Accueil > Documents parlementaires > Projets de loi > Etudes d'impact
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

Projet de loi organique
relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques

ETUDE D’IMPACT

18 Septembre 2012

I. La nécessité d'une intervention du législateur organique

1.1. Une réforme inscrite dans le cadre du renforcement de la coordination budgétaire au sein de l’Union économique et monétaire, et plus largement dans la réponse à la crise des dettes souveraines en zone euro

La modernisation des instruments de programmation et de gouvernance des finances publiques est envisagée ici en cohérence avec les orientations européennes en matière de coordination budgétaire (I.1.2.), telles que, suivant le souhait du Président de la République et du Gouvernement, complétées par une approche commune de la croissance (I.1.3.).

I.1.1. La crise de la dette souveraine a mis en évidence des insuffisances de la coordination économique et budgétaire européenne et a révélé les risques liés au décalage entre une politique monétaire unique et des politiques économiques et budgétaires faiblement intégrées au sein de la zone euro. Pour répondre à cette situation, les chefs d’État et de Gouvernement européens, et en particulier ceux de la zone euro, ont développé une stratégie de réponse à la crise reposant notamment sur :

I.1.1. Le développement d’un principe de solidarité entre États, matérialisé par les « pare-feu » européens qui permettent à un État en difficulté de recevoir une aide financière en cas de difficultés d’accès au marché : prêts bilatéraux, mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), fond européen de stabilité financière (FESF), mécanisme européen de stabilité (MES).

I.1.2. Le renforcement du cadre européen de coordination des politiques budgétaires. Il s’agit d’éviter pour l’avenir des politiques budgétaires non crédibles, et de démontrer l’engagement européen d’assurer la soutenabilité des finances publiques.

Ainsi, depuis 2010, une série de textes a été adoptée par le Conseil et le Parlement européen pour renforcer le cadre européen de coordination des politiques budgétaires :

(i) les cinq règlements et la directive du « 6-pack », en vigueur depuis le 13 décembre 2011, ont réformé le pacte de stabilité et de croissance (PSC) qui définit les règles européennes visant un objectif d’équilibre structurel ;

(ii) le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG, ci-après « le traité »), signé le 2 mars 2012, a complété la réforme en prévoyant la traduction en droit national des règles européennes visant un objectif d’équilibre structurel ;

(iii) les deux règlements du « 2-pack », en cours de discussion entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission européenne, ont pour objectif de renforcer la coordination ex ante des textes nationaux ayant un impact économique et budgétaire, d’instaurer l’obligation de prévisions macroéconomiques indépendantes et d’améliorer la surveillance des États membres vulnérables.

Ce nouveau cadre repose sur trois piliers :

a. La surveillance budgétaire intervient plus en amont et s’intègre davantage à la procédure budgétaire nationale1.

• Un État membre peut être placé en procédure pour déficit public excessif (DPE - volet correctif du pacte de stabilité et de croissance) non seulement si son déficit nominal dépasse 3 %, mais aussi s’il ne procède pas à une réduction suffisante du poids de sa dette en proportion du PIB2.

• La surveillance d’un État dont le déficit ne dépasse pas 3 % est également renforcée s’il dévie par rapport à son objectif à moyen terme (OMT) défini en termes structurels (volet préventif du pacte) ou par rapport à la trajectoire l’y ramenant, ou si le rythme de croissance des dépenses nettes des mesures nouvelles en recettes dépasse la croissance de référence de l’économie. Les textes européens définissent les critères de fixation de l’OMT et la manière de mesurer si la déviation par rapport à la trajectoire de retour vers l’OMT est significative3, cette définition étant identique dans le traité. En cas de déviation significative, une procédure de recommandation est engagée en droit communautaire, éventuellement assortie de sanctions financières.

• Des sanctions financières, adoptées selon une procédure simplifiée (règle de majorité inversée), sont applicables lorsque l’État concerné ne corrige pas la situation qui a fait l’objet d’une recommandation du Conseil (sous le volet préventif ou correctif). L’éventail de sanctions possibles va d’un dépôt rémunéré de 0,2 % du PIB à une amende maximale de 0,5 % du PIB. Pour les États non membres de la zone euro, les sanctions sont appliquées via une suspension du fonds de cohésion.

• Au sein de cet ensemble, le traité, ainsi que le projet de règlement sur la surveillance budgétaire du « 2-pack » et la directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 modifient les exigences applicables aux cadres budgétaires des Etats membres.

Les chefs d’État et de Gouvernement ont en effet souhaité que les règles relatives à la maîtrise du déficit structurel fassent l’objet d’un suivi spécifique au cours de la procédure budgétaire nationale, en parallèle des procédures de coordination prévues au niveau européen. Ceci a pour but de crédibiliser la stratégie commune de maîtrise des finances publiques :

o en renforçant le rôle des parlements nationaux dans l’application des règles budgétaires européennes ;

o en favorisant la bonne application de ces règles en amont de la surveillance exercée au niveau européen.

b. Une nouvelle procédure au niveau communautaire de surveillance des déséquilibres macroéconomiques complète la surveillance budgétaire.

Elle repose sur un mécanisme d’alerte composé de 10 indicateurs de déséquilibres internes et externes (balance courante, coûts de main d’œuvre réels, prix de l’immobilier, etc.). Sur le modèle de la surveillance budgétaire, une procédure pour « déséquilibre excessif » peut être ouverte, à l’issue d’une étude approfondie de la Commission européenne, nécessitant pour les États membres concernés (qui peuvent être en situation d’excédent budgétaire) la mise en place de réformes correctives – dont l’absence d’application peut exposer, in fine, à des sanctions financières.

c. La coordination et l’harmonisation des processus d’adoption des textes nationaux à caractère économique et budgétaire sont également renforcées.

• Un nouveau calendrier pour la surveillance des réformes structurelles et des programmes budgétaires, le semestre européen, a été instauré : il prévoit la remise simultanée, au mois d’avril des programmes de stabilité ou de convergence et des programmes nationaux de réforme (PNR) de chaque État membre et leur discussion par le Conseil européen en juin, de façon à assurer une meilleure cohérence de la surveillance budgétaire avec la coordination des politiques de croissance dans les recommandations adressées à chaque État par le Conseil européen de la fin juin.

• La directive sur les cadres budgétaires prévoit que le droit budgétaire des États membres fera l’objet de règles minimales homogènes, prévoyant en particulier une planification budgétaire pluriannuelle dans le droit national.

• Le « 2-pack », en cours de discussion entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, prévoit à ce stade que des documents synthétiques sur les projets de plans budgétaires annuels devront être présentés avant le 15 octobre par chaque État membre à la Commission – qui pourra livrer un avis public et, en cas de manquement grave, en demander la révision – et prévoit qu’ils soient fondés sur des prévisions macroéconomiques indépendantes.

I.1.3. Le Conseil européen a réorienté cette stratégie, jusqu’alors centrée sur la consolidation budgétaire, par l’adoption d’un pacte pour la croissance et l’emploi les 28 et 29 juin 2012.

Ce pacte va permettre de mobiliser 120 Md€ en faveur de mesures de croissance grâce aux mesures suivantes : augmentation du capital libéré de la Banque européenne d’investissement à hauteur de 10 Md€, qui permettra d’augmenter la capacité de prêts de l’institution de 60 Md€ ; accélération de la mise en œuvre des « obligations de projet » pour un niveau d’investissements estimé à 4,5 Md€ ; redéploiement de quelque 55 Md€ de crédits de la politique structurelle non utilisés, en faveur du soutien aux petites et moyennes entreprises et à l'emploi des jeunes.

Sous l’impulsion de la France, le pacte pour la croissance et l’emploi prévoit en outre la mobilisation de l’ensemble des politiques de l’Union pour favoriser la production en Europe, et, en particulier, de la politique de l’innovation, dans une perspective de compétitivité industrielle, avec, par exemple, la mise en place du brevet de l’Union européenne.

Par ailleurs, l’engagement a été pris d’établir une taxe sur les transactions financières, dans le cadre d’une coopération renforcée avant la fin de l’année 2012. La mise en place d’une telle taxe permettra à la fois de dégager de nouvelles ressources destinées au soutien de la croissance et de mettre à contribution le secteur financier, et, ainsi, de dissuader la spéculation.

S’agissant du renforcement de la stabilité financière, un engagement a été pris de mettre en place, d’ici la fin de l’année 2012, une supervision intégrée des banques de la zone euro, impliquant la Banque centrale européenne. Cette supervision intégrée ouvrira la voie à la création d’un instrument de recapitalisation directe des banques par le mécanisme européen de stabilité.

Une perspective d’intégration renforcée et d’approfondissement de l’Union économique et monétaire à moyen et long terme a par ailleurs été ouverte. Le président du Conseil européen a présenté sur ce point un rapport mettant en avant plusieurs objectifs : un cadre financier intégré ; un cadre budgétaire intégré ; un cadre intégré pour la politique économique ; un renforcement de la légitimité démocratique.

1.2. La nécessité de compléter le dispositif juridique national au niveau organique pour mettre en œuvre les nouvelles règles européennes

I.2.1. Situation actuelle et dispositifs juridiques en vigueur

La France a déjà fait siennes les règles de droit communautaire concernant les finances publiques.

L’article 126 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et le protocole n° 12 annexé aux traités sur l’Union européenne prévoient plus particulièrement une procédure de surveillance et de sanction en cas de déficit excessif. Ces exigences reposent sur une valeur de référence fixée à 3 % pour le rapport du déficit des administrations publiques au PIB et à 60 % pour le rapport de la dette publique au PIB.

Ce sont ces règles, rassemblées dans le pacte de stabilité et de croissance, qui comme indiqué supra, ont fait l’objet d’une réforme importante en 2011 (avec l’adoption du « 6-pack »). Les principaux textes modifiant le pacte de stabilité et de croissance adoptés en 2011 au sein du « 6-pack » sont les suivants :

a. Règlement 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil adopté le 16 novembre 2011 et modifiant le règlement n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

Ce règlement définit le volet préventif de la surveillance. Il fait notamment obligation aux États membres de produire chaque année un programme de stabilité (ou de convergence), couvrant l’année précédente, l’année en cours et au moins les trois années suivantes, et précisant un objectif à moyen terme (OMT) pour le solde public ainsi que « la trajectoire d’ajustement qui doit conduire à la réalisation de cet objectif ».

Le volet préventif conçu en 1997 a été modifié une première fois en 2005 avec l’introduction d’objectifs de moyen terme différenciés pour chaque État membre en fonction de sa position budgétaire et avec l’introduction d’un ajustement annuel minimal du solde structurel d’au moins 0,5 point de PIB pour les États qui n’ont pas atteint leur objectif à moyen terme. Pour les États membres de la zone euro et les membres du mécanisme de change européen, l’objectif à moyen terme doit être un solde supérieur à -1 % du PIB.

Comme indiqué, le règlement 1175/2011 du « 6-pack » a renforcé ce volet préventif en prévoyant que la Commission européenne et le Conseil européen surveillent d’éventuelles déviations significatives par rapport à la trajectoire vers l’objectif de moyen terme mesurées comme (1) un écart du solde structurel par rapport à la trajectoire d’amélioration vers l’OMT de 0,5 % du PIB sur un an ou de 0,25 % du PIB en moyenne sur 2 ans ; ou (2) une déviation de l’effort structurel (évolution des dépenses nettes des mesures nouvelles en recettes par rapport à la croissance potentielle) de 0,5 % du PIB par an ou cumulativement sur deux ans. De plus, des sanctions financières dans la phase préventive peuvent désormais être décidées à la majorité qualifiée inversée (application sauf en cas d’opposition d’une majorité qualifiée d’Etats membres).

b. Règlement 1177/2011 du Parlement européen et du Conseil adopté le 8 novembre 2011 et modifiant le règlement 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en œuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

Ce règlement encadre le volet correctif de la procédure. La réforme de 2011 prévoit désormais qu’une procédure corrective peut être engagée si la dette est supérieure à 60 % du PIB et si sa réduction ne s’opère par à un rythme satisfaisant (au moins 1/20ème de l’écart à 60 % par an). Les principales décisions de sanction se prennent à la majorité qualifiée inversée.

c. Règlement 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en œuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro. Ce règlement précise le système de sanctions dans les volets préventif et correctif.

Sur la base de ces textes, le Gouvernement présente chaque année à la Commission européenne et au Conseil européen un programme de stabilité. Conformément à l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, le Gouvernement adresse ce projet de programme de stabilité au Parlement au moins deux semaines avant sa transmission aux institutions européennes. Le Parlement en débat et se prononce par un vote.

Un bilan de l’application du programme de stabilité est par ailleurs réalisé à l’occasion du rapport prévu à l’article 48 de la loi organique relative aux lois de finances (pour le débat d’orientation sur les finances publiques) conformément à l’article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.

Enfin, la réforme constitutionnelle de 2008 a introduit dans la Constitution l’objectif d’équilibre des comptes publics et a prévu des lois de programmation des finances publiques. Ainsi, l’article 34 dispose désormais que « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

I.2.2. Raisons pour lesquelles les dispositions existantes doivent évoluer

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire contient une série d’engagements que prennent de façon solennelle les États contractants afin « de renforcer le pilier économique de l'Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d'un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro, en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l'Union européenne en matière de croissance durable, d'emploi, de compétitivité et de cohésion sociale. ». Il prévoit l’inscription dans le droit national d’un certain nombre de dispositions.

Le traité contient plusieurs éléments appelant une modernisation des procédures budgétaires, de nature à renforcer la capacité de pilotage du Gouvernement et du Parlement.

• Il fixe tout d’abord une règle d’équilibre de la situation budgétaire des administrations publiques, règle considérée comme respectée si « le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l’objectif à moyen terme (OMT) spécifique à chaque pays », « avec une limite inférieure de déficit structurel de -0,5 % de PIB » pour les États dont la dette n’est pas sensiblement inférieure à 60 % du PIB. Il convient donc de définir dans le droit national un OMT et une trajectoire pour l’atteindre en termes structurels. Ce sera l’objet des lois de programmation des finances publiques, dont le contenu doit être précisé.

• Le traité prévoit également qu’un « mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’OMT ou à la trajectoire propre à permettre sa réalisation » ; le droit actuel ne prévoit pas un tel mécanisme. Il convient donc de l’organiser, en cohérence avec les principes communs définis par la Commission européenne dans sa communication du 20 juin 2012.

• Le traité prévoit enfin l’intervention d’institutions indépendantes chargées de vérifier le respect de ces règles. Les principes communs définis par la Commission européenne et validés par le Conseil européen recommandent, pour la création de ces institutions, de privilégier un niveau législatif ou supra législatif.

I.2.3 Niveau juridique de la réforme

Si une modification du droit français s’impose pour intégrer ces innovations, la question s’est posée du niveau des modifications à apporter à l’ordre juridique interne et, notamment, de l’éventuelle nécessité d’une révision de la Constitution.

Saisi par le Président de la République le 13 juillet 2012, le Conseil constitutionnel a établi le 9 août 2012 que la ratification du traité ne nécessitait pas de modification de la Constitution.

Il a en effet relevé que ce traité ne modifie pas la nature des obligations de la France, telles qu’elles sont déjà précisées à l’article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui a été jugé conforme à la Constitution. Le rehaussement du plancher de l’objectif à moyen terme autorisé ne change pas la qualification juridique de l’obligation.

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel considère que les stipulations du traité « ne procèdent pas à des transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire et n'autorisent pas de tels transferts » et que, « pas plus que les engagements antérieurs de discipline budgétaire, celui de respecter ces nouvelles règles ne porte atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale » (considérant 16).

Concernant l’article 3, paragraphe 2, le Conseil constitutionnel a confirmé l’existence de deux options quant aux modalités de mise en œuvre du traité :

• soit des dispositions permanentes et contraignantes, de préférence constitutionnelles ;

• soit des dispositions dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon.

Le Conseil constitutionnel a précisé que la première des deux options ouvertes par le traité nécessiterait une révision de la Constitution. Il a en revanche considéré qu’il était possible, sans modifier la Constitution, de mettre en place un cadre juridique permettant de garantir le respect des règles posées par le traité en précisant le contenu des lois de programmation des finances publiques et en assurant leur prise en compte par la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Pour assurer l’efficacité du nouveau dispositif, il convient de modifier la procédure budgétaire et de faire évoluer le contenu des lois de programmation des finances publiques et des lois financières. De telles modifications peuvent se faire par la loi organique, en application des articles 344 et 475 et 47-16 de la Constitution.

I.2.4. Aperçu sur les solutions retenues à ce jour par les parties contractantes du traité

Un premier tour d’horizon des choix de transposition retenus ou envisagés par les autres Etats parties au traité révèle :

- que plusieurs Etats n’ont pas encore choisi leurs modalités de transposition ;

- que les modalités retenues s’avèrent très variées d’un pays à l’autre ;

- qu’un bon nombre des pays qui choisissent un vecteur constitutionnel sont ceux qui avaient déjà opté pour l’inscription d’une règle budgétaire= constitutionnelle, indépendamment de la ratification du traité.

Dans les Etats qui, avant la signature du traité, s’étaient dotés de règles budgétaires inscrites dans leur Constitution, les interrogations portent aujourd’hui sur les modalités d’adaptation de ces règles internes aux exigences du traité. C’est notamment le cas de l’Espagne qui a adopté une telle règle en 2011.

L’Allemagne estime pour sa part que sa règle d’équilibre, inscrite dans la loi fondamentale et dont le respect par le législateur est contrôlé par le tribunal de Karlsruhe, répond aux exigences de l’article 3 du traité.

Certains Etats parties semblent avoir l’intention d’inscrire les règles prévues par le traité dans une loi ordinaire. Tel est notamment le cas du Danemark, de l’Estonie et de la Finlande. L’Irlande a procédé à une révision constitutionnelle préalable à la ratification du traité mais prévoit d’inscrire la règle budgétaire dans une loi ordinaire (Fiscal Responsibility Bill).

Entre les solutions de l’ancrage constitutionnel et de la loi ordinaire, certaines solutions intermédiaires semblent être envisagées par les Etats parties en fonction de leur ordre juridique interne. Plusieurs Etats envisagent de recourir à des lois organiques ou assimilées. Ainsi les Pays-Bas pourraient inscrire la règle budgétaire dans une « loi sur la soutenabilité des finances publiques ». Au Portugal, cette règle pourrait être inscrite dans une loi organique ; il pourrait en aller de même au Luxembourg.

Ainsi, même si de nombreux Etats de l’Union européenne ont introduit une règle budgétaire dans leur Constitution, il apparaît que ce choix n’est pas un modèle général. En outre, la méconnaissance de la règle par la loi de finances ne semble pas faire systématiquement l’objet d’une sanction juridictionnelle en droit interne.

S’agissant des prévisions macroéconomiques et du suivi des règles budgétaires, les pratiques varient de l’attribution de la compétence à un organisme indépendant à une simple comparaison des prévisions officielles à celles fournies par d’autres instituts. A titre d’exemple, les Pays-Bas disposent ainsi depuis l’après-guerre d’un organisme de 110 agents, le Centraal Planbureau (CPB), chargé de fournir les prévisions et les chiffrages des mesures au gouvernement et d’évaluer régulièrement les politiques publiques. Son indépendance n’est pas garantie en droit mais reconnue en pratique. Bien que non signataire du traité, le Royaume-Uni présente un exemple intéressant de mise en place d’un comité budgétaire indépendant avec la création en 2010 de l’Office for Budget Responsability (OBR). Cette autorité administrative indépendante au format restreint (3 « sages » membres du directoire et 17 agents) fournit au gouvernement les prévisions macrobudgétaires et évalue l’atteinte des objectifs de finances publiques. Dans le cadre de la transposition du traité via le Fiscal Reponsability Bill 2012, l’Irlande prévoit de confier au Fiscal Advisory Council, organisme indépendant créé en 2011, la tâche de veiller au respect des dispositions de l'article 3 du traité.  En Allemagne, la mise en œuvre de la règle de frein à la dette en 2010 s’est accompagnée de la création d’un Conseil de stabilité financière veillant à son application, mais qui est composé de membres du gouvernement fédéral et des Länder dont les avis sont consultatifs. Le ministère des finances allemand a par ailleurs proposé, dans une lettre du 3 mai adressée aux Länder, de créer un Conseil (constitué de représentants des instituts économiques, de la Bundesbank, du Conseil des Sages) auprès du Conseil de Stabilité pour renforcer son indépendance.  

II. Objectifs poursuivis

La présente loi organique a pour objet d’introduire dans notre droit interne les innovations du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, en matière de programmation et de gouvernance des finances publiques.

Elle modifie ainsi les modalités de la gestion des finances publiques en France en introduisant des règles qui permettront au Gouvernement et au Parlement d’inscrire les lois annuelles dans une perspective pluriannuelle conforme à nos engagements européens, de s’appuyer à cet égard sur les avis d’un organisme indépendant et ce, à différents stades de la procédure. En cas d’écart important à la trajectoire, un mécanisme de correction amènera le Gouvernement à expliquer au Parlement les raisons de cet écart et à présenter les mesures de correction nécessaires.

Le présent projet de loi organique présente donc une réforme complète de la procédure budgétaire, à tous les stades (de la préparation des projets de lois financiers au suivi de leur exécution), propre à renforcer le pilotage des finances publiques et à assurer le respect de nos engagements européens tout au long du processus. Il prévoit plus particulièrement :

la formalisation du contenu des lois de programmation des finances publiques de façon à garantir dans la durée la définition d’un OMT, c’est-à-dire d’une cible de solde structurel, et d’une trajectoire pour l’atteindre conformes aux engagements européens de la France ; le projet de loi organique vient ainsi préciser l’avant-dernier alinéa de l’article 34 de la Constitution concernant les lois de programmation ;

la création d’un Haut conseil des finances publiques, instance indépendante qui sera chargée de se prononcer sur les prévisions de croissance pour en garantir la crédibilité et de vérifier l’application des règles budgétaires chiffrées prévues dans la loi de programmation des finances publiques ; ce Haut conseil garantira la cohérence des lois de programmation des finances publiques avec les engagements européens de la France et, annuellement, il vérifiera la cohérence du projet de loi finances de l’année avec la loi de programmation et le respect de la trajectoire qu’elle définit ;

l’organisation d’un mécanisme de correction, conformément à l’article 3, 1, e) du traité ; le Haut conseil sera chargé d’alerter publiquement le Parlement et le Gouvernement sur l’éventuelle nécessité de déclencher un mécanisme de correction propre à permettre le respect de la trajectoire et le Gouvernement devra en tenir compte dans l’élaboration de du prochain projet de loi de finances de l’année ou de loi de financement de la sécurité sociale de l’année ;

l’enrichissement du projet de loi de finances d’un tableau synthétique concernant l’ensemble des administrations publiques pour donner au Parlement une vision d’ensemble du solde structurel et les moyens de vérifier annuellement sa conformité aux engagements européens de la France.

l’enrichissement des annexes au projet de loi de financement de la sécurité sociale d’un rapport sur l’effort structurel des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale.

III. Options possibles

3.1. Options possibles quant à la conception du dispositif organique

Comme l’a relevé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2012-653 du 9 août 2012, deux possibilités sont ouvertes par le traité européen : la révision de la Constitution ou l’adoption de dispositions dont le plein respect et la stricte observance tout au long du processus budgétaire sont garantis de quelque autre façon.

Le dispositif proposé prend la forme d’une loi organique qui prévoit :

• la définition d’un objectif budgétaire à moyen terme et d’une trajectoire des finances publiques pour l’atteindre au sein de lois de programmation des finances publiques ;

• la création d’un Haut conseil des finances publiques ;

• l’enrichissement des textes financiers annuels avec des données relatives à l’ensemble des administrations publiques ;

• l’introduction d’un mécanisme de correction dans les lois de programmation en cas de déviation significative de la trajectoire.

III.1.1. Objectif à moyen terme et trajectoire structurelle des finances publiques 

Le présent projet de loi prévoit que les lois de programmation des finances publiques fixent un objectif à moyen terme (OMT) et la trajectoire permettant de l’atteindre définie en soldes effectif et structurel. Les lois de programmation définiront également et notamment les plafonds de crédits (répartis par mission) et de prélèvements sur recettes pour l’État, les plafonds de taxes affectées, les objectifs de dépenses pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), ainsi que le plancher de mesures nouvelles, législatives ou prises par le Gouvernement par voie réglementaire, en recettes fiscales et sociales prévues sur la période de programmation.

Cette définition à un niveau organique du contenu des lois de programmation des finances publiques permettra d’éviter un éventuel appauvrissement au fil du temps de ces textes en prévoyant un noyau dur de dispositions obligatoires. Ces lois de programmation devront couvrir une période d’au moins trois ans, conformément à la pratique actuelle et aux règles européennes (directive sur les cadres budgétaires) et elles constitueront le cadre de l’élaboration des budgets annuels.

III.1.2. Haut conseil des finances publiques

Le traité prévoit que des comités indépendants vérifient l’application des règles chiffrées et du mécanisme de correction. De plus, les règlements européens en cours de négociation (« 2-pack ») prévoient que les prévisions macroéconomiques servant à élaborer les projets de loi de finances soient produites ou agréées par un organisme indépendant.

Positionnement du ou des comités

Compte tenu des institutions existant en France, deux options peuvent être envisagées pour la création du comité qui sera chargé de vérifier l’application des règles chiffrées et de se prononcer sur les prévisions macro-économiques :

o création d’un comité totalement distinct de toute institution existante ; cette option aurait l’inconvénient de ne pas créer de synergie avec la Cour des comptes qui exerce d’ores et déjà une partie des missions d’un comité budgétaire indépendant ;

o création d’un comité placé auprès de la Cour des comptes. C’est cette dernière option qui est privilégiée. Un Haut conseil des finances publiques sera ainsi créé, présidé par le premier président de la Cour des comptes et composé de huit autres membres, à savoir quatre magistrats de la Cour des comptes et quatre membres nommés par les présidents des assemblées et les présidents des commissions des finances. Il sera chargé de se prononcer sur les prévisions macroéconomiques et de vérifier le respect des règles prévues par la loi de programmation des finances publiques. Cette option permet d’instituer une structure spécifique pour cette procédure nouvelle, tout en bénéficiant des compétences et de l’expertise des magistrats de la Cour des comptes et en conférant au Parlement une responsabilité importante dans la nomination des membres du conseil.

Champ de compétences

Concernant le champ de compétences du Haut conseil des finances publiques, le projet de loi organique prévoit de retenir l’option la plus large, en lui conférant la responsabilité du contrôle du respect des règles chiffrées et l’expression d’un avis sur les prévisions macroéconomiques.

Le Gouvernement propose ainsi que le Haut conseil intervienne dans la procédure budgétaire à la fois ex ante (vérification de la conformité de la trajectoire prévue au regard de nos engagements et des lois de finances avec la LPFP) et ex post (identification de dérapages éventuels), de façon à garantir le respect des engagements européens tout au long de la procédure. Le Haut conseil aura ainsi à se prononcer sur les prévisions de croissance fondant l’ensemble des textes financiers (projet de loi de programmation des finances publiques, projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale, ainsi que les projet de loi de finances et de financement rectificatives de façon facultative) et sur celles retenues dans le programme de stabilité. Le Haut conseil aura également à rendre un avis sur la cohérence du projet de loi de programmation des finances publiques avec les engagements européens et sur la cohérence annuelle du projet de loi de finances, notamment de sa partie liminaire, avec la loi de programmation des finances publiques.

Ainsi qu’il le juge au considérant 27 de la décision qu’il a rendue le 9 août 2012, le Conseil constitutionnel tiendra compte de l’appréciation de cette institution indépendante dans son contrôle de la sincérité des lois de programmation des finances publiques, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

Composition

La composition du Haut conseil retenue assure la cohérence de ses travaux tout en garantissant une spécialisation importante de ses membres. Ces derniers seront nommés à parité par le premier président de la Cour des comptes parmi les magistrats de la Cour et, pour les autres membres, par le Parlement à raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques. Ils bénéficieront de fortes garanties d’indépendance (non révocabilité ; pour les membres autres que les magistrats de la Cour, caractère non renouvelable du mandat de cinq ans, incompatibilité avec des fonctions électives nationales et obligation de déclaration d’intérêts).

III.1.3. Enrichissement des projets de textes financiers (projet de loi de finances) avec des données toutes administrations publiques

Afin de permettre au Parlement un meilleur contrôle sur l’ensemble du champ des administrations publiques7, ainsi qu’une comparaison aisée entre les lois financières d’une année donnée et la trajectoire définie par la loi de programmation en vigueur, une disposition chapeau, synthétisant les grandeurs de pilotage (soldes structurel et effectif), pour l’ensemble des administrations publiques, au-delà du seul champ couvert par les projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale en cours de discussion, doit être prévue annuellement.

Plusieurs options se présentaient :

• création d’un texte autonome s’ajoutant aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Cette option aurait eu l’inconvénient d’alourdir et de complexifier la procédure administrative et parlementaire ;

• introduction d’une disposition chapeau au sein du projet de loi de finances. C’est cette dernière option que privilégie le Gouvernement en plaçant un tableau de synthèse de l’ensemble des administrations publiques dans un article liminaire du projet de loi de finances. Ce texte est en effet le premier à être examiné à l’Assemblée nationale, ce qui permet un cadrage d’ensemble et toutes administrations publiques du débat budgétaire au Parlement ; il est également le dernier adopté au cours de la procédure (après le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le cas échéant la loi de programmation), ce qui permettra d’actualiser cet article chapeau en cours de procédure. Le Parlement pourra donc se prononcer sur un article stabilisé qui prendra en compte la totalité des décisions budgétaires votées pour l’année à venir.

En outre, le projet de loi organique prévoit que la prévision de l’effort structurel des régimes obligatoires de base sera présentée dans un rapport annexé au PLFSS, ce qui permettra de faire le lien entre la trajectoire de solde structurel présentée dans la loi de programmation et celle d’effort structurel présentée dans le rapport annexé au PLFSS.

III.1.4. Mécanisme de correction

Les principes définis par la Commission laissent une marge de manœuvre aux États membres pour en assurer la mise en œuvre.

Pour assurer l’effectivité du dispositif, le Gouvernement propose qu’un avis soit systématiquement rendu par le Haut conseil sur l’exécution de l’année écoulée au moment du débat d’orientation des finances publiques. Le Haut conseil pourrait ainsi identifier les éventuels écarts importants à la trajectoire. Le Gouvernement aurait à expliquer les raisons de ces écarts et à présenter des mesures de correction.

Le traité ne précise pas le vecteur de cette correction. Le projet de loi organique prévoit que des mesures doivent être proposées au plus tard lors de l’élaboration du plus prochain projet de loi de finances de l’année ou projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année.

III.1.5. Sur la reprise en droit interne de différentes notions du traité et du droit de l’Union européenne

Afin d’assurer une mise en œuvre du traité permettant d’en suivre tant l’esprit que la lettre, le parti est pris dans le présent projet de loi organique de reprendre en l’état plusieurs de ces notions ou des notions définies dans les textes européens.

Ainsi, la notion d’« administrations publiques » est celle définie à l’article 2 du protocole n° 12 sur la procédure concernant les déficits excessifs, annexé aux traités européens ; i.e. « les administrations centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de sécurité sociale, à l'exclusion des opérations commerciales, telles que définies dans le système européen de comptes économiques intégrés8. »

La règle d’équilibre de la situation budgétaire est considérée comme respectée si le solde structurel annuel (i.e. le solde budgétaire corrigé des variations conjoncturelles et net des mesures ponctuelles et temporaires) correspond à l’objectif à moyen terme (OMT). Chaque État membre fixe dans son programme de stabilité cet OMT, qui doit respecter une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 %, ou de 1 % pour les Etats dont le ratio d’endettement est sensiblement inférieur à la valeur de référence de 60 % du PIB et dont les risques sur la soutenabilité des finances publiques sont faibles. Il est soumis à l’avis du Conseil européen dans le cadre de l’examen du programme de stabilité.

Conformément à l’article 2 bis du règlement (CE) n° 1466/1997 précité, l’objectif à moyen terme (OMT) est fixé à un niveau de solde structurel qui garantit « la soutenabilité des finances publiques ou une progression rapide vers leur soutenabilité, tout en autorisant une marge de manœuvre budgétaire, en tenant compte notamment des besoins en investissements publics ». Le code de conduite pour l’application du pacte de stabilité et de croissance précise que l’objectif de moyen terme est différencié selon les États membres pour prendre en compte la diversité des situations économiques et de finances publiques et les risques liés à la soutenabilité (en particulier le niveau de la dette et l’évolution des dépenses futures liées au vieillissement).

Les Etats contractants sont appelés à une « convergence rapide » vers l’objectif à moyen terme, selon un calendrier établi sur proposition de la Commission européenne et qui doit prendre en compte les risques pour la soutenabilité des finances publiques spécifiques à chaque pays.

Les États contractants peuvent, en cas de circonstances exceptionnelles, y compris en cas de récession économique grave, s'écarter temporairement de leur objectif à moyen terme ou de la trajectoire d’ajustement. Les circonstances exceptionnelles sont définies par référence au traité, qui les présente ainsi (article 3, paragraphe 3, b)) : « des faits inhabituels indépendants de la volonté de la partie contractante concernée et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou à des périodes de grave récession économique telles que visées dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, pour autant que l'écart temporaire de la partie contractante concernée ne mette pas en péril sa soutenabilité budgétaire à moyen terme ».

Le mécanisme de correction, activé en cas d'écarts importants par rapport à l’objectif à moyen terme ou la trajectoire d'ajustement, est conçu, suivant les termes du traité, de manière à « respecter pleinement les prérogatives des parlements nationaux ».

Afin de se prémunir des effets du cycle économique, et d’éviter les effets pro-cycliques d’un pilotage par le solde public nominal (c’est-à-dire d’éviter une politique budgétaire expansionniste lorsque la conjoncture est favorable et que les recettes fiscales sont dynamiques, et inversement une politique restrictive en bas de cycle), les États contractants mettent en place des règles ancrées sur le solde structurel, qui correspond au solde public ajusté des effets directs du cycle économique, à savoir les effets de la conjoncture économique qu’elle soit bonne ou mauvaise. Sont notamment retirés du solde public les effets du cycle sur les assiettes fiscales et sociales (masse salariale, consommation et revenu des ménages, bénéfice des entreprises etc.) et les évolutions conjoncturelles des prestations chômage.

Il reste néanmoins des éléments dans le solde structurel qui ne sont pas sous le contrôle direct du Gouvernement et du Parlement : par exemple, les sur-réactions des recettes à l’évolution du PIB ou encore les évolutions des recettes non fiscales, comme les dividendes perçus par les administrations publiques. La notion d’effort structurel correspond à la part de l’évolution du solde structurel résultant de mesures discrétionnaires. Il comprend un effort en recettes et un effort en dépenses.

La notion de « mesures discrétionnaires d’augmentation des recettes », qui correspond à la composante de l’effort structurel portée par les recettes, s’entend comme les mesures fiscales et sociales nouvelles décidées et mises en œuvre par les administrations publiques ; elles peuvent notamment être votées par le Parlement ou prises par voie réglementaire. La composante de l’effort structurel qui est porté par les dépenses correspond à une analyse de l’évolution de la dépense publique au regard de la croissance potentielle de l’économie : l’effort est d’autant plus important que la dépense croît peu par rapport à la croissance potentielle.

Les évaluations du solde structurel et des efforts structurels nécessitent l’estimation d’une « croissance potentielle » de l’économie française : il s’agit de la croissance qui serait observée en l’absence de tensions sur l’utilisation des capacités de production, et qui correspond par conséquent à une croissance tendancielle qui n’est pas sujette aux fluctuations du cycle économique. Elle est estimée à partir d’une projection des gains tendanciels de productivité et de l’offre potentielle de travail, cette dernière dépendant de la démographie, des taux d’activité et du chômage structurel.

3.2. Options possibles en termes formels : choix de présenter le texte organique sous forme autonome

Le présent projet de loi institue une nouvelle loi organique relative aux procédures encadrant la procédure budgétaire, aux côtés de la loi organique relative aux lois de finances et des dispositions organiques du code de la sécurité sociale.

Le projet de loi organique porte essentiellement sur le contenu des lois de programmation des finances publiques et sur des règles de procédure transversales communes aux lois de programmation des finances publiques et aux projets de lois financières. Il ne modifie qu’à la marge le contenu des projets de loi de finances, en introduisant un article liminaire. Il a une incidence marginale sur le PLFSS, en ajoutant des informations dans un annexe au projet de loi. Le Gouvernement a donc fait le choix de présenter l’intégralité des dispositions en une seule loi organique, ce qui permet de rassembler, dans un souci de clarté et de lisibilité du droit, en un texte unique les adaptations que nécessitent le traité et le droit européen.

IV. Analyse des impacts

4.1. Articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en cours d’élaboration

Le projet de loi organique permet d’adapter le droit national aux obligations du traité.

Il permet également de transposer en droit interne celles des dispositions de la directive 2011/85/UE du Conseil européen du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres qui nécessitent des dispositions législatives. Cette directive vise à renforcer les cadres budgétaires à moyen terme des États membres, afin d’assurer la cohérence de la programmation budgétaire annuelle avec les obligations du pacte de stabilité et de croissance.

La France respectait déjà l’essentiel des obligations découlant de la directive – elle disposait déjà en particulier d’une programmation budgétaire à moyen terme sous la forme des lois de programmation des finances publiques, de règles budgétaires chiffrées (par exemple l’objectif national des dépenses d’assurance maladie ou la norme de dépenses de l’État) et d’un système statistique performant. Le rapport économique, social et financier annexé aux lois de finances (article 50 de la loi organique relative aux lois de finances) documente déjà précisément les hypothèses retenues par le gouvernement pour établir ses prévisions budgétaires, ainsi que la sensibilité à ces hypothèses. Le projet de loi organique, en formalisant le contenu des lois de programmation, renforce et pérennise le respect de ces obligations (articles 5, 6 et 9 de la directive).

Le projet de loi organique permet en outre de satisfaire aux dispositions suivantes de la directive :

• l’article 4.6 qui prévoit une évaluation régulière des prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la programmation budgétaire, ainsi qu’une justification des éventuels écarts constatés. C’est l’objet des articles 6 et 16 du présent projet, qui prévoient respectivement que soit introduite une partie liminaire dans les projets de lois de finances, et que le Gouvernement rende compte d’éventuels écarts observés au moment de la présentation du rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques ; c’est également l’objet de l’article 8 qui institue le Haut conseil des finances publiques et crée ainsi une analyse indépendante sur les prévisions macroéconomiques  ;

• l’article 9.1 qui prévoit l’adoption d’une programmation budgétaire à trois ans au moins ;

• la coordination entre sous-secteurs des administrations publiques (article 13) en déclinant la programmation par sous-secteurs au sein des articles discutés par le Parlement ;

• la spécification des conséquences d’un non-respect des objectifs (article 6.1) avec la mise en place d’un mécanisme de correction.

Le projet de loi organique permet également d’anticiper l’entrée en vigueur du projet de règlement relatif à la surveillance des plans budgétaires et à la correction des déficits excessifs des États membres de la zone euro, qui est l’un des deux règlements du « 2-pack ». Ce règlement est à ce jour en cours de discussion entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission européenne. Le texte prévoit que les « projets de plan budgétaire » des États membres soient fondés sur des prévisions macroéconomiques indépendantes, c’est-à-dire que ces prévisions aient été produites ou agréées par un organisme indépendant de l’autorité budgétaire. Le projet de loi organique confère ainsi au Haut conseil des finances publiques le rôle de se prononcer sur les prévisions économiques prises en compte par le Gouvernement. Comme il a été dit plus haut, le Conseil constitutionnel tiendra compte de l’appréciation de cette institution indépendante dans son contrôle de la sincérité des lois de programmation des finances publiques, lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale (cf., sur ce point, considérant 27 de la décision qu’il a rendue le 9 août 2012).

4.2. Conséquences institutionnelles et procédurales

Les quatre axes du présent projet de loi organique ont un impact significatif sur la procédure d’élaboration des projets de loi financière et sur le contrôle de leur exécution.

i) La définition au niveau organique du contenu des lois de programmation des finances publiques, et le renvoi à ces dernières pour justifier du respect des engagements européens de la France, implique que chaque année devra être couverte par une loi de programmation, dont la durée reste cependant ajustable à condition d’être d’au moins trois ans.

ii) L’instauration d’un Haut conseil des finances publiques qui doit se prononcer à différentes étapes de la procédure budgétaire implique par ailleurs une adaptation de cette dernière afin, tout en respectant les délais de dépôt au Parlement des projets de loi, de permettre au Haut conseil de mener une analyse adéquate des projets de lois.

iii) L’inclusion dans le projet de loi de finances d’un article liminaire présentant la trajectoire de solde structurel pour l’ensemble des administrations publiques impliquera de consolider des données relatives à tous les champs des administrations publiques y compris ceux non couverts par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (cf. supra). Il conviendra également d’expliciter le passage entre le solde effectif et le solde structurel.

Le tableau synthétique qui sera voté dans cet article liminaire du projet de loi de finances devra par ailleurs être mis à jour au cours des débats parlementaires afin que le vote final du projet de loi prenne bien en compte la totalité des amendements adoptés lors de la discussion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (et le cas échéant du projet de loi de programmation des finances publiques). Les différents ministères impliqués devront par conséquent mettre en place une procédure assurant la mise à jour de cet article.

iv) Le mécanisme de correction aura une incidence sur le contenu des lois financières lorsqu’il sera activé. Les mesures de redressement devront en effet être présentées dans le plus prochain projet de loi de finances de l’année ou de financement de la sécurité sociale de l’année qui suit la constatation par le Haut conseil d’un écart important à la trajectoire.

4.3. Évaluation des conséquences économiques, financières et sociales

Ce texte vise à renforcer la maîtrise des finances publiques de l’ensemble des administrations publiques. Il s’inscrit dans une optique de redressement des comptes publics, dont les effets bénéfiques sont attendus dans le domaine économique et social. Il ne détermine pas par lui-même une politique budgétaire mais fournit de nouveaux instruments pour favoriser ce redressement.

Par ailleurs, ce projet de loi organique permet de conférer plus de visibilité et de transparence à l’ensemble des agents économiques sur la stratégie de finances publiques.

Le cadre instauré se fonde sur une trajectoire de solde structurel (i.e. ajusté des effets du cycle économique), ce qui, par rapport à une règle de solde nominal, vise à prévenir les comportements pro-cycliques (i.e. une politique budgétaire expansionniste lorsque la conjoncture est favorable et que les recettes fiscales sont dynamiques). La prise en compte, dans le dispositif de correction, d’éventuelles circonstances exceptionnelles permet d’assouplir cette règle notamment en cas de récession.

Le projet de loi organique ne modifie pas la gouvernance actuelle des secteurs non couverts par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

4.4. Impact sur l’emploi public

Ce texte n’a pas d’impact significatif sur l’emploi public, à l’exception des effectifs, limités, qui pourront être nécessaires au fonctionnement du Haut conseil des finances publiques.

4.5. Modalités d’application dans le temps des dispositions envisagées

L’article 14 du traité prévoit qu’il entrera en vigueur le 1er janvier 2013, pour autant que douze États signataires membres de la zone euro l’aient ratifié. Cette condition devrait être remplie. Aux termes du paragraphe 2 de son article 3, les règles qui en constituent l’essentiel (pilotage par l’objectif à moyen terme) doivent prendre effet dans le droit national des parties contractantes au plus tard un an après cette entrée en vigueur.

Parallèlement, l’objectif européen est que les négociations sur le « 2-pack » aboutissent à l’automne 2012, et le règlement sur la surveillance budgétaire devrait entrer en vigueur début 2013.

L’article 17 du projet de loi prévoit que ses dispositions s’appliquent à compter du 1er mars 2013 ou, si cette date est plus tardive, un mois après l’entrée en vigueur du traité.

Une disposition transitoire est également prévue, disposant que la loi de programmation des finances publiques qui devrait être adoptée à la fin de l’année 2012 demeure en vigueur après l’entrée en vigueur de la loi organique.

4.6. Liste des consultations menées avant la saisine du Conseil d’État

Le présent projet de loi organique ne nécessite pas de consultation préalable obligatoire.

1 Une présentation du droit applicable se trouve dans la partie I.2.1 infra.

2 Plus précisément, si son ratio dette publique sur PIB est supérieur à 60% et si l’écart par rapport à 60 % ne se réduit pas à un rythme supérieur à 1/20ème par an en moyenne sur trois ans.

3 L’OMT, défini par chaque État membre dans son programme de stabilité, est une cible de solde structurel (i.e. de solde public corrigé de la position de l’économie dans le cycle économique) qui permet d’assurer la soutenabilité des finances publiques. Il est au minimum de -0,5% du PIB selon le TSCG (-1% dans le volet préventif du pacte). La trajectoire budgétaire d’un État qui n’est pas à son OMT doit garantir un ajustement minimal de 0,5 % du PIB par an vers celui-ci. Si le solde structurel s’écarte de cette trajectoire de 0,5 point du PIB sur un an, ou de 0,25 point du PIB en moyenne sur deux ans, ou si le rythme de croissance des dépenses nettes des mesures nouvelles en recettes dévie de plus de 0,5 % du PIB par an (ou cumulativement sur deux ans), il y a déviation significative.

4 « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'État dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

5 «  Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique. »

6 «  Le Parlement vote les projets de loi de financement de la sécurité sociale dans les conditions prévues par une loi organique. »

7 Actuellement, le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne couvrent pas l’ensemble des administrations publiques et notamment pas les collectivités territoriales, les hôpitaux, l’UNEDIC ou les régimes complémentaires de retraites.

8 Les quatre départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion) font partie des collectivités territoriales résidant sur le territoire économique, et donc du sous-secteur APUL, de même que Mayotte qui est devenue en 2011 le cinquième département d’outre-mer. Les collectivités d’outre-mer (Wallis et Futuna, St Pierre et Miquelon) et les pays d’outre-mer (Polynésie et Nouvelle-Calédonie) sont en revanche classés dans le « Reste du Monde », en dehors des administrations publiques françaises.


© Assemblée nationale