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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 19 octobre 2016

Présidence de M. François de Rugy

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2017

Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017 (nos 4061, 4125, 4127 et 4131).

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé la discussion des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement n615 à l’article 6 examiné par priorité.

Article 6 (appelé par priorité - suite)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 615, 368, 800 et 614, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n615.

M. Nicolas Sansu. Le présent amendement tend à moduler l’impôt sur les sociétés en fonction de la destination des bénéfices distribués. Nous avons entamé ce débat avant la suspension de nos travaux. Les entreprises françaises, notamment les plus grandes et celles qui font partie du club du CAC 40, distribuent beaucoup de dividendes. Nous sommes même les champions du monde en la matière : les dividendes versés ont progressé de 11 % entre le deuxième trimestre 2015 et le deuxième trimestre 2016. Telle est la réalité.

De notre point de vue, cela est néfaste pour l’économie réelle. Les entreprises réalisant un bénéfice net après impôt ont deux possibilités : soit elles utilisent ce bénéfice pour assurer leur autofinancement, notamment l’investissement, soit elles le distribuent aux détenteurs du capital social. En d’autres termes, soit la réserve libre, soit les actionnaires.

Il y a trente ans, 30 % du bénéfice net étaient distribués. Aujourd’hui, nous en sommes à 85 %, voire 90 %, dans les entreprises du CAC 40.

Notre amendement vise donc à relever de cinq points le taux de l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui distribuent plus de 10 % de leurs bénéfices nets aux actionnaires – cela, pour la période d’imposition suivante – et à augmenter le taux de la contribution additionnelle – article 235 ter ZCA du code général des impôts – à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués – cela pour l’année en cours. Cela fera quelques recettes pour le budget de l’État !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais moins de compétitivité.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n368.

M. Charles de Courson. En 2017, le Gouvernement devait mettre en œuvre la dernière tranche du pacte de responsabilité, pour un montant de 5,8 milliards d’euros. Je le rappelle à M. le ministre Sapin, qui prétend avoir tenu les engagements qui avaient été pris. Non, monsieur le ministre, tel n’est pas le cas. Selon les promesses de François Hollande du 31 décembre 2013, il devait s’agir de la suppression totale de la C3S, pour un montant de 3,3 milliards d’euros en 2017, ainsi que de la première étape de la baisse du taux normal de l’impôt sur les sociétés, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, soit un total de 5,8 milliards d’euros.

Or l’accumulation de nouvelles dépenses ayant rendu très incertain, même impossible, le respect de l’objectif de déficit, le Gouvernement a décidé de faire peser sur l’année 2018 la majorité de la dernière tranche du pacte de responsabilité, en le réorientant. Il affiche ainsi 5 milliards d’euros d’économies en 2017 et explique aux entreprises que l’augmentation du taux du CICE de 6 % à 7 %, pour un coût de 3,3 milliards d’euros, compensera cette mesure dès 2017, mais n’aura un coût budgétaire qu’en 2018.

Ainsi, la C3S sera maintenue pour les grandes entreprises. Quant à l’impôt sur les sociétés, il ne sera allégé que de 330 millions d’euros en 2017, uniquement pour les entreprises réalisant entre 38 000 et 75 000 euros de bénéfices.

Le Gouvernement pétitionne ensuite pour ses successeurs, en inscrivant dans la loi une généralisation progressive de cette baisse de l’impôt sur les sociétés jusqu’en 2020, alors qu’il a lui-même toujours refusé d’inscrire dans la loi l’intégralité des mesures du pacte de responsabilité, en dépit de nos demandes répétées, afin de mieux pouvoir le dénaturer.

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Qui est dans la contradiction ?

M. Charles de Courson. Nous regrettons que le Gouvernement ne respecte pas ses engagements, et considérons également qu’il adopte une stratégie erronée. C’est pourquoi le présent amendement propose une trajectoire différente de baisse de l’impôt sur les sociétés.

D’une part, il est proposé d’abaisser le taux réduit d’impôt sur les sociétés s’appliquant aux petites entreprises réalisant un bénéfice imposable inférieur à 38 120 euros à 10 %, contre 15 % actuellement. Car avec vos propositions, les petites entreprises ne bénéficient d’aucune baisse de l’impôt sur les sociétés, ce qui est tout de même paradoxal.

D’autre part, il est proposé d’abaisser de 33 à 24 % le taux d’impôt sur les sociétés pour les petites et moyennes entreprises au sens du droit de l’Union européenne.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 800 et 614, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour les soutenir.

M. Nicolas Sansu. Ces amendements forment un tout avec l’amendement n615 que j’ai déjà présenté. En effet, nous souhaitons à la fois augmenter l’assiette de l’impôt et moduler le taux d’imposition en fonction de la taille de l’entreprise et du chiffre d’affaires. Il s’agit là de moduler le taux pour les très petites entreprises et les PME. Nous ne le faisons pas d’un coup. C’est pourquoi nous proposons la création de deux tranches : 21 % pour la fraction des bénéfices supérieure à 38 120 euros et inférieure à 75 000 euros et 27 % pour la fraction des bénéfices supérieure à 75 000 euros et inférieure à 150 000 euros.

Il s’agit de faire en sorte que les TPE et les PME ne soient pas pénalisées par rapport aux grandes entreprises. Le tout sera gagé par l’augmentation de l’IS sur les dividendes distribués par les grandes entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur ces quatre amendements.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Sur ce sujet, la commission des finances a adopté un autre amendement qui reprend – sous une autre forme – certains des objectifs qui viennent d’être défendus. Selon la commission, il faut accentuer le soutien aux PME. Quand M. de Courson baisse de 15 % à 10 % le taux d’imposition sur les premiers 38 120 euros de résultat net, sa proposition converge vers cet objectif. M. Sansu va également dans ce sens.

Cependant, M. Sansu rajoute des tranches qui n’ont rien d’officiel. L’Europe a essayé d’avoir une vision organisée. Elle a divisé les entreprises en quatre groupes : les TPE, les PME, les ETI et les grandes entreprises. Elle a établi des définitions bien précises s’agissant de la taille, du bilan, du chiffre d’affaires etc. Il n’est donc pas certain que le fait de rajouter des tranches donnera un signal aux PME.

Un autre amendement de M. Sansu propose un taux différencié selon que l’entreprise verse beaucoup de dividendes ou non. Le débat est important, car il porte sur la façon dont est utilisé le profit dégagé par une entreprise. Mais pour ma part, je vous appelle tout de même à soutenir l’amendement de la commission des finances, sur lequel nous avons longuement travaillé.

Avis défavorable aux quatre amendements.

M. Dominique Baert. Très bien.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Avis défavorable. Je me suis longuement expliqué lors de la discussion générale.

(Les amendements nos 615, 368, 800 et 614, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 769, 295 et 770, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement n769.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Il s’agit d’un amendement que j’ai déposé à titre personnel. Je l’avais déjà déposé en 2013 et 2014 avec ma collègue Karine Berger et je le présenterai à nouveau ce soir, bien que j’aie résolu de me ranger finalement à l’avis de la commission des finances.

Cet amendement, qui rejoint des points abordés tout à l’heure par certains de nos collègues, prend acte de la différence observée sur le taux réel – et non pas facial – de l’impôt sur les sociétés – IS – acquitté par les entreprises. Je me réfère à ce propos à une étude de la Direction générale du Trésor et je ne pense donc pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous la remettrez en cause – du moins l’espéré-je.

M. Michel Sapin, ministre. Alors, ça… (Sourires.)

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La version de 2011 a été élaborée lorsque M. Woerth était ministre, mais il en existe une version de 2014, actualisée, dont les résultats révèlent à peu près les mêmes tendances.

Cet amendement vise aussi à s’inspirer de ce qui se fait dans d’autres pays, notamment aux États-Unis, où le premier argent gagné, le premier profit réalisé par une PME bénéficie d’un taux d’impôt sur les sociétés largement réduit. Le seuil actuellement fixé aux 38 120 premiers euros serait ainsi porté à 100 000 euros, et cette mesure s’appliquerait à toutes les PME.

Je vais toutefois retirer cet amendement quelque peu maximaliste, qui tend cependant à répliquer la pratique en vigueur aux États-Unis et au Canada, où l’on donne un vrai coup de pouce aux PME sous la forme d’une sorte de franchise sur le premier résultat net engrangé.

Je profite de ce que j’ai la parole pour dire que je regrette que M. Gattaz ait assimilé cet amendement à du marxisme. Nous n’avons pas la même définition de ce qu’est une théorie marxiste, et peut-être aurons-nous un jour l’occasion d’en débattre. Il me semble en tout cas que la défense des PME peut nous rassembler. De fait, je n’ai pas la même lecture du marxisme que M. Gattaz et peut-être m’expliquera-t-il un jour en quoi le fait de soutenir les PME relèverait de cette théorie.

Monsieur le président, on peut considérer que j’ai également défendu ici mon amendement n770.

(L’amendement n769 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement n295.

Mme Karine Berger. L’amendement n295, adopté par la commission des finances, tend à fixer à 15 % le taux de l’impôt sur les sociétés pour les PME réalisant jusqu’à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, contre un seuil actuellement fixé à 7,6 millions d’euros. Il s’agit là d’une survivance du passé, car ce montant correspond à 50 millions de francs, seuil qui s’appliquait aux PME en France avant l’introduction de l’euro. Ce seuil n’a jamais été réactualisé et il est donc temps de le faire, en permettant à toutes les entreprises de France réalisant moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires de bénéficier de ce taux de 15 %, inférieur à celui qui s’applique actuellement.

Il est inutile de préciser que cet amendement de la commission des finances a reçu le plein soutien de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises – CGPME – et de l’ensemble des PME de France, qui n’attendent que ce petit coup de pouce. J’ai dit tout à l’heure au ministre que ce ne serait que justice, car le taux effectif qui s’applique aujourd’hui aux grandes entreprises est déjà de 15 %, contre 39 % pour les PME. En le portant de 33 % à 15 %, nous nous bornons donc à faire en sorte que le taux de l’IS ne soit pas plus élevé en France pour les PME que pour les grandes entreprises.

L’Assemblée nationale ne pouvant toutefois pas faire absolument ce qu’elle veut avec l’argent public, nous avons dû remettre en cause la baisse de taux prévue pour les très grandes entreprises en 2019 et 2020.

Monsieur le ministre, il ne dépend que de vous de lever ce gage. Nous pouvons ce soir adopter un amendement permettant de fixer à 15 % le taux de l’IS pour les PME à partir de 2019 et 2020, tout en conservant le dispositif que vous voulez appliquer aux grandes entreprises. La décision est à vous : à vous de nous dire si vous voulez que l’IS des PME en France soit de 15 % et si vous en prenez la responsabilité en levant le gage que la commission des finances a mis sur cet amendement.

Mme Chantal Guittet. Très bien !

M. le président. L’amendement n770 a déjà été défendu.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. J’ai déjà indiqué lors de la discussion sur l’article, après que chacun s’est exprimé, la position du Gouvernement. Notre proposition se veut la plus simple possible et concerne toutes les entreprises, y compris les plus grandes.

Vous me sommez de lever un gage afin de pouvoir faire évoluer votre amendement qui, dans sa première intention, refuse aux plus grandes entreprises l’application d’un taux d’IS à 28 %. Telle n’est pas la proposition du Gouvernement. Cette dernière est simple : nous fixons un objectif de 28 % pour toutes les entreprises, et nous progressons en quatre étapes pour que toutes les entreprises puissent progressivement bénéficier de ce taux, en commençant – et nous souscrivons en cela partiellement à votre position – par les plus petites, pour lesquelles il nous semble que cela peut être le plus utile, du moins pour les premières années.

Je ne m’attarderai pas sur ce que j’ai déjà dit. C’est pour les petites entreprises qu’une décision immédiate peut avoir des effets immédiats, car l’investissement d’aujourd’hui est fait pour produire plus demain, l’année prochaine, et il bénéficiera donc d’un taux à 28 %. Notre proposition est donc la plus simple possible : l’objectif est de 28 % pour toutes les entreprises en quatre ans. C’est là un message facile à comprendre pour toutes les entreprises.

Certains critiquent le fait que nous inscrivions cet objectif sur quatre ans, mais nous pensons que c’est au contraire une bonne manière de donner de la visibilité aux entreprises françaises. Chacun pourra contester, aujourd’hui ou demain, la direction que nous proposons, mais c’est notre volonté que de fixer cette direction simple et claire pour l’ensemble des entreprises de France.

Si donc cet amendement – qui a du reste été adopté, à ce que je sais, dans des conditions assez complexes lors du débat en commission, au terme d’un vote croisé sur l’ensemble des bancs – n’était pas retiré, le Gouvernement ne pourrait donner qu’un avis négatif.

Avis défavorable également sur l’amendement n770.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, l’amendement de la commission des finances est plein de bon sens. La réduction que vous nous proposez de voter et qui s’appliquerait quasiment à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, est d’un montant de 6 600 euros. C’est ridicule ! Ce montant correspond en effet à la différence entre 75 000 euros et 38 000 euros, soit 37 000 euros, multipliée par la différence entre le taux existant de 33 % et le taux de 15 %. Pour les grands groupes – L’Oréal, par exemple –, ce chiffre de 6 600 euros fait un peu l’effet du fameux « T’as pas cent balles ? ». (Sourires.) Ce n’est pas possible.

Nous avons eu un long débat sur ce point, et le grand avantage de la proposition de la commission des finances est qu’elle permet au moins de concentrer les moyens sur les petites et moyennes entreprises. Étant donné que nous sommes tous d’accord pour faire un effort privilégiant les PME, j’invite donc tous mes collègues, quels que soient leurs sentiments, à voter cet amendement.

M. Michel Sapin, ministre. Vous êtes donc opposé au taux de 28 % pour toutes les entreprises ?

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je soutiendrai, bien entendu, l’amendement de la commission des finances, car quitte à diminuer le taux de l’impôt sur les sociétés, il convient de le faire pour les TPE et PME, qui peuvent créer de l’emploi et qui réinvestissent les bénéfices dans la production. C’est tout simplement du bon sens.

Permettez-moi aussi de revenir, monsieur le ministre, sur une question que je posais tout à l’heure : si j’ai bien compté, l’impôt sur les sociétés devrait rapporter après 2020, si nous continuons au fil de l’eau, 17 milliards d’euros, soit à peine un point de PIB. Pouvez-vous me confirmer ce chiffre ?

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. À titre personnel, je soutiendrai ces amendements. J’en proposerai également un tout à l’heure qui va dans ce sens. L’article 6 fait en effet le choix d’une baisse très – trop – progressive de l’impôt sur les sociétés. Comme indiqué dans l’exposé des motifs de cet article, le taux moyen de l’IS dans l’Union européenne et de 23,2 %. Il a également été parfaitement expliqué que les TPE et PME se trouvaient dans une situation particulière car, contrairement aux grands groupes, elles ne sont pas en mesure de pratiquer l’optimisation fiscale.

À titre personnel, donc, et comme mes collègues du groupe Les Républicains, je soutiendrai ces amendements qui vont dans le bon sens pour les PME et PMI.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Les députés du groupe Les Républicains soutiendront en effet cet amendement, car il va encore plus loin et c’est un bon signe. Au-delà de la mesure qu’il propose, il s’agit en effet d’un symbole indiquant une bonne orientation.

De fait, alors que nous évoquons toujours la difficulté que représentent les seuils et leur impact néfaste, cet amendement fait précisément sauter un seuil, ce qui est vertueux. L’amendement tend à assurer un vrai soutien aux PME et TPE, qui sont aujourd’hui les entreprises qui embauchent et créent de l’emploi. Il faut donc leur apporter le signe d’un soutien fort. C’est un message qui s’ajoute à celui que vous avez déjà exprimé vous-même, monsieur le ministre, dans cet article 6, par une baisse d’impôts. Allons donc un peu plus loin, en direction d’un plus grand nombre d’entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Pour les députés Europe Écologie–Les Verts, il s’agit également d’un bon amendement. Contrairement à ce que vous sous-entendez, monsieur le ministre, il a fait l’objet d’un débat assez serein au sein de la commission des finances. Il crée de la progressivité dans l’IS, ce que nous avons toujours défendu, et soutient particulièrement les PME qui, comme cela vient d’être dit, sont les entreprises qui créent aujourd’hui de l’emploi en France. Soyons donc simples : soutenons les PME et soutenons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. Il s’agit assurément d’un bon amendement. Il faut cependant éviter d’octroyer, comme cela a été le cas avec la première version du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, une prime aux supermarchés, qu’il s’agisse de la moyenne ou de la grande distribution. Ce serait en effet là une certaine déviation.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je suis un peu surpris de ce que j’entends dans l’hémicycle, en particulier à droite. Il me semble en outre qu’une confusion s’instaure entre l’article et l’amendement.

N’oublions pas d’où nous venons : le pacte de responsabilité et de solidarité a fixé des objectifs pour restaurer la compétitivité de nos entreprises. Je rappelle à ceux qui veulent que l’impôt sur les sociétés pèse davantage dans le PIB que, pour ce faire, le mieux est tout de même d’en élargir l’assiette. Se pose certes une question d’assiette européenne, à propos de laquelle Pierre Moscovici s’est exprimé, mais au bout du compte, l’assiette est constituée par les entreprises qui font des bénéfices. Nous avons donc intérêt à ce qu’il y ait des entreprises et des bénéfices et, si l’on s’acharne à conserver des dispositions qui ont pour effet de bloquer des investissements internationaux ou si l’on s’oppose à des mesures restaurant la compétitivité, il est très peu probable qu’il y ait des bénéfices, et encore moins que l’IS pèse quelque chose dans le PIB.

À cet égard, nous sommes passés de 3,5 milliards d’euros pour 20 000 entreprises à un dispositif qui, dès 2017, abaisse clairement l’IS sur les PME tout en donnant de la lisibilité pour toutes les entreprises.

Votre position, mesdames et messieurs de droite, est donc tout à fait incohérente. Si l’amendement de la commission des finances est voté, vous expliquerez à Pierre Gattaz pourquoi vous refusez de donner de la lisibilité aux entreprises, et en particulier aux grandes entreprises, qui doivent avoir un objectif. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Véronique Louwagie. Adressez-vous aussi à l’autre côté de l’hémicycle !

M. Dominique Lefebvre. Cet amendement présente trois défauts majeurs. Premièrement, il crée un effet de seuil.

Mme Véronique Louwagie. Il y en avait déjà !

M. Dominique Lefebvre. Deuxièmement, il est totalement défavorable aux ETI. Troisièmement, il est totalement défavorable aux investissements internationaux. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste y est défavorable.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je souhaite ramener un peu de calme.

Mme Marie-Christine Dalloz. Après l’envolée de M. Lefebvre !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La commission des finances dans son ensemble, monsieur Lefebvre, a souhaité consentir un effort plus important et plus rapide en faveur des PME : en cela, je la suis complètement.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais lorsque nous avons examiné cet amendement, j’ai observé qu’il comportait un inconvénient : pour les grandes entreprises, si j’ai bien compris, le taux de 33 % est conservé à l’horizon 2020. Or, si l’on veut une mesure vraiment lisible, il faut se placer dans la perspective d’un taux unique à l’horizon de 2020, en l’occurrence le taux de 28 %.

M. Charles de Courson. Pourquoi un taux unique ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il faut donc reprendre le texte afin de concilier ces deux points de vue. Cela me paraît tout à fait possible, même s’il faudra probablement lever des gages qui coûteront très cher. J’ai regretté, lors de mon intervention hier à la tribune, que l’on rase beaucoup gratis dans les années à venir – mais là, c’est pour la bonne cause ! Nous ferons donc une exception. (Sourires.)

Je souhaite ajouter un point : en 2011 est parue une étude du Trésor démontrant que l’impôt réellement payé par les grandes entreprises…

M. Charles de Courson. …était dégressif !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …s’établissait à un taux très inférieur à celui des PME.

M. Charles de Courson. Oui : 19 % !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Deux raisons, de mémoire, étaient avancées pour expliquer cette différence. Première raison : les taux d’endettement. Les grandes entreprises, notamment celles ayant des croissances externes, avaient des taux d’endettement importants. Or, à l’époque, la déductibilité des frais financiers était totale. Ce point a été corrigé à partir de 2013 puisque la déductibilité, sous réserve d’une franchise de 3 millions d’euros, est plafonnée à 75 %. Lorsque j’étais rapporteur du budget, j’avais plaidé en ce sens : il n’y a donc pas d’incohérence.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Vous l’aviez rêvé, nous l’avons fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Deuxième raison : le caractère international de ces grands groupes, qui leur offre diverses possibilités, comme de jouer davantage sur les prix de transfert. Nous avons progressé dans ce domaine, avec un meilleur contrôle.

Enfin, avec le changement de pied du Gouvernement sur la dernière tranche du pacte de responsabilité, qui est très défavorable aux grandes entreprises puisque l’on diffère à des jours meilleurs la suppression totale de la C3S – contribution sociale de solidarité des sociétés –, nous allons moins vite dans la réduction de l’impôt sur les sociétés. Il faut tout de même envoyer un signal aux grandes entreprises : elles aussi comptent dans l’économie du pays ! Je plaide donc en faveur de l’effort de la commission des finances en direction des PME, tout en maintenant l’objectif d’un taux de 28 % pour toutes les entreprises.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien ! C’est le bon compromis !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Les débats à l’Assemblée sont là pour éclairer les uns et les autres et le président de la commission vient d’y participer.

L’amendement adopté par la commission a, sinon deux objectifs, du moins deux effets. Le premier effet est de faire bénéficier les petites entreprises, en 2019, pour un montant plus élevé, d’un taux plus faible, à 15 %. Je rappelle que la préoccupation du Gouvernement est d’aider plus rapidement et fortement les petites entreprises. Il vous propose donc de faire bénéficier toutes les PME de France d’un taux plus faible, soit 28 %, en l’espace de deux ans, 2017 et 2018. Nous avons au fond la même préoccupation : nos PME qui, pour beaucoup d’entre elles, sont indispensables à notre développement économique et à la création d’emplois dans l’ensemble de notre territoire, doivent pouvoir bénéficier de ce taux plus faible.

Mais cet amendement a, aux yeux du Gouvernement, un inconvénient grave, déterminant pour ce qui me concerne : il supprime le bénéfice de ce taux de 28 % pour 2019 et 2020. Je suis très étonné d’entendre certains ici soutenir cet amendement sans aucune modulation, comme je viens de le faire, alors que dans la discussion générale, je vous ai entendus nous reprocher, à nous, d’avoir supprimé ce taux pour 2019 et 2020 ! Les mêmes qui disaient cela soutiennent aujourd’hui cet amendement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le président de la commission des finances vient de proposer cette modulation !

M. Michel Sapin, ministre. Je termine par une proposition, parce que je pense que nous pouvons parfaitement converger. Nous avons la volonté d’aider les petites et moyennes entreprises : nous commençons en 2017 par elles, nous continuons en 2018 avec elles. Je vous propose qu’en 2019 et 2020, conformément aux propositions de cet amendement, nous continuions à augmenter l’avantage des petites et moyennes entreprises, tout en rétablissant la rédaction première du Gouvernement étendant le bénéfice de ce taux de 28 % à l’ensemble des entreprises françaises en 2019 et en 2020. La lecture sera ainsi plus simple.

L’objectif du Gouvernement et, peut-être, de l’Assemblée, est de faire en sorte que toutes les entreprises de France bénéficient du taux de 28 %, tout en allant plus vite et plus fort pour les petites et les moyennes entreprises de France.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Merci, monsieur le ministre, pour la réponse que vous venez de nous apporter sur notre souhait d’étendre à l’ensemble des PME de France le bénéfice du taux de 15 % sur les premiers 38 120 euros de résultat net. Si l’amendement de la commission des finances vise en effet à supprimer la baisse à 28 % pour les grandes entreprises en 2019 et 2020, c’est que nous avons besoin de gager. Nous ne sommes pas comme le Gouvernement : nous devons gager !

M. Pascal Cherki. Exactement !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Si le Gouvernement accepte de lever le gage, nous pouvons rester à 28 % pour l’ensemble des entreprises, avec la perspective que vous avez tracée, tout en donnant en vrai coup de pouce, en envoyant un vrai signal aux PME ; cela existe dans d’autres pays. Mais c’est évidemment sous réserve que vous leviez le gage ; nous demandons donc une suspension de séance pour nous permettre de réécrire l’amendement afin qu’il puisse fonctionner.

M. le président. La séance est suspendue.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinq, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement souhaite vous proposer un amendement n822 qui me semble de nature à répondre aux préoccupations des uns et des autres.

Premièrement, nous proposons de généraliser le taux de 28 % à l’ensemble des entreprises françaises, quelle que soit leur taille, en 2019 et 2020. Tel est l’objectif. Les choses sont claires, précises, nettes et lisibles.

Deuxièmement, nous retenons l’idée débattue en commission d’étendre en 2019 l’avantage d’un taux de 15 % aux petites entreprises. Même si sa rédaction est quelque peu absconse – il s’agit comme toujours de références à des références –, c’est là le double objectif de cet amendement : le maintien du taux de 28 % pour toutes les entreprises en 2019 et 2020 et une extension de l’avantage pour les petites entreprises en 2019.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour cet amendement, sur lequel je donne un avis favorable. En conséquence, je retire les amendements nos 295 et 770.

(Les amendements nos 295 et 770 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Permettez-moi de poser une question. Chaque fois que nous faisons une proposition, on nous répond qu’il faut faire attention à ne pas creuser le déficit budgétaire. Combien cela va t-il coûter, monsieur le ministre ?

En effet, l’amendement de la rapporteure générale était gagé par la suppression de la baisse de l’impôt sur les sociétés des grandes entreprises. Il était donc neutre budgétairement. Je voudrais savoir quel va être le manque à gagner pour les finances de l’État du fait de cet élargissement. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Alain Fauré. Pascal Cherki en orthodoxe budgétaire ! On aura tout vu !

M. Christophe Castaner. Ce n’est pas Pascal Cherki, c’est Pascal Lamy !

M. Pascal Cherki. En tant que parlementaire, je veux savoir quelles sont les implications budgétaires d’une disposition qu’on soumet à mon vote, afin de pouvoir me prononcer en toute connaissance de cause.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais m’assurer que j’ai bien compris l’amendement qui nous est proposé.

Il s’agit donc d’étendre l’application du taux de 15 % dans la limite de 38 120 euros de bénéfice imposable aux entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 50 millions d’euros à compter du 1er janvier 2019. C’est ce que proposait l’amendement de la rapporteure générale.

En revanche, la disposition tendant à étendre le taux de 28 % à l’ensemble des entreprises en 2019 et 2020 est maintenue en l’état.

Nous sommes d’accord avec cette proposition, monsieur le ministre, de la même manière que nous sommes favorables à l’application du taux de 15 % à un plus grand nombre d’entreprises. Par ailleurs, la proposition de modifier l’IS des grandes entreprises en 2019 et 2020 est susceptible d’être réexaminée d’ici là.

Nous sommes donc tout à fait favorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je voudrais simplement souligner, après Pascal Cherki, que l’amendement présenté par la rapporteure générale au nom de la commission des finances comportait deux volets : si l’un proposait un avantage pour les PME, l’autre maintenait le taux normal d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises. En faisant disparaître ce second volet, nous allons encore réduire la base fiscale. Un calcul rapide suffit à indiquer qu’en 2020, le rendement de l’impôt sur les sociétés sera de 16,5 milliards, soit 0,8 point de PIB !

En conséquence, je ne voterai pas l’amendement présenté par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Étant un esprit un peu lent, j’ai du mal à comprendre, monsieur le ministre. En quoi votre proposition diffère-t-elle du texte initial du projet de loi s’agissant de 2017 ?

M. Michel Sapin, ministre. En rien !

M. Charles de Courson. C’est bien ce que j’avais cru comprendre : cela ne changera rien ! C’est intéressant ! Le seul intérêt de cet article, à part l’affichage pour 2018 et 2019, c’est son application en 2017. Or rien ne change pour 2017.

En outre, si j’ai bien compris, vous accélérez le rythme de la généralisation du taux réduit, aux frais d’ailleurs du gouvernement suivant. Comment voulez-vous qu’on vous suive ?

Je persiste à dire qu’en 2017, toutes les entreprises dont le bénéfice dépasse 75 000 euros vont avoir droit à une réduction égale à 75 000 moins 38 000, soit à peu près 37 000, multipliés par la différence entre 33 % et 28 %, soit cinq points. Si mes calculs sont exacts, cela fait 1 800 euros pour toutes les entreprises : c’est un gag ! Et cela coûtera 330 millions, puisqu’on compte environ 200 000 entreprises.

On va donner 1 800 euros aux grandes boîtes comme l’Oréal ? Mais c’est ridicule !

Mme Marie-Christine Dalloz. Mais non ! Vous n’avez rien compris !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. C’est pour les PME !

M. Charles de Courson. Non, madame la rapporteure générale : en 2017, toutes les entreprises dont le bénéfice dépasse 75 000 euros bénéficieront de 75 000 moins 38 000 euros, soit 37 000, multipliés par la différence de taux. (« Mais non ! » sur plusieurs bancs.)

En un mot, ce sont des clopinettes, et l’argument qui vous a été opposé en commission des finances et qui consiste à dire que ce n’est pas comme ça qu’on conduit une politique cohérente de baisse de l’IS reste valable.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Nous sommes en octobre 2016. Pourquoi attendre 2019 pour étendre le bénéfice du taux de 15 % à l’ensemble des PME, si c’est une bonne mesure ? Vous nous avez expliqué au début de notre discussion que le cycle de décision des PME était annuel. Si nous restons sur les éléments que vous avez avancés, il faut d’ores et déjà élargir le bénéfice de ce taux de 15 % à l’ensemble des PME.

C’est la raison pour laquelle nous étions favorables à cette proposition. Mais désormais, vous souhaitez que cet avantage ne soit pas étendu aux PME avant 2019. En revanche, vous voulez que les grandes entreprises bénéficient d’une baisse du taux d’IS dans les années à venir, alors que le nombre de crédits d’impôt est déjà considérable au point que – le président de la commission des finances nous le répète assez souvent – le rendement de l’IS est pratiquement nul. Il n’y a donc aucune raison pour accorder une nouvelle baisse du taux d’IS aux grandes entreprises.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. J’ai rappelé lors de la discussion générale que le groupe socialiste soutenait pleinement la réorientation de la dernière étape du pacte de responsabilité et de solidarité pour trois raisons. La première est que nous respectons l’intégralité de ce pacte. La deuxième est que nous le réorientons d’abord vers les PME, et la troisième que nous donnons à l’ensemble de notre tissu économique, et notamment aux grandes entreprises, la visibilité d’un taux unique de 28 %.

J’ai dit tout à l’heure pour quelle raison le groupe socialiste ne pouvait pas être d’accord avec l’amendement voté par la commission des finances qui a abandonné cette perspective. Bien évidemment, monsieur le ministre, eu égard au fait que cet objectif de 28 % pour l’ensemble des entreprises est maintenu, nous voterons votre amendement.

Il ne faudrait pas que la représentation nationale passe son temps à opposer de façon caricaturale TPE, PME, ETI et grandes entreprises. Comme cela a déjà été dit dans cet hémicycle, beaucoup de PME sont des sous-traitants de grandes entreprises qui ont elles-mêmes besoin de visibilité. Si ces grandes entreprises ne se portent pas bien, il y a très peu de chances que leurs sous-traitants survivent.

Je pense que ce dispositif est cohérent. Je ne me cache pas qu’il coûtera davantage en 2019 et en 2020 – je me félicite à ce propos de voir Pascal Cherki se soucier de l’équilibre budgétaire…

M. Pascal Cherki. Avec tous les cadeaux qu’on fait aux patrons !

M. Dominique Lefebvre. ...ce qui ne devrait pas effrayer la droite de cet hémicycle, qui proposait d’en faire davantage. Il faudra bien que nous trouvions les moyens de voter des budgets pour 2019 et 2020 à l’équilibre en tenant compte de cette évolution de la fiscalité des entreprises.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vous renvoie, monsieur de Courson, aux pages 174 et 175 de mon rapport. Vous y trouverez des projections pour les années 2016 à 2020 – pour différentes tailles d’entreprises et différents bénéfices imposables – qui vous prouveront que ce que vous venez de dire n’est pas tout à fait exact. L’Oréal, par exemple, n’est pas concerné par ce qui va se passer en 2017.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vais essayer d’être très pédagogue, car il faut en sortir.

Le Gouvernement proposait pour 2017 le taux de 28 % pour les PME jusqu’à 75 000 euros de bénéfice imposable. À partir de 2018, ce taux devait s’appliquer jusqu’à 500 000 euros de bénéfice imposable, et à partir de 2019 aux entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas un milliard d’euros. Enfin, à partir de 2020, ce taux était généralisé à l’ensemble des entreprises. Voilà ce que prévoit le texte dans sa rédaction actuelle.

La commission des finances a adopté un amendement tendant à ce que les très petites entreprises puissent bénéficier d’un effet immédiat d’accompagnement via un taux d’IS de 15 % dans la limite de 38 120 euros de bénéfice en 2019.

Il est bien évident que notre volonté n’est pas de pénaliser les grandes entreprises en maintenant un taux de 33,1/3, et c’est pourquoi nous acceptons cette généralisation du taux de 28 %. Notre groupe aurait même préféré qu’elle soit plus rapide. La proposition que vous nous faites aujourd’hui est un moindre mal même s’il faudra attendre trois ans pour voir une amélioration du taux de l’IS. Mais je ne vois pas en quoi il serait justifié aujourd’hui de s’opposer à cet amendement.

(L’amendement n822 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 139, 539, 138, 235 et 538, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 139 et 539 sont identiques, ainsi que les amendements nos 138, 235 et 538.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n139.

Mme Véronique Louwagie. Le projet de loi de finances prévoit que le taux de l’impôt sur les sociétés sera ramené à 28 % à partir de 2017 pour les petites et moyennes entreprises, c’est-à-dire celles qui réalisent moins de 7,6 millions de chiffre d’affaires, uniquement pour une fraction de leurs bénéfices – et progressivement, pour toutes les entreprises d’ici 2020.

Je veux rappeler que la France se distingue par un taux de 33,33 %, l’un des taux les plus élevés au sein des pays développés, alors que son rendement est l’un des plus faibles d’Europe.

Nos entreprises sont particulièrement défavorisées par rapport à leurs concurrentes, d’autant que l’impôt sur les sociétés a été alourdi par la limitation de la déductibilité des charges financières à 75 % des charges nettes payées ou la limitation de l’imputation des pertes à 50 % du bénéfice annuel au-delà de 1 million d’euros.

L’idée est de redonner des marges de manœuvre aux entreprises en allant plus loin. Le taux au Royaume-Uni est de 20 %. Mon amendement vise donc à fixer le taux à 23 %. J’ai également déposé un amendement de repli proposant un taux à 25 %.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n539.

Mme Claudine Schmid. Il est identique.

M. le président. Nous en venons à une série de trois amendements identiques, nos 138, 235 et 538.

La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n138.

Mme Véronique Louwagie. J’ai déjà défendu cet amendement de repli.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n235.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n538.

Mme Claudine Schmid. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Ces amendements visent à moduler les taux d’imposition à 23 ou 25 % selon les cas de figure. La commission n’a pas souhaité les retenir.

Vous avez, madame Louwagie, procédé à des comparaisons. J’ai ici le tableau de l’OCDE. S’agissant des États-Unis, que vous n’avez pas cités, ce que je regrette, le taux affiché est de 38,92 %, ce qui montre que la comparaison des taux est toujours biaisée, car il faut aussi prendre en compte la base et l’assiette.

Avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics. Avec l’adoption de l’amendement n822, un point d’équilibre a été trouvé. Le Gouvernement rejoint votre commission : avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je ne voudrais pas qu’il y ait une manipulation intellectuelle. Vous nous dites que le Royaume-Uni a un taux de 20 %, mais l’impôt sur les sociétés y représente 2,3 points de PIB, selon Eurostat, l’Insee et toutes les sources que vous voudrez.

En France, avec un taux à 28 %, cet impôt représente à peine un point de PIB. Je veux bien qu’on dise tout et n’importe quoi, mais pas n’importe quoi ! (Sourires.)

Madame Louwagie, vous proposez de descendre à 23 % : compte tenu de l’assiette, nous arriverions à seulement 11 milliards de rendement. Dites-le : vous voulez supprimer l’impôt sur les sociétés !

Si nous baissons le taux, il faut que nous revenions sur le CICE. Nous n’allons tout de même pas accorder un crédit d’impôt qui, le taux baissant, va finir par rapporter de l’argent ! Il ne faut tout de même pas exagérer. Je rappelle que l’impôt sur les sociétés est assis sur les bénéfices : ce ne sont donc pas les entreprises en difficulté qui sont concernées.

Franchement, les comparaisons internationales sont plutôt favorables à la France, même si le taux nominal est une catastrophe.

Mme Isabelle Attard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais réagir. Il y a toujours une difficulté à comparer les taux, nous l’avons dit en évoquant la question des bases. Finalement, il faudrait parvenir à une harmonisation des bases : nous sommes à peu près d’accord sur ce point.

Je n’ai donné qu’un taux, celui du Royaume-Uni. Vous n’en avez cité qu’un seul, madame la rapporteure générale, celui des États-Unis. Nous pourrions faire de nombreuses comparaisons. Il n’en demeure pas moins qu’aujourd’hui, nous avons un vrai problème de compétitivité : les entreprises françaises ont des marges très inférieures à celles de leurs concurrentes européennes. Il faut bien leur apporter de l’aide, par des mesures de cette nature. Je pense que nous sommes là pour aider nos entreprises, les renforcer et trouver des pistes en vue d’améliorer leur compétitivité.

(Les amendements identiques nos 139 et 539 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 138, 235 et 538 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 147 et 173.

La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n147.

Mme Claudine Schmid. Si le signal d’une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés est salutaire, il convient cependant de regretter la faible ampleur de la mesure envisagée et sa complexité. En ciblant une partie des PME seulement, le Gouvernement choisit d’introduire de nouveaux seuils et de nouvelles distinctions peu lisibles entre entreprises, avec trois taux différents.

Il est en outre peu probable que le geste du Gouvernement ait une quelconque résonance hors de nos frontières, comme vient de le suggérer Mme Louwagie. Une baisse du taux pour toutes les entreprises aurait un impact bien plus fort en termes d’attractivité.

L’objet de cet amendement, par souci d’équité fiscale et de compétitivité, est d’imposer toutes les entreprises, à partir d’un bénéfice imposable de 38 120 euros, quels que soient leur taille et leur bénéfice, au taux de 28 % dès le 1er janvier 2017.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l’amendement n173.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est identique.

Ce que la majorité a oublié, quand nous parlons de taux nominal, ce sont les hausses qui ont affecté les entreprises françaises. Je pense à l’alourdissement de l’impôt sur les sociétés via la limitation de la déductibilité des charges financières à 75 % des charges nettes payées et la limitation de l’imputation des pertes à 50 % du bénéfice annuel au-delà de 1 million d’euros. Ce sont des mesures qui, sur nos entreprises, ont eu un impact assez important.

Mon amendement a forcément un coût, monsieur le secrétaire d’État, j’en ai conscience, mais il vise à accélérer le processus pour redonner de la compétitivité à notre industrie, à nos entreprises françaises, parce qu’elles en ont besoin dans le contexte actuel.

Les efforts fiscaux d’aujourd’hui, ce sont les emplois de demain, et ceux-ci n’ont pas de prix.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Vous avez dit que votre amendement avait un coût, madame Dalloz, mais vous n’avez pas dit lequel. Il s’élève à 4,5 milliards : je veux bien le gager en augmentant les droits sur le tabac, Mme Delaunay serait contente, mais ce ne serait pas très sérieux… Un équilibre a été trouvé, avec une marge de progression sur les quatre années qui viennent, il faut en rester là. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. On parle beaucoup de compétitivité, mais je voudrais qu’on se pose la question de savoir combien d’entreprises sont exposées à la concurrence internationale. Je pense que le pourcentage est beaucoup plus faible que ce que vous imaginez.

Ne pourrions-nous pas traiter différemment les entreprises réellement exposées, plutôt que de faire des cadeaux, sous couvert de compétitivité, à celles qui ne le sont pas du tout ? L’argument de la compétitivité, il faut arrêter de l’utiliser pour l’ensemble des entreprises !

Deuxième point : pourquoi nous opposons-nous à ces baisses de l’impôt sur les sociétés ? Tout simplement parce que nous sommes soucieux de l’équilibre budgétaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est bien, ça ! Nous vous le rappellerons.

Mme Eva Sas. Si on baisse l’impôt sur les sociétés, il faudra trouver de l’argent quelque part : soit on augmente la fiscalité sur les ménages, soit on réduit les services publics. Il ne faut pas mentir aux Français. Il faut leur dire que si on baisse l’impôt sur les sociétés, il y aura moins de services publics et plus de fiscalité sur les ménages. C’est pourquoi nous ne sommes pas pour une baisse de la fiscalité sur les grandes entreprises.

Mme Isabelle Attard et Mme Danielle Auroi. Très bien !

(Les amendements identiques nos 147 et 173 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 332, 333 et 334, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour les soutenir.

M. Jean-Christophe Fromantin. Ils visent à faire évoluer le dispositif qui nous est soumis, en l’anticipant d’un an et en portant à 500 000 euros le seuil des bénéfices pour qu’il bénéficie aux entreprises de taille intermédiaire, les ETI.

On se plaint en permanence de ne pas avoir, comme nos voisins allemands, des entreprises de taille significative, capables d’aller sur les marchés internationaux. Nous avons, me semble-t-il, une vision trop étriquée des PME, au point de les ramener au rôle de sous-traitants des grandes entreprises, comme cela a été dit tout à l’heure.

Nous avons besoin de stimuler ces entreprises industrielles de taille intermédiaire. Or, dans ce qui est proposé, rien ne permet de leur donner un tel coup de pouce.

Charles de Courson l’a dit, le dispositif du Gouvernement n’aura que des effets marginaux. Ces amendements visent à produire des effets plus significatifs sur nos entreprises et sur l’économie en général.

(Les amendements nos 332, 333 et 334, repoussés par la commission et le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

(L’article 6, amendé, est adopté.)

Après l’article 4 (amendements appelés par priorité)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 501, 247, 820, 294, 276, 580 rectifié, 577 et 578, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 294 et 276 sont identiques.

La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n501.

M. Nicolas Sansu. Il devient récurrent, puisque nous en avions parlé en février 2015 à propos de la loi Macron, puis il y a quelques mois en examinant une proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Il revient donc en discussion.

Il s’agit de taxer les actions gratuites. Pourquoi ? Parce qu’elles sont devenues un élément de rémunération considérable dans les grandes entreprises.

Alors, je sais bien qu’on va nous opposer, comme toujours, le cas des start-up, qui doivent distribuer des actions gratuites pour attirer de jeunes talents, ceux-ci ne pouvant pas toujours être payés autrement. Je pense que ce dispositif pourrait être une solution dans ce cas précis, mais le système a été complètement dévoyé et il sert aujourd’hui à rémunérer les hauts dirigeants. Une étude de Proxinvest, que vous connaissez certainement, montre qu’en quelques années, la rémunération moyenne des présidents exécutifs des sociétés du CAC 40, qui était auparavant en partie composée de stock-options – qui, elles, sont soumises à l’impôt – et en partie fixe, est désormais majoritairement composée de part variable : 70 % de la rémunération des patrons du CAC 40 est en part variable, à peine 30 % en part fixe, et 30 % de la part variable consiste en des actions gratuites. Rappelez-vous le scandale Carlos Ghosn, qui a fait que le sujet s’est à nouveau invité dans l’hémicycle, il y a quelques mois !

Notre amendement vise donc à revenir sur une disposition de la loi « Macron », qui, sous couvert d’aider les jeunes dirigeants de start-up, permet en fait aux entreprises du CAC 40 de rémunérer grassement leurs hauts dirigeants.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n247.

M. Pascal Cherki. Dans la continuité de ce que vient de dire notre collègue Sansu, je signale qu’il s’agit d’une des dispositions les plus discutées du projet de loi présenté par le sémillant ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron. Maintenant que celui-ci n’est plus ministre, j’espère que nos collègues de la majorité reviendront à une approche beaucoup plus raisonnée de la question et qu’ils se rendront compte de la gravité du symbole que constitue cette disposition.

Pour mémoire, je rappelle qu’il y eut dans les années 2000 une discussion pour savoir s’il valait mieux augmenter les salaires, baisser les impôts – c’est ce qu’avait dit le ministre de l’économie de l’époque – ou distribuer des stocks-options, comme le soutenait un précédent ministre de l’économie. On a vu le résultat en 2002 : la gauche a brillamment disparu au premier tour de la présidentielle !

Dans ce pays, les gens ont de la mémoire. C’est pourquoi je pense que quand on est de gauche – et moi, je suis de gauche,…

M. Michel Sapin, ministre. Vous n’êtes pas le seul à l’être !

M. Pascal Cherki. …et je n’ai pas la gauche honteuse ! –, quand on est de gauche, disais-je, quand on veut que les gens aient un meilleur niveau de vie, eh bien, on augmente les rémunérations, les salaires, et l’on ne distribue pas des actions gratuites !

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement n820.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage un certain nombre des observations qui ont été faites, notamment que les dispositions qui ont été votées peuvent donner lieu à ce que l’on pourrait appeler des « excès » – d’aucuns diraient des « abus ». Par conséquent, nous vous proposons, par cet amendement, de prendre les dispositions suivantes.

Premièrement, ne pas changer les règles concernant les entreprises de moins de 250 salariés, afin de préserver un environnement favorable à leur développement ; il s’agit souvent d’entreprises jeunes, qui ne peuvent pas verser facilement des salaires ou des dividendes, et qui rémunèrent leurs salariés sous la forme d’actions gratuites, en misant sur l’avenir et les plus-values.

Deuxièmement, dans les entreprises d’au moins 250 salariés, nous proposons de revenir à un taux de 30 % pour la contribution patronale sur les actions attribuées aux mandataires sociaux, car on a pu observer un certain nombre d’excès dans ce domaine, mais de laisser le taux à 20 % pour les actions attribuées aux salariés, sauf si, dans ces mêmes entreprises de 250 salariés au moins, les actions attribuées aux mandataires sociaux représentent plus de 10 % de la valeur totale des actions distribuées, auquel cas on maintiendrait la contribution de 30 % sur l’ensemble des actions distribuées. Il me semble que le dispositif retenu est plutôt équilibré ; il permet d’éviter les excès et répond aux préoccupations émises par un certain nombre de parlementaires – sur différents bancs de cette assemblée, d’ailleurs.

Je rappelle également que, pour les entreprises qui n’ont pas distribué de dividendes pendant au moins cinq années, il existe une exonération totale. Cela n’est pas changé par le texte de l’amendement – cette disposition est d’ailleurs bien antérieure. J’ajoute, pour que l’information du Parlement soit complète, que nous envisageons, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, de revenir, pour ce qui est du calendrier du versement de la contribution sur les actions gratuites, à la situation antérieure, c’est-à-dire que le versement aura lieu au moment de l’attribution du droit, et non plus au moment de son exercice, comme c’était devenu récemment le cas. Cela, disons-le clairement, permettrait d’assurer un rendement supérieur au dispositif, car on s’est aperçu que les plans d’attribution étaient souvent dans un premier temps dénoncés, puis reconduits à l’identique ou presque, de façon à bénéficier du décalage de versement de la contribution sociale ; cela a provoqué un effondrement des recettes de la sécurité sociale. Il s’agit d’une disposition que nous proposerons dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et non dans le projet de loi de finances, mais il était bon, je crois, que le Parlement en soit informé.

Le Gouvernement émettra donc, au bénéfice du présent amendement, un avis défavorable sur les amendements concurrents. Certains vont dans un sens, d’autres dans le sens opposé ; il y a des amendements identiques sinon identiques à celui-ci, du moins qui répondent aux mêmes préoccupations. Je pense que notre amendement est susceptible de rallier l’ensemble du Parlement.

M. le président. D’autres amendements sont en discussion commune.

La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir les amendements identiques nos 294 et 276.

M. Romain Colas. Je partage tout à fait l’objectif énoncé par le secrétaire d’État au début de son intervention, quand il a présenté l’amendement du Gouvernement. Le régime favorable, fiscal et social, relatif aux distributions d’actions gratuites a du sens pour les petites et moyennes entreprises qui n’ont pas les reins assez solides pour distribuer des salaires à la hauteur des prétentions de celles et ceux qu’elles doivent recruter pour faire face à la concurrence – car nous sommes dans un marché concurrentiel. Là, la distribution d’actions gratuites, avec un intéressement au développement de la société, a vraiment du sens. Et puisque ces entreprises n’ont pas assez de cash pour distribuer des salaires à hauteur suffisante, elles n’ont bien entendu pas assez de cash pour distribuer des dividendes ; dans ce cas, le dispositif prend donc tout son sens, et je le soutiens totalement.

Ce que notre commission des finances a considéré, c’est qu’il existait des effets de bord, des abus liés à la disposition telle qu’elle est inscrite dans la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques et que cette niche sociale et fiscale avait été largement utilisée, au-delà des objectifs que nous pourrions partager. Nous avons donc adopté en commission un amendement qui tend, pour l’ensemble des entreprises à l’exception des PME qui n’auraient jamais distribué de dividendes, à restaurer pour la distribution d’actions gratuites le régime social antérieur à la loi « Macron », mais sans pour autant traiter le régime fiscal. C’est la raison pour laquelle notre rapporteure générale nous a suggéré, au moment de l’adoption de cet amendement, de revenir dessus en séance, afin de traiter aussi le volet fiscal. Tel est le sens de l’amendement qu’elle a déposé.

J’ai la prétention de penser que l’esprit de l’amendement que nous avons adopté en commission des finances, complété utilement par celui de la rapporteure générale, est plus conforme à l’objectif que nous pouvons collectivement nous assigner, c’est-à-dire faire en sorte que le dispositif favorise le développement des sociétés, et en aucun cas qu’il fasse échapper au régime social et fiscal de droit commun des éléments de rémunération de sociétés qui ne répondraient pas aux critères évoqués, à savoir les start-up – puisqu’il est communément admis de les appeler ainsi.

Quel sens est-ce que je donne à cette mesure ? Notre assemblée – et cela, vu la situation de l’emploi et des finances publiques, avait du sens au point de vue économique et budgétaire – a voté la refiscalisation des heures supplémentaires ; je ne comprendrais pas qu’ayant voté cette mesure, nous maintenions une niche sociale et fiscale pour des cadres, des dirigeants d’entreprises qui ne relèvent pas du type de sociétés que nous visons.

M. le président. Cela signifie-t-il que vous maintenez les deux amendements, monsieur Colas ?

M. Romain Colas. Non, monsieur le président : je retire les amendements n294 et 276 au profit de l’amendement n580.

(L’amendement n276 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement n580 rectifié.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Pardonnez-moi, mais, en réalité, les choses ne se sont pas passées tout à fait comme ça. La commission des finances avait adopté l’amendement n294, mais il avait été dit que nous le sous-amenderions pour la séance. Comme il était nécessaire, pour que les choses fonctionnent bien, de faire non pas un, mais six sous-amendements, et que cela semblait compliqué, nous avons décidé de tout réécrire. L’amendement n580 rectifié reprend donc l’amendement que vient de présenter notre collègue Colas, mais dans l’esprit de ce que nous avions décidé en commission des finances.

Dans le régime des attributions gratuites, il y a deux choses : ce qui concerne l’entreprise et ce qui concerne le bénéficiaire des actions gratuites. S’agissant de l’entreprise, il avait été prévu un taux de cotisation patronale extrêmement avantageux. Quant au bénéficiaire, il recevait une action qu’il ne payait pas ; si elle valait mettons dix, cela faisait un revenu de dix, et il était prévu qu’il relève du régime des plus-values mobilières, plus avantageux que le régime de barémisation. Voilà ce que souhaitait corriger l’amendement de la commission des finances. Il proposait que, pour les PME qui ne distribuent pas de dividendes, on ne change rien, on conserve tous ces avantages ; c’était ce que prévoyait la loi « Macron » : on crée une entreprise, on n’a pas d’argent pour se payer, on attend donc que l’entreprise soit en mesure de générer de la richesse pour pouvoir récupérer, au bout de cinq, six ou sept ans, le bénéfice de l’investissement – sachant que, bien souvent, les dirigeants ne peuvent pas se verser de salaire. En revanche, il a été considéré que pour les grandes entreprises, cet avantage n’était pas nécessaire.

L’amendement que j’ai déposé, mais qui est en réalité celui de la commission des finances, est très différent du vôtre, monsieur le ministre, puisqu’il porte sur le volet fiscal. Or l’amendement du Gouvernement, bien que portant sur le projet de loi de finances, n’en traite pas du tout. Serait-ce un « cavalier » ? Je n’ose le penser ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Il est néanmoins incontestable qu’il ne s’intéresse qu’au seul volet social, c’est-à-dire qu’il devrait plutôt relever du projet de loi de financement de la sécurité sociale…

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Je vais prendre un exemple très simple. Supposons que vous fassiez partie d’un grand groupe, que vous receviez 5 millions d’euros en actions gratuites…

Mme Karine Berger. Un grand groupe automobile ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. ...et que vous soyez assujetti à l’impôt sur le revenu au taux de 45 %. Si l’on prend aussi en considération les prélèvements sociaux, cela fait un taux d’imposition de 53,5 %. Avec ce que vous proposez, monsieur le ministre, on arriverait à un taux compris entre 31,25 % et 22 %, soit une différence de 1 à 1,3 million d’euros entre ce que nous, nous proposons, et ce que vous, vous proposez.

L’amendement du Gouvernement n’est donc pas conforme à ce qui avait été décidé en commission des finances. Comme il a été déposé tout à l’heure, la commission n’a pas pu l’examiner, mais si je m’en réfère à ce qui a été adopté par notre commission, je devrais émettre un avis défavorable sur lui et maintenir le mien.

M. Michel Vergnier. Très bien !

M. le président. Pour que les choses soient bien claires, madame la rapporteure générale : ce que vous avez dit au sujet de l’amendement n580 rectifié vaut retrait de l’amendement n294 qui était présenté non seulement par M. Colas, mais aussi par vous, au nom de la commission des finances ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Tout à fait, monsieur le président.

(L’amendement n294 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir les amendements n577 et 578, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’amendement n577 tend à limiter à environ 150 000 euros, soit quatre fois le plafond annuel de la Sécurité sociale, la part des actions gratuites bénéficiant de l’avantage fiscal. Cela permettrait de fixer un seuil financier, qui s’appliquerait aussi à des typologies d’entreprise.

Au-delà de ce seuil, un abondement équivalent serait opéré par le bénéficiaire, afin que la prise de risque soit partagée : c’est l’objet de l’amendement n578.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable, sauf bien entendu sur l’amendement n580.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je veux revenir sur les orientations fort bien exposées par Christian Eckert. Le dispositif global des attributions gratuites d’actions – AGA – a été débattu – et parfois critiqué lors de sa mise en œuvre – dans le cadre du projet de loi pour la croissance et l’activité.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La loi Macron : on peut l’appeler par son nom !

M. Michel Sapin, ministre. Les textes qui portent le nom de leur auteur sont, il est vrai, peu nombreux : gardons-leur cette spécificité. (Sourires et exclamations sur de nombreux bancs.)

Le projet de loi pour la croissance et l’activité, disais-je, a été adopté à l’été 2015,…

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Grâce au 49-3 !

M. Michel Sapin, ministre. …et les dispositions dont nous parlons ont pu être mises en œuvre par les assemblées générales à partir du printemps 2016. Autrement dit, ces dispositions nouvelles ne sont applicables que depuis quelques mois.

M. Charles de Courson. Pensons à la stabilité fiscale !

M. Michel Sapin, ministre. Remettre en cause, fût-ce pour de bonnes raisons – y compris celles avancées lors de la mise en œuvre –, un dispositif qui n’a que quelques mois d’existence ne me paraît pas de bonne méthode,…

M. Lionel Tardy. Tout à fait !

M. Michel Sapin, ministre. …d’autant que nous n’en connaissons pas exactement les effets, en l’absence d’éléments statistiques.

C’est pourquoi le Gouvernement vous propose, tout d’abord, d’en rester à la stabilité.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. Michel Sapin, ministre. Deuxièmement, nous avons le sentiment, les uns et les autres, que des abus sont possibles : l’exemple de telle ou telle entreprise l’illustre. Le Gouvernement vous propose donc un dispositif anti-abus, que M. le secrétaire d’État vous a exposé. La stabilité serait donc maintenue, moyennant des mécanismes permettant d’éviter les principaux risques, sur lesquels nous remontent peut-être des informations…

Le premier abus est qu’une entreprise puisse verser les AGA principalement aux mandataires sociaux : ce n’est pas, dans notre esprit, le but essentiel du dispositif, destiné aux salariés dont la rémunération ne pourrait être équivalente par le seul salaire, compte tenu de la situation de l’entreprise. Le Gouvernement vous propose une mesure contre un tel abus : elle viserait toute entreprise qui verserait plus de 10 % des AGA aux mandataires sociaux.

Le second volet, par lequel j’aurais dû commencer – et que Christian Eckert avait donc eu raison de vous présenter en premier –, vise à dissuader les grandes entreprises d’utiliser le dispositif à des fins abusives de rémunération des mandataires sociaux en portant le taux de cotisation patronale sur les actions qui leur sont attribuées de 20 à 30 %.

Tel est le double mécanisme anti-abus que nous vous proposons. Il obéit à une double logique, s’agissant d’une disposition récente, débattue, à l’époque…

M. Nicolas Sansu. Et le 49-3 ?

M. Michel Sapin, ministre. Débattue au bon sens du terme, monsieur Sansu : à l’époque, des arguments pour et contre avaient été échangés. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Elle fut donc débattue, disais-je, avant d’être votée et appliquée. La stabilité de la loi fiscale me semble être la moindre des choses : changer les règles au bout de quelques mois, je le répète, n’est pas de bonne méthode. Cela ne nous empêche pas de concevoir des mesures anti-abus – puisque des abus sont possibles – très efficaces : c’est ce que vous propose le Gouvernement.

Cette proposition, qui me semble tout à fait équilibrée, tient compte des préoccupations que vous avez exprimées quant à un usage anormal du dispositif, qui peut par ailleurs s’avérer très utile pour un certain nombre d’entreprises, notamment petites et moyennes.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Nous sommes d’accord là-dessus !

M. Michel Sapin, ministre. Pensez aux start-up, dont on loue tant les vertus : pour elles, le principal mécanisme de rémunération est précisément l’action gratuite, puisqu’il n’est pas toujours possible de verser des salaires. Veillez à ne pas envoyer un signal négatif à ces entreprises que nous voulons voir prospérer en France. (Protestations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Avis défavorable, donc, sur tous les amendements autres que le n820.

M. le président. La parole est à M. Christophe Castaner.

M. Christophe Castaner. Je ne reviendrai pas sur la phobie des entreprises du CAC 40. Mais quand même : on le sait, nos entreprises souffrent essentiellement de deux maux, l’instabilité normative et l’instabilité fiscale. Nous parlons d’une mesure au sujet de laquelle personne, pas même le ministre, ne peut fournir de chiffres précis quant au nombre d’entreprises concernées et au volume d’actions distribuées. Les seuls chiffres disponibles, à ce jour, sont ceux de l’ACOSS, l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale, le réseau national des unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales, les URSSAF. Selon ces chiffres, pour la dernière année de référence disponible,…

M. Jean-Marc Germain. C’est-à-dire ?

M. Christophe Castaner. …68 % des actions gratuites distribuées l’ont été par des entreprises de moins de 500 salariés, et 80 % par des entreprises de moins de 2 000 salariés. Telle est la réalité. On peut se faire plaisir en fantasmant sur les entreprises du CAC 40 mais, de toute évidence, elles ne sont pas les premières concernées.

L’actionnariat salarié est un outil essentiel pour attirer les jeunes talents dans les entreprises innovantes : c’est de cela que nous parlons, et c’est l’enjeu du dispositif.

Qu’on ne vienne pas nous dire qu’il permettrait aux entreprises d’échapper au régime de droit commun en matière fiscale : le taux marginal appliqué à une AGA passera à 42 % à condition qu’elle soit gardée pendant au moins huit ans par son bénéficiaire. Telle est, là encore, la réalité. Il ne s’agit donc pas de permettre à qui que ce soit d’échapper à la fiscalité, mais de permettre à des entreprises de recruter les meilleurs cadres et de les conserver dans la durée. Le reste, je le dis au risque de paraître brutal, c’est du bla-bla.

On nous propose de détricoter un dispositif sur lequel, je le répète, nous ne disposons d’aucune information et d’aucune évaluation.

M. Lionel Tardy. Tout à fait !

M. Christophe Castaner. Il s’agit donc de postures ; postures que nous avions déjà observées après qu’eurent circulé certains chiffres. Je me souviens même d’un article expliquant que le dispositif coûterait plus cher que la totalité des sommes distribuées.

Si nous devons nous garder de toute précipitation, il est nécessaire, en revanche, de « border » le dispositif contre les risques d’abus, puisqu’il en contient comme tout autre. Le Gouvernement nous fait une proposition en ce sens, même si, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas toujours en renforçant la fiscalité d’un dispositif que l’on améliore son rendement.

M. le président. Merci, monsieur Castaner.

M. Christophe Castaner. L’épargne salariale, visée par des mesures d’éviction, s’est ainsi effondrée suite à l’application, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, d’un taux de 20 %.

M. Charles de Courson. Un taux confiscatoire !

M. le président. Merci…

M. Christophe Castaner. Résultat : la citoyenneté dans l’entreprise s’est trouvée menacée par une fiscalité devenue castratrice. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Nicolas Sansu. Oh !

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le sujet est d’importance, les mesures visées par les amendements nos 294 et suivants ayant déjà été proposées en première lecture de la loi Sapin 2. Leur adoption, mes chers collègues, n’est pas plus souhaitable aujourd’hui qu’hier : elles visent à tuer les AGA, et seraient totalement contre-productives.

La loi Macron, dans son article 135, a introduit un mécanisme de distribution qui a à peine une année d’existence. Comme vient de le souligner notre collègue de la majorité, l’encre étant à peine sèche, nous n’avons pas de recul sur le mécanisme. Pourtant ces amendements, soit parce qu’ils alourdiraient le taux de la contribution patronale, soit parce qu’ils rendraient le dispositif moins avantageux, videraient les AGA de leur sens.

L’instabilité fiscale, je le répète, est dangereuse pour nos entreprises. Ces amendements ont sans doute été rédigés sous le coup de l’émotion, pour toucher les sociétés du CAC 40. Or, on l’a dit, de nombreuses start-up, bel et bien françaises, distribuent des actions gratuites à leurs salariés. C’est, pour elles, une façon de faire participer les salariés à leur réussite.

À moins de créer de l’insécurité juridique et fiscale dans un écosystème qui en souffre déjà dangereusement, je ne vois pas l’intérêt de ces amendements. Surtout, les dirigeants de start-up ont rarement recours aux AGA car, en étant souvent les fondateurs, ils en sont déjà actionnaires aussi. Bref, ces amendements feraient des victimes collatérales, et ils seraient totalement contre-productifs face à la politique en cours, qui met notamment en avant la « French Tech ».

Limiter l’avantage aux petites entreprises n’aurait pas plus de sens, car certaines entreprises françaises du numérique qui ont réussi comptent désormais plusieurs centaines de salariés : au nom de quoi limiterait-on leur distribution d’actions ? Pour « punir » quelques-uns, vous pénaliserez un système qui fonctionne et qui rencontre un réel succès chez les salariés.

Bref, il convient de rejeter ces amendements. Je rappelle que, lors de l’examen du projet de loi Sapin 2, avant l’été, le Gouvernement avait exprimé une position défavorable sur les mesures qu’ils contiennent.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces amendements, notamment celui adopté en commission, m’ont profondément déstabilisée. Si peu de temps après avoir mis en œuvre la loi annoncée comme celle du siècle, ou à tout le moins du quinquennat – je veux parler de la loi pour la croissance et l’activité –, l’exercice était peu compréhensible.

L’adoption de vos amendements, chers collègues de la majorité, risquerait de priver les entreprises françaises, en particulier les jeunes entreprises innovantes, les start-up, de leurs seuls outils d’intéressement à la performance ou à la création de valeur. L’AGA est la seule possibilité, pour ces jeunes entreprises, de rémunérer leurs équipes.

S’ils étaient adoptés en l’état, ces amendements empêcheraient les salariés de bénéficier des fruits de la croissance de leur entreprise, comme ils priveraient celle-ci d’un outil de politique managériale efficace. De fait, on peut gérer une entreprise grâce à un plan d’AGA. Enfin, un signal très négatif serait envoyé sur l’attractivité de la France.

Ces amendements remettraient aussi profondément en cause le modèle de l’actionnariat salarié en France, et ils pénaliseraient en premier lieu les salariés qui bénéficient des plans d’AGA. Vous ne voyez que les cadres dirigeants, oubliant l’ensemble des bénéficiaires salariés, qui seraient les premiers pénalisés, quels que soient leurs revenus.

Or, d’après une étude d’Altedia pour la FAS, la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés, près d’une entreprise sur deux a mené une opération en 2015 et/ou en 2016, ce qui révèle une hausse des offres faites aux salariés depuis deux ans. Celles-ci sont donc aussi une façon de compenser une perte de pouvoir d’achat.

Soyons très prudents en ce domaine : gardons-nous de toute stigmatisation en imaginant que seuls le CAC 40, les grandes entreprises et les dirigeants bénéficient des actions gratuites.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Trotski prêchait la Révolution permanente ; ce gouvernement, lui, pratique l’instabilité fiscale permanente, comme on l’a rappelé. On peut approuver ou non ce qui a été précédemment voté, mais si vous voulez faire du trotskisme en matière fiscale, mes chers collègues, vous le paierez cher.

Deuxième observation : l’amendement du Gouvernement constitue, dans ses deux composantes, une rupture du principe constitutionnel d’égalité. La majoration de 20 à 30 % du taux de cotisation applicable aux actions gratuites attribuées aux mandataires sociaux dans les entreprises de plus de 250 salariés pose en effet problème, de ce point de vue, au regard de l’organisation juridique des groupes. La mesure ne s’appliquerait pas à un groupe décentralisé détenteur d’entreprises de moins de 250 salariés, mais elle s’appliquerait bel et bien, en revanche, à un groupe concentré. Or les actions gratuites sont souvent émises pour l’ensemble du groupe, et pas seulement pour sa tête. Je ne vois donc pas comment la mesure tiendrait au regard du principe constitutionnel d’égalité.

Quant à l’application d’une majoration de 10 % – le taux passant de 20 à 30 % – si le montant des actions gratuites attribuées aux mandataires sociaux excède 10 % de la valeur totale de ces actions, elle serait totalement discriminatoire à l’égard des PME. Dans un groupe comme La Poste, le seuil de 10 % ne serait bien entendu jamais atteint. Comment voulez-vous que, dans un groupe de 250 000 salariés, les quelques mandataires sociaux se voient verser 10 % des actions gratuites ? C’est impossible.

En revanche, dans une petite entreprise de trente ou quarante salariés, le seuil des 10 % sera tout de suite atteint ! Là encore, votre deuxième règle induit une rupture d’égalité.

Mes chers collègues, on peut être pour ou contre, aimer Emmanuel Macron ou non, le débat n’est pas là. Une majorité a voté en faveur de cette mesure il y a à peine six mois : ne bougeons plus (« 49-3 !» sur plusieurs bancs.) ! Rien n’est encore mis en œuvre que déjà l’on veut apporter deux modifications dont la conformité à la Constitution est douteuse. Comme d’habitude, l’opposition saisira le Conseil constitutionnel et je ne donne pas cher de l’amendement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki. J’invite chaque collègue à respecter son temps de parole cas je me suis déjà montré très généreux dans le nombre d’inscrits.

M. Pascal Cherki. La loi n’a malheureusement pas été votée puisque le 49-3 a été déposé.

M. Jean-Louis Gagnaire. Mais non….

M. Pascal Cherki. L’amendement a peut-être été débattu et voté, mais pas le texte de loi qui a été adopté sans vote. Peu importe, je ne reviendrai pas sur la loi Macron ni sur le recours abusif au 49-3.

Je retire mon amendement au profit de celui de Mme la rapporteure générale. Ce dispositif ne m’a jamais convaincu, et je l’avais d’ailleurs combattu lors de l’examen du projet de loi Macron. Il me paraît complètement étranger à la philosophie de la gauche, je vous le dis sincèrement. Il faut savoir parfois défendre ses principes, car à force d’avancer sans boussole, on ne sait plus où l’on va.

J’ai bien compris l’argument de notre collègue, Romain Colas, qui correspond à une réalité. Un certain nombre d’entreprises, en particulier des start-up, privées de la possibilité de rémunérer, se servent de l’opportunité offerte par les actions pour verser une forme de salaire. Mais cela ne vaut qu’au moment de la naissance de l’entreprise. Quand elle compte 250 salariés, la situation est largement différente, ne mélangeons pas tout !

Nous devons faire un compromis et celui proposé par Mme la rapporteure générale, même s’il n’est pas celui que j’aurais choisi, a le mérite d’embrasser l’ensemble des questions, y compris celles d’ordre fiscal.

Je sais bien que certains, ici, font l’apologie de la philosophie actionnariale d’Emmanuel Macron, ce qui est leur droit, mais ce n’est pas la mienne, et je suis d’accord avec la proposition de Mme la rapporteure générale.

(L’amendement n247 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je voudrais simplement rétablir quelques vérités. Personne n’interdit de distribuer des actions gratuites, comme je l’ai entendu. Il s’agit simplement de rétablir une fiscalité qui existait jusqu’à fin 2015, rien de plus.

Mme Marie-Christine Dalloz. Août 2015 !

M. Nicolas Sansu. Aucune interdiction n’est posée, et ce qui était permis avant l’est encore aujourd’hui.

Par ailleurs, je citerai un article qui devrait plaire à nos amis de l’opposition, extrait du Figaro, en date du 9 mai 2016. Jean-Charles Simon, président de Facta média, y explique que pour une distribution d’actions d’un million d’euros – cela concerne davantage Carlos Ghosn que les start-up –, la nouvelle fiscalité fera économiser en moyenne environ 200 000 euros de prélèvements obligatoires aux bénéficiaires et 150 000 euros à l’entreprise. Ce n’est pas moi qui l’invente, ni l’Humanité qui l’écrit : c’est dans Le Figaro ! Je voulais le rappeler à mes collègues de l’opposition.

M. Pascal Cherki. Bravo !

M. Nicolas Sansu. Enfin, je suis d’accord avec M. Cherki. Notre proposition était sensiblement différente, avec un taux augmenté, mais il est bien évident que je me rallierai à l’amendement de Mme la rapporteure.

M. Pascal Cherki. Voici un amendement qui rassemble la gauche !

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Ce débat mérite d’avoir lieu et nous devrions peut-être en revenir à quelques idées simples.

Les actions gratuites sont extrêmement efficaces, pertinentes et adaptées aux petites entreprises qui se créent et n’ont pas les moyens de payer des salaires élevés, ce qu’elles compensent, d’une certaine façon, par des revenus futurs sur le succès de l’entreprise. Le principe des actions gratuites devrait être réservé à ce cas de figure. Malheureusement, elles ont été utilisées et dévoyées par de grandes entreprises qui auraient les moyens de verser des salaires mais qui préfèrent verser des actions gratuites, qui ne sont pas imposées comme les salaires.

L’amendement de Mme la rapporteure générale, voté par la commission, opère cette distinction. Tout en préservant l’efficacité des actions gratuites pour les PME et les petites entreprises qui en ont besoin, il tend à fiscaliser comme des salaires les actions qui seraient en réalité des salaires déguisés.

M. Pascal Cherki. Bravo !

M. Pierre-Alain Muet. Cet amendement conjugue à la fois la justice fiscale et l’efficacité économique.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Le débat sur les attributions gratuites d’actions dure depuis 2015 dans cet hémicycle. Nous en avons adopté le principe au moment du vote de l’article concerné dans le projet de loi Macron. Rappelons également qu’à deux reprises, cette Assemblée a rejeté la suppression de ce dispositif – en projet de loi de finances rectificatives pour 2015 et en projet de loi de finances pour 2016.

Sauf à revenir sur trois votes dans cet hémicycle, nous devons rejeter les amendements de suppression.

M. Pascal Cherki. Ils sont retirés !

M. Dominique Lefebvre. Le groupe socialiste, in fine, se demande s’il faut s’en tenir au dispositif existant ou le modifier. Bruno Le Roux et moi-même en avons longuement discuté avec Michel Sapin et Christian Eckert. En l’état, leur avons-nous dit, nonobstant l’absence de visibilité et de recul, il apparaissait d’ores et déjà nécessaire de limiter les abus les plus manifestes. Cela ne signifie pas qu’il ne faudra pas, plus tard, lorsque nous aurons plus de recul, aller plus loin si nécessaire.

M. Charles de Courson. Quels abus ?

M. Dominique Lefebvre. Pour cette raison, parmi les propositions nées du dialogue entre le Gouvernement et le groupe, celle consistant à limiter les avantages du dispositif pour les mandataires sociaux, qu’il s’agisse du pourcentage des attributions gratuites d’actions ou du renforcement de leur coût, va dans le bon sens, mais comme vous nous aviez indiqué que nous pourrions, dans le PLFSS, passer du paiement au moment de l’acquisition au paiement lors de l’attribution, je pense qu’il faut revenir sur cette disposition. M. Eckert l’a rappelé, les entreprises qui n’ont pas distribué de dividendes depuis cinq ans, ce qui est forcément le cas de toutes les start-up, seront dans cette situation et ne rencontreront pas de problème de trésorerie, qui de toute façon ne consiste qu’en un décalage d’un an.

Nous préférons ce dispositif à un amendement voté en commission des finances, sur lequel j’avais d’ailleurs émis les plus grandes réserves car cet amendement, qui va très loin, remet en cause le dispositif. Nous délivrerions un message d’instabilité, ce qui n’est pas bon dans le contexte actuel d’attractivité de la France. Ce n’est pas le moment !

Dans deux ou trois ans, nous aurons davantage de recul et nous pourrons y réfléchir à nouveau, en particulier avec des personnes qui y sont aujourd’hui opposées – je pense à la discussion que j’ai eue avec Mme Axelle Lemaire. À y regarder de près, on réalise que cette disposition a été saisie par des entreprises qui avaient des problèmes de rémunération mais voulaient attirer les jeunes diplômés et qualifiés. Alors que l’amendement gouvernemental ne va pas assez loin, celui de la commission des finances pourrait être excessif.

M. le président. Merci de conclure.

M. Dominique Lefebvre. Le groupe socialiste soutiendra votre amendement, monsieur le secrétaire d’État.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons eu un débat de fond. Je reviens simplement sur deux points techniques, et sans doute aussi juridiques.

Madame la rapporteure générale, nous partageons le souci de la précision. Vous prétendez que notre amendement est un cavalier parce qu’il s’agirait de contributions sociales, qui n’auraient donc pas leur place en PLF. Rappelons que les contributions sociales sont des impositions de toute nature et que les exemples, nombreux, peuvent être traités en PLF. Cette question ne se pose donc pas.

Pardonnez-moi de vous le dire ainsi, madame la rapporteure générale, mais votre amendement n’a rien à faire en première partie. Il aurait dû se trouver en deuxième partie puisqu’il n’a aucun impact en 2017 tout simplement parce que les dispositions ont prévu qu’un délai d’un an était nécessaire entre l’attribution du droit et l’exercice de ce droit, puis un délai minimal d’un an entre l’acquisition de l’action et sa revente. En termes calendaires, il n’est pas possible que ce type de disposition ait un impact en 2017.

Excusez-moi pour cette réponse du berger à la bergère.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Notre amendement n’est pas un cavalier. En revanche, le vôtre, madame la rapporteure générale, n’a rien à faire en première partie.

Je répondrai par ailleurs à M. Castaner, qui faisait référence à des données de l’ACOSS. Pour les mêmes raisons que je viens d’indiquer, puisque le paiement des droits n’a plus lieu qu’au moment de l’exercice du droit, l’ACOSS ne dispose d’aucune statistique sur le sujet dont nous parlons. En revanche, une est importante. La Sécurité sociale encaissait pour environ 300 millions de droits avant la loi croissance. Depuis la loi croissance, elle n’encaisse plus rien du tout, du fait du décalage temporel que j’ai évoqué.

M. Pascal Cherki. Eh oui !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. C’est pourquoi nous souhaitons revenir sur le moment de l’encaissement, et nous proposerons une mesure en ce sens au PLF.

Bien évidemment, on pourrait reprocher au Gouvernement de proposer un amendement qui n’a pas d’impact en 2017, mais ce serait oublier que, dès lors que le Gouvernement, sans porter de jugement sur la décision du président de la commission des finances de déclarer recevable un amendement, se retrouve face à un amendement de première partie, il se doit de répondre de la même manière pour tenter d’aboutir à un consensus.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas la même lecture que vous. La loi Macron est entrée en vigueur en août 2015. Deux ans après, nous voici en août 2017.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Donc impact sur l’impôt en 2018.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Certes mais le déclenchement a lieu en 2017. C’est un impôt sur le revenu, nous n’en sommes pas encore au prélèvement à la source. Comme le vôtre, il n’a pas d’impact budgétaire en 2017, mais le déclenchement a lieu en août 2017. Ce qui explique la place de cet amendement.

Je ne faisais que répondre au secrétaire d’État.

M. le président. Sur le vote de l’amendement n580, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je rappelle à tous ceux qui suivent nos débats, que cet amendement n’a pas d’impact budgétaire en 2017. C’est pourquoi le Gouvernement considère qu’il n’avait rien à faire en première partie. Si le Gouvernement a déposé un amendement, lui aussi, en première partie, c’est pour répondre à cet amendement, déclaré recevable alors qu’il n’aurait sans doute pas dû l’être.

M. le président. Nous allons procéder au vote. Rappelons que les amendements de suppression ont été retirés, mais que celui de M. Sansu est maintenu.

(Les amendements no501 et 820, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n580 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants59
Nombre de suffrages exprimés59
Majorité absolue30
Pour l’adoption32
contre27

(L’amendement n580 rectifié est adopté et les amendements nos 577 et 578 tombent.)

Après l’article 11 (amendements appelés par priorité)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 280, 159, 639, 83, 229, 251, 263, 515, 664, 675 et 781, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 159 et 639 sont identiques.

Les amendements nos 83, 229, 251, 263, 515, 664, 675 et 781 sont identiques.

La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement n280.

M. Romain Colas. Il s’agit de la taxe sur les transactions financières et de l’effort budgétaire et financier que consent notre pays pour l’aide publique au développement.

Au terme de longs débats l’an dernier, nous avions adopté le principe d’une taxe sur les transactions financières intrajournalières, avec un double objectif, me semble-t-il : réguler la finance, notamment spéculative, et permettre à notre pays de dégager de nouvelles marges de manœuvre grâce à ce financement innovant pour financer l’aide publique au développement.

Cette taxe devait être mise en œuvre le 31 décembre 2016. Le Conseil constitutionnel a jugé qu’elle était anticonstitutionnelle puisqu’elle n’avait pas d’effet sur l’exercice budgétaire. Par cohérence avec la position que nous avions prise l’an dernier, je présente à nouveau un amendement tendant à créer une taxe sur les transactions financières intrajournalières.

Un grand nombre d’amendements similaires ayant été déposés, je vais tâcher de ne pas être long.

Mon souci, c’est la régulation financière. Cela dit, j’ai entendu le Gouvernement cet après-midi sur l’avancée du débat européen, notamment sur la taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne, la prise en compte éventuelle des transactions intrajournalières et l’accélération du calendrier sur ce sujet.

Mon second souci, c’est l’aide publique au développement. Je dépose donc cet amendement pour connaître les intentions du Gouvernement.

Je pense que la France a un rang à tenir et une responsabilité à l’égard du monde, des pays en voie de développement et des populations en difficulté. C’est d’ailleurs cohérent avec les annonces du Président de la République et le message qu’a porté la France, notamment dans le cadre de la COP21.

J’attends donc de notre débat qu’il nous éclaire sur la façon dont nous pouvons relever le niveau prévu dans ce projet de loi de finances, que ce soit par la taxe sur les transactions financières intrajournalières ou par un abondement de l’aide publique au développement.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n159.

M. Joël Giraud. Il s’agit aussi de la taxe sur les transactions financières et de l’aide au développement qu’elle permet de financer.

Si vous le permettez, je défendrai à la fois l’amendement n159 et l’amendement n158, qui sera appelé ultérieurement.

On peut en effet intervenir sur l’assiette de la taxe sur les transactions financières, en l’élargissant aux transactions intrajournalières, lesquelles sont à l’évidence spéculatives. Mais on se heurte à chaque fois au fait que l’on attend un accord européen – j’ai entendu moi aussi ce que disait le Gouvernement tout à l’heure.

C’est la raison pour laquelle j’ai déposé l’amendement n158, qui, à défaut d’agir sur l’assiette dans l’attente d’un texte européen, tend au moins à augmenter le taux de la taxe, qui est actuellement de 0,2 %.

Je rappelle que c’est la majorité précédente qui avait instauré cette taxe, avec un taux de 0,1 %. Nous l’avions relevé à 0,2 %. Le faire passer à 0,3 % permettrait de répondre à une préoccupation importante, sans pour autant atteindre les taux d’autres pays comme celui de la Grande-Bretagne, qui est de 0,5 %.

Il s’agit là d’une politique nationale et nous n’avons pas besoin d’attendre une régulation européenne.

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement n639.

M. Éric Alauzet. Cet amendement a pour objectif d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières en y intégrant les transactions dites intra-day, ces allers et retours permanents extrêmement rapides, hyperspéculatifs, qui contribuent sans doute à la déstabilisation du système financier international, à un moment où neuf pays de l’Union européenne se sont accordés pour proposer d’élargir la taxe à la quasi-totalité des produits dérivés.

Il y a effectivement deux objectifs, mais je ne crois pas que ce soit contradictoire ou que cela en affaiblisse l’un des deux : avoir des recettes supplémentaires pour financer l’aide au développement et limiter ces transactions déstabilisatrices. Si on les supprimait, on aiderait les pays en développement, qui sont souvent les plus pénalisés par ces transactions un peu folles.

Nous avions adopté ce dispositif l’année dernière mais il a été annulé par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme et de date. Nous devrions confirmer la décision que nous avions prise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement n83.

M. Jean-Marie Tétart. Mes collègues ont montré qu’ils avaient conscience de la forte dégradation de l’aide publique française au développement depuis 2012 alors que les enjeux mondiaux, la situation actuelle auraient plutôt mérité que non seulement on maintienne le niveau mais qu’on l’augmente et que la part des dons soit importante.

La mission concernant l’aide publique au développement a baissé de 700 millions depuis 2011. Ce n’est pas rien, et, si l’on ajoute ce qui a été perdu chaque année, on peut estimer qu’il a été perdu autour de 800 millions.

Pendant ce temps, le taux de l’aide au développement est passé de 0,46 à 0,37 %. C’est une vraie catastrophe, et on n’a jamais vu un tel niveau d’étiage pour les dons.

Je comprends bien que, pour ce dernier budget, le Gouvernement va essayer de nous faire croire qu’il reviendrait au niveau de l’aide de 2012. Ce ne serait pas mal de laisser les choses comme on les a trouvées à l’entrée. Mais au prix de quel artifice ?

On peut jouer sur l’assiette, sur le taux ou sur l’affectation.

Dans le projet, cette année, on a déjà joué sur l’affectation. On a mis 500 millions sur le FSD. L’an dernier, nous avions obtenu 250 millions pour l’AFD et 250 millions sur le FSD, ce qui veut dire qu’on ne change rien. On a ajouté 130 millions sur les missions d’aide publique.

Nous sommes loin du compte et il va donc bien falloir nous dire comment non seulement retrouver le niveau de 2012 mais aussi opérer un rattrapage pour retrouver la trajectoire que nous n’avons pas eue en descendant à 0,36 % au lieu d’être peut-être aujourd’hui à 0,50 ou 0,55 %. Il faut en effet compenser le manque à gagner pour l’aide au développement.

Je commence à entendre que, par des arrangements de couloir, peut-être sur proposition du Gouvernement, on aurait 0,3 %. Pourquoi pas, mais à condition qu’on ne nous refasse pas le coup de l’an dernier, où, dans les dernières heures du débat budgétaire, le gain que nous avions eu avait été annulé par une diminution, pratiquement non discutée, de la mission relative à l’aide publique au développement, ce qui avait totalement réduit nos espoirs. Je n’aurai donc aucune confiance dans une annonce en ce sens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l’amendement n229.

M. Jean-Pierre Dufau. Mes collègues ont dit l’essentiel. Je voudrais insister sur la baisse régulière et dramatique de l’aide publique au développement depuis 2010, bien avant 2012.

Dès l’an dernier, nous avons stoppé cette baisse et amorcé une légère relance, mais nous sommes loin du compte, je crois que ce constat est partagé ce constat sur tous les bancs de l’Assemblée.

Il faut donc réamorcer la pompe et repartir sur une trajectoire sérieuse pour 2020, 2022, 2025, ne nous faisons pas d’illusions. L’objectif est d’arriver à 0,7 % de notre revenu brut, mais on n’y est pas.

C’est la raison pour laquelle il faut chercher les voies et moyens d’élargir l’assiette, d’augmenter les taux, de le faire de façon progressive, raisonnable et mesurée pour atteindre ces objectifs.

L’an dernier, nous avons voté une taxation des transactions intra-day. Le moyen proposé était donc l’élargissement de l’assiette. Nous serons très attentifs à tous les efforts que le Gouvernement est prêt à faire pour que cesse ce scandale du niveau actuel de l’aide publique au développement, que l’on prenne vraiment le problème à bras-le-corps et que la France soit à la hauteur de son engagement, de sa responsabilité dans ce domaine. J’espère que, dès 2017, nous en aurons des signes tangibles, concrets, qui nous permettront d’être fiers de notre budget.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n251.

M. Pascal Cherki. Je vais dire les choses très clairement parce qu’il faut mettre les pieds dans le plat : un gouvernement, a fortiori de gauche, n’aurait pas dû faire ça. En cinq ans, la part de l’aide publique au développement dans le revenu national brut de notre pays a reculé. Nous étions à 0,46 %. Quand nous étions dans l’opposition, nous fustigions l’inaction du gouvernement de Nicolas Sarkozy, qui ne tenait pas l’engagement de la France d’arriver à 0,7 % du RNB, et nous avions raison,…

M. Philippe Vigier. Et là, ça s’est effondré !

M. Pascal Cherki. …et nous avons réussi l’exploit de faire reculer la part de l’aide publique au développement dans le revenu national brut.

Nous sommes membres du Conseil de sécurité, ce qui signifie que nous faisons partie des cinq pays qui, en dernière analyse, dictent la légalité internationale car nous pouvons toujours nous opposer par notre droit de veto à une résolution quand elle est soumise au Conseil de sécurité.

La France a pris un engagement. La France, ce n’est pas rien. Cet engagement, c’est d’être à 0,7 % du revenu national brut.

Que, pour des raisons politiques, nous souhaitions, nous, majorité de gauche, afficher qu’à la fin du quinquennat de François Hollande, c’est un petit mieux que ce qu’a fait Nicolas Sarkozy, tant mieux, mais ça, c’est le débat entre nous, gauche et droite. Le vrai débat qui nous concerne, c’est le rapport au monde. Serons-nous à 0,7 % du revenu national brut et quand ? Ce doit être le plus rapidement possible et, pour cela, tous les outils sont nécessaires : augmentation du nominal des missions concernant l’aide publique au développement, mission 110 et mission 209, augmentation du taux de la taxe, augmentation de l’assiette de la taxe.

Commençons donc par l’assiette et intégrons les transactions intra-day. Nous l’avons fait l’an dernier. Le Gouvernement n’avait pas de désaccord politique, il nous a juste demandé de reporter la date, ce qui a été jugé inconstitutionnel. Je n’imagine donc pas un seul instant qu’il recule sur cette disposition alors que, l’an dernier, il était d’accord, à moins, bien sûr, de faire sienne l’action remarquable de lobbying de la fédération bancaire française, qui a inspiré un grand nombre d’interventions en commission des finances, ce que je regrette.

Que l’on ne nous dise pas que c’est impossible à faire. Des pays l’ont fait en Europe. Un pays a intégré l’intra-day dans sa taxe, un pays a mis le taux à 0,5 %, un pays est à 0,7 %, et un pays, le cœur de la finance européenne, qui s’appelle la Grande-Bretagne. Ferons-nous moins bien que nos cousins anglais ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez de dire n’importe quoi !

M. Pascal Cherki. Je crains que ce ne soit un très mauvais message. Eux comme nous sont membres du Conseil de sécurité des Nations unies.

M. le président. La parole est à M. Romain Colas, pour soutenir l’amendement n263.

M. Romain Colas. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n515.

M. Nicolas Sansu. C’est un amendement qui a été souvent présenté ici, il me semble que c’est la cinquième fois que je le défends, avec toujours autant de conviction. Il a deux volets, qui me semblent indissociables.

Il s’agit d’abord de réguler la spéculation et je veux tout de même rappeler ce qui a été dit lors de la discussion de tous les projets de loi de finances que nous avons examinés.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, M. Cazeneuve nous répondait : ce que nous pouvons simplement dire, c’est qu’elle représentera plusieurs milliards – il parlait de la taxe –, voire plusieurs dizaines de milliards d’euros de rendement.

Christian Eckert, qui était alors rapporteur général, nous disait : Les choses, je crois, progressent au niveau européen. C’est ce que nous avons entendu ces tout derniers jours. L’avis est donc défavorable même si, sur le principe, j’espère que ces amendements seront bientôt satisfaits par le dispositif en gestation à Bruxelles.

Pour le projet de loi de finances pour 2014, M. le rapporteur, qui était Christian Eckert, reprenait l’amendement intra-day.

Pour le projet de loi de finances pour 2015, M. le secrétaire d’État, qui était M. Christian Eckert, répond : Je vous confirme que, sous l’impulsion de la France dans le cadre d’une coopération renforcée, les négociations en cours ont plus que progressé.

Lors du débat sur le PLF pour 2016, vous disiez, monsieur le ministre : « Dès lors qu’un accord sera intervenu, d’ici à la fin de l’année » – sans préciser, il est vrai, de quelle année il était question – « entre les onze pays » – qui ne sont plus que dix désormais – « qui travaillent de manière extrêmement utile, avec la volonté d’aboutir avant la fin de cette année sur le principe, je prends l’engagement de présenter au cours de l’année 2016, sans forcément attendre la fin de l’année, un dispositif qui correspondra à l’ensemble de la taxe sur les transactions financières et pas seulement à la question de l’infra-journalier ». C’est une véritable Arlésienne ! On ne peut plus l’accepter.

Ce soir, nous pouvons confirmer le vote de l’an passé pour permettre à notre Gouvernement de peser encore plus dans les négociations européennes qui ont commencé à se dénouer le 10 octobre dernier. Ce serait un très bon signe pour l’aide publique au développement, que nous pourrions augmenter jusqu’à un taux plus conforme aux engagements de la France devant l’ONU.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n664.

M. Jean-Marc Germain. Je voudrais à mon tour insister sur cet amendement. Nous avons eu ce débat l’an dernier ; une année s’est écoulée depuis, nous rapprochant de la fin du quinquennat, et on ne peut plus repousser le débat à l’année prochaine, à moins de le laisser à d’autres que nous. Pour ce qui est du fond, la taxe sur les transactions financières n’est pas aboutie tant qu’elle ne s’attaque pas à l’essentiel : les transactions spéculatives. Si on veut que la finance se remette au service de l’économie, il faut aller vers la taxation des transactions intra-day.

Je voudrais surtout insister sur l’aide publique au développement, car l’urgence est encore plus sensible en cette matière. Pour paraphraser un ancien Président de la République, le Sahel brûle, ne regardons pas ailleurs ! Cette question ne dépend pas de la majorité, les efforts faits par la France pour assurer la paix dans le monde sont considérables et ils ont été largement renforcés durant ce quinquennat, notamment en matière militaire. Mais nous devons intervenir de manière beaucoup plus forte, notamment dans les zones qui le nécessitent le plus – je pense au Sahel, où l’explosion démographique et un déficit criant de ressources vont créer des flux migratoires considérables ou un appauvrissement et des difficultés pour la population. Aujourd’hui, la France alloue quelques dizaines de milliers d’euros au développement du Sahel. C’est clairement insuffisant ; il faut se doter de davantage de ressources.

Mme Véronique Louwagie. C’est un autre sujet !

M. Jean-Marc Germain. Autre chiffre qui vous éclairera, je l’espère, mes chers collègues, et vous convaincra tous, j’espère, de voter ces amendements ce soir : nous disposons de 5 millions d’euros pour préparer la reconstruction de la Syrie. Cela est vraiment insuffisant comparé à l’Allemagne, qui a débloqué un fonds de 800 millions. Ces ressources sont absolument indispensables, et nous avons, via la taxe sur les transactions financières, le moyen d’y pourvoir sans dégrader les comptes publics.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n675.

Mme Véronique Massonneau. Cet amendement a pour objet d’élargir le champ de la taxe sur les transactions financières aux transactions intra-journalières, initiées et dénouées dans la même journée, sur un même titre, qui n’ont qu’un but spéculatif. Ces opérations en sont exemptes alors qu’elles augmenteraient significativement le produit de la taxe qui, aujourd’hui, ne dépasse pas le milliard d’euros. Monsieur le ministre, nous savons que vous êtes parvenu à un accord avec dix autres pays européens pour la mise en place de cette taxe à l’échelle européenne ; mais des questions subsistent.

Quel sera le taux de prélèvement de cette taxe, sachant que le budget français est encore largement inférieur aux besoins ? Quel sera le fléchage des recettes de cette nouvelle taxe ? J’appelle votre attention sur le fait que les derniers chiffres publiés par l’OCDE confirment que la part de l’aide publique au développement française dédiée aux projets de promotion de l’égalité femmes-hommes et de l’autonomisation des femmes reste trop faible. Ainsi, en 2014, une infime minorité – 0,42 %, soit 35,83 millions de dollars – a été consacrée au financement de projets pleinement dédiés à l’égalité des sexes, selon le marqueur « égalité femmes-hommes » de l’OCDE.

M. le président. La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n781.

Mme Eva Sas. Cet amendement, comme les précédents, vise à intégrer dans l’assiette de la taxe sur les transactions financières les transactions dites intra-day. Je voudrais rappeler que l’année dernière, nous avions voté collectivement en faveur d’un tel dispositif, mais celui-ci a été retoqué par le Conseil constitutionnel pour des raisons de forme et non de fond. Je voudrais également rappeler que contrairement à ce que dit la note de la Fédération bancaire française, la taxation des opérations intra-day toucherait bien des opérations de spéculation financière puisqu’aujourd’hui seule une petite partie du trading à haute fréquence est taxée. Certes, les opérations inférieures à la demi-seconde sont taxées en France depuis 2012, mais toutes les transactions supérieures à la demi-seconde et inférieures à la journée ne le sont pas. Elles représentent pourtant entre 20 et 40 % du volume des transactions de la bourse de Paris. Cet amendement serait donc doublement vertueux : il permettrait de lutter contre la spéculation en incluant toute la partie du trading à haute fréquence aujourd’hui non couverte par la taxe, et d’augmenter l’aide publique au développement – un budget qui, depuis le début de la législature, est sacrifié en dépit de nos engagements internationaux. Cet élargissement de l’assiette rapporterait à la France plus de 2 milliards d’euros par an et contribuerait à lutter contre ces formes de spéculation potentiellement dévastatrices pour l’économie réelle. Il s’agit d’un combat essentiel pour que la politique reprenne ses droits sur la finance. C’est, je crois, le mandat qui nous a été donné en 2012.

Mme Laurence Abeille et Mme Danielle Auroi. Bravo !

M. le président. Avant de demander l’avis de la commission et du Gouvernement, j’informe l’Assemblée que sur les amendements identiques nos 83 et suivants, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Une partie de ces amendements ont été débattus et examinés en commission. Ils ont reçu un avis défavorable et aucun n’a été adopté. Je réitère cet avis défavorable, et je crois que le ministre compte proposer une solution alternative.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Au fond, deux sujets sont ici abordés en même temps : la question de la taxe sur les transactions financières et celle de l’aide publique au développement. Un lien est souvent fait entre les deux, et je le comprends parfaitement. Ainsi, au niveau européen, beaucoup proposent que toute augmentation de la taxe sur les transactions financières, soit par sa base – c’est le débat sur les opérations intra-day –, soit par son taux, permette d’abonder l’aide publique au développement. C’est pourquoi la quasi-totalité des interventions établissent un lien entre ces deux choses. Pour la taxe sur les transactions financières, j’ai déjà dit, devant vous comme lors du débat préparatoire au conseil européen sur ce thème, que je partageais cette conviction : je suis profondément persuadé que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières serait bénéfique, tant pour ralentir les mouvements à caractère purement spéculatif – à l’époque de la taxe Tobin, on parlait de « mettre du sable dans les rouages » – que pour contribuer à l’action publique, même en cas de mouvements non spéculatifs.

J’ai également la conviction que créer une taxe sur les transactions financières dans un seul pays serait inefficace, en particulier pour des mouvements totalement internationalisés sur les obligations et surtout les produits dérivés – les actions étant émises dans un pays, il n’y a pas de danger de délocalisation. D’où la nécessité de travailler d’abord au niveau européen, puis peut-être international. Au niveau européen, nous avons franchi un pas considérable le 10 octobre dernier ; cela n’avait rien d’évident puisque les dix pays ont donné leur accord à une extension de l’assiette potentielle de la taxe sur les transactions financières, en particulier en y intégrant les dérivés et les mouvements intra-day. Le projet sur lequel nous travaillons et sur lequel nous nous sommes entendus politiquement au niveau européen comprend donc cette préoccupation exprimée par plusieurs amendements. L’année dernière, la disposition avait été adoptée avec un délai d’un an avant son entrée en vigueur, puis annulée par le Conseil constitutionnel. Nous ne sommes pas capables, techniquement, de mettre en œuvre une disposition de cette nature d’ici le 1er janvier prochain. On peut toujours voter l’inclusion des mouvements intra-day, mais cela ne rapportera pas un sou à l’État. Je suis donc favorable, sur le fond, à cette mesure ; mais aujourd’hui, j’y suis opposé car elle aboutirait à un dispositif sans aucune efficacité.

J’en viens maintenant à un l’aspect, qui m’a semblé souvent prédominer dans votre raisonnement : la question de l’aide publique au développement. Plusieurs intervenants, sur tous les bancs, ont souligné combien il était important d’augmenter l’effort dans ce domaine. Je vous rappelle que dans la partie chiffrée du projet de budget qui vous est présenté, les crédits à l’aide publique au développement augmentent déjà de 130 millions par rapport à l’année dernière. Dans le contexte actuel, ce n’est pas un petit effort ! Je vous propose d’abonder ces 130 millions d’une somme supplémentaire, de manière à ce qu’au total, il y ait, dans la loi de finances pour 2017, une somme en faveur de l’aide publique au développement supérieure à celle de 2012. Les calculs sont toujours compliqués à faire car il faut cumuler ce qui est inscrit au titre du Quai d’Orsay, de mon ministère – que parfois on oublie – et du fonds de solidarité. En cumulant les trois, nous obtenons l’effort en faveur de l’aide publique au développement. Je propose d’y allouer 150 millions de plus, de façon à dépasser le chiffre de 2012, et surtout pour mettre en œuvre des actions concrètes, nouvelles, au titre de l’année 2017. Mais au lieu d’attendre cette augmentation d’une disposition que je crois aujourd’hui inapplicable, et donc qui ne rapporterait rien, je propose de l’obtenir par le biais de l’effort budgétaire de l’État. Ce serait plus solide et plus certain. C’est un engagement clair que je prends : augmenter, dans la partie chiffrée, les crédits en question de 150 millions d’euros ; je le prends au nom de l’État, du Gouvernement et de la République, et je le tiendrai.

Troisième et dernier élément : nous allons maintenant examiner une série d’amendements relatifs au taux de la taxe sur les transactions financières existante, celle qui porte sur les actions. Je propose de retenir un taux de 0,3 %, alors qu’aujourd’hui, on en est à 0,2 % ; avec le produit de cette taxe supplémentaire, nous pourrons abonder budgétairement les crédits que je viens d’évoquer. D’un certain point de vue, cette proposition permet de relier la taxe sur les transactions financières et les crédits qui permettront d’augmenter l’aide publique au développement, autrement que dans la proposition initiale, mais d’une manière certaine et efficace – loin d’une technique aléatoire –, qui répond à nos préoccupations, convictions et alertes profondes dans ce domaine.

Voilà l’ensemble des propositions que vous fait le Gouvernement. Nous continuons à travailler au niveau européen, où nous avons considérablement avancé. D’ici la fin de l’année, la Commission européenne fera une proposition juridique écrite pour mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières avec l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et d’autres pays – incluant, donc, les grands pays, ceux qui comptent en Europe. Décidons dès maintenant d’augmenter les moyens de l’aide publique au développement et pour cela, augmentons dès maintenant le taux de la taxe actuelle sur les transactions financières, celle qui porte sur les actions en France.

Au bénéfice de toutes ces explications, monsieur le président, je demande aux auteurs des autres amendements portant sur les transactions intrajournalières de les retirer, afin que les amendements identiques présentés par trois d’entre vous – M. Dufau, M. Laurent et Mme Sas – visant à porter le taux de la taxe à 0,3 %, soient adoptés. Ultérieurement, nous augmenterons de 150 millions d’euros le budget de l’aide publique au développement.

M. André Chassaigne. Formidable numéro de voltige !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mancel.

M. Jean-François Mancel. Comme nous l’avons vu au cours de ce débat, les adeptes de la taxe sur les transactions financières peuvent être très différents.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. Jean-François Mancel. Certains, comme moi, veulent en faire une recette supplémentaire pour l’aide au développement ; d’autres veulent lutter contre la finance ; d’autres encore se disent qu’après tout, cette recette supplémentaire permettrait de diminuer le déficit, d’alléger la dette. Certains même se disent qu’elle servirait ces trois objectifs à la fois !

L’année dernière, j’avais défendu un amendement semblable à ceux qui ont été présentés, et je l’avais voté. Cette année, je ne le ferai pas, parce qu’il faut s’adapter à une situation nouvelle.

M. Pascal Cherki. Les banques !

M. Jean-François Mancel. Entre l’examen du projet de loi de finances pour 2016 et celui-ci, il y a eu le Brexit, que personne, dans ce débat, n’a encore évoqué.

M. Nicolas Sansu. Sauf la Fédération bancaire française !

M. Jean-François Mancel. Que font aujourd’hui aussi bien l’État que la Ville de Paris, la région Île-de-France, la métropole du Grand Paris ? Ils essaient d’attirer vers la place financière de Paris des opérateurs financiers qui, saisis par le Brexit, voudraient rejoindre l’Europe continentale.

M. Pascal Cherki. Voilà ! C’est bien ce que nous disions !

M. Jean-François Mancel. Or nous sommes concurrencés en cela par l’Allemagne. Il est bien évident qu’en augmentant ou en étendant la taxe sur les transactions financières, nous inciterons ces opérateurs financiers à filer directement à Francfort : ils ne viendront certainement pas à Paris dans ces conditions. Telle est la première raison qui m’a poussé à changer d’avis.

Deuxième raison : nous aboutirons vraisemblablement à une solution avec dix pays de l’Union européenne d’ici la fin de l’année. M. le ministre de l’économie et des finances l’a dit cet après-midi, et l’a répété très clairement il y a quelques instants : même si je ne lui fais pas confiance sur tout, je le crois sur ce point.

Enfin, je voudrais dire un mot de l’aide publique au développement. Puisque je viens de vous apporter mon soutien, monsieur le ministre, je vous demande à présent de m’apporter le vôtre. Vous avez proposé une solution pour augmenter l’aide publique au développement, mais cette solution n’est pas utile, car nous avons adopté mercredi dernier, en commission des finances, un amendement que j’ai proposé en même temps que d’autres députés, siégeant sur tous les bancs de cette assemblée.

Cet amendement visait à supprimer, à l’article 17 de ce projet de loi, l’alinéa tendant à abroger l’article 43 de la loi de finances pour 2016, afin de dégager environ 250 millions d’euros supplémentaires en faveur de l’aide publique au développement.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Jean-François Mancel. C’est là, monsieur le ministre, une solution beaucoup plus simple que celle que vous préconisez, et qui permettrait à l’aide publique au développement de retrouver enfin le niveau qui devrait être le sien. Je compte sur vous, car cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission des finances.

Mme Marie-Christine Dalloz. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, dans ce débat, nous nageons en pleine confusion ! Nous débattons, dans le même temps, de l’aide publique au développement, qui relève de la deuxième partie de ce projet de loi de finances, et de la taxe sur les transactions financières, qui relève de la première partie.

Mme Véronique Louwagie. M. de Courson a raison : il y a deux problèmes distincts.

M. Charles de Courson. Sur le premier point, c’est-à-dire l’aide au développement, nous avons adopté en commission la solution proposée par M. Mancel, qui permettra d’abonder le budget de l’aide au développement non pas de 150 millions d’euros, comme le propose le Gouvernement, mais de 250 millions d’euros.

M. Régis Juanico. 277 millions d’euros !

M. Charles de Courson. 277 millions d’euros selon les puristes. Quoi qu’il en soit, cette proposition a suscité un large consensus. Restons-en là ; quant à vous, monsieur le ministre, faites encore un effort, passez de 150 millions à 250 millions d’euros.

M. Michel Sapin, ministre. Je croyais que la progression des dépenses publiques était trop importante pour vous !

M. Charles de Courson. Mais quand il y a consensus…

Pour cela, il faudra ne pas revenir sur l’amendement de M. Mancel lorsque nous examinerons l’article 17 de ce projet de loi de finances.

M. Michel Sapin, ministre. Il y a peut-être un consensus, mais il y a surtout une hausse des dépenses !

M. Charles de Courson. Si vous n’êtes pas d’accord avec l’effet budgétaire de l’amendement que nous avons adopté en commission, alors proposez-nous des mesures d’économie pour 250 millions d’euros !

J’en viens à présent à la taxe sur les transactions financières. Mes chers collègues, j’en ai marre de la démagogie. Depuis combien d’années discutons-nous de cette question ? La vérité, c’est qu’il y a, à ce sujet, un vrai double langage.

Un député du groupe socialiste, écologiste et républicain. Cela vous va bien de le dire !

M. Charles de Courson. Pour ma part, sur ce point, je n’ai pas changé d’avis : hier comme aujourd’hui, je pense qu’il ne faut pas adopter cette taxe. La TTF n’est pas sérieuse : elle ne sert qu’à amuser la galerie. De plus, comme l’a dit Jean-François Mancel, dans le contexte du Brexit, ce n’est pas le moment d’augmenter le taux de cette taxe ! Si vous le faites, vous n’aurez plus d’assiette, car ceux qui spéculent peuvent le faire aussi bien à Paris, à Francfort, qu’à Londres, New York ou ailleurs. Alors même que notre taxe porte uniquement sur les actions, nous avons déjà constaté qu’une partie des activités financières se délocalisait. Si nous voulons uniquement nous faire plaisir, allons-y, votons l’augmentation de cette taxe : ce sera très populaire ; mais ce serait tromper notre peuple, et cela irait à l’encontre de ses intérêts.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Je voudrais dire quelques mots, dans ce débat important, pour prolonger la question que j’ai posée à M. le ministre tout à l’heure, lors des questions au Gouvernement.

Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé deux bonnes nouvelles, entre la séance des questions au Gouvernement et la séance de ce soir. D’abord, vous avez pris l’engagement ferme d’augmenter l’aide publique au développement lorsque nous examinerons la deuxième partie de ce projet de loi de finances. Ensuite, vous nous avez informés cet après-midi – par des propos que vous avez réitérés ce soir – de l’état de l’avancement des discussions au niveau européen, dans le cadre d’une coopération renforcée, à dix États. Cela fait suite à des annonces importantes faites il y a quelques jours à Luxembourg.

Nous en sommes à la dernière loi de finances de cette législature. Chaque année, à la même période, nous avons eu le même débat, et chaque année, les ministres présents dans l’hémicycle nous ont dit que le niveau le plus pertinent, celui qu’il fallait privilégier, était le niveau européen, et que les choses avançaient, précisément, à ce niveau. Vous connaissez le proverbe, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État : chat échaudé craint l’eau froide !

Je reconnais que les choses vont dans la bonne direction au niveau européen. Cette fois-ci sera peut-être la bonne : peut-être un accord à dix pays de l’Union européenne verra-t-il le jour. Mais rien n’empêche, dans le même temps, d’augmenter le taux et d’élargir l’assiette de la taxe française, afin d’y inclure les transactions intrajournalières. Le fait que celles-ci n’y soient pas soumises est extravagant !

C’est pourquoi, en ce qui me concerne, je voterai pour les amendements visant à intégrer les transactions intrajournalières au champ de la taxe sur les transactions financières. Cela me semble nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Ces amendements se trompent de cible ; ils n’atteindront par leur objectif en faveur du développement ; les négociations européennes en cours en seront perturbées ; cela donnerait un très mauvais signal, dans le contexte du Brexit, quant à l’attractivité de la place de Paris. Tous ces arguments, qui ont été avancés par certains membres de notre assemblée pour dire tout le mal qu’ils pensent de la taxation des transactions intrajournalières, reprennent en réalité les têtes de chapitre de l’argumentaire envoyé par la Fédération bancaire française.

Il s’agit là, mes chers collègues, d’un choix politique : chacun devra se décider. Pour ma part, quand je retournerai devant mes électeurs, je pourrai leur dire que je n’ai pas cédé au lobby des banques. (Exclamations sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Je le dis, et je l’assume !

M. Christophe Castaner. Ne nous donnez pas de leçons !

M. Pascal Cherki. L’an dernier, nous avions déjà adopté cette mesure. Si vous n’êtes pas d’accord avec moi, chers collègues, intervenez donc dans le débat, assumez vos positions comme j’assume les miennes. Je ne donne pas de leçons, j’assume mes choix. Je les assume, et je reste du côté des ONG, pas des banques, dans cette affaire.

M. Jean-Pierre Dufau. Vous vous répétez !

M. Pascal Cherki. Deuxième élément : les transactions intrajournalières. M. le ministre de l’économie et des finances nous a dit que ces transactions seront incluses dans la taxe qui sera prévue au niveau européen. Tant mieux, raison de plus pour l’adopter ce soir ! L’an dernier, vous avez fini par accepter que nous votions cette taxe, afin de vous aider dans vos négociations au niveau européen.

M. Michel Sapin, ministre. Mais elle ne devait rentrer en application qu’un an après !

M. Pascal Cherki. Puisqu’elle sera adoptée au niveau européen, adoptons-la maintenant !

Vous nous dites en outre, monsieur le ministre, que vous ne serez pas capable de l’appliquer immédiatement. Ce n’est pas très grave : je préfère une disposition votée et mise en œuvre progressivement, qu’une disposition non votée et renvoyée aux calendes grecques.

M. Michel Sapin, ministre. Vous trouvez que ce n’est pas très grave, vous ?

M. Pascal Cherki. Dernier élément : monsieur le ministre, ne vous livrez pas, avec nous, à un jeu de bonneteau. Nous avons voté en commission des finances une hausse des crédits alloués à l’aide au développement de 277 millions d’euros, par l’augmentation de la part affectée de la taxe sur les transactions financières, sans changer son assiette. Cela pose un problème d’équilibre budgétaire, car cela diminuerait le montant des recettes budgétaires.

Vous nous dites qu’il faut donc augmenter les recettes, et pour cela, augmenter le taux. Je remarque que l’an dernier, vous nous disiez qu’il ne fallait surtout pas toucher au taux, sous peine de ne pas être conforme au taux européen. Tant mieux si vous avez évolué sur ce point, monsieur le ministre, toutefois ce n’est pas 150 millions d’euros que nous devons trouver, mais au moins 277 millions d’euros.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tétart.

M. Jean-Marie Tétart. Ce qui m’importe, pour ma part, c’est que l’aide au développement revienne au niveau de 2012. Vous nous dites, monsieur le ministre, que nous allons augmenter l’aide au développement : c’est inexact, il vaudrait mieux dire que nous commençons un début de rattrapage.

M. Charles de Courson. C’est vrai !

M. Jean-Marie Tétart. L’an dernier, déjà, nous avions voté un début de rattrapage, mais qui a été en quelque sorte raboté – si vous me passez l’expression – par une suppression des budgets de la mission d’aide publique au développement, car nous avions augmenté l’affectation de la taxe sur les transactions financières. Je ne voudrais pas que cette manœuvre recommence cette année, car l’ensemble des acteurs de l’aide au développement ont perdu confiance, l’an dernier, à cause de cela.

Vous nous proposez d’augmenter le taux de la taxe, en le faisant passer de 0,2 % à 0,3 %, ce qui représente un peu plus de 500 millions d’euros de recettes supplémentaires, et d’affecter une partie de ce surcroît de recettes à l’aide au développement. Mais il faut dire qu’au moins 50 % de ces sommes iront au budget général de l’État ! Or je refuse d’augmenter la taxe sur les transactions financières afin d’équilibrer le budget de l’État ; je veux que son produit soit affecté à l’aide au développement. Tel était l’esprit de la taxe Chirac ; la même logique avait présidé à l’élaboration de la TTF.

Je vous pose donc deux questions, en vue de l’examen de la seconde partie de ce projet de loi de finances : comment ferons-nous pour remettre les crédits de la mission « Aide publique au développement » au niveau de l’année 2011 ou 2012 ? Utiliserons-nous au mieux les crédits supplémentaires perçus au titre des différentes taxes de solidarité ?

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Je m’exprime en tant que présidente de la commission des affaires européennes. Je me suis battue en 1999 – j’étais alors eurodéputée – pour ce qui s’appelait la taxe Tobin, avec Harlem Désir. Nous l’avions proposée afin qu’elle finance le développement.

Je remercie M. le ministre pour les annonces qu’il a faites ici. J’espère que cette taxe cessera d’être une Arlésienne, et que je la verrai de mon vivant, ce dont j’ai fini par douter ! À l’évidence, c’est possible, d’autant plus que – je me permets de le rappeler à certains de mes collègues qui l’ignorent peut-être – l’Italie, par exemple, applique depuis le 1er  janvier 2013 une taxe non seulement sur les actions, mais aussi sur les dérivés d’actions. Ce qui est possible en Italie me paraît possible aussi en France, aussi bien que dans le reste de l’Union européenne.

M. le ministre nous propose de porter le taux de la TTF à 0,3 %. Nous proposons, pour notre part, de la calquer sur le système de stamp duty, qui est déjà pratiqué au Royaume-Uni, dont le taux est de 0,5 %, et qui rapporte chaque année au Trésor britannique de 3 à 4 milliards d’euros. Il me semble que cette somme permettrait de résoudre largement le problème du financement de l’aide au développement – puisque, je le répète, cette taxe a été pensée, à l’origine, pour cela. La TTF actuelle rapporte un milliard d’euros au Trésor ; le système de stamp duty permettrait d’aller beaucoup plus loin. (Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. En écoutant cette discussion, je me demande dans quel monde on vit, tout d’abord parce que ce soir, on a mis deux sujets différents dans le même panier : l’augmentation de la taxe sur les transactions financières et les transactions intra-day, les mélangeant alors que ce n’est pas la même chose. Et puis je suis énormément surprise que certains aient oublié qu’il y a eu le Brexit, que la Grande-Bretagne a demandé à sortir de l’Union européenne et que les conséquences vont être colossales. On nous reproche toujours d’être pessimistes, mais je veux que la France gagne la course, remporte la bataille qui va s’en suivre, que des sièges sociaux se relocalisent. Si vous avez la même envie que moi, retirez cette disposition qui relève purement du suicide collectif.

M. Jean-Luc Laurent. Vous nous invitez à faire du dumping social !

Mme Marie-Christine Dalloz. Par ailleurs, quand j’entends la présidente d’une commission évoquer le taux de 0,5 % appliqué en Grande-Bretagne, je lui demande d’examiner précisément les chiffres et elle verra que cela ne rapporte pas 3 ou 4 milliards mais dix fois moins. On pourrait certes instituer un taux facial très élevé comme celle-ci l’a fait… sachant qu’elle en a exempté tous ses établissements de crédit et tous ses établissements financiers.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. De qui se moque-t-on ici ? Il faut tout de même être un peu sérieux à un moment donné : Si vous voulez tous vous tirer une ou deux balles dans le pied, c’est votre problème mais, pour ma part, je refuse de me tirer quatre balles dans chaque pied parce que pour courir, ce serait difficile ! (Exclamations sur divers bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je le dis au nom du groupe Les Républicains.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je voudrais rappeler la position du Gouvernement pour que chacun en tire des conclusions en toute connaissance de cause. Tout d’abord, nous proposons d’augmenter la taxe sur les transactions financières de moitié puisqu’elle passerait de 0,2 % à 0,3 %, ce qui produirait des recettes supplémentaires, de l’ordre de 500 millions selon une règle de trois, mais nul ne sait comment évoluerait le comportement des uns et des autres.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Un rendement décroissant !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ai entendu évoquer les produits dérivés, et je rappelle qu’on s’est aperçu que ceux-ci sont assez facilement délocalisables, ce qui peut entraîner un effondrement des recettes qui y sont liées. Mais il faut être très clair à ce stade de la soirée parce que les deux mesures précédemment adoptées n’auront pas d’impact sur notre déficit en 2017 alors que celle-ci risquerait de conduire à son aggravation. Certes, nous ne faisons qu’entamer la discussion des articles, il pourrait y avoir des mouvements dans l’autre sens, mais chacun doit avoir conscience, notamment vous, monsieur Mancel, que la décision prise en commission des finances dégraderait le solde de 270 millions d’euros.

M. Nicolas Sansu et M. Jean-Marc Germain. Non, ce serait une amélioration !

M. Jean-François Mancel. C’est à vous de proposer des économies, monsieur le secrétaire d’État !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Le Gouvernement propose d’intégrer dans le budget 150 millions d’euros de recettes supplémentaires au titre de la taxe sur les transactions financières, ce qui serait certes moins que 260 millions d’euros, mais cela permettrait d’arriver, en prenant en compte les programmes 110 et 209 de la mission « Aide publique au développement » et le FSD – le fonds de solidarité pour le développement, à un total de 3,527 milliards d’euros. C’est l’engagement que le ministre a pris devant vous, le compte rendu en fait foi, et que je réitère, et si le vote est conforme à nos propositions sur l’article 17 et en seconde partie, nous parviendrons à ce total, soit par affectation au FSD, soit à travers l’un des programmes 110 et 209 – ce qui reviendrait à la limite au même. Ce serait tout de même 40 millions de plus, donc un peu au-dessus du niveau de 2012, année où nous étions à 3,487 millions d’euros. Personne n’a nié les baisses intervenues depuis lors, elles ont été soulignées par plusieurs d’entre vous, mais ce serait ainsi un rattrapage. J’ajoute, pour être tout à fait clair, que d’autres propositions dans la suite de nos débats devraient permettre d’arriver à un solde équilibré.

Il est tout de même de mon devoir d’appeler de temps en temps votre attention sur le solde à la sortie des mouvements de crédits. Aujourd’hui, s’en tenir à votre affectation des 260 millions dégraderait le solde d’autant. Faire un geste de 150 millions permettra de rattraper le retard par rapport à 2012 tout en laissant ouvertes des possibilités que nous examinerons à l’article 17 et lors de la seconde partie.

M. le président. Avant de donner la parole à M. Nicolas Sansu, je vais d’abord demander aux orateurs dont les amendements ont fait l’objet d’une demande de retrait s’ils les maintiennent.

Monsieur Colas ?…

M. Romain Colas. Non, monsieur le président.

(L’amendement n280 est retiré.)

M. le président. Monsieur Giraud ?…

M. Joël Giraud. Je le retire.

(L’amendement n159 est retiré.)

M. le président. Monsieur Alauzet, l’amendement n639 est-il maintenu ?

M. Éric Alauzet. J’ai besoin pour le savoir que M. le ministre réponde à une question. Nous avons en effet tous besoin de retrouver notre fierté dans le domaine de l’aide publique au développement puisque la France a rétrogradé, passant à la cinquième place derrière le Japon, et que, de surcroît, nous sommes en recul dans les pays les plus vulnérables. Bien sûr tous ici soutenons cette aide par humanisme, par éthique, mais aussi par intérêt, par pragmatisme, parce que nous avons besoin d’être à la hauteur du plan Borloo, de la COP21, c’est-à-dire d’avoir les moyens de permettre le développement des pays concernés et de faire face aux migrations dont on voit déjà aujourd’hui comment elles déstabilisent nos État alors qu’elles vont encore augmenter. Tel est bien là l’enjeu. Au vu de ce qui se profile au niveau européen, sachant que les pays censés participer au dispositif étaient passés en trois ans de onze initialement à neuf, que cela s’était donc effiloché au fur et à mesure et que le projet avait échoué, ma question est la suivante : même s’il y en a dix aujourd’hui, quel est votre degré de confiance quant à la possibilité d’aboutir ? Je suis perplexe car si votre confiance est pleine et entière, il s’agirait d’un délai de quelques semaines ou de quelques mois au plus, auquel cas je ne vois pas quel risque courrait notre pays à prendre les devants. On a vu sur d’autres sujets combien le fait que la France prenne sa décision quelques mois avant les autres avait permis de conclure au niveau de l’Europe. Ce serait donc un facteur facilitateur. Sinon, je crains que cela n’aboutisse pas.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je n’ai pas bien compris quelle conclusion par rapport à votre amendement vous tireriez de ma réponse, monsieur Alauzet, mais je vais dire les choses telles que je les ressens. Comme la plupart des autres amendements en discussion commune, le vôtre propose d’étendre la taxe sur les transactions financières à l’intra-day dès le 1er janvier 2017. Je vous rappelle que l’amendement voté l’année dernière tenait compte d’une évidence, à savoir que nul n’est capable de mettre en place une telle disposition en si peu de temps car il est fort difficile de mesurer le montant des opérations intra-day. Votre Assemblée pourrait certes le voter, mais je vous le dis clairement : il serait inapplicable et donc inefficace par rapport à l’objectif recherché. Nous, nous proposons une mesure efficace : l’augmentation budgétaire des moyens alloués à l’aide publique au développement.

J’en viens à votre question. Vous me l’auriez posée avant le 10 octobre, je vous aurais répondu que j’avais peu d’espoir parce que je craignais même que deux pays annoncent qu’ils quittaient la coopération renforcée, ce qui l’aurait réduite à huit pays seulement et donc conduit à sa disparition, faute de capacité à la mettre en œuvre. Mais tous les dix, y compris l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie, ont maintenu leur participation et ont en plus approuvé la proposition de la présidence autrichienne, que la France et l’Allemagne soutenaient. Je suis donc aujourd’hui confiant. Mais je vous le dis tout de suite : le texte que les dix devraient adopter d’ici à la fin de cette année et qui aboutira à une proposition en bonne et due forme de la Commission ne sera de toute façon pas applicable au 1er janvier de l’année prochaine pour des raisons techniques, pas plus que votre amendement. Dire le contraire serait vous raconter des histoires.

M. Alain Fauré. Mais nous, nous défendons la position du groupe socialiste !

M. Michel Sapin, ministre. J’ai entendu évoquer le Brexit. J’ai entendu à ce sujet l’argumentaire lu très attentivement par M. Cherki, mais ce n’est pas à cette source que je vais chercher ni mes convictions ni mes arguments, je les trouve tout seul, après avoir discuté avec les uns et les autres, et en fonction de mes convictions de gauche. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Il est même plus facile aujourd’hui de mettre en place une taxe sur les transactions financières dans l’Union européenne qu’hier avec la Grande-Bretagne présente car, dehors, elle n’a plus les mêmes avantages financiers.

M. Philippe Vigier. Ça dépend !

M. Michel Sapin, ministre. La question à se poser, c’est au niveau du territoire de l’Union : allons-nous créer des contraintes supérieures à Paris par rapport à Francfort ? La réponse est non puisque nous avançons ensemble. Aurons-nous des inconvénients par rapport à Milan ? La réponse est non car nous appliquerons les mêmes réglementations.

M. Éric Alauzet. Tout à fait !

M. Michel Sapin, ministre. Nous n’allons donc pas créer un facteur de concurrence défavorable. La Grande-Bretagne nous aura, en tout cas sur ce point, rendu service.

Cela étant dit, si vous mainteniez votre amendement et qu’il était adopté, notre propre proposition en matière d’aide au développement ne serait plus d’actualité.

M. Nicolas Sansu. C’est du chantage !

M. le président. Monsieur Alauzet ?…

M. Éric Alauzet. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n639 est retiré.)

M. le président. Je tiens tout de même à préciser à ce stade du débat que j’ai déjà accepté les interventions de huit orateurs en réponse à la commission et au Gouvernement, et que les amendements suivants touchent au même sujet, ce qui permettra à d’autres collègues d’exprimer leur opinion.

La parole est à M. Nicolas Sansu, puis nous passons aux votes par scrutin public.

M. Nicolas Sansu. Je ne voudrais pas que, face à notre proposition d’augmenter l’assiette de la taxe sur les transactions financières, le Gouvernement nous rétorque que la disposition qu’il propose ne tient plus. De tels arguments sont impossibles à entendre. Soit la France respecte ses engagements auprès de l’ONU s’agissant de l’aide publique au développement, soit elle ne les respecte pas, mais cela ne peut pas faire l’objet d’un chantage. C’est inacceptable.

Deuxièmement, je vais répondre à mes collègues de l’opposition : aujourd’hui, la guerre financière est en train de déstabiliser la planète, les transactions financières ne cessent d’augmenter, créant le chaos, la guerre et mettant en difficulté tout le monde. Je le dis : notre planète est en danger à cause de cette folie financière. Par conséquent, oui, cette taxe a un rôle de salubrité publique, et c’est l’honneur de la France que de porter l’étendard de ce combat.

S’agissant de la mise en place de la TTF au niveau européen, vous semblez confiants, mes chers collègues, mais ce n’est pas le cas de M. Schäuble, qui a reconnu que cette mise en place serait techniquement difficile et qu’elle n’interviendrait probablement pas avant le 1er janvier 2018. Cela fait trop longtemps que l’on nous explique qu’il faut attendre demain, voire après-demain. C’est l’honneur de la France de défendre cette TTF et de donner à l’aide publique les moyens de ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Vous maintenez donc votre amendement. Avant de passer au vote, je donne encore la parole à un auteur d’amendement.

La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je vous remercie, monsieur le président. Il est important que le groupe socialiste s’exprime, dans toute sa richesse.

M. Dominique Baert. Vous vous êtes déjà exprimé !

M. Jean-Marc Germain. Monsieur le ministre, je vous remercie tout d’abord de votre travail à l’échelon européen et d’être un partisan de la taxation des transactions haute fréquence, un sujet que je considère comme important. Puisque le dispositif est en train d’aboutir au niveau européen, il est de notre responsabilité de montrer la voie.

Sur le plan technique, monsieur le ministre, vous aviez déjà soutenu l’idée que nous ne serions pas prêts, l’année dernière.

M. Michel Sapin, ministre. Le dispositif avait été annulé !

M. Jean-Marc Germain. J’ose espérer que, dans la perspective d’un accord sur le point d’être conclu, nos services s’y sont préparés. Sinon, le débat sera toujours le même dans un an.

Or lorsque l’enjeu en vaut la chandelle, il faut parfois savoir déplacer des montagnes, ce que nous pouvons faire.

S’agissant du montant de l’aide au développement, l’effort réalisé – 150 millions d’euros en plus – est notable. Pourtant, comme l’a dit Pascal Cherki, il faut respecter l’objectif initial. Je n’ose demander que nous retournions, en pourcentage du produit intérieur brut, à ce qu’était l’aide publique au développement en 2012. Mais nous devons à tout le moins respecter l’engagement d’affecter la moitié de la taxe sur les transactions financières à l’aide au développement. Puisqu’elle doit rapporter 500 à 600 millions d’euros de plus si nous approuvons le taux de 0,3 % – je défendrai un taux de 0,5 % pour ma part –, nous disposerons de 250 à 260 millions supplémentaires, non de 150 millions, un montant conforme à ce que nous espérions du trading haute fréquence.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 83, 229, 251, 263, 515, 664, 675 et 781.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants56
Nombre de suffrages exprimés53
Majorité absolue27
Pour l’adoption30
contre23

(Les amendements identiques nos 83, 229, 251, 263, 515, 664, 675 et 781 sont adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 84, 228, 252, 516, 530, 676, 722, 782, 723, 783, 158, 239, 724 et 784, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 84, 228, 252, 516, 530, 676, 722 et 782, sont identiques, ainsi que les amendements nos 723 et 783, et les amendements nos 239, 724 et 784.

La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement n84.

M. Jean-Marie Tétart. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l’amendement n228.

M. Jean-Pierre Dufau. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki, pour soutenir l’amendement n252.

M. Pascal Cherki. L’objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement, l’un des objectifs de développement durable des Nations unies, est un engagement international de la France depuis des années. Le Président de la République l’a d’ailleurs réitéré à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies. Cet amendement vise à atteindre cet objectif le plus rapidement possible, en adoptant un taux de 0,5 %, identique à celui du system duty, adopté au Royaume-Uni.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n516.

M. Nicolas Sansu. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n530.

Mme Véronique Massonneau. Il est également défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n676.

M. Jean-Marc Germain. J’insiste sur l’enjeu financier du dispositif. M. Eckert semblait affirmer que l’amendement sur le trading haute fréquence dégraderait notre solde public.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-Marc Germain. Non, il rapporte des ressources. Je pense que vous mentionniez l’augmentation de l’aide publique au développement, monsieur le secrétaire d’État, mais ce n’était pas l’objet de l’amendement. Il s’agit, au-delà de ce que le Gouvernement souhaite, de promouvoir l’aide au développement.

Cet amendement vise à élever le taux de 0,2 % à 0,5 % afin que la taxe sur les transactions financières rapporte 1,2 milliard de ressources supplémentaires, donc 750 millions de plus pour l’aide au développement. Ce levier important nous permettrait de faire face aux défis auxquels nous serons confrontés. Si nous ne mettons pas en place ces moyens dès à présent, nous ne pourrons éviter la déstabilisation de pays, notamment d’Afrique subsaharienne.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n722.

M. Jean-Luc Laurent. Nous avions commencé cette législature en instituant une taxe Tobin à la française. Cet amendement vise à en porter le taux de 0,2 à 0,5 %, afin de donner corps et davantage de puissance à ce dispositif nécessaire, sans attendre la taxe européenne, également nécessaire. Il nous faut marcher sur nos deux jambes.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement n782, identique au précédent.

Mme Danielle Auroi. Cet amendement vise également à élever le taux de la taxe à 0,5 %, sur le modèle du stamp duty britannique. La City n’ayant pas été déstabilisée par l’application de ce taux, il n’y a aucune raison que la Bourse de Paris en pâtisse. Un tel taux permettrait au contraire d’honorer réellement notre engagement d’allouer 0,7 % de notre revenu national brut à l’aide au développement– même les dispositions proposées par M. le ministre n’y parviendraient pas. Aussi l’adoption de cet amendement fournirait-il un signal positif sur les plans européen et international, à la veille de la COP22, en plein débat sur les réfugiés climatiques et les pays fragiles.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 723 et 783.

La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n723.

M. Jean-Luc Laurent. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi, pour soutenir l’amendement n783.

Mme Danielle Auroi. Défendu.

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour soutenir l’amendement n158.

M. Joël Giraud. Il est défendu. C’est un amendement de repli, qui vise à porter le taux à 0,3 %.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 239, 724 et 784.

La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l’amendement n239.

M. Jean-Pierre Dufau. Il est défendu. Il s’agit également de porter le taux à 0,3 %.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour soutenir l’amendement n724.

M. Jean-Luc Laurent. Il est évidemment défendu, mais c’est un amendement de repli de repli. Je plaide vraiment pour l’adoption d’un taux à 0,5 %.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour soutenir l’amendement n784.

Mme Isabelle Attard. Cet amendement de repli de repli, voire, de la dernière chance, vise, comme l’indiquait Jean-Luc Laurent, à augmenter la taxe sur les transactions financières de 0,1 point, en la fixant à 0,3 %.

Nous souhaitons avant tout éviter de remettre un jeton dans la machine du tourisme fiscal. En maintenant un taux extrêmement bas, chers collègues, vous pensez garder nos entreprises. En réalité, nous ne faisons que participer à leur mouvement vers la destination fiscale la plus accommodante. Ainsi, en 1933, Franklin Roosevelt a lancé le New Deal précisément pour lutter contre le tourisme fiscal, où les entreprises vont d’un État à l’autre, cherchant le meilleur taux. Dans l’Union européenne que nous cherchons à construire, il nous faut une unité, mais sans viser toujours le niveau le plus bas : un taux de 0,3 % serait vraiment un minimum pour attester de la bonne volonté de la France à réussir cette taxation sur les transactions financières– avant la fin de nos jours, comme le disait Danielle Auroi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis. Le Gouvernement avait fait des propositions. L’Assemblée a opté, comme elle est parfaitement libre de le faire, pour un autre dispositif, qu’elle juge plus efficace afin de dégager de l’argent pour l’aide publique au développement. Celle-ci est donc financée par le dispositif que vous venez d’adopter et il n’y a plus de raison d’adopter un taux de 0,3 %. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Conformément à l’alinéa 3 de l’article 58 du règlement, je demande une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à zéro heure quarante, est reprise à zéro heure cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Nous venons d’avoir un débat nourri sur ce sujet politiquement très emblématique de ce que nous souhaitons tous dans cet hémicycle si j’en crois les votes émis depuis les différents bancs. Compte tenu de la manière dont il a été conduit et dont les votes se sont enchaînés, le groupe socialiste considère qu’il importe prioritairement de retrouver le niveau de l’aide au développement – et même d’aller au-delà – tel qu’il était au début de cette législature. Le groupe socialiste souhaite que l’augmentation de 270 millions votée en commission des finances soit effective en 2017 – la somme est donc supérieure, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, à ce que vous nous avez indiqué au banc tout à l’heure.

En responsabilité sur ce point, comme sur l’équilibre budgétaire final du PLF dont nous commençons la discussion, le groupe socialiste considère que cette mesure doit être financée et retient, au vu des amendements qui ont été votés, une augmentation du taux de la TTF, la taxe sur les transactions financières, de 0,2 % à 0,3 %.

L’amendement voté en commission des finances affectait 25 % de la TTF à l’aide au développement – 25 % de 1,100 milliard, soit 270 millions, alors que 25 % de 1,5 milliard ferait une somme bien supérieure. Nous sommes prêts à retirer cet amendement pour en rester à l’affectation budgétaire de 270 millions. En fin de discussion, au moment opportun, nous pourrons réexaminer l’ensemble du dispositif. Il me semble que compte tenu de votre position, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, cela constituerait un très bon compromis.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 239, 724 et 784, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Monsieur Tétart, l’amendement n84 est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Tétart. Je le retire.

(L’amendement n84 est retiré.)

M. le président. Monsieur Dufau, qu’en est-il de l’amendement n228 ?

M. Jean-Pierre Dufau. Je le retire.

(L’amendement n228 est retiré.)

M. le président. Monsieur Cherki, l’amendement n252 est-il maintenu ?

M. Pascal Cherki. Je le maintiens.

M. le président. Les amendements identiques nos 516, 530, 676, 722 et 782 le sont également.

Monsieur Laurent, maintenez-vous l’amendement n723 ?

M. Jean-Luc Laurent. Je le maintiens, monsieur le président, tout comme l’amendement n722.

M. le président. Monsieur Giraud, enfin, maintenez-vous l’amendement n158 ?

M. Joël Giraud. Il est maintenu.

M. le président. Je rappelle, pour que les choses soient claires, que les amendements nos 252 et identiques proposent de porter le taux de 0,2 % à 0,5 %, que les amendements nos 723 et identiques proposent de le porter à 0,4 %, et que l’amendement n158, de M. Giraud, propose de le porter à 0,3 %, à compter du 1er janvier 2017.

(Les amendements identiques nos 252, 516, 530, 676, 722 et 782 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 723 et 783 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n158 n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 239, 724 et 784.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants51
Nombre de suffrages exprimés50
Majorité absolue26
Pour l’adoption39
contre11

(Les amendements identiques nos 239, 724 et 784 sont adoptés.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce matin, à neuf heures trente :

Suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2017.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 20 octobre, à une heure cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly