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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 09 décembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. David Habib

1. Questions au Gouvernement

Sécurité au sein des établissements scolaires et universitaires

M. Frédéric Reiss

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

COP21

Mme Sabine Buis

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

COP21

M. Laurent Degallaix

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

COP21

Mme Michèle Bonneton

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Régime social des indépendants

M. Alain Chrétien

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Lutte contre le chômage de longue durée

M. Laurent Grandguillaume

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Plan d’urgence contre le chômage

M. Jean-Jacques Candelier

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Lutte contre les mosquées radicales

M. Yves Albarello

M. Manuel Valls, Premier ministre

Lutte contre le gaspillage alimentaire

M. Guillaume Garot

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Baisse des dotations de l’État aux collectivités locales

M. François de Mazières

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale

Taxe sur les transactions financières

M. Romain Colas

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Hausse des tarifs postaux pour la presse magazine

M. Jean-Claude Mathis

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

Refonte du site Admission post-bac

M. Pascal Demarthe

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Enseignement français à l’étranger

M. Thierry Mariani

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Fermeture et restructuration de services de chirurgie

Mme Dominique Orliac

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Suspension et reprise de la séance

2. Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public

Présentation

M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification

Discussion générale

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Lionel Tardy

M. Michel Piron

Mme Isabelle Attard

M. Jacques Krabal

Vote sur l’ensemble

3. Dématérialisation du Journal officiel de la République française

Présentation commune

M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification

Discussion générale

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Lionel Tardy

M. Jacques Krabal

Mme Marie-George Buffet

Vote sur l’ensemble (proposition de loi)

Vote sur l’ensemble (proposition de loi organique)

Suspension et reprise de la séance

4. Expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée

Présentation

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Dominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques

Discussion générale

Mme Michèle Bonneton

Mme Dominique Orliac

Mme Jacqueline Fraysse

M. Christophe Sirugue

Mme Isabelle Le Callennec

M. Francis Vercamer

M. Jean-René Marsac

M. Dominique Tian

M. Jean Grellier

Mme Sylvie Tolmont

M. Philippe Kemel

Mme Myriam El Khomri, ministre

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur

Discussion des articles

Article 1er

M. Gilles Lurton

Mme Kheira Bouziane-Laroussi

Mme Marie-Anne Chapdelaine

M. Christian Paul

Mme Marie-Noëlle Battistel

Mme Isabelle Le Callennec

Amendements nos 3 , 33 , 28, 26, 27 , 64 , 49 , 48 , 38 , 22 , 39 , 1

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. David Habib

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Sécurité au sein des établissements scolaires et universitaires

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe Les Républicains.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le Premier ministre, en ce 9 décembre, toutes les écoles de France célèbrent la journée de la laïcité.

M. Jean Glavany. En Alsace, vous ne savez pas ce que c’est !

M. Frédéric Reiss. Celle-ci prend un relief particulier après la double série des attentats de début janvier et du 13 novembre derniers, des actes odieux de barbarie que nous avons unanimement condamnés.

Ma question porte non pas sur la laïcité mais sur la sécurité de nos établissements scolaires et universitaires. Un journal du soir a publié le 5 décembre un article dont le titre fait froid dans le dos : « L’État islamique appelle à tuer des enseignants ». Dans un magazine de propagande, l’organisation État islamique profère, sur un ton haineux, des menaces de mort en qualifiant l’école française de lieu de la « mécréance » et de la « perversion ». Une fois de plus, nos valeurs républicaines – la liberté, la démocratie, la tolérance, l’humanisme, la laïcité ou encore la solidarité dans le respect des différences – sont attaquées.

Face à l’imprévisibilité des islamistes radicalisés, on peut comprendre l’inquiétude des communautés éducatives, y compris au sein des universités, qui se sentent souvent bien seules pour assurer la sécurité des campus. Dès le 14 janvier dernier, le ministère de l’éducation nationale a donné des consignes aux établissements pour le filtrage des élèves et des étudiants ainsi que le contrôle des sacs. Au Parlement, nous avons voté l’état d’urgence, mais les moyens dont disposent nos directeurs d’école, nos chefs d’établissement et nos présidents d’université semblent bien dérisoires.

Les consignes de sécurité, applicables de la maternelle à l’université, sont-elles bien respectées ? Des exercices d’évacuation ou de confinement sont-ils réalisés ? Quels moyens l’État est-il prêt à dégager pour la sécurité de nos écoles, de nos collèges, de nos lycées et de nos universités ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député Frédéric Reiss, la question de la sécurité des établissements scolaires s’impose, naturellement, et nous nous la posons tous, d’autant plus que l’École – avec un grand e –, a récemment fait l’objet de menaces terroristes claires qui ont pu susciter un certain nombre d’interrogations, notamment au sein de la communauté éducative. Il est donc important que je vous réponde.

Dans la mesure où la menace terroriste est réelle et permanente, tous les lieux publics méritent protection, et l’école tout particulièrement. Bernard Cazeneuve et moi-même y avons veillé. Nous avons notamment pris, dès la semaine des attentats, une série de mesures : des circulaires ont été envoyées aux principaux acteurs concernés pour faire en sorte qu’une attention particulière soit portée aux abords des établissements. Sont désormais évités tous les attroupements préjudiciables à la sécurité des élèves. Nous avons même veillé à ce que, dans les lycées, des zones spécifiques soient aménagées au sein des établissements, dans les espaces en plein air, pour éviter que les élèves ne sortent de l’enceinte de leur établissement.

Les schémas de surveillance de voie publique des écoles et des établissements sont désormais systématisés ; les communes et les polices municipales y sont associées. Les patrouilles de ces dernières sont renforcées en tenant compte des horaires spécifiques et des moments de rassemblements importants des élèves.

Il a été demandé que la gestion des entrées et sorties soit mieux assurée. Les familles sont ainsi priées de ne pas stationner devant les portes d’accès aux écoles primaires lors de la dépose ou de la récupération de leurs enfants.

En outre, il est demandé à chaque école, à chaque établissement de vérifier l’efficacité et la connaissance par l’ensemble des personnels du plan de mise en sûreté. Cela consiste notamment à s’assurer qu’un plan des lieux existe et qu’il a été transmis à la préfecture, afin que, dans le cas où un malheur arriverait, on puisse déterminer où les enfants se trouvent et comment on peut les mettre en sécurité.

Enfin, avant les vacances de Noël, chaque établissement scolaire doit faire faire à ses élèves deux exercices de sécurité de confinement ou d’évacuation. Nous augmenterons les personnels formés aux premiers secours pour parer à ce type d’éventualité malheureuse.

Nous avons donc pris des mesures que nous ne cesserons de renforcer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

COP21

M. le président. La parole est à Mme Sabine Buis, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sabine Buis. Monsieur le Premier ministre, la France est le pays hôte de la COP21 depuis le 30 novembre. Le 11 décembre, un accord de Paris, universel, contraignant et différencié doit être conclu.

Nous devons donc remplir collectivement notre mission et dessiner une trajectoire crédible permettant de contenir le réchauffement global en dessous de 2°. Pour y parvenir, nous devons nous fixer un horizon de long terme, prévoir une évaluation régulière et mettre en place un mécanisme de révision à la hausse de nos engagements.

Remplir collectivement notre mission, c’est aussi répondre au défi climatique de façon solidaire. Les pays développés doivent assumer leur responsabilité historique, les pays émergents accélérer leur transition énergétique, et les adaptations aux impacts climatiques des pays en développement doivent être quant à elles accompagnées. D’où la nécessité de dégager des financements. L’objectif de 100 milliards de dollars du Fonds vert pour le climat doit non seulement être atteint mais dépassé, et comporter des garanties quant à l’origine et à la disponibilité des ressources.

Remplir collectivement notre mission, c’est mettre nos sociétés en mouvement. En quelques années, les esprits ont profondément évolué. Les entreprises et les acteurs financiers, hier réticents, sont prêts désormais à s’engager et à modifier leurs comportements. Encore faut-il leur envoyer les signaux indispensables ! C’est tout l’enjeu de l’introduction progressive, proposée et votée la semaine dernière par les députés du groupe SRC, du prix du carbone dans la définition du coût des émissions de gaz à effet de serre, afin qu’il corresponde aux dommages infligés à la planète.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer que c’est à Paris, au mois de décembre 2015, que s’inscriront les « droits de l’humanité », pour reprendre une formule du Président de la République ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la députée, nous sommes effectivement dans la dernière ligne droite de la COP21. Le temps des décisions est donc venu si nous voulons être à la hauteur du plus grand défi du XXIe siècle : la lutte contre le réchauffement du climat.

Cette semaine, les ministres, les chefs de délégation et les négociateurs réunis au Bourget doivent par conséquent faire preuve de courage et de volonté politique pour répondre aux questions qui restent en suspens et aux problèmes qui peuvent encore diviser les différents pays.

Le temps nous est compté. L’accord que nous devons obtenir doit être formellement adopté le dernier jour de la conférence, le vendredi 11 décembre, mais pour cela il faut qu’il soit prêt dès jeudi, pour que les Nations unies puissent vérifier sa validité juridique et que sa traduction soit ajustée. Nous n’avons donc plus une minute à perdre.

Samedi, les parties ont adopté la méthode de travail qui leur a été proposée par le président de la COP21, Laurent Fabius, c’est-à-dire la mise en place d’un comité de Paris, instance unique, ouverte à tous, qui se réunit quotidiennement afin de permettre à chacun de disposer d’une vue d’ensemble des discussions en cours. Une responsabilité de facilitateurs a été confiée à une vingtaine de ministres afin d’aider à avancer sur les questions essentielles : l’adaptation, le financement ou les questions liées au prix du carbone, point que vous avez mentionné.

Cette méthode commence à produire des résultats. Aujourd’hui même, un nouveau texte comportant un certain nombre d’avancées a été présenté aux parties en début d’après-midi. Des éléments doivent être encore négociés ; le président de la COP21 Laurent Fabius y a appelé.

Notre ambition demeure la même : garantir le succès de la conférence de Paris pour le climat. C’est ce à quoi le Président de la République et le ministre des affaires étrangères ont appelé l’ensemble des représentants qui se réunissent depuis maintenant dix jours à Paris.

Il est essentiel, impérieux, indispensable d’obtenir cet accord afin que le rendez-vous de Paris soit en effet également celui de l’humanité et de la planète. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

COP21

M. le président. La parole est à M. Laurent Degallaix, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Laurent Degallaix. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a indiqué que nous pourrions mesurer le résultat définitif de la COP21 à l’aune de la signature de l’accord définitif – dont il a précisé qu’il devait être contraignant, point de vue que nous partageons tous et toutes dans cet hémicycle.

Néanmoins, plus le temps passe, plus nous avons l’impression que les perspectives de cet accord s’éloignent. J’en veux pour preuve l’intervention de John Kerry qui, dans la lignée du protocole de Kyoto, a annoncé qu’un tel accord était tout à fait inacceptable et impossible à réaliser. Je constate à ce propos que ce sont toujours les pays qui polluent le plus qui se montrent les moins enthousiastes pour trouver des solutions permettant de préserver notre planète.

Par ailleurs, voilà quelques semaines, nous avons accueilli dans cet hémicycle le président du Parlement panafricain, qui est venu s’exprimer au nom des 54 chefs d’État qu’il représente. Nous l’avons écouté longuement mais l’avons-nous entendu ? Quid de la subvention de 5 milliards d’euros annuels promise par la communauté internationale pour être à la hauteur des enjeux du continent africain, notamment de ceux qui concernent l’électrification, sujet particulièrement sensible qui tient grandement à cœur à notre ami Jean-Louis Borloo et dont les dirigeants africains ont fait un préalable à toute signature définitive de l’accord de la COP21 ?

Vous le constatez, monsieur le Premier ministre, le temps presse, le monde nous regarde. Pouvez-vous nous apporter quelques éléments rassurants sur les négociations, voire sur ce que serait l’accord définitif ? Il ne faudrait pas que la fierté que nous avons eue à accueillir cette grande conférence internationale et que notre ambition partagée de réussite se traduisent par une semi-réussite ou, pire, un échec, qui serait catastrophique pour la mobilisation de nos concitoyens et leur sensibilisation aux questions environnementales.

Pire encore : cela mettrait un coup de frein terrible à nos ambitions et à notre combat ô combien nécessaire pour préserver la planète. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, vous soulignez à juste titre l’importance pour l’Afrique de la négociation en cours sur le climat.

L’accord de Paris sur le climat doit évidemment être conclu avec l’ensemble des parties, les pays avancés, les pays émergents – principaux responsables passés et à venir des émissions de gaz à effet de serre – mais aussi avec et pour les pays vulnérables, les plus pauvres, ceux qui ont le moins contribué au changement climatique mais qui, souvent, en subiront le plus durement les conséquences.

Les pays d’Afrique comptent évidemment parmi ces pays qui sont au cœur de nos préoccupations. L’Afrique ne fait pas que subir le changement climatique, elle se mobilise afin de trouver des solutions, comme elle l’a prouvé pendant toute la préparation de cette conférence. Des entrepreneurs, des ingénieurs, des chercheurs ont montré qu’ils pouvaient construire un modèle de croissance en Afrique sans carbone et sans pauvreté. Cette « Afrique des solutions » est en marche et les contributions nationales qui ont été publiées par l’immense majorité des Etats africains témoignent du sens des responsabilités de ce continent.

Elles sont aussi, vous l’avez dit, un appel à la solidarité. À juste titre, vous avez appelé l’attention sur l’initiative soutenue par Jean-Louis Borloo concernant l’électrification de l’Afrique. C’est aussi le sens du sommet « Défi climatique et solutions africaines » que le Président de la République et quinze chefs d’État africains ont organisé le 1er décembre, pendant le sommet de Paris, afin de promouvoir des initiatives concrètes, dont deux en particulier.

La première concerne les énergies renouvelables. L’objectif est l’installation de 10 gigawatts supplémentaires issus de ces dernières sur le continent africain d’ici 2020. La France y consacrera deux milliards d’euros. Cela va évidemment tout à fait dans le sens de l’initiative en faveur de l’électrification défendue par Jean-Louis Borloo.

La seconde vise à aider les populations des pays les plus vulnérables, notamment en Afrique, à faire face aux catastrophes climatiques, grâce aux prévisions météorologiques ou à celles des catastrophes naturelles comme les inondations. Il s’agit de sauver des vies ! Nous avons décidé d’y consacrer 100 millions.

M. Bernard Accoyer. Et que faites-vous de Fessenheim ?

COP21

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le ministre des affaires étrangères, la conférence sur le climat arrive à son terme. Nous espérons qu’un engagement fort en sortira, avec un accord de Paris universel, contraignant et différencié, qui puisse être réajusté régulièrement. Ceci, afin d’éviter un changement climatique incompatible avec la paix, incompatible avec la vie sur terre, telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Notre pays s’est impliqué fortement dans les négociations de ces dernières années et a entrepris d’aller dans le sens de la sobriété énergétique. Ainsi, depuis le Grenelle de l’environnement, et plus encore au cours des trois dernières années, le Parlement a voté des dispositions importantes en matière d’isolation des bâtiments, de déplacements, d’efficacité énergétique, d’économie circulaire, d’énergies renouvelables, ou encore de consommation.

À ce stade, nous souhaiterions, monsieur le ministre, que l’Union européenne revoie ses ambitions à la hausse, pour aller dans le sens des pays les plus menacés, en limitant à 1,5 degré le réchauffement moyen de la planète par rapport à l’ère préindustrielle. Pouvez-vous nous donner des assurances dans ce sens ? La COP21 est un atout formidable pour créer une dynamique collective positive et pour trouver des solutions au dérèglement climatique. Cependant, ces négociations terminées, il faudra obtenir l’approbation du texte par les pays signataires, ce qui n’est pas toujours simple. En France, notre Parlement devra être saisi du texte de l’accord à venir. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer dans quel délai le Parlement aura à se prononcer ?

De même, les objectifs que devrait fixer la COP21 pour réduire notre impact carbone vont devoir être traduits au niveau européen et national. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si le Parlement sera amené à examiner des lois dans ce sens ? Quand et comment ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Madame la députée, il importe en effet que nous aboutissions cette semaine à un accord différencié, universel et contraignant. Il est impératif que nous réussissions au cours de ces derniers jours, car nous ne pouvons pas conclure cette conférence avec de simples contributions, même si elles ont leur importance. Près de 190 pays ont transmis, de façon volontaire, des contributions pour la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. Mais nous devons maintenant nous doter d’un mécanisme vérifiable, dont il faut préciser les outils et les délais, afin de nous assurer que nous enrayons effectivement la hausse des températures et l’utilisation des énergies fossiles.

Le nouveau texte présentera des avancées sur un certain nombre de sujets – vous en avez évoqué plusieurs : la différenciation, c’est-à-dire la prise en compte des différences entre les pays, en fonction de leur niveau de développement ; les moyens de mise en œuvre ; le niveau d’ambition – nous voulons limiter à 2 degrés, voire à 1,5 degré, l’augmentation de la température au cours du siècle ; les actions à mener avant 2020 – l’accord n’entrera formellement en vigueur qu’en 2020 ; mais aussi des questions touchant à l’adaptation, au financement, aux pertes et dommages, ou encore aux forêts. Cette méthode de travail doit permettre d’aboutir, d’ici jeudi, à un accord, qui sera entériné vendredi.

Vous avez soulevé une deuxième question : il faudra évidemment que, dans chaque pays, y compris en France, des législations soient adoptées. Le Parlement devra mettre en œuvre les différents points de l’accord, qui sont évidemment tout à fait compatibles et cohérents avec la loi de transition énergétique. Mais il faudra aussi accompagner le financement et l’aide aux pays les plus vulnérables : sur tous ces points, l’Assemblée nationale sera évidemment saisie. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Régime social des indépendants

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe Les Républicains.

M. Alain Chrétien. Monsieur le ministre de l’économie, vous avez estimé hier, au cours d’un séminaire d’artisans réuni à Paris, que le régime social des indépendants était une erreur. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Or, la semaine dernière était examinée, ici même, la proposition de loi de Bruno Le Maire et Julien Aubert, portant justement sur la réforme du RSI. Le Gouvernement l’a traitée avec mépris et agressivité. Cherchez l’erreur ! (Mêmes mouvements.)

M. Sylvain Berrios. C’est du joli !

M. Alain Chrétien. Vous avez systématiquement refusé toutes les réformes que nous avons proposées sur ce sujet. En septembre 2013, j’ai formulé, avec mes collègues Cadets-Bourbon, une demande de commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements du RSI : vous l’avez refusée !

Mme Laure de La Raudière. Exactement !

M. Alain Chrétien. En février 2015, Bruno Le Maire a demandé la création d’une mission d’information, cosignée par cent sept parlementaires : vous l’avez refusée ! (Mêmes exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Que demandons-nous ? La création d’un fonds d’indemnisation des artisans ayant subi un préjudice ; la création d’une procédure de conciliation avant toute mise en demeure ; la simplification du règlement des cotisations ; l’accord implicite de l’administration en cas d’absence de réponse du RSI ; la certification des comptes du RSI par la Cour des comptes. Et nous avons encore bien d’autres idées, que vous avez toutes refusées !

M. Jean Glavany. C’est vous qui l’avez créé, le RSI !

M. Alain Chrétien. Alors, monsieur le ministre – si vous avez le droit de nous répondre, car nous avons bien compris le message du Premier ministre – cherchez l’erreur et donnez-nous de vraies réponses ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, vous parlez d’erreur, mais l’erreur est sur vos bancs. L’erreur, elle est de votre côté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Je ne sais pas si vous êtes amnésique ou irresponsable, mais la situation dans laquelle se trouve – ou plutôt dans laquelle se trouvait – le RSI est due aux décisions que vous avez prises.

M. Marc-Philippe Daubresse et M. Daniel Fasquelle. Cela va faire quatre ans que vous êtes là !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et nous, nous apportons des réponses, depuis que nous sommes en responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) C’est pour faire face aux difficultés nées de vos décisions, que nous avons demandé à deux députés, Mme Sylviane Bulteau et M. Fabrice Verdier, de nous proposer un rapport, sur la base duquel Christian Eckert, Martine Pinville et moi-même avons annoncé des décisions.

M. Christian Jacob. Et M. Macron, il n’a pas le droit de parler ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Les décisions ont été prises et je veux vous dire, monsieur le député, que la priorité, aujourd’hui, est à la stabilité et à la simplification.

M. Christian Jacob. On ne le dirait pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous avons besoin de conforter les artisans et les indépendants, de leur donner confiance dans l’avenir, de favoriser et de faciliter leurs relations avec leur régime de protection sociale.

Dès le mois de juillet, des centaines de milliers de ces indépendants ont reçu des remboursements accélérés lorsqu’ils avaient trop cotisé ; des médiateurs ont été nommés pour traiter les cas les plus difficiles ; un suivi personnalisé des demandes des entrepreneurs a été engagé et, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui a été voté, leur protection sociale, en particulier leurs droits à la retraite, a été améliorée.

M. Sylvain Berrios. Ce n’est pas ce que M. Macron a dit hier !

Mme Marisol Touraine, ministre. La semaine prochaine, j’installerai un comité de suivi qui permettra de faire un premier bilan, et des mesures seront annoncées par le Gouvernement. Vous le voyez, monsieur le député : nous agissons. Vous, vous faites preuve d’irresponsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Nous, nous nous engageons auprès des indépendants. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Lutte contre le chômage de longue durée

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Laurent Grandguillaume. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, le chômage de longue durée connaît une progression ininterrompue depuis 2008. Il atteint près d’un demandeur d’emploi sur deux. Il existe parfois dans notre pays une forme de résignation qui se conjugue à une défiance envers les institutions, même si elles sont mobilisées. Résignation et défiance, ce sont deux maux moteurs de la réaction.

Face à ce constat, ils sont nombreux, les citoyens engagés dans les territoires, qui, par leur action, veulent réenchanter l’action politique, au sens de la vie de la cité. De nombreuses associations de terrain portent des projets innovants, tant socialement qu’économiquement, pour lutter contre le chômage de longue durée dans nos territoires. C’est le cas d’ATD Quart Monde, d’Emmaüs France, du Secours catholique, de la FNARS, de Bleu Blanc Zèbre et du Pacte civique, qui se sont mobilisés en soutenant la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée.

Nous avons travaillé avec ces associations durant de nombreux mois pour rédiger une proposition de loi qui sera débattue cet après-midi et qui a pour objet d’activer un financement innovant permettant, à travers le coût du chômage, de financer des emplois utiles dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire au sein d’une dizaine de territoires pendant cinq ans, et de prouver ainsi que nous pouvons lutter efficacement contre le chômage de longue durée.

Cette proposition de loi a été soutenue par le Premier ministre lors de la conférence sociale. Madame la ministre, comment le Gouvernement entend-il soutenir cette « utopie réaliste » de manière durable, si elle est adoptée par le Parlement ? En effet, le contrat de travail, c’est bien plus qu’un contrat de travail, c’est aussi le contrat social, c’est le lieu central de la dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, avant toute chose, je voudrais vous remercier de votre important travail en tant que rapporteur (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) et de la qualité de nos échanges. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Compte tenu de l’urgence de la situation que vous avez clairement exprimée, nous ne devons exclure aucune proposition innovante. Il s’agit bien d’explorer de nouvelles modalités d’accompagnement des chômeurs de longue durée qui, en effet, sont parfois dans une réelle désespérance, et de les ramener vers le chemin de l’emploi en se fondant sur des activités dans leurs territoires. Nous le savons, l’objectif est ambitieux et nous avons là un défi majeur.

Je crois profondément que dans le secteur de travail, de l’emploi, il faut impérativement explorer et développer l’expérimentation. C’est pour cette raison que nous soutenons de nombreuses initiatives locales, parce que c’est à partir des territoires, c’est à partir de l’investissement des élus comme de celui des entreprises et des bassins d’emplois que nous arriverons à combattre véritablement le chômage. Ces initiatives complémentaires viennent à côté du service public de l’emploi.

Il nous faut désormais tout mettre en œuvre pour que cette expérimentation que vous portez soit viable et fonctionne sur le terrain. L’État en prend toute sa part, notamment au travers d’un engagement financier fort, qui viendra compléter celui des collectivités locales ou des organismes publics ou privés autour des entreprises. Je souhaite que cet engagement explicite soit une condition qui s’impose à tous les territoires pour intégrer l’expérimentation. C’est essentiel, et c’est même la philosophie de cette action.

Monsieur le député, nous poserons ce soir les jalons de cette expérimentation. J’espère qu’elle sera largement soutenue par cette assemblée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plan d’urgence contre le chômage

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Monsieur le Premier ministre, au lendemain du premier tour des régionales, le président du MEDEF, Pierre Gattaz, a appelé le Gouvernement à mettre en place un plan d’urgence contre le chômage. Avec démagogie, le patron des patrons a appelé à « y aller, sur le social, sur le marché du travail, […] sur les chômeurs et sur la fiscalité. » Malgré les 41 milliards d’euros de baisse des cotisations sociales du pacte de responsabilité, malgré les mesures successives de casse des droits sociaux et du droit du travail, le patronat n’en a jamais assez.

Le MEDEF propose ainsi au Gouvernement d’accélérer le virage économique libéral pris en 2013, un virage qui nous a conduits à la sortie de route et à la situation catastrophique que nous connaissons sur le terrain de l’emploi. Notre pays compte désormais 3,6 millions de privés d’emploi et plus de 8 millions de pauvres, dont 3 millions d’enfants. Parmi les 4,5 millions de personnes de moins de 35 ans qui vivent chez leurs parents, près d’un tiers ont plus de 25 ans. Elles subissent la précarité du marché du travail, les bas salaires, les loyers excessifs.

Devant l’ampleur des difficultés, nous avons effectivement besoin d’un « état d’urgence social ». Non pas celui que réclame le MEDEF, avec ses vieilles recettes, mais un état d’urgence reposant sur les valeurs de la gauche. Il faut que la gauche mène enfin avec courage et détermination une politique conforme aux engagements pris auprès des Français. En effet, tant que nous ne mènerons pas une politique de gauche ambitieuse pour l’emploi et les salaires, le problème du Front national restera devant nous.

Ma question est donc simple, monsieur le Premier ministre : avez-vous l’intention de répondre de nouveau aux injonctions patronales ou allez-vous enfin conduire une politique en phase avec les attentes et les besoins du monde du travail ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, vous avez raison de parler d’urgence. Il y a en effet une urgence sociale. Nous venons d’évoquer le chômage de longue durée : voilà quelle est l’urgence. Et quand le chômage ne touche pas directement, il peut toucher les familles.

M. Christian Jacob. Il n’y a qu’en France que vous êtes dans l’urgence.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mais cette urgence, nous l’avons prise en compte dès 2012, par exemple à travers la mise en œuvre de la Garantie jeunes, ou à travers celle des contrats aidés, qui sont bien souvent décriés dans cette assemblée mais qui visaient à mettre justement dans l’emploi les publics qui en étaient les plus éloignés. Nous l’avons mise en œuvre également avec tous ces salariés qui auront une mutuelle dès le 1erjanvier prochain ou avec les plans de formation.

M. Jean-François Lamour. Arrêtez de lire vos fiches écrites !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je ne veux pas qu’on parle ici de cadeaux au patronat. S’agissant du pacte de responsabilité, je ne considère pas que l’économie soit un adversaire. Le pacte de solidarité a en effet permis de donner de l’oxygène et de la confiance aux entreprises.

M. Marc Dolez et M. Patrice Carvalho. Ben voyons !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Mais elles ont pris des engagements, et des branches professionnelles ont également pris des engagements en matière d’apprentissage et d’emploi. Il faut bien évidemment qu’elles tiennent l’ensemble de ces engagements.

Le plan d’urgence pour l’emploi, c’est encore ce que nous faisons lorsque nous mettons en œuvre la mesure pour les particuliers employeurs, qui permettra de créer des milliers d’emplois, ou lorsque nous élargissons le prêt à taux zéro, qui permettra de développer l’emploi notamment dans le secteur du bâtiment. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Ce plan, nous le mettons également en œuvre à travers les 150 000 formations prioritaires, parce que nous avons un chômage de personnes peu ou pas qualifiées et parce que c’est une mesure de gauche que de faire en sorte que toutes ces personnes qui n’ont pas eu droit, dans leur vie professionnelle, à un premier accès à une qualification puissent en recevoir une. Voilà ce qu’est aussi une politique de gauche. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Lutte contre les mosquées radicales

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Albarello. Monsieur le Premier ministre, tous les Français, sans exception, ont été traumatisés par les attentats perpétrés sur notre sol le 13 novembre dernier. Après ces attentats dramatiques, la riposte a été immédiate et couronnée de succès. Je tiens à saluer le courage et l’efficacité de nos forces de l’ordre et des services de secours. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, du groupe socialiste, républicain et citoyen, et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Bien sûr, mes chers amis, nous regrettons le temps perdu, mais aujourd’hui, la réponse ne peut plus attendre : il vous faut maintenant agir. J’ai moi-même signalé à votre ministre de l’intérieur, en juillet dernier, le cas d’un jeune Français dont le comportement a inquiété son entourage tant sa radicalisation était devenue évidente.

Le maillon faible, ce sont les mosquées salafistes radicalisées. À Lagny-sur-Marne, commune de ma circonscription, nous nous doutions que la mosquée pouvait abriter des imams radicaux. Lors de la perquisition du 2 décembre, un pistolet a été retrouvé, ainsi que des munitions de calibre 7,62 pour armes de guerre de type kalachnikov, des chants religieux à la gloire des martyrs du djihad, une école coranique clandestine et des vidéos de propagande de l’État islamique.

Ces mosquées radicalisées, implantées sur l’ensemble du territoire national, au nombre de quatre-vingt-neuf selon le ministère de l’intérieur, se distinguent des mosquées traditionnelles par leurs pratiques, en rendant certains jeunes plus vulnérables à la radicalisation. Cela constitue un véritable danger pour la sécurité des Français. Ces imams venus d’ailleurs infusent leurs thèses radicales, qui plaisent aux jeunes. Ces lieux de culte qu’ils noyautent représentent de véritables viviers, pour ne pas dire des « couveuses », pour les futurs combattants du djihad.

Monsieur le Premier ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour fermer définitivement ces mosquées radicalisées qui propagent un discours fondamentaliste ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, le ministre de l’intérieur aurait pu répondre à votre question, mais il se trouve cet après-midi à Londres où il participe à une rencontre avec d’autres ministres de l’intérieur, afin de joindre tous les efforts pour lutter contre le terrorisme, contre l’État islamique qui s’attaque non seulement à la France, mais aussi à d’autres cibles en Europe et dans le monde.

Un certain nombre d’éléments nous ont conduits à réaliser, le 2 décembre dernier, une perquisition à la mosquée de Lagny-sur-Marne, ainsi que dix perquisitions administratives individuelles visant des personnes participant directement à sa gestion ou à son organisation. Cette mosquée, qui était déjà dans le collimateur de nos services – une procédure de fermeture avait déjà été engagée mais devait encore être approuvée en conseil des ministres –, a été fermée en vertu de la loi du 3 avril 1955. Les opérations menées ont permis de découvrir une structure scolaire totalement dissimulée, parfaitement illégale. L’État était donc fondé à invoquer cette disposition de la loi relative à l’état d’urgence.

Au-delà de ce seul motif, il est clairement établi que cette mosquée était un élément structurant d’une filière de recrutement djihadiste où l’on trouve un certain nombre de personnes dont un prêcheur de la haine faisant l’apologie du djihad et de la mort en martyr. Cet homme a joué un rôle majeur dans l’endoctrinement de personnes qui se sont, par la suite, portées volontaires pour le djihad en Syrie, aussi bien pour le compte de l’État islamique que du Jabhat al-Nosra. Cette personne avait déjà fait l’objet d’un gel administratif de ses avoirs, en qualité de gestionnaire de la mosquée. De nombreux éléments démontrent que cette filière était pérennisée.

Qu’il s’agisse de la mosquée de Lagny-sur-Marne ou d’autres mosquées, nous allons poursuivre, dans le cadre de l’État de droit et de l’état d’urgence, ces perquisitions et cette traque de l’islamisme radical, du salafisme qui corrompt une partie de notre jeunesse. Nous devons agir et être intraitables.

Vous l’avez dit, monsieur Albarello : les perquisitions du 2 décembre à la mosquée de Lagny-sur-Marne ont permis de saisir des documents relatifs au djihad, un disque dur dissimulé, plusieurs ordinateurs, ainsi qu’une arme et des munitions qui justifient des poursuites judiciaires. C’est vrai à Lagny-sur-Marne, mais cela peut aussi être le cas dans d’autres mosquées, dans d’autres lieux de culte, même si nous savons que la radicalisation s’opère aussi sur internet ou en prison.

Pour conclure, monsieur le député, je veux rappeler que les musulmans de France sont les premières victimes de l’islamisme radical.

M. Claude Goasguen. C’est cela…

M. Manuel Valls, Premier ministre. Un certain nombre d’établissements, de mosquées, sont noyautés ou déstabilisés par des éléments qui cherchent à en prendre le contrôle. S’il n’est pas du ressort de l’État d’organiser la religion, il est de son devoir de veiller à éviter cette déstabilisation et d’agir efficacement, par la voie administrative ou judiciaire, chaque fois que c’est nécessaire.

Oui, notre adversaire, notre ennemi, c’est l’islamisme radical. Il doit savoir que l’État, fort du soutien de la représentation parlementaire, sera intransigeant et déterminé.

En même temps, je veux encore une fois envoyer un message de soutien à nos compatriotes musulmans. L’État se doit d’agir contre l’islamisme radical, mais il a aussi le devoir de protéger nos compatriotes et nos concitoyens musulmans…

M. Yannick Moreau. Il n’y a que des citoyens français !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour éviter les amalgames qu’on entend de l’autre côté de l’Atlantique, mais aussi dans notre pays. C’est cela, la République ! Je voulais le dire, en ce jour d’anniversaire de la loi de 1905. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Lutte contre le gaspillage alimentaire

M. le président. La parole est à M. Guillaume Garot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Guillaume Garot. Monsieur le Premier ministre, nous souhaitons tous ici que la conférence sur le climat aboutisse à un accord ambitieux et solide. Parmi les causes du réchauffement climatique, le gaspillage alimentaire est aujourd’hui, à l’échelle mondiale, l’équivalent du troisième émetteur de gaz à effet de serre, après la Chine et les États-Unis. La lutte contre le gaspillage alimentaire est donc décisive pour préserver la planète.

Avec 232 députés de tous les bancs, nous avons déposé une proposition de loi qui sera discutée ici ce soir pour doter la France de règles claires contre le gaspillage alimentaire. Ce texte prévoit de généraliser le don des invendus des grandes surfaces aux associations de solidarité. Il propose d’interdire la destruction, la « javellisation » des denrées alimentaires consommables qui pourraient être données. Il fait de l’éducation à l’alimentation – le ministre de l’agriculture y travaille d’ailleurs – un pivot pour mieux respecter la nourriture et donc moins la jeter.

Si cette proposition de loi est adoptée ce soir à l’Assemblée nationale, puis un peu plus tard au Sénat, elle fera de la France l’un des pays les plus avancés au monde dans la lutte contre le gaspillage, dans la droite ligne de la loi relative à la transition énergétique de Ségolène Royal.

Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous mobiliser aujourd’hui l’État, les collectivités locales, les entreprises, les associations et les citoyens dans ce combat majeur pour produire et consommer de façon responsable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Luc Laurent. Excellente question !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le député, cher Guillaume Garot, vous avez évoqué la lutte contre le gaspillage alimentaire. Ce sujet fait effectivement partie des grandes solutions à mettre en œuvre dans la lutte contre le réchauffement climatique. Une partie de la production des pays en voie de développement est perdue, parce qu’elle n’est pas stockée ni transformée. Dans nos pays développés, la perte se situe à l’étape de la consommation, qui fait l’objet d’un gaspillage.

Dès 2013, vous avez vous-même présenté un plan de lutte contre le gaspillage, qui est appliqué aujourd’hui : il a fait l’objet d’appels à projets afin d’engager un processus volontariste, dans tous les domaines. Le ministère de l’agriculture a ensuite élaboré un programme national pour l’alimentation, dont la lutte contre le gaspillage alimentaire est l’un des quatre axes prioritaires.

Vous avez aussi évoqué la défiscalisation, qui a été mise en œuvre pour permettre les dons aux associations. Nous avons ainsi négocié avec Christian Eckert une défiscalisation sur le lait, puis sur les œufs. Avec Ségolène Neuville, lors du lancement de la campagne des Restos du cœur, nous avons présenté la troisième étape de la défiscalisation, qui concernera les fruits et légumes ainsi que les pommes de terre, brutes ou transformées. Toutes ces actions vont dans le sens de la lutte contre le gaspillage.

L’Assemblée nationale sera amenée à débattre d’une proposition de loi que vous avez vous-même déposée et qui va plus loin : elle prévoit des conventions à passer avec la grande distribution pour faciliter les dons et éviter les procédés que vous avez cités, en particulier la « javellisation ». Je ne doute pas de la conclusion de ce débat.

Par la suite, il faudra étendre ces procédures aux hôpitaux, de manière globale. Il y a, là aussi, un grand travail à réaliser pour lutter contre le gaspillage.

Vous l’avez rappelé, monsieur le député : les mesures contre le gaspillage participent à la lutte contre le réchauffement climatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Baisse des dotations de l’État aux collectivités locales

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe Les Républicains.

M. François de Mazières. Monsieur le Premier ministre, la semaine prochaine devrait être remis au président de notre assemblée le rapport de la commission d’enquête sur les conséquences de la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales. Nous attendons bien évidemment que ce rapport soit rendu public et ne soit pas enterré. Les Français ont le droit de savoir au moins trois choses.

La première, c’est l’absence de visibilité dont ont souffert les élus. Le Gouvernement a agi trop rapidement, trop massivement. Cette mesure, dont l’effet cumulé sur quatre ans est de 28 milliards d’euros, rien que ça, a été prise sans étude d’impact. La complexité des mécanismes de distribution mis en place est très grande et rend le dispositif opaque, voire contraire à la bonne gestion. Comment pouvez-vous parler de bonne gestion quand l’un des paramètres que vous avez introduit est l’effort fiscal ? Plus le taux de vos impôts est élevé, plus vous avez droit à la redistribution de richesses prises sur des communes bien gérées.

Deuxième observation : dans cette incertitude que vous avez créée, il y a hélas une certitude, c’est l’effondrement de l’investissement. L’Association des maires de France chiffre à 25 % sur trois ans la baisse du montant des investissements du bloc communal, et c’est ce bloc communal qui assure 60 % des investissements publics. La conséquence, tout le monde la connaît : une augmentation du chômage.

Troisième observation : le principe de libre administration des collectivités locales est aujourd’hui atteint par l’effet ciseau entre des transferts de charges non intégralement compensés – la réforme des rythmes scolaires, le RSA – et cette baisse considérable des dotations de l’État.

Monsieur le Premier ministre, vous en appelez souvent à notre responsabilité, face à la crise. Nous en appelons à votre responsabilité de chef du Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé de la réforme territoriale. Monsieur le député, votre question relative à la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales est bien connue, nous en avons souvent débattu dans cet hémicycle et j’ai moi-même été auditionné par la mission parlementaire présidée par M. Sansu à laquelle vous faites référence.

L’effort est important, personne ne le conteste. L’État s’inflige à lui-même un effort plus important encore… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Sylvain Berrios. Absolument pas !

M. André Vallini, secrétaire d’État. …en matière d’économies de fonctionnement et de baisse des effectifs. L’effort demandé aux collectivités locales est aussi équitablement réparti (Mêmes mouvements) grâce à la péréquation, à savoir que l’on demande plus à ceux qui ont plus et moins à ceux qui sont en difficulté, en renforçant la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.

M. Bernard Accoyer. Vous pénalisez ceux gèrent bien !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Deuxièmement, vous venez d’indiquer que l’effort n’était ni visible ni prévisible par les élus locaux. Mais il s’agit de 11 milliards d’euros sur trois ans, soit 3,6 milliards par an. Tout est parfaitement planifié. (« N’importe quoi ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Troisièmement, s’agissant de l’investissement des collectivités locales, nous sommes très vigilants, très soucieux. Cet investissement représente en effet 70 % de l’investissement public en France. Nous avons renforcé la dotation d’équipement des territoires ruraux et nous créons un fonds spécial de 1 milliard d’euros destiné à l’investissement des communes, des départements et des régions.

Enfin, dernier élément, si les finances locales sont en crise, ce n’est pas seulement en raison de la baisse des dotations de l’État mais parce que cette crise est structurelle. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF. Des réticences, des résistances s’étant manifestées, la réforme est remise à l’année prochaine mais je compte sur vous, monsieur le député, sur le rapport de la mission Sansu, pour aider le Gouvernement à réformer la DGF et donc les finances locales dans le sens de plus d’efficacité et de plus de solidarité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Taxe sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Romain Colas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Romain Colas. Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, depuis l’entrée en vigueur de la taxe sur les transactions financières dès août 2012, la France fait partie, avec la Belgique, l’Italie et la Grèce, d’un groupe d’États européens pionniers ayant décidé d’imposer les flux financiers.

Sous l’impulsion du Président de la République et du Gouvernement, avec l’appui exigeant de la majorité, ainsi qu’en atteste le vote d’un amendement au projet de loi de finances qui élargit l’assiette de la taxe sur les transactions financières aux échanges intraday, la France démontre depuis le début du quinquennat qu’elle est aux avant-postes en matière de régulation financière.

Aussi souhaitons-nous aller plus loin et franchir une nouvelle étape, une étape décisive, par la mise en œuvre d’une telle taxe à l’échelle européenne.

Hier, à la suite du conseil ÉCOFIN qui a réuni les ministres des finances des États engagés dans cette démarche, vous avez déclaré qu’un accord important avait été conclu pour définir les bases, c’est-à-dire les produits financiers auxquels cette taxe sera appliquée.

Nous savons à quel point cet enjeu est majeur pour prévenir les excès de la spéculation et pour financer l’aide au développement, défi fondamental alors que se tient à quelques encablures de notre assemblée la COP21, laquelle ne pourra aboutir à un succès que sur la base d’actes concrets.

En effet, cette taxe doit permettre de faire contribuer substantiellement le monde de la finance au développement énergétique non carboné des pays du Sud. Plusieurs États africains viennent d’ailleurs de rappeler leur exigence légitime d’engagements fermes en matière de financement pour aboutir à un accord globalement contraignant.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous puissiez nous exposer les avancées obtenues lors des discussions et nous dire quelles sont les ambitions de la France, notamment en termes de calendrier, pour qu’enfin cette taxe européenne sur les transactions financières puisse voir le jour. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, vous m’interrogez sur la taxe sur les transactions financières que beaucoup d’entre nous souhaitons depuis longtemps.

M. Jean-Luc Laurent. En effet !

M. Michel Sapin, ministre. L’actuelle majorité a souhaité la voir mettre en œuvre dès son arrivée au pouvoir, en 2012. Une telle taxe n’est pas si simple à mettre en place, vous le savez bien. En effet, on ne met pas en place une taxe dans un seul pays si on veut qu’elle ait un effet sur la spéculation et qu’elle puisse rapporter suffisamment d’argent, en particulier dans le contexte de la COP21, pour venir en soutien aux pays en développement et les aider à lutter contre le réchauffement climatique.

D’autant qu’elle a de farouches opposants, y compris en Europe. Il suffisait hier d’entendre le ministre des finances d’un « pays entouré d’eau » pour comprendre que tout le monde n’est pas forcément partisan de la mise en œuvre de cette taxe !

Cependant, hier, nous avons, à dix pays – pas n’importe lesquels : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie par exemple, et ceux que vous avez cités – parcouru un chemin fondamental. Nous avons posé les bases de cette nouvelle taxe sur les transactions financières. Si on ne sait pas ce qu’on va taxer, on s’arrête ! Et donc hier, si nous n’étions pas parvenus à un accord, cela aurait été la fin du processus de mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières.

Bien au contraire, nous avons montré le chemin, en décidant quels étaient les produits concernés – et ils sont très larges : actions, obligations, dérivés… je n’entrerai pas dans des détails trop techniques. Bref, la plupart des transactions financières serviront de base à cette nouvelle taxe.

La France souhaite que les dix pays concernés se fixent un objectif d’au moins 10 à 15 milliards d’euros. Et elle souhaite que ces 10 à 15 milliards aillent vers les pays en voie de développement, pour lutter en particulier contre les effets du réchauffement climatique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe écologiste.)

Hausse des tarifs postaux pour la presse magazine

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe Les Républicains.

M. Jean-Claude Mathis. Monsieur le Premier ministre, nous vous avons interrogé hier sur l’amnistie fiscale accordée à Mediapart par une partie de votre majorité.

M. Bernard Accoyer. C’est un scandale !

M. Jean-Claude Mathis. Madame la ministre de la culture a répondu sur l’application du taux de TVA super-réduit à la presse en ligne, mais pas sur l’amnistie fiscale, autrement dit sur la légalisation d’une fraude. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Ils sont gênés !

M. Jean-Claude Mathis. Alors, monsieur le Premier ministre, quelle est votre position ? Merci de nous apporter une réponse claire. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé la semaine dernière une hausse, inédite par son ampleur, des tarifs postaux pour la presse magazine. Cette décision a été prise sans concertation préalable avec les professionnels, qui ont découvert avec stupeur l’énormité des augmentations : entre 30 % et 50 % dans les années à venir pour les magazines, hors titres d’information politique et générale, alors que la presse vient de subir cinq années de hausse continue, résultat des accords Schwartz.

Cette augmentation, qui a surpris tous les acteurs, est une véritable volte-face, qui aura des conséquences désastreuses. Pour les lecteurs, d’abord, qui vont payer plus cher leurs abonnements, voire ne plus les recevoir du tout. Pour La Poste, ensuite, qui va perdre un volume important de magazines à distribuer, au profit du portage. Pour les éditeurs également, déjà très fragilisés, qui risquent d’abandonner certains titres, devenus non rentables. Des conséquences désastreuses aussi pour toute la filière, qui risque, encore et encore, de supprimer des emplois d’imprimeurs, de brocheurs et de journalistes. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, tous ces magazines sont livrés par La Poste, sur l’ensemble de nos territoires ruraux, à de nombreux lecteurs. Confirmez-vous cette annonce qui menace un équilibre déjà très précaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, j’ai dit hier très clairement deux choses. La première est que le Gouvernement est favorable à la convergence des taux de TVA de la presse écrite et de la presse en ligne. (« Ce n’est pas la question ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) C’est la position que nous défendons constamment auprès de la Commission européenne. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons fait voter une loi instaurant ce nouveau taux de TVA super-réduit pour la presse en ligne. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Et la question ?

M. Bernard Accoyer. Et Mediapart ?

Mme Fleur Pellerin, ministre. Mais j’ai dit aussi hier que, dans l’intervalle, et avant que la Commission européenne ne se prononce sur ce taux, la loi doit s’appliquer. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement était opposé à cette amnistie fiscale que vous avez évoquée. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Répondez à la question !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez écouter la réponse de la ministre !

Mme Fleur Pellerin, ministre. Vous l’avez dit, le transport postal est un service public essentiel et, nous l’avons également dit clairement, l’objectif du Gouvernement est de recentrer l’aide au transport postal sur les titres qui concourent au débat citoyen, au savoir et à la connaissance. 2016 sera donc une année de transition, au cours de laquelle nous déterminerons quels sont les titres qui relèvent de la connaissance et du savoir, et ceux qui relèvent du divertissement.

Les hausses tarifaires pour l’année 2016, hors inflation, seront de 0 % pour les titres à faibles ressources publicitaires, de 1 % pour les autres titres d’information politique et générale – IPG – et de 3 % pour le reste de la presse.

En revanche, la réforme que j’évoquais à l’instant s’appliquera à compter de 2017 : les titres à faibles ressources publicitaires et les titres d’information politique et générale, qui sont au cœur de la politique de soutien à la presse, connaîtront des hausses tarifaires très modérées, de 0 % et de 1 %. La presse de la connaissance et du savoir bénéficiera d’une tarification plus favorable que celle du divertissement – 3 %, contre 5 % pour la seconde. J’ajoute que la compensation de l’État versée à La Poste sera stabilisée, afin de ne pas fragiliser économiquement l’opérateur postal. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Vous le voyez, monsieur le député, ces tarifs seront prévisibles dans la durée et supportables pour les éditeurs comme pour l’opérateur postal, mais nous assumons le fait que l’argent public aille, plus que jamais, prioritairement à la presse d’accès à la connaissance et au savoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Refonte du site Admission post-bac

M. le président. La parole est à M. Pascal Demarthe, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Demarthe. Madame la ministre de l’éducation nationale, hier, avec Thierry Mandon, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur, vous avez présenté le nouveau fonctionnement du site Admission post-bac, bien connu de nos jeunes qui veulent entamer un cursus d’études supérieures après le lycée. L’objectif de cette refonte est de réduire le nombre de celles et de ceux qui, à la rentrée, demeurent sans affectation. Parmi les mesures annoncées figurent notamment une meilleure information sur les taux de réussite en licence et les débouchés, ainsi que l’obligation de ne pas concentrer tous les choix sur des filières dites « en tension ».

Nous sommes nombreux, dans nos territoires, à constater les difficultés nées des blocages de l’ascenseur social. Souvent, le goût de l’effort et la motivation sont là : ce qui peut déstabiliser, freiner ou empêcher, ce sont souvent des erreurs d’aiguillage, une information insuffisante ou des défauts d’orientation. Nous avons donc raison d’accorder de l’attention à ce moment très particulier d’un parcours scolaire que peut être l’orientation post-bac.

Ce dispositif complète des choix ambitieux : la diversification sociale des filières sélectives pour augmenter la part des étudiants boursiers dans les établissements concernés, l’augmentation des bourses et l’extension du nombre de leurs bénéficiaires, et la lutte contre toutes les formes de décrochage – décrochage précoce, à propos duquel les résultats annoncés la semaine dernière sont une promesse, mais aussi lutte contre l’échec à l’université.

Madame la ministre, la gauche n’a pas renoncé à envisager l’école comme le creuset où la République puise la force de se réinventer. Pouvez-vous nous dire comment la refonte d’Admission post-bac permettra aux lycéens de mieux s’orienter et de mieux réussir, dans la vision portée par notre majorité au service de l’école et de la réussite de chacun ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le député, il nous était en effet devenu assez insupportable, à Thierry Mandon et à moi-même, de constater à chaque rentrée universitaire le nombre d’étudiants qui se retrouvaient sans solution satisfaisante correspondant réellement à leurs choix, ou qui étaient entraînés dans des filières qui ne correspondaient pas à ce qu’ils avaient imaginé et y échouaient quelques mois à peine plus tard.

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’adopter cet ensemble de mesures qui visent à faire mieux réussir l’entrée dans l’enseignement supérieur, sachant que, pour beaucoup de bacheliers, cela constitue comme une espèce de boîte noire assez confuse. Nous avons décidé d’abord de faire d’Admission post-bac – APB –, le logiciel sur lequel les élèves peuvent entrer leurs vœux au printemps de la classe de terminale, une boîte beaucoup plus claire, qui leur permette de comprendre quels sont, par exemple, les taux d’insertion des filières auxquelles ils prétendent, leurs chances de réussite en fonction de la nature du bac qu’ils ont passé – général, technique ou professionnel –, ou de connaître le niveau moyen de rémunération qui les attend, à la fin de leurs études, dans tel ou tel métier. Ce sont des informations importantes, qui leur permettront de faire des choix éclairés.

Deuxième chose : nous avons voulu mieux gérer les flux. En effet, de nombreux élèves se contentent de ne formuler que des vœux pour des filières à capacité limitée. Par définition donc, s’ils n’obtiennent pas la filière de leur choix, parce qu’il s’agit d’une filière sélective, comme les classes préparatoires, ou d’une filière à capacité limitée, comme les sciences et techniques des activités physiques et sportives – STAPS –, ils se retrouvent sans solution au mois de septembre et on leur propose alors de s’engager dans des voies qu’il n’avait jamais envisagées. Nous leur demanderons désormais d’inscrire dans leur liste de vœux au moins une filière sans tension, afin qu’ils puissent véritablement l’anticiper.

Enfin, nous les inciterons à formuler des vœux groupés : un élève qui veut faire du droit à Lyon devra désormais sélectionner l’académie de Lyon tout entière pour avoir davantage de possibilités de réponses et nous l’aiderons à la mobilité et à la résidence universitaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Enseignement français à l’étranger

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe Les Républicains.

M. Thierry Mariani. Monsieur le Premier ministre, chaque Français doit avoir un accès égal à l’éducation, qu’il soit Français de France ou de l’étranger. Ma question porte sur les moyens consacrés à l’éducation pour les Français de l’étranger.

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Encore des dépenses !

M. Thierry Mariani. Si les Français de France dépendent du budget du ministère de l’éducation nationale, les Français de l’étranger dépendent, eux, du budget du ministère des affaires étrangères. Or, tandis que le budget de l’éducation nationale pour les Français de France est en nette augmentation depuis 2013, celui consacré aux Français de l’étranger diminue. Notre éducation nationale est à deux vitesses.

M. Yves Censi. Au moins !

M. Thierry Mariani. Depuis 2013, les crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger – AEFE – sont en baisse de 7 %, et les bourses de 8 %, alors que le nombre d’élèves a augmenté de 9 %.

M. Bernard Accoyer. Scandaleux !

M. Thierry Mariani. Lors du débat sur le projet de loi de finances, on nous a expliqué que les nouveaux dispositifs n’auraient pas de répercussions sur les établissements. Pourtant, nous avons appris cette semaine que l’AEFE allait ponctionner 1 million d’euros sur les caisses de réserve du lycée de Moscou pour équilibrer ses comptes, et qu’il en serait de même à Ho-Chi-Minh. Concrètement, cela signifie que les frais de scolarité risquent d’augmenter, que les moyens éducatifs risquent d’être limités, que des postes risquent d’être supprimés.

L’éducation nationale est un devoir, mais je voudrais qu’il soit le même pour les Français de l’étranger et pour les Français de métropole. Les Français de l’étranger doivent être des Français à part entière et non des Français entièrement à part.

M. Frédéric Reiss et M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, vous le savez, le nouveau système de bourses de l’enseignement français à l’étranger est conçu pour assurer non seulement une plus grande équité entre les familles, mais aussi une meilleure maîtrise de l’augmentation de la dépense, afin de prévoir une hausse régulière et soutenable de la dépense effective.

La prévision de dépenses pour 2016 est de 109 millions d’euros. Elle sera en hausse de 7 millions par rapport à la dépense qui devrait être constatée en 2015. Avec une budgétisation de 115,5 millions d’euros, nous disposons de la marge de manœuvre suffisante pour couvrir l’intégralité de nos besoins. Il ne nous semble donc pas nécessaire de modifier le projet de loi de finances 2016 sur ce point.

Aucun jeune Français ne restera en dehors du système faute d’argent. Le nouveau système de bourses, contrairement à celui de la prise en charge, est financièrement responsable et il ne crée pas d’effet d’aubaine de la part des établissements sur les droits de scolarité, contrairement au système précédent, pour lequel vous aviez inventé une sorte de principe de vases communicants sans fond.

La réforme conduit à diminuer le nombre de boursiers à 100 %, mais cela se fait au profit de ceux qui sont situés dans les tranches de quotité intermédiaires. Aucun élément ne permet d’affirmer que le nouveau dispositif découragerait les familles de solliciter une bourse et les pousserait à quitter le réseau des écoles françaises. Le nombre d’enfants boursiers non scolarisés à la rentrée suivante est stable sur les dix dernières années, autour de 8 %. La baisse constatée du nombre de demandes de bourses concerne principalement la zone Europe, au niveau des classes maternelles.

Il convient de prendre en compte l’évolution de la sociologie des Français de l’étranger. De plus en plus de familles binationales s’inscrivent dans une perspective d’expatriation durable et recherchent une intégration éducative pour leurs enfants, dans le système d’enseignement local. L’éducation est notre priorité, pour les Français en France comme à l’étranger.

Fermeture et restructuration de services de chirurgie

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, c’est un honneur, en tant que députée radicale de gauche, de prendre la parole dans cet hémicycle ce 9 décembre 2015, jour de célébration des 110 ans de la promulgation de la loi de 1905 instaurant le principe de laïcité. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-Luc Laurent. Vive la laïcité !

Mme Dominique Orliac. Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes, la presse quotidienne régionale et la télévision font état de la fermeture ou de la restructuration de services de chirurgie de cinquante-huit établissements hospitaliers, dont neuf en région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées – Marvejols, les Hauts d’Avignon, Decazeville, Saint-Girons, Moissac, Lourdes par exemple – et plus particulièrement deux dans le département du Lot, où je suis élue : Figeac et Gourdon, alors qu’un scanner vient d’y être installé et qu’un service de chirurgie ambulatoire exclusive y est assuré. Non adossé à un service de chirurgie à temps plein, il a été inauguré le 11 décembre 2011, ce qui constituait, à l’époque, une véritable innovation.

Or, les explications données pour justifier cette décision seraient économiques, mais également stratégiques, étonnamment, au prétexte que le ministère de la santé voudrait développer la chirurgie ambulatoire. En 2010 déjà, une liste d’établissements menacés de fermeture avait été divulguée. À l’heure où la question de l’accès aux soins pour tous est au cœur des débats, notamment avec la loi de modernisation de notre système de santé, la fermeture de ces services de chirurgie, situés pour la plupart en zones rurales, entraînerait de réelles difficultés de prise en charge des patients et des inégalités d’accès aux soins.

Madame la ministre, entendez-vous réellement prendre des mesures de fermeture ou de restructuration pour ces cinquante-huit services de chirurgie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe écologiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Madame la députée, je vous remercie très sincèrement de votre question qui va me permettre de mettre fin à des rumeurs et à des ambiguïtés. Je vous le dis de la manière la plus nette qui soit : il n’y a aucune liste, aucune, d’établissements ou de services à restructurer. Vous me permettrez, d’ailleurs, de m’interroger sur les motivations de ceux qui ont lancé ces rumeurs, il y a quelques jours à peine, en s’appuyant sur une instruction de gestion du ministère de la santé datée du mois de septembre dernier et qui consistait à rappeler aux établissements qu’ils devaient s’engager en faveur de la chirurgie ambulatoire.

Il n’y a aucune volonté de la part du Gouvernement de procéder à des restructurations ou à la fermeture d’hôpitaux de proximité. Au contraire ! Vous avez évoqué le fait que le ministère ait accordé un scanner à l’un de vos hôpitaux : c’est bien la preuve que nous nous engageons. Depuis 2012, c’est 1,5 milliard d’euros par an que nous consacrons en plus à l’hôpital public. Dans la loi de modernisation de notre système de santé, des mesures ont été prises en faveur du service public hospitalier, et nombre d’elles vont en direction des hôpitaux de proximité.

Il y a quelques semaines, j’ai annoncé un plan en faveur de l’attractivité de ces établissements pour les praticiens hospitaliers. En effet, pour que les hôpitaux de proximité fonctionnent, il faut que des médecins aillent y exercer. J’ai donc créé ce plan qui permettra d’attirer, je l’espère, de jeunes médecins dans ces hôpitaux. De la même manière, j’ai engagé des mesures permettant de mieux garantir le financement de ces établissements, même lorsque leur activité est insuffisante.

Vous voyez, madame la députée, qu’il n’y a pas de raison de s’inquiéter. Le Gouvernement est auprès des hôpitaux de proximité dans tous nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

2

Gratuité et modalités de la réutilisation des informations du secteur public

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (no 3243).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification, chers collègues, nous en revenons au projet de transposition de la directive PSI – Public Sector Information – qui, il y a quelques semaines, avait été l’occasion pour nous d’aborder la politique d’open data menée avec ambition par le Gouvernement depuis plusieurs années. Et ce texte va la confirmer tout en étant une bonne introduction au projet de loi pour une République numérique qui occupe nombre d’entre nous depuis trois semaines d’auditions.

Le principe même du libre accès et de la libre réutilisation des données publiques est un outil essentiel, à la fois un outil de transparence et de démocratie en ce qu’il favorise la concertation et l’ouverture à de nouveaux points de vue. À bien des égards, il renforce la qualité de l’action publique et même du service public. Notre pays est classé à la troisième position dans bon nombre de classements internationaux indépendants. L’ambition de la France demeure particulièrement forte et la directive prévoit d’ailleurs beaucoup d’éléments que notre pays applique déjà depuis longtemps.

L’Assemblée et le Sénat ont cherché à faire œuvre utile, proposant des amendements pour améliorer le texte, dans un cadre qui relève uniquement de la transposition de la directive depuis la décision du Conseil constitutionnel du 13 août 2015 sur le volet pénal de la loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, dite « loi DDADUE ». Dans ces conditions, le travail en commission mixte paritaire s’est très bien déroulé avec les sénateurs ; nous avons pu aborder l’ensemble des points qui restaient en discussion, y compris la question des redevances dont nous avions débattu ici même. Dans un souci d’efficacité et de rapidité, nous avons souhaité aboutir sur ce point conformément à votre engagement, mais je sais que ce sera repris dans le projet de loi pour une République numérique.

Je vais procéder à un rapide examen des différents articles et de la manière dont nous les avons abordés en CMP.

À l’article 1erB, relatif à la mise à disposition des informations publiques sous forme électronique, si possible dans un standard ouvert, notre commission mixte paritaire a retenu la version du Sénat, avec une petite simplification rédactionnelle.

À l’article 1er, nous avons maintenu la version de l’Assemblée nationale qui abroge l’article 11 de la loi relative à la commission d’accès aux documents administratifs, dite « loi CADA ». Il s’agit de l’article qui autorisait les établissements d’enseignement et de recherche ainsi que les organismes culturels à instaurer un régime dérogatoire pour la réutilisation de leurs données publiques. Au regard des évolutions actuelles dans ce domaine, il fallait les faire entrer dans le droit commun prévu par la loi CADA. Je vais juste lever deux ambiguïtés apparues au cours de nos travaux : l’abrogation de l’article 11 de la loi CADA n’aura pas pour effet de rendre communicables ni réutilisables les informations ou documents de recherche inachevés, c’est-à-dire l’ensemble des travaux de recherche qui sont en cours d’élaboration et qui n’ont jamais fait l’objet de publication : c’était un point de vigilance particulier pour les sénateurs. Par ailleurs, les informations sur lesquelles les établissements ou institutions d’enseignement et de recherche détiennent un droit de propriété industrielle ne seront communicables qu’aux intéressés, en application du II de l’article 6 de la loi CADA, car si tel n’était pas le cas, cela porterait atteinte au secret en matière commerciale et industrielle. Par conséquent, ces informations ne seront pas non plus réutilisables au sens de l’article 10 de la même loi.

L’article 2 limite à dix ans la durée des accords d’exclusivité sauf pour les besoins de la numérisation culturelle. Nous avons retenu la version du Sénat, mais en reprenant une précision rédactionnelle adoptée à l’Assemblée pour viser également les avenants.

Concernant l’article 3, relatif à la gratuité de la réutilisation des données publiques, la CMP a retenu la version de l’Assemblée tout en intégrant quelques éléments de simplification et de précision proposés par le Sénat.

À l’article 4, nous en sommes restés à la version de l’Assemblée. Les sénateurs avaient envisagé de rendre obligatoires les licences, mais nous avons jugé que cela complexifiait à bien des égards le système et ne paraissait pas indispensable, ce dont ils sont convenus.

Les articles 5, 7, 8 et 9 ont été retenus dans la rédaction du Sénat.

Je conclurai en remerciant tous les collègues présents et Mme la secrétaire d’État pour le travail de qualité que nous avons accompli ensemble avec son cabinet afin que ce texte de loi sur l’open data soit la première étape de la République numérique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous arrivons aujourd’hui au terme du processus d’examen du texte concernant l’open data, qui consiste en la transposition d’une directive européenne du 26 juin 2013. Je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont contribué au travail sur ce projet de loi, à commencer par la commission des lois, y compris bien sûr Luc Belot, votre rapporteur, et Marie-Anne Chapdelaine, mais aussi Lionel Tardy, Paul Molac et tous les autres députés qui ont participé à l’examen de ce texte et aux débats très importants que nous avons eus depuis plusieurs semaines.

Je voulais aussi vous remercier d’être arrivés, grâce à une implication très forte du rapporteur, à un accord avec le Sénat en CMP. C’est très important car plusieurs questions restaient en suspens et il fallait que cette étape soit franchie pour pouvoir aborder, comme l’a dit Luc Belot, celle de l’examen du texte qui sera présenté début 2016 par Axelle Lemaire concernant la République numérique.

Cette étape sera franchie grâce à vos travaux.

Comme l’a indiqué votre rapporteur, le Gouvernement s’est fortement engagé sur les questions liées à l’open data. À chacune de mes interventions dans une assemblée parlementaire, le nombre de jeux de données ouvertes augmente : s’il s’élève aujourd’hui à 21 300, il aura encore progressé lorsque le Parlement sera conduit à réexaminer cette question en janvier 2016. En tout état de cause, c’est avec détermination que nous avons engagé cette action et soutenu le principe de gratuité, tout en formulant des exceptions dans ce texte. Une réflexion est également en cours pour continuer d’avancer.

Tous ici, nous partageons la conviction que la politique d’open data constitue une chance pour notre économie. C’est un levier de croissance et d’emploi : de nombreuses entreprises se développent grâce à ces ouvertures de données.

C’est aussi un élément capable de redynamiser notre démocratie. Le Parlement a là un rôle important à jouer : il doit mener une réflexion sur l’action législative dans ce nouveau contexte. L’examen du texte présenté par Axelle Lemaire le permettra.

C’est enfin – je ne l’oublie pas, ayant en charge la réforme de l’État – un levier important de modernisation de l’État et d’amélioration des services publics, afin de disposer de services publics de grande qualité. Nous avançons vers ce but.

Au nombre des points qui restaient en suspens entre les deux assemblées figurait d’abord le champ d’application des obligations de rediffusion au secteur de la culture et de la recherche. Le sujet, introduit par le Sénat, avait suscité des inquiétudes. Il semble que les échanges entre les deux assemblées, ainsi que nos discussions lors de l’examen du texte dans chacune des chambres, aient permis de convaincre les sénateurs. Je voulais à ce titre vous remercier du travail accompli.

Le deuxième point, qui concernait l’obligation de signer une licence pour toute réutilisation d’informations publiques, a également été réglé.

Comme l’a indiqué votre rapporteur, s’agissant des redevances, dont la directive européenne posait le principe, le Gouvernement a souhaité d’emblée aller plus loin en optant pour la gratuité, les redevances n’étant prévues que dans des cas limités, par des exceptions. Le débat avec le Sénat a permis de progresser sur ce point, en actant que nous irions plus loin que la directive et en posant la gratuité comme principe.

Le travail a commencé sur ce sujet, notamment en ce qui concerne l’évolution des modèles économiques des services qui fonctionnent encore avec des redevances. Je remercie chacun pour cet acquis du travail parlementaire ainsi que pour ses contributions au débat et ce travail entre les deux assemblées. Il est important de se retrouver, au bon moment, après un débat ouvert, qui a permis des avancées et des ouvertures pour l’avenir. Ces démarches permettront d’aborder, ensemble, l’examen du projet de loi pour une République numérique qu’Axelle Lemaire a présenté ce matin en Conseil des ministres. Vous aurez l’occasion, messieurs et mesdames les députés, de prolonger et d’amplifier ce travail. Aussi, je vous remercie de nouveau pour vos contributions. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets » : cette citation d’Alfred Sauvy, démographe français du XXsiècle, résume l’esprit de l’accès aux données, sujet qui nous réunit une fois encore cet après-midi.

Le texte que nous sommes sur le point d’adopter est un pas significatif en faveur de la transition numérique. Bien qu’appliquer le régime de l’open data aux informations du secteur public apparaisse comme nécessairement empreint d’innovation, cette volonté de transparence est en réalité soutenue depuis plus de 30 ans. En effet, la liberté d’accès aux documents administratifs a été affirmée par la loi du 17 juillet 1978. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous sommes face à un texte aussi consensuel : nous sommes tous animés par la même ambition de transparence, inhérente à toute aspiration républicaine et démocratique.

Le présent projet de loi a pour objet d’inscrire dans la loi les principes de l’open data, conformément à l’engagement du Gouvernement de respecter les principes essentiels d’ouverture des formats, de gratuité et de liberté de réutilisation des données publiques. Les enjeux de ce texte sont multiples, non seulement sociaux et économiques, mais également démocratiques.

Sur le plan économique, nous savons que la directive de 2013 a apporté du dynamisme et de la concurrence en matière de réutilisation de l’information du secteur public, tout en facilitant l’accès à ce secteur pour les petites et moyennes entreprises. Les réductions de frais de réutilisation de ces données pourraient faire croître le nombre de réutilisateurs et faire décoller un marché qui aurait un impact économique important pour la France et l’Union européenne.

Je mentionnerai également les retombées sociales dans le cadre du développement des nouveaux métiers de la donnée. Notons finalement que ce projet de loi contribue à l’amélioration du service public auquel nous sommes tous attachés.

En outre, la gratuité et l’augmentation des usages non commerciaux des informations du secteur public favorisent la transparence des gouvernements et constituent ainsi des enjeux démocratiques. Après le passage du texte devant le Sénat, le consensus trouvé en commission mixte paritaire me paraît correspondre à l’esprit général que l’Assemblée a voulu insuffler au projet de loi. Je salue à cet égard le travail remarquable de notre rapporteur, Luc Belot. La CMP a ainsi réintroduit dans l’article 2 l’exigence de transparence et de publicité des avenants, et non plus seulement des accords d’exclusivité, comme l’avait formulé le Sénat.

Quant à l’article 3 du projet de loi, il fixe un principe de gratuité de la réutilisation des informations publiques. Des exceptions sont naturellement prévues. De la même manière, à l’article 4, la CMP a finalement rétabli la version de l’Assemblée.

L’intérêt de ce texte n’est plus à démontrer, puisqu’il a été adopté à l’unanimité en commission, puis en séance publique. Les membres de la commission mixte paritaire sont également parvenus à un accord, nous amenant à nous prononcer sur un texte extrêmement proche de sa version initiale votée ici même le 6 octobre.

Je terminerai en citant Tim Berners-Lee, informaticien britannique, mondialement connu comme étant l’inventeur du world wide web au début des années 1990, ce système dont vous ignorez peut-être le nom, mais qui nous permet à tous, aujourd’hui, de naviguer sur la toile : « Si l’on partage des données sur le web, des données publiques, des données scientifiques, des données citoyennes, quelles qu’elles soient, d’autres que nous sauront en tirer des créations merveilleuses que nous n’aurions jamais imaginées. » C’est pourquoi le groupe socialiste, républicain et citoyen votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Luc Belot, rapporteur. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cinq mois de retard, nous nous apprêtons à transposer la directive du 26 juin 2013 qui, elle-même, révise la directive PSI. Dans moins d’un mois, nous étudierons le projet de loi pour une République numérique, qui contient une partie entière sur l’ouverture des données publiques. Nous ne cessons de déplorer cette drôle de gestion du calendrier parlementaire, qui rend très difficilement lisible la stratégie numérique de notre pays, et plus particulièrement, sa stratégie en matière d’open data.

Si le chantier a été ouvert avec ce texte, pour bien des amendements déposés, vous nous avez renvoyés au projet de loi numérique. C’est sans doute la raison pour laquelle, au moment d’adopter ce texte, nous avons l’impression, avant tout, d’une politique de petits pas : on avance un peu, mais on garde l’ambition pour le projet de loi numérique. Et la commission mixte paritaire doit surtout sa belle unanimité au fait que les sujets majeurs sont renvoyés à plus tard.

Ainsi en est-il de la question centrale des redevances et du principe qui doit être au cœur de la politique d’open data : la gratuité est la règle ; les redevances, l’exception.

Bien sûr, nous sommes tous ici d’accord pour dire que le libre accès renforcera l’efficacité de l’action publique, et dynamisera la croissance économique. Fondamentalement, pourtant, les députés du groupe Les Républicains ne croient pas qu’inscrire dans la loi le principe de gratuité, en l’assortissant dans le même temps d’exceptions notables, soit le gage d’une vraie politique volontariste en matière d’ouverture et de partage des données publiques. Il faut bien le dire : les sénateurs semblent voir les choses de façon plus restrictive que les députés, si l’on compare les textes issus des deux chambres.

Heureusement, la CMP a permis de conserver les avancées – relativement modestes par rapport à ce que l’on pouvait attendre de ce texte – que nous avions obtenues en première lecture. C’est ainsi que le projet de loi a conservé : la limitation à 15 ans de la période d’exclusivité pouvant être accordée pour la numérisation de ressources culturelles ; l’obligation d’utiliser une licence lorsque la réutilisation des données est soumise à redevance ; la transparence des redevances, tant sur leur montant que sur les modalités de calcul utilisées ; la révision régulière, tous les cinq ans, des catégories d’administration autorisées à établir des redevances, ainsi que des montants de ces redevances ; l’inscription par décret de la liste des informations ou catégories d’informations qui peuvent donner lieu à l’établissement d’une redevance.

Il faudra être extrêmement vigilant sur le contenu de ces décrets afin qu’ils ne viennent pas restreindre le principe adopté par le législateur et freiner le mouvement amorcé. Aussi je souhaite, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement s’engage à informer les parlementaires du contenu de ces décrets pendant leur phase de préparation.

Concernant les points négatifs, le groupe Les Républicains regrette que l’article 1er B ait été voté dans sa version issue du Sénat. Alors que le texte adopté par l’Assemblée nationale imposait à l’administration de mettre à disposition les informations sous forme électronique et faisait du standard ouvert la règle, la version sur laquelle nous voterons dispose que la mise à disposition sous forme électronique n’est pas obligatoire et que, lorsque le format numérique existe, les informations sont mises à disposition, « si possible, dans un standard ouvert ».

Enfin, la navette – très brève à cause de la procédure accélérée – n’a pas permis d’éclaircir la question de la transparence des accords d’exclusivité prévue à l’alinéa 6 de l’article 2, qui prévoit que « les accords d’exclusivité et leurs avenants sont transparents et rendus publics sous forme électronique ». Cette formulation, toujours assez floue, même si de bonnes raisons le justifient peut-être, est plus restrictive que ce qui avait été envisagé en première lecture.

Nos objections sont donc les mêmes depuis le début : ce projet de loi se borne à une simple transposition de la directive. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, mais en refusant d’aller au-delà, je crains que le mouvement de l’open data, qui avait besoin d’un coup de fouet pour finir le travail commencé en 2011, ne soit freiné. J’espère me tromper et que vous ne fermerez pas la porte aux propositions qui rouvriront le débat dans quelques semaines à peine, lors de l’examen du projet de loi pour une République numérique. Je vous préviens déjà que nous déposerons des amendements pour aller plus loin que cette directive.

En résumé, même s’il faut une révolution, et que nous n’avons aujourd’hui qu’une transposition, le groupe Les Républicains votera pour ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sujet que nous abordons aujourd’hui, l’ouverture des données publiques, est à la fois un enjeu de gouvernance et une opportunité économique. Enjeu de gouvernance, puisque cette ouverture peut contribuer à changer profondément le rapport entre citoyens et décideurs, en assurant une meilleure information des parties prenantes et en instaurant un équilibre des savoirs entre tous les acteurs ; opportunité économique, car, à l’ère du numérique, la réutilisation des données publiques peut être un levier de croissance et de création d’emplois. Cependant, notre législation en la matière est insuffisamment contraignante pour les détenteurs de données publiques ; elle repose essentiellement sur une logique de demande d’accès. Nous devons donc l’adapter afin de développer les potentialités de l’open data.

Sur la forme, ainsi que nous l’avons indiqué en première lecture, nous aurions préféré aborder le sujet du numérique dans de meilleures conditions, et non pas en trois étapes, avec, d’abord, ce projet de loi, puis le projet de loi « pour une République numérique », enfin le projet de loi « Macron 2 », consacré aux écosystèmes numériques.

En outre, reconnaissons-le, ce projet de loi n’est qu’un pan de la réforme, une transposition de la directive de 2013, dont l’essentiel des dispositions figure déjà dans la législation française.

L’exercice est donc relativement limité, puisque, même si le projet de loi va plus loin sur certains points, nous devons suivre la route tracée par la directive du 26 juin 2013, qui modifiait elle-même la directive du 17 novembre 2003, texte fondateur de la réutilisation des informations du secteur public, dite « directive PSI ».

Nous légiférons, de surcroît, dans l’urgence, sous la menace d’une procédure en manquement.

Néanmoins, sur le fond, nous approuvons l’objectif de ce texte, qui pose comme principe la gratuité de la réutilisation des informations.

En première lecture, le projet de loi avait été amélioré sur plusieurs points.

Un amendement, adopté à l’initiative de notre collègue Bertrand Pancher, prévoyait de rendre public le montant total des redevances perçues par chaque administration. Nous nous félicitons que cet apport ait été maintenu par la commission mixte paritaire.

En outre, la durée du droit d’exclusivité concernant la numérisation des ressources culturelles a été limitée. Elle pourra être supérieure à dix ans, mais sans dépasser 15 ans. Cette disposition constitue une avancée par rapport au projet de loi initial, qui prévoyait simplement que la période d’exclusivité pourrait, par dérogation, être supérieure à dix ans. Cela n’est pas négligeable.

En revanche, s’agissant des accords d’exclusivité, nous notons le recul opéré par la commission mixte paritaire. Les accords d’exclusivité accordés à un tiers pour la réutilisation d’informations publiques et les redevances versées aux administrations constituent des exceptions aux principes de gratuité et de mise à disposition publique. En conséquence, il conviendrait de donner aux citoyens un accès libre à toutes les informations relatives à ces exceptions. Pour ce faire, le groupe UDI avait fait adopter une disposition précisant les contours de la publication des accords d’exclusivité. Nous regrettons que cet apport ne figure plus dans le texte.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, en dépit de ces quelques réserves – ainsi que de la réserve que m’inspire, à titre personnel, l’expression « République numérique », car le numérique n’est jamais qu’un outil supplémentaire au service de ce qui, fort heureusement, lui préexistait largement, à savoir la République, qui n’est ni numérique ni a-numérique : elle est simplement et pleinement la res publica –, ces réserves faites, donc, le groupe UDI votera en faveur de ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi porte sur la gratuité et les modalités de la réutilisation des informations du secteur public ; il parle en particulier de l’open data, une question que nous suivons attentivement. Un amendement écologiste important a été adopté dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et le projet de loi sur le numérique viendra  en discussion dans l’hémicycle en janvier.

Nous avons regretté que le texte soit centré sur la question des redevances et qu’il ne parle que très peu de la libération des données, sujet renvoyé au projet de loi sur le numérique. Nous regrettons cette dissociation en deux projets de loi. Le travail parlementaire en a été complexifié et les débats sur les enjeux de l’open data auraient permis de sortir de l’aspect purement technique dans lequel nous enferme la simple transposition d’une directive européenne.

L’open data est un défi pour notre société, et plus encore pour nos administrations publiques. La France se situe au troisième rang mondial pour l’ouverture et la réutilisation de ses données publiques, selon une étude publiée par une association internationale spécialisée. La législation française satisfait déjà, sur la plupart des points, la directive de l’Union européenne du 26 juin 2013, qui encadre la réutilisation des informations, ainsi que la mise en place de redevances ou la conclusion d’accords d’exclusivité. Néanmoins, plutôt que d’engager l’abandon progressif des redevances, comme le permettait la directive, le Gouvernement a choisi de les entériner. En compensation, le projet affirme bien un principe de gratuité, mais il lui associe plusieurs exceptions. Il s’agit d’une barrière très lourde pour l’accès à ces informations d’intérêt général, alors que ces redevances ne représentent qu’une part très faible des recettes des services publics concernés – elle est de 3 % pour l’Institut national de la statistique et des études économiques et de 5 % pour l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’IGN.

Le projet de loi prévoit également des durées de redevances supérieures à dix ans dans plusieurs cas. Or le rapport Trojette de novembre 2013 sur les exceptions au principe de gratuité des données publiques montre que les redevances handicapent le bon fonctionnement des services publics producteurs de données. Nous regrettons que le Parlement n’ait pas creusé davantage la question des redevances, qui sont appelées à disparaître. Il est indispensable que les opérateurs publics changent de modèle économique.

Le travail de l’Assemblée, sous l’impulsion du rapporteur, dont nous saluons le travail et le volontarisme, a permis d’améliorer sensiblement le texte sur ces questions. Pour les administrations de l’État, l’obligation d’un décret par nouvelle redevance est réaffirmée dans la loi et s’assortira désormais d’un avis de la CADA. J’espère que ce décret précisera les coûts dont il faudra tenir compte, définira les cas dans lesquels l’administration et les collectivités territoriales pourront recourir à une telle redevance et en encadrera les modalités – d’autant qu’aucune disposition en ce sens n’apparaît clairement dans l’avant-projet de loi Lemaire.

L’ouverture, gratuite ou à un montant raisonnable, des données publiques entraîne systématiquement des externalités positives et des retombées économiques importantes, en particulier pour les start-up françaises innovantes. À l’inverse, des redevances abusives, qui peuvent atteindre plusieurs millions, empêchent la création d’emplois, alors même que les données concernées dorment dans des tiroirs – réels ou virtuels – et ne profitent à personne. Nous frôlons parfois le ridicule, économiquement parlant…

L’Assemblée a également adopté un amendement écologiste qui interdira l’établissement de redevance après un accord d’exclusivité. La production des données ayant déjà été financée, l’établissement d’une redevance ne doit pas être possible, notamment pour les données produites par un acteur privé : cela doit être fromage ou dessert.

M. Michel Piron. Oh ! Belle métaphore !

Mme Isabelle Attard. A aussi été adopté un amendement visant à définir un format ouvert et réutilisable, qui permettra de sécuriser cette définition.

Pour toutes les raisons exposées ici, nous soutiendrons, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte de loi, tout en espérant pouvoir effectuer un travail d’amélioration constructive lors de l’examen à venir du projet de loi sur le numérique.

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour l’examen du texte, issu de la commission mixte paritaire, relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public. C’est un texte compliqué techniquement et administrativement, mais, comme cela a été dit, il est aussi très important, puisqu’il s’agit de la première pierre de la « République numérique » annoncée ce matin en Conseil des ministres. Or nous sommes tous soucieux que notre pays soit à la pointe du développement de l’économie numérique.

La pierre angulaire de ce texte est la consécration du principe de la gratuité de l’accès aux données numériques publiques. Pour ce faire, le Gouvernement, afin de changer la législation française en la matière, nous présente un ensemble cohérent de trois textes sur l’open data ; les deux autres seront le projet de loi sur la République numérique et le projet de loi sur l’écosystème numérique. Ces trois textes permettront une réutilisation automatisée des données publiques, dès le recueil et la production des informations, afin d’assurer la fluidité de la circulation de l’information entre le collecteur, le producteur et l’utilisateur. Si nous avons déploré l’absence d’un projet global sur le numérique, nous comprenons toutefois les raisons de ce choix.

Afin de mettre la législation française en conformité avec nos obligations européennes, le texte qui nous est présenté aujourd’hui transpose la directive du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, nous évitant ainsi d’être condamnés à une amende ; se trouvent ainsi modifiées les dispositions de la directive du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public.

Le présent texte s’intéresse à toutes les données détenues et créées par l’administration. Il s’agit de tous les documents produits ou reçus par l’État, les collectivités territoriales, ainsi que les autres personnes de droit public ou de droit privé, dans le cadre de l’exercice de leur mission de service public administratif ; ne sont pas concernées les informations issues du service public industriel et commercial. L’objectif est de permettre la réutilisation de ces informations à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle elles ont été produites ou perçues. Il en va ainsi de la rediffusion de documents produits par l’administration ou de l’utilisation d’informations en vue d’élaborer d’autres produits pour le développement d’une activité économique.

Déjà, par la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, la France reconnaissait à toute personne le droit d’obtenir communication des documents détenus par une administration dans le cadre de sa mission de service public, quels que soient leur forme ou leur support. Dès son titre Ier, les principes de la liberté d’accès aux documents administratifs et de la réutilisation des informations publiques étaient posés. La directive du 26 juin 2003 avait par la suite doté la France d’un véritable droit à la réutilisation des informations publiques.

Le but du présent texte est de permettre la mise à disposition d’office des documents au public, c’est-à-dire en dehors de toute demande d’information adressée à l’administration. Cet accès facilité est une chance pour l’administration dans le cadre de sa recherche d’efficacité, d’effectivité et de rentabilité. Ouvrir à tous les données ne comportant pas d’informations à caractère personnel ou protégé avant même qu’une demande ne soit formulée épargnera en effet à l’administration la répétition d’opérations de communication individuelle et limitera ainsi les coûts pour le contribuable.

En tant que rapporteur pour avis de la commission du développement durable sur le programme n170, « Météorologie », j’émettrais cependant une objection – pour ne pas dire une critique.

Cette politique d’ouverture permettra de développer de la valeur, de la richesse et aussi du partage. À titre d’exemple, c’est en partie grâce à l’échange de données météorologiques que le système d’alertes précoces appelé « CREWS », dont j’ai assisté au lancement dans le cadre de la COP21, a vu le jour, à la suite d’une étroite collaboration entre la France, qui fut le moteur, l’Australie, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Japon et le Royaume-Uni. Il permettra d’informer, de prévenir et de préserver les territoires les plus menacés par la montée des océans consécutive au dérèglement climatique, donc de sauver des vies humaines.

Toutefois, la mise à disposition gratuite de données qui, pour certaines d’entre elles, étaient payantes, va provoquer une perte de revenus immédiate pour plusieurs opérateurs, comme Météo-France. Or, dans le même temps, l’afflux de demandes obligera ceux-ci à mettre en place des infrastructures de transmission adaptées. Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous dire, soit aujourd’hui, soit ultérieurement, comment l’État prendra sa part des coûts induits, vu le contexte budgétaire difficile que connaissent de nombreuses agences publiques, dont Météo-France ?

Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera néanmoins le présent projet de loi, car, comme le disait dans l’Épître à Huet Jean de La Fontaine – né à Château-Thierry : « Ne pas louer son siècle est parler à des sourds. »

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

3

Dématérialisation du Journal officiel de la République française

Commissions mixtes paritaires

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur les rapports des commissions mixtes paritaires, de la proposition de loi et de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française (nos 3246 et 3245).

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

Présentation commune

M. le président. La parole est à M. Luc Belot, rapporteur de chacune des deux commissions mixtes paritaires.

M. Luc Belot, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, les deux textes que nous examinons, tant la proposition de loi ordinaire que la proposition de loi organique, font l’objet d’un consensus – voire, je l’espère, de l’unanimité – au sein de notre assemblée.

C’est une question importante. Nul n’est censé ignorer la loi : ce précepte bien connu s’applique dans notre République depuis le milieu du XIXe siècle. Pour connaître la loi, il faut se référer au Journal officiel : ce journal donne à chaque Français la possibilité d’accéder aux textes qui règlent la vie en société.

La diffusion d’exemplaires imprimés du Journal officiel a diminué : un peu plus de 40 000 exemplaires au début des années 2000 ; un peu moins de 2 000 abonnés à la fin de l’année 2015. Dans le même temps, la diffusion de la version numérique, digitalisée, via le portail Legifrance, augmente : plus de 66 000 abonnés au moment où je vous parle.

L’objet de ces deux propositions de loi est de tenir compte de cette réalité, en dématérialisant le Journal officiel de la République française. Ces propositions émanent du Sénat. La Haute Assemblée a par la suite adopté un amendement qui m’a surpris – pour dire le moins. Aux termes de cet amendement, par exception, une personne peut demander à l’administration qu’elle lui adresse un exemplaire imprimé du Journal officiel.

J’ai déjà exprimé mes réserves sur cet apport du Sénat. Alors que ces propositions de loi tendent à dématérialiser le Journal officiel, prévoir à nouveau la communication de documents sur papier n’est certainement pas une manière optimale d’envisager son avenir. Cependant, dans un souci d’efficacité et de rapidité – puisque nous voulons que la publication du Journal officiel soit 100 % dématérialisée dès le 1er janvier 2016 –, je me suis rallié à cette disposition. Ainsi, nous pourrons tout de même arriver à quelque chose de cohérent.

Je rappelle que la version dématérialisée permet de rendre l’accès au Journal officiel bien plus simple. Cet outil permet notamment à tous ceux qui souffrent d’un handicap, à ceux qui, à un moment de leur vie, ont des difficultés à lire, d’accéder aux textes officiels. Nous allons le renforcer par le projet de loi pour une République numérique, que certains de mes collègues ont évoqué tout à l’heure.

Nous avons voulu par ailleurs éviter que la possibilité ouverte par le Sénat ne donne lieu à des excès ; nous l’avons donc encadrée. Nous avons adopté des dispositions en ce sens dans cet hémicycle ; ces dispositions ont été maintenues en commission mixte paritaire.

Je remercie tout particulièrement mes collègues qui se sont investis sur ce texte. Le Journal officiel de la République française demeure ; il change de forme en se dématérialisant, mais il restera, pour chacun d’entre nous, la référence. Je remercie en particulier Marie-Anne Chapdelaine, qui a travaillé sur ce texte depuis le début.

Nous sommes au début du mois de décembre ; le 31 de ce mois, la dernière version sur papier du Journal officiel paraîtra, avant qu’il devienne totalement dématérialisé.

M. Michel Piron. Comment nous endormirons-nous sans le JO ? (Sourires.)

M. Luc Belot, rapporteur. C’est une évolution importante : je vous en remercie tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, comme l’a dit M. le rapporteur, nous arrivons au terme de l’examen de ces deux propositions de loi portant dématérialisation du Journal officiel. Un accord a été trouvé sur ces deux textes en commission mixte paritaire, comme pour celui que nous avons examiné précédemment cet après-midi. Je vous en remercie.

Je remercie M. le président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Je n’ai pas fait grand-chose !

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État. …M. le rapporteur, et tous les députés qui ont travaillé sur ce texte.

Comme l’a expliqué Luc Belot, le Sénat a tenu à permettre aux citoyens de disposer d’un document sur papier. Les députés ont été surpris de cette initiative, à laquelle ils étaient réticents – « pour dire le moins », selon les propos mêmes de votre rapporteur. Elle leur est apparue comme un recul, dans la mesure où la progression vers la dématérialisation a été lancée depuis longtemps, au moins 2004 : à leurs yeux, on pouvait donc sauter cette étape. Le Gouvernement s’est néanmoins montré ouvert à l’initiative des sénateurs, car nous ne souhaitons pas laisser qui que ce soit au bord du chemin de la transition numérique.

Vous avez accepté le texte du Sénat, modifié par cet amendement ; vous l’avez aménagé afin que la rédaction soit satisfaisante pour les deux parties. À cet égard, je remercie encore une fois M. le rapporteur et les députés qui s’étaient engagés pour aller plus vite et plus loin : je leur suis reconnaissante d’avoir admis qu’il fallait travailler dans les meilleures conditions possible avec leurs collègues du Sénat.

Comme l’a dit Luc Belot, l’accord final prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Ce sera une étape importante : il n’y aura désormais plus de Journal officiel imprimé sur papier – ce qui était bien notre objectif initial. Vous avez manifesté, tout au long de ce débat, un esprit de responsabilité, la volonté de converger. L’échéance du 1er janvier 2016 a compté avant tout le reste ; je tiens à vous en remercier, car telle était la volonté du Gouvernement.

Le débat sur le texte précédent l’a montré : notre souci est d’accompagner au mieux non seulement les services de l’État, mais aussi toute la société française, dans la transformation numérique, vers de nouveaux usages. Vous avez bien compris à quel point c’est important. Ce processus n’est pas terminé : nous en parlerons à nouveau plus tard, à l’occasion de l’examen d’autres projets de loi. Nous devons faire en sorte que nos concitoyens accompagnent cette révolution numérique qui, pour certains, est un peu rapide.

Pour tout cela, je vous remercie tous. Je remercie M. le rapporteur, ainsi que Marie-Anne Chapdelaine. Cela a déjà été dit : tous deux ont beaucoup promu ce texte. Encore une fois, merci d’avoir bien voulu converger avec le Sénat, afin de respecter l’échéance du 1erjanvier 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale

M. le président. Nous en venons à la discussion générale.

La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons, après les commissions mixtes paritaires qui se sont tenues le 24 novembre dernier, la proposition de loi ordinaire et la proposition de loi organique de notre collègue sénateur Vincent Eblé, portant sur la dématérialisation du Journal officiel de la République française.

Il est nécessaire de mettre en adéquation les usages de nos concitoyens et nos propres usages : c’est à quoi s’attachent ces deux textes. Ils se veulent concrets, pragmatiques, et en concordance avec la réalité. La diminution du lectorat de la version sur papier du Journal officiel est en effet symétrique à l’augmentation des abonnés de sa version numérique. Il est donc opportun d’entériner cette évolution, et de substituer à la version imprimée sur papier du Journal officiel la version électronique, à partir du 1erjanvier 2016.

Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs mènent une politique ambitieuse de dématérialisation des publications officielles. La transition s’est faite jusqu’à ce jour, et se poursuivra – j’en suis certaine – de manière parfaitement compréhensible et accessible.

Des modifications de trois ordres doivent cependant être apportées à notre droit. Tout d’abord, il faut supprimer les références à la publication du Journal officiel sur papier, pour les remplacer par des références à sa publication sous format électronique. Ensuite, il est nécessaire de prévoir les modalités spécifiques de publication par voie électronique pour les actes qui, actuellement, ne doivent pas faire l’objet d’une publication sous cette forme. Enfin, il convient de supprimer les références aux catégories d’actes administratifs dont la publication au Journal officiel sous forme électronique suffit à assurer l’entrée en vigueur : la dématérialisation rend en effet ces dispositions inutiles.

Il faut noter que les administrés pourront toujours se procurer, au format papier, un extrait du Journal officiel. Pour ma part, j’aurais préféré que l’on réduise les zones blanches, et que l’on améliore l’accès aux nouvelles technologies pour tous. Peut-être est-ce le prochain chantier qui nous attend !

Enfin, madame la ministre, je vous ferai part d’une remarque. Il existe un compte Twitter du JO, mais il n’est pas officiel ; plusieurs internautes se sont émus de cette lacune. Je connais votre engagement en faveur du numérique, madame la secrétaire d’État ; je gage donc que cette question trouvera bonne place dans vos préoccupations.

Depuis la Révolution, le Journal officiel de la République française est l’outil qui permet aux citoyens de prendre connaissance de la loi. Le sujet dont nous débattons ce soir est donc important ; il s’est déroulé dans un climat de large consensus. Nous nous sommes accordés sur l’objectif d’améliorer l’accès au Journal officiel, sur l’impératif de simplifier les relations entre le public et les administrations, et sur la nécessité de réduire les coûts. Permettez-moi d’ajouter à cette liste la préservation des libertés publiques : en effet, un dispositif spécifique a été prévu pour éviter la constitution automatisée de fichiers.

Je termine cette intervention en saluant notre rapporteur pour son excellent travail, et Mme la secrétaire d’État pour son engagement. Fort logiquement, le groupe socialiste, républicain et citoyen votera ce texte.

M. Luc Belot, rapporteur et M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce soir, les orateurs se suivent et se ressemblent pour les différents textes que nous examinons ! (Sourires.)

Je serai bref, car tout a déjà été dit. Il n’a d’ailleurs pas été difficile de se mettre d’accord sur ces textes. Lors de l’examen par la commission mixte paritaire de la proposition de loi ordinaire, la version issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui ne faisait qu’améliorer la version issue des travaux du Sénat, a été adoptée sous réserve de modifications rédactionnelles. Ainsi, plus rien ne s’oppose à la dématérialisation totale du Journal officiel au 1er janvier 2016.

Comme vous le savez, à ce jour, le Journal officiel est diffusé en version papier et en version électronique, selon les modalités définies par une ordonnance de février 2004. La version électronique, qui rencontre un succès indéniable, a la même valeur probante que la version papier. Cependant, toutes les publications ne paraissent pas en version électronique, notamment celles qui sont relatives aux actes individuels que sont l’état civil, la nationalité, les changements de nom. Cette catégorie de publications ne représente que 8 % des textes publiés. Certains actes sont a contrario exclusivement diffusés en version électronique : il s’agit des actes réglementaires, des nominations de fonctionnaires et de magistrats, et des actes relatifs à l’exercice du budget de l’État.

L’objet de ces deux propositions de loi est simple : mettre un terme à la version papier du Journal officiel. Cette dématérialisation va dans le sens de l’Histoire : en 2014, la Cour des comptes recommandait ainsi de dématérialiser complètement la publication du Journal officiel. En mars 2015, en réponse à l’une de mes questions écrites, le Premier ministre annonçait le passage au tout-numérique pour l’année 2016. Ce passage sera effectué dans les plus brefs délais, puisque la version papier disparaîtra dès le 1er janvier 2016. Certes, il aurait été plus raisonnable d’anticiper davantage, mais je crois savoir que tout a été prévu par la DILA, la Direction de l’information légale et administrative, pour que cette transition se passe correctement.

Les bénéfices seront multiples. Tout d’abord, la consultation du Journal officiel deviendra entièrement gratuite, alors que l’abonnement à la version imprimée sur papier coûte actuellement 360 euros par an. Ensuite, cela rendra le Journal officiel accessible très rapidement partout sur le territoire national.

Troisièmement, la dématérialisation permet la consultation de l’intégralité du Journal officiel à toute heure, et au besoin de manière répétée. Enfin, l’économie financière de cette mesure pour l’État a été évaluée à 400 000 euros par an.

Cela a nécessité quelques garanties techniques et pratiques. D’une part, en matière de protection des données individuelles, le Gouvernement a confirmé que tout a été pensé pour que la dématérialisation ne facilite pas la constitution de fichiers par les moteurs de recherche : on pense ici plus particulièrement à ceux des Français qui ont souhaité changer de nom. C’est la raison pour laquelle ont été envisagés différents dispositifs de restriction d’accès, avec notamment un système de sommaire ainsi qu’un système d’insertion de chiffres et de lettres pour accéder à certains contenus.

D’autre part, s’agissant de la difficulté matérielle qu’il pourrait y avoir à accéder au Journal officiel sous forme électronique, le Parlement a souhaité que tout administré puisse en obtenir, de la part de l’administration, une copie papier. Cette mesure me paraît nécessaire car, je le rappelle, tous nos concitoyens n’ont pas accès à Internet : il faut bien l’avoir en tête, surtout quand j’entends parler de dématérialisation de la propagande électorale.

M. Jacques Krabal. Exactement !

M. Lionel Tardy. Nous avons néanmoins voulu prévenir les éventuels abus quant à une telle requête en prévoyant que l’administration ne serait pas tenue de donner suite aux demandes répétitives et systématiques.

En conclusion, vous l’aurez compris, le groupe Les Républicains, satisfait des équilibres trouvés, votera les deux propositions de loi.

M. le président. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, « l’évidence peut quelquefois n’être pas évidente », disait Jankélévitch ; en l’occurrence, il semble qu’elle le soit. Notre cher Journal officiel, garant depuis plus de 200 ans de l’un des principes essentiels de notre République, celui de l’accès de tous au droit, entre donc dans une nouvelle ère, celle du numérique.

À plusieurs reprises, les évolutions de la société ont nécessité de modifier les modalités de publication de la loi. Certains d’entre vous s’en souviennent peut-être, la dématérialisation du Journal officiel avait déjà débuté il y a 35 ans, sur le Minitel, avec le 3615 JOEL… (Sourires.)

Aujourd’hui, alors que l’ordonnance du 20 février 2004 a ouvert la voie à cette dématérialisation, une nouvelle adaptation apparaît nécessaire. Ces deux propositions de loi entendent ainsi mettre un terme à la version papier du JO, pour ne conserver que la version électronique.

Alors que 83 % des Français sont connectés à Internet, la dématérialisation du Journal officiel serait plus conforme aux usages de lecture de cette publication. En effet, le nombre d’abonnés à la version papier – 2 700 en 2014 – a été divisé par 12 en une décennie, tandis que la version numérique compte aujourd’hui plus de 66 000 abonnés.

Cette mesure est aussi une mesure de simplification, alors que coexistent, depuis plus de deux ans, deux formes du Journal officiel : une version papier et une version électronique.

Le passage à un format électronique permettra, en outre, une économie, non seulement de papier, mais aussi financière, que le Sénat, dans son rapport, évalue à quelque 400 000 euros par an.

Mes chers collègues, au-delà de cette disposition relative au Journal officiel, le groupe UDI attend beaucoup du projet de loi « pour une République numérique » – même si cette expression me laisse perplexe. Les nouvelles technologies peuvent faciliter nos vies dans bien des situations, à condition de les penser et de les utiliser à bon escient. Sans doute serait-il pertinent de réfléchir de manière globale à la dématérialisation des outils de la vie publique, au lieu de se contenter du cas par cas. Aidons-nous des nouveaux outils numériques pour faciliter la vie de nos concitoyens dans leurs démarches administratives ou médicales, mais aussi pour l’enseignement et la culture.

La dématérialisation peut également être bénéfique pour notre vie démocratique. Grâce à Internet, les citoyens peuvent consulter le Journal officiel. Cette consultation est donc facilitée par rapport à celle qui nécessite un abonnement sous la forme papier. Pourquoi ne pas songer à suivre cette voie de façon plus large ? Certes, les programmes électoraux – quand ils existent – et autres informations civiques sont en ligne sur les sites du Gouvernement, mais ils ne sont pas accessibles à tous les citoyens, notamment aux personnes en situation de handicap. Or chacun d’entre nous doit avoir la possibilité de participer, autant que faire se peut, à la vie démocratique de son pays.

Le contexte actuel nous interpelle sur notre capacité à faire en sorte que chaque citoyen soit intégré dans la société, dans la cité. Pour cela, l’accès à une information claire et facilitée est déterminant. Ne sous-estimons donc pas l’importance des textes qui nous sont proposés. Le changement de paradigme dans lequel entre le Journal officiel doit nous amener à nous interroger sur l’ensemble des outils qui permettraient à l’État de mieux faire circuler l’information auprès de nos concitoyens. Alfred Sauvy nous le rappelait : « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés, ils deviennent des sujets. » Gardons-nous d’oublier que les contenus peuvent être mieux servis et déployés par d’autres contenants.

Comme en première lecture, mes chers collègues, le groupe UDI votera bien évidemment en faveur de la proposition de loi ordinaire et de la proposition de loi organique.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Très bien !

M. Luc Belot, rapporteur. Merci !

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me suis déjà exprimé en première lecture, lors de la discussion générale ; mes propos, aujourd’hui, ne seront pas différents. Je veux quand même vous dire que, selon le groupe RRDP, ces deux propositions de loi ne s’imposaient pas ; et si elles ne changeront pas la face du monde, elles ne seront pas non plus génératrices de réels progrès, quels que soient les domaines concernés.

Certes, avec le développement d’Internet, la publication, six jours par semaine, du Journal officiel s’est trouvée de plus en plus délaissée, et pour cause : elle est disponible gratuitement sur Internet, dans des délais très brefs, alors que l’édition « Lois et décrets », acheminée par voie postale, coûte 315,30 euros par an.

Ainsi, l’été dernier, le Gouvernement a-t-il passé la commande d’une dématérialisation totale du Journal officiel. Pourtant, M. Didier François, directeur adjoint de la DILA, déclarait : « Sur le plan financier, les conséquences ne sont pas extrêmement fortes. C’est une décision qui est importante sur le plan identitaire, sur le plan de l’image, du symbole, parce que le JO papier c’est quelque chose de très fort. » Il fallait en effet le rappeler.

Ne nous y trompons pas. Le seul symbole fort, c’est bien celui de l’emprise des nouvelles technologies de l’information et de la communication, celui qui pousse à la publication de certains actes administratifs sous la seule forme numérique.

Ne vous méprenez pas, toutefois. Il ne s’agit pas, pour nous, de refuser le progrès. Je préfère les voitures d’aujourd’hui aux 2 CV d’hier, et les technologies de l’information nous ouvrent chaque jour de nouveaux horizons. Mon propos, au-delà de l’aspect purement économique, est également culturel. Oui, le papier est notre culture : n’oublions jamais ce que nous lui devons.

J’entends les arguments avancés par nos collègues sénateurs : il s’agirait de simplifier et de rationaliser la dépense publique – même si ce n’est pas là la motivation principale – et de favoriser le développement durable. Au-delà des avantages indéniables que présente la mesure, tels que la vitesse ou la gratuité, pourriez-vous nous dire sur quelle étude d’impact vous vous fondez pour défendre ces objectifs ? En effet, madame la secrétaire d’État, vous assurez que le bilan carbone sera meilleur avec une économie de 660 tonnes de CO: d’où tient-on ce chiffre ?

Un courriel accompagné d’une pièce jointe équivaut à une dépense de 25 watts par heure, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, qui l’a rappelé tout à l’heure, depuis son stand, à la COP21. Or, en une heure, ce sont plus de 10 milliards de courriels qui sont envoyés, soit une dépense énergétique équivalente à 4 000 tonnes de pétrole.

Par ailleurs, a-t-on pris en compte le coût de la sécurisation – même si toutes les informations personnelles ne seront pas incluses – ainsi que du stockage et de la gestion des données ?

Enfin, madame la secrétaire d’État, je veux évoquer un sujet qui me préoccupe tout particulièrement en tant qu’élu rural : la fracture numérique. Quid des territoires non desservis ? Quid des personnes qui n’ont pas accès – que ce soit matériellement, techniquement ou pédagogiquement – à la communication numérique ? Oui, la fracture numérique est réelle. Nous devrions nous garder, si je puis formuler un conseil, de renforcer ce sentiment de discrimination territoriale, ce sentiment de déclassement que vivent nos territoires ruraux. À cet égard, les résultats électoraux de dimanche dernier, notamment les scores du Front national dans les communes rurales, doivent rester gravés dans nos esprits.

Qu’on prenne garde, dans cette fureur de la dématérialisation, à ne pas enlever de la matière aux relations humaines. De notre point de vue, il faut renforcer la démocratie. À l’heure où il est nécessaire que nos concitoyens se réapproprient la loi, il ne faudrait pas les en éloigner encore.

Même si cela ne vous concerne pas directement, madame la secrétaire d’État, j’aimerais évoquer les projets envisagés de suppression de la propagande électorale sous format papier pour les échéances de 2017. Notre démocratie, là encore, a besoin d’être renforcée et non affaiblie, comme elle le serait si ces propositions devaient aboutir. Pour ma part je considère que les économies nécessaires au redressement de nos finances publiques ne devraient en aucune façon affaiblir notre fonctionnement démocratique. Bien au contraire, nous devrions tout faire pour rapprocher les citoyens des urnes et affirmer, selon le mot de Victor Hugo : « La Démocratie, c’est la grande Patrie. »

Quelques jours à peine après le premier tour des élections régionales, je tenais à porter à votre connaissance les difficultés auxquelles les électeurs ont dû faire face. Dans ma circonscription, pour la première fois, la distribution de la propagande électorale a été confiée à une entreprise privée : cela s’est soldé par de nombreux dysfonctionnements, et des électeurs attendent encore leur enveloppe pour aller voter.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe RRDP s’abstiendra sur ces propositions de loi qui ne visent pas le bon objet, à savoir rapprocher les citoyens des institutions dont ils ont le sentiment que nous, les élus, nous les éloignons – c’est l’une des raisons qui peuvent expliquer le vote de dimanche dernier.

M. le président. Merci, monsieur Krabal.

M. Jacques Krabal. La dématérialisation du JO et de la propagande électorale va dans le mauvais sens. N’affaiblissons pas notre démocratie et, plus largement, notre culture sur l’autel de l’économie car, comme l’écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le Héron : « On hasarde de perdre en voulant trop gagner. »

M. Pouria Amirshahi. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici au terme de nos débats sur les propositions de loi tendant à dématérialiser le Journal officiel, avec les textes issus de l’accord en commission mixte paritaire.

Tout en estimant ces textes justifiés, et liés aux évolutions de notre société – dont témoigne la progression des abonnements à la version numérique du JO –, j’avais fait part, en première lecture, d’un certain nombre d’inquiétudes sur les conséquences d’une telle décision pour les personnels concernés et pour l’évolution de la citoyenneté dans notre pays. Ces craintes n’ont malheureusement pas été entièrement levées depuis, malgré les modifications apportées, lesquelles montrent d’ailleurs la justesse de nos questionnements.

Je pense d’abord aux conséquences de ces textes sur l’égalité d’accès aux publications officielles et aux décisions des institutions de la République. Nous avions rappelé que la suppression définitive de la version papier du Journal officiel pouvait pénaliser les zones qui ne sont pas encore couvertes en France par Internet, et que 12 % de nos concitoyens n’ont encore jamais utilisé celui-ci. La possibilité donnée à chacun d’obtenir, de la part de l’administration, la communication sur support papier d’un extrait du Journal officiel a été encadrée par une précision selon laquelle une telle demande doit se faire « sans recours abusif ». Cela ne peut nous satisfaire.

S’agissant du respect des libertés, la Commission nationale de l’informatique et des libertés précise, je le rappelais en première lecture, que le passage au numérique doit être neutre pour la protection des données personnelles. Nos préventions à l’égard de l’utilisation, par les moteurs de recherche, de données personnelles ne sont pas non plus complètement levées par la disposition selon laquelle la publication des actes s’effectuera « dans des conditions garantissant qu’ils ne [feront] pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche », lesdites conditions n’étant pas définies dans la loi elle-même.

Enfin, des inconnues subsistent concernant l’avenir des activités d’édition et d’impression des textes officiels de la République et concernant, surtout, le devenir des personnels, alors que des réductions d’effectifs ont déjà eu lieu. Or les missions de service public de la DILA doivent être sauvegardées et ne sauraient obéir à une logique comptable.

Pourtant le risque existe que soit privatisée la fabrication des supports de l’information officielle. Pour éviter cette dérive, qui entraînerait une dispersion de l’information légale et poserait des difficultés en termes de transparence, il convient de définir, de façon urgente et précise, les missions de la DILA au sein de l’État.

L’ensemble de ses missions est en effet touché par la révolution numérique dont vous avez parlé, madame la secrétaire d’État. Elle doit donc évoluer pour continuer à offrir un service public de qualité adapté aux nouvelles pratiques. Mais cette révolution numérique ne saurait s’effectuer sans les agents de la DILA.

Et si un accord existe pour une catégorie de personnel – comme vous l’aviez, madame la secrétaire d’État, souligné lors des débats en première lecture –, cela n’est pas le cas pour l’ensemble des trois catégories de salariés concernés, que leur statut relève du droit privé ou du droit public. Et je voudrais me faire ici l’écho de leur souhait de voir une négociation s’ouvrir sur leur devenir ainsi que sur le maintien de leurs emplois. Des pistes existent pour aller dans ce sens.

Un projet d’avenir pour la DILA pourrait d’abord passer par la recherche d’une compensation à la numérisation du Journal officiel, afin de continuer à utiliser la rotative achetée en 2008.

On pourrait ainsi faire converger vers la DILA les missions d’impression – aujourd’hui dispersées dans diverses administrations ou confiées à des sociétés privées – afin de lui octroyer un marché solide.

Le rôle d’éditeur public de la DILA pourrait également être renforcé. Un rapport d’information du Sénat du 1er juillet 2014 soulignait justement que « dans la mesure où l’édition est un véritable métier, une compétence unique, centralisée à la DILA et dont pourrait bénéficier l’ensemble des administrations permettrait de donner une cohérence à la politique éditoriale de l’État, tout en évitant des coéditions avec le secteur privé qui peuvent s’avérer coûteuses ».

Il convient également de réorienter les missions de la DILA vers les activités numériques, en préparant ses agents aux métiers de demain par un plan de formation ambitieux : ils y sont prêts.

Nous voulons bien, madame la secrétaire d’État, croire que la numérisation n’est pas d’abord motivée par une volonté de réduire les dépenses publiques, mais nous avons besoin de le vérifier par des actes qui permettent d’améliorer le service rendu à la population et de garantir la pérennité des emplois.

C’est pourquoi les députés du Front de gauche s’abstiendront de nouveau sur ce texte, dans l’attente de réponses complètes aux exigences que je viens d’énoncer.

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble (proposition de loi)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopté.)

Vote sur l’ensemble (proposition de loi organique)

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble de la proposition de loi organique est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

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Expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée

Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée (nos 3022, 3228, 3220).

Présentation

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, j’ai parfois le sentiment qu’il existe, dans notre pays, une forme de résignation face au chômage de masse, résignation qui s’ajoute à une défiance envers nos institutions et dans leur capacité à changer le cours des choses. Résignation et défiance : tels sont les deux moteurs de la réaction.

Il y a parfois du désespoir et du désenchantement, ainsi qu’un sentiment d’abandon, dans certains territoires ruraux ou périurbains aussi bien que dans certains quartiers populaires des grandes métropoles, comme l’a très bien, et depuis trop longtemps, démontré Hervé Le Bras.

On les appelle d’ailleurs, aujourd’hui, des « territoires périphériques », alors qu’ils représentent la majorité sociale de notre pays. Et c’est sans doute parce que les majorités politiques successives se sont éloignées de cette majorité sociale, qu’elles sont censées incarner, que la fracture politique et sociale s’est aggravée.

Face à ce terrible constat, au fracas, aux tumultes et aux désordres portés par les nouveaux réactionnaires, les territoires offrent pourtant toutes les solutions pour rouvrir le chemin de l’espérance.

Dans tous les territoires, les citoyens engagés sont nombreux. Par leur action, ils veulent réenchanter la politique, au sens de la vie de la cité. Ils sont aujourd’hui présents : bénévoles et responsables d’ATD Quart Monde, d’Emmaüs France, du Secours catholique, de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, du Pacte civique et de Bleu Blanc Zèbre.

Je salue d’ailleurs Claire Hédon, présidente d’ATD Quart Monde. Ils soutiennent tous la proposition de loi dont nous allons débattre : c’est en effet notre projet, car nous l’avons construit ensemble.

Comme le dit si bien l’écrivain Alexandre Jardin : « Pour guérir chaque grande fracture tricolore, il y a aujourd’hui, dans toutes nos régions, des citoyens à l’œuvre, des faiseux pas des diseux, des courageux actifs qui règlent nos problèmes non pas à notre place mais avec nous. »

Les Français ne veulent pas obéir à des dogmes mais adhérer à des projets qui transforment le réel et qui œuvrent à la transformation économique, sociale et écologique de nos territoires.

La France des solutions crée, invente et innove. Il faut accompagner les créatifs ainsi que la société civile et ne pas empêcher cette France d’avancer. C’est tout le sens cette proposition de loi qui se veut une utopie réalise face aux injustices humaines.

Léon Blum disait : « Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur garantir l’existence. » Or les conditions d’existence se résument à un emploi, un logement et un savoir.

ATD Quart Monde sait que l’emploi est beaucoup plus qu’un simple contrat de travail : c’est tout à la fois une partie intégrante du contrat social et un lieu central de dignité. Tous nos concitoyens doivent pouvoir obtenir un emploi. C’est l’engagement contenu en préambule de notre Constitution. C’est aussi l’ambition que porte ce mouvement et qu’a toujours portée Geneviève De Gaulle-Anthonioz.

Personne ne doit être laissé pour compte parce que tous auront une place, en commençant par les plus pauvres.

Il nous faut changer de culture, prendre des risques, partir des territoires et prendre le temps d’expérimenter.

Non, nous n’avons pas tout tenté pour combattre le chômage. Nous pouvons créer des emplois durables qui n’existent pas dans certains territoires en nous appuyant sur la force créatrice des acteurs locaux : collectivités, entrepreneurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire, syndicats et organisations professionnelles, associations.

Oui, nous pouvons créer des couches protectrices face à la déstructuration sociale, à la désespérance sociale, à la fracturation sociale. Oui, nous pouvons créer des emplois durables là où il y a du chômage de longue durée, par l’innovation sociale, économique et écologique.

Le chômage accroît la pauvreté et l’inégalité dans la répartition des revenus, il ébranle les familles, mais il n’est pas inébranlable.

Alors que le chômage de longue durée touche plus d’un chômeur sur deux et que l’éloignement du travail, nous le savons, accroît la difficulté de retrouver un emploi, cette proposition de loi vise à proposer aux chômeurs de longue durée un contrat à durée indéterminée dans une entreprise développant une activité dans le secteur de l’économie sociale et solidaire.

J’ai parfois douté face à certains conservatismes pour faire avancer les idées, mais l’indignation appelle l’engagement. Il y a eu celui de la ministre, Mme El Khomri, et c’était très important. Résister, c’est créer. Créer, c’est résister. Dans ces périodes troubles, résister, c’est aussi créer et défendre des projets d’utopie réaliste.

La proposition de loi qui est discutée aujourd’hui constitue une véritable innovation sur plusieurs aspects.

Son mode d’élaboration, d’abord, est innovant.

Le texte dont nous sommes saisis est le fruit d’un travail mené depuis de nombreux mois avec les acteurs de la société civile qui luttent au quotidien pour la dignité humaine et contre l’exclusion, au premier rang desquels se placent les associations. C’est M. Patrick Valentin qui, le premier, m’a présenté l’idée des « territoires zéro chômage de longue durée », née dans le Maine-et-Loire il y a près de deux ans. La réflexion a porté ses fruits puisque, à Pipriac en Ille-et-Vilaine, à Mauléon dans les Deux-Sèvres, à Prémery dans la Nièvre, à Colombey-les-Belles en Meurthe-et-Moselle et à Jouques, dans les Bouches-du-Rhône, un travail est mené par les acteurs de terrain, et je salue Dominique Potier, qui en suit un particulièrement.

Cette proposition de loi tend à fixer le cadre juridique de cette expérimentation. J’ai souhaité que cette démarche d’élaboration soit aussi exemplaire que possible compte tenu de l’importance de l’objet et s’appuie sur les outils donnés aux parlementaires. Je me suis appuyé sur l’ensemble des éléments que la Constitution permet au Parlement de mobiliser. J’ai utilisé les moyens donnés par la réforme de la Constitution sur l’expérimentation proposée par Jacques Chirac en 2003, par celle de Nicolas Sarkozy en 2008 sur la saisine du Conseil d’État, et par la loi sur l’économie sociale et solidaire présentée par Benoît Hamon grâce à l’engagement de François Hollande. Parfois, l’unité nationale n’est pas dans les têtes mais elle est dans les faits.

Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, a saisi le Conseil d’État pour avis sur le fondement de l’article 39 de la Constitution. Son rapporteur, M. Jean Marimbert, a proposé de nombreuses améliorations techniques et juridiques qui ont été reprises dans des amendements adoptés par la commission.

Le Conseil économique, social et environnemental a lui aussi été saisi et, à la quasi-unanimité, a adopté un rapport présenté par Patrick Lenancker, le président de la Confédération générale des SCOP, qui pose des conditions de réussite.

Cette proposition de loi est aussi innovante car elle a pour objectif de promouvoir une nouvelle philosophie en matière de politique de l’emploi. En effet, cette expérimentation repose sur le postulat que, si les emplois manquent, le travail, lui, ne manque pas.

Nous croyons que nous n’avons pas encore tout tenté contre le chômage, ce fléau, et qu’il est possible d’innover dans nos territoires, dans nos départements, dans nos régions, pour mobiliser les énergies et créer des activités ayant une utilité sociale et répondant à des besoins auxquels nous n’avons pas encore répondu. Ces travaux ne sont que partiellement solvables et sont donc insuffisamment lucratifs pour le marché classique. Il est possible, avec un soutien financier, de solvabiliser ces activités et de permettre ainsi à des chômeurs de longue durée de retrouver un emploi.

L’expérimentation prévue par la proposition de loi consiste à faire distribuer par un fonds national une aide financière permettant de participer à la création de postes. Ce fonds associerait tous les acteurs. Au niveau local, un comité local mobiliserait toutes les énergies.

Le financement est le dernier aspect innovant de cette proposition de loi.

Le financement permettra l’amorçage du projet à travers les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Comme l’a montré l’économiste Jean Gadrey, qui s’était associé à ATD Quart Monde, un peu plus de 15 000 euros hors assurance chômage pourraient être économisés par la sortie de chaque chômeur de longue durée et affectés au financement d’emplois durables.

Financement innovant, méthode innovante, je crois que nous avons tous les ingrédients pour réussir. Je salue en particulier Patrick Valentin et Michel de Virville qui m’ont accompagné jusqu’à présent, Bruno Le Roux, le président du groupe SRC, qui nous a fait confiance, ainsi que Christophe Sirugue, le responsable du groupe pour ce texte.

La présente proposition de loi, dont l’objectif est de donner une traduction concrète à la notion de droit à l’emploi mentionnée au préambule de la Constitution de 1946 et qui va incontestablement dans le sens de l’intérêt général, trouvera, je l’espère, une large majorité dans l’hémicycle avant d’être débattue au Sénat.

Grâce à la mobilisation des acteurs de la société civile qui ont accompagné l’élaboration de ce texte, elle montre que d’autres solutions sont possibles, que, par l’innovation sociale, économique et écologique, nous pouvons ensemble trouver des solutions durables dans les territoires et créer les conditions de la réussite pour redonner de la dignité aux personnes qui ont perdu espoir dans la chose publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs, il y a un objectif qui nous réunit toutes et tous sur les bancs de cet hémicycle, quelles que soient d’ailleurs nos sensibilités, c’est l’emploi. C’est la priorité de ce gouvernement, je sais que vous la partagez. C’est aussi la préoccupation majeure de tous les Français, parce que nous avons toutes et tous dans nos entourages, des amis, de la famille, des jeunes, voire des parents, qui recherchent un emploi de manière active et parfois depuis plusieurs mois. Certains s’accrochent, d’autres désespèrent. Au-delà, il y a tous ceux qui ont peur de basculer, de perdre leur emploi.

La situation de l’emploi dans notre pays mérite toute notre attention, parce que, derrière les chiffres, que l’on commente souvent au sein de cette assemblée, parfois de manière déshumanisée et désincarnée, se cachent les visages de milliers d’hommes et de femmes qui n’aspirent qu’à une chose, retrouver le chemin de l’emploi, retrouver de l’autonomie, retrouver de la dignité, retrouver enfin confiance et estime de soi.

Nous ne devons exclure aucune piste de travail pour répondre au défi de l’emploi. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Gouvernement soutient de nombreuses initiatives locales, à travers des démarches expérimentales, – celles du tissu associatif dont il faut saluer l’esprit d’innovation –, qui ont des résultats encourageants.

La proposition de loi que nous discutons aujourd’hui a pour objectif de faire disparaître le chômage de longue durée sur une dizaine de territoires, par la création d’emplois répondant à des besoins sociaux non satisfaits. L’objectif est ambitieux, mais nous avons là un défi majeur pour favoriser l’emploi de tous.

Aujourd’hui, l’un des fléaux du chômage, c’est le chômage de longue durée. Je suis déterminée à l’enrayer, et, encore une fois, je crois que nous partageons tous cet objectif.

À l’heure où nous parlons, environ 2,5 millions de demandeurs d’emploi sont inscrits à Pôle Emploi en catégorie A, B ou C depuis au moins 12 mois. Cela représente 44 % des inscrits. Parmi eux, environ 1 million de demandeurs d’emploi n’ont exercé aucune activité depuis au moins 12 mois. Cette situation n’est pas propre à notre pays, c’est un mal européen. Entre 2007 et 2014, le nombre de demandeurs d’emploi concernés a doublé dans l’Union européenne.

Considérant qu’il y a urgence à réagir à ce problème, le Conseil de l’Union européenne vient d’adopter, le 7 décembre, une recommandation sur l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail, visant à établir un cadre approprié pour soutenir les actions des pays membres sur le modèle de la garantie européenne sur la jeunesse.

Nous ne pouvons pas rester les bras croisés face à une telle situation. Nous ne le pouvons pas d’abord parce qu’elle affaiblit, discrimine et désespère les dizaines de milliers de demandeurs d’emploi qui ne demandent qu’une chose, je le disais, pouvoir se rendre utiles, utiles à la société, par le travail.

Le temps joue contre chaque personne concernée. Ce temps, qui devrait être utile pour consolider ses acquis, trouver des opportunités, se former, est en fait un processus d’exclusion progressive. Nous le savons, une grande part du lien social, de l’estime de soi et, parfois même, de celle de la famille passe par le travail, et les longues périodes de chômage tendent à faire perdre aux demandeurs d’emploi leurs repères et la confiance en soi.

Ces personnes, comme l’ensemble des Français, ont comme première préoccupation l’emploi. Cela se comprend d’autant mieux que l’on connaît des taux de chômage très élevés dans certaines villes, certains départements, certaines régions, notamment dans les quartiers populaires, où le taux de chômage est deux, voire trois fois plus élevé que la moyenne. C’est injuste, et ce n’est pas acceptable.

Les écarts se sont creusés avec la crise. Les demandeurs d’emploi font face à une concentration des difficultés classiques en matière d’accès à l’emploi : moindre qualification, faible mobilité.

Le chômage de longue durée ne se résorbera pas mécaniquement avec le retour d’une croissance plus dynamique. Il faut mettre en place des solutions spécifiques, adaptées à la complexité de la situation. Il n’existe pas de solution unique. Des outils sont déjà à notre disposition, il faut les utiliser, mais également les compléter, les améliorer, innover.

À la suite de la grande conférence sociale de 2014, qui a affirmé l’urgence d’une mobilisation collective à ce sujet, et après avoir beaucoup travaillé avec les acteurs, mon prédécesseur François Rebsamen a annoncé en février 2015 un plan d’action « Nouvelles solutions face au chômage de longue durée ». Ce plan propose de nouveaux modes d’intervention, y compris le recours à l’expérimentation.

À côté des politiques publiques, existent en effet de nombreux projets novateurs et originaux, capables de contribuer à lutter contre le chômage de longue durée. Ils peinent souvent à entrer dans les politiques publiques, très normatives. Puisque ces projets existent, puisqu’ils sont innovants, et parce que nous ne devons exclure aucune bonne idée dans la bataille contre le chômage, parce que nous le devons à toutes celles et à tous ceux qui se battent pour obtenir un emploi, je crois que nous avons tout intérêt à nous en saisir en les expérimentant.

Il a été ainsi été considéré que le projet intitulé « Territoires zéro chômeur de longue durée » initié par ATD Quart Monde pouvait être expérimenté et évalué avant une généralisation éventuelle.

Comme Laurent Grandguillaume, je tiens à saluer l’action de cette association, comme de toutes les associations qui prennent à bras-le-corps cette problématique, souvent dans la proximité, au plus près des réalités locales et, surtout, avec les publics. Ces associations savent formuler des propositions qui sont utiles au débat public mais permettent également d’améliorer très concrètement les conditions de vie de ceux qui sont exclus du monde du travail.

La proposition de loi présentée aujourd’hui par le groupe socialiste de votre assemblée, dont Laurent Grandguillaume saura être un rapporteur engagé, doit permettre de préciser ce texte et de le rendre plus opérationnel.

L’idée, c’est qu’il reviendrait moins cher à la collectivité de financer un CDI payé au SMIC que de continuer à dépenser de l’argent pour compenser l’inactivité, et ce sur la base d’une triple conviction : la première, c’est que tous les chômeurs ont des compétences et qu’il importe de les valoriser et de les rendre utiles à la société ; la deuxième, c’est qu’il y a des besoins sociaux qui ne sont pas satisfaits aujourd’hui, preuve que des emplois sont à créer ; enfin, la troisième, c’est qu’en réaffectant toute une série de dépenses sociales, on pourrait financer un emploi sans coût supplémentaire.

La proposition de loi reprend ce même objectif de faire disparaître le chômage de longue durée et, plus largement, de supprimer la « privation durable d’emploi » dans le cadre d’une expérimentation conduite sur une dizaine de territoires.

Vous connaissez ma conviction sur le rôle de l’État et de son action. Il nous faut déployer tous les moyens possibles pour lutter contre l’exclusion durable, qui resterait difficilement réversible, même en cas de retour de la croissance.

Nous agissons déjà très concrètement, en permettant l’accès aux contrats aidés – 400 000 personnes en bénéficient chaque année –, en soutenant également l’insertion par l’activité économique, qui permet chaque année à près de 130 000 personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d’être recrutées en contrat à durée déterminée d’insertion. Ce sont autant de personnes qui trouvent là une opportunité de retrouver le chemin de l’emploi.

L’expérimentation proposée à travers cette proposition de loi ne vise pas à remplacer ces dispositifs d’aide à l’emploi, qui ont fait leurs preuves. À l’issue des contrats aidés dans le secteur marchand, 65 % des bénéficiaires sont en emploi, et près de 45 % le sont à la suite des contrats aidés dans le secteur non marchand. Ces derniers ne s’adressent pas aux mêmes publics : ils sont ciblés sur les personnes en situation de handicap, sur les habitants des quartiers relevant de la politique de la ville, sur les seniors et également sur les demandeurs d’emploi de longue durée.

Les aides à l’emploi sont complémentaires des outils d’accompagnement et de formation professionnelle que nous mettons en œuvre pour favoriser le retour à l’emploi. L’expérimentation qu’il est proposé de lancer doit permettre de renforcer la lutte contre le chômage de longue durée. Elle constitue une réponse cohérente et complémentaire de la politique que nous menons en la matière. Il est en effet nécessaire de ne pas perdre une occasion de compléter et d’enrichir nos efforts pour mieux accompagner ceux qui restent les plus éloignés du monde du travail.

La justice sociale, car c’est bien de cela dont il est question dans le débat que nous aurons, est liée à l’efficacité économique. Parce que je crois aussi que l’emploi crée l’emploi, il nous faut encourager toutes les initiatives, et il faut, je le disais, n’en exclure aucune. Cette initiative devra être combinée à une mobilisation et à une « territorialisation » de la politique de l’emploi.

Nos politiques pour l’emploi demandent l’implication de tous, parce que la bataille de l’emploi, c’est l’affaire de tous. Je pense évidemment aux services publics de l’emploi, aux collectivités territoriales avec les conseils départementaux, les conseils régionaux, les municipalités, mais aussi les entreprises et les associations. C’est cet écosystème vertueux qui assurera la réussite de ce projet.

La proposition de loi appelle enfin trois séries de remarques : sur son ciblage, sur son financement et sur son évaluation. D’abord, en effet, je crois qu’il n’y a pas d’expérimentation valable sans un ciblage précis, et l’expérimentation dont nous parlons aujourd’hui n’échappera pas à cette règle. Nous allons tomber rapidement d’accord, j’en suis certaine, sur le public : les demandeurs d’emploi de longue durée – c’est l’urgence –, qu’ils soient ou non bénéficiaires du RSA. Je pense également aux moins qualifiés ; je pense enfin aux demandeurs d’emploi de très longue durée : si nécessaire, leur accès à l’emploi et leur maintien dans l’emploi devront prendre appui sur un accompagnement adapté.

Nous devons nous entendre également sur le type de territoires qui pourront se porter candidats. Ils devront être de petite taille, pour un nombre limité de bénéficiaires, et disposer d’un réseau d’acteurs en mesure d’accompagner l’expérimentation. Pour se donner le moyen de réussir cette expérimentation, il nous faut en effet savoir commencer petit, quitte à contenir des élans, pour ensuite pouvoir généraliser cette initiative, sur la base d’un partenariat territorial qui aura fait ses preuves.

L’engagement de grandes collectivités ou d’établissements publics de coopération intercommunale est bien sûr bienvenu : il sera important pour la réussite du projet, mais toujours en recherchant, pour l’expérimentation, un petit territoire. Il ne s’agit pas de réduire l’ambition de la démarche, mais de la rendre contrôlable. Les territoires ruraux en ZRR – zone de revitalisation rurale – et les quartiers relevant de la politique de la ville pourront bien sûr être candidats, si les territoires concernés répondent aux critères et présentent un projet viable. Je crois d’ailleurs que ce serait un très bon signal, et nous aurons l’occasion d’en discuter.

Deuxième série de remarques, à propos du financement. Nous assumerons ce financement dans la perspective tracée par la proposition de loi : il doit s’agir d’une expérimentation à coût maîtrisé pour la collectivité et bénéficiant de l’apport financier d’une diversité de partenaires.

Pour déterminer la participation de chacun des financeurs du fonds national d’expérimentation qui sera créé par la loi, il faudra des principes simples, précisés dans un décret. L’engagement financier de l’État viendra compléter celui d’autres partenaires : les collectivités locales, les organismes publics ou privés. Je souhaite que cet engagement explicite soit une condition qui s’impose à chaque territoire pour intégrer l’expérimentation.

Je précise à ce titre que, la première année de l’expérimentation, l’État pourra consentir un effort financier exceptionnel pour mieux accompagner sa mise en place et que, au-delà, la participation de l’État s’élèvera à l’équivalent du coût d’un contrat initiative emploi. Cet engagement répond à la philosophie même de la proposition qui vous est faite aujourd’hui, à savoir qu’elle ne doit pas coûter plus cher aux collectivités publiques.

Enfin, je souhaite évoquer avec vous la question de l’évaluation. Elle ne sera possible que dans la mesure où les objectifs de l’expérimentation sont dès à présent clairement exprimés. C’est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi. Elle ne sera également possible que dans la mesure où le ciblage et les moyens mobilisés sont clairement identifiés : c’était l’objet de mes deux précédentes remarques.

Sur ces bases, nous demanderons que soient évalués, en toute rigueur et par un organisme indépendant, les points suivants : dans quelle mesure les demandeurs d’emploi de longue durée trouvent dans l’accès au CDI et par des activités d’utilité sociale, la voie d’une insertion sociale et professionnelle durable ; dans quelle mesure l’accès à l’emploi se réalise effectivement à coût constant ; et, bien sûr, quels sont les facteurs de réussite ou les freins à lever pour plus d’efficacité. C’est au terme de ce cheminement de cinq années et de l’évaluation menée que nous pourrons nous dire qu’il y a là une voie à emprunter, à plus large échelle.

Mesdames et messieurs les députés, je salue encore une fois l’initiative et le désir d’innovation porté par ATD Quart Monde et les territoires qui l’accompagnent. Plusieurs d’entre eux sont d’ailleurs d’ores et déjà candidats à une expérimentation. C’est un pari sur l’avenir, un pari qui se nourrit de la volonté des demandeurs d’emploi de travailler, de contribuer à la société et à son développement économique.

Je remercie les députés auteurs de cette proposition de loi et son rapporteur, qui invitent ainsi la représentation nationale à se mobiliser fortement pour soutenir ce projet. Je souhaite que nos débats nous permettent d’améliorer encore le texte, pour lui donner toute l’ambition et toute l’efficacité nécessaires. Au terme de nos débats et après les indispensables ajustements du texte, je souhaite que cette proposition de loi soit largement approuvée par votre assemblée.

Notre objectif, que je sais partagé sur l’ensemble des bancs de cette assemblée, est de faire baisser le chômage de manière massive et durable. Cette proposition de loi est innovante ; c’est une philosophie nouvelle qui s’impose. Pour ma part, je la soutiens. Nous devons créer les conditions les plus favorables à son expérimentation.

Mesdames et messieurs les députés, nous avons une responsabilité collective face à ce défi de l’emploi, parce qu’il y a urgence, parce que nous n’avons pas le droit de décevoir et que nous devons réveiller l’espoir ; je suis convaincue que nous pouvons y arriver. Nous le devons aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Dominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, défendre au nom de la commission des affaires économiques cette proposition de loi est pour moi parcourir mes terres de Lorraine et, avec un peu d’émotion, parcourir également un panthéon personnel.

Je me souviens de Gérard, une des personnes engagées dans cette entreprise dans le pays de Colombey-les-Belles, dans ma circonscription, qui plantait avec ATD Quart Monde, par un jour de grève des chômeurs, un bouleau. Une journaliste lui ayant demandé pourquoi un bouleau, il nous a appris que le bouleau était une essence pionnière, chargée de reconquérir les terres dévastées et qu’elle préparait le terrain pour des essences plus nobles. Il a eu du mal à terminer sa phrase : ce qu’il racontait là, c’était l’histoire d’une population, et non seulement d’un territoire dévasté. Il était ému aux larmes et, aujourd’hui, je suis fier d’être le député porte-parole de cette émotion et de ces combattants.

Je pense également à Michel Dinet, président fondateur de ce territoire de Colombey-les-Belles et ancien président de l’ODAS – Observatoire national de l’action sociale décentralisée – et du département de Meurthe-et-Moselle. Il a le premier répondu positivement à ATD Quart Monde pour ce combat. Michel Dinet disait qu’il préférait la coopération à la compétition, parce qu’elle permet à chaque homme, chaque territoire, de s’épanouir et de se développer à son propre rythme, sans risquer qu’un train allant trop vite ne l’écrase.

Je pense à Geneviève de Gaulle-Anthonioz, présidente d’ATD Quart Monde. En ces temps tragiques de la vie politique, cette première présidente d’ATD Quart Monde – après le père Joseph Wresinski – avait traversé la nuit des camps avant de s’engager toute sa vie sur ce chemin de l’espérance emprunté par ATD Quart Monde. La lutte contre la misère était sa manière à elle de résister au terreau qui avait fabriqué le nazisme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Il nous faut aujourd’hui mêler dans un même combat le renouveau productif et le renouveau civique : c’est le rendez-vous de notre époque, c’est le même combat. En amont, nous devrons veiller, dans chaque territoire d’expérimentation, à engager tous les éléments d’un écosystème productif propre au développement des entreprises.

Nous devrons veiller également à ce que toutes les politiques publiques régaliennes et habituelles – à l’instar de celle inventée par Bertrand Schwartz, qui imaginait que les territoires devaient faire cause commune autour des missions locales puis, plus tard, des maisons de l’emploi – soient mises en œuvre.

Nous devrons tout mettre en œuvre et nous devrons évaluer ces politiques et cette expérimentation en prenant en compte non pas un indicateur de type PIB – il serait imparfait pour rendre compte de l’effet attendu – mais, ainsi que je le proposerai dans un amendement, des indicateurs de développement humain, que nos collègues écologistes ont amenés dans cette assemblée pour éclairer et évaluer les politiques publiques.

Nous sommes à la veille d’une époque où, durablement, le marché seul, du fait des révolutions technologiques, sera incapable de répondre aux demandes d’emploi de nos concitoyens. La puissance publique, demain, ne pourra pas elle-même répondre à cette attente d’emplois. Alors il nous faut inventer, à nouveau et en permanence inventer, et la force des territoires et du mouvement social doit être au rendez-vous de cette inventivité.

C’est ce que nous faisons aujourd’hui en permettant l’épanouissement des territoires expérimentaux. Il faut inventer en mobilisant les territoires – hommage aux militants, mais également aux entrepreneurs et aux élus qui prennent des risques avec ces initiatives ; honneur également aux personnes qui, en situation de chômage, vont redresser la tête, ouvrir leurs mains, se tendre la main et, ensemble, se mettre en situation de responsabilité.

Nous allons partir de ce que Amartya Sen appelait la « capabilité », les compétences qui sont en chaque être humain. Nous avons besoin de tous les talents, de tous les hommes pour réussir. Comme on dit chez nous, à la campagne : « Et pourtant, il y a tellement de boulot ! » C’est cette rencontre qu’il nous faut organiser. Il nous faut, dans un monde fini, tel que Daniel Cohen l’a décrit, inventer une nouvelle prospérité, celle qui mettra la dignité humaine au cœur de nos politiques publiques.

Nous devons à la fois retrouver un esprit de fraternité et un esprit d’entreprise, retrouver dans nos territoires et pour les personnes les plus fragiles, de la fierté, parce que c’est cette fierté qui nous permettra de faire face aux démons contemporains. Nous pourrons alors dire, avec Bernard Lavilliers : « J’voudrais travailler encore, travailler encore ; Forger l’acier rouge avec mes mains d’or ; Travailler encore, travailler encore ; Acier rouge et mains d’or ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Discussion générale

M. le président. Mes chers collègues, nous ouvrons la discussion générale. Pour permettre au texte d’être examiné dans de bonnes conditions, je demande à chacun des orateurs de bien vouloir respecter son temps de parole maximal.

M. Gilles Lurton. Nous respectons toujours notre temps de parole maximal !

M. le président. Vous pouvez faire moins, monsieur Lurton, vous avez raison : je vous le rappellerai tout à l’heure, même si vous n’êtes pas inscrit ! (Sourires.)

La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, le chômage est endémique dans notre pays depuis plusieurs décennies. De crise en crise, les périodes d’amélioration ou de croissance n’ont pas permis de le faire diminuer dans des proportions significatives et acceptables. Les raisons en sont multiples : une démographie soutenue, une compétition exacerbée, une croissance et des investissements qui ne sont pas créateurs d’emplois – il y a bien d’autres raisons.

Dans ce contexte, la France est particulièrement touchée par la question du chômage de longue durée, qui constitue un enjeu majeur. Il faut rappeler – comme l’a fait Mme la ministre – que les chômeurs de longue durée sont plus de 2 millions aujourd’hui, contre 1 million il y a sept ans.

Depuis de très nombreuses années, des mesures sont régulièrement prises pour tenter de remédier à cette situation. Or force est de constater que les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances. Le chômage de longue durée est pourtant un facteur de désocialisation, non seulement pour ceux qui sont directement touchés, mais aussi pour leurs enfants et parfois même leurs petits-enfants. C’est un cycle infernal dans lequel des familles entières sont plongées et duquel il est extrêmement difficile de sortir.

La perte de dignité, le traumatisme qui l’accompagnent sont un gâchis considérable – pour ceux qui en sont les victimes, mais aussi pour le pays. Cela conduit parfois certaines personnes à ne plus même pouvoir travailler. Ce n’est pas un hasard si certaines d’entre elles retrouvent le chemin de l’emploi principalement dans le secteur des entreprises et des associations d’insertion.

Pour remédier à cette situation, la qualité de l’accompagnement est déterminante. C’est pourquoi la mise en place de cette loi nécessitera des moyens humains importants.

Le coût économique de la privation durable d’emploi est très important. Il pèse à la fois sur les ménages et sur l’État, notamment à travers les aides sociales. De même, nous savons que le chômage – plus encore lorsqu’il est de longue durée – a un impact très néfaste sur la santé des personnes concernées et même sur leur espérance de vie, comme l’attestent certaines études. Cette situation est un ferment parfois propice à l’intolérance et à la stigmatisation.

Ce sont là quelques raisons qui justifient déjà pleinement cette proposition de loi inspirée par ATD Quart Monde – cela a été dit mais je tiens à le répéter car c’est très beau –, dont les fondateurs furent Joseph Wresinski et Geneviève de Gaulle-Anthonioz, laquelle en fut longtemps présidente. Tous deux consacrèrent leur vie à la lutte contre la misère. Je tenais à le rappeler – et à saluer aussi les autres ONG qui ont soutenu cette proposition de loi.

Cette dernière présente un premier avantage : partir des territoires, de leur potentiel et des ressources humaines qu’ils détiennent. Le meilleur moyen de lutter contre le chômage c’est, en premier lieu, d’évaluer tout cela au plus près des réalités, c’est-à-dire à l’échelle d’un territoire.

De nombreux exemples de réussite existent en France. Je prendrai celui du Pays de Gex, dans le département de l’Ain, qui était spécialisé dans la fabrication d’objets en bois. Le marché déclinant, ce territoire s’est reconverti dans la fabrication de moules pour les plastiques, ce qui a donné naissance à une activité de plasturgie.

Le choix de s’en remettre à l’échelon local est tout à fait pertinent. De façon générale, une activité se développe bien lorsqu’elle utilise au mieux les compétences déjà existantes sur le terrain.

Autre point important et pertinent : le choix de créer des CDI. En effet, les nombreux dispositifs existants d’emplois aidés conduisent pour la plupart à des emplois limités dans le temps. Ainsi, après une formation ou un emploi aidé, la personne peut-elle parfois se retrouver encore sans emploi, particulièrement dans les domaines non marchands. C’est donc une grande nouveauté que de proposer de créer des emplois aidés en CDI ; nous nous en félicitons.

Cette proposition de loi présente aussi l’avantage d’agir, et pas seulement d’essayer de limiter les conséquences du chômage de longue durée. Nous ne sommes plus dans une approche passive du traitement du chômage. De plus, chaque euro d’argent public dépensé sera bien utilisé pour un emploi réel, à la différence de certaines aides indifférenciées comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont il n’est pas possible d’évaluer précisément le nombre d’emplois qu’il contribue in fine à créer.

Comme il s’agit d’une expérimentation, il faudra choisir les territoires qui seront retenus. Le texte, tel qu’il est présenté, ne donne pas de précision et j’aurais souhaité, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous puissiez nous en donner – notamment s’agissant du format de l’expérimentation, car vous parlez de quatre à dix territoires. Cela sera-t-il suffisant ? Quelle sera leur surface ?

Un certain nombre d’autres questions restent posées.

Il ne faudrait pas, par exemple, que les emplois créés soient des sous-emplois payés au SMIC, sans possibilité d’évolution. Je veux dire par là qu’il faut envisager parallèlement de donner une formation suffisante aux personnes qui intégreront le dispositif pour leur permettre d’évoluer. En effet, le chômage de longue durée est souvent lié à un manque de qualification ou à une qualification qui ne correspond pas aux besoins du marché du travail. Un effort particulier devra être fait dans ce sens.

De même, il faudra veiller à limiter les effets d’aubaines qui ne manqueront pas d’apparaître et faire en sorte notamment que les emplois ainsi créés ne remplacent pas des emplois qui auraient pu être créés par les moyens classiques.

Je tiens aussi à vous faire part de remarques quant à l’évaluation de cette expérimentation. On ne peut se limiter à en faire une évaluation classique, qui nous limiterait au seul résultat comptable. Or cette proposition de loi va bien plus loin. Dans une situation où nos économies ne connaîtront plus – pendant un certain temps du moins – une croissance durable et où la croissance n’est plus suffisante pour créer de l’emploi, il faut être à la fois capable de créer des emplois sans croissance et d’évaluer la réussite des politiques publiques sur d’autres critères que ceux habituellement retenus en matière économique et sociale.

C’est ici l’occasion de procéder à une évaluation à partir des nouveaux indicateurs de richesse mis en place récemment depuis l’adoption de la loi n2015-411 du 13 avril 2015, sur l’initiative de notre collègue Eva Sas, au nom du groupe écologiste de l’Assemblée nationale.

La question des moyens, bien sûr, doit être également posée. Les CDI créés bénéficieront d’un financement de l’État. Ainsi, la rémunération sera en partie financée par l’allocation que touchait la personne en chômage de longue durée. Le coût de l’emploi créé restera donc relativement raisonnable.

Le dispositif me paraît ainsi tout à fait opérationnel et je souhaiterais vivement que le Gouvernement et les collectivités locales s’y engagent résolument. Parions sur sa réussite afin que les mesures proposées soient rapidement généralisées. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Dominique Orliac.

Mme Dominique Orliac. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, après son étude en commission, nous voici donc amenés à examiner la proposition de loi d’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée, défendue par le groupe SRC.

À ce titre, je tiens dès à présent à saluer le travail qu’a effectué notre rapporteur, Laurent Grandguillaume. Cette proposition de loi est inspirée d’un projet innovant initié par l’association ATD Quart Monde sous le nom « territoires zéro chômeur de longue durée ».

Disons-le d’emblée : toute proposition dont le but est de réduire le chômage qui sévit dans notre pays est très bonne à étudier.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui diffère de la version initiale qui nous a été présentée en commission des affaires sociales, puisque la quasi-totalité des articles de la proposition de loi a été modifiée par M. le rapporteur au moyen de divers amendements de rédaction générale faisant suite notamment à l’avis rendu par le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, ainsi que par une délibération du Conseil d’État.

En effet, le CESE a voté le 10 novembre dernier à la quasi-unanimité un avis favorable au démarrage de l’expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée, mais il a également émis quelques réserves sur le texte.

Le CESE a considéré que le projet devait « concerner prioritairement » les personnes inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an qui ne sont pas ou plus indemnisées. Si ces personnes inscrites au chômage étaient bien embauchées en CDI, le CESE a jugé également qu’il était « inopportun de bloquer le niveau de rémunération » au SMIC.

En outre, il a insisté sur le nécessaire accompagnement des personnes embauchées – notamment en formation –, de façon à ce que certaines puissent sortir à un moment donné du dispositif.

Il a de plus estimé qu’il faudrait s’assurer que l’entreprise ainsi créée ne concurrencerait pas le secteur marchand ou non marchand local.

Le Conseil d’État, quant à lui, a rendu une délibération sur l’applicabilité des dispositions législatives contenues dans la proposition de loi initiale.

Tous ces avis et remarques ont donc conduit à une réécriture de votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.

Elle n’est plus composée de huit articles, comme initialement, mais de dix – dont un sans objet, l’article 6, qui a été supprimé lors de son passage en commission des affaires sociales.

La principale innovation de l’expérimentation est donc d’agir autant sur l’offre que sur la demande, à l’échelle de micro-territoires, pour les demandeurs d’emploi inscrits et qui sont involontairement privés d’emploi depuis plus d’un an, afin de leur donner une possibilité de reprendre le chemin de l’emploi.

Cette expérimentation doit être mise en place avec le concours financier de l’État, des collectivités territoriales et des organismes publics volontaires susceptibles de tirer un bénéfice financier de ces recrutements, avec pour objectif que ce bénéfice soit supérieur au coût du dispositif.

À ce titre, je pense que cette proposition de loi a le mérite de ne pas voir trop grand ni d’aller trop vite et de laisser un temps d’expérimentation de cinq ans sur quelques territoires – dans un nombre limité de collectivités territoriales désireuses de s’y soumettre.

La volonté de permettre à des demandeurs d’emploi d’être recrutés dans le cadre de contrats à durée indéterminée par des entreprises de l’économie sociale et solidaire pour exercer des activités complémentaires de celles qu’offre le secteur marchand doit être louée et saluée.

En effet, le Parti radical de gauche a toujours été partisan de la mise en place d’une économie sociale et solidaire et si cette dernière peut participer à la baisse des chiffres du chômage, cela nous semble plus qu’utile et bienvenu.

Alors que l’avis du CESE estimait que, telle qu’écrite, la proposition de loi initiale n’assurait pas un financement de l’expérimentation, je ne peux que saluer la volonté du rapporteur de prendre en compte les différents avis rendus sur le sujet afin de donner de réelles chances à ce texte d’aboutir, tant s’agissant de la procédure législative que de son application concrète, afin de voir de réels résultats quant à la reprise du travail dans nos territoires.

Notre groupe est satisfait de la nouvelle rédaction de l’article 3 votée en commission des affaires sociales. En effet, les dispositions sont désormais bien plus précises, notamment en attribuant dans la loi la gestion du Fonds d’expérimentation territoriale contre le chômage de longue durée à une association relevant de la loi de 1901 et en listant la composition du conseil d’administration qui comptera des élus et des représentants de l’État, mais aussi des représentants des corps intermédiaires.

Je l’ai déjà dit lors de nos débats en commission : il serait intéressant que les futures collectivités territoriales ou groupe de collectivités territoriales habilités puissent représenter le plus largement possible la diversité de nos territoires, car si le chômage est présent partout, certaines collectivités ne sont pas égales en ce qui concerne tant les offres que les demandes d’emplois offertes à nos concitoyens.

Cette proposition de loi me semble donc plus que pertinente, tant par son contenu que par son origine, à savoir l’association ATD Quart Monde. Lors des débats du jeudi 26 novembre dernier, le groupe RRDP et apparentés l’avait dit dans cet hémicycle : plus encore aujourd’hui qu’hier, les associations et le tissu qu’elles forment sur tout le territoire jouent un rôle très important dans la cité.

Il est important de rappeler à cette tribune la place plus qu’essentielle qu’elles jouent, ici et ailleurs. Souvent, elles sont le lien direct entre le citoyen et le politique quand la politique ne réussit plus à atteindre certaines personnes. Force est de constater qu’aujourd’hui les associations et la politique se complètent, lorsqu’elles ne se stimulent pas l’une l’autre.

Cette proposition de loi est un exemple de plus dans lequel le monde associatif stimule la politique en impulsant des idées, des projets, des envies. À travers la traduction du projet d’une association en dispositions législatives, nous menons un réel travail au plus proche des citoyens, lesquels témoignent d’une certaine perte de confiance en leurs représentants politiques, comme les résultats du premier tour des élections régionales viennent de le démontrer.

Le travail de M. le rapporteur et de l’association ATD Quart Monde est tout à leur honneur.

Alors que le chômage de longue durée touche plus d’un chômeur sur deux et que le chômage crée souvent un cercle vicieux qui éloigne peu à peu le citoyen de l’emploi – et, surtout, le déshumanise –, cette proposition de loi prolonge parfaitement la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

Elle permettra de faire sortir nombre de nos concitoyens du chômage de longue durée. Elle permettra aux collectivités locales et à l’État de faire des économies et elle mobilisera positivement tous ceux qui participent aux dépenses actuelles, mais également les acteurs de l’insertion, de l’emploi, les partenaires sociaux et les acteurs économiques.

Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP, les radicaux de gauche et apparentés, se félicitent que cette proposition de loi soit mise à l’agenda de notre assemblée. Nous la voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, cette proposition de loi vise à lutter contre le chômage de longue durée dans nos territoires.

La situation du chômage dans notre pays est particulièrement préoccupante. En effet, à la fin de l’année 2014, sur les 5,2 millions de demandeurs d’emploi que compte notre pays, 2,4 millions – soit près de la moitié d’entre eux – étaient des chômeurs de longue durée sans aucune activité, ou avec une activité très réduite. Depuis le début de la crise, la part des demandeurs d’emploi de longue durée est passée de 35 % à plus de 45 %. Parallèlement, le nombre de chômeurs de longue durée indemnisés par l’assurance chômage ne cesse de diminuer, pour atteindre seulement 48,6 % d’entre eux en 2013.

Mais il convient de se souvenir que, derrière ces chiffres, il y a des hommes et des femmes qui subissent de plein fouet les conséquences sociales de cette situation : isolement, sentiment d’inutilité, difficultés familiales, impossibilité d’accéder à un logement décent ou à des prêts bancaires.

Dans ce contexte, nous ne pouvons que partager l’objectif poursuivi par cette proposition de loi, qui vise à redonner un emploi à des personnes éloignées durablement du marché du travail, pour contribuer à des activités utiles socialement. Nous la soutenons d’autant plus que ce texte a été élaboré en étroite collaboration avec les associations qui travaillent auprès de ces publics. Ce texte est en effet le fruit d’une initiative d’ATD Quart Monde – cela a été rappelé – et il a reçu un large appui de la part du monde associatif, comme en témoigne le nombre important de soutiens, tels que le Secours catholique, Emmaüs, ou encore le Pacte civique.

L’originalité de ce texte tient également à son approche pragmatique, qui s’inscrit dans des logiques d’innovation sociale et d’expérimentation locale, à rebours d’autres recettes employées depuis vingt ans pour lutter contre le chômage. Il est temps, en effet, de sortir des dispositifs classiques de la politique de l’emploi, tels que les exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, qui tirent les rémunérations vers le bas, et dont tout le monde s’accorde à dire qu’elles sont inefficaces pour créer des emplois. Malheureusement, le Gouvernement continue pourtant de les maintenir, et il vient encore de les élargir, dans le cadre du CICE, notamment.

Je tiens à saluer l’esprit de cette proposition de loi, qui contribue à redonner de la dignité à ces personnes en situation d’exclusion économique et à lutter contre les préjugés à l’encontre des chômeurs, notamment celui selon lequel ils ne chercheraient pas vraiment du travail.

Enfin, ce texte peut, selon nous, contribuer à lutter contre le développement des inégalités dans nos territoires, en renforçant les structures de l’économie sociale et solidaire et en apportant une réponse de terrain, au plus près des besoins de nos concitoyens. La démarche est donc intéressante. C’est, dans le même temps, reconnaître qu’il existe des activités d’utilité sociale, lesquelles, sans intervention publique, ne pourraient être couvertes par le secteur privé lucratif, parce qu’on estime qu’elles ne sont pas rentables.

S’agissant maintenant des dispositions contenues dans cette proposition de loi, je veux dire d’emblée que le modèle d’expérimentation, qui envisage de proposer des emplois en contrat à durée indéterminée et rémunérés au SMIC horaire, constitue une réelle avancée, dans la mesure où les contrats aidés sont par essence à durée déterminée, ce qui pose des problèmes aux intéressés, qui sont ainsi maintenus dans la précarité. Il est évident que le fait de disposer d’un contrat à durée indéterminée conditionne une certaine stabilité, qui permet à la personne concernée de se projeter dans l’avenir, de payer un loyer, d’accéder au crédit, de former des projets et de construire une vie personnelle, sociale et familiale.

Nous saluons également la procédure d’évaluation prévue dans ce texte. Il est en effet important que ce type de dispositif puisse être évalué avant sa généralisation éventuelle. Nous regrettons, là encore, que vous n’ayez pas la même exigence d’évaluation des résultats du dispositif mis en place pour les entreprises du CAC 40, auxquelles le Gouvernement verse des milliards d’argent public, et qui mériteraient d’être évaluées.

Par ailleurs, les différentes modifications apportées au texte en commission, sur la base des avis rendus par le Conseil d’État et le Conseil économique, social et environnemental, ont amélioré sa rédaction initiale. Il est en effet nécessaire de cibler les bénéficiaires de cette expérimentation, et il nous paraît pertinent de retenir les chômeurs inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an. L’introduction du déplafonnement de la rémunération de ces salariés embauchés au SMIC est également une bonne mesure, car elle est stimulante pour l’avenir de ces personnes. Elle supprime, de plus, une discrimination par rapport aux autres salariés, et harmonise ces emplois avec les dispositions actuelles du droit du travail.

Enfin, je me félicite que des actions de formation soient désormais envisagées pour les bénéficiaires du dispositif d’expérimentation, car c’est une des conditions qui permettront à ces personnes de maîtriser leur parcours professionnel et d’envisager ce dispositif comme un tremplin vers des emplois éventuellement plus qualifiés. Au-delà des objectifs et du contenu de ce texte, sa mise en œuvre appelle cependant notre attention sur plusieurs points.

Le premier concerne les dispositifs déjà existants de l’insertion par l’activité économique, c’est-à-dire les entreprises d’insertion ou les chantiers d’insertion, qui visent également la prise en charge de personnes éloignées du marché du travail. Il convient donc d’être vigilants sur l’articulation de cette expérimentation avec les dispositifs qui existent déjà sur les territoires concernés. De ce point de vue, il nous semble nécessaire que le comité local associe les acteurs territoriaux de l’emploi, mais aussi les acteurs de l’insertion.

À défaut, cette expérimentation pourrait être perçue comme une nouvelle strate, ajoutant de la complexité, alors même que les politiques territoriales de l’emploi sont connues pour leur manque de lisibilité – c’est un reproche qu’on leur fait souvent. Il est évident que des mesures de ce type reposent aussi sur le volontarisme des acteurs locaux qui les mettent en œuvre. Aussi, un manque de clarté vis-à-vis des dispositifs existants pourrait conduire à une moindre efficacité du nouveau dispositif.

Le second point sur lequel nous devrons être vigilants concerne le choix des entreprises conventionnées, qui vont employer les chômeurs de longue durée. Les structures de l’économie sociale et solidaire étant ciblées par ce dispositif, nombre des entreprises concernées seront constituées d’associations. La question est alors de savoir sur quels critères ces associations seront retenues pour être éligibles aux financements du fonds national. Très souvent, les procédures d’appel d’offres favorisent les grosses associations, capables d’assurer un important volume d’activité, sans que les critères de qualité ne soient mis en avant, et ce, au détriment des petites associations. Je crois qu’il convient d’être très vigilants sur ce point.

Enfin, et ce sera ma dernière remarque, la réussite de ce type de dispositif tiendra beaucoup à l’accompagnement social et professionnel des personnes recrutées par les entreprises conventionnées. Aussi, il nous semblerait judicieux de prévoir, dans le texte, des mesures allant dans ce sens.

Pour conclure, nous soutenons les objectifs poursuivis, la démarche et les dispositions contenues dans ce texte, même si je ne vous cache pas que sa mise en œuvre peut, par certains aspects, nous apparaître complexe. Il faudra travailler !

Il s’agit là d’une expérience intéressante pour tenter d’enrayer la montée du chômage de longue durée et d’aider les personnes concernées.

Notre groupe votera donc, sans hésiter, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la grande exclusion, dont le chômage de longue durée est l’une des causes, est un fléau, dont les conséquences sont dramatiques. Dramatiques pour les personnes qui la vivent, mais dramatiques et lourdes, aussi, pour notre société. Ses conséquences sont économiques, sanitaires, humaines, et elles s’inscrivent malheureusement dans une dynamique extrêmement forte.

Ainsi, selon l’INSEE, le nombre de chômeurs de longue durée s’est accru de 56 % entre 2008 et 2013, alors que le chômage augmentait globalement de 43 % pendant la même période. Face à cela, la mobilisation des gouvernements pour lutter contre le chômage est une nécessité, tant elle correspond à un mal qui gangrène notre société. Des solutions sont proposées et mises en œuvre pour soutenir l’activité économique, pour renforcer les moyens de Pôle emploi, pour encourager l’investissement, pour contenir les charges, pour proposer des emplois aidés, pour accompagner l’insertion par l’activité économique, pour soutenir la formation professionnelle. Et il faut évidemment poursuivre l’ensemble de ces mesures.

Je voudrais néanmoins vous citer un passage du rapport que le Conseil économique, social et environnemental a consacré à cette proposition de loi. Il y est écrit que, « comme l’a souligné le rapport annuel du CESE sur L’état de la France en 2015, si des signaux de reprise de l’activité se dessinent, la croissance apparaît de moins en moins riche en emplois ». Il est encore indiqué que « la croissance n’est plus suffisante pour créer des emplois à la hauteur des besoins de notre population ». Il nous faut donc oser des pistes nouvelles, car nous multiplierons ainsi les possibilités d’accompagnement, de réinsertion sociale et de réinsertion professionnelle.

La proposition de loi qui nous est présentée, issue des travaux d’ATD Quart Monde, s’inscrit dans cette démarche d’innovation. Elle présente un intérêt fondamental, celui de changer de paradigme, en reconnaissant les compétences des personnes concernées par ce dispositif, d’une part, et en tenant compte, d’autre part, de l’offre locale de services, socialement utile et jusque-là non couverte.

Notre devoir, c’est de soutenir cette belle ambition. Et, de fait, l’ensemble du groupe socialiste, républicain et citoyen lui apportera un soutien résolu, déterminé et vigilant. Cette réussite, que nous appelons tous de nos vœux, suppose néanmoins certains préalables, que je me permettrai de rappeler. Comme cela a déjà été noté, il faudra en effet que nous nous montrions vigilants sur plusieurs points.

D’abord, et sans esprit de provocation, je voudrais m’adresser à certains membres de l’opposition et les appeler à sortir de la vision culpabilisatrice des chômeurs de longue durée. Personne ne peut se complaire dans un système qui exclut, qui appauvrit, qui ruine tout projet et tout avenir. Il peut y avoir du désespoir, voire du renoncement, certainement pas un sentiment de confort, mais plutôt celui que rien ne vous est proposé, qu’aucune main ne vous est tendue.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait ! C’est exactement cela !

M. Christophe Sirugue. Cette proposition de loi, dont j’ai compris que tout le monde allait la soutenir, c’est aussi une main tendue, pour peu que l’on reconnaisse les personnes dont on parle.

Je voudrais ensuite m’adresser à vous, madame la ministre : il faut que nous soyons attentifs au fait que nous créons un espoir qui ne saurait être déçu. Le ciblage des publics concernés par ce dispositif doit être affiné, précisé, car il ne peut, comme chacun sait, concerner les 56 % de chômeurs de longue durée que j’évoquais au début de mon propos, ne serait-ce que parce que les besoins à satisfaire, en dehors des mécaniques de l’économie habituellement constatées, ont eux aussi leur limite.

Enfin – et cette remarque, MM. les rapporteurs m’ont déjà entendu l’exprimer –, l’accompagnement des bénéficiaires de cette mesure doit être fort et efficace, au risque d’une embolisation du système.

De ce point de vue, je me réjouis des avancées qui ont été intégrées dans le texte, car qu’est-ce qui pourrait amener une personne soumise depuis des années au non-emploi et qui, grâce à ce dispositif, se trouverait en CDI à temps plein, à concevoir qu’elle devra en sortir un jour si elle ne bénéficie pas de l’accompagnement et de la formation qui sont intrinsèquement liés à la réussite du projet ?

Considérer des personnes pour ce qu’elles sont et pour leurs compétences et leur savoir-faire est plus important que de les accompagner au titre des dispositifs dont elles relèvent.

Je serai bien sûr très attentif à l’évolution, tout simplement parce que je suis intéressé à cet échange par la mission qui m’a été confiée par le Premier ministre sur le devenir des minima sociaux, au premier rang desquels le RSA ou l’ASS. Indispensables mais stigmatisants ou culpabilisants, ils devront être interrogés à l’aune de la même ambition que celle de cette proposition de loi : reconnaître les parcours, admettre les accidents, mobiliser les volontés et, finalement, avoir foi en l’homme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi intervient quelques jours après l’annonce d’une nouvelle forte hausse du chômage : 42 000 chômeurs de plus le mois dernier en catégorie A.

Je sais que vous n’aimez pas que nous vous rappelions votre bilan en la matière. Pourtant, il est bien réel et participe certainement du résultat du premier tour des élections régionales. Le Président de la République avait annoncé l’inversion de la courbe du chômage. C’est l’inverse et le ressentiment des Français a trouvé sa traduction dans les urnes.

La France compte aujourd’hui 3,8 millions de chômeurs en catégorie A et 5,7 millions si l’on additionne les catégories A, B et C. Depuis l’arrivée aux affaires de M. Hollande, ce sont plus d’1 million de chômeurs de plus. Toutes les régions sont touchées. C’est ainsi que la mienne, la Bretagne, compte 160 000 chômeurs en catégorie A – en hausse de 4 % en un an – et 266 000 dans les catégories A, B et C – en augmentation de 6 % en un an. Il s’agit non pas de simples données statistiques mais d’hommes et de femmes que l’impuissance publique désespère et qui ne supportent plus le décalage entre les discours, les actes et les résultats.

S’agissant des chômeurs de longue durée, la situation ne fait que s’aggraver : 10 % de plus en un an en France métropolitaine. Ils sont près d’1,5 million inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an en catégorie A et 1 million de plus si l’on considère les catégories A, B et C. Dans ma région, ils sont 62 000 de plus en un an en catégorie A et 117 000 toutes catégories confondues.

Depuis plus de trois ans, notre groupe tente de vous faire changer de cap, de vous faire comprendre aussi que ce sont d’abord les entreprises qui créent l’emploi, notamment les PME, et de vous faire admettre, enfin, que les entrepreneurs souffrent d’un niveau de charges sociales qui nuit à leur compétitivité et d’un droit du travail qui les freine dans leurs embauches. La hausse sans précédent des impôts et des taxes pesant sur les entreprises et les ménages a donné un coup d’arrêt brutal à une croissance déjà timide, alors que nos principaux partenaires européens en reprenaient le chemin.

L’échec est patent : la combinaison du CICE, du recours massif aux contrats aidés ou encore des quatre lois de votre gouvernement – loi relative à la sécurisation de l’emploi, loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, loi relative à l’économie sociale et solidaire, loi relative au dialogue social et à l’emploi – n’ont pas permis de résorber le chômage.

Toutes les propositions du groupe Les Républicains, que ce soit sous la forme d’amendements à vos textes ou de propositions de loi, je dis bien toutes, ont été rejetées, et parfois sans même être discutées. Elles ont pourtant comme seul objectif de rapprocher l’offre et la demande d’emploi dans notre pays, d’offrir de la flexisécurité à la française et de favoriser la mobilité professionnelle et géographique dans un monde du travail en profonde mutation.

Ce sont là les conditions sine qua non à réunir pour espérer le recul durable du chômage, et donc du chômage de longue durée, un chômage de longue durée que cette proposition de loi vise à faire disparaître – « une utopie réaliste » pour reprendre votre propos de cet après-midi –, en expérimentant pendant cinq ans et en proposant des emplois, qui seraient aujourd’hui non couverts, à des « personnes durablement privées d’emploi », sur dix territoires expérimentaux. Les personnes seraient recrutées en CDI, par des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Nous pouvons partager l’objectif mais nous aurions préféré que vous vous attaquiez aux causes au lieu de réparer les effets de choix politiques qui n’ont jusqu’à présent pas permis de satisfaire les 300 000 offres d’emploi non pourvues dans notre pays. Si vous ne niez pas cette réalité, madame la ministre, c’est déjà très encourageant. Mais vous ne nous avez toujours pas dit comment vous alliez y remédier,…

M. François Loncle. Et vous, qu’avez-vous fait avant ?

Mme Isabelle Le Callennec. …alors que cela devrait être votre priorité et la nôtre dans chacune de nos circonscriptions.

J’en reviens à votre proposition. Elle s’inspire largement d’une idée défendue depuis de longues années par une association dont chacun connaît ici l’engagement au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion : je veux parler d’ATD Quart Monde.

S’agissant des bénéficiaires, ils doivent être inscrits à Pôle emploi. Or, pour mémoire, seulement un tiers des chômeurs de longue durée perçoivent une allocation chômage. On peut donc imaginer que nombre d’entre eux ne sont plus inscrits à Pôle emploi. Dans l’esprit des responsables d’ATD, les intéressés pouvaient être bénéficiaires, ou pas, d’allocations, être ou ne pas être inscrits à Pôle emploi, être indemnisés ou non. L’article 2 restreint la cible et des amendements de nos collègues encore plus. Nous aurons un débat sur ce point.

Quelle que soit leur situation avant l’inscription à Pôle emploi, puisque c’est une condition sine qua non, il faudra confier leur accompagnement à des professionnels formés à l’insertion sociale et professionnelle, comme le prévoit l’article 4. L’exclusion du marché du travail va souvent de pair avec des difficultés connexes qui fragilisent un retour à l’emploi pérenne. Les formations, quand formation il y aura, devront, de mon point de vue, être suivies d’un taux de reclassement élevé, sous peine de provoquer de la déception voire de la frustration chez les personnes qui ont fait l’effort de se former. Il faudra assurément être vigilant sur ce point.

S’agissant des emplois, ils sont censés être « non couverts », sans se substituer à des emplois existants. Il doit donc s’agir d’emplois supplémentaires, qui ne sont pas proposés aujourd’hui mais qui répondent à un besoin non satisfait d’utilité sociale, étant entendu que, dans le dispositif, les personnes embauchées s’engagent à poursuivre leur recherche d’emploi et à accepter les offres raisonnables.

La question se pose tout de même d’une concurrence du dispositif avec les emplois aidés, notamment les contrats uniques d’insertion et contrats d’accompagnement dans l’emploi – CUI-CAE – du secteur non marchand. Dans mon territoire, de nombreuses entreprises ou associations qui participent de l’économie sociale et solidaire estiment soit que les besoins sont couverts par les contrats aidés déjà en cours, soit qu’elles ne sont pas assez structurées, en ressources d’encadrement ou en logistique, pour recruter davantage.

S’agissant du financement global, dans le projet initial d’ATD, le fonds « zéro chômeur de longue durée » devait permettre de mobiliser la dépense sociale économisée du fait de l’entrée en emploi des personnes embauchées, autrement dit les allocations chômage et les minima sociaux. C’était la grande originalité du dispositif. Or le transfert de cette non-dépense sociale vers le Fonds d’expérimentation territoriale que vous créez pour l’occasion n’est pas possible. Le financement sera somme toute classique – des emplois conventionnés par les collectivités locales volontaires et une ligne dans le budget de l’État –, sauf que rien n’a été voté en ce sens dans le projet de loi de finances pour 2016.

J’ai bien entendu votre argument, monsieur le rapporteur, selon lequel la montée en puissance sera progressive et ne devrait pas peser sur les finances publiques en 2016, mais tout de même. Le redéploiement de moyens dévolus aujourd’hui aux contrats aidés paraît inéluctable. Si ce n’est pas l’option retenue, comment comptez-vous assurer un financement sécurisé et pérenne de ce dispositif ? Vous avez évoqué, madame la ministre, un engagement financier fort, sans en préciser le montant.

Nous nous interrogeons également sur la gouvernance du dispositif. La gestion du fonds d’expérimentation est confiée à une association administrée par un conseil d’administration dont la composition est précisée à l’article 3, ce qui va à peu près à condition que les membres siègent à titre bénévole. Ce sera l’objet d’un de mes amendements. En revanche, ce qui nous inquiète, c’est que ce conseil nommera un directeur général chargé du fonctionnement de ce fonds.

Mon inquiétude, monsieur le rapporteur, me pousse à vous poser une question : quelle part du fonds alimentera les frais de la structure ? Ne pensez-vous pas que chaque euro dépensé doit l’être au profit des bénéficiaires ? Nous si.

Sur les terres d’expérimentation, sur ces dix micro-territoires, des comités locaux piloteront le dispositif, identifieront les besoins et les emplois utiles et recevront les candidats pour identifier leurs motivations et leurs compétences. Des conventions seront passées avec les collectivités locales, Pôle emploi et l’État. Avez-vous prévu de lever l’obstacle juridique qui interdit à Pôle emploi de communiquer la liste nominative répertoriant les demandeurs d’emploi de longue durée ?

Enfin, puisque tout se jouera sur le terrain, ce qui est souhaitable, je réitère mes interrogations qui n’ont pas obtenu de réponses en commission. Quel sera le rôle des entreprises d’insertion par l’activité économique, celui des associations ou encore celui des agences d’intérim spécialisées dans l’insertion ? C’est un point majeur qui, s’il n’est pas traité par anticipation, engendrera inévitablement des résistances de la part des structures locales existantes.

En commission des affaires sociales, j’avais porté un vote d’abstention positif au nom du groupe Les Républicains. Si nous partageons l’objectif de lutte contre le chômage de longue durée et si nous sommes favorables aux expérimentations, nous nous interrogeons encore sur le ciblage des bénéficiaires, sur l’appétence à venir des entreprises et sur le mécanisme de financement et redoutons toujours les risques de complexité du dispositif. C’est, logiquement, en fonction des réponses que vous apporterez à nos questions et du sort que vous réserverez à nos amendements que nous nous positionnerons entre un vote d’abstention lucide et un vote positif mais vigilant. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Paul. Le suspense est intense !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, notre assemblée aborde aujourd’hui l’examen de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée, texte issu d’une idée intéressante d’ATD Quart Monde.

Les chiffres sont sans appel et nous incitent à agir dès maintenant : 5,7 millions de Français sont touchés par le chômage. En octobre 2015, le nombre de demandeurs d’emploi, inscrits à Pôle emploi en catégorie A, a augmenté de 1,2 % par rapport au mois de septembre, ce qui fait 42 000 chômeurs supplémentaires. Leur nombre a augmenté de 3,7 % sur un an. La part des demandeurs d’emploi de longue, voire de très longue, durée augmente d’année en année. Parallèlement, le nombre d’offres d’emploi collectées par Pôle emploi a diminué de près de 2 % au mois d’octobre 2015. Ce n’est plus un secret pour personne : le chômage de masse fragilise et menace aujourd’hui notre système social.

Cependant, ce n’est pas le travail qui manque, ce sont les emplois. Une multitude de besoins ne sont pas satisfaits et de nombreux travaux utiles à la société aujourd’hui ne sont pas ou sont peu utilisés. Il s’agit désormais de mettre en place un dispositif innovant pour contredire tous ceux qui pensent avoir déjà tout essayé contre le chômage de longue durée. À plusieurs reprises, le groupe UDI a apporté son soutien à des dispositifs d’accompagnement public à l’emploi, car ils peuvent préserver temporairement la cohésion sociale.

Madame la ministre, il est grand temps que l’emploi devienne la priorité du Gouvernement, qui n’a cessé de repousser les réformes courageuses permettant de lutter contre le chômage. Dans un contexte économique et social difficile, la proposition de loi examinée aujourd’hui a retenu l’attention du groupe UDI. La croissance n’est pas suffisante pour créer de l’emploi : c’est pourquoi nous avons besoin de dispositifs innovants, qui créent de nouvelles activités non délocalisables.

Nous saluons les avancées obtenues sur notre initiative en commission des affaires sociales, telles que la réduction de la période de dépôt du rapport d’évaluation de deux ans à dix-huit mois avant la fin de l’expérimentation, ce qui laissera suffisamment de temps à celle-ci pour s’appliquer et être évaluée avant que l’on décide éventuellement sa généralisation. Par ailleurs, la commission des affaires sociales a retenu notre proposition de faire siéger deux parlementaires au sein du conseil d’administration du Fonds national d’expérimentation.

Cependant, certains points importants du texte doivent encore être précisés. Je pense notamment aux types de bassins d’emploi dans lesquels l’expérimentation sera menée. Il nous semble important que celle-ci puisse s’inscrire dans les territoires en politique de la ville comme en territoire rural ou périurbain – vous l’avez du reste indiqué. C’est une question d’harmonisation avec les dispositifs législatifs existants, c’est-à-dire de cohérence politique. Nous proposons qu’au moins un territoire situé en zone de revitalisation rurale et au moins un autre classé en quartier prioritaire de la politique de la ville participent à l’expérimentation.

Ces territoires, qui sont souvent confrontés à un nombre important de demandeurs d’emploi, bénéficient déjà de dispositifs sociaux et fiscaux spécifiques. Ils paraissent donc avoir toute leur place au sein de cette expérimentation. Les dispositifs en faveur de l’emploi doivent pouvoir s’appliquer dans les territoires les plus en difficulté.

Par ailleurs, l’article 4 de la proposition de loi vise à s’appuyer sur les entreprises de l’économie sociale et solidaire au sens de la loi du 31 juillet 2014. Vous savez l’attachement que le groupe UDI porte à l’économie sociale et solidaire. Le rapport que j’avais élaboré en 2010, en lien avec les acteurs de ce secteur, avait formulé des propositions pour en permettre le développement. Plusieurs d’entre elles se retrouvent d’ailleurs dans la loi présentée par Benoît Hamon.

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire représentent 10,5 % de l’emploi total et 14 % de l’emploi privé en France.

Orientée vers des activités relevant de l’action sociale et de la solidarité, l’économie sociale et solidaire n’est cependant pas qu’une économie de la réparation. Elle appréhende, plus généralement, l’ensemble des enjeux de société pour lesquels émergent des besoins nouveaux sans que l’initiative privée ou le secteur public n’aient pu apporter de réponse.

De fait, l’économie sociale et solidaire est une source d’innovation sociale cohérente avec l’objectif de cette proposition de loi. Je ne doute pas que l’expérimentation proposée trouvera dans les entreprises de l’ESS des partenaires fiables et enthousiastes pour mettre en œuvre ce dispositif novateur.

Cependant, nous proposons qu’au-delà des entreprises de l’ESS, toute entreprise puisse participer à l’expérimentation, sous réserve de respecter des critères définis par décret et limitant les possibles effets d’aubaine. Cette ouverture, demandée par certains acteurs de l’économie sociale et solidaire, limiterait les effets d’une possible concurrence considérée comme déloyale car subventionnée. Elle ouvrirait également la perspective d’une large généralisation à l’issue de la période d’expérimentation.

Par ailleurs, les structures qui seront amenées à participer à l’expérimentation doivent voir les conditions financières de leur participation sécurisées. Dans un contexte financier trop souvent incertain, elles doivent avoir l’assurance que leur participation à l’expérimentation n’est pas de nature à déséquilibrer leur trésorerie et à leur créer des difficultés qui pourraient, le cas échéant, les mettre en péril. Le moindre doute sur ce point essentiel mènerait l’expérimentation à l’échec. La sécurité financière du dispositif et des structures susceptibles d’y participer est un élément de mobilisation autour de l’expérimentation.

De même, la formation et l’accompagnement des bénéficiaires du dispositif seront un point essentiel pour la réussite de l’expérimentation, tant au niveau de la baisse du nombre de chômeurs de longue durée qu’en termes de compétences et de savoir-faire des salariés.

Les bénéficiaires de l’expérimentation doivent ainsi pouvoir accéder aux dispositifs de la formation professionnelle, de manière à valider les compétences acquises au sein de l’entreprise qui les embauche ou à en acquérir de nouvelles. L’accès à la formation, dans le cadre du dispositif proposé à l’expérimentation, est un gage de pérennité de l’insertion de ces salariés sur le marché du travail. S’agissant de demandeurs d’emplois de longue durée, nous proposons que cette formation soit prise en charge par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Des précisions doivent encore être apportées en ce qui concerne l’accompagnement social du bénéficiaire d’un contrat de travail dans le cadre du dispositif proposé. En effet, s’agissant de demandeurs d’emploi de longue ou très longue durée, l’exclusion du marché du travail s’accompagne très souvent de difficultés connexes, en termes de mobilité, de santé, de logement ou d’isolement, qui peuvent constituer des obstacles redoutables à un retour à l’emploi pérenne. On ne peut pas laisser la structure employeuse ni le demandeur d’emploi seuls face à ses questions.

Mes chers collègues, l’expérimentation envisagée par cette proposition de loi est un pari ambitieux. Elle a l’avantage de trouver son inspiration dans un travail commun entre le Parlement et les acteurs locaux reconnus de l’insertion et de l’économie sociale et solidaire, qui partagent une expérience de terrain et une volonté d’innovation. Elle s’inscrit, en quelque sorte, dans une démarche d’activation des dépenses passives, une démarche expérimentale ancrée dans la réalité des territoires, qui va pouvoir être évaluée dans le temps et faire l’objet d’un suivi permanent.

Cette proposition de loi offre un dispositif concret permettant de lutter contre le chômage de longue durée. Le groupe UDI y est plutôt favorable, mais il souhaite que nos débats apportent désormais les précisions nécessaires afin de proposer à l’expérimentation un dispositif qui puisse faire la preuve de toute son efficacité.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la lutte contre le chômage de longue durée est une obligation morale et politique. Cette situation est contraire à la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont l’article 23 dispose : « Toute personne a droit au travail ». Le préambule de la Constitution de 1946, repris dans le texte de 1958, affirme à son tour : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. »

Or 2,4 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi depuis plus d’un an ; 800 000 le sont depuis plus de trois ans, et on sait bien que ces chiffres ne recouvrent pas toutes les situations. Il faut donc veiller à ce que l’expérimentation s’affranchisse des catégories administratives et parte du vécu réel des personnes.

Le chômage de très longue durée n’est pas constitutionnel. Il est aussi très contre-productif sur le plan économique : la grande précarité ralentit la consommation, empêche l’investissement des ménages concernés, entraîne des surendettements. Elle accroît les dépenses publiques en allocations – ASS et RSA –, en secours d’urgence, en obligation de logement, en aides sociales diverses, et même en dépenses de santé, tellement le chômage et l’exclusion rendent malades plus souvent et durablement.

Ces coûts sont évalués à environ 15 000 euros par personne et par an. Ce chiffre ne tient pas compte des effets du chômage de longue durée en termes de dégradation des capacités professionnelles, de dégâts psychologiques ou de perte de repères pour les enfants des familles durablement exclues de l’activité professionnelle. Le chômage de longue durée a donc aussi un coût sociétal très élevé.

Le chômage de longue durée et l’exclusion sociale déstabilisent aussi notre pacte républicain ; ils créent de plus en plus d’incompréhensions et de tensions. De nombreux chômeurs et précaires ne croient plus aux promesses d’égalité et de fraternité de la République. De leur côté, certains inclus se persuadent que de plus en plus de chômeurs sont des profiteurs des aides sociales. Le racisme social se nourrit d’ignorance et de slogans, comme tous les racismes.

M. Christophe Sirugue. Très bien !

M. Jean-René Marsac. Il est donc plus que temps d’ouvrir des voies nouvelles pour lutter contre le chômage, particulièrement contre le chômage de longue durée. Le choix d’expérimenter, dans dix petits territoires, une réorientation de la dépense publique vers le soutien à des emplois en CDI est une bonne démarche, que nous appuyons.

Il ne s’agit plus ici d’administrer par des circulaires un énième dispositif d’insertion, avec des catégories administratives et des objectifs chiffrés. Il s’agit, dans les comités de pilotage locaux, de donner des impulsions, d’innover et d’arbitrer au plus près du terrain entre les hypothèses porteuses de développement d’emplois et ce qui peut se révéler être des impasses – il y en aura sans doute !

Pour réussir, l’expérimentation exige un pilotage interpartenarial très innovant et très rigoureux. Il faut que chaque partie prenante en prenne conscience. J’en appelle à Mme la ministre pour tenir ce cap.

Ayant participé aux prémices de ce projet, dans le dialogue avec ATD Quart Monde, depuis deux ans, et à l’amorce du travail collectif conduit à Pipriac et à Saint-Ganton, dans ma circonscription, je souhaite souligner quelques éléments qui structurent très fortement la démarche.

La dimension collective, ancrée dans un territoire repéré par tous les acteurs – deux communes, en l’occurrence – est déterminante. Les personnes à la recherche d’un emploi sortent de l’isolement en créant des liens avec leurs pairs, mais ils coopèrent aussi avec des chefs d’entreprise, des élus, des fonctionnaires de l’État et des collectivités locales, ou encore des responsables associatifs. Tout bouge dans les représentations des uns et des autres, et le goût de faire ensemble crée des dynamiques personnelles.

Par ailleurs, le sentiment d’utilité sociale et l’opportunité de révéler à nouveau ses capacités professionnelles provoquent une bouffée de reprise de confiance en soi qui dépasse de très loin toutes les autres méthodes d’accompagnement social.

Plusieurs d’entre vous l’ont souligné tout à l’heure : la perspective de proposer un CDI lève cette pression que les personnes vivent depuis des années entre l’intérim, les CDD, les stages, les contrats d’insertion et les dossiers administratifs à faire et à refaire encore et encore.

Pour avoir participé à sa genèse, je ne crois pas du tout que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui soit, de quelque manière que ce soit, en concurrence avec l’insertion par l’activité économique : au contraire, elle la prolonge, elle la complète, elle l’enrichit.

Depuis trente ans, nous nous rendons compte que l’activité professionnelle n’est pas l’aboutissement d’un parcours d’insertion ou de formation, mais qu’elle en est le support d’amorçage le plus efficace. Oui, le retour à l’emploi passe par l’emploi. Cela paraît une pirouette, c’est pourtant l’évidence pour ceux qui connaissent assez bien le sujet. C’est dans l’exercice d’une activité professionnelle que se construisent l’insertion et la formation des moins qualifiés et de tous ceux qui ont perdu confiance en eux-mêmes.

Enfin, cette expérimentation est une de ces innovations sociales qui doivent trouver leur place aux côtés des innovations technologiques. Ces innovations sociales sont tout aussi porteuses de créations d’emplois ; elles s’expriment déjà dans l’économie sociale et solidaire, dans de nouvelles formes collaboratives, dans de nouveaux services locaux. Le financement de ces innovations sociales, entrepreneuriales et territoriales est un investissement productif en activités économiques et en emplois : c’est un investissement nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, Isabelle Le Callennec l’a dit tout à l’heure : le vote du groupe Les Républicains sera une abstention positive.

Mme Monique Rabin. Cela ne veut rien dire !

M. Dominique Tian. Bien évidemment, madame la ministre, la lutte contre le chômage doit être la priorité de tous : nous sommes tout à fait d’accord. Cela dit, je ne crois pas qu’un tel dispositif puisse être imaginé dans la plupart des autres pays européens, notamment en Allemagne.

Madame la ministre, le couperet est tombé et les chiffres du chômage sont malheureusement terrifiants : en octobre, le nombre de chômeurs a augmenté de 42 000. La France compte désormais 3,8 millions de chômeurs. La comparaison européenne n’est pas favorable à notre pays : ainsi, l’Allemagne connaît aujourd’hui un taux de chômage de 6,3 %, le plus faible depuis la réunification.

Permettez-moi de vous dire qu’avec cette proposition de loi, nous sommes dans le bricolage, dans le marketing – je l’ai d’ailleurs déjà dit à l’occasion d’une question au Gouvernement. Ce texte ne s’appliquera que sur dix territoires ; il ne représente que 10 millions d’euros, réservés à l’économie sociale. C’est un bel effet d’annonce qui tombe peut-être bien, monsieur le rapporteur, mais qui n’est vraiment pas à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes confrontés.

Chacun sait que le chômage prospère malheureusement en France pour deux raisons : d’une part, la complexité de notre droit du travail, unique au monde, qui comporte 10 600 articles ; d’autre part, les charges qui pèsent sur l’emploi. Nous connaissons des difficultés particulières en matière de compétitivité.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oh non, monsieur Tian…

M. Dominique Tian. J’en viens à la deuxième raison pour laquelle nous abstiendrons. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Votre groupe n’a pas l’air très mobilisé !

M. Dominique Tian. Malheureusement, madame la ministre, vous empilez des dispositifs qui ne fonctionnent pas – et vous le savez. Il y a eu les emplois jeunes, il y a maintenant les emplois d’avenir, la garantie jeunes, dont je vais vous reparler, les contrats de génération, qui ne fonctionnent pas, ou encore l’aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise – l’ACCRE –, que vous avez failli supprimer il y a quelque temps.

Je ne prendrai qu’un exemple, peut-être le plus choquant : celui de la garantie jeunes, mise en place par la mission locale de la ville de Marseille, sur laquelle je vous ai interrogée dernièrement. Cette garantie jeunes cible le public des jeunes les plus éloignés de l’emploi.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le sujet !

M. Dominique Tian. Le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, nous a demandé de jouer le jeu : nous avons donc contractualisé avec l’État. Or toutes les missions locales ont le même problème : vingt et une d’entre elles ont attaqué l’État devant le tribunal administratif pour retard de paiement. Vous savez que les missions locales connaissent des difficultés tout à fait extraordinaires. Aujourd’hui, nous constatons que le contrat signé avec l’État est tellement déséquilibré que les problèmes administratifs et les rigidités…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous êtes hors sujet, monsieur Tian !

M. Dominique Tian. Pas du tout, madame la présidente ! On empile les systèmes…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Zéro pointé !

M. le président. Madame la présidente, je vous prie de laisser M. Tian s’exprimer.

M. Dominique Tian. Surtout quand il a raison ! (Sourires.)

M. le président. Il a été sage pendant les interventions précédentes…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’était pour l’aider ! Je pensais qu’il s’était trompé de texte !

M. le président. S’il vous plaît, madame la présidente…

M. Dominique Tian. La garantie jeunes ne fonctionne quasiment nulle part. Elle ne fonctionne pas à Marseille, et pourtant, nous essayons d’atteindre les objectifs. En effet, les dossiers sont très compliqués, à tel point que certains sont impossibles à remplir.

De plus, madame la ministre, les retards de paiement de l’État sont tels qu’ils nous mettent en grand péril. On a longtemps parlé du Fonds social européen, le FSE, dont les subventions sont redistribuées par l’État avec deux à trois ans de retard.

Les acteurs de terrain eux-mêmes désespèrent, les difficultés s’accumulent et le mille-feuille ne cesse de gagner en complexité, comme l’a d’ailleurs souligné le Conseil économique, social et environnemental il y a peu de temps.

Le présent texte entend mettre en place un nouveau dispositif. Pourquoi pas ? Bien évidemment, nous ne pouvons pas y être opposés. Mais vous savez très bien qu’il ne vise qu’à montrer que l’État fait quelque chose, alors qu’il ne s’attaque pas aux vrais problèmes.

Si vous voulez marquer l’histoire de votre empreinte, madame la ministre, posez-vous la question suivante : comment peut-on simplifier les dispositifs qui s’empilent et qui ne sont pas efficaces ?

Mme Monique Rabin et Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ce n’est vraiment pas le sujet !

M. Dominique Tian. Ensuite, attaquez-vous à la réforme du code du travail. Ça, c’est un vrai sujet ! Prévoyez peut-être aussi un déplacement en Allemagne. C’est toujours un plaisir de vous recevoir à Marseille, mais allez un peu dans les autres pays européens et demandez-vous pourquoi leurs mesures de lutte contre le chômage sont vraiment efficaces.

Mme Isabelle Le Callennec. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je maintiens mes propos : c’était hors sujet !

M. le président. La parole est à M. Jean Grellier.

M. Jean Grellier. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, avons-nous vraiment tout essayé dans la lutte contre le chômage, en particulier contre le chômage de longue durée ? La question revient souvent dans nos réflexions et nos préoccupations.

Cependant, il nous faut être clairs : nous devons tout faire pour que le développement économique de notre pays, qui va désormais s’appuyer sur les transitions écologique et énergétique, mais aussi sur des ruptures technologiques fortes, puisse être en mesure d’intégrer un maximum de personnes dans ce que l’on peut appeler l’emploi traditionnel, qu’il soit industriel ou de service, tertiaire, secondaire ou primaire.

Pour cela, nos systèmes de formation, générale ou professionnelle, doivent s’adapter continuellement pour être en adéquation avec les compétences et les qualifications qui sont recherchées. Il faut saluer toutes les initiatives qui ont été prises ces dernières années avec les régions pour faire évoluer ce système. Mais il y a encore des efforts à faire, comme vient de le faire remarquer le récent rapport du Conseil national de l’industrie, présenté par Mme Isabelle Martin de la CFDT lors de sa dernière réunion plénière.

Il faudra sans doute aussi – c’est là un avis personnel – imaginer d’autres bases de contribution et de cotisations que la seule base salariale pour le financement de notre solidarité, afin d’établir des péréquations entre les entreprises. Mais c’est un autre sujet.

Même si toutes ces orientations portent un jour leurs fruits pour offrir au plus grand nombre des perspectives d’emploi, nous sommes obligés aujourd’hui d’imaginer d’autres solutions, surtout à court et moyen terme pour toutes celles et tous ceux qui sont affectés par le chômage de longue durée.

En 2014, plus 42 % des personnes qui sont au chômage le sont depuis plus d’un an selon l’INSEE, soit presque un demandeur d’emploi sur deux.

M. Dominique Tian. Demandez-vous pourquoi !

M. Jean Grellier. Par ailleurs, plus de 700 000 personnes sont au chômage depuis plus de trois ans. Elles ont épuisé leurs droits et ont basculé vers les minima sociaux.

Afin d’aider ces personnes à retrouver de l’emploi, le secteur de l’insertion par l’activité économique joue un rôle prépondérant et obtient des résultats intéressants qu’il faut souligner, soutenir et encourager. Mais, nous le voyons dans nos territoires, ce n’est pas suffisant. Et c’est là que cette proposition de loi expérimentale que nous allons examiner peut apporter des solutions supplémentaires.

Son titre – « Expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée » – porte en lui-même une ambition, une motivation et des objectifs. Il correspond bien à la notion d’expérimentation et s’appuie sur une démarche forte d’innovation sociale. Mais il porte aussi, au-delà peut-être de l’utopie initiale, une forme de réalisme puisqu’il s’appuie sur des territoires déjà en marche et qui se sont portés candidats afin de réaliser ce projet dès que le texte législatif sera adopté.

Par ailleurs, ce texte s’appuie sur des démarches citoyennes et associatives autour d’ATD Quart Monde, qui porte depuis plusieurs années cette idée et ce projet, et qui a su fédérer autour d’elle.

L’ensemble de la démarche s’appuie aussi et surtout sur des acteurs locaux qui ont pu se rassembler pour la soutenir et lui donner le maximum de chances de réussir. Ils doivent relever le défi de faire émerger de nouvelles activités tout en trouvant une adéquation avec les compétences déjà développées, mais aussi potentielles, des personnes concernées. Ce défi s’appuie donc sur une dimension humaine, mais aussi des ressources de solidarité dans les activités qui seront retenues.

Il est vrai que le chemin est étroit, mais il fait aussi appel à l’imagination collective, qui doit trouver son équilibre pour ne pas empiéter sur des activités économiques classiques ou encore d’insertion. Le texte que nous allons examiner en définit le cadre et le caractère expérimental doit ensuite permettre de l’affiner, de le préciser, voire de le rectifier.

La structure du Fonds de financement qui matérialise les soutiens financiers sociaux et de solidarité des personnes concernées, complété par l’indemnisation supplémentaire des activités, doit permettre d’apporter une rémunération au niveau d’un SMIC sur la base d’un CDI, ce qui donne aussi des perspectives rassurantes et sécurisantes tout en permettant d’établir des passerelles avec d’autres secteurs d’activité plus traditionnels.

Ces territoires d’expérimentation, dont l’un se trouve dans ma circonscription, autour de la ville de Mauléon et de ses communes déléguées, sont déjà en marche et en mesure de se mettre en mouvement tout de suite. D’autres seront candidats dès que la loi sera promulguée.

Nous n’avons pas le droit, collectivement, de les décevoir. Nous devons au contraire être à la hauteur du défi que tous les acteurs locaux ont envie de relever et ainsi de faire vivre encore plus concrètement dans ces territoires les valeurs de la République, mais aussi celles de la citoyenneté et de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, le chômage de longue durée est un drame d’une profonde gravité, dont les répercussions sont insidieuses et néfastes pour l’ensemble de la société. Il est un adversaire redoutable pour l’émancipation individuelle ; un frein pour le développement économique ; un contradicteur de taille eu égard aux volontés d’épanouissement d’un peuple.

La proposition de loi que nous examinons, dont l’innovation sociale et la dimension humaine sont absolument remarquables, porte la haute ambition de combattre ce fléau. Au sein du groupe socialiste, nous sommes particulièrement fiers de mener cette bataille, dont les motivations sont l’expression des valeurs fondamentales de la gauche.

Ce texte s’inscrit dans une démarche globale, repose sur des bases de réflexion solides et vise un objectif fort mais réaliste, celui de lutter contre la privation durable d’emploi. À ce titre, je veux saluer la méthode de travail collaborative, impulsée par notre rapporteur, Laurent Grandguillaume, privilégiant l’échange et la rencontre des idées entre le législateur et les associations partenaires, parmi lesquelles figurent la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, la FNARS, Emmaüs, Caritas et ATD Quart Monde, qui est à l’initiative de ce projet.

Touchant près de 2,5 millions de citoyens, le chômage de longue durée ne cesse de progresser depuis 2008. S’il est source de précarité sur le plan social, il est, d’un point de vue économique, un fardeau pour la vitalité de nos entreprises et pour les vertus positives que la valeur travail transmet à toutes les générations. D’un point de vue humain, le statut de chômeur de longue durée porte atteinte à la valorisation de soi et à l’affirmation de la confiance.

Cette conception de la condition humaine n’est pas tolérable dans notre société, où l’épanouissement de l’individu, son élévation sociale et intellectuelle par le travail, la volonté de se sentir utile à la communauté et de contribuer, notamment à travers sa fonction professionnelle, à son développement, sont encore des valeurs qui ont du sens et qui forgent l’identité de notre nation. Enfin, il ne s’agit pas seulement d’agir au service de l’émancipation des individus : la lutte contre le chômage de longue durée est un véritable projet de société auquel sont associés des enjeux économiques forts.

Il m’apparaît impossible de considérer que tout a déjà été tenté. Il est certain que le Gouvernement a déjà engagé de grandes réformes pour remédier à ce problème – je pense notamment aux contrats de génération, aux emplois d’avenir et aux dispositifs créés dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité.

La présente proposition de loi, de manière concrète, présente de nombreux atouts et répond à de multiples enjeux.

À l’échelle locale, elle permet une mise en synergie des territoires, elle appelle chacun d’eux à développer son sens de l’innovation, à déployer son énergie fédératrice pour bâtir un projet constructif avec tous les acteurs locaux. D’ailleurs, la lutte contre le chômage de longue durée ne peut s’ancrer de manière concrète dans notre réalité qu’avec la volonté de tous les acteurs, de tous les élus d’un territoire, par-delà les clivages politiques.

Le rassemblement de ces acteurs au sein des comités locaux, pilotés par le fonds d’expérimentation, renforcera la cohérence de ce dispositif. Plus encore, là où le cadre national ralentit parfois l’application locale, ici, il encourage et stimule l’appropriation du dispositif par les territoires. En cela, cette démarche est particulièrement enrichissante.

L’innovation est une composante essentielle de ce projet. Expérimentée sur dix territoires, privilégiant la progression par étapes, affichant le souhait de s’appuyer sur l’existant, cette proposition de loi est tout à fait inventive. Son approche pour la mettre en œuvre permet une analyse inédite, une prise de recul et une capacité à dresser les bilans sans précédent.

La valeur qui a animé la définition de ce dispositif et qui constitue sa raison d’être doit être rappelée : il s’agit de la confiance – celle avec laquelle les personnes au chômage doivent renouer, qui doit raviver leur espoir en l’avenir, remettre les demandeurs d’emploi sur le chemin de la réinsertion, les entourer dans la reconstitution d’un réseau, social et professionnel, celle aussi envoyée comme un message de soutien aux employeurs qui doivent concourir à faire disparaître la rupture entre notre société et le marché du travail.

Enfin, il convient de souligner que le dispositif sera financé à budget constant, par réallocation des moyens de la solidarité nationale. Les CDI créés donneront naissance à de nouvelles richesses, permettant l’émergence de services non concurrentiels du secteur marchand existant.

Au regard de la cohérence et de la pertinence de ce dispositif, je formule le souhait de voir cette expérimentation s’étendre à des territoires urbains, les territoires pilotes étant aujourd’hui tous ruraux. Dans ma circonscription par exemple, une commune périurbaine, dont une partie du territoire est classée en politique de la ville et dont la population souffre massivement du chômage – au-delà des 20 % – me semble très légitimement pouvoir prétendre bénéficier du dispositif. Ce nouvel éclairage profiterait à l’expérimentation, la rendant plus complète et plus aboutie. Il appartiendra au Fonds de pouvoir sélectionner cette forme de bassin d’emploi.

L’objectif, au terme de cette expérimentation et des résultats concrets qu’elle révélera, est bien le développement de ce dispositif sur la totalité du territoire national, au nom de notre souci commun de faire disparaître le chômage de longue durée. Il est de notre devoir d’offrir tous les moyens nécessaires à la réalisation de cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kemel.

M. Philippe Kemel. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, « Expérimentation pour des territoires zéro chômage de longue durée » : tel est le titre de cette proposition de loi, inspirée par la société civile – ATD Quart Monde, notamment – et l’ensemble des acteurs qui, dans les territoires, travaillent auprès des personnes en difficulté pour les amener vers l’emploi. Il nous faut aujourd’hui l’examiner, l’amender et, bien sûr, la voter.

En cette période où les statistiques mensuelles du chômage restent démesurément hautes, un tel titre semblait provocateur. Les multiples initiatives des territoires, croisées avec la dynamique de l’économie sociale et solidaire, ont permis l’émergence de ce dispositif original qui nous est présenté aujourd’hui.

Après avoir dialogué avec les associations qui, sur les territoires, militent et travaillent en faveur de l’insertion économique et sociale, et être parvenus au dispositif que vous nous présentez, vous apparaissez, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, comme de véritables « ensembliers ».

M. Dominique Tian. Oh !

M. Philippe Kemel. Le sens de votre démarche est de promouvoir l’emploi pour l’activité locale afin que ceux qui en sont le plus éloignés puissent de nouveau avoir de l’espérance. L’emploi dépend, on le sait, de l’activité des hommes qui s’organisent pour créer de la valeur. Cette division des tâches engendre alors du travail, mais pas pour tous. Certains, et parfois pour longtemps, sont écartés de ce processus.

Le dynamisme insuffisant de nos territoires, les flux économiques qui les ignorent, la désertification et les territoires en crise, la région Nord-Pas-de-Calais et son bassin minier savent ce que cela signifie. Il n’est pas rare que des personnes sans qualification et qui n’ont pas travaillé parfois depuis dix ans viennent nous voir dans nos permanences. Il faut tout faire pour que ces personnes retrouvent le chemin du travail. Le travail, c’est le revenu, la dignité de soi vis-à-vis des autres, de sa famille. C’est une manière de progresser face au réel et à ses évolutions, et d’améliorer ses qualifications dans son métier.

Être sans emploi rend difficile la relation aux autres. Cela fragilise, y compris sur le plan de la santé, car être sans emploi fait que la vie dure, hélas, moins longtemps que pour les autres.

Il existe de nombreux dispositifs comme le RSA socle et le RSA activité, les emplois aidés, les contrats d’accompagnement dans l’emploi et les contrats initiative emploi – CAE et CIE –, ou encore les dispositifs d’adultes-relais. Tous ont leur importance dans le cadre de l’économie sociale et solidaire. Les financements de l’État sont conséquents – 4 milliards d’euros – pour l’ensemble de ces dispositifs. Mais ceux-ci sont devenus peu lisibles, trop hiérarchisés, de plus en plus éloignés des personnes et sont souvent assimilés à de l’assistanat, ce qui crée des clivages et de l’exclusion au sein de notre société, conduisant les plus extrêmes à mettre l’assistanat à l’index.

L’originalité du texte que vous présentez est qu’il s’appuie à la fois sur le développement local, la démarche citoyenne et l’apprentissage permanent du territoire. Il s’agit d’une véritable démarche d’économie sociale et solidaire, qui prolonge la loi que nous avons votée sur l’initiative de Benoît Hamon.

Grâce à cette proposition de loi, nous pourrons proposer aux demandeurs d’emploi, que l’on pourra qualifier et former, des emplois de long terme. Pour les familles, c’est une espérance : il n’y aura plus de précarité, un revenu convenable – le SMIC – et, de nouveau, la possibilité d’évoluer vers d’autres métiers.

Cette loi marquera véritablement l’action collective que nous voulons avoir pour l’emploi. Ce n’est pas une loi pour l’emploi marchand, mais pour compléter l’ensemble des dispositifs de l’emploi marchand assuré par l’économie – or, l’économie ne va pas partout dans les territoires.

Je serai très fier, messieurs les rapporteurs, de pouvoir voter cette loi avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. À ce stade, mes réponses ne seront pas exhaustives, car les nombreux amendements qui ont été déposés nous donneront l’occasion d’apporter d’autres éléments.

Pour ce qui est du mille-feuille, qui a été évoqué, il n’est pas question, en effet, d’ajouter encore une couche à l’ensemble des dispositifs existants. Il s’agit en revanche de tester un dispositif nouveau sur des territoires limités. Il est vrai, monsieur Vercamer, que de nombreuses demandes ont été exprimées par des territoires qui, notamment en zone rurale, se sont portés volontaires – certains ont déjà engagé des démarches en ce sens. L’adoption de la proposition de loi donnera une base légale au dispositif et créera le Fonds d’expérimentation, tandis qu’un décret précisera les critères sur la base desquels les collectivités pourront se porter candidates. Le Fonds proposera ensuite une liste de territoires éligibles et dix territoires seront retenus dans ce cadre.

Il est essentiel que des territoires urbains, notamment ceux qui relèvent de la politique de la ville, puissent être pris en compte dans le cadre de cette démarche, mais il ne faut pas en faire un critère exclusif à ce stade, car c’est précisément ce que définira le cahier des charges.

Du reste, madame Le Callennec, si le projet de loi de finances ne contient pas d’éléments en ce sens, c’est parce qu’il n’existe aujourd’hui aucune base légale à cet effet, la loi n’étant pas encore votée et le Fonds d’expérimentation n’existant pas encore. Nous devons donc attendre que l’expérimentation soit instaurée pour identifier les financements.

Je souscris bien évidemment à l’idée que ce sont les entreprises qui créent l’emploi. Cette proposition de loi n’aurait d’ailleurs pas de sens si elle ne s’appuyait pas sur des entreprises qui créent de l’activité, car l’enjeu consiste aussi à pérenniser certains de ces emplois.

Certains d’entre vous, notamment, madame Le Callennec et monsieur Tian, ont évoqué l’idée qu’il y aurait des recettes magiques en matière de lutte contre le chômage.

M. Dominique Tian. Oui, il y en a !

Mme Myriam El Khomri, ministre. S’il y en avait tant, vous me le diriez !

M. Dominique Tian. En Allemagne, ça marche mieux qu’en France !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Monsieur Tian, il y a eu près de 783 000 demandeurs d’emploi en plus durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Soyons donc réalistes et regardons les choses : il n’y a pas de recette miracle dans ce domaine.

Il faut mettre toutes les chances et tous les outils de notre côté pour pouvoir innover aussi en la matière. La politique de contrats aidés existe, bien sûr, mais elle est utile. Vous savez bien, en effet, que les 200 000 emplois d’avenir dont bénéficient des jeunes sont ciblés – 30 % sont destinés aux jeunes des quartiers populaires. À Marseille, vous voyez bien quelle est la réalité : ce sont ces jeunes qui subissent le plus les discriminations. Quand nous ciblons les contrats d’accompagnement dans l’emploi – CAE –, dans le secteur non marchand, en direction des travailleurs handicapés et des seniors, nous savons bien que, sans ces contrats, ces personnes ne seraient pas en emploi. Voilà la réalité.

Quant à la garantie jeunes, que vous m’avez invité à évoquer, même si la question est tout à fait hors sujet, elle marche partout en France. Elle a été expérimentée et développée dans 72 territoires, et sera généralisée à partir de l’an prochain. Trente mille jeunes en bénéficient et notre objectif est d’atteindre 95 % de jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en apprentissage – NEET, Neither in employment nor in education or training. C’est un très beau dispositif.

Les difficultés que peuvent rencontrer les missions locales ne sont pas liées à la garantie jeunes, mais plutôt, parfois, à des questions de trésorerie liées à des dossiers du Fonds sociale européen – FSE. Je vous assure que la garantie jeunes vise précisément les jeunes des territoires les plus en difficulté et que c’est un très beau dispositif. Du reste, elle donne de bons résultats – elle fonctionne bien à Avignon ; peut-être y a-t-il une difficulté à Marseille, mais nous allons l’examiner. Nous avons d’ailleurs observé aussi à propos de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine – ANRU – des difficultés spécifiques à Marseille, malheureusement. Il convient donc de mieux travailler dans ce cadre.

Il faut bien évidemment s’attaquer aux causes. Le pacte de responsabilité vise à ce que les entreprises retrouvent de l’oxygène et des marges, mais elles ont pris des engagements sur l’emploi et sur l’apprentissage. Je vais en Allemagne voir ce que font les entreprises en matière d’apprentissage, mais les entreprises françaises ont pris des engagements dans le cadre du pacte de responsabilité et il faut qu’elles les tiennent.

À côté de cela, de nombreux dispositifs existent aussi pour répondre à la problématique du chômage des personnes peu qualifiées, notamment les 150 000 formations prioritaires. Le fait de cibler les emplois non pourvus vise précisément à pouvoir assurer une requalification, car nous avons en France un chômage de personnes peu qualifiées.

De fait, la situation de la France n’est pas celle de l’Allemagne : on compte chaque année en France 700 000 départs en retraite et 850 000 entrées sur le marché du travail, tandis que, s’il y a aussi en Allemagne 700 000 départs en retraite en moyenne par an, on n’y compte que 660 000 entrées sur le marché du travail.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Exactement!

Mme Myriam El Khomri, ministre. Si nous voulons avoir un débat solide, il est essentiel de prendre ces faits en considération. Je vais donc voir en Allemagne ce qu’il en est de l’apprentissage, mais quel modèle voulons-nous ? Celui des mini-jobs, avec des indépendants payés 3 euros de l’heure, comme dans les abattoirs allemands ? C’est là aussi, en effet, l’une des réalités de l’Allemagne, mais ce n’est pas le modèle que je souhaite pour mon pays.

Enfin, en réponse aux questions de Mme Bonneton et de Mme Fraysse sur les dispositifs actuels, je rappelle que les contrats aidés existants peuvent aussi être conclus sous forme de CDI, sauf quand l’employeur est une collectivité territoriale, mais que l’aide de l’État dure deux ans. Si d’ailleurs nous avons plus d’insertion après les contrats aidés dans le secteur marchand, c’est tout d’abord parce que ce n’est pas le même public qui est ciblé – il s’agit d’un public moins éloigné de l’emploi –, mais aussi parce que les entreprises signent des contrats à durée indéterminée dans ce cadre et qu’elles bénéficient alors de l’aide de l’État pendant deux ans, après quoi elles maintiennent le contrat. Il est essentiel que nous puissions tenir compte de ces éléments dans le cadre de notre débat.

Pour ce qui est de l’accompagnement et de la formation, je souscris bien évidemment à l’idée d’un besoin de formation, mais nous y reviendrons dans le cadre de l’examen des amendements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. J’apporterai rapidement quelques compléments à l’intervention de Mme la ministre. Tout d’abord, madame Bonneton, la loi, initiée par Mme Eva Sas, relative à de nouveaux indicateurs de richesse est importante. Elle est historique, car elle permet de sortir d’une vision de la richesse strictement limitée au produit intérieur brut. L’amendement que M. Potier présentera tout à l’heure répondra à votre objectif.

Pour ce qui est de la question de Mme Orliac à propos du SMIC, notamment sur la base des propositions du CESE, je rappelle que nous avons repris dans la proposition de loi, par amendements, plus de 80 % des préconisations du Conseil, ce qui permet de parfaire le texte et de prendre en compte toutes les suggestions formulées notamment par les partenaires sociaux.

Mme Fraysse a souligné l’importance du CDI, car il s’agit d’apporter à des personnes frappées par la précarité une sécurité leur permettant d’aller de l’avant et de rebondir. C’est là une vision nouvelle que porte cette loi, qui n’est pas une loi de circonstance, mais qui devrait permettre de rouvrir le chemin de l’espérance, à condition que l’on considère que cette expérimentation vise précisément à démontrer que ce chemin est possible, avant que le dispositif puisse être généralisé aux territoires qui seraient demain candidats – il importe de le préciser.

M. Sirugue a déclaré qu’il fallait oser des pistes nouvelles. C’est précisément le cas grâce à son soutien et à celui de tous les parlementaires qui se sont exprimés pour le groupe socialiste.

Madame Le Callennec, j’ai écouté vos arguments lors de l’examen du texte en commission et je présenterai des amendements qui vont dans le sens de certaines de vos préconisations, notamment pour ce qui concerne l’importante question de la gouvernance du Fonds. Tous les collègues qui ont participé aux débats, quel que soit le groupe auquel ils appartiennent, ont apporté leur pierre à l’édifice, même si l’on ne peut pas être d’accord sur tout – heureusement, du reste, car c’est cela aussi, la démocratie. Il me semble toutefois que nous pouvons ensemble faire progresser ce texte pour assurer les conditions de réussite de cette expérimentation. Pour ce qui concerne le fonctionnement du Fonds aussi, il faut simplifier le texte afin d’éviter le travers consistant à consacrer trop de moyens au fonctionnement du Fonds et pas assez à son objectif principal, qui est de lutter contre le chômage de longue durée.

Plusieurs de vos préconisations, monsieur Vercamer, vont aussi dans le bon sens. Certaines sont déjà satisfaites, tandis que, pour d’autres, Mme la ministre a indiqué que certains éléments du cahier des charges iraient dans votre sens. Nous aurons tout à l’heure un débat à ce propos, mais il importe de le rappeler.

Monsieur Tian, on peut défendre la simplification – pour les entreprises ou pour tout type de dispositif – sans pour autant donner au texte une trop grande précision, qui empêcherait l’expérimentation. Afin de pouvoir expérimenter dans des territoires différents, il faut en effet pouvoir adapter l’expérimentation aux réalités territoriales. Fixer un nombre trop important d’éléments dans le texte empêcherait ainsi des expérimentations territoriales. Le démographe Hervé Le Bras, qui a très bien démontré dans l’Atlas des inégalités que nos territoires sont frappés par des inégalités très fortes selon qu’ils sont ruraux ou périurbains, appelle aussi à une différenciation territoriale des problématiques et des réponses. C’est là un point que nous devons prendre en compte.

J’entends toutefois les éléments que vous avez évoqués mais, de même que l’on peut défendre des tests PME dans les entreprises avant de généraliser certaines idées, on peut aussi entendre que cette expérimentation vise un certain nombre de territoires pendant une durée limitée pour prouver que cela peut fonctionner.

Ces éléments permettront, je l’espère, des débats très intéressant sur les amendements.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, premier orateur inscrit sur l’article.

Chers collègues, je vous invite à respecter très précisément la durée de deux minutes impartie à chacune de vos interventions.

M. Gilles Lurton. Cette proposition de loi prévoit la mise en place d’une expérimentation visant à proposer un emploi en CDI aux chômeurs de longue durée, c’est-à-dire à ceux qui sont inscrits à Pôle emploi depuis un an ou plus. Elle concerne une dizaine de micro-territoires volontaires dans lesquels les besoins ont été identifiés.

Ma collègue Isabelle Le Callennec a regretté en commission que votre proposition exclue d’autres territoires qui pourraient être intéressés par l’expérimentation et je sais, monsieur le rapporteur, que vous n’avez pas été insensible à son argumentation. Les entreprises visées sont celles de l’économie sociale et solidaire et les emplois devront répondre aux besoins de la population non satisfaits par les entreprises locales. L’article 1er prévoit également qu’un rapport d’évaluation de cette expérimentation sera remis au ministre du travail et au Parlement 18 mois au plus tard avant son terme.

Avec 42 000 demandeurs d’emploi sans activité supplémentaires pour le seul mois d’octobre, je considère que toutes les propositions, y compris les plus originales, méritent d’être examinées. À ce titre, je salue le travail effectué par le rapporteur, M. Laurent Grandguillaume. Il s’agit ici d’expérimenter une nouvelle approche pour lutter contre le chômage de longue durée, qui plonge souvent les personnes concernées dans le cercle de la précarité et de l’assistanat, tout en pesant lourdement sur nos finances publiques. Le meilleur remède n’est-il pas de les réintégrer dans un circuit ordinaire de travail, avec un salaire minimum garanti équivalent à celui du SMIC ? C’est en tout cas, selon moi, une meilleure solution que celle qui consiste à recourir sans limite à tous les types d’emplois précaires auxquels nous recourons tous depuis de nombreuses années. Au bout du compte, en effet, ces emplois précaires n’arrangent rien à la situation des demandeurs d’emploi et ne font que peser sur notre économie et nos finances publiques.

Selon l’INSEE, les populations qui souffrent le plus de l’aggravation de ce phénomène sont les ouvriers, les employés, les jeunes personnes sans diplômes, les parents isolés et les habitants des zones urbaines sensibles, qui ont clairement manifesté dans les urnes, dimanche dernier, leur défiance face à notre incapacité à trouver des solutions à leurs difficultés.

M. le président. La parole est à Mme Kheira Bouziane-Laroussi.

Mme Kheira Bouziane-Laroussi. Certains pourraient penser que cette proposition de loi est une énième disposition pour lutter contre le chômage. Mais, force est de constater que, malgré tous les dispositifs existants, le taux du chômage de longue durée ne cesse d’augmenter dans notre pays. Il devient peu à peu un piège qui enferme la personne touchée dans un engrenage menant à la précarité. Cette privation d’activité a des répercussions très graves sur la vie personnelle, familiale, sociale et sanitaire. Le chômage de longue durée fragilise ceux qui en sont victimes et angoisse les seniors dont la retraite sera touchée.

Pour toutes ces raisons, et étant donné la gravité de la situation, il faut innover, trouver d’autres solutions – dont cette proposition de loi fait partie. Elle est intéressante à plus d’un titre : elle propose un CDI ; elle repose sur une logique d’insertion nouvelle et sécurisante ; elle implique les acteurs et s’ancre dans un territoire ; elle innove par son financement et l’évaluation qu’elle prévoit.

Vauvenargues a écrit : « Le fruit du travail est le plus doux des plaisirs ». Cette proposition de loi a l’ambition de faire vivre ou revivre ce doux plaisir que procure le travail à ceux qui en sont privés depuis longtemps. Je la soutiens et je remercie nos deux rapporteurs pour le travail qu’ils ont fourni.

Mme Suzanne Tallard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Chacun ici sait à quel point le chômage, et tout particulièrement celui de longue durée, est une souffrance pour celles et ceux qui le subissent. Le chômage de longue durée est une épreuve violente dans un parcours de vie personnel comme professionnel. Les politiques publiques n’ont pas été avares de dispositifs pour le résorber, sans y parvenir, malheureusement. Leur réussite est très variable, à tel point que nous nous devons d’être attentifs à toute innovation, à toute proposition, car chaque expérimentation, chaque dispositif peut apporter sa pierre à ce nécessaire édifice du retour à l’emploi pour tous.

C’est dans cet esprit qu’il nous faut aborder cette proposition de loi, dont ATD Quart Monde, dont nous connaissons la justesse des combats, est à l’origine. Ils n’ont pas compté leurs efforts pour que nous puissions débattre aujourd’hui. Qu’ils en soient remerciés. Il n’y aurait sans doute pas de plus beau remerciement que notre unanimité à voter cette proposition de loi. Sur la base du volontariat, dans des territoires expérimentaux, certaines dépenses sociales glisseront pour financer des emplois dans les secteurs de l’économie sociale et solidaire. Quelle belle leçon !

Je voudrais remercier particulièrement Mme la ministre qui a fait preuve de ténacité pour que cette proposition de loi soit présentée, ainsi que le rapporteur, Laurent Grandguillaume, et le rapporteur pour avis, Dominique Potier. J’adresse aussi un clin d’œil à Jean-René Marsac, d’Ille-et-Vilaine, où une expérimentation a vu le jour, et l’en remercie. Ils se sont impliqués pleinement pour donner à ce projet toutes ses chances de réussite, pour en parfaire les contours législatifs et garantir leur adéquation avec les territoires. C’est pourquoi je serai très fière de voter cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Au sein d’ATD Quart Monde, qui a beaucoup inspiré cette démarche avec de nombreuses associations, on cite ces mots de Victor Hugo : « Vous voulez la misère secourue, moi, je la veux supprimée. » Ce soir, nous pouvons récrire ces lignes en disant : « Vous voulez les chômeurs secourus, nous voulons le chômage supprimé. » C’est bien cette volonté qui a animé Laurent Grandguillaume dans son travail.

L’article 1er de cette proposition de loi en résume l’essentiel. Tout d’abord, c’est une expérimentation en grand, c’est-à-dire une manière innovante de construire l’action collective et les politiques publiques. C’est aussi revendiquer le droit à l’erreur, la possibilité de rectifier, celle d’évaluer en permanence, de ne pas se décourager au premier obstacle, de s’entraider sur et entre les territoires. La deuxième idée, c’est de dépasser la logique traditionnelle des emplois aidés. Il s’agit ici de contrats à durée indéterminée. La précarité, voilà l’ennemi à traiter, inséparable du chômage et des solutions palliatives.

La troisième idée, c’est de ne pas opposer, de façon archaïque, économie et solidarité. Nous savons bien que le marché ne fait pas tout. Il y a des gisements de travail et d’imagination dans nos territoires. L’économie solidaire peut trouver ici une vigueur nouvelle.

La quatrième idée, c’est la convergence des efforts de tous, de deux façons. D’abord, il faut dépasser les logiques séparées qui trop souvent cloisonnent les actions contre le chômage : personne, aucun acteur, ne détient la vérité révélée. Ensemble, nous ferons mieux. Ensuite, il convient de fusionner les moyens. Cet objectif ancien, mais jamais atteint, de parvenir à convertir les dépenses passives du chômage en soutiens actifs à l’emploi est essentiel.

Il ne s’agit pas un seul instant de décrier les allocations, qui sont vitales. Il s’agit d’utiliser de la façon la plus juste et la plus efficace l’ensemble des moyens rassemblés par l’impôt local ou national, et par les cotisations sociales. C’est un tabou qu’il faut faire sauter. Mais quand de vraies réformes structurelles sont porteuses de progrès, un tabou peut s’effacer.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Avec ma collègue Pascale Crozon, nous tenions à vous remercier, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, et à remercier à travers vous l’ensemble des acteurs associatifs de l’économie sociale et solidaire et d’ATD Quart Monde, qui se sont mobilisés pour concevoir le dispositif d’expérimentation dont nous discutons aujourd’hui et dont je suis convaincue qu’il repose sur une juste intuition.

L’idée que les moyens que nous mobilisons pour indemniser ce dysfonctionnement du marché du travail qu’est le chômage de longue durée seraient plus utilement consacrés à la requalification et au retour à l’emploi n’est pas à proprement parler une idée neuve. Elle a inspiré beaucoup de dispositifs depuis trente ans, avec des résultats concrets pour celles et ceux, jeunes ou seniors, chômeurs de longue durée qui ont pu en bénéficier. Mais ils échouent à faire reculer le chômage, parce que les effets d’aubaine orientent souvent le choix des recruteurs et ne créent que très marginalement de nouveaux emplois.

Il faut donc réorienter nos moyens vers les acteurs qui ne pourraient les créer sans l’engagement de la collectivité et les mobiliser à nos côtés dans l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Le décloisonnement d’une gouvernance partagée entre les élus, les professionnels de l’emploi et de l’insertion, les associations et les autres porteurs de projets, est une idée forte et novatrice qui, au-delà de cette expérimentation, nous inspirera, je l’espère, pour améliorer d’autres dispositifs visant d’autres publics, tels que les emplois d’avenir.

Il n’est pas besoin de chercher bien loin pour comprendre que les enjeux du vivre ensemble, du soin que nous devons à nos aînés, à nos jeunes, aux personnes les plus en difficulté, au cadre de vie, au sport ou à la culture, à tout ce qui fait société à l’heure des replis individualistes, consuméristes ou communautaristes, a de la valeur. Cette valeur doit être assumée et justement rémunérée par la société. Elle doit être traduite en gisements d’emplois et redonner à ceux qui cherchent un emploi non pas simplement des perspectives et des compétences, même si c’est déjà beaucoup, mais aussi du sens. C’est ce qui est pertinemment proposé dans cette proposition de loi que je soutiens.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. L’article 1er est celui qui crée le dispositif à titre expérimental. S’agissant du concours financier de l’État, ATD Quart Monde a estimé l’économie potentielle à 15 000 euros par an, dès lors que l’on ne fera plus appel aux allocations chômage ou aux minima sociaux. Le CESE a, quant à lui, évalué le coût par bénéficiaire à 20 000 euros par an. Si je calcule bien, cela représenterait pour la première année, et à raison de 400 à 500 contrats signés, un coût de l’ordre de 8 à 10 millions d’euros.

Madame la ministre, vous m’expliquiez tout à l’heure que, la loi n’ayant pas été votée, vous ne pouviez pas provisionner les dépenses dans le budget 2016. Il existe pourtant un précédent. Alors que la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau n’avait pas encore été votée, le risque budgétaire concernant le risque AT-MP avait été prévu dans le PLF pour 2016. Certes, la montée en puissance sera progressive, mais comment les dépenses seront-elles financées en 2016 ?

M. le président. Nous en arrivons aux amendements à l’article 1er.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n3.

M. Dominique Tian. Nous proposons, à l’alinéa 1, de substituer au mot : « indéterminée » les mots : « déterminée d’insertion », afin de préciser le recours au contrat de travail à durée déterminée d’insertion dans le cadre de cette expérimentation.

En effet, le contrat de travail à durée indéterminée risque de sanctuariser à terme un marché du travail parallèle et de toute évidence statique. La rigidité d’une telle configuration n’est pas incitative, au regard du retour à l’emploi classique. Nous proposons donc dans cet amendement d’encadrer au sein du contrat de travail les voies de retour vers le marché de l’emploi classique pour les chômeurs de longue durée prenant part à l’expérimentation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Défavorable. C’est avec détermination que je souhaite que ce contrat reste à durée indéterminée, puisque c’est le fond même du projet d’apporter une sécurité à des personnes frappées par la précarité depuis trop longtemps. Cette condition est donc un élément fondamental du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Également défavorable. Les dispositifs de droit commun continueront à exister. Des CDD d’insertion existent. Il s’agit dans cette proposition de loi d’expérimenter d’autres dispositifs. La durée indéterminée de ce contrat est essentielle pour le public visé par le projet.

M. le président. La parole est à M. Jean-René Marsac.

M. Jean-René Marsac. Le CDI est au cœur de cette expérimentation. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle se différencie d’un certain nombre d’autres dispositifs. Des questions se poseront au cours de l’expérimentation, auxquelles il faudra trouver des réponses. Des inconvénients apparaîtront peut-être. Les contrats à durée déterminée d’insertion ont, eux aussi, beaucoup d’inconvénients, non seulement pour les personnes concernées, bien entendu, mais surtout parce qu’ils reposent sur l’idée que les dispositifs d’insertion seraient un sas vers le marché du travail.

Or, bon nombre de personnes, particulièrement celles qui sont au chômage de longue et de très longue durée, sont passées par ces sas sans trouver de réponse sur le marché du travail. Il faut sortir de cette logique qui voudrait que l’insertion ne soit construite que comme un dispositif en sas. Cette invention s’est faite au fil des années, alors que ce n’était pas l’esprit, à l’origine, de l’insertion par l’activité économique. On en a fait un sas vers le marché du travail et Pôle emploi, alors que pour beaucoup ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Expérimentons une autre voie.

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. J’ai le sentiment que notre collègue Dominique Tian n’est pas entré dans la logique de ce texte. Le recours au contrat à durée indéterminée est l’une des clés de voûte de cette proposition. C’est ce qui fait qu’elle a un caractère – je le dis sans emphase – réellement révolutionnaire…

M. Dominique Tian. N’exagérons rien !

M. Christian Paul. …ou tout au moins progressiste. Revenir à des contrats à durée déterminée, ce serait faire régresser cette démarche que l’on observe, un peu partout en France, avec beaucoup d’intérêt et pour laquelle des territoires souhaitent candidater. Je n’ai pas eu le temps de dire tout à l’heure, monsieur le président, que dans la Nièvre, et à Prémery en particulier, on suit ce débat avec beaucoup d’intérêt et que l’on espère pouvoir participer très prochainement à cette expérimentation, dès que le Parlement aura donné le signal.

M. le président. En Béarn aussi, on suit ce débat avec beaucoup d’intérêt et je ne l’ai pas dit moi non plus. (Sourires.)

(L’amendement n3 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n33.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il est rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le président…

M. le président. Vous souhaitez prendre la parole sur un amendement rédactionnel, madame Le Callennec ?

M. Dominique Tian. Il n’est pas rédactionnel !

Mme Isabelle Le Callennec. Je trouve que cet amendement n’est pas du tout rédactionnel. Il modifie la nature du texte et il risque de restreindre le champ des possibles. Pour prendre un exemple qui m’a été donné par ATD Quart Monde, voyons le cas d’un boulanger qui ne livre plus son pain à domicile en milieu rural et qui propose un CDI à quelqu’un qui le remplacera. Cette activité de portage de pain à domicile peut être en concurrence avec une activité qui existe déjà dans le secteur marchand.

Cette personne travaillera sans doute quelques heures par semaine. J’en profite pour dire qu’il faudra que nous nous posions vraiment la question de la durée minimale du travail. Vous souhaitez aujourd’hui qu’elle soit de vingt-quatre heures au minimum. Or, pour des personnes longtemps éloignées de l’emploi, ces quelques heures sont parfois un moyen de revenir progressivement à une activité.

Si nous adoptons la modification proposée dans cet amendement visant à substituer aux mots : « complémentaires de celles qu’offre le secteur marchand » les mots : « non concurrentes avec des activités économiques exercées sur le territoire », je crains que nous ne fermions le champ des possibles du type d’activité. Je trouverais cela dommage, car cela ne concernerait parfois que quelques heures d’une activité qui pourrait être considérée comme concurrente dans le secteur marchand. Mais je me trompe peut-être…

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il s’agit seulement de prendre en compte les observations faites en commission des affaires sociales pour garantir l’étanchéité de l’expérimentation par rapport aux activités existantes dans le territoire et éviter que celle-ci ne percute des artisans ou d’autres activités. C’est donc une bonne chose de préciser la rédaction dans ce sens.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Myriam El Khomri, ministre. Cet amendement se justifie effectivement car il ne faudrait pas que cette expérimentation détruise des emplois locaux.

(L’amendement n33 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 28, 26 et 27, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Francis Vercamer, pour les soutenir.

M. Francis Vercamer. Ces trois amendements sont de même nature puisque le premier est la somme des deux autres. (Sourires.) Il s’agit d’introduire de la cohérence dans la politique gouvernementale car il existe des zones de revitalisation rurale et des quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville : il me paraît important de pouvoir faire bénéficier ces territoires de l’expérimentation, même s’ils sont déjà concernés par d’autres textes destinés à développer sur place l’emploi et l’économie.

Ainsi, l’amendement n28 vise à compléter l’alinéa 1 par la mention de la zone rurale et du quartier prioritaire, l’amendement n26 uniquement par la mention de la zone de revitalisation rurale et l’amendement n27 par celle du quartier prioritaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Mme la ministre habilitera les territoires sur proposition du Fonds et, comme elle l’a indiqué, le cahier des charges pourra contenir les éléments que vous évoquez, mon cher collègue. Vos amendements sont donc satisfaits et je vous invite à les retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je confirme que les zones de revitalisation rurale et les quartiers prioritaires de la politique de la ville figureront dans le cahier des charges du Fonds. Je vous demande donc également de les retirer, monsieur le député. Sachez qu’il est bien évidemment essentiel pour moi que ce dispositif ait une cohérence par rapport à la politique gouvernementale.

M. le président. Monsieur Vercamer ?…

M. Francis Vercamer. Une précision, monsieur le rapporteur : ils ne sont pas satisfaits mais ils le seront lorsque le cahier des charges sera établi. Je sais que je peux faire confiance à l’ancienne secrétaire d’État à la politique de la ville pour y inscrire ce que j’ai proposé,…

Mme Myriam El Khomri, ministre. Tout à fait !

M. Francis Vercamer. …même si elle n’avait évidemment pas dans son champ de compétences les zones rurales !

Je retire mes trois amendements, monsieur le président.

(Les amendements nos 28, 26 et 27 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n64.

M. Dominique Potier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à préciser que les territoires candidats auront mis en œuvre toutes les politiques publiques de lutte contre le chômage et de promotion de l’économie locale, prenant soin de leurs TPE, de leurs PME, de l’artisanat, du commerce, de l’agriculture, ayant tout fait pour créer un écosystème favorable, mobilisé toutes les aides de l’État, profité de toutes les opportunités à l’export comme dans les échanges au niveau local, mis en œuvre de manière volontariste avec leur région des politiques performantes de formation professionnelle pour assurer la transition d’un métier à l’autre ou encore rendu visibles les emplois cachés.

J’ajoute qu’il n’y aurait pas de sens à proposer une place au titre de l’expérimentation si par ailleurs une autre similaire est disponible, par exemple dans entreprise artisanale qui cherche un apprenti. Mon amendement vise à rappeler qu’il faut avoir tout mis en œuvre dans la lutte contre le chômage et que l’expérimentation prévue par cette proposition de loi sera une solution en plus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je crains que cet amendement ne limite le champ de l’expérimentation. On évoquait tout à l’heure les 300 000 offres d’emploi non pourvues dans notre pays, et il y en a dans tous les territoires. Ainsi, je vois tout le mal que l’on se donne pour pourvoir des postes dans l’industrie, en particulier dans nos territoires ruraux. Or, la phrase introduite par l’amendement, qui figurera a priori dans le cahier des charges, rendra impossible la candidature de quelque territoire que ce soit puisque aucun ne pourra démontrer avoir tout mis en œuvre pour lutter contre le fait que certaines offres d’emploi ne soient pas satisfaites. Voilà pourquoi cet amendement m’inquiète.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je trouve cet amendement extrêmement intéressant, mais je suis très surpris de constater une certaine contradiction avec l’amendement n33. Je souhaiterais une meilleure coordination entre les deux propositions de modification du texte. M. le rapporteur a confirmé que les ZRR et les éléments de la politique de la ville seront inscrits dans le cahier des charges, et maintenant j’entends autre chose. Je souhaiterais qu’ils ne soient pas le critère de l’adéquation avec ce texte de loi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Cet amendement vise seulement à préciser que l’expérimentation sera complémentaire de l’existant. Il s’agit de prendre en compte les arguments développés par certains collègues en commission des affaires sociales : en effet, s’il y a déjà dans un territoire des dispositifs d’insertion de niveau local ou national, il faut faire attention qu’ils ne soient pas redondants mais complémentaires avec l’expérimentation.

M. Dominique Potier, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. J’ai d’ailleurs noté que M. Potier a modifié la rédaction de son amendement pour éviter qu’il puisse aboutir à empêcher toute expérimentation.

(L’amendement n64 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n49.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n49, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n48.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il s’agit également d’un amendement de précision.

(L’amendement n48, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n38.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n38, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n22.

M. François-Michel Lambert. Ma collègue Michèle Bonneton est à l’origine de cet amendement. Je crois savoir que M. le rapporteur pour avis a une approche complémentaire de celle que nous proposons.

Il s’agit d’aller beaucoup plus loin dans l’évaluation et le suivi de l’expérimentation en ajoutant des indicateurs de richesse, conformément à la loi du 13 avril 2015. Ainsi, le texte se fonderait sur une approche réellement différente du traitement du chômage de longue durée en mettant en place une évaluation qui ne serait pas uniquement fondée sur des critères comptables. Il faut en effet tenir compte de l’apport que représenterait pour la société et le pays la fin du chômage de longue durée. Cela permettrait d’aller beaucoup plus loin et aurait des conséquences positives en instaurant un cercle vertueux.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Votre amendement, monsieur Lambert, va dans le bon sens puisqu’il est porteur d’un idéal : remettre l’humain au cœur des choix des politiques publiques en la matière. Mais Dominique Potier va présenter un amendement qui va plus loin encore puisqu’il proposera d’inscrire les nouveaux indicateurs de richesse dans l’évaluation, en particulier tout ce qui touche à l’environnement, au développement durable, aux inégalités. Je vous demande donc de retirer le vôtre car nous allons intégrer cette problématique dans une perspective plus large.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je demande également le retrait de cet amendement puisque le Gouvernement émettra un avis favorable sur celui de Dominique Potier.

M. le président. Monsieur Lambert retirez-vous l’amendement ?

M. François-Michel Lambert. Nous sommes dans une co-construction législative et je sais que nous cherchons tous à répondre à cette dramatique situation que constitue le chômage de longue durée pour des centaines de milliers de personnes. C’est dans cet esprit que je retire évidemment l’amendement, d’autant plus que Mme la ministre vient de confirmer que son avis sera favorable sur celui de mon collègue Dominique Potier.

(L’amendement n22 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n39.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Favorable.

M. le président. Madame Le Callennec, vous demandez encore la parole sur un amendement rédactionnel ?

Mme Isabelle Le Callennec. Oui, monsieur le président, car sa portée n’est pas seulement rédactionnelle. Il est prévu dans le texte de loi que le rapport « dresse notamment un bilan de l’impact de l’expérimentation […] et évalue l’impact financier, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes publics participant à l’expérimentation, de ces recrutements par rapport à une situation de chômage et par rapport au coût du dispositif. » Or, l’amendement propose de terminer ainsi cette phrase : « de ces recrutements par rapport au coût liés aux situations de chômage ». Ce n’est pas tout à fait pareil. L’évaluation de l’impact financier telle qu’elle est prévue dans le texte nous permettra de savoir quel est le gain qu’apporte l’expérimentation en comparant la situation du bénéficiaire qui aura retrouvé ainsi un travail par rapport à celle du bénéficiaire du RSA ou de l’allocation chômage. Si cet amendement est adopté, nous serons privés d’une information intéressante pour l’évaluation.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. L’esprit de cet amendement rédactionnel n’est pas du tout de remettre en cause l’évaluation qui portera sur le coût du dispositif puisque le critère des situations de chômage prend en compte les circuits de financement et le fonctionnement du fonds. Il s’agit juste d’alléger la rédaction pour qu’elle soit plus lisible pour tous.

(L’amendement n39 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Potier, pour soutenir l’amendement n1.

M. Dominique Potier, rapporteur pour avis. Je suis assez heureux d’aller plus loin sur cette question que nos collègues écologistes tout en reprenant leur idée d’introduire des indicateurs de développement humain dans l’évaluation, comme l’avait proposé Eva Sas, car une loi d’expérimentation doit être exemplaire. Je salue au passage le travail de Monique Rabin, qui a veillé à ce qu’un premier rapport du Gouvernement soit remis dès le 26 novembre pour évaluer ces politiques publiques au regard des indicateurs de développement humain qui doivent être au cœur desdites politiques. C’est d’abord ainsi que la gauche comme la République aura à nouveau une boussole.

Il ne serait certainement pas pertinent d’introduire ici le critère du taux de carbone, mais prendre en compte le degré de satisfaction dans la vie, les inégalités de revenu, les sorties précoces du système scolaire et le taux d’endettement est pertinent. Nous devrons disposer d’une vision globale de la santé des personnes concernées, de leur famille et du voisinage, c’est-à-dire somme toute du territoire. C’est ce que nous cherchons à identifier à travers cette activation des dépenses passives. Ces indicateurs de développement humain nous permettront de faire le bilan de cette participation à l’œuvre commune contre le désœuvrement qu’est le chômage. À cet égard, je remercie Monique Rabin, Eva Sas et tous ceux qui ont proposé de les introduire dans l’évaluation. Regardons nos territoires sous un angle nouveau en remettant l’homme et l’environnement au cœur de nos politiques publiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Très favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Myriam El Khomri, ministre. Je suis moi aussi très favorable à cet amendement. Je tiens cependant à rappeler que l’évaluation aura pour objet d’observer le niveau d’accès à l’emploi durable pour les demandeurs d’emploi de longue durée, et si le bénéfice est supérieur au coût du dispositif pour les financeurs.

M. le président. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Je profite de l’examen de l’amendement de nos collègues écologiste et de celui de Dominique Potier pour souligner que ce sera le premier texte d’application des nouveaux indicateurs de richesse suite au travail d’Eva Sas et de plusieurs collègues socialistes, après la présentation du rapport du Gouvernement.

Nous faisons un grand pas en décidant que la richesse n’est pas exclusivement mesurable en termes de PIB. Nous cherchons ainsi à faire dans la société une place à des personnes dont la richesse personnelle ne peut pas être estimée en termes comptables. Il s’agit de valoriser un travail collectif entre les associations, les entreprises et les collectivités autrement qu’en termes de PIB, de prendre en compte la valeur d’un homme ou d’une femme. Il s’agit également d’évaluer ce que l’expérimentation aura apporté aux territoires. En utilisant ces nouveaux indicateurs, nous répondrons vraiment à la question du sens de cette proposition de loi. Il ne s’agit pas ici d’un énième dispositif de lutte contre le chômage,…

M. Dominique Tian. Ah bon ?

Mme Monique Rabin. …mais bien de trouver un nouveau modèle de société qui fasse une place beaucoup plus importante à l’humain.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je trouve que ce débat est très intéressant, mais comment va-t-on faire pour appliquer ces indicateurs à des micro-territoires ? De plus, vous savez, mes chers collègues, que vous avez voté des lois de réorganisation pour tous les territoires, modifié les périmètres des régions,…

M. Christian Paul. Ce n’est pas le cas de la Bretagne !

Mme Isabelle Le Callennec. …et qu’on n’a donc pas ces indicateurs sous la main pour le moment.

Mme Monique Rabin. Mais si !

Mme Isabelle Le Callennec. Il va falloir compiler encore et encore toutes les données requises, et je me demande comment évaluer une expérimentation sur des micro-territoires en fonction de tels critères. Je sais que deux d’entre eux seront dans mon département, l’Ille-et-Vilaine, et que nous ne risquons pas d’avoir ces indicateurs demain matin parce que cela va être très compliqué de les calculer pour un micro-territoire. Je suis d’accord sur le principe de prendre en compte tous les indicateurs qui ont été évoqués, mais ce sera difficile de les utiliser à ce niveau.

M. le président. Étant, pour un certain nombre d’entre nous, ici, élus depuis dix ou quinze ans, nous avons l’expérience du jeu parlementaire. Nous savons tous qu’un dernier texte doit être examiné ce soir. Aussi, voir des membres de l’opposition demander autant de fois la parole sur des amendements rédactionnels, conduit à s’interroger sur leur volonté de compliquer les choses pour la présidence.

Je vous donne donc la parole, monsieur Tian, mais, ce soir, j’appliquerai strictement le règlement intérieur que vous avez voté – pour ce qui me concerne, j’avais voté contre. Notre débat sera nécessairement moins intéressant, parce que l’opposition aura souhaité retarder nos travaux.

La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Ce n’est pas nous qui avons mis cette proposition de loi très importante à l’ordre du jour de nos travaux entre les deux tours des élections régionales.

M. le président. Il n’y a aucun lien !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cela n’a rien à voir !

M. Dominique Tian. Si l’ordre du jour nous échappe, nous pouvons en revanche faire un travail parlementaire de qualité. Or cet amendement n’est pas rédactionnel.

M. le président. Je ne parle pas de celui de M. Potier.

M. Dominique Tian. Comme vous, monsieur le rapporteur, nous voulions un texte simple, facile à appliquer. Dans cet amendement, Mme Le Callennec l’a montré, il est question de nouveaux indicateurs de richesse, dont personne ne sait exactement ce qu’ils recouvrent.

Mme Monique Rabin. Mais si ! Nous avons ces indicateurs !

M. Dominique Tian. Madame Rabin, vous avez indiqué que vous n’étiez pas là pour vous occuper du chômage, mais pour accompagner un nouveau modèle. Pas du tout ! Nous sommes là pour nous occuper de territoires qui essaient de mener une expérimentation pour les chômeurs de longue durée.

Plus vous introduisez des éléments sans rapport avec le sujet, ces cavaliers parlementaires habituels, plus vous compliquez le texte et le rendez inapplicable. Quels sont les critères que nous utiliserons au terme de l’expérimentation ?

Tout cela n’a aucun sens : faisons simple ! Proposons des mesures facilement applicables ! Les vôtres, mesdames et messieurs les députés de la majorité, sont impossibles à expliquer à quiconque, encore moins à un responsable d’association. Quelle sera la valeur ajoutée de la personne qui aidera à sortir du chômage ? Cela devient impossible.

(L’amendement n1 est adopté.)

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion de la proposition de loi d’expérimentation territoriale visant à faire disparaître le chômage de longue durée ;

Discussion de la proposition de loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly