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LETTRE RECTIFICATIVE AU PROJET DE LOI

relatif à lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance

économique et financière

ETUDE D'IMPACT

NOR : JUSX1310904L/Bleue-1

MAI 2013

SOMMAIRE

I. la nécessaire suppression des pôles économiques et financiers et le renforcement des juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) (article 704 nouveau du code de procédure pénale) 5

I.1. Etat du droit 5

I.2. Nécessité de légiférer 7

I.2.1. Une remise en cause quasi-unanime des pôles économiques et financiers de l’article 704 alinéa 1er du code de procédure pénale 7

I.2.2. Les pôles de l’instruction, créés en 2007 et compétents pour le traitement de la délinquance économique et financière d’une « certaine complexité », ont affaibli les pôles économiques et financiers 8

I.2.3. Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), compétentes pour le traitement de la délinquance économique et financière de grande complexité, ont, quant à elles, prouvé leur pertinence 9

I.3. La suppression des pôles économiques et financiers et le renforcement des juridictions interrégionales spécialisées 12

II. le procureur de la République financier (article 705 nouveau du code de procédure pénale) 13

II.1. Etat du droit 13

II. 2. Nécessité de créer un procureur de la République financier 13

II.2.1. Nécessité d’une compétence nationale en matière économique et financière 13

II.2.2. Nécessité d’un procureur de la République dédié en matière économique et financière 14

II.2.3. Nécessité de légiférer 15

II.3. Nécessité d’adapter le code de procédure pénale pour doter le procureur de la République financier d’assistants spécialisés 16

II.3.1. Etat du droit 16

II.3.2. Nécessité de légiférer 19

II.4. Présentation de la réforme 20

II.4.1. Les compétences attribuées au procureur de la République financier 20

II.4.2. L’articulation de la compétence, nationale, du procureur de la République financier avec celle des autres procureurs de la République 21

II.4.3. Les assistants spécialisés auprès du procureur de la République financier 23

III. Impacts en terme de fonctionnement des juridictions 23

III.1. Evaluation de l’activité du futur procureur de la République financier 23

III.2. Impact sur les effectifs et les implantations immobilières 25

III.2.1. Effectifs 25

III.2.2. Immobilier 26

IV. Application de la loi dans le temps et dans l’espace 26

IV.1. Entrée en vigueur 26

IV.2. Application outre-mer 27

Introduction

Le Président de la République a affirmé sa détermination à améliorer l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales internationales, aux niveaux national, européen et international, notamment en renforçant les moyens de la justice en la matière.

L’instauration d’un parquet financier national (ci-après dans le projet dénommé « procureur de la République financier »), autonome et non rattaché au parquet de Paris, placé sous l’autorité du procureur général de Paris, entraine une série de modifications dans l’architecture du traitement judiciaire de la grande délinquance économique et financière qui seront examinées dans l’ordre suivant : suppression des pôles économiques et financiers et redéploiement des juridictions interrégionales spécialisées (1), compétence du parquet national (2), impacts en terme de fonctionnement des juridictions (3) et modalités d’application de la loi (4).

I. la nécessaire suppression des pôles économiques et financiers et le renforcement des juridictions inter-régionales spécialisées (JIRS) (article 704 nouveau du code de procédure pénale)

1.1. Etat du droit

L’une des particularités du système judiciaire français de lutte contre la délinquance économique et financière est la superposition de plusieurs niveaux de compétence.

Au sein de ce système judiciaire, Paris1 occupe une place particulière par rapport aux autres juridictions économiques et financières, compte tenu, d’une part, de la concentration de sièges sociaux importants sur son ressort territorial, d’autre part, de sa compétence exclusive en matière boursière et enfin de sa compétence concurrente en matière de corruption d’agent public étranger.

L’empilement des différents niveaux de juridictions est le fruit d’une série de réformes successives :

en 1975 ont été créées des juridictions régionales spécialisées (JRS) en matière économique et financière. Ces juridictions, appelées « pôles économiques et financiers » et au nombre de une à deux par cour d’appel, sont compétentes pour traiter des dossiers d’une grande complexité ;

en 1998 ont été mis en place quatre pôles économiques et financiers : Bastia, Lyon, Marseille et Paris. Cette réforme n’a pas consacré un niveau supplémentaire de compétence mais uniquement consisté à renforcer certaines des JRS ;

par la loi du 9 mars 2004 susmentionnée, le législateur a créé huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Dans la plupart des cas, la pratique a conduit à ce que les JIRS intègrent dans les faits les JRS ;

la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 renforçant l’équilibre de la procédure pénale créant les pôles de l’instruction permet la co-saisine de magistrats instructeurs « lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie » (article 83-1 du CPP). Le ressort territorial de ces pôles de l’instruction est plus restreint que celui des pôles économiques et financiers.

Il existe donc à ce jour quatre niveaux de compétence en matière économique et financière :

les tribunaux de grande instance (TGI) juridictions naturelles non spécialisées pour connaître des affaires ne relevant ni de la grande, ni de la très grande complexité ;

les pôles de l’instruction pour connaitre des affaires nécessitant une co-saisine de magistrats instructeurs « lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie », ce qui concernera de nombreuses procédures correctionnelles touchant au droit pénal des affaires ;

les pôles spécialisées prévues au premier alinéa de l’article 704 et à l’article D47-2 du code de procédure pénale pour les dossiers d’une « grande complexité »,  au nombre de 36 ; qui correspondent généralement aux tribunaux de grande instance du siège de la cour d’appel ;

les JIRS, au nombre de 8, compétentes pour une liste d’infractions limitativement énumérées aux alinéas 2 à 16 de l’article 704 du code de procédure pénale dans le cadre de dossiers d’une « très grande complexité » (articles 704 al.14) que la loi du 9 mars 2004 susmentionnée définit notamment à travers les critères du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes, ainsi que de l’étendue du ressort géographique sur lequel les affaires s’étendent (quatorzième alinéa de l’articles 704 et article D47-3 du code de procédure pénale).

Ces deux derniers niveaux (JRS et JIRS) se répartissent comme suit :

JIRS

Pôles éco-fi. (ressort de CA couvert)

Bordeaux

Agen (CA Agen), Bordeaux (CA Bordeaux), Limoges (CA Limoges), Pau (CA Pau), Toulouse (CA Toulouse)

Lille

Amiens (CA Amiens), Lille (CA Douai), Reims (CA Reims), Rouen (CA Rouen)

Lyon

Annecy (CA Chambéry), Grenoble (CA Grenoble), Lyon (CA Lyon), Clermont-Ferrand (CA Riom)

Marseille

Marseille (CA Aix en Provence), Bastia (CA Bastia), Montpellier (CA Montpellier), Nîmes (CA Nîmes)

Nancy

Nancy (CA Nancy), Besançon (CA Besançon), Strasbourg (CA Colmar), Dijon (CA Dijon), Metz (CA Metz)

Paris

Bourges (CA Bourges), Paris (CA Paris), Orléans (CA Orléans), Nanterre (CA Versailles), Saint Denis de la Réunion (CA Saint Denis de la Réunion) + ressort de CA Nouméa, CA Papeete et TPI de St Pierre et Miquelon

Rennes

Le Mans (CA Angers), Caen (CA Caen), Poitiers (CA Poitiers), Rennes (CA Rennes)

Fort-de-France

Pointe à Pitre (CA Basse-Terre), Fort-de-France (CA Fort- de-France), CA de Cayenne

1.2. Nécessité de légiférer

Par une dépêche du 27 septembre 2012, la DACG a interrogé les parquets généraux sur le nombre de saisines annuelles, le nombre de décisions rendues par les pôles spécialisés du premier alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale, les effectifs qui y sont affectés, les critères de saisine, la nature des infractions traitées, ainsi que sur les avantages et éventuels inconvénients de ces structures intermédiaires.

Dans leur grande majorité, tous les parquets s’accordent à dire que dans la plupart des cas, les pôles ne bénéficient ni d’effectifs spécialisés, ni de moyens matériels propres leur permettant d’apporter une réelle plus-value. Tous insistent également sur leur difficulté à distinguer la « grande » de la « très grande » complexité prévues par les textes2. De surcroît, la mise en place en 2007 des pôles de l’instruction avec possibilité de co-saisine a remis en cause l’utilité des pôles économiques et financiers du premier alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale.

1.2.1. Une remise en cause quasi-unanime des pôles économiques et financiers de l’article 704 alinéa 1er du code de procédure pénale

Seuls les pôles économiques et financiers de Bastia et de Nanterre disposent de moyens humains et matériels propres comprenant des assistants spécialisés.

La situation du tribunal de grande instance de Paris dans la gestion du contentieux économique et financier est particulière dans la mesure où la majeure partie des grandes entreprises publiques et privées et des grands établissements financiers a son siège en Ile-de-France. Ce tribunal a donc été doté d’une organisation et de magistrats spécialisés lui permettant de traiter les procédures financières complexes. A Paris, la saisine du pôle au sens de l’article 704 du même code est devenue extrêmement marginale.

Il en est de même pour le pôle économique et financier de Nanterre, doté de moyens humains et matériels spécifiquement dédiés au contentieux économique et financier, préexistant à l’avènement de ces pôles. Le procureur général de Versailles souligne néanmoins le manque de moyens humains et matériels tant dans les juridictions que dans les services d’enquête pour traiter ce contentieux sur son ressort. Il ajoute toutefois que le maintien d’un tel échelon de compétence intermédiaire apparaît nécessaire, car sans lui un contentieux de complexité intermédiaire serait transféré à la JIRS de PARIS qui serait rapidement engorgée.

Hormis ces situations spécifiques, la quasi-totalité des parquets généraux estiment que l’existence de ces pôles ne se justifie plus dans la mesure où les juridictions n’ont pas d’effectif spécialisé, ni de moyens spécifiquement affectés (parquets généraux d’Aix-en-Provence, Nancy, Lyon, Bordeaux et de Saint Denis de la Réunion notamment). Ainsi le parquet général de Saint Denis de la Réunion souligne que depuis sa création le pôle économique et financier de l’article 704 n’a jamais fonctionné.

En outre, les juridictions de droit commun n’ayant pas sur leur ressort, en l’absence d’un grand centre urbain, d’affaires économiques et financières complexes privilégient davantage le traitement de ce type d’affaires par les juridictions de droit commun ou, en cas de très grande complexité, par la JIRS compétente, évitant ainsi une surcharge du tribunal désigné comme pôle par l’article D47-2 du code de procédure pénale (Cour d’appel de Bourges par exemple).

Lorsque la complexité du dossier est manifeste – en raison de la nature des investigations, de ses ramifications nationales ou internationales, de sa complexité juridique ou de la qualité des personnes en cause – les juridictions privilégient la saisine des JIRS.

La plupart des parquets n’a donc que rarement recours pour traiter la délinquance économique et financière complexe à la saisine des pôles économiques et financiers, en raison notamment de l’absence de magistrats et de services enquêteurs spécialisés mais également de la concurrence des pôles de l’instruction issus de la loi du 5 mars 2007.

1.2.2. Les pôles de l’instruction, créés en 2007 et compétents pour le traitement de la délinquance économique et financière d’une « certaine complexité », ont affaibli les pôles économiques et financiers

Dans leur réponse à la dépêche du 27 septembre 2012, plusieurs parquets indiquent que la création des pôles de l’instruction (par la loi n°2007-291 du 5 mars 2007 renforçant l’équilibre de la procédure pénale) a affaibli l’intérêt de la distinction prévue au premier alinéa de l’article 704.

L’article 52-1 du code de procédure pénale dispose que les juges d’instruction des pôles de l’instruction sont seuls compétents en matière de crime et pour connaître des infractions donnant lieu à co-saisine (articles 83-1 et 83-2 du même code). L’article 83-1 du même code prévoit la possibilité d’une co-saisine «lorsque la gravité ou la complexité de l’affaire le justifie (…) ».

Ce critère de complexité est redondant avec celui du premier alinéa de l’article 704 qui prévoit la saisine des pôles économiques et financiers spécialisés du premier alinéa de l’article 704 du même code pour les affaires économique et financière de « grande complexité ».

Le ressort territorial des pôles de l’instruction est plus restreint que celui des pôles économiques et financiers. Il n’existe en règle générale qu’une juridiction spécialisée par cour d’appel (article D.47-2 du même code), alors qu’il existe en moyenne 3 ou 4 pôles de l’instruction par cour d’appel (article D.15-4-4 du même code). Le pôle de l’instruction constitue de fait un échelon intermédiaire entre la juridiction territorialement compétente et le pôle économique et financier.

Si le ressort territorial n’est pas le même et si le critère de complexité, introduit par la loi du 5 mars 2007 pour les pôles de l’instruction, dépasse le champ de la seule matière économique et financière (accident collectif, droit du travail), force est de constater que les textes relatifs aux pôles de l’instruction, très fréquemment usités par les juridictions, permettent le traitement des informations judiciaires ouvertes en matière économique et financière par des magistrats spécialisés.

En effet, il résulte des articles 52-1 et D15-4-4 et suivants du code de procédure pénale qu’un ou plusieurs juges d’instruction peuvent être chargés, en tenant compte s’il y a lieu de leur spécialisation notamment en matière économique et financière, de coordonner l’activité des juges d’instruction au sein du pôle. Ce ou ces juges coordonnateurs désignés par le président du tribunal de grande instance, après avis de l’assemblée générale des magistrats du siège, peut réunir les juges d’instructions du pôle en fonction de leur spécialisation afin d’examiner l’état d’avancement des procédures.

Les dispositions actuelles relatives au pôle de l’instruction prévoient une organisation au sein du pôle en fonction de la spécialisation des magistrats instructeurs, rendant obsolètes les pôles du premier alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale, plusieurs parquets généraux en ont conclu dans leur réponse que depuis 2004 (création des JIRS) et 2008 (création des pôles de l’instruction), les pôles du premier alinéa de l’article 704 du même code sont « voués à disparaître ».

1.2.3. Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), compétentes pour le traitement de la délinquance économique et financière de grande complexité, ont, quant à elles, prouvé leur pertinence

La dimension interrégionale des JIRS constitue leur principal atout. Leur ressort de compétence couvre plusieurs cours d’appel selon le découpage territorial suivant défini par les articles D47-3 (en matière économique et financière) et D47-13 (en matière de criminalité organisée) du code de procédure pénale :

JIRS

Compétence territoriale s’étendant au ressort des cours d’appel ou des tribunaux supérieurs d’appel  de :

TGI de Bordeaux

Cour d’assises de la Gironde

Agen, Bordeaux, Limoges, Pau et Toulouse

TGI de Lille

Cour d’assises du Nord

Amiens, Douai, Reims et Rouen

TGI de Lyon

Cour d’assises du Rhône

Chambéry, Grenoble, Lyon et Riom

TGI de Paris

Cour d’assises de Paris

Bourges, Paris, Orléans, Versailles, Nouméa, Mamoudzou, Papeete, Saint Denis de la Réunion et Saint Pierre et Miquelon

TGI de Marseille

Cour d’assises des Bouches du Rhône

Aix en Provence, Bastia, Montpellier, Nîmes

TGI de Rennes

Cour d’assises d’Ille et Vilaine

Angers, Caen, Poitiers et Rennes

TGI de Nancy

Cour d’assises de Meurthe et Moselle

Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy

TGI de Fort de France

Cour d’assises de la Martinique

Basse-Terre, Cayenne et Fort de France

a) Compétence matérielle : un niveau de complexité exigé différent selon la matière et peu compréhensible

Les JIRS sont compétentes pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits et des crimes entrant dans leur domaine de compétence tel que défini par la loi.

Il s’agit d’une compétence d’attribution concurrente, ce qui signifie que les JIRS ne dessaisissent pas de plein droit les juridictions pénales qui seraient territorialement compétentes selon les règles habituelles fixées par le code de procédure pénale (article 43 du code de procédure pénale3). Chaque affaire est examinée au cas par cas afin de déterminer si la saisine d’une JIRS doit être privilégiée par rapport à celle d’une juridiction locale4.

Les JIRS peuvent ainsi être saisies si deux critères sont réunis au regard de :

- la nature des infractions : au regard de la qualification des faits correspondant à une liste limitative d’infractions énumérées aux alinéas 2 à 16 de l’article 704 du code de procédure pénale5 ;

- et du niveau de complexité des affaires, différent selon qu’il s’agit de criminalité organisée ou de délinquance économique et financière.

La nature des affaires pouvant relever des JIRS est définie par la loi. Les critères de saisine des JIRS ont été précisés par voie de circulaires afin d’harmoniser les pratiques.

Ø La « très grande complexité » en matière économique et financière.

En matière économique et financière, la JIRS peut être saisie si l’affaire est d’une « très grande complexité ».

La loi du 9 mars 2004 susmentionnée définit la très grande complexité à travers les critères suivants :

- grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ;

- étendue du ressort géographique sur lequel les affaires s’étendent.

La circulaire du 2 septembre 2004 (CRIM 04-11/G3 02.09.04) relative aux juridictions inter-régionales spécialisées en matière économique et financière précise les critères de saisine :

- importance du préjudice causé par l’infraction ;

- taille et implantation internationale des structures ayant permis la réalisation de l’infraction ;

- nécessité du recours à la coopération internationale ou faits connexes

- à l’étranger ;

- utilisation de comptes bancaires multiples ;

- groupe structuré agissant dans des lieux multiples ;

- technicité des matières ;

- pluridisciplinarité des affaires.

Enfin, la circulaire préconise de privilégier la compétence des JIRS s’agissant des infractions:

- de fraude aux intérêts financiers de l’Union européenne ;

- de marchés publics de l’Etat.

La très grande complexité se caractérise le plus souvent par un cumul de plusieurs de ces différents critères.

Ø La « grande complexité » en matière de criminalité organisée

En la matière, la compétence de la JIRS est prévue pour les infractions listées aux articles 706-73, 706-74 et 706-75 du code de procédure pénale, et ce, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une « grande complexité ». Cette compétence s’étend aux infractions connexes.

Un certain nombre de critères ont été définis par une autre circulaire du 2 septembre 2004 prise afin d’homogénéiser les pratiques des différents parquets suite à l’entrée en vigueur de la loi du 9 mars 2004 susmentionnée et de satisfaire aux textes européens définissant la criminalité organisée6. (CRIM 04-13/G1-02-09-04)

b) Des statistiques démontrant un faible investissement dans la lutte contre la délinquance économique et financière, en dépit des outils octroyés et des buts assignés

Au terme de huit années d'existence, les huit JIRS, opérationnelles depuis le 1er octobre 2004, se sont inscrites durablement dans le paysage judiciaire français. 65,8 % des affaires JIRS présentent des liens avec l’étranger, particulièrement avec les Etats de l’Union Européenne.

Si les JIRS ont fait la preuve de leur efficacité dans le traitement des phénomènes criminels de grande complexité, elles peuvent encore sans doute davantage investir le champ de la délinquance économique et financière complexe.

Ainsi, entre le 1er octobre 2004 et le 31 décembre 2012, les JIRS s’étaient saisies de 2.495 procédures (dont 1.443 en cours et 1.052 définitivement clôturées) qui se répartissent comme suit : 1.985 procédures de criminalité organisée et 510 procédures en matière économique et financière soit respectivement 80 et 20 %.

1.3. La suppression des pôles économiques et financiers et le renforcement des juridictions interrégionales spécialisées

La complexité de nombreuses affaires économiques et financières, leur dimension largement transnationale, et les moyens attribués aux JIRS pour lutter contre ce type de délinquance (magistrats d’expérience, assistants spécialisés, pratique des services d’enquête spécialisés et des techniques spéciales d’enquête) justifient un accroissement significatif de la proportion des dossiers économiques et financiers au sein des JIRS.

Sont ainsi supprimés les pôles économiques et financiers créés par la loi n°75-701 du 6 août 1975 modifiant et complétant certaines dispositions de procédure pénale (un à deux par cour d’appel), et compétents pour traiter la délinquance économique et financière de « grande complexité » (article 704 alinéa 1er du code de procédure pénale). En effet, le caractère peu opérationnel de ces structures, et la multiplicité des niveaux de compétence judiciaire en matière économique et financière favorisent l’éparpillement des moyens humains et matériels et nuisent à la bonne lisibilité par les praticiens de l’architecture judiciaire en la matière.

Les juridictions interrégionales spécialisées – créées par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité – et compétentes pour traiter uniquement de la délinquance économique et financière de « très grande complexité » seront désormais également compétentes pour traiter les procédures de complexité moindre - celles de « grande complexité » - jusqu’ici dévolues aux pôles économiques et financiers.

Il en résultera une meilleure lisibilité des critères de saisine des JIRS, qu’il s’agisse de criminalité organisée ou de délinquance économique et financière, alignés sur la seule « grande complexité » (nouvel alinéa premier de l’article 704 du même code). Les JIRS auront donc un champ de compétence accru en matière économique et financière, nécessitant un renforcement de leurs moyens.

Les affaires de « grande complexité » seront transférées aux JIRS. Le critère de compétence des JIRS en matière économique et financière sera ainsi celui retenu pour la criminalité organisée (la grande complexité), avec une meilleure lisibilité de l’organisation des JIRS pour les praticiens.

Il en résultera également un moindre éparpillement des moyens matériels et humains et notamment des magistrats spécialisés sur l’ensemble du territoire national.

L’autre avantage attendu d’une telle réforme est celui d’une meilleure coordination des différentes procédures en cas de liens éventuels, par les parquets généraux en charge du suivi de ce type d’affaires.

II. le procureur de la République financier (article 705 nouveau du code de procédure pénale)

2.1. Etat du droit

En matière économique et financière, seuls la corruption d’agent public étranger (article 706-1 du code de procédure pénale : compétence concurrente) et les délits boursiers (article 704-1 du même code : compétence exclusive) font l’objet d’une compétence nationale. Pour le reste, le traitement des infractions économiques et financière fait l’objet d’une répartition entre les pôles économiques et financiers et les juridictions interrégionales spécialisées, lorsque la complexité de l’affaire le justifie.

2.2. Nécessité de créer un procureur de la République financier

2.2.1. Nécessité d’une compétence nationale en matière économique et financière

L’objectif poursuivi est d’améliorer le traitement des infractions présentant un haut degré de complexité, en particulier en matière de lutte contre la corruption et la fraude fiscale, qui nécessitent de conduire des investigations très techniques, souvent dans un contexte international.

Ainsi, certaines affaires concernent des faits commis certes par des nationaux mais quasi exclusivement à l’étranger, s’agissant tant des éléments constitutifs des infractions (obtention de marchés à l’exportation ou de transactions commerciales internationales en contrepartie de pots-de-vin) que de la destination finale du produit des délits (corruption d’agent public étranger, fraude fiscale complexe).

D’autres affaires d’ampleur nationale (corruption, marchés publics frauduleux) nécessitent une grande spécialisation des magistrats et une centralisation des moyens et compétences comme elle existe déjà en matière boursière (article 704-1 du même code).

Cette organisation permettra une concentration des moyens et de l’expertise nécessaires à l’efficacité de la lutte contre ces formes particulières de délinquance financière. Il peut être relevé à cet égard que l’organisation des services au sein de la direction centrale de la police judicaire prévoit déjà un tel regroupement de ces affaires au sein de la division nationale des investigations financières et fiscales (DNIFF), qui a vocation à être transformée en office central, et qui comporte deux brigades spécialisées : la brigade centrale de lutte contre la corruption et la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale.

2.2.2. Nécessité d’un procureur de la République dédié en matière économique et financière

Le choix a été fait de créer un parquet autonome, distinct du parquet du tribunal de grande instance de Paris et dirigé par un procureur de la République financier. Par rapport à l’organisation retenue en matière de terrorisme (compétence nationale confiée au parquet de Paris), le choix de créer un parquet distinct maximise les avantages attendus de la création d’une compétence nationale en matière économique et financière.

En effet, il garantit l’autonomie des moyens consacrés à la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Les magistrats affectés au parquet financier se consacreront uniquement à cette tâche, comme il bénéficiera d’un greffe exclusivement dédié.

Il accroît la visibilité de la politique de lutte contre la fraude fiscale et la corruption qu‘il incarnera.

Il sera en particulier identifié comme un interlocuteur privilégié vis-à-vis tant des services d’enquête nationaux, dont le futur office central spécialisé, que des autorités judiciaires étrangères. La mise en place d’un parquet financier autonome et bien identifié confèrera un cadre d’échanges stable et pérenne à l’entraide pénale internationale, gage d’efficacité et de célérité dans les échanges d’informations nécessaires à la lutte contre la corruption et la fraude fiscale.

Le procureur de la République financier aura une légitimité propre pour mettre en œuvre les instructions générales décidées par le garde des Sceaux, en déterminant l’action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la corruption de grande complexité. Conforté en outre par la réforme du statut du parquet et l’absence d’instructions individuelles, il ne laissera aucune place au doute sur l’indépendance de celui-ci à l’égard de tous ceux qui sont susceptibles de commettre ce type d’infractions (élus, responsables administratifs de haut niveau, entrepreneurs …).

La coexistence de deux parquets distincts nécessite cependant de s’assurer qu’il n’y aura pas de conflits de compétence. Le projet de loi y répond en prévoyant que le procureur général près la cour d’appel de Paris règlera les éventuelles difficultés qui pourraient survenir, comme il le fait déjà entre les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance du ressort de la cour d’appel de Paris. De plus, il est prévu que ne constitue pas une cause de nullité de la procédure le fait qu’un acte ait été effectué par le procureur de la République de Paris ou le procureur de la République financier en dehors de leurs compétences respectives.

2.2.3. Nécessité de légiférer

La création du parquet financier à compétence nationale nécessite de prévoir par la loi organique l’existence de la fonction de procureur de la République financier et de modifier des articles de la partie législative du code de l'organisation judiciaire pour l’adapter à cette nouvelle organisation.

En effet, l’organisation générale du parquet relève de la loi et ce parquet spécifique ne correspond pas à l’organisation actuelle du parquet.

La loi a pour but de préciser que, contrairement aux parquets ordinaires (article L. 122-2 du code de l'organisation judiciaire), ce parquet financier à compétence nationale, dont les membres seront installés au tribunal de grande instance de Paris, n’a pas compétence comme le parquet du tribunal de grande instance de Paris devant toutes les juridictions du premier ressort. Le procureur de la République financier et ses substituts n’exerceront le ministère public que devant le tribunal de grande instance de Paris.

Le parquet correspond aux magistrats exerçant le ministère public devant le tribunal de grande instance, le parquet général aux magistrats exerçant le ministère public devant les cours d’appel et devant la Cour de cassation. Tout magistrat d’un parquet peut exercer ses fonctions au sein de ce parquet (article L. 122-4 du code de l'organisation judiciaire). C’est le principe d’indivisibilité du parquet. Aussi afin de distinguer le parquet du tribunal de grande instance de Paris et le parquet financier à compétence nationale rattaché au tribunal de grande instance de Paris et de rendre « étanches » ces deux parquets aux attributions et aux chefs distincts, la loi précise que tout magistrat du parquet financier à compétence nationale ne peut exercer ses compétences qu’au sein de ce parquet.

Le procureur de la République est, dans tout le code de l'organisation judiciaire, le chef du parquet d’un tribunal de grande instance. Il représente en personne ou par ses substituts le ministère public près le tribunal de grande instance (article L. 212-6 du code de l'organisation judiciaire).

Le procureur de la République financier ayant des attributions et un statut spécifiques et étant distinct du procureur de la République du tribunal de grande instance près lequel le parquet financier est installé, la loi indique que lui aussi représente le ministère public près le tribunal de grande instance où il est installé. La loi précise, afin d’éviter tout empiètement de ce parquet sur l’exercice du ministère public par le procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris, que le procureur de la République financier ne représente le ministère public devant le tribunal de grande instance de Paris que dans la limite de ses attributions.

Enfin, d‘autres articles du code de l'organisation judiciaire mentionnent le procureur de la République, dans son rôle auprès du tribunal de police (L. 222-3), de la juridiction de proximité (L. 232-3), de la commission d’indemnisation des victimes (L. 214-2) qui est rattachée au tribunal de grande instance. Aussi la loi a-t-elle pour but de distinguer le procureur de la République financier et le procureur de la République en précisant que les dispositions législatives du code de l'organisation judiciaire ne lui sont, en principe, pas applicables.

2.3. Nécessité d’adapter le code de procédure pénale pour doter le procureur de la République financier d’assistants spécialisés

2.3.1. Etat du droit

• Le statut des assistants spécialisés

Créés par la loi n°98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier dans le but d’apporter une aide aux juridictions spécialisées en matière économique et financière, les assistants spécialisés peuvent être sollicités par les magistrats du siège et du parquet à tout moment de l’enquête aux fins d’assistance dans leurs dossiers. Ils constituent ainsi une institution originale devenue indispensable au bon fonctionnement des juridictions spécialisées que sont les pôles économiques et financiers et les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Il s’agit de fonctionnaires mis à disposition ou d’agents du secteur privé7 recrutés à titre contractuel afin d’assister les magistrats dans des domaines techniques. Ces assistants spécialisés, expérimentés en matière comptable, bancaire, boursière, fiscale, douanière ou de marchés publics, apportent aux juridictions spécialisées leur compétence technique pour traiter les dossiers complexes de manière plus rapide et plus approfondie par un véritable travail en équipe pluridisciplinaire conduit au sein même de l’institution judiciaire.

• Les prérogatives des assistants spécialisés

Aux termes de l’article 706 du code de procédure pénale, les assistants spécialisés participent aux procédures sous la responsabilité des magistrats, sans pouvoir toutefois recevoir délégation de signature, sauf pour les réquisitions prévues par les différents articles du code de procédure pénale régissant les pouvoirs de réquisitions de documents et de données informatiques conférés aux officiers de police judiciaire (OPJ) par les articles 60-1 et 60-2 du même code (enquête de flagrance), articles 77-1-1 et 77-1-2 du même code (enquête préliminaire) et articles 99-3 et 99-4 du même code (information judiciaire)8.

Ils accomplissent toutes les tâches qui leur sont confiées par les magistrats et peuvent notamment :

- assister les juges d'instruction dans tous les actes d'information ;

- assister les magistrats du ministère public dans l'exercice de l'action publique ;

- assister les officiers de police judiciaire agissant sur délégation des magistrats ;

- remettre aux magistrats des documents de synthèse ou d'analyse qui peuvent être versés au dossier de la procédure ;

- mettre en œuvre le droit de communication reconnu aux magistrats en application de l'article 132-22 du code pénal.

Le procureur général peut leur demander d'assister le ministère public devant la juridiction d'appel.

Ils ont accès au dossier de la procédure pour l'exécution des tâches qui leur sont confiées et sont soumis au secret professionnel sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal.

Les assistants spécialisés prêtent serment, conformément aux dispositions de l'article R. 50 sexies du code de procédure pénale9.

En outre, leur contrat comporte une clause de confidentialité généralement libellée de la manière suivante : "M. N … s'engage à se conformer à toutes les obligations imposées aux agents de la fonction publique en ce qui concerne la discipline et la discrétion la plus absolue sur les recherches et renseignements dont il aura connaissance à l'occasion du service. L'intéressé est responsable des tâches qui lui sont confiées. Il est soumis à l'obligation de réserve, de discrétion et de loyauté."

• Les tâches confiées

Si les tâches confiées à chaque assistant spécialisé obéissent au canevas prévu par l’article 706 du code de procédure pénale, elles varient selon la spécialisation de l’assistant.

Un assistant spécialisé des douanes se verra ainsi confier des tâches suivantes :

- analyse des infractions douanières, préparation de notes techniques en matière douanière à tous les stades de la procédure,

- rédaction d’avis circonstanciés concernant les procédures et délits douaniers, préparation de citations directes et participation à la rédaction de réquisitoires définitifs,

- veille juridique,

- réquisitions bancaires ou aux administrations,

- possibilité de participation à des perquisitions,

- liens avec les services douaniers et le Service National des Douanes Judiciaires,

- soutien technique du ministère public et préparation des conclusions pour les audiences.

Un assistant spécialisé en finances publiques aura pour tâche d’ :

- apporter aux magistrats des éléments techniques de nature fiscale, à tout stade de la procédure : examen des plaintes pour fraude fiscale, rédaction des notes d'expertise et citations directes ; analyse des retours d'enquêtes confiées aux services de police spécialisés, rédaction de notes proposant les suites à donner aux dossiers et de documents de synthèse contenant le plus souvent des propositions d'investigations complémentaires ; élaboration de schémas et tableaux de synthèse (flux financiers) ;

- assister les magistrats et officiers de police judiciaire agissant sur délégation de ces magistrats lors des interrogatoires, confrontations et auditions, et lors des perquisitions afin de conseiller utilement le magistrat ou l’OPJ sur la saisie des pièces utiles ;

- assurer le rôle d'interface entre l'administration fiscale et le Parquet, coordonner et diriger les liaisons entre les différents services fiscaux d'où proviennent les plaintes pour fraude fiscale et le Parquet, entretenir un lien constant et étroit avec les différentes structures de l'administration fiscale, telle que la direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) ;

- assurer auprès des magistrats un rôle d'information sur l'état de la jurisprudence fiscale, tant sur le plan administratif que pénal.

Toutes les juridictions qui en bénéficient soulignent l’apport incontesté des assistants spécialisés, en les présentant comme une alternative précieuse aux expertises coûteuses, facilitant par ailleurs les contacts avec leur administration d’origine (notamment la direction générale des finances publiques en matière de fraude fiscale).

Les assistants spécialisés contribuent également à l’identification des avoirs susceptibles d’être saisis ou confisqués.

• Doctrine d’emploi

Il n’existe pas à ce jour de doctrine en matière d’emploi des assistants spécialisés.

Des indications d’emploi ont toutefois été données aux JIRS dans la circulaire de la chancellerie du 19 février 1999 qui rappelle que les règles d’emploi des assistants spécialisés doivent être fixées par les chefs de juridiction mais recommande que soit systématiquement évité que le même assistant puisse, pour une même affaire, effectuer des travaux, successivement ou simultanément, pour le compte des magistrats du parquet et pour le compte des magistrats instructeurs.

Cette « doctrine d’emploi » peut être appliquée à Paris, qui dispose de beaucoup d’assistants spécialisés. D’autres JIRS ne l’appliquent pas en raison du nombre plus réduit d’assistants spécialisés dont elles disposent.

• Effectifs des assistants spécialisés dans les JIRS :

Au 1er janvier 2013, les assistants spécialisés sont au nombre de 33 :

- 21 en matière économique et financière dont 19 affectés dans les 8 juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), 1 au TGI de Bastia et 1 au TGI de Nanterre ;

- 8 dans les pôles de santé publique de Paris et de Marseille ;

- 4 au pôle de justice pénale internationale.

Au 1er janvier 2013, l’effectif des assistants spécialisés en matière économique et financière (JIRS et pôles confondus) est ainsi constitué :

Paris

Marseille

Lille

Nancy

Rennes

Bordeaux

Lyon

Fort-de-France

Nanterre (pôle)

Bastia (pôle)

Total

6

3

2

1

2

1

3

1

1

1

21

Les assistants spécialisés issus du secteur public sont au nombre de 18 (13 inspecteurs des impôts, 4 inspecteurs des douanes, 1 agent de la Banque de France). 3 sont d’anciens salariés du secteur privé.

A cette date, 8 autres assistants spécialisés sont en cours de recrutement :

- 4 auprès des JIRS de : Lyon (5 candidats), Marseille (2 postes), Paris (aucun candidat) ;   

- 1 au pôle de santé publique de Paris, pour le dossier du Médiator notamment (avec prise de fonctions du candidat retenu au 1er janvier 2013) ;  

- 1 au pôle de santé publique de Marseille, pour le dossier des prothèses PIP notamment (9 candidatures reçues, entretiens en cours) ;  

- 2 auprès du pôle de justice pénale internationale, issus du ministère des affaires étrangères.

En conclusion :

- Le recours aux assistants spécialisés permet un tri préalable des plaintes et limite l’ouverture d’informations judiciaires inutiles.

- Le recours aux assistants spécialisés permet de réduire le recours à l’expertise, de mieux cibler la mission de l’expert, voire de mieux apprécier les devis fournis par les experts (notamment en matière médicale).

- Le recours aux assistants spécialisés garantit, dans certains dossiers longs et compliqués, une forme de mémoire au sein de la juridiction, nécessaire au regard des changements de fonction fréquents des magistrats.

2.3.2. Nécessité de légiférer

Compte tenu de la plus-value apportée par les assistants spécialisés dans les procédures économiques et financières de grande complexité, la possibilité de les affecter au parquet national spécialisé s’impose naturellement.

Par ailleurs, compte tenu des engagements du Premier ministre et de la garde des Sceaux concernant la Corse et le renforcement du pôle de Bastia, il conviendra de transférer à certains des pôles de l’instruction compétents au titre de l’article 83-1 du code de procédure pénale pour les affaires d’une « certaine complexité » ou gravité les assistants spécialisés actuellement affectés aux pôles économiques et renforcés en moyens de Nanterre et Bastia car l’article 706 code de procédure pénale ne permet l’affectation d’assistants spécialisés qu’au sein des juridictions de l’article 704 du même code.

2.4. Présentation de la réforme

2.4.1. Les compétences attribuées au procureur de la République financier

La réforme propose une simplification des compétences financières avec la suppression de la compétence régionale mais le maintien de la compétence des JIRS pour les affaires particulièrement complexes en concurrence avec un nouveau parquet national financier implanté à Paris, dépendant du parquet général de Paris, mais distinct du parquet de Paris, le TGI de Paris demeurant destinataire des procédures faisant l’objet d’une instruction ou devant être jugés.

Le champ de la compétence d’attribution du procureur de la République financier, qui est en grande partie une compétence concurrente de celle des JIRS, comprendra :

- les atteintes à la probité que sont la corruption, le trafic d’influence, la prise illégale d’intérêts, le pantouflage, le favoritisme, le détournement de fonds publics et les délits d’obtention illicite de suffrage en matière électorale, lorsque les procédures apparaissent d’une grande complexité ;

- les infractions de corruption d’agent public étranger ;

- les délits de fraude fiscale complexe et de fraude fiscale commise en bande organisée ;

- le blanchiment de l’ensemble des infractions susvisées ainsi que l’ensemble des infractions connexes.

En conséquence est supprimé l’actuel article 706-1 du code de procédure pénale relatif à la compétence concurrente du tribunal de grande instance de Paris en matière de corruption d’agent public étranger, puisque cette compétence d’attribution est précisément transférée au parquet financier national.

Sera par ailleurs instauré au profit du parquet national financier un mécanisme de dessaisissement, comme il en existe déjà en matière de terrorisme (article 706-17 du code de procédure pénale) ou de corruption d’agent public étranger.

La compétence exclusive n’est pas retenue car elle n’est pas transposable en ce domaine. En effet, pour l’essentiel des affaires concernées, la notion de « grande complexité », nécessite pour la caractériser une analyse approfondie et concertée par le parquet local et le parquet financier des pièces de la procédure. Elle est la condition déterminante du dessaisissement du parquet local au profit du procureur financier, la nature des infractions visées n’étant qu’une condition préalable.

De plus, l’intérêt de retenir le mécanisme d’une compétence concurrente est d’assurer la validité de l’enquête initialement menée par la juridiction de droit commun, quand bien même la compétence du procureur de la République financier était initialement envisageable, si la grande complexité devait n’être corroborée que tardivement.

Le procureur de la République financier exercera par ailleurs la compétence exclusive actuellement dévolue au parquet de Paris pour les délits boursiers (actuel article 704-1 du code de procédure pénale) compte tenu des objectifs poursuivis par le projet de loi en termes de spécialisation des magistrats.

2.4.2. L’articulation de la compétence, nationale, du procureur de la République financier avec celle des autres procureurs de la République

Est posée la question de l’articulation de la compétence, nationale, du parquet financier, avec celle des autres procureurs, celui de Paris de droit commun et ceux du reste du territoire (notamment parquets locaux et parquets JIRS).  

S’agissant du mécanisme proprement dit de dessaisissement des juridictions territorialement compétentes et des JIRS, trois options sont envisageables pour régler les conflits de compétence entre parquets :

- un mécanisme de compétence exclusive : l’avantage est que le  procureur national spécialisé connaît de l’ensemble des affaires relevant de sa compétence d’attribution.  L’inconvénient est le risque de nullités de l’enquête initialement menée par la juridiction de droit commun, si la  compétence du procureur national spécialisé apparaissait par la suite.  

- un mécanisme de compétence concurrente renforcée par l’octroi d’un droit d’évocation : ce mécanisme  permet  au procureur national spécialisé  de s’emparer  d’une affaire même en cas de refus de dessaisissement du parquet territorialement compétent. Il présente l’inconvénient de donner au procureur national spécialisé un pouvoir exorbitant sur ses  homologues, ce qui pourrait poser une difficulté, notamment si une enquête menée par un autre parquet est très avancée.

- le mécanisme de la compétence concurrente et du dessaisissement : le procureur national et les procureurs territorialement compétents ou compétents au titre de la grande complexité (JIRS)  devront se concerter  pour déterminer qui est compétent.

Compte tenu des inconvénients des deux premières options, c’est cette dernière option, la plus souple, qui est retenue.

Les procédures de dessaisissement sont distinctes selon le cadre procédural de l’affaire litigieuse : enquête (de flagrance ou préliminaire) ou information judiciaire.

- dans le cadre de l’enquête :

De manière théorique et préventive, indépendamment de toute affaire individuelle s’agissant des conflits de compétences entre le procureur national, le procureur de Paris et les procureurs de ressort d’autres cours d’appel, il appartiendra au garde des Sceaux, par voie d’instruction générale, de les anticiper, en fixant des critères objectifs précis et déterminés par l’intérêt général (à savoir par exemple la nécessaire spécialisation en la matière) de nature à justifier  le  dessaisissement des procureurs locaux au cas d’espèce.

Pour trouver une issue à d’éventuels conflits de compétence dans des affaires précises entre le procureur national spécialisé et le procureur de Paris ou les procureurs des autres ressorts, il appartiendra au procureur général de Paris, auquel il est confié l’animation et la coordination en concertation avec les autres procureurs généraux, de la conduite d’action publique par application de l’article 705 du code de procédure pénale (article 705-4 nouveau), d’orienter le débat et d’apporter une solution au conflit.

Ce dispositif permet également de trancher les conflits de compétences entre parquet JIRS et parquet territorialement compétent (article 706-1-1 du code de procédure pénale).

Cette solution  est celle retenue dans le présent projet parce qu’elle est la plus souple, la plus sûre juridiquement et  que son efficacité est garantie par  l’intervention du garde des Sceaux  qui est légitime à définir, en la matière, la politique pénale (en donnant des orientations  générales sur le type d’affaires, non nominatives).

- dans le cadre de l’information judiciaire :

En cas de refus du juge d’instruction de se dessaisir d’une procédure revendiquée par le parquet national aux fins de la confier à la juridiction parisienne spécialisée, la seule concertation entre les parquets ne pourra suffire à trouver une issue au conflit, en raison de l’indépendance des juges du siège.

Aussi est-il instauré un mécanisme de recours, offert au parquet local, en concertation avec le parquet national, contre l’ordonnance de refus du magistrat instructeur de se dessaisir, qui donnera lieu à une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation qui s’imposera aux différents protagonistes.

Ce mécanisme est déjà totalement éprouvé en matière de terrorisme (article 706-18 du code de procédure pénale), pour les JIRS (articles 705-1 et 705-2) et en matière de dessaisissement pour une bonne administration de la justice, dans toutes les affaires (article 665 du code de procédure pénale).

Le mécanisme des articles 705-2 et 705-3 nouveaux du code de procédure pénale, qui ne pose aucune difficulté procédurale, est le suivant.

Le procureur de la République territorialement compétent, en lien avec son parquet général et le parquet général de Paris, pourra requérir du juge d'instruction initialement saisi de se dessaisir au profit de la juridiction d'instruction de Paris qui rendra une ordonnance huit jours au plus tôt et un mois au plus tard.

Si le magistrat instructeur refuse de se dessaisir, un recours pourra être exercé par le parquet de son ressort et son ordonnance déférée à la chambre criminelle de la Cour de cassation (le juge d'instruction demeurant saisi jusqu'à l'arrêt de la Cour de cassation).

La chambre criminelle désignera, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d'instruction chargé de poursuivre l'information.

Le ministère public peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d'instruction n'a pas rendu son ordonnance dans le délai d'un mois.

Ce mécanisme des articles 705-2 et 705-3 nouveaux du code de procédure pénale ne pose aucune difficulté procédurale compte tenu de l’expérience en la matière des praticiens. 

2.4.3. Les assistants spécialisés auprès du procureur de la République financier

Les assistants spécialisés affectés aux juridictions de l’article 704 du code de procédure pénale (JRS et JIRS) pourront l’être également, à plus forte raison, auprès du parquet national financier (706 du code de procédure pénale).

Il conviendra d’affecter à certains des pôles de l’instruction compétents au titre de l’article 83-1 du code de procédure pénale pour les affaires d’une « certaine complexité » ou « gravité » les assistants spécialisés actuellement en poste au sein des deux pôles économiques et renforcés en moyenne sont Nanterre et Bastia, car l’article 706 du code de procédure pénale ne permet en l’état l’affectation d’assistants spécialisés qu’au sein des juridictions de l’article 704 du code de procédure pénale.

III. Impacts en terme de fonctionnement des juridictions

3.1. Evaluation de l’activité du futur procureur de la République financier

Le nombre de dossiers actuellement suivis à la JIRS de Paris, dans les 7 autres JIRS ou dans les 36 pôles économiques et financiers et entrant dans le champ de compétence du procureur de la République financier est estimé au maximum à 263, une centaine étant susceptible de faire l’objet d’un dessaisissement à son profit.

a) atteintes à la probité de très grande complexité suivies actuellement par l’une ou l’autre des 8 JIRS y compris Paris : 43

Prise illégale d’intérêt 

2 dossiers en cours

Favoritisme, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics 

13 dossiers en cours

Corruption (CAPE comprise)

20 dossiers

Trafic d’influence 

3 dossiers en cours

Détournement de fonds publics

5 en cours

TOTAL 

43 procédures en cours dont certaines sont déjà comptabilisées au titre de la corruption d’agent public étranger (infra).

b) atteintes à la probité de grande complexité en cours depuis 2009 par ceux des pôles financiers les plus concernés par ce type d’affaires (Nanterre, Bastia, Paris, Lille, Lyon et Marseille) pouvant intéressant le futur parquet national : 82 dossiers :

Corruption 

49 dossiers

TGI de Nanterre 

9 dossiers

TGI de Bastia 

3 dossiers

TGI de Lille 

7 dossiers

TGI de Lyon 

8 dossiers

TGI de Marseille 

22 dossiers

Favoritisme 

33 dossiers

au TGI de Nanterre 

7 dossiers

TGI de Bastia 

5 dossiers

TGI de Lille 

5 dossiers

TGI de Lyon 

6 dossiers

TGI de Marseille 

10 dossiers

c) corruption d’agents publics étrangers : 20

34 procédures ont été initiées du chef de corruption d'agents publics étrangers (CAPE) depuis l'entrée en vigueur dans notre droit interne de la Convention OCDE en 2000.

Tous les dossiers sont suivis au TGI de Paris en application de sa compétence concurrente en matière de corruption d'agents publics étrangers (cf. supra) à l'exception de deux informations judiciaires suivie au TGI de Mulhouse (information judiciaire en cours sur dénonciation de l'OLAF, compétence de Mulhouse en raison de la domiciliation du mis en cause) et  à la JIRS de Marseille.

S’agissant des seules enquêtes en cours susceptibles d’un dessaisissement :

- 4 enquêtes préliminaires,

- 14 informations judiciaires,

soit moins d’une vingtaine de dossiers concernés.

d) fraude fiscale complexe : 85

Au 1er avril 2013, et depuis sa création fin 2009, la BNRDF a été attributaire de 132 plaintes pour fraude fiscale déposées par la DGFIP qui, après recoupements, ont donné lieu à  85 affaires réparties sur l’ensemble du territoire national (75 % à Paris cependant) et dont certaines (moins d’une dizaine) ont été attribuées aux JIRS.

e) délits boursiers : 35 procédures en cours environ, exclusivement suivies à Paris

Ce total de 263 dossiers au plan national doit être pondéré pour deux raisons.

Premièrement, seuls les dossiers de corruption d’agent public étranger et les délits boursiers (55) déjà traités au titre de la compétence concurrente ou exclusive parisienne seront transférés de manière quasi-automatique.

La grande majorité des dossiers de fraude fiscale complexe sera également transférée au parquet national (70), en l’absence d’ouverture d’information judiciaire qui rend le dessaisissement plus complexe.

Deuxièmement, en l’absence de compétence exclusive du parquet national ou de compétence concurrente renforcée par un pouvoir d’évocation, s’agissant des atteintes à la probité complexes traitées dans les JIRS de province, il n’y aura pas d’automaticité des transferts de dossiers et tout dépendra du niveau d’avancement de ces dossiers.

En conclusion 100 dossiers environ paraissent concernés par un dessaisissement au profit du parquet national, essentiellement en provenance du parquet de Paris.

Il s’agira d’affaires demandant un suivi et un investissement importants du parquet, des juges d’instruction, des juges des libertés et de la détention (JLD) et des magistrats du siège des formations de jugement, tant en première instance qu’en appel.

3.2. Impact sur les effectifs et les implantations immobilières

3.2.1. Effectifs

La définition des moyens humains du futur Parquet devra être faite en tenant compte de la réalité de son activité, du rythme de montée en puissance de celle-ci et des exigences de la trajectoire des finances publiques, en privilégiant les possibilités de redéploiement.

A titre d’hypothèse de travail, l’estimation indiquée dans la présente étude se fonde sur le postulat qu’un parquetier ne peut assurer le suivi de plus de 8 affaires, compte tenu de la complexité de ces dossiers (suivi et règlement complexe, audiences longues pouvant mobiliser plus d’un parquetier).

Au regard des évaluations d’activité exposées précédemment, le besoin serait à évaluer à environ 22 magistrats du parquet pour les traiter, y compris le procureur de la République à compétence nationale et un secrétaire général.

Pour la phase d’instruction, un juge pouvant suivre de 10 à 15 affaires, compte tenu de la complexité des dossiers, 10 magistrats d’instruction supplémentaires seraient à prévoir, nécessitant 10 postes de greffiers et 5 assistants spécialisés.

Le projet de réforme ne devrait pas nécessite pas de localisation supplémentaire de juges des libertés et de la détention (JLD).

Une hypothèse raisonnable conduit à penser que 80% des dossiers concernés donneront lieu à une audience (soit entre 80 et 120 affaires par an), sur la base de 5 jours d’audience en moyenne : le temps d’audience nécessaire sera de 600 jours, correspondant au fonctionnement continu à l’année de trois chambres correctionnelles.

Aux effectifs de magistrats, devront donc s’ajouter des effectifs de fonctionnaires dont une partie pourrait être redéployée des juridictions JIRS qui n’auront plus à gérer ces dossiers. La cible pourrait être un total de 21 postes de fonctionnaires de greffe (1 greffier en chef, 8 greffiers, 12 personnels de catégorie C) et 5 assistants spécialisés.

Ce nombre intègre l’augmentation prévisible du nombre de poursuites dû au nouveau mode de traitement et du nombre de dossiers donnant lieu à jugement.

3.2.2. Immobilier

En régime de croisière, trois solutions semblent possibles, en première analyse, pour l’implantation du nouveau Parquet :

- l'intégration au sein du futur palais de justice de Paris : cette solution nécessiterait sans doute de substituer le parquet anti-fraude à un autre service, un ajout de surface nécessaire 'étant pas envisageable ;

- l'installation au sein du palais de justice historique : cette solution pourrait être étudiée dans le cadre de l'étude de faisabilité qui doit être prochainement réalisée sur le regroupement sur l'Ile de la Cité des différentes juridictions et services du ministère de la justice actuellement en location, afin de faire coïncider la fin des baux actuels avec la réintégration des services au sein du palais de justice historique ;

- l’installation sur le site de la rue du Renard : cette solution consisterait en l'installation de ce parquet aux lieu et place de l’échelon central de la DAP, qui devrait intégrer le site du Millénaire à horizon 2015. Ces locaux, d'une superficie de 7000 m², sont loués jusqu'à fin 2018

IV. Application de la loi dans le temps et dans l’espace

4.1. Entrée en vigueur

Les dispositions du présent projet de loi relatives au code de l'organisation judiciaire s’appliqueront dès son entrée en vigueur.

Il en est de même des dispositions de procédure pénale. En effet, aux termes de l’article 112-2 du code pénal « sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :

1° Les lois de compétence et d'organisation judiciaire, tant qu'un jugement au fond n'a pas été rendu en première instance ;

2° Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ;

S’agissant d’une loi de procédure, le présent projet de loi entrera immédiatement en vigueur (…) ».

Les dispositions du présent projet de loi s’appliqueront dès son entrée en vigueur aux procédures en cours et le parquet financier national pourra être promptement saisi par les parquets et les juridictions d’instruction d’affaires portant sur des infractions visées à l’article 705 du code de procédure pénale.

Une disposition transitoire autorise les pôles économiques et financiers à achever l’instruction et le jugement des dossiers d’information judiciaire en cours, sans préjudice des possibilités de dessaisissement aux juridictions interrégionales spécialisées ou au parquet financier.

4.2. Application outre-mer

Les articles 18 et 19 sont des articles de coordination ayant trait à l’application de la présente loi à certains départements et collectivités d’outre-mer ainsi qu’à la Nouvelle-Calédonie.

L’article 18 abroge les dispositions prises par le III de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-823 du 19 août 2004 portant actualisation et adaptation du droit économique et financier applicable à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. Cet article visait  à permettre aux juridictions des territoires visés de se dessaisir au profit de la juridiction interrégionale spécialisée de Paris dans les hypothèses d’infractions de très grande complexité entrant dans le champ d’application de l’ancien article 704 du code de procédure pénale.

Dans la mesure  où l’ordonnance n° 2004-823 du 19 août 2004 avait été prise sur le fondement de deux habilitations, celles prévue à l'article 62 de la loi précitée de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003, et celle prévue à l'article 140 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière, qui disposait que « le Gouvernement est autorisé à prendre, par ordonnance, les mesures de nature législative permettant de rendre applicable, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et à Mayotte », il est apparu souhaitable, dans un souci d’accessibilité de la loi et de clarté, de procéder à la reprise, avec coordination, du III de l’article 1er de cette ordonnance dans le présent projet de loi en abrogeant parallèlement l’ancienne disposition.

Il découle de ces deux articles que les dispositions relatives au parquet financier national et aux nouveaux critères de compétence des juridictions interrégionales spécialisées seront applicables à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. 

1 La compétence particulière du TGI de PARIS en matière économique et financière :

L’article 704-1 du CPP attribue au TGI de Paris une compétence exclusive en matière économique et financière sur l’ensemble du territoire national pour la poursuite, l’instruction et le jugement des délits (principaux et connexes) suivants :

- le délit d’initié (art. L. 465-1 du code monétaire et financier) ;

- la manipulation de cours (art. L. 465-2 al. 1er du code monétaire et financier) ;

- la diffusion d’informations fausses ou trompeuses (art. L. 465-2 al. 2 du code monétaire et financier).

L’article 706-1 du CPP attribue au TGI de Paris (procureur de la République, juge d’instruction et tribunal correctionnel) une compétence concurrente aux autres tribunaux pour les délits en matière économique et financière, visés aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal, à savoir : la corruption et le trafic d’influence internationaux (visant des agents publics étrangers, des agents d’organisations publiques internationales, le personnel judiciaire étranger, le personnel judiciaire d’organisations publiques internationales).

2 Les parquets généraux de Douai, Paris, Bordeaux, Lyon, Aix-en-Provence, Basse-Terre et Poitiers soulignent la difficulté que rencontrent les parquets pour appréhender les différences entre les dossiers de « grande » complexité et ceux de « très grande » complexité.

Sont en général pris en compte la complexité des analyses juridiques et des investigations à réaliser (ramifications internationales ou sur une grande partie du territoire national), mais également le caractère sensible sur le plan économique, politique ou social du dossier (parquets de Douai, Nancy, Bordeaux).

3 Article 43 du code de procédure pénale : « sont compétents le procureur de la République du lieu de l’infraction celui de la résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, celui du lieu d’arrestation d’une de ces personnes (…) et celui de détention d’une de ces personnes (…) ».

4 La compétence concurrente des JIRS est donc une compétence facultative : même si les critères d’une saisine JIRS sont réunis, les magistrats conservent le choix soit de traiter une affaire en « échelon JIRS », soit d’appliquer les critères traditionnels de l’article 43 du code de procédure pénale en saisissant plutôt une juridiction locale.

5 Sont notamment visées les infractions suivantes : blanchiment de trafic de stupéfiants, abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse, escroquerie, escroquerie aggravée, infractions en matière d'adjudication, abus de confiance, abus de confiance aggravé, atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, blanchiment et blanchiment aggravé, concussion, corruption passive, trafic passif d'influence, prise illégale d'intérêts, pantouflage, favoritisme et détournement de fonds publics, corruption active et trafic actif d'influence commis par un particulier, trafic d'influence entre particulier, corruption commis dans le cadre d'une formation juridictionnelle, fausse monnaie, délits prévus par le code de commerce, le code monétaire et financier et le code de la propriété intellectuelle.

6 Ces critères sont notamment :

- la pluralité d’auteurs et de complices animés par une résolution d'agir en commun

- le caractère organisé et planifié des faits commis par des bandes structurées hiérarchisées, présentant une certaine dangerosité ;

- la dimension nationale voie transnationale des faits ou de l'organisation criminelle ;

- la puissance financière et la surface patrimoniale de l'organisation criminelle, le nombre important de victimes, résidant sur l'ensemble du territoire national ou à l’étranger ;

- l'importance des préjudices causés par l'infraction.

7 Peuvent prétendre aux fonctions d’assistants spécialisés (articles 706 et 706-2 du code de procédure pénale) les fonctionnaires de catégorie A et B ainsi que les titulaires d’un diplôme bac + 4 dans les matières énumérées à l’article D.47-4 du code de procédure pénale, remplissant les conditions d’accès à la fonction publique et disposant d’une expérience professionnelle d’au moins quatre années.

8 Si à l’origine, les assistants spécialisés ne pouvaient procéder à aucun acte d’enquête, la loi du 9 mars 2004 leur a ouvert la faculté de procéder aux réquisitions ci-dessus visées.

9 Serment prêté devant la cour d’appel : « Je jure de conserver le secret des informations sur les affaires judiciaires ainsi que sur les actes du parquet et des juridictions d’instruction et de jugement, dont j’aurai eu connaissance à l’occasion de mes travaux au sein des juridictions ». Il ne peut en aucun cas être relevé de ce serment.


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