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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 10 novembre 2016

SOMMAIRE

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie (suite)

Défense

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

M. Francis Hillmeyer

M. Gérard Charasse

M. Jean-Jacques Candelier

M. Philippe Nauche

M. Philippe Meunier

Mme Marie Récalde

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Gilbert Le Bris

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Jean-Michel Villaumé

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Yves Fromion

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Nicolas Dhuicq

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Charles de La Verpillière

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

M. Jean-François Lamour

M. Jean-Yves Le Drian, ministre

Mission « Défense » (état B)

Amendement no 423

M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 424 , 425

Après l’article 55

Amendements nos 426 , 427 , 428 , 429

Suspension et reprise de la séance

Aide publique au développement

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie

M. Gérard Charasse

M. François Asensi

M. Jean-René Marsac

M. Michel Terrot

M. Philippe Gomes

Mme Seybah Dagoma

M. André Vallini, secrétaire d’État

M. Jean-Marie Tétart

M. André Vallini, secrétaire d’État

M. Philippe Noguès

M. André Vallini, secrétaire d’État

Mission « Aide publique au développement » (état B)

Après l’article 52

Amendement no 277

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 302 , 303 , 456

Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (état D)

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2017

Seconde partie (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 (nos 4061, 4125).

Défense

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la défense (n4125, annexes 11 et 12 ; n4128, tomes II et III ; n4130, tomes II, III, IV, V, VI et VII).

La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, l’examen du projet de loi de finances pour 2017 s’inscrit dans un contexte géopolitique mouvant et incertain. Cette instabilité n’épargne ni l’Europe ni la France.

Depuis un an, notre pays a été la cible de plusieurs attentats terroristes. Nous le savons, il nous faut désormais déjouer une menace inédite dans sa forme et dans son intensité, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières. En prenant la parole devant vous aujourd’hui, mes pensées se tournent vers les victimes des attaques du 13 novembre ; il y a bientôt un an, quelques mois après les attentats contre Charlie Hebdo, notre pays était plongé dans l’horreur de cette nuit meurtrière. Je pense également aux victimes de Nice. Par ma voix, le ministère de la défense exprime une nouvelle fois toute sa solidarité aux familles et aux proches endeuillés par ces actes criminels.

La donne stratégique à laquelle nous faisons face est profondément bouleversée. Je rappelle que depuis le déclenchement de l’opération Serval par le Président de la République en janvier 2013, les opérations de contre-terrorisme sont devenues la cause d’engagement principale de nos armées et la mission prioritaire de nos services de renseignement. Pour répondre à l’ensemble des défis militaires qui nous concernent, et qui dépassent la seule menace terroriste, la France déploie aujourd’hui en permanence plus de 30 000 hommes en opérations extérieures et intérieures. Devant la représentation nationale, je tiens à rendre hommage à l’engagement admirable des hommes et des femmes qui se consacrent avec abnégation à la défense des intérêts de la France et à la protection des Français, sur notre sol comme à l’étranger. (Applaudissements sur tous les bancs.) Vous le savez, leur engagement va jusqu’au sacrifice de leur vie, comme vient à nouveau de le montrer la mort en opération au Nord-Mali de l’adjudant Fabien Jacq, le dix-huitième mort pour la France sur ce théâtre d’opérations. Je présiderai cet après-midi à Angoulême l’hommage qui lui sera rendu.

Le Président de la République et le Gouvernement ont pris la pleine mesure de la période exceptionnelle dans laquelle nous sommes plongés. Elle est exceptionnelle par le nombre et la diversité des problématiques et des sollicitations auxquelles notre défense doit répondre de façon simultanée. Elle est marquée par des changements brusques, comme nous l’avons vu il y a quelques mois avec la décision britannique sur le Brexit, ou encore avec l’élection du nouveau président des États-Unis hier. Qu’il me soit permis de relever à cet égard, comme l’a souligné le Premier ministre hier, notre souhait d’établir avec Donald Trump et son administration une relation forte, franche, fondée sur la confiance, et qui préserve bien entendu la relation transatlantique, le respect des traités et notre action commune contre les menaces du terrorisme.

Plus que jamais, un tel contexte me paraît conforter les principes que nous avons posés au cœur de notre politique de défense : le maintien de l’ensemble des missions stratégiques définies par le livre blanc, dissuasion, protection, intervention. Cela implique un effort budgétaire en conséquence, garant de notre autonomie stratégique. Cet effort budgétaire est indispensable pour préparer la rénovation de notre dissuasion nucléaire, qui sera un sujet crucial dans les années à venir. Il est indispensable aussi pour maintenir nos capacités d’engagement : les contrats opérationnels sont revus à la hausse, l’emploi à un niveau élevé de nos armées et de leurs équipements exige des moyens correspondant à la réalité des missions et des sollicitations de nos forces. C’est une tendance durable que nous ne pouvons ignorer.

Le projet de budget de la mission « Défense » se tient au niveau de cette ambition. Il est solide et intégralement financé. En hausse de 600 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale de 2016, le projet de loi de finances pour 2017 s’inscrit dans la dynamique de l’actualisation de la loi de programmation militaire que vous avez votée en juillet 2015. Il conforte donc, sur le fond, les orientations de cette loi de programmation actualisée en permettant la pleine mise en œuvre des priorités que sont la protection du territoire national, le renouvellement des équipements des armées, le soutien à l’activité opérationnelle des forces, ainsi que le renforcement du renseignement et de la cyberdéfense.

Je rappelle que la loi de programmation militaire initiale, votée en décembre 2013, prévoyait pour l’année 2017 un budget de 31,6 milliards d’euros. Nous l’avons porté à 32,7 milliards d’euros hors pensions. Cela représente 1,1 milliard d’euros de plus en 2017 que dans la loi de programmation initiale ; c’est dire le chemin parcouru.

Ce budget est équilibré. La hausse que j’ai décrite permet en effet de maintenir l’effort de la nation en faveur de sa défense à 1,8 % du PIB pensions comprises. Cela nous permet de poursuivre la remontée vers l’objectif de 2 % du PIB prévu à l’article 6 de la loi de programmation militaire actualisée.

J’aimerais évoquer à présent la nouvelle trajectoire des effectifs et les mesures qui s’y rapportent. Pour la première fois, nous cessons les déflations et augmentons les effectifs de nos forces armées. Nous avons clairement changé d’époque. Ce sont donc 10 000 postes qui seront déployés en trois ans au profit des différentes priorités fixées par le Président de la République. Cela signifie qu’en 2017 la défense disposera de 3 000 postes de plus que dans la loi de programmation militaire actualisée de juillet 2015, et de 7 800 postes de plus que dans la loi de programmation militaire de décembre 2013.

En termes de recrutement, j’aimerais aussi porter à votre attention, comme je l’ai fait lors de la conférence budgétaire, l’effort que nous consentons en faveur des réserves. Je me suis attelé à conforter puis à accroître les ressources consacrées aux réserves depuis mon arrivée. L’objectif visé dans le projet « réserves 2019 » était d’augmenter les effectifs de nos réserves pour atteindre 40 000 hommes en 2019. Il a été revu à la hausse à l’occasion de la mise en place de la garde nationale adoptée en conseil de défense puis en conseil des ministres le 12 octobre dernier. Pour les armées, l’objectif passe à 40 000 hommes dès 2018 ; ils seront donc plus de 30 000 à la fin de cette année, avec une capacité de déploiement permanent de 1 500 réservistes sur le territoire national dans le cadre de missions de protection. Le budget global pour la défense concernant la garde nationale et les réserves sera multiplié par trois.

Je voudrais rappeler également les mesures favorables prises à l’égard de la condition du personnel militaire et civil de la défense, pour laquelle ce projet de loi de finances marque un effort de plus de 350 millions d’euros. J’ai eu l’occasion de détailler devant vous ces diverses dispositions le 2 novembre dernier. C’est un ensemble indispensable.

Je tiens à rappeler en outre l’effort important pour l’équipement de nos armées. Les crédits d’équipement progressent de près de 300 millions d’euros pour atteindre 17,3 milliards d’euros. Cela permet, conformément à nos engagements, de poursuivre la modernisation du matériel des armées et de maintenir l’effort en faveur de la préparation de l’avenir. Chacun des grands secteurs de l’industrie de défense, qu’il s’agisse de l’aéronautique, des sous-marins, de l’armement terrestre, ou encore du renseignement, peut ainsi assurer la poursuite des programmes en cours.

La dynamique de renouvellement et d’entretien des infrastructures est elle aussi confortée. Plus de 1,17 milliard d’euros investis dans ce domaine permettront de satisfaire en priorité les besoins résultant de l’augmentation des effectifs, d’adapter les infrastructures au rythme de livraison des équipements, de renforcer la protection militaire des emprises, et d’améliorer les conditions de vie du personnel engagé au titre de l’opération Sentinelle.

Mesdames, messieurs les députés, le projet de budget que j’ai l’honneur de vous présenter répond aux besoins opérationnels de nos forces. Sollicitées de toutes parts, nos armées ont besoin de la nation et de ses représentants pour envisager un avenir lourd d’enjeux. Il concrétise également des projets de long terme pour nos équipements et notre industrie. Enfin, il tire concrètement toutes les conséquences de l’amplification des menaces visant le territoire national. Je souhaite donc qu’il recueille une approbation aussi large que possible et dépassant les clivages partisans. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Francis Hillmeyer, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Francis Hillmeyer. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, monsieur le rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, madame la rapporteure pour avis de la commission de la défense, mes chers collègues, nos militaires sont prêts à consentir au sacrifice suprême, celui de verser leur sang. C’est pourquoi nous leur devons reconnaissance pour leur engagement, leur dévouement et leur professionnalisme, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre. Alors qu’un soldat est décédé la semaine dernière dans l’exercice de sa mission, nous voulons aujourd’hui rendre hommage à tous nos hommes tombés au champ d’honneur. Nous saluons l’action exemplaire menée par l’ensemble des hommes et des femmes qui servent les armes de la France, que ce soit sur le territoire national ou en opérations extérieures.

En effet, la France est actuellement engagée au Mali, en Centrafrique, ainsi qu’en Irak. Depuis le 27 septembre 2015, notre pays opère également des frappes en Syrie afin de lutter contre Daech. L’opération Sentinelle mise en place au lendemain des attentats de janvier 2015 afin d’assurer la protection de nos concitoyens sur le territoire national est elle aussi consommatrice de personnel.

Afin que la France puisse continuer de défendre la liberté et de lutter contre le terrorisme, il est absolument essentiel d’allouer des moyens suffisants à la défense. Les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants se sont élevés contre les coupes budgétaires et les baisses d’effectifs drastiques qui ont touché la défense. Nous avions ainsi voté contre les budgets de 2013, de 2014 et de 2015, ainsi que contre la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Si cette trajectoire avait été maintenue, les effectifs de la défense auraient diminué d’un quart en dix ans, entre 2009 et 2019. En 2014, le ministère de la défense a assumé à lui seul près de 60 % des suppressions des emplois d’État. Pour notre groupe, il était irresponsable de demander à la défense de réaliser tant d’efforts, plus que les autres ministères, dans le contexte d’une menace au niveau inédit.

À la suite des terribles attentats qui ont frappé notre pays, le Gouvernement a opéré un revirement salutaire, et nous avons soutenu l’actualisation de la loi de programmation militaire, qui a permis, sans pour autant les faire disparaître, de réduire les nombreux aléas qui pesaient sur la réalisation de cette loi de programmation. Toutefois, des questions demeurent, et il nous faut aller plus loin. Nos armées sont actuellement sous tension, et cette situation joue malheureusement sur les temps de repos, ainsi que sur la capacité de préparation opérationnelle de nos militaires.

En outre, l’état des équipements est particulièrement préoccupant, puisque leur dégradation s’accroît depuis de nombreuses années : 85 % des équipements en service dans l’armée de terre ont été conçus et acquis il y a trente-cinq ans. En 2015, ce sont plus d’un tiers des équipements attendus qui n’ont pas été livrés. Il s’agit du taux de réalisation le plus faible depuis 2008, qui vient confirmer une baisse continue depuis 2012. Les hélicoptères Tigre affichaient une disponibilité inférieure à 20 % en 2014, et en ce qui concerne l’A400M, seul un appareil sur dix est en état de voler.

Vous avez indiqué, monsieur le ministre, qu’un certain nombre de mesures structurelles nous permettront d’aboutir à une disponibilité de 50 % à la fin de la loi de programmation militaire. Si cela constituerait un progrès par rapport à la situation catastrophique que nous connaissons actuellement, nous ne pourrions toutefois nous en satisfaire : il est essentiel de donner à nos hommes les moyens de combattre notre ennemi, et les équipements en état de fonctionner sont une condition sine qua non de la réalisation de cette mission.

Mi-décembre, le porte-avions Charles de Gaulle quittera le dispositif de l’opération Chammal avec à bord ses vingt-quatre Rafale. Subissant son deuxième arrêt technique majeur, il sera indisponible durant dix-huit mois. Vous avez déclaré, monsieur le ministre : « […] peut-être qu’il serait souhaitable d’avoir un deuxième porte-avions », en ajoutant : « Ce n’est pas dans la loi de programmation militaire actuelle. » Je suis de votre avis ; il faudra néanmoins s’en donner les moyens.

Concernant le choix du remplacement du FAMAS – fusil d’assaut de la manufacture d’armes de Saint-Etienne –, que fait la direction générale de l’armement ? Pourquoi n’avons-nous pas su stimuler nos industriels français ? En dehors de l’aspect purement militaire, il faut considérer qu’il y a de nombreux emplois à la clef ; en outre, c’est une question de souveraineté nationale. Il en va de même avec les munitions de petit calibre : la France est leader en matière de cartouches pour la chasse et c’est à l’étranger, nonobstant les aléas et les accidents rencontrés, que nous nous fournissons, aujourd’hui aux États-Unis. Cela représente à nouveau 200 emplois de perdus.

Enfin, aux conflits armés qui se tiennent aux portes de l’Europe, nous devons apporter une réponse européenne. Vous le savez, les centristes sont profondément européens et convaincus que seule une véritable mutualisation des moyens de la défense et la constitution d’une force européenne capable de se projeter rapidement permettront de lutter efficacement pour la paix sur le vieux continent.

C’est pourquoi, malgré les avancées indéniables et vos efforts, monsieur le ministre, que le groupe de l’Union des démocrates et indépendants salue, nous ne pouvons voter pour ce projet de budget.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, dans un environnement géopolitique instable caractérisé par la lutte contre une menace terroriste d’un niveau très élevé, il faut se féliciter que les crédits de la mission « Défense » pour 2017 augmentent de 600 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. Dans un contexte budgétaire contraint, ces crédits s’élèvent en effet à 32,7 milliards d’euros, légèrement en deçà de la demande émise par le ministère lors de la préparation du budget, soit 33 milliards d’euros, et du seuil de 2 % du PIB souvent espéré. Espérons que le ministère de la défense obtienne ultérieurement ce qu’il demande !

M. Gérard Charasse. Dans cette perspective, le PLF pour 2017 tient compte de la décision de faire cesser les diminutions d’effectifs du ministère jusqu’en 2019. Par rapport à l’évolution prévue par la loi de programmation militaire actualisée, ce sont 10 000 postes de plus, entre 2017 et 2019, pour renforcer les unités opérationnelles, les moyens de soutien, la cyberdéfense et le renseignement. Les effets de l’application aux personnels civils et militaires du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » ont également été pris en compte, ainsi que plusieurs mesures adoptées pour améliorer la condition des personnels afin de compenser la suractivité due à l’augmentation des activités opérationnelles. Il s’agit de financer de nouvelles primes journalières. En effet, plus de 30 000 militaires sont en opération chaque jour, soit un rythme inégalé depuis la guerre d’Algérie, et 50 000 d’entre eux ont renoncé à prendre leurs congés pour patrouiller dans l’Hexagone après le terrible attentat de Nice.

Par ailleurs, ce budget prévoit une dotation supplémentaire afin d’accompagner une montée en cadence plus rapide de la réserve nationale, dont l’effectif devrait atteindre 40 000 militaires fin 2018. Les ressources du budget 2017 doivent également permettre de réaffirmer l’effort consenti au profit des équipements, notamment par le renforcement des capacités critiques et la régénération des matériels soumis, comme les hommes, à de fortes pressions en opérations extérieures. La mission « Défense » oriente son action annuelle et pluriannuelle conformément aux perspectives tracées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale publié en 2013 et aux dispositions actualisées de la loi de programmation militaire 2014-2019 dont la trajectoire a été stabilisée entre 2013 et 2015, conformément à la volonté du Président de la République, alors même que la dépense globale de l’État diminuait.

En outre, l’actualisation de la loi de programmation militaire par la loi du 28 juillet 2015 a conduit à alléger la déflation programmée des effectifs entre 2015 et 2019 de près de 19 000 postes afin d’assurer le déploiement durable de 7 000 hommes sur le territoire national dans le cadre du contrat « Protection ». Elle a également été l’occasion d’accroître l’effort en matière d’équipement, d’activité opérationnelle des forces et de renseignement. De même, la trajectoire des ressources programmée a été augmentée de près de 4 milliards d’euros sur la période 2016-2019 et sécurisée par la substitution des crédits budgétaires à la majeure partie des ressources exceptionnelles prévues par la loi de programmation initiale.

Enfin, les moyens supplémentaires dégagés par rapport à la loi de programmation militaire actualisée, conformément aux décisions du Président de la République lors du conseil de défense d’avril dernier, ont permis de donner la priorité à la protection du territoire national, à l’équipement et à l’activité opérationnelle, d’améliorer la condition du personnel et de renforcer certains axes prioritaires tels que la cyberdéfense et le renseignement. Par conséquent, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera ce budget qui permet de maintenir un niveau d’engagement élevé et durable des armées françaises et des moyens de la défense nationale, en OPEX comme sur le territoire national, dans un contexte géostratégique difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, c’est avec crainte et colère que je me présente devant vous pour l’examen des crédits que la nation octroiera à sa défense en 2017. En effet, alors que notre peuple est soumis à l’austérité, le budget de la dissuasion nucléaire ne cesse de croître, pour notre plus grand péril : 10 % des crédits y seront dédiés, soit 3,87 milliards d’euros ! Ce montant, qui augmente par rapport à 2016, devrait croître exponentiellement selon certaines prévisions. Il est pourtant d’ores et déjà plus important que l’ensemble du budget dédié à l’agriculture, à l’outre-mer, aux sports ou encore à la culture.

Une pétition du Mouvement de la Paix contre le doublement des crédits de l’arme atomique rencontre un fort succès, preuve que nos concitoyens comprennent aisément qu’aucune menace nucléaire ne pèse sur notre pays ! L’arme atomique est en effet totalement inopérante pour juguler le terrorisme mais procède du même mépris pour la vie humaine en menaçant d’anéantir des millions de personnes sans distinguer civils et militaires. Paul Quilès, ancien ministre de la défense, nous a alertés sur les dangers d’une « guerre nucléaire qui se prépare ». En poursuivant dans cette voie, la France s’inscrit avec l’OTAN dans une guerre froide qui n’a pas le courage de dire son nom et permet aux lobbies militaro-industriels de relancer la course aux armements nucléaires.

Alors que la seule voie raisonnable pour le Gouvernement français consisterait à prendre des initiatives diplomatiques visant à un désarmement multilatéral progressif, notre diplomatie a émis un signal extrêmement négatif le 27 octobre dernier en votant contre une résolution de l’ONU, pourtant soutenue par 123 États, intitulée « faire avancer les négociations multilatérales sur le désarmement nucléaire ». Les armes nucléaires étant les dernières armes de destruction massive à ne pas être soumises à une interdiction, je considère que ce vote va à contresens de l’Histoire. La dissuasion nucléaire constitue une dépense somptuaire de 10,6 millions d’euros par jour qui nous empêche de traiter favorablement les vrais enjeux de notre défense. Les orientations de ce budget constituent donc de mauvaises réponses aux vrais problèmes.

Néanmoins, je me réjouis de constater que ce budget de 32,7 milliards d’euros, qui est en progression, concrétise enfin l’arrêt de la déflation des effectifs, ce qui est une conséquence des dramatiques attentats que notre pays a connu. Toutefois, il convient de s’interroger sur l’utilité réelle de l’opération Sentinelle, dont l’efficacité antiterroriste est faible et qui ressemble davantage à de l’affichage qu’à une véritable mesure de protection. S’agissant de nos forces conventionnelles, nos unités ne disposent pas des matériels modernes dont elles ont besoin. Qu’on ne compte pas sur nous pour défendre la nécessité d’un budget de la défense à 2 % du PIB, comme l’OTAN et les États-Unis voudraient l’imposer aux gouvernements européens ! Face à la situation catastrophique de notre industrie d’armement, le contribuable français irait enrichir les entreprises étrangères, comme c’est déjà le cas en raison de la fabrication de notre fusil d’assaut en Allemagne !

Contrairement aux beaux discours évoquant la relance d’une filière de munitions de petit calibre en France, notre industrie nationale d’armement n’est en réalité ni soutenue ni encouragée. Les causes en sont l’achat systématique sur étagère et la sous-traitance. Les contrats mirobolants que nous concluons avec certains pays font oublier que les armes ne sont pas des marchandises comme les autres et qu’on ne peut les vendre à n’importe qui ni à n’importe quelles conditions. Certes, nous vendons des Rafale. Mais comme le montre le cas indien, les avions sont nus et les missiles qui les équipent sont produits en Israël. J’évoquerai aussi les difficultés que traverse la Samp – Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre – qui produit des corps de bombe dans le Nord et dont le président me confirmait récemment le manque total de soutien de la DGA – Délégation générale de l’armement – qui préfère dissuader nos PME de participer aux marchés publics, particulièrement dans l’industrie des corps de bombes et du petit calibre.

De lourds dangers planent également sur l’industrie navale. STX, installée à Saint-Nazaire, pourrait en effet tomber dans des mains hostiles, ce qui priverait notre pays de brevets et de savoir-faire cruciaux. Il faut faire cesser la vente de notre industrie stratégique à l’étranger, qui démolit notre filière industrielle de l’armement, provoque des milliers de suppressions d’emplois et fait peser une forte menace sur notre souveraineté nationale !

Pour conclure, il nous faut une marine, une aviation et une armée de terre permettant d’assurer réellement la sécurité du pays. Au quotidien, nos militaires manquent de tout et nos matériels ne sont que les fantômes de ce qu’ils furent. Il est temps de s’en rendre compte et d’y remédier ! Je présenterai donc des amendements qui démontreront le bien-fondé de notre analyse et proposeront de récupérer des moyens attribués au nucléaire au profit du conventionnel. Tandis que plus de 100 parlementaires proposent un référendum sur l’abolition des armes nucléaires, j’espère que la raison saura l’emporter par-delà les clivages partisans, dans l’intérêt des militaires et de la sécurité du pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nauche, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Philippe Nauche. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le budget de la défense nationale, qui est un budget des engagements tenus. Il intègre à la fois le Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2013, la loi de programmation militaire 2014-2019 ainsi que ses actualisations et les décisions du conseil de défense du 6 avril 2016. L’évolution du contexte national et international depuis 2013 ainsi que les attentats de 2015 et 2016 ont créé un niveau de menace inédit depuis la guerre froide ayant pour conséquence un niveau élevé et durable d’engagement de nos forces.

La lutte contre le terrorisme a mis en évidence la nécessité d’un continuum extérieur-intérieur des actions menées contre lui. Afin de répondre à ces besoins, le budget de la défense prévu par ce PLF est supérieur de 600 millions d’euros à celui de la loi de finances initiale pour 2016 et de 400 millions d’euros par rapport à la dernière actualisation de la loi de programmation militaire, soit 1,6 milliard d’euros supplémentaire par rapport à la loi de programmation initiale.

Cela permettra de poursuivre le renforcement de la posture de protection nationale et des OPEX tout en améliorant la préparation opérationnelle grâce à l’annulation de la réduction programmée des effectifs ; de porter la réserve opérationnelle à 40 000 hommes en 2018 pour constituer, avec les 44 000 réservistes dépendant du ministère de l’intérieur, la garde nationale ; de consentir un effort d’équipement en matière de capacités critiques telles que les avions de transport tactique, le renseignement, les hélicoptères, en particulier leur maintien en condition opérationnelle, et l’entretien programmé des matériels ; de continuer à donner une place majeure à la connaissance et l’anticipation au moyen de la cyberdéfense et du renseignement grâce à une amplification de l’effort en matière de recrutement, d’équipement, de capacité de recueil, de traitement et de diffusion de l’information et de coordination interservices et grâce à la poursuite de l’application de la loi relative au renseignement et de la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales votées en 2015.

Cela permettra également de poursuivre l’effort de recherche et développement, si important pour l’industrie et la technologie, qui sont des outils de souveraineté et d’autonomie stratégique, et de mettre en œuvre le plan d’amélioration de la condition du personnel prenant en compte les compensations de la suractivité et le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations ». En effet, nous savons tous l’engagement des hommes et des femmes de la défense au service de notre pays, qui peut aller jusqu’au sacrifice de leur vie, comme nous l’avons constaté à nouveau la semaine dernière.

Je n’évoquerai pas en détail les différents programmes de la mission « Défense », mais tous ont en commun l’amélioration des moyens consacrés à notre défense. Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » comprend les budgets de la DGSE – direction générale de la sécurité extérieure – et de la DRSD – direction du renseignement et de la sécurité de la défense. Le programme 178 « Préparation et emploi des forces » couvre la préparation opérationnelle, les OPEX, l’opération Sentinelle et la DRM – direction du renseignement militaire. Le programme 212 « Soutien de la politique de la défense » comprend le budget de titre II consacré à la prise en charge du personnel du ministère, dont les effectifs s’élèvent à 273 294 équivalents temps plein, mais aussi celui de la politique immobilière et de la constitution de la garde nationale. Le programme 146 « Équipement des forces », piloté par le CEMA – chef d’état-major des armées – et le DGA – directeur général de l’armement, tendra à corriger des fragilités capacitaires. Tout cela a été exposé par M. le ministre et dans les différents rapports de nos collègues.

Face à la menace, le Gouvernement a pris et prend ses responsabilités en utilisant toutes les marges de manœuvre possibles. Il faut se souvenir de la trajectoire adoptée par les quinquennats précédents…

M. Yves Fromion. Enfin, on y vient !

M. Philippe Nauche. … des décisions qui n’avaient pas été prises sur les drones, les avions ravitailleurs, le système Louvois, la non-réalisation des recettes exceptionnelles, la « bosse budgétaire » en matière d’équipement, etc. Vous savez tout cela parfaitement, messieurs les députés de l’opposition.

M. Philippe Meunier. Ah, parfaitement !

M. Philippe Nauche. Bien sûr, tout ne va pas bien et il reste des problèmes à régler dès cette année.

M. Yves Fromion. Tiens donc !

M. Philippe Nauche. La sortie de Louvois est engagée ; elle doit se poursuivre et aboutir. Le maintien en condition opérationnelle des hélicoptères ainsi que leur manque de disponibilité opérationnelle, que vous avez vous-même souligné, monsieur le ministre, posent problème. Le processus de développement du drone MALE européen est enfin engagé. Les Airbus A330 Multi Role Tanker Transport – MRTT – sont commandés. L’aéromobilité est un domaine dans lequel il convient encore de travailler. Notre marine doit être modernisée, afin de répondre à la maritimisation du monde, une question qui ne se trouve pas sous les feux de l’actualité mais qui est essentielle pour l’avenir et la souveraineté de notre pays. Enfin, dans l’année qui vient, il faudra, pour certains équipements très utilisés, choisir entre la régénération et le remplacement à neuf par de nouveaux programmes.

La préparation de la loi de programmation militaire et le Livre blanc devront prendre en compte les incertitudes qui pèsent sur les réponses, pas seulement militaires, à l’évolution des menaces : situation en Méditerranée ; nouvelle donne américaine ; équilibres entre l’ouest et l’est de l’Europe ; capacité de l’Afrique à prendre en charge sa sécurité, Europe de la défense versus OTAN… Cela fait plus de questions que de réponses, mais ce budget pour 2017 que nous examinons aujourd’hui est celui d’une ambition réaliste ; il concrétise le respect des engagements. Aussi, le groupe socialiste, écologique et républicain le soutiendra-t-il sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Meunier. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, chers collègues, nous sommes réunis ce matin en séance publique pour examiner le dernier budget de la défense du quinquennat. Préalablement, je tiens à rendre un hommage appuyé au maréchal des logis Fabien Jacq, mort au Mali la semaine dernière. À l’heure où certains n’hésitent pas à tuer et à assassiner lâchement nos compatriotes, au mépris de leur propre nationalité, d’autres, militaires, policiers et pompiers s’engagent et se sacrifient pour notre sécurité et notre liberté. Cela doit être rappelé. Le maréchal des logis Fabien Jacq, ainsi que tous ses camarades morts pour la France, sont un exemple pour nos compatriotes.

Nos morts pour la France nous rappellent combien nos armées sont sollicitées : Mali, bande sahélo-saharienne, République Centrafricaine, Irak, Syrie et, depuis dix-huit mois, déploiement massif sur le territoire national avec l’opération Sentinelle. L’engagement de nos forces dépasse les contrats opérationnels. Le dispositif déployé en OPEX par l’armée de l’air en est un exemple, avec vingt avions de chasse au lieu des douze prévus.

Notre devoir de parlementaire est de faire en sorte que ces hommes puissent mener leurs missions dans les meilleures conditions et avec les meilleurs matériels possibles. Votre devoir, monsieur le ministre, est de ne pas les engager sans leur affecter les moyens nécessaires. La réunion en commission élargie de la semaine dernière, hélas, n’a fait que révéler et confirmer les manquements graves liés aux conséquences de la politique du Président de la République, de son gouvernement et de votre action.

Il apparaît ainsi de plus en plus clairement – la presse commence d’ailleurs à le percevoir – que votre bilan à la tête de ce ministère ne sera pas à l’image de votre communication. Et si personne ne peut reprocher à un gouvernement de mettre en œuvre sa politique, les manquements et les manipulations budgétaires ne peuvent être tolérés lorsqu’il s’agit de l’engagement de nos armées et de la vie de nos hommes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Après quatre années d’engagements, très au-delà du contrat opérationnel, vous nous présentez un budget facialement en hausse de seulement 600 millions d’euros par rapport à 2016 et vous annoncez 400 millions d’euros supplémentaires – qui n’apparaissent pas dans les documents budgétaires. Ce n’est pas à la hauteur de l’engagement que François Hollande exige de nos forces.

Les députés du groupe Les Républicains vous l’ont démontré en commission.

M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La démonstration nous a échappé !

M. Philippe Meunier. Vous n’avez d’ailleurs pas répondu à nos questions. Et pour cause, ces augmentations annoncées n’en sont pas – ou à peine. En effet, entre le report des crédits 2016 non consommés – travaux d’infrastructure pour 100 millions d’euros non réalisés – et le moindre coût des facteurs, pour 180 millions d’euros, il ne reste plus grand-chose de vos 600 millions d’euros. Et cela suffira à peine à financer le poste budgétaire affecté au personnel.

Il n’y a donc aucun effort budgétaire sur les équipements et le maintien en condition opérationnelle – MCO. Les auditions des différents rapporteurs budgétaires lors de la commission élargie ont été particulièrement éclairantes à ce sujet et révèlent une situation extrêmement grave, pour ne pas dire compromettante, pour l’engagement de nos forces. Nous comprenons mieux pourquoi le rapporteur spécial François Cornut-Gentille, pour la première fois, n’a pu avoir accès aux données. Je tiens d’ailleurs ici à saluer la qualité et le sérieux de son travail sur le suivi du MCO de nos matériels au cours de cette législature. Avec mes collègues du groupe Les Républicains, nous avons été également stupéfaits d’apprendre que l’un de vos proches pouvait faire une distinction entre MCO en temps de paix et MCO en temps de guerre !

Permettez-moi de vous le dire, monsieur le ministre : même après les déclarations stupéfiantes, pour ne pas dire scandaleuses, du Président de la République à des journalistes sur des opérations relevant du secret défense, il y a de quoi être encore surpris !

À ce triste bilan s’ajoute une fin de gestion 2016 des plus incertaines, malgré un premier dégel de 770 millions d’euros annoncé la semaine dernière en commission. L’audit en profondeur de l’action de votre ministère, que nous appelons de nos vœux, dès le printemps prochain, mettra en lumière les difficultés et les impasses dans lesquelles vous avez entraîné nos armées. Nous proposons que cet audit soit suivi d’une revue stratégique, qui permettra de redéfinir les besoins de nos armées et de fixer des contrats opérationnels réactualisés et crédibles.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est ce que l’on fait tous les cinq ans !

M. Philippe Meunier. Nous traduirons ces choix dans le cadre d’une nouvelle loi de programmation militaire de cinq ans, correspondant à la responsabilité du temps politique et à la durée du prochain quinquennat, avec un budget de la défense de 1,85 % du PIB en 2022 et de 2 % en 2025.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Il vous faudra aller plus vite !

M. Philippe Meunier. Je précise – tout le monde ne le fait pas – qu’il s’agit d’un budget hors pensions, car seul un budget hors pensions traduit l’effort réel de défense.

Ce dernier budget, monsieur le ministre, est l’occasion de vous dire à quel point nous considérons votre LPM comme électoraliste. Nous y voyons la marque d’un profond manque de respect à l’égard de nos forces armées et de nos industriels. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Comment en effet l’interpréter autrement ? Attendre 2018 et 2019 pour commencer à augmenter significativement les budgets de notre défense et laisser à vos successeurs le soin, comme l’a très bien démontré M. Lamour en commission élargie, de régler l’addition n’est pas à la hauteur des enjeux. Le groupe Les Républicains votera contre ce budget, inférieur hors pensions à 1,5 % du PIB, insincère et qui ne correspond en rien à l’engagement de nos hommes et à l’état d’attrition de nos matériels. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Nicolas Dhuicq. Très bien !

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

Nous commençons par les questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La parole est à Mme Marie Récalde.

Mme Marie Récalde. Monsieur le ministre, nous examinons cette année un budget marqué par l’engagement accru de nos armées dans les opérations de contre-terrorisme, sur le territoire national et à l’extérieur. Confrontées à une menace terroriste majeure et durable, les armées se voient renforcées dans leur aptitude à faire face à des menaces, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières.

Face à de nouveaux besoins capacitaires, ce budget répond indéniablement à la diversité des missions de la défense. L’engagement pris par la loi de programmation militaire d’enrayer la baisse des indicateurs d’activité opérationnelle constatée en 2012, puis de retrouver progressivement des niveaux d’activité comparables à ceux de l’Otan ou de nos alliés habituels en opération, impose un effort financier significatif en matière d’entretien programmé des matériels, EPM, qui va au-delà des effets de hausse structurelle. Le budget 2017 reste relativement stable en termes de crédits de paiement d’EPM par rapport à la loi de finances pour 2016, qui avait elle-même bénéficié d’un abondement de 200 millions d’euros par rapport à 2015.

Il s’agit là d’une action sur plusieurs années qui permettra aux forces de consolider leur stratégie selon quatre axes : régénérer le potentiel, préparer les unités, tenir l’effort dans la durée et assurer la cohérence de la ressource humaine consacrée au maintien en condition des équipements. L’effort dans la durée est cohérent, notamment, avec les besoins supplémentaires en préparation opérationnelle, induits par la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre. L’organisation du soutien se stabilise donc en 2017 avec la poursuite de la logique de simplification et de mise en cohérence de l’ensemble du système.

Je souhaite revenir, monsieur le ministre, sur la disponibilité de nos matériels, et sur les faiblesses dans le maintien en condition opérationnelle des Atlantique 2, constatées par notre collègue Gwendal Rouillard à l’occasion d’un déplacement à Cuers – problèmes qui concernent aussi les NH-90. Devant la commission, vous avez confirmé cette situation, qui paraît préoccupante, et qui tiendrait d’une question d’organisation plutôt que de budget.

Monsieur le ministre, quelles pistes sont envisagées pour améliorer cette situation et garantir à nos forces une disponibilité accrue des équipements, particulièrement nécessaire au regard des engagements actuels de nos armées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Madame la députée, j’ai veillé dès mon arrivée à ce que les crédits affectés à l’EPM soient sanctuarisés, ce qui n’était pas le cas auparavant.

Plusieurs députés du groupe socialiste, écologiste et républicain. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Désolé de le dire, messieurs les députés de l’opposition, l’EPM était la variable d’ajustement. En outre, j’ai veillé à ce que ces crédits progressent de 4,3 % tout au long de la LPM. S’y ajoutent encore 500 millions d’euros, consentis au moment de l’actualisation de la LPM, et consacrés à la régénération des matériels.

Il est vrai que la préparation opérationnelle a connu un trou, au moment où l’armée de terre, en particulier, s’est trouvée très fortement mobilisée. Cette activité va trouver à s’améliorer puisque, comme je l’ai dit en commission, l’armée de terre devrait passer en 2017 à 81 jours de préparation opérationnelle, contre 75 jours en 2016. Cette progression devrait se poursuivre grâce aux recrutements envisagés – si d’aventure le projet de loi de finances est voté. Les chiffres sur la préparation opérationnelle dans le domaine des hélicoptères et de l’aviation de chasse devraient progresser, de même que les jours de présence en mer des marins, pour atteindre les normes prévues par l’OTAN.

Vous m’interrogez aussi sur la question, ardue, de la disponibilité des matériels, celle des hélicoptères en particulier. Il est vrai que moins de 40 % des hélicoptères sont disponibles, ce qui est insuffisant. Cela est vrai aussi bien sur le territoire qu’à l’extérieur et tient à la grande complexité de la filière de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères. J’ai décidé la semaine dernière un plan d’action, associant l’ensemble des services du ministère et les industriels : l’objectif est de porter la disponibilité au-dessus de 50 % avant la fin de la LPM. Le plan comporte des mesures ciblées particulièrement fortes pour le Tigre et les NH-90. Je rappelle que nous avons augmenté les commandes pour ces deux derniers appareils, et, du coup, les livraisons. Ce ne sont pas les moyens qui sont en cause, mais la moindre performance de la chaîne d’organisation, qu’il convient donc de réviser.

S’agissant des Atlantique 2, les délais des grandes visites sont beaucoup trop longs à Cuers et nous avons pris des mesures pour les réduire sensiblement. Je signale que j’ai moi-même lancé fin 2013 le programme de rénovation des ATL2, qui attendait depuis plusieurs années. Il est vrai que cette grande rénovation ne va pas aussi vite que je le souhaite, mais elle est en cours ; c’est heureux, car les activités d’observation et de renseignement auraient pu pâtir de l’absence de modernisation, ce qui aurait placé nos propres forces dans une situation très difficile.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. Monsieur le ministre, les exportations de matériel de défense sont nécessaires à la souveraineté de notre outil de défense, pour des raisons économiques, industrielles, opérationnelles et stratégiques. Je veux rappeler que le succès à l’export de certains matériels et équipements conditionne tout l’équilibre financier de notre programmation militaire. Nous pouvons donc nous féliciter que les prises de commande d’armements aient atteint en 2015 le montant historique de 16,9 milliards d’euros. Cela constitue la meilleure performance jamais enregistrée.

Il s’agit là d’un véritable changement d’échelle car nous en sommes à plus du double du bilan de 2014, déjà pourtant un bon millésime, et près de quatre fois plus que certaines années dites creuses. Le millésime 2016 sera certainement, lui aussi, un bon cru.

Ce résultat porte l’empreinte de votre méthode, monsieur le ministre, et de celle de l’équipe France. Mais je voudrais vous interroger sur nos actions de soutien aux exportations. Alors que les exportations de matériel de défense connaissent un succès historique, quelles mesures prenez-vous pour renforcer encore les exportations, sans que les mises à disposition de personnel et de matériel ne perturbent trop les armées, sachant que le soutien de l’État est indispensable, voire décisif au succès de nos entreprises à l’export ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le député, vous avez raison de souligner l’évolution très positive de nos ventes de matériel de défense. Les chiffres que vous avez avancés sont justes. Nous en sommes en effet à ce niveau, en 2016, entre 15 et 16 milliards. À mon arrivée, nous ne dépassions pas 4,8 milliards.

Votre réflexion en appelle une autre : les équipements qui permettent à nos forces d’atteindre ce niveau de performance ne doivent pas être aussi mauvais que j’ai pu l’entendre, puisque nous en vendons autant ! Ou bien nos acheteurs sont tous atteints d’une myopie insupportable, mais je ne pense pas que ce soit le cas. Si nous réussissons à vendre autant de matériel français, c’est qu’il est d’excellente qualité et que nos forces sont bien équipées.

M. Yves Fromion. Là n’est pas le problème et vous mélangez tout – entretien, matériaux, qualité.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’insiste sur cette question car je n’ai pas bien compris les propos que certains ont tenus à cette tribune  et d’autres tenus par M. Fromion.

Nos capacités d’exportation sont considérables et nous les devons à une méthode que je vous ai déjà expliquée. Je suis assez fier de ce bilan…

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Vous pouvez l’être, en effet !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …malgré ce que peut en penser M. Meunier. Il est le fruit d’un excellent travail d’équipe qui a fait les preuves de son efficacité et de sa cohérence.

Cela étant, c’est vrai, un certain nombre de devoirs découlent de cette situation. Il ne suffit pas de vendre, il faut assurer le suivi des opérations. C’est pourquoi nous avons décidé, dans l’actualisation de la loi de programmation militaire, d’accroître les efforts de soutien aux exportations – le SOUTEX –, de 90 millions d’euros, et d’augmenter les effectifs pour couvrir ces nouvelles missions de soutien aux exportations – avec 400 postes pour l’armée de l’air et la marine, 70 postes pour la Direction générale de l’armement. Ce n’est pas pourtant pas encore suffisant au regard de l’ampleur de la tâche – je pense notamment aux contrats passés avec l’Australie et l’Inde, à la commande très récente d’hélicoptères par le Koweït.

Parce que nous devons renforcer ce dispositif, j’ai demandé au délégué général pour l’armement et au chef d’État-Major des armées, de me proposer un plan de renforcement du SOUTEX pour que nous puissions répondre aux contraintes que soulèvent ces exportations et mettre en place un partenariat significatif avec les pays concernés. Rappelons que la signature d’un contrat comme celui par lequel nous avons vendu des sous-marins à l’Australie, nous engage pour cinquante ans ! Même si les matériels sont livrés les vingt-cinq premières années, il faut assurer ensuite le maintien en condition opérationnelle. Ce n’est pas rien et nous prenons les mesures qui s’imposent. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Villaumé.

M. Jean-Michel Villaumé. Monsieur le ministre, parmi les défis qui attendent notre pays, figure celui de la sécurisation de notre espace informatique. À cet égard, le cyberespace utilisé par la France pour ses activités militaires est une priorité. Il suffit, pour s’en convaincre, d’imaginer les conséquences que pourrait avoir une pénétration de nos réseaux à des fins d’espionnage ou de prise de contrôle à distance.

Dès 2013, cet enjeu apparaissait comme une priorité nationale dans le Livre blanc de la défense. La loi de programmation militaire 2014-2019, votée cette année-là, l’avait d’ailleurs présenté ainsi.

Dès le début du quinquennat, monsieur le ministre, vous avez pris très au sérieux cette menace cyber et vous avez exprimé votre conviction, qu’à terme, une quatrième armée devrait naître pour protéger ce nouvel espace, comme il en existe une pour chacun des espaces terrestre, maritime et aérien. C’est pourquoi en février 2014, vous avez présenté le Pacte Défense Cyber, un ensemble de cinquante mesures destinées à durcir le niveau de sécurité des systèmes d’information.

Cela s’est concrétisé par le renforcement des ressources humaines dédiées. La loi de programmation militaire actualisée de 2015 a doublé l’objectif de 2013, envisageant de recruter 1 000 experts spécialisés d’ici 2019. Le budget qui nous est présenté ce matin s’inscrit dans cette démarche, avec la création de 600 emplois dédiés en 2017.

À cet égard, les objectifs sont tenus ! Mais au-delà de la question des ressources humaines, pourriez-vous, Monsieur le ministre, dresser un rapide bilan des autres actions prises en application de ce Pacte Cyber Défense – soutien à la recherche, création d’un pôle d’excellence, utilisation d’équipements et de logiciels souverains, renforcement de l’emploi de la cryptographie etc. ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le député, je voudrais conforter vos propos en rappelant l’importance de cet enjeu de souveraineté. Nous devons mobiliser beaucoup de moyens pour tenir notre rang dans ce domaine. Vous avez raison d’évoquer cette quatrième armée, puisqu’il s’agit là d’un sujet essentiel pour notre propre sécurité. J’en ai fait mon cheval de bataille depuis que je suis arrivé à cette fonction. J’ai ainsi créé un Pacte Défense Cyber qui s’est traduit par un effort budgétaire de plus d’un milliard d’euros dans la loi de programmation militaire, avec plus de 1 500 recrutements d’agents dédiés à cette mission pendant cette période. Jamais cette question n’avait été prise à bras-le-corps. Ce n’est pas une critique car les événements déclencheurs se sont produits bien après vous, chers collègues de l’opposition, mais nous devions relever le défi de la cyber sécurité.

M. Yves Fromion. Nous avions commencé à le faire.

M. Nicolas Dhuicq. Le processus est lancé depuis dix ans !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous avons orienté nos travaux autour de nombreux axes. Tout d’abord, nous avons mis en œuvre un dispositif de recrutement de personnels car la performance, dans un tel domaine, repose sur l’excellence. Recruter des experts formés à un bon niveau dans ce domaine n’est pas facile. Nous retrouvons cette préoccupation au niveau de l’État mais aussi des entreprises qui veulent éviter que l’on ne pille leurs secrets industriels. C’est pourquoi j’ai officialité voici un an, sur l’initiative du ministère de la défense, le pôle d’excellence cyber qui, en partenariat avec treize grands industriels et s’appuyant sur les centres du ministère les plus avancés, permettra de répondre aux besoins de formation, de recherche et de développement économique. Ce dispositif est en cours mais nous sommes confrontés au manque de personnel qualifié dans le domaine cyber. Nous ne sommes pas les seuls d’ailleurs. J’ai rencontré dernièrement le cyber commander américain, confronté aux mêmes difficultés de recrutement. Nous devons faire preuve de réactivité dans ce domaine.

S’agissant de la défense de nos intérêts fondamentaux, le centre d’analyse de lutte informatique défensive, le CALID, entité dépendant du chef d’État-major des armées et qui a pour objectif de surveiller les réseaux du ministère de la défense, partage les locaux de l’Agence nationale de sécurité des systèmes informatiques, l’ANSSI, de sorte que cette collaboration au quotidien sur l’identification et la compréhension des menaces avec des équipes d’intervention rapide, mobilisables en cas d’attaque majeure, sur une infrastructure nationale vitale, est extrêmement opportune et donne de bons résultats.

Enfin, notre propre doctrine militaire évolue de sorte que la dimension cyber, défensive comme offensive, soit désormais présente dans toutes les opérations que nous lançons. C’est un sujet majeur de souveraineté, permanent et exigeant. Merci de m’avoir posé cette question.

Mme la présidente. Nous en venons aux questions du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Yves Fromion.

M. Yves Fromion. Monsieur le ministre, vous venez de vous parer de toutes les vertus, vous félicitant de la constance du budget de la défense depuis votre arrivée au ministère et vous refusant à en diminuer les moyens, comme vos prédécesseurs, qui en auraient fait une variable d’ajustement, s’y seraient résolus.

Avez-vous oublié, monsieur le ministre, que la loi de programmation militaire que vous avez fait voter à vos amis en 2013 supprimait 24 000 emplois supplémentaires, afin de rétablir les finances de l’État !

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Héritées de vous !

M. Yves Fromion. Ce sont les contingences, le Mali, la République Centrafricaine, le terrorisme, qui vous ont contraint à revenir sur cette courbe vertueuse dont vous voulez tirer tous les profits aujourd’hui. Voilà pour la réalité historique. Personne n’a intérêt à torturer l’histoire pour s’en servir à des fins personnelles, comme vous venez de le faire.

Par ailleurs, j’ai posé hier deux questions, mais les réponses n’ont pas été à la hauteur de nos attentes. La première reprenait une proposition que j’avais formulée en commission de la défense, d’avancer séquentiellement le programme Scorpion pour que nos unités qui sont très mal équipées, en particulier l’armée de terre au Mali, contrairement à ce que certains de vos amis prétendent, puissent disposer d’équipements qui les mettent au moins à l’abri des engins explosifs improvisés. Je n’ai pas obtenu de réponse hier.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Hier ? Je n’ai pas pu participer aux questions d’actualité.

M. Yves Fromion. Je ne vous le reproche pas, mais votre doublure n’était pas terrible.

Ma deuxième question concerne la vente de Renault Trucks Défense. La presse, puisqu’elle est notre seule source d’information, nous apprend que cette entreprise sera mise en vente. Rappelons qu’elle produit 90 % du matériel roulant de l’armée de terre et 100 % du matériel utilisé au Mali. Cette entreprise est donc d’une importance majeure et stratégique. Quelles sont vos intentions ? Nous ne pouvons imaginer que l’État reste indifférent à un sujet aussi crucial. Nous attendons des explications et nous souhaiterions que le Parlement soit associé à cette opération qui vise à préserver notre autonomie stratégique.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Monsieur le député, vous me posez trois questions. Tout d’abord, je vous invite à ne pas vous fâcher ainsi, sinon je me verrais contraint de rappeler quelques chiffres. Je vais m’y résoudre, avec plaisir : en 2011, à y bien réfléchir, le Gouvernement précédent menait des opérations extérieures importantes, en Afghanistan…

M. Yves Fromion. Avec les excellents matériels que nous avions à l’époque.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …en Libye, en Côte d’Ivoire, ce qui ne l’a pas empêché de supprimer 50 000 emplois.

M. Yves Fromion. Je ne dis pas le contraire, mais nous parlions de vous !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je n’ai pas de leçon à recevoir sur ce point ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Je vous invite à la modestie sur ces questions.

M. Yves Fromion. C’est vous qui êtes immodeste !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ce ne sont que quelques chiffres, mais je pourrais très bien les détailler, notamment en commission, si vous le souhaitez. Je suis très à l’aise sur ce sujet.

Revenons à des propos moins polémiques. S’agissant de Scorpion, je vous ai répondu lors de la dernière conférence.

M. Yves Fromion. Vous m’avez répondu que vous y réfléchissiez !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis d’accord, il faut accélérer le processus. À mon arrivée, j’ai constaté avec effarement l’état de certains matériels de l’armée de terre. Ce n’est pas le cas de tous, heureusement. Certaines initiatives ont été fort opportunes et de qualité, en particulier le canon Caesar. On exporte aussi ces matériels et les véhicules blindés de combat d’infanterie mais vous ne pouvez nier l’existence de difficultés majeures à ce sujet.

M. Yves Fromion. Bien sûr !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Convenez que c’est moi qui ai engagé le programme Scorpion.

M. Yves Fromion. Qu’en est-il des VBCI ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Si vous vouliez bien vous calmer un peu, je pourrais vous répondre davantage !

Aujourd’hui, donc, j’ai engagé des processus d’accélération du programme Scorpion.

M. Yves Fromion. Eh bien voilà ! C’est la réponse que nous attendions…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vous l’ai dit l’autre jour,…

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je le confirme !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …peut-être avec insuffisamment de force. Il s’agit d’une nécessité, y compris par rapport au risque IED que vous évoquiez.

S’il est un point sur lequel je suis tout à fait d’accord avec vous, c’est bien l’enjeu que représente Renault Trucks Défense et le rôle essentiel que joue cet ensemble dans le programme Scorpion. Je veille à ce que la vente réalisée par Volvo ne se fasse pas au détriment de nos intérêts et je réfléchis à la possibilité de renforcer par ce biais notre industrie française. Je suis moi-même à la manœuvre sur plusieurs pistes de travail. Je vous indiquerai dans les semaines qui viennent si j’ai réussi ou non l’opération, mais je ne peux aujourd’hui en dire plus devant l’Assemblée nationale.

M. Yves Fromion. Je le comprends parfaitement.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Cela étant, je partage complètement votre préoccupation. Sachez que je suis extrêmement vigilant sur le sujet.

M. Yves Fromion. Vous voyez que l’on peut s’entendre, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Bien sûr, pour peu que l’on dise les choses objectivement ! (Sourires.)

Mme la présidente. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que la durée de chaque question et de chaque réponse est de deux minutes. Je vous invite donc à plus de sobriété dans l’expression.

La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Monsieur le ministre, dans une situation stratégique fortement dégradée – rien de résolu en Centrafrique, un étirement des voies de communication, un aventurisme persistant avec des corps expéditionnaires multiples –, il est évident que la situation de nos forces n’est pas favorable.

Nous devons également évoquer les recettes qui ne sont toujours pas arrivées dans la désastreuse affaire des Mistral, une affaire qui durera sans doute plusieurs années et où il se pourrait que ces bateaux aient finalement une destination définitive différente de celle que l’on a annoncée.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est la Russie qui parle !

M. Nicolas Dhuicq. Outre l’abandon tragique de la souveraineté nationale en matière de fusils d’assaut, dont la conséquence est la sauvegarde d’une chaîne industrielle allemande, rappelons que nos aînés, brillamment, avaient également abandonné la filière des munitions. Or, pour faire la guerre, il faut des munitions.

Ma première question portera donc sur les munitions de petit calibre, monsieur le ministre. Votre ministère a-t-il, oui ou non, prévu une ligne budgétaire pour mettre en place une ligne de production de munitions de petite calibre en France, et, le cas échéant, dans quelle région ?

Ma deuxième question a trait aux bombes. Les brillants intellectuels de la direction générale de l’armement ont tué une société dénommée SAMP – Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre. Il semble qu’elle ait finalement accepté que la série de corps de bombe qui lui restait soit rachetée pour le bien de nos armées. Pour une fois, on ne viendrait pas enrichir systématiquement les industriels américains, lesquels n’ont finalement rien d’européen contrairement à ce que disent ceux qui ici rêvent debout d’une défense européenne – défense qui n’existera jamais, à moins que l’on ne construise une Europe de l’Atlantique à l’Oural.

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Oh ! là là !

M. Nicolas Dhuicq. S’agissant de ces corps de bombe, les industriels français ont les compétences à la fois pour les systèmes de guidage et pour la fabrication de nouveaux types de bombe à rayon de létalité diminué, afin de correspondre aux nécessités des combats dits asymétriques ou en zone urbaine dans lesquels les forces sont engagées. Que comptez-vous faire pour soutenir les initiatives de ces industriels français ? Trouvez-vous normal, après avoir tué une entreprise française, d’avoir triplé les dépenses de la nation dans une période de disette budgétaire pour fournir des sous à une filiale de Rheinmetall ? Monsieur le ministre, en matière de patriotisme industriel – thème que soutient fort justement et brillamment, depuis des années, un certain candidat à l’élection présidentielle de votre famille politique –, que comptez-vous faire et avez-vous mis en place les moyens nécessaires ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je commencerai par répondre sur la Centrafrique, que vous n’avez évoquée que rapidement, monsieur le député. Je rappelle que nous y avons rempli notre mission, qui était triple : d’abord éviter un massacre de masse, et il a été évité ;…

M. Nicolas Dhuicq. Nous n’avons pas choisi l’ennemi…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’aimerais pouvoir poursuivre ma réponse, madame la présidente…

ensuite permettre la reprise du processus démocratique, ce qui a été le cas puisqu’un président et une assemblée nationale ont été élus ; enfin permettre à la mission des Nations unies de s’implanter, ce qui est aussi le cas.

Pour ce qui est des Mistral, je suis désolé de contredire votre raisonnement, monsieur Dhuicq : la vente des BPC – bâtiment de projection et de commandement – s’est effectuée tout à fait normalement et les paiements sont en cours, contrairement à ce que vous alléguez. J’espère que vous n’allez pas jusqu’à soutenir, comme le fait un ministre polonais, que ces bateaux viennent d’être rétrocédés à la Russie. Car dans ce cas, je vous apporterais le même démenti ! Je me suis rendu à Alexandrie il y a quelques jours et j’y ai constaté que le premier bâtiment non seulement était bien arrivé, mais qu’il était en service et tout à fait performant.

Quant à vos autres questions, elles sont justes.

Je ne reviendrai pas sur le remplacement du FAMAS, sinon pour dire qu’au moment de l’achat, je n’avais pas d’autre solution que l’appel d’offres – à moins de laisser nos forces démunies. Je suis en revanche à la manœuvre, pour user d’un terme militaire, sur les deux sujets que vous soulevez.

Il est en effet anormal que nous n’ayons pas, sur le territoire national, des entreprises susceptibles de nous fournir en petites munitions alors même que nous sommes numéro un mondial de la production de cartouches de chasse.

M. Yves Fromion. Eh oui !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis en train d’essayer de régler cette contradiction. J’espère pouvoir y parvenir. Il m’est impossible de décliner publiquement l’état d’avancement des négociations, mais c’est un sujet que j’ai pris à bras-le-corps.

Même scénario s’agissant de la SAMP. J’ai déjà répondu en commission à M. Candelier sur le sujet des corps de bombe. Nous sommes là aussi à l’initiative pour faire reprendre ces capacités et ces qualifications par des industriels français qui, tout à la fois, valoriseront l’acquis historique de l’entreprise et se positionneront non seulement sur un marché national essentiel pour notre autonomie stratégique, mais aussi, éventuellement, à l’exportation. J’espère pouvoir aboutir. Comme pour Renault Trucks Défense, des discussions intenses sont en cours. J’y contribue personnellement beaucoup.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de La Verpillière.

M. Charles de La Verpillière. Les questions que je souhaite vous poser, monsieur le ministre, se résument en une seule : le budget 2017 de la défense que vous soutenez devant nous n’est-il pas un décor en trompe-l’œil ?

Certes, la façade est pimpante, avec une augmentation annoncée de 900 millions d’euros par rapport à 2016. Mais sous le crépi, les lézardes sont nombreuses.

J’en mentionnerai cinq.

La première est le report de charges, c’est-à-dire des dépenses qui n’ont pas pu être financées en 2016 et qui pèseront sur le budget 2017. Je pense notamment aux crédits d’équipement des forces.

La deuxième lézarde est l’absence de financement des engagements annoncés lors du conseil de défense du 6 avril 2016 pour faire face à la menace terroriste. Il nous a été indiqué en commission de la défense que 40 % seulement des mesures font l’objet d’une écriture budgétaire.

Troisième point de fragilité : l’absence d’un système de financement pérenne des opérations de sécurité intérieure, les OPINT, qui serait équivalent à celui des OPEX.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je suis d’accord.

M. Charles de La Verpillière. Il conviendrait que la prise en charge interministérielle des OPINT soit gravée dans le marbre, car la situation, nous le savons tous, va durer, et qu’une méthode de calcul des surcoûts soit fixée.

Quatrième point de fragilité : l’incertitude qui pèse sur les recettes exceptionnelles permettant d’équilibrer une partie de vos dépenses. Monsieur le président… Pardon : monsieur le ministre… Ce lapsus est peut-être une anticipation : par les temps qui courent, tout est possible ! (Sourires.)

M. Romain Colas, rapporteur spécial. En voilà une bonne idée !

M. Jean-Luc Laurent. On voit que vous lisez les gazettes !

M. Charles de La Verpillière. Vous avez cédé au péché mignon de vos prédécesseurs, de tous vos prédécesseurs, en réintroduisant des recettes exceptionnelles, certes pour un montant raisonnable quand on y regarde.

M. Romain Colas, rapporteur spécial. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Charles de La Verpillière. Quoi qu’il en soit, les 200 millions d’euros que vous attendez de la vente des emprises parisiennes de la défense comme l’îlot Saint-Germain et l’hôtel de l’Artillerie sont très hypothétiques. Vous n’encaisserez pas ces recettes en 2017, eu égard notamment aux exigences de Mme Hidalgo.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Charles de La Verpillière. Cinquième point de fragilité : le sacrifice des crédits consacrés à l’entretien courant du patrimoine immobilier, surtout les casernements. En quelques années, nous a-t-on dit en commission de la défense, le montant est passé de 6 à 2 euros par mètre carré. En tant que rapporteur pour avis des crédits du soutien et de la logistique, je déplore cet abandon qui met en péril les conditions de vie de nos personnels militaires.

Monsieur le ministre, j’attends vos réponses. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Vous avez pris trois minutes quatorze au lieu de deux, mon cher collègue.

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’essaierai de rester dans les deux minutes, madame la présidente, d’autant que j’ai déjà eu ces échanges avec M. de La Verpillière dans d’autres enceintes.

Je trouve pour ma part que la situation financière du budget de la défense est nettement meilleure en fin de quinquennat qu’en début. Dans le cadre de la programmation antérieure, vous étiez en train de vous battre pour obtenir la compensation des ressources exceptionnelles,…

M. Yves Fromion. C’est vrai.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …laquelle était montée jusqu’à 1 milliard.

M. Yves Fromion. Oui, mais il y avait la crise ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. C’est nouveau, ça !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il y aura toujours la crise. Aujourd’hui, ce que nous avons est du vrai argent. Je n’ai pas à courir en permanence après l’affectation de tel ou tel engagement pour avoir mes ressources exceptionnelles, monsieur de La Verpillière !

M. Philippe Meunier. Ce n’est pas sérieux, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Du reste, ce n’est pas moi qui ai créé ces ressources exceptionnelles : c’est le gouvernement précédent ! Nous avons donc réussi à épurer cette mauvaise manière, car c’était bien une mauvaise manière. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Lamour. Vous n’y allez pas avec le dos de la cuiller !

Mme la présidente. Du calme !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. La vérité est toujours dure à entendre, mais je le dis avec fermeté.

Quant aux 200 millions d’euros qui restent, ce sont des droits de tirage. En d’autres termes, s’il y a un solde, il peut être utilisé. Et ce droit ne vaut que pour des investissements immobiliers : en l’espèce, il est sans aucun lien avec l’entretien et les équipements.

Quoi qu’il en soit, les propositions et perspectives que nous avons aujourd’hui nous permettront de disposer de ces recettes.

M. Charles de La Verpillière. Votre réponse n’est guère rassurante !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il faudra que vous m’expliquiez, monsieur le député. D’un côté, vous dites qu’il existe une interrogation sur le financement des OPEX, et de l’autre vous proposez un amendement visant à diminuer les ressources. Je ne comprends pas très bien la logique de vos propos !

M. Charles de La Verpillière. Je parlais des OPINT.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Pour en revenir au bilan, la situation est effectivement plus saine qu’auparavant. J’ai parlé des ressources exceptionnelles : elles n’existent quasiment plus. J’ai parlé des OPEX : elles ont été remboursées à l’euro près tout au long de ces cinq ans, alors qu’antérieurement cela donnait lieu à des discussions, voire à une non-couverture des opérations extérieures. Enfin, la masse salariale est sous contrôle alors que, jusqu’en 2012, elle était en augmentation malgré une déflation des effectifs.

M. Yves Fromion. C’est vrai, c’était un problème.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Reconnaissez que ce n’est plus le cas.

Je suis d’accord avec M. de La Verpillière sur un point – je le lui ai dit en commission –, celui de la nécessaire délimitation du périmètre des OPINT. Il faut disposer d’une règle, d’une norme, pour établir des éléments objectifs de comparaison. Je vous rejoins là-dessus, mais ce n’est pas une raison pour dire que tout ce que je propose est insincère !

M. Jean-François Lamour. Si !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Et à l’instar de la masse salariale, le report de charges est sous contrôle. Il serait préférable qu’il n’y en ait pas, certes.

M. Yves Fromion. Vous nous l’aviez promis !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Au début de la loi de programmation militaire, c’était 3 milliards, monsieur Fromion. Eh bien j’ai tenu, alors qu’auparavant les reports constituaient une « bosse » que l’on ne cessait de pousser.

Avec toute la modestie nécessaire, je considère donc que ce bilan n’est finalement pas si négatif que cela. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Puisque vous venez de nous parler de « vrai argent », monsieur le ministre, je vais reprendre la discussion que nous avons eue en commission élargie sur votre trajectoire budgétaire pour les deux dernières annuités de la programmation, trajectoire que je qualifie sans hésitation d’insincère.

Deux chiffres pour mémoire : 1 milliard d’euros supplémentaire pour l’exercice 2018, 1,2 milliard supplémentaire pour 2019, et ce par rapport à une loi de programmation militaire déjà actualisée.

Vous nous avez dit que ces chiffres amèneraient, théoriquement, le budget de la défense à près de 1,8 % du PIB en 2019, en ajoutant que la marche est infranchissable – et vous le savez très bien, monsieur le ministre. Vous m’avez alors répondu que les candidats à la primaire de droite faisaient mieux puisqu’ils annonçaient un budget correspondant à 2 % du PIB.

Monsieur le ministre, c’est une interprétation inexacte. Je vous incite à lire plus attentivement les projets de chacun des candidats à la primaire, en particulier celui de François Fillon… (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Nous n’aurons pas l’occasion de le voter ! (Sourires.)

M. Jean-Luc Laurent. La primaire s’invite dans le budget !

M. Jean-François Lamour. Notre trajectoire doit nous amener à 1,9 point du PIB. Ce qui est intéressant, c’est le décalage qui existe entre les programmes : 1,9 % du PIB, soit, mais en 2022 et non en 2020 comme vous le proposez, pour atteindre 2 % en 2025.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. Après tout ce que vous venez de dire !

M. Jean-François Lamour. Il n’est donc pas question, comme vous le laissez entendre, d’atteindre les 2 % dès 2022, ce qui, en l’état actuel de nos finances publiques, n’est pas tenable.

Vos propositions fragilisent une loi de programmation militaire déjà sujette à caution. Nous préférons, nous, une ambition réaliste à des annonces sans lendemain.

La vérité, monsieur le ministre…

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Il faut avoir le courage de dire la vérité.

M. Jean-François Lamour. …et nous l’avons dénoncé dès son actualisation, est que votre loi de programmation militaire fait peser l’essentiel de l’effort budgétaire sur l’après-2017, c’est-à-dire sur vos successeurs.

Pendant ce temps-là, les aléas s’accumulent. Déjà dans le budget 2017, Charles de la Verpillière l’a dit, les cessions immobilières et de matériels ne sont pas au rendez-vous, et les économies sur les coûts des facteurs, dont vous nous promettiez monts et merveilles, servent essentiellement à financer des dépenses d’infrastructure et non l’équipement de nos forces.

Monsieur le ministre, nous avons ici, sur tous les bancs, le souci de voir le budget financé dans son intégralité, surtout pour les deux dernières annuités de la programmation. D’où ma question : où, selon vous, le futur gouvernement pourra-t-il trouver ces 2 milliards d’euros supplémentaires en 2018 et 2019 alors que dans le même temps, écoutez bien, votre gouvernement a déjà engagé plus de 8 milliards d’euros de dépenses nouvelles, non financées, sur l’année 2017 ? (« Très bien ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Michel Terrot. Nous sommes au fond !

M. Yves Fromion. Au fond du trou !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’éprouve beaucoup de plaisir à entretenir cette conversation chiffrée avec vous, monsieur Lamour, mais honnêtement, ce matin, je suis perplexe. J’aimerais que nous remettions ensemble nos pendules à la même heure, peut-être pas aujourd’hui mais dans un avenir proche, en raison de l’importance de l’enjeu que représentent les besoins financiers de la défense, sentiment largement partagé sur tous les bancs de l’Assemblée.

Quand j’écoute M. Meunier, je ressens une certaine perplexité.

M. Jean-François Lamour. C’est moi qui vous ai posé la question !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Tout à l’heure, M. Meunier, dont j’ai cru comprendre qu’il est le porte-parole du groupe, a évoqué un budget de 2 % du PIB hors pensions…

M. Jean-François Lamour. En quelle année ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En 2025 ! …ce qui ne correspond pas aux normes de l’OTAN, mais équivaut à un budget de 50 ou 40 milliards d’euros. Je me réjouis de cet effort, mais puisque vous m’avez posé une question, je serais tenté à mon tour de vous demander comment vous allez faire.

M. Jean-François Lamour. Je vous ai posé la question pour les deux prochaines annuités, monsieur le ministre !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. J’espère, monsieur Lamour, que la sensibilité que je représente ici sera élue en 2017…

M. Jean-François Lamour. C’est nous qui serons élus !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oh, vous savez, quand on voit ce qui se passe… Les sondages sont parfois incertains.

M. Jean-François Lamour. Ce ne sont pas des sondages, c’est la réalité !

Mme la présidente. S’il vous plaît !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je vais conclure, madame la présidente.

Monsieur Lamour, je voudrais ramener un peu de sérénité à notre débat pour dire que nous sommes tous conscients, vu le contexte – instabilité du monde, risques, menaces – de la nécessité de renforcer le budget de la défense.

M. Jean-François Lamour. Nous sommes d’accord !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Et nous estimons que l’engagement de la France de consacrer 2 % du PIB au budget de la défense, selon la norme OTAN à l’échéance de 2025 est une nécessité. Nous devons avancer progressivement vers cet objectif. Mais l’impératif de court terme sera de répondre à nos nouveaux engagements, y compris, n’en déplaise à M. Candelier, au nécessaire renouvellement de nos outils de dissuasion.

M. Jean-François Lamour. Cela ne figure pas dans l’actuelle loi de programmation ! Vous mélangez la loi de programmation en cours et la prochaine.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Nous allons devoir gravir ces marches. Et je suis désolé de vous le dire, le milliard d’euros supplémentaire prévu dans la trajectoire répond à la dure réalité de la situation à laquelle vous serez – ou nous serons – confrontés. Quoi qu’il en soit, la Nation devra engager les moyens financiers nécessaires pour que nous soyons au rendez-vous de notre souveraineté, faute de quoi nous prendrons des risques très importants.

M. Yves Fromion. Vous voyez que nous pouvons être d’accord !

Mission « Défense » (état B)

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Défense », inscrits à l’état B.

Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements.

J’annonce par avance que je n’accorderai que deux minutes de temps de parole à chacun et que je couperai le micro dès que cette durée sera atteinte.

M. Yves Fromion. Pas de violence, madame la présidente !

Mme la présidente. C’est ce que l’on appelle une riposte graduée, je crois ! (Sourires.)

La parole est à M. Philippe Vitel, pour soutenir l’amendement n423.

M. Philippe Vitel. L’amendement n423, déposé par mon collègue Viala et que nous sommes nombreux à cosigner, vise à faire basculer certains crédits pour augmenter les capacités de recherche et développement de notre industrie de défense.

Mme Patricia Adam, présidente de la commission de la défense nationale et des forces armées. 900 millions, ce n’est pas rien !

M. Philippe Vitel. J’appelle votre attention, comme je l’ai déjà fait hier lors d’une audition menée par la commission, sur les besoins de recherche et développement dans le secteur particulier des capacités de renseignement, de surveillance et de reconnaissance.

Malgré les efforts qui ont été faits via le budget de l’État et les fonds propres des industriels, il est difficile aujourd’hui de trouver l’équilibre des ressources nécessaire pour développer ces capacités, tant dans le domaine tactique que dans le domaine stratégique. C’est pourquoi il convient d’augmenter les crédits affectés à la recherche et au développement.

Mme la présidente. La parole est à M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission.

M. Romain Colas, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances n’a pas été saisie de cet amendement, ni des suivants d’ailleurs, puisqu’ils ont été déposés après sa réunion ou par des commissaires de la défense. Elle n’a donc pu se prononcer.

J’émets à titre personnel un avis défavorable à l’amendement de M. Viala que nous a présenté M. Vitel qui évoque avec pudeur le basculement de « certains crédits ». Or ces crédits servent à des choses aussi futiles que le paiement des soldes de nos militaires ou le financement de grands travaux d’infrastructure, notamment ceux correspondant aux nouveaux programmes d’équipement que souhaite précisément accompagner M. Vitel !

Vous parlez avec pudeur de certains crédits, cher collègue, mais vous proposez de transférer 900 millions d’euros – une paille !

J’émets un avis naturellement défavorable à cet amendement qui déséquilibrerait considérablement la mission « Défense ».

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je ne sais pas pourquoi, mais M. Viala en veut à M. Vitel puisqu’il lui a demandé de présenter un amendement dans lequel il propose la suppression des travaux que je suis en train d’entreprendre dans le port de Toulon… Les bras m’en tombent ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Et ce ne sont pas des petits travaux, M. Vitel le sait bien. Pour préserver l’avenir politique de M. Vitel, je vous demande donc de voter contre cet amendement. (Sourires.)

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Très bien !

(L’amendement n423 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour soutenir l’amendement n424.

M. Charles de La Verpillière. Comme je l’ai souligné à l’instant dans ma question ainsi qu’en commission élargie, les crédits consacrés à l’entretien de nos infrastructures, notamment des hébergements, sont très insuffisants, ce qui entraîne la détérioration des conditions de vie de nos militaires.

C’est pourquoi je propose par cet amendement de prélever 200 millions d’euros sur les crédits affectés aux opérations extérieures pour les affecter à l’entretien et aux infrastructures d’une façon générale.

Bien entendu, cette ponction sur les crédits destinés aux opérations extérieures n’affectera pas ces opérations puisque, nous le savons, leur surcoût fait l’objet d’un financement interministériel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission, ou plus précisément du rapporteur spécial, la commission n’ayant pas examiné cet amendement ?

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Mon avis est défavorable, d’autant plus que je ne comprends pas la logique de cet amendement qui vise à abonder en crédits budgétaires une mission que M. Vitel et M. Viala se proposaient à l’instant d’amputer de près de 900 millions d’euros. Vraisemblablement une petite coordination au sein de votre groupe est nécessaire.

Quoi qu’il en soit, M. le ministre vous a répondu sur les recettes exceptionnelles que vous évoquiez tout à l’heure.

M. Charles de La Verpillière. Ce n’est pas le sujet !

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Ce point figure dans l’exposé des motifs de votre amendement, c’est pourquoi je me permets de vous répondre. Je vous rappelle que s’agissant des conditions d’accueil de nos soldats, M. le ministre a déclenché un plan d’urgence dont 90 % des objectifs ont d’ores et déjà été atteints.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà indiquées à M. de La Verpillière. Je voudrais simplement faire observer que les crédits dédiés aux infrastructures pour 2017 sont en augmentation, par rapport à 2016, de 14 % en crédits de paiement, ce qui montre l’importance que j’accorde à cette question.

Je ne me mettrai pas en difficulté la capacité de compensation des Opex en acceptant l’amendement de M. de Verpillière.

Mme la présidente. Monsieur de La Verpillière, maintenez-vous l’amendement ?

M. Charles de La Verpillière. Je le maintiens.

(L’amendement n424 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n425.

M. Jean-Jacques Candelier. L’ONERA – Office national d’études et de recherches aérospatiales –, qui a pour mission de développer, d’orienter, de coordonner et de promouvoir les recherches dans le domaine aérospatial, est une référence internationale dans son champ de compétence et d’expertise.

Le montant de 105 millions d’euros proposé par le Gouvernement au titre de la subvention pour charges de service public apparaît bien trop faible pour permettre à l’Office d’assurer toutes ses missions et de conserver son rang international. Les syndicats dénoncent inlassablement une subvention figée à un niveau historiquement faible. Cette subvention permet à l’ONERA de préparer l’avenir et de travailler sur le long terme pour l’industrie aérospatiale française et européenne.

En recevant des aides indirectes, comme c’est majoritairement le cas actuellement, dans le cadre de contrats passés avec les industriels, l’ONERA réalise de la prestation de services à court terme mais ne maîtrise pas l’orientation des travaux de recherche.

Le ministère de la défense, qui assure la tutelle de cet établissement public, a déclaré tout mettre en œuvre pour permettre à l’ONERA de maintenir son haut niveau de technologie et œuvrer chaque jour en faveur du maintien de ses compétences uniques. Je propose, par cet amendement, de transformer ce message de soutien politique en acte budgétaire.

Plus que de discours de principe, l’Office a en effet besoin d’un soutien concret et d’un engagement chiffré à la hauteur de ses ambitions. Une augmentation de 72 millions d’euros de son budget lui permettrait d’assumer les risques de la recherche et de l’innovation. Je vous remercie, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je ne m’étendrai pas, d’autant plus que le débat en commission élargie a permis au rapporteur pour avis de la commission de la défense et au ministre de répondre.

Je dirai simplement que les crédits affectés à l’ONERA en 2017 sont stables par rapport à 2016. Ils ont été reconduits, mais ils avaient auparavant augmenté puisqu’ils se montaient lors de l’exercice 2014 à 94 millions d’euros alors qu’ils atteignent cette année 105 millions d’euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Le sujet n’est pas celui-là et vous le savez bien, monsieur Candelier. Le véritable sujet est la deuxième composante. Vous avez déposé cinq amendements sur ces crédits en essayant de les justifier par des accroissements de crédits ici ou là, pour l’ONERA ou autre chose, mais ce que vous voulez, c’est amputer le budget consacré au programme de missiles ASMPA – air-sol moyenne portée améliorés. C’est cela le fond de l’affaire !

L’échange que nous avons sur ce sujet n’est pas nouveau. Mon intervention portera sur la deuxième composante puisque les cinq amendements que vous avez déposés sur ces crédits sont « anti-deuxième composante ». Vous le savez, alors pourquoi ne pas le dire ?

Je veux, quant à moi, rappeler plusieurs éléments, dont l’un nous renvoie à ce que vous indiquiez dans votre propos liminaire. Plus que jamais, il est nécessaire de préserver notre autonomie stratégique, qui est garantie par la dissuasion. Dans cette période de troubles, il nous faut garder notre liberté d’appréciation, de décision et d’action. Plus que jamais, nous avons besoin de la double composante.

Pourquoi ? Parce que cette redondance nous offre une garantie vis-à-vis d’un problème technique majeur ; parce qu’elle propose à l’autorité politique un large panel d’options stratégiques, permettant ainsi d’éviter le « tout ou rien » ; parce que c’est une capacité visible, ce qui facilite la manœuvre politico-diplomatique ; parce qu’elle génère une contrainte supplémentaire pour les défenses adverses ; parce que ses exigences de performance induisent des avantages considérables, sur le plan technologique, pour nos entreprises ; enfin, parce que le coût de cette composante aéroportée est très modéré par rapport aux enjeux de souveraineté – environ 7 % du budget de dissuasion pour les dix prochaines années.

Tout cela pour rappeler l’attachement du Gouvernement et du Président de la République à la pérennité de la seconde composante.

Par différents amendements, vous usez d’artifices pour proposer d’en diminuer l’impact. Je ne vous suivrai pas sur ce terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

(L’amendement n425 n’est pas adopté.)

(Les crédits de la mission « Défense » sont adoptés.)

Après l’article 55

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n426.

M. Jean-Jacques Candelier. Évidemment, monsieur le ministre, je suis pour le désarmement progressif multilatéral, que je demande depuis plusieurs années.

M. Yves Fromion. Tu vas y arriver !

M. Jean-Jacques Candelier. Peut-être : sur ce sujet, cent parlementaires demandent l’organisation d’un référendum. J’ai leur nom. Je peux les communiquer dès demain.

L’amendement propose que le Gouvernement remette un rapport sur l’opportunité de basculer une partie des crédits alloués à la dissuasion nucléaire vers l’acquisition de matériel neuf.

L’aéromobilité des armées modernes est en effet un élément essentiel de la manœuvre, ce qui suppose une solide maintenance et un réapprovisionnement régulier en matériel neuf. Nos machines sont confrontées à l’usure du climat subsaharien. L’accélération de l’usure des matériels a été sous-estimée aux dépens des hommes qui les servent et les entretiennent, sur le terrain comme en France. Pour cela, je demande que l’on transfère des crédits inscrits pour le nucléaire.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Romain Colas, rapporteur spécial. Avis défavorable. Je fais mien les arguments déjà développés par le ministre. C’est pourquoi, avec votre permission, madame la présidente, j’émets d’ores et déjà un avis défavorable sur les amendements nos 427, 428 et 429, qui ont le même objet.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Nous débattons de manière récurrente de la dissuasion nucléaire française. À ce titre, je remercie le ministre d’avoir argumenté tout à l’heure, même s’il reste dans la continuité de la position qu’il défend depuis cinq ans, à l’unisson du Président de la République.

Dans le débat de fond sur l’arme nucléaire, je fais partie de ceux qui plaident pour que la France participe au désarmement, pas forcément de manière unilatérale. Je me fonde notamment sur un argument concret, stratégique et budgétaire. C’est d’ailleurs sur ce terrain que se place M. Candelier, puisqu’il propose de comparer les investissements dans la dissuasion nucléaire, qui sont très élevés et pèsent lourdement sur le budget de la défense – de mémoire, ils se montent à 3, voire 3,5 milliards, le ministre me corrigera si je me trompe – et les besoins constatés dans les autres secteurs de la défense.

Tout à l’heure, nos collègues de droite ont versé dans la surenchère, évaluant les besoins dans ce domaine à 50, voire à 60 milliards, mais chacun sait que les crédits que l’on peut consacrer à la défense nationale ne sont pas extensifs.

M. Christophe Guilloteau. Bien sûr !

M. François de Rugy. On peut sans doute les augmenter, mais à condition d’en réduire d’autres dans le budget du pays.

On peut aussi, à l’intérieur du budget de la défense, compte tenu de nos priorités stratégiques et des menaces auxquelles notre pays est exposé, consacrer davantage de moyens au conventionnel. C’est le choix que j’ai toujours défendu et que je tiens à réaffirmer à la faveur de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Guilloteau.

M. Christophe Guilloteau. Monsieur le ministre, je vais être obligé de vous donner satisfaction !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Ne vous gênez pas !

M. Christophe Guilloteau. M. Candelier, soutenu par M. de Rugy, a ouvert un débat quasi philosophique depuis le début du mandat. Mais aujourd’hui, peut-on se permettre de réfléchir comme eux ? Le monde est si complexe ! Le résultat d’un scrutin récent, dans un pays que nous connaissons bien, n’aura-t-il pas des incidences dans le monde entier ?

La position de la France à l’égard du nucléaire est restée constante depuis le général de Gaulle. Elle doit le demeurer. Je comprends la position de M. de Rugy, mais il appréhende ce débat de manière philosophique et nous, de manière réaliste.

M. François de Rugy. Je le pose de manière stratégique !

M. Christophe Guilloteau. Non, cher collègue, vous ne vous situez pas sur le terrain de la stratégie. Vous défendez une vision du monde.

Quoi qu’il en soit, nous vous suivrons, monsieur le ministre, sur cette affaire qui n’est pas anodine. On sait que, sur ce sujet, un quarteron de vieux généraux partage les vues de M. de Rugy,…

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Je sais !

M. Christophe Guilloteau. …mais franchement !

(L’amendement n426 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n427.

M. Jean-Jacques Candelier. Tout le monde dans cet hémicycle reconnaît l’insuffisance des moyens conventionnels. (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Par cet amendement, je demande à nouveau un rapport. Récemment, le Modern Express a défrayé la chronique. Ce bateau long de 164 mètres a dérivé pendant six jours au large des côtes françaises, ce qui montre une nouvelle fois que notre pays éprouve d’extrêmes difficultés à faire face à certains risques. Alors que le navire dérivait depuis trente-six heures, le préfet maritime de l’Atlantique a reconnu qu’il manquait de moyens, envisageant même de faire couler le Modern Express par la Marine nationale.

La suppression depuis septembre 2011 d’un remorqueur en haute mer à La Rochelle a obligé le remorqueur d’intervention, d’assistance et de sauvetage Abeille Bourbon à venir de Brest à marche forcée. Quittant sa zone durant plusieurs jours, ce navire l’a laissée sans la protection d’un remorqueur de sauvetage. Je parle bien d’un remorqueur et pas d’un navire dit « de supply », qui n’est pas adapté au sauvetage en mer par gros temps.

Les conditions météorologiques exceptionnelles ont permis d’éviter la catastrophe qu’aurait constitué l’échouage du bateau sur les côtes de l’Atlantique avant la saison touristique. L’armateur du Modern Express a pris la décision d’affréter deux « supplys » pour faire face au manque de moyens français. Néanmoins, les douze heures qui se sont écoulées entre le départ du bateau et son arrivée sur site tendent à prouver que nous sommes dans une politique du risque calculé.

Rappelons que, de mai 2006 à septembre 2011, le remorqueur positionné à La Rochelle avait effectué pas moins de trente-cinq opérations majeures. Rappelons aussi que la France possède le deuxième territoire maritime au monde. Il paraît donc opportun, voire urgent de repositionner un remorqueur de haute mer pour intervenir dans le golfe de Gascogne, sous pavillon français, armé vingt-quatre heures sur vingt-quatre et 365 jours par an.

Il est impératif de revoir à la hausse les crédits pour permettre l’installation d’un remorqueur de haute mer à La Rochelle afin de garantir la sécurité du golfe de Gascogne et de remplir nos obligations internationales.

M. Yves Fromion. Il faut munir nos frégates d’un crochet de remorquage !

Mme la présidente. Le rapporteur spécial a déjà émis un avis défavorable à l’amendement. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je ne suis pas certain que le débat ait sa place dans l’examen du budget de la défense, mais je sais gré à M. Candelier de l’avoir ouvert. Je salue de manière générale l’action de l’État en mer, à laquelle la Marine nationale participe de manière très forte, obtenant de très bons résultats sur plusieurs fronts.

Je salue également le système de protection des côtes et de sauvetage, qui fait intervenir des acteurs publics et privés, des professionnels et des bénévoles, notamment au sein de la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM.

La logique de ces acteurs n’est pas de dénoncer la situation. Néanmoins, ils réfléchissent au moyen de l’améliorer et de la sécuriser davantage. À ce titre, ils nous ont alertés sur la faille qui existe dans la protection des côtes, entre Belle-Île et La Rochelle – dans une région à laquelle vous êtes sensible, monsieur le ministre –, par les remorqueurs de haute mer, qui sont des bâtiments civils, affrétés par l’État, et non militaires.

Le problème doit être résolu dans les prochaines années. M. Candelier a rappelé à juste titre la dérive du Modern Express, qui ne s’est pas terminée par une catastrophe, preuve que nous avons su maîtriser la situation par d’autres moyens, mais, dans des situations météorologiques beaucoup plus difficiles, nous avons déjà connu des alertes. Au large de Belle-Île, un bateau a été remorqué alors qu’il était très proche des côtes. En effet, l’Abeille Bourbon, partant de Brest, ne peut pas toujours arriver à temps au sud de la Bretagne, ni a fortiori au large des côtes vendéennes ou charentaises.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Quels que soient mon attachement, de nature familiale, à la partie de l’océan qui fait face à La Rochelle, ou l’excellence de la société Abeille, que nous connaissons depuis des décennies, je rappelle à M. Candelier que la dissuasion nucléaire ne peut s’entendre qu’associée à une dissuasion classique. La France ne peut adopter de position stratégique que si les deux sont associées.

Je voudrais par conséquent qu’on cesse d’opposer la dissuasion classique et la dissuasion nucléaire, qui ne saurait s’exercer qu’à condition que les forces classiques soient suffisamment puissantes.

Au vu de la prolifération balistique ou d’autres menaces, on ne peut pas prétendre que la dissuasion nucléaire française n’assure pas notre sécurité, donc ne lutte pas indirectement contre le terrorisme.

(L’amendement n427 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n428.

M. Jean-Jacques Candelier. La France doit surveiller 19 000 kilomètres de côtes. Elle est la deuxième zone maritime exclusive au monde. Présente sur tous les océans, elle doit affirmer sa souveraineté sur ses abords immédiats. La région des Antilles est le carrefour de tous les trafics, notamment de la drogue en provenance de Colombie. Nombre de zones économiques sont contestées, dans une période où la douane, la Gendarmerie maritime et la Marine nationale sont victimes de la politique de révision générale des politiques publiques.

Le commandement supérieur en Antilles-Guyane, ainsi qu’à la Réunion, en Nouvelle-Calédonie et à Saint-Pierre-et-Miquelon, pour la surveillance de nos pêches doit pouvoir bénéficier d’un appui renforcé de notre Marine nationale, ce que rend impossible – n’en déplaise à certains – la priorité excessive accordée à la dissuasion nucléaire. Cette priorité impose trop d’impasses en matière de défense de notre souveraineté maritime.

C’est pourquoi je répète, persiste et signe : je suis favorable à un désarmement nucléaire progressif et multilatéral.

Mme la présidente. Le rapporteur spécial a déjà émis un avis défavorable à l’amendement.

Quel est celui du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Avis défavorable, pour les raisons que j’ai déjà indiquées. Le véritable problème que pose l’amendement est celui de la garantie des financements pour la deuxième composante aéroportée.

Sur ce sujet, monsieur Candelier, il vous manque certaines informations. Les bâtiments nécessaires à la sécurité outre-mer ont été commandés. Oui, j’ai commandé quatre bâtiments multi-missions et quatre bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, ainsi que deux patrouilleurs légers guyanais. Je parle non de vœux mais bien de commande, certains bâtiments étant déjà, depuis peu, opérationnels.

Sur le fond, c’est non, parce que vous proposez de réduire les crédits pour la deuxième composante nucléaire. Sur la méthode, la tactique que vous déployez, le référentiel auquel vous faites allusion, c’est également non, parce que vous n’êtes pas dans la vérité.

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Le Bris.

M. Gilbert Le Bris. M. Candelier pose les bonnes questions, mais il y apporte de mauvaises réponses. Il est légitime de s’interroger sur la surveillance de nos côtes, l’exercice de notre souveraineté et la possibilité de répondre, ici ou outre-mer, à des défis nouveaux, comme le gigantisme des porte-conteneurs ou des paquebots, et le nombre de voyageurs que ceux-ci transportent. Ce sont en effet de vrais problèmes sur lesquels des associations, comme Mor Glas, nous ont alertés depuis longtemps.

Des efforts significatifs ont été accomplis par le Gouvernement, notamment grâce aux bâtiments multi-missions nouvelle génération, permettant de garantir notre souveraineté et de surveiller nos zones maritimes, et aux bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers, dont le rôle est évident. Nous allons dans la bonne direction.

Il n’en demeure pas moins qu’il faut encore réaliser des efforts en matière de surveillance aérienne, particulièrement avec les avions et les hélicoptères.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Oui !

M. Gilbert Le Bris. Mais, si l’on doit le faire, le ministère de la défense ne sera pas le seul concerné. En outre, ce n’est sûrement pas en retirant à la dissuasion nucléaire des crédits indispensables.

(L’amendement n428 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n429.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement a également pour objet la remise d’un rapport par le Gouvernement au Parlement. La France doit maintenir sa puissance navale. Le vieillissement de notre flotte est un fait acquis. La révision systématique et permanente à la baisse du nombre de nos bateaux de surface ne permet plus à notre marine nationale d’assurer l’ensemble de ses missions. Dès 2020, selon ce qui m’a été dit, le chantier naval de Lorient n’aura plus de commandes. Il est donc nécessaire de maintenir la proposition initiale de douze frégates multimissions – FREMM – et de renégocier à la baisse le coût de l’électronique embarqué. À ce jour, seules trois « FREMM » sont en ligne, ce qui est dangereusement insuffisant, dans la mesure où la France assure une part importante de ses échanges par la mer.

Mme la présidente. Le rapporteur spécial a déjà émis un avis défavorable sur cet amendement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. Il s’agit ici d’un nouveau prétexte. Votre propos, monsieur Candelier, me touche particulièrement, puisque vous évoquez le plan de charge de Lorient – chacun sait les liens qui m’unissent à cette ville. Cependant, je regrette que vous ne fassiez pas référence à certains éléments d’actualité. Lors du salon Euronaval, qui s’est tenu il y a trois semaines, j’ai annoncé, conformément à la loi de programmation militaire, le lancement du programme de la frégate de taille intermédiaire, dite FTI, et la commande de cinq de ces navires. Cela s’inscrit pleinement dans le cadre de la loi de programmation militaire, qui prévoit une flotte de surface de haute mer de quinze bâtiments. Les cinq frégates FTI en feront naturellement partie. Elles seront construites à Lorient, ce qui permet de garantir le plan de charge de DCN Lorient jusqu’en 2027, contrairement à ce que l’on a bien voulu vous dire.

(L’amendement n429 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à onze heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Aide publique au développement

Mme la présidente. Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’aide publique au développement et des crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (n4125, annexe 6 ; n4128, tome III).

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé du développement et de la francophonie. Madame la présidente, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, au moment d’examiner le budget de l’aide au développement, je voudrais évoquer trois éléments de contexte. Premier élément : les désordres de la mondialisation. Celle-ci fait des gagnants et des perdants ; c’est le cas, bien sûr, entre les pays, mais même dans les pays qui ont profité de ce phénomène, les perdants se comptent par centaines de millions. Dans ces pays émergents, le ralentissement de la croissance freine les processus de modernisation politique et de transformation sociale, et illustre la fragilité de modèles qui reposent encore trop souvent sur des exportations, notamment de matières premières. Des pans entiers de l’humanité sont donc aujourd’hui toujours dans la misère, même si depuis vingt ans – il faut aussi le reconnaître – le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté n’a cessé de diminuer. Il faut donc continuer à agir pour une meilleure répartition des richesses produites sur la planète.

Deuxième élément de contexte : le dérèglement climatique. Il touche d’abord les pays les plus pauvres, qui en subissent de plein fouet les effets. L’accord de Paris, conclu il y a près d’un an, représente donc une opportunité historique qu’il faut mettre en œuvre, en particulier et en priorité dans ses composantes concernant les pays du Sud.

Troisième élément : les désordres sécuritaires. Daech au Moyen-Orient, Al-Qaïda au Maghreb islamique – AQMI – au Sahel, Boko Haram en Afrique subsaharienne tyrannisent, martyrisent des populations qui n’ont d’autre choix que de subir la barbarie ou de la fuir. Nous devons les combattre, et nous le faisons – nous intervenons militairement en Afrique comme au Moyen-Orient –, mais nous devons également agir sur les racines du mal. Les défaillances de la gouvernance, comme l’absence de perspectives économiques et sociales, sont le terreau de la radicalisation, qui conduit au terrorisme. Si nous savons tous qu’il ne peut y avoir de développement sans sécurité, nous savons aussi qu’il ne peut y avoir de sécurité sans développement.

Face à ces trois défis considérables, nous avons décidé, cette année, d’augmenter significativement notre budget d’aide au développement. En premier lieu, les crédits budgétaires de la mission « Aide publique au développement » – APD – augmentent de 133 millions d’euros, qui se décomposent en 83 millions d’euros sous forme de dons, dans le cadre du programme 209, et 50 millions d’euros sous forme de prêts dans le cadre du programme 110, géré par le ministère de l’économie et des finances, soit, au total, une augmentation de 5 %. À ces crédits s’ajoutent les ressources extrabudgétaires affectées à l’APD, à partir de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d’avion. Le cumul de ces taxes affectées à l’APD dépassera le milliard d’euros en 2017, pour s’établir à 1 milliard 8 millions d’euros. Au total, avec 270 millions d’euros de ressources extrabudgétaires additionnelles, cumulées aux 133 millions d’euros prévus au titre des crédits budgétaires de la mission APD, notre aide au développement augmentera de 403 millions d’euros par rapport à 2016, ce qui signifie que le niveau d’APD en 2017 sera supérieur de 160 millions d’euros à son niveau de 2012, au début du quinquennat.

Grâce à ces moyens additionnels, le pourcentage de notre revenu national brut consacré à l’APD augmentera très significativement. De fait, il est passé de 0,37 % en 2015 à 0,38 % en 2016 et, en 2017, nous dépasserons la barre des 0,40 % pour approcher les 0,42 %. La répartition des moyens additionnels donnera la priorité à l’aide sous forme de dons. Je sais que la plupart d’entre vous sont très sensibles à l’équilibre entre les dons et les prêts ; vous souhaitez, ce qui est normal, accorder la priorité aux dons. Les dons permettent en effet d’intervenir en faveur de pays qui, du fait de leurs fragilités politiques ou économiques, ne sont pas éligibles à l’aide sous forme de prêts. Je sais aussi que beaucoup d’entre vous restent attachés à l’aide bilatérale, qui reste majoritaire dans notre APD ; mais l’aide multilatérale, comme je l’ai dit en commission, demeure un instrument très utile, notamment en matière de santé, pour faire face aux grandes pandémies – je pense au Fonds mondial de lutte contre le sida – ou en matière de climat, avec le Fonds vert pour le climat.

J’ajoute qu’en matière d’action multilatérale, l’aide européenne reste très utile, notamment grâce au Fonds européen de développement – FED.

La répartition de ces moyens additionnels sera l’objet de la prochaine réunion du Comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID –, qui devrait se tenir à la fin du mois, la précédente ayant eu lieu en 2013. D’ores et déjà, je peux vous indiquer que le CICID devrait consacrer des priorités thématiques claires – l’éducation, la santé, le climat – et des priorités géographiques, au premier rang desquelles l’Afrique. La réunion du CICID devrait aussi être l’occasion de décider de la mise en place d’un instrument spécifique de réponse aux crises et aux situations de fragilité, par une nouvelle facilité de l’Agence française de développement, l’AFD.

En conclusion, mesdames et messieurs les députés, j’aimerais dire un mot sur l’éducation, qui est ma priorité. Qu’il s’agisse de santé, d’environnement, d’autonomisation des femmes et des jeunes filles, de lutte contre la radicalisation et l’obscurantisme, de gouvernance démocratique ou de lutte contre toutes les formes de discriminations, tout passe par l’éducation, tout commence par l’éducation, tout ramène toujours à l’éducation. Sans oublier le développement économique, bien sûr, puisqu’aucun pays n’a réellement décollé sur le plan économique avant que 80 % de sa population n’ait achevé le cycle primaire.

Or on constate, et cela a été dit en commission, que si les efforts en matière de santé se sont beaucoup accrus depuis vingt ans, avec des résultats tangibles dans la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, dont il faut se réjouir, les efforts en matière d’éducation, eux, n’ont pas suivi. Je donnerai seulement deux chiffres, à titre d’exemple : alors que 13 milliards de dollars ont été consacrés au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme sur trois ans, pour la période 2016-2019, 2 milliards seulement sont allés au Partenariat mondial pour l’éducation – et sur cinq ans.

Certes, des progrès ont été faits en matière d’éducation, mais 260 millions de jeunes restent totalement privés d’éducation dans le monde. Je souhaite donc que la France, et je m’y emploie tous les jours, joue un rôle moteur dans cette prise de conscience internationale, notamment au niveau multilatéral, en faveur de l’éducation. Je sais pouvoir compter sur la représentation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. Nous en venons aux porte-parole des groupes.

La parole est à M. Gérard Charasse, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Gérard Charasse. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes heureux de constater que les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmentent de 5 % dans ce projet de loi de finances pour 2017, pour atteindre la somme de 2,62 milliards d’euros, auxquels s’ajouteront 130 millions supplémentaires, que vous avez proposés en séance, portant ce budget à 3,7 milliards d’euros.

Conformément aux engagements du Président de la République, ces nouveaux moyens permettront d’accompagner la montée en puissance de l’activité de l’Agence française de développement, qui réalisera 1 milliard d’euros d’activité supplémentaire en 2017 par rapport à 2015, avec un objectif de 4 milliards d’euros en 2020, dont 2 milliards en faveur du climat.

M. Michel Terrot. Ce n’est pas grâce à vous !

M. Gérard Charasse. En tant que deuxième contributeur, la France participe activement aux outils d’aide européens : les moyens alloués augmentent ainsi fortement, dont 50 millions d’euros en faveur du Fonds européen de développement – FED –, au bénéfice notamment des zones en crise et en conflit. Au lendemain de la COP21, ces efforts conjugués permettent à la France de renforcer son rôle d’acteur majeur du développement. Sur la période des objectifs du Millénaire pour le développement, la France a doublé ses aides et a versé, en cumulé, près de 123 milliards d’euros, ce qui la place parmi les trois principaux contributeurs de l’Organisation de coopération et de développement économiques – OCDE.

Pour renforcer cette aide publique au développement, nous sommes également satisfaits que l’amendement identique que nous avions déposé, avec d’autres groupes, pour élargir l’assiette et le taux de la taxe sur les transactions financières, ait été voté. Cela permettra d’atteindre deux objectifs : d’abord, de dégager des recettes fiscales supplémentaires, notamment en vue d’augmenter les financements pour la solidarité internationale et la lutte contre le changement climatique ; ensuite, de limiter ces transactions déstabilisatrices qui accentuent la volatilité du marché et en réduisent l’intérêt financier.

M. Michel Terrot. Ce n’est pas ce que dit le Premier ministre !

M. Gérard Charasse. Rappelons que ce premier objectif est conforme aux engagements du Président de la République au sujet de l’affectation de la taxe sur les transactions financières et de l’augmentation de 4 milliards d’euros de l’APD d’ici 2020. En outre, la taxation des transactions intrajournalières s’inscrit dans la dynamique des négociations européennes, puisque la directive proposée par la Commission européenne préconise cette même mesure. Les onze États membres, dont la France, qui se sont engagés dans la coopération renforcée en vue d’instaurer une taxe européenne sur les transactions financières, ont décidé en septembre dernier, de soutenir cette proposition. Ces États doivent encore s’accorder sur le taux de la taxation. Nous espérons, monsieur le secrétaire d’État, que la France fait en sorte que les négociations européennes aboutissent le plus rapidement possible. Sans cet accord, nous mesurons en effet bien que le dispositif introduit par l’amendement que nous avons voté risque la censure du Conseil constitutionnel.

Or, sans l’abondement exceptionnel que l’application de cette taxe entraînerait, il sera difficile de répondre aux nombreux et nouveaux défis du développement : lutter contre les inégalités ; réduire la pauvreté ; garantir le respect des droits humains et l’accès aux services essentiels que sont la santé, l’éducation, l’accès à l’eau et son assainissement ; répondre aux crises humanitaires que nous connaissons ; promouvoir une agriculture durable ; lutter contre le dérèglement climatique ; préserver, enfin, les ressources de la planète pour les générations futures.

L’aide publique au développement constitue également un rempart face aux dommages économiques que subissent les pays les plus pauvres de la planète et, même si elle ne peut pas tout faire seule, on attend de la France qu’elle joue un rôle important. C’est pourquoi le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste votera les crédits pour 2017 de la mission « Aide publique au développement ».

Mme Marylise Lebranchu. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, le lancement des objectifs de développement durable pour lutter contre la pauvreté et les inégalités d’ici à 2030 et la COP21 répondent aux enjeux immenses auxquels l’humanité doit faire face.

Pour prendre pleinement part à ces chantiers, les besoins sont immenses. Malheureusement, depuis plusieurs années, en poursuivant dans la voie de l’austérité, le Gouvernement ne fait plus de sa politique de solidarité internationale un axe fort de sa politique extérieure. Le budget pour 2017 doit remettre la France sur une trajectoire positive et lui permettre de respecter ses engagements internationaux.

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit d’allouer 2,6 milliards d’euros de crédits à la mission « Aide publique au développement », soit une hausse de 5 % par rapport à la loi de finances pour 2016. Je me félicite sincèrement de cette décision, une première depuis six ans. La volonté des députés de la majorité d’élargir la taxe sur les transactions financières aux opérations intrajournalières, permettant de taxer des opérations hautement spéculatives, est une bonne nouvelle. C’est une demande de longue date de nombreuses associations et du groupe GDR. Cette hausse tardive n’est malheureusement pas suffisante pour masquer cinq années consécutives de baisse des dépenses de solidarité, soit une perte de 800 millions d’euros depuis 2010. Le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » et celui consacré aux dons et subventions ont subi, à eux seuls, les trois quarts des coupes.

La logique française de l’aide au développement privilégie les prêts, ce qui l’éloigne de plus en plus des populations et des pays les plus pauvres. À ce jour, seul un quart de l’aide française est réellement affecté aux pays les moins avancés, contrairement aux priorités fixées par la loi.

M. Michel Terrot. C’est vrai !

M. François Asensi. Ces coupes de crédits aux pays les plus pauvres vont de pair avec un discours toujours plus porté sur les enjeux économiques de l’aide, qui fait la promotion des entreprises françaises à l’international, au détriment de l’aide aux populations les plus pauvres. Cette évolution doit aller de pair avec un encadrement strict de ces investissements, afin de s’assurer qu’ils contribuent effectivement aux objectifs de développement, dans le respect des droits humains et de l’environnement.

Enfin, dans une époque marquée par une crise migratoire sans précédent en Europe, il est nécessaire d’en finir avec les discours liant l’aide publique au développement avec les politiques de contrôle des flux migratoires et de sécurité. Cette instrumentalisation est injustifiée et inefficace. La France doit au contraire promouvoir une politique de l’aide ambitieuse, plus à même d’aider les pays marqués par l’extrême pauvreté et la guerre à se reconstruire, autour d’institutions solides, et au service des populations locales.

En 2015, la France n’a consacré que 0,37 % de son revenu national à l’APD, loin de l’objectif de 0,7 % fixé par l’Organisation des Nations unies. Cette trajectoire ne permettra pas à la France de respecter ses engagements internationaux. À titre de comparaison, le Royaume-Uni a atteint cet objectif il y a trois ans. La France doit, dès aujourd’hui, se donner les moyens de rattraper le retard accumulé sur ses principaux partenaires européens.

L’engagement de la France dans des domaines comme l’éducation primaire ou l’accès à l’eau et à l’assainissement est insuffisant et se situe bien en deçà de celui des autres pays développés. La tendance doit être inversée. Notre pays doit respecter ses engagements au plus vite et augmenter de 10 % par an les crédits alloués à l’APD dès cette année, pour atteindre l’objectif de 0,7 % d’ici à 2022. Nous attendons du Président de la République qu’il respecte les engagements qu’il a pris dans plusieurs sommets internationaux.

Si le budget de la mission « Aide publique au développement » va dans le bon sens, ce dont je me félicite – et ce dont je vous félicite, monsieur le secrétaire d’État –, cette avancée ne lève pas nos réserves, après sept années de disette budgétaire. Dans ces conditions, nous sommes contraints à l’abstention.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Marsac, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Jean-René Marsac. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, le projet de loi de finances pour 2017 propose une hausse de 133 millions d’euros des crédits de la mission « Aide publique au développement » par rapport à 2016 : c’est la première hausse depuis 2010.

Pour mobiliser des recettes supplémentaires, nous avons adopté en première partie de ce projet de loi de finances une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières de 0,2 % à 0,3 % et ajouté les transactions intrajournalières. Ces amendements permettront, entre autres, d’allouer 270 millions d’euros supplémentaires à l’Agence française pour le développement, 528 millions d’euros issus de la taxe sur les transactions financières étant déjà alloués au Fonds de solidarité pour le développement.

Nous nous réjouissons d’ailleurs de voir que le document de politique transversale sur la politique française en faveur du développement intègre désormais une présentation détaillée des dépenses financées par le Fonds de solidarité pour le développement. Il reste que le cumul des outils intervenant en matière d’aide au développement rend encore l’ensemble peu lisible, et que le suivi budgétaire n’en est pas facilité. Le FSD, alimenté par une part du produit de la taxe sur les transactions financières et par la taxe sur les billets d’avion, s’élèvera en 2017 à 738 millions d’euros. Nous regrettons néanmoins que la part du produit de la taxe sur les transactions financières soit limitée par un plafond.

En 2017, l’effort global d’aide publique au développement devrait ainsi repartir à la hausse, pour atteindre 0,41 % du revenu national brut, ce qui est encore loin de l’objectif annoncé de 0,7 %. Il s’agit tout de même d’une progression de plus de 1 milliard d’euros entre 2016 et 2017, qui s’explique en partie par l’augmentation des frais d’accueil des réfugiés.

Notre groupe souhaite également rappeler que les moyens supplémentaires de l’APD doivent prioritairement être dirigés vers les pays les plus pauvres, conformément à nos engagements, et être particulièrement utilisés sous forme de dons ou de subventions. Comme vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, c’est en privilégiant les dons et les subventions que nous pourrons atteindre les pays les plus pauvres, et la France s’est engagée à concentrer la moitié des subventions de la mission APD et les deux tiers des subventions mises en œuvre par l’Agence française pour le développement sur les seize pays pauvres prioritaires.

En matière d’éducation, selon les chiffres déclarés par la France au comité d’aide au développement de l’OCDE, les seize pays pauvres prioritaires n’étaient bénéficiaires, en 2014, que de 16 % de l’aide consacrée par la France à l’éducation dans les pays en développement.

Par ailleurs, 74 % des moyens sont consacrés à l’éducation supérieure, et la quasi-totalité de ces derniers aux bourses et frais de scolarité versés pour l’accueil d’étudiants étrangers en France, ce qui est une bonne chose, mais ne permet pas d’atteindre la totalité de nos objectifs. L’appui aux systèmes d’éducation de base – primaire et secondaire –, qui pourrait bénéficier aux pays les plus pauvres, ne représente ainsi que 18 % de l’aide.

Autre priorité sectorielle de la France : la santé. À ce titre, la France contribue à UNITAID, une organisation internationale chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux, afin d’obtenir les meilleurs prix possibles. Depuis 2015, la France s’est engagée à verser une contribution annuelle de 100 millions d’euros à cette organisation. La France, pays fondateur, est l’un des plus gros contributeurs. Or le document de politique transversale indique une contribution, via le Fonds de solidarité pour le développement – FSD –, de seulement 80 millions d’euros en 2016 et 2017. Il est nécessaire d’augmenter la capacité du FSD, afin que la France respecte pleinement ses engagements en matière de santé.

Je souhaite également évoquer avec vous la demande des pays pauvres, qui aspirent à sortir des politiques d’aides pour évoluer plus rapidement vers la création d’entreprises susceptibles de créer une dynamique économique locale. Nous pouvons aller plus loin dans le soutien aux initiatives économiques, à la création et au développement d’entreprises, à la formation professionnelle, en renforçant les interventions non seulement de l’AFD, mais également de PROPARCO – Promotion et participation pour la coopération économique.

Dans ce cadre, l’économie sociale et solidaire peut également apporter une contribution majeure – et je regrette l’utilisation dans plusieurs documents de la notion de « social business », qui renvoie plutôt à une vision anglo-saxonne de cette économie, alors qu’il existe en France et dans plusieurs autres pays une culture particulière, qu’il faut savoir valoriser. Vous avez d’ailleurs organisé à ce sujet le 16 juin dernier, monsieur le secrétaire d’État, un colloque intéressant et porteur d’avenir.

Je souhaite aussi vous interroger sur l’articulation entre les actions de l’AFD et celles d’Expertise France, qui, comme son nom l’indique, vise à répondre à la demande croissante en expertise des pays en développement. Nous avons, dans ce cadre, réuni de nombreux opérateurs dans une démarche sans doute beaucoup plus efficace. Il a été récemment décidé que le soutien à l’amélioration de la gouvernance, qui relevait jusqu’ici directement du ministère des affaires étrangères, soit confié à l’Agence française de développement, et non à Expertise France. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous éclairer sur la pertinence de ce choix et sur la manière dont s’articulent les interventions des deux agences ?

En conclusion, ce budget va dans la bonne direction et le groupe socialiste, écologiste et républicain votera les crédits de la mission « Aide publique au développement ». (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Terrot, pour le groupe Les Républicains.

M. Michel Terrot. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin en séance publique pour examiner le dernier budget de l’aide publique au développement du quinquennat. L’heure n’est certes pas encore tout à fait au bilan, mais il est d’ores et déjà possible de cerner les grandes lignes qui ont prévalu à l’action du Président de la République et de sa majorité dans ce domaine si important qu’est l’aide publique au développement.

Force est de constater que la proposition 57 du candidat Hollande, « J’agirai pour une aide accrue aux pays en développement », ne s’est pas traduite en crédits budgétaires puisque, sur la période, la mission « Aide publique au développement » a perdu plus de 600 millions d’euros de crédits, soit une baisse de l’ordre de 20 %. Vos démonstrations techniques essayant de nous démontrer le contraire relèvent d’un enfumage auquel plus personne ne croit ! Si vraiment la situation était si idyllique, pourquoi les parlementaires de tous bords attachés au relèvement de l’aide publique au développement se battraient-ils tous les ans pour tenter de trouver des financements innovants destinés à renforcer ce budget ?

M. Jean-Marie Tétart. C’est vrai !

M. Michel Terrot. C’est le budget qui subit la plus forte baisse, après celui des anciens combattants !

M. Jean-Marie Tétart. Tout à fait !

M. Michel Terrot. Plus grave encore, le programme 209, qui concerne en grande partie l’aide bilatérale aux pays les plus pauvres, pour la plupart francophones, absorbe la très grande partie de ces coupes drastiques. Sur le quinquennat, ce programme aura perdu 500 millions d’euros. Notre pays, après avoir longtemps été le deuxième donateur, se place aujourd’hui en cinquième position, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Japon. Inutile de vous rappeler, monsieur le secrétaire d’État, que chaque année nous éloigne de l’objectif fixé par le G8 de 2005, où nous nous étions engagés à consacrer 0,7 % de notre revenu national brut à l’APD. Nous y consacrons à peine 0,37 %, un montant inférieur à la moyenne européenne, pourtant elle aussi en baisse. Cela n’est pas digne de notre pays et ne correspond pas à notre tradition.

Il en est de même pour un autre sujet, qui me tient particulièrement à cœur et préoccupe depuis des années un nombre important de commissaires de la commission des affaires étrangères : le nécessaire rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral. Nous rappelons, année après année, combien nous sommes attachés à la part du don et de la subvention au sein de cette aide bilatérale, et nous constatons avec regret qu’elle est réduite à peau de chagrin, ce qui est désastreux pour l’image de notre pays, mais aussi pour la souveraineté de notre politique étrangère.

J’en viens au budget proprement dit, qui, heureuse surprise, augmente de 130 millions d’euros. Vous avouerez qu’au regard de la situation que je viens de décrire, cette augmentation paraît bien faible et sans aucun doute dictée par une volonté bien compréhensible de ne pas désespérer totalement votre majorité et ceux qui avaient placé en vous quelques espoirs en début de quinquennat. Au reste, la maigre augmentation obtenue l’année dernière est d’origine parlementaire, et ces efforts arrachés par les parlementaires se sont vus, par un tour de passe-passe budgétaire, substitués aux crédits. Malgré cet effort – bien mince, je vous le concède –, le budget de l’APD a suscité un psychodrame, comme seule votre majorité fracturée peut le faire, et nous avons assisté, comme tous les ans à la même période, au grand retour de la taxe sur les transactions financières.

À l’heure où je m’exprime, les navettes parlementaires n’ont pas encore commencé. Je ne peux donc me fier qu’aux déclarations du secrétaire d’État en commission élargie ou dans la presse, à l’heure où la France tente de lancer une bataille pour son attractivité dans la période suivant le Brexit. La taxe intra-day votée en première lecture semble avoir du plomb dans l’aile, si l’on en croit les déclarations du Premier ministre, la semaine dernière encore, lors de l’inauguration du guichet unique destiné aux investisseurs et aux financiers qui choisiraient de s’installer en France après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Saura-t-il convaincre sa majorité ? Rien n’est moins sûr ! L’APD ne peut et ne doit pas être l’otage de débats internes préélectoraux à la majorité. Les enjeux sont trop importants.

Reste l’excellent amendement de notre collègue Jean-François Mancel, adopté à l’unanimité, qui vise à affecter 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement, soit un effort réel de 270 millions d’euros en faveur de l’APD. En les orientant vers l’AFD, il permet justement de renforcer la politique de dons et de subventions que nous appelons de nos vœux. Quel sort le Gouvernement entend-il réserver à cette initiative salutaire ? Pouvez-vous nous garantir que cet effort net de 270 millions d’euros ne se substituera pas, comme l’année dernière, à des crédits budgétaires pourtant adoptés par les parlementaires ? En l’état actuel des données en notre possession, votre budget, monsieur le secrétaire d’État, est en légère augmentation de 130 millions d’euros : c’est notre seule certitude. À cette heure, rien ne nous permet de penser qu’il en sera autrement. Nous sommes donc très loin du compte ! C’est pourquoi les députés du groupe Les Républicains voteront contre votre budget.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire et M. Jean-Claude Guibal, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Gomes. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’aide publique au développement constitue une véritable exigence pour un pays tel que le nôtre, soucieux de développement, de stabilité et de paix. Or, comme l’ont dit plusieurs orateurs, cette composante essentielle de notre politique étrangère aura fait office, tout au long de cette législature, de budget sacrifié, ce qui va à l’encontre des traditions de notre pays en matière d’aide internationale.

M. Michel Terrot. C’est vrai !

M. Philippe Gomes. De la loi de finance initiale pour 2012, à l’époque où certains rêves tutoyaient les étoiles, au projet de loi de finances pour 2017, les crédits de paiement de la mission ont baissé de 3,1 milliards à 2,45 milliards d’euros, soit une baisse historique de 21 % au cours de la législature. Le programme 209, qui concerne la solidarité à l’égard des pays en développement, aura été le plus touché par cette baisse régulière, puisqu’il aura perdu 23 % de ses crédits depuis 2012.

Certes, l’année 2017 devrait faire figure d’exception – j’emploie le conditionnel à dessein. En effet, les crédits budgétaires de la présente mission affichent une hausse de 130 millions d’euros, soit près de 5 %. Pour autant, comme l’a indiqué le rapporteur pour avis en commission élargie, cette hausse s’explique essentiellement par des efforts ponctuels et limités : je pense notamment aux 38 millions d’euros alloués à l’aide bilatérale sous forme de dons, ou à l’aide de 50 millions d’euros accordée pour la deuxième année aux réfugiés de la zone syrienne. Malgré cette hausse, vous maintenez, monsieur le secrétaire d’État, par vos choix budgétaires, le niveau de notre aide à près de 20 % en dessous de son niveau de 2012.

En outre, alors que les coopérations multilatérales et communautaires bénéficient d’une hausse de leurs crédits, ceux de la coopération bilatérale diminuent de 3,7 %. La baisse des dons depuis 2012 est également préoccupante, et ne permet pas de venir en aide aux pays les plus pauvres qui en ont le plus besoin, alors que plus de 750 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

M. Michel Terrot. C’est vrai !

M. Philippe Gomes. Des améliorations ont été apportées par les parlementaires. Nous avons en effet voté, lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières de 0,2 % à 0,3 %, tout en étendant cette taxe aux transactions dites intra-day. Ces amendements ont permis d’augmenter de 270 millions d’euros le montant de la taxe sur les transactions financières affectée à l’Agence française de développement.

Quoi qu’il en soit, ces quelques améliorations sont clairement insuffisantes par rapport à certains objectifs fondamentaux que certains s’étaient fixés il n’y a pas si longtemps encore et que chacun a gardé à l’esprit. D’abord, elles sont insuffisantes au regard de l’engagement du Président de la République d’augmenter de plus de 4 milliards d’euros la capacité d’intervention de l’AFD et de près de 400 millions d’euros la politique de dons à l’horizon 2020. Ensuite, elles sont insuffisantes au regard de nos engagements internationaux, et notamment du programme ambitieux établi pour atteindre les objectifs de développement durable, adoptés en 2015, qui ont succédé aux objectifs du Millénaire pour le développement. Enfin, elles sont insuffisantes au regard de notre propre objectif de consacrer 0,7 % du revenu national brut à l’aide au développement à l’horizon 2030 : nous y consacrions seulement 0,45 % de ce revenu en 2011, et encore moins – 0,36 % – en 2017. Quel exploit ! Vraiment, notre pays n’a pas à être fier de la manière dont sa politique d’aide au développement a évolué au cours de ce quinquennat.

M. Michel Terrot. Très bien !

M. Philippe Gomes. Pour toutes ces raisons, le groupe UDI votera contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. Nous en arrivons aux questions.

Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.

Nous commençons par une question du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La parole est à Mme Seybah Dagoma.

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le secrétaire d’État, en janvier 2013, le Président de la République décidait d’engager nos forces armées au Mali, afin d’éviter que ce pays ami ne tombe sous la coupe de groupes terroristes menaçant à la fois sa population et son intégrité territoriale. Depuis, l’opération Serval a laissé place à l’opération Barkhane, dans une logique de régionalisation et de coopération avec cinq pays de la bande sahélo-saharienne : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Avec près de 3 600 militaires engagés, il s’agit de la plus importante des opérations extérieures menées par les forces armées françaises.

Aujourd’hui, si nous pouvons dire que notre action militaire aux côtés des pays du Sahel porte ses fruits en empêchant la reconstitution de sanctuaires terroristes, elle est loin d’être terminée et nous savons tous ici qu’elle ne suffit pas. Je rappellerai les propos du chef d’état-major des armées, le général Pierre de Villiers : « Une stratégie basée sur les seuls effets militaires […] ne pourra jamais agir sur les racines de la violence, lorsque celles-ci s’ancrent dans le manque d’espoir, d’éducation, de justice, de développement, de gouvernance, de considération. Gagner la guerre ne suffit pas à gagner la paix. »

M. Michel Terrot. C’est évident.

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le secrétaire d’État, vous aurez donc compris pourquoi je souhaite vous interroger lors de l’examen du projet de budget relatif à l’aide publique au développement sur notre stratégie au Sahel, qui est pour nous prioritaire. En effet, la stabilisation de cette zone est de plus en plus urgente. Elle passe notamment par le développement agricole et rural, ainsi que par la gestion de la transition démographique.

Pouvez-vous nous indiquer le montant de l’aide française dédié à la stabilisation de cette zone ? Quelle est la répartition budgétaire entre les différents pays ? Quelle forme prend-elle ? Enfin, quelles actions menez-vous pour que le Fonds européen de développement dédie une somme plus importante à ces pays ?

M. Michel Terrot. Nous aurions pu poser ces très bonnes questions.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Madame la députée, votre question est évidemment très importante. Les pays du Sahel, qui figurent parmi les plus pauvres du monde, sont à ce titre, c’est-à-dire en dehors de la question du terrorisme sur laquelle je reviendrai, beaucoup aidés par la France, et cela depuis longtemps. La France demeure le deuxième bailleur bilatéral au Sahel après les États-Unis, avec 196 millions d’euros d’aide bilatérale versés en 2014, dont 44 millions au Burkina Faso, 21 millions au Tchad, 73 millions au Mali, 18 millions à la Mauritanie et 40 millions au Niger, auxquels il convient d’ajouter 222 millions d’euros pour le Sénégal voisin.

Le montant de notre aide bilatérale aux pays du Sahel est en nette progression : plus 18 % depuis 2013, en comptant l’aide au Sénégal. L’AFD est présente dans tous les pays sahéliens, dont elle est, vous le savez, un partenaire historique. Le montant des subventions accordées aux pays du Sahel par l’AFD en 2015 a été de 62 millions d’euros, en comptant le Sénégal. À ce chiffre, il convient d’ajouter 260 millions d’euros de prêts souverains et non souverains et 28 millions d’euros de garanties.

Sur la période 2011-2015, le total des autorisations d’engagement de l’AFD au Sahel – hors projets multi-pays – s’élève à 2,1 milliards d’euros. En outre, le Mali, le Niger et le Burkina Faso sont depuis peu de temps éligibles aux prêts souverains très concessionnels de l’AFD, qui sont très favorables, ce qui ouvre des perspectives de coopération encore plus larges avec ces trois pays. En application de la doctrine française relative au ré-endettement responsable des pays, la Mauritanie et, depuis janvier 2015, le Tchad, actuellement en risque élevé de surendettement, ne sont pas éligibles aux prêts souverains de l’AFD.

L’AFD a adopté en 2015 un plan d’action pour un engagement renouvelé au Sahel. Ce plan propose trois axes d’intervention, déclinés de façon différenciée selon les pays. Le premier axe vise à répondre au défi démographique, y compris par la délivrance de services de base. Les taux de natalité par femme sont encore très élevés, notamment au Niger – près de sept enfants par femme. Le deuxième axe vise à accroître l’activité économique et à favoriser les opportunités d’emplois et de revenus pour les jeunes. Le troisième vise à contribuer à un développement territorial équilibré et à la réduction des disparités, particulièrement dans les zones rurales enclavées ou périphériques.

Dans chaque secteur d’intervention et dans toutes ses actions, l’AFD encourage le développement d’un modèle de croissance écologiquement et socialement soutenable, en portant une attention particulière à l’adaptation au changement climatique.

Enfin, la création d’une nouvelle facilité de réponse aux crises, que j’ai évoquée dans mon intervention et que pourra utiliser l’AFD pour intervenir, a vocation à se déployer en premier lieu au Sahel, dans une logique régionale et en faveur tant de la lutte contre la radicalisation que de l’éducation et du développement agricole notamment.

Pour répondre à votre question sur l’articulation des politiques française et européenne, je tiens à souligner que l’adéquation entre les priorités françaises et celles du FED est forte. Parmi les dix pays les plus aidés par le FED figurent le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Cette adéquation se vérifie également au travers des modalités d’intervention de la coopération européenne, qui correspondent à celles que la France privilégie, avec un recours accru au mixage entre les prêts et les dons, ainsi qu’à la programmation conjointe de la France et de l’Europe.

Les moyens consacrés par le FED au six pays sahéliens représentent 2,8 milliards d’euros : ils font de l’Union européenne le premier bailleur de la région. Les États membres de l’Union ont adopté un plan d’action 2015-2020 afin de mettre en application la stratégie de l’Union au Sahel, qui repose sur quatre domaines prioritaires : la prévention et la lutte contre la radicalisation, la création des conditions de développement en faveur de la jeunesse, la gestion des migrations et la lutte contre les trafics illicites et le crime organisé transnational.

Tels sont, madame la députée, les éléments de réponse que je pouvais porter à votre connaissance.

Mme la présidente. Nous en venons à une question du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Jean-Marie Tétart.

M. Jean-Marie Tétart. Monsieur le secrétaire d’État, la gauche s’octroie généralement le monopole du cœur. En matière de solidarité internationale et de développement, on allait donc voir ce qu’on allait voir !

On a vu ! On a vu une loi Canfin qui a eu le grand mérite de débattre d’orientations et de priorités géographiques et sectorielles très vite oubliées faute de programmation budgétaire correspondante crédible. On a vu un gouvernement encourageant le monde à mobiliser des financements innovants additionnels, mais qui, lui, les substitue à l’aide budgétaire défaillante. On a vu un pays incapable à la fois de tenir ses engagements multilatéraux sans recourir à des montages surprenants et d’assurer aux pays les plus pauvres une aide en dons à la hauteur des enjeux On a vu un pays incapable d’assurer des arbitrages garantissant aux différentes priorités sectorielles des affectations budgétaires minimales.

Quoi d’étonnant ? Entre 2012 et 2016, le montant de l’APD française est passé de 0, 46% du RNB en 2011 à 0, 36 %. Entre 2012 et 2017, l’aide budgétaire est passée de 3,3 à 2,64 milliards d’euros, privant par des coups de rabot cumulés l’APD de près de 1 milliard d’euros. Sous la pression d’un groupe de députés de tous bords, vous avez alors été contraints de faire un effort de rattrapage donnant l’illusion de retrouver le niveau de 2012 pour sortir de ce quinquennat de manière honorable.

Tel n’est pas le cas : l’aide budgétaire a été réduite, et les financements de solidarité détournés de leur légitimité puisqu’ils ont perdu leur caractère additionnel et ont été affectés au FSD, dont le pilotage permet au Gouvernement et aux administrations de faire leurs ajustements hors du contrôle de la représentation nationale. En 2016, 88 millions d’euros ont ainsi été affectés au paiement des bonifications d’intérêt des prêts AFD, qui ne sont même pas comptabilisées dans l’APD.

Monsieur le secrétaire d’État, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement se réunira, je crois, avant la fin de l’année. Lui demanderez-vous d’engager le pays à rétablir son aide budgétaire au développement, de sanctuariser le caractère additionnel des financements de solidarité pour augmenter les dons aux pays les plus pauvres, les plus vulnérables et en sortie de crise, de privilégier l’affectation de ces financements à l’AFD plutôt qu’au FSD dont il faut garantir la transparence, de garantir, enfin, aux priorités sectorielles une programmation budgétaire pluriannuelle et cohérente ?

M. Michel Terrot. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Monsieur le député, la réponse à toutes les questions que vous avez posées est affirmative. Le prochain CICID débattra évidemment de tous ces sujets. S’agissant du FSD, vous le savez, j’ai pris l’engagement en commission de renforcer sa lisibilité, notamment auprès des parlementaires. Nous travaillons à l’heure actuelle à une amélioration de la possibilité – légitime – qui vous sera donnée de connaître le fonctionnement du FSD et l’affectation des crédits par l’administration. Le document formalisant cet engagement, qui sera tenu l’année prochaine, est en voie de finalisation. Il vous sera présenté en commission.

Les crédits budgétaires de la mission APD ne sont nullement remplacés puisque, comme je l’ai déjà souligné, ils augmentent au contraire de 133 millions d’euros cette année, ce qui représente une hausse de 5 % par rapport à l’exercice précédent…

M. Michel Terrot. Après une chute considérable.

M. André Vallini, secrétaire d’État. … à savoir 83 millions pour le programme 209 et 50 millions pour le programme 110. Les ressources extrabudgétaires affectées à l’APD croissent parallèlement.

M. Michel Terrot. Non.

M. Jean-Marie Tétart. Vous le savez bien.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Vous le savez aussi, la France est pionnière dans la création des financements innovants. Nous devons être fiers d’en partager la paternité. Leur objectif est de mobiliser des ressources plus stables et pérennes pour faire face aux défis de long terme liés au développement durable. Ils permettent une meilleure distribution des richesses issues de la mondialisation. Il est donc faux de prétendre qu’ils remplacent l’effort budgétaire pour le développement. Ils le complètent tout en apportant des valeurs ajoutées spécifiques par rapport aux flux d’aides traditionnels : réponse à une défaillance de marché, prévisibilité, disponibilité immédiate des fonds, approche fondée sur l’impact et les résultats.

M. Michel Terrot. Arrêtez !

M. Jean-Marie Tétart. Vous ne pouvez pas dire cela.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Il est vrai que depuis 2010, le budget de l’aide publique au développement n’a pas connu, indépendamment des changements de majorité, une augmentation significative : c’est un euphémisme. Tous, nous devons le déplorer et le déplorons. Mais notons tous également que, comme l’a souligné le représentant du groupe GDR, la trajectoire, cette année, est de nouveau ascendante et que la France renoue avec sa vocation.

Je suis, moi aussi, favorable à ce que l’APD atteigne 0,7% du RNB – vous avez pour la plupart évoqué cette question. Si je redeviens un jour parlementaire, comme je le souhaite, je m’y emploierai avec vous, à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Faisons comme les Britanniques : inscrivons ce chiffre dans la loi. Nous serons alors contraints de nous y tenir. C’est à l’initiative du Premier ministre Cameron que la majorité conservatrice a décidé d’inscrire ce chiffre dans la loi. Pour une fois, inspirons-nous de l’exemple britannique : cela ne dépend que de vous, mesdames et messieurs les parlementaires.

M. Jean-Marie Tétart. Cela a été refusé dans le cadre de la loi Canfin.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. D’abord, je ne peux que constater, pour m’en réjouir, que le budget de l’aide publique au développement a cessé de baisser. M. Jean-Marc Ayrault a même fait part dans la presse de sa satisfaction de voir le niveau de l’APD supérieur de 160 millions à ce qu’il était au début du quinquennat.

M. Jean-Marie Tétart. C’est faux.

M. Philippe Noguès. Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, il est difficile aux ONG engagées dans le combat du développement des pays les plus pauvres comme à moi-même de partager cette satisfaction. Dans un rapport parlementaire que j’ai rédigé en février 2014 sur le projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, je rappelais notamment la part du revenu national brut affectée à l’APD en 2012, qui s’élevait à 0,45%, et l’ambition, largement affirmée à l’époque, de faire beaucoup mieux les années suivantes.

Malheureusement, les chiffres sont implacables, nous atteindrons péniblement 0,42 % en 2017. L’augmentation faciale de 160 millions que vous annoncez est donc illusoire. La part du revenu national brut, qui mesure la richesse de la France, allouée à l’aide publique au développement, en fin de mandat est bien inférieure à celle de 2012 !

De plus, soyons clairs : les augmentations obtenues en 2017 sont essentiellement issues de financements innovants, notamment de l’augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières, obtenue de haute lutte par les députés,…

M. Jean-Marie Tétart. Ces financements ne sont pas assurés !

M. Philippe Noguès. … et non de la mission « Aide publique au développement » elle-même.

M. Jean-Marie Tétart. C’est vrai !

M. Philippe Noguès. En effet, en dépit de la légère augmentation obtenue dans ce PLF, cette mission a subi une coupe de près de 700 millions d’euros depuis 2011.

M. Jean-Marie Tétart. Nous sommes d’accord.

M. Philippe Noguès. De plus, il n’est pas inutile de rappeler que les financements innovants, certes utiles, sont censés s’ajouter à l’engagement financier de l’État, ce qui n’a clairement pas été le cas durant ce quinquennat.

M. Michel Terrot. Vous avez entièrement raison.

M. Philippe Noguès. Monsieur le secrétaire d’État, quel est l’avenir de l’aide publique au développement ? Dans le contexte géopolitique dramatique que nous connaissons, qui nous a entraînés dans une augmentation faramineuse de nos budgets militaires, pourquoi avoir attendu le dernier PLF du quinquennat pour stopper la baisse continue de l’aide publique au développement ? En d’autres termes, pourquoi avoir choisi de s’appuyer très fortement sur le pilier militaire en négligeant malheureusement celui du développement et de la solidarité ?

M. Jean-Marie Tétart. Bravo ! Nous n’aurions pas osé le dire !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Votre question, monsieur le député, est à peu près la même que la précédente.

Mme Monique Rabin. Il y a unanimité sur ces bancs.

M. Jean-Marie Tétart. Ce qui confirme la justesse de nos analyses.

M. André Vallini, secrétaire d’État. La réponse sera donc à peu près la même. La trajectoire, qui n’a pas été bonne depuis 2010, repart dans le bon sens en 2016 pour 2017. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.

Je souhaite que la majorité parlementaire issue des urnes en 2017, quelle qu’elle soit, poursuive cette trajectoire. Cependant, lorsque j’entends les candidats du groupe Les Républicains à la primaire annoncer des coupes budgétaires et des diminutions de dépenses publiques de centaines de millions d’euros, je me demande comment il leur sera possible d’augmenter en même temps les crédits de la police, de la justice, de l’armée et, accessoirement, de l’aide publique au développement. Comment allez-vous faire ? Mystère.

Quoi qu’il en soit, les crédits de la mission « Aide publique au développement » augmenteront en 2017 et j’en suis très heureux. Je n’occupe mes fonctions que depuis quelques mois ; j’ai beaucoup écouté ce que les parlementaires, tant de l’Assemblée nationale que du Sénat, avaient à dire sur le sujet, et j’ai œuvré à ma mesure et à mon niveau pour que ce budget augmente. Il augmente : soyons-en fiers et heureux collectivement, même s’il est encore insuffisant.

Quant à l’objectif de 0,7 %, je répète ce que j’ai déjà dit : inscrivons-le dans la loi !

M. Philippe Noguès. Nous aurions pu le faire !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Une fois qu’il sera inscrit dans la loi, comme en Grande-Bretagne, nous serons obligés de nous y tenir.

M. Jean-Pierre Dufau. Mais il est déjà dans la loi !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Oui, monsieur Dufau, à l’horizon 2030… Il conviendrait plutôt de l’inscrire dans la loi dès que possible, pour que le Parlement vote chaque année une loi de finances consacrant 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement.

Enfin, vous avez évoqué vous-même, monsieur Noguès, la question des dépenses militaires. Ce sujet très sensible doit être manié avec précaution, notamment lorsqu’on s’adresse aux ONG, qui peuvent être tentées de faire un rapprochement entre les crédits militaires et les crédits consacrés à l’aide publique au développement. Il n’empêche qu’on doit pouvoir dire, avec toutes les précautions nécessaires, notamment devant la représentation nationale qui vient d’examiner les crédits de la mission « Défense », que la France fournit un effort militaire considérable, en Afrique comme au Moyen-Orient, qui ne pèse pas sur la plupart des autres pays européens. On cite toujours en exemple l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, sans parler des pays scandinaves, mais leur effort militaire est très faible, pour ne pas dire quasiment inexistant.

M. Michel Terrot. Que fait le Président de la République ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Lorsque nous intervenons au Mali dans le cadre de l’opération Serval, en Centrafrique dans le cadre de l’opération Sangaris, dans le Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane ou en Irak et en Syrie au sein de la coalition, cela coûte très cher : des centaines de millions d’euros sont prélevés sur le budget de la nation, sans doute au détriment de l’aide publique au développement.

Aussi, permettez-moi d’élargir mon propos : je milite depuis des années, sans être entendu – je ne suis pas le seul dans ce cas –, pour que la Commission européenne accepte de déduire du déficit français les dépenses militaires qui contribuent à la sécurité de l’Europe tout entière.

M. Jean-Pierre Dufau et M. Jean-Louis Gagnaire. Très bien !

M. Michel Terrot et M. Jean-Marie Tétart. Nous sommes d’accord !

Mission « Aide publique au développement » (état B)

Mme la présidente. J’appelle les crédits de la mission « Aide publique au développement », inscrits à l’état B.

(Les crédits de la mission « Aide publique au développement » sont adoptés.)

Après l’article 52

Mme la présidente. J’appelle maintenant les amendements portant articles additionnels après l’article 52, rattachés à la mission « Aide publique au développement. »

La parole est à Mme Catherine Coutelle, pour soutenir l’amendement n277.

Mme Catherine Coutelle. La loi de finances rectificative pour 2005 demande au Gouvernement de présenter, « sous forme d’annexes générales au projet de loi de finances de l’année, des documents de politique transversale relatifs à des politiques publiques ». Il se trouve que le document relatif à l’aide publique au développement est assez développé, alors que certains documents consacrés à d’autres politiques publiques comportent très peu d’indicateurs.

Dans cet amendement, je demande que l’article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005 soit complété afin que les documents financiers mentionnent l’aide publique au développement spécifiquement consacrée aux femmes. En effet, monsieur le secrétaire d’État, nous avons tous les deux assisté à un colloque où il a été démontré que les femmes sont les premières victimes de la pauvreté, de l’analphabétisme et de la non-déclaration dans les registres d’état civil. Parfois, les femmes ne sont pas propriétaires. Or, très souvent, ce sont elles qui œuvrent pour le développement : elles cultivent la terre, elles vont chercher le bois… Les jeunes filles sont retirées de l’école parce qu’on leur demande de travailler rapidement.

Ainsi, nous aimerions pouvoir flécher et avoir une connaissance très précise de l’effort français d’aide publique au développement en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes, tous projets confondus, qu’il s’agisse de l’aide bilatérale ou de l’aide multilatérale. À ce propos, je viens de vous écrire, monsieur le secrétaire d’État, pour que vous demandiez aux grandes ONG, notamment au Fonds mondial de lutte contre le sida, dont nous sommes le deuxième contributeur, d’orienter leur budget en direction des femmes et de l’égalité femmes-hommes.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que nous disposions de documents nous permettant de mieux lire cette aide, qui augmente cette année, ce dont je vous remercie – les années précédentes, nous entendions les revendications des ONG et je les comprenais, mais cette année, l’effort est intéressant.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, je m’étonne que vous n’ayez pas demandé l’avis des rapporteurs sur les crédits de la mission « Aide publique au développement »…

M. Michel Terrot. Donnez-le nous maintenant !

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur spécial, cela n’est pas prévu dans l’organisation de nos débats, pas plus pour ces crédits que pour d’autres.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Il est tout de même curieux que le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis n’aient pas été interrogés sur ces crédits !

M. Michel Terrot. De toute façon, cela n’aurait rien changé…

Mme la présidente. Nous disposons de votre rapport, monsieur Mancel.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Je suis tout à fait favorable à l’amendement présenté par Mme Coutelle, car chacun sait que les actions à mener en faveur des femmes et des filles pour le développement sont essentielles. Plus nous disposerons d’informations sur la manière dont les objectifs sont poursuivis et atteints, mieux cela sera pour la politique d’aide au développement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Madame Coutelle, vous proposez d’ajouter un objectif à l’article 128 de la loi de finances rectificative pour 2005, qui énumère notamment le contenu du document de politique transversale – DPT – relatif à la politique française en faveur du développement.

Le Gouvernement partage la priorité que vous donnez à la question du genre et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il a adopté une stratégie « Genre et développement 2013-2017 », à laquelle vous avez contribué et qui est mise en œuvre tant par le Gouvernement que par notre opérateur, l’AFD.

Le DPT sur l’aide publique au développement restitue ces informations. Ainsi, le programme 209 comporte un sous-indicateur centré sur le genre, intitulé « part des autorisations d’engagement de l’AFD en subventions et en prêts dans les États étrangers ayant un objectif genre ». Pour 2017, l’objectif mentionné dans le DPT est de 50 % au moins.

Votre amendement confirme les orientations du CICID de 2013 en faveur des droits des femmes, qui devraient être réaffirmées lors de la prochaine réunion de ce comité, à la fin du mois de novembre, dans la perspective notamment d’une nouvelle stratégie « Genre et développement » pour la période 2018-2020.

Mme Catherine Coutelle. Très bien !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Pour toutes ces raisons, madame la députée, le Gouvernement est favorable à votre amendement.

M. Jean-Pierre Dufau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Rabin.

Mme Monique Rabin. Nous parlons aujourd’hui d’aide publique au développement mais, plus généralement, Catherine Coutelle et la délégation aux droits des femmes mènent un travail sur la budgétisation sensible au genre. Je veux donc dire à M. le secrétaire d’État et à l’ensemble du Gouvernement que, depuis une réunion du Conseil de l’Europe de 2005, un budget sensible au genre doit pouvoir être présenté dans tous les domaines de l’action publique.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. J’aimerais élargir le champ de l’amendement présenté par Catherine Coutelle, qui ne concerne évidemment pas que les femmes. Ces dernières investissent dans le collectif beaucoup plus que les hommes. Lorsqu’on aide les femmes, notamment les filles dans le cadre de l’éducation, elles réinvestissent beaucoup : c’est une assurance de développement pour les générations futures. Cela se vérifie dans de nombreux pays. J’aimerais donc qu’on ne considère pas cet amendement de façon trop restrictive : il concerne évidemment tout le monde.

(L’amendement n277 est adopté à l’unanimité.)

Mme Marylise Lebranchu et M. Jean-Marie Tétart. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement n302.

M. Jean-Marie Tétart. Cet amendement est presque naturel au regard des réponses de M. le secrétaire d’État aux différentes questions posées. Nous savons que les lignes d’affectation de l’aide publique au développement changent depuis cinq ans. On observe une montée en puissance des financements innovants, qui ont leurs propres critères d’attribution et de mise en œuvre, ainsi qu’une réduction de l’aide budgétaire. Bref, les règles du jeu changent, même si le Gouvernement affirme que la masse de l’APD reste la même.

On ne sait plus très bien quels thèmes sont privilégiés, s’il s’agit de l’eau, de l’assainissement, de la santé… Les choses sont en train de changer. On ne sait pas très bien non plus si l’affectation multilatérale, à travers le FSD, respecte les priorités initialement définies. Nous avons besoin d’y voir clair !

Comme vous l’indiquiez tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il serait peut-être opportun que le budget pour 2018 soit éclairé d’un état des lieux de l’aide publique au développement, montrant comment cette dernière a été mise en œuvre, quels thèmes ont été privilégiés, pour quels montants… Cet état des lieux sur l’utilisation des crédits de l’APD nous sera utile quel que soit le gouvernement nommé en 2017. Actuellement, nous souffrons d’une absence de vision claire sur ce sujet.

Le présent amendement vise donc à demander au Gouvernement de remettre au Parlement, « au plus tard cinq mois après la promulgation de la présente loi, un rapport portant sur l’évolution de la composition du budget de l’aide publique au développement, sa répartition et son utilisation ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Le document de politique transversale permet de dresser un bilan de l’ensemble des actions menées en matière d’aide publique au développement. Cela étant, monsieur le secrétaire d’État, nous devrions disposer de ce document avant le débat budgétaire.

Mme Catherine Coutelle. En effet !

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Il nous est remis vraiment très tardivement, et nous avons beaucoup de mal à l’utiliser dans le cadre de nos débats…

Pour autant, je ne vois pas d’inconvénient à donner un avis favorable à l’amendement de M. Tétart.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Monsieur Tétart, je n’ai pas très bien compris le sens de votre amendement. On m’a préparé une réponse indiquant que vous souhaitiez la remise, tous les ans, d’un rapport à mi-année.

M. Jean-Marie Tétart. Pas du tout ! Je demande la publication d’un rapport sur la période 2012-2016.

M. André Vallini, secrétaire d’État. La réponse qu’on m’a préparée ne tient donc pas. Compte tenu de vos explications et de la nécessité que le Parlement soit bien informé de la politique d’aide publique au développement, comme de toutes les politiques…

M. Jean-Marie Tétart. Nous voulons surtout être informés de l’évolution de l’APD entre 2012 et 2016.

M. André Vallini, secrétaire d’État. J’ai bien compris, monsieur Tétart, que votre demande était spécifique à l’année 2016…

M. Jean-Marie Tétart. Le rapport devra être remis dans les cinq mois qui viennent !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Et pourquoi donc ?

M. Michel Terrot. Lisez l’amendement, monsieur le secrétaire d’État ! Le Gouvernement doit remettre un rapport au Parlement « au plus tard cinq mois après la promulgation de la présente loi », autrement dit de la loi de finances pour 2017.

M. Jean-Marie Tétart. Cela nous permettra d’avoir de bonnes idées pour une prochaine loi de finances – une loi de finances rectificative pour 2017, par exemple… (Sourires.)

M. André Vallini, secrétaire d’État. Dans ce cas, le Gouvernement donne à cet amendement un avis favorable, contre l’ensemble des administrations ici représentées. (Sourires.)

(L’amendement n302 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement n303.

M. Jean-Marie Tétart. Il poursuit le même objet que le précédent, avec un focus sur le FSD, qui échappe au contrôle parlementaire et dans lequel les ressources financières des taxes de solidarité ont été logées jusqu’à présent. Le FSD permet de financer toutes les grandes actions multilatérales en matière de santé, d’UNITAID à IFFIm – International Finance Facility for Immunisation – en passant par GAVI – Global Alliance for Vaccines and Immunisation. Puisque ce fonds ne donne lieu à aucune information obligatoire ni à aucun contrôle du Parlement, nous souhaiterions disposer d’un rapport sur l’utilisation du FSD pendant la période 2012-2016.

M. Michel Terrot. Excellent amendement ! Un peu de transparence !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Je suis tout à fait favorable à l’amendement de M. Tétart, qui a raison de souligner l’extraordinaire opacité du FSD. Au cours des auditions que j’ai menées pour préparer mon rapport spécial, les fonctionnaires du Trésor que j’ai interrogés m’ont assuré qu’ils donneraient davantage de clarté au FSD à partir de l’année 2017. Cela étant, il faut aller plus loin et je compte vraiment sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour que nous disposions d’éléments très précis.

D’ailleurs, quelque chose m’inquiète. Lors du débat au cours duquel nous avons voté, à l’unanimité, une augmentation de 270 millions d’euros du budget de l’APD, M. Eckert, votre collègue chargé du budget, nous a suggéré d’inscrire ces crédits sur le FSD plutôt que de les affecter directement à l’AFD pour de l’aide bilatérale et des dons. Cela montre bien que la direction du budget est tentée de maintenir une certaine opacité sur l’utilisation des ressources de la taxe sur les transactions financières… Il faut dire les choses comme elles sont !

M. Michel Terrot. Bercy doit avoir de très mauvaises intentions… (Sourires.)

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d’État, pour user de votre autorité afin que les parlementaires sachent enfin comment sont utilisés les crédits du FSD. J’approuve totalement l’amendement de M. Tétart.

M. Michel Terrot. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. Vous vous souvenez, monsieur Mancel, que j’ai indiqué lors de la commission élargie que le décret relatif au FSD était en train d’être révisé. Je viens de le confirmer à l’instant. Le nouveau décret en préparation prévoit une programmation prévisionnelle des dépenses du FSD, afin d’en améliorer le pilotage par le Gouvernement et la transparence pour les parlementaires.

En outre, sensibles aux observations que vous avez formulées à plusieurs reprises, et encore la semaine dernière en commission élargie, sur la transparence de la gestion de l’APD et en particulier du FSD, nous nous sommes engagés à améliorer les informations que nous vous transmettons. Ainsi, dans le cadre du DPT relatif à l’aide publique, dès cette année, une situation à date du FSD est présentée.

Le FSD n’est pas opaque au sens où sa gestion serait insincère, mais il est difficile à lire, y compris pour les membres du Gouvernement qui débutent dans les fonctions que j’occupe. (Sourires.)

M. Michel Terrot. C’est fait exprès !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Nous sommes en train d’en améliorer la lisibilité. Comme il présente l’avantage d’être très souple, il faut conserver cette souplesse, sa maniabilité, la réactivité qu’il permet dans notre politique d’aide au développement. En même temps, il convient d’en améliorer la lisibilité et la transparence.

Le processus est en cours et en 2017, les choses vont donc considérablement s’améliorer. Aussi, je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n303 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tétart, pour soutenir l’amendement n456.

M. Jean-Marie Tétart. Le présent amendement s’inscrit dans la suite logique des amendements précédents, dans la mesure où les fonds destinés à UNITAID proviennent de la taxe de solidarité Chirac sur les billets d’avion.

Or les engagements pris ne sont pas respectés, et les contributions allouées à UNITAID sont rognées d’année en année. Cette année, elles sont ainsi amputées de 20 millions d’euros, et ainsi de suite... En outre, on observe un certain décalage entre les engagements et les versements. Après un examen attentif, il ressort ainsi que l’on a versé moins en financement consolidé que ce que l’on avait promis.

Comme vous, monsieur le secrétaire d’État, je ne dirais pas qu’il y a absence de transparence, mais force est de constater qu’il est difficile de suivre. De plus, les questions écrites sur ces sujets reçoivent rarement une réponse, et lorsque c’est le cas, celle-ci est tardive ou suffisamment générale pour que l’on ne soit pas plus informé après l’avoir lue qu’au moment où on l’a posée...

Il s’agit par cet amendement de connaître exactement l’évolution d’une disposition symbolique pour la France, à savoir sa participation depuis des années au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Petit à petit, tout est grignoté sans que l’on sache pourquoi et que l’on nous en explique les raisons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Cet amendement se rattache à ce que l’on vient de dire sur les points précédents. L’argent qui provient de la taxe sur les transactions financières passe par le FSD, lequel le reverse ensuite. Je suis pour ma part favorable à l’amendement, car il est important de connaître le processus.

Je profite de l’occasion, madame la présidente, puisque vous ne m’avez pas autorisé à le faire tout à l’heure, pour poser une question à M. le secrétaire d’État. En commission élargie, j’ai rendu hommage à M. Vallini : il est le premier ministre en charge de développement à avoir légèrement augmenté les crédits. À titre personnel, je vous rends cet hommage, monsieur le secrétaire d’État.

Cela étant, pouvez-vous, à la fin de ce débat, nous confirmer que le Gouvernement ira jusqu’au bout de la discussion budgétaire s’agissant des 270 millions d’euros qui ont été votés à l’unanimité de la commission des finances et à l’unanimité dans cet hémicycle ? Seront-ils bien affectés à l’AFD ?

M. Michel Terrot. Et sans substitution.

M. Jean-François Mancel, rapporteur spécial. Et pour du bilatéral et des dons ? Car, quelles que soient nos étiquettes politiques, nous sommes tous ici profondément attachés à l’aide publique au développement. Le Gouvernement ira-t-il jusqu’au bout et ne reprendra-t-il pas d’une main ce qu’il a accordé de l’autre ?

M. Michel Destot. Très bonne intervention !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d’État. L’amendement n456 est satisfait par ce qui a été adopté précédemment. Si l’on améliore la lisibilité du FSD à partir de l’année prochaine, les crédits UNITAID seront bien sûr concernés.

M. Jean-Marie Tétart. Entendu.

M. André Vallini, secrétaire d’État. S’agissant de la question de M. Mancel, je suis trop respectueux de la séparation des pouvoirs pour m’engager en quoi que ce soit sur l’issue de la discussion parlementaire, qui ne fait que commencer. Attendons la fin de la navette !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Tétart.

M. Jean-Marie Tétart. Nous n’aimerions pas être trompés dans les dernières heures du débat budgétaire comme l’an dernier. Sinon, cela signifierait que nos discussions n’ont servi à rien et qu’on nous prend pour des « zozos ».

En relevant de 0,2 % à 0,3 % le taux de la taxe sur les transactions financières, on a augmenté la part des recettes qui ne sera pas affectée à l’aide au développement. Puisque nous apportons des recettes nouvelles au budget général de l’État, l’État pourrait être encouragé à tenir ses engagements et à réalimenter la mission « Aide publique au développement », c’est-à-dire les programmes 110 et 209, à une hauteur plus importante.

M. Michel Terrot. Il ne faut pas rêver !

M. Jean-Marie Tétart. Je le répète, en augmentant les taux, nous augmentons aussi les ressources du budget général de l’État.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tétart, dans la mesure où il est satisfait par l’adoption du précédent ?

M. Jean-Marie Tétart. Oui, madame la présidente. Pour le plaisir.

(L’amendement n456 n’est pas adopté.)

Compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » (état D)

Mme la présidente. J’appelle les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », inscrits à l’état D.

(Les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons terminé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

La suite de la discussion budgétaire est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, à quinze heures :

Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2017 : examen des crédits de la mission « Économie » ; examen des crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

La séance est levée.

(La séance est levée à douze heures trente-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly