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N° 578

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 janvier 2013.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de l’accord cadre entre la République française
et le
Royaume d’Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La République française et le Royaume d’Espagne ont signé le 27 juin 2008 à Saragosse, dans le cadre de la réunion à haut niveau franco-espagnole, un accord cadre de coopération sanitaire transfrontalière.

La coopération transfrontalière tient une place prépondérante dans les relations bilatérales franco-espagnoles. La France et l’Espagne s’attachent depuis longtemps à faire des Pyrénées non plus une chaîne montagneuse qui séparent nos deux pays mais qui les unissent à travers des projets de coopérations variés tels que le raccordement des infrastructures de transports, les interconnexions énergétiques, la coopération universitaire et linguistique. L’objectif est d’exploiter l’ensemble des synergies possibles de part et d’autre de la frontière afin de soutenir des bassins de développement dynamiques et riches de potentialités.

Ces projets sont conduits au niveau étatique ou par les régions et les communautés autonomes espagnoles frontalières, au sein de plusieurs enceintes qui permettent une concertation transfrontalière régulière et adaptée, telles que la communauté de travail des Pyrénées, la Commission internationale des Pyrénées, la « Conférence euro-régionale » côté atlantique, « l’Eurorégion » côté méditerranée.

L’approfondissement d’une coopération sanitaire visant à assurer une couverture adéquate de l’offre de soins s’inscrit parfaitement dans ce cadre :

- la géographie des lieux et le réseau routier rendent parfois des installations sanitaires d’un des deux pays plus accessibles aux habitants de vallées de l’autre pays ;

- une complémentarité des soins permettrait d’éviter une duplication des moyens disponibles de part et d’autre de la frontière ;

- les pics de fréquentation dans certains sites touristiques et sportifs justifient la mutualisation des moyens sanitaires.

Aussi, cet accord, limité aux régions frontalières, a pour objet de donner un cadre légal à la conclusion de conventions de coopération entre acteurs de santé français et espagnols au niveau local. Il doit permettre d’assurer un accès meilleur et plus rapide à des soins de qualité pour les populations des régions frontalières, optimiser l’organisation de l’offre de soins en facilitant la mutualisation des ressources, des connaissances et des pratiques entre les personnels de santé des deux pays.

S’agissant de ces conventions locales, l’accord d’application signé le 9 septembre 2008 à Angers pose un certain nombre d’obligations quant à leur contenu et au niveau de leurs signataires.

Les mécanismes de prise en charge des soins seront spécifiés dans les conventions signées. Le droit applicable en matière de responsabilité médicale est celui de l’État sur le territoire duquel seront prodigués les soins.

Les principales dispositions de l’accord cadre sont les suivantes.

Les articles 3 et 5 portent sur la prise en charge des soins dispensés dans un autre État membre de l’Union européenne (UE).

Il existe trois voies permettant de prendre en charge les frais médicaux exposés par des assurés d’un régime français dans un autre État membre de l’UE.

Le règlement (CE) n° 1408/71 de coordination des régimes de sécurité sociale au sein de l’UE permet aux assurés d’un régime français qui reçoivent des soins dans un autre État membre, qu’ils soient en situation de résidence ou de séjour temporaire, de se faire rembourser des frais exposés dans les mêmes conditions que s’ils étaient affiliés au régime du lieu des soins, dès lors qu’ils présentent un document communautaire attestant l’ouverture de leurs droits en France (carte européenne d’assurance maladie pour les soins inopinés reçus à l’occasion d’un séjour temporaire ou autorisation préalable E 112 pour les soins programmés, ambulatoires comme hospitaliers).

La jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes sur la libre prestation de services et la libre circulation des marchandises en matière de soins de santé prévoit que les assurés d’un régime français, qui ont décidé d’acheter leurs soins dans un autre État membre, peuvent se faire rembourser des frais exposés sur la base des tarifs français, sans autorisation préalable de leur caisse d’affiliation, pour ce qui concerne les soins ambulatoires, le remboursement des soins hospitaliers restant soumis à l’obtention d’une telle autorisation. Les assurés sont alors tenus de faire l’avance des frais et de présenter ensuite leurs factures à leur caisse d’affiliation.

Cette jurisprudence est intégrée en droit interne aux articles R. 332-3 et suivants du code de la sécurité sociale (CSS).

Les conventions locales de coopération sanitaire transfrontalière entre organismes d’assurance maladie et/ou établissements de santé français et étrangers permettent également aux assurés qui résident ou sont en séjour dans les zones concernées de se faire rembourser des frais médicaux exposés dans l’État partenaire, dans des conditions, propres à chaque convention, qui favorisent l’accès aux soins transfrontaliers.

Dans le cadre de telles conventions, l’article R. 332-5 du CSS précise que la prise en charge des soins hospitaliers ne requiert pas la délivrance d’une autorisation préalable de la caisse d’affiliation de l’assuré.

Le présent accord cadre a pour vocation d’organiser, dans la région transfrontalière concernée, cette dernière voie permettant le remboursement des soins reçus dans l’UE sans autorisation préalable, qu’il s’agisse de soins ambulatoires ou hospitaliers.

L’accord cadre respecte le règlement comme la jurisprudence communautaire et ouvre la possibilité de définir une troisième base de remboursement. En cas de négociation tarifaire, l’accord cadre impose toutefois la validation par les autorités nationales compétentes des tarifs retenus localement.

Les articles 3 et 5 font aussi référence à la simplification de la procédure de mise en œuvre des conventions locales passées par les organismes de sécurité sociale.

L’article R. 332-5 du CSS ouvre la possibilité, sous certaines conditions, aux organismes de sécurité sociale de passer des conventions avec des établissements de soins établis en UE, sous réserve de l’accord du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale.

Le présent accord cadre simplifie le circuit de validation des conventions locales de coopération en autorisant les acteurs de terrain responsables de la signature de ces conventions à les conclure et les mettre en œuvre, sans autorisation ministérielle préalable.

Un contrôle de conformité de ces conventions aux dispositions de l’accord cadre sera régulièrement assuré par les représentants des autorités compétentes nationales, qui siègeront à la commission mixte prévue à l’article 7 de l’accord cadre.

L’article 3 détaille l’autorisation d’exercer pour les professionnels de santé – praticiens hospitaliers.

Les établissements publics de santé peuvent conclure des conventions de coopération, y compris internationales, avec des personnes de droit public ou privé en vertu de l’article L. 6134-1 du code de la santé publique (CSP).

Ces conventions permettent de mettre à disposition des personnels de santé, notamment les praticiens hospitaliers (articles R. 6152-4, 6152-201 et R. 6152-612 CSP).

L’accord cadre permet que les conventions de coopération organisent l’intervention de ces professionnels en dehors de leur établissement pour des interventions transfrontalières.

L’article 4 de l’accord cadre précité précise que si l’activité des professionnels de santé dans le domaine des secours n’est pas soumise à l’obtention d’une autorisation des autorités compétentes de l’État d’intervention temporaire, ni à l’inscription des intéressés auprès d’une chambre professionnelle de cet État, les professionnels de santé concernés ne sont pas dispensés de respecter le droit en vigueur sur le territoire de l’État partenaire et notamment, pour ce qui concerne l’exercice de l’activité en France des professionnels de santé établis en Espagne de l’obligation d’informer les autorités locales compétentes de la prestation de service qu’ils vont réaliser, s’ils en ont connaissance au préalable, ou ont effectuée, dans le cas où l’urgence ne permettrait pas d’anticiper leur intervention.

Les articles L. 4112-7 et R. 4112-9 à R. 4112-12 CSP prévoient une déclaration préalable à l’exécution de tout acte professionnel des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, au conseil départemental de l’ordre concerné. En cas d’urgence cette déclaration est faite a posteriori.

Les articles L. 4311-22, R. 4311-40 et R. 4311-41 du CSP prévoient une déclaration préalable à l’exécution de tout acte professionnel des infirmiers auprès du service de l’État compétent dans le département où l’acte a été réalisé. En cas d’urgence cette déclaration est faite a posteriori.

En matière de responsabilité, l’accord cadre renvoie au droit applicable par chacun des droits nationaux concernés (lex loci delicti).

L’article 6 impose la souscription d’une assurance responsabilité civile aux professionnels, établissements et services pour leur activité dans le cadre des conventions de coopération.

L’accord d’application précise à son article 1er quelles sont les personnes et autorités qui peuvent conclure des conventions de coopération sanitaire. Il s’agit des DRASS ou DDASS, des ARH, des URCAM pour la France et des « Consejerias » ou « Departamentos » compétents en matière de santé de chacune des « Comunidades Autonomas » pour l’Espagne.

Ces autorités doivent communiquer au ministère de la santé et de la consommation en Espagne et au ministère de la santé, de la jeunesse et des sports en France, avant signature, les conventions qu’elles souhaitent souscrire.

L’article 2 fixe les conditions et modalités d’intervention des professionnels de santé, des structures de soins et des organismes de sécurité sociale.

Il porte principalement sur :

- l’intervention transfrontalière des professionnels de santé ;

- l’organisation des secours d’urgence et du transport sanitaire des patients ;

- la garantie d’une continuité des soins incluant l’accueil et l’information des patients ;

- les critères d’évaluation et d contrôle de la qualité et de la sécurité des soins.

L’article 4 précise les modalités de prise en charge des dépenses de santé. Trois modalités tarifaires de remboursement sont énoncées. La prise en charge peut ainsi s’effectuer soit sur la base des tarifs du lieu des soins, soit sur la base des tarifs de l’État d’affiliation de l’assuré ou sur la base de tarifs négociés.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’accord cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de l’accord cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord cadre entre la République française et le Royaume d’Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière (ensemble un accord d’application, signé à Angers, le 9 septembre 2008), signé à Saragosse, le 27 juin 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 9 janvier 2013.

Signé : Jean-Marc AYRAULT

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères


Signé :
Laurent FABIUS


© Assemblée nationale