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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 17 décembre 2015

SOMMAIRE

Présidence de M. Denis Baupin

1. Échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers

Vote sur l’ensemble

2. Projet de loi de finances pour 2016

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Éric Alauzet

M. Stéphane Saint-André

Mme Jacqueline Fraysse

M. Dominique Lefebvre

M. Hervé Mariton

M. Jean-Paul Tuaiva

Vote sur l’ensemble

3. Projet de loi de finances rectificative pour 2015

Présentation

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Discussion générale

M. Jean-Paul Tuaiva

M. Éric Alauzet

M. Stéphane Saint-André

Mme Jacqueline Fraysse

M. Dominique Lefebvre

M. Christian Eckert, secrétaire d’État

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale

Vote sur l’ensemble

4. Modernisation du système de santé

Rappel au règlement

M. Laurent Wauquiez

M. le président

Présentation

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Rappel au règlement

M. Bernard Accoyer

M. le président

Suspension et reprise de la séance

Présentation (suite)

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Discussion générale

Mme Véronique Massonneau

M. Stéphane Saint-André

Mme Jacqueline Fraysse

M. Gérard Sebaoun

M. Gilles Lurton

M. Arnaud Richard

Vote sur l’ensemble

Mme Marisol Touraine, ministre

5. Transports collectifs de voyageurs

Discussion des articles

Article 1er

Amendement no 22

M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche

Article 1er bis

Amendement no 73

Article 2

Amendements nos 24 rectifié , 23 rectifié

Article 3

Amendements nos 47, 48

Article 3 bis

Amendement no 49

Article 4

Amendement no 94

Suspension et reprise de la séance

Article 4 bis

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

M. le président

Article 4 ter

Article 5

Amendements nos 50, 51, 83, 52

Après l’article 5

Amendement no 34

6. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Échange automatique de renseignements

relatifs aux comptes financiers

Procédure d’examen simplifiée

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, selon la procédure d’examen simplifiée, en application de l’article 103 du règlement, du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord multilatéral entre autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers (nos 3185, 3352).

Vote sur l’ensemble

M. le président. Ce texte n’ayant fait l’objet d’aucun amendement, je vais mettre directement aux voix son article unique, en application de l’article 106 du règlement.

(L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble du projet de loi.)

2

Projet de loi de finances pour 2016

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2016 (no3367 et 3369).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons une dernière fois pour clore l’automne budgétaire par l’examen en lecture définitive du projet de loi de finances pour 2016 et du collectif budgétaire.

Puisque c’est notre dernière rencontre de l’année et que nous avons passé deux mois sur ces deux textes, je ne reviendrai pas sur leur contenu que vous connaissez bien.

Mais je voudrais profiter de cette dernière prise de parole pour faire un bilan des douze derniers mois.

Rappelez-vous la situation l’an dernier à la même époque : on nous disait que le déficit allait augmenter ; que les impôts ne rentraient pas dans les caisses de l’État ; que nous ne serions pas en capacité de baisser les impôts comme nous l’avions annoncé. On nous disait même que la Commission européenne allait nous sanctionner de manière imminente.

Aujourd’hui, après douze mois de travail, quelle est la situation ?

Le déficit poursuit sa baisse : je rappelle qu’il est passé de 4,3 % en 2013 à 3,9 % en 2014 ; pour 2015, nous anticipons 3,8 % et nous sommes très confiants sur notre capacité à atteindre cet objectif ; et pour 2016, sous une hypothèse de 1,5 % de croissance et de 1 % d’inflation, nous prévoyons qu’il soit ramené à 3,3 %.

Le déficit public, le déficit de l’État, le déficit de la sécurité sociale sont au plus bas depuis 2008. La dette sociale a même commencé à refluer dès cette année. La dette publique devrait être quasiment stabilisée l’an prochain. La dépense publique, quant à elle, continue à progresser, et c’est normal dans une économie en croissance et dont les besoins en santé, en pensions de retraites, en formation sont importants ; mais elle progresse à un rythme historiquement bas car nous finançons les nouveaux moyens par des économies sur les dépenses non prioritaires.

En un mot, la situation des finances publiques s’améliore. Il ne s’agit pas de tomber dans le triomphalisme,…

M. Dominique Baert. Non.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. …car la route vers l’assainissement complet de nos finances publiques est encore longue et, comme chaque année, il existe des aléas sur la réalisation de notre objectif de déficit. Néanmoins, nous pouvons tous nous accorder sur les chiffres et les chiffres montrent clairement que notre situation budgétaire s’améliore.

J’imagine qu’ensuite nous aurons un désaccord sur la responsabilité du Gouvernement dans cette amélioration – c’est là le débat parlementaire normal. Mais je voudrais seulement vous rappeler de ce que nous avons fait au cours de l’année pour tenir notre engagement de réduction du déficit.

Dès le printemps, nous avons constaté qu’il existait des risques sur la tenue de cet engagement : nous avons donc décidé de 4 milliards d’euros d’économies complémentaires pour tenir ce que nous avions promis. Dans le même temps, nous avons dû mobilier en urgence des moyens nouveaux pour la sécurité des Français. La solution de facilité aurait été de les financer par la dette. Ce n’est pas le choix que nous avons fait : nous les avons financés par des économies complémentaires pour ne pas augmenter la dépense totale.

J’en viens aux impôts. L’an dernier, nous avons connu des écarts à nos prévisions en raison de la dégradation du contexte macroéconomique – mais on nous disait que c’était le signe évident d’un exil fiscal. Aujourd’hui, nous anticipons des plus-values par rapport à nos prévisions du printemps – et nous n’entendons plus parler d’exil fiscal. Mais, aujourd’hui comme hier, je le répète, il n’y a aucun lien entre un écart à la prévision et un prétendu exil fiscal. Un écart à la prévision n’est rien de plus que la traduction du fait que les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir.

M. Pierre Lellouche. Bravo !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En tout cas, là encore, les chiffres ne mentent pas : ils montrent clairement que les impôts rentrent dans les caisses de l’État, c’est un fait. Dans le même temps, les baisses d’impôts que nous avions promises ont été mises en œuvre : pour la production et l’emploi, 7 milliards d’euros d’allégements supplémentaires en 2016 ; pour les ménages, et particulièrement les classes modestes et moyennes, 5 milliards de baisses d’impôts sur 2015 et 2016. Ce que nous avons promis, nous l’avons tenu : les impôts baissent en 2015, ils continuent à baisser en 2016. Et l’évolution du taux de prélèvements obligatoires le prouve : il doit passer de 44,9 % en 2014 à 44,5 % en 2016.

Enfin, on nous disait l’an dernier que la Commission européenne était sur le point de prononcer des sanctions contre notre pays.

M. Dominique Baert. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Quel est le bilan, un an après ? Non seulement il n’y a pas eu de sanctions, non seulement nous respectons strictement la recommandation transmise en début d’année, mais aussi notre pays a réaffirmé sa position de pays majeur de l’Union, par son rôle dans la résolution de la crise grecque – je veux à cet égard saluer l’action de Michel Sapin – et plus généralement par la réponse que nous apportons à tous les défis que rencontre l’Europe aujourd’hui.

Voilà, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, un bilan de l’année écoulée sur les questions de finances publiques. Il vous revient désormais de vous prononcer définitivement sur le projet de loi de finances pour 2016. Le Gouvernement souhaite bien évidemment que, comme vous l’avez fait en première lecture puis en nouvelle lecture, vous l’adoptiez à nouveau, pour la troisième et dernière fois. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, nous voici arrivés au bout du marathon budgétaire. Et je crois qu’avec 248 heures en séance en combinant le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative, 3 641 amendements examinés et 1 005 amendements adoptés, on peut bien parler de marathon budgétaire.

Au bout du compte, que ressort-il de ces deux textes budgétaires ? Tout d’abord, et M. le secrétaire d’État l’a rappelé, la volonté réaffirmée par les faits de contenir la dépense publique et de réduire le déficit public. La dépense publique est en soi une bonne chose pour assurer la cohérence de notre société, mais lorsqu’elle augmente plus vite que notre capacité à créer de la richesse supplémentaire, elle conduit à une situation qui n’est pas tenable longtemps.

Cette volonté se vérifie pour 2015 puisque les premiers éléments d’exécution dont nous disposons conduisent à montrer que les dépenses de l’État sont en ligne avec ce que nous avions voté l’an dernier. Ceci permet une nouvelle réduction du déficit public, à 3,8 % du PIB contre les 4,1 % que nous avions votés l’an dernier

Cette volonté est également traduite dans le projet de budget pour 2016, construit pour atteindre un déficit public de 3,3 % du PIB. Par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2016, des dépenses nouvelles ont été ajoutées durant la navette parlementaire, pour un peu plus d’1,2 milliard d’euros, dont 800 millions pour le pacte de sécurité et 200 millions qui proviennent d’une baisse de 2 euros par heure travaillée pour les cotisations patronales payées par les particuliers employeurs. Ces dépenses nouvelles pourront être compensées par 1,3 milliard d’euros en moins de contribution au budget européen.

À ces dépenses supplémentaires s’ajoutent des recettes diminuées. C’est un choix. Ainsi, nous avons voté plusieurs réductions de fiscalité : par exemple, environ 50 millions d’euros du fait de l’application du taux réduit de TVA à 5,5 %, proposée par Catherine Coutelle, sur les protections hygiéniques féminines, ou 44 millions du fait de l’abaissement de la limite d’âge pour bénéficier de la demi-part de quotient familial accordée aux anciens combattants, qui passe à 74 ans au lieu de 75, à l’initiative de Dominique Baert. Je pourrais en citer quelques autres.

Deuxième volonté commune aux deux textes : le pouvoir d’achat des Français est réaffirmé comme une priorité. Ainsi, les foyers aux revenus les moins élevés vont bénéficier de 2 milliards d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire grâce à une nouvelle réduction d’impôt sur le revenu : 8 millions de foyers fiscaux seront concernés, pour une baisse moyenne de 250 euros par foyer.

Autre attention portée au pouvoir d’achat : elle concerne la taxe d’habitation, la taxe foncière et la redevance télévision. Dès les premières heures du débat budgétaire, Christine Pires Beaune a tiré la sonnette d’alarme pour s’inquiéter de l’assujettissement à la taxe d’habitation et à la taxe foncière de nombreux retraités aux revenus peu élevés. Au final, grâce à l’amendement du Gouvernement, 650 000 ménages resteront exonérés de taxe d’habitation, de taxe foncière et de redevance audiovisuelle, sachant qu’à partir de 2017, seront exonérés de ces différents impôts ceux qui étaient déjà exonérés en 2014 et dont le revenu fiscal de référence sera inférieur à 13 553 euros pour la première part de quotient familial.

Le troisième point commun à ces deux textes est qu’ils ont voulu traduire dans notre droit fiscal nos ambitions en matière de transition énergétique, surtout après le succès unanimement salué de la COP21, qui a marqué un tournant mondial dans notre gestion écologique collective.

Concrètement, nous faisons quatre choses. Tout d’abord, nous stoppons la hausse de la fiscalité sur l’électricité, qui augmentait chaque année automatiquement de 3 euros par mégawattheure. Deuxièmement, nous poursuivons l’augmentation des taxes sur les énergies fossiles – le fioul, le gaz et les carburants – comme prévu dans le cadre de la contribution climat-énergie et de la loi de transition énergétique que nous avons adoptée le 17 août dernier. Troisièmement, nous réduisons l’avantage fiscal accordé au gazole par rapport à l’essence. Ainsi, par rapport au droit existant, il y aura, en 2016, 1 centime de taxe en plus par litre sur le gazole et 2 centimes de moins sur l’essence SP95-E10. En 2017 il y aura 1 centime de plus par litre de diesel et 1 centime de moins sur toutes les essences. Quatrièmement, et c’est là un point très important, nous isolons dans le budget de l’État les ressources consacrées à la transition énergétique. Nous créons ainsi un compte d’affectation spéciale, ce qui permet de sécuriser l’utilisation des taxes énergétiques. Les 5,5 milliards d’euros de ce compte serviront à financer la transition énergétique, c’est-à-dire le passage à des modes de production d’énergie non polluants. Cet argent ne servira pas à autre chose – à une petite exception près : lors de la dernière lecture du texte, mardi soir, le Gouvernement a fait adopter un amendement visant à donner 211 millions d’euros de plus aux entreprises électro-intensives, ce qui signifie 211 millions de moins pour les énergies non polluantes.

Quatrième volet : ces textes budgétaires renforcent aussi le soutien à l’investissement. Nous avons ainsi, au cours des lectures du texte, accordé le bénéfice du sur-amortissement de 40 % aux coopératives d’utilisation de matériel agricole – CUMA – et aux coopératives.

Nous avons, pour 2015 et 2016, inclus dans le Fonds de compensation pour la TVA – FCTVA – les dépenses de travaux pour les bâtiments publics et pour la voirie, ce qui représente l’équivalent de 70 millions d’euros d’aide pour l’investissement en 2016. Pour 2016, nous avons également inclus dans le FCTVA les dépenses pour les travaux liés au plan très haut débit.

Cinquième volet : une réforme ambitieuse de la fiscalité agricole a été adoptée, qui comporte deux points très importants. Le premier est la suppression du régime au forfait, c’est-à-dire l’instauration d’un régime « micro » semblable à celui des petites entreprises, qui représente une indéniable simplification pour les exploitants agricoles et pour l’administration. Je tiens à remercier ici François André et l’ensemble de nos collègues qui ont participé à la mission sur la fiscalité agricole. Comme je l’ai indiqué mardi soir, monsieur le secrétaire d’État, je resterai très vigilante quant à la situation des quelque 35 000 agriculteurs – chiffre transmis par vos services – qui pourraient y perdre un peu.

Le deuxième point de cette réforme de la fiscalité agricole est une meilleure prise en compte des spécificités de l’agriculture, c’est-à-dire du fait que le cycle d’une exploitation ne peut pas s’apprécier sur une seule année, mais sur plusieurs, en raison tout simplement des aléas climatiques. Ainsi, la déduction pour aléas – DPA – est réformée et l’aléa économique est pris en compte d’une manière beaucoup plus significative. Il ne faut pas hésiter à le dire : c’est une grande avancée qui est ainsi réalisée et je voudrais en remercier les auteurs qui sont ici présents.

Sixième volet : pour ce qui concerne les entreprises, plusieurs dispositions ont été adoptées, que ce soit pour mettre notre droit en conformité avec le droit européen ou pour mettre en œuvre des dispositions proposées par la mission Carré-Caresche. Concrètement, tous les avantages fiscaux accordés à un investisseur – ISF-PME – ne sont maintenus que si l’entreprise dans laquelle il investit a moins de sept ans. Cela répond à une demande de la Commission européenne, mais cela va changer la physionomie du soutien à l’investissement dans les PME.

Avant-dernier volet : pour ce qui est des collectivités locales, nous sommes nombreux à regretter que nos travaux n’aient pu aboutir à la réforme de la dotation globale de fonctionnement – DGF – mais je voudrais, à cette tribune, remercier Christine Pires Beaune pour la clarté et la pertinence de son travail qui nous a tous alertés sur la nécessité de réformer cette dotation. Au cours des premiers mois de 2016, il nous faudra mettre la touche finale à cette réforme de la DGF, très attendue par l’ensemble des élus locaux.

L’engagement de François Pupponi a permis plusieurs avancées pour les communes relevant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale – DSU – « cible », ou comptant des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou un nombre élevé de logements sociaux. Enfin, nous avons pu aboutir, en nouvelle lecture du projet de loi de finances rectificative, sur la question du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales – FPIC – et de sa répartition en Île-de-France.

Pour finir, ces textes budgétaires sont aussi toujours l’occasion de corriger des aberrations qui fragilisent le consentement à l’impôt. Je reviendrai sur deux d’entre elles. La première concerne les quartiers prioritaires de la ville. Elle est la conséquence d’une délimitation curieuse qui conduit à couper des rues commerçantes en deux, de telle sorte qu’un côté de la rue bénéficie des exonérations que nous avons votées dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014, mais pas l’autre : je vous laisse imaginer les désordres que cela peut créer. Ces désordres sont corrigés, et cela dès l’année 2015, par les textes que nous examinons aujourd’hui. L’autre aberration porte sur l’entrée des ménages dans les impôts locaux. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie une nouvelle fois d’avoir permis que cette correction puisse être apportée dans ces deux textes.

Mes chers collègues, le marathon budgétaire touche à sa fin. Afin de franchir la dernière étape, je vous invite à adopter le projet de loi de finances pour 2016 et le projet de loi de finances rectificative pour 2015. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade mais, compte tenu de l’intervention très courte de M. le secrétaire d’État, je dirai néanmoins quelques mots.

Monsieur le secrétaire d’État, je me réjouis très sincèrement que notre pays atteigne ses objectifs de déficit pour 2015, qui sont de 3,8 % – j’espère même un chiffre inférieur. Mais je n’estime pas pour autant que nous devions en tirer, comme vous le faites, une immense satisfaction. En effet, ce chiffre de 3,8 % en 2015 ne traduit qu’une réduction de 0,1 point par rapport à 2014, où le déficit public a été de 3,9 %. Par comparaison avec les autres pays de la zone euro, car il faut se comparer, c’est en France que cette réduction aura été la plus faible entre 2014 et 2015. Et pour poursuivre la comparaison, si notre déficit est en 2015 à 3,8 %, il est en moyenne, dans la zone euro, de 2 % ! Nous restons donc dans une situation d’immense fragilité en matière de dépenses publiques. Je reconnais volontiers que le rythme d’augmentation des dépenses s’est ralenti, mais elles ont néanmoins continué de progresser. Voilà pour le premier point que je voulais souligner.

Vous avez également insisté, monsieur le secrétaire d’État, et vous avez eu raison, sur la tenue des recettes fiscales. Je suis, pour ma part, beaucoup plus inquiet que vous sur le sujet car, s’il est vrai que les objectifs globaux de la loi de finances initiale pour 2015 sont respectés, ce qui n’avait pas été le cas en 2014, où nous avions connu une moins-value de 10 milliards d’euros, il faut regarder les choses de plus près. Puisque vous avez évoqué l’exil fiscal, il faut évoquer aussi l’impôt sur le revenu : alors que nous avions prévu à ce titre, en loi de finances initiale, des recettes de 68,5 milliards d’euros, nous terminerons l’année avec un montant légèrement supérieur à 69 millions d’euros, soit un delta positif de l’ordre de 600 millions. C’est très peu ! Compte tenu des augmentations massives d’impôt sur le revenu qui ont été décidées, on aurait pu attendre des recettes supérieures à 70 milliards. Il faut donc être très vigilants, car je reste persuadé que les comportements se modifient.

Au vu de cette petite plus-value d’impôt sur le revenu, vous avez également évoqué les déclarations de certains, dont je fais partie, qui ont joué les Cassandre à propos des risques d’exil fiscal. Or, monsieur le secrétaire d’État, nous avons des chiffres. Ils sont basés sur un rapport dû d’ailleurs à un amendement qui, si ma mémoire est bonne, avait été proposé par Éric Woerth et moi-même fin 2012, et qui demandait au Gouvernement d’assurer chaque année un suivi des départs ou des retours de contribuables en fonction de trois items : l’impôt sur le revenu, l’exit tax et l’ISF. Or, pour 2013, selon donc les derniers chiffres dont nous disposons, j’ai le regret de dire que l’un de ces indicateurs est complètement au rouge : le nombre des contribuables dont le revenu fiscal de référence était supérieur à 300 000 euros et qui ont quitté notre pays. Ce nombre a triplé par rapport à 2011 ! Plus de 600 d’entre eux sont partis en 2013 !

Nous devons donc rester très vigilants quant à la bonne tenue des recettes fiscales. Nous avons en effet pour l’an prochain des objectifs ambitieux : en 2016, il ne s’agit pas de réduire le déficit public de 0,1 point, comme entre 2014 et 2015, mais de 0,5 point, pour passer de 3,8 % à 3,3 % de déficit. Si donc les résultats sont mauvais pour les recettes fiscales, nous ne tiendrons pas cet objectif. Permettez-moi donc, monsieur le secrétaire d’État, de me montrer, sans pour autant jouer les Cassandre, un peu moins optimiste que vous ne l’avez été.

Pour terminer, j’espère que nous allons achever cette année 2015 avec un déficit inférieur à 3,8 %.

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, pour ce qui est de l’équilibre budgétaire prévisionnel et de la loi de finances pour 2016, on peut considérer, après l’anticipation des résultats de 2015, sur lesquels je reviendrai tout à l’heure, que nous sommes entrés dans une période de sincérité budgétaire. On peut en effet avoir confiance dans les prévisions faites pour 2015, notamment parce que le taux de croissance est raisonnablement anticipé, à 1,5 %, ce qui devrait assurer des recettes fiscales au niveau attendu. Quant à la baisse des dépenses, elle est tout de même lestée d’un petit point faible : la prévision du taux d’inflation. On a en effet vu comment, en 2015, cette inflation plus basse que prévu a conduit à augmenter l’effort en termes de baisse des dépenses publiques.

Je tiens d’abord à souligner l’accroissement du poids qui pèsera sur les collectivités locales, avec une baisse des dotations de 3,6 milliards d’euros qui s’ajoutera à celles déjà intervenues en 2015, et même en 2014. Le total de ces baisses pour les années 2014, 2015 et 2016 atteindra en effet 8,5 milliards, ce qui suggère plusieurs observations.

Tout d’abord, cette situation commence à peser assez nettement sur certaines dépenses, notamment pour le maintien des services publics, les investissements et les aides aux associations de toutes sortes.

Il faut néanmoins noter les efforts engagés pour atténuer ces baisses de dotation aux collectivités locales – je pense notamment au fonds d’aide de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas rien, et à l’élargissement de l’assiette du FCTVA, évoqué par la rapporteure générale. Compte tenu de leur contenu, ces deux mesures contribuent en outre à la transition énergétique.

Pour 2017, cependant, nous n’échapperons pas à une question à 5,5 milliards d’euros – chacun aura compris ce dont je veux parler : du pacte de responsabilité notamment, dont la moitié devrait, selon moi, être consacrée à atténuer la troisième phase de baisse des dotations, sans quoi la situation sera difficilement tenable.

Ces baisses de dotations sont aussi l’occasion de s’interroger sur la nature de l’investissement, qui ne doit pas être un totem. Très souvent, en effet, les investissements génèrent des dépenses de fonctionnement très importantes dans la durée, notamment en termes d’entretien, de maintenance ou de personnel.

En outre, il faut s’interroger sur le choix des dépenses. En matière de transition énergétique notamment, les dépenses ont un taux de retour bien plus faible que les autres investissements, ce qui doit orienter le choix des investissements. La rareté financière doit avoir pour effet d’être plus sélectif. Par ailleurs, tous les investissements ne s’intègrent pas dans la transition écologique, certains allant même à son encontre : cela aussi doit constituer un point d’interrogation quand les finances locales manquent – et c’est vrai également pour le niveau national.

Enfin, les baisses de dépenses sont l’occasion d’optimiser lesdites dépenses. Je ne citerai qu’un seul exemple : celui de la ville de Besançon qui, compte tenu de ses perspectives de baisse des ressources, a réussi à réaliser un tram à 15 millions d’euros du kilomètre alors que les références jusque-là étaient au minimum de 25 millions – soit 40 % d’économie ! Bref, la baisse des dépenses a au moins la vertu d’inciter à revisiter l’ensemble des chantiers et à rendre les dépenses plus efficientes.

Après les collectivités locales, la transition écologique et énergétique : c’est une question centrale, ainsi que la rapporteure générale l’a parfaitement dit, notamment après les conclusions de la COP21, qui entraînent l’ensemble de la communauté internationale dans cette problématique, et les déclarations du Président de la République.

Je regrette néanmoins la baisse du budget de l’écologie : 90 millions d’euros. On a connu pire, mais cela ne fait que s’ajouter au reste. Mais parallèlement, je ne veux pas négliger les moyens supplémentaires qui sont alloués à la transition écologique, pour des montants bien supérieurs à cette baisse du budget propre de l’écologie : je pense au crédit d’impôt transition énergétique – CITE – pour 1,4 milliard d’euros, ou aux programmes territorialisés, avec les territoires à énergie positive pour la croissance verte – TEP-CV –, les territoires « zéro déchet, zéro gaspillage » ou encore les « Villes respirables en 5 ans », qui représentent également 1,4 milliard sur trois ans.

Je pense aussi à la convergence de la fiscalité du diesel et de celle de l’essence et à la création du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » qui supplante la contribution au service public de l’électricité – CSPE.

Sur la justice fiscale et le pouvoir d’achat des classes moyennes, la baisse d’impôt sera de 2 milliards d’euros. Elle concernera 8 millions de ménages situés dans les classes moyennes : jusqu’à 3 500 euros de revenus – classes moyennes et un peu au-delà donc, avec 3 831 euros de revenus mensuels pour un couple avec un enfant. Elle se fera sous forme d’allégements de la CSG payée par les ménages aux revenus modestes.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Alauzet…

M. Éric Alauzet. Je vois que j’ai largement dépassé mon temps de parole… Dommage, j’avais beaucoup de choses à vous dire ! J’y reviendrai à propos du projet de loi de finances rectificative.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André.

M. Stéphane Saint-André. Nous nous apprêtons à adopter le projet de loi de finances pour 2016 en lecture définitive.

Ce texte, revenu du Sénat en nouvelle lecture, avait été principalement enrichi par le Gouvernement, en accord avec les annonces du Président de la République au Congrès de Versailles, le 16 novembre, d’importants crédits visant à accélérer l’effort déjà engagé de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme, de sécurisation des frontières et de sécurisation générale de la France.

Ces crédits visent principalement à former des effectifs, à renforcer la sécurisation des sites, à équiper les effectifs, notamment en armement, munitions, protection, moyens technologiques et équipements de police technique et scientifique, à accroître également les moyens dédiés au déminage et aux risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, à accroître les moyens technologiques de gestion de crise et à développer la coopération internationale en matière de sécurité.

D’autres crédits supplémentaires visent à intensifier les frappes en Syrie et en Irak et permettent de ne pas engager de diminution d’effectifs jusqu’en 2019, avec des conséquences budgétaires dès 2016. Nous relevons de surcroît l’engagement de 130 millions d’euros pour les munitions, 20 millions pour l’opération Sentinelle, 13 millions pour le renseignement et 10 millions pour la réserve opérationnelle.

Nous avons également maintenu en nouvelle lecture les crédits pour renforcer les moyens d’action du groupement interministériel de contrôle. Notre assemblée a aussi voté, vendredi dernier, en faveur du déploiement des moyens opérationnels du ministère de la justice, poursuivant les efforts du plan de lutte antiterroriste.

Le Gouvernement a également fait voter des crédits supplémentaires à la mission « Immigration, asile, intégration », visant en particulier à renforcer les outils de contrôle aux frontières et de contrôle des visas. Enfin, les effectifs douaniers seront renforcés dès 2016 avec le recrutement de 500 personnels affectés au renseignement et à la surveillance, à hauteur de 267 équivalents temps plein.

Ce surcoût total, d’un montant affiché d’environ 850 millions d’euros en 2016, ne représenterait que 1,2 % du déficit programmé l’année prochaine, aux alentours de 70 milliards. Probablement sous-estimé à cette date et revu à la hausse en cours d’année, cet effort de défense intérieure et extérieure n’en demeure pas moins concret, précis et réel, et répond aux besoins immédiats de nos services qui font face à la menace au quotidien sur le terrain.

J’en viens aux autres sujets du projet de loi de finances, qui sont nombreux. Une bonne dizaine des amendements du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste avaient été maintenus conformes par le Sénat, comme le dispositif favorable aux indépendants soumis au régime social des indépendants – RSI – qui subissent une affection de longue durée, l’exonération de redevance pour les fontaines patrimoniales en zone de montagne,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah, les fontaines patrimoniales ! (Sourires.)

M. Stéphane Saint-André. …les exonérations de foncier et d’aménagement pour les maisons pluriprofessionnelles de santé dont des collectivités prennent la maîtrise d’ouvrage, la sécurisation des ressources du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, via les astreintes prononcées à l’encontre de l’État au titre du droit au logement opposable, le maintien de la mesure « Flotte de vélos » pour les entreprises, issue de la loi pour la transition énergétique, ou enfin nos amendements communs avec Mme Rabin qui concernent les chambres de commerce et d’industrie.

Notre groupe se félicite aussi que les sénateurs aient maintenu les garanties financières pour les communes nouvelles. Nous sommes également satisfaits que les sénateurs aient conservé un amendement de la rapporteure spéciale de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », Christine Pires Beaune, amendement que le groupe RRDP, et plus particulièrement Joël Giraud, avait préalablement déposé et qui tend à maintenir durant les trois années le dispositif « Communes nouvelles » en cas d’agrégation d’une commune tierce dans la période.

Nos collègues sénateurs ont également maintenu en première lecture l’extension aux travaux de voirie du bénéfice du FCTVA, mesure sur laquelle nos deux chambres se rejoignent.

Si ces dispositifs ont été maintenus au Sénat, d’autres, que nous avions défendus, y ont été plus fermement adoptés, comme la suppression de la « taxe farine », la création du Fonds d’investissement de proximité outre-mer – ardemment défendue par notre collègue Ary Chalus, désormais président de la région Guadeloupe, qui l’avait fait adopter en commission des finances le mois dernier avant que le Gouvernement ne demande sa suppression – la création d’un crédit d’impôt pour l’action solidaire ou le principe, pour la taxe affectée aux chambres d’agriculture, d’un coup de rabot de 2 % seulement pour les trois années à venir, comme cela a d’ailleurs été négocié, semble-t-il, avec les professionnels du secteur. Malheureusement, la nouvelle lecture à l’Assemblée n’aura pas permis de maintenir l’affaiblissement du rabot sur les chambres d’agriculture.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ah non ! Pas le rabot, pas en dernière séance !

M. le président. Pas d’attaque personnelle ! (Sourires.)

M. Stéphane Saint-André. Je conclurai en évoquant ceux de nos amendements, et non des moindres, qui ont connu un destin plus funeste au Sénat. Il s’agit d’abord, bien sûr, de celui qui supprime l’exonération des transactions intrajournalières de notre impôt de bourse national, au taux pourtant très faible de 0,2 %, à effet du 31 décembre 2016, comme cela avait été âprement négocié avec le Gouvernement.

Ayant dépassé mon temps de parole, je vais conclure, monsieur le président : toutes ces mesures, ajoutées à des réductions de fiscalité – la demi-part pour les anciens combattants, la réduction d’impôt pour 8 millions de foyers fiscaux, entre autres – nous amènent, monsieur le secrétaire d’État, à voter favorablement ce budget.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous abordons aujourd’hui la lecture définitive du projet de loi de finances pour 2016, un projet dont la discussion a évidemment été affectée par le contexte particulier dans lequel elle s’est déroulée, entre les attentats du 13 novembre et le résultat des élections régionales.

Plus que jamais, dans un tel contexte, l’examen de ce projet de budget doit se faire à l’aune des questions véritablement primordiales posées à notre pays, immédiatement et face à son avenir. Ce projet de loi de finances pour 2016 permet-il de faire reculer les inégalités qui rongent notre société ? Permet-il de répondre aux enjeux de solidarité et de développement de notre pays ? Apporte-t-il des réponses concrètes aux inquiétudes de nos concitoyens, certes en matière de sécurité mais aussi et surtout sur la première d’entre elles, celle du chômage, la crainte du déclassement, la peur du lendemain et de la précarité ? Redonne-t-il un souffle à la cohésion sociale ? Redonne-t-il à la démocratie et à la souveraineté populaire leur juste place face à une finance démesurée et hors de contrôle ? Nous ne le pensons pas.

Pourtant, l’urgence est bien de répondre à ces questions qui minent notre société. Malheureusement, les réponses apportées par ce budget pour 2016 ne sont pas à la hauteur de ces enjeux essentiels. Une nouvelle fois, c’est le dogme de la réduction des dépenses publiques qui l’emporte et la soumission à la sacro-sainte dette qui prime. Pourtant, confrontés aux terribles événements du 13 novembre, vous avez su vous affranchir, même si ce n’est que partiellement, des dogmes d’austérité de l’Europe qui font tant de mal aux peuples, pour renforcer dans les plus brefs délais les moyens de sécurité.

Cependant, même dans ce domaine, il convient de souligner que sur les 1 000 créations de postes pour les douanes annoncées au Congrès du Parlement, il n’y en aura en réalité que 500 puisque les 500 autres ne sont que des annulations de suppressions de postes. Ce budget est donc bien la résultante de choix politiques délibérés, beaucoup moins contraints par une austérité obligée que vous voulez bien le dire.

Ainsi, en maintenant contre vents et marées le cap du bien mal nommé « pacte de responsabilité », vous consacrez une part essentielle de l’effort budgétaire de notre pays aux seules entreprises, avec des aides accordées sans contrepartie, sans contrôle, sans sélectivité et donc sans effet sur l’investissement et la création d’emploi, comme le montre l’irrémédiable ascension des chiffres du chômage.

Il convient de préciser une nouvelle fois que ces aides aux entreprises, dont le crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – est le symbole, sont financées à la fois par de la dette supplémentaire et par des coupes franches dans le budget de l’État, des collectivités et de la sécurité sociale, autrement dit de tous nos services publics et biens communs.

En mettant le curseur de manière quasi exclusive sur la politique de l’offre, vous employez les mêmes vieilles recettes qui pourtant ont largement fait la preuve de leur inefficacité. En témoignent, encore une fois, les chiffres du chômage : vous n’en parlez pas beaucoup mais en octobre, notre pays a enregistré 42 000 chômeurs de plus, portant le nombre total de demandeurs d’emploi à 5,5 millions. Combien de drames humains, de tragédies personnelles et familiales se dissimulent derrière ces chiffres ? À cela s’ajoutent 9 millions de nos concitoyens vivant sous le seuil de pauvreté. Parmi eux, des enfants, des retraités pauvres, des familles monoparentales, des jeunes précaires…

Mais face à cette situation, vous ne jugez pas utile d’infléchir vos choix politiques. Pour revenir sur la fameuse déclaration du Premier ministre face aux résultats électoraux catastrophiques, je veux préciser que nous ne lui demandons pas de s’excuser : nous lui demandons d’infléchir sa politique puisque, de toute évidence, elle ne résout pas les problèmes posés – au contraire, elle les aggrave.

Pourtant, les moyens budgétaires existent pour relever ces défis et redonner de l’espoir à nos concitoyens. Pourquoi ne pas substituer, par exemple, aux 18 milliards d’euros annuels du CICE un grand plan de politiques publiques audacieuses au service de l’égalité des territoires, de l’éducation, de la culture, qui sont les vrais remèdes contre la précarité, l’isolement, voire l’obscurantisme ? Notre pays a tant besoin d’un grand pacte social et de fraternité !

Ainsi, mes chers collègues, regrettant que les conditions budgétaires soient loin d’être réunies pour garantir un avenir ambitieux et juste à notre pays et à sa jeunesse, les députés du Front de gauche voteront contre ce projet de loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Dans quelques instants, nous voterons définitivement le projet de loi de finances pour 2016 et le projet de loi de finances rectificative pour 2015. La rapporteure générale a rappelé l’ensemble des dispositions qui ont été prises, en particulier celles qui sont issues de nos longs et riches travaux. Je n’y reviendrai donc pas.

Monsieur le secrétaire d’État, comme vous étiez retenu au Sénat lors de la discussion en deuxième lecture, je souhaite à nouveau saluer notre travail commun, la qualité de nos échanges et l’écoute dont vous avez fait constamment preuve tant à l’endroit de l’opposition que de la majorité parlementaires, ce dont je vous remercie.

Au moment d’adopter ces textes, il importe de les remettre en perspective par rapport aux engagements pris, à ce qui s’est passé pendant cette année et aux enjeux de l’an prochain, compte tenu à la fois du contexte international que nous connaissons et des messages que les Français nous ont adressés.

Au nom du groupe SRC, je tiens à dire que nous voterons évidemment en faveur de ces textes, parce qu’ils sont conformes aux engagements pris, désormais tenus, et qu’ils sont à la hauteur de la situation que nous connaissons. Les orientations politiques qui les fondent devront être maintenues et, dans certains cas, probablement renforcées.

Premier axe de ces engagements : la réduction des déficits publics, la stabilisation de la dette, la baisse des prélèvements obligatoires. Ils sont tenus, tant dans le PLFR pour 2015 que dans le PLF pour 2016. Nous devons le souligner car cela constitue une rupture dans la vie politique, en tout cas par rapport aux dix dernières années. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : nous sommes partis de très loin, monsieur le président de la commission des finances. C’est probablement pourquoi la France est en retard vis-à-vis des autres pays européens, et vous y êtes d’ailleurs pour quelque chose.

Nous avançons à un rythme que l’on pourrait imaginer plus important, certes, mais qui aurait des conséquences en termes social et de soutien à l’activité. Notre rythme est donc le bon : ce qui importe, c’est plus le sens de la pente que son angle.

Je le répète : entre le laisser-faire-laisser-aller, qui reviendrait à augmenter les déficits publics et la dette – je ne crois pas que ce soit ce que les Français nous ont demandé lors des dernières élections régionales – et des politiques d’austérité, des coupes dans les dépenses publiques qui pourraient porter atteinte à la cohésion du pays tout en étant contre-productives sur le plan économique et de l’emploi, nous avons choisi une voie équilibrée, une « crête », comme vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État. Nous devons nous y tenir.

Deuxième axe de ces engagements : la justice fiscale. Je pense bien évidemment à la mesure de baisse de l’impôt sur le revenu, qui sera effective en 2016 et qui s’inscrit dans la lignée de celles de 2015 et 2014. La baisse de l’impôt des classes moyennes ainsi que sur les premières tranches du barème relève de la justice sociale.

Des mesures en ce sens ont été prises à l’initiative de nos collègues Pires-Beaune, Cottel et Bricout concernant l’imposition locale, mais aussi de Laurent Grandguillaume avec notamment ses amendements relatifs aux parachutes dorés. Il y a aussi la grande mesure concernant le reporting par pays : ce n’est pas parce que, dans le PLFR, nous avons écarté avant-hier un certain nombre de dispositions qui doivent être prises sur le plan international, qui le seront sans doute, que nous oublierons une telle avancée.

Ce budget est un budget de solidarité – je pense notamment à l’aide au développement et à la taxe sur les transactions financières. Il est également à l’écoute des collectivités locales – la rapporteure générale a rappelé les mesures qui ont été prises. Enfin, il affirme nos priorités politiques : la sécurité, l’emploi bien évidemment, mais aussi l’éducation et la culture. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC le votera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Dominique Baert. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Ce matin, monsieur le secrétaire d’État, vous affirmiez dans la presse que la trajectoire de réduction des déficits était raisonnable. Elle l’est peut-être compte tenu de vos critères, mais non, comme l’a dit le président de la commission des finances tout à l’heure, compte tenu des comparaisons internationales ou, tout simplement, des règles de prudence nécessaires à la préparation de l’avenir et qui devraient faire l’objet de bien plus d’efforts de la part du Gouvernement et de la majorité.

Nous l’avons dit lors la discussion du PLF comme du PLFR : nous payons vos choix budgétaires et stratégiques depuis le début de la mandature, lesquels se caractérisent par une maîtrise insuffisante des dépenses. Dominique Lefebvre et d’autres ont évoqué le choix de renforcer un certain nombre d’actions dans le domaine de la défense : cela est en effet nécessaire, mais seulement en raison des choix beaucoup plus négatifs que vous avez faits au début du mandat.

Vous déclarez également ce matin dans la presse, monsieur le secrétaire d’État, que le plan en faveur de l’emploi impliquera des dépenses supplémentaires. Vous indiquez que votre politique ne se limite pas à ces dépenses, mais vous les assumez néanmoins d’emblée. Le groupe Les Républicains considère que les politiques en faveur de l’emploi sont ô combien nécessaires et accorde volontiers que cette priorité justifie des initiatives nouvelles, mais surtout, bien plus encore, de véritables réformes de la législation du travail.

Les conséquences que le Gouvernement semble souhaiter donner au rapport Combrexelle sont très insuffisantes – hors les dépenses supplémentaires ! Ces différences politiques sont peu conciliables entre la majorité et notre groupe.

La politique en faveur de l’emploi est évidemment une priorité, mais ne justifie pas nécessairement des dépenses supplémentaires. Quoi qu’il en soit, poser ainsi les termes du débat nous semble une très mauvaise façon de procéder.

Les chiffres qui ont été rappelés ces derniers jours et ces dernières heures encore concernant l’évolution des effectifs globaux de la fonction publique et, même, de la fonction publique d’État, monsieur le secrétaire d’État, montrent au moins que vous faites preuve de transparence et de cohérence. Depuis le début du mandat, l’exécutif assume une politique de non-réduction des effectifs de la fonction publique d’État…

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce que vous dites est faux.

M. Hervé Mariton. … alors qu’une telle réduction est indispensable à la maîtrise de la dépense publique.

Lorsque des priorités sont affirmées avec une nouvelle vigueur dans les domaines de la sécurité et de la défense, ce n’est pas en mettant en cause, comme vous le devriez, les choix de recrutement que vous avez faits dès le début du mandat.

S’agissant de la fiscalité, car c’est bien, historiquement et politiquement, la raison d’être d’un débat budgétaire, je constate que les impôts ne baisseront pas en 2016. L’explication nous en est bien donnée par le PLFR pour 2015. Oui, il y a un allégement de la fiscalité des entreprises et le pacte de responsabilité, mais oui aussi, la fiscalité sur les ménages augmente quant à elle, monsieur le secrétaire d’État, quelles qu’aient été les initiatives brouillonnes et mal justifiées que vous avez prises en matière d’impôt sur le revenu. Il y a en particulier une augmentation de la fiscalité écologique, comme nous l’avons souligné pendant les débats.

Si la COP21 présente des aspects opportuns et intelligents, les choix politiques que vous proposez en PLF ou PLFR manifestent une augmentation programmée tout à fait considérable de la fiscalité écologique – je pense à la trajectoire à venir de la contribution climat-énergie, ou taxe carbone. Je rappelle que le carburant, quel qu’il soit, augmentera de 20 centimes à l’horizon de 2030, et de 10 centimes à l’horizon de 2020.

Contrairement à ce que vous affirmez publiquement, la fiscalité ne diminuera pas en 2016. La fiscalité des ménages sera même très significativement alourdie. Les discussions parlementaires sur le sujet nous ont inquiétés sur deux plans.

Tout d’abord, nous sommes persuadés que l’« amendement CSG » n’est pas conforme à la Constitution et nous craignons, sur le fond, qu’il n’entraîne un alourdissement considérable de la fiscalité, des classes moyennes en particulier. Le rapprochement de l’impôt sur le revenu et de la CSG, dans le cadre que vous avez en tête et compte tenu de la culture fiscale de la majorité ainsi que de son bilan, est extrêmement inquiétant.

Ensuite, vous appelez à débattre de la retenue à la source, le Gouvernement ayant confirmé sa vision des choses à ce propos. Je rappelle que notre groupe est quant à lui très hostile à une réforme qui, si elle pouvait être justifiée voilà quelques décennies, ne l’est plus aujourd’hui compte tenu de l’évolution des techniques et des pratiques. J’ajoute qu’elle faciliterait également une hausse des impôts. Une majorité totalement vertueuse serait certes irréprochable, mais je ne sais pas s’il en existe. Il est en revanche certain que la vôtre ne l’est pas. Ne prenons donc pas le risque d’instaurer le prélèvement à la source !

Pour conclure, monsieur le président, nous avons besoin de perspectives plus fortes et plus claires pour réduire les dépenses – vous n’y êtes pas – mais aussi pour réduire les déficits – vous n’y êtes pas – et les impôts – vous n’y êtes pas. Nous avons besoin d’une stratégie fiscale totalement différente de celle du PLF et du PLFR. Notre groupe votera donc contre l’un et l’autre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Tuaiva, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Paul Tuaiva. Pour la quatrième année consécutive, le Gouvernement nous présente un budget qui ne pourra malheureusement pas faire sortir la France de la crise. En effet, comme depuis le début du quinquennat, les impôts continueront d’augmenter, tout comme les dépenses publiques.

Ainsi, entre 2012 et 2015, les impôts ont augmenté de plus de 57 milliards. Pour 2016, 22 milliards supplémentaires seront prélevés aux Françaises et aux Français, pour qui la promesse de pause fiscale s’éloigne à nouveau. En outre, à partir de 2017, le Gouvernement prélèvera 1,9 milliard par an sur les ménages et les entreprises à travers la contribution climat-énergie.

Concernant les dépenses publiques, François Hollande s’était engagé à réaliser 50 milliards d’économies. Or, elles ont au contraire augmenté de 15 milliards en 2015 et augmenteront encore de 17,6 milliards en 2016 ! Quant au déficit public, il demeure hélas à un niveau particulièrement élevé, bien au-delà de celui de nos voisins européens.

Mes chers collègues, je souhaiterais revenir en particulier sur la dotation globale d’autonomie – DGA – de la Polynésie française, que le Gouvernement a diminuée de 4 millions pour l’année 2016 alors qu’elle revêt une haute valeur symbolique.

Créée à la fin des essais nucléaires, son montant a été fixé à 90 millions pour dix ans. Trois ans avant le terme de ce contrat, le chef de l’État s’est rendu en Polynésie et a annoncé très clairement aux Polynésiens que cette dotation serait pérennisée, en expliquant que la France avait une dette morale envers la Polynésie française et qu’elle devait tenir compte également des bouleversements sociaux et économiques subis par les Polynésiens à la suite de ces essais.

Aujourd’hui, au-delà d’un simple engagement financier, les Polynésiens ont pris pleinement conscience des conséquences sanitaires et environnementales des essais.

Pour autant, je regrette, tout comme les associations de victimes, que l’État peine encore à reconnaître sa responsabilité. Les baisses successives de la DGA représentent par conséquent, à nos yeux, une mesure inacceptable.

Avec mes collègues polynésiens et l’ensemble du groupe UDI, nous tenons à rappeler que la ministre de l’outre-mer s’était engagée à rétablir en gestion les 84 millions d’euros qui constituent le socle de la DGA. Elle avait ainsi déclaré : « Je vous dis clairement que, en gestion, vous aurez les 84 millions car, d’un point de vue symbolique, nous ne voulons pas modifier le montant sur lequel nous nous sommes mis d’accord l’année dernière ». Cet engagement a été tenu par Mme la rapporteure générale, puisqu’elle a déposé un amendement en ce sens, qui a été adopté en nouvelle lecture. Je l’en remercie. Nous demandons que ces 4 millions d’euros soient effectivement accordés à la Polynésie française.

Mes chers collègues, les députés du groupe UDI, tout au long du débat et comme ils n’ont cessé de le faire depuis le début du quinquennat, ont formulé des propositions constructives. Nous déplorons qu’elles n’aient pas été retenues par le Gouvernement. En effet, en refusant de mettre en œuvre les réformes structurelles dont notre pays a besoin, le Gouvernement est contraint de faire des choix de court terme qui ne permettront malheureusement pas le retour de la croissance et de l’emploi. C’est pourquoi le groupe UDI votera contre ce projet de budget.

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(Le projet de loi est adopté.)

3

Projet de loi de finances rectificative pour 2015

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2015 (no3368 et 3370).

Présentation

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, à ce stade de notre débat, je voudrais faire quelques remarques, non pas pour répondre aux interventions qui viennent d’être faites sur le projet de loi de finances, car le débat a déjà eu lieu, mais pour poser deux interrogations.

La première, c’est l’ampleur du travail qui reste à faire sur trois réformes fondamentales que nous n’avons pas encore pu mener à bien, par manque de temps ou parce que nous ne sommes pas parvenus à trouver un consensus.

Tout le monde s’accorde pour dire que la dotation globale de fonctionnement – DGF – est plus que poussiéreuse : qu’elle est désuète, injuste, opaque. Nous avons posé les principes de la réforme, et il nous faut maintenant la mener à bien, parce qu’elle est intimement liée à la trajectoire de nos finances publiques et notamment à la réduction des dotations de l’État. Nous ne pourrons pas solutionner le problème des relations financières entre l’État et les collectivités si nous ne réalisons pas, plus qu’un toilettage, une vraie réforme de la DGF, qui la rende plus transparente, plus juste, et donc plus efficace. C’est un chantier considérable, nous l’avons mesuré. Nous ne partons pas de rien, et des propositions ont été faites. Mais il faut en finir avec les postures qui consistent à applaudir les principes, puis à revenir dessus lorsque des simulations sont faites, pour des raisons trop souvent nombrilistes.

La deuxième réforme que nous avons à conduire, qui est considérable, et que nous avons finalement assez peu abordée au cours de cette discussion budgétaire, est la retenue à la source. J’avais souhaité, à titre personnel, qu’un débat puisse avoir lieu au Parlement sur cette question – mais je respecte le choix du Parlement. Je pense que nous aurons intérêt à construire ensemble cette réforme structurellement importante. Certains estiment que ce n’est pas une vraie réforme, mais une simple modalité de perception de l’impôt, et d’autres – suivez mon regard – que c’est une véritable réforme, qui prépare un certain nombre de choses dont ils ne veulent pas.

Nous avons intérêt à faire cette réforme. C’est même l’intérêt général, et le Gouvernement est parfaitement clair sur les dates de sa mise en œuvre – car oui, cette réforme sera menée. Nous n’arriverons pas à trouver un parfait consensus, et je ne m’attends pas à ce que tout le monde applaudisse à tous les choix qui seront faits, mais si nous ne parvenons pas à mener un travail objectif, clair, pédagogique sur la retenue à la source, sur cette nouvelle modalité de perception de l’impôt, je crois que nous accroîtrons le fossé qui peut parfois séparer nos concitoyens de l’impôt et, plus généralement, de la classe politique.

La troisième réforme que nous devons mener est celle des bases des valeurs locatives. Nous en sommes presque à la phase opérationnelle pour les locaux professionnels. Un travail considérable a été mené par l’administration et par les élus, dans les commissions départementales et communales. Nous avons découvert à cette occasion ce que nous savions tous, à savoir que les bases des valeurs locatives sont plus que poussiéreuses, plus qu’obsolètes. Elles sont une source d’injustice, entre les contribuables d’une même collectivité ou même entre collectivités puisque les bases des valeurs locatives servent souvent de référence pour calculer la répartition des contributions au sein des établissements publics de coopération intercommunale. Nous devons donc affronter courageusement ce travail important, sur lequel nous pouvons trouver un consensus, indépendamment des clivages profonds qui peuvent exister sur d’autres sujets.

Voilà trois sujets, mesdames et messieurs les députés, DGF, retenue à la source et bases des valeurs locatives, sur lesquels je pense que nous n’avons pas de temps à perdre.

M. Dominique Baert. En effet !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il est vrai que nous achevons un marathon et que nous sommes, à cent mètres de la ligne d’arrivée, un peu épuisés, mais il faudra, une fois les fêtes passées, reprendre nos travaux dès le début de l’année prochaine. Le Gouvernement est tout à fait disponible pour conduire ces réflexions en commun avec le Parlement. Monsieur le président de la commission des finances, vous pourrez compter sur la disponibilité de votre secrétaire d’État, de son administration et de ses équipes pour travailler avec vous sur ces sujets qui sont souvent techniques mais qui finissent par devenir politiques.

Ma deuxième remarque concerne la méthode d’élaboration de nos textes financiers. Mme la rapporteure générale a opportunément rappelé le nombre d’heures que nous avons passées dans cet hémicycle et le nombre d’amendements qui ont été examinés par votre assemblée.

M. Dominique Baert. Et adoptés !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ajoute que nous n’avons pas compté les heures de travail en commission, que vous avez conduit, ni, en ce qui concerne modestement votre serviteur, les heures passées au Sénat, ou sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Indépendamment de nos personnes et des conditions d’examen des textes, je crois que nous avons, que vous avez – ce sera le choix du Parlement – une réflexion à mener sur cette question.

Les problèmes sont multiples, et j’en citerai deux. Le premier, c’est que nos textes financiers sont établis par le Gouvernement entre le 15 août et le début du mois de septembre, et même avant, puisque les lettres plafonds sont produites au mois de juin. Cela signifie que nous votons aujourd’hui, à la fin du mois de décembre, des textes qui ont été élaborés au mois d’août, et dont, d’ailleurs, nos concitoyens ne vont percevoir les effets, faute de retenue à la source, qu’au mois de septembre prochain.

Il y a là quelque chose qui ne va pas, je le dis très sincèrement. D’abord, nous avons pris en compte les données macroéconomiques, sociales, internationales du mois d’août pour construire ces textes, et ces données ont changé. C’est le cas pour les questions de sécurité, intérieure ou internationale ; c’est le cas aussi pour les conditions macroéconomiques : l’inflation, dont tout le monde, au mois d’août, prévoyait qu’elle reprendrait du fait des décisions de la Banque centrale européenne, avec des prévisions à 1 %, est toujours proche de zéro aujourd’hui ! Je sais que vos assemblées, vos commissions ont besoin de temps pour examiner les textes, mais nos débats sont trop étalés dans le temps et notre architecture budgétaire globale ne convient pas.

Cet allongement des débats nuit par ailleurs, et c’est le deuxième problème, à la lisibilité de nos décisions. Il arrive souvent que l’on communique sur l’adoption d’un amendement en commission, ce qui est normal. Mais il arrive aussi que l’hémicycle revienne en arrière, parce que c’est l’hémicycle qui décide, et que le Sénat, un peu plus tard, prenne à son tour une décision contraire, d’abord en commission, puis dans l’hémicycle, et que tout cela revienne à l’Assemblée nationale, qui recommence pareil ! Que peuvent comprendre nos concitoyens à tout cela ?

M. Dominique Baert. Remarque pertinente !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Que peuvent-ils comprendre s’ils lisent, à huit jours d’intervalle, que les députés ont adopté une disposition, que l’Assemblée nationale ne l’a pas adoptée et que la commission des finances du Sénat l’a modifiée ? Il y a là un vrai problème de communication entre le législateur et nos concitoyens. Je ne dénie à personne le droit de discussion mais, mesdames et messieurs les députés, vous me permettrez de prendre un peu de hauteur, compte tenu de mes fonctions : il m’arrive de combattre huit fois le même amendement ! En première lecture ici, en première lecture au Sénat, puis en deuxième lecture, et ainsi de suite…

M. Dominique Lefebvre. Et sur trois textes différents !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. En effet, il y a aussi le projet de loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, où je retrouve les mêmes amendements. Bref, nous avons huit fois le même débat, avec des votes parfois différents ! Cela est bien sûr conforme aux règles, mais il importerait peut-être que nous nous interrogions sur la pertinence de nos méthodes. Nous aurons l’occasion de revenir là-dessus.

Je me suis un peu éloigné du sujet qui nous occupe, mais le projet de loi de finances rectificative vous est largement connu. Mme la rapporteure générale a décrit très précisément tout à l’heure l’ensemble des mesures contenues dans ce texte, et le Gouvernement suggère évidemment à votre assemblée de les adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Madame Rabault, j’ai en effet cru comprendre que vous aviez fait une présentation groupée du projet de loi de finances et du projet de loi de finances rectificatives.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je voudrais faire deux observations sur notre méthode de travail, dans le prolongement des propos de M. le secrétaire d’État, dont je partage totalement le point de vue. Mais j’aimerais d’abord adresser un certain nombre de remerciements.

Monsieur le secrétaire d’État, l’opposition a vraiment apprécié les conditions de travail et le climat dans lequel elle a pu s’exprimer et examiner les amendements – certes trop nombreux, comme vous l’avez noté. Les relations avec vos collaborateurs sont toujours très constructives, et s’il est vrai que notre méthode de travail pose un certain nombre de problèmes, nos relations de travail sont, quant à elles, de bonne qualité, ce dont je me réjouis.

Je voudrais me tourner aussi vers les administrateurs des différentes divisions de la commission des finances, pour leur exprimer mes remerciements, car c’est une période très difficile et très chargée pour eux aussi. Il est vrai que nous souffrons, nous aussi, des lourdeurs de la procédure.

Je voudrais adresser des remerciements très sincères à notre rapporteure générale. (Applaudissements.) Vous savez que j’ai une très grande estime pour elle, et je tiens à le dire ici. J’ai vraiment beaucoup de plaisir, en tant que président de la commission des finances, à travailler avec elle.

M. Olivier Faure. On aime bien aussi le président de la commission !

M. Dominique Baert. Le plus souvent !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Merci…

M. Éric Alauzet. C’est l’esprit de Noël !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La présidence de la commission des finances est rendue beaucoup plus aisée par le bon climat qui y règne. Et je me dis très souvent qu’il est dommage que la télévision ne montre pas les travaux tels qu’ils se déroulent en commission, parce que cela donnerait une bien meilleure image du travail parlementaire.

M. Pierre-Alain Muet. C’est vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je voudrais également remercier les différents services de l’Assemblée, notamment celui de la séance, ainsi que les présidents de séance successifs. Nous avons fait le compte, ce matin, en commission des finances : nous sommes à plus de 300 heures de débat ! C’est démesuré. Nous avons usé un grand nombre de présidents de séance. Monsieur Baupin, je vous prie de leur transmettre mes remerciements.

M. le président. Je transmettrai, monsieur le président.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je ferai, monsieur le secrétaire d’État, trois observations à la suite de vos propos, que je partage. D’abord, ne conviendrait-il pas de lier, pour gagner du temps, l’examen des parties « recettes » du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale ? Vous n’avez pas évoqué ce point. En effet, l’interdépendance de ces deux parties est totale. Bien sûr, les dépenses sont, par nature, différentes et il convient de continuer à les examiner de manière séparée. Mais nous simplifierions notre procédure en articulant la première partie du projet de loi de finances et la partie « recettes » du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette proposition avait déjà été formulée il y a plusieurs années par MM. Didier Migaud et Alain Lambert, il faut avancer en ce sens.

Ma deuxième réflexion portera sur les dépenses. Pour les examiner, nous avons mis en place des commissions élargies.

M. Dominique Baert. Nous pensions qu’elles se substitueraient au débat dans l’hémicycle.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Voilà. Or, les débats s’additionnent. Alors que toutes les discussions ont déjà eu lieu dans les commissions élargies, nous recommençons dans l’hémicycle. C’est excessif.

M. Dominique Baert. Ce n’est pas possible de continuer ainsi. Après les commissions élargies, dix minutes dans l’hémicycle, point final !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ma dernière réflexion sera pour rappeler que nous vivons sous l’empire de la Constitution de 1958, qui prévoit, comme vous l’évoquiez, monsieur le secrétaire d’État, et si ma mémoire est bonne, un délai de quarante jours pour l’examen du PLF par l’Assemblée, de vingt jours pour le Sénat et de dix jours pour la navette. Or à l’époque, le temps n’était pas le même ! Entre le mois de septembre et celui de décembre, la continuité était réelle, même si, déjà à l’époque, Edgar Faure évoquait la discussion avec les mots de litanie, liturgie et léthargie. Maintenant, même si elle pose un problème d’ordre constitutionnel, une adaptation de l’examen du projet de loi de finances est nécessaire : le temps s’est accéléré et il nous faut une discussion beaucoup plus réactive, plus interactive.

Tous, nous partageons ces réflexions : il convient maintenant de trouver le moyen de les mettre en œuvre, ce qui passera par une réforme constitutionnelle qui n’est pas évidente. Si la loi organique relative aux lois de finances nous a assurément déjà permis de réaliser de grands progrès, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.

Je tiens enfin, monsieur le secrétaire d’État, à vous adresser des remerciements personnels et à vous souhaiter, ainsi qu’à toutes et tous ici, un repos bien mérité en cette fin d’année 2015. (Applaudissements.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Tuaiva.

M. Jean-Paul Tuaiva. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure générale, chers collègues, depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI se sont employés à formuler des propositions constructives avec la volonté de participer de manière efficace au redressement de notre pays. C’est pourquoi, lorsque nous estimions que les mesures mises en avant par le Gouvernement allaient dans le bon sens, nous les avons soutenues, aussi imparfaites soient-elles. Nous aurions aimé que le Gouvernement soit également à l’écoute de l’opposition.

M. Dominique Baert. Il l’a été !

M. Jean-Paul Tuaiva. Nous aurions ainsi pu œuvrer ensemble au retour de la croissance et de l’emploi. Or, la France, trois ans et demi après l’arrivée au pouvoir de François Hollande, n’est toujours pas sortie de la crise. Le chômage reste à un niveau jamais atteint dans notre pays, entraînant chaque jour des drames économiques, sociaux et humains. La croissance, portée par des facteurs extérieurs favorables, a légèrement redémarré, mais de manière moins forte et solide que chez nos voisins.

Le groupe UDI a dit au Gouvernement que le retour de la croissance, et donc de l’emploi, ne serait possible qu’en baissant les impôts et les dépenses publiques. Or, la France, comme cela est le cas depuis l’année 1965, est le deuxième pays affichant le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé parmi les trente-quatre membres de l’OCDE.

En 2015, les prélèvements obligatoires augmenteront de 12,8 milliards d’euros. En 2016, l’augmentation serait encore plus importante : 22 milliards. À partir de 2017, le Gouvernement prélèvera 1,9 milliard d’euros supplémentaires par an sur les ménages et les entreprises, à travers la contribution climat-énergie. Enfin, l’amendement de M. Ayrault, adopté par la majorité contre l’avis du Gouvernement, vise à engager la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG à partir de 2017, réforme qui ne pourra se faire qu’au détriment des classes moyennes et des familles.

En outre, François Hollande s’était engagé à réaliser 50 milliards d’euros d’économies d’ici à la fin du quinquennat. Nous avions salué cette promesse. Cependant, alors que cet effort devait se concrétiser par 21 milliards d’économies en 2015, les dépenses ont au contraire augmenté de 15 milliards. Pour 2016, le Gouvernement avait promis 16 milliards d’économies : or, les dépenses publiques augmenteront encore de 17,6 milliards.

La France est ainsi devenue l’an dernier le pays le plus dépensier de l’OCDE, malgré des facteurs particulièrement favorables. La baisse de sa contribution au budget de l’Union européenne et les économies constatées sur la charge de la dette, conjuguées à la baisse du prix du pétrole, auraient dû permettre au Gouvernement de réaliser des économies significatives. Il n’en a malheureusement rien été. Si nous reconnaissons que des efforts ont été consentis, ils demeurent notoirement insuffisants.

Pourquoi notre pays est-il ainsi paralysé ? La raison est simple mes chers collègues : le Gouvernement, depuis le début du quinquennat, n’a malheureusement pas mis en œuvre les réformes structurelles dont la France a besoin. La réforme de l’État, celle des collectivités territoriales et celle de la protection sociale et de la santé, la rénovation de la démocratie sociale, la transition écologique ou encore la valorisation de la ressource humaine de la nation sont six chantiers essentiels que vous n’avez pas pris à bras-le-corps.

Ce constat est partagé par la Commission européenne qui, dans son rapport sur l’état d’avancement de ces réformes structurelles en France, souligne que « si les choses vont dans la bonne direction, la stratégie de réformes du gouvernement français apparaît morcelée, et certaines actions manquent d’ambition ». Bruxelles ajoute que « cela donne un sentiment général de réformes permanentes avec des résultats tangibles limités ». C’est pourquoi les députés du groupe UDI voteront contre ce projet de loi de finances rectificative pour 2015.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. S’agissant de l’équilibre budgétaire de l’année 2015, j’ai dit déjà, mais je tiens à le redire, qu’il est conforme aux prévisions. Il faut le souligner, car ce n’était pas arrivé depuis bien longtemps. Les prévisions actualisées de recettes de l’État ont même été légèrement revues à la hausse. Cette conformité est principalement due au fait que l’affichage de croissance a été conforme à la réalité. Il manquait 15 milliards de recettes en 2014 et quelque 10 milliards en 2015 du fait d’une mauvaise prévision de croissance. Les pertes fiscales des années 2013 et 2014 avaient donc pour cause principale plus une mauvaise prévision de croissance que les augmentations d’impôt et la surfiscalité dénoncées par l’opposition.

S’agissant des dépenses, les quelques ajustements apparaissent, à la lumière du budget de 2015, comme le résultat d’une inflation plus faible que prévue. En 2016, nous pourrions vivre la même mésaventure : le taux de l’inflation risque d’être très inférieur au 1 % prévu, ce qui provoquera des difficultés d’ajustement et nous contraindra sans doute à légiférer de nouveau pour baisser les dépenses davantage que prévu.

Le déficit est légèrement revu à la baisse – 1 milliard d’euros –, ce qui nous permet de respecter les 3,8 % de déficit. D’aucuns prétendent que cela ne sert à rien, puisque la dette ne baisse pas. Mais la dette ne peut pas baisser, puisque la phase actuelle ne permet rien d’autre que de limiter son augmentation ! À terme, lorsque nous aurons atteint 2 %, ou peut-être 1,5 % de déficit, alors la dette commencera à baisser. Pour baisser la dette, il faut commencer par baisser le déficit. Tout cela rend difficile d’oublier la politique de la précédente majorité, qui s’est traduite par des prévisions fantaisistes, l’augmentation des dépenses, des recettes fiscales qui n’étaient pas au rendez-vous et des déficits dramatiques.

S’agissant de l’écologie – j’ai déjà abordé le sujet dans mon intervention sur le projet de loi de finances – des décisions ont été prises lors de l’examen du PLFR. La plus symbolique est l’affirmation de la trajectoire ambitieuse de la taxe carbone : de 22 euros la tonne en 2016, elle sera portée à 30,50 euros en 2017, dans la perspective de 56 euros en 2020 et 100 euros en 2030. Il était important d’envoyer ce signal, qui devra, certes, être confirmé à chaque exercice budgétaire, à l’ensemble des acteurs économiques, afin de leur permettre de préparer les mutations nécessaires, qu’il s’agisse des ménages ou, bien évidemment, des entreprises.

Autre mesure importante du PLFR, qui, il est vrai, avait été largement anticipée en projet de loi de finances : la convergence des taxes sur le diesel et l’essence. L’augmentation de 2,4 centimes, TVA comprise, même réduite à 1,4 centime en PLFR, ce qui est bien dommage, confirme toutefois la trajectoire. En effet, cette augmentation s’ajoute à celle de 2,4 centimes de l’année précédente, qui concernait également les poids-lourds, il convient de le rappeler, pour compenser notamment l’annulation de l’écotaxe, et elle précède l’annonce d’une augmentation de nouveau de 2,4 centimes pour 2017. La trajectoire est donc clairement affirmée : nous nous dirigeons vers la convergence.

Un mot maintenant sur la question de la justice fiscale, en écho aux regrets exprimés par M. le secrétaire d’État concernant des décisions prises en projet de loi de finances et infirmées en projet de loi de finances rectificative.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne faisais pas spécialement allusion à ce sujet.

M. Éric Alauzet. Tout de même un peu, et c’est d’ailleurs normal que vous l’ayez évoqué : cela ne me choque pas du tout.

Ayant défendu l’amendement sur la publicité du reporting bancaire, je tiens à observer qu’on commence à lire n’importe quoi dans la presse sur le sujet depuis quelques heures, voire quelques jours : on serait passé d’un abandon de sa publicité à l’abandon du reporting lui-même ! Cela ne va pas du tout. On entend ici ou là que, parce que nous changerions sans cesse d’avis, nous risquons de décourager nos concitoyens et de les dégoûter de la politique, mais nous ne sommes pas les seuls responsables. Les médias doivent faire preuve, eux aussi, de rigueur dans leur manière de transmettre l’information.

Je salue donc le Gouvernement pour s’être engagé au plan européen au sujet du reporting. La décision est prise : l’administration fiscale aura communication des informations. Cela ne m’interdit pas de regretter que cette publicité ne soit pas plus large. Nous aurons l’occasion de revenir sur le sujet car la transmission à la seule administration fiscale de ces informations peut se révéler insuffisante. Cela méritait d’être dit.

S’agissant des transactions financières internationales, je tiens à rappeler la décision que nous avons prise en matière de taxation des transactions intraday au 31 janvier 2016. C’est un point important, à faire valoir auprès de tous ceux qui affirment que le discours du Bourget a été oublié ou trahi. Il faut réaliser l’inventaire précis de ce qui a été fait et de ce qui n’a pas été fait. Nous devons faire preuve de rigueur intellectuelle si nous ne voulons pas, justement, décourager nos concitoyens de la politique. Exprimons nos désaccords, mais sachons aussi reconnaître ce qui va dans le bon sens. Je m’y emploierai.

M. Jean Launay. Très bien.

M. Éric Alauzet. Pour conclure, le groupe écologiste votera par moitié, fidèle à sa tradition, le projet de loi de finances rectificative comme il a voté le projet de loi de finances, en notant les avancées, qu’elles proviennent du Gouvernement ou du débat. Mais nous sommes très loin de la société idéale dans laquelle nous souhaiterions vivre, tant du point de vue de la justice fiscale que de l’écologie : c’est pourquoi nous restons déterminés à la faire progresser. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André.

M. Stéphane Saint-André. Le projet de loi de finances rectificative pour 2015 a été modifié par le Sénat en première lecture, mais il a pu conserver, au cours de la navette, ses principales dispositions. Il avait été adopté, au Sénat, par nos collègues du groupe socialiste, du groupe du Rassemblement démocrate et social européen et du groupe écologiste, les sénateurs de droite s’étant abstenus. Cela tend à démontrer que, sur des sujets aussi fondamentaux que la fiscalité de l’écologie, de l’agriculture ou de nos entreprises, les deux chambres peuvent légiférer de façon concordante, ce que les Françaises et les Français appellent de leurs vœux.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie en début de semaine a malgré tout échoué, du fait du dévoiement de certaines mesures de fiscalité écologique, représentant un montant total de 1 milliard d’euros, ce qui n’est pas négligeable. Une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale se justifiait donc pleinement, d’autant que ce projet de loi de finances rectificative pour 2015 prévoit une réduction du déficit de l’État de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale. C’est désormais une baisse de 12,3 milliards d’euros du déficit que nous anticipons en 2015, par rapport à 2014.

En dépit des circonstances particulièrement exceptionnelles de l’année qui s’achève, qui a commencé avec les violents attentats du 7 janvier et s’est poursuivie avec la tragédie du 13 novembre, la majorité tient le cap et assure la maîtrise de nos finances publiques en parvenant à tenir ses objectifs de dépenses et de soldes budgétaire et public.

Cette vérité des chiffres, saluée par le Haut Conseil des finances publiques, ne peut toutefois pas masquer le fait que certaines réformes, plus structurelles, sont attendues, notamment celles issues de la modernisation de l’action publique, qui se font encore désirer.

Cette vérité ne peut pas non plus masquer le fait que certains secteurs sont, dans les faits, et au titre de la compétitivité, plus soutenus que d’autres. Ce soutien est proportionnel à la taille des structures, alors que les secteurs soutenus ne sont pas pour autant contraints à agir plus volontairement en faveur de l’emploi et de la formation. C’est la question des contreparties du CICE, chère au président de notre groupe depuis le lancement de ce crédit d’impôt, et d’ailleurs relancée dans les médias par le Premier ministre en personne suite aux résultats du dernier scrutin régional. Les mesures annoncées devront être rapidement précisées. Nous souhaitons une association pleine et entière du Parlement sur ces sujets à la rentrée prochaine.

Pour revenir au texte qui nous intéresse aujourd’hui, le vote positif fortement exprimé par la chambre haute vendredi dernier s’explique en grande partie par le véritable saut qualitatif opéré vers une fiscalité plus écologique. J’en rappelle ici les principales mesures : la création d’un compte d’affectation spéciale pour la transition énergétique, l’encouragement à l’utilisation de l’essence E-10 dite « sans plomb 95 », contenant 10 % d’éthanol, annoncé début septembre par le Premier ministre dans le cadre du plan d’urgence pour l’agriculture, la réforme de la taxe à l’essieu, la simplification et la sécurisation du recouvrement de la taxe générale sur les activités polluantes, et bien sûr la réforme de la fiscalité des énergies.

Cette dernière augure une petite révolution dans les modes de financement de la transition énergétique, qui se profile à l’horizon 2017. Les recettes attendues d’une plus forte taxation des énergies fossiles, ainsi que les affectations de crédits supplémentaires au profit du rachat de l’électricité éolienne et solaire, des tarifs sociaux et de l’aménagement du territoire, sont autant de signaux positifs. En première lecture, notre assemblée avait renforcé ces mesures en inscrivant dans le texte la trajectoire de la contribution climat-énergie pour les années 2017 à 2019.

En ce qui concerne l’article 11, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se réjouit du maintien, sage et définitif, de son amendement visant à inclure le transport par câble dans la liste des activités de transport de personnes et de marchandises bénéficiant d’un taux de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – TICPE – réduit de 0,50 euro par mégawattheure. Comme Joël Giraud l’a dit lors des débats précédents, le transport guidé ou par câble, qu’il soit aérien ou au sol, est un mode de transport utilisé non seulement dans les zones de montagnes, mais également en milieu urbain, ce qui sera peut-être de plus en plus le cas à l’avenir. Le fait de l’exclure du dispositif, alors que Mme la ministre de l’écologie venait de publier une ordonnance prévoyant de lui attribuer les mêmes servitudes publiques qu’à tous les autres modes de transport, urbain ou non, posait un véritable problème. Notre groupe l’a résolu, avec le soutien de la commission des affaires économiques et à l’unanimité de la représentation nationale.

S’agissant des collectivités, le Sénat n’est pas non plus revenu sur l’amendement de notre collègue Jeanine Dubié, à l’article 24, qui vise à permettre aux EPCI nouvellement créés de délibérer de nouveau sur une intégration fiscale progressive qui s’avérait inopérante dans la pratique, dans la limite de douze années fixée par le code général des impôts. Ces EPCI pourront donc délibérer dès le mois de janvier prochain.

Nous avons également fait adopter un article additionnel après l’article 25 visant à appliquer les règles de droit commun prévues par le livre des procédures fiscales aux remises gracieuses concernant les redevances des agences de l’eau et offices de l’eau des départements d’outre-mer, qui sont des taxes et impôts de toutes natures. Adopté conforme par la Haute assemblée, ce dispositif permettra d’accorder des remises gracieuses de majorations d’impôts à certains redevables, notamment aux régies publiques des services de l’eau des collectivités locales.

Quant aux questions agricoles, nous nous félicitons également que le Sénat ait adopté conforme l’amendement du groupe RRDP, que notre assemblée avait adopté à l’unanimité, qui assouplit les règles en vigueur concernant la déchéance du droit de dégrèvement de cinq ans de la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans les parcelles exploitées par les jeunes agriculteurs.

En première lecture, le groupe RRDP avait voté en faveur du très substantiel projet de loi de finances rectificative pour 2015. Bien évidemment, monsieur le secrétaire d’État, nous le referons aujourd’hui.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous procédons à l’examen en lecture définitive du projet de loi de finances rectificative pour 2015. Cet examen vient clore l’ensemble des discussions budgétaires entreprises depuis la fin du mois de septembre, le « marathon » dont parlait notre rapporteure générale.

Ce budget rectificatif pour 2015 contient une multitude de dispositions fiscales dont la cohérence et l’ambition posent question. Les mesures phares de ce texte concernent le financement des entreprises et la fiscalité énergétique.

S’agissant du financement des entreprises, nous l’avons dit et nous le répétons, ce n’est pas en multipliant les ajustements à des dispositifs fiscaux au bénéfice de quelques milliers de contribuables, en général aisés, que l’on apportera des solutions durables à nos entreprises. L’état des carnets de commandes et de l’investissement public, l’attitude des banques et l’inefficacité de l’action de la BCE sont les véritables obstacles au financement des entreprises.

En ce qui concerne la fiscalité écologique, nous considérons que notre fiscalité dans son ensemble devrait être mise au service de la transition énergétique, en encourageant les comportements propres et vertueux de nos concitoyens ainsi que des entreprises. Au lendemain de l’accord conclu dans le cadre de la COP21, la mise en place, par exemple, d’un livret d’épargne défiscalisé destiné à la transition énergétique ainsi qu’à l’amélioration de nos infrastructures participerait efficacement à la mobilisation de moyens financiers à la hauteur de l’enjeu climatique.

Quant aux grands équilibres budgétaires et financiers de ce projet de loi de finances rectificative, rien n’est en réalité véritablement « rectifié ». Il n’y a ainsi aucune remise en cause du plan de 50 milliards d’euros d’économies du pacte de responsabilité.

Bien entendu, comme nous l’avons déjà dit, le renforcement des services publics de sécurité annoncé dans le projet de loi de finances pour 2016 va dans le bon sens. Mais la réponse sécuritaire ne saurait être la seule à apporter aux difficultés que rencontrent nos concitoyens.

Le Gouvernement aurait pu s’inspirer de la décision que vient de prendre le gouvernement italien, qui a choisi d’accorder, pour chaque euro supplémentaire alloué au renforcement de la sécurité du pays, un euro supplémentaire au budget de la culture. L’Italie va ainsi mettre en place un vaste plan de rénovation urbaine, améliorer le système de bourses pour les étudiants, consolider le financement des associations et accorder un bon d’achat culturel aux jeunes. Pour financer ces dispositions, le gouvernement italien a décidé de reporter les allégements fiscaux qu’il entendait accorder aux entreprises. Voilà un exemple dont notre pays aurait pu s’inspirer, d’autant que des marges de manœuvre financières existent, avec les 18 milliards d’euros annuels consacrés au crédit d’impôt compétitivité emploi.

Malheureusement, notre gouvernement continue de considérer que la baisse du chômage et la création d’emplois passent par des allégements fiscaux pour les entreprises et par un assouplissement de la législation du travail au profit de ces mêmes entreprises et au détriment de leurs salariés. Cette politique à sens unique a largement fait la preuve de son inefficacité, comme le confirment tous les indicateurs. Évidemment, elle ne fonctionnera pas davantage cette fois-ci.

En revanche, il serait immédiatement efficace de redonner des moyens à nos collectivités pour qu’elles puissent investir localement, dans les constructions, les services publics et la transition énergétique. En diminuant au contraire, comme vous le faites de manière constante, les dotations aux collectivités, vous mettez en péril l’investissement local, qui crée pourtant de l’activité et des emplois. Voilà qui viendrait par ailleurs assurer la cohésion du territoire et améliorer le tissu économique, social et écologique local, aujourd’hui en souffrance.

Pour redonner de l’espoir à nos concitoyens, notamment aux jeunes générations, il convient de définir un véritable projet politique autre que l’austérité généralisée et sans cesse répétée. Cela exige bien sûr du courage et un volontarisme puissant, notamment à l’égard des grandes entreprises.

De ce point de vue, d’ailleurs, nous ne pouvons que déplorer le rejet, dans des conditions non seulement rocambolesques mais surtout très préoccupantes pour le fonctionnement de notre démocratie, de l’amendement adopté en première lecture par notre assemblée visant à renforcer la transparence sur les activités des entreprises et leur recours aux paradis fiscaux. Permettez-moi de le redire ici, monsieur le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est sûrement cela qui va réconcilier nos concitoyens avec la politique !

Mme Jacqueline Fraysse. Vous confirmez ainsi les orientations budgétaires de ce projet de loi de finances rectificative, que les députés du Front de gauche ne peuvent pas soutenir. Ils voteront donc contre ce texte.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre, dernier orateur inscrit.

M. Dominique Lefebvre. J’ai le privilège d’être le dernier parlementaire à intervenir dans cette discussion générale, avant que le secrétaire d’État ne s’exprime pour conclure nos débats. Permettez-moi de me joindre aux remerciements adressés par le président de la commission des finances à l’ensemble des personnes qui nous ont permis de travailler dans d’excellentes conditions. Je pense au personnel de cette maison, en particulier aux fonctionnaires du service de la séance, du secrétariat de la commission des finances et du secrétariat du rapporteur général. Je pense également aux collaborateurs de M. le secrétaire d’État et à l’ensemble des personnels de l’administration des finances qui nous permettent de travailler.

Je reviendrai d’abord sur le débat que vous avez engagé, monsieur le secrétaire d’État, sur la qualité de nos travaux. Cette qualité s’améliore lorsque nos débats ont été préparés par des missions parlementaires. C’est ce qui s’est produit pour ce projet de loi de finances rectificative : François André a travaillé sur les sujets relatifs à la fiscalité agricole, tandis que Olivier Carré et Christophe Caresche travaillaient sur la fiscalité des entreprises. Quant à la dotation globale de fonctionnement, réformée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016, ce sont les travaux pilotés par Christine Pires Beaune et le regretté Jean Germain qui nous ont permis d’avancer. Ce travail en amont associe souvent des parlementaires de la majorité et de l’opposition, ce qui montre que nous pouvons avancer de manière constructive et intelligente.

Pour le reste, je veux participer, en ma qualité de responsable du groupe socialiste à la commission des finances, au débat sur l’amélioration de nos procédures. J’y vois deux obstacles, ou plutôt deux réalités.

La première réalité réside dans le droit d’amendement, inaliénable, de nos collègues parlementaires, même si cela va de pair avec le dépôt de nombreux amendements que je qualifierais de « marronniers ». Dans le cadre de l’examen du présent projet de loi de finances rectificative, compte tenu du contexte et des événements, certains semblent toutefois avoir finalement compris qu’il n’était pas forcément nécessaire de refaire trente-six fois le même débat.

La deuxième réalité concerne les conditions d’adoption des amendements et des articles, dans cet hémicycle comme dans notre commission. La franchise et la lucidité me poussent à dire qu’un vote peut être obtenu en raison d’une faible présence dans cet hémicycle, ce qui constitue une prime aux petits groupes activistes organisés. (Exclamations sur les bancs du groupe écologiste.)

Le principe, c’est que l’on peut toujours revenir sur un vote. Jacqueline Fraysse a fait état de cette seconde délibération sur le reporting. Le second vote, je le dis très clairement, est aussi légitime que le premier. C’est prévu dans la procédure.

Mme Jacqueline Fraysse. Tout cela est très normal. Les Français jugeront !

M. Dominique Lefebvre. Nous avons souvent parlé lors de nos débats sur le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative du respect des principes constitutionnels, mais également du droit européen, qui prend de plus en plus une place. Nous avons eu de grandes discussions sur ce point pour un certain nombre d’amendements. Je comprends parfaitement qu’on ait la volonté politique d’affirmer un certain nombre de choses. Je pense que nous avons à gagner à faire nous-mêmes une analyse juridique au plus près, ce qui ne permet pas d’anticiper ce que sera le jugement souverain du Conseil constitutionnel et, le cas échéant, un jour, de la Cour de justice européenne ou de la Commission sur des textes européens.

S’agissant de l’amendement relatif à la rétroactivité de l’application d’un taux de TVA sur la presse en ligne – lequel a finalement été rejeté –, mon seul regret, c’est que la polémique avec ceux qui ont prétendu qu’il respectait les principes constitutionnels va se poursuivre. Cet amendement était profondément inconstitutionnel et je pense que notre assemblée a eu raison, d’un point de vue juridique. Je ne parle pas d’opportunité. On ne doit considérer ici, je le répète, que les principes, notamment juridiques, sans tenir compte des questions politiques.

Cela ne signifie d’ailleurs pas que d’autres sujets ne seront pas abordés par le Conseil constitutionnel, j’ai eu l’occasion de le souligner sur des amendements importants, notamment dans la loi de finances, et je pense que le problème est encore devant nous.

Sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2015, ce que l’Histoire retiendra, mes chers collègues, c’est que, dans un contexte particulièrement mouvementé et turbulent, nous aurons réussi à tenir la trajectoire de redressement des finances publiques, respecté l’objectif de recettes et maîtrisé la dépense comme jamais depuis quinze ans, et je tiens à vous en féliciter, monsieur le secrétaire d’État, tout en finançant nos priorités politiques, en particulier la sécurité et l’emploi, qui sont les deux sujets de préoccupation pour l’année 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais juste revenir sur un point technico-politique et remercier M. Alauzet de ses propos sur le sérieux, la pédagogie et la rigueur dont nous devons faire preuve nous-mêmes bien sûr, mais aussi tous ceux qui nous regardent, nous observent ou commentent ce que nous faisons.

Quand j’ai évoqué les changements de pied qui nuisaient quelque peu à la lisibilité de nos débats, je ne pensais pas spécialement à la seconde délibération sur le CBCR – country by country reporting –, qui n’a rien eu de rocambolesque, madame Fraysse. Il faut éviter d’utiliser des mots qui vont au-delà des faits. Les secondes délibérations sont des procédures que tous les gouvernements, toutes les assemblées ont connues. Il eût été plus contraignant de procéder à un vote bloqué, voire de recourir à d’autres dispositifs constitutionnels encore plus lourds. L’année dernière, nous avons demandé plus souvent des secondes délibérations, voire demandé la réserve de certains votes. Là, sur les deux mois, il n’y a eu qu’une seconde délibération importante.

Sur le fond, vous avez raison, monsieur Alauzet. Faire croire que la position ferme du Gouvernement sur ce point, et je l’assume, était un renoncement à toute lutte contre l’évasion fiscale ou l’optimisation fiscale est injuste car c’est faux.

Mme Jacqueline Fraysse. On ne peut pas le dire autrement !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas vous qui vous êtes exprimée ainsi, madame Fraysse, je vous l’accorde. Nous reprendrons peut-être le débat à l’extérieur ou dans la presse, ou à d’autres moments.

Je communiquerai dans la journée pour rappeler tout ce que ce gouvernement a fait dans le domaine – sans nier ce qu’il reste à faire – et expliquer pourquoi nous n’avons pas accepté, maintenant, la publicité du reporting pays par pays, qui est le seul point contesté. Ce qui a été dit est évidemment quelque peu excessif.

Je remercie moi aussi l’ensemble des services qui ont contribué à la bonne tenue de nos débats, mon cabinet, bien sûr, qui a beaucoup travaillé, les services de la commission, qui ont parfois travaillé dans des conditions difficiles, avec le dépôt tardif d’amendements. Je le sais puisque j’ai occupé quelque temps les fonctions qu’occupe aujourd’hui Valérie Rabault, que je tiens à saluer. Elle est déterminée, efficace, précise, tenace. Ce sont toujours des qualités, surtout quand on est rapporteur général, ce qui n’est pas toujours simple sur le plan personnel ou politique. Je comprends parfaitement la ténacité dont elle a fait preuve sur certains points précis, je la salue même. Elle a su aussi être à l’écoute des demandes du Gouvernement, et je tiens à le souligner.

Monsieur le président de la commission, en dépit d’un handicap physique momentané – je vous souhaite d’ailleurs un total rétablissement le plus rapide possible –, vous êtes intervenu assez peu souvent, comme tout président de commission, mais toujours à bon escient, dans le sens de l’intérêt général et pour faire progresser la discussion.

Certains parlementaires ont été très assidus et ont été présents pendant de longues heures.

Je remercie l’ensemble des services de l’hémicycle, les agents de la buvette, les huissiers, ceux qui travaillent au plateau et, bien sûr les différents présidents qui se sont succédé. Nous avons parfois fini tard, pas trop finalement. Au Sénat, la séance a été levée une fois à trois heures et demie.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Les sénateurs sont résistants !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ici, nous ne sommes jamais allés, je crois, au-delà d’une heure et demie ou deux heures.

Tout cela a représenté un gros travail, il faut le dire. Comme vous l’avez souligné, monsieur le président, ceux qui nous regardent ou relaient nos comportements pourraient parfois s’intéresser aussi au travail sérieux qui est réalisé dans les commissions et dans les hémicycles, le jour, la nuit, pas trop le week-end cette année mais c’est arrivé aussi. Au Sénat, on siège souvent le samedi – sinon souvent, disons de temps en temps.

Voilà ce que je voulais dire, mesdames, messieurs, avant de vous laisser voter en toute liberté. Je suis encore un peu angoissé, mais les propos que j’ai entendus à la tribune m’ont quelque peu rassuré sur le résultat du vote. (Sourires.) Merci en tout cas à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Merci de vos propos.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je voudrais aussi profiter des derniers instants de ce marathon budgétaire pour renouveler mes remerciements, tout d’abord à vous, monsieur le secrétaire d’État, pour avoir accepté de répondre à nos demandes, qui furent très nombreuses, avec parfois des allers retours qui peuvent se justifier. Je vous remercie sincèrement pour votre écoute, pour le temps que vous nous avez consacré dans cet hémicycle et aussi à l’extérieur, car il y a des moments où il faut pouvoir négocier et se parler. Cela a été très appréciable sur les deux textes.

Je remercie vos équipes, qui vont pouvoir souffler à la fin de ce marathon budgétaire. Elles ont été évidemment mises sous pression ici mais aussi au Sénat.

Je remercie le président de la commission des finances, qui mène les débats avec beaucoup de doigté, de tolérance et d’ouverture à l’expression de tous. Ses amendements, sauf un, ont été adoptés, des amendements qui seront très pertinents pour les cessions et la construction de foncier, en Île-de-France notamment mais pas seulement d’ailleurs. C’est une disposition qui lui tenait à cœur, il avait en effet pointé une aberration assez flagrante.

Je remercie l’ensemble des administrateurs dont j’ai cité le nom la semaine dernière, avec, à leur tête, Guillaume Bazin. Eux aussi vont pouvoir souffler parce que, depuis jeudi dernier, ils ont passé quelques nuits blanches. Ces conditions de travail sont difficiles : il y a beaucoup de chiffres à compiler, beaucoup d’analyses à réaliser. On sait que le diable se cache dans les détails et il faut donc être vigilant jusqu’au bout, d’autant plus quand on a passé quelques nuits blanches. Nous pouvons vraiment les applaudir parce que c’est un travail de longue haleine de précision et de persévérance. (Applaudissements sur tous les bancs.)

Je remercie le plateau, monsieur le président, l’ensemble des présidents qui se sont succédé à votre fauteuil pendant ces débats. Comme nous avons eu 248 heures de débat, nous avons vu tous les présidents, ou presque.

Je remercie l’ensemble des services de la séance, les agents de la commission des finances, le secrétariat de la commission des finances, qui, lui aussi, œuvre dans l’ombre et grâce à qui les rapports sont mis en ligne, publiés, et compréhensibles à temps. C’est une vraie valeur ajoutée de cette maison d’être capable de produire en un temps record l’ensemble de ces documents.

Je remercie les assistants parlementaires qui nous accompagnent, avec, évidemment, un petit clin d’œil pour Mathieu Vanicatte et Marie Dutertre, ainsi que les assistants parlementaires des groupes d’opposition, qui sont toujours là, qui suivent et accompagnent nos débats et permettent qu’ils se déroulent dans de très bonnes conditions, toujours dans un esprit constructif.

C’est la fin de ce marathon, je sais qu’il y en aura un autre l’année prochaine. Je renouvelle mes remerciements à toutes et tous, et à l’ensemble de mes collègues et des rapporteurs spéciaux qui ont mis en exergue un certain nombre de sujets, qui nous ont permis d’avancer et de voter les yeux ouverts, parce qu’il faut toujours voter les yeux bien ouverts. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. et du groupe écologiste.)

M. le président. Je vous remercie. Je transmettrai vos remerciements à l’ensemble des vice-présidents.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(Le projet de loi est adopté.)

4

Modernisation du système de santé

Lecture définitive

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture définitive, du projet de loi de modernisation de notre système de santé (n3346).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour un rappel au règlement.

M. Laurent Wauquiez. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 1, qui concerne le déroulement de la séance.

Nous nous étonnons grandement que notre demande de vote solennel n’ait pas été acceptée et qu’en dépit des événements dramatiques que notre pays a connus et qui n’ont pas permis notamment aux médecins et aux professionnels de santé de s’exprimer correctement, le report du débat en janvier n’ait pas été non plus accepté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il s’agit d’un texte très conflictuel, qui s’attaque notamment à deux catégories importantes en France, les professionnels de santé, qui ont perdu toute confiance en la ministre, les médecins notamment, qui ont parfaitement compris qu’ils allaient être soumis à une forme de fonctionnarisation et de pression des mutuelles,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est incroyable de l’entendre aujourd’hui ! Il n’a pas mis les pieds dans l’hémicycle pendant tout le débat !

M. Laurent Wauquiez. …et les buralistes, avec notamment l’instauration du paquet anonyme, qui représente une extrême violence envers toute une profession. Là encore, nos débats auraient mérité autre chose.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’y avez pas assisté !

M. Richard Ferrand. On ne vous a jamais vu !

M. Laurent Wauquiez. Il n’y aura aucun, je dis bien aucun, bénéfice pour la santé. Seule conséquence, on fumera davantage de paquets de tabac et de cigarettes en provenance d’autres pays ou issus de la contrebande.

Sur ces deux sujets, la ministre choisit de passer en force. Elle ne nous a pas permis d’avoir un débat serein.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’y étiez pas !

M. Laurent Wauquiez. Jusqu’à nouvel ordre, chacun a le droit de s’exprimer. Visiblement, vous avez du mal à accepter les rappels au règlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous n’avez jamais été là !

M. le président. Pour ce qui concerne la partie de votre intervention qui constitue un véritable rappel au règlement, je précise, monsieur Wauquiez, que la question a été examinée en conférence des présidents et qu’il a été rappelé à cette occasion que l’examen du texte avait déjà été décalé à la demande de l’opposition.

M. Laurent Wauquiez. D’une semaine !

M. le président. De ce fait, nous nous trouvons maintenant en toute fin d’année et l’organisation d’un vote solennel sur ce texte s’avère impossible.

Passons maintenant à l’examen du projet de loi.

M. Laurent Wauquiez. Il n’est pas convenable de le faire dans ces conditions – vous le savez très bien, monsieur le président, et Mme la ministre aussi !

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

M. Laurent Wauquiez. Qui a perdu la confiance de ceux dont elle a la charge !

M. Pierre Lellouche. Et qui refuse un vote solennel ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Gérard Sebaoun. C’est n’importe quoi, monsieur Wauquiez. Vous n’étiez pas là durant les précédentes lectures !

M. Richard Ferrand. C’est une résurrection ! (Sourires.)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, il est des moments, dans le mandat d’un parlementaire ou dans l’action d’une ministre, qui sont assurément plus précieux que les autres. Le moment présent est de ceux-là. Nous avons, toutes et tous, fait le choix exigeant, prenant, parfois difficile, de nous engager. Nous l’avons fait parce que nous croyons que l’action publique, la politique peuvent non seulement transformer le quotidien, mais aussi préparer notre société à relever de façon plus efficace et apaisée les défis auxquels elle va être confrontée.

M. Laurent Wauquiez. En massacrant les médecins ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le conservatisme et la crainte du changement sont lourds. Il ne faut pas les écarter d’un revers de la main, il faut les dépasser pour faire reculer les inégalités et rendre notre société plus juste.

Vous examinez en lecture définitive le projet de loi de modernisation de notre système de santé,…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas une modernisation, c’est une étatisation !

Mme Marisol Touraine, ministre. …à l’issue d’un long travail parlementaire, qui a duré plus d’un an. Des dizaines de personnes auditionnées, plus d’une centaine d’heures de débat, des milliers d’amendements examinés : ceux qui veulent oublier ce travail n’auront pas raison face à l’avenir et ils ne trouveront pas une écoute particulièrement bienveillante auprès de ceux qu’ils croient représenter. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Lellouche. Vous vous trompez, madame !

M. Bernard Accoyer. Vous passez en force, en méprisant ce que disent les professionnels !

M. le président. La parole est à Mme la ministre, et à elle seule, chers collègues. La discussion générale aura lieu après.

M. Laurent Wauquiez. Jamais une ministre de la santé n’aura joui d’aussi peu de considération auprès des professionnels de la santé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Franchement, prétendre qu’il y a passage en force alors que le présent texte a été présenté en Conseil des ministres en octobre 2014, que des discussions ont été engagées à l’intérieur de vos commissions, ainsi qu’à l’extérieur, et que le texte a été débattu durant plusieurs semaines !

M. Laurent Wauquiez. Sans aucune concertation !

M. Richard Ferrand. C’est faux, monsieur Wauquiez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous le savez fort bien, d’ailleurs – peut-être pas vous, monsieur Wauquiez, qui étiez occupé à autre chose et qui n’avez pas beaucoup travaillé sur ce texte, si ce n’est pour défendre les intérêts particuliers de certaines zones géographiques (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste – Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Il a entendu, lui, les médecins, qui refusent le tiers payant !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le présent texte de loi a fait l’objet de profondes évolutions, au point que certains d’entre vous ont estimé que les amendements proposés en première lecture étaient trop importants. Or ces amendements résultaient précisément de discussions avec les professionnels !

Je préfère pour ma part rendre hommage au travail gigantesque qui a été réalisé. Nous le devons à une formidable mobilisation collective : celle de vos rapporteurs, Olivier Véran, Gérard Sebaoun, Bernadette Laclais, Jean-Louis Touraine, Hélène Geoffroy et Richard Ferrand, dont je tiens à saluer une nouvelle fois l’engagement et le travail ; celle de la présidente de la commission des affaires sociales, Catherine Lemorton, qui, au-delà de son engagement parlementaire propre, a assuré la bonne conduite des débats dans des circonstances parfois difficiles, voire acrobatiques ; celle des responsables des différents groupes et, au-delà, de l’ensemble des députés de la commission des affaires sociales et de leurs collaboratrices et collaborateurs, dont nous ne soulignerons jamais assez le travail essentiel ; enfin, celle des services de l’Assemblée, en commission comme en séance.

À travers le vote qui va avoir lieu aujourd’hui, c’est un choix politique, un choix d’orientation que vous allez faire. Ce choix, je le défends depuis maintenant plus de trois ans.

M. Pierre Lellouche. Hélas !

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est le choix du mouvement, de l’innovation, de la modernisation, au service d’une seule et même ambition : l’égalité en matière de santé.

M. Laurent Wauquiez. Sans aucun progrès sur l’ambulatoire !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et, oui, c’est un choix politique : celui de conforter le service public hospitalier,…

M. Pierre Lellouche. Vous avez décidé de tuer la médecine libérale !

Mme Marisol Touraine, ministre. …qui a fait le rayonnement et la force de notre système de santé et dont nous avons vérifié il y a encore quelques semaines l’efficacité remarquable.

M. Bernard Accoyer. Vous étranglez l’hospitalisation privée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Assez !

Mme Marisol Touraine, ministre. Puisque vous ne songez, depuis les attentats du 13 novembre, qu’à saluer les services publics, vous devriez vous interroger sur les raisons qui vous ont poussés, par le passé, à souhaiter démanteler le service public hospitalier, au point de le rayer d’un trait de plume dans les textes de loi que vous avez présentés ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christophe Sirugue. Très bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le choix de cette majorité, qui est bien, je le répète, un choix politique, est, à l’inverse, de conforter le service public hospitalier et d’écrire l’avenir de la médecine de ville en termes de coordination et de travail en équipe.

M. Laurent Wauquiez. En abandonnant la médecine libérale !

M. Gérard Sebaoun. Mais qu’est-ce que vous connaissez au sujet, monsieur Wauquiez ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est en effet illusoire de faire croire aux professionnels de santé que leurs conditions de travail actuelles, en cabinet isolé, leur permettront de relever le défi d’une présence territoriale sur l’ensemble du territoire national.

Notre système de santé, bâti au milieu du XXe siècle, doit faire face à des défis d’ampleur. Il était urgent de l’engager dans une nouvelle voie.

M. Bernard Accoyer. Pour imposer le tiers payant ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est à cette urgence que nous répondons depuis 2012, en mettant fin aux mesures de désengagement de l’assurance maladie avec la suppression d’une partie des franchises médicales, en encadrant les dépassements d’honoraires, en relevant les plafonds de la couverture maladie universelle complémentaire et de l’aide à la complémentaire santé, en incitant les jeunes médecins à s’installer dans les territoires sous-dotés ou dans les hôpitaux de proximité,…

M. Laurent Wauquiez. Au contraire : vous les découragez !

Mme Marisol Touraine, ministre. …en accompagnant les projets de maisons de santé, en améliorant le dialogue au sein de l’hôpital, en soutenant les hôpitaux de proximité et les professionnels qui y exercent.

M. Laurent Wauquiez. Jamais on n’en a perdu autant !

M. Pierre Lellouche. Tout ce qu’ils savent faire, c’est créer des fonctionnaires !

Mme Marisol Touraine, ministre. La donne est en train de changer. On se soigne aujourd’hui plus facilement, en déboursant moins d’argent ; ce qui reste à la charge des Français diminue régulièrement depuis 2012.

M. Laurent Wauquiez. Comment pouvez-vous dire cela ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce n’est pas moi qui le dis, mesdames et messieurs les députés, ce sont les comptes de l’assurance maladie !

M. Laurent Wauquiez. Ce ne sont pas les comptes qu’il faut écouter, ce sont les patients !

Mme Marisol Touraine, ministre. On se soigne davantage à proximité de chez soi, grâce à la création de 800 maisons de santé et aux 500 médecins qui se sont d’ores et déjà installés dans des zones sous-dotées.

M. Laurent Wauquiez. Ah oui ? Venez dans le Cantal, ou à Saint-Étienne !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et je m’étonne que celles et ceux qui en permanence appellent l’attention sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ne se réjouissent pas de mesures qui vont dans le bon sens.

M. Richard Ferrand. Eh oui !

M. Laurent Wauquiez. Elles ne vont pas dans le bon sens, les médecins vous le diront !

Mme Marisol Touraine, ministre. Eh bien, monsieur le député, vous étiez moins affirmatif lorsque vous demandiez des mesures en faveur de la médecine de montagne – demandes qui ont été satisfaites !

M. Laurent Wauquiez. Non, elles ne l’ont pas été !

Mme Marisol Touraine, ministre. Et ce n’est pas le gouvernement précédent qui a pris ces mesures, c’est le gouvernement actuel ; c’est lui qui apporte des réponses aux zones territoriales sous-dotées ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Bernard Accoyer. Des réponses tout à fait insuffisantes !

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque vous nous avez demandé de réaliser certaines choses, nous l’avons fait, non pas pour exaucer votre souhait, mais pour répondre aux besoins de la population dans ces territoires.

M. Pierre Lellouche. Vous ne le faites pas !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je m’étonne que ceux qui disent en permanence qu’il faut répondre aux besoins des territoires ruraux et des quartiers en difficulté trouvent que passer de 150 à 800 maisons de santé est négligeable !

M. Laurent Wauquiez. Ce ne sont pas de maisons de santé dont nous avons besoin, ce sont de médecins !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour avoir des médecins – mais peut-être n’êtes-vous pas assez au fait de ces questions, monsieur le député (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) –,…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ça, c’est sûr !

Mme Marisol Touraine, ministre. …il faut leur proposer des conditions de travail qui répondent à leurs attentes ; or tous – je dis bien tous – les syndicats de jeunes médecins disent qu’ils veulent travailler en équipe, et qu’ils veulent des maisons de santé, des maisons de santé universitaires, qui leur permettent d’accueillir les patients dans de meilleures conditions.

M. Pierre Lellouche. Mais pas à vos conditions !

M. Laurent Wauquiez. Pas avec le tiers payant et le contrôle des mutuelles !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais c’est sans doute qu’ils font moins d’idéologie que vous !

M. Bernard Accoyer. Et vous ? Pourquoi imposez-vous le tiers payant ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C’est dans la même démarche et conformément à ce même choix, politique,…

M. Laurent Wauquiez. Ça, la politique, vous connaissez !

Mme Marisol Touraine, ministre. …de lutter contre les inégalités de santé – choix qui, à l’évidence, ne rassemble pas tout le monde sur ces bancs, mais qui est une priorité pour le Gouvernement et la majorité –, que nous avons élaboré ce texte. Je ne reviendrai pas dans le détail des différentes mesures, car vous les connaissez parfaitement.

M. Pierre Lellouche. Les résultats aussi !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le texte que vous examinez aujourd’hui est d’ailleurs le même que celui que vous avez adopté le 1erdécembre dernier. J’insisterai simplement sur la cohérence de la démarche.

M. Pierre Lellouche. Une cohérence toute soviétique : tous fonctionnaires !

Mme Marisol Touraine, ministre. Faire pour la première fois de la prévention le socle de notre système de santé, avec l’information nutritionnelle, l’éducation à la santé, le parcours éducatif en santé de la maternelle jusqu’au lycée, le médecin traitant de l’enfant, les mesures de lutte contre le tabagisme et l’instauration du paquet de cigarettes neutre,…

M. Laurent Wauquiez. Assumez ce que vous faites : vous massacrez les buralistes ! Vous massacrez l’économie de proximité !

Mme Bernadette Laclais. Mais comment peut-on dire des choses pareilles ?

Mme Marisol Touraine, ministre. …c’est s’engager pour que tous nos concitoyens disposent des mêmes atouts pour se prémunir de la maladie. Et oui, nous nous occupons aussi des personnes dépendantes des drogues, qui ne trouvent pas aujourd’hui de réponse dans le système de santé. L’expérimentation de salles de consommation à moindre risque permettra de répondre à ces enjeux.

M. Bernard Accoyer. Ben voyons ! Tout pour le cannabis !

M. Pierre Lellouche. On interdit la cigarette et on autorise les salles de shoot : cherchez la cohérence !

Mme Marisol Touraine, ministre. Garantir l’accès aux soins, avec un tiers payant simple et progressif, des groupements hospitaliers de territoire et une coordination des professionnels, c’est s’engager pour que nos concitoyens disposent des mêmes atouts et qu’ils soient pris en charge dans de bonnes conditions. Créer de nouveaux droits pour les patients, avec l’action de groupe et le droit à l’oubli, c’est s’engager pour que nos concitoyens disposent des mêmes chances pour se protéger et faire valoir leurs droits dans le système de santé.

Cette loi est nécessaire…

M. Laurent Wauquiez. Oh, que non !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et elle est décisive, car elle modernise un système dont la transformation est inévitable. La dynamique est d’ores et déjà enclenchée.

M. Pierre Lellouche. Ah ça, regardez vos scores aux régionales : on la voit, la dynamique !

Mme Marisol Touraine, ministre. Notre système de santé souffre de ses cloisonnements : la prévention d’un côté, le soin de l’autre ; l’hôpital d’une part, la ville d’autre part ; le patient face au système. Avec ce texte, nous ouvrons des portes, nous créons des ponts.

Il y aura désormais un point d’entrée, central : le patient, autour duquel s’organisera la prise en charge. Les professionnels de santé du premier recours se coordonneront pour l’accompagner, pour le suivre dans une relation de proximité et pour éviter les hospitalisations inutiles.

M. Laurent Wauquiez. Vous affaiblissez le rôle des généralistes !

Mme Marisol Touraine, ministre. L’hôpital, renforcé et recentré sur son cœur de métier, pourra le prendre en charge en ambulatoire et adressera dès sa sortie une lettre de liaison à son médecin traitant.

M. Laurent Wauquiez. Il n’y a rien sur l’ambulatoire !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et les transferts de compétences, monsieur Wauquiez ?

Mme Marisol Touraine, ministre. On voit bien que vous n’avez pas lu le texte de loi, ni suivi les précédentes lectures, puisque vous prétendez qu’il n’y a rien sur l’ambulatoire !

M. Laurent Wauquiez. Ce sont les médecins qui le disent !

M. Richard Ferrand. Perroquet !

Mme Marisol Touraine, ministre. À l’évidence, vous n’avez pas non plus suivi le projet de loi de financement de la sécurité sociale ; mais nous savons que l’outrance est votre marque de fabrique, et je ne m’y attarderai pas davantage. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Grâce au numérique, une grande partie de la médecine s’effectuera désormais hors de l’hôpital ; c’est tout le rapport de proximité qui sera réinventé pour plus de simplicité et plus de rapidité.

Au cœur de ce changement, il y a l’innovation, les nouvelles technologies, qui révolutionnent la prévention et le soin. La dynamique est enclenchée.

M. Laurent Wauquiez. Quelle dynamique ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Est-ce vous qui avez mastérisé les kinésithérapeutes et les orthophonistes ?

M. Laurent Wauquiez. Et les infirmières ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Arrêtez : vous n’avez rien fait ! Les sages-femmes, vous vous en êtes occupé ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous allons voir arriver la lentille de contact pour suivre le diabète, les objets connectés pour mieux prévenir la maladie. C’est une chance pour les patients et c’est une chance également pour les professionnels de santé, qui pourront suivre leurs patients à distance. Le présent projet de loi va amplifier le mouvement ; en autorisant, dans le strict respect de l’anonymat, la transmission des données de santé de l’assurance maladie aux start-up, aux chercheurs et aux scientifiques, nous permettrons à ceux-ci d’identifier de nouveaux besoins de santé, de nouvelles relations de cause à effet, et donc de trouver de nouveaux champs d’innovation.

L’innovation scientifique et technologique, parce qu’elle va profondément transformer le quotidien des Français, offre une formidable opportunité de mieux prévenir la maladie. L’une des carences de notre système de santé est son orientation fondée sur le tout-curatif. Nombre de maladies qui frappent nos concitoyens pourraient être évitées ; la prévention doit donc être le socle de nos politiques de santé. C’est ce que nous engageons ici.

Les défis à relever sont considérables. C’est en les regardant en face que nous garantirons l’excellence et la pérennité de notre système de santé. Virage ambulatoire, vieillissement de la population, nouvelles technologies : tout cela va changer.

M. Laurent Wauquiez. Changement qui consiste à détruire le système de santé !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est nécessaire, je le répète, de regarder les choses en face, car ces nouveaux défis sont une chance à saisir pour notre système de santé, pour les patients, et aussi pour les professionnels de santé.

M. Laurent Wauquiez. Oh que non : c’est l’inverse !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je sais qu’ils sont inquiets : inquiets face aux évolutions en cours, inquiets face aux pressions croissantes des patients, inquiets en raison du sentiment de dégradation de leur reconnaissance et de leurs conditions de travail. Mais ce texte fait confiance aux médecins de terrain, qu’ils soient hospitaliers ou libéraux, s’appuie sur leur expérience de terrain, les dote de nouveaux outils pour avancer, soutenir leurs initiatives et garantir leur indépendance.

Je souhaite que le travail se poursuive, notamment face à la crainte d’un déclassement et d’une dévalorisation de la médecine libérale. J’ai reçu, il y a quelques jours, les représentants des médecins pour écouter leurs attentes dans la perspective de la prochaine négociation conventionnelle.

M. Richard Ferrand. Oui, vous les écoutez ! Et oui, cette réforme aura lieu !

Mme Marisol Touraine, ministre. Les attentes des professionnels installés et des jeunes sont fortes, qu’il s’agisse des formes d’enseignement qu’il convient d’adapter, de la régulation démographique à faire évoluer, des conditions d’installation, des complémentarités entre la ville et l’hôpital, des modes d’exercice et de rémunération, de la protection sociale – notamment des femmes médecins, mais pas uniquement – ou de leur responsabilité à titre professionnel. Je fixerai dans les prochains jours les grandes orientations de la négociation de la nouvelle convention médicale, qui permettra d’aborder nombre de ces sujets. J’ai déjà eu l’occasion de le dire : le statu quo tarifaire n’est ni envisageable ni envisagé.

Plus encore, la grande conférence de santé du 11 février prochain permettra de fixer une feuille de route pluriannuelle et de poursuivre nos actions au-delà du cadre législatif. Il s’agit de savoir dans quelle mesure les transformations en cours du système de santé et de son environnement modifieront les conditions d’exercice, les besoins de formation des professionnels de santé, et, réciproquement, dans quelle mesure les évolutions constatées, ou à venir, au sein des professions de santé transformeront le système. Cette conférence et la négociation conventionnelle devront assurer la cohérence des réponses que nous engageons, tenant compte de l’évolution des métiers et des modes de rémunération au plus près des besoins.

Mesdames, messieurs les députés, en un an, vous avez considérablement fait évoluer le texte qui vous est aujourd’hui soumis. Nous avons ouvert des champs nouveaux, ici et aussi au Sénat, je pense à la santé environnementale ou encore à la réforme de la filière visuelle. La cohérence d’ensemble du texte a été renforcée, grâce à un travail de conviction et de pédagogie, et également à la détermination dont beaucoup d’entre vous ont fait preuve. Je m’engage maintenant à une mise en œuvre rapide, concrète et fidèle à ce travail. La réforme doit se traduire concrètement sur le terrain, et j’entends être exemplaire dans le travail réglementaire de mise en œuvre de la loi.

Un seul objectif : l’égalité ; une seule méthode : l’innovation et la confiance.

M. Pierre Lellouche. Vous l’avez définitivement perdue !

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce texte fait progresser l’accès de tous à des soins de qualité, contre l’immobilisme et la résignation. C’est un texte pour les patients et pour les professionnels de santé, qui vise à offrir à chacun les mêmes droits, les mêmes chances, pour vivre le plus longtemps possible en bonne santé, un texte moderne,…

M. Éric Woerth. Non ! Les médecins sont humiliés !

M. Richard Ferrand. Oh là là ! Quel ronchon !

Mme Marisol Touraine, ministre. … ancré dans son époque, qui anticipe les défis de l’avenir, qui constitue une pierre supplémentaire pour préparer notre futur, le système de santé du XXIe siècle. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Wauquiez. Buralistes, victimes expiatoires du Gouvernement !

Mme Marisol Touraine, ministre. Toutes celles et tous ceux qui, loin des réalités de terrain, préfèrent les vociférations à l’esprit de compromis et de construction, ne préparent pas nos concitoyens à être pris en charge dans les conditions qu’ils méritent. Le XXIe siècle attend de nous que nous travaillons ensemble et autrement. Mais je vois que pour certains, l’esprit de coopération et l’esprit auquel ils se réfèrent, celui du 13 novembre, sont bien loin pour eux dans ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Wauquiez. Les médecins apprécieront !

Mme Marisol Touraine, ministre. Mais nous, nous avançons dans l’intérêt des patients, avec la volonté de faire comprendre aux professionnels de santé que nous avons besoin d’eux et que c’est avec eux que nous répondrons aux attentes de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste – Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Pierre Lellouche. Ça n’a aucun sens !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour un rappel au règlement.

M. Bernard Accoyer. Mon rappel au règlement, au titre de l’article 58, alinéa 1, porte sur le déroulement de la séance. Mon collègue Gilles Lurton va demander une suspension de séance afin que la concertation puisse enfin s’ouvrir entre le Gouvernement et les professionnels de santé, nombreux autour de l’Assemblée nationale puisqu’ils n’ont pu être entendus.

M. Laurent Wauquiez. Exactement !

M. Bernard Accoyer. À force de les mépriser et de ne pas les écouter, vous en arrivez, madame la ministre, à un passage en force ici, au dernier jour de session de l’année, après le refus en conférence des présidents, du fait de l’intransigeance de la ministre et du Gouvernement, d’un vote solennel qui nous aurait permis de nous exprimer. Nous sommes d’une certaine façon bâillonnés dans ce débat.

M. Richard Ferrand. Vous n’arrêtez pas ! Où est le bâillon ? Soyez sérieux !

M. Bernard Accoyer. À travers le tiers payant, le service public hospitalier et les autres dispositions de ce texte, c’est pourtant tout le système de santé français qui est remis en cause ! Il est de plus mis gravement en danger parce que les mécanismes de déresponsabilisation multiples mis en place jour après jour, …

M. Richard Ferrand et M. Gérard Bapt. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Bernard Accoyer. … mesure après mesure, finiront par conduire l’assurance maladie à ne plus pouvoir couvrir les dépenses de santé !

Madame la ministre, vous vous vantez de mesures de grand progrès mais, en réalité, vous êtes en train d’enterrer le système de santé français, au mépris des professionnels de santé, à commencer par les médecins…

M. Richard Ferrand. C’est honteux ! Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. Bernard Accoyer. … mais également au mépris de tous les autres professionnels de santé et des établissements de soins, lesquels ne sont pas l’objet de toutes vos attentions puisque vous refusez de rétablir la journée de carence dans la fonction publique hospitalière. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christophe Sirugue. Où est le rappel au règlement ? !

M. le président. Monsieur Accoyer, nous ne sommes plus depuis un moment dans le rappel au règlement. Je vous ai laissé terminer votre propos, mais je veux simplement vous rappeler – je pensais que vous connaissiez le règlement de l’Assemblée nationale en tant qu’ancien président de cette assemblée – que la décision de procéder à un vote solennel n’est pas prise par le Gouvernement mais par la conférence des présidents,…

M. Bernard Accoyer. C’est ce que j’ai dit !

M. le président. … contrairement à ce que vous avez déclaré.

Monsieur Lurton ?…

M. Gilles Lurton. Je demande une suspension de séance, monsieur le président.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour cinq minutes.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est ubuesque !

M. Christophe Sirugue. Tout ça parce qu’ils n’étaient pas là au moment de l’examen du texte !

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-deux, est reprise à onze heures cinquante-sept.)

Présentation (suite)

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la ministre, mes chers collègues, un peu plus de deux semaines après l’adoption, en nouvelle lecture, du projet de loi de modernisation de notre système de santé, l’Assemblée se réunit à nouveau pour l’examiner en lecture définitive. Le Sénat a en effet rejeté le texte que nous lui avons transmis après notre nouvelle lecture en adoptant une question préalable, le 14 décembre dernier, en application de l’article 44 de son règlement. Sur plusieurs articles, le Sénat a en effet choisi de s’écarter de la voie tracée par l’Assemblée nationale, aboutissant à un échec de la commission mixte paritaire. La position qu’il a adoptée en nouvelle lecture n’est pas surprenante dans la mesure où l’Assemblée a entendu confirmer des orientations indispensables au renouveau de notre système de santé.

Je rappellerai donc les principaux enjeux de ce texte.

Au titre Ier, notre assemblée a adopté des mesures importantes relatives à la lutte contre le tabagisme, et dont le paquet neutre constitue un des marqueurs essentiels. À l’article 9 du même titre, le Sénat a reconnu l’intérêt de l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque, mais a souhaité que ces salles soient intégrées à un établissement de santé. Notre assemblée ne partage pas ce point de vue et estime, au contraire, indispensable de prévoir un lieu distinct des établissements de santé puisque le dispositif est destiné à des publics en dehors de tout parcours de soins.

Au titre II, quatre types de mesures ont été abondamment discutés. Il en est ainsi de la généralisation du tiers payant en ville, à l’article 18, qui permet de lever une contrainte de trésorerie pour les patients et de faire régresser les situations de renoncement aux soins utiles. S’agissant de l’hôpital, l’Assemblée entend maintenir le rétablissement du service public hospitalier, mettant ainsi fin à une confusion des missions. La médecine hospitalière fait en effet intervenir de manière complémentaire les acteurs publics et privés, chacun avec leur identité. Tel est le sens de l’article 26 : le service public hospitalier est, par essence, assumé par le secteur public ainsi que par les acteurs privés qui se plient aux mêmes exigences.

Par contraste, l’organisation de la coordination des soins au niveau territorial représente une avancée consensuelle. La coordination des soins repose en effet sur l’initiative des professionnels de santé, les agences régionales de santé intervenant pour combler les éventuelles lacunes sur la base d’un diagnostic territorial partagé.

Je placerai enfin au même plan l’approche convergente des deux chambres en matière de coopération hospitalière avec l’avènement des groupements hospitaliers de territoire. Il appartient désormais aux établissements publics de s’organiser afin d’apporter une réponse adaptée aux besoins de santé des patients.

Le titre III ne comportait pas de mesures litigieuses mais il n’en recouvre pas moins des dispositions attendues par nombre de professions de santé – création d’un statut d’assistant dentaire, modernisation du statut des masseurs kinésithérapeutes, de celui des pédicures podologues, des orthoptistes ou des opticiens lunetiers.

Le titre IV également comporte des avancées décisives. Je me félicite ainsi des dispositions en matière d’organisation de la santé dans les territoires, de démocratie sanitaire et d’action de groupe. Je souligne aussi la reconnaissance opérée en matière de droit à l’oubli pour les anciens malades du cancer.

S’agissant des données de santé, l’équilibre entre l’ouverture des données et la protection de la vie privée a été conforté, notamment par la clarification des dispositions relatives au droit d’opposition et au droit d’information.

Je salue enfin les dispositions introduites à l’initiative du Gouvernement pour renforcer la transparence en matière de santé.

Au sein de ce titre, l’Assemblée a enfin entendu marquer sa différence avec le Sénat. Le consentement présumé au don d’organe a ainsi été renforcé, suite aux travaux parlementaires. C’est une avancée majeure en faveur de la transplantation dans notre pays.

M. Laurent Wauquiez. C’est vrai.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. Le titre V, enfin, contient de nombreuses mesures de simplification de notre système de santé. Je pense ainsi à la rénovation des missions des centres de santé, à la clarification des dispositions relatives aux ordres des professions de santé ou à l’intégration en droit interne de normes internationales et européennes. Nos débats parlementaires ont permis d’atteindre un équilibre entre l’habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances et l’inscription « en dur » de dispositions ne justifiant pas de dessaisir le Parlement de sa compétence. Les différentes mesures adoptées permettront ainsi de rendre notre système de santé à la fois plus lisible, plus accessible et plus efficace.

Nous arrivons enfin au terme d’un examen qui aura duré plus d’un an. Cela peut paraître long mais n’oublions pas que le contexte a conduit le Parlement à examiner concomitamment des textes importants : la loi sur l’adaptation de notre société au vieillissement, la loi dite Macron, et les traditionnelles mais indispensables lois de finances et lois de financement de la Sécurité sociale.

Je me félicite que le texte, enrichi par les échanges constructifs avec le Gouvernement et le Sénat, présente, au-delà des divergences, une architecture cohérente animée par un seul souci : un système de santé moderne, intégrant pleinement la prévention, adapté aux besoins de santé de nos concitoyens et de leurs attentes en matière de démocratie sanitaire.

Je vous invite bien évidemment à l’adopter, en saluant tout particulièrement nos collègues rapporteurs Gérard Sebaoun, qui a pris la suite d’Olivier Véran, Jean-Louis Touraine, Hélène Geoffroy et Richard Ferrand. Je les associe aux remerciements que nous adressons à Mme la ministre pour sa détermination….

M. Laurent Wauquiez. Son absence d’écoute surtout et son entêtement !

Mme Bernadette Laclais, rapporteure. …sur un sujet difficile pour lequel elle a essuyé des critiques largement dépassées.

Je remercie également la présidente de la commission, les administrateurs qui nous ont accompagnés ainsi que l’ensemble des collègues, très mobilisés nuit et jour sur l’ensemble des bancs pour faire avancer les différentes lectures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je n’ai pas l’habitude de prendre en otage la présence ou l’absence de personnes qui manifestent mais il y a exactement une quarantaine de personnes à l’extérieur de notre enceinte, des médecins, qui appartiennent à une association : les syndicats majoritaires représentatifs n’y sont pas.

M. Laurent Wauquiez. Prétendez-vous que les syndicats de médecins vous soutiennent ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Pour autant, je ne vous dis pas qu’ils sont d’accord avec le projet de loi. Ils sont simplement dans leur cabinet, à soigner leurs patients.

M. Laurent Wauquiez. Ils n’ont pas eu le choix ! Ils respectent leurs patients ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir une dernière fois sur l’article 4 ter, relatif à la loi Évin, et répondre à un collègue de mon groupe qui m’a traitée, par mail, « d’intégriste anti-vin ». C’est un mot pour le moins indélicat dans la période actuelle. Je ne suis pas une « intégriste anti-vin », et encore moins quelqu’un qui soutiendrait l’alcool mondain. Cela n’a pas de sens.

M. Éric Woerth. L’alcool mondain ?

M. Laurent Wauquiez. On vous demande simplement de défendre la viticulture !

M. le président. La parole est à Mme Lemorton et à elle seule.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir soutenu quelques-uns d’entre nous pour revenir à l’écriture de la loi Évin.

M. Laurent Wauquiez. La loi Évin est une erreur.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie à ce titre mes collègues, de tous les groupes, qui ont voté l’amendement qui allait en ce sens, qu’ils en aient été signataires ou non.

Je remercie également tous les citoyens, professionnels de santé ou non, qui m’ont adressé, par courrier ou courriel, de nombreux messages de félicitations pour notre position, déplorant au passage le manque de tenue de nos débats, face à un vrai enjeu de santé publique.

M. Laurent Wauquiez. Arrêtez de culpabiliser les viticulteurs !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie particulièrement le professeur Sicard, dont personne ne remet en cause l’intégrité et le travail.

La loi Évin instaurait un équilibre entre le respect de nos territoires, la promotion de nos territoires, viticoles en particulier, et les objectifs de lutte contre l’addiction à l’alcool.

M. Éric Woerth. Quelle caricature !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il suffit d’ailleurs, pour s’en convaincre, de lire les nombreux articles parus dans la presse écrite, les suppléments ou encarts des hebdomadaires, les quotidiens, tous les messages sur internet que nous recevons pour assurer la promotion des alcools divers et variés, en particulier des vins.

M. Laurent Wauquiez. On peut parler autrement de la vigne.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela prouve que la loi Évin n’empêche pas de faire la promotion.

M. Laurent Wauquiez. Mais si ! Elle nous prive de tout outil de promotion.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Rappelons les chiffres : 50 000 morts, 120 milliards d’euros de coût sanitaire et social, sans parler des violences familiales, des violences festives, des absences au travail ou des tensions sur le lieu de travail, de la désocialisation. Je regrette que M. Accoyer ne soit plus parmi nous car, en tant que médecin, il sait que lorsqu’on parle de drogues, on désigne les substances psycho-actives.

M. Laurent Wauquiez. Mais c’est autre chose, le vin !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. M. Accoyer est toujours à rappeler le cannabis et l’héroïne. À juste titre, d’ailleurs, puisque ces deux substances sont illicites et interdites. Pour autant, l’alcool n’est-il pas une substance psycho-active susceptible d’entraîner de la souffrance ?

M. Laurent Wauquiez. Au secours ! Que faites-vous de notre tradition ? De notre histoire ? De nos emplois ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La vérité est que la réponse est oui.

M. Laurent Wauquiez. Allez le dire aux viticulteurs !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Qu’est-ce qu’une addiction ? Elle résulte de la rencontre entre une personne et un produit. Selon ce que vit cette personne à ce moment-là, cette rencontre ne provoque pas les mêmes effets. Les substances neuro-médiatrices peuvent créer une sensation de plaisir que la personne gardera en mémoire et sera tentée, si elle ne va pas bien, de retrouver. Elle peut la rechercher avec un produit illicite, comme le cannabis ou l’héroïne, qui sont interdits, mais également avec de l’alcool. Les réseaux d’addiction nous ont montré les études et les courbes : tout commence souvent avec des vins d’entrée de gamme, c’est-à-dire des vins très bon marché, qui ne s’exportent pas – ce sont les grands millésimes qui s’exportent.

M. Laurent Wauquiez. Quelle ignorance de la viticulture française !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. S’il était encore nécessaire de redire qu’il faut boire avec modération, il serait tout aussi nécessaire de rappeler qu’il convient d’écrire avec modération. Un hors-série de La Parisienne, en date du 5 décembre 2015, Flacon of champagne, énumérait toute une liste de champagnes – tant mieux. Mais le directeur de la publication, également directeur de la rédaction, Roberto Alvarez, d’écrire dans son éditorial : « Pour elles, pour eux, buvons la vie avec modération », avant de faire suivre la liste de toutes les victimes des attentats de Paris.

M. Éric Woerth. Quel rapport ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je ne sais pas si les familles, les proches, les amis, ont donné leur accord.

Et que dire de ce supplément du quotidien Les Échos, consacré au vin, du 3 décembre 2015 ? Un monsieur que je ne connais pas, Jean-Francis Pécresse, y écrit : « Nul n’oubliera 2015. Année tragique mais année magique pour les millésimes.» Parallélisme plus que déplacé, mes chers collègues !

Mme Marisol Touraine, ministre. Très maladroit !

M. Éric Woerth. Cela n’a rien à voir avec le sujet ! Où voulez-vous nous entraîner ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous laisse, mes chers collègues, méditer sur ces deux exemples. En ayant mis à mal la loi Évin, en y ayant enfoncé un coin, le risque est de faciliter le passage « du plaisir à la souffrance », formule du psychiatre Amine Benyamina, que je fais mienne car elle résume fort bien la bonne attitude vis-à-vis de l’alcool.

Je conclurai, madame la ministre, en vous disant que je me réjouis de voter ce projet de loi de santé qui contient bien d’autres choses que tout ce que nous avons pu entendre depuis quelque temps sur ces bancs, car beaucoup de ceux qui le critiquent ne l’ont pas lu dans son intégralité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Laurent Wauquiez. Pas un mot sur le texte !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, notre Assemblée est appelée à se prononcer sur l’ensemble du projet de modernisation de notre système de santé en lecture définitive. Nos débats n’ont que trop duré. Les Françaises et les Français entendent parler de tiers payant généralisé et de paquet neutre depuis trop longtemps. Il est grand temps aujourd’hui que ces projets se concrétisent et que les annonces se transforment en actes.

Ma critique porte sur la lenteur du parcours législatif, pas sur ce texte évidemment.

Oui, il faut généraliser le tiers payant au plus vite. Il s’agit d’une véritable mesure de justice sociale mais aussi de santé publique. Des étudiants, des jeunes travailleurs, des retraités, renoncent encore à se faire soigner ou repoussent les consultations dont l’avance financière est parfois trop coûteuse.

Quand on parle de santé, on ne peut pas attendre. Une prise en charge en amont est toujours plus efficace. Cette mesure est donc un grand pas. Sa mise en place devra être menée de manière la moins contraignante possible pour les médecins.

Il est aussi grand temps que le paquet neutre trouve sa place sur les étals de nos buralistes. Cette mesure est un vrai levier pour restreindre le nombre de primo-consommateurs. Nous parlons ici de santé publique, laquelle ne saurait se négocier au nom d’un quelconque intérêt économique.

M. Laurent Wauquiez. L’intérêt économique est respectable, il crée de l’emploi !

Mme Véronique Massonneau. Bien sûr, nous devrons soutenir les buralistes pour les aider à diversifier leurs activités par exemple. Le « plan buralistes » de notre collègue Frédéric Barbier contient des propositions qui, je l’espère, se concrétiseront pour soutenir ces acteurs économiques, particulièrement indispensables dans nos villages.

M. Laurent Wauquiez. Vous les tuez !

M. le président. La parole est à Mme Massonneau et à elle seule ! Il serait temps que l’on respecte les orateurs dans ce débat, sinon cela pourrait mal se terminer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Véronique Massonneau. Si nous nous félicitons du renforcement de la lutte contre le tabagisme, je regrette que la loi Évin ait été assouplie par une majorité de nos collègues au Sénat et à l’Assemblée. Je tiens à saluer les avancées en matière de lutte contre le sida, introduites dans ce texte au travers de la prévention et du dépistage. Le remboursement à 100 % du Truvada pour un usage préventif par les populations à risque est à saluer. Il place la France parmi les pays les plus en pointe dans la lutte contre le sida.

Madame la ministre, chers collègues, nous le savons, la multiplication des maladies chroniques et des affections de longue durée est bien sûr liée au vieillissement de la population et aux nombreux progrès de la médecine, particulièrement en matière de dépistage – mais pas seulement ! Quelques jours après la signature d’un accord historique pour lutter contre le dérèglement climatique lors de la COP21 de Paris, nous ne pouvons nier l’impact de notre environnement sur notre santé. C’est avec satisfaction que le concept d’exposome a été introduit à notre initiative – et à celle d’autres, mon cher Gérard Bapt – dans ce projet de loi de santé, mais nous regrettons qu’il ne soit davantage décliné dans le reste du texte. Nous aurions aussi pu aller plus loin et interdire totalement le bisphénol A dans les jouets pour enfants. Plus globalement, la santé environnementale n’est que trop partiellement abordée par ce projet de loi.

Celui-ci engage par ailleurs une amélioration notable de la vie des personnes en situation de handicap. Le plan d’accompagnement global institué par ce texte tente de

répondre à un objectif essentiel. L’article 21 bis en question a longtemps fait l’objet de craintes légitimes de la part des associations et des familles. Une nouvelle rédaction a

permis de dégager un certain consensus et je veillerai à ce que les personnes concernées conservent une certaine liberté quant au choix d’établissement qui leur sera proposé.

Mentionnons enfin la grande avancée qu’est le droit à l’oubli. Des actions de groupe élargies à la politique de santé, des autorisations d’absence pour les couples ayant recours à l’aide médicale à la procréation, l’ouverture des dons du sang aux homosexuels, le renforcement de l’ambulatoire et des agences régionales de santé, la création des groupements hospitaliers territoriaux, la prise en compte de la douleur : autant de mesures que nous sommes heureux de soutenir et qui justifient largement notre vote en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André.

M. Stéphane Saint-André. Après de nombreuses heures de débat en commission et en séance, nous voilà réunis pour voter ce projet de loi en lecture définitive. Disons-le d’emblée, ce projet de loi de modernisation de notre système de santé a nourri des espoirs et suscité des craintes, alors que la santé devrait faire l’objet d’un consensus national. Il est discuté depuis deux ans, notamment avec les professionnels de santé, contrairement à ce que nous a dit l’opposition. Il a été amendé et fortement amélioré.

M. Laurent Wauquiez. Mais y a-t-il eu consensus ?

M. Stéphane Saint-André. Nous l’avons dit à maintes reprises : nous ne sommes pas opposés au tiers payant généralisé, à condition que toutes les garanties de paiement promises aux médecins soient suivies d’effets. Une partie de notre groupe déplore le maintien du paquet neutre. Nous aurions préféré nous en tenir aux directives de l’Union européenne, car il nous semble important que des actions soient entreprises au niveau de nos voisins et partenaires européens, afin de lutter efficacement contre ce fléau pour la santé qu’est le tabagisme.

M. Laurent Wauquiez. Vous avez raison ! C’est une surtransposition !

M. Stéphane Saint-André. Nous nous réjouissons de l’adoption dans le texte de mesures en faveur de politiques de santé au bénéfice de nos concitoyens, leur permettant un meilleur accès aux soins et mettant un terme à plusieurs discriminations intolérables, telle que l’interdiction faite aux homosexuels de donner leur sang, fondée sur un critère relevant de leur orientation sexuelle et non pas d’un comportement à risque. Aussi, nous saluons le fait d’avoir été entendus sur la question des soins funéraires pratiqués sur les personnes séropositives. C’est un pas important pour permettre aux familles de vivre un deuil digne.

En outre, suite à l’introduction de l’article 20 ter au Sénat par notre collègue radicale de gauche Françoise Laborde, nous sommes satisfaits de voir les couples en protocole d’aide médicale à la procréation pouvoir obtenir des congés afin de se rendre aux examens et aux entretiens médicaux.

Les mesures de lutte contre la toxicomanie et de prise en charge des toxicomanes, ainsi que celles relatives aux salles de consommation à moindre risque, lieux dédiés et soutenus de longue date par le parti radical de gauche, permettront de réduire l’insécurité liée à la toxicomanie. Sans vouloir cacher le problème derrière des rideaux, il est préférable d’avoir des lieux propres et sous surveillance pour les toxicomanes, plutôt que de les voir s’injecter de la drogue dans la rue.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

M. Stéphane Saint-André. Ces salles joueront donc un double rôle de sécurisation de l’espace public, pour les toxicomanes et pour les riverains.

Je veux aussi rappeler que nous soutenons les mesures de lutte contre l’alcoolisme chez les adolescents. De même, nous nous réjouissons de l’adoption d’un droit à l’oubli pour toutes les personnes frappées par le cancer. Notre groupe se félicite d’avoir pu enrichir ce texte, notamment grâce à plusieurs amendements adoptés en première et en nouvelle lecture, concernant la facilitation du dépistage des maladies infectieuses transmissibles, puisqu’il y aura désormais une dispense de consentement parental pour la réalisation de tests rapides d’orientation diagnostique chez les mineurs.

Nous avons également introduit une exonération pénale explicite pour les professionnels et les bénévoles intervenant dans le cadre de la réduction des risques. Sur le sujet de la santé mentale, nous avons obtenu la remise d’un rapport au Parlement sur l’organisation de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris. Concernant la lutte contre les ruptures d’approvisionnement pour les produits de santé, nous avons obtenu qu’en cas de rupture de stock, les patients soient mieux informés, par le biais des associations de patients.

Au sujet de la simplification et de l’assouplissement des projets régionaux de santé, nous avons obtenu que dans les territoires frontaliers, un volet transfrontalier prenne en compte les besoins et l’offre disponibles dans le pays voisin. Il y a eu beaucoup d’autres avancées, aussi bien sur la question du service public hospitalier que sur les questions de santé liées à l’environnement, sur le problème de l’amiante ou sur la politique de la santé en milieu scolaire et universitaire.

Madame la ministre, ce texte est globalement satisfaisant et les mesures de justice qui s’y trouvent amélioreront au quotidien la santé de tous les Français. Ce sont les raisons pour lesquelles une large majorité de notre groupe votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous abordons aujourd’hui la lecture définitive du projet de loi relatif à la modernisation de notre système de santé. Chacun a pu mesurer, au cours de nos discussions, les nombreux défis auxquels notre société est confrontée : le vieillissement de la population, l’explosion des pathologies chroniques, la baisse de la démographie médicale ou encore l’accentuation des inégalités d’accès aux soins en raison de l’aggravation des difficultés sociales.

Malgré plusieurs dispositions positives, ce projet de loi ne répond que partiellement aux enjeux que je viens d’évoquer. S’agissant de la prévention, il contient d’indiscutables avancées. En effet, les dispositions pour lutter contre le tabagisme et les déséquilibres alimentaires, l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque ou encore la facilitation de l’accès à l’IVG sont autant de mesures qui vont dans le bon sens et que nous soutenons.

À cet égard, je tiens à redire notre regret qu’au cours de l’examen d’un projet de loi de santé publique – j’insiste sur le fait qu’il s’agit bien de santé publique – et contre l’avis de Mme la ministre, la majorité de cet hémicycle et le Sénat aient décidé d’assouplir la loi Évin concernant la publicité sur l’alcool.

M. Laurent Wauquiez. C’était indispensable !

Mme Jacqueline Fraysse. La généralisation du tiers payant est également une avancée que nous soutenons, car elle répond à une attente de nos concitoyens et permettra, je l’espère, d’améliorer l’accès aux soins, dont certains ici semblent se moquer tranquillement.

Mme Claudine Schmid. Comment cela ?

M. Laurent Wauquiez. Quand il n’y aura plus de médecins, il n’y aura plus d’accès aux soins !

Mme Jacqueline Fraysse. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, nous serons très attentifs aux modalités d’application de la loi, afin que cette disposition ne vienne pas compliquer les conditions d’exercice des médecins, ni les pénaliser financièrement.

Je veux également saluer l’objectif de renforcement de la démocratie sanitaire avec notamment la possibilité pour les associations de conduire des actions de groupe en cas d’utilisation de produits de santé dangereux ou défectueux. De la même manière, je me félicite de l’instauration d’un réel droit à l’oubli pour les personnes ayant eu un cancer. Cette mesure leur permettra, je n’en doute pas, de vivre plus dignement.

Par ailleurs, ce projet de loi marque une étape supplémentaire dans le mouvement de territorialisation de la politique de santé engagé depuis une vingtaine d’années et renforcé par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », dite HPST, votée en 2010. Que les politiques de santé soient définies au plus près des spécificités territoriales nous paraît utile, et même essentiel, si l’on veut apporter des réponses concrètes et réalistes aux besoins de santé de nos concitoyens.

Ce n’est donc pas la territorialisation en soi que nous contestons, mais la méthode pour y parvenir et les ressorts qui la guident au sein des ARS héritées de la loi HPST et dont le champ de compétences est aujourd’hui élargi. Ce que nous vivons très concrètement, dans nos territoires, c’est que les ARS, au lieu d’agir prioritairement en fonction des besoins de santé des populations et de faire preuve d’une écoute appropriée, sont d’abord, et avant tout, tendues vers les économies à réaliser, quelles qu’en soient les conséquences.

Ainsi, en rendant obligatoires les groupements hospitaliers de territoire par le truchement des ARS dans le cadre de leur fonctionnement actuel, nous craignons que le secteur public hospitalier, déjà fortement mis à mal, ne soit plus encore pénalisé. C’est malheureusement ce que je constate dans ma circonscription, à l’hôpital de Nanterre, où l’ARS envisage de remettre en cause l’activité chirurgicale – nous l’avons appris sans façon –, laissant le champ libre au secteur privé et renforçant ainsi encore un peu plus les inégalités d’accès aux soins pour nos concitoyens.

Enfin, l’autre réserve, également forte, que nous avons sur ce texte est l’insuffisance des moyens financiers mobilisés pour le mettre en œuvre. Qu’il s’agisse de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 ou des crédits de la mission « Santé », les enveloppes ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Personne ne peut croire qu’avec les économies que vous envisagez, nous pourrons répondre aux besoins de santé.

Pour terminer, je voudrais vous faire part d’un souci. De nombreux donneurs de sang bénévoles et leurs associations nous ont alertés, madame la ministre, sur les dernières dispositions introduites à l’article 42 de ce projet de loi. Ils considèrent qu’en confiant la distribution du plasma SD de la société privée Octapharma aux pharmacies à usage interne des hôpitaux, on remet en cause l’hémovigilance, c’est-à-dire le contrôle éthique assuré par l’Établissement français du sang.

Compte tenu des réserves dont je viens de parler qui m’empêchent d’apporter, non sans regret, une pleine adhésion à ce texte, je maintiendrai mon abstention. Les autres membres de mon groupe voteront contre.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, par 188 voix contre 155, le Sénat a rejeté le projet de loi de modernisation de notre système de santé adopté par notre assemblée. Je tiens cependant à rappeler la qualité du travail du Sénat en première lecture avant de pointer nos désaccords sur certains des considérants qu’il a avancés dans sa question préalable.

Avec son premier considérant, le Sénat entendait revenir sur la généralisation du tiers payant qui n’aurait « socialement pas d’intérêt et remettrait en cause l’exercice libéral de la médecine ».

M. Éric Woerth. C’est vrai ! Le Sénat a raison !

M. Gérard Sebaoun. Je veux le dire une nouvelle fois, parce que la pédagogie c’est la répétition : rien – rien, j’y insiste – dans ce texte ne remet en question les fondements de la médecine libérale. (« Exactement ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ni la liberté de choix du patient, ni la liberté d’installation, ni la liberté de prescription, ni le paiement à l’acte ne sont concernés.

M. Laurent Wauquiez. Au contraire, il y a une généralisation obligatoire du tiers payant ! À l’occasion des soixante-dix ans de la Sécurité sociale, le Président de la République a dit l’inverse de vous !

M. Gérard Sebaoun. C’est un médecin qui a exercé en médecine libérale pendant trente ans qui vous le dit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Le tiers payant généralisé sera un droit nouveau pour nos concitoyens et il va sans conteste améliorer l’accès aux soins. Ayons toujours à l’esprit tous ceux qui, au-delà des bénéficiaires de la CMU et de l’aide à la complémentaire santé – ACS –, sont parfois contraints d’arbitrer dans leur budget au détriment de leur santé.

En effet, ce n’est pas le même effort d’avancer les honoraires de son médecin pour quelqu’un qui a un revenu de 100 que pour quelqu’un qui a un revenu de 1 000.

M. Richard Ferrand. Cela, nos collègues ne le savent pas !

M. Gérard Sebaoun. Le taux d’effort après remboursement par l’assurance maladie obligatoire est de presque 7 % pour les 10 % d’assurés ayant les revenus les plus bas. Il décroît régulièrement jusqu’à atteindre moins de 1 % pour les 10 % des ménages disposant des revenus les plus élevés. Vous le savez très bien, monsieur Woerth.

Rappelons également que la pratique du tiers payant est très majoritaire en Europe et qu’elle n’entraîne pas d’inflation de la consommation de soins. Elle est le quotidien de 92 % des radiologues dans notre pays, de 98 % des laboratoires de biologie et de 30 % déjà des consultations dans les cabinets médicaux en ville.

M. Éric Woerth. Et alors ?

M. Gérard Sebaoun. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie, a déclaré très récemment que le rapport rédigé conjointement avec les organismes complémentaires sera remis en janvier prochain, la CNAM devant être prête en juillet 2016 pour l’ouverture du tiers payant aux plus de 10 millions d’assurés en affection de longue durée ou en maternité, qui sont des consommateurs de soins et qui attendent le tiers payant.

M. Laurent Wauquiez. Ça va être un foutoir astronomique !

M. Gérard Sebaoun. L’autre désaccord avec le Sénat porte sur le paquet neutre. Selon lui, il faudrait attendre 2020 au nom de l’harmonisation européenne et d’un risque supposé de contentieux, la mesure étant, est-il écrit dans l’un des considérants de sa question préalable, « sans bénéfice évident pour la santé publique ».

Nous croyons exactement l’inverse. La lutte contre le tabagisme, dont je ne crois pas que quiconque ici la conteste compte tenu des méfaits du tabac, justifie l’utilisation de tous les moyens mis à notre disposition (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Richard Ferrand. Taisez-vous, monsieur Wauquiez ! Cumulard !

M. le président. La parole est à l’orateur et à lui seul, mes chers collègues.

M. Gérard Sebaoun. La directive européenne, dont je suis persuadé que la plupart de ceux qui hurlent ici ne l’ont pas lue, ouvre clairement la possibilité de neutraliser les emballages dès mai 2016 pour motif de santé publique.

Le troisième considérant avancé par le Sénat a trait à l’ouverture de salles de consommation à moindre risque. Si elle a été appuyée par une majorité de sénateurs, ce dont je me réjouis, nous divergeons sur leur organisation, les sénateurs ayant, me semble-t-il, une lecture inexacte de la vocation de ces structures. Elles ont un rôle préventif visant à éviter à des toxicomanes en situation très précaire d’être contaminés par le VIH ou de contracter l’hépatite C tout en leur apportant une assistance sociale. La création de ces salles s’appuie sur des expériences étrangères solidement documentées et sur l’expertise d’équipes pluridisciplinaires appelées à les superviser.

Le Sénat a également pointé l’existence de déserts médicaux. Sur ce point, nous pouvons tous en être d’accord : il y a des difficultés dans notre pays. Le Sénat a souhaité qu’on y travaille lors du renouvellement de la convention médicale. Mais à regarder ce considérant-là de plus près, il faut reconnaître qu’il n’est pas anodin. Relisez-le, chers collègues : il encourage clairement l’encadrement des règles d’installation des professionnels de santé, alors que ceux-ci n’y sont pas soumis aujourd’hui, ce qui me semble en contradiction, mais c’est aux sénateurs de le dire, avec le principe de libre installation des médecins. Lors de la discussion de la future convention, Nicolas Revel, directeur général de la CNAM, s’est dit soucieux d’améliorer les dispositifs incitatifs. Cette ligne est défendue avec constance par Mme la ministre qui a pris plusieurs dispositions allant dans ce sens depuis trois ans.

Enfin, le Sénat s’est inquiété de la place des établissements privés dans le cadre des missions de service public des établissements de santé. Comme l’a rappelé notre rapporteure, Bernadette Laclais, les articles 26 et 27 relatifs au service public hospitalier et aux groupements hospitaliers de territoire prévoient que les établissements privés qui le souhaitent peuvent rejoindre le service public hospitalier selon des conditions d’adhésion clairement énoncées.

Je conclus en réaffirmant ma confiance dans la qualité de notre système de santé, très performant en matière de soins et dont le reste à charge pour les patients est le plus faible des pays de l’OCDE, tout en constatant que nous pouvons largement progresser en matière d’organisation et de politiques de prévention. L’OCDE relève ainsi une consommation de tabac et d’alcool dans notre pays, dont personne ici ne peut nier les méfaits, nettement supérieure à la majorité des autres États membres. Le groupe SRC votera ce projet de loi avec confiance et conviction car il donne de nouveaux droits à nos concitoyens, procède de l’exigence d’une meilleure organisation de notre système de santé et place la prévention à l’égal du soin. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste.)

M. Laurent Wauquiez. Il massacre les médecins !

M. Pierre Lellouche. Et augmente les dépenses de santé !

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, texte clivant non seulement entre parlementaires mais aussi avec la quasi-totalité des professions médicales.

M. Laurent Wauquiez. Tout à fait !

M. Gilles Lurton. Votre projet de loi a été rejeté en bloc au Sénat sans examen sur le fond, madame la ministre. Par conséquent, nous travaillons aujourd’hui sur le texte examiné au hachoir et à la va-vite pendant la période troublée qui a suivi les attentats du 13 novembre qui ont fortement impacté nos discussions.

M. Pierre Lellouche. Invoquer l’esprit du 13 novembre, comme vous l’avez fait tout à l’heure, est scandaleux, madame la ministre !

M. Denys Robiliard. C’est hors sujet, monsieur Lellouche.

M. Gilles Lurton. La conférence des présidents a refusé un dernier vote solennel sur ce texte. C’est donc à la sauvette que nous voterons, une fois encore, contre votre projet de loi.

M. Marc Le Fur. C’est affligeant !

M. Richard Ferrand. Qui est affligeant ici ?

M. Laurent Wauquiez. Il a raison !

M. Gilles Lurton. Comme vous le savez, nous avons de nombreux désaccords. Vous fixez un indice de masse corporelle pour les mannequins et créez des salles de shoot alors que rien n’est fait en matière de prévention ni pour le renforcement de notre système de médecine scolaire et de santé au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je note cependant quelques avancées dont la plus emblématique modifie la loi Évin, ce qui permettra de mieux communiquer au sujet d’un certain nombre de produits de terroir.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Gilles Lurton. Mentionnons aussi la suppression de l’obligation faite à toute entreprise, quelle que soit sa taille, de créer des emplacements de vapotage et le rejet de l’amendement relatif à l’interdiction des soins funéraires à domicile, qui sont autant de décisions obtenues avec la sagesse du Parlement contre l’avis du Gouvernement.

M. Pierre Lellouche. Eh oui !

M. Gilles Lurton. Certes, au cours de l’examen du texte, grâce à une attention de tous les instants, j’ai pu faire adopter six amendements avec votre avis favorable ou, à défaut, l’appui de votre majorité parlementaire, madame la ministre. Au-delà de ce travail, je souhaite insister particulièrement sur trois points qui suscitent toujours une très forte opposition dans notre pays. Le premier, c’est le paquet de cigarettes neutre.

M. Laurent Wauquiez. Que nous sommes le seul pays en Europe à adopter !

M. Gilles Lurton. Je le répète, nous sommes tout à fait conscients des ravages provoqués par le tabac sur la santé, avec plus de 73 000 morts par an, ainsi que de ses coûts très importants pour nos budgets sociaux. Nous devons faire face à ce véritable fléau mais le paquet neutre n’est pas la bonne solution. Nous ne disposons d’aucune étude d’impact. Vous prenez le risque de détruire une profession, celle des buralistes, qui pourrait être le meilleur rempart dans la lutte contre le tabagisme si nous savons travailler avec elle.

M. Laurent Wauquiez. Au contraire, vous les tuez.

M. Gérard Sebaoun. Aucun rapport ! Les buralistes connaissent des difficultés depuis des années !

M. Éric Woerth. Si vous voulez les détruire, allez jusqu’au bout !

M. Gilles Lurton. L’exemple de l’Australie est souvent invoqué pour justifier la mise en place du paquet neutre, mais c’est oublier que ce pays a fixé le prix du paquet de cigarettes à 14 euros. Il est difficile, dans de telles conditions, de mesurer l’impact de ces deux mesures !

M. Gérard Sebaoun. C’est scandaleux ! Vous n’avez pas lu le dossier !

M. Gilles Lurton. Excusez-moi, monsieur Sebaoun, mais je l’ai lu et j’ai participé à tous nos débats !

Notre deuxième facteur d’opposition porte sur votre volonté d’exclure de fait les cliniques privées de l’organisation des soins dans notre pays. Enfin, des médecins manifestent en ce moment devant l’Assemblée nationale.

M. Richard Ferrand. C’est leur droit !

M. Gilles Lurton. Je les ai rencontrés.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Seulement maintenant ?

M. Gilles Lurton. Ils sont en colère. Ils ont baptisé ce jour « jour de la honte ». (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Laurent Wauquiez. Le Gouvernement a perdu la confiance des médecins !

M. Gilles Lurton. L’ensemble des soignants, médecins, dentistes, infirmières et infirmiers, kinésithérapeutes, tous les syndicats, les coordinations de médecins, le Conseil national de l’ordre des médecins, l’Académie de médecine et l’Académie de chirurgie ont la conviction de ne pas avoir eu la possibilité de s’exprimer. Vous leur refusez la possibilité de protester en faisant voter le projet de loi pendant l’état d’urgence, en toute hâte et au mépris de leur désaccord absolu, madame la ministre, et au mépris total de la responsabilité dont ils ont su faire preuve en interrompant leur mouvement de grève pour porter secours aux victimes des terribles attentats du 13 novembre.

M. Gérard Sebaoun. Heureusement !

M. Gilles Lurton. Je souhaite leur rendre hommage ce matin.

Vous leur dites qu’ils ont seulement besoin d’être rassurés sur la faisabilité technique du tiers payant et qu’ils seront remboursés rapidement. C’est insultant pour eux ! Comme ils vous l’ont dit, la préoccupation pécuniaire n’est pas leur principal grief contre la généralisation du tiers payant. Ce qu’ils craignent, c’est une perte d’indépendance dans leurs décisions thérapeutiques lorsque l’État décidera de tout et deviendra le payeur des professions médicales.

Vous leur dites que les réseaux de soins ne concerneront pas les médecins, c’est faux !

M. Bernard Accoyer. Absolument faux !

M. Gilles Lurton. Des plates-formes de mutuelles contactent déjà de très nombreux directeurs de cliniques en matière de chirurgie orthopédique. Vous leur dites que le tiers payant marche très bien dans les pharmacies, c’est faux et vous le savez très bien ! Elles doivent recouvrer en moyenne 30 000 euros par an et trois petites officines ferment chaque semaine !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux ! J’exerce en pharmacie depuis vingt-cinq ans ! Ne parlez pas de ce que vous ne connaissez pas, monsieur !

M. Gilles Lurton. Dès lors, pourquoi avoir précipité les choses ? Pourquoi ne pas avoir attendu la grande conférence de santé annoncée par le Premier ministre pour février 2016 ? Quel sera son sens après le vote de la loi ?

M. Bernard Accoyer. Vous faites voter le texte avant la conférence de santé, madame la ministre. Cela n’a aucun sens !

M. Gilles Lurton. L’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale dispose que « dans l’intérêt des assurés sociaux et de la santé publique, le respect de la liberté d’exercice et de l’indépendance professionnelle et morale des médecins est assuré conformément aux principes déontologiques fondamentaux que sont le libre choix du médecin par le malade, la liberté de prescription du médecin, le secret professionnel, le paiement direct par le malade, la liberté d’installation du médecin ».

M. Pierre Lellouche. Voilà notre système de santé, que vous êtes en train de tuer !

M. Denys Robiliard. Lier secret professionnel et paiement à l’acte, il faut oser !

M. Gilles Lurton. Votre projet de loi contredit cet article, madame la ministre, et nous continuerons d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour le combattre, et en premier lieu nous allons saisir le Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Gérard Sebaoun. C’est votre droit.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, dernier orateur inscrit.

M. Arnaud Richard. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, chère Catherine, madame la rapporteure, mes chers collègues, Le Malade imaginaire fut la dernière pièce écrite par Molière.

M. Marc Le Fur. Et jouée par lui ! (Sourires.)

M. Arnaud Richard. Nous espérons que ce projet de loi sera également le dernier de ce gouvernement en matière de santé. En effet, depuis le début de ce quinquennat, toutes les mesures que vous prenez viennent fragiliser le système de santé français déjà bien en difficulté, madame la ministre.

À l’heure de la phase définitive de nos travaux, chacun se trouve face à ses responsabilités. Je vous le dis sans détour, ce texte n’est pas à la hauteur des enjeux. On nous avait annoncé une grande loi relative à la santé. Pendant des années, madame la présidente de la commission répondait : « Tout cela sera dans la grande loi de santé ! ». Eh bien ! Voter ce projet de loi serait une erreur. En effet, ce texte ne répond pas aux grands défis auxquels nous sommes confrontés en matière de santé, malgré la qualité de nos échanges et des avancées fragiles, auxquelles notre groupe a largement participé, que nous reconnaissons.

Comme l’a dit Gilles Lurton, ce texte ne fait pas consensus parmi les professionnels de santé, et c’est peu de le dire !

M. Laurent Wauquiez. Il fait même l’unanimité contre lui !

M. Arnaud Richard. On a du mal à imaginer son application sans l’adhésion des professionnels de santé, en particulier des médecins. La généralisation du tiers payant est une triple erreur. Elle prive le médecin de sa liberté, déresponsabilise les patients et dévalorise les actes médicaux.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Bernard Accoyer. Et elle menace la Sécurité sociale elle-même !

M. Arnaud Richard. Pourquoi alourdir à tout prix les démarches administratives et généraliser ce dispositif alors que les médecins appliquent spontanément et quotidiennement depuis de nombreuses années le tiers payant pour leurs patients en fonction de leur situation personnelle ?

Ce texte ne permettra pas de lutter efficacement contre un fléau auquel nous sommes tous confrontés, le tabagisme. Vous avez fait le choix très habile de cristalliser les débats sur la mise en place du paquet neutre, madame la ministre.

M. Laurent Wauquiez. Et très cynique !

M. Arnaud Richard. Elle fragilisera un certain nombre d’acteurs économiques dans nos territoires, qui, par-delà la vente de tabac, ont une fonction d’entretien du lien social qui devrait faire qu’on les respecte.

M. Laurent Wauquiez. C’est en effet respectable !

M. Arnaud Richard. Aucune mesure n’a été prise pour lutter contre la contrebande ni le trafic transfrontalier. Vous surtransposez le droit européen alors que notre pays est souvent très en retard dans la transposition des directives européennes et que c’est justement au niveau européen que nous aurions besoin d’une harmonisation fiscale.

M. Bernard Accoyer. Le Premier ministre lui-même a pourtant promis qu’on ne surtransposerait pas !

M. Laurent Wauquiez. Nous sommes les seuls en Europe à instaurer le paquet neutre !

M. Bernard Accoyer. Alors que rien n’est fait contre le cannabis !

M. Richard Ferrand. C’est obsessionnel !

M. Denys Robiliard. Monomaniaque !

M. Arnaud Richard. Enfin, le texte oppose le système privé de santé au système public selon une conception dogmatique des choses. Vous excluez les établissements privés des missions du service public hospitalier. Depuis bientôt quatre ans, vous opposez l’hôpital public et les cliniques privées alors même que nous avons besoin de cette complémentarité.

M. Bernard Accoyer. Bien sûr !

M. Arnaud Richard. Et comble de l’absurde, après avoir décidé il y a trois ans de la fin du principe de convergence tarifaire, vous prévoyez aujourd’hui le contrôle par la Cour des comptes des comptes des cliniques privées !

M. Bernard Accoyer. Faute terrible !

M. Arnaud Richard. Enfin, malgré quinze mois d’examen, comme l’a dit Gilles Lurton, nous sommes contraints aujourd’hui de légiférer dans l’urgence.

M. Bernard Accoyer. Ça n’a aucun sens !

M. Arnaud Richard. Dans ces conditions, comme quelques collègues du groupe majoritaire en convenaient, mais ils ne le diront peut-être pas aujourd’hui, cela n’est pas satisfaisant.

M. Marc Le Fur. Ils regardent leurs chaussures !

M. Arnaud Richard. Ce texte n’apporte aucune solution et passe sous silence de nombreux enjeux pourtant essentiels : le virage ambulatoire, la sécurité sanitaire, la démographie médicale, la carte hospitalière, la répartition territoriale équitable des établissements de santé et leur nécessaire modernisation…

M. Bernard Accoyer. Et l’innovation !

M. Arnaud Richard. …ou encore, en effet, l’innovation et la recherche, vous avez raison, monsieur Accoyer.

M. Laurent Wauquiez. Très bien !

M. Arnaud Richard. Mes chers collègues, vous comprendrez aisément qu’au vu de ce panorama peu glorieux, le groupe UDI ne puisse voter le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La discussion générale est close.

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, tel qu’il résulte du texte voté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Mesdames, messieurs les députés, au terme du processus parlementaire, je veux vous faire part, malgré le climat peu serein qui a accompagné les derniers moments, d’une certaine forme d’émotion. Ce texte, nous y travaillons ensemble depuis bien plus longtemps encore que n’a duré son parcours parlementaire, puisque nous avions engagé, dès le printemps 2013, avec vous, avec les professionnels et avec tous les autres interlocuteurs, des travaux dans les régions pour répondre aux défis de la période.

Je ne rappellerai pas tout ce qui a été fait ; je veux seulement vous dire, donc, mon émotion au terme de ce parcours, qui n’est au demeurant pas tout à fait terminé puisque le Conseil constitutionnel sera saisi – ce qui n’est pas vraiment une surprise pour moi. C’est un beau et grand travail qui a été réalisé, et ce travail se poursuivra.

Je ne reviendrai pas sur ce que j’ai dit tout à l’heure s’agissant des inquiétudes et des préoccupations, dont je n’ignore rien, des professionnels de santé : je ferai en sorte qu’elles soient levées dans la mise en œuvre du texte.

À ce moment je veux vous remercier, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs et vous, mesdames et messieurs les députés : non seulement ceux d’entre vous qui siègent sur les bancs de la majorité, mais aussi ceux qui siègent sur les bancs de l’opposition, même si les derniers instants n’ont pas donné une juste traduction du travail réalisé avec eux. En commission comme en séance, en première puis en nouvelle lecture, l’opposition, avec ses positions, ses objections et ses différences a contribué au débat. Je veux donc la remercier, même si mes remerciements s’adressent plus spécifiquement, vous le comprendrez, à la majorité, au groupe socialiste, républicain et citoyen, au groupe écologiste et au groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. Je remercie aussi Mme Fraysse, interlocutrice constructive dont je connais les positions, puisque nous en débattons depuis des années, d’avoir choisi de s’abstenir : j’y vois un témoignage de reconnaissance pour le travail engagé.

Je remercie les services de la commission et ceux de la séance, ainsi que la présidence et, à travers vous, monsieur le président, tous ceux qui se sont succédé au fauteuil de la présidence. Du fond du cœur, merci à tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

5

Transports collectifs de voyageurs

Suite de la discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, M. Gilles Savary et plusieurs de leurs collègues, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (nos 3109 rectifié, 3314, 3307).

Discussion des articles

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.

J’appelle donc maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi d’un amendement n1, qui n’est pas défendu, non plus que les amendements nos 18 et 21 rectifié.

La parole est donc à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n22.

Mme Véronique Massonneau. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour donner l’avis de la commission.

M. Gilles Savary, rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche. Même avis : défavorable.

(L’amendement n22 n’est pas adopté.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er bis

M. le président. Les amendements portant article additionnel après l’article 1er n’étant pas défendus, nous en arrivons à l’article 1er bis.

La parole est à M. Gilles Savary pour soutenir l’amendement n73, tendant à la suppression de l’article.

M. Gilles Savary, rapporteur. Il s’agit en effet de supprimer cet article introduit par la commission. Il donne la possibilité aux contrôleurs et aux vérificateurs des titres de transport de procéder à l’inspection visuelle des bagages. À la réflexion, et après consultation des professionnels, il apparaît que cette tâche ne correspond pas à leur mission : elle pourrait même l’entraver et occasionner des désordres publics.

(L’amendement n73, accepté par le Gouvernement, est adopté et l’article 1er bis est supprimé.)

Article 2

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n24 rectifié, qui est défendu.

(L’amendement n24 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n23 rectifié, qui est défendu.

(L’amendement n23 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 47 et 48, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gilles Savary, pour les soutenir.

M. Gilles Savary, rapporteur. Il s’agit de deux amendements rédactionnels.

(Les amendements nos 47 et 48, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 3 bis

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour soutenir l’amendement n49.

M. Gilles Savary, rapporteur. Il s’agit là encore d’un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Sagesse.

(L’amendement n49 est adopté.)

(L’article 3 bis, amendé, est adopté.)

Article 4

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary, pour soutenir l’amendement n94.

M. Gilles Savary, rapporteur. L’amendement vise à supprimer les alinéas 4 et 5 de l’article, lesquels prévoient le recours à la sous-traitance pour le contrôle de titres de transport et le respect de la police des transports. Ces dispositions, introduites en commission, nous paraissent intempestives.

(L’amendement n94, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. Marc Le Fur. Monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je demande une suspension de séance pour réunir mon groupe. Cette demande est de droit, monsieur le président.

M. le président. Je vous accorde une minute…

M. Marc Le Fur. Non, monsieur le président, nous sommes nombreux…

M. le président. Il est vrai ! (Sourires.)

M. Marc Le Fur. … cela demande un certain temps.

J’observe d’ailleurs qu’il est presque treize heures : j’imagine que nous pourrons reprendre sereinement nos travaux à quinze heures.

M. le président. D’accord, nous poursuivons donc jusqu’à la levée de la séance, à treize heures.

M. Marc Le Fur. Non, monsieur le président : je souhaite réunir mon groupe dès à présent.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue pour deux minutes.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-quatre, est reprise à douze heures cinquante-six.)

M. le président. La séance est reprise.

Je mets aux voix l’article 4.

(L’article 4, amendé, est adopté.)

Article 4 bis

M. Marc Le Fur. Monsieur le président ! Rappel au règlement.

M. le président. Je vais d’abord mettre aux voix l’article 4 bis, monsieur Le Fur.

(L’article 4 bis est adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Oui, monsieur le président, sur l’organisation de nos débats, que j’ai du mal à comprendre.

Nous avons entamé l’examen des articles un peu après douze heures quarante-cinq : c’est quand même étonnant pour un texte de cette importance, et qui peut faire consensus. Je ne vois pas non plus l’intérêt de reprendre nos travaux maintenant alors que nous allons les interrompre, comme le veut l’usage, à treize heures.

Je souhaite donc que la présidence tienne compte de nos préoccupations, de façon que nous reprenions sereinement nos travaux à quinze heures. Nous avons le temps, les séances de cet après-midi et de ce soir ont été ouvertes.

M. le président. Vous avez assisté comme moi à la conférence des présidents, monsieur Le Fur. Comme vous le savez, un ordre du jour a été adopté, dont tous les parlementaires sont informés. Certains de vos collègues étaient présents tout l’heure dans l’hémicycle, mais ils sont partis, bien qu’étant signataires d’amendements. Nous allons donc poursuivre nos débats, il nous reste un peu de temps pour cela, avant de lever la séance à l’heure du déjeuner.

Article 4 ter

(L’article 4 ter est adopté.)

Article 5

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 50, 51, 83, 52, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Gilles Savary, pour les soutenir.

M. Gilles Savary, rapporteur. Ces quatre amendements sont rédactionnels.

(Les amendements nos 50, 51, 83 et 52, acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)

(L’article 5, amendé, est adopté.)

Après l’article 5

M. le président. L’amendement n34, portant article additionnel après l’article 5, est défendu.

M. Marc Le Fur. Rappel au règlement, monsieur le président ! Il est treize heures : chacun sait qu’il est d’usage d’interrompre nos travaux à cette heure.

M. le président. Tout d’abord, monsieur Le Fur, je ne vous ai pas donné la parole.

Par ailleurs, il est douze heures cinquante-neuf. J’ai appelé l’amendement n34…

M. Marc Le Fur. Mon rappel au règlement concerne l’amendement n3.

M. le président. L’amendement n3 n’ayant pas été défendu, j’ai appelé l’amendement n34, sur lequel je demande l’avis de la commission.

La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary, rapporteur. Cet amendement déposé par Mme Cécile Duflot propose que les contrôles d’identité réalisés par les agents de sûreté en civil, lesquels devraient se signaler, donnent lieu à l’établissement d’un récépissé. Ce récépissé mentionnerait les motifs justifiant le contrôle, le jour et l’heure auxquels il y a été procédé, le matricule de l’agent et les observations de la personne concernée.

Autant vous dire que si ce type de procédure était appliqué par exemple à Paris, à l’heure de pointe en gare du Nord, il n’y aurait plus de contrôles possibles ! Ce serait bureaucratiser ces contrôles de façon incompatible avec leur exercice même, leur faisabilité tout simplement.

Je rappelle par ailleurs que la proposition de loi prévoit désormais, après que divers amendements ont été adoptés en commission, qu’à chaque fois qu’un agent de sûreté agit en civil, sa carte professionnelle pourra lui être demandée. Je pense que cette précaution sera suffisante : la commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d’État. Le Gouvernement y est également défavorable. Il s’agit cependant d’un débat légitime, comme le rapporteur vient de le dire. Nous poursuivons le même double objectif : défendre les libertés publiques tout en restant efficaces. Telle est bien la démarche de cette proposition de loi.

Mais certains repères semblent constituer des passages obligés en matière de respect des libertés publiques : il en va, ainsi, de ce récépissé de contrôle, dont d’aucuns pensent que l’existence même écartera tout risque.

Cela me fait pourtant penser à ces idées qui, bien que parfois largement partagées, sont fausses. Ainsi en a-t-il été du curriculum vitae anonyme en matière de recrutement. Pendant des années, les parlementaires qui traitaient de ces questions se sont entendu dire que pour mettre fin aux discriminations dans l’accès à l’emploi, il suffisait de mettre en place le CV anonyme. Nous en avons débattu pendant des heures et des heures dans cette assemblée – les dispositions correspondantes ont même été inscrites dans la loi –, et ce jusqu’au jour où des expérimentations ont été lancées. Après quoi on s’est finalement aperçu qu’il s’agissait d’une fausse bonne idée, et que d’autres solutions étaient préférables pour atteindre les mêmes objectifs.

Le Gouvernement a déjà donné sa réponse sur la proposition ici en objet, notamment à travers les mesures annoncées par le ministre de l’intérieur, qui ne visent pas à s’opposer au récépissé. Car nous partageons les mêmes objectifs : garantir la sécurité publique et l’efficacité de l’action des forces de l’ordre. L’objectif principal n’est pas de se protéger des abus des forces de l’ordre, mais bien que celles-ci puissent travailler efficacement et qu’elles répondent aux attentes de nos concitoyens.

Il nous faut avoir ces réponses, qui sont normales en démocratie. Le Gouvernement s’est déjà inscrit dans cette démarche et partage totalement les propos qui viennent d’être tenus par M. le rapporteur.

Pour toutes ces raisons, sur cette question qui fait également l’objet d’autres amendements, ce qui justifie que je donne ces explications, le Gouvernement reste sur sa position d’origine. Il ne s’agit pas d’une position d’opportunité sur ce texte mais cela correspond à la politique voulue par le ministre de l’intérieur.

Avis défavorable donc à l’amendement n34.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je suis plutôt en phase avec ce que viennent de dire M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État sur cet amendement. Il faut, à un moment donné, savoir ce que l’on veut. Voulons-nous, oui ou non, donner à nos responsables et à nos forces de sécurité les moyens d’exercer des compétences supplémentaires, de façon à assurer la sécurité de nos concitoyens lorsqu’ils empruntent les services publics de transport ?

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’opposera à cet amendement – qui a d’ailleurs été appelé dans des conditions un peu curieuses. Cela étant, il est vrai qu’un membre du groupe était effectivement présent dans l’hémicycle, ce qui a permis que cet amendement soit défendu. (Sourires.)

J’imagine que nous allons maintenant interrompre nos travaux.

M. le président. Je vous remercie, monsieur Le Fur. Il est préférable en effet qu’il y ait des présents parmi les cosignataires d’un amendement si on souhaite que celui-ci soit défendu (Sourires.) C’est ce que prévoit le règlement ! Je vous remercie d’avoir souligné en creux que votre groupe, lui, manquait singulièrement de présents.

Je vais donc mettre aux voix l’amendement n34.

(L’amendement n34 n’est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

6

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion de la proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly