électricité seront considérablement affaiblis.

Quant à l’amendement de M. Alauzet, il pose un problème énorme. Si le versement de la taxe aux syndicats d’électricité est facultatif pour les communes de moins de 2 000 habitants, comment va-t-on financer ces derniers ? Lors de la discussion de la loi NOTRe, certains collègues avaient proposé à l’inverse de généraliser le régime des communes de moins de 2 000 habitants. Je vous mets en garde, mes chers collègues : adopter l’amendement de M. Alauzet serait détruire les syndicats d’électricité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements en discussion commune ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission des finances a longuement débattu de ces deux amendements, qui sont d’ailleurs contradictoires. Elle les a rejetés tous deux, considérant que le seuil de 2 000 habitants permettait d’assurer un équilibre satisfaisant et qu’il était préférable d’en rester là.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement n’est pas favorable à une nouvelle évolution du régime de cette taxe, qui a déjà connu de nombreux aléas : on a fait, on a défait, on veut maintenant refaire. De mémoire, c’est le Sénat qui a souhaité revenir sur une disposition qui avait été adoptée par l’Assemblée nationale. Tout cela est bien compliqué !

À mon sens, le seul sujet appelant une évolution est celui des communes nouvelles, évoqué par Charles de Courson. Nous réglerons ce problème dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, dans lequel nous préciserons les modalités d’option pour les communes qui auraient, en cas d’association et de formation d’une commune nouvelle, franchi ce seuil.

Vous nous rappelez à juste titre, monsieur de Courson, un sujet qui ne nous avait pas échappé et qui sera abordé dans le cadre du PLFR. Sur le reste, le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cher collègue de Courson, vous n’avez pas été très attentif à mon propos : j’ai précisé que les communes de moins de 2 000 habitants devraient avoir l’assentiment des conseils départementaux et des syndicats d’électricité pour percevoir la taxe sur la consommation finale d’électricité. Sans l’accord de ces derniers, cela ne se ferait pas ! Contrairement à ce que vous avez affirmé, mon amendement ne remet pas du tout en cause les moyens des syndicats ou des structures compétences en matière d’électricité.

Dans mon département, un tiers des communes percevaient la taxe, tandis que les deux tiers restants ne la percevaient pas. Pour ne pénaliser personne, le syndicat d’électricité a fixé le taux de la taxe à 0 %. Ainsi, les habitants qui ne payaient pas cette taxe ne se voient pas imposer un prélèvement supplémentaire – je crois savoir que le Gouvernement veille à ce que les prélèvements n’augmentent pas. Quant aux communes où cette taxe s’appliquait, elles ne subissent pas une perte de recettes qu’elles devraient compenser par une augmentation d’impôts.

Mon amendement vise simplement à apporter de la souplesse. De la même façon que les communes de plus de 2 000 habitants peuvent accepter d’adhérer au syndicat départemental d’électricité, les communes de moins de 2 000 habitants doivent avoir la possibilité de ne pas y adhérer.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Puisque le Gouvernement se dit ouvert à ma proposition, que nous réexaminerons lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative, je retirerai mon amendement. Cependant, monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas très bien compris où en était la réflexion du Gouvernement sur cette affaire. Avez-vous déjà tranché ? Si oui, dans quel sens ? Je ne sais pas si mes collègues ont compris votre intervention ; pour ma part, j’ai bien entendu que vous aviez étudié le problème, mais pouvez-vous nous en dire un peu plus avant que je ne retire mon amendement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Non, monsieur de Courson, je fais du teasing. (Sourires.) Sur ce sujet comme sur d’autres, le Gouvernement a une doctrine, mais le PLFR ne sera présenté en conseil des ministres que demain. Un peu de patience pendant encore vingt-quatre heures !

(L’amendement n899 rectifié est retiré.)

(L’amendement n868 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

Je précise qu’à la demande du Gouvernement, nous commencerons la séance de cet après-midi par l’examen de l’amendement n1167 portant article additionnel avant l’article 34, puis nous en viendrons, comme prévu, à l’article 34 et aux amendements portant articles additionnels après l’article 34 relatifs à la modernisation de l’impôt sur le revenu et au prélèvement à la source.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2016 : suite de l’examen des articles non rattachés.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly