Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2016-2017

Compte rendu
intégral

Séance du mercredi 21 décembre 2016

SOMMAIRE

Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. Yannick Favennec

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Situation à Alep

Mme Nathalie Nieson

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Politique familiale

Mme Virginie Duby-Muller

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes

Soutien à la Grèce

M. Pascal Cherki

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre

Projet de loi de finances pour 2017

Mme Véronique Louwagie

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances

Situation de la Financière Turenne-Lafayette

M. René Dosière

M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie

Augmentation du SMIC

M. Nicolas Sansu

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Situation du secteur du tourisme

Mme Claudine Schmid

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger

Économie circulaire

M. François-Michel Lambert

M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie

Politique du handicap

M. Gilles Lurton

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Instance de dialogue avec l’islam de France

M. Jean-Luc Laurent

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur

Création de la chaîne de télévision France Info

M. François de Mazières

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication

Conséquences du Brexit

M. Christophe Premat

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

Déviation de la route nationale 66

M. François Vannson

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement

Situation des mineurs réfugiés

M. Joël Giraud

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Marc Le Fur

2. Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Présentation

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission mixte paritaire

Mme Annie Genevard, rapporteure de la commission mixte paritaire

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques

Discussion générale

M. Philippe Folliot

Mme Jeanine Dubié

Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Arnaud Viala

M. André Chassaigne

Texte de la commission mixte paritaire

Amendements nos 1, 2

Vote sur l’ensemble

3. Ordonnances relatives à la production d’électricité et aux énergies renouvelables

Présentation

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable

Mme Béatrice Santais, rapporteure de la commission des affaires économiques

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques

Discussion générale

M. Laurent Furst

M. André Chassaigne

Mme Marie-Noëlle Battistel

M. Christophe Premat

M. Bertrand Pancher

Discussion des articles

Article 1er

Après l’article 1er

Amendement no 30

Article 1erbis

Amendement no 27

Articles 1erter et 1erquater

Article 2

M. Jean-Marie Sermier

Amendements nos 1 , 4 , 33 , 19

Article 3

Amendements nos 8 , 2 , 31 (sous-amendement) , 20 , 17 rectifié

Article 4

Après l’article 4

Amendements nos 7 , 18 , 14 , 21 , 28 , 6

Explication de vote

M. Laurent Furst

Vote sur l’ensemble

Suspension et reprise de la séance

4. Exercice par la Croix-Rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux

Présentation

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes

Mme Françoise Dumas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Discussion générale

M. Thierry Mariani

M. Michel Zumkeller

M. André Chassaigne

M. Olivier Dussopt

Discussion des articles

Articles 2 et 3

Article 3 bis

Articles 5 et 6

Vote sur l’ensemble

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

M. le président. La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Yannick Favennec. Monsieur le Premier ministre, dans moins d’un mois, le 18 janvier prochain, la déclaration d’utilité publique du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes sera caduque et il ne sera donc plus possible de commencer le chantier. Alors que le nouveau schéma de cohérence territorial – SCOT – de Nantes-Saint-Nazaire, censé résoudre le pré-contentieux avec la Commission européenne, a été récemment approuvé par les 113 élus du pôle métropolitain, plus rien ne s’oppose, une fois encore, à la construction de l’aéroport du Grand Ouest.

L’État a fait le choix d’attendre cette révision du SCOT, alors que rien ne l’y obligeait juridiquement. C’est une nouvelle étape de franchie. Elle s’ajoute aux 178 décisions de justice validant ce projet et à l’expression claire de 55 % de citoyens en faveur de la construction de l’aéroport.

Désormais, le Président de la République ne peut plus s’abriter derrière je ne sais quel subterfuge pour masquer ses incohérences et son indécision. Sa responsabilité est d’ordonner immédiatement l’évacuation de la ZAD et le début des travaux. C’est sa dernière chance de marquer de façon positive la fin de son quinquennat. Il en va, également, de l’honneur de la parole publique et du respect de la démocratie.

Un député du groupe de l’Union des démocrates et indépendants. Il n’y a plus d’honneur !

M. Yannick Favennec. Monsieur le Premier ministre, pour rendre vraiment utiles vos cinq mois à Matignon, quand agirez-vous enfin sur ce dossier crucial pour l’avenir des régions Pays-de-la-Loire et Bretagne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, j’ai eu l’occasion au cours du débat qui s’est tenu, la semaine dernière, à la suite de ma déclaration de politique générale, de répondre à plusieurs reprises aux interpellations des parlementaires concernant le dossier de Notre-Dame-des-Landes : je veux de nouveau le faire de façon très claire aujourd’hui.

L’État et les collectivités territoriales se sont mobilisés sur ce dossier qui court depuis le début des années 2000 et qui a fait l’objet de nombreux recours de la part des opposants au projet. Vous avez donné le nombre de ces recours : près de 180. Ils ont tous été perdus par ceux qui les ont enclenchés. De plus, un référendum a eu lieu, qui a donné un résultat très clair, le 26 juin dernier.

Pour le Gouvernement à la tête duquel je me trouve, la question n’est donc pas de savoir si nous devons procéder à l’engagement des travaux et évacuer la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, elle est de savoir comment le faire le plus rapidement et le mieux possible, dans des conditions de maîtrise suffisantes dans un contexte particulier de menace terroriste élevée. C’est ce que j’ai indiqué aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat et que je répète très clairement devant vous, pour des raisons d’ailleurs très simples qui tiennent au fait que nous sommes dans un État de droit, qu’un référendum a donné l’occasion aux habitants de s’exprimer et que, dans un État de droit, aucune forme de violence ne peut s’opposer à l’application du droit après que celui-ci a été voté, que les décisions ont été prises et que les juges se sont prononcés. (Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob et M. Guy Geoffroy. Qu’attendez-vous, alors ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Cela étant, il ne s’agit pas de décider d’envoyer à Notre-Dame-des-Landes des unités de forces mobiles en nombre sans aucune autre considération pour réussir cette opération.

M. Éric Straumann. Elle ne se fera donc pas.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Quel que soit le gouvernement en place, si ce gouvernement est responsable, il doit être dans la vérité, qui est celle de la planification d’une opération dans un contexte dont l’actualité récente nous montre qu’il est celui d’un très haut niveau de menace terroriste dans notre pays comme en Europe.

Monsieur Favennec, je tiens à vous indiquer, pour que la représentation nationale ait l’ensemble des informations dont elle doit disposer sur un sujet de cette nature, que sur les 103 unités de forces mobiles qui sont disponibles quotidiennement en France – je parle sous le contrôle du ministre de l’intérieur –, près de quatre-vingts sont aujourd’hui mobilisées dans la lutte antiterroriste pour assurer la sécurité tant des grands événements dans les villes qu’aux frontières, condition pour protéger notre pays de la menace terroriste.

J’ai, en conséquence, indiqué à la représentation nationale, et vous confirme, qu’après la décision prise par les collectivités locales d’intégrer dans le SCOT, le 19 décembre dernier, les recommandations de la Commission européenne, ce SCOT est transmis à la Commission. J’ai également demandé au ministre de l’intérieur de définir les conditions d’une opération par étapes,…

M. Guy Geoffroy. Par étapes : qu’est-ce que cela signifie ?

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …maîtrisée et qui permette de respecter le délai que vous avez rappelé, afin que nous puissions à la fois conduire cette opération et assurer la protection de notre pays contre le risque terroriste. Ne pas assurer cette protection dans le contexte actuel serait totalement irresponsable, car cela exposerait notre pays et les forces de l’ordre à des risques de violence que personne ici ne peut souhaiter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation à Alep

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Nieson, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Mme Nathalie Nieson. Monsieur le Premier ministre, depuis plusieurs mois, des images terribles nous parviennent de Syrie : des familles sont décimées, la ville d’Alep est en ruine, les réfugiés se retrouvent piégés dans une ville à feu et à sang. Nous avons tous, bien malheureusement, des images de visages ensanglantés en tête.

La communauté internationale ne doit pas rester sans rien faire. Une grande tragédie se déroule sous nos yeux et nous, élus et citoyens, ne pouvons pas nous résigner à l’inaction.

Grâce à la France, qui a été l’un des premiers pays à réagir, les choses avancent. En premier lieu, nous avons combattu Daech. Nous avons lancé des frappes aériennes contre ces terroristes et appuyé les opérations au sol. Mais la France a aussi été un des premiers pays à prendre position pour la protection des populations qui subissent des exactions de masse, commises de part et d’autre. Des milliers de personnes sont prises au piège.

Monsieur le Premier ministre, la population d’Alep est sous un feu incessant. Nous devons soutenir les initiatives d’évacuation des populations.

Lors du dernier Conseil européen, le Président de la République a défendu notre priorité : la sécurisation d’un couloir humanitaire. Nous avons aussi demandé une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a adopté la résolution française pour assurer la présence d’observateurs, imposer un cessez-le-feu et préparer une négociation politique. Cette fois-ci, la Russie n’a pas opposé son veto.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous assurer que la France n’abandonnera pas les populations qui subissent la guerre et le terrorisme ? Pouvez-vous nous dire comment la France accompagnera la reconstruction de la Syrie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Madame la députée, merci pour votre question qui fait écho à d’autres questions posées au cours des derniers jours à l’Assemblée nationale par des parlementaires de toutes sensibilités.

Ce qui se passe à Alep est une épouvante, une tragédie, une horreur absolue. Des femmes et des enfants sont enfermés dans cette ville : ils ne peuvent en sortir. Il est impossible d’acheminer de l’aide alimentaire et humanitaire vers les habitants d’Alep, qui se trouvent dans l’effroi et le plus grand dénuement. Les bombardements sur les sites hospitaliers empêchent la population d’avoir accès à des soins. Bref, la situation à Alep est encore une fois tragique. Elle justifie les initiatives prises par la communauté internationale pour mettre fin à ces massacres organisés par un régime contre un peuple, avec le concours de ses alliés.

C’est la raison pour laquelle la diplomatie française, sous la direction de Jean-Marc Ayrault, a multiplié les initiatives. Elle a notamment fait en sorte que le Conseil de sécurité des Nations unies adopte une résolution visant à mettre fin à ces combats et à créer les conditions permettant l’accès à l’aide humanitaire. La France a été extrêmement active sur le plan diplomatique. Parce qu’elle parle à tous les pays qui peuvent jouer un rôle dans ce conflit, notamment avec la Russie, elle est parvenue à faire adopter par le Conseil de sécurité des Nations unies la résolution 2328, qui pose trois principes : l’accès à l’aide humanitaire rendu possible par la présence d’observateurs indépendants ; l’instauration de couloirs humanitaires qui garantissent à la population la possibilité de sortir et permettent à l’aide humanitaire d’arriver ; la protection des sites hospitaliers afin d’assurer les soins dont la population a besoin.

Il faut maintenant que cette résolution soit appliquée. Il faut que les belligérants veillent à sa bonne application et que les pays à l’origine du contexte de violences et du contexte tragique auquel Alep se trouve confrontée jouent leur rôle. C’est la raison pour laquelle la France continuera son action diplomatique afin que le dialogue intersyrien puisse se développer, s’accentuer, s’amplifier, dans l’esprit de la résolution 2254 adoptée il y a un an, que le cessez-le-feu soit conforté et que la situation humanitaire soit prise en compte à la hauteur de la tragédie vécue par les populations d’Alep.

Voilà la direction dans laquelle travaille le gouvernement français. Voilà la ligne de la diplomatie française. Je veux remercier le ministre des affaires étrangères et l’ensemble de ses secrétaires d’État pour leur contribution extrêmement utile au dénouement de cette tragédie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Brigitte Allain. Très bien !

Politique familiale

M. le président. La parole est à Mme Virginie Duby-Muller, pour le groupe Les Républicains.

Mme Virginie Duby-Muller. Monsieur le Premier ministre, avec 19 000 naissances de moins qu’en 2014, 2015 fut l’année la plus faible pour la natalité française depuis vingt ans. Ce résultat reflète assurément le manque d’ambition de votre politique familiale (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain),…

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

Mme Virginie Duby-Muller. …alors que le projet de loi de finances pour 2017 vous offrait une dernière occasion de rattrapage.

La famille française a été particulièrement malmenée au cours de ce quinquennat.

M. Marc Le Fur. C’est bien vrai !

Mme Virginie Duby-Muller. Votre bilan est explicite. En effet, 3,2 millions de familles, majoritairement des classes moyennes, ont subi depuis quatre ans votre matraquage fiscal, la baisse des prestations et des aides à la garde, ainsi que la fin de l’universalité des allocations familiales.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Ce n’est pas vrai !

Mme Virginie Duby-Muller. Avec le versement de la prime de naissance seulement trois mois après l’arrivée de l’enfant, vous ne prenez pas en compte le besoin d’équipement en amont des familles.

M. Christian Jacob. Le Gouvernement n’aime pas les familles ! Il n’aime pas les enfants !

Mme Virginie Duby-Muller. Vous avez créé seulement 17 960 places en crèche, soit moins de 20 % de celles promises.

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Et vous, combien en avez-vous créées ?

Mme Virginie Duby-Muller. Pendant ce temps, le nombre d’enfants gardés par une assistante maternelle a reculé de 16 500. Résultat : les parents ont davantage recours à la crèche, qui est pourtant un mode de garde plus coûteux pour les collectivités. On comprend pourquoi deux Français sur trois désapprouvent la politique familiale du Gouvernement.

M. Christian Jacob. Ils ont raison !

Mme Virginie Duby-Muller. Le problème, monsieur le Premier ministre, c’est que les perspectives pour 2017 sont pires encore, du fait de l’impact négatif de la mauvaise réforme du congé parental pour élever un enfant de moins de deux ans, de la situation financière catastrophique des collectivités locales, qui ne peuvent plus financer de nouvelles places en crèche et se retrouvent parfois même contraintes d’annuler certains projets, et de l’âge moyen des assistances maternelles qui ne cesse d’augmenter.

M. Christian Jacob. Il est temps de changer de gouvernement !

Mme Virginie Duby-Muller. Au total, des millions de familles verront leurs aides baisser d’ici à 2017.

Monsieur le Premier ministre, comment assumer ce bilan désastreux, qui empêche bien souvent les femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Valérie Boyer. Bravo !

Mme Virginie Duby-Muller. Quand comprendrez-vous enfin que la famille doit rester le pilier de nos sociétés modernes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes.

Mme Laurence Rossignol, ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes. Madame la députée, nous pouvons peut-être nous demander quel est le sens d’une politique familiale. Pour moi, il s’agit à la fois de s’adapter aux évolutions des familles et d’instiller toujours davantage de justice sociale.

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Il ne s’agit pas de promouvoir un modèle de famille en utilisant les prestations familiales dans ce but. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Protestations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues, un peu de calme pour la dernière séance de questions au Gouvernement de l’année !

Mme Laurence Rossignol, ministre. La politique familiale que nous avons mise en place est une politique familiale redistributive et moderne.

Mme Valérie Boyer et M. Philippe Cochet. Mais non ! C’est incroyable !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Redistributive, car nous avons d’abord amélioré les conditions de vie des familles les plus modestes ainsi que des familles monoparentales, étrangement absentes de votre discours sur les familles.

M. Olivier Audibert Troin. Vous êtes sectaire !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Grâce à notre politique familiale, les familles monoparentales, qui représentent aujourd’hui 20 % des familles – 35 % dans certains quartiers –, bénéficient de prestations nouvelles comme la garantie contre les impayés de pensions alimentaires,…

M. Jean-Paul Bacquet. Très bien !

Mme Laurence Rossignol, ministre. …qui constituent une violence économique faite aux femmes. Nous mettrons en place, au 1er janvier 2017, l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires.

Vous avez évoqué des coupes dans les prestations familiales. Effectivement, 5 % des foyers fiscaux et 9 % des bénéficiaires des allocations familiales ont vu leurs prestations baisser et ont contribué davantage à la solidarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.) Au contraire, 2 millions de familles ont vu leurs aides augmenter. De même, nous avons créé 70 000 places de crèche supplémentaires.

M. Philippe Cochet. C’est faux !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Nous sommes le seul pays d’Europe à concilier un taux de natalité élevé (« Il baisse ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) avec un taux d’activité professionnelle des femmes tout aussi élevé.

Madame Duby-Muller, vous ne pouvez quand même pas expliquer aux Français que la réforme de la modulation, mise en place au 1er juillet 2015, a eu un impact immédiat sur le taux de natalité de l’année 2015 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Pascal Popelin. Excellent !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Je ne veux pas vous donner un cours de sciences naturelles, mais ce n’est pas possible ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Cela fait quatre ans que vous massacrez les familles !

Mme Laurence Rossignol, ministre. Enfin, il est très méprisant à l’égard des familles que de penser que, pour 60 euros de moins par mois, certaines d’entre elles pourraient renoncer à faire des enfants. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Brigitte Allain et Mme Danielle Auroi. Très bien !

M. Christian Jacob. Le Gouvernement déteste les familles !

Soutien à la Grèce

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Monsieur le Premier ministre, le 14 décembre dernier, le porte-parole de la présidence de l’Eurogroupe annonçait que le Mécanisme européen de solidarité – MES – avait décidé de suspendre unilatéralement, à la demande de certains pays, dont l’Allemagne, les mesures d’allégement de la dette de la Grèce.

Ces pays, dirigés par des amis politiques de M. Fillon (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), reprochent au gouvernement grec de M. Tsipras d’avoir décidé de verser un troisième mois de pension aux petites retraites afin d’éviter que des centaines de milliers de retraités modestes ne basculent dans la pauvreté.

M. Yann Galut. Bravo !

M. Pascal Cherki. Ils reprochent également à M. Tsipras d’avoir décidé de reporter la hausse de la TVA dans les îles de la mer Égée où s’entassent plus de 15 000 migrants qui attendent aux portes de l’Europe de pouvoir être dignement accueillis.

Ainsi, la solidarité européenne tant appelée de nos vœux se résume pour certains pays à se comporter envers le peuple grec et son gouvernement comme de vulgaires prêteurs sur gage.

Ce refus d’accorder un allégement de la dette est une insulte faite aux Grecs. Heureusement, la France a dénoncé cette décision. Michel Sapin a rappelé à juste titre qu’elle contrevenait à la décision d’allégement sans condition de la dette grecque prise lors de la dernière réunion des ministres des finances de la zone euro.

Le 15 décembre dernier, le Président de la République a dénoncé cette décision et a affirmé son plein et entier soutien au gouvernement de M. Tsipras.

M. Razzy Hammadi. Très bien !

M. Pascal Cherki. Aussi je vous demande, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir indiquer à la représentation nationale quelles initiatives la France entend prendre dans les prochains jours pour infirmer la décision de la présidence de l’Eurogroupe ? Et, à moyen terme, de nous indiquer également quelles initiatives la France entend prendre pour convaincre ses partenaires européens d’annuler une partie encore plus substantielle de la dette de la Grèce ?

Monsieur le Premier ministre, vous le savez bien, la Grèce ne pourra jamais rembourser la totalité de sa dette qui représente aujourd’hui 180 % de son PIB. La cohésion de l’Europe passe par l’annulation d’une partie substantielle de la dette de la Grèce et plus généralement par la mutualisation de la dette des pays européens, au risque sinon de voir les peuples tourner encore plus le dos à l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Monsieur le député, la France a été en permanence aux côtés de la Grèce au cours des derniers mois, des dernières années par l’impulsion et l’attention portées par le Président de la République à la situation de ce pays, mais également pour des raisons qui tenaient à la cohésion de la zone euro, à la nécessité de maintenir l’intégrité, l’unité, l’indivisibilité de la zone euro dans un contexte de crise particulier. Mais nous n’avons pas simplement été aux côtés de la Grèce sur la question de son redressement, nous l’avons été aussi lorsque ce grand pays était confronté à des flux migratoires extrêmement importants qui déstabilisaient son économie et le mettaient en face d’épreuves extrêmement difficiles auxquelles il n’était pas en situation de faire face seul.

La France a été le pays de l’Union européenne qui a mobilisé le maximum de moyens en Grèce pour aider ce pays à mettre en place des dispositifs d’accueil des migrants. Elle a été le premier pays de l’Union européenne à respecter, à partir de la Grèce, les dispositifs de relocalisation. Elle l’a fait avec une grande fierté pour des raisons qui tiennent à la solidarité historique qui unit notre pays à la Grèce, et au fait que, sous le quinquennat de François Hollande, la France a, en Europe, incarné la volonté de faire preuve de plus de solidarité et d’avoir plus de croissance. En faisant ce que nous avons fait pour la Grèce, nous avons agi pour l’Europe.

M. Christian Jacob. Avec un tel bilan, pourquoi alors, ne se représente-t-il pas ? (Sourires sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Dommage que les socialistes n’en veuillent plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Monsieur Jacob.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. Lors de la réunion de l’Eurogroupe du 5 décembre dernier, il a été décidé d’envisager la réduction ou la renégociation de la dette à court terme de la Grèce.

Le Premier ministre Tsipras a décidé au début du mois de décembre d’octroyer aux retraités les plus modestes une prime, justifiée par les efforts faits par ces retraités, et par ailleurs de différer l’augmentation de la TVA pour les îles qui avaient été l’objet de la pression migratoire. Il l’a fait dans des conditions dont la France pense qu’elles ne remettent en rien en cause les objectifs que la Grèce se devait d’atteindre compte tenu des engagements qu’elle avait pris devant l’Union européenne.

Vous nous demandez ce que nous allons faire…

M. Christian Jacob. Rien !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …pour que ce qui a été décidé le 5 décembre soit appliqué. Nous allons faire ce qu’ont toujours fait Michel Sapin, le Président de la République…

M. Philippe Briand. C’est-à-dire laisser tomber.

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …c’est-à-dire agir au sein de l’Union européenne pour que les faits soient rétablis, pour que les pays de l’Union européenne aient des positions équilibrées et justes et pour que la Grèce soit soutenue par l’Union européenne, et au premier rang par le Gouvernement français qui convaincra, j’en suis certain, l’Union européenne d’aller dans cette direction.

Je veux conclure ma réponse en vous disant très simplement, monsieur le député, que la France sera aux côtés de la Grèce pour son redressement,…

M. Claude Goasguen. Elle est sauvée, alors !

M. Christian Jacob. On est rassurés !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …qu’elle a toute confiance dans la capacité de la Grèce à assumer ses responsabilités et toute confiance dans la capacité de l’Union européenne de le reconnaître.

Sur un sujet aussi grave, j’aimerais que l’opposition soit pour une fois dans la responsabilité (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) car si on vous avait écoutés, mesdames et messieurs de l’opposition, la Grèce ne serait plus aujourd’hui dans la zone euro et aurait été livrée à son sort. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Si la politique que vous voulez mener demain au sein de l’Union européenne est une politique d’abandon des plus faibles au détriment de l’esprit solidaire de l’Union, vous nous aurez face à vous,...

M. Daniel Fasquelle. Lamentable !

M. Bernard Cazeneuve, Premier ministre. …et ce combat face à vous, nous le gagnerons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Sébastien Huyghe. Menteur !

Projet de loi de finances pour 2017

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe Les Républicains.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le Premier ministre, hier, l’Assemblée nationale a adopté définitivement le dernier projet de loi de finances de la législature, qui constituera votre héritage, un véritable passif pour vos successeurs.

M. Christian Jacob. Un dépôt de bilan !

Mme Véronique Louwagie. Je me contenterai de souligner trois points. J’évoquerai d’abord le matraquage fiscal.

Votre majorité n’aura eu de cesse de recourir au « bricolage fiscal » qui bien souvent s’est mué en « matraquage fiscal » pour des franges entières de contribuables ! Certes, vous avez décidé d’appliquer en janvier une baisse d’impôt sur le revenu de 20 %. Mais, ce cadeau du « Père Noël Hollande » ne sera octroyé qu’à un nombre très limité de contribuables.

Il faut, en parallèle, rappeler que depuis 2012 la courbe de l’impôt sur le revenu a connu une progression atteignant jusqu’à 14 milliards d’euros. Ce sont finalement 31 milliards d’euros de prélèvement en plus durant ce quinquennat, pris aux ménages.

M. Michel Ménard. Et les 35 milliards avec Fillon ?

M. Laurent Furst. Vous ne les avez pas rendus !

Mme Véronique Louwagie. J’évoquerai ensuite l’insincérité des comptes. Vous en appeliez à notre responsabilité, monsieur le Premier ministre, mais notre responsabilité consiste à dénoncer l’insincérité des comptes. Vos prévisions de croissance, vos schémas budgétaires semblent si peu réalistes que même, le Haut conseil des finances publiques s’est montré, dans son avis du 14 novembre 2016, extrêmement réservé.

Vous avez utilisé des tours de passe-passe, mettant en œuvre une cavalerie budgétaire, un véritable hold-up, faisant peser sur ce projet de budget plus que des soupçons d’insincérité !

M. Laurent Furst. Eh oui.

Mme Véronique Louwagie. La prochaine majorité héritera d’une situation très dégradée, à la fois en 2017 et également en 2018, car vos astuces budgétaires auront un effet différé de l’ordre de 6 milliards d’euros sur le seul solde de 2018.

Quant au prélèvement à la source, vous avez mis la charrue avant les bœufs car une grande réforme fiscale aurait été le préalable ! Vous allez fragiliser les entreprises, inquiéter les contribuables et, surtout, laisser à vos successeurs la charge de gérer le service après-vote de cette réforme !

Une seule question, monsieur le ministre : quel bilan objectif tirez-vous de votre politique fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Guy Geoffroy. Et de la magie !

M. Michel Sapin, ministre de l’économie et des finances. Vous êtes, madame Louwagie, parmi les députés de l’opposition qui suivez le plus les débats budgétaires et je veux rendre hommage à votre assiduité (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

Mme Véronique Louwagie. Merci !

M. Michel Sapin, ministre. C’est la raison pour laquelle je vous pensais capable de développer des arguments un peu plus subtils. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Laurent Furst. Ça, c’est méprisant.

M. Michel Sapin, ministre. Je vais répondre rapidement à deux ou trois de vos remarques. Première remarque puisque nous parlons du budget pour 2017, est-ce que ce budget permettra à la France d’atteindre un déficit inférieur à celui que vous nous avez laissé ? (« Non » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous-mêmes avez le sourire aux lèvres car vous savez très bien que le déficit que vous nous avez laissé était supérieur à 5 %…

M. Laurent Furst. La météo a changé !

M. Yves Censi. Ce n’est pas très subtil.

M. Michel Sapin, ministre. …et que le déficit (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)…

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues.

M. Michel Sapin, ministre. …et que le déficit que la Commission européenne reconnaît comme celui que nous pouvons atteindre sera inférieur à 3 %. Nous avons, nous, engagé la diminution des déficits de manière sérieuse…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

M. Michel Sapin, ministre. …de manière pondérée, de manière réaliste…

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez bénéficié de la conjoncture extérieure !

M. Michel Sapin, ministre. …tout en soutenant, en particulier depuis 2014, la croissance qui est revenue et qui a permis que nous soyons en capacité de faire face aux dépenses supplémentaires.

Deuxième question, les impôts. Madame Louwagie, vous savez très bien où nous en étions au moment où vous nous avez laissé les comptes. Les impôts ne cessaient d’augmenter alors sur les ménages comme sur les entreprises.

M. Sébastien Huyghe. Menteur.

M. Philippe Cochet. C’est faux !

M. le président. Monsieur Cochet. C’est la dernière séance de questions de l’année, alors je vous en prie.

M. Michel Sapin, ministre. Le budget pour 2017 est un budget de baisse des charges pesant sur les entreprises – nous continuons à les baisser – et de baisses d’impôt pesant sur les ménages, nous continuons à les baisser. Telle est la réalité.

Enfin, il y a une grande réforme que nous avons engagée : le prélèvement à la source. Je comprends tout à fait qu’elle soit débattue. C’est normal car ce sont des sujets lourds, importants et qui peuvent éventuellement être difficiles à mettre en œuvre. Ensemble, ici, nous avons réussi à élaborer une très belle réforme du prélèvement à la source…

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça n’a rien d’une belle réforme !

M. Michel Sapin, ministre. …qui nous met enfin au même niveau que tous les autres grands pays d’Europe et du monde. Le prélèvement à la source, c’est de la justice et de l’efficacité : tout ce que vous n’avez pas fait ; tout ce que nous faisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation de la Financière Turenne-Lafayette

M. le président. La parole est à M. René Dosière, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. René Dosière. Monsieur le secrétaire d’État chargé de l’industrie, à la suite du décès récent de sa dirigeante, on a appris que des manipulations comptables avaient dissimulé les difficultés de la Financière Turenne-Lafayette. Ce nom ne parle pas beaucoup aux Français, qui connaissent beaucoup mieux ses productions alimentaires, comme Madrange, Garbit ou William Saurin : il s’agit là de l’un des acteurs majeurs de la filière agroalimentaire, qui représente plus de 4 000 emplois directs sur vingt-et-un sites et touche des milliers de sous-traitants et de fournisseurs, dont le sort est d’ailleurs lié à l’avenir de cette entreprise.

Dès que ces difficultés ont été connues, le Gouvernement a réagi très vite, et je l’en félicite, mais il est nécessaire que nous ayons davantage de précisions, d’où mes trois questions.

Tout d’abord, monsieur le secrétaire d’État, comment est-il possible que des manipulations comptables de ce type aient pu avoir lieu aussi longtemps sans que personne ne s’en aperçoive ? En second lieu, pouvez-vous nous donner des précisions très concrètes sur les mesures que le Gouvernement entend prendre à court et à moyen terme pour assurer l’avenir de cette entreprise ? Enfin, comment comptez-vous associer les organisations syndicales de salariés à sa restructuration et à son avenir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie.

M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie. Monsieur le député, nous avons en effet été informés de la situation gravissime du groupe Turenne-Lafayette, révélée à l’occasion du décès de sa dirigeante, Mme Piffault. Le Gouvernement, sous la houlette du Premier ministre et avec la mobilisation toute particulière de Stéphane le Foll, de Michel Sapin et de moi-même, a choisi de répondre vite et fort à cette situation.

Il l’a fait d’abord, en confiant au Comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI – un audit visant à révéler l’ampleur exacte de la situation à laquelle nous sommes confrontés. Ensuite, en transmettant à la justice le soin de rechercher les responsabilités, de telle sorte que les questions que vous posez puissent trouver réponse dans les responsabilités qui auront été établies. Troisième élément : une mobilisation significative, qui passe par une mobilisation financière et par une discussion avec les banques qui ont accepté de nous rejoindre. L’État apportera donc immédiatement une participation financière de l’ordre de 12 millions et les banques participeront à hauteur de 56 millions d’euros pour permettre à la fois que les salaires soient versés – il n’est pas normal que les salariés paient les conséquences de cette situation – et que l’activité perdure.

Nous avons également souhaité rencontrer les fournisseurs. Là encore, un accord a été obtenu pour que les marchandises puissent être fournies et que l’activité puisse perdurer.

Une rencontre aura lieu vendredi matin au ministère de l’agriculture avec les organisations syndicales, afin de continuer à les informer comme il se doit et de permettre à chacun de savoir comment les éléments peuvent être donnés.

Nous avons, enfin, le souci du maintien de cette activité. La situation du groupe est aujourd’hui stabilisée, mais nous devons poursuivre le travail avec la nouvelle direction afin de trouver un repreneur pour l’ensemble des activités de ce groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Augmentation du SMIC

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le Premier ministre, voici quelques semaines, l’INSEE indiquait que la pauvreté repartait à la hausse dans notre pays, avec 14,3 % de nos concitoyens, soit près de 9 millions de personnes, vivant sous le seuil de pauvreté. Derrière ces chiffres froids, il y a des drames humains – je pense à cette jeune mère de famille isolée qui travaille à temps partiel et ne sait pas quel Noël elle offrira à ses enfants, à ce couple de retraités modestes qui vit reclus car il ne peut pas s’écarter d’un euro de son budget, ou à ce jeune, ballotté de travail précaire en stage et qui, à trente ans, doit retourner chez ses parents.

Dans le même temps, et contrairement à ce qu’affirme la droite, jamais la France n’a abrité autant de millionnaires, jamais les inégalités n’ont été si fortes, jamais les dividendes versés à une petite caste n’ont été aussi élevés. Les cinq cents plus grandes fortunes s’en tirent d’ailleurs à bon compte, puisque l’État lui-même a remboursé 61 millions d’euros à Mme Bettencourt, première fortune de France, suivant en cela la logique du bouclier fiscal et l’exonérant ainsi de l’impôt sur la fortune.

M. Éric Straumann. Cet argument était bon pour la campagne de Mitterrand !

M. Nicolas Sansu. Certes, le Gouvernement a mis en place le relèvement des minima sociaux et la prime d’activité, mais plus de 40 % des travailleurs qui ont droit à cette dernière n’en font pas la demande.

Ainsi, alors que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – va encore augmenter et qu’au total chaque employeur aura reçu 150 euros par mois d’aides publiques pour chaque salarié payé au salaire minimum, il est aujourd’hui injustifiable de ne pas augmenter le SMIC au-delà de l’augmentation légale de 0,93 % – au 1er janvier prochain, en effet, son augmentation sera inférieure à la croissance. Avec 37 centimes d’euros de plus par jour, il ne jouera pas son rôle de soutien à la consommation ni de déclencheur des augmentations des autres salaires, voire des pensions et allocations. C’est une mauvaise nouvelle pour les travailleurs dans leur ensemble, une erreur économique et un gâchis social.

Ne pensez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu’une réelle augmentation du SMIC aurait été un élément de confiance, de cohésion et de justice pour notre peuple, qui aspire à l’égalité, et propre à contrecarrer les divisions qui se font jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme Danielle Auroi, M. Pascal Cherki et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Monsieur le député, permettez-moi de vous rappeler quelques faits. Nous avons tout à fait conscience de la situation particulièrement difficile que connaissent notamment les ménages les plus modestes dans notre pays. Vous avez du reste entendu Mme Louwagie nous reprocher tout à l’heure, dans sa question, le fait que les exonérations d’impôts que nous avons mises en œuvre ne soient dirigées que vers les ménages les plus pauvres : nous l’assumons bien évidemment.

Pour ce qui est du SMIC, la réalité est que, dans une période de reprise et alors même que ces 1,6 million de travailleurs rémunérés au SMIC sont employés à 85 % dans des TPE et des PME, nous avons considéré qu’il ne convenait pas d’augmenter leur masse salariale au-delà du taux de l’inflation. Est-ce pour autant que nous ne serions pas particulièrement mobilisés en faveur des ménages les plus modestes ? Permettez-moi de rappeler à cet égard que nous avons revalorisé le revenu de solidarité active – RSA – de plus de 10 %,…

M. François Vannson. Facile : ce sont les départements qui payent !

Mme Myriam El Khomri, ministre. …fait sortir de l’impôt sur le revenu un grand nombre de nos concitoyens et fait en sorte qu’au 1er janvier 2017, cinq millions de foyers paieront en moyenne 200 euros d’impôts de moins.

Je vous en remercie d’avoir évoqué dans votre question la prime d’activité. Permettez-moi d’y revenir précisément : contrairement au RSA activité, nous avons augmenté le taux de recours à la prime d’activité. Avec le RSA activité, en effet, 30 % des personnes concernées demandaient cette aide. Elles sont aujourd’hui 60 % et nous avons donc encore une marge de manœuvre. Ce sont 3,7 millions de foyers qui en bénéficient, dont 500 000 jeunes, alors que, je vous le rappelle, 8 000 jeunes à peine bénéficiaient à l’époque du RSA jeunes. Concrètement, pour un célibataire au SMIC, cela représente un treizième mois.

Vous voyez donc bien que, pour plus de justice sociale, nous avons axé l’ensemble de nos mesures, en usant à la fois du levier fiscal et de celui de la prime d’activité, sur l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs les plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Situation du secteur du tourisme

M. le président. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour le groupe Les Républicains.

Mme Claudine Schmid. Monsieur le Premier ministre, en cette fin d’année, la France suffoque. Cette année a été catastrophique à tout point de vue, notamment pour le tourisme, secteur clé de notre économie. L’image de la France est ternie à l’étranger. Désormais, quand les touristes envisagent la France pour destination, ils pensent immédiatement pollution, état d’urgence, grève de transports, aéroports bloqués par les taxis et les VTC et, lorsqu’ils ont fini de tirer leurs valises, ils ne savent pas s’ils pourront monter sur la Tour Eiffel ! Avec une telle image, quels sont les étrangers qui ont encore envie de venir chez nous ?

Les chiffres publiés par la région Île-de-France confirment le marasme : affaires et loisirs confondus, la région annonce, sur les sept premiers mois de 2016, une baisse de fréquentation de l’ordre de 1,3 million de touristes par rapport à 2015, soit une perte d’un milliard d’euros pour une industrie qui emploie 550 000 personnes. Même Rungis en souffre. Les commerçants en sont venus à organiser des opérations spéciales et fort onéreuses pour leurs grands clients.

Pour ne rien arranger, les Français de l’étranger, eux aussi, commencent à bouder la France pour leurs vacances. L’augmentation démesurée – on parle d’au moins 77 % – des impôts sur les biens qu’ils avaient conservés les incite à s’en séparer. Ils perdent donc leur attache et la France y perd encore.

Si je vous interroge sur ce point précis, monsieur le Premier ministre, c’est que, dans votre déclaration de politique générale, vous êtes resté très vague sur les mesures en faveur du secteur du tourisme. C’est aujourd’hui que les touristes songent à leurs prochaines vacances. Alors ne faites pas encore perdre cinq mois – pardon, quatre mois – à la France. Concrètement, quelles mesures allez-vous prendre ? Il est grand temps de redorer le blason de notre pays pour que son image ne soit plus ternie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger.

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger. Madame la députée, vous interrogez le Gouvernement sur le tourisme, qui est une priorité nationale absolue.

M. Yves Censi. Une de plus !

M. Matthias Fekl, secrétaire d’État. Pour la première fois depuis de longues années, le Président de la République avait indiqué qu’il s’agissait d’une grande cause nationale et toutes les décisions en ont découlé ; les professionnels le reconnaissent d’ailleurs volontiers.

Vous avez parfaitement raison de dire que 2016 aura été une année compliquée. Notre pays reste la première destination touristique au monde pour le tourisme avec, l’an dernier, 85 millions de touristes accueillis ; cette année, cela sera moins. La baisse que nous constatons sur les clientèles internationales, d’après l’INSEE, sur les premiers mois de l’année jusqu’en septembre, s’élève à 7,5 %, tandis que la baisse globale, si l’on inclut le tourisme français, s’établit à 2,5 %.

En revanche, les touristes français, contrairement à ce que vous avez indiqué, font un peu plus de tourisme dans leur propre pays : c’est très léger mais l’augmentation est de 0,6 %.

Que faut-il faire ? D’abord, une mobilisation totale pour la sécurité : c’est le cas, avec le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, comme auparavant avec Bernard Cazeneuve. Un comité interministériel sur le tourisme, le 7 novembre dernier, a adopté un plan d’action consacré en particulier à la sécurité, avec 15 millions d’euros spécifiquement consacrés au renforcement de la sécurité sur les sites touristiques, en plus de l’effort national. Vous avez pu constater la sécurisation des marchés de Noël.

Nous travaillons sur l’investissement : un fonds public d’un milliard d’euros est disponible – il n’existe pas beaucoup d’autres domaines dans lesquels un milliard d’euros sont disponibles pour de l’investissement ! Nous travaillons avec les professionnels sur la formation, sur la montée en gamme, sur la diversification et sur les campagnes de promotion à l’international afin de présenter le meilleur visage de la France. Je ne doute pas de votre contribution à cela dans vos fonctions, en France comme à l’étranger. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Économie circulaire

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. François-Michel Lambert. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie. L’économie circulaire devient une référence du développement soutenable, que nombre d’entreprises et de collectivités en France prennent comme modèle pour créer des richesses tout en préservant les ressources. La Commission européenne estime à 2 millions le nombre d’emplois pouvant être créés.

Loin de la caricature qu’en font certains, l’économie circulaire consiste à préserver les ressources en les recyclant, mais surtout en sachant prolonger la durée de vie de nos produits par la réparation, la réutilisation ou le réemploi et, plus encore, en intensifiant l’usage, en sortant du gaspillage de la non-utilisation des objets par le partage et par l’économie de la fonctionnalité.

M. Bernard Accoyer. Il faut le faire avec les centrales nucléaires !

M. le président. Monsieur Accoyer !

M. François-Michel Lambert. Ce sont aussi de nouvelles organisations dans les zones d’activité pour que les uns et les autres partagent leurs flux.

Pour y parvenir, il est nécessaire de repenser la conception des produits ; c’est ce que l’on appelle l’éco-conception. Il s’agit d’une mutation de notre modèle. La France a pris une avance notable en la matière et devient référente en Europe et dans le monde.

M. Bernard Accoyer. Comme pour le nucléaire !

M. François-Michel Lambert. Cette avance, elle la doit à la loi NOTRe – Nouvelle organisation territoriale de la République – et à la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Le 27 avril dernier, le Conseil national de l’industrie a organisé un colloque intitulé « Économie circulaire : vers de nouvelles solutions industrielles », sous l’égide du ministre de l’économie et de la ministre de l’environnement. Au cours de ce colloque, tous les acteurs représentant les filières et les services de l’État ont souhaité une accélération de la transition vers cette économie circulaire. Une innovation a été engagée lors de ce colloque avec la contractualisation d’expérimentations dénommée « Engagements pour la croissance verte » : les premières filières se sont engagées.

Monsieur le secrétaire d’État, en cette fin d’année, nous faisons le bilan des changements profonds intervenus dans notre société. L’économie circulaire en fait partie ; la France est leader ; elle a des lois, des outils. Pouvez-vous faire un point sur cette économie circulaire, ses avancées dans notre industrie et indiquer comment le Gouvernement compte accélérer la mutation indispensable pour l’économie, pour l’environnement et, surtout, pour notre avenir commun ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie.

M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État chargé de l’industrie. Monsieur le député, l’économie circulaire constituait en effet l’un des objectifs clés de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, avec un défi : faire en sorte que la France passe d’une économie linéaire – j’extrais, je produis, je consomme, je jette – à une économie circulaire, dans laquelle on intègre l’ensemble du cycle de vie du produit en le concevant dès son origine comme étant réutilisable ou recyclable – d’où la terminologie retenue pour l’économie circulaire.

Des mesures significatives ont été adoptées dans le cadre de cette loi : la diminution de moitié des quantités de déchets mis en décharge d’ici 2025 ; la généralisation du tri à la source des biodéchets ; l’interdiction des sacs plastiques à usage unique ; l’obligation pour les professionnels de l’entretien et de la réparation automobiles d’utiliser des pièces reprises sur d’autres véhicules. Il y a eu également un engagement significatif en termes d’investissement : au travers du programme d’investissements d’avenir, 100 millions d’euros ont été investis, permettant de soutenir soixante-dix projets.

Vous me demandez où en est notre mobilisation. Je me dois de vous dire que tous les décrets concernant les titres de la loi relatifs à l’économie circulaire sont aujourd’hui sortis, ce qui montre la mobilisation et l’ambition du Gouvernement.

Une mobilisation de l’ensemble du tissu industriel est en outre nécessaire au-delà de cette mobilisation réglementaire. Je constate avec beaucoup de satisfaction que nombre de secteurs et de filières ont intégré ces éléments de l’économie circulaire dans leur modèle.

M. Yves Censi. Vous n’allez pas en plus leur donner des leçons !

M. Christophe Sirugue, secrétaire d’État. Si nous sommes sur la bonne voie, la mobilisation de tous est nécessaire pour une pleine réussite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Politique du handicap

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour le groupe Les Républicains.

M. Gilles Lurton. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Madame la secrétaire d’État, au terme de ce quinquennat, nous sommes en droit de vous interroger sur le bilan de votre politique en faveur du handicap, un bilan dont vous vous déclarez satisfaite dans les instances parisiennes alors que la dure réalité du terrain, dans nos circonscriptions, est tout autre.

Jamais le manque de place dans les établissements spécialisés n’a été aussi criant. Je vous avais alertée sur ce point en octobre 2015. Vous m’aviez répondu que l’accueil en établissement ne devait pas être la seule solution.

Mais aujourd’hui, ce sont plus d’un million de personnes qui sont exclues de la République.

Nous savons tous qu’un enfant handicapé sans solution d’accueil, c’est une famille contrainte de rester à la maison. Et demander à un parent de ne pas travailler, c’est l’installer dans une situation de précarité pour le présent, pour l’avenir et pour sa retraite.

Vous le savez très bien par ailleurs, jamais le nombre de chômeurs en situation de handicap n’a été aussi important. C’est plus d’un million et demi de personnes qui rencontrent les pires difficultés pour trouver le chemin de l’emploi.

Certes, la loi Travail a créé l’emploi accompagné. Mais combien de temps va-t-il falloir attendre les décrets d’application ? Et que dire de la dépense inscrite au budget pour cela ? Au départ, zéro ; puis, sous la pression des parlementaires de tout bord, 5 millions d’euros. Cela ne financera que l’accompagnement de 500 personnes.

Pire encore, quand les personnes handicapées sont accueillies en établissement, leurs avantages, en matière de transport par exemple, sont progressivement rognés pour des raisons financières.

Vous vous contentez du bon déroulement des agendas d’accessibilité programmée, mais combien de dérogations accordées implicitement par les services préfectoraux faute de délai suffisant pour les examiner ?

Alors, madame la secrétaire d’État, qu’envisagez-vous maintenant pour faire face à ces situations désastreuses, à cet isolement forcé, faisant perdre aux personnes handicapées et à leurs accompagnants tout espoir et toute perspective d’intégration ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur le député, nous avons travaillé vous et moi dans la même commission et je sais combien vous vous intéressez au sujet du handicap.

Je sais aussi que vous connaissez les politiques menées par ce gouvernement. L’objectif est clairement d’aller vers une société plus inclusive. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie que le temps où l’on considérait que la politique du handicap consistait exclusivement à ouvrir des établissements est bien fini. Ce n’est pas, en effet, ce que dit la loi de 2005. Ce n’est pas non plus le sens de nos engagements internationaux, comme la convention des Nations unies que la France a ratifiée en 2010.

C’est la raison pour laquelle une des priorités, pour les enfants en situation de handicap, est leur scolarisation, avec les autres enfants. Nous y travaillons au quotidien, avec la ministre de l’éducation nationale Najat Vallaut-Belkacem. C’est pourquoi il y a, par rapport à 2011, une hausse de 30 % du nombre d’enfants en situation de handicap scolarisés avec les autres enfants : c’est parce que nous avons fait tous ces efforts. À partir du moment où ces enfants auront été à l’école comme les autres, ils iront en formation professionnelle comme les autres et c’est ce qui se passe avec le plan 500 000 formations : plus de 50 000 travailleurs en situation de handicap ont accédé à ce plan. C’est à terme vers cela qu’il faut tendre pour garantir l’accès à l’emploi. On sait que beaucoup de chômeurs sont en situation de handicap.

Monsieur Lurton, très sincèrement, il va falloir nous dire comment vous comptez vous y prendre, tout de même. (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.)

En supprimant les postes dans les maisons départementales des personnes handicapées – MDPH –, comment allez-vous faire ? En réduisant les moyens de la Sécurité sociale, comment allez-vous ouvrir de nouvelles places en établissements ? En supprimant le compte pénibilité, comment allez-vous faire pour améliorer la situation des salariés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Instance de dialogue avec l’islam de France

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le ministre de l’intérieur, la place Beauvau a accueilli lundi dernier une réunion très importante, la troisième réunion de l’instance de dialogue avec l’islam de France. Quelques jours auparavant, s’était tenue la première réunion de la Fondation pour l’islam de France présidée par Jean-Pierre Chevènement.

Dans un contexte difficile, il s’agit de bâtir non pas un islam républicain, ça n’aurait aucun sens, mais un islam français, par des Français, pour des Français.

Pour cela, les musulmans doivent s’organiser dans une association cultuelle et à côté du Conseil français du culte musulman – CFCM –, vous avez installé cette fondation culturelle d’utilité publique.

La République, nous le savons, doit relever ce défi, dans le cadre de la loi de 1905, sans la suspendre ni la contourner.

La République a fait le choix du volontarisme pour favoriser l’organisation d’un islam affranchi de l’étranger, débureaucratisé pour être en phase avec les musulmans réels, bien évidemment en accord avec les lois communes mais aussi avec les principes républicains et le projet émancipateur qui est le moteur de notre histoire commune.

Cet islam français, monsieur le ministre, doit être libéré de pays étrangers qui alimentent trop souvent le clientélisme et au pire le radicalisme. Il ne doit plus être une identité collective de repli mais un facteur important d’intégration.

Un islam français, c’est aussi un islam adulte, libéré des schémas post-coloniaux. Cet islam français, des millions de musulmans l’attendent, mais aussi des milliers de maires qu’on a laissés en première ligne gérer le dossier des lieux de culte, des cimetières, des imams…

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, je vous remercie d’avoir dès le début de votre question salué l’engagement que je souhaite souligner de M. le ministre Jean-Pierre Chevènement qui a accepté de présider la Fondation pour l’islam de France quelques jours avant la réunion de la troisième instance de dialogue avec l’islam de France qui s’est tenue le lundi 10 décembre.

M. Claude Goasguen. Ça n’existe pas, « l’islam de France » !

M. Bruno Le Roux, ministre. Dix-huit mois de concertation avec toutes les forces vives de l’islam de France et les représentants organisés au sein du CFCM.

Dix-huit mois de réflexion sur l’organisation qui va devoir, dans notre République, reposer sur trois pieds. D’abord, le CFCM, qui restera l’instance représentative.

Ensuite, la Fondation pour l’islam de France dont les projets sont déjà très nombreux. Je salue les premiers donateurs qui ont permis le lancement et la reconnaissance d’utilité publique de cette fondation : le groupe Aéroport de Paris, la SNCF et le groupe SNI. Même s’il va falloir chercher d’autres partenaires, ils sont les premiers à avoir rendu possible le lancement de projets défendus par Jean-Pierre Chevènement et le conseil d’administration.

Enfin, il y aura une association cultuelle et je souhaite regarder comment nous pouvons, avec les outils juridiques qui sont ceux de l’État et dans le respect scrupuleux des principes posés dans la loi de 1905 et de la laïcité, aider à la mise en place de cette association qui devra assurer la transparence et le financement du culte musulman. Elle aura notamment à aller plus loin sur la formation des imams, dont nous avons longuement discuté lors de la réunion du 12 décembre, tant le niveau de qualité et le niveau d’information sur le fonctionnement laïc de notre République doivent être améliorés.

Beaucoup de chantiers lancés il y a dix-huit mois doivent aboutir le plus rapidement possible. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Création de la chaîne de télévision France Info

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe Les Républicains.

M. François de Mazières. Madame la ministre de la culture et de la communication, vous avez signé lundi avec la présidente directrice générale de France Télévisions le contrat d’objectifs et de moyens pour la période courant jusqu’à 2020, contrat qui prévoit une augmentation des aides de l’État de 63 millions, dont 38 millions pour le seul budget 2017.

Cette augmentation des dépenses de l’État s’explique essentiellement par la création de la chaîne d’information en continu France Info. Vous avez de surcroît prévu la création de 75 nouveaux emplois sur un total de 150.

Les Français savent qu’aujourd’hui, il faut faire des économies partout…

M. Éric Straumann. Quelle gabegie !

M. François de Mazières. …et se serrer la ceinture. De plus, ils souffrent notamment des hausses de la fiscalité.

Alors, ils peuvent légitimement se demander pourquoi créer un nouveau service ? N’y a-t-il pas assez de chaînes ? L’offre est pléthorique ! On compte trois chaînes d’information en continu qui, certes, sont privées mais de qualité (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain).

Madame la ministre, nous avons bien vu que le succès n’est pas vraiment au rendez-vous puisque l’audience de cette nouvelle chaîne est de 0,3 %, un taux très faible. Les salariés de la radio France Info se sont d’ailleurs mis en grève car ils ne sont pas favorables à ce projet.

Alors, madame la ministre, la question est simple : pensez-vous vraiment que les chaînes d’information en continu privées sont de si médiocre qualité qu’il faille créer une nouvelle chaîne – à moins que le syndrome de Noël ne vous conduise à faire des cadeaux ? Vous en faites d’ailleurs beaucoup en ce moment.

M. Laurent Furst. Excellente question !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Audrey Azoulay, ministre de la culture et de la communication. Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député François de Mazières, je commencerai ma réponse à votre question en rendant hommage à Rémy Pfimlin, qui a dirigé France Télévisions après avoir dirigé France 3 et qui nous a quittés récemment (Applaudissements sur tous les bancs.)

Après de longues négociations et un processus qui a bien entendu concerné les commissions de l’Assemblée et du Sénat, j’ai en effet signé lundi dernier un contrat d’objectifs et de moyens avec France Télévisions.

Vous le constaterez, le contraste est grand par rapport à ce qui prévalait jusqu’en 2012. Je rappelle que l’indépendance de l’audiovisuel public a été restaurée – la nomination, confisquée au CSA, lui a ainsi été restituée. Nous avons également donné une feuille de route stratégique…

M. Laurent Furst. Et dépensière !

Mme Audrey Azoulay, ministre. …et financière au groupe public.

Trois priorités, et non une seule, figurent dans ce contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

La première, vous l’avez dit, c’est la création, avec l’engagement de financements annuels de France Télévisions pour ses programmes – documentaires, fictions, animations, cinéma – qui passe de 400 à 420 millions.

La deuxième, vous l’avez soulignée, c’est l’information mais, en l’occurrence, les chiffres dont vous disposez ne sont pas exacts – je me ferai un plaisir de vous les communiquer à nouveau. Le projet de la chaîne d’information, qui est aussi numérique, est constitué par la mutualisation de moyens, le coût supplémentaire étant de l’ordre de 15 millions.

Enfin, la troisième priorité, c’est le numérique afin d’assurer l’avenir du groupe France Télévisions.

Je crois que notre vision du service public…

M. Franck Gilard. En l’occurrence, madame, ce n’est pas un service public !

Mme Audrey Azoulay, ministre. …correspond à la société fragmentée qui est la nôtre. Nous défendons à la fois son indépendance, son rôle fédérateur et une priorité stratégique pour les programmes qui fondent l’imaginaire collectif de la société et qu’il ne faut absolument pas délaisser, comme cela fut le cas. (Applaudissements plusieurs les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Conséquences du Brexit

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

M. Christophe Premat. Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, la liberté de circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux dans l’Union européenne constitue la pierre angulaire de la construction européenne. Bien que leur mise en œuvre concrète dans le droit de l’Union n’ait pas toujours été de soi, la libre circulation des personnes est aujourd’hui régie par la directive relative au droit des citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, dont la mise en œuvre continue néanmoins de rencontrer des obstacles.

La libre circulation des capitaux est codifiée dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui stipule que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres sont interdites et permet donc aux capitaux de circuler librement à l’intérieur de l’Union européenne.

Depuis le vote britannique du 23 juin dernier, tous les ressortissants français et, plus largement, l’ensemble des citoyens européens vivant au Royaume-Uni, se trouvent confrontés jour après jour à des incertitudes croissantes quant à leur avenir.

Le comité sur l’Union européenne de la chambre des Lords a publié un rapport le 14 décembre dans lequel les membres de la chambre haute du Parlement britannique se montrent très préoccupés par l’incertitude liée au statut des ressortissants européens. Ils estiment que le Gouvernement britannique a, je cite, « l’obligation morale » de clarifier leur situation et demandent urgemment au Gouvernement de garantir unilatéralement les droits et le statut des ressortissants européens installés au Royaume-Uni.

En outre, le Trésor britannique vient de décider de bloquer le transfert des pensions de retraites britanniques vers les fonds de pension de certains pays membres de l’Union tels que la France et l’Italie. Si cela est confirmé, il s’agirait d’une confiscation pure et simple de l’argent que beaucoup ont investi pour leurs vieux jours et une rupture d’égalité au regard du droit européen.

Cette décision prise à trois mois du début de l’application de l’article 50 du traité de Lisbonne n’est évidemment pas innocente.

Monsieur le secrétaire d’État, face à ces remises en cause qui sont sources de sérieuses inquiétudes pour nos compatriotes et devant la montée d’actes racistes envers les ressortissants français et européens vivant sur le sol britannique, pouvez-vous assurer la représentation nationale que la France maintiendra la position résolue et constante exprimée par le Président de la République et veillera à défendre…

M. le président. Je vous remercie.

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes. Monsieur le député Christophe Premat, vous l’avez rappelé : la France, par la voix du Président de la République, a tenu à exprimer une position de très grande fermeté dans la négociation qui s’engagera avec le Royaume-Uni sur sa sortie de l’Union européenne.

Cette décision, les Britanniques l’ont prise librement à l’issue d’un référendum. Nous ne l’avons pas souhaitée mais, maintenant, c’est à eux qu’il revient de mettre en œuvre la procédure définie par l’article 50 du traité, laquelle doit être activée le plus rapidement possible. La Première ministre, Mme May, a dit qu’elle le serait avant la fin du mois de mars, ce qui permettra d’enclencher une négociation avec l’Union européenne sur les conditions de la sortie du Royaume-Uni et sur les relations futures qui s’établiront entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.

Vous avez rappelé également un certain nombre de principes en vigueur dans l’Union européenne, qui régissent aussi ses relations avec d’autres États.

Tout d’abord, les quatre libertés du marché unique ne peuvent pas être dissociées. Il existe donc un lien entre la liberté de circulation des capitaux, des services, des marchandises, et la liberté de circulation des personnes. Si le Royaume-Uni remet en cause ce dernier principe – c’est d’ailleurs son intention même s’il devra le dire officiellement – les capitaux, les services, les biens ne pourraient accéder au marché intérieur dans les mêmes conditions qu’avant.

Ensuite, le principe cardinal : la situation d’un État tiers ne peut pas être plus favorable que celle d’un État membre. Demain, le Royaume-Uni sera un État tiers. Par conséquent, il existe un équilibre entre les droits et les obligations : un État membre possède un certain nombre de droits concernant l’accès au marché mais il a aussi des obligations – la liberté de circulation des personnes, une contribution au budget de l’Union, le respect des règles de l’Union européenne, notamment des décisions de la Cour de justice. Si le Royaume-Uni sort, il n’aura plus les mêmes obligations mais il n’aura plus les mêmes droits.

Nous serons quant à nous extrêmement vigilants s’agissant des intérêts de l’Union européenne, de la France et, évidemment, des ressortissants français, qui sont nombreux.

Déviation de la route nationale 66

M. le président. La parole est à M. François Vannson, pour le groupe Les Républicains.

M. François Vannson. Monsieur le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche, le 17 novembre dernier, au matin, la petite Damla, âgée de onze ans, a perdu la vie sur le chemin de son établissement scolaire, fauchée par un poids lourd en plein centre de la ville du Thillot, sur la route nationale 66.

Ce drame, qui n’est malheureusement pas le premier sur ce tronçon, confirme la nécessité absolue de réaliser au plus vite le projet de déviation du Thillot et de la RN 66, afin d’éviter la traversée de plusieurs communes par des milliers de poids lourds. Cette déviation située sur l’axe Benelux-Bâle, soutenue par les élus, constitue un véritable enjeu pour la vallée de la Haute Moselle, en termes de développement économique, de sécurité et d’amélioration du cadre de vie des habitants des territoires concernés. En permettant un report du trafic de transit et du trafic d’échanges, cet aménagement offrira des avancées majeures pour la sécurité routière, l’environnement et le désenclavement de la vallée.

Depuis plusieurs années, les élus nationaux et locaux militent pour une inscription de ce projet déclaré d’utilité publique dans le contrat de plan État-région. Malheureusement, ni le CPER signé en 2015 avec l’ex-région Lorraine, ni la clause de revoyure adoptée récemment lors de la création de la région Grand Est…

M. Laurent Furst. Grand quoi ?

M. François Vannson. …ne prévoient un quelconque investissement pour les infrastructures routières vosgiennes, ce qui laisse présager un statu quo dans les années à venir.

Face à ce triste constat, monsieur le secrétaire d’État, quelles sont les mesures que vous comptez mettre en œuvre pour éviter que de nouveaux drames se produisent ? Et quels sont les autres modes de financement que vous envisagez pour permettre la réalisation de ce projet ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

M. André Vallini, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le député, le Gouvernement partage évidemment avec la famille de la petite victime la peine suscitée par l’accident dramatique que vous avez rappelé. Survenu le 17 novembre, il a coûté la vie à la petite Damla, une fillette de onze ans qui se rendait à l’école.

Comme vous le savez, le procès du chauffeur routier s’est tenu le 13 décembre, et une peine de prison avec sursis a été requise à son encontre. Le verdict est prévu pour le 9 février prochain. Aussitôt après l’accident, les services de l’État se sont mobilisés, en lien avec le département et la commune, pour prendre les mesures nécessaires à la sécurisation des lieux. La RN 66, vous le savez, relie Remiremont à l’autoroute A 36 au droit de Mulhouse. Elle permet une traversée du massif vosgien par le Sud. Et, comme le montre l’analyse des trafics, elle joue plutôt un rôle de cabotage pour chacune des vallées, qu’un rôle de transit entre l’Alsace et la Lorraine.

M. Éric Straumann. C’est faux !

M. André Vallini, secrétaire d’État. C’est pourquoi l’État oriente le grand transit entre Luxembourg et Bâle vers l’itinéraire E 25, via Metz et Strasbourg, intégralement aménagé en itinéraire autoroutier. Le projet de déviation du Thillot, dont vous avez parlé, long de 10,5 kilomètres, s’étend depuis la fin de la déviation de Rupt-sur-Moselle jusqu’au lieu-dit Pont Jean, sur la commune de Saint-Maurice-sur-Moselle.

Ce projet doit permettre la déviation de plusieurs communes, qui supportent aujourd’hui un trafic de 10 000 véhicules par jour. Cette réalisation, déclarée d’utilité publique en juin 2013, est très attendue. Mais, compte tenu de son coût important – 165 millions d’euros –, elle n’a pu être inscrite au volet routier du contrat de plan État-région pour 2015-2020. Pour autant, et dans la mesure où des crédits seraient disponibles au moment de la révision du CPER dès l’année prochaine, l’État sera très attentif à la priorité qui pourrait être donnée à cette opération.

Situation des mineurs réfugiés

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Joël Giraud. Monsieur le ministre de l’intérieur, voici presque deux mois qu’a eu lieu le démantèlement de la jungle de Calais. Quelque 7 000 réfugiés ont été dirigés et acheminés vers des centres d’accueil et d’orientation – CAO – où des bénévoles d’associations, soutenus par des élus bienveillants et une population compréhensive, effectuent un travail formidable d’accompagnement de ces personnes en détresse. Dans les grandes villes, dans les territoires reculés, partout sur le territoire national, nous assistons à un mouvement de solidarité qui nous réconcilie quelque peu avec l’humain et répond de façon raisonnée à notre tradition de terre d’accueil, qui fait notre fierté.

Parmi ces migrants, 1 950 mineurs non accompagnés ont été acheminés vers des centres dédiés et ont pu rencontrer des agents britanniques pour faire valoir leur droit à rejoindre leur famille au Royaume-Uni. Craignant, malgré la bonne volonté des agents du Foreign Office dépêchés sur place, des blocages politiques au Royaume Uni, nous étions plus d’une centaine de parlementaires français à adresser, fin octobre, une lettre ouverte à la ministre de l’intérieur britannique, Amber Rudd, pour demander au gouvernement britannique d’accueillir immédiatement les mineurs isolés de Calais. Vous avez d’ailleurs été l’un des signataires de cette lettre ouverte, monsieur le ministre, en votre qualité de président du groupe socialiste, écologiste et républicain à l’Assemblée nationale. Nos collègues Gilda Hobert et Stéphane Saint-André avaient réitéré, en question d’actualité, leurs inquiétudes à ce sujet.

Un peu plus de 400 mineurs ont pu faire l’objet d’un transfert vers le Royaume-Uni et faire aboutir leur projet migratoire. Néanmoins, la porte du Royaume-Uni est désormais fermée pour les mineurs encore présents en CAO, si l’on en croit les déclarations du ministre britannique de l’immigration, Robert Goodwill, qui a dit que : « Les jeunes restants sont en sécurité aux bons soins des autorités françaises. » C’est une forme très particulière d’humour noir britannique en cette période de l’avent : on peut dire que le ministre Goodwill a atteint le point Godwin du cynisme !

Ces jeunes, qui se sentent abandonnés, manifestent de plus en plus leur mécontentement, et nombre d’entre eux, désespérés, menacent d’attenter à leur intégrité physique.

Face à cette situation tendue, quelles perspectives, monsieur le ministre, pouvez-vous donner à ces jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Bruno Le Roux, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, parce que je sais que cette question vous intéresse beaucoup, vous aussi, je voudrais ajouter un mot à ce qu’a dit M. François Vannson et profiter de cette réponse à la dernière des questions pour appeler tous nos concitoyens au respect absolu des règles de sécurité routière en cette fin d’année.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Bruno Le Roux, ministre. C’est fondamental, car il y a beaucoup trop d’accidents sur nos routes. Et je suis heureux de pouvoir renouveler cet appel.

Je souhaite, maintenant, répondre très précisément à votre question. Après l’opération humanitaire de Calais, 7 070 personnes ont été mises à l’abri, dont 1 950 mineurs. Une partie de ces derniers a pu rejoindre l’Angleterre : c’est le cas de 866 d’entre eux, dont 468 depuis l’évacuation de Calais – je tiens à être précis. Cela signifie qu’il reste aujourd’hui 1 200 mineurs dans les centres d’accueil et d’orientation pour mineurs – CAOMI. Ils ont tous été informés de la décision du Royaume-Uni les concernant, et de ce qui l’a motivée.

Certains manifestent leur désarroi, et même leur désespoir. Notre objectif est que tous les droits auxquels ils peuvent prétendre leur soient ouverts. C’est ce que doit assurer, et ce qu’assure aujourd’hui le Gouvernement, avec l’aide des collectivités locales et des associations. Cela étant, des décisions doivent être prises, et cela passera par un dialogue renforcé avec le Royaume-Uni. Des situations individuelles doivent être réglées : je pense notamment à celle des jeunes qui ont été séparés d’une partie de leur famille, et qui ne le comprennent pas. Il importe aussi que soit assuré un accueil complémentaire. De façon très diplomatique, vous le comprendrez, j’appelle aujourd’hui à ce que nos deux pays trouvent une solution conforme aux intérêts de ces mineurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. Mes chers collègues, la dernière séance des questions au Gouvernement de l’année est terminée. Avant de suspendre la séance, je souhaite à chacune et chacun d’entre vous un joyeux Noël et de bonnes fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur tous les bancs.)

M. Franck Gilard. Et la laïcité ?

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)

Présidence de M. Marc Le Fur

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Modernisation, développement et protection des territoires de montagne

Commission mixte paritaire

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne (n4323).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Laclais, co-rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Bernadette Laclais, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la co-rapporteure de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme d’un processus législatif qui a commencé il y a près de deux ans pour vos deux rapporteures, avec la mission confiée par le Premier ministre Manuel Valls, en vue d’un acte II de la loi montagne. Avec ma collègue Annie Genevard, que je salue chaleureusement, ce fut d’abord un travail d’écoute des montagnards, aussi divers que peuvent l’être leurs massifs, leurs îles ou leurs professions. La nomination de Jean-Michel Baylet au gouvernement nous a donné un allié précieux, qui a permis à ce projet de loi de voir le jour. Je l’en remercie, ainsi que toutes ses équipes et les administrateurs de l’Assemblée nationale.

En 1985, la loi Montagne avait été votée à l’unanimité. Nous avions l’ambition de faire aussi bien, et notre assemblée avait déjà fait un grand pas en ce sens en nommant deux rapporteures issues de deux groupes habituellement opposés. La montagne et les montagnards méritent ce consensus national. Il en est d’ailleurs de même d’autres secteurs et d’autres populations, dont l’avenir mériterait un soutien exempt de querelles politiciennes.

Tout au long de nos travaux, à l’Assemblée comme au Sénat, les échanges ont été constructifs, avec cette ambition d’avancer ensemble vers une juste solution à des problèmes, dont nous connaissons tous les conséquences concrètes dans nos circonscriptions. Le consensus, c’est faire chacun un pas vers l’autre, sans jamais céder aux plus extrémistes ou à la facilité. Nous avions aussi l’impérieuse obligation d’aboutir à un accord avant le 31 décembre, pour que nos grandes stations touristiques, nos grandes marques internationalement connues et estimées, puissent poursuivre leur promotion en étant dégagées des éventuelles querelles locales, potentiellement nuisibles à l’efficacité de notre industrie touristique. En CMP, l’esprit de responsabilité a prévalu sur nos divisions et nos différences. Nous avons eu la sagesse de nous entendre et d’obtenir ensemble des avancées, par exemple sur la situation des saisonniers, l’agriculture, ou la gouvernance ou sur l’école.

Pour autant, l’avenir de nos montagnes a été parfois âprement débattu. La querelle des aménageurs et des protecteurs, qui n’est pas une querelle des anciens et des modernes, a profondément marqué nos travaux, qu’il s’agisse des zones de tranquillité, de l’impact de la prédation, ou de l’usage de l’eau. Nos montagnes sont des milieux fragiles. Leur avenir se joue dans un équilibre subtil entre protection et aménagement, et l’on ne doit tout céder ni aux uns, ni aux autres.

Deux sujets ont particulièrement marqué nos échanges et notre CMP : les zones blanches et les unités touristiques nouvelles – UTN. S’agissant des zones blanches, la CMP, à une très large majorité, a choisi de ne pas retenir la solution du Sénat, qui conduisait à une rigueur juridiquement périlleuse vis-à-vis des opérateurs de téléphonie, priés de partager leurs pylônes. En définitive, nous n’allons pas aussi loin que certains l’espéraient, mais je pense que nous avons fait un grand pas, juridiquement solide.

S’agissant des UTN, il faut permettre à la montagne de se développer et de s’équiper, mais cela ne peut pas se faire n’importe comment et systématiquement au détriment de la nature ou de l’agriculture. Depuis l982, de nombreuses lois ont donné aux élus locaux le pouvoir de décider de leur avenir, sous l’œil vigilant de l’État, sans tout réclamer et sans tout attendre du préfet. Les outils sont disponibles ; aux élus de s’en servir.

La loi Montagne a pour objectif d’adapter la législation aux contraintes des territoires de montagne. Elle n’a pas pour objectif d’exonérer la montagne des contraintes qui pèsent sur l’ensemble des territoires, qui plus est lorsqu’il s’agit de territoires fragiles, qui nécessitent encore plus que d’autres que chaque projet soit pensé collectivement et de façon cohérente. La CMP a convenu que, dans les territoires non couverts par un schéma de cohérence territoriale – SCoT – ou par un plan local d’urbanisme – PLU –, territoires pour lesquels les UTN doivent faire l’objet d’une autorisation administrative, ces UTN ne soient pas soumis au principe de l’urbanisation limitée, et ce jusqu’au 1er janvier 2019. Elles pourront donc se soustraire aux limites imposées à la construction et à l’urbanisation, mais devront toutefois toujours faire l’objet d’une autorisation administrative, qui pourra éventuellement leur être refusée. À partir du 1er janvier 2019, si les territoires en question ne sont toujours pas couverts par un SCoT, les UTN qui font l’objet d’une autorisation administrative ne pourront plus déroger au principe de l’urbanisation limitée.

Cette loi montagne ne s’est faite contre personne. Chaque territoire de montagne conserve ses capacités de développement et son avenir. Alors que nous avons tous voté – sauf un Pyrénéen – le texte issu de notre première lecture, chacun s’étant alors félicité de l’équilibre du texte, et alors que le texte de la CMP s’inspire largement du débat unanime du Sénat et ne modifie pas les équilibres issus des débats de notre assemblée, j’espère que nous confirmerons l’élan collectif en faveur de nos montagnes constaté en première lecture. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, co-rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Annie Genevard, rapporteure de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la co-rapporteure, mesdames, messieurs les députés, nous voici arrivés au terme d’une longue séquence de deux années de travail consacrées à cet acte II de la loi montagne, que les montagnards appelaient de leurs vœux depuis longtemps. De la mission que nous avait confiée le Premier ministre, qui s’est conclue par trente-six propositions, dont la plupart ont inspiré ce texte, jusqu’au vote de la loi, c’est une démarche originale qui a été conduite, fondée sur un travail collaboratif entre le ministère, le Parlement, l’Association des élus de la montagne – ANEM –, et enrichie par de larges concertations. Tout aussi originale est la démarche qui a consisté à confier la mission de rapporteur de la loi à deux parlementaires de sensibilité différente. Mais, au fond, cela était conforme à l’ADN de la montagne. Il y a bien une dialectique de la montagne, qui veut que la montagne nous permette de dépasser les oppositions qu’inspire assez naturellement le clivage politique traditionnel.

Si notre texte a été examiné au fond par la commission des affaires économiques, c’est que les propositions en la matière y ont été riches : encourager, par la création d’une commission obligatoire, les produits de la montagne ; reconnaître les démarches de cluster si adaptées aux territoires de montagne ; renforcer la lisibilité et l’importance de l’activité agricole par l’aide à la collecte du lait, la lutte contre les prédateurs, le soutien à la construction agricole, l’aide à la remise en exploitation des terres enfrichées, la protection des fonds de vallée. La filière bois n’a pas été oubliée : l’accès à la ressource, le reboisement, l’entreposage, la transformation sont définis comme des objectifs prioritaires. En matière économique, le tourisme occupe, bien entendu, une grande place dans cette loi : la compétence « promotion du tourisme » est rendue aux communes classées stations de tourisme – merci, monsieur le ministre ! –, et la réhabilitation de l’immobilier de loisirs est reconnue comme une priorité. Oui, c’est bien un texte consacré à l’économie de la montagne qui nous est ici proposé.

Je ne souhaite pas aborder, en les résumant à la hâte, tous les aspects du texte, mais j’évoquerais deux autres domaines, le numérique et l’urbanisme, qui ont donné lieu à de vifs débats. Concernant le numérique, des avancées ont été obtenues et je veux les souligner à nouveau : publication de cartes numériques de couverture en montagne avec des indicateurs par génération de réseaux fixes et mobiles et par opérateur ; prise en compte dans les investissements publics des contraintes physiques propres à la montagne ; encouragement des expérimentations s’appuyant sur toutes les solutions technologiques disponibles ; développement des services et usages numériques ; incitation à déployer et à commercialiser les réseaux d’initiative publique – RIP.

S’agissant de la question si sensible des zones blanches, toute commune qui demande à être inscrite sur la liste des communes situées en zones blanches doit obtenir une réponse motivée dans les deux mois à compter de sa demande. Cette question a donc été largement traitée par la loi. Certes, l’idée de mutualisation contrainte a finalement été abandonnée, y compris par les sénateurs eux-mêmes, dans la crainte que cela ne compromette les capacités d’investissement des opérateurs, qui auraient été forcés de supporter des investissements dont profiteraient leurs concurrents, mesure probablement anticonstitutionnelle.

Pour autant, nous ne pourrons pas en rester là. Les opérateurs ont compris que l’impatience numérique peut se transformer demain en colère numérique. La présidente de l’ANEM a annoncé son intention de les réunir dès demain. Les lignes doivent bouger. Ce qui définit aujourd’hui une zone blanche n’est absolument plus adapté. Nos concitoyens veulent partout une bonne couverture numérique, mobile ou fixe. Aujourd’hui, plus personne ne peut s’en passer. Je pense que chacun a senti le « vent du boulet », et cela devrait inspirer très vite de nouvelles politiques. J’espère que le programme France mobile et celui du Guichet 1 300 sites y répondront.

Concernant l’urbanisme, la lecture à l’Assemblée avait abouti à la rédaction consensuelle de la réglementation en matière d’unité touristique nouvelle, qu’elle soit locale ou structurante. Nous avons obtenu que la dérogation au principe d’urbanisation limitée renforcé ne soit effective qu’au 1er janvier 2019. Cela donne un délai supplémentaire de deux ans, qui sera le bienvenu et qui est une avancée par rapport au texte voté par l’Assemblée. Néanmoins, il est vrai que cela ne supprime pas le principe de la planification, que certains d’entre nous regrettent et que d’autres sacralisent, dans les documents d’urbanisme que sont les PLU et les SCoT, auxquels tous les territoires de France sont aujourd’hui assujettis. Les membres de la CMP ont accepté à l’unanimité ce report de deux ans.

Certains, je crois, auraient souhaité que l’on fasse à ce sujet de la politique. En clair, ils auraient voulu que la loi échoue. Plusieurs membres de la CMP auraient sans doute souhaité qu’on en arrive là. Nous ne l’avons pas voulu. C’est une question d’esprit de responsabilité. Que signifie, pour un responsable politique, de faire échouer une démarche, ce qui aurait plongé dans la difficulté de très nombreux territoires ? Nous aurions perdu, au passage, les dispositions attendues en matière scolaire, agricole, touristique, sociale. Est-ce cela que certains auraient voulu ? Est-ce cela être politique ? Non, assurément !

La vie parlementaire réserve parfois bien des surprises. Ainsi, le 18 octobre, nous nous sommes collectivement félicités de l’adoption à l’unanimité d’un texte qui n’a subi aucun recul. On comprend mal pourquoi il serait aujourd’hui rejeté. C’est une question de cohérence. Certes, les modifications apportées par le Sénat n’ont pas toutes été retenues, mais puisque l’objectif souhaité par la plupart était d’aboutir, chacun a fait un pas. Il y a trente ans, les initiateurs ont su trouver l’énergie pour dépasser leurs oppositions et adopter une démarche fondatrice. Nous sommes, en quelque sorte, leurs obligés. Ne compromettons pas, par des propos excessifs, la politique dont notre montagne a besoin. Nous y perdrions tous. Ce texte n’est pas moins satisfaisant que celui que nous avons voté en première lecture. C’est pourquoi je vous appelle à renouveler votre vote en faveur d’un texte qui n’a rien perdu, et que des améliorations ultérieures pourront peut-être, à l’avenir, enrichir encore. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l’aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales. Monsieur le président, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs, après plus de quarante-cinq heures de débat, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et l’examen de près de 2000 amendements au total, 1 954 précisément, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi de modernisation, de protection et de développement des territoires de montagne.

Dès le début de nos travaux, je vous avais dit ma ferme volonté de continuer à co-construire ce texte avec la représentation nationale, dans un souci de respect et d’écoute de ses différentes sensibilités politiques. Cette méthode avait déjà prévalu dans les mois précédents, en associant tous les acteurs concernés.

La richesse de nos échanges et la passion qui a animé nos travaux ont démontré que cet engagement n’était pas un vain mot. Preuve que cette collaboration s’est traduite en actes, plus de 500 amendements parlementaires ont été adoptés, en commission ou en séance publique. Pour beaucoup d’entre eux, le Gouvernement a donné un avis favorable ou s’en est remis à la sagesse de l’Assemblée.

Le texte a ainsi été considérablement enrichi puisqu’il est passé de vingt-cinq articles au moment où je l’ai déposé sur le bureau de l’assemblée à la mi-septembre à quatre-vingt-quatorze à l’issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Je l’ai souvent dit dans cet hémicycle, pour co-construire, il faut dépasser les clivages ou les divergences pour bâtir des compromis dictés par le souci de l’intérêt général.

Tout au long de ces discussions, nous avons tous privilégié la recherche d’un consensus, le Gouvernement bien sûr, mais aussi les députés, tant de l’opposition que de la majorité et, enfin, l’ensemble des sénateurs. C’est ainsi que, d’abord à l’Assemblée puis au Sénat, nous avons pu terminer par un vote unanime sur ce texte.

Cela n’a pas toujours été chose aisée, pour les uns comme pour les autres, car cette méthode impose de transiger et, souvent, de concéder. Ce fut le cas jusqu’aux travaux de la commission mixte paritaire, dont j’ai compris – je les ai suivis de loin, j’étais en déplacement en Corse – qu’ils avaient été longs et studieux.

Cette réunion, lundi dernier, a parachevé notre effort. Elle a permis de conserver les grands équilibres trouvés lors des débats parlementaires, tout en améliorant ou en ajustant, sur plusieurs points, les dispositions du projet de loi. Je veux donc souligner l’esprit de responsabilité qui a guidé ses membres pour leur permettre de parvenir à un texte commun. Le Gouvernement ne peut que s’en réjouir. Dans le respect du travail de la CMP, j’ai d’ailleurs déposé deux amendements tendant à lever le gage à propos des ZRR et de l’activité des médecins retraités en zone sous-dotée, aux articles 3 quater et 8 decies A.

Je remercie chaleureusement les deux rapporteures. Mesdames, messieurs, vous avez eu raison, c’est une première, de désigner deux co-rapporteures, l’une de la majorité, Bernadette Laclais, et l’une de l’opposition, Annie Genevard. Ces derniers mois, mesdames les rapporteures, vous n’avez pas ménagé votre peine, et vous n’avez pas compté votre temps pour rapprocher les points de vue, ce qui n’est jamais chose facile dans l’enceinte parlementaire, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat. Vous avez toujours été portées par votre ambition pour ces territoires de montagne, auxquels vous êtes tellement attachées.

Mes remerciements vont également à la présidente de la commission des affaires économiques, Frédérique Massat, élue d’un département pyrénéen, l’Ariège, et à la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, la savoyarde Béatrice Santais.

J’y associe bien sûr les députés qui, sur tous les bancs, sont intervenu, souvent avec passion, toujours avec expertise et avec cette grande connaissance qui caractérise les élus de la nation. Je n’en citerai que quelques-uns : Marie-Noëlle Battistel pour le groupe socialiste, les radicaux Jeanine Dubié et Joël Giraud, les députés du groupe Les Républicains Laurent Wauquiez et Charles-Ange Ginesy, Philippe Folliot pour l’UDI et, enfin, pour le groupe GDR, André Chassaigne.

Je le dis sans forfanterie mais sans fausse modestie, nous pouvons être fiers du travail que nous avons accompli ensemble, car ce que nous avons réussi à faire, en cultivant nos convergences plutôt que nos divergences, ce n’est pas nous mettre d’accord sur le plus petit dénominateur commun ou sur un texte a minima sans ambition. Non, par nos échanges, nous avons pu enrichir le projet de loi de nombreuses mesures nouvelles, qui visent toutes à répondre concrètement aux préoccupations quotidiennes des habitants et aux enjeux auxquels sont confrontés ces territoires.

Avec ce texte, les spécificités des zones de montagne sont mieux reconnues, ouvrant la voie à une meilleure adaptation de nos politiques publiques, notamment en matière d’éducation ou de santé.

Les institutions représentatives voient leur rôle et leurs missions renforcés, grâce à la possibilité pour le président de la commission permanente du CNM de saisir le conseil national des normes. La Corse est, quant à elle, reconnue dans son statut d’île montagne, tellement espéré et attendu par les élus locaux corses.

Les besoins spécifiques des populations de nos massifs seront désormais mieux pris en compte dans l’élaboration de la carte scolaire, dans les projets régionaux de santé ou les schémas interrégionaux d’organisation des soins.

Les moyens de lutte contre les fractures numérique et mobile sont renforcés, pour mieux mesurer la couverture par les opérateurs de téléphonie mobile, pour favoriser la mutualisation des infrastructures, faciliter la commercialisation des réseaux d’initiative publique, renforcer la transparence sur les engagements des opérateurs privés en matière de déploiement de la fibre optique ou bien encore favoriser le « mix technologique ». À titre personnel, vous le savez, j’aurais aimé aller plus loin et plus fort sur le sujet.

M. Philippe Folliot. Eh oui !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Avec ce texte, les droits des travailleurs pluriactifs seront mieux protégés, que ce soit pour la protection sociale ou les contrats de travail.

Pour le logement des travailleurs saisonniers, il y a également des avancées indéniables. Toutes les communes touristiques seront obligées d’élaborer des conventions avec les différents acteurs concernés et de nouveaux dispositifs d’intermédiation locative seront mis en œuvre.

La place de l’agriculture et du pastoralisme en montagne est confortée, notamment par la réaffirmation du principe de compensation des handicaps naturels, l’encouragement aux groupements agricoles d’exploitation en commun ou le renforcement des conventions de pâturage. En outre, une gestion différenciée est instaurée entre massifs pour la lutte contre la prédation des troupeaux.

En matière d’aménagement et de tourisme, la réhabilitation du parc immobilier de loisir existant est clairement affirmée comme une priorité pour lutter contre le phénomène des « lits froids ». La nouvelle procédure des unités touristiques nouvelles, sur laquelle se sont concentrés un grand nombre de nos débats, garantit, je le crois et je l’espère, un délicat mais juste équilibre entre la nécessité absolue d’avoir une vision globale dans le cadre des documents de planification conçus par les élus et le besoin de souplesse indispensable à la prise en compte, dans des délais raisonnables, des projets nouveaux.

Je vous confirme que le décret relatif à la distinction entre les UTN locales et les UTN structurantes, qui a déjà fait l’objet de discussions avec les élus et les professionnels, sera soumis pour approbation au Conseil national de la montagne avant sa publication. Ces échanges permettront à n’en pas douter de trouver un accord sur la question des seuils.

Enfin, au-delà même des engagements pris par le Premier ministre à Chamonix, l’ensemble des communes « stations classées de tourisme » pourront déroger au transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière d’office de tourisme. À cet effet, j’ai d’ailleurs adressé dès la semaine dernière une instruction aux préfets pour leur demander d’informer les communes concernées et d’aider les collectivités qui le souhaitent à prendre des délibérations.

Mme Sophie Dion. Et la marque territoriale ? Vous n’avez pas répondu sur ce point !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Alors oui, mesdames, messieurs, j’ai la conviction que nous avons fait collectivement œuvre utile et que nous pouvons, ce soir, regarder sans rougir celles et ceux qui, il y a trente et un ans, ont ouvert la voie en votant la première loi Montagne, une loi fondatrice, dont nous avons su conserver l’esprit tout en l’adaptant aux enjeux du temps présent.

À titre plus personnel, je garderai le souvenir d’une formidable aventure humaine et d’un moment fort de notre vie parlementaire où nous avons su nous rassembler, au-delà de nos sensibilités respectives, pour faire valoir l’intérêt supérieur de la montagne. C’est suffisamment rare dans notre vie publique, tellement agitée, trop agitée, pour être souligné et apprécié.

M. Philippe Folliot. Très bien !

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Je ne peux donc qu’espérer que votre assemblée réaffirme aujourd’hui son soutien à ce texte. Ce serait, je crois, un beau message que nous adresserions à nos concitoyens de la montagne et, plus globalement, à l’ensemble de nos compatriotes de métropole et des outre-mer. Il apporterait la preuve que la politique peut être également l’occasion parfois de transcender les clivages partisans afin de promouvoir une vision partagée et ambitieuse du développement de nos territoires.

Cette conception, un grand nombre d’entre vous le savent, est au cœur de mon engagement et, si j’ai pu modestement y contribuer avec vous et grâce à vous, j’en serai très heureux.

Tout au long de ces dernières semaines, nous avons manifesté notre attachement à nos territoires de montagne, dont nous voulons tout à la fois assurer la protection et promouvoir le développement. Il ne tient désormais qu’à vous de le confirmer en parachevant ce projet de loi, en lui donnant la force et l’élan d’un soutien franc et massif de la représentation nationale.

Comme le disait l’alpiniste et écrivain Gaston Rébuffat, qui était tombé sous le charme des cimes, « les montagnes ne vivent que de l’amour des hommes ». Faisons donc de cette loi un acte d’amour, pour la montagne et pour les montagnards. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, en cette fin de parcours législatif, le sentiment qui s’impose à nous est la fierté.

Fierté d’avoir mené des années durant le combat pour réviser la loi Montagne de 1985 et d’y être parvenus.

Fierté d’avoir participé à des débats riches et fructueux, qui nous ont conduits à trouver un équilibre consensuel sur ce texte. Le projet de loi initial avait déjà fait l’objet d’une co-construction entre l’État et les élus de la montagne. Le texte adopté le 18 octobre dernier à l’Assemblée, avec 511 voix pour et une seule voix contre, témoignait de ce consensus solide.

Fierté, enfin, d’avoir défendu des dispositions permettant une meilleure reconnaissance de la spécificité des territoires de montagne au sein de la collectivité nationale. Nous n’avons pas défendu un territoire contre un autre, une montagne, un massif ou un domaine skiable en particulier, nous avons légiféré dans l’intérêt général, en renouvelant le pacte qui lie les territoires de montagne à la nation française tout entière.

Pour ce bel aboutissement, je veux exprimer mes plus vifs remerciements tout d’abord à nos deux rapporteures au fond, Bernadette Laclais et Annie Genevard, pour la qualité de leur travail et la manière dont elles ont conduit, dans un esprit transpartisan, les discussions à l’Assemblée et en CMP.

J’associe à ces remerciements Mme Béatrice Santais, rapporteure pour avis, qui a pris toute sa part dans ce travail collectif.

Je voudrais aussi saluer le travail de l’ensemble de mes collègues, de la majorité et de l’opposition, notamment les non-montagnards qui ont participé, dans le plus pur esprit de solidarité nationale, à nos travaux. Enfin, monsieur le ministre, je souhaitais tout particulièrement vous remercier pour votre implication sur ce texte et votre écoute. Chacun a su faire les efforts, les compromis nécessaires, tout au long de la procédure législative, notamment lors de la commission mixte paritaire, laquelle a duré près de cinq heures, que j’ai eu l’honneur de présider, afin que nos échanges puissent aboutir à un accord.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les avancées substantielles de ce texte, car cela a été fait par Mmes les rapporteures et M. le ministre. Je veux simplement insister sur la valeur ajoutée que constituerait, pour notre pays, la promulgation de cette loi.

Elle valorise la montagne en tant que territoire exceptionnel et patrimoine vivant, avec l’objectif premier d’adapter la politique de ces territoires aux réalités nouvelles des massifs français, dans le vingt et unième siècle. Lors de nos discussions, nous nous sommes attachés à défendre l’accès aux services publics de proximité en montagne, que ce soit l’école ou bien la santé. Les dispositions que nous avons adoptées viennent, d’ailleurs, utilement compléter les mesures prises par le Gouvernement, notamment par M. le ministre Baylet, en faveur de la ruralité.

Le texte soutient également l’emploi et favorise le développement économique de ce territoire vivant. Il prend notamment en compte les conditions propres à la montagne dans le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile. Cependant, nous voulons dire avec respect et franchise aux opérateurs qu’il est impératif que la couverture en montagne soit améliorée dans les meilleurs délais. Le texte prévoit, d’ores et déjà, que des expérimentations de solutions innovantes soient prochainement mises en œuvre, et elles le seront.

Concernant l’emploi, le projet de loi aborde les questions relatives à la pluriactivité et au travail saisonnier comme formes complémentaires d’organisation du travail. Il propose des mesures facilitant le logement des travailleurs saisonniers et une meilleure prise en compte de leur protection sociale.

Le texte clarifie également les règles d’urbanisme applicables à la montagne. Ainsi, l’objectif de réhabilitation de l’immobilier de loisir sera désormais mieux pris en considération. Le sujet des unités touristiques nouvelles a particulièrement occupé nos débats, en séance et en commission mixte paritaire, sans empêcher leur conclusion positive.

Je souhaiterais souligner que seule une adoption du projet de loi avant la fin de l’année permettra aux communes classées « tourisme » de conserver l’exercice de la compétence tourisme – « promotion du tourisme », dont la création d’offices de tourisme. Cela est très attendu.

Enfin, les activités agricoles, avec la préservation du pastoralisme, la lutte contre la grande prédation ou encore le soutien aux activités forestières, ont été mises en valeur dans ce projet de loi. Un chapitre entier est consacré aux avancées qu’il propose en ce domaine.

Pour toutes ces raisons, je me réjouis que cette commission mixte paritaire ait pu déboucher sur un accord. Monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis convaincue que cette nouvelle loi Montagne marquera un tournant de la politique de notre pays dans nos territoires. Je vous invite donc tous à voter, sur tous les bancs, en faveur de cette nouvelle étape pour la montagne, car, dans ce texte, ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Jeanine Dubié et M. Philippe Folliot. Très bien !

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, trente et un ans plus tard, nous votons une nouvelle loi Montagne, dans le pur esprit de nos prédécesseurs, qui avaient voté un texte qui fait encore référence, tant il était important pour l’ensemble des territoires de montagne, mais aussi pour la République en général, en imposant, de manière exemplaire, la nécessité de reconnaître nos territoires de montagne dans ce qui fait leur originalité.

Il est essentiel de souligner le caractère consensuel de nos travaux et de rappeler le rôle de nos deux rapporteures. Le fait que l’une vienne de la majorité et l’autre de l’opposition était éminemment positif. Comme vous l’avez fort justement dit, monsieur le ministre, dans une République qui a parfois tendance à mettre trop en avant ce qui nous sépare et nous divise, que nous ayons pu nous retrouver tous ensemble autour de ce texte pour faire avancer positivement des questions relatives à la montagne était quelque chose de très important.

Pour essentiel qu’il soit, ce texte ne doit pas masquer le fait que certains problèmes spécifiques à nos territoires n’ont pas été résolus. L’État fait preuve d’une forme de schizophrénie, en allant, avec ce texte, dans la bonne direction, mais d’un autre côté, comme j’ai eu l’occasion de le dire en séance, son comportement va parfois à l’encontre des orientations que nous déterminons ici. Je pense notamment aux services publics. Certaines administrations prennent des décisions de manière totalement déconnectée les unes des autres, sans tenir compte, bien souvent, des spécificités de nos territoires, ni des impacts sur eux. Ici c’est une trésorerie, là une gendarmerie, un peu plus loin c’est une école qui ferme.

Nous devons rappeler également les effets très négatifs sur la montagne de la loi NOTRe, qui a fixé, pour les intercommunalités, des seuils démographiques artificiels, qui ne correspondent pas aux réalités des territoires de montagne.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Philippe Folliot. Si le texte comporte des avancées particulièrement positives, développées par les uns et les autres, je regrette toutefois que certaines propositions du Sénat n’aient pas été reprises en commission mixte paritaire, s’agissant notamment des éléments d’adaptation des normes pour la petite hôtellerie, de la définition des zones blanches et de tout ce qui a trait aux préoccupations en matière de téléphonie mobile. Je regrette également que deux dispositions, provenant de deux amendements déposés par notre groupe et adoptés en séance plénière, aient été supprimées, l’une sur les établissements publics fonciers locaux, nécessaires pour tenir compte de la spécificité de la montagne, et l’autre relative aux spécificités des collèges des territoires de montagne.

Pour autant, ce texte apporte des avancées très positives dans les domaines de la santé et de l’éducation. Il ne va pas assez loin, s’agissant de la téléphonie mobile et surtout de la fracture numérique qui concerne encore beaucoup de territoires de montagne, notamment dans la montagne tarnaise. Nombre de concitoyens sont totalement excédés, au quotidien, face à cette fracture numérique, qui doit être mieux prise en compte.

Il y a eu certes beaucoup de volontarisme, notamment de votre part, monsieur le ministre, pour essayer de faire bouger les lignes. Malheureusement, le lobby des opérateurs a peut-être parfois été trop fort et ne nous a pas permis d’aller aussi loin qu’il l’aurait fallu. Cependant, au nom du groupe UDI, je pense que ce texte va dans la bonne direction. C’est pourquoi nous le voterons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la montagne constitue un espace singulier, riche de sa diversité et de ses habitants, qui ont dû s’adapter à la géographie et au climat parfois rude, dont les coutumes, les cultures et les imaginaires sont un élément essentiel de notre patrimoine national. Il a fallu toute la détermination des élus de la montagne, pour que cet espace, souvent considéré à la marge, bénéficie d’une reconnaissance progressive. Plus de trente ans après la première loi Montagne adoptée dans cet hémicycle, nous sommes réunis aujourd’hui pour l’ultime étape de la loi Montagne II.

Ce texte n’a pas surgi du néant. Il doit beaucoup aux rapports, puis aux travaux de nos deux rapporteures, Annie Genevard et Bernadette Laclais, ainsi qu’à Béatrice Santais. Qu’il me soit permis, au nom du groupe RRDP, de les féliciter chaleureusement pour leur travail remarquable. Merci aussi à Frédérique Massat, notre présidente de la commission des affaires économiques, qui a dirigé nos travaux avec beaucoup de dextérité et d’efficacité. Le texte doit aussi beaucoup à l’ensemble des élus de la montagne qui, sous la houlette de l’ANEM, et en premier lieu de sa secrétaire générale puis présidente, Marie-Noëlle Battistel, et de son ancien président, Laurent Wauquiez, ont réussi à maintenir la nécessaire solidarité, en dépassant les clivages partisans, pour trouver des compromis et un équilibre dans une période pourtant peu propice. Je veux leur dire toute ma reconnaissance et leur adresser mes plus sincères remerciements.

Enfin, je tiens également à remercier très chaleureusement M. le ministre, Jean-Michel Baylet, qui, dès sa nomination, a décidé de porter ce projet de loi ambitieux. Je le remercie pour sa détermination sans faille, mais aussi pour son habileté, son sens du compromis assis sur un dialogue permanent. En effet, l’accord trouvé en commission mixte paritaire, il y a deux jours, n’était pas acquis. Il restait des points de divergence entre les deux chambres. Le travail de conciliation a abouti. Il nous permet de nous retrouver ensemble dans un état d’esprit constructif pour adopter dans des délais record et une quasi-unanimité une loi qui fera date et améliorera concrètement la vie quotidienne des montagnards.

Le projet de loi initial rédigé avec une méthode privilégiant la concertation et le pragmatisme était volontariste. Il a été enrichi tout au long des débats parlementaires, à l’Assemblée comme au Sénat, par l’adoption de nombreux amendements provenant de toutes les familles politiques, et dont certains sont très significatifs. Au début du texte, la notion d’auto-développement et celle d’aménité positive ont été ajoutées. C’est un changement de paradigme par rapport à la loi de 1985. Il s’agit de ne plus considérer la montagne seulement comme un territoire subissant des handicaps, mais en reconnaissant ses capacités contributives à la richesse matérielle et immatérielle de la nation.

Le débat a permis d’insérer les questions du développement d’un tourisme orienté sur la mise en valeur des richesses patrimoniales, de la mise en place de soutiens spécifiques aux zones de montagne permettant une compensation économique des handicaps naturels, de l’appui à la transition numérique. Sur ce sujet, le dialogue avec les opérateurs doit se traduire par des mesures concrètes. À défaut, des tentatives parlementaires obligeant les opérateurs à agir sous contrainte reviendront inévitablement. Un amendement du groupe RRDP a permis l’adoption de l’article 3 bis A, conservé en CMP, qui intègre dans la loi que la dotation globale de fonctionnement – DGF – « [intègre] les surcoûts spécifiques induits par des conditions climatiques et géophysiques particulières en montagne et les services, notamment écologiques et environnementaux, que la montagne produit au profit de la collectivité nationale ».

Sur le volet agricole, le texte contient des mesures importantes favorisant l’agriculture de montagne : je pense au pastoralisme, à la lutte contre les prédations, ainsi qu’aux politiques de stockage de l’eau. En matière d’offre scolaire, l’identification des écoles permettant l’application de modalités spécifiques d’organisation en termes de seuils d’ouverture et de fermeture de classes et d’allocations de moyens sont des avancées majeures.

Sur le volet santé, le texte initial a également été amélioré par de nombreux amendements qui favorisent la proximité des soins, l’adaptation des projets régionaux de santé et des schémas interrégionaux d’organisation des soins. Des avancées significatives ont été obtenues sur des sujets qui tiennent à cœur à mon collègue et ami, Joël Giraud, pour les travailleurs saisonniers, les stations de ski gérées en régie et sur la possibilité de déroger à la loi NOTRe pour les offices de tourisme.

Le texte du projet de loi adopté en CMP respecte les grandes lignes et les grands équilibres défendus par les élus de la montagne. Comme tout compromis, il ne peut satisfaire pleinement tout le monde – je pense notamment aux unités touristiques nouvelles. Mais c’est un compromis solide et efficace qui convient globalement à la quasi-unanimité des parlementaires, une prouesse remarquable à l’approche d’une échéance électorale importante.

Convaincus que le texte contient beaucoup de dispositions qui vont profondément relancer la politique de la montagne et apporter des réponses concrètes aux préoccupations des femmes et des hommes qui font vivre ces territoires, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste voteront avec enthousiasme ce projet de loi qui nous a rassemblés et qui nous ressemble. Je terminerai par un petit clin d’œil de la pyrénéenne que je suis aux collègues savoyards en citant Nicolas Helmbacher, parapentiste savoyard qui dit : « La montagne offre le décor ; à nous d’inventer l’histoire qui va avec. » C’est ce que nous avons contribué à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mesdames les rapporteures, chers collègues, il y a deux mois, à cette même tribune, nous marquions notre volonté de dépasser les clivages et les appartenances partisanes pour servir la montagne. Les députés de tous les groupes politiques, de tous les massifs avaient affirmé ici, devant la représentation nationale, leur volonté de défendre la vision d’une montagne à vivre – ni réserve d’Indiens, ni zone de non-droit, avions-nous dit. Exigeant et ambitieux, le compromis trouvé ancrait alors fortement dans la réalité législative le pacte de la Nation avec la montagne en nous donnant les moyens de mieux servir les habitants, de mieux aménager les territoires et de mieux penser l’avenir en matière d’accès aux soins et à l’école, de couverture numérique, de place de l’agriculture et de la forêt, de droit des travailleurs saisonniers, de promotion du tourisme, de régies des remontées mécaniques, de nouveau régime d’urbanisation, de lutte contre la prédation des troupeaux, de protection de l’environnement et de transition énergétique.

Loin des polémiques, ce texte avait pour vocation de répondre aux attentes quotidiennes des élus locaux, des acteurs économiques et des habitants de la montagne. Il est en cela exemplaire. Au-delà même du fond, ce texte doit être un motif de fierté, fruit d’un parlementarisme de combat et de compromis, de la politique dans ce qu’elle a de plus grand et de plus noble. Dans le même état d’esprit, et même si nous n’avons pas toujours les mêmes approches, je veux saluer le travail de la Haute assemblée et l’apport des sénateurs, qui ont considérablement enrichi le texte. Leurs débats ont notamment montré l’impatience, voire l’exaspération des habitants, exprimée par de nombreux parlementaires, quant à l’absence ou à la défaillance de la couverture mobile des zones de montagne. Les dispositions adoptées en la matière, qui donnent des outils pour améliorer et accélérer la couverture des zones de montagne, sont le résultat d’un compromis. Je lance ici un appel solennel aux opérateurs de télécommunication pour leur demander, au nom de l’équité territoriale, d’accélérer significativement la couverture mobile et numérique en montagne dans les prochains mois. J’y veillerai avec exigence. Dans le cas contraire, les contraintes de déploiement d’ordre législatif seraient une nouvelle fois à l’ordre du jour du Parlement. J’insiste également sur les avancées engagées et confirmées pour les offices de tourisme et les unités touristiques nouvelles, UTN, qui vont dans le bon sens. En effet, les mesures de dérogation dans ce domaine, prévues dans le texte, vont permettre aux territoires d’avancer. Sans cette loi, ils auraient été bloqués.

Je note que les sénateurs ont adopté, eux aussi, le texte à l’unanimité. Au-delà de la sagesse parlementaire, j’y vois une fois encore les fruits de la démarche d’écoute et de co-construction adoptée par le Gouvernement et le ministre Jean-Michel Baylet. Permettez-moi de l’en remercier et de souligner à nouveau sa constance et sa détermination à gagner l’assentiment du plus grand nombre. Je disais ici en première lecture que l’unanimité n’est jamais une évidence, qu’elle va rarement de soi. Elle se recherche, elle se travaille, elle s’arrache, elle se gagne. En regardant dans le rétroviseur, on mesure la volonté et l’ampleur de la tâche accomplie : plus de deux ans de travail, les rapports très constructifs de Mmes Genevard et Laclais – je salue ici leur esprit de recherche de consensus –, l’avis de la commission permanente du Conseil national de la montagne, les avis de l’Association nationale des élus de la montagne, ANEM, l’adoption à unanimité, ici puis au Sénat, et enfin l’adoption, par une commission mixte paritaire conclusive, d’un texte commun aux deux assemblées. Je voudrais saluer ici la présidente Frédérique Massat qui a très largement contribué à la recherche d’un consensus nécessaire à la réussite de la CMP. Après un tel travail partagé, nul ne comprendrait que l’intérêt général ne l’emporte pas.

Les nombreuses discussions que j’ai eues ces dernières semaines sur le terrain, après le vote à l’Assemblée, après le congrès de l’ANEM, m’ont laissé entendre des attentes fortes et une exigence de responsabilité de notre part. Le texte complété, enrichi, partagé qui nous est proposé repose sur une vision fédératrice de nos territoires de montagne. Espace de rêve, de loisirs pour certains, poumon écologique, lieu de production agricole pour d’autres, nous réaffirmons une nouvelle fois que la montagne est avant tout un lieu de vie. Parce que l’état d’esprit qui nous conduit à voter le texte présenté ce soir doit être le même que celui qui, en octobre dernier, a prévalu à un très large rassemblement, vous me permettrez de répéter que les territoires de montagne sont une chance pour la République à condition que l’on tienne compte de leurs spécificités, de leurs handicaps parfois, de leurs richesses et de leurs aménités toujours, de leur besoin de développement et de la nécessité de les protéger.

Chers collègues, je crois sincèrement que nous n’avons pas à rougir du bilan de la loi au prétexte qu’elle n’aurait pas résolu tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés et qui ne pouvaient pas forcément être pris en compte dans ce texte. Notre travail de législateur n’a de sens que dans la recherche de l’intérêt général. En adoptant ce texte, nous aurons contribué, tous ensemble, pierre après pierre, non à déplacer des montagnes mais à leur donner les moyens de vivre et de construire l’avenir, avec l’exigence qu’elles méritent. Nous pouvons collectivement en être fiers. Je vous remercie d’apporter votre soutien à ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Jeanine Dubié. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous nous prononçons aujourd’hui sur le texte final du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. J’ai participé, avec certains d’entre vous, à la CMP de lundi, et à l’issue de cette réunion de près de cinq heures, j’ai un sentiment mitigé quant à ce projet de loi. Dans l’esprit de la loi Montagne de 1985, son élaboration a fait l’objet d’un travail de concertation important, associant les élus de tous bords. Le projet de loi initial s’inspirait très largement des conclusions du rapport sur un acte II de la loi Montagne de nos collègues Bernadette Laclais et Annie Genevard, que je félicite pour le travail accompli depuis de nombreuses années en faveur de ces territoires si chers à nos cœurs.

Il était aujourd’hui opportun de donner un nouveau souffle à la législation relative aux territoires de montagne. Non seulement faut-il adapter les politiques publiques afin de prendre en compte la spécificité de ces zones en matière d’accessibilité et de climat, mais il faut également donner à ces territoires les moyens d’assurer leur développement économique, social et culturel, capable de garantir leur dynamisme et leur attractivité. Le texte présenté le 14 septembre restait en deçà des ambitions initiales, mais le processus de l’examen parlementaire a permis plusieurs avancées. Bon nombre d’amendements, venant de tous les bancs, ont ainsi été adoptés sur la couverture numérique, la téléphonie mobile, la gestion de l’eau, la prise en compte des spécificités montagnardes dans la dotation globale de fonctionnement, DGF, la carte scolaire, la santé, les secours de montagne, la protection contre les grands prédateurs, le développement industriel, la valorisation de l’artisanat, la pluriactivité, le travail saisonnier. La liste est longue et je ne saurais être exhaustif.

Pour ma part, je me satisfais tout particulièrement de l’article ouvrant la possibilité de créer des schémas de cohérence territoriale, SCoT, ruraux, qu’il a été très difficile de faire adopter ici comme au Sénat, et dont j’espère beaucoup pour des sujets certes locaux, mais qui ont également des échos ailleurs sur le territoire national. L’article 18 présente la particularité de réunir autour de ce texte des députés qui ne sont pas montagnards et qui, il faut l’avouer, se sont parfois sentis un peu perdus dans nos débats très pragmatiques sur les difficultés que nous rencontrons au quotidien. Disons-le, monsieur le ministre : cet article signe une reculade. Il revient en effet sur le transfert de la compétence « promotion du tourisme » aux établissements publics de coopération intercommunale, EPCI, prévu par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, NOTRe. Nous n’avions cessé de nous opposer à ce transfert lors des débats sur la loi NOTRe, considérant qu’il s’agissait d’une incongruité déconnectée des réalités du terrain. Force est de constater que nous n’avions pas tort puisque vous revenez aujourd’hui sur cette mesure pour les communes classées comme stations de tourisme ou en cours de classement.

Malgré ces avancées, je l’ai dit, je conserve un sentiment mitigé à l’issue de la CMP. Nous avons déploré votre souhait, madame Laclais, de politiser si manifestement cette ultime étape de notre travail législatif. Notre groupe a voté le projet de loi en première lecture…

M. Jean-Luc Laurent. C’était une sage décision !

M. Arnaud Viala. …afin que l’unanimité qui avait prévalu en 1985 perdure, mais aussi parce que le texte avait évolué positivement. Les engagements du ministre laissaient penser que cette évolution positive continuerait au Sénat. Ce dernier a en effet rempli son rôle de deuxième chambre du Parlement en renforçant de nombreux dispositifs, en particulier le volet numérique du texte. Les mesures adoptées reposent sur une idée simple : nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi ils n’ont pas la possibilité d’utiliser pleinement leur téléphone mobile ou internet. La couverture numérique est un enjeu majeur pour nos territoires : source d’attractivité économique, elle permet de lutter contre la désertification de nos villages et représente la clé d’un développement harmonieux du territoire national. La CMP est revenue sur ces articles. J’entends bien qu’un nouveau plan « France mobile » vient d’être lancé, mais il faudra un jour ou l’autre avoir le courage et la volonté de vraiment changer les choses et de bousculer un peu plus les opérateurs.

Enfin, j’en arrive au dernier point, mais non des moindres : l’article 19 qui réforme la procédure d’autorisation des UTN. Depuis le début – vous le savez, monsieur le ministre –, cet article est source de beaucoup d’inquiétudes chez les élus de haute montagne, en particulier des stations de ski. Je ne suis pas un élu de haute montagne, mais je connais bien le fonctionnement des UTN et je fais confiance à mes collègues et aux maires de ces territoires. Je fais confiance aux élus qui, au quotidien, se démènent pour rendre leurs territoires attractifs et faire venir des investisseurs. Or il est à craindre que la modification des règles n’alourdisse et ne rigidifie les procédures. L’installation d’une UTN deviendra une source de contentieux très certainement politisés. Les députés de mon groupe avaient demandé la suppression de cet article, en vain. En revanche, lors des débats en séance publique, le texte avait évolué de manière positive. Tout n’était pas réglé, mais le résultat ouvrait la porte et permettait aux sénateurs d’améliorer le dispositif, ce qu’ils ont fait. En CMP, les ajouts du Sénat ont été balayés d’un revers de la main, malgré l’adoption d’un délai de deux ans pour l’application de la planification. Les élus des territoires concernés sont très inquiets.

Au groupe Les Républicains, la liberté de vote prévaut et chacun est libre de voter comme il le souhaite, en conscience. Aussi plusieurs de mes collègues de haute montagne préfèrent-ils s’abstenir, voire peut-être voter contre, lors de cette lecture définitive. Pour ma part, compte tenu des avancées sur plusieurs points qui me tenaient et me tiennent à cœur, je voterai pour ce texte.

Mme Marie-Anne Chapdelaine et M. Jean-Luc Laurent. Bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, avec l’examen, cet après-midi, du texte issu de la commission mixte paritaire, je ne peux que renouveler ma satisfaction devant le travail parlementaire effectué, malgré un aller-retour particulièrement rapide de la navette parlementaire. Le projet de loi sort enrichi des travaux du Sénat, mais on peut tout de même regretter que le temps dont on dispose pour analyser objectivement l’ensemble des modifications retenues et des propositions de la CMP soit si bref, voire quasi inexistant !

L’ambition du texte était de constituer l’acte II de la loi Montagne de 1985 et de faire du développement équitable et durable de ces territoires un objectif d’intérêt national. Même si je pense que nous sommes encore assez loin d’avoir satisfait une telle ambition, on ne peut que se réjouir de voir repris des problèmes concrets identifiés par les élus de la montagne, qui étaient absents ou insuffisamment pris en compte dans le texte initial. Je pense bien entendu à la question des services publics, notamment en matière de carte scolaire, aux problématiques de santé, à la question du déploiement du numérique, mais aussi à l’évolution des droits des travailleurs pluriactifs et saisonniers.

Comme je l’avais déjà dit lors du premier examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons démontré, je le crois, avec des échanges parfois passionnés, un attachement partagé à la vitalité et à la diversité de nos territoires de montagne, ainsi qu’à leurs habitants, et une volonté d’agir en prenant en compte leurs spécificités dans nos politiques publiques. Mais nous voyons bien, et ce problème a été régulièrement soulevé lors des débats à l’Assemblée nationale comme au Sénat, que lorsque nous nous attachons à définir des politiques publiques ambitieuses en matière d’aménagement du territoire, nous nous heurtons directement aux politiques d’austérité et aux contraintes sur les dépenses publiques.

Chacun sait bien, parfois sans le dire, qu’il ne sera pas possible de faire du développement durable des territoires de montagne une vraie ambition pour la Nation, si les moyens financiers ne sont pas à la hauteur des besoins. Sans moyens financiers, il ne sera pas possible de mettre en œuvre ces politiques. Sans moyens financiers, nous risquons d’en rester aux déclarations de bonnes intentions – nous avons tout de même du mal à éviter ce risque.

Les terribles coups portés, ces dernières années, aux moyens financiers de ces mêmes territoires, avec la baisse de 11 milliards d’euros des dotations aux collectivités, ne sauraient être occultés par ce projet de loi, aussi louables ses intentions soient-elles. La réalité, c’est dans leur immense majorité, les communes rurales et de montagne revoient aujourd’hui de façon drastique leurs investissements et les moyens assurant les services du quotidien aux administrés.

Par ailleurs, comme l’ont rappelé aussi bien les députés que les sénateurs du Front de gauche, alors qu’il est question d’adapter les normes nationales aux spécificités de la montagne, les lois NOTRe – portant nouvelle organisation territoriale de la République –, MAPTAM – de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – voire ALUR – pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – apparaissent chaque jour un peu plus en décalage avec les réalités de la montagne.

À de nombreuses reprises au cours de nos débats, nous avons eu à nous confronter aux conséquences immédiates de la loi NOTRe, notamment aux transferts de compétence qu’elle a opérés, par exemple en matière de gestion de l’eau. Nous nous sommes également heurtés aux nouvelles contraintes d’urbanisme imposées par loi ALUR aux territoires ruraux. Vous avez fait le choix, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, de rejeter toute adaptation pour la montagne du cadre législatif fixé par la loi NOTRe : nous le regrettons. Car en fin de compte, la démocratie de proximité et les conditions de vie sur nos territoires ruraux s’en ressentiront.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. André Chassaigne. Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont apporté, par ma voix, leur pierre à l’édifice montagnard, sous la forme d’amendements, dont la plupart étaient le fruit d’une co-élaboration avec les élus et les habitants de la circonscription dont je suis élu, qui ne compte pas moins de 108 communes classées en zone de montagne, sur un total de 132. Il est vrai que c’est bien moins que dans la circonscription de mon ami Jean Lassalle, berger des Pyrénées et grand défenseur de la montagne, qui siège en haut de notre hémicycle avec la pugnacité des Montagnards de la Révolution française. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Aussi, mes chers collègues, au moment de conclure l’examen – si rapide – de ce texte, mon appréciation reste nuancée : certes, ce projet de loi va dans la bonne direction, mais il ne règle pas la question des moyens. Comme en première lecture, nous voterons ce texte, mais il restera beaucoup à faire pour contrer les attaques incessantes qui sont menées contre les territoires les plus fragiles au nom de la recherche effrénée de la compétition territoriale et des choix d’austérité.

M. Jean Lassalle. Bravo !

M. André Chassaigne. Pour redonner du souffle aux campagnes de France, pour actualiser le potentiel de nos territoires de montagne, si riches de leur diversité, vous pourrez compter sur notre constance et notre détermination à faire bouger les lignes de front qu’impose l’ordre libéral en Europe, comme en France. J’espère que les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du Front de gauche, ne seront pas isolés dans ce combat. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Jeanine Dubié et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La discussion générale est close.

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisi.

M. Jean-Michel Baylet, ministre. Ces deux amendements visent à lever des gages.

(Les amendements nos 1 et 2, acceptés par la commission, sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements de l’Assemblée nationale.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

M. André Chassaigne. Seul M. Lassalle a voté contre !

3

Ordonnances relatives à la production d’électricité et aux énergies renouvelables

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, ratifiant les ordonnances n2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité et n2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz et aux énergies renouvelables (nos 4122, 4192).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre du logement et de l’habitat durable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l’habitat durable. Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, l’année qui s’achève a été particulièrement décisive pour la transition énergétique et environnementale.

D’une part sur le plan international, avec la présidence française de la COP21, le passage de relais au Maroc lors de la COP22 et la présence de la France au sommet de l’ONU Habitat III de Quito. Ces manifestations internationales ont placé la lutte contre le dérèglement climatique au premier rang des priorités des États du monde. D’autre part, au niveau national, avec la définition d’un nouveau modèle énergétique français dont la mise en œuvre s’appuie sur l’action de tous : élus, citoyens, territoires, entreprises.

La France a su fixer dès 2015 un cap ambitieux, clair et partagé avec la loi de transition énergétique pour la croissance verte. La qualité du débat démocratique sur ce texte fondamental a montré que les clivages peuvent s’effacer sur des sujets aussi essentiels que la lutte contre le dérèglement climatique. Chacun a compris, désormais, que l’inaction est plus coûteuse que l’action, que les intérêts économiques ont basculé du côté de la protection de la planète, que nous ne pouvons plus consommer les ressources comme nous le faisons quand d’autres, plus fragiles, souffrent au quotidien des effets du dérèglement climatique.

La loi pour la transition énergétique, en particulier, a marqué un tournant dans la politique énergétique de la France en mettant en avant trois grandes ambitions : développer massivement et durablement les énergies renouvelables ; faire des territoires des acteurs responsables en matière de politique énergétique ; et permettre aux citoyens consommateurs d’être également producteurs d’énergie. Mme la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, s’est engagée à mettre en œuvre cette loi dans les plus brefs délais ; après la signature de l’accord de Paris, il s’agissait pour la France de donner la preuve par l’exemple.

Cet engagement est tenu : moins de dix-huit mois après la promulgation de la loi, la quasi-totalité des textes d’application ont été pris. 98 % des décrets ont été soumis au Conseil d’État ou signés. La totalité des dix-huit ordonnances prévues par la loi ont été transmises au Conseil d’État.

Le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui a précisément pour objet de ratifier deux ordonnances importantes, présentées récemment en Conseil des ministres : d’une part, l’ordonnance du 27 juillet 2016 relative à l’autoconsommation d’électricité ; d’autre part, l’ordonnance du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.

Ces deux ordonnances, vous le savez, accomplissent des avancées cruciales. La première met en place un cadre légal visant à faciliter le développement de l’autoconsommation, en définissant ses modalités d’insertion dans le système électrique. Elle fixe notamment : la définition des opérations d’autoconsommation, dont l’autoconsommation collective ; l’obligation pour les gestionnaires de réseau de faciliter les opérations d’autoconsommation ; ou encore l’établissement par la CRE – la commission de régulation de l’énergie – d’une tarification d’usage du réseau adaptée aux installations d’autoconsommation, pour tenir compte de la réduction du coût d’utilisation des réseaux qu’elles permettent.

L’ordonnance relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables vise à mieux intégrer les énergies renouvelables au marché et au système électrique. Elle prévoit la mise en œuvre de nouvelles procédures de mise en concurrence, plus adaptées au stade de maturité de certaines énergies renouvelables.

Ce projet de loi compte plusieurs autres articles, qui visent à renforcer et sécuriser certains dispositifs issus de la loi transition énergétique, qui sont essentiels pour le développement des énergies renouvelables. Il s’agit avant tout du non-cumul de la valorisation des garanties d’origine de l’électricité renouvelable avec les dispositifs de soutien à la production – qu’il s’agisse du tarif d’achat ou du complément de rémunération. L’objectif de cette mesure est de garantir que l’électricité soutenue par des dispositifs nationaux financés par tous les consommateurs profite à l’ensemble de ces consommateurs, tout en favorisant le développement de l’électricité renouvelable.

Ce principe de non-cumul est indispensable pour sécuriser juridiquement les dispositifs de soutien aux énergies renouvelables tels qu’ils ont été notifiés à la Commission européenne et validés par elle. Si la valorisation des garanties d’origine de l’électricité bénéficiant de dispositifs de soutien était autorisée, il serait alors nécessaire de notifier à nouveau l’ensemble des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables.

J’ai bien pris note, après nos débats en commission, des attentes de certains producteurs à propos de la traçabilité de l’électricité verte. Nous reviendrons, au cours de nos discussions, sur cette question majeure : le maintien des garanties d’origine dans le cadre du non-cumul des dispositifs. Sachez que le Gouvernement y est sensible : nous reparlerons des aménagements qui pourraient être apportés à ces dispositions pour conserver cette traçabilité, qui est particulièrement bénéfique à l’émergence d’une valeur verte.

Un autre article de ce projet de loi propose d’élargir le bénéfice de la réfaction aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable, pour faciliter les opérations de raccordement. Il prévoit également de mettre en place un régime indemnitaire incitatif spécifique en cas de retard du raccordement de projet d’énergie renouvelable en mer afin de permettre le financement de projets de grande envergure, tels que les parcs éoliens marins.

Enfin, l’article 4 propose de confier aux gestionnaires des réseaux de gaz concernés la coordination des opérations associées à la modification de la nature du gaz acheminé dans ces réseaux. Cette clarification des responsabilités est nécessaire pour préparer la prochaine conversion des réseaux de transport et de distribution de gaz à bas pouvoir calorifique, en lien avec la baisse de la production du champ néerlandais de Groningue.

Pour conclure, je sais que nous sommes tous, ici, convaincus de la nécessité de bâtir un nouveau modèle énergétique qui permette non seulement de développer des filières d’avenir, mais aussi de créer des activités nouvelles et des emplois durables. Je tiens à souligner que cette dynamique est déjà à l’œuvre dans les territoires, en particulier dans les 400 territoires à énergie positive pour la croissance verte. Il nous faut donc sécuriser et amplifier ce mouvement : le texte qui vous est présenté aujourd’hui conforte cette dynamique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Santais, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Béatrice Santais, rapporteure de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui a été adopté par la commission des affaires économiques lors de sa séance du 9 novembre dernier. Il a pour objet de ratifier deux ordonnances récentes prises en application de la loi relative à la transition énergétique et pour la croissance verte. La première, datant du 27 juillet 2016, porte sur l’autoconsommation et la seconde, publiée le 3 août 2016, concerne la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.

L’autoconsommation est pratiquée depuis de nombreuses années, notamment dans l’industrie. C’est le cas de la métallurgie dans les sites alpins, qui sont souvent approvisionnés en hydroélectricité ; c’est aussi le cas de l’industrie papetière alimentée par des systèmes de cogénération. En comparaison avec ses proches voisins européens, la part de l’autoconsommation en France reste faible, mais nous devons être convaincus qu’elle connaîtra dans les prochaines années un développement important du fait du développement des politiques énergétiques des collectivités locales – Mme la ministre a évoqué les TEP-CV, les territoires à énergie positive pour la croissance verte –, qui supposent de réfléchir à différentes formes d’optimisations énergétiques sur le territoire ; du fait de la volonté de plus en plus grande des citoyens de devenir acteurs de la question énergétique ; du fait de la baisse du prix des équipements, en particulier les panneaux photovoltaïques ; du fait, enfin, du déploiement des compteurs communicants pouvant compter tous les kilowattheures produits et consommés au cours d’un temps donné, injectés sur le réseau ou soutirés de celui-ci.

L’autoconsommation – notamment collective – facilite l’intégration des énergies renouvelables décentralisées et peut réduire les coûts de réseau si l’auto-consommateur diminue sa puissance maximale souscrite, c’est-à-dire si la production et la consommation sont relativement synchrones.

L’ordonnance que ratifie ce projet de loi est donc attendue. Elle fixe un cadre pour l’autoconsommation. Elle définit tout d’abord l’opération d’autoconsommation comme le fait pour un producteur, dit auto-producteur, de consommer lui-même tout ou partie de l’électricité produite par son installation. Elle rend possible les opérations d’autoconsommation collective, qui ne faisaient jusqu’alors l’objet d’aucune définition juridique.

Elle prévoit un tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité spécifique pour les installations de moins de 100 kilowatts. Elle permet aux installations d’une puissance installée maximale fixée par décret de déroger à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommée.

Le travail de la commission a consisté à clarifier certaines notions pour assurer plus de visibilité aux acteurs de terrain.

C’est ainsi que nous avons précisé que l’électricité autoconsommée est celle qui est consommée immédiatement ou stockée, de manière à éviter tout système de net metering qui compenserait des kilowattheures injectés par des kilowattheures soutirés même si ces deux opérations se font à des moments différents. Notre commission a par ailleurs remplacé la notion d’antenne basse tension par celle de départ basse tension pour renforcer la sécurité juridique du texte et surtout la faisabilité des projets.

L’article 1er du projet de loi ratifie également l’ordonnance du 3 août 2016 relative à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Elle comporte de nombreuses dispositions, ouvrant notamment la possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres, telle que la procédure de dialogue concurrentiel, directement inspirée de la procédure de dialogue compétitif fréquemment utilisée en matière de commande publique. La procédure de dialogue concurrentiel est plus souple que la procédure d’appel d’offres et donc mieux adaptée au développement de certaines filières. Cette ordonnance crée par ailleurs une priorité d’appel pour les installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables dans les zones non interconnectées.

Mais ce projet de loi ne consiste pas seulement en une ratification de ces deux ordonnances : plusieurs dispositions relatives aux réseaux d’électricité et de gaz ainsi qu’aux énergies renouvelables y figurent également. Ces dispositions sont nécessaires à une mise en œuvre efficace de la loi relative à la transition énergétique, votée il y a un peu plus d’un an maintenant.

À cet effet, l’article 2 porte sur les garanties d’origine, une notion qui mérite certainement d’être explicitée : certains fournisseurs d’électricité proposent à leurs clients de souscrire une offre garantissant une électricité d’origine renouvelable ; mais pour justifier auprès du consommateur que c’est bien le cas, ils doivent leur garantir une équivalence entre la quantité d’électricité consommée et la quantité d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables. Cette équivalence est attestée par des garanties d’origine, sachant qu’une garantie correspond à 1 mégawattheure de production électrique. Un producteur d’électricité verte peut revendre à un client ayant souscrit une offre 100 % électricité verte cette énergie ainsi que la garantie d’origine associée ; il peut aussi revendre la seule garantie d’origine à un autre fournisseur, lequel pourra justifier à son tour de cet achat d’énergie verte auprès de ses propres clients. Les mesures proposées par l’article 2 sont de nature à clarifier les choses et surtout à empêcher un cumul d’aides. Il ne paraît en effet pas légitime de pouvoir bénéficier à la fois d’un soutien public et de la valorisation de la garantie d’origine. L’article prévoit ainsi que l’électricité produite sous tarif d’achat et complément de rémunération ne peut pas ouvrir droit à l’émission et à la valorisation de garanties d’origine par le producteur ou par l’acheteur obligé. Il ne faut pas supprimer ces dispositions de l’article 2. Toutefois, et nous en avons beaucoup discuté en commission,…

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. En effet !

Mme Béatrice Santais, rapporteure. …il ne permet pas, dans sa rédaction actuelle, de garantir la traçabilité de l’électricité verte, comme l’a bien expliqué Mme la ministre. Conformément à l’engagement que j’avais pris en commission, j’ai donc réfléchi à une solution adaptée pour empêcher le cumul d’aides tout en garantissant la traçabilité de l’électricité. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement à l’article 2 qui prévoit que l’émission des garanties d’origine pour l’électricité produite sous mécanisme de soutien se fait au bénéfice de l’État. Cette électricité est en effet payée par l’État, c’est-à-dire par tous les contribuables et par tous les clients des différents fournisseurs. Il ne serait donc pas normal que seul l’acheteur agréé, compensé par l’État pour son opération d’achat, puisse se prévaloir de cette électricité renouvelable. Il faut – c’est le sens de mon amendement – que l’État puisse récupérer les garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable soutenue et la vendre aux enchères aux fournisseurs qui souhaiteraient utiliser ces garanties d’origine dans le cadre de leurs offres commerciales. Les revenus tirés de ces mises aux enchères diminueraient d’autant les charges de service public de l’électricité, ce qui permettrait donc de faire baisser le coût du soutien supporté par les consommateurs. Toutefois, afin d’éviter la diminution de la valeur des autres garanties d’origine, il conviendrait de fixer un prix minimum dans la mise aux enchères de façon qu’elles puissent s’échanger à un prix raisonnable. Enfin, il est proposé que la mise aux enchères concernerait a minima les installations de plus de 100 kilowatts pour des raisons de gestion car il y a beaucoup trop de petites installations. Cet amendement permettrait donc à la fois de garantir la traçabilité de l’électricité verte, comme l’a souhaité la commission, d’empêcher tout cumul d’aides mais aussi de réduire la facture pour l’ensemble des consommateurs.

L’article 3 permet que le tarif de distribution couvre une partie des coûts de raccordement aux réseaux de distribution des producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Cela va dans le bon sens. Le coût du raccordement peut être en effet un réel obstacle à l’implantation d’installations d’énergies renouvelables, notamment en milieu rural, où il est souvent plus élevé qu’en milieu urbain. L’effet de cette mesure sur le tarif d’utilisation du réseau de distribution ou sur la facture du consommateur sera négligeable. J’ai déposé un amendement visant à élargir au biogaz cette disposition qui n’est pour l’instant prévue que pour l’électricité renouvelable. Il s’agirait de mettre en place un dispositif de réfaction tarifaire pour le raccordement des installations de biométhane dans les zones de plus de 100 000 clients bénéficiant d’un tarif péréqué. Cela n’impacterait que de manière très négligeable les tarifs d’utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel et permettrait d’inciter au développement des installations de biométhane et ainsi de contribuer aux objectifs de développement du biogaz fixés par le décret relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie : 1,7 térawattheures d’injection de biométhane dans le réseau de gaz en 2018 et 8 térawattheures en 2023.

Enfin, l’article 4 permet d’enclencher la procédure de modification, par leurs gestionnaires, de la nature du gaz acheminé dans les réseaux. Les réseaux du Nord de la France alimentés actuellement avec un gaz à bas pouvoir calorifique doivent être convertis pour fonctionner avec du gaz à haut pouvoir calorifique. Le présent projet de loi permet aux gestionnaires de réseaux de distribution de tout gaz combustible de sélectionner et de missionner des entreprises afin de réaliser des opérations de contrôle, d’adaptation et de réglage de tous les appareils et équipements gaziers des installations des consommateurs concernés.

Réussir la transition énergétique implique de développer et de promouvoir des solutions innovantes, respectueuses de l’environnement et facteurs d’efficacité énergétique, solutions qui passent souvent par des productions décentralisées d’énergie. Il importe à cette fin que le soutien public soit bien orienté, bien ajusté, et suffisamment incitatif pour permettre à chacun de s’impliquer dans l’évolution que notre pays souhaite suivre. Moyennant quelques modifications, je vous propose aujourd’hui d’adopter ce projet de loi qui contribuera à cette réussite. J’appelle par ailleurs de mes vœux un vote relativement rapide du texte dans les deux assemblées afin que les mesures prévues puissent entrer en vigueur le plus rapidement possible, en tout état de cause au cours du premier semestre 2017.

Mme Marie-Noëlle Battistel et Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, des chantiers législatifs majeurs ont été menés à bien durant cette législature : modernisation de notre protection sociale ; adaptation de notre société au numérique ; transformation de notre modèle agricole et de notre appareil industriel. Parmi ces grands travaux figure, bien sûr, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Face aux défis de la lutte contre le dérèglement climatique, nous avons pris comme décision de bâtir un modèle énergétique plus robuste et plus durable. Nous nous devions d’agir en responsabilité, pour nous mais aussi pour les générations futures, et c’est ce que nous avons fait. La France a ainsi été l’un des premiers pays de l’Union européenne à adopter un tel texte, nous plaçant ainsi à la pointe de la transition énergétique mondiale. Cette exemplarité a contribué, vous l’avez rappelé, madame la ministre, au succès du Sommet de Paris sur le climat en décembre 2015. L’engouement pour notre démarche est réel, et l’action de la France en faveur de ce modèle de transition énergétique a été pleinement saluée lors de la conférence des présidents des commissions des affaires économiques des parlements de l’Union européenne à Bratislava, à laquelle j’ai participé début décembre avec ma collègue Marie-Noëlle Battistel.

Comme l’a indiqué la ministre de l’énergie, Mme Ségolène Royal, lors de son audition du 22 novembre 2016 devant notre commission et celle du développement durable, la mise en œuvre de cette loi représente un défi considérable. Elle se poursuit pas à pas, mue par une volonté politique très forte. Le texte que nous examinons aujourd’hui en atteste puisqu’il constitue une nouvelle étape de cette mise en œuvre. Il a fait l’objet de débats constructifs en commission des affaires économiques le 9 novembre dernier. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble de ses dispositions, qui vous ont été exposées dans le détail par Mme la ministre et par Mme la rapporteure, mais je salue le travail qui a été accompli. J’ai donc bon espoir que nous puissions trouver un compromis garantissant la traçabilité d’électricité verte, traçabilité nécessaire au développement des énergies renouvelables, tout en empêchant le cumul du complément de rémunération avec les garanties d’origines. L’amendement de la rapporteure me semble répondre à cet objectif et je la remercie d’avoir donné suite à son engagement devant notre commission d’essayer de trouver une solution qui, me semble-t-il, devrait recueillir l’assentiment de notre Assemblée sur tous les bancs.

Je rappelle l’importance de l’article 3 sur la réfaction tarifaire car cela facilitera notamment l’implantation d’installations d’énergies renouvelables en milieu rural.

Par ailleurs, j’appelle votre attention sur l’enjeu que représentera l’adoption de l’article 4 qui permettra la conversion d’une partie des réseaux français en gaz H, alors qu’ils sont encore alimentés en gaz B dont l’arrêt de la production est prévu.

Surtout, il ne faut pas sous-estimer le sujet de l’autoconsommation car celle-ci est à la croisée des chemins entre transitions énergétique et numérique. Accompagnée des mesures prises en matière de rénovation et de sobriété énergétique, ainsi que par des progrès technologiques, l’autoconsommation représente l’avenir. Elle offre de nombreux avantages, dont l’un des principaux est de contribuer au développement des énergies renouvelables, et est appelée à se développer fortement dans les années à venir. Le nombre croissant de demandes de raccordement et de mise en service d’installations témoigne de l’engouement des consommateurs pour ce mode de production décentralisée de l’électricité ; le contexte socio-économique s’y prête et la prise de conscience écologique le renforce. Aussi, afin de soutenir cette dynamique tout en évitant de renouveler la douloureuse expérience de la bulle spéculative du photovoltaïque de 2009 que nous avons tous encore à l’esprit,…

M. Laurent Furst. Très juste !

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. … nous avions besoin d’un cadre juridique solide et stable. Un certain nombre de pays ont déjà commencé à mettre en œuvre un tel cadre légal. Celui que la France veut mettre en place a le mérite d’être juste, viable et complet puisqu’il facilitera également l’autoconsommation collective, laquelle n’est pas toujours permise ailleurs. Je souligne que ce cadre légal va être instauré de manière rapide et pérenne grâce à la loi relative à la transition énergétique, à l’ordonnance du 27 juillet 2016 que le Gouvernement nous soumet aujourd’hui pour ratification, aux appels d’offres lancés dès août 2016 et dont les lauréats viennent juste d’être désignés.

En conclusion, je tiens à dire que la sécurisation de ce dispositif par le Parlement est une bonne chose et une nécessité, et je me félicite que nous soyons actifs et conscients des enjeux de ce texte qui représente une avancée majeure pour notre avenir énergétique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner un projet de ratification de deux ordonnances, l’une relative à l’autoconsommation électrique, l’autre à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables. Nous partageons tous la même idée : le temps de la consommation compulsive d’énergie primaire et carbonée est terminé. Il y a trois raisons à cela. Tout d’abord, s’agissant de la dimension environnementale, le réchauffement climatique est une réalité que l’homme peut soit accélérer, soit freiner, mais il faut en ce dernier cas une prise de conscience et une vraie volonté d’agir. Et puis il y a une dimension éthique : chaque Français émet en moyenne 5,3 tonnes de carbone par an. Certes, chaque Américain en émet 17 tonnes, chaque Allemand 10 tonnes, chaque Russe 11 tonnes.… Mais il ne faudrait pas dépasser 2 tonnes par habitant de la planète pour ne pas abîmer celle-ci. Il serait immoral de ne pas tendre vers cet objectif !

M. Jean-Marie Sermier. Très juste !

M. Laurent Furst. Enfin, il y a une dimension économique : gaz, pétrole et charbon – même si ce dernier est peu consommé dans notre pays – sont importés ; leur achat coûte à la France et pèse lourdement sur notre déficit commercial : ainsi, en 2015, le déficit énergétique français était de 40,1 milliards d’euros, mais il avait même atteint 54,6 milliards d’euros en 2014.

Si, demain, le cours du dollar et ceux des matières premières devaient flamber, ce déficit ne manquerait pas d’exploser. Pour tendre vers une décarbonisation de notre mode de vie et de notre économie, il faut une vision claire, une action publique forte et de la constance dans l’action. Pour autant, mieux vaut éviter l’écologie voire l’idéologie, parfois verbeuse.

Pour aller dans le sens souhaité, il faut agir sur trois leviers. Premièrement, nous devons substituer les énergies fossiles là où et lorsque cela est possible : dans les systèmes de transport – voitures électriques, électrification des lignes de train –, dans le logement, dans le tertiaire avec des pompes à chaleur, et dans l’industrie, où tant de choses peuvent être faites.

Deuxièmement, nous devons consommer mieux et consommer moins, en isolant les logements – je reviendrai sur ce point –, en renouvelant le parc automobile et les vieilles chaudières, bien trop nombreuses en France, ainsi qu’en développant les réseaux électriques intelligents, ou smart grids, un domaine dans lequel la France a plutôt du retard.

Troisièmement, nous devons produire de l’électricité renouvelable ou à base d’énergies propres, en grande quantité, sous réserve de ne pas oublier les deux questions essentielles, celle du coût et celle de la constance de l’approvisionnement.

S’agissant du quinquennat qui s’achève, madame la ministre, que dire de son bilan en matière énergétique ? Oui, il y a des éléments positifs, parmi lesquels l’apparition de la notion de transition énergétique, l’esquisse – et même davantage qu’une esquisse – d’une politique d’isolation des logements, l’élaboration de normes volontaristes ou le premier cadre donné à l’autoconsommation électrique.

En revanche, pour ce qui concerne les smart grids, je l’ai dit, nous sommes en retard. En matière de production d’énergies renouvelables – ENR –, l’avancée est réelle, mais trop modeste par rapport à d’autres pays. Nous avons beaucoup vécu sur l’héritage de l’hydroélectricité française et des décisions prises par vos prédécesseurs, notamment en matière d’hydroliennes.

Clairement, madame la ministre, votre Gouvernement a été décevant. Il aurait pu, il aurait dû faire plus et mieux. En revanche, vous auriez dû faire moins sur la remise en cause de la filière nucléaire française…

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. C’est contradictoire !

M. Laurent Furst. …qui génère de l’électricité sans carbone, à coût maîtrisé, en quantité importante et de manière constante. Votre manière de fustiger Fessenheim, tel un totem de la bonne conscience de gauche,…

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Ne nous cherchez pas trop !

M. Laurent Furst. …ou de limiter à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique français, franchement, est un peu ridicule.

M. Jean-Marie Sermier. C’est irresponsable !

M. Laurent Furst. Consommer moins d’énergies fossiles passera forcément par un accroissement de la consommation électrique et, pour un temps, la France aura toujours besoin de son potentiel nucléaire même si, à terme, son remplacement par des ENR est souhaitable.

La ratification de ces ordonnances s’inscrit dans ce cadre global. J’évoquerai d’abord celle sur l’autoconsommation. Comme je l’ai dit, il est positif d’avoir sorti le sujet des limbes et de lui donner un cadre juridique. Le progrès technique sur le sujet est cependant rapide, et je ne suis pas certain que vous ayez vu ni le potentiel réel, ni la problématique de l’autoconsommation électrique.

D’abord, j’aimerais souligner le potentiel presque infini de la production électrique par panneaux solaires. Pensez aux millions de mètres carrés de bâtiments commerciaux, logistiques, industriels. Pensez aux si nombreux bâtiments résidentiels ou tertiaires. Installer quelques mètres carrés de panneaux solaires pour une famille ou une surface plus grande pour une entreprise permettrait de réduire la sollicitation du réseau électrique de manière significative.

Cela dit, je ne suis pas certain que l’avenir soit au rachat des excédents ou à la compensation, qui suppose des actes de gestion nombreux pour des quantités produites plus que marginales. L’avenir de l’autoconsommation électrique réside probablement dans la combinaison d’une source, d’une batterie et d’un onduleur. Tesla et son PowerWall sont le meilleur exemple de cette évolution. J’ai cité une marque : si elle n’est pas la seule, elle est probablement la plus connue aujourd’hui.

L’autoconsommation électrique suppose d’ailleurs de redéfinir les métiers électriques avec des réseaux qui alimentent, mais qui, pour une part de la clientèle, assurent juste un complément, parfois une sécurité.

Comment financer ce métier ? La même question se posera immanquablement sur la source, puisque certains clients n’auront besoin que très marginalement d’électricité, généralement quand celle-ci est rare et chère. Très attaché à l’autoconsommation électrique, madame la ministre, je ne vois que très peu d’éléments sur ce sujet dans votre texte. Certes, il contient quelques avancées techniques utiles, mais aucun projet et aucune ambition collective, pour l’ensemble du pays. Pourtant, la France a tout pour être leader en la matière : le potentiel comme la technologie, les entreprises comme le savoir-faire.

Pour ce qui concerne les autres éléments contenus dans le projet de loi, nous avons clairement une interrogation quant à la volonté du Gouvernement de supprimer la valorisation des garanties d’origine pour les ENR bénéficiant de mécanismes de soutien. Ce point nous semble de nature à freiner le développement des ENR, donc l’investissement dans le domaine, alors même que le verdissement de l’énergie est de plus en plus en demandé par nos concitoyens. Qui plus est, dans le secteur, la dimension européenne nous semble importante. Or ce texte prend peu en compte son impact.

Son article 2 reste un peu flou et, comme vous le savez bien, madame la ministre, car cette phrase vient de votre camp, « quand c’est flou c’est qu’il y a un loup ! ». Nous ne comprenons pas très bien la raison pour laquelle le Gouvernement a introduit ces dispositions dans ce projet de loi.

Cet article pose manifestement problème. Il suffit de voir les amendements déposés sur cet article, notamment l’amendement de suppression de notre collègue Jean-Paul Chanteguet, respectable et apprécié président de la commission du développement durable. L’examen des amendements devrait permettre d’éclaircir ces préoccupations et de parvenir à une rédaction qui garantisse son effectivité.

L’article 3 permet aux producteurs de bénéficier d’un cofinancement du coût de raccordement de l’installation de production par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité. Il faut être vigilant pour ne pas peser trop violemment sur les finances de certaines entreprises de distribution. J’aimerais souligner le risque connu par le passé, qui a fait exploser la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, dans un laisser-faire fondé sur l’opportunité financière, sans qu’aucune utilité n’ait été vraiment démontrée pour le consommateur ou la société – Mme la présidente Massat vient de l’indiquer.

Faisons en sorte de ne plus connaître de mouvements de ce type, en suivant précisément ce dispositif.

Quant à l’article 4, concernant le gaz dont le pouvoir calorifique varie, il n’appelle pas de réflexion de notre part.

En conclusion, nous nous abstiendrons sur ce texte, lequel souligne une certaine pauvreté de la politique énergétique du quinquennat qui se termine, alors même que, je tiens à le dire, certains éléments présentent un intérêt et mériteraient d’être approfondis demain.

M. Jean-Marie Sermier. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, nous sommes conviés à examiner un projet de loi de ratification que nous pourrions qualifier de bicéphale car il ratifie, d’une part, l’ordonnance qui vise à favoriser le développement de l’autoconsommation et, d’autre part, l’ordonnance relative visant à favoriser l’utilisation d’énergies renouvelables dans la production d’électricité

En outre, le projet de loi propose, dans six articles distincts, des dispositions qui ont en commun de modifier diverses dispositions du code de l’énergie, concernant les conditions de raccordement des énergies renouvelables aux réseaux publics de distribution d’électricité, les sites fortement consommateurs d’électricité ou de gaz naturel ou la valorisation des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant de l’obligation d’achat. Ces ordonnances ont certes pour commun dénominateur de s’inscrire au cœur de la transition énergétique. Nous regrettons néanmoins que l’on mélange la production d’énergies renouvelables et l’autoproduction, ou autoconsommation.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes très favorables au développement de l’autoconsommation, laquelle représente un formidable enjeu en termes de complémentarité du bouquet énergétique et d’utilité sociale de la production. Elle est, à bon droit, une priorité de la transition énergétique. Or, jusqu’à présent, même si le nombre d’autoconsommateurs augmente rapidement, l’autoconsommation reste encore trop marginale dans notre pays.

Nous le devons notamment au fait que la production d’électricité renouvelable bénéficie de tarifs d’achat très supérieurs au prix de vente de l’électricité par EDF : les producteurs d’énergie ont donc intérêt à revendre leurs électrons au tarif d’achat, et à racheter sur le réseau les volumes nécessaires à leur consommation.

Étant donné que l’autoconsommation, individuelle ou collective, est appelée à connaître un développement important, l’ordonnance que ratifie ce projet de loi est bienvenue. Elle fixe un cadre pour l’autoconsommation et lève certains obstacles, rendant ainsi possible les opérations d’autoconsommation collective. En outre, elle prévoit un tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité spécifique pour les installations de moins de 100 kilowatts. Enfin, elle permet aux installations d’une puissance installée maximale fixée par décret de déroger à l’obligation de conclure un contrat de vente avec un tiers pour le surplus d’électricité non consommée.

Cette dernière disposition répond notamment à l’attente des propriétaires de petites installations, qui pourront désormais injecter leur surplus dans le réseau sans dispositif de comptage. Elle s’inscrit ainsi dans la dynamique de la transition énergétique, en favorisant un outil de lutte, même modeste, contre le réchauffement climatique.

La production d’électricité à partir d’énergies renouvelables est l’objet de la seconde ordonnance, qui comporte de nombreuses dispositions, parmi lesquelles la possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres. Celle-ci pourra notamment être remplacée par la procédure de dialogue concurrentiel, inspirée du dialogue compétitif utilisé en matière de commande publique.

Si la mise en place de cette nouvelle procédure de mise en concurrence pour les installations de production d’électricité a été saluée par la Commission de régulation de l’énergie, elle nous éloigne un peu plus de l’objectif d’une maîtrise publique accrue du secteur de l’énergie renouvelable. Devons-nous continuer dans la voie du développement de ces filières très capitalistiques pour le plus grand profit de quelques opérateurs privés ?

De la même manière, devons-nous continuer de faire payer aux consommateurs le surcoût de l’aide aux investisseurs éoliens, répercutée dans la contribution au service public de l’électricité – CSPE –, alors que ces filières ont atteint la maturité économique et que le chiffre d’affaires de l’éolien, en France, est aujourd’hui de plus de 10 milliards d’euros ? Surtout, n’est-il pas temps d’introduire plus de régulation et plus de démocratie ?

Nous n’aurons de cesse d’insister pour notre part sur la nécessité de conserver une maîtrise publique sur le secteur de l’énergie. S’il faut aider au développement de l’énergie renouvelable, ce n’est pas pour garnir le portefeuille des actionnaires, mais pour garantir un mix énergétique équilibré, sûr et au moindre coût pour le consommateur.

À nos yeux, nous l’avons dit et répété au cours de cette législature, les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec leurs logiques de profit à court terme, ne peuvent nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique, qui nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics.

Ces considérations nous conduisent à approuver les dispositions de l’article 2, qui interdit la valorisation des garanties d’origine de la production d’électricité renouvelable bénéficiant déjà d’un soutien public. En empêchant que la production d’électricité renouvelable ne bénéficie à la fois d’un soutien sous la forme d’obligation d’achat et de la valorisation des garanties d’origine attachées à la production de cette électricité, nous limitons les effets d’aubaine.

N’en déplaise à certains de nos collègues, le Conseil d’État abonde en ce sens, lorsqu’il souligne dans son avis que la situation actuelle « n’a pas de justification, si l’on prend en considération l’ampleur de l’effort financier nécessaire pour soutenir le développement des énergies renouvelables, la maturité économique atteinte par certaines filières et le fait que le soutien à ces énergies est supporté par les consommateurs d’électricité eux-mêmes. »

Pour les mêmes motifs, nous sommes opposés aux dispositions de l’article 3, qui introduisent une réfaction des coûts de raccordement des productions à partir d’énergies renouvelables, qui sera supportée in fine par les consommateurs via les tarifs d’utilisation des réseaux. Les énergies renouvelables, en effet, disposent déjà d’un mécanisme de soutien pour rentabiliser leurs projets.

En introduisant le principe de réfaction pour les installations de production, les coûts de raccordement non supportés par les producteurs seront répercutés dans le tarif d’acheminement national, ce qui revient à faire payer deux fois aux consommateurs le soutien aux énergies renouvelables, directement par la CSPE et, de manière déguisée, par le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité – TURPE.

Nous avons bien compris que l’effet de l’élargissement de la réfaction tarifaire sur le TURPE sera modeste.

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Très modeste !

M. André Chassaigne. La Commission de régulation de l’énergie estime en effet que l’application d’un taux de réfaction de 40 % devrait être compensée par une hausse du tarif de seulement 0,65 %. Il reste que l’ambition du texte est d’accélérer l’implantation d’installations d’énergies renouvelables, notamment en milieu rural, où le coût de raccordement est souvent plus élevé qu’en milieu urbain, et de transformer une fois de plus le consommateur en « vache à lait » et pourvoyeur de dividendes.

Nous avions déjà, lors des débats sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, souligné la nécessité de faire de la transition énergétique une priorité réelle de la politique économique et budgétaire de la nation. Plutôt que d’y consacrer les moyens nécessaires, le Gouvernement et sa majorité ont largement misé sur le soutien à l’initiative privée, en s’inscrivant dans une démarche d’ensemble tendant à la privatisation du secteur de l’énergie : renforcement du marché de capacité ; renforcement du marché de l’effacement, au profit de monopoles privés ; privatisation du secteur historique de l’hydroélectricité ; soutien financier actif aux opérateurs privés du secteur des énergies renouvelables. Cette politique conduit à offrir à de grands industriels des rentes confortables, sans que cela réponde à un quelconque objectif d’intérêt général.

Les ordonnances soumis à notre ratification en sont, de manière sous-jacente, l’illustration. Pour cette raison, et bien que nous soyons favorables aux mesures relatives à l’autoconsommation et au développement du mix énergétique, nous ne pourrons émettre un vote favorable sur ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis cet après-midi vise d’une part à ratifier deux ordonnances prises cet été par le Gouvernement sur la base de l’article 119 de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, d’autre part à adapter et compléter les dispositions législatives relatives notamment aux gestionnaires de réseaux de transport et de distribution de gaz naturel, aux garanties d’origine pour les installations sous obligation d’achat et aux conditions de raccordement des énergies renouvelables aux réseaux publics d’électricité.

Tout cela ayant déjà été développé par mes collègues, je rappellerai simplement que la ratification de la première ordonnance a pour objectif de faciliter le développement de l’autoconsommation d’électricité. Elle définit clairement les opérations d’autoconsommation, en particulier collective, les conditions d’assujettissement de ces installations au tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité et les modalités de recours à des expérimentations. La ratification de cette ordonnance est un signal fort d’encouragement de l’autoconsommation électrique à partir d’énergies renouvelables, qui marque une nouvelle étape dans l’application de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

La ratification de la seconde ordonnance permettra quant à elle une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché, notamment en supprimant le plafond législatif de douze mégawatts applicable aux installations sous obligation d’achat et en étendant à l’ensemble des contrats d’achats la possibilité qu’ont les producteurs de céder leurs contrats à de nouveaux organismes agréés par l’État. Elle permettra également une meilleure intégration des énergies renouvelables au système électrique. Elle prévoit enfin, pour les appels d’offres, une procédure de dialogue concurrentiel plus adaptée à certaines filières.

Ce projet de loi traite aussi d’un certain nombre d’autres sujets.

L’article 2, qui a beaucoup fait parler de lui, distingue, dans le but d’éviter le cumul des soutiens, entre d’une part les productions d’énergies renouvelables bénéficiant d’un mécanisme de soutien et financées par les consommateurs d’énergie qui acquittent les contributions alimentant le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », notamment la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, et d’autre part les productions d’énergies renouvelables ne bénéficiant pas d’un mécanisme de soutien et financées par les consommateurs d’énergie verte qui ont acquis des garanties d’origine. Toutefois, le texte ne prévoit pas de valorisation de la traçabilité des énergies renouvelables ayant bénéficié de soutien.

Lors de l’examen du texte par la commission des affaires économiques, nous avions fortement insisté sur la nécessité de trouver un mécanisme de traçabilité de l’électricité verte qui soit distinct de toute valorisation monétaire. La détermination du caractère renouvelable des énergies, quelle que soit la solution de traçabilité utilisée, devrait revenir de droit aux producteurs et ne devrait pas pouvoir faire l’objet d’un échange marchand. Il faut que les consommateurs puissent connaître la quantité d’énergie produite à partir de sources renouvelables que contient l’offre commerciale contractée auprès de leur fournisseur d’énergie.

Je suis particulièrement satisfaite de la solution que la rapporteure, Mme Béatrice Santais, a finalement trouvée et qui sera soumise à notre vote tout à l’heure : elle consiste à ce que l’État, et non plus des producteurs, détienne le bénéfice des garanties d’origine pour l’électricité produite sous mécanisme de soutien ; l’État mettra ensuite ces garanties d’origine aux enchères auprès des fournisseurs d’énergie intéressés, lesquels pourront s’en servir pour proposer des offres vertes aux consommateurs. Cela permettra de valoriser la traçabilité tout en allégeant la facture de l’ensemble des consommateurs, les recettes tirées de la mise aux enchères venant réduire les charges du service public de l’électricité.

L’article 3 élargit aux producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables le bénéfice de la réfaction tarifaire pour le raccordement au réseau électrique, jusque-là réservé aux seuls consommateurs.

L’article 4 précise les missions assurées par les gestionnaires de réseau de transport et de distribution de gaz naturel dans le cadre de la conversion prochaine du réseau de gaz naturel à bas pouvoir calorifique, utilisé notamment dans le nord de la France, en réseau de gaz à haut pouvoir calorifique, comme dans le reste du réseau français. Il semble important de traiter cette question aujourd’hui étant donné l’ampleur de ce projet de conversion.

Le présent projet de loi est donc particulièrement technique et je veux saluer le travail de Mme la rapporteure, qui a su appréhender  les enjeux des ordonnances et de ce texte.

Je dirais pour conclure qu’il était nécessaire de clarifier et d’encadrer l’autoconsommation, qui va prendre de l’essor dans les années à venir et contribuer à atteindre les objectifs fixés par la loi, mais qu’il faut anticiper l’apport de cette nouvelle source d’énergie tout en assurant la bonne gestion du réseau. La ratification de ces deux ordonnances et l’adoption de ces précisions législatives sont nécessaires parce qu’elles amplifient encore la volonté du Gouvernement de renforcer les énergies renouvelables en facilitant le développement de leur autoconsommation et en améliorant leur intégration au marché électrique. C’est un pas de plus vers les objectifs fixés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, que nous avons tous à cœur d’atteindre pour le bien des générations futures. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Premat.

M. Christophe Premat. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires économiques, mesdames et messieurs les députés, renforcer la consommation des énergies renouvelables, faciliter le développement de leur autoproduction et de leur autoconsommation tout en définissant mieux leurs contours, permettre une meilleure intégration de ces énergies au marché électrique et au marché du gaz tout en veillant à sécuriser les installations, mettre en cohérence notre code de l’énergie au regard des nouvelles procédures d’appel d’offres, voilà brièvement résumés les principaux objectifs du présent projet de loi.

À travers les quatre articles qu’il contient, ce texte permet de parachever en quelque sorte la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte que nous avons adoptée en août 2015, loi qui fixe l’objectif ambitieux mais néanmoins accessible de porter la part des énergies renouvelables à un tiers de la consommation finale brute d’énergie d’ici à 2030. À titre de comparaison, le Danemark, pionnier de l’électricité éolienne et pays dont la production par habitant d’électricité à partir du vent est la plus forte, vise une production énergétique issue à 100 % des énergies renouvelables en 2050.

L’article 1er du projet de loi ratifie deux ordonnances de juillet et août 2016 relatives respectivement à l’autoconsommation d’électricité et à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables et adapte aux énergies renouvelables les dispositions applicables aux réseaux de distribution de gaz et d’électricité.

La première ordonnance donne une définition large de l’autoconsommation, qui inclut la possibilité pour un groupe de producteurs et de consommateurs de consommer collectivement tout ou partie de l’électricité qu’ils produisent. Elle fait obligation aux gestionnaires de réseau de faciliter les opérations d’autoconsommation. Elle organise l’établissement d’une tarification de l’usage du réseau adaptée aux installations en autoconsommation. Elle offre enfin aux installations en autoconsommation de petite taille la possibilité d’affecter sans frais le surplus de leur production aux pertes du réseau.

La seconde ordonnance permettra, quant à elle, une meilleure intégration des énergies renouvelables au marché électrique et étend à l’ensemble des contrats d’achats la possibilité pour les producteurs de céder leurs contrats à de nouveaux organismes agréés par l’État. Elle assurera une meilleure intégration des énergies renouvelables au système électrique et autorise l’utilisation, pour les appels d’offres, d’une procédure de dialogue concurrentiel plus adaptée.

L’article 2 du projet de loi vise à développer les projets de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables en favorisant l’émergence de nouveaux modèles de financement fondés sur la valeur de la garantie d’origine, qui permet de prouver qu’une certaine quantité d’électricité produite est d’origine renouvelable. Dans ce domaine, force est de constater que nos voisins européens ont depuis plusieurs années une longueur d’avance : en 2012, l’Allemagne et l’Italie étaient respectivement les premier et deuxième producteurs mondiaux d’électricité solaire, le Royaume-Uni le leader mondial pour l’éolien en mer ; l’Espagne, quant à elle, se situait au troisième rang pour la production d’électricité d’origine éolienne, derrière les États-Unis et la Chine, au quatrième rang pour la production d’électricité solaire et au deuxième rang pour la production d’électricité solaire thermodynamique.

Le coût du raccordement au réseau se révélant un obstacle pour la réalisation de certains projets, l’article 3 étend le bénéfice de la réduction tarifaire pour le raccordement au réseau électrique aux installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables. Cette mesure, qui concerne plus particulièrement le milieu rural, aura pour effet de diminuer le coût du raccordement au réseau pour le consommateur, tout en ayant un impact négligeable sur le tarif d’utilisation du réseau et sur la facture du consommateur.

L’article 4 précise les missions assurées par les gestionnaires de réseau de transport et de distribution de gaz naturel dans le cadre de la conversion prochaine du réseau de gaz naturel à bas pouvoir calorifique situé dans le nord de la France en vue de l’alimenter en gaz à haut pouvoir calorifique, comme le reste du réseau français. Cette conversion permettra de préparer la réduction des livraisons de gaz naturel à bas pouvoir calorifique en provenance des Pays-Bas, en assurant la continuité d’approvisionnement des 1,3 million de clients concernés, qui représentent aujourd’hui 10 % de la consommation française.

Compte tenu de l’ampleur du projet et de la nécessité de prévenir tout risque pour la sécurité des biens et des personnes, en veillant en particulier à l’adaptation et au bon réglage des appareils et équipements gaziers des consommateurs concernés, il est proposé que les gestionnaires de réseaux de distribution assurent la coordination des opérations de conversion et d’adaptation des installations raccordées à leur réseau.

On aurait pu introduire un article précisant que la réalisation du raccordement par le producteur, dans les conditions techniques définies par le gestionnaire de réseau, est un droit du producteur – alors que le code de l’énergie prévoit que le producteur peut exécuter « à ses frais exclusifs les travaux de raccordement par des entreprises agréées par le maître d’ouvrage selon les dispositions d’un cahier des charges établi par le maître d’ouvrage ». Tel est le sens de l’amendement que Sabine Buis, Patrick Mennucci, Jean-Luc Bleunven et moi avons déposé après l’article 4.

Comme cela a été dit, la publication de la programmation pluriannuelle de l’énergie, le 27 octobre dernier, constitue un élément essentiel de la transition énergétique car elle donne des perspectives aux entreprises et permet la création des emplois de la croissance verte, rend irréversible la transition énergétique et le développement des énergies renouvelables et, surtout, place la France au premier rang des pays du monde qui ont commencé d’appliquer concrètement l’accord de Paris sur le climat.

Monsieur le président, mes chers collègues, à travers ce projet de loi il nous est demandé d’adopter des dispositions qui permettent de mettre en œuvre une transition non seulement énergétique mais aussi comportementale face à la consommation d’énergie, et ce par une évolution très progressive d’une politique de production centralisée à une production décentralisée.

Ce texte permettra à la France d’intégrer pleinement le smart grid, le réseau intelligent de distribution d’électricité, grâce à l’optimisation de la production, de la distribution et de la consommation d’énergie, pour rendre plus efficient l’ensemble des mailles du réseau électrique, du producteur au consommateur final, pour améliorer l’efficacité énergétique en minimisant les pertes en lignes et pour rendre optimaux, en temps réel, les moyens de production par rapport à la consommation.

Le smart grid suppose surtout une implication croissante des consommateurs dans la production et permet, ce faisant, d’éviter la surproduction et les consommations superflues : il permet donc d’améliorer les économies d’énergie et l’efficacité énergétique.

Ce projet de loi nous renvoie également à la question de la sécurisation de l’approvisionnement, alors que treize des cinquante-huit réacteurs du parc français  ont été mis à l’arrêt par l’Autorité de sûreté nucléaire, dont quatre pour une durée prolongée, et que d’autres devraient l’être en janvier. En cette période hivernale, où la   sollicitation énergétique est plus forte, et dans un contexte de demande toujours croissante, la France, grâce au présent texte, s’inscrit progressivement dans un mouvement européen d’amélioration de la sécurisation de l’approvisionnement énergétique, que la Commission européenne encourage dans le clean energy package  publié le 30 novembre dernier, avec l’objectif d’éviter une rupture d’approvisionnement, voire le black out que certains de nos voisins ont eu à déplorer. La nécessité d’une Europe de l’énergie a aussi été rappelée lors du Conseil européen de la semaine dernière.

En intégrant les énergies renouvelables et en augmentant leur part dans le mix énergétique, ce projet de loi accompagne la mutation du secteur de l’énergie impulsée par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte. La France se dote enfin d’une politique volontariste en matière d’énergies renouvelables en associant des mesures économiques et des mesures légales ; à nous, mes chers collègues, de permettre que cette politique s’accompagne, partout sur le territoire, d’une transition comportementale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. Bertrand Pancher. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer sur la ratification de deux ordonnances relatives, l’une à l’autoconsommation d’électricité, l’autre à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables.

Tout d’abord, les députés du groupe de l’Union des démocrates et indépendants saluent le choix du Gouvernement de saisir le Parlement pour ratifier ces ordonnances, même s’il est évident que l’étude d’impact qu’il a réalisée présente des insuffisances notoires, sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir. Je veux ensuite réaffirmer notre soutien à un développement durable, lequel passe inévitablement par une décarbonisation de l’énergie que nous consommons.

Si le caractère technique des mesures que nous examinons aujourd’hui est indéniable, elles n’en sont pas moins indispensables pour soutenir la production d’énergie renouvelable dans notre pays. Il s’agit d’un devoir pour la France qui doit, après le succès de la COP21, s’ériger en exemple en Europe et dans le monde. Notre rôle de parlementaires est donc de veiller à établir les conditions favorables à la montée en puissance des énergies renouvelables.

S’agissant du projet de loi, le groupe UDI ne peut que soutenir la ratification de l’ordonnance relative à l’autoconsommation d’électricité. De fait, chacun d’entre nous constate dans son territoire que les initiatives visant à exploiter des sources d’énergies décentralisées et locales sont de plus en plus nombreuses. D’ailleurs, selon le ministère de l’environnement, l’autoconsommation d’électricité connaît une croissance dynamique. Alors qu’elle représentait 3,4 % de l’électricité consommée en 2011, elle en représentait déjà 4,2 % trois ans plus tard. Au même moment, nous constatons une forte hausse des demandes de raccordement au réseau, nouvelle preuve de l’engouement pour la production locale d’électricité.

Certes, la production décentralisée d’électricité à partir d’énergies renouvelables ne permettra pas à elle seule d’atteindre nos objectifs en matière de production de ces énergies. Mais elle est, à n’en pas douter, l’un des moyens pour y parvenir. Les améliorations apportées au cadre légal par la première ordonnance sont donc bienvenues.

Les petits producteurs d’électricité pourront vendre directement leur surplus, jusqu’à un certain plafond, sans passer par un intermédiaire, ce qui est une bonne nouvelle. De même, l’autoconsommation collective sera reconnue, ce qui devrait donner un coup de pouce aux entreprises et aux particuliers qui se lancent dans des projets de production d’électricité à partir d’énergies renouvelables à petite échelle. Enfin, l’instauration à terme d’un « micro-TURPE » permettra d’éviter tout effet d’aubaine et de garantir une contribution équitable de chaque producteur au maintien d’un réseau public de transport d’électricité de qualité. C’est le nouveau modèle, mondial et national, de la digitalisation de la production d’énergies et, bien entendu, de son contrôle.

Pour ce qui concerne la deuxième ordonnance, relative à la production d’électricité à partir des énergies renouvelables, nous n’avons pas non plus d’objection à formuler. La suppression du plafond de 12 mégawatts requis pour bénéficier de l’obligation d’achat ou du complément de rémunération devrait permettre de stimuler l’installation d’unités de production d’énergies renouvelables, qu’elles soient issues de la filière solaire, de la biomasse, du biogaz ou de l’éolien. C’est là une priorité au regard des objectifs que nous nous sommes fixés pour rééquilibrer le bouquet énergétique français.

La possibilité de recourir à d’autres procédures de mise en concurrence que l’appel d’offres est une autre bonne nouvelle pour les collectivités et les investisseurs soucieux de se lancer dans des projets de production d’énergie renouvelable.

Les députés du groupe UDI notent aussi avec satisfaction que l’extension à l’outre-mer de la priorité d’appel pour les installations produisant de l’électricité à partir d’énergies renouvelables dans les zones non interconnectées devrait permettre d’encourager et de faciliter le développement de ces énergies dans ces territoires à très fort potentiel.

S’agissant des dispositions législatives que le Gouvernement a souhaité nous soumettre en complément des deux ordonnances, nous avons cependant quelques critiques à faire et quelques questions à poser. Premièrement, nous aurions souhaité que l’étude d’impact du Gouvernement soit plus précise quant aux conséquences de l’article 2, qui met fin à la valorisation des garanties d’origine. En effet, si nous ne sommes pas en désaccord avec l’objectif poursuivi par le Gouvernement – rationaliser les soutiens à la production d’électricité renouvelable en empêchant le cumul d’un soutien sous la forme d’obligation d’achat et de la valorisation des garanties d’origines –, nous nous interrogeons sur l’impact d’une telle mesure sur la traçabilité de l’électricité consommée. Dans la mesure où des consommateurs souscrivent à une fourniture d’électricité issue des énergies renouvelables, il convient de faire en sorte que les producteurs puissent leur garantir l’origine de l’électricité qui leur est vendue.

Mme la rapporteure s’est engagée en commission à ouvrir des discussions avec le Gouvernement pour trouver un mécanisme de traçabilité adéquat – nous serons attentifs aux propositions qui devraient nous être faites dans quelques instants. Au passage, nous saluons le travail effectué par Mme la rapporteure, qui, en dépit des informations parcellaires figurant dans l’étude d’impact, a su faire preuve de pédagogie et produire un rapport étayé sur ce sujet très technique.

Nous souscrivons à l’évolution qu’elle a proposée à l’article 3 afin que soient prises en compte les spécificités de l’installation d’éoliennes offshore. Cette source d’énergie présente un fort potentiel pour notre pays et il est regrettable que le déploiement de tels projets ait pris autant de retard, d’autant que d’autres pays européens ont déjà su tirer les bénéfices de cette technologie.

Nous soutenons le principe de l’extension du bénéfice de la réfaction tarifaire à la production d’électricité à partir d’énergies renouvelables, dans la mesure où le coût du raccordement peut constituer un réel obstacle à l’installation d’unités productrices d’énergies renouvelables, notamment en milieu rural où ce raccordement coûte souvent plus cher qu’en milieu urbain.

Enfin nous accueillons favorablement le dispositif qui, à l’article 4, tend à garantir la conversion du réseau de gaz dans la région Hauts-de-France afin d’assurer la distribution d’un gaz à haut pouvoir calorifique. Selon l’étude d’impact, le coût des investissements anticipés pour mener à bien cette conversion devrait s’élever à 650 millions d’euros, dont 400 millions pour les opérations réalisées directement chez le consommateur final. La charge totale moyenne serait de 38 euros pour le consommateur lambda. À ce sujet, je n’ai qu’une question : comment entend-on répercuter concrètement cette charge sur les consommateurs ?

En définitive, les députés du groupe UDI souscrivent largement aux évolutions que le Gouvernement a souhaité apporter au marché de l’électricité en vue de stimuler la production d’énergies renouvelables. C’est donc sans état d’âme que nous voterons ce texte.

M. François-Michel Lambert. Merci !

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article 1er

(L’article 1erest adopté.)

Après l’article 1er

M. le président. Je suis saisi d’un amendement n30, portant article additionnel après l’article 1er.

La parole est à Mme Béatrice Santais, rapporteure, pour soutenir cet amendement, que la commission a souhaité reprendre.

Mme Béatrice Santais, rapporteure. La commission souhaite en effet reprendre cet amendement qui concerne l’exonération de la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, dans le cadre de l’autoconsommation.

Aujourd’hui, seuls les petits producteurs d’électricité, qui consomment intégralement l’électricité qu’ils produisent pour les besoins de leur activité, sont exonérés de CSPE. Il nous paraît légitime d’étendre cette disposition aux autoproducteurs qui réinjectent une part de l’énergie produite dans le réseau. En effet les autoproducteurs sont rarement en mesure de consommer toute l’électricité qu’ils produisent.

Le seuil prévu d’1 mégawatt garantira d’autre part que les autoconsommateurs qui bénéficient de l’exonération de CSPE exploitent des installations de taille modeste. Il s’agit d’éviter les effets d’aubaine.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Alors que le développement de l’autoconsommation est un objectif majeur de la loi de transition énergétique, l’appel d’offres relatif à l’autoconsommation, lancé en août dernier, a permis d’identifier un frein important au développement du dispositif. En effet, le régime fiscal actuel d’incitation au développement de l’autoconsommation privilégie des situations spécifiques, celles où le producteur consomme l’intégralité de sa production sans en réinjecter dans le réseau. L’accompagnement fiscal des situations d’autoconsommation partielle n’est donc pas réellement incitatif.

C’est pourquoi le Gouvernement est favorable au présent amendement, qui tend à étendre le bénéfice de l’exonération de CSPE aux particuliers qui pratiquent l’autoconsommation et à toutes les installations de moins de 1 mégawatt en autoconsommation partielle, en contrepartie d’une taxation de leurs intérêts énergétiques, afin d’assurer la conformité de la disposition à la directive en matière de taxation de l’énergie.

Cet amendement nous semble de nature à inciter les particuliers à investir dans les énergies renouvelables. Aussi souhaitons-nous le voir adopté.

(L’amendement n30 est adopté.)

Article 1erbis

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Santais, rapporteure, pour soutenir l’amendement n27.

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Rédactionnel.

(L’amendement n27, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 1er bis, amendé, est adopté.)

Articles 1erter et 1erquater

(Les articles 1er ter et 1er quater sont successivement adoptés.)

Article 2

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, inscrit sur l’article.

M. Jean-Marie Sermier. Ce projet de loi permettant la ratification de deux ordonnances relatives à l’autoconsommation et à la production d’électricité est un texte important pour favoriser la transition énergétique et la croissance verte. Il est d’ailleurs regrettable que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire n’ait pas été saisie au fond – je parle sous le contrôle de son président Jean-Paul Chanteguet ici présent, qui, j’en suis convaincu, y aurait été très favorable.

Ceci étant dit, la demande d’électricité continue de croître en France comme dans le monde. Ainsi la consommation brute de notre pays s’établit pour l’année 2015 à 476 térawatt-heures, soit une augmentation de 2,3 % par rapport à 2014.

Pour respecter les engagements que nous avons pris dans le cadre de la COP21 et qui viennent d’être réaffirmés dans celui de la COP 22 de Marrakech, la France doit être capable de développer une énergie « zéro carbone » tout en maintenant son potentiel de production électrique. Je rappelle qu’en 2014, 77 % de l’électricité était d’origine nucléaire, et donc totalement décarbonée, 12 % d’origine hydraulique, également décarbonée, bien que la proportion d’électricité issue de cette source ait baissé par rapport à 2013 – l’hydraulique est en effet bien malmenée depuis quelque temps, notamment par les mesures visant à restaurer la continuité écologique des rivières qui vont à l’évidence priver notre pays d’un potentiel certain. Les 5 % restants étaient issus des énergies renouvelables.

Dans ce contexte, le mécanisme des garanties d’origine est essentiel car il permet d’assurer la traçabilité de l’énergie renouvelable et met  en relation le consommateur avec la source de production.

Or les dispositions de l’article 2 du projet de loi visent à interdire toute valorisation des garanties d’origine dans le cadre du mécanisme d’obligation d’achat ou de complément de rémunération. Une telle orientation est dommageable au développement des énergies renouvelables car la suppression des garanties d’origine ne favorise pas les investissements dans ces énergies.

C’est pourquoi, madame la ministre, nous attendons les propositions claires d’amélioration de cet article 2 que vous vous étiez engagée à nous faire lors du débat en commission.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour soutenir l’amendement n1, qui est un amendement de suppression.

M. Jean-Paul Chanteguet. Je répondrai tout d’abord à M. Sermier que l’énergie faisant partie des compétences de la commission des affaires économiques, il est normal que cette commission ait été saisie au fond.

Je retire l’amendement n1 que j’ai déposé avec d’autres députés, compte tenu des explications qui ont été fournies par Mme la rapporteure à propos de l’amendement n29 qu’elle présentera plus longuement dans quelques instants. En effet cet amendement permettra à l’État de vendre aux enchères les garanties d’origine. Je regrette simplement qu’on fasse à nouveau appel au dieu Marché.

M. Bertrand Pancher. C’est sûr.

(L’amendement n1 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n4.

M. Bertrand Pancher. Dans sa rédaction actuelle, l’article 2 vise à supprimer, comme cela vient d’être souligné, toute valorisation des garanties d’origine pour les énergies renouvelables bénéficiant d’un soutien public afin d’éviter toute double rémunération.

Cette démarche va totalement à contre-courant du développement des énergies renouvelables comme de leur traçabilité alors qu’il est important et légitime que le consommateur sache d’où provient l’électricité qu’il consomme.

L’amendement n4 vise, toujours en évitant une double rémunération, à proposer un dispositif vertueux reposant sur une émission des garanties d’origine au bénéfice de l’État et non des producteurs, sur la mise aux enchères de ces garanties d’origine auprès des fournisseurs intéressés, afin de continuer à proposer au consommateur final des offres vertes avec des garanties d’origine française, enfin sur l’affectation des recettes ainsi perçues au budget de l’État.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Il est défavorable parce que cet amendement est satisfait par l’amendement n33, que je présenterai dans quelques instants.

Il serait à mon sens préférable d’adopter l’amendement n33, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord votre amendement substitue aux alinéas 4 à 10 de l’article 2 un alinéa unique, ce qui revient à supprimer le régime de sanction qu’il prévoit pour les producteurs aidés qui continueraient à valoriser des garanties d’origine. Or ce régime de sanction constitue la condition sine qua non pour que le système d’enchères fonctionne : il faut pouvoir sanctionner tout producteur qui voudrait continuer à valoriser des garanties d’origine.

Par ailleurs, l’amendement n33 prévoit que la mise aux enchères ne concerne – je l’ai dit tout à l’heure – que les installations d’une puissance minimale installée de plus de 100 kilowatts. Or ce point est important pour des raisons de gestion : il existe en effet aujourd’hui près de 400 000 installations de taille plus réduite. Les prendre toutes en compte dans le cadre de la mise aux enchères nécessiterait un dispositif très complexe.

En outre, l’amendement n33 précise qu’il faut un prix minimal de vente de la garantie d’origine. L’offre de garanties d’origine étant aujourd’hui bien supérieure à la demande, il existe un risque de voir chuter leur valeur : la fixation d’un prix minimal est donc importante pour toutes les installations non aidées. Enfin, l’amendement n33 prévoit qu’un producteur aidé pourra toujours, afin de valoriser sa garantie d’origine, renoncer à l’aide, ce qui constitue une garantie juridique de plus.

Certes votre amendement était intéressant en matière de traçabilité mais l’amendement n33 est à mon sens plus complet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le député, l’une des difficultés que pose votre amendement est que le dispositif de subrogation directe que vous proposez n’est pas conforme au droit européen. Ceci dit nous partageons votre objectif de parvenir à un dispositif sécurisé. C’est pourquoi le Gouvernement se prononcera en faveur de l’amendement n33, que nous allons examiner dans quelques instant. J’apporterai alors des précisions qui, je l’espère, seront de nature à vous satisfaire. Je vous demande en conséquence de retirer l’amendement n4.

M. le président. Monsieur Pancher, acceptez-vous de retirer votre amendement ?

M. Bertrand Pancher. Je vous remercie, madame la rapporteure, madame la ministre, de vos explications et je retire mon amendement.

(L’amendement n4 est retiré.)

M. le président. Madame la rapporteure, puis-je considérer que vous avez déjà défendu l’amendement n33 ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n33. D’une part il répond à l’enjeu de traçabilité de l’électricité verte, ce qui est une nécessité absolue, tout en restant conforme au droit européen et en n’obligeant pas les plus petits producteurs à s’inscrire sur le registre.

D’autre part, il prévoit une date d’entrée en vigueur des enchères dont les modalités doivent être fixées par décret. Je m’engage devant vous à ce que ce décret soit pris dans les six mois et à ce qu’il fasse l’objet d’une large concertation : cela permettra au dispositif envisagé d’être opérationnel le plus rapidement possible.

C’est ainsi, me semble-t-il, qu’on rassurera les producteurs d’énergies renouvelables, ce qui est nécessaire : si nous voulons sortir d’un système de production qui ne fait pas la part belle aux énergies renouvelables, il faut leur donner des signes très positifs et pérennes. Aujourd’hui, notre pays est en train de se doter d’une législation qui lui permettra de passer à un autre stade de la production d’énergies renouvelables.

(L’amendement n33 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n19.

M. François-Michel Lambert. Je le retire.

(L’amendement n19 est retiré.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n8.

M. André Chassaigne. Je l’ai déjà défendu lors de mon intervention.

(L’amendement n8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour soutenir l’amendement n2 qui a fait l’objet d’un sous-amendement gouvernemental n31.

M. Laurent Furst. Cet amendement a été déposé à l’initiative de mon collègue Jean-Marie Tétart.

Les distributeurs d’électricité sont nombreux en France. À côté du distributeur principal existent les entreprises locales de distribution, ou ELD, qui distribuent 5 % de l’électricité et concernent 2 500 communes, ce qui est un nombre relativement conséquent.

Certaines entreprises, voire certaines collectivités peuvent craindre que la fixation par le ministre en charge de l’énergie, après consultation de la CRE, du taux de financement – jusqu’à 50 % – du coût du raccordement pèse lourdement sur leurs finances. En effet, le raccordement de nouvelles installations entrant dans le calcul du TURPE, le dispositif envisagé pourrait avoir de telles conséquences.

En définitive, c’est le rythmede raccordement qui est l’élément le plus important. En effet, un rythme excessivement rapide risque de poser des difficultés à certaines entreprises, notamment les plus petites.

Par conséquent, l’amendement n2 tend à préciser que le niveau de prise en charge est différencié selon le niveau de puissance de l’installation et selon la source d’énergie puisque les sources d’énergie sont différentes et supposent des charges extrêmement variables.

Au fond, la modification suggérée par l’amendement vise à distinguer les petits producteurs locaux, qui sont ceux qui ont le plus besoin d’un soutien financier, et les gros producteurs qui intègrent ce coût dans leur business-model dès le lancement du projet.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir le sous-amendement n31 à l’amendement n2.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement donnera un avis favorable sur l’amendement n2 si vous acceptez ce sous-amendement de précision. Il vise à laisser la possibilité de différencier le taux de réfaction en fonction de la nature et de la puissance de l’installation concernée, car il existe en effet différents types de producteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement ainsi que sur le sous-amendement ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. La commission est favorable à l’amendement n2 sous réserve de l’adoption du sous-amendement n31.

(Le sous-amendement n31 est adopté.)

(L’amendement n2, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n20.

M. François-Michel Lambert. Permettez-moi de saluer tout d’abord la démarche qui est celle de l’ensemble de nos collègues sur ce sujet : elle témoigne d’une incontestable volonté d’aller de l’avant. Je tenais à le préciser s’agissant d’un texte d’importance même s’il nous est soumis bien tardivement.

Pour permettre la réalisation des projets de production d’énergies renouvelables en mer, qui mobilisent des moyens importants, il est indispensable de prévoir un régime spécifique d’indemnisation des producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable en mer en cas d’indisponibilité prolongée des ouvrages de raccordement.

On aura bien compris que le raccordement au réseau est d’autant plus important que l’énergie est produite en mer. Afin de préserver le bilan des gestionnaires de réseau, il est donc nécessaire que ces indemnités soient couvertes par les tarifs d’utilisation du réseau public de transport et des réseaux publics de distribution, dans le cadre de la régulation incitative mise en place par la Commission de régulation de l’énergie.

L’amendement vise donc à modifier l’article L. 341-2 du code de l’énergie pour intégrer les indemnités qui seraient versées en cas d’indisponibilité prolongée des ouvrages de raccordement aux projets d’énergies renouvelables en mer dans les coûts supportés par les gestionnaires de ces réseaux qui font l’objet d’une couverture par les tarifs d’utilisation spécifiques.

Vous comprendrez l’importance d’une certaine réassurance pour les porteurs de projets : c’est tout le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Il est défavorable. Aujourd’hui, tout se décide dans le cadre des clauses du CART, le contrat d’accès aux réseaux de transport. Ce sont les producteurs qui prévoient le montant des indemnités dues par RTE en cas d’indisponibilité, programmée ou non, des ouvrages de raccordement. Dès le début de 2017 la CRE lancera une consultation publique sur la nécessité de mettre en place des dispositifs complémentaires.

La commission n’est donc pas défavorable par principe mais parce que les choses devraient être réglées dans les semaines ou les mois qui viennent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Monsieur le député, votre préoccupation est tout à fait légitime et partagée par le Gouvernement. Le développement des énergies renouvelables passe nécessairement par une amélioration du raccordement au réseau. Mais le cas que vous évoquez est déjà prévu par le code de l’énergie. En effet le cahier des charges des appels d’offre éoliens en mer prévoit explicitement que la durée du contrat d’achat sera prolongée d’une durée équivalente à celle de l’indisponibilité du câble de raccordement afin de compenser la perte de production du producteur. Il est également prévu que le producteur puisse bénéficier de compensations tarifaires dans le cadre de la clause d’imprévision du cahier des charges.

Il ne paraît donc pas nécessaire de prévoir une disposition législative supplémentaire. C’est pourquoi le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. J’imagine que si vous l’avez déposé c’est parce que les opérateurs ignoraient l’information que je viens de vous donner : il est donc nécessaire que nous donnions une plus grande visibilité à ces dispositions.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Nous construisons intelligemment la loi ce soir. Il est vrai que tout n’a pas à être inscrit dans la loi. En revanche, il convient de rappeler  clairement certaines dispositions. Je remercie Mme la rapporteure et Mme la ministre d’avoir envoyé des signes aussi clairement positifs aux porteurs des projets. C’est la raison pour laquelle je retire l’amendement.

(L’amendement n20 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n17 rectifié.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

(L’amendement n17 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)

(L’article 3, amendé, est adopté.)

Article 4

(L’article 4 est adopté.)

Après l’article 4

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n7.

M. François-Michel Lambert. L’article L. 314-28 du code de l’énergie, tel que créé par l’ordonnance n2016-1059 du 3 août 2016 ratifiée par la présente loi, contredit l’article L. 2253-1 du code général des collectivités territoriales tel que modifié par la loi n2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

Cet amendement a pour but de mettre les deux dispositions législatives en cohérence, à la fois pour introduire de la stabilité et de la sécurité juridiques dans la réglementation et pour permettre aux communes d’accompagner pleinement la transition énergétique et les projets locaux de production d’énergie renouvelable, en les autorisant à participer aux projets à l’échelle territoriale la plus appropriée.

En effet, un projet de production locale d’énergie renouvelable présente des enjeux et suscite un engouement qui dépassent largement les strictes limites communales pour embrasser tout un bassin de vie, particulièrement s’il est accompagné d’une participation publique et citoyenne : tels sont les projets dont nous parlons ce soir et que nous voyons de plus en plus se développer. Les projets, surtout ceux qui sont accompagnés d’une participation publique ou citoyenne, doivent donc être appréciés à l’échelle non pas d’une commune mais d’un territoire au sens large, qui présente une cohésion géographique, économique, culturelle ou sociale.

L’objet de cet amendement est donc bien d’accompagner nos concitoyens vers la transition énergétique. Par-delà la seule visibilité technique, nous devons reconnaître et mettre en cohérence territoires et mobilisations citoyennes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Il est pertinent de mettre en cohérence les dispositions des deux textes, même si je ne suis pas certaine qu’ils se contredisent. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Favorable. Il convient en effet de mettre en concordance le code général des collectivités territoriales et le code de l’énergie.

(L’amendement n7 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n18.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. L’amendement renvoie à un décret le soin de fixer le contenu des données de consommation. Je rappelle que les articles L. 341-4 et L. 453-7 du code de l’énergie, tels qu’ils résultent de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, prévoient la mise à disposition des consommateurs des données de consommation. Un décret est nécessaire pour en préciser les modalités, s’agissant notamment des modalités de recueil du consentement du consommateur pour la transmission de ces données.

Cet amendement permettra donc l’application de ces mesures.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Favorable.

(L’amendement n18 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 14 et 21.

La parole est à M. Christophe Premat, pour soutenir l’amendement n14.

M. Christophe Premat. Cet amendement concerne les gestionnaires de distribution. Le texte visant à ratifier une ordonnance, il convient de trouver la bonne adéquation législative.

Le code de l’énergie, fondé sur des principes de centralisation et de normalisation, prévoie l’intervention du maître d’ouvrage, c’est-à-dire la personne physique ou morale au bénéfice de laquelle les travaux sont réalisés – en d’autres termes, le financeur. Cet amendement a pour objectif de préciser que la réalisation du raccordement par le producteur dans des conditions techniques définies par le gestionnaire de réseau est un droit du producteur.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n21.

M. François-Michel Lambert. Il est très important d’être le plus précis possible pour permettre aux projets de se déployer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Béatrice Santais, rapporteure. C’est un avis défavorable que la commission a émis sur ces amendements.

Les gestionnaires de réseaux sont responsables de l’ensemble des ouvrages du réseau qui entre dans leur concession. Il s’agit là d’une maîtrise d’ouvrage déléguée : je ne vois pas bien comment une maîtrise d’ouvrage pourrait être déléguée sans l’accord du maître d’ouvrage.

Cet amendement pose un problème de garantie d’optimisation du réseau en termes d’intérêt collectif. Le système électrique et le réseau sont des objets complexes, nous l’avons maintes fois répété aujourd’hui. Face à des projets visant à s’optimiser eux-mêmes, les gestionnaires de réseau sont là pour veiller à la cohérence de l’ensemble. Il est important d’en rester là pour l’instant.

Je sais qu’il n’est pas toujours simple pour les gestionnaires de réseaux et pour ceux qui travaillent avec eux de donner les autorisations nécessaires et de faire en sorte que les choses aillent vite et bien. Chacun connaît la résistance d’Enidis, par exemple. Toutefois, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit un délai de dix-huit mois maximum en matière d’autorisation, ce qui peut donner envie à Enidis de déléguer plus souvent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur ces amendements identiques. Il s’agit, pour dire les choses très clairement, de simplifier la procédure administrative de raccordement sans amoindrir les conditions techniques et la sécurité de la réalisation de celui-ci.

Je rappelle que la procédure de raccordement est déjà encadrée, notamment par l’article L. 342-2 du code de l’énergie, qui dispose que la maîtrise d’ouvrage déléguée s’exerce dans le cadre d’un cahier des charges établi par le gestionnaire de réseau et que les travaux sont exécutés par une entreprise agréée par ce dernier, ce qui garantit l’exécution des travaux dans les règles de l’art.

Il s’agit donc de faciliter le raccordement. Nous sommes régulièrement saisis par des collectivités auxquels Enidis ne répond pas rapidement parce qu’elle ne juge pas leurs réseaux prioritaires, ce qui provoque des pertes de temps réelles. Les projets de certains particuliers, notamment de logement, en souffrent, vous le savez.

Notre volonté est bien de simplifier la procédure sans amoindrir les règles, je le répète, puisque, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, la délégation du maître d’ouvrage suppose la signature d’accords avec des entreprises. Il faut bien reconnaître que les raccordements ne sont pas réalisés assez rapidement dans de nombreux territoires dont les réseaux ne sont pas jugés prioritaires. Il est inacceptable de faire attendre ainsi ces territoires ainsi que des particuliers et des entreprises.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, présidente de la commission des affaires économiques. Je tiens à soutenir l’avis défavorable émis par Mme la rapporteure sur ces amendements identiques.

Ces amendements ont été déposés au titre de l’article 88, ce qui ne permet ni de débattre d’une disposition ni de l’expertiser, comme Mme la rapporteure s’est engagée à le faire sur d’autres sujets. Il ne s’agit pas pour moi de me prononcer sur la pertinence de ces amendements mais de dire qu’il est pour le moins précipité de décider d’exclure ainsi de la procédure le maître d’ouvrage, en l’occurrence le gestionnaire de réseau.

C’est la raison pour laquelle je soutiens l’avis de la rapporteure : il convient de ne pas déstabiliser ce qui existe et de prendre le temps d’expertiser cette proposition en effectuant le même travail de fond que celui que notre rapporteure a déjà réalisé, notamment en procédant à l’audition des gestionnaires de réseau.

(Les amendements identiques nos 14 et 21 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Béatrice Santais, rapporteure, pour soutenir l’amendement n28.

Mme Béatrice Santais, rapporteure. Cet amendement vise à mettre en place, pour le raccordement des installations de biométhane, un dispositif de réfaction tarifaire similaire à celui prévu à l’article 3 pour l’électricité renouvelable. Il limite la mesure au raccordement des installations de biométhane dans les zones de plus de 100 000 clients bénéficiant d’un tarif « péréqué ».

Comme je l’ai souligné au cours de la présentation du texte, il est important d’avancer dans la réalisation des objectifs de développement du biogaz fixés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie : 1,7 térawattheure d’injection de biométhane dans le réseau de gaz en 2018 et 8 térawattheures en 2023. En facilitant les raccordements au réseau, cette mesure permettra de développer de beaux projets d’installations de biométhane.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Emmanuelle Cosse, ministre. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n28 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n6.

M. François-Michel Lambert. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n6 est retiré.)

Explication de vote

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour une explication de vote au nom du groupe Les Républicains.

M. Laurent Furst. Je note que le texte a connu des évolutions et je tenais à vous en remercier. Une question demeure, qui porte non pas sur le fond du texte mais sur le mode de gestion des certificats : comment l’État pourra-t-il les vendre et les récupérer ?

Moi qui suis très attaché à l’autoconsommation électrique, je pense que la technologie évolue si rapidement que nous en sommes arrivés à un point de bascule. Nous passons en effet d’un système, que l’Allemagne a beaucoup connu, de sortie de l’autoproducteur vers le réseau à un système d’autoconsommation avec stockage local sans sortie vers le réseau. Cette évolution importante conduira d’elle-même à de nouvelles évolutions législatives si l’autoproduction et l’autoconsommation se développement vraiment dans notre pays, ce que nous espérons tous car c’est une pratique très prometteuse.

J’ai affirmé précédemment que mon groupe s’abstiendrait sur le texte mais compte tenu des évolutions que j’ai évoquées et de l’écoute dont vous avez su faire preuve, et aussi parce que c’est Noël, nous le voterons. (Applaudissements sur plusieurs bancs.)

M. François-Michel Lambert. Très bien !

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Exercice par la Croix-Rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux

Deuxième lecture

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, relative à l’exercice par la Croix-Rouge française de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux (nos 4069, 4 140).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes.

Mme Juliette Méadel, secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes. Monsieur le président, madame la rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi que vous examinez ce soir répond à un engagement pris il y a deux ans par Président de la République en matière de rapprochement familial. L’adoption de ce texte permettra à la Croix-Rouge française de remplir une mission essentielle, celle qui consiste à réunir les membres d’une famille séparés par un conflit, une catastrophe naturelle ou une crise humanitaire.

Je voudrais que nous nous arrêtions quelques instants sur cette mission. Lorsque surviennent une guerre, un attentat, un accident collectif ou une catastrophe naturelle, des familles et des fratries sont séparées par la panique qui s’ensuit. Des enfants perdent leurs parents, des parents perdent leurs enfants. Avant tout processus de reconstruction, la mission la plus fondamentale est d’aider les victimes à retrouver leurs proches, pour leur permettre de redonner du sens à leur vie après avoir traversé de telles épreuves et de telles difficultés.

Cette mission n’a pas de prix. Le monde actuel n’est hélas pas exempt de drames, dont on a le sentiment qu’ils se multiplient de plus en plus vite, en particulier les déplacements massifs de population. La crise migratoire que nous connaissons n’a pas eu d’équivalent au cours des cinquante dernières années. Il faut remonter à la Seconde guerre mondiale pour retrouver des déplacements d’une telle ampleur. Cette crise qui frappe la zone euro-méditerranéenne nous concerne tous directement. Elle nous engage, ainsi que le Gouvernement qui a pris les dispositions nécessaires à l’amélioration de l’accueil de ces hommes, ces femmes et ces enfants sur notre territoire.

Je saisis d’ailleurs l’occasion de l’examen de cette proposition de loi pour remercier les élus locaux, les associations, les communautés religieuses et tous les citoyens qui se sont engagés pour aider à l’intégration de ces migrants, de ces familles en souffrance dans nos villes, nos régions et nos territoires. Ils contribuent ainsi à donner une belle image de la France, à nous-mêmes comme au monde, une France comme nous l’aimons, fraternelle, accueillante, généreuse, fidèle au fond à ce qu’elle a toujours été, c’est-à-dire une France qui refuse l’indifférence et le rejet de la différence. Je les en remercie et je salue le travail constant, réfléchi et responsable que vous avez mené, mesdames et messieurs les députés, ainsi que les services du ministère de l’intérieur.

J’en viens plus précisément au texte. Il répond pleinement aux attentes légitimes de la Croix-Rouge française en lui donnant les moyens de remplir cette belle mission de rapprochement familial tout en garantissant le strict respect de la vie privée et du droit à l’oubli des personnes recherchées. L’année dernière, 562 demandes de recherche ont été traitées par la Croix-Rouge et 23 familles ont été réunifiées grâce au travail de longue haleine de l’ensemble des salariés et bénévoles du Comité international de la Croix-Rouge. Songeons combien la vie de toutes ces personnes et de toutes ces familles a changé ! Ce rapprochement leur a probablement permis de se reconstruire, à tout le moins de retrouver une vie normale.

Ces demandes émanaient essentiellement de personnes séparées pendant la Seconde guerre mondiale. Hélas, les événements tragiques auxquels nous assistons auront nécessairement pour effet d’accroître les besoins dans les années à venir. Des centaines de personnes auront probablement besoin de l’aide de la Croix-Rouge pour retrouver leurs proches.

Le texte dont vous débattez aujourd’hui introduit trois dérogations dans le droit existant visant à permettre à la Croix-Rouge de réaliser sa mission de rétablissement des liens familiaux et en particulier d’obtenir des administrations d’État, des collectivités territoriales, des établissements publics administratifs, des organismes de Sécurité sociale et des organismes assurant la gestion des prestations sociales toutes les informations indispensables pour déterminer le sort des personnes recherchées.

Il appartient à ces organisations, sous le contrôle de la CADA – commission d’accès aux documents administratifs – d’apprécier le caractère indispensable des informations demandées, ce qui introduit dans le dispositif une certaine souplesse qui vise à éviter les demandes superflues ou celles excédant les limites de la mission de rétablissement des liens familiaux. La Croix-Rouge française pourra aussi obtenir communication des copies intégrales et des extraits d’actes d’état-civil et vérifier l’inscription d’une personne sur les listes électorales. En outre, l’article 4 de la proposition de loi rappelle les principes déjà appliqués par la Croix-Rouge française dans le traitement du rétablissement des liens familiaux, notamment celui qui impose de recueillir le consentement écrit de toute personne retrouvée avant communication de ses coordonnées aux membres de sa famille qui la recherchent.

Je remercie très chaleureusement Mme la rapporteure Françoise Dumas pour la qualité de son travail, sa détermination et son soutien à la Croix-Rouge française. Cet engagement est véritablement essentiel. Je veux remercier également le ministre de l’intérieur, Bruno Le Roux, qui, très occupé par les derniers événements, ne peut hélas participer à nos débats et m’a chargée tout à l’heure de vous transmettre ses excuses. S’il avait été des nôtres, il aurait eu à cœur de défendre en tant que ministre un texte qu’il avait lui-même déposé avec ses collègues sur le bureau de l’Assemblée nationale lorsqu’il était président du groupe socialiste – il n’y a pas si longtemps. Je remercie également vos collègues du Sénat et plus particulièrement Mme la rapporteure Marie Mercier pour les améliorations qui ont été apportées au texte. Nos assemblées savent se rassembler quand la cause est juste et indiscutable et qu’elle apporte de l’humanité à un monde marqué par la violence, les menaces et surtout une immense souffrance humaine à laquelle nous devons remédier autant que possible.

Je veux rendre hommage à la Croix-Rouge elle-même et profiter de l’examen de cette proposition de loi pour remercier une nouvelle fois, devant la représentation nationale, les 57 000 bénévoles et 18 000 salariés de la Croix-Rouge française, ainsi que l’ensemble des forces de secours, pour leur engagement exemplaire aux côtés des victimes, que j’ai pu constater dès les premières heures qui ont suivi l’attentat survenu à Nice le 14 juillet dernier.

Je tiens aussi à saluer l’action de la Croix-Rouge en faveur de la formation des Françaises et des Français aux gestes qui sauvent sur l’ensemble du territoire. Dans le contexte actuel marqué par de graves menaces terroristes, faire de chaque citoyen un acteur de sa propre sécurité et de celle des autres est un témoignage précieux de fraternité et de solidarité et est essentiel dans les moments que nous les vivons.

Je veux les remercier tous pour les missions qu’ils remplissent quotidiennement au service de nos concitoyens. Le Gouvernement soutient sans réserve cette proposition de loi et espère de cette assemblée un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Dumas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

Mme Françoise Dumas, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, chacun dans cet hémicycle connaît la Croix-Rouge française, son professionnalisme et le crédit considérable dont elle jouit. Elle est depuis cent cinquante ans la première des associations françaises, tant par la diversité de ses interventions dans le domaine de l’action sociale, médico-sociale, sanitaire et humanitaire, en France comme à l’étranger, que par la densité de son maillage territorial, qui compte 910 délégations locales, et de son réseau mondial constitué de189 sociétés nationales.

Parmi ses missions, celle du rétablissement des liens familiaux – RLF –, consacrée par les conventions de Genève de 1949 et par les protocoles additionnels de 1977, est peut-être moins connue du grand public. Elle est pourtant essentielle puisqu’il s’agit de réunir les membres d’une famille séparés par un conflit, une catastrophe naturelle ou une crise humanitaire, et ce depuis la Deuxième Guerre mondiale.

Cette mission se décline sous la forme de quatre activités : la recherche des membres d’une famille ; l’appui à la démarche de réunification familiale lorsque les proches sont retrouvés ; la transmission de nouvelles familiales lorsque tous les autres moyens de communication sont bloqués ou inaccessibles ; la délivrance de certains documents par le Comité international de la Croix-Rouge, pour faire valoir un droit, ou par les États – documents d’état civil, certificats, attestations.

Cette mission a été saluée par le Président de la République le 21 juin 2014, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la Croix-Rouge française. En réaffirmant son rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics, il s’est engagé à faciliter son action, notamment dans le cadre de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux.

Chacun ici connaît les chocs qui frappent notre monde, les guerres, les attentats, les crises que traverse la zone euro-méditerranéenne et les drames qui en résultent. Nous-mêmes, en France, accueillons sur notre sol des femmes, des hommes, des enfants, qui cherchent à se protéger du danger et à survivre.

Les chiffres sont terribles. Vous l’avez rappelé au Sénat, madame la secrétaire d’État : l’année dernière, plus d’un million de personnes sont ainsi arrivées sur le territoire de l’Union européenne et, au cours de la même période, environ 3 700 migrants ont trouvé la mort en traversant la Méditerranée. Face à ces drames, notre responsabilité est grande.

De fait, depuis deux ans, un nombre croissant de personnes ont dû quitter leur pays pour des raisons humanitaires et ont été violemment séparées de leur famille après avoir tout perdu, et parmi elles beaucoup de mineurs. La Croix-Rouge française peut aider ces familles, installées en France ou à l’étranger, à retrouver – par l’intermédiaire du Mouvement international de la Croix-Rouge – des proches desquels elles ont été séparées dans des situations de violence.

Si la demande de recherche d’un membre de la famille émane d’une personne installée à l’étranger, celle-ci doit s’adresser à la société nationale de la Croix-Rouge, qui formule ensuite une « demande entrante » auprès de la Croix-Rouge française si elle dispose d’indices laissant penser que cette personne est en France. Si la demande émane d’une personne installée en France et qu’elle est adressée à la Croix-Rouge française pour retrouver un proche disparu dans un autre pays, on parle de « demande sortante » : l’objectif est alors de mobiliser le réseau du Mouvement international de la Croix-Rouge pour retrouver la personne recherchée où qu’elle se trouve dans le monde.

Depuis 2014, le service de rétablissement des liens familiaux est confronté à une hausse significative des demandes entrantes et sortantes, vous l’avez rappelé, madame la secrétaire d’État. À titre d’illustration, 299 nouvelles demandes ont été reçues entre janvier et mai 2016 contre 200 l’année dernière.

Sont en revanche exclues les recherches de personnes disparues dans des conditions suspectes, les recherches généalogiques ou résultant d’une procédure d’adoption par exemple, pour lesquelles les services de la Croix-Rouge ne sont pas compétents. Il faut par ailleurs respecter le droit à l’oubli.

Dans une délibération du 24 mai 2012, la Commission nationale de l’informatique et des libertés – CNIL – a autorisé la Croix-Rouge française à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité le rétablissement des liens familiaux. La CNIL a en effet considéré la finalité poursuivie comme déterminée, explicite et légitime.

Dans cette délibération, elle a précisé que les données peuvent être collectées au moyen d’un formulaire de demande de recherche, établi par le Comité international de la Croix-Rouge et utilisé par l’ensemble du réseau du Mouvement international de la Croix-Rouge.

Il est donc essentiel d’apporter des réponses aux difficultés auxquelles la Croix-Rouge se heurte pour accéder à certaines informations détenues par l’administration sur des personnes recherchées par leurs proches. Nous avons travaillé près de deux ans avec les services du ministère de l’intérieur, que je tiens à saluer, afin qu’un consensus soit dégagé sur cette problématique.

Cette proposition de loi a été adoptée en première lecture à l’unanimité tant par l’Assemblée nationale, le 15 juin, que par le Sénat, le 29 septembre – je tiens à remercier ma collègue Marie Mercier, avec qui j’ai travaillé de façon très positive.

Concrètement, la présente proposition de loi vient pallier les difficultés rencontrées par la Croix-Rouge pour accéder à certaines données utiles à leurs recherches, plus précisément pour obtenir des administrations de l’État, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics administratifs, des organismes de Sécurité sociale et des organismes assurant la gestion des prestations sociales communication de certains documents ou données à caractère personnel, qui ne sont en principe communicables qu’à l’intéressé ; demander directement aux officiers d’état-civil dépositaires des actes les copies intégrales et d’extraits d’actes d’état civil des personnes recherchées ; saisir le représentant de l’État afin de vérifier si une personne est inscrite sur les listes électorales et, le cas échéant, prendre connaissance des données relatives à cette personne.

Cette proposition de loi précise également les conditions dans lesquelles un tiers peut être informé du sort de la personne recherchée : si elle est vivante, les informations relatives à cette personne ne peuvent être communiquées qu’avec son consentement écrit ; si elle est décédée, la Croix-Rouge française informe du décès et, le cas échéant, du lieu de sépulture les tiers qui le lui demandent.

À mon initiative, l’Assemblée nationale a donné compétence à la Commission d’accès aux documents administratifs – CADA – pour se prononcer sur une contestation par la Croix-Rouge française d’un refus implicite ou explicite de l’administration de lui communiquer les documents ou données qu’elle aura demandés.

Nos collègues sénateurs ont apporté au texte des précisions bienvenues. Par un amendement à l’article 3, ils ont étendu aux listes électorales consulaires le droit de la Croix-Rouge française de prendre connaissance des listes électorales communales, en lui permettant de saisir le ministre des affaires étrangères qui dispose d’un double de l’ensemble des listes tenues par les ambassades et les consulats pour les Français établis hors de France.

Le Sénat a également procédé à l’extension et aux adaptations nécessaires pour l’application de la proposition de loi dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative.

Il a rassemblé au sein d’un nouvel article 6 l’article 3 bis adopté par l’Assemblée nationale autorisant la Croix-Rouge française à saisir la CADA en cas de refus de communication de la part de l’administration et d’autres dispositions de coordination rendues nécessaires par l’adoption par le Parlement de nouvelles dispositions législatives, notamment la loi Pochon-Warsmann ou la loi pour une République numérique.

Par la même occasion, la commission des lois du Sénat a exclu, à juste titre, la compétence de la CADA s’agissant des contentieux relatifs à la copie et aux extraits des registres de l’état civil puisque ces services sont placés sous le contrôle de l’autorité judiciaire et que le contentieux relève de la juridiction judiciaire. Personnellement, je souscris à ces précisions.

Le 19 octobre, la commission des lois a donc adopté, à l’unanimité, en deuxième lecture, l’ensemble de la proposition de loi sans modification. Je vous invite, ce soir, à faire de même. Le texte pourra ainsi être promulgué avant la fin de l’année. En ces temps de troubles et de violences, qui rendent plus que jamais nécessaires les principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge – universalité, respect de la vie humaine, coopération entre les peuples, nous aurons fait œuvre utile.

Qu’il me soit permis, avant de conclure, de saluer à cette tribune les 50 000 bénévoles et 18 000 salariés de la Croix-Rouge française qui, sur le terrain, agissent de façon exemplaire, dans des conditions souvent très difficiles, pour le bien de tous, sans discrimination et avec dévouement. Ils honorent tous la notion même d’engagement associatif, plus que jamais indispensable à notre cohésion sociale, à la solidarité des peuples et à la paix dans le monde.

Je souhaite plus particulièrement avoir une pensée pour celles et ceux qui sont actuellement déracinés par les conflits et les guerres, notamment au Proche-Orient. En cette trêve de fin d’année, quelles que soient nos valeurs et nos croyances, nous avons l’opportunité d’adresser à toutes et à tous un message de paix et de fraternité. Je vous remercie de votre confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord excuser mon collègue Philippe Gosselin qui avait défendu avec ferveur ce texte en première lecture et qui aurait aimé être présent ce soir.

Nous sommes réunis aujourd’hui pour adopter de manière définitive une proposition de loi relative à l’exercice par la Croix-Rouge française d’une de ses nombreuses missions, qui n’est sans doute pas la plus connue du grand public. Cette mission, c’est celle qu’elle exerce en matière de rétablissement des liens familiaux.

Cette proposition de loi participe utilement au renforcement des moyens et, d’une certaine façon, des pouvoirs de la Croix-Rouge. Comme en première lecture, le groupe Les Républicains participera à l’unanimité et votera ce texte conforme pour permettre son adoption définitive.

Je voudrais à mon tour profiter de cette tribune pour rendre hommage au travail absolument remarquable accompli par la Croix-Rouge française. La Croix-Rouge française, vous l’avez dit, c’est un réseau extraordinaire de plus de 54 000 bénévoles, 18 000 salariés et un millier de délégations locales en France au service des plus vulnérables et d’un idéal de solidarité et de générosité.

Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, c’est aussi la plus grande et la plus ancienne organisation humanitaire mondiale. C’est un mouvement qui réunit les sociétés nationales de 189 pays et qui dispose d’un réseau extraordinaire de plusieurs millions de bénévoles dans le monde, réseau qui a été récompensé par quatre prix Nobel. La Croix-Rouge, c’est donc un grand motif de fierté internationale et française, mais c’est aussi un éternel défi, depuis ses origines en 1864.

Comme député d’une circonscription  de dimension internationale, qui comprend des zones de conflit, je connais toute l’importance de la mission de la Croix-Rouge et je ne peux donc que me réjouir de l’adoption de ce texte.

Cette mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge permet aux familles de retrouver un des leurs lorsque le contact a été rompu à cause d’une situation de conflit, de violences armées, d’une catastrophe naturelle ou de toute autre situation humanitaire.

Ces missions de la Croix-Rouge française ont pris une importance croissante du fait de l’abandon par le ministère de l’intérieur de sa mission de recherche dans l’intérêt des familles, qu’il assurait depuis la Première guerre mondiale et qui a pris fin au printemps 2013.

Le service qui accomplissait cette mission au sein du ministère de l’Intérieur a été dissous sans qu’aucune offre de substitution soit créée, les demandeurs potentiels étant invités à se tourner vers « les réseaux sociaux de l’Internet ». Vous comprendrez que c’est un peu léger – c’est un euphémisme.

Cette proposition de loi a donc vocation à renforcer les moyens opérationnels de la Croix-Rouge française pour l’exercice de cette mission dont l’État s’est déchargé assez brutalement. Elle précise les conditions dans lesquelles la Croix-Rouge aura accès à des données personnelles contenues dans des documents de nature administrative lorsqu’elles sont strictement nécessaires à la détermination du sort de la personne recherchée sur le territoire national.

Je veux également souligner l’équilibre de la proposition de loi : le dispositif permet le respect de la vie privée ainsi que le droit à l’oubli – droit important qui a besoin d’être réaffirmé aujourd’hui. En effet, lorsque la Croix-Rouge française parvient à retrouver la personne recherchée, cette dernière peut refuser d’entrer en contact avec sa famille. Elle peut aussi demander expressément à ce que les autres composantes du mouvement de la Croix-Rouge ne soient pas informées de l’issue positive des recherches.

Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, au nom de mon groupe je me réjouis que l’unanimité se fasse autour de ce texte comme elle s’est faite lors de son examen en première lecture. Nous ne pouvons que nous féliciter de l’amélioration de la proposition de loi par le Sénat, qui a réparé une omission en l’étendant aux collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative et en ajoutant diverses dispositions relatives aux Français vivant à l’étranger et aux listes consulaires disponibles dans les ambassades.

C’est donc avec sérénité, enthousiasme et conviction, madame la rapporteure, que le groupe Les Républicains vous apportera son soutien en votant – Noël approche ! – le dernier texte de cette année.

M. le président. La parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’issue de cette seconde lecture est attendue, s’agissant d’un texte consensuel, adopté à l’unanimité par nos deux assemblées.

Pourquoi présenter une proposition de loi relative à la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge ? – Parce que depuis plus de deux ans, un nombre croissant de personnes ont dû quitter leur pays pour des raisons humanitaires et se sont trouvées violemment séparées de leurs familles. Dans ces conditions, nous devons permettre à la Croix-Rouge de continuer à mener à bien l’une de ses missions, certes méconnue mais qui n’en est pas moins essentielle. Les crises humanitaires, les conflits armés, les menaces terroristes et les catastrophes naturelles entraînent des déplacements de population non contrôlés et, malheureusement, souvent dramatiques. Elles séparent des milliers de familles. Tenter de rétablir ou de maintenir les liens entre les membres d’une même famille en situation d’isolement et à la recherche de leurs proches disparus constitue précisément l’une des missions de la Croix-Rouge.

Avec 50 000 bénévoles et 18 000 salariés répartis au sein de 800 unités et 600 établissements, la Croix-Rouge française est aujourd’hui, tant par la diversité de ses interventions que par la densité de son maillage territorial, la première association de France. Elle exerce son action à l’étranger, en lien avec les 186 autres sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge réparties dans le monde.

La Croix-Rouge mène, depuis sa création en 1864, un combat incessant pour soulager les souffrances des hommes, des femmes et des enfants. Au fil du temps, elle s’est imposée, dans l’accomplissement de ses missions humanitaires, comme un véritable auxiliaire des pouvoirs publics.

Sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux trouve son fondement dans les quatre conventions de Genève de 1949 et les protocoles additionnels de 197, ratifiés par la France. Elle se décline en quatre activités : la recherche des membres disparus de la famille, la réunification de cette dernière, la transmission de nouvelles familiales et la transmission et l’obtention de documents émanant du Comité international de la Croix-Rouge ou délivrés par les États.

Ainsi, dans 190 pays, les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les délégations du Comité international de la Croix-Rouge travaillent ensemble pour retrouver la trace des membres des familles divisées à l’échelle internationale. Pour mener à bien cette mission, la Croix-Rouge doit recueillir les renseignements nécessaires pour retrouver les personnes recherchées et, à cet effet, solliciter les administrations centrales de l’État, ses services déconcentrés, les collectivités territoriales et divers établissements publics.

Cependant, on oppose régulièrement des refus à ses demandes de renseignements personnels. En accordant à la Croix-Rouge le bénéfice de dérogations ciblées lui donnant accès plus facilement à des données nominatives, cette proposition de loi entend mettre fin à ces difficultés. Nous approuvons ces différentes mesures, qui ont toute leur importance dans le contexte de la crise migratoire qui frappe notre continent.

La proposition de loi est en outre rendue nécessaire par la disparition, en 2013, de la mission de recherche dans l’intérêt des familles que le ministère de l’intérieur exerçait auparavant. En effet, cette procédure administrative, créée à l’issue de la Première guerre mondiale, a été abrogée par une circulaire du 26 avril 2013. L’abandon de cette mission par les services de l’État s’est traduit par la perte du principal point d’entrée du service de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge française auprès de l’administration.

Adopter cette proposition de loi, fruit d’un engagement du Président de la République, devrait permettre d’améliorer l’efficacité de la procédure de recherche, ce qui ne peut que renforcer la Croix Rouge dans sa démarche et dans l’accomplissement de sa mission.

Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe de l’Union des démocrates et indépendants  votera, comme en première lecture, en faveur de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette proposition de loi fait l’objet d’un large consensus à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Je tiens d’abord à saluer les interventions pétries d’humanité de Mme la secrétaire d’État et de Mme la rapporteure au début de ce débat.

Comme cela a été dit, l’objet de ce texte est simple : il s’agit de faciliter le travail de la Croix-Rouge dans le cadre de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux en lui accordant, par le biais de dérogations légales ciblées, un accès privilégié aux documents administratifs et aux traitements de données réalisés par l’administration, afin qu’elle puisse retrouver au plus vite une personne recherchée tout en garantissant la stricte confidentialité de ces données.

Consacré par les conventions de Genève de 1949, le rétablissement des liens familiaux est une mission historique du mouvement de la Croix-Rouge visant à réunir les familles séparées par les conflits armés, les catastrophes et les crises humanitaires. Cette mission recouvre diverses activités visant à prévenir les séparations et les disparitions, à rétablir et maintenir des liens entre les membres d’une famille et à faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues. Ces activités sont souvent liées à un soutien psychologique, juridique et matériel prodigué aux familles et aux personnes touchées, aux programmes de réinstallation ou de réinsertion et aux services de protection sociale. Sa mission comprend aussi des activités telles que la gestion des dépouilles humaines et l’identification médico-légale.

Aujourd’hui, face à l’augmentation des migrations pour raisons humanitaires, la facilitation de la mission statutaire de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge apparaît plus nécessaire que jamais. L’association constate en effet que les trois quarts des migrants ont perdu contact avec au moins un proche.

Soulignons également que les opérations visant à empêcher les réfugiés de traverser les frontières nationales au sein de l’Europe ont entraîné un grand nombre de pertes des liens familiaux. En effet, la fermeture des frontières, loin de dissuader les migrants de continuer leur périple, les pousse au contraire à se séparer. Comme le souligne l’Unicef, les parents se résolvent à faire voyager leurs jeunes enfants dans des conditions terribles, dans l’espoir que les frontières se rouvriront et qu’ils pourront poursuivre leur chemin.

De son côté, la Croix-Rouge déplore que « les contrôles aux frontières effectués au hasard et la criminalisation des déplacements irréguliers tendent à exposer les plus vulnérables, notamment les femmes et les enfants, à des risques plus importants, tels que la séparation familiale ».

Dans ce contexte préoccupant, la mission de rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge doit être favorisée. Or, il apparaît au contraire qu’elle est régulièrement entravée par le refus des administrations et des services publics de transmettre des données personnelles relatives aux personnes recherchées.

L’exercice de cette mission par la Croix-Rouge se révèle d’autant plus difficile que, depuis 2013, le ministère de l’intérieur a décidé de ne plus assurer la mission de recherche dans l’intérêt des familles qu’exerçaient les préfectures depuis la fin de la Première guerre mondiale. La suppression de cette procédure au motif d’un nombre trop faible de demandes, sans que soit proposée de solution de remplacement, a considérablement compliqué la tâche de la Croix-Rouge. Depuis ce désengagement de l’État, elle est ainsi devenue le seul recours des particuliers en matière de réunification familiale, alors même que le nombre de demandes a augmenté, en raison notamment de la situation migratoire en Europe.

Aussi les députés du Front de gauche soutiennent-ils pleinement cette proposition de loi qui vise à accorder aux officiers de recherche du rétablissement des liens familiaux de la Croix-Rouge française le bénéfice de dérogations ciblées leur permettant d’obtenir des administrations françaises la communication de documents ou données à caractère personnel, telles que les copies intégrales et extraits d’actes de l’état-civil, ou encore les inscriptions sur les listes électorales, dans le strict respect de la confidentialité et de la législation.

Rappelons aussi que la Croix-Rouge demande le consentement écrit préalable de toute personne souhaitant effectuer une recherche et de toute personne retrouvée avant communication de ses coordonnées aux membres de la famille qui la recherchent, afin de respecter la vie privée et le droit à l’oubli. Le partage d’informations et de données permis par cette loi permettra à la Croix-Rouge d’exercer pleinement sa mission de recherche et de maintien du lien familial, dans le respect de ses principes fondamentaux.

En définitive, les députés du Front de gauche et, plus largement, l’ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront une nouvelle fois en faveur de cette proposition de loi. Ils insistent toutefois à nouveau sur la nécessité pour l’État de prendre toujours davantage ses responsabilités, en particulier pour assurer la protection des réfugiés.

La tâche est certes difficile mais me revient, au moment de conclure, cette belle formule de Nelson Mandela : « Cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. » C’est une leçon que nous donnent au quotidien tant d’associations, au premier rang desquelles le mouvement Croix-Rouge. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Françoise Dumas, rapporteure. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Olivier Dussopt.

M. Olivier Dussopt. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, il me revient, à la fin de cette discussion générale, de dire le soutien qu’apporte le groupe socialiste, écologiste et républicain au texte porté par Mme Françoise Dumas avec opiniâtreté et constance depuis plusieurs mois, pour que nous puissions l’adopter ce soir.

Cela a été dit avant moi, mais il est utile de le rappeler : c’est à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire de la Croix-Rouge française, le 21 juin 2014, que le Président de la République a célébré à la fois le partenariat exceptionnel qui existe entre la République et l’association et réaffirmé son rôle d’auxiliaire des pouvoirs publics. Il s’est aussi engagé à faciliter son action, notamment dans le cadre de sa mission statutaire de rétablissement des liens familiaux. Tel est l’objet du texte qui nous réunit ce soir.

C’est également l’occasion de rappeler, après la rapporteure, que la Croix-Rouge française est la première association de notre pays par l’ampleur de son maillage territorial, composé de 800 unités et 600 établissements, avec 18 000 salariés et 53 000 bénévoles – vous comprendrez que je pense tout particulièrement à celles et ceux qui œuvrent au sein de la Croix-Rouge de l’Ardèche, le département dont je suis élu.

C’est l’occasion de dire aussi que la Croix-Rouge exerce ses missions au service de la population conformément aux sept principes fondamentaux du mouvement international de la Croix-Rouge : humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité. Elle le fait, soit à la demande de l’État, soit sur proposition de la Croix-Rouge française, sans coercition d’un côté ni de l’autre.

La Croix-Rouge française s’emploie, selon l’article 1er de ses statuts, « à prévenir et à apaiser toutes les souffrances, en toute impartialité et sans aucune discrimination ». Pour ce faire, elle intervient dans cinq secteurs d’activité : l’urgence et le secourisme, l’action sociale, la santé, la formation et la solidarité internationale. Elle s’engage également à apporter son aide dans toutes les calamités publiques et dans le domaine de la sécurité civile, ainsi qu’à agir, en cas de conflits armés, en faveur de toutes les victimes, tant civiles que militaires, à diffuser les principes fondamentaux de son mouvement et du droit international humanitaire et à rétablir les liens familiaux, afin de maintenir ou rétablir ces liens entre les membres d’une famille et de faire la lumière sur le sort des personnes portées disparues lors d’un conflit, d’une catastrophe ou de toute autre situation qui vient rompre les liens familiaux.

Pour souligner l’importance de ce dernier point, je rappelle que la Croix-Rouge française a instruit 922 dossiers personnels en 2015, ce qui correspond notamment à 562 demandes de recherche de personnes disparues et 23 regroupements familiaux suivis en France.

Les demandes de recherche doivent répondre à deux critères d’éligibilité : l’existence d’un lien familial et le fait que la cause de la rupture de contact soit liée à une situation de conflit ou de violences armées, une catastrophe naturelle ou d’origine humaine ou une situation humanitaire. Elles doivent aussi répondre à un critère de territorialité : les demandes « entrantes », qui proviennent de l’étranger et concernent une personne située en France, doivent obligatoirement émaner d’une société nationale de la Croix-Rouge, qui l’adresse pour traitement à la Croix-Rouge française, et les demandes « sortantes », qui émanent d’une personne vivant en France et visent à rechercher un membre de sa famille situé à l’étranger ou à rétablir le lien avec lui, sont transmises pour traitement par la Croix-Rouge française à la Croix-Rouge du pays concerné.

Au vu de l’ensemble des dispositions de ce texte – qu’elles y figurent depuis l’origine ou qu’elles aient été intégrées au cours de la discussion –, je salue le travail de notre rapporteure et les améliorations apportées par le Sénat, soutenues au fil de cette lecture, en particulier lors de leur adoption à l’unanimité par la commission des lois. Toutes ces dispositions renforceront les prérogatives de la Croix-Rouge et lui permettront d’obtenir plus facilement les informations nécessaires, tout en clarifiant le cadre dans lequel ces informations pourraient être transmises en cas de décès des personnes concernées. Elles permettront enfin de faire valoir ces droits s’ils doivent être défendus, notamment devant la commission d’accès aux documents administratifs.

Tout cela va dans le bon sens et le groupe socialiste se félicite de pouvoir enfin adopter définitivement ce texte. Nous faisons œuvre utile, ainsi que nous l’avons tous répété. Il est heureux que, ce soir, nous puissions le faire de manière collective et même unanime : merci à tous ! Nous voterons donc le texte qui nous est présenté. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

Articles 2 et 3

(Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.)

Article 3 bis

M. le président. La commission a maintenu la suppression par le Sénat de l’article 3 bis.

Articles 5 et 6

(Les articles 5 et 6 sont successivement adoptés.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, demain, à neuf heures trente :

Examen, selon la procédure d’examen simplifiée, de sept projets de loi autorisant l’approbation d’accords internationaux ;

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi de finances rectificative pour 2016 ;

Discussion, en lecture définitive, du projet de loi relatif à l’égalité et à la citoyenneté.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly