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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

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Ministère des affaires étrangères

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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes

en séjour irrégulier et de son protocole d’application

NOR : MAEJ1204211L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I SITUATION DE REFERENCE ET OBJECTIFS DE LACCORD ET DU PROTOCOLE

I – 1 Situation de référence

La France a reconnu le Kosovo le 18 février 2008, au lendemain de la proclamation de l’indépendance. Elle s’est impliquée activement dans le règlement de la question du Kosovo, en premier lieu en tant que membre du Groupe de contact, groupe d’États chargé de suivre la tutelle onusienne sur le Kosovo puis, après 2004, lors des négociations, sur le statut, menées par l’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies. En second lieu, la France assure une présence active sur le terrain et figure parmi les premiers contributeurs de la KFOR1 (Kosovo Force) et d’EULEX2 (European Union Rule of Law Mission). Des Français sont également présents au sein du Bureau civil international et de la Mission de l’OSCE au Kosovo (OMIK).

En matière de retours forcés, la procédure définie initialement entre la Mission des Nations-Unies pour le Kosovo3 et le ministère des Affaires étrangères, puis le ministère de l’immigration, de l’identité nationale, de l’intégration et du développement solidaire (MIIINDS) prévoit que l’identification des ressortissants kosovars en séjour irrégulier se fait à partir d’un dossier renseigné par les préfectures et transmis aux autorités compétentes françaises qui centralisent l'ensemble des demandes préfectorales.

Suite à l'indépendance du Kosovo, la MINUK (Mission d’administration Intérimaire des Nations Unies au Kosovo) des Nations Unies a transmis progressivement ses compétences au ministère des Affaires internes du Kosovo4.

Depuis le transfert de compétences entre la MINUK et le DBAM, le 1er novembre 2008, la politique en matière de retours a changé. Les autorités kosovares acceptent désormais les retours de tous leurs ressortissants, quelle que soit leur origine ethnique, dès lors qu'ils figurent sur les registres de l'état civil.

En 2009 et 2010, le Kosovo occupait le 1er rang en matière de demandes d'asile (asile politique et protection subsidiaire) en France5.

I – 2 Objectifs de l'accord et du protocole

L'accord et le protocole constituent des instruments de lutte contre l'immigration irrégulière. Ils ont été conclus afin de faciliter la coopération entre les deux pays en matière de réadmission des personnes en séjour irrégulier sur le territoire de l'une ou de l'autre Partie.

Le principe selon lequel un Etat doit réadmettre ses propres nationaux résulte du droit international, mais la conclusion de ce type d'accord permet de mettre en place des procédures particulières de réadmission et de faciliter ainsi le retour des personnes en séjour irrégulier.

Ces textes établissent les modalités de mise en œuvre des éloignements des ressortissants des Etats Parties ainsi que des ressortissants de pays tiers et des apatrides en séjour irrégulier sur le territoire des Parties contractantes.

Outre le principe de la réadmission des ressortissants des Etats Parties en séjour irrégulier, l'accord prévoit la réadmission des enfants mineurs et célibataires des personnes visées par la demande de réadmission ainsi que leur conjoint ressortissant d'un autre Etat s'ils ne disposent pas d'un droit de séjour autonome. Il établit également une procédure classique d'établissement de la nationalité ainsi qu'une procédure de réadmission accélérée pour les personnes appréhendées dans la zone d'un aéroport international.

Le Protocole désigne les autorités compétentes en matière de réadmission et les points de passage frontaliers, établit les modalités applicables à la réadmission et au transit des ressortissants des Etats Parties et des pays tiers ainsi que les moyens de preuve et de présomption permettant de déterminer la nationalité des ressortissants de pays tiers et des apatrides et les conditions applicables à leur rapatriement et au transit sous escorte.

II – CONSEQUENCES ESTIMEES DE LA MISE EN OEUVRE DE LACCORD ET DU PROTOCOLE

II – 1 Conséquences en matière de lutte contre l'immigration irrégulière

La nationalité kosovare se situait, en 2010, au 10ème rang des nationalités qui font l’objet du plus grand nombre de mesures d’éloignement du territoire français et au 11ème rang sur la période allant de janvier à octobre 2011.

La mise en œuvre de l'accord et du protocole est destinée à améliorer la procédure de retour forcé entre les Parties contractantes, compte tenu notamment des délais de rétention prévus en droit français qui sont passés récemment de 32 jours à 45 jours.

II – 2 Conséquences financières

L'accord, conclu sur une base de réciprocité, dispose en son article 13 que les coûts liés à la réadmission des personnes, y compris les frais de transit, sont pris en charge par la Partie requérante. Il prévoit également le remboursement de certains frais exceptionnels et éventuels.

Les frais liés à la réadmission et au transit sont financés sur le programme 303, "Immigration et Asile", action 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière ». Ils sont prévus dans le budget global et ne nécessitent pas l'augmentation du volume des crédits.

L’accord ne devrait avoir aucune incidence financière majeure.

II – 3 Conséquences juridiques

L'accord et le protocole n’entraîneront pas de modification de la législation nationale.

II – 3 – 1 L'accord comporte deux annexes relatives respectivement à la demande de réadmission et à la demande de transit. Ces annexes énumèrent les données personnelles6 qui seront transmises aux autorités compétentes lors des procédures de réadmission et de transit7. Le protocole comporte également deux annexes qui constituent les formulaires8 prévus dans la recommandation du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 1994 pour la délivrance de laissez-passer européens respectivement par la France et par le Kosovo.

L'article 14.1 de l'accord stipule expressément que les données personnelles nécessaires à l'exécution de l'accord (état civil, état de santé et documents attestant de la nationalité) et communiquées par les Parties contractantes doivent être traitées et protégées conformément aux législations relatives à la protection des données personnelles en vigueur dans chaque Etat. En tout état de cause, l’accord n'entraine pas de modification de la législation nationale avec laquelle il s'articule.

Le traitement et la protection des données à caractère personnel et des autres informations fournies par les Parties sont, pour la France, assurés conformément à :

- l'article 24 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ;

- l'article 68 de la loi n° 78-17 modifiée du 6 janvier 1978 dite "Informatique et Libertés" ;

- la directive 95/46/CE du Parlement Européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ;

- la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2008 relative à la protection des données à caractère personnel traitées dans le cadre de la coopération policière et judiciaire en matière pénale ;

- la Convention du Conseil de l'Europe pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, adoptée à Strasbourg le 28 janvier 1981.

Le Kosovo, n'étant ni membre de l'Union Européenne ni lié par la Convention du Conseil de l'Europe précitée9, ne pourra se voir transférer des données à caractère personnel que s'il assure un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes à l'égard du traitement dont ces données font l'objet – comme le prévoit l'article 68 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. Par ailleurs, la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés estime que le Kosovo ne dispose pas d'une législation adéquate en matière de protection des données à caractère personnel10. A ce jour le Kosovo n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance de protection adéquate par la Commission européenne11.

Dans l'attente, et sous réserve de l'application de l'article 69 de la loi « Informatique et Libertés » qui permet sous certaines conditions12 le transfert de données à caractère personnel par exception à l'interdiction prévue à l'article 68 précité, l'accord permettra de développer l'échange d'informations autres que les données à caractère personnel.

La suite de l'accord concerne une coopération technique bilatérale qui n'entre pas en conflit avec les instruments internationaux et européens existants dans ce domaine.

II – 3 – 2 Le protocole d'application prévoit, de manière classique, la soumission des agents d'escorte agissant dans le cadre d'une opération de transit ou de réadmission aux régimes de responsabilité civile et pénale prévus par la législation de la Partie sur le territoire de laquelle ils interviennent. Ainsi, lorsque la France est l'Etat requis, est assimilé à un agent public français en matière de régime de responsabilité pénale, un agent d'escorte kosovare, lorsque celui-ci exerce sa mission d'escorte sur le territoire français. Réciproquement, le protocole conduit à ce qu'un agent français sera soumis au régime de responsabilité pénale des agents publics du Kosovo dans les mêmes circonstances13.

S'agissant du droit interne français, ces stipulations font écho aux articles 113-6 et suivants du code pénal14 relatifs à la compétence territoriale de la loi pénale française et qui n'ont pour autre finalité que de définir l'applicabilité de la législation pénale du pays en fonction du lieu où a été commise l'infraction.

Les stipulations de ce protocole sont identiques ou très proches d'instruments que la France a signés avec d'autres pays, par exemple en matière d'entraide judiciaire.

L'article 9.6 du protocole donne aux agents membres de l'escorte la prérogative d'intervenir en cas de légitime défense en « l'absence des forces de l'ordre de la Partie requise ou dans le but de leur porter assistance », et se limite aux cas présentant "un risque sérieux et immédiat" suscité par la/les personne(s) escortée(s) à l'occasion du transit ou de l'opération de réadmission.

Cette disposition est conforme à l'article 7 de la directive 2003/110/CE du Conseil du 25 novembre 2003 concernant l'assistance au transit dans le cadre de mesures d'éloignement par voie aérienne, transposée en droit français par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration créant l'article L 531-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

II – 4 Conséquences administratives

L’accord et son protocole d'application visent à faciliter la coopération entre les deux Etats en matière de réadmission puisqu’ils établissent entre eux des relations directes de travail et de coopération.

Le protocole prévoit que les autorités compétentes et les points de contact, pour la Partie française, sont le ministère de l'intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration (Secrétariat général à l'immigration et à l'intégration), l'ambassade de la République française en République du Kosovo et les préfectures compétentes. Pour l'autre Partie, il s'agit du ministère de l'intérieur et de l'ambassade de la République du Kosovo en République française.

III – HISTORIQUE DES NEGOCIATIONS

La volonté de conclure un accord bilatéral de réadmission et son protocole d'application avec la France a été signifiée par les autorités kosovares à l'automne 2009.

Le Directeur de l'immigration, M. Francis ETIENNE, s'est rendu au Kosovo
le 18 novembre 2009 pour une première séance de négociations.

Le Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, M. Eric BESSON, s'est rendu le 2 décembre 2009 à Priština pour signer l'accord de réadmission et approfondir la coopération bilatérale en matière de lutte contre l'immigration illégale par l'adoption, ce même jour, d'une déclaration conjointe relative à la coopération dans la lutte contre les filières d'immigration irrégulière et les filières de traite des êtres humains.

La signature de l'accord de réadmission a constitué la première étape indispensable à la coopération en matière migratoire aux niveaux bilatéral et européen.

Le protocole a été paraphé à Paris le 18 février 2010, puis modifié à la demande des autorités kosovares sur des points tels que la désignation des autorités compétentes, qui n'ont pas conduit à remettre en cause les négociations menées sur le fond du texte.

IV – ETAT DES SIGNATURES ET RATIFICATIONS

L'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier a été signé le 2 décembre 2009 par le Ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, M. Eric BESSON, et par le Ministre de l'intérieur du Gouvernement de la République du Kosovo, M. Zenun PAJAZITI.

Le protocole d'application de l'accord précité a été signé à Priština le
19 septembre 2011 par l'Ambassadeur de France en République du Kosovo, M. Jean-François FITOU, et le Ministre de l'intérieur du Gouvernement de la République du Kosovo, M. Bajram REXHEPI.

Le Kosovo a d’ores et déjà accompli les procédures internes permettant l’entrée en vigueur de l’accord de réadmission et transmis son instrument d’approbation à la Partie française le 8 février 2010.

V – DECLARATIONS OU RESERVES

Sans objet.

1 780 soldats sur un total de 10 000.

2 134 magistrats, policiers et douaniers, sur près de 1800.

3 La MINUK a été en charge de cette ex-province serbe de 1999 jusqu'au 1er novembre 2008.

4 Migration Division ; Department for Border Management, Asylum and Migration (DBAM).

5 Le Kosovo figure, depuis mars 2011, sur la liste des pays d'origine sûre établie par l'OFPRA.

6 Le traitement des données personnelles relève de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 qui mentionne en son article 2 "la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition".

7 Il s'agit des renseignements relatifs à l'identité et à la nationalité de l'étranger, à la date du voyage, aux heures d'arrivées dans le pays de transit, aux pays et lieu de destination, aux documents de voyage, à la nature de la mesure d'éloignement ainsi que, le cas échéant, des renseignements relatifs aux fonctionnaires escortant l'étranger.

8 Il s'agit des renseignements individuels suivants : la date de départ, le numéro d’enregistrement, les noms et prénoms, une photographie de la personne, la date de naissance, la nationalité, l'adresse de la personne dans son pays d’origine, l'autorité, le lieu et la date de délivrance.

9 Voir le site internet du Conseil de l'Europe : http://conventions.coe.int/.

10 Voir le site internet de la CNIL : http://www.cnil.fr/pied-de-page/liens/les-autorites-de-controle-dans-le-monde/.

11 Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont donné le pouvoir à la Commission de décider sur la base de l'article 25(6) de la directive 95/46/CE si un pays tiers offre un niveau de protection adéquat en raison de sa législation interne ou des engagements pris au niveau international.

12 L’article 69 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 stipule notamment que « le responsable d'un traitement peut transférer des données à caractère personnel vers un Etat ne répondant pas aux conditions prévues à l'article 68 si la personne à laquelle se rapportent les données a consenti expressément à leur transfert ou si le transfert est nécessaire à l’une des conditions suivantes : 1° A la sauvegarde de la vie de cette personne ; 2° A la sauvegarde de l'intérêt public ; 3° Au respect d'obligations permettant d'assurer la constatation, l'exercice ou la défense d'un droit en justice ; (…). Il peut également être fait exception à l’interdiction prévue à l'article 68, par décision de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou, s’il s'agit d’un traitement mentionné au I ou au II de l’article 26, par décret en Conseil d’Etat pris après avis motivé et publié de la commission, lorsque le traitement garantit un niveau de protection suffisant de la vie privée ainsi que des libertés et droits fondamentaux des personnes, notamment en raison des clauses contractuelles ou règles internes dont il fait l’objet. (…) ».

13 L'article 9.5 prévoit que "les agents d'escorte de la Partie requérante sont assimilés aux agents de la Partie requise, en ce qui concerne les infractions dont ils seraient victimes ou auteurs à l'occasion du transit [ou de l'opération de réadmission] sur le territoire de la Partie requise, dans l'exercice de leurs fonctions. Ils sont soumis aux régimes de responsabilité civile et pénale prévus par la législation de la Partie sur le territoire de laquelle ils interviennent" tant pour les opérations de transit que pour les procédures de réadmission.

14 L'article 113-6 du code pénal prévoit que "la loi pénale française est applicable à tout crime commis par un Français hors du territoire de la République. Elle est applicable aux délits commis par des Français hors du territoire de la République si les faits sont punis par la législation du pays où ils ont été commis (…).

Par ailleurs, l'article 113-7 du code pénal prévoit que : "la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni commis par un Français ou par un étranger hors du territoire de la République lorsque la victime est de nationalité française au moment de l'infraction".

Il n'existe donc aucune atteinte au quantum des peines fixées par le droit français d'autant plus que selon l'article 113-9 du code pénal "dans les cas prévus aux articles 113-6 et 113-7, aucune poursuite ne peut être exercée contre une personne justifiant qu'elle a été jugée définitivement à l'étranger pour les mêmes faits et, en cas de condamnation, que la peine a été subie ou prescrite" (principe "non bis in idem").


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