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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Séance du mardi 10 mai 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

2. Questions au Gouvernement

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. Yves Censi

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Projet de loi travail

M. Christophe Sirugue

M. Manuel Valls, Premier ministre

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. André Chassaigne

M. Manuel Valls, Premier ministre

Sociétés immobilières outre-mer

M. Ary Chalus

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget

Éthique politique

M. Georges Fenech

M. Manuel Valls, Premier ministre

Plan contre le djihadisme et la radicalisation des jeunes

M. Pascal Popelin

M. Manuel Valls, Premier ministre

Violences à l’encontre des forces de l’ordre

M. Bernard Accoyer

M. Manuel Valls, Premier ministre

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. Philippe Vigier

M. Manuel Valls, Premier ministre

Situation économique et sociale du pays

M. Patrice Verchère

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Lutte contre le harcèlement sexuel

Mme Catherine Coutelle

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes

Gaz de schiste

Mme Cécile Duflot

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat

Résolution de l’UNESCO et lieux saints de Jérusalem

M. Claude Goasguen

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Situation en Syrie

M. Michel Vauzelle

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international

Fermeture de la centrale de Clairvaux

M. Nicolas Dhuicq

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Apprentissage

M. Stéphane Demilly

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Suspension et reprise de la séance

3. Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

M. le président

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. Manuel Valls, Premier ministre

M. le président

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Souhaits de bienvenue à une délégation étrangère

M. le président. Mes chers collègues, je suis heureux de souhaiter en votre nom la bienvenue à une délégation du groupe d’amitié Arabie Saoudite-France du Conseil consultatif, conduite par son président, M. Abdulrahman Alsweilam. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. le président. La parole est à M. Yves Censi, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Censi. Monsieur le Premier ministre, nous assistons depuis quelques semaines à un authentique déni de démocratie. Vous avez provoqué un véritable fiasco politique sur une réforme qui au départ, pourtant, faisait l’objet d’un consensus national.

Le Président de la République, M. François Hollande, nous avait promis, il y a quatre ans, un quinquennat placé sous le signe de la « normalitude ». Or, monsieur le Premier ministre, est-il normal de passer en force devant la représentation nationale et de reculer devant quelques exaltés qui mobilisent, dans la rue, les forces de police alors que nous sommes en état d’urgence ? Est-il normal de piétiner les partenaires sociaux en considérant, comme l’affirme M. Cambadélis, que « puisque tout le monde est contre, c’est la preuve que ce texte est équilibré » ? Est-il normal de museler le Parlement, d’abord par le recours à la procédure accélérée et, hier, par le blocage du vote des députés dès l’article 1er ? (« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Glavany. Cela vous va bien de dire des sottises pareilles !

M. Yves Censi. Est-il normal de tordre le bras de la représentation nationale en brandissant aujourd’hui l’article 49-3 de la Constitution, procédure qui n’est que le témoin d’une crise de régime, dans laquelle vous être contraint de gouverner contre votre propre majorité ?

M. Guy Geoffroy. Eh oui !

M. Yves Censi. Est-il normal d’entendre, hier matin, sur une grande radio, un responsable socialiste rappeler aux députés de votre majorité qu’ils tiraient leur légitimité non pas du suffrage universel mais du Président de la République, et qu’ils feraient bien de s’en souvenir ?

C’est dire le peu de considération que vous accordez aux représentants du peuple français, relégués au rang d’arrière-garde aux ordres d’un monarque auquel ils devraient allégeance et reconnaissance.

Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui vous ne gouvernez pas la France. Vous gouvernez le psychodrame du parti socialiste. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen .) Allez jusqu’au bout de cette mascarade et dites-nous quand vous allez recourir au 49-3. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, depuis le début, le Gouvernement a montré sa volonté sincère de dialogue avec les organisations syndicales et patronales. Nous n’avons pas reculé sur le texte : nous avons procédé à des enrichissements pour trouver un compromis. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains). Par la suite, au sein de la commission des affaires sociales – je tiens ici à saluer l’excellent travail mené par le rapporteur, Christophe Sirugue (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) –, nous avons examiné près de mille amendements et en avons retenu un tiers. Ensuite, en effet, nous avons développé le débat dans l’hémicycle. Pourquoi ? Parce que nous souhaitons avancer et donner toutes ses chances à notre pays. Nous n’avons pas une vision manichéenne de l’entreprise mais pensons que c’est par le dialogue social que nous pouvons transformer nos modes de régulation à la fois pour mieux nous adapter et pour renforcer les acteurs. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains).

M. Yves Censi et M. Bernard Deflesselles. C’est à votre majorité qu’il faut le dire, pas à nous !

Mme Myriam El Khomri, ministre. Tels sont les enjeux de ce projet de loi, sans oublier les protections qu’il apporte à l’heure où nous assistons à des mutations du monde du travail ni le fait que nous devions améliorer notre législation en matière de travail détaché.

Oui, je regrette que, sur les bancs de la gauche, le sujet ne fasse pas l’unanimité. L’essentiel, toutefois, ce sont les avancées que ce texte, demain, permettra de réaliser en faveur de nos entreprises, de nos salariés et de nos jeunes en situation de précarité qui pourront bénéficier de la garantie jeunes, ainsi qu’en faveur des travailleurs saisonniers ou de ceux des plates-formes collaboratives. Telle est l’intégralité du contenu de ce projet de loi, que nous devons, pour cela, être fiers de défendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Projet de loi travail

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Sirugue. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Il va enfin répondre !

M. Christophe Sirugue. Monsieur le Premier ministre, le monde du travail a changé. (« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Christophe Sirugue. Il est marqué non seulement par une évolution de l’individualisation à l’intérieur de l’entreprise, par les enjeux de la mondialisation, mais également par les évolutions qu’ont connues des pans entiers de notre industrie. Le monde du travail se caractérise aussi aujourd’hui par l’émergence d’emplois ne relevant ni du salariat, ni du régime des travailleurs indépendants. Nous devons impérativement prendre en compte ces évolutions, que ce soit pour donner à nos entreprises la capacité de se battre dans le contexte concurrentiel que nous connaissons…

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Baratin !

M. Christophe Sirugue. …ou pour assurer une protection aux salariés et aux travailleurs de notre pays.

C’est pourquoi nous nous sommes engagés en faveur du projet de loi travail. Nous en avons corrigé les éléments que nous contestions, et nous l’avons fait évoluer en y intégrant des droits nouveaux dont bénéficieront un grand nombre de salariés et de travailleurs de notre pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Ce texte, qui a évolué, permet de prendre en compte des enjeux que beaucoup soulignent depuis longtemps.

M. Éric Straumann. Vous faites à la fois les questions et les réponses !

M. Christophe Sirugue. Je pense aux enjeux relatifs à la concurrence du travail détaché, au droit à la déconnexion – chacun sait que le numérique est venu interférer dans nos échanges.(« Allô ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, nous avons voulu élaborer un texte qui bouge, un texte cohérent. Nous avons voulu réformer. Pouvez-vous nous dire ce que vous comptez faire de l’ensemble de ce texte que nous avons défendu ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, cher Christophe Sirugue, en vous répondant, je réponds également, d’une certaine manière, à la question que M. Censi a posée il y a un instant.

M. Guy Geoffroy. Il serait temps !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous nous trouvons en effet dans un moment important.

M. Claude Goasguen. De blocage !

M. Dominique Dord. De recul !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République, l’ensemble du Gouvernement et moi-même le mesurons. En effet, l’Assemblée nationale a commencé l’examen d’un texte important pour l’avenir de notre pays (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains),…

M. Michel Herbillon. Et pour l’avenir de votre majorité !

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, écoutez la réponse !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour notre modèle social et pour la consolidation de notre économie.

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous nous empêchez de voter !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le moment est aussi important car notre pays est traversé par des contestations, des incompréhensions et des désaccords. Il s’agit aujourd’hui de savoir sur quel terrain nous conduisons les réformes dans notre pays.

M. Guy Geoffroy. Sur des sables mouvants !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Avec Myriam El Khomri et l’ensemble du Gouvernement, nous avons l’ambition, l’exigence de trouver le chemin de la réforme…

M. Michel Herbillon. Le chemin de la reculade !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et de montrer que le dialogue peut payer à tous les niveaux.

Vous venez de le rappeler, monsieur le député : le projet de loi travail a évolué depuis deux mois. Pour autant, il reste cohérent.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Mais non !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il affirme la confiance dans le dialogue, au sein de l’entreprise, avec les organisations syndicales et les salariés. Il pose la première pierre d’une véritable sécurisation des parcours professionnels, avec le compte personnel d’activité.

M. Éric Straumann. C’est du vent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il sécurise les conditions de licenciement, en particulier dans les PME. Vous l’avez rappelé : il crée le droit à la déconnexion pour les salariés.

M. Guy Geoffroy. C’est vous qui êtes déconnecté !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il donne pour la première fois un cadre aux salariés exerçant dans les plates-formes. Il met en place des dispositifs efficaces de lutte contre le travail détaché. Il prévoit la création de plusieurs dispositifs en faveur de la jeunesse. Voilà les principaux éléments que vous connaissez parfaitement, monsieur le rapporteur Sirugue.

Nous assumons le fait d’avoir construit, en faisant évoluer le texte depuis sa présentation initiale, un accord avec l’ensemble des organisations syndicales réformistes. Nous assumons le fait d’avoir construit un projet de loi visant à rendre notre économie plus agile, plus réactive et plus orientée vers l’emploi qui est, bien sûr, notre priorité.

Aujourd’hui, nous disposons d’un texte cohérent, équilibré (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), qui est le fruit d’un compromis.

Avec ce texte, nous assumons le fait d’ouvrir encore plus nettement une possibilité qui n’est en aucune manière porteuse d’insécurité pour les salariés : un accord signé majoritairement par les organisations syndicales ou un salarié mandaté n’entraîne jamais un recul des droits ou des garanties des salariés.

M. Christian Jacob. Lisez-vous le texte arbitré par le Président de la République ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est la grande nouveauté et la protection inédite offerte aux salariés par ce texte : pour être validé, un accord doit être majoritaire.

Aujourd’hui, après de nombreux échanges, ce compromis a permis de réunir très largement le groupe majoritaire. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Catherine Vautrin. Il n’y a pas de majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Et pourtant, certains refusent de s’inscrire dans cette dynamique du compromis. (« Oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.) Certains voudraient imposer l’idée selon laquelle une négociation au niveau de l’entreprise, même régie par le principe majoritaire, reviendrait à soumettre les salariés à l’arbitraire.

M. Guy Geoffroy. Allez-y ! Annoncez le recours au 49-3 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J’entends cette position lorsqu’elle rejoint une conviction de fond, mais je ne la partage pas. Ce n’est pas l’opinion du Gouvernement, ni celle de l’ensemble des organisations réformistes qui, depuis trente-cinq ans, construisent les grandes lois sociales de notre pays.

M. Jean Leonetti. Allez ! 49-3 !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La conjonction des oppositions, y compris de ceux qui ne respectent pas les décisions très majoritaires de leur groupe, peut empêcher l’adoption de ce texte.

Mme Bérengère Poletti. La faute à qui ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le spectacle donné hier soir en séance ne me semble pas rendre justice au travail effectué par les parlementaires de tous les bancs depuis deux mois. (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. – Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jean-François Copé. Nous n’y sommes pour rien !

M. Patrice Verchère. Scandaleux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Parce que la réforme doit aboutir, parce que le pays doit avancer, parce que les relations sociales et les droits des salariés doivent progresser, le Conseil des ministres, qui s’est réuni il y a un instant (« Ah ? » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), sous la présidence du Président de la République, m’a autorisé à engager la responsabilité du Gouvernement. (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Je le ferai tout à l’heure, avec responsabilité, bien sûr, mais aussi avec confiance, car je suis convaincu que le texte élaboré collectivement est bon pour notre pays. Il est surtout un acte de confiance dans le dialogue…

M. Guy Geoffroy. C’est un tract !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …et un pari dans la capacité des partenaires sociaux à le faire vivre. Il est, tout simplement, une affirmation de notre vision de la démocratie sociale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. – Huées sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Monsieur le Premier ministre, vous venez d’annoncer le recours à la procédure la plus antidémocratique de notre Constitution – l’article 49, alinéa 3 (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe écologiste) – pour empêcher la représentation nationale de débattre et de voter contre le projet de loi travail. C’est la manifestation de l’impuissance d’un gouvernement replié sur lui-même – pour ne pas dire aux abois – qui, à défaut de majorité, préfère user d’un triple coup de force. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe Les Républicains.)

Coup de force contre le monde du travail, qui signe une régression historique du droit du travail par la remise en cause de la protection des salariés.

M. Philippe Meunier. Il ne fallait pas voter Hollande !

M. André Chassaigne. Qui aurait pu imaginer qu’un gouvernement se réclamant de la gauche ose ainsi anéantir notre modèle social, fierté de notre pays ? Mes chers collègues, qui aurait pu imaginer qu’un gouvernement se réclamant de la gauche balaie ainsi d’un revers de main le principe de faveur, grande conquête du Front populaire ?

Coup de force, aussi, contre nos compatriotes. Sept Français sur dix rejettent cette réforme qui porte atteinte aux plus fragiles : nombre d’entre eux l’ont manifesté dans la rue dès le premier jour. Ils sont autant à refuser le recours au 49-3, témoignant ainsi de leur attachement au débat démocratique.

Coup de force, enfin, contre la représentation nationale, privée de son rôle de législateur. Cette représentation nationale a été humiliée, dès hier, par une parodie de débat législatif sans vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe Les Républicains, et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.) Elle vient de recevoir le coup de grâce, cet après-midi. La manœuvre est grossière…

M. Jean-Paul Bacquet. Staline !

M. André Chassaigne. …et symptomatique d’un exécutif à la dérive. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Elle vise uniquement à empêcher le Parlement, majoritairement contre ce texte, de s’y opposer.

Monsieur le Premier ministre, les députés du Front de gauche et, sans doute, les députés siégeant sur d’autres bancs vous demandent solennellement de renouer avec les valeurs de gauche et d’écouter les voix du peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Chassaigne, la Constitution est là. (Protestations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe Les Républicains.)

Mme Jacqueline Fraysse et M. Nicolas Sansu. Coup d’État permanent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. L’un de ses articles permet d’engager la responsabilité du Gouvernement. Je suis d’ailleurs surpris que certains députés de l’opposition, qui se réclament souvent des fondateurs de la Constitution, aient pu applaudir cette mise en cause de l’un de ses articles (Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains), qui a déjà été appliqué à de nombreuses reprises.

J’ai de bons souvenirs : cet article a été plus particulièrement utilisé par Michel Rocard, quand il s’agissait d’instaurer la CSG. À l’époque, il y avait une majorité de gauche, mais pas une majorité socialiste ; votre famille politique avait alors refusé de voter une réforme sur laquelle personne n’est revenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Yves Censi. Le 49-3 n’a jamais été utilisé par Nicolas Sarkozy !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Oui, monsieur Chassaigne, j’assume parfaitement cet engagement, car ce texte est bon pour les entreprises et pour les salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Claude Goasguen. Hors sujet !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il donne de nouveaux droits aux salariés. Dites clairement, monsieur Chassaigne, que vous vous opposez à la création du compte personnel d’activité, qui accompagnera les salariés tout au long de leur vie.

Oui, monsieur Chassaigne, je le regrette : ce texte, utile pour les entreprises et pour les salariés, rencontre des oppositions venant de toutes parts,…

M. Nicolas Sansu. Des oppositions venant des Français !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …pour des raisons contradictoires. Vous voulez défendre les salariés, tandis que l’opposition veut mettre en cause les droits des syndicats. Ma responsabilité, notre responsabilité est d’avancer et de faire en sorte que ce texte soit adopté. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Nicolas Sansu. Lamentable !

Sociétés immobilières outre-mer

M. le président. La parole est à M. Ary Chalus, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Ary Chalus. Monsieur le Premier ministre, je souhaite vous alerter sur l’obtention des agréments fiscaux pour la part de financement en défiscalisation des programmes de logements dans les territoires d’outre-mer.

Il y a urgence à traiter les dossiers qui sont aujourd’hui bloqués à Bercy et à faire de leur traitement une priorité afin que se concrétise le démarrage des projets en attente. Cela aurait pour effet d’agir concrètement sur la commande publique et privée et de relancer un secteur d’activité qui traverse une crise très profonde.

En Guadeloupe, ces six dernières années, 3 479 salariés ont perdu leur emploi. Les opérateurs publics et privés sur l’ensemble de nos territoires sont unanimes à dire qu’ils sont victimes de tracasseries administratives et à souhaiter que les procédures soient plus fluides. Il semblerait que la méthode se soit complexifiée, au point de la rendre incompréhensible.

Dans le même temps, pour le seul département de la Guadeloupe, on a assisté ces cinq dernières années à une diminution du rythme de construction : moins 7 % pour les logements sociaux, moins 37 % pour les logements privés.

Alors même que la DREAL – direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement – situe à plus de 15 000 la demande de logements pour la Guadeloupe, quinze opérations seraient ainsi bloquées, ce qui représente 649 logements. En 2016, nous comptons déjà douze opérations en attente, soit 236 logements.

Ce n’est certainement pas ainsi que nous parviendrons à atteindre l’objectif fixé par les mesures de relance que vous avez annoncées dans le Plan logement outre-mer signé en avril dernier pour une production de 2 000 logements par an.

Monsieur le Premier ministre, nous sommes à la veille d’une crise sociale similaire à celle de 2009, que nous pouvons encore éviter. L’encadrement des agréments fiscaux par une règle contractuelle afin de faciliter une mise en œuvre claire, pragmatique et réaliste est une urgence économique et sociale.

Pouvons-nous encore espérer votre soutien pour accélérer les procédures et mettre définitivement fin à ces échanges infructueux entre les opérateurs et la Direction générale des finances publiques ? Jeudi prochain, douze organisations syndicales seront en grève dans nos régions et les entreprises du BTP ont lancé un préavis de grève illimité dans nos quatre régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du budget.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget. Monsieur le député, le Plan logement outre-mer que vous avez évoqué est indispensable, vous avez raison. Les dispositifs de financement en vigueur, à la fois budgétaires et fiscaux, induisent trop souvent une complexité en imposant d’articuler des procédures différentes. Ceci peut conduire à des échanges trop longs entre l’administration et les porteurs de projets.

Mais cette rigueur d’analyse a une vraie contrepartie : cet agrément sécurise le droit à l’aide fiscale pour les opérateurs ainsi que la base éligible. Il faut que vous en ayez conscience lorsque vous préconisez un dispositif contractuel qui nécessiterait de surcroît une disposition législative. Nous n’y sommes pas opposés par principe.

Une mission est actuellement en cours sur cette question ; elle a rendu un rapport d’étape, ses conclusions sont attendues dans les prochaines semaines et nous travaillerons ensemble à une proposition concrète.

Pour autant, vous avez raison, il ne faut pas attendre pour fluidifier les procédures. Pas plus tard qu’hier soir, avec George Pau-Langevin, nous avons travaillé sur ces dossiers. Je peux d’ores et déjà vous dire que les dossiers de Moco et Saint-Charles ont fait l’objet hier d’un agrément à ma signature. Ils ont été notifiés aujourd’hui : cela représente plus de 260 logements. Le dossier Îlots 5 et 6, toujours à la Guadeloupe, fera l’objet d’un agrément dans un délai maximal de quinze jours, j’en prends ici l’engagement.

Sur les dossiers de soutien à l’activité économique, je peux également vous dire, même si cela ne concerne pas seulement la Guadeloupe, que les dossiers Air Austral et Air Caraïbes, qui représentent plus de 100 millions d’euros d’investissements, font l’objet d’agréments, conformément aux engagements du Premier ministre. Voilà, monsieur le député, ce que je peux vous dire à cet instant.

Éthique politique

M. le président. La parole est à M. Georges Fenech, pour le groupe Les Républicains.

M. Georges Fenech. Monsieur le Premier ministre, le 14 avril dernier, votre ministre de l’économie, Emmanuel Macron, se déplaçait en visite officielle à Londres pour participer à une conférence sur l’Europe afin de dénoncer les dangers du Brexit. Dont acte. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque nous apprenons par la presse qu’à cette occasion, le ministre de l’économie a parallèlement effectué une levée de fonds pour, semble-t-il, son micro-parti « En Marche ». (« Scandaleux ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) On évoque même la somme astronomique de quelque 12 millions d’euros. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, cette confusion des genres, voire ce conflit d’intérêts, ne peut qu’interpeller la représentation nationale et appelle, en tout état de cause, une clarification de la part du chef du Gouvernement.

Pour le compte de qui votre ministre en exercice effectue-t-il ces levées de fonds ?

Mme Catherine Vautrin. C’est scandaleux !

M. Georges Fenech. Pour sa propre candidature à l’élection présidentielle ou pour tout autre bénéficiaire ? En tout cas, pas pour l’intérêt général.

M. Jean-Paul Bacquet. Vous êtes mal placé pour donner des leçons.

M. Georges Fenech. Le voile du soupçon doit être levé dans une démocratie digne de ce nom, sur ce qui s’apparente à un abus de fonction ministérielle. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

En tout état de cause, il est permis de s’interroger : votre ministre de l’économie remplit-il sa haute fonction ministérielle à plein temps, ou se considère-t-il en campagne électorale ?

Mme Bérengère Poletti. On peut se poser la question.

M. Georges Fenech. Nous ne devons pas, monsieur le Premier ministre, alimenter le populisme et le discrédit jeté sur la classe politique en pratiquant le double langage et le mélange des intérêts. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. François Vannson. Tout à fait.

M. Georges Fenech. Alors ma question est simple : allez-vous mettre un terme à cette pratique qui pourrait en outre relever d’une saisine de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous auriez pu adresser directement votre question au ministre de l’économie lui-même. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. C’est vous, le chef du Gouvernement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il aurait pu vous répondre puisqu’il est possible de choisir qui répond aux questions.

M. Christian Jacob. Vous auriez pu lui demander de le faire.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il aura l’occasion de le faire. Pour l’heure, c’est moi qui vous réponds puisque vous m’avez interrogé (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains)…

M. Damien Abad. On sent que les relations sont cordiales.

M. Manuel Valls, Premier ministre. …sur le mode toujours très particulier du soupçon. (Exclamations sur les mêmes bancs).

Vous me parlez d’attitude, et je le dis en passant, une nouvelle fois, depuis le début de cette séance de questions au Gouvernement, sans rien dénier à nos traditions parlementaires, sur les questions-spectacle données à l’opinion qui nous regarde (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe écologiste – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) franchement, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous en connaissez un bout ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)



Emmanuel Macron, ministre de l’économie, est allé, comme il le fait régulièrement, à la rencontre des autorités britanniques, des entreprises et des entrepreneurs britanniques et français, ces derniers étant nombreux en Grande-Bretagne et à Londres. Il n’y a eu aucune levée de fonds particulière pour je ne sais quelle association.

M. Yves Nicolin. Incroyable !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce que je souhaite et ce que nous souhaitons tous, et tel est le cas, c’est que les membres du Gouvernement soient pleinement, totalement engagés dans leurs tâches. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Parce qu’il y a une crise politique, parce qu’il y a en effet aujourd’hui une mise en cause des responsables politiques, et cela depuis longtemps, parce que l’on s’attaque aux corps intermédiaires, parce que l’on sape jusqu’aux fondements de la République, chacun doit être exemplaire. C’est le cas de mon gouvernement, chaque ministre doit l’être et être à la hauteur des responsabilités.

M. Jean Leonetti. Il parle à Macron !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Chacun doit être conscient que cette responsabilité, je la ferai vivre parce qu’il y va tout simplement de l’intérêt de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plan contre le djihadisme et la radicalisation des jeunes

M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pascal Popelin. Monsieur le Premier ministre, la lutte contre la menace terroriste et contre ses racines est l’un des combats qui s’imposent à notre temps. Elle appelle de la détermination, de la rigueur, des moyens – et de l’humilité.

Hier, vous avez présenté le plan d’action du Gouvernement contre la radicalisation et le terrorisme : quatre-vingts mesures, dont cinquante nouvelles, pour déployer et mettre en cohérence l’effort de l’État et de la Nation. Ces annonces s’inscrivent dans la continuité de l’action entreprise depuis le début de cette législature, marquée notamment par le vote de plusieurs lois importantes, sur lesquelles nous avons su et devrions prochainement savoir encore nous rassembler, au-delà des différences de nos sensibilités politiques.

Prévenir, combattre et protéger : tel est le trépied sur lequel repose l’action publique, qui doit être protéiforme.

Prévenir, c’est être attentif à l’ensemble de la société – l’école, la vie associative, les déplacements, l’univers carcéral. Combattre, c’est poursuivre l’engagement international de la France, s’attaquer aux financements occultes, porter la contradiction sur le terrain et sur le Net. Protéger, c’est accroître notre vigilance à l’égard de tous les sites sensibles, veiller à ce que toutes celles et tous ceux qui exercent des fonctions régaliennes le fassent en parfaite sécurité, c’est renforcer et mieux organiser encore nos forces et nos unités d’intervention et soutenir les victimes.

Tous ces aspects, et beaucoup d’autres, font le plan d’action du Gouvernement. Pouvez-vous en exposer devant la représentation nationale les lignes de force et les modalités de mise en œuvre ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – « Allô ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Guy Geoffroy. C’est un festival !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, vous l’avez rappelé, notre pays, comme beaucoup d’autres, fait face à une menace terroriste sans précédent. Mais, au-delà, il est confronté à un autre défi : celui de la radicalisation, même si ce mot embrasse sans doute trop de concepts. C’est un fléau, qui mène parfois directement à la violence et au terrorisme.

L’État est mobilisé depuis plusieurs années pour lutter contre les filières djihadistes et contre cette radicalisation. Au cours des quatre dernières années, le Gouvernement s’est donné les moyens juridiques et budgétaires de combattre le terrorisme. Depuis 2012, cinq lois majeures et structurantes pour la politique antiterroriste ont été adoptées par le Parlement et le projet de loi relatif à la procédure pénale devrait bientôt être également adopté – la commission mixte paritaire se réunira demain.

Un plan ambitieux a été présenté par le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, qui se trouve actuellement au Sénat pour présenter la prolongation de l’état d’urgence. Dès 2014, des mesures concrètes ont été mises en œuvre – numéro vert pour le signalement des personnes radicalisées, lancement de la campagne « Stop djihadisme », interdiction de sortie du territoire et blocage administratif des sites internet faisant l’apologie du terrorisme – mais, face à l’ampleur des phénomènes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés, il est apparu nécessaire de consolider et d’amplifier notre réponse au terrorisme et à la radicalisation. Je veux rappeler une nouvelle fois que plus de 2 000 personnes sont impliquées dans les filières djihadistes syro-irakiennes et près de 9 300 signalées au titre de leur radicalisation.

C’est la raison pour laquelle le comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation s’est réuni pour la première fois, hier, à mon initiative. La lutte contre la radicalisation ne concerne pas que les ministères régaliens : elle doit devenir une politique publique à part entière, mobilisant tous les pans de l’action publique et associant l’ensemble des partenaires de l’État – je pense, bien sûr, aux collectivités territoriales, conseils départementaux et municipalités, qui sont en première ligne sur ce sujet et dont certains ont déjà pris des initiatives en la matière.

Face à un phénomène qui s’annonce durable, le plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme que j’ai présenté hier a l’ambition d’établir une stratégie globale et cohérente. Les ministres qui ont en charge cette stratégie sont à la disposition du Parlement pour exposer notamment, parmi les quatre-vingts mesures présentées hier, les cinquante mesures nouvelles qui ont été annoncées. Nous nous sommes, par ailleurs, appuyés aussi sur les travaux parlementaires.

Voilà, monsieur le député, cette mobilisation qui concerne l’éducation, les travailleurs sociaux, les collectivités territoriales et la culture – car, au fond, il s’agit bien de valeurs qu’il faut défendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Violences à l’encontre des forces de l’ordre

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour le groupe Les Républicains.

M. Bernard Accoyer. Monsieur le Premier ministre, en début de séance, vous avez annoncé que vous alliez recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, alinéa que vous souhaitiez supprimer par amendement en 2008, le trouvant, avec François Hollande, anti-démocratique. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Quelle inconstance !

Ce choix pourrait fournir un prétexte aux protestataires et activistes pour redoubler de violence.

Sur le terrain, les victimes de ces violences sont les fonctionnaires chargés du maintien de l’ordre. Plusieurs centaines d’entre eux ont déjà été blessés, parfois gravement, depuis le début des manifestations.

Depuis six mois, les fonctionnaires de police sont sollicités en permanence en raison de l’état d’urgence. Nous saluons leur courage, leur abnégation et leur grand professionnalisme, scandaleusement mis en cause par la CGT. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Monsieur le Premier ministre, nous en serons, jeudi prochain, à la cinquième journée de mobilisation, avec des violences qui ne font que croître. Compte tenu du nombre de policiers déjà blessés, le Gouvernement doit-il laisser se déployer sur leur trajet habituel des cortèges accompagnés immanquablement d’activistes et de casseurs ? Chacun redoute un drame et le 49-3 ne peut qu’exacerber les tensions.

Monsieur le Premier ministre, qu’entendez-vous faire pour que, jeudi prochain, le droit de manifester ne se transforme pas, une fois de plus, en droit d’attaquer violemment les forces de l’ordre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.).)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, les forces de sécurité intérieure œuvrent sans trêve ni pause pour la protection de nos concitoyens et pour garantir chaque jour leurs libertés, dont la liberté de manifester leur opinion sur la voie publique en toute sécurité. La campagne lancée contre les forces de l’ordre – à propos de laquelle j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer, comme l’a également fait, bien sûr, le ministre de l’intérieur – est choquante, car les fonctionnaires s’exposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plus de 18 000 policiers et gendarmes ont été blessés en 2015, dont huit ont perdu la vie. Ces dernières semaines, plus de 150 fonctionnaires ont été blessés dans l’exercice de leur mission de protection des manifestations.

M. Yves Censi. Il faut déposer plainte !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme tout un chacun, ces policiers et ces gendarmes ont une famille. Comme tout un chacun, ils ont aussi droit à la considération et au respect. Parce qu’ils sont en première ligne pour protéger notre pays, mission à laquelle ils se consacrent sans relâche, jusqu’à sacrifier leur vie pour protéger celle des autres, ils méritent en effet notre soutien, notre solidarité et notre respect. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Cette campagne est choquante, car les forces de l’ordre, appelées à exercer des prérogatives de puissance publique, sont soumises, à la demande de tout citoyen, à un contrôle étroit et exigeant de nature hiérarchique, judiciaire ou exercé par des autorités indépendantes. Vous savez comme nous qu’aucun écart de conduite n’est toléré, aucune réduction de la police de la gendarmerie à un manquement constaté n’est davantage tolérable. Les forces de l’ordre sont sans doute aujourd’hui le corps le plus surveillé, le plus contrôlé, et c’est pour cela, en effet, qu’elles méritent notre respect. Le lien de confiance entre la population et celles et ceux qui ont fait le choix de consacrer leur vie à sa sécurité est à la fois indispensable et fragile et il nous appartient à tous de le protéger, plutôt que de chercher à le détruire.

Je condamne donc une nouvelle fois cette campagne insupportable et j’ai déjà eu l’occasion de demander à la CGT de retirer ses tracts et de présenter ses excuses aux forces de l’ordre. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe écologiste.) Son propre syndicat n’a du reste pas manqué de le souligner.

M. Yves Censi. Faites-les condamner !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les policiers et les gendarmes s’engagent pour la lutte contre le terrorisme. Ils ont reçu le soutien de la population voilà un an et il serait incompréhensible que nous mettions en cause aujourd’hui leur engagement, leur probité et leur respect des lois de la République.

Enfin, monsieur Accoyer, manifester est un droit. Ce que le terrorisme a voulu attaquer, c’est notre démocratie, c’est la possibilité d’organiser de grands événements et de manifester une, deux, trois, quatre ou cinq fois – peu importe, et peu importe contre quoi. Chef du Gouvernement, je continuerai à me battre pour que, dans ce pays, on puisse manifester – manifester contre un projet de loi du Gouvernement, manifester son opinion.

Mais il appartient aussi aux organisateurs de ces manifestations de faire preuve de sens des responsabilités et de dénoncer les attaques contre les forces de l’ordre ou contre les permanences de parlementaires qui soutiennent le projet de loi travail, car c’est inacceptable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

J’attends de tous, notamment de la part de ceux qui s’opposent à ce texte, la condamnation la plus ferme envers ceux qui mettent en cause le droit et les valeurs de la République. À chacun, donc, de prendre ses responsabilités. Nous les prenons et je veux encore une fois apporter mon soutien aux forces de l’ordre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, la France est une nouvelle fois prise en otage par votre majorité. Alors qu’elle devait débattre de l’emploi, première préoccupation des Françaises et des Français, l’Assemblée nationale est devenue, une fois de plus, la vitrine des divisions de la gauche. En dépit de vos reculs et de vos compromis, qui ont vidé ce texte de sa substance, la majorité de gauche que vous espériez trouver pour adopter ce projet n’existe pas.

Ce spectacle affligeant vous contraint à utiliser le fameux article 49, alinéa 3, de la Constitution, dont François Hollande qualifiait l’usage de « déni de démocratie et de brutalité. »

Monsieur le Premier ministre, cette fuite en avant démontre que vous ne disposez pas des moyens nécessaires pour conduire la mission qui vous a été confiée au service de la France, que vous n’avez pas le soutien de votre majorité pour conduire ces réformes en profondeur et que vous foulez aux pieds le travail parlementaire.

J’invite les frondeurs à sortir enfin de l’hypocrisie et à montrer qu’ils s’opposent véritablement, avec d’autres, à ce gouvernement en le renversant. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Monsieur le Premier ministre, face à cette situation intenable, chaque seconde qui passe est une seconde irrémédiablement perdue pour la France.

Aussi, ma question sera simple : quand l’immobilisme devient le seul horizon, l’impuissance la seule méthode et le renoncement la seule issue, pourquoi rester ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (« Oh ! Encore ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Vigier – je réponds naturellement aux présidents de groupe : je l’ai fait il y a un instant pour M. Chassaigne, je le fais aussi pour le président Vigier, en signe du respect que j’ai pour le Parlement et que je lui dois. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Parlons-en du respect du Parlement !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Vigier, précisément parce que nous ne voulons pas perdre une seconde,… (Mêmes mouvements.)

M. le président. Écoutez, s’il vous plaît !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …parce que nous voulons continuer à réformer ce pays,…

M. Christian Jacob. Vous auriez dû y penser il y a quatre ans !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …parce que nous voulons mettre en œuvre un texte – il reviendra à l’Assemblée nationale après son examen par le Sénat – qui est favorable aux entrepreneurs comme aux salariés, qui n’enlève aucun droit aux salariés, leur en crée de nouveaux droits, qui donne plus de souplesse et qui surtout permet surtout – cela n’avait pas été fait jusqu’à maintenant –, la négociation au sein même de l’entreprise, nous voulons avancer.

Parce qu’il existe en effet, et je m’en étonne, différentes oppositions totalement contradictoires à ce texte, il est de ma responsabilité d’engager la responsabilité du Gouvernement et de permettre son adoption.

M. Guy Geoffroy. Vous n’avez pas de majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais, d’une certaine manière, vous avez montré le chemin, monsieur le président Vigier. Puisqu’il y aura probablement dépôt d’une motion de censure, vous avez raison d’appeler chacun à prendre ses responsabilités et à constater, premièrement, s’il existe des propositions alternatives – je les attends – et, deuxièmement, s’il y a une majorité pour renverser le Gouvernement sur des bases claires, et pas seulement par une conjonction des oppositions. Sur ces bases-là, j’ai confiance et nous continuerons jusqu’au bout à réformer.

Monsieur Vigier, plutôt que d’être dans la posture, agissez et proposez, comme nous le faisons ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Situation économique et sociale du pays

M. le président. La parole est à M. Patrice Verchère, pour le groupe Les Républicains.

M. Patrice Verchère. Monsieur le Premier ministre, le 14 avril dernier, le Président de la République posait les jalons de sa nouvelle candidature à l’élection présidentielle par un tonitruant : « Oui, ça va mieux ! »

Depuis, il répète sa formule à qui veut bien l’entendre ; c’est probablement ce qu’on appelle le comique de répétition. À un an des élections, François Hollande réendosse donc son costume de « Monsieur Petites blagues ».

Mais ne nous y trompons pas : les Français rient jaune. Ils se demandent, lorsqu’ils écoutent François Hollande, dans quel monde il vit – assurément pas dans le leur, ni dans un monde normal : étrange paradoxe pour un président qui se voulait le garant de la normalité !

Car les chiffres sont têtus : depuis quatre ans, le chômage a fortement progressé dans notre pays, alors qu’il a reculé de manière significative chez nos voisins. En février 2016, il a atteint son niveau le plus haut depuis 1997 et le chômage des jeunes a, quant à lui, dépassé les 25 %.

Depuis quatre ans, monsieur le Premier ministre, les Français sont accablés d’impôts. La baisse de la pression fiscale n’a été réelle que pour ceux qui en payaient déjà peu, tandis que le poids des impôts et des taxes en tous genres se concentre encore un peu plus sur les classes moyennes et supérieures.

Quand la crise de 2008 n’est plus qu’un mauvais souvenir chez nos voisins européens, la France reste engluée dans une croissance toujours largement inférieure à celle de la zone euro.

M. Guy Geoffroy. C’est hélas vrai !

M. Patrice Verchère. La France n’est plus la sixième puissance économique du monde : elle serait devenue la neuvième, à en croire le FMI.

Soyez honnête, monsieur le Premier ministre : si certaines statistiques s’améliorent, cela est dû avant tout à des facteurs extérieurs – croissance mondiale dynamique, faiblesse des taux d’intérêt, prix du pétrole au plus bas.

Alors non, la France de 2016 ne va pas mieux que celle de 2012 !

M. Guy Geoffroy. Elle va plus mal !

M. Patrice Verchère. Dès lors, quand cesserez-vous de berner honteusement les Français qui, croyez-moi, ne méritent pas les affronts répétés de l’autosatisfaction de M. Hollande ?

Pour conclure, je vous rappelle les propos de François Hollande en 2006 : « Le 49-3 est une brutalité, un déni de démocratie, une manière d’empêcher le débat parlementaire ». (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le député, lorsqu’on fait des comparaisons entre 2012 et 2016 – et vous avez raison de vouloir faire ces comparaisons –, on les fait complètement. On fait état de la situation en 2012 : l’explosion du chômage en cinq ans, l’explosion des déficits en cinq ans, (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains), la perte de compétitivité en dix ans, la perte de capacités à l’exportation extrêmement rapide.

M. Patrice Verchère. Vous êtes là depuis quatre ans !

M. Michel Sapin, ministre. Et l’on compare les évolutions : que s’est-il passé depuis cinq ans ? Nous avons demandé aux Français les efforts nécessaires pour redresser la France,… (Mêmes mouvements.)

M. le président. Monsieur Poisson, s’il vous plaît ! Un peu de calme !

M. Michel Sapin, ministre. …les efforts nécessaires pour rendre à notre économie et à nos entreprises leur capacité d’investissement. Et, comme vous le savez, monsieur le député, l’investissement a repris en France ; et derrière l’investissement, il y a la capacité d’embauche.

Monsieur le député, on peut toujours tourner tout en dérision ; cela a même pu nous arriver. Mais lorsque le chômage baisse au premier trimestre de cette année, vous ne pouvez pas faire comme si cela n’était pas vrai.

Pour ceux qui ont retrouvé un emploi au cours de ce premier trimestre, c’est une réalité. Pour les jeunes dont le chômage baisse continûment depuis plusieurs années, c’est une réalité, après l’augmentation du chômage au cours des années précédentes.

Cela ne va pas mieux pour tout le monde, chacun le sait, et l’on doit le respect à ceux qui sont encore dans la difficulté. Mais pour la France, les choses s’améliorent réellement.

Au lieu d’en faire un débat strictement polémique, vous feriez mieux de dire, comme certains chez vous, que « Quand cela va mieux pour la France, en tant que patriote, je suis heureux ! » (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Zéro pointé !

Lutte contre le harcèlement sexuel

M. le président. La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Catherine Coutelle. Monsieur le Premier ministre, en politique comme ailleurs, le harcèlement sexuel est intolérable. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Les élus se doivent d’être exemplaires. Vous aussi. (Protestations sur les mêmes bancs.) Les députés, plus que tous les autres. Ils font la loi, en particulier sur le harcèlement et les agissements sexistes.

Une affaire secoue notre assemblée, la justice s’en est saisie, je ne la commenterai pas. Mais elle doit contribuer à lever l’omerta qui pèse encore sur les femmes victimes de harcèlement, à permettre que la parole se libère et que la honte change de camp. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

En tant que présidente de la Délégation aux droits des femmes, je veux vous interroger sur l’application des lois que nous avons votées et renforcées.

La première loi du quinquennat est celle du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel. Le Conseil constitutionnel avait invalidé celle de 1992, car les définitions n’étaient pas assez claires.

Cette loi de 2012 nous a permis de mieux définir le harcèlement, qui est, j’insiste, un délit pour l’ensemble de la société.

Une proposition de loi qui sera examinée en juin au Sénat et que nous avons adoptée à l’unanimité vise à doubler les délais de prescription. Mais pour les victimes, la difficulté est surtout de parler et d’apporter la preuve des faits.

Nous avons travaillé sur l’inversion de la charge de la preuve. Les victimes ne doivent plus avoir à prouver : comme en matière de discrimination, elles doivent apporter des éléments de fait. C’est à l’agresseur de prouver qu’il n’a pas commis ces faits.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous entendez proposer pour renforcer la lutte contre ce fléau du sexisme ordinaire qu’est le harcèlement sexuel, dans tous les domaines de l’action publique ? Pouvez-vous nous dire si vous entendez prendre des mesures spécifiques pour les politiques et – pourquoi pas – aboutir à des peines d’inéligibilité ?

Il faut donner un coup d’arrêt au harcèlement dans la société et en particulier en politique. Les femmes veulent être entendues. Elles doivent pouvoir parler et obtenir justice. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains et du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. Madame la députée, soyons claires : le harcèlement sexuel, dont chaque femme – je dis bien chaque femme – peut être victime sur son lieu de travail, dans son organisation politique, sur son lieu d’étude, dans l’espace public, dans la sphère familiale et amicale, le harcèlement sexuel pourrit la vie des femmes.

Esquiver les dragueurs, échapper aux lourdauds, aux harceleurs, aux prédateurs, être constamment sur le qui-vive colonise et gaspille trop de temps de cerveau disponible des femmes.

Le harcèlement est une violence faite aux femmes qui le subissent et, comme les autres violences, il instille dans l’esprit de la victime le doute sur sa propre culpabilité : « Qu’ai-je bien pu dire ? Qu’ai-je bien pu laisser entendre ? À quel endroit n’aurais-je pas dû me trouver ? Comment n’aurais-je pas dû m’habiller ? »

Pourtant, les rapports amoureux entre les sexes, entre les hommes et les femmes, obéissent à un principe très simple : quand une femme dit non, c’est non. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)

C’est pourquoi, depuis 2012, le Gouvernement a fait de la lutte contre le harcèlement sexiste et sexuel une priorité. Vous avez évoqué la réforme du code pénal, qui a redéfini la notion de harcèlement sexuel. Il y a eu ensuite le décret de 2015 sur le harcèlement sexiste et sexuel dans les universités, ce qui prouve bien que celui-ci n’est l’apanage d’aucun milieu, d’aucun lieu, et je souhaite vivement que la publicité des débats en cours dans les milieux politiques serve à toutes les femmes pour qu’elles s’expriment, et à tous les hommes, dans tous les milieux, pour qu’ils s’interrogent sur leur propre responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Gaz de schiste

M. le président. La parole est à Mme Cécile Duflot, pour le groupe écologiste.

Mme Cécile Duflot. Monsieur le président, au nom du groupe écologiste je voudrais remercier Mme Coutelle pour sa question et Mme la ministre pour sa réponse : en effet, je pense que sur cette question, beaucoup pourraient s’interroger, réfléchir et trouver les meilleurs moyens de remédier à une situation qui nous touche, nous les femmes, et parfois des hommes, douloureusement.

Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie.

Madame la ministre, une étude publiée il y a quelques semaines dans la revue Nature annonce une montée des eaux d’un mètre d’ici à 2100. Il est donc officiel que ce ne sont plus les générations futures qui sont concernées, mais nos enfants, ceux qui naissent aujourd’hui.

La France s’était engagée, au cours de l’examen du projet de loi sur la transition énergétique, puis, avec énergie, pendant la COP21, à être exemplaire en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Il est temps de dépasser les slogans. Nous apprenons hier qu’en 2015, les émissions de CO2 de la France ont encore augmenté de 1,7 % selon les estimations d’Eurostat. Or, au moment même où était votée la loi interdisant le recours à la fracturation hydraulique, deux de nos champions industriels, dont l’un majoritairement détenu par l’État, Total et EDF, investissaient avec un opérateur belge 1 milliard d’euros dans un terminal méthanier à Dunkerque en vue d’accueillir du gaz liquéfié, notamment du gaz de schiste.

Chacun sait que le gaz de schiste contribue davantage au dérèglement climatique. Comment donc expliquer que nous en acceptions l’importation alors que nous refusons la fracturation hydraulique ? C’est plus qu’un paradoxe : c’est une faute et une menace pour notre avenir.

J’ajoute que dans le même temps, la France ne tiendra pas ses engagements européens en matière de développement des énergies renouvelables.

Madame la ministre, au-delà des paroles et des promesses, pouvez-vous nous donner votre position et celle de votre gouvernement sur le fait que les Françaises et les Français, sans le vouloir, devront, pour certains, consommer du gaz de schiste destructeur pour l’environnement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

Mme Ségolène Royal, ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Madame la députée, la France s’est dotée d’un modèle énergétique exemplaire, grâce à des débats parlementaires également exemplaires, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et cela pour accueillir la COP21 dans les meilleures conditions.

Ce modèle énergétique, vous le savez, prévoit la diminution de 30 % des énergies fossiles d’ici à 2030 et nous sommes en bonne voie, puisque nous assistons à une montée en puissance des énergies renouvelables grâce à tous les appels à projet qui sont lancés dans le solaire et l’éolien : je pense en particulier à l’éolien en mer. J’inaugurerai prochainement les premières éoliennes flottantes en Méditerranée. Nos entreprises sont parmi les mieux positionnées sur la scène internationale pour conquérir, dans des coopérations intelligentes avec d’autres pays, ces marchés qui permettent de lutter contre le réchauffement climatique.

Vous m’interrogez sur un sujet plus particulier, celui des importations de gaz. Contrairement à ce que vous avez dit, il ne s’agit pas d’importations volontaires de gaz à effet de serre puisque le gaz importé est un gaz liquéfié qui est mélangé à du gaz conventionnel.

Il y a, c’est vrai, dans ces contrats que j’ai regardés de près, entre EDF, Engie et un producteur américain, 40 % de gaz provenant de gaz de schiste dans ce gaz importé. La France interdisant la fracturation hydraulique pour des raisons tenant à la protection de l’environnement,…

M. Julien Aubert. C’est ridicule !

Mme Ségolène Royal, ministre. …j’ai interrogé ces deux entreprises sur les raisons pour lesquelles elles n’avaient pas été vigilantes. Je fais examiner juridiquement la façon dont nous pourrions interdire l’importation de gaz de schiste. En tout état de cause, ces entreprises devront s’orienter vers d’autres marchés pour n’importer que des gaz d’origine conventionnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Résolution de l’UNESCO et lieux saints de Jérusalem

M. le président. La parole est à M. Claude Goasguen, pour le groupe Les Républicains.

M. Claude Goasguen. Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères pour lui demander d’expliquer l’inexplicable, à savoir les raisons qui ont conduit la France à voter le 16 avril dernier en faveur d’une résolution présentée par divers pays musulmans au conseil exécutif de l’UNESCO.

Ainsi, depuis cette date, le Mont du Temple à Jérusalem et d’autres édifices religieux juifs situés également à Jérusalem doivent être considérés comme des lieux saints exclusivement musulmans.

Plusieurs questions se posent, monsieur le ministre.

De quel droit l’UNESCO, qui est chargée de la culture – et qui d’ailleurs devrait s’en occuper davantage du côté de la Palestine, avec les manifestations antisémites que l’on connaît – décide de modifier l’Histoire ?

De quel droit l’UNESCO s’arroge-t-elle le droit de prendre une décision politique, laquelle ne peut d’ailleurs qu’envenimer les tensions locales, et ainsi de se substituer au Conseil de sécurité de l’ONU ?

En votant en faveur de cette résolution, monsieur le ministre, vous avez rompu avec toutes les traditions historiques de la France et vous vous êtes isolé de toutes les grandes démocraties occidentales. Je n’ose imaginer les raisons économiques qui vous ont poussé à un tel acte mais, je vous le dis, la France s’est déshonorée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) en participant à une opération de négationnisme culturel qui touche non seulement Israël mais l’ensemble de l’humanité.

Monsieur le ministre, le Mont du Temple n’est pas seulement un des fondements de la culture juive : c’est aussi l’un des fondements de la culture chrétienne. Le Mont du Temple est lié à l’histoire de l’humanité, à toutes nos civilisations sans exception.

Par votre vote, la France a promu l’intolérance. Nous ne l’accepterons pas ! Je souhaite que le Gouvernement puisse, dans les plus brefs délais, rectifier ce vote qui nous a déshonorés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, je vous remercie de m’avoir posé cette question (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) – vous l’avez d’ailleurs fait avec le ton qui vous convient.

Je vous rappelle – mais vous le savez fort bien – que depuis plusieurs années, l’UNESCO examine et approuve annuellement une résolution de ce type.

M. Bernard Debré. Ce n’est pas une raison de voter pour !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Je vous invite d’ailleurs à regarder attentivement les textes et à les comparer.

Vous me donnez donc l’occasion de préciser la position de la France et c’est ce que je vais faire. Rien, dans le vote de la France, ne doit être interprété comme une remise en cause de la présence et de l’histoire juives à Jérusalem. Si certaines formulations de cette résolution suscitent des incompréhensions, je le regrette.

Mme Claude Greff. C’est important !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. En effet, la position de la France sur la question de Jérusalem est claire, ne varie pas et ne variera pas : il s’agit de la défense de la liberté d’accès et de culte à Jérusalem, ville fondamentale pour les trois grandes religions monothéistes et qui appartient à tous les croyants, juifs, chrétiens et musulmans.

M. Guy Geoffroy. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

M. Jean-Marc Ayrault, ministre. Comme elle l’a déjà fait par le passé, la France a voté en l’occurrence avec d’autres pays européens pour marquer son attachement au statu quo concernant les lieux saints à Jérusalem. Cette position est essentielle dans le contexte actuel de la montée des tensions que vous connaissez et que nous regrettons, ainsi que du blocage des négociations entre Israéliens et Palestiniens.

C’est pourquoi, d’ailleurs, la France a pris une initiative politique difficile puisqu’il s’agit d’organiser le 30 mai une réunion ministérielle afin de trouver des solutions pour rapprocher les différentes positions et retrouver les voies du dialogue. Je vous invite à approuver la démarche de la France. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Situation en Syrie

M. le président. La parole est à M. Michel Vauzelle, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Michel Vauzelle. Monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez réuni hier à Paris plusieurs de vos homologues du Groupe international de soutien à la Syrie.

Un processus avait été initié à Vienne pour tenter de sortir enfin d’une crise dont le pire des aspects est évidemment le massacre des populations civiles et l’exil forcé de millions de Syriens.

C’est une guerre dont la durée et les proportions devraient donner mauvaise conscience – mais je crains que cela ne soit pas le cas – à l’ensemble de la communauté internationale.

À Vienne, il avait été décidé de faire taire les armes. Or, la trêve est constamment violée par le régime, en particulier à Alep, en passe d’être complètement détruite.

À Vienne, il avait été décidé d’imposer les règles d’accès humanitaire les plus élémentaires pour sauver des vies et faire cesser de terribles souffrances. Or, là encore, le régime refuse notamment la livraison de l’aide médicale – je dis bien, de l’aide médicale –, ce qui est sans doute le plus monstrueux.

À Vienne, enfin, il avait été décidé d’engager de bonne foi – mais peut-elle exister avec le régime syrien actuel ? – des négociations pour mettre en œuvre une transition qui permette un jour aux Syriens de retrouver les voies de la paix. Or, à Genève, le régime n’a montré aucune volonté d’avancer sur aucun des points soumis à la négociation nécessaire à la transition.

Face à ce triste constat, monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des informations sur la réunion qui s’est tenue hier à Paris ? Surtout, que compte faire la France pour engager enfin un processus capable de rassurer le peuple syrien et tous les peuples voisins de la Syrie, qui supportent eux aussi le poids de ce conflit ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur le député, vous avez raison : la situation est dramatique et l’arrêt du cessez-le-feu peut mettre en péril le processus de paix. C’est là un danger majeur que vous avez rappelé à travers votre question.

Le régime est responsable de la reprise des massacres touchant des populations civiles, des hôpitaux, des écoles mais, aussi, des lieux de détention.

Chacun est profondément atteint par les bombardements sur Alep, ville magnifique qui est en train d’être détruite pierre par pierre, et qui causent de nombreuses victimes civiles.

Le régime bloque l’aide humanitaire – notamment sanitaire – qui devrait arriver sur les lieux sinistrés. De toutes ses forces, le régime veut ainsi arrêter le processus politique qui a été engagé à Genève. Nous souhaitons, quant à nous, qu’il reprenne. C’est pourquoi la France ne ménage aucun effort.

J’étais la semaine dernière à Berlin où nous avons rencontré le négociateur, M. de Mistura, ainsi que M. Hijab. J’ai pris l’initiative de réunir hier le Groupe des dix, ceux que l’on appelle les « affinitaires » – qui soutiennent l’opposition modérée – avec l’Union européenne. En présence notamment du secrétaire d’État américain John Kerry et de représentants de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne, de l’Italie ainsi que de plusieurs pays arabes, nous avons pu parvenir à un consensus visant à exiger l’arrêt des bombardements, l’accès à l’aide humanitaire et le redémarrage des négociations à Genève.

Il s’agit là d’une question essentielle car si le processus politique, qui nécessite une transition politique difficile à construire, ne reprend pas, alors, le pays sera encore plus meurtri et ses habitants n’auront plus d’autres moyens, pour survivre, que de se réfugier en Europe. Je crois qu’il s’agit d’une responsabilité collective.

La semaine prochaine, nous serons à Vienne pour franchir une nouvelle étape : la réunion du Groupe international de soutien à la Syrie. J’y serai, et je continuerai à défendre la position de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Fermeture de la centrale de Clairvaux

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour le groupe Les Républicains.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le garde des sceaux, devant des élèves de l’École nationale d’administration pénitentiaire, sans prévenir la préfète du département, sans prévenir le président du conseil départemental, également sénateur, sans prévenir le député de la circonscription, sans prévenir le président de la communauté de communes, sans prévenir les maires, vous avez annoncé la fermeture brutale de la centrale de Clairvaux.

Monsieur le ministre, Clairvaux, c’est plus qu’une centrale : c’est tout un symbole, c’est toute l’histoire de l’administration pénitentiaire. Monsieur le ministre, à Clairvaux, depuis des générations, ce sont les surveillants de l’administration pénitentiaire, de grands professionnels, qui travaillent et qui appliquent, comme ne le font pas d’autres centrales, tout le règlement de l’administration pénitentiaire, et rien que le règlement de l’administration pénitentiaire.

Monsieur le ministre, au moment où tout le monde parle du terrorisme et de l’islamisme radical en prison, financé par les pétrodollars présents dans cette enceinte (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), en ce moment même, à Clairvaux, un imam, un rabbin et un curé travaillent ensemble pour donner une image ouverte de la religion.

Monsieur le ministre, Clairvaux, c’est un bassin d’emploi qui concerne tout le département de l’Aube et tout le département de la Haute-Marne, un bassin d’emploi rural. Monsieur le ministre, avez-vous tant de mépris pour la ruralité, avez-vous tant de mépris pour des gens qui travaillent, avez-vous tant de mépris pour les membres de l’administration pénitentiaire, pour ces fonctionnaires qui travaillent chaque jour pour la sécurité du pays ?

M. Jean Glavany. Donnez-lui son Prozac !

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, la fermeture de Clairvaux, c’est un crime devant la nation, c’est une atteinte à la sécurité de la nation. Tous les prisonniers les plus dangereux sont passés à Clairvaux. Tous les prisonniers les plus difficiles à gérer sont passés à Clairvaux. Pourquoi voulez-vous fermer une centrale qui n’est pas vétuste, contrairement aux allégations que vous faites ?

M. Jean-Claude Perez. Bâillonnez-le !

M. Nicolas Dhuicq. Oui, il y a nécessité de reconstruire une prison à Lavau, une maison d’arrêt. Mais, de grâce, ne fermez pas la seule centrale de France qui fonctionne, car vous aurez devant vous tous les surveillants de l’administration pénitentiaire, qui ont déjà suffisamment souffert. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, la dureté de votre question veut sans doute traduire les inquiétudes des personnels de cet établissement. C’est donc à ces interrogations que je vais répondre. La décision de fermer cet établissement n’est ni une foucade ni un acte irréfléchi. Cela procède d’un travail qui a été conduit depuis plus de dix ans par l’administration pénitentiaire, au regard des difficultés que cumule cet établissement – car tel est bien le problème particulier de Clairvaux.

Je ne conteste pas la place particulière qu’occupe cet établissement dans la mémoire pénitentiaire, et que chacun connaît, ni la qualité des personnels qui y servent ; je constate simplement qu’à Clairvaux, nous accumulons les difficultés.

M. Nicolas Dhuicq. Non !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. C’est cela, le cœur du problème. Je comprends, monsieur le député, l’émotion des personnels. J’entends les alertes des élus. Et je veux dire à ceux qui s’inquiètent aujourd’hui que je ne prends pas cette situation à la légère.

Vous étiez hier à Clairvaux. Vous y avez rencontré mes plus proches collaborateurs, qui y ont passé la journée. Le directeur-adjoint de l’administration pénitentiaire était là, lui aussi. Au regard des éléments dont mes collaborateurs ont pris connaissance, j’ai demandé un supplément d’information.

M. Guy Geoffroy. Ah !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. Évidemment, je suis tout prêt à dialoguer, et je recevrai les organisations syndicales qui pourraient le demander. Mais permettez-moi simplement de vous poser une question : pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Parce que ce bâtiment, dont vous connaissez l’histoire, n’a pas été entretenu pendant des décennies,…

M. Nicolas Dhuicq. C’est faux !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …parce que l’on n’a pas investi, parce que les conditions de travail des personnels se sont dégradées…

M. Nicolas Dhuicq. C’est faux !

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux. …parce que les conditions de détention ne sont pas acceptables. C’est cette incurie qui me conduit aujourd’hui à agir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Apprentissage

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Stéphane Demilly. Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en trente-cinq ans, le taux de chômage des 15-24 ans a été multiplié par deux, pour atteindre 24 % à la fin de l’année 2015. C’est trois fois plus qu’en Allemagne et deux fois plus que le taux de chômage national. Les jeunes de notre pays sont donc les premières victimes de ce fléau, et un million d’entre eux vit sous le seuil de pauvreté.

Un dispositif a pourtant fait les preuves de son efficacité : je veux parler de l’apprentissage. En effet, 70 % des apprentis trouvent un emploi durable à la fin de leur formation. Alors qu’il est un véritable tremplin vers l’emploi et un formidable outil d’insertion professionnelle, l’apprentissage tourne malheureusement au ralenti dans notre pays.

Le Gouvernement a fixé un objectif de 500 000 jeunes en apprentissage en 2017. Or, à quelques mois de l’échéance, on en compte à peine 400 000. Le plan de relance de l’apprentissage n’a pas donné les résultats escomptés. Ce dont a besoin l’apprentissage en France, ce n’est pas de saupoudrage, de rustines ou de mesures symboliques. Ce dont il a besoin, c’est d’une grande réforme de fond, pour que nos entrepreneurs retrouvent confiance en ce dispositif et que nos jeunes le plébiscitent de nouveau.

Des régions s’engagent avec détermination pour en faire un facteur de réussite. La région Hauts-de-France a ainsi triplé la prime versée aux employeurs d’apprentis pour la porter à 3 000 euros, alors que le minimum légal est fixé à 1 000 euros.

Madame la ministre, il est temps de mettre tous les acteurs de l’apprentissage autour d’une même table. Quand allez-vous donc enclencher un véritable « Grenelle de l’apprentissage et de la formation professionnelle des jeunes » dans notre pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage.

Mme Clotilde Valter, secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Monsieur le député, je voudrais tout d’abord vous remercier de poser une question sur l’apprentissage, qui est l’une des priorités du Gouvernement dans la bataille pour l’emploi. Des résultats ont déjà été obtenus dans ce domaine et j’aurais aimé que vous les rappeliez.

D’ores et déjà, dix mois après le début de la campagne en faveur de l’apprentissage, 278 000 contrats ont été signés, ce qui représente une augmentation de 5 % par rapport à la campagne précédente. De son côté, l’État s’est engagé à recruter 10 000 apprentis d’ici à 2017 et, dans le secteur public, ce sont près de 12 000 contrats qui ont été signés – soit une hausse de 43 %.

Le Gouvernement, monsieur le député, s’est fortement mobilisé pour aboutir à ces résultats. Tout d’abord, les moyens financiers ont été renforcés : ce sont 285 millions d’euros supplémentaires qui ont été affectés à l’apprentissage en 2015, dont 95 millions pour les régions. Nous avons également sécurisé les parcours professionnels des apprentis et soutenu les entreprises qui recrutent et forment des apprentis. Par ailleurs, avec la ministre de l’éducation nationale, nous avons mobilisé les acteurs de l’orientation scolaire.

En 2016, monsieur le député, nous allons encore amplifier notre action en ce domaine et renforcer l’accompagnement des jeunes vers l’apprentissage. Le Premier ministre a signé avec le président de l’Association des régions de France, le 30 mars dernier, une plate-forme qui comprend des dispositions en ce sens. Nous allons également augmenter l’offre de formation pour l’apprentissage : des titres professionnels du ministère de l’emploi seront ouverts à l’apprentissage et, dans l’éducation nationale, ce sont 1 000 nouveaux postes qui vont être affectés à ces formations.

Vous le voyez, monsieur le député : la voie de l’apprentissage est bien, pour nous, une voie d’avenir pour nos jeunes. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Nouvelles libertés et nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (nos 3600, 3675, 3626).

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Il est fondé sur l’article 58 de notre règlement et concerne la bonne organisation de nos débats. Lors de la Conférence des présidents de ce matin, que vous présidiez, monsieur le président, le Gouvernement a demandé à « ouvrir » la journée de vendredi. Les présidents de groupe s’y sont opposés à l’unanimité, et ont convenu de débattre à nouveau du sujet à l’occasion d’une prochaine conférence des présidents. Bien entendu, les services administratifs étaient également présents. Or je découvre dans la feuille verte que le vendredi est ouvert, contrairement à ce qui a été décidé. Cela pose un vrai problème car, jusqu’à présent, c’était la Conférence des présidents qui décidait. Nous avons délibéré : le vendredi n’est pas ouvert. Pourquoi la journée de vendredi apparaît-elle sur la feuille verte ?

M. le président. Monsieur le député, je vous rappelle que le vendredi a été ouvert à la demande du Gouvernement.

M. Christian Jacob. Non !

M. le président. Cette demande est accordée de droit. Pour le reste, vous avez dû recevoir il y a quelques minutes une convocation pour une conférence des présidents qui aura lieu à dix-sept heures. Nous examinerons cette question à cette occasion.

Application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Conseil des ministres, réuni sous la présidence du chef de l’État, m’a habilité à engager la responsabilité du Gouvernement sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, comme le permet l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

M. Guy Geoffroy. Il n’y a plus de majorité !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Prendre une telle décision n’est jamais facile, même si cet article de la Constitution a déjà été utilisé à de maintes reprises. Nous le faisons car nous avons la conviction que ce projet de loi favorise l’emploi durable, l’accès au marché du travail de celles et ceux qui en sont exclus et l’embauche, notamment pour les petites entreprises. Ce projet de loi donne de la souplesse et de la réactivité à nos entreprises. Il consacre la décentralisation du dialogue social en faisant confiance aux acteurs de terrain, grâce à l’élargissement du champ de la négociation dans l’entreprise et au passage aux accords majoritaires, qui confère à cette négociation une plus grande légitimité. C’est une vraie révolution, que nous assumons. Ce projet de loi n’oublie pas non plus le rôle essentiel des branches professionnelles.

Autre changement important, nous posons les jalons d’une vraie sécurité sociale professionnelle, avec des droits nouveaux : compte personnel d’activité, droit à la déconnexion, heures de formation pour que les jeunes décrocheurs et les personnes peu qualifiées puissent rebondir car, au fond, c’est l’un des problèmes essentiels de notre société que cette dualité du marché du travail qui fait que les jeunes, les salariés les moins formés, souvent les femmes, dans les quartiers populaires, ne trouvent pas d’emploi. Ce projet de loi protège aussi notre marché du travail de la concurrence déloyale, grâce au renforcement de la lutte contre les fraudes au détachement.

C’est donc un texte de progrès social et de progrès pour notre pays. Il s’inscrit en droite ligne de la modernisation de notre modèle social menée depuis quatre ans, avec le soutien du Parlement et l’engagement des partenaires sociaux. Depuis sa présentation initiale, le Gouvernement a été à l’écoute. Il a même reconnu des erreurs et a surtout ménagé toute sa place à la discussion collective. Il a fait évoluer ce texte tout en respectant son équilibre d’ensemble.

Je salue bien sûr tous les députés qui ont contribué aux travaux en commission. Avec la ministre du travail, Myriam El Khomri, dont je veux saluer une fois de plus l’engagement et l’opiniâtreté, nous nous sommes battus pour convaincre. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Je sais que la très grande majorité du groupe socialiste est convaincue, grâce notamment au travail formidable du rapporteur, Christophe Sirugue. (Mêmes mouvements.)

Cette recherche permanente de compromis a toujours été l’attitude du Gouvernement. C’est pourquoi le texte sur lequel il engage sa responsabilité intègre 469 amendements, pour une très large majorité issus de ce travail collectif. En entendant les craintes concernant le barème des prud’hommes, en revenant largement sur les mesures unilatérales, en renforçant encore le rôle des branches, en modifiant le périmètre d’appréciation pour le licenciement économique, le Gouvernement a entendu les demandes des parlementaires et a pris en compte le travail des commissions et du rapporteur.

Mais, mesdames et messieurs les députés, aujourd’hui, au fond, deux formes de contestation, nous l’avons vu tout à l’heure, une sorte d’alliance des contraires et du conservatisme, se rejoignent. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Chassaigne. C’est un peu facile !

M. le président. Monsieur Chassaigne, s’il vous plaît.

M. André Chassaigne. Le Premier ministre n’est pas conservateur, il est réactionnaire !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a ceux qui voudraient nier le rôle même des syndicats et des corps intermédiaires. Ce serait aller à rebours de ce qu’est notre démocratie sociale ; ce serait même mettre en cause ce qui est au cœur du pacte républicain. Voilà le débat qui s’engage dans le pays. Tout à l’heure, l’un d’entre vous parlait de campagne électorale. Alors oui, chiche : il faut un projet clair sur ce que chacun veut pour le pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Et puis il y a ceux pour qui la décentralisation du dialogue social, la confiance donnée aux acteurs de terrain ne sont pas un progrès et qui privilégient une vision centralisatrice dépassée, et ce alors même que, depuis trente ans, les sujets ouverts à la négociation pour lesquels un accord d’entreprise peut adapter les principes contenus dans la loi sont de plus en plus nombreux.

Il y a, c’est vrai, une vraie opposition sur la philosophie même du texte : nous l’assumons, avec la ministre du travail, avec fierté, dans l’intérêt même des Français. Poursuivre le débat parlementaire fait courir le risque de revenir sur l’ambition du projet de loi, de renoncer à sa cohérence, d’abandonner le compromis que nous avons construit et d’offrir le spectacle désolant de la division et des postures politiciennes…

M. Guy Geoffroy. C’est fait !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …dues à une minorité de blocage. Tout cela, nous le refusons. Aujourd’hui, j’exprime, nous exprimons clairement une fronde contre la division.

Ne faisons pas, mesdames et messieurs les députés, comme si notre pays n’était pas dans une économie ouverte, comme si le monde du travail et de l’entreprise n’avait pas profondément changé, comme si notre jeunesse ne nous envoyait pas des messages d’alerte. Nous avons le devoir d’aller de l’avant et de dépasser les blocages, nos vieux réflexes, pour consolider la reprise de la croissance et pour amener notre pays vers demain.

C’est cette exigence qui m’amène, en conscience, dans l’intérêt supérieur des Français, à engager la responsabilité de mon gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. Merci, monsieur le Premier ministre.

L’Assemblée nationale prend acte de l’engagement de responsabilité du Gouvernement, conformément aux dispositions de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution.

Le texte sur lequel le Premier ministre engage la responsabilité du Gouvernement sera inséré en annexe au compte rendu de la présente séance.

En application de l’article 155, alinéa 1 du règlement, le débat sur ce texte est immédiatement suspendu.

Ce texte sera considéré comme adopté sauf si une motion de censure, déposée avant demain à seize heures trente-cinq, est votée dans les conditions prévues à l’article 49 de la Constitution.

Je réunirai la Conférence des présidents à dix-sept heures.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à quinze heures :

Questions au Gouvernement.

La séance est levée.

(La séance est levée à seize heures trente-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly