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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 25 novembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Modernisation du système de santé

Discussion des articles (suite)

Article 5 quinquies E

Amendement no 633 rectifié

M. Gérard Sebaoun, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Amendement no 635

Article 5 quinquies

M. Denis Jacquat

M. Jean-Louis Dumont

Amendements nos 267 , 706 , 7 , 24 , 487

Article 5 sexies A

Article 5 sexies

M. Jean-Louis Dumont

M. Élie Aboud

Amendements nos 176 , 8 , 63 , 177 , 59 , 721 , 60 , 719 , 10

Article 5 septies A

Amendements nos 9 , 65

Article 5 septies

Amendements nos 34 , 178

Article 5 octies

Article 5 nonies

Amendement no 11

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

Article 5 decies

M. Thierry Lazaro

M. Denis Jacquat

Mme Jacqueline Fraysse

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

M. Bruno Le Roux

Article 5 decies (suite)

M. Gilles Lurton

M. Guénhaël Huet

M. Thierry Benoit

M. Jacques Valax

M. Charles de Courson

M. Julien Aubert

M. Arnaud Viala

M. Jean-Louis Dumont

M. Michel Liebgott

Mme Colette Capdevielle

Mme Edith Gueugneau

M. Élie Aboud

M. Patrick Vignal

M. Alain Leboeuf

M. Xavier Breton

M. Philippe Folliot

Mme Michèle Delaunay

M. Pascal Deguilhem

M. Jean-Louis Touraine

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Sébastien Denaja

M. Bruno Le Roux

M. Gérard Sebaoun, rapporteur

Mme Marisol Touraine, ministre

Amendements nos 5 , 23 , 89 , 257 , 275 , 497 , 505 , 778 , 1 , 58 , 486 , 4 , 179 , 751 , 31 , 62 , 180 , 346 , 3 , 117 , 266 , 274 , 798 , 2 , 46 , 113 , 273

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

Modernisation du système de santé

Nouvelle lecture (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de notre système de santé (nos 3103, 3215).

Discussion des articles (suite)

Mme la présidente. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’article 5 quinquies E.

Article 5 quinquies E

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour soutenir l’amendement n633 rectifié.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur de la commission des affaires sociales. Cet amendement ne fait que rectifier une erreur matérielle.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Avis favorable.

(L’amendement n633 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, rapporteur, pour soutenir l’amendement n635.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Cet amendement est rédactionnel.

(L’amendement n635, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 5 quinquies E, amendé, est adopté.)

Article 5 quinquies

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Denis Jacquat. Cet article concerne les produits du tabac mentholés. En commission, le rapporteur nous a indiqué que ces produits seraient interdits dès mai 2016, mais il apparaît à la lecture des différents documents qu’il aurait été possible de ne les interdire qu’à partir du 20 mai 2020. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces problèmes d’harmonisation.

Par ailleurs, j’avais demandé, en commission, qu’un rapport soit remis sur les cigarettes contenant des capsules mentholées, lesquelles n’existaient quasiment pas il y deux ou trois ans. À ce jour, je n’ai encore rien reçu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, l’article 5 quinquies est le premier article d’une longue série traitant d’un produit qui, semble-t-il, intéresse beaucoup de monde, y compris au plus haut niveau, à savoir le tabac. Je pense que nous devrions pouvoir en débattre sereinement et que si nous nous opposons, il faut que ce soit avec le sérieux qui convient.

Si ce produit est tellement dangereux qu’il faille aller au-delà des dispositions d’une directive européenne qui semblait pourtant donner satisfaction à ceux qui mettent en avant la prévention et souhaitent alerter sur la dangerosité du tabac, il faut l’interdire, madame la ministre !

Mme Michèle Delaunay. Soyons sérieux !

M. Gérard Bapt. Ne dites pas n’importe quoi !

M. Jean-Louis Dumont. Monsieur Bapt, je suis ici pour m’exprimer. Mon cher collègue, si le tabac est dangereux, il faut aller jusqu’au bout du raisonnement et en venir à sa prohibition.

Et si je voulais faire un peu d’humour, mais je me retiendrai, cher Gérard Bapt, je dirais que cela favoriserait peut-être l’apparition d’un Eliot Ness à la française… Si je dis cela, c’est parce que nous connaissons à quoi conduisent les produits dits interdits. Dans la moindre commune, on peut aujourd’hui trouver de la cocaïne. Quant à « l’herbe », il y a longtemps qu’on en trouve partout, et cela ne dérange plus grand-monde…

En outre, madame la ministre, à quoi bon interdire un produit alors que, de tout temps – cela ne date pas de Maastricht ! –, la frontière nord/nord-est de la France a été un lieu de passage et que personne ne pourra contrôler ce qui viendra de l’extérieur ? Pour une fois qu’une directive européenne prend en compte les problèmes de santé et essaie de trouver un modèle pertinent pour alerter sur le danger d’un produit ! Car il semble que nous, nous n’ayons pas les moyens de faire de la prévention ou de l’éducation ! Il faut attendre qu’ici un procureur, là-bas la gendarmerie interviennent dans les collèges pour expliquer les dangers de certains produits pour qu’on s’en occupe…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je m’arrête là, madame la présidente. Je me suis permis de m’inscrire sur chaque article, quitte à renoncer à prendre la parole selon les cas.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 267 et 706.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n267.

M. Dominique Tian. J’indique d’emblée que dans le débat qui va nous occuper ce soir, je m’exprimerai aussi au nom de notre collègue Jean Leonetti, qui ne peut être parmi nous.

En commission, M. Roumégas, je crois, avait déposé un amendement tendant à anticiper la directive européenne visant à ce que les produits du tabac mentholés ne soient plus autorisés à la vente à partir du 20 mai 2020. Une nouvelle fois, vous voulez aller plus vite et plus loin qu’une directive européenne. Alors bien sûr, il est vrai que nous, Français, voulons toujours nous montrer pro-européens mais nous aimons aussi faire des opérations de publicité – c’est tellement facile ! – sans toujours en mesurer les conséquences. Or l’interdiction de ces produits aura des conséquences économiques car derrière, il y a un certain nombre d’emplois – eh oui, la cigarette n’est pas interdite, et derrière il y a donc des emplois !

Jean Leonetti m’a demandé de vous rappeler que la société Mane, implantée à Grasse, leader mondial des cigarettes mentholées, emploie 250 salariés. Il y a là des plans industriels, des investissements, des banques, des engagements et, surtout, des salariés qui espéraient avoir le temps de convertir leur outil industriel, avant que ne s’applique la directive européenne, c’est-à-dire d’ici à 2020.

Si cet article est voté, les produits que fabrique cette société seraient interdits dès mai 2016 et sa situation deviendrait très difficile. Il faut comprendre qu’à partir du moment où ils ont connaissance d’une directive européenne, les industriels s’organisent en fonction de cette directive.

Quoi qu’il en soit, cette décision serait attaquée à Bruxelles et, selon un article du Figaro, la France serait probablement condamnée car aucun pays membre ne peut s’affranchir d’une directive européenne pour satisfaire des besoins de marketing et de publicité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n706.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à rester en cohérence avec l’esprit et la lettre de la directive européenne qui vise à rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes. Il ne nous semble pas utile d’aller plus loin que ce que prévoit la directive.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Si vous le permettez, madame la présidente, mon intervention sera un peu longue, ce qui me permettra d’être plus bref sur tous les autres amendements ayant trait aux produits du tabac mentholés.

Avant d’en venir aux amendements, je voudrais dire un mot sur le menthol. L’ajout de menthol dans les cigarettes est une pratique vieille de près d’un siècle. C’est dans les années 1920 que l’on a commencé d’introduire du menthol dans les cigarettes aux États-Unis, où les cigarettes mentholées représentent aujourd’hui un quart du marché. Ce succès n’est pas un hasard. La cigarette mentholée est très appréciée des adolescents et des jeunes adultes. Des études, qui ne sont pas contestables puisqu’elles émanent de l’École de santé publique de Harvard, montrent que les cigarettes mentholées sont fumées par plus de 40 % des 12-17 ans et plus de 30 % des 18-24 ans. Ce n’est donc pas un sujet mineur.

Le menthol a un effet direct sur le système nerveux central puisqu’il diminue le taux de nicotine. Ainsi dans les cigarettes dites light, le menthol diminue le taux de nicotine sans que les cigarettes perdent rien de leur pouvoir addictogène. Pourquoi ? Parce que sur le plan cérébral, le menthol a pour effet que la nicotine reste plus longtemps dans le sang, renforçant donc son pouvoir addictogène.

Nous sommes face à une industrie qui a inventé un système afin que les consommateurs – nombreux aux États-Unis, peu nombreux en France et en Europe – consomment des cigarettes mentholées, censées être plus légères.

J’en viens à la directive européenne. Je reconnais que c’est un sujet complexe et que moi-même, en commission, n’avais pas été d’une grande clarté. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je vais donc essayer d’être clair ce soir dans l’hémicycle.

Cet amendement vise à ce que les cigarettes mentholées grâce à l’ajout d’une capsule bénéficient aussi de la dérogation prévue par la directive au profit des cigarettes mentholées classiques.

Il y a deux lectures juridiques de la directive. La vôtre, selon laquelle toutes les cigarettes mentholées se valent, et la nôtre, que je partage avec le Gouvernement et qui, je crois, est la bonne, et que je vais essayer de vous expliquer.

M. Arnaud Richard. Ce n’est pas celle des industriels !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Qui n’est pas celle des industriels, bien sûr !

L’article 7 de la directive dispose que les États membres doivent interdire « la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant » – nous y reviendrons dans un instant – ainsi que « la mise sur le marché de produits du tabac contenant des arômes dans l’un de leurs composants tels que les filtres, le papier, le conditionnement et les capsules, ou tout dispositif technique permettant de modifier l’odeur ou le goût des produits du tabac concernés. »

Toutefois, l’alinéa 14 du même article prévoit la dérogation suivante : « En ce qui concerne les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union européenne représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée, les dispositions du présent article s’appliquent à compter du 20 mai 2020 ».

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. C’est clair !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Excusez-moi, mais ce n’est pas moi qui ai rédigé cette directive…

En clair, pour les cigarettes directement mentholées, c’est-à-dire dans lesquelles le menthol est mélangé au tabac, qui représentent plus de 3 % du marché européen, il est consenti, dans la mesure où le nombre de leurs consommateurs est important, un délai supplémentaire de quatre ans, ce qui reporte leur interdiction au 20 mai 2020.

La question est de savoir ce qu’il faut entendre par « arôme caractérisant ». La réponse se trouve aussi dans la directive, à l’article 2, qui en donne la définition : « une odeur ou un goût clairement identifiable autre que celle ou celui du tabac, provenant d’un additif ou d’une combinaison d’additifs, notamment à base de fruits, d’épices, de plantes aromatiques, d’alcool, de confiseries, de menthol […] et qui est identifiable avant ou pendant la consommation du produit du tabac ».

Le menthol présent dans les capsules, les filtres ou le papier ne répond pas à la définition de l’arôme caractérisant puisqu’il n’est pas présent dans le tabac – il faut en effet le libérer pour qu’il imprègne la cigarette –, et, argument supplémentaire s’agissant des capsules, il n’est pas identifiable avant la consommation de la cigarette. Ce produit ne répond donc pas aux fameux 3 % ni à la définition prévue à l’article 7.

Si la directive vise à interdire le menthol, ce n’est pas par hasard. J’ai utilisé des arguments scientifiques pour vous expliquer en quoi le menthol pouvait être dangereux. Toutefois, s’agissant des cigarettes mentholées classiques, on a souhaité donner au marché le temps de s’adapter. On ne l’a pas fait en revanche pour les autres types de cigarettes équipées d’un dispositif pouvant libérer du menthol.

Compte tenu de tous ces éléments, je suis défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Après les explications du rapporteur, je serai très brève.

L’article du projet de loi dont nous discutons est un article de pure transposition. Il n’ajoute rien par rapport à la directive européenne. Il n’y a rien de plus, madame Dubié, dans cet article que dans la directive.

Il existe deux catégories de cigarettes mentholées. La première est la fameuse cigarette au goût de menthol qu’un certain nombre d’entre nous ont pu fumer il y a quelques années : dans ce cas, le menthol se trouve dans le tabac. Nous avons jusqu’en 2020 pour interdire ce type de cigarettes. Voilà ce que dit la directive et le projet de loi ne change rien à cette réalité, contrairement à ce que j’ai pu lire dans un certain nombre d’articles.

L’autre catégorie, beaucoup plus récente, correspond à des cigarettes pour lesquelles il faut placer une capsule dans le filtre, capsule qui transmet l’arôme. Et pour ces cigarettes à capsule, que les capsules soient aromatisées au menthol, à la fraise, ou à quoi que ce soit d’autre, la directive fait démarrer l’interdiction le 20 mai 2016.

C’est cette ambiguïté qui explique qu’un certain nombre de personnes aient cru que nous avions la volonté d’accélérer l’application de la directive. Ce n’est pas le sens du projet de loi et c’est la raison pour laquelle je vous appelle à retirer ces amendements, faute de quoi j’y donnerai un avis défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Tian, maintenez-vous ou retirez-vous votre amendement ?

M. Dominique Tian. Je ne vais certainement pas le retirer alors que 250 emplois sont en jeu, dans une entreprise qui est le leader mondial du secteur. Mais il se trouve que l’entreprise, la pauvre, est française. Elle n’a pas de chance car elle serait en Espagne ou en Belgique, elle pourrait continuer de vendre ses produits jusqu’en 2020. Vous voulez donc qu’elle disparaisse ?

Personne ne conteste cette directive européenne. Seulement quelqu’un considère que cette entreprise, qui, pour son plus grand malheur se trouve en France, ne devrait plus vendre en France. À toujours vouloir en faire plus dans la transposition des directives européennes, on en arrive à provoquer des catastrophes industrielles !

Nous, nous disons simplement que si l’interdiction ne commence qu’à partir de 2020, cela laisse à l’entreprise le temps d’adapter son processus industriel. C’est important. Et je ne crois pas qu’on meure brutalement, dans des souffrances abominables, pour avoir fumé une cigarette où le menthol n’est pas mélangé au tabac mais provient d’une petite capsule. Je ne suis pas spécialiste, mais je pense que nous aurions besoin d’une expertise et de prendre le temps de réfléchir car des emplois sont en jeu.

Mme la présidente. Madame Dubié, maintenez-vous également votre amendement ?

Mme Jeanine Dubié. Je le maintiens.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre de leurs explications. Il est clair qu’ils appliquent à la lettre la directive européenne, qui prévoit l’interdiction en mai 2020 des cigarettes mentholées telles que nous les connaissons, mais dès mai 2016 celle des cigarettes aromatisées à l’aide de capsules.

Notre argumentation, toutefois, repose non sur des données scientifiques comme celles qu’a citées le rapporteur, que nous ne contestons pas, mais sur des considérations économiques. M. Tian a rappelé que le leader mondial des fabricants de capsules est installé en France. Nous demandons qu’on laisse à cette entreprise qui emploie 250 personnes le temps de se retourner. En outre, je ne suis pas sûr qu’on réduira beaucoup la dangerosité des cigarettes mentholées en interdisant les cigarettes aromatisées à l’aide d’une capsule dès 2016 et les cigarettes mentholées classiques en 2020.

J’en appelle à votre bon sens : 250 emplois sont en jeu, dont nous pouvons difficilement nous passer.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, rapporteur.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Ne croyez pas que je sois insensible à vos arguments. Quand j’ai procédé à mes auditions, je me suis entretenu au téléphone avec des représentants de la société Mane, implantée à Grasse et spécialiste mondial reconnu de la fabrication d’arômes.

Ceux-ci m’ont dit qu’une partie du personnel est en France, mais que la quasi-totalité de la fabrication de capsules mentholées, pour les raisons que j’ai évoquées, est vendue à l’étranger. La stricte application de la directive européenne leur fait craindre moins un défaut de vente que la dégradation de leur image sur le marché étranger.

Je ne crois pas qu’un leader mondial à l’export, notamment en direction des États-Unis, risque de ne plus pouvoir exporter demain vers un pays où le menthol représente un quart du marché. Nous pouvons donc lever les inquiétudes de l’entreprise Mane, que nous avons parfaitement entendues.

Le législateur doit transposer la directive européenne qui lui est imposée. J’ai signalé les difficultés que pose le menthol, notamment parce qu’il renforce le pouvoir addictif de la nicotine, mais, je le rappelle, Mane vend principalement à l’export.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Roumégas.

M. Jean-Louis Roumégas. J’anime un groupe de travail parlementaire sur l’ingérence de l’industrie du tabac. À ce titre, je tiens à dire que le problème n’est pas que ces capsules contenant du menthol seraient plus dangereuses que le tabac imprégné de menthol, mais qu’elles ont été créées pour attirer vers le tabac un public spécifique, constitué de jeunes et d’adolescents, stratégie qui a parfaitement fonctionné et qu’il convient aujourd’hui de déjouer.

L’usage du tabac a reculé dans toutes les catégories de la population, sauf dans cette classe d’âge. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil aux cendriers qui se trouvent à la sortie des lycées et des collèges.

M. Denis Jacquat. Ou par terre !

M. Jean-Louis Roumégas. Les cigarettes à capsule ont réussi à faire entrer les adolescents, particulièrement vulnérables, dans le tabagisme. Leur dangerosité tient à cet effet marketing. C’est pour cela qu’il faut les interdire.

La décision aurait été prise beaucoup plus tôt si ces cigarettes à capsule avaient existé lors de l’adoption de la directive, mais c’était un produit que l’industrie du tabac gardait dans ses cartons. Elle l’a sorti pour riposter aux lois antitabac.

Je soutiens donc la position du Gouvernement.

(Les amendements identiques nos 267 et 706 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 7, 24, 487.

La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n7.

M. Élie Aboud. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n24.

M. Jean-Pierre Door. Il n’est pas question de s’opposer à la directive européenne, dont le rapporteur a rappelé les termes, et avec laquelle nous sommes d’accord. Si je défends l’amendement, c’est que celui qui en a eu l’initiative, Jean Leonetti, dont vous connaissez les compétences en matière de santé publique comme d’éthique, pense que l’on aurait pu imaginer une dérogation jusqu’en 2020, compte tenu de la présence, dans sa circonscription, d’une entreprise qui emploie 250 à 300 personnes.

Le respect de la directive est un argument, certes, mais, dans ce cas, il doit valoir partout, donc aussi pour l’adoption du paquet neutre ! Nous y reviendrons. Pour l’heure, c’est au nom de considérations économiques locales que je défends cet amendement au nom de Jean Leonetti, lequel regrette de ne pouvoir être parmi nous.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n487.

M. Bernard Accoyer. Pour ma part, je retire l’amendement. Je fais confiance à Mme la ministre puisqu’elle semble décidée ce soir à transposer les directives dans les délais prescrits. Je ne doute pas un instant qu’elle restera sur la même ligne en ce qui concerne l’adoption du paquet neutre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

(L’amendement n487 est retiré.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Avis défavorable. Monsieur Accoyer, ce sont quand même deux situations différentes !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Pas du tout !

M. Dominique Tian. On respecte les directives ou on ne les respecte pas !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Le raisonnement de M. Accoyer est astucieux dans sa présentation, mais, dans le cas des cigarettes mentholées ou aromatisées, il s’agit d’une obligation que nous fait l’Union, et que nous devons transposer. En ce qui concerne l’adoption du paquet neutre, nous pouvons aller plus loin pour des raisons de santé publique. C’est ce que nous ferons dans un instant.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Restons sérieux ! Le problème de fond est le même : il s’agit des méfaits du tabagisme. L’interprétation des directives européennes ne peut pas être à géométrie variable.

M. Dominique Tian. Absolument !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Lazaro.

M. Thierry Lazaro. J’ai l’impression que l’amendement n7, qui était le premier de la série et dont j’étais le premier signataire, est parti en fumée…

Mme la présidente. Non, M. Aboud a indiqué qu’il était défendu.

M. Thierry Lazaro. Soit. Je le retire dans les mêmes conditions que M. Accoyer. Nous faisons confiance à la ministre, qui, je l’espère, fera preuve d’ouverture et de sagesse sur les autres sujets.

(L’amendement n7 est retiré.)

(L’amendement n24 n’est pas adopté.)

(L’article 5 quinquies est adopté.)

Article 5 sexies A

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 5 sexies A.

Article 5 sexies

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 5 sexies.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Cet article traite d’un produit qui aide certains fumeurs à fumer moins. Les cigarettes électroniques peuvent être achetées dans le réseau de distribution légal, où elles peuvent faire l’objet d’un contrôle. Cependant, de plus en plus de vapoteurs s’en procurent sur internet ou sur des marchés parallèles, qui ne sont pas toujours légaux. Dans ce cas, les produits ne sont pas contrôlés.

Je suppose que sur le marché légal, les experts du ministère de la santé se préoccupent de la qualité des produits. Sur le marché parallèle, rien n’est moins sûr. Des critiques ont déjà été formulées. Des craintes se sont exprimées. Les vapoteurs eux-mêmes s’inquiètent, même s’ils peuvent se laissent tenter, quand ils passent une ancienne frontière dans l’espace européen.

Qui se préoccupe du danger qu’ils courent ? Qui procède à des analyses ? Ce sont des questions qu’il est bon de poser.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Nous le savons tous : le corps médical essaie de trouver des solutions de substitution au tabac. Vous savez comme moi, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que la cigarette électronique en fait partie. Il va de soi que tout n’est pas parfait, et que les enquêtes continuent, mais, grâce à ce dispositif, 400 000 personnes ont arrêté de fumer – ce sont les chiffres du Baromètre santé de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, pour 2014 –, sans compter les personnes qui ont réussi à diminuer leur consommation en vapotant, dont on ne peut savoir le nombre.

Et, alors même que l’on cherche partout des solutions de substitution, le législateur interdirait la promotion de l’une d’elles ? Voilà qui pose problème. Nous défendrons donc des amendements tendant à annuler cette disposition.

Enfin, je comprends qu’on interdise les publicités à l’extérieur des bureaux de tabac, mais il ne faut pas être hypocrite : à l’intérieur de ces bureaux, interdire aux buralistes d’afficher une marque ou une autre est une vue de l’esprit.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n176.

M. Dominique Tian. L’amendement vise à supprimer l’alinéa 2 qui, si incroyable que cela paraisse, prévoit d’interdire la publicité pour la cigarette électronique. J’avoue avoir du mal à comprendre une telle mesure. La cigarette électronique est pour beaucoup de fumeurs un moyen de renoncer au tabac ou de réduire progressivement leur consommation. Chacun reconnaît son efficacité dans ce domaine.

M. Bernard Accoyer. Tous les tabacologues en conviennent !

M. Dominique Tian. D’ailleurs, les magasins qui vendent les cigarettes électroniques se développent. Ils sont devenus très nombreux. C’est bien le signe que celles-ci servent à quelque chose. Et, puisqu’il vaut mieux avoir au bec une cigarette électronique qu’une cigarette réelle, interdire la publicité pour ces produits paraît absurde.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. L’article comporte plusieurs dispositions. M. Tian conteste qu’on ajoute à l’interdiction de la publicité pour le tabac, qui figure déjà dans la loi, celle de la publicité, directe ou indirecte, pour les dispositifs de vapotage. Mais il faut lire l’article dans son entier.

L’alinéa 3 de l’article interdit les affichettes en faveur du tabac à l’intérieur des débits de tabac, mais l’alinéa 5 autorise les affichettes relatives aux dispositifs électroniques de vapotage à l’intérieur des établissements les commercialisant. Le dispositif reste donc mesuré.

Un mot de la cigarette électronique. Les opinions sont diverses : pour certains, elle peut constituer une voie d’entrée dans le tabagisme ; pour d’autres, elle est au contraire un moyen d’en sortir. Mais la réalité, c’est que les cigarettiers, un temps pris de court par la cigarette électronique, sont en train d’entrer sur ce marché. Or ils proposent des produits qui contiennent de la nicotine.

M. Dominique Tian. Bien sûr !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Vous savez parfaitement que c’est une manière d’entretenir la dépendance à la nicotine, avec les risques que cela entraîne. Il y a là un dévoiement. Je reste donc extrêmement méfiant, et j’attends des preuves scientifiques pour conclure que nous sommes face à un moyen utile à la santé publique ou, au contraire, à quelque chose qui va être dévoyé par les grands industriels du tabac. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis. La position que j’ai défendue sur la cigarette électronique est constante : mieux vaut la cigarette électronique que la cigarette classique, mais mieux vaut rien du tout que la cigarette électronique.

Le sujet n’est pas de savoir si l’on autorise ou non la cigarette électronique : les chiffres très élevés que vous avez cités montrent qu’elle s’est largement répandue, même si on a observé un coup d’arrêt cette année, avec une reprise de la consommation de tabac classique. Ce qui est en jeu, c’est la publicité : nous avons vu des publicités qui assimilaient la cigarette électronique à une cigarette classique et valorisaient le geste de la cigarette classique, alors même qu’on ne fume pas la cigarette électronique de la même manière. Il y a là un risque d’incitation à la consommation de tabac.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Vous dites que la publicité pour la cigarette électronique montre que l’on peut fumer de la même manière qu’avec une cigarette classique, madame la ministre. Il s’agit bien de montrer aux fumeurs que fumer une cigarette électronique est meilleur pour leur santé, sans rien changer à leurs habitudes et notamment au geste, si important dans l’addiction.

M. Dominique Tian. Exactement.

M. Arnaud Robinet. Ces publicités s’adressent bien aux fumeurs, afin de les inciter à passer à la cigarette électronique. Elles n’ont pas pour objet d’inciter les jeunes à commencer de consommer du tabac.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Nous savons bien que le tabagisme ne commence jamais par la cigarette électronique, monsieur le rapporteur. Aujourd’hui, les médecins nous demandent de promouvoir ce dispositif ; or nous sommes en train de lui porter un coup d’arrêt.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, rapporteur.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je n’ai pas dit, monsieur Aboud, que la cigarette électronique était systématiquement une voie d’entrée dans le tabagisme.

M. Dominique Tian. C’est plutôt une voie de sortie !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je me suis borné à dire que c’était un risque que certains avaient noté. Mais tout le monde n’est pas égal face à la nicotine – nous avons ici un pharmacologue qui pourrait nous le dire. La réalité, c’est que sortir du tabac s’apparente souvent à un parcours du combattant, presque initiatique, avec l’ensemble des substituts qui contiennent de la nicotine, qu’il s’agisse des patchs, des gommes ou autres. Or la cigarette électronique contient de la nicotine. Tout dépend donc de la manière dont on s’en sert pour tracer un parcours permettant d’aller vers l’abstinence. Je dis simplement que la cigarette électronique doit être regardée pour ce qu’elle est. En outre, quand je m’aperçois que les cigarettiers, lesquels ont une grande expérience du marketing et de la publicité, s’intéressent de près au sujet, je me dis qu’il faut agir rapidement, et cette loi le permet. Je réitère donc mon avis défavorable à cet amendement.

(L’amendement n176 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 8, 63 et 177, qui visent à supprimer l’alinéa 3 de l’article.

La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n8.

M. Thierry Lazaro. Dans sa décision n90-283, le Conseil constitutionnel validait l’interdiction de toute promotion visible à l’extérieur des commerces, à condition que la publicité sur le lieu de vente reste autorisée à l’intérieur des commerces, cela afin de préserver un équilibre entre le droit de propriété et la protection de la santé publique. Aujourd’hui, on se trompe visiblement de priorité : cette énième interdiction rompt l’équilibre trouvé par la loi Évin. En outre, elle n’aura aucun impact sur la consommation, puisque les publicités ne sont vues que par des clients qui ont déjà fait la démarche d’aller au comptoir.

Faudra-t-il faire pareil avec les vendeurs automobiles, qui prônent la vitesse avec des véhicules puissants pour vendre des véhicules moins puissants ? On peut aller très loin avec de tels raisonnements. Bref, cet alinéa n’a aucun sens. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement identique n63.

M. Gilles Lurton. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique n177.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 8, 63 et 177 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 59 et 721.

La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n59.

M. Élie Aboud. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement identique n721.

M. Jean-Louis Dumont. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 59 et 721 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 60 et 719.

La parole est à M. Élie Aboud, pour soutenir l’amendement n60.

M. Élie Aboud. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement identique n719.

M. Jean-Louis Dumont. Dès lors que la présomption de nocivité réduite de la cigarette électronique aura pu être scientifiquement confirmée, il apparaît souhaitable que le consommateur adulte puisse recevoir une information précise au sujet de ces nouveaux produits. À titre d’exemple, il s’agirait de l’informer des principes physiques et techniques de leur fonctionnement et de lui communiquer une analyse des risques et bénéfices liés à son utilisation.

Cet amendement vise ainsi à s’assurer que les produits vendus ont été analysés et que le ministère de la santé a la capacité de dire au consommateur qu’il peut les utiliser sans danger. Refuser une telle information serait admettre qu’on ne se préoccupe pas de la nocivité éventuelle de ces produits et qu’on ne cherche pas à la réduire. Il est plus facile d’interdire ou de cacher que d’expliquer…

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Ces nouveaux produits du tabac, qu’évoque M. Dumont, nous montrent que l’industrie du tabac ne cesse de chercher de nouveaux produits marketing, voire de véritables nouveaux produits, pour conquérir de nouveaux consommateurs. C’est son rôle, mais le nôtre est d’adopter une loi de santé publique.

Ces produits contiennent du tabac, mais ils ne sont ni fumés, ni vapotés. Quelques-uns sont portés par de grands industriels – je pense à la cigarette Ploom, qui fonctionne avec des capsules type Nespresso, ou à un produit de tabac chauffé développé par Marlboro. En clair, on invente aujourd’hui de nouveaux produits qui contiennent toujours la même substance néfaste que nous combattons dans ce texte. Je ne peux donc être favorable à des amendements qui assurent la promotion de ces produits. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons. J’ajoute que des études scientifiques sont régulièrement publiées sur les différents produits existants. Elles ne sont pas cachées. Si d’aventure un produit assimilé à du tabac mais sans aucune nocivité arrivait, les choses seraient dites.

C’est précisément à ce stade du débat que nous nous trouvons en ce qui concerne la cigarette électronique. Il y a des interrogations sur sa nocivité éventuelle, mais aucune étude scientifique n’a encore tranché. Le débat reste donc ouvert, mais encore une fois, tout est publié et accessible.

(Les amendements identiques nos 60 et 719 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n10.

M. Thierry Lazaro. Nous ne pouvons qu’adhérer à l’objectif de promouvoir la santé publique. Néanmoins, je ne vois pas le rapport avec l’interdiction de la publicité dans les revues professionnelles agréées. Ces dernières sont réservées exclusivement aux 26 000 buralistes, à quelques fonctionnaires et à la représentation nationale. La mesure n’aura donc aucune incidence sur les fumeurs.

Les revues professionnelles des pâtissiers seront-elles à leur tour attaquées au nom de la lutte contre le diabète, celles des restaurateurs au nom de la lutte contre le cholestérol ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Cet amendement pose problème, car la disposition en question a été supprimée par le Sénat et la commission ne l’a pas rétablie. Avis défavorable, à moins que vous ne préfériez retirer l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis.

(L’amendement n10 n’est pas adopté.)

(L’article 5 sexies est adopté.)

Article 5 septies A

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 9 et 65.

La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n9.

M. Thierry Lazaro. L’article 5 septies A dispose que lors de la vente d’un produit du tabac, il est exigé du client qu’il établisse la preuve de sa majorité. Je vous avoue que je suis un peu surpris. Il y a quelques jours, lors du vote du projet de loi prorogeant l’état d’urgence, a été refusé aux policiers municipaux le droit de demander une pièce d’identité. Nous allons donc demander aux buralistes, lesquels sont des auxiliaires de l’État, de faire ce qui est interdit aux policiers municipaux. En outre, ce sera impossible à mettre en œuvre pour les buralistes. Faisons preuve de bon sens : faisons confiance à ces gens qui ont un contrat moral et légal avec l’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement identique n65.

Mme Annie Genevard. Ces amendements ne proposent pas que le buraliste ne demande jamais de pièce d’identité, mais que cela reste une possibilité, et non une obligation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Le problème est facile à régler. Actuellement, il est interdit de vendre du tabac aux mineurs. L’article 5 septies A est issu de deux amendements identiques qui ont été présentés par Michèle Delaunay, Arnaud Richard, votre rapporteur et plusieurs de nos collègues. Le Sénat l’avait supprimé ; nous l’avons rétabli. Lorsqu’un mineur entre dans un débit de tabac pour essayer de se procurer du tabac, c’est le rôle du buraliste que d’exiger une preuve de sa majorité, et non le contraire. Avis défavorable.

Mme Annie Genevard. Il peut le faire ! Il ne le doit pas !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. La possibilité de demander une pièce d’identité existe déjà, mais trop souvent, des mineurs se voient vendre du tabac – faisons l’hypothèse que ce sont ceux pour lesquels il y a un doute sur l’âge ! La règle existe : il est interdit de vendre du tabac – comme d’ailleurs d’autres produits – à des mineurs. Il faut se donner les moyens de la faire appliquer.

Je dois dire mon étonnement, car je ne doute pas que, dans un instant, vous expliquerez que la lutte contre le tabagisme représente à vos yeux un enjeu de santé publique important, qu’elle constitue une priorité, et que seules certaines de ses modalités vous posent problème. Mais, en réalité, vous déposez des amendements de suppression à l’égard de toutes les dispositions qui concourent à une politique de santé publique en ce domaine.

M. Christian Jacob. Parce que le texte est mal écrit !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il y a tant de constance dans cette opposition que l’on finit par se dire qu’en réalité, comme je l’ai entendu dans la bouche de l’un d’entre vous, la nocivité du tabac ne vous semble pas établie. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Face au constat dramatique des dommages causés par le tabac, les politiques publiques sont manifestement assez vaines. Il est nécessaire de les renforcer ou, à tout le moins, de faire en sorte que les politiques existantes s’appliquent pleinement. On ne peut se résoudre au fait que ce fléau tue vingt fois plus que les accidents de la route, alors qu’il est, somme toute, évitable. Il est, selon nous, impératif de protéger les jeunes et d’éviter l’entrée dans le tabagisme, ainsi que le prévoit, d’ailleurs, le programme national de réduction du tabagisme.

Depuis la loi du 21 juillet 2009, dite « hôpital, patients, santé, territoires » – HPST –, il est interdit de vendre ou d’offrir gratuitement du tabac aux mineurs. Toutefois, comme la ministre l’a très bien dit, la législation en vigueur n’est qu’imparfaitement appliquée. C’est pourquoi, avec Michèle Delaunay, qui avait déposé un amendement identique, nous avions proposé, en première lecture, ce qui, somme toute, existe pour l’alcool, à savoir l’interdiction de vente aux mineurs et l’obligation de contrôler l’âge de l’acheteur. Nous proposions ainsi que les vendeurs de tabac ou de produits assimilés soient tenus d’exiger un justificatif de l’âge de l’acheteur. Certains ont imaginé de demander à l’acheteur mineur de prendre l’initiative de montrer sa carte d’identité ; cette mesure me paraît assez délicate, car elle rendrait difficile l’application de la loi. Il nous semble donc opportun de conserver cet article.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je partage l’étonnement de Mme la ministre. Il ne s’agit, par cet article, que d’appliquer la loi, en précisant seulement – précision importante – que c’est le buraliste qui doit exiger la présentation d’un titre d’identité. Tout cela, je le répète, ne constitue qu’une simple application de la loi. Comme M. Richard, je pense qu’attendre que le jeune présente de lui-même une pièce d’identité serait sans objet et sans valeur. C’est bien le buraliste, et non le mineur, qui a la responsabilité de faire appliquer la loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il faut replacer ces discussions dans le contexte de l’époque. Avec Jean-Louis Touraine, dans le cadre de l’élaboration d’un rapport qui avait été demandé par l’Assemblée nationale, nous avions reçu les buralistes, qui nous avaient fait part des difficultés qu’ils rencontraient pour s’assurer de l’âge de l’acheteur. De fait, il est toujours délicat de le demander : certaines personnes, hypersensibles, peuvent devenir très excitables. On s’était donc demandé s’il ne convenait pas que toute personne souhaitant acheter du tabac présente systématiquement, sans que le buraliste le demande, un document d’identité. Certes, un jeune de 14 ou 15 ans pourra toujours demander à un frère aîné ou à un ami majeur d’acheter du tabac pour son compte mais il convient d’éviter que le buraliste ne devienne la cible des jeunes parce qu’il leur demande de présenter une pièce d’identité. Vous savez fort bien, en effet, que cela peut mal se passer.

Mme la présidente. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Premièrement, je rejoins notre collègue Thierry Lazaro : il est tout de même extraordinaire que l’on confère aux buralistes des pouvoirs que les policiers municipaux n’ont pas. On est là dans le fantasme pur.

M. Thierry Benoit. Il a raison !

M. Guénhaël Huet. Deuxièmement, cette mesure ne servira strictement à rien puisque, comme vient de le dire Denis Jacquat, on sait comment les choses se passent dans la réalité : il suffira qu’un mineur demande à son grand frère ou à sa grande sœur d’aller chercher des cigarettes, et le tour sera joué. Troisièmement, qui va contrôler ? Ne croyez-vous pas, madame la ministre – je le dis également à nos collègues signataires de ces amendements – que les forces de police et de gendarmerie auront autre chose à faire que de contrôler les buralistes et de vérifier, plusieurs fois par jour, s’ils demandent la production d’une pièce d’identité ? Quatrièmement, ces amendements sont parfaitement inutiles. En effet, je voudrais rappeler que, depuis le début de l’année, 1 041 débits de tabac ont fermé dans notre pays. À continuer comme vous le faites, il n’y aura bientôt plus du tout de débitants de tabac. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Bernard Accoyer. Il ne restera plus que le trafic et la contrebande !

M. Gilles Lurton. Combien de débits de tabac avez-vous détruits ?

M. Guénhaël Huet. Et plus personne ne sera là pour demander une pièce d’identité !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Je suis surpris que certains trouvent cette mesure difficile à appliquer alors qu’elle l’est déjà dans de nombreux pays, sans susciter le moindre problème ; elle présente au contraire une certaine efficacité. Ce qui différencie la France des autres pays de même niveau de développement est que l’adoption de mesures comparables ne nous ait pas permis d’enregistrer, au cours des années récentes, de diminution de la consommation de tabac. Cette absence de recul du tabagisme en France s’explique par la transgression des règles, due à une certaine forme de laxisme et à un manque de moyens pour assurer leur application. On le sait, aujourd’hui, il n’est pas difficile à un mineur d’acheter du tabac. En Grande-Bretagne, où la consommation a diminué de près de moitié, il n’est pas possible de s’acheter des cigarettes sans présenter une carte d’identité. La règle est « No ID, no sale » : pas de carte d’identité, pas de vente. La même règle sera appliquée en France, ce qui permettra de réduire la vente aux mineurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Avec cette disposition, on se donne, d’une certaine manière, bonne conscience. Que la mesure soit affichée, inscrite dans la loi, rien de que de normal : elle a été votée et doit s’appliquer. Mais la démonstration vient d’être faite que lorsque des jeunes, ou de moins jeunes, se rassemblent, il y a toujours quelqu’un qui peut aller acheter le pack de bière et les paquets de cigarettes pour faire la fête. C’est donc une vraie question qui est posée : toute politique de prévention aura évidemment un coût financier, et son succès exigera sans doute que l’on fasse preuve d’une certaine imagination et que l’on effectue un travail sur le terrain. Il est évidemment plus facile de prendre des mesures du type de celles proposées ! Mais nos débats sur les derniers articles le montrent : il ne suffit pas de tenir un discours avec force, d’empêcher, d’interdire, d’augmenter le prix du paquet car les résultats, en termes de santé, ne sont pas au rendez-vous.

Dans certains secteurs, les buralistes ferment. Mais de fait, les consommateurs frontaliers peuvent trouver du tabac, éventuellement moins cher, voire de « l’herbe », à quelques hectomètres de chez eux.

M. Bernard Accoyer. La situation est très difficile pour les buralistes frontaliers.

M. Jean-Louis Dumont. Cela peut constituer un petit commerce profitable et, lorsqu’on se fait prendre, cela coûte moins cher que beaucoup d’autres délits.

Il existe donc, en la matière, un vrai problème de prévention. Les positions des parties prenantes à ce débat ne sont pas dénuées de sincérité mais, à l’issue du vote, aura-t-on avancé d’un millimètre en termes de prévention ? Aura-t-on fait baisser la consommation de tabac ? Non, parce que la consommation officielle ne reflète pas la consommation réelle : il faut tenir compte du marché noir.

(Les amendements identiques nos 9 et 65 ne sont pas adoptés.)

(L’article 5 septies A est adopté.)

Article 5 septies

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques de suppression, nos 34 et 178.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n34.

M. Gilles Lurton. Par cet article, vous envisagez d’interdire toute installation de bureaux de tabac à proximité des établissements scolaires. Nous pensons que ces mesures sont beaucoup trop restrictives, d’autant plus que le dispositif existant en matière de création de débits de tabac répond d’ores et déjà à de nombreuses exigences. Notre collègue Huet l’a rappelé : le nombre de bureaux de tabac diminue dans toutes nos communes. Or, ce sont des endroits qui entretiennent le lien social entre les habitants. Cet article fait peser sur eux une contrainte supplémentaire.

M. Thierry Benoit. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement identique n178.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. C’est un amendement déposé en première lecture par Mme Delaunay, amendement qui avait reçu un avis favorable en commission, qui est à l’origine de cet article. Elle l’avait modifié en s’inspirant des dispositions existantes en matière de débits de boissons. Par application de l’article L. 3335-1 du code de la santé publique, le préfet a la possibilité d’encadrer, par arrêté, la création d’un débit de boissons. Aux termes de l’article en discussion, « […] sans préjudice des droits acquis, un débit de tabac ne peut être établi autour d’un établissement d’instruction publique, d’un établissement scolaire privé […] » : autrement dit, un bureau de tabac existant, se situant à proximité d’un établissement scolaire, ne fermera évidemment pas ses portes. Mais pour toute création, l’article institue une obligation supplémentaire par rapport à celles figurant dans l’article L. 3335-1 précité. Désormais, un débit de tabac ne pourra être établi « autour d’un établissement d’instruction publique, d’un établissement scolaire privé […] » à une distance inférieure à un seuil fixé par arrêté préfectoral.

M. Bernard Accoyer. ]Il faudrait prononcer la même interdiction pour les dealers de cannabis !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. L’article donne la main au préfet, ce qui n’est pas inutile dans le cas de la reconstruction, de la reconfiguration d’une ville. Il est important que les choses se fassent au niveau du représentant de l’État, avec les collectivités locales. Cela me paraît à la fois aller dans le sens des dispositions déjà existantes du code de la santé publique, tout en instituant une restriction nécessaire en cas de proximité d’un établissement scolaire, public ou privé. L’avis est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. C’est un article qui ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement et qui résulte du débat parlementaire. Je veux saluer les débats qui ont eu lieu depuis la première lecture et qui vous ont amenés à voter cet article en commission. Je veux aussi saluer le travail de Mme Orphé, qui, en première lecture, avait porté cette idée avec beaucoup de conviction pour l’outre-mer.

Il s’agit, par cet article, d’appliquer aux débits de tabac des règles qui existent actuellement pour les débits de boissons. Cela ne remet naturellement pas en cause les débits de tabac déjà implantés, qui ne feront évidemment l’objet d’aucune demande de fermeture. Il s’agit simplement de mieux définir les lieux d’installation des nouveaux débits de tabac en tenant compte de la proximité d’établissements scolaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Madame la ministre, prenons l’exemple d’une commune située dans les Hauts cantons de l’Hérault : un débit de tabac ne pourra pas s’y installer parce que ce serait à côté d’une école maternelle. Dans le même temps, on parle de soutien à la ruralité, de maillage du territoire, et on investit des millions pour cela. Cette disposition n’a tout simplement pas de sens : ne confondons pas lutte contre le tabagisme et lutte contre les buralistes.

M. François Rochebloine. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Je prends acte de ce qui vient d’être dit, mais n’oublions pas qu’un autre problème se pose à la sortie de nos écoles : la vente de produits illicites au vu et au su de tous. (Exclamations sur divers bancs.)

M. Élie Aboud. C’est en effet extrêmement dangereux !

(Les amendements identiques nos 34 et 178 ne sont pas adoptés.)

(L’article 5 septies est adopté.)

Article 5 octies

Mme la présidente. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 5 octies.

Article 5 nonies

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n11.

M. Thierry Lazaro. Madame la ministre, vous souhaitez que l’on vous présente chaque année un rapport détaillant l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts. Autant je peux le comprendre pour les fabricants, les importateurs, les distributeurs de produits du tabac, autant je ne le comprends pas du tout pour les organisations professionnelles ou les associations représentatives. Dans le cadre de leurs relations institutionnelles, la Confédération des buralistes, les fédérations régionales et les chambres syndicales départementales assurent la promotion du réseau des buralistes, et non de l’industrie du tabac. Pour ma part, si je défends les buralistes, je ne vais, bien évidemment, pas m’apitoyer sur le sort des multinationales. Je crains fort, madame, que cet article n’entraîne des lourdeurs administratives extrêmement importantes ; il est à craindre que certaines chambres syndicales ne puissent pas suivre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Monsieur Lazaro, j’ai eu la même inquiétude que vous quand j’ai lu cet article. Je me suis donc renseigné : il s’avère que les buralistes et leur confédération ne sont pas touchés. Seul l’est le répartiteur, Logista, filiale du groupe britannique Imperial Tobacco qui est quasiment monopolistique en France.

M. Denis Jacquat. Auparavant, c’était la SEITA !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. C’est lui qui est touché parce qu’il est directement en lien avec l’industriel, et non pas la Confédération des buralistes. Je pense ainsi répondre à votre inquiétude.

Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Même avis pour les mêmes raisons.

J’ajouterai cette interrogation : qui peut craindre la transparence ? Cet article est tout de même très important. Une mobilisation a tenté d’empêcher que la transparence soit assurée sur les actions de lobbying. Le lobby des grands industriels a fait montre de son influence, y compris auprès de certains membres de cette assemblée, bien que cela ne se soit pas fait directement dans l’hémicycle, bien entendu. Il dispose en effet de moyens considérables et n’a d’ailleurs pas hésité à entreprendre des démarches parfaitement incongrues, utilisant par exemple la signature de certains d’entre vous alors qu’elle ne leur avait pas été accordée.

M. Christian Jacob. Signe celui qui a envie de signer !

Mme Marisol Touraine, ministre. La transparence est une clé, la transparence est nécessaire. Voilà quelques années, le même débat s’est tenu au sujet de l’industrie du médicament. C’est d’ailleurs votre majorité qui, à l’époque, a commencé à accroître la transparence au sein de l’industrie du médicament, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, et nous avons poursuivi cette démarche. Pour autant, personne ne conteste que les médicaments soignent. Certes, le traitement doit être adapté à chacun, mais personne ne peut contester que les médicaments ont pour objet de soigner…

M. Denis Jacquat. Mieux, de guérir !

M. Christian Jacob. C’est le but, au départ !

Mme Marisol Touraine, ministre. …de guérir, en effet – bien que ce ne soit pas toujours le cas. Cependant, cela ne justifie pas l’absence de transparence sur les actions menées par les industriels, sur les sommes d’argent qu’ils dépensent et sur les destinataires de ces sommes. Ce que nous avons fait pour l’industrie du médicament, il n’y a aucune raison de ne pas le faire pour d’autres acteurs économiques. Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Mme la présidente. Votre amendement est-il maintenu, monsieur Lazaro ?

M. Thierry Lazaro. Autant la réponse de M. le rapporteur était sympathique, autant la vôtre, madame la ministre, est assez acide. Personne n’est contre la transparence.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr que si ! La preuve !

M. Thierry Lazaro. Comment pouvez-vous imaginer qu’il y aurait les bons d’un côté et les mauvais de l’autre ? Vous avez commencé à tracer cette délimitation dès le début des débats, et vous continuez. Tel n’est pas le but de nos discussions, madame la ministre.

Mme Valérie Boyer. Très bien !

M. Thierry Lazaro. Oui, je défends un lobby, celui des buralistes. Quand je me rends chez eux, ils m’offrent un café et je n’en éprouve aucune honte, mais cela s’arrête là, madame.

M. Bruno Le Roux. On vérifiera !

M. Thierry Lazaro. Ce que vous laissez entendre sur les liens de certains d’entre nous avec les industriels du tabac est particulièrement désagréable. Nous sommes pour la transparence. Mon amendement ne vise que les buralistes, la confédération et les chambres syndicales.

M. Bruno Le Roux. On vérifiera tout cela !

M. Thierry Lazaro. Monsieur le rapporteur, je prends votre réponse pour argent comptant, si tant est que je puisse m’y fier, et j’accepte de retirer mon amendement.

(L’amendement n11 est retiré.)

(L’article 5 nonies est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Madame la présidente, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.

M. Denis Jacquat. Nous avons commencé voilà tout juste une heure ! C’est qu’il doit y avoir un problème !

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Il n’y a pas de fumée sans feu !

M. Élie Aboud. Ça va chauffer !

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures cinq, est reprise à vingt-trois heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il se fonde sur l’article 58, alinéa 2, du règlement. Sans vouloir bien sûr remettre en cause la présidence, je rappelle tout de même que la suspension de séance devait durer dix minutes. On ne peut accepter qu’il y ait deux poids deux mesures et en arriver à une suspension de vingt-cinq minutes sans aucune explication sur ce qui justifie un tel dérapage !

M. François Rochebloine. Tout à fait !

M. Christian Jacob. Cela mériterait au moins que le président du groupe socialiste s’explique ou peut-être vous-même si vous disposez des informations nécessaires, madame la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Xavier Breton. C’est du mépris de l’opposition !

M. Christian Jacob. Vous n’accepteriez pas un tel dérapage de la part de l’opposition. Nous sommes fondés à demander une explication au président du groupe socialiste ou à vous-même.

Mme la présidente. Pour ma part, je ne peux reprendre la séance si Mmes et MM. les rapporteurs et Mme la ministre ne sont pas au banc.

La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Que le président Jacob se rassure, cette suspension de séance a été utile. Elle a permis d’affiner les positions dans un débat important. J’accepte bien entendu que le temps soit décompté de celui du groupe socialiste comme il le demande.

M. Gilles Lurton. Nous ne travaillons pas en temps programmé !

M. Bruno Le Roux. Nous pouvons maintenant reprendre le débat.

Article 5 decies

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Lazaro, premier orateur inscrit sur l’article.

M. Thierry Lazaro. Le paquet neutre supprime tous les éléments caractéristiques d’une marque. La France est le seul pays d’Europe continentale à s’engager dans cette voie. Il est expérimenté en Australie depuis 2013 et sa mise en place témoigne de son inefficacité. Il n’a pas contribué à faire diminuer la consommation de tabac, notamment chez les jeunes de 12 à 17 ans. En outre, les douanes australiennes ont annoncé la plus grande saisie de tabac illicite de leur histoire : soixante-et-onze tonnes de tabac à rouler, soit 3,5 millions de paquets de cigarettes ! En effet, le paquet neutre enchante les trafiquants qui peuvent aisément le falsifier car il ne comporte pas les détails spécifiques figurant sur les paquets actuels.

Il en va également de la santé de nos concitoyens. Nous devons éviter de les exposer à du tabac contrefait et garantir le suivi de la qualité des produits vendus dans le seul réseau des buralistes ayant reçu délégation de l’État. Je partage leur colère légitime car ils souffrent de distorsions fiscales communautaires et de l’ingéniosité des trafiquants. Il en résultera un préjudice fiscal supplémentaire pour notre pays et un préjudice économique majeur pour nos buralistes, dont le nombre ne cesse de diminuer. Près de 1 000 buralistes, soit un peu plus de trois par jour, ferment actuellement en France, sans compter ceux qui se paupérisent ou se font braquer ! Tel est aussi leur quotidien ! Si vous voulez faire disparaître les buralistes, madame le ministre, autant le dire tout de suite !

Nous sommes tous attachés à une politique de prévention informant nos concitoyens, en particulier les plus jeunes d’entre eux, sur les risques engendrés par la consommation de tabac, comme Jean-Louis Dumont l’a rappelé tout à l’heure. Je comprends d’autant moins votre aveuglement que le paquet européen fait l’objet d’un consensus des États membres avec lesquelles nous partageons une frontière.

M. Denis Jacquat. C’est vrai !

M. Thierry Lazaro. Il serait donc plus judicieux d’œuvrer en faveur de la transposition de la directive que de recourir à un artifice qui vous permet de court-circuiter l’avis du Conseil d’État et de vous dispenser d’une étude d’impact ! À l’évidence, il convient de supprimer le paquet neutre.

Mme la présidente. En raison du grand nombre d’inscrits, je vous demande, chers collègues, de vous en tenir strictement à deux minutes.

La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Par le biais de cet article, nous abordons le cœur de la transposition de la directive 2014/40/UE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives en matière de fabrication, présentation et vente des produits du tabac et des produits connexes. En clair, il s’agit avant tout de la mise en place du paquet neutre dans notre pays. La question n’est pas nouvelle. Aux pages 79 et 80 du rapport d’information sur l’évaluation des politiques de publiques de lutte contre le tabagisme que Jean-Louis Touraine et moi-même avons remis en février 2013, nous évoquions déjà le sujet. Trois mois auparavant, l’Australie était devenue, le 1er décembre 2012, le premier pays au monde à s’engager dans cette voie. Cependant, on ne pouvait alors tirer aucune conclusion.

En juillet 2014, dans le cadre du suivi des conclusions du rapport, nous abordions à nouveau le sujet en pages 9 et 10, indiquant qu’il est toujours impossible de distinguer l’impact des deux mesures prises simultanément. Nous y rappelions que la mise en place du paquet neutre en Australie s’est en effet accompagnée d’une hausse très importante du prix du paquet, porté à 14 euros. Depuis, tous les bruits circulent en Australie. Pour les uns, ces mesures n’ont pas empêché la vente de cigarettes de croître, pour les autres elles l’ont fait baisser. Il est très difficile de trancher : le Comité d’évaluation et de contrôle n’a pu disposer d’aucune étude officielle. En revanche, ce qui est sûr, c’est que la contrebande est apparue dans cet État-continent insulaire.

M. Bernard Accoyer. Tout à fait !

M. Denis Jacquat. Aujourd’hui se pose à nous la question de savoir s’il faut aller plus vite. En effet, l’application de la directive européenne incriminée est prévue dans quelques années. Combinée à une harmonisation de la TVA dans les pays concernés, elle constituerait un outil efficace dans la lutte nécessaire contre le tabagisme. C’est d’ailleurs ce que suggère un rapport récent d’un de nos collègues, Frédéric Barbier. Aussi conclurai-je par ces mots : attention à notre vote ce soir ! Sans harmonisation simultanée de tous les paramètres au niveau européen, l’efficacité de notre politique contre le tabagisme sera nulle. En outre, elle accélérerait la fermeture des bureaux de tabac dans notre pays.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je réaffirme d’abord notre conviction de la nécessité d’agir résolument contre le tabagisme qui nuit gravement à la santé de nos concitoyens. J’espère que tout le monde est d’accord sur ce point au moins. Je rappelle aussi que l’addiction au tabac est particulièrement tenace. Tous les professionnels des centres d’addictologie soulignent à quel point il est difficile de surmonter cette intoxication et de sortir de cette dépendance. L’enjeu essentiel est donc de ne pas commencer car on est ensuite prisonnier. Je souligne donc d’emblée l’importance des actions de prévention qui demeurent selon moi insuffisantes dans notre pays. Quant au paquet neutre, notre groupe en a débattu et se pose plusieurs questions. Les voici. Le paquet neutre incitera-t-il les fumeurs à arrêter de fumer ?

M. Élie Aboud. Non !

Mme Jacqueline Fraysse. Nous en doutons. Incitera-t-il les jeunes à ne pas commencer à fumer, ce qui est le plus important ? C’est possible, je le souhaite mais nous nous interrogeons. Nous ne sommes donc pas très convaincus pour l’instant de l’importance de cette mesure mais restons ouverts à la discussion. D’autres questions se posent. Cela encouragera-t-il les trafics avec les pays transfrontaliers ? La contrefaçon sera-t-elle plus facile ?

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Oui !

Mme Jacqueline Fraysse. Je pose les questions en toute transparence.

M. Bernard Accoyer. Et nous, nous apportons les réponses !

Mme Jacqueline Fraysse. J’espère que le débat sera serein et apportera des éclairages utiles afin de prendre des décisions. Si l’on peut discuter de l’intérêt du paquet neutre, on ne peut pas discuter du fait que la prévention de l’addiction au tabac suppose un faisceau de mesures. Nous soutiendrons toutes celles qui iront dans ce sens.

Mme la présidente. Merci, madame la députée.

Mme Jacqueline Fraysse. J’attends l’éclairage qui sera apporté avant de prendre une décision définitive. Pour conclure, nous ne sommes pas foncièrement ni a priori hostiles au paquet neutre s’il doit être…

Mme la présidente. Merci, chère collègue.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il vise au bon ordonnancement de nos débats. Je constate que dix-huit orateurs sont encore inscrits sur l’article. J’aimerais que vous nous assuriez, madame la présidente, que nous le voterons bien ce soir et qu’aucun autre collègue ne s’inscrira sur l’article, ce qui pourrait être une manœuvre visant à atteindre une heure du matin et éviter que le vote ait lieu ce soir.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Chacun a le droit de parler !

M. Richard Ferrand, rapporteur de la commission des affaires sociales. C’est l’état d’urgence parlementaire !

M. Christian Jacob. Je pense, et cela ne tient qu’à vous, madame la présidente, qu’après avoir entendu dix-huit inscrits sur l’article, l’Assemblée sera suffisamment éclairée pour entamer le débat des amendements afin que nous soyons assurés que le vote aura bien lieu ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Les inscrits se répartissent de façon équilibrée entre majorité et opposition, monsieur le président Jacob. Nous allons entendre les arguments des inscrits sur l’article puis entamerons naturellement la discussion des amendements qu’il faudra bien mettre aux voix.

M. Christian Jacob. J’entends bien, madame la présidente, mais je voudrais avoir l’assurance que l’article sera bien mis aux voix ce soir.

Mme Jacqueline Fraysse. On votera lorsqu’on aura fini de discuter !

M. Christian Jacob. Un débat comme celui-ci ne saurait être renvoyé à vendredi après-midi. Vous savez tous, chers collègues, que vendredi est une journée d’hommage national aux victimes des attentats et que des hommages seront rendus dans les circonscriptions comme aux Invalides. Par conséquent, il ne serait pas sérieux de renvoyer le vote sur un article comme celui-ci à vendredi après-midi. Telle est ma seule interrogation : avons-nous l’assurance que l’article sera bien mis aux voix ce soir ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Incroyable !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je regrette que nous ayons perdu un peu de temps en raison de ce rappel au règlement. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Dominique Tian. Et la suspension de séance ?

M. Bruno Le Roux. Je fais confiance à Mme la présidente pour limiter le temps des interventions à deux minutes. Afin de rassurer le président Jacob, vous me permettrez de m’inscrire également dans ce débat, madame la présidente ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Article 5 decies (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Nous sommes tous conscients des effets sur la santé de la consommation de tabac et savons que les chiffres de la mortalité due au tabac restent très élevés. Ce préalable est important. Nous souhaitons tous ici les faire diminuer. Mais selon nous, l’instauration du paquet neutre n’est pas de nature à atteindre cet objectif.

L’instauration du paquet neutre ne repose sur aucune étude d’impact. Les retours d’expérience venant d’Australie, seul pays ayant mis en place le paquet neutre, ne sont pas probants car cette mesure était assortie d’une très forte augmentation du prix du paquet de cigarettes. Nous n’en connaissons pas non plus les conséquences sur le développement du marché parallèle.

Selon nous, seule une coordination des politiques européennes en la matière est de nature à empêcher les trafics en tous genres. En choisissant d’adopter le paquet neutre pour notre pays uniquement, vous ne faites que déplacer le problème en incitant les consommateurs à s’approvisionner non plus sur le marché légal mais sur le marché parallèle, madame le ministre. En outre, vous n’avez absolument pas tenu compte des effets d’une telle mesure sur les distributeurs officiels de tabac que sont les buralistes. Ils sont 27 000 sur notre territoire et constituent un lien essentiel dans bon nombre de communes rurales.

M. Thierry Benoit. Bien sûr !

M. Gilles Lurton. Leur nombre diminue au fil des politiques conduites à leur encontre. Quelles compensations entendez-vous leur accorder pour pérenniser l’avenir de leur commerce ?

Mme la présidente. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Chacun sent bien que l’institution du paquet neutre, même si on refuse de l’admettre d’un certain côté de l’hémicycle, est inutile en termes de santé publique. Chacun sait en effet que ce qui ne sera plus vendu dans les bureaux de tabac le sera sur les marchés parallèles, dans les réseaux de contrebande ou sur internet. Il n’en résultera donc aucune diminution de la consommation de tabac. Inutile pour la santé publique, elle est aussi dangereuse pour la profession.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Guénhaël Huet. En effet, 1 041 débits de tabac ont disparu depuis le début de l’année. Si le Gouvernement et la majorité socialiste veulent la disparition du commerce en milieu rural, c’est exactement ce qu’il faut faire !

Enfin, le meilleur argument contre le paquet neutre, c’est Mme le ministre elle-même qui l’a avancé tout à l’heure. Elle a en effet indiqué à propos des cigarettes mentholées que le Gouvernement et la majorité s’apprêtent en fin de compte à se contenter de la stricte transposition de la directive. Dont acte ! La directive européenne en matière de présentation des paquets de cigarettes existe en effet.

Il suffit donc de se limiter à la directive. Il serait difficilement compréhensible, madame le ministre, que vous changiez d’argument selon l’article. Il faut parfois faire preuve de cohérence ! Le paquet neutre est inutile pour la santé publique, et dangereux pour la profession des buralistes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Quelle est l’efficacité du paquet neutre en France s’il n’est pas instauré aussi au niveau européen ? Plusieurs collègues l’ont rappelé, l’une de nos principales craintes est qu’il entraîne une augmentation du marché parallèle, de la contrebande.

Madame la ministre, vous êtes dans votre rôle lorsque vous présentez ce projet de loi, et vous le faites plutôt bien, tout comme Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’ailleurs. Mais nous sommes aussi dans notre rôle lorsque nous nous montrons préoccupés par le sort du réseau des buralistes – et il n’est pas question, ici, de lobby. Comme l’ont rappelé les orateurs précédents, on compte 27 000 buralistes, dont la moitié sont installés dans des communes de moins de 3 500 habitants. Ils jouent un rôle réel de maintien du lien social, ils sont aussi des diffuseurs de presse.

Nous sommes en train de vivre ce qu’il est convenu d’appeler l’uberisation de la société, du moins de certaines professions. Si l’uberisation fait peur, c’est qu’elle n’a pas été préparée, anticipée. Il nous faut dès aujourd’hui, et je me fais l’écho de ce que plusieurs députés ont exprimé ce soir, imaginer des missions nouvelles pour les buralistes, en particulier des missions de service public, afin de compenser la baisse d’activité qu’entraînera naturellement la diminution de la consommation de tabac que nous souhaitons tous, notamment chez les jeunes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Madame la ministre, les préoccupations sanitaires qui sont les vôtres sont tout à fait respectables dans leur principe, et je n’entends pas les remettre en cause. Toutefois, sans polémique aucune, je voudrais vous faire partager une analyse sensiblement différente, dans l’espoir que vous acceptiez de reporter la mise en application du paquet neutre de quelques mois.

M. Christian Jacob. Juste après la présidentielle ?

M. Jacques Valax. Cette analyse repose sur le constat de ce qui se passe réellement dans les villages et les quartiers populaires. Ils sont abandonnés, vidés de leurs commerces de proximité. Les seuls commerces qui y subsistent sont les petits bureaux de tabac, des lieux où l’on peut encore se rencontrer, échanger et se mélanger, au bon sens du terme. Les buralistes permettent de maintenir le lien social, dont la disparition est à l’origine du malaise que traverse notre république. Ce sont les petits buralistes qui, dix à douze heures par jour, assurent le dernier service public de proximité dans beaucoup de nos quartiers. Dans ces territoires dont on dit qu’ils sont déshumanisés et sans règles, ils sont la tête de pont de la République.

Madame la ministre, il faut que vous le sachiez et que vous en soyez persuadée : ce sont ces mêmes buralistes qui assurent une mission pédagogique en refusant de vendre aux plus jeunes et en expliquant les risques d’accoutumance au tabac. Ils agissent en bon père de famille, ils sont responsables.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Jacques Valax. Conscients du rôle social qui est le leur, ils luttent contre le marché noir, la contrefaçon et les produits frelatés.

Ils vous l’ont dit, comme à nous : le paquet neutre, c’est leur mort professionnelle, c’est le développement inexorable du trafic de la contrebande, c’est l’enrichissement des dealers et des trafiquants de basse zone. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, cela fait des années que nous discutons de l’évolution du prix du tabac. Au groupe UDI, profondément attachés à la construction européenne, nous n’avons cessé de dire que sans coordination européenne, l’augmentation du prix du tabac risquait d’entraîner un double phénomène : d’une part une importation croissante de tabac, et donc une hausse du nombre de consommateurs de tabac, et de l’’autre une chute des recettes fiscales.

Et c’est ce qui s’est passé, chers collègues ! L’importation, dont on dit à tort qu’elle est clandestine, puisque l’on peut légalement importer cinq cartouches par personne, représente 26 % des ventes, et les recettes fiscales ont perdu 3 milliards, qui aurait pu utilement financer la politique de santé publique. Le réseau des buralistes est déstabilisé, tandis que l’on observe une légère hausse de la consommation, notamment chez les jeunes mais pas seulement. Tout cela est parfaitement logique.

Madame la ministre, je vous le dis tout net : il se passera la même chose si vous instaurez le paquet neutre dans un cadre purement national. L’augmentation annuelle de la part du tabac importé, qui se situe aujourd’hui entre 1 et 1,5 point, sera encore accentuée. On ne peut se sortir de cette affaire qu’avec une politique coordonnée au niveau européen.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. On parle de paquets neutres, mais ils n’ont rien de neutre, avec 65 % de leur superficie consacrée à des images choc. Quelle contradiction, d’ailleurs : l’État vend un produit, en tire des recettes fiscales, via un compte autrefois extrabudgétaire, tout en affichant une publicité repoussoir pour dégoûter le consommateur d’en acheter ! On marche sur la tête. Si l’on considère que le tabac est nocif, il faut aller au bout de la logique. L’État se montre totalement schizophrène dans cette affaire.

Et il y a d’autres erreurs. Contrairement à ce qui a pu être dit, il n’y a pas eu en Australie de diminution du nombre des fumeurs. En revanche, les recettes fiscales ont baissé de 3,4 %. Et l’on sait que le packaging n’est pas un facteur de déclenchement du tabagisme : l’Inserm l’a prouvé, ce sont des facteurs sociaux et familiaux.

Enfin, votre proposition aura des conséquences néfastes dans les zones rurales, dans les communes. Les buralistes, qui n’y sont pour rien, en subiront les dommages collatéraux. Ils ont choisi de tenir des débits de tabac, pas la petite boutique des horreurs ! Il leur faudra désormais travailler tous les jours devant un mur qui, honnêtement, ne donne pas envie de se lever et que d’ailleurs les autres clients, ceux qui n’achètent pas du tabac mais des journaux ou des tickets de loterie, auront à supporter aussi.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Julien Aubert. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse, disait le poète. Aujourd’hui, madame la ministre, j’ai bien peur que quel que soit le paquet, vous ayez le tabagisme ! Trouvons d’autres manières de lutter contre ce fléau et ne faisons pas des buralistes les boucs émissaires d’un État qui ne connaît ni ses objectifs, ni ses moyens, ni ses méthodes.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Au fur et à mesure de cette discussion, nous validons petit à petit un système à deux vitesses. La dernière décision qui va dans ce sens, c’est celle concernant l’implantation des débits de tabac à proximité des bâtiments scolaires : elle n’aura pas le même impact dans les zones à faible densité de population, où l’établissement scolaire est à côté de tout – du coup, il n’y en aura plus du tout de commerces.

Par ailleurs, la question du paquet neutre nous place en décalage avec le reste des pays européens, en attendant l’application en 2020 de la directive dans tous les États membres.

Enfin, je m’étonne, madame la ministre, que ce projet de loi sur la santé ne contienne que des mesures répressives et aucune mesure éducative. Il faut évidemment encourager la diminution du tabagisme, mais je crains fort que le paquet neutre ne finisse par tout niveler par le bas, en l’absence de toute discrimination par la marque ou le visuel, et ne rende encore plus accessible à tous, et en particulier aux jeunes, la pratique addictive. Je défends la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. La directive européenne du 3 avril 2014 a permis de définir un cadre pour l’ensemble du territoire européen – dont on peut penser du reste qu’il a des frontières, tout du moins naturelles. Si l’on arrive à appliquer cette directive, qui, semble-t-il, fait l’unanimité de tous les acteurs de la filière tabac, de la plantation au consommateur, cela constituera une avancée importante et permettra de développer une réflexion en amont pour traiter le problème du tabagisme par la prévention et l’action éducative.

Nous choisissons aujourd’hui d’anticiper, de montrer que nous sommes meilleurs que le reste du monde. Et donc vous voulez que ça passe, même en force, sans aucune préparation ! Je pense que, dans un débat, le ministre doit savoir écouter les différents éléments qui sont exprimés. Vous pouvez sourire, madame la ministre, mais il eût été préférable d’organiser le dialogue au préalable. Avec ce genre de méthodes, en préparant la loi, on s’étonne de trouver dans le milieu rural des maisons de santé désertées ! C’est comme ça que cela se passe, madame ! Il y a des filières… (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Merci, monsieur le député, vous avez épuisé votre temps de parole.

La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Hier, nous disions que l’alcool tue 50 000 personnes par an, personne ne conteste les chiffres. Aujourd’hui, nous avons la confirmation que le tabac fait 80 000 victimes chaque année. Et nous ne cessons d’entendre des arguments qui pourraient laisser penser que la commission des affaires sociales n’a pas bien fait son travail ! Je voudrais simplement, en tant qu’élu frontalier, vous dire que si les buralistes ont quasiment disparu le long de la frontière, ce n’est pas à cause du paquet neutre mais parce que, de l’autre côté, des supermarchés vendent des tonnes de tabac et de l’alcool en abondance. Est-ce le modèle dont nous voulons nous inspirer ?

M. Arnaud Robinet. Non ! Justement !

M. Michel Liebgott. Il y a encore 26 000 buralistes en France. Que faisons-nous pour les aider, puisque notre objectif reste de dissuader les jeunes de fumer, et qu’un jour l’on ne meure plus du tabac ? Comment faire en sorte que les buralistes, et notamment les frontaliers, puissent s’en sortir, se reconvertir, continuer de vivre, en vendant certes encore du tabac, dans des conditions à peu près acceptables, mais aussi d’autres produits ?

Gouverner, c’est choisir, et encore plus en matière de santé. Je souhaite que, dans ce texte, le Gouvernement choisisse. Certes, c’est difficile ! Par exemple, tous les médecins n’approuvent pas le tiers payant, mais pour autant, nombreux sont les patients qui y sont favorables. Il va nous falloir convaincre. Cela étant dit, madame la ministre, il aurait fallu faire preuve, sur un sujet tel que celui-ci, de davantage de pédagogie et de dialogue avec les élus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Capdevielle.

Mme Colette Capdevielle. Je suis, pour ma part, élue d’une circonscription proche de l’Espagne où le tabac est à moitié prix et j’aurais pu, moi aussi, avoir de bonnes raisons de voter contre le paquet neutre. Je ne le ferai pas, et je souhaite que l’on réponde aujourd’hui à la question qui nous est posée.

J’ai entendu les légitimes inquiétudes des buralistes qui, entre le premier et le second vote, ont fait tout un travail d’approche des parlementaires, on le voit aujourd’hui. Nous devons répondre à ces craintes, et le Gouvernement le fera.

M. Bernard Accoyer. Buralistophobie !

Mme Colette Capdevielle. Pourquoi faut-il voter contre le paquet neutre ? D’abord parce qu’il faut lutter efficacement contre le tabagisme, qui tue à petit feu. La situation est très inquiétante, tout particulièrement pour les jeunes filles, dont le tabagisme ne cesse d’augmenter. Or, on sait que plus elles commencent tôt, plus elles auront du mal à arrêter, même pendant leur grossesse. Les conséquences sont graves pour la fécondité, qui diminue de 50 %, pour les procréations médicalement assistées, dont le taux d’échec est élevé chez les fumeuses, ou encore pour les protocoles de fécondation in vitro. Les fumeuses mettent deux fois plus de temps à être enceintes.

Le paquet neutre présente un intérêt particulier pour les jeunes filles, qui sont une véritable cible publicitaire pour l’industrie du tabac. Il n’est qu’à voir les conditionnements, les couleurs, les formes de cigarettes, les paquets.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

Mme Colette Capdevielle. Je ne citerai pas de marque, mais l’une de mes collègues m’a montré un paquet où l’on vante l’« Originale ». Les messages véhiculés au travers de ces publicités veulent donner de la fumeuse l’image d’une femme libérée, indépendante, dynamique et sophistiquée, voire même sportive, ce qui est un comble – Raid Gauloises, le Camel Trophy... En un mot, originale.

Donnons-nous les moyens de lutter efficacement sur tous les fronts. Le paquet neutre y participe. Nous ne pourrons pas dire à nos filles, dans vingt ans, que nous ne savions pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Denis Baupin. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à Mme Edith Gueugneau.

Mme Edith Gueugneau. Cet article vise à créer le paquet neutre. Ce sujet important soulève les passions et permet à certains de laisser circuler quelques contrevérités. Pourtant, l’affaire est sérieuse. De quoi s’agit-il ?

Le paquet de cigarettes est vu près de 7 000 fois par an par un fumeur régulier mais aussi par son entourage. Chaque paquet de cigarettes exposé ainsi est une publicité relayée par 13 millions de fumeurs en France. Dans ce contexte, les marques sont engagées dans une course marketing que nous devons stopper, et vite, en raison des dégâts que la cigarette provoque chez nos jeunes. Non, ce n’est pas « cool » de fumer.

Chaque année, la cigarette est à l’origine du décès de près de 80 000 personnes, tandis que 200 000 nouveaux jeunes succombent à la tentation. Notre rôle n’est-il pas de les alerter des risques ? De les en protéger ?

M. Élie Aboud. Bien sûr, mais c’est de la prévention !

M. Dominique Tian. La médecine scolaire !

Mme Edith Gueugneau. Nos enfants méritent-ils un avenir enfumé par le tabagisme, qu’il soit actif ou passif ? (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Assurément, oui, notre responsabilité est grande. Je soutiens l’instauration du paquet neutre car il est urgent de réduire l’attractivité du paquet, d’autant plus que des études ont démontré le manque d’efficacité de l’agrandissement des avertissements sanitaires graphiques.

Élue d’un territoire rural, je tiens aussi à rassurer nos buralistes. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains.) Là encore, il faut dire les choses : non, il ne s’agit pas de les faire disparaître, mais bien de les accompagner pour encourager leur diversification, leur donner de nouvelles missions et les transformer en véritables guichets de service public pouvant proposer divers services à nos concitoyens les plus isolés.

M. Jean-Marie Sermier. Avec quels moyens ?

La tâche est ample, mais nécessaire. Avec l’État, nous serons à leurs côtés pour les soutenir (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) tout en accomplissant de réels progrès pour la santé publique et pour notre jeunesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Denis Baupin. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Élie Aboud.

M. Élie Aboud. Je l’ai dit hier soir, nous ne pouvons pas laisser penser qu’il y aurait d’un côté des parlementaires vertueux, se chargeant de défendre l’action et la santé publique, et de l’autre d’affreux personnages.

Madame la ministre, je vais vous répondre sur votre terrain. Vous vous êtes inspirée de l’expérience australienne, alors parlons chiffres. Nous n’avons aujourd’hui aucun chiffre sur la morbidité cardio-vasculaire ou oncologique. Aucun non plus sur le nombre de fumeurs en Australie. En revanche, un chiffre est sorti : 1 milliard de dollars de pertes fiscales par an. Vos collègues de Bercy seront contents.

Peu de mots suffisent : « contrefaçon », « délinquance urbaine », « trafic transfrontalier », et « fin du métier de buraliste » alors qu’ils assurent le lien social et de surcroît, dans de nombreuses communes, un service public. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Vignal.

M. Patrick Vignal. Je suis pour une lutte efficace et cohérente contre le tabagisme au niveau européen. Je milite également en faveur d’une législation européenne, dans une Europe sociale, large et solidaire.

M. Jean-Pierre Door. Il est des nôtres.

M. Patrick Vignal. Le « paquet directive », celui qui est proposé par la directive tabac, a l’avantage d’aller dans le sens de l’harmonisation européenne. Il est aussi plus dissuasif que les paquets de cigarettes actuels puisque les surfaces prévues pour les photos chocs représentent 65 % du paquet. Au contraire, le paquet neutre créerait une nouvelle distorsion entre la France et les pays voisins et renforcerait le marché parallèle.

M. Bernard Accoyer. C’est évident.

M. Patrick Vignal. Afin de lutter efficacement contre le tabac, nous devons combattre encore plus vigoureusement le marché parallèle, qui discrédite toute nouvelle mesure gouvernementale, et cela en harmonisant les prix en Europe.

N’oublions pas, cependant, les buralistes, que nous devons aider à se reconvertir ou à développer leurs activités.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Patrick Vignal. Prenons des mesures afin qu’ils puissent optimiser la diversification de leurs activités commerciales dans des domaines novateurs et qu’ils ne soient pas tous contraints de mettre la clé sous la porte, les uns après les autres.

Les buralistes ont prouvé qu’ils avaient le sens des responsabilités puisque, voici encore quelques mois, ils militaient en faveur de l’interdiction de la vente de cigarettes aux moins de 18 ans. Néanmoins, la vente de tabac permet d’assurer l’équilibre financier de ces petits commerçants, qui sont nombreux à avoir investi dans leur fonds de commerce. Comment imaginer que ces commerçants qui ont passé leur vie dans leur bureau de tabac se retrouvent aujourd’hui avec des fonds de commerce ayant perdu de leur valeur ? Qu’ils ne perçoivent pas de retraite, alors qu’ils ont travaillé toute leur vie ?

Madame la ministre, nous devons engager une réflexion nouvelle autour de ces commerces de proximité, vecteurs de cohésion sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Madame la ministre, il ressort de toutes ces interventions une évidence : nous sommes conscients du rôle essentiel de la prévention. Or, la prévention se fait par un faisceau de solutions. Il n’y a pas une seule solution. En l’espèce, le paquet neutre n’est pas « la » solution. Nous devons poursuivre notre réflexion sur les diverses solutions à trouver, mais écarter cette piste.

La solution ne pourra se trouver qu’au niveau européen, dans un contexte global. Sans coopération européenne, l’instauration d’un paquet neutre favorisera le développement de marchés parallèles. Tout le monde y perdra, à commencer par les buralistes, ceux qui font vivre nos milieux ruraux et qui créent le lien social au cœur de nos bourgs. Ce sont eux qui subiront les conséquences d’un choix dont vous n’êtes toujours pas capable de démontrer le bien-fondé.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. S’agissant de la transposition de cette directive européenne, une seule question se pose : le paquet neutre sera-t-il efficace dans la lutte contre le tabagisme ? Nous n’en avons aucune preuve. Outre qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée, l’exemple de l’Australie nous prouverait même le contraire. En revanche, cette mesure pourrait favoriser le développement du marché parallèle. Pour toutes ces raisons, je défendrai un amendement de suppression de cet article qui crée le paquet neutre.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Trois problèmes se posent. Le premier est celui des effets du tabagisme sur la santé publique. Sur ce point, nous sommes tous d’accord pour mener des actions de prévention afin de limiter la consommation du tabac, en particulier chez les jeunes.

Le deuxième est celui de l’échelle de la mesure. Vous nous proposez une mesure franco-française, et non européenne. Il est complètement irresponsable de prendre ainsi une disposition nationale avant qu’elle ne s’applique dans tous les pays de l’Europe. Il en va de même du prix du tabac : les trafics transfrontaliers sont, pour l’essentiel, liés aux écarts de prix pratiqués par les pays de l’Union. Vous ajoutez là un nouvel élément de distorsion de concurrence, qui conduira automatiquement à une hausse des trafics.

Le troisième, enfin, est celui des buralistes. Ils constituent un véritable réseau de proximité. Ils sont présents partout sur le territoire national, dans les centres-villes, les quartiers, les communes périphériques, en milieu rural profond. Souvent, ces petits commerces ne survivent que parce qu’ils ont diversifié leur activité. La vente de tabac est un élément important de leur équilibre structurel. Ils assurent un lien social, et rendent un service à la population. Votre mesure pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour eux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Delaunay.

Mme Michèle Delaunay. Je vais vous surprendre, mes chers collègues : je suis complètement d’accord avec M. Aubert. Le paquet neutre n’est pas neutre. Il prend clairement parti. Il dit clairement que le tabac est nocif, qu’il nous veut du mal. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est efficace : il est moche, il alerte, mais il dit la vérité.

Mme la présidente. Madame Delaunay, pouvez-vous ranger le paquet que vous tenez s’il vous plaît ? Pas de publicité dans l’hémicycle.

Au moins, personne n’aura pu voir la marque ! (Sourires.)

Mme Michèle Delaunay. La politique contre le tabac, c’est une haute montagne qu’il faut escalader. Depuis cinquante ans que nous menons des actions de prévention, nous n’avons pas beaucoup avancé, mais le pire serait de revenir en arrière. Si nous dérogions à notre vote de première lecture, notre crédibilité serait gravement entamée. L’on nous accuserait d’avoir été plus sensibles, à l’approche des élections, aux pressions que nous subissons tous.

Dans cette escalade donc, le paquet neutre est une marche montante. Il ne nous évitera pas d’avoir à poursuivre nos efforts, en particulier pour augmenter les prix. Mais nous ne devons pas rater cette marche, en particulier pour les jeunes, qui seront les premiers à être dissuadés par ce type de packaging. Ils n’assimileront plus le tabac au coureur automobile ou au beau cow-boy de Camel ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Deguilhem.

M. Pascal Deguilhem. En défendant l’idée que l’instauration du paquet neutre doit se faire selon un calendrier européen, je ne pense pas faire preuve de moins de sensibilité que d’autres aux problèmes de santé publique que pose l’abus de tabac.

Chaque année, dans les départements ruraux en particulier, de nombreux bureaux de tabac ferment. Cela pourrait être une excellente nouvelle du point de vue de la santé si ne fermaient du même coup le dépôt de pain, le point de vente de journaux, le lieu où l’on vient chercher une commande, bref le dernier lieu de vie dans nos villages. Il y a deux cents communes de mon département, et je sais bien que c’est le dernier commerce en milieu rural.

La consommation locale baisse-t-elle pour autant ? Ce n’est pas si sûr ! Tous les week-ends, on l’a dit, dans ces départements proches de la frontière, bus et voitures convergent vers Ibardin, Andorre ou Irun. Tout est bien organisé, les transporteurs on fait paraître des encarts dans la presse locale avant le week-end et chacun sait ce que contiennent les soutes de ces bus au retour de cette promenade pyrénéenne... Il en est de même pour toutes les autres frontières.

Autre exemple : sur la nationale 10, qui absorbe la moitié du trafic transfrontalier de camions, sur les aires d’autoroute, le trafic et les ventes illicites n’arrêtent pas. Le commerce se fait au grand jour…

Pour défendre le maintien du dernier commerce en milieu rural, accentuons plutôt nos efforts en matière de lutte contre le trafic et le commerce illicite !

Mme Gilda Hobert. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. L’Organisation mondiale de la santé, qui constate la catastrophe sanitaire engendrée par le tabac au niveau mondial et singulièrement en France, où il constitue la première cause de mortalité évitable, demande que soit organisée dans les toutes prochaines décennies la sortie du tabagisme. Elle recommande particulièrement le paquet neutre, ainsi que diverses mesures contribuant à cette évolution souhaitable.

Il y a cinq ans, j’avais déposé une proposition de loi sur les paquets neutres, afin de changer l’image trop positive du tabac, une image aux conséquences mortifères. La France aurait été alors le premier pays au monde à adopter cette mesure. À l’époque, les études scientifiques d’impact montraient déjà l’efficacité de ce choix.

Depuis, l’Australie a adopté la mesure et nous disposons de plusieurs années de recul. Il ne s’agit plus de ce que l’on croit ou de ce que l’on anticipe, mais de ce qui est démontré : une diminution de la consommation grâce au paquet neutre, notamment chez les jeunes, une diminution de la morbidité et de la mortalité engendrées par le tabac, et une efficacité qui est encore amplifiée si on y ajoute des mesures additionnelles, comme nous en adoptons dans cette loi et comme nous en adopterons encore plus dans les années à venir.

C’est pourquoi nous avons voté à une large majorité cette mesure bénéfique en première lecture. Certes, les buralistes vendront un peu moins. Mais c’est l’objectif de la politique de santé ! La lutte contre le tabagisme ne peut qu’engendrer une diminution des ventes de tabac. Plutôt que d’encourager les buralistes à maintenir le niveau de ces ventes, il faut les aider à trouver des compensations qui maintiendront leurs revenus à un niveau très correct sans entraîner 80 000 décès chaque année dans notre pays.

M. Christian Jacob. Quelle démagogie !

M. Jean-Louis Touraine. Quant à la directive européenne…

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je suis d’accord avec vous, monsieur Aboud : il n’y a pas d’un côté les bons parlementaires et de l’autre les mauvais. Là n’est pas le sujet. Je dirais seulement que nous ne sommes pas forcément sensibles aux mêmes voix qui s’expriment dans le débat.

Permettez-moi d’en citer quelques-unes, et pas des moindres, qui soutiennent le paquet neutre. Cela devrait vous parler, mon cher collègue : la Ligue contre le cancer, la Fédération française de cardiologie, le Comité national contre les maladies respiratoires, la Société française de cardiologie, le Collège national des cardiologues français, la Fédération française de pneumologie, la Fédération française des associations et amicales de malades, insuffisants ou handicapés respiratoires, l’Alliance du cœur, la Fédération française d’addictologie. Et j’en passe : il y en a encore beaucoup d’autres !

La directive européenne est aujourd’hui contestée par deux marques : Philip Morris International et British American Tobacco, qui l’attaquent devant la Cour de justice de l’Union européenne. Comme quoi ce paquet a bien pour conséquence de diminuer leurs ventes !

Une politique de santé publique de long terme vise sans doute des enfants qui ont huit ou neuf ans aujourd’hui, mais plus certainement encore ceux qui ne sont pas encore nés. S’il y a une chose dont je suis quasiment certaine – et, la contrebande de la Haute-Garonne se faisant dans ma circonscription, à 500 mètres de ma permanence, je sais de quoi je parle – c’est qu’un jeune de 11 ou 12 ans qui veut se mettre à fumer sait déjà qu’il va franchir une ligne jaune. Il n’ira pas place Arnaud-Bernard, à Toulouse, demander à acheter du tabac sous le manteau. J’en suis persuadée ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Denis Baupin. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Denaja.

M. Sébastien Denaja. Madame la ministre – j’insiste sur la marque du féminin car, en cette journée de lutte contre les violences faites aux femmes, je regrette profondément la violence symbolique exercée tout au long de cette séance par ces collègues qui, sur les bancs de l’opposition, se sont évertués à vous appeler « madame le ministre »… (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Patrick Balkany. C’est une recommandation de l’Académie française !

M. Sébastien Denaja. Cela mériterait des excuses, et des excuses publiques !

M. Bernard Accoyer. Les académiciens apprécieront !

M. Sébastien Denaja. Madame la ministre donc, la loi Santé que vous portez sera une grande loi de progrès social et de santé publique, une loi qui marquera ce quinquennat et qui honorera le vote favorable émis par l’ensemble des députés SRC lors du vote solennel mardi prochain. Vous savez que vous pouvez compter sur ce soutien total et entier de tous les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen depuis votre entrée en fonction.

M. Christian Jacob. Si avec ça vous n’entrez pas au Gouvernement…

M. Sébastien Denaja. Je suis favorable au paquet neutre, comme sans doute l’ensemble de mes collègues et comme d’ailleurs les buralistes eux-mêmes (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), à une réserve près : le paquet neutre ne doit être mis en circulation en France qu’à la condition de l’être en même temps sinon dans l’ensemble des pays européens, du moins dans l’ensemble des pays frontaliers de la France. (Mêmes mouvements.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Comment faites-vous avec la Suisse ?

M. Sébastien Denaja. La loi doit toujours trouver le juste milieu entre les impératifs d’ordre public et de santé publique. L’ordre public peut être perturbé, on l’a dit, par la contrebande, les trafics, la concurrence déloyale. Et du côté de la santé publique, les 78 000 morts par an à cause du tabac nous obligent à agir, et les propos tenus à ce sujet nous invitent à la responsabilité.

Si, à cette heure, un compromis est encore possible pour conditionner l’instauration du paquet neutre en France à son adoption dans tous les pays frontaliers, alors une fois de plus, madame la ministre, si vous me pardonnez ce mot, notre soutien ne vous sera pas mégoté.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. À la lumière de nos débats et pour éviter toute répétition, je veux signaler que notre assemblée a déjà délibéré deux fois pour préparer l’instauration du paquet neutre, et que deux fois son vote a été acquis à l’unanimité des groupes politiques.

La première fois, il s’agissait de la ratification du protocole de l’OMS pour éliminer le commerce illicite des produits du tabac. Nous l’avons voté tous ensemble. Or l’argument principal développé depuis de longues minutes maintenant est la question de la contrebande et des trafics. En mettant en place un système de traçabilité totalement indépendant de l’industrie du tabac, nous agissons non seulement contre la contrebande, mais aussi pour la sécurité des buralistes, laquelle est aujourd’hui loin d’être assurée puisqu’ils peuvent être braqués et volés sans qu’il soit possible d’identifier ce qu’ils avaient en stock, donc de mener les poursuites et de les protéger efficacement.

La deuxième fois, c’est lorsque nous avons voté à l’unanimité l’abrogation de l’article 569 du code général des impôts, qui faisait dépendre cette traçabilité des cigarettiers. J’insiste, madame la ministre, car il s’agit d’un élément essentiel de la lutte contre le tabagisme et contre la contrebande : l’adoption du paquet neutre doit aller de pair avec la prise par le Gouvernement d’un décret permettant la mise en œuvre du protocole de l’OMS que nous avons ratifié et un appel d’offres transparent et indépendant pour établir un système de traçabilité dans notre pays. C’est ainsi que nous assurerons la cohérence de notre politique et couperons court au principal reproche qui s’exprime, à savoir la faiblesse de la lutte contre la contrebande, alors que nous, ici, à l’Assemblée nationale, avons déjà permis de la conforter par deux fois. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun, rapporteur.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Si vous me le permettez, afin de ne pas avoir à parler longuement sur les amendements qui vont suivre, je voudrais prendre le temps de dire d’où nous partons et où nous souhaitons aller avec cette mesure : on a en effet manifestement oublié que le paquet neutre n’est peut-être pas le seul sujet dont nous devrions débattre ce soir.

La directive européenne est le fruit d’une longue histoire qui commence à l’OMS.

M. Dominique Tian. Nous le savons très bien !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. À l’époque, l’OMS était dirigée, vous devriez le savoir, monsieur Tian, par une très grande dame, ancienne Première ministre norvégienne : Gro Brundtland.

M. Dominique Tian. On veut voter !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je vous ai écouté, moi, monsieur Tian !

C’est donc Mme Bruntland qui a souhaité aller vers un monde sans tabac. L’Union européenne, avec 180 pays, s’est engagée elle aussi dans le cadre de l’OMS à aller le plus possible vers ce monde sans tabac. Elle reconnaît le tabac – relisez le considérant n8 de la directive européenne – comme étant d’une nocivité absolue pour les jeunes.

L’uniformisation des emballages n’est pas une lubie. Le principe en est déjà posé par la convention-cadre de lutte antitabac depuis 2005.

M. Dominique Tian. Encore 32 minutes à tenir avant la levée de la séance !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Il y a dix ans donc, les pays signataires s’engageaient à couvrir 50 % au moins des faces d’un paquet. N’oubliez pas que la directive, que nous souhaitons non seulement transposer mais dépasser, comme nous en avons le droit en matière de santé publique, fixe cette proportion à 65 %. Nous en sommes encore loin.

M. Christian Jacob. Parlez-nous plutôt du cannabis !

M. Dominique Tian. Et ne parlez pas trop vite, surtout !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Je vous ai beaucoup écoutés, messieurs de l’opposition. J’ai assisté comme rapporteur à tous les débats. J’étais là hier lorsque vous avez tenu pendant une heure et demie au sujet de l’alcool. Alors permettez-moi de dire quelques mots sur le tabac ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Vu l’heure, mes chers collègues, il vaudrait mieux avancer. Si vous voulez passer au vote des amendements, laissez parler l’orateur sans l’interrompre !

Merci de conclure, monsieur le rapporteur.

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. La directive permet à chacun des États, qui conservent la faculté d’imposer des exigences plus strictes, de protéger la santé publique sur son propre territoire. C’est le cas pour l’emballage. La seule condition est de le notifier à la Commission européenne, qui impose un standard très détaillé.

Son article 29 demande aux États membres de transposer la directive au plus tard le 20 mai 2016. La France est actuellement à l’avant-garde de l’Europe, avec le Royaume-Uni et l’Irlande. Nous sommes aujourd’hui des précurseurs, derrière un pays dont vous avez beaucoup parlé sans pour autant évoquer la réalité des études qui y ont été menées : l’Australie. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

J’irai jusqu’au bout, mes chers collègues, car je veux démontrer que certains arguments que vous utilisez ne sont pas justes.

M. Arnaud Robinet. Ce sont les vôtres qui ne le sont pas !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Quelle est la réalité, trois ans après l’entrée en vigueur de la mesure en Australie ? De très nombreuses études ont été publiées. Mais attention, mes chers collègues, il y a deux types d’études : des études scientifiques, que vous pouvez retrouver, par exemple, dans le British Medical Journal, dont certains ici connaissent la qualité, et puis d’autres qui sont simplement payées par les fabricants de tabac.

Mme Michèle Delaunay. Très bien !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Soixante études scientifiques – soixante ! – montrent que le paquet neutre, comparé à un paquet « marketé », donne moins envie de fumer aux jeunes et moins envie de se montrer en public avec une cigarette : c’est moins sexy, cela réduit le plaisir, cela annihile la fonction de marketing de l’emballage et de la marque, cela augmente la perception de la dangerosité grâce au message sanitaire et aux images.

Contrairement à ce qu’affirment certains à grand renfort d’argumentaires totalement formatés, l’achat de produits de contrefaçon et de contrebande pour les fumeurs n’a pas augmenté en Australie depuis l’instauration du paquet neutre. Il a été constaté une baisse de 3,4 % du nombre de consommateurs entre 2003 et 2012.

M. Christian Jacob. Je demande la parole, madame la présidente !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. J’en finis, monsieur le président Jacob. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. D’un mot, s’il vous plaît. Il est minuit et demi et vous ne pouvez ignorer le nombre d’amendements déposés sur l’article.

M. Christian Jacob. On peut aussi parler du cannabis, on va s’amuser !

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. J’en finis.

M. Christian Jacob. Vous ne faites que réciter des âneries !

M. Richard Ferrand, rapporteur. Qui est l’âne, ici ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Sur les soixante-quatorze documents qui vous ont été largement distribués et dont je suis également destinataire, trente-cinq – la moitié ! – n’ont fait l’objet d’aucune évaluation scientifique sérieuse. Et sur ces trente-cinq, trente-deux ne sont assortis d’aucune déclaration d’intérêts liés à l’industrie du tabac. Je vous laisse le soin de conclure quant à la validité de ces publications pseudo-scientifiques ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et quelques bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Le temps du vote doit venir, bien sûr, mais vous avez été nombreux à vous exprimer et je souhaite redire le sens de la politique qui vous est proposée, et qui a fait, comme l’a rappelé le président Le Roux, l’objet de nombreux débats. Je ne peux en effet pas laisser dire que nous n’aurions pas déjà à de nombreuses reprises évoqué ces questions.

Pourquoi faut-il engager une politique résolue de santé publique vis-à-vis du tabagisme ? C’est certes la ministre de la santé qui s’exprime devant vous, mais c’est aussi la mère de famille, qui voit deux grands enfants, deux jeunes adultes, fumer, comme des amis, et qui se demande pourquoi des jeunes pourtant informés et au fait des problèmes de santé que pose le tabac, s’engagent dans cette démarche. Et c’est aussi, pour ceux qui l’ignorent, l’élue d’un territoire en partie rural, sinon de petites communes, qui parle. Je suis donc très attentive aux différents enjeux.

78 000 morts par an, c’est plus de 200 morts chaque jour – et le chiffre est en augmentation. J’ai déjà fait cette comparaison, mais elle me semble marquante : c’est comme si chaque matin, en nous levant, nous apprenions à la radio qu’un avion s’est écrasé quelque part sur le territoire français. En quinze jours, le tabac fait dans notre pays autant de morts que la route en une année. Nous devons donc agir, et d’autant plus que dans tous les autres pays la consommation de tabac diminue, alors qu’en France elle augmente.

Notre pays compte en effet plus de 30 % de fumeurs, alors que la moyenne dans les autres pays s’établit à environ 15 %. Nous devons donc agir, et c’est la raison pour laquelle j’ai proposé un programme national de réduction du tabagisme, avec des mesures diverses et globales. Je le dis très simplement et très humblement devant vous : il n’y a pas une mesure qui, à elle seule, permette de relever le défi du tabagisme.

M. Razzy Hammadi. C’est clair !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons besoin d’un plan global qui s’appuie sur des mesures de prévention, d’information, d’interdiction, voire de répression. Et c’est l’ensemble de ces mesures, je le dis à ceux qui ont parlé de la prévention, que contient le plan de réduction du tabagisme. Comme je ne veux pas être trop longue, je n’évoquerai que la nouvelle campagne d’information, la mise à disposition de documents dans les écoles, ce qui ne se faisait pas auparavant, la protection des jeunes contre le tabagisme passif, par exemple dans les voitures ou dans les aires de jeux, ou l’aide au sevrage, avec une prise en charge financière augmentée.

M. Christian Jacob. Vous devriez parler des dealers de cannabis.

M. Richard Ferrand, rapporteur. Quel mufle !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le nombre de personnes ayant demandé à bénéficier de ces aides au sevrage a augmenté de 25 % ! Sans oublier bien sûr la lutte contre la contrebande, parce que nous refusons ce que font les cigarettiers : mettre sur le marché parallèle des produits du tabac.

Pour répondre au président Le Roux, comme j’ai eu l’occasion de le dire à cette tribune lorsque vous avez examiné la ratification du protocole de l’OMS, un décret du Gouvernement sera pris afin d’accélérer la mise en place des mesures de lutte contre la contrebande et d’améliorer la traçabilité des produits.

Parmi ces mesures figure le paquet neutre, partie importante, mais non la seule, d’un programme d’ensemble. Pourquoi ce paquet neutre ? Parce qu’on sait l’impact de la publicité sur les jeunes, parce qu’il rend plus visibles les avertissements sanitaires, parce que les marques redoublent d’ingéniosité pour inciter les jeunes à se mettre à fumer. Les cigarettiers sont d’ailleurs régulièrement condamnés pour publicité déguisée.

Le paquet neutre doit nous permettre de sensibiliser davantage les jeunes. Je le redis : ma cible, notre cible, ce sont les jeunes, pas ceux qui fument depuis cinq, dix ou vingt ans. Ceux-là continueront à fumer, et ils doivent être accompagnés autrement. Mais il faut faire en sorte que les jeunes ne s’engagent pas dans le tabagisme, et la directive européenne permet aux États membres d’instaurer s’ils le souhaitent, pour des raisons de santé publique, le paquet neutre.

Mesdames et messieurs les députés, vous dites que la France est seule, mais non : il faut citer la Grande-Bretagne, l’Australie, l’Irlande, la Hongrie, qui a notifié sa décision d’instaurer le paquet neutre, tout comme la Norvège. Et il y a quelques jours, le Canada a annoncé, par la voix du nouveau gouvernement de Justin Trudeau, qu’il engageait les démarches nécessaires à la mise en place du paquet neutre.

M. Razzy Hammadi. Il va aussi légaliser le cannabis.

Mme Marisol Touraine, ministre. La France n’est donc pas isolée. Elle s’engage, comme elle s’est engagée au niveau européen pour faire converger les prix, afin de faire adopter le paquet neutre par le plus grand nombre d’États membres. Je ne crois pas du tout à l’argument sur les trafics et la contrebande.

M. Christian Jacob. Vous gagnez du temps ! C’est de la parlotte ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Goujat !

Mme Julie Sommaruga. C’est comme ça qu’on s’adresse à une ministre ?

M. Sébastien Denaja. C’est grossier.

M. Jean-Louis Dumont. Vulgaire.

Mme la présidente. Madame la ministre, il faut que nous avancions dans le débat.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je souhaite que le vote ait lieu.

M. Christian Jacob. Et bien alors ?

M. Patrick Balkany. Vous confisquez le débat !

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président Jacob, je trouve extrêmement étonnant que vous m’interpelliez de cette manière. Pour ma part, je fais preuve de respect à votre égard. Vous critiquez le manque de débat, mais vous demandez au Gouvernement de rester muet !

J’en venais, précisément, aux débits de tabac. Pour bien les connaître dans ma circonscription, j’ai parfaitement conscience de leur place et de leur rôle dans les communes, petites ou moins petites.

M. Gilles Lurton. C’est la première fois qu’on l’entend.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je connais leur rôle social, je sais la fonction qu’ils occupent dans ces mêmes communes, ou au sein d’un quartier.

M. Christian Jacob. Comme les médecins.

Mme Marisol Touraine, ministre. Je sais ce qu’ils représentent pour la population.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Vous avez refusé de les recevoir !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais non ! Que croyez-vous ? Que je ne rencontre pas mes interlocuteurs ? Que je ne me rends pas, dans ma circonscription, là où j’habite, dans des bureaux de tabac, pour y acheter en l’occurrence non pas du tabac, mais par exemple des journaux ?

M. Charles de Courson. Et un peu de vin ? (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre. Tout le débat, c’est celui de l’évolution de l’activité des débits de tabac. Mais nous ne réglerons pas la question du tabagisme en occultant les enjeux de santé publique.

Vous avez là les raisons pour lesquelles je vous invite à adopter ce dispositif. Je n’interviendrai plus sur les amendements, sauf pour faire part de l’avis du Gouvernement. Le paquet neutre n’est pas « la » solution, c’est une solution parmi d’autres, qui fait partie d’une stratégie résolue et volontariste de santé publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements.

Je suis saisie de huit amendements de suppression de l’article, nos 5, 23, 89, 257, 275, 497, 505 et 778.

La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n5.

M. Thierry Lazaro. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n23.

M. Jean-Pierre Decool. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n89.

M. Jean-Pierre Door. N’ayant pas pris la parole sur l’article, je défends cet amendement de suppression de l’article 5 decies au nom du groupe Les Républicains. Je sais, madame la ministre, que nous ne vous ferons pas changer d’avis. C’est comme ça : vous êtes ainsi faite qu’on a du mal à vous faire changer d’avis. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Razzy Hammadi. Cela vous arrive souvent, à vous, de changer d’avis.

M. Jean-Pierre Door. Je ne dis pas que c’est un défaut, cela peut aussi être une qualité !

Vous avez fait du paquet neutre un marqueur du quinquennat. Sous la législature précédente, nous avons beaucoup travaillé sur le plan anti-tabac : souvenez-vous du décret Bertrand sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics ! Beaucoup de choses ont été faites, et il ne faut pas nous accuser d’être contre la campagne anti-tabac.

Mes responsabilités professionnelles font que je lutte contre le tabagisme, sous toutes ses formes, mais de façon raisonnée et raisonnable. Or l’efficacité du paquet neutre n’est absolument pas prouvée : moi aussi, j’ai lu le British Medical Journal, et d’autres publications spécialisées en cardiologie, et ils ne confirment pas que le paquet neutre permette d’obtenir des résultats. La question est à l’étude, sans plus.

Ensuite, si certains pays ont effectivement adopté cette démarche, d’autres, comme la Belgique, l’Allemagne ou l’Italie n’ont pas validé le principe du paquet neutre. Ils ont préféré s’en tenir au paquet harmonisé de mai 2016. Et à ce propos, monsieur le rapporteur, il arrive que vous prôniez la stricte application de la directive, mais pas toujours : c’est une fois oui, une fois non !

Mme la ministre vient de le dire : le paquet neutre n’est pas la seule solution. Ce n’est même pas une solution certifiée, ni valable. La directive, elle…

Mme la présidente. Merci monsieur le député.

La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement n257.

M. Arnaud Viala. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n275.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement vise à annuler l’introduction du paquet neutre dans notre droit national. Comme beaucoup, nous n’y serions pas opposés s’il devenait la règle dans l’ensemble des pays européens. Mais ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Il n’est pas non plus question de nier les effets néfastes de la consommation de tabac sur la santé ni sa corrélation avec des maladies cardio-vasculaires ou le cancer. Mais soyons clairs : pour l’année 2014, le marché parallèle, qu’il s’agisse de la contrebande ou de la contrefaçon, représente plus de 25 % de la consommation. Aller plus loin que la directive européenne qui introduit une harmonisation au travers du paquet européen en mai 2016 aura pour conséquence d’accentuer les trafics de contrebande et, de fait, d’augmenter la perte de recettes fiscales.

Madame la ministre, vous citez l’exemple de l’Australie. Mais c’est une île, et donc un marché fermé, ce qui n’est pas le cas de l’Europe. Comme cela a été rappelé par nombre d’entre nous, l’introduction du paquet neutre aura également de graves conséquences sur l’activité des buralistes, notamment en milieu rural : 1 200 d’entre eux ont disparu en 2014, et plus de 900 depuis le début de 2015. Notre collègue Frédéric Barbier a rendu un rapport sur cette question : il serait utile de s’en inspirer. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. Sur les amendements de suppression n5 et identiques, je suis saisie par le groupe Les Républicains ainsi que par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Vous avez la parole, monsieur Breton, pour soutenir l’amendement n497. Mais vous avez déjà parlé sur l’article…

M. Xavier Breton. Très rapidement, madame la présidente, cet amendement vise à annuler la mise en place du paquet neutre, pour trois raisons : aucune étude d’impact ne montre son efficacité dans la lutte contre le tabagisme, il existe un vrai risque de favoriser un marché parallèle déjà évalué à plus de 26 % du tabac consommé dans notre pays, et enfin cette sur-transposition d’une directive européenne viendra fragiliser la situation déjà difficile des buralistes, commerces de proximité si importants pour la vie sociale de nos quartiers et de nos villages.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n505.

M. Bernard Accoyer. Juste une question pour Mme la ministre, puisque tous les arguments ont déjà été développés. Il existe au sein de la majorité un groupe, le groupe écologiste, qui est favorable la légalisation du cannabis.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Bernard Accoyer. La vente de cannabis dans les bureaux de tabac se fera-t-elle, comme je le suppose, sous paquet neutre ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça valait le coup.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour soutenir l’amendement n778.

M. Frédéric Barbier. C’est un amendement de suppression du paquet neutre tel qu’il est présenté en l’état. Avec 78 000 décès par an liés au tabac, la France doit prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre le tabagisme. Comme vous, madame la ministre, je pense que le paquet neutre peut être une mesure utile. Cependant, nous divergeons quant à sa mise en œuvre.

Pour réduire la consommation de tabac, la solution doit être européenne, pas franco-française. Les ventes de tabac dans le réseau légal que constituent les buralistes ont en effet baissé de 20 % au cours des quatre dernières années, passant de 55 à 45 milliards de cigarettes vendues. Pourtant, sur la même période, la consommation de tabac a, elle, progressé d’environ 7 %. Quel paradoxe ! Alors que les ventes baissent dans le réseau légal, la consommation augmente.

Ainsi, le marché parallèle, avec des cigarettes à bas prix, remplace progressivement la vente légale du tabac, faisant perdre environ 3 milliards d’euros aux finances de l’État et 250 millions aux buralistes. Pendant ce temps, 6 000 buralistes ont fermé leur établissement depuis dix ans, dont plus d’un millier l’an passé.

La directive européenne du 3 avril 2014 propose que les messages sanitaires occupent 65 % de la surface du paquet, contre 40 % actuellement. L’adoption de ce « paquet directive » serait un premier pas, qui pourrait permettre ensuite à la Commission européenne d’évaluer par une étude d’impact les effets du paquet neutre avant de l’instaurer, nous laissant le temps à nous, Français, d’étudier également l’impact sur les commerces de proximité que sont nos bureaux de tabac.

Le rapport sur l’avenir des buralistes que j’ai remis comporte bon nombre de propositions pour faire diminuer le tabagisme en France tout en assurant la nécessaire diversification de nos buralistes vers plus de commerce de proximité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je soutiens l’amendement de Frédéric Barbier avec un argument qui n’a pas encore été évoqué.

Il y a quinze jours, j’ai déposé en loi de finances rectificative un amendement tendant à augmenter la fiscalité sur le tabac, et plus particulièrement sur les tabacs à bas prix afin de cibler ceux qui, comme l’a souligné Mme la ministre, touchent les plus jeunes, ceux qui commencent à fumer.

Il y a un consensus pour dire qu’il faut choisir entre le paquet neutre et l’augmentation de la fiscalité. Or, vous avez cité l’exemple d’un certain nombre de pays ici ou là, mais s’il n’y a pas dans le cadre européen de mesure commune, la France sera demain le seul pays n’étant pas une île à instaurer le paquet neutre. Le seul ! Le Canada ne l’a pas encore fait.

La semaine prochaine, nous examinerons le projet de loi de finances rectificative. Je souhaite donc que nous adoptions un amendement tendant à augmenter la fiscalité du tabac qui cible les paquets peu chers, dont les principales victimes sont les jeunes. Et cet amendement ne sera pas adopté, vous le savez tous ici, si le paquet neutre est voté.

Il n’y a pas les bons d’un côté et les mauvais de l’autre, il y a des manières différentes d’attaquer les choses. Je soutiens donc l’amendement de M. Barbier.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je vais dans le même sens. Frédéric Barbier a réalisé un rapport extrêmement sérieux sur ce sujet, pas obligatoirement en phase avec le Gouvernement, et je tiens à rendre hommage à son travail et à celui de ses collègues du groupe socialiste.

Nous sommes à un moment politique tout à fait particulier. La question qui se pose est très simple : voulons-nous, de façon assez binaire, soutenir le Gouvernement sur un sujet qui est devenu une icône de sa politique, ou être capables de dépasser ces clivages et nous demander si c’est une véritable question de santé publique ?

Un certain nombre de mes collègues socialistes ont eu le courage de ne pas suivre strictement le Gouvernement, et M. le président Le Roux n’a pas été très convaincant tout à l’heure. Je les appelle à être, en toute conscience, cohérents avec les amendements courageux qu’ils ont signés. Je les félicite d’avoir été capables de s’opposer au Gouvernement sur ce sujet. J’ai le plus grand respect pour votre majorité, mes chers collègues, mais cette question n’est pas un marqueur de votre majorité. En cette période de concorde nationale, je pense qu’il serait normal que vous soyez en cohérence avec les amendements que vous avez signés.

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Je trouve touchant que, dans un moment où l’on se plaint souvent d’un repli un peu trop nationaliste, tout le monde en appelle à l’Europe pour une harmonisation de la lutte contre le tabagisme.

M. François Rochebloine. Ce n’est pas nouveau !

M. Bruno Le Roux. Comme si nous ne pouvions pas prendre nos propres responsabilités sur cette question ! Nous avons pourtant établi un cadre, je l’ai évoqué tout à l’heure, pour lutter contre le trafic et la contrebande.

J’ai personnellement demandé à Frédéric Barbier d’animer un groupe de travail, qui était ouvert, sur la situation des buralistes. Il a abouti à de multiples propositions, qu’il faut prendre dans leur cohérence. Il n’a jamais été proposé d’abandonner le paquet neutre dans ce rapport. Des questions étaient posées, mais il y avait des éléments globaux permettant de conforter le rôle des buralistes sur le territoire, d’élargir leurs missions. Il n’a jamais été proposé d’annuler le paquet neutre, tant celui-ci est partie intégrante de la politique de santé publique menée par le Gouvernement, que nous devons mettre en œuvre.

C’est pour cela que, de façon résolue, nous voterons contre les amendements de suppression du paquet neutre.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5, 23, 89, 257, 275, 497, 505 et 778.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants114
Nombre de suffrages exprimés110
Majorité absolue56
Pour l’adoption54
contre56

(Les amendements identiques nos 5, 23, 89, 257, 275, 497, 505 et 778 ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. Nous poursuivons avec des amendements en discussion commune.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 1, 58 et 486.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n1.

M. Jean-Louis Dumont. C’est un amendement de repli, qui permet d’insérer le texte initialement voulu par les instances européennes.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n58.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour soutenir l’amendement n486.

M. Bernard Accoyer. Défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. J’aimerais d’abord savoir, madame la ministre, comment vous réussirez à faire respecter l’interdiction de fumer dans les voitures et l’interdiction de fumer dans les aires de jeux.

Par ailleurs, vous avez préféré le paquet neutre à une augmentation du prix du tabac. Nous en avions débattu en première lecture avec Mme Delaunay, et c’est le choix que vous avez fait. Nous vous avions posé la question de l’harmonisation européenne et vous nous aviez répondu que vous y travailliez. Mais à aucun moment ce soir je ne vous ai entendue nous dire précisément les mesures que vous avez prises, les rencontres que vous avez faites pour ce faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Nous vous avons entendu, vous, monsieur le rapporteur, mais nous n’avons pas entendu Mme la ministre nous dire ce qu’elle avait mis à son agenda pour travailler à l’harmonisation européenne.

(Les amendements identiques nos 1, 58 et 486 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour soutenir l’amendement n4.

M. Thierry Lazaro. Il est retiré.

(L’amendement n4 est retiré.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 179 et 751.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n179.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n751.

M. Arnaud Richard. Face à un constat dramatique, nous ne pouvons que constater l’insuffisance des politiques publiques menées jusqu’à présent. Compte tenu de ces interrogations et conscients des enjeux en termes de santé publique, nous proposons de substituer au paquet neutre des paquets de cigarettes comportant des avertissements généraux et des avertissements sanitaires combinés qui recouvrent 65 % de la surface extérieure avant et arrière de l’unité de conditionnement.

C’est un bon amendement, que je conseille à tous mes collègues d’adopter.

(Les amendements identiques nos 179 et 751, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 31, 62, 180 et 346.

La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n31.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Robert Olive, pour soutenir l’amendement n62.

M. Robert Olive. Cet amendement vise à extraire le papier à rouler les cigarettes du dispositif de lutte contre le tabagisme. Je l’avais déjà déposé en première lecture et, à ce jour, aucune réponse ne m’a été apportée.

J’ai la conviction que l’industrie du tabac et l’industrie papetière sont deux domaines bien distincts et que l’amalgame concernant leur responsabilité conjointe dans le tabagisme n’est tout simplement pas admissible.

Nous avons sur le sol français, dans le département des Pyrénées-Orientales, le leader mondial du papier à rouler, qui emploie par ailleurs 200 personnes dans un département particulièrement touché par le chômage. Ce département frontalier avec l’Espagne ainsi qu’avec l’Andorre souffre cruellement de la concurrence en matière de prix. L’entreprise, qui exporte dans plus de 100 pays au monde un papier de qualité, reconnu pour sa finesse, ne pourra qu’être impactée par cette mesure, au profit bien sûr des concurrents étrangers.

On peut d’ailleurs noter que ni la législation australienne en vigueur ni les législations en cours d’adoption en Irlande et en Angleterre, qui imposent le paquet neutre, ne s’attachent au papier à rouler. Ce n’est d’ailleurs pas le cas non plus de la directive européenne sur laquelle se fonde la mise en place du paquet neutre en France, tout simplement car le papier à rouler n’est qu’un produit connexe.

Pour l’ensemble de ces raisons, il est opportun d’exclure le papier à rouler du dispositif adopté en commission des affaires sociales.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n180.

M. Dominique Tian. Patrick Hetzel a également soulevé ce problème industriel qui serait un effet collatéral extrêmement brutal de la taxation du papier à cigarette et du papier à rouler. L’outil industriel qui fabrique ce papier à rouler est ainsi mis en péril sans intérêt particulier. Le papier, lui, continuera à être vendu, et peut-être à servir à rouler des joints, mais il sera de plus mauvaise qualité, fabriqué en contrebande et importé frauduleusement sur notre territoire. Je vous propose donc de supprimer à l’alinéa 2 les mots « , le papier à cigarette et le papier à rouler les cigarettes », comme Patrick Hetzel aurait aimé le faire à ma place.

Mme la présidente. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n346.

M. Julien Aubert. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Comme cela a été rappelé, c’est effectivement Patrick Hetzel, en commission, qui a posé la question du papier. Je me suis également interrogé et j’ai cherché des réponses. Le risque, c’est que les cigarettiers ne se retournent vers le papier pour en faire un objet marketing comme l’est actuellement l’emballage extérieur des paquets de cigarettes.

Aujourd’hui, à de rares exceptions près, le papier est blanc. Seuls des pays étrangers fabriquent du papier de couleur. Nous ne souhaitons pas que l’extension du marketing cigarettier touche demain le papier lui-même. C’est pourquoi il a été intégré dans cet article. Cela est permis par la directive européenne, au 3. de son article 24. Je pense que la France a eu raison de retenir cette option. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 31, 62, 180 et 346, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 3, 117, 266, 274, 798, 2, 46, 113 et 273, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 3, 117, 266, 274 et 798 sont identiques.

La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n3.

M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement vise à ce que l’article 5 decies ne s’applique qu’en 2020.

Mme Véronique Louwagie. C’est un très bon amendement !

M. Jean-Louis Dumont. C’est la recommandation n18 du rapport Barbier sur l’avenir des buralistes qui nous a conduits à vouloir ajourner la mise en œuvre du paquet neutre, laquelle doit s’appuyer sur des études d’impact. Cette évaluation serait très intéressante, ne serait-ce que pour pouvoir appliquer avec conviction, expertise et force une vraie politique de prévention contre le tabac.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n117.

M. Jean-Pierre Door. Il va dans le même sens, en espérant que l’étude d’impact pourra être faite d’ici à 2020.

Mme la présidente. La parole est à M. François Rochebloine, pour soutenir l’amendement n266.

M. François Rochebloine. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n274.

Mme Jeanine Dubié. Défendu également.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement n798.

M. Gilles Lurton. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 3, 117, 266, 274 et 798, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques nos 2, 46, 113 et 273. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n2.

M. Jean-Louis Dumont. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est, pour soutenir l’amendement n46, à M. Julien Aubert, que je ne vois pas…

M. Julien Aubert. Je suis là !

Mme la présidente. Pardon, monsieur Aubert, vous avez changé de place !

M. Julien Aubert. Je sais, je suis mobile ! (Sourires.)

Madame le ministre, Errare humanum est, perseverare diabolicum. Le paquet neutre est passé. En 2017, il y aura des échéances qui permettront peut-être de revenir sur cette mesure qui me semble très mauvaise pour les buralistes. En attendant, je ne puis que vous enjoindre de revoir le dispositif temporel, à défaut de revoir le dispositif graphique. J’espère que nous pourrons repousser l’application de la mesure, afin de permettre, plus sérieusement, aux buralistes de s’adapter à ce qui s’annonce comme un véritable choc économique pour ce réseau.

Mme la présidente. Sur l’article 5 decies, je suis saisie par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n113.

M. Jean-Pierre Door. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n273.

Mme Jeanine Dubié. Défendu également.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Sebaoun, rapporteur. Avis défavorable. L’application de la mesure doit se faire en 2016.

(Les amendements identiques nos 2, 46, 113 et 273, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5 decies.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants96
Nombre de suffrages exprimés93
Majorité absolue47
Pour l’adoption54
contre39

(L’article 5 decies est adopté.)

(Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée au vendredi 27 novembre 2015.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance à neuf heures trente :

Discussion de la proposition de loi proposant une nouvelle orientation de notre système de retraites ;

Discussion de la proposition de loi visant à accorder des trimestres complémentaires aux responsables associatifs lors du calcul de leur retraite ;

Discussion de la proposition de résolution tendant à amplifier la mobilisation collective en faveur de l’aide au développement ;

Discussion de la proposition de loi tendant à favoriser la baisse de la production de CO2 par le développement de l’effacement électrique diffus ;

Discussion de la proposition de loi organique tendant à faciliter la création d’autorités administratives indépendantes en Nouvelle-Calédonie.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 26 novembre 2015, à une heure dix.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly