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N° 1026

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 mai 2013.

PROJET DE LOI

autorisant la ratification de la convention
du
Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre
les
violences à l’égard des femmes et la violence domestique,

(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Marc AYRAULT,

Premier ministre,

par M. Laurent FABIUS,

ministre des affaires étrangères.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique a été adoptée par le comité des ministres du Conseil de l’Europe le 7 avril 2011. Elle a été ouverte à la signature le 11 mai 2011 et signée par la France à l’occasion de la 121e session du comité des ministres à Istanbul. Elle entrera en vigueur une fois que dix pays l’auront ratifiée.

La ratification de cette convention qui fait l’objet du présent projet de loi répond à l’engagement constant de la France, à l’échelle nationale comme sur la scène internationale, en faveur du renforcement de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences domestiques et de la protection des victimes.

L’objectif de la convention est d’ériger des standards minimums en matière de prévention, de protection des victimes et de poursuites des auteurs et à incriminer pénalement les violences sexuelles y compris les viols, les violences physiques et psychologiques, le harcèlement, les mariages forcés et les mutilations génitales féminines. Cette convention est par ailleurs le premier texte international juridiquement contraignant à inclure des dispositions de nature à combattre le phénomène des crimes prétendument commis au nom de l’honneur.

La structure de la convention se compose d’un préambule et de douze chapitres.

Le préambule réaffirme l’engagement des signataires en faveur du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et se réfère aux instruments juridiques internationaux les plus importants (adoptés par le conseil de l’Europe ou les Nations unies) qui concernent directement le champ d’application de cette convention.

Il énonce le principal objet de la convention : la création d’une Europe sans violence à l’égard des femmes et sans violence domestique. À cette fin, il établit fermement le lien entre la réalisation de l’égalité entre les sexes et l’éradication de la violence à l’égard des femmes. En partant de ce principe, il reconnaît la nature structurelle de cette violence et le fait qu’elle témoigne de rapports de force traditionnellement inégaux entre les femmes et les hommes. Dans cette optique, le préambule annonce une série de mesures mentionnées dans la convention qui placent l’élimination de la violence à l’égard des femmes dans le cadre plus large de la lutte contre la discrimination subie par les femmes, et de la réalisation de l’égalité entre les sexes en droit comme en fait.

Tout en affirmant que la violence à l’égard des femmes, y compris la violence domestique, est un phénomène spécifiquement lié aux différences entre les sexes, les signataires reconnaissent clairement que les hommes et les garçons peuvent eux aussi être victimes de violence domestique, et que cette violence doit également être appréhendée. S’agissant des enfants, il est admis que le simple fait d’être témoins de violence familiale a également un effet traumatisant.

Le chapitre Ier fixe les objectifs de la convention et son champ d’application : il définit les concepts clés de la convention ; il rappelle les obligations de respecter les droits fondamentaux des personnes ainsi que les principes d’égalité et de non-discrimination ; il définit également les principes de responsabilité de l’État, y compris la diligence voulue et demande que soient développées des politiques sensibles au genre.

Le chapitre II porte sur les politiques globales et coordonnées qui doivent être menées pour prévenir et combattre les violences, sur les ressources financières qui doivent être allouées à ces politiques et sur la collecte des données, sur le rôle de la société civile et des organes gouvernementaux de coordination et enfin, sur la collecte des données et le développement de la recherche.

Le chapitre III porte sur la prévention (éducation, sensibilisation, formation des professionnels), sur les programmes d’intervention et de traitement des auteurs, et sur la participation du secteur privé et des media aux actions de prévention.

Le chapitre IV porte sur la protection et le soutien qu’il convient d’apporter aux victimes : il s’agit de leur assurer l’accès à des services généraux (information, conseils juridiques et psychologiques, assistance financière, logement, éducation, formation, assistance en matière de recherche d’emploi, services de santé et services sociaux) mais aussi à des services de soutien spécialisés (y compris des logements sûrs, en particulier pour les femmes avec enfants et des permanences téléphoniques gratuites et accessibles 24h/24h), un soutien pour le dépôt de plaintes individuelles/collectives, une protection et un soutien des enfants témoins. Ce chapitre contient également des dispositions encourageant le signalement des actes de violences et sur la levée du secret professionnel dans l’intérêt des victimes et sous certaines conditions.

Le chapitre V porte sur le droit matériel : procès civil et voies de droit ; indemnisation des victimes ; garde des enfants, droits de visite et sécurité ; définitions des infractions entrant dans le champ d’application de la convention : violence psychologique, harcèlement, violence physique, violence sexuelle y compris le viol, mariages forcés, mutilations génitales féminines, avortement et stérilisation forcés, harcèlement sexuel, crimes commis au nom du prétendu « honneur » ; application des infractions pénales indépendamment de la nature de la relation entre victime et auteur de l’infraction ; règles de compétence territoriale (les Parties doivent se déclarer compétentes pour les infractions commises sur leur territoire, ou par un de leurs ressortissants ou par une personne ayant sa résidence habituelle sur leur territoire) ; sanctions effectives, proportionnées et dissuasives, incluant le cas échéant la privation de la liberté ; les circonstances aggravantes (notamment lorsque l’infraction a été commise à l’encontre d’un ancien ou actuel conjoint ou partenaire, lorsque l’infraction est répétée et l’infraction a été commise à l’encontre ou en présence d’un enfant) ; l’interdiction de modes alternatifs de résolution des conflits.

Le chapitre VI concerne les enquêtes et poursuites, le droit procédural et les mesures de protection des victimes. Il vise à renforcer les droits et devoirs énoncés dans les chapitres précédents de la convention.

Le chapitre VII porte sur la migration et l’asile : statut de résident des victimes dépendant de leur conjoint violent, reconnaissance de la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre comme une forme de persécution au sens de la convention de 1951 sur le statut des réfugiés ; non refoulement des victimes vers un pays où leur vie serait en péril ou dans lequel elles pourraient être victimes de tortures ou de peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Le chapitre VIII énonce les dispositions relatives à la coopération internationale entre les Parties à la convention. Ces dispositions ne se limitent pas à la coopération judiciaire en matière pénale et civile ; mais concernent également la prévention et l’assistance aux victimes. S’agissant de la coopération judiciaire sur un plan général et plus spécifiquement en matière pénale, le Conseil de l’Europe dispose déjà d’un cadre normatif important. Ces traités sont des instruments transversaux qui ont vocation à s’appliquer à un grand nombre d’infractions et peuvent être mis en œuvre pour accorder la coopération judiciaire en matière pénale dans le cadre de procédures visant des infractions établies conformément à la convention. Les rédacteurs n’ont pas voulu créer un régime d’entraide distinct qui se substituerait aux autres instruments et arrangements applicables, estimant qu’il serait plus efficace de s’en remettre d’une façon générale aux régimes fixés par les traités d’entraide et d’extradition en vigueur, bien connus des praticiens. N’ont donc été incluses dans ce chapitre que les dispositions présentant une valeur ajoutée par rapport aux conventions existantes.

Le chapitre IX instaure un mécanisme de suivi : le « Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique » (GREVIO), composé d’experts indépendants et hautement qualifiés dans les domaines des droits de l’homme, de l’égalité de genres, de la violence à l’égard des femmes et de la violence domestique, du droit pénal, de l’assistance et de la protection des victimes. Ce groupe d’experts sera chargé de « veiller à la mise en œuvre de la convention par les Parties ». Le GREVIO examinera, avec les représentants de la Partie concernée, un rapport sur les mesures législatives d’ordre général et les autres mesures entreprises par chaque Partie pour donner effet aux dispositions de cette convention. Le GREVIO peut organiser, de manière subsidiaire, en coopération avec les autorités nationales et avec l’assistance d’experts nationaux indépendants, des visites dans les pays concernés. La convention établit également un comité des Parties, composé des représentants des Parties à la convention.

Le chapitre X est consacré aux relations avec les autres instruments internationaux.

Le chapitre XI définit les modalités d’amendements à la convention et le chapitre XII sur les clauses finales précise les modalités d’entrée en vigueur, d’adhésion, d’application territoriale, de dénonciation et de règlement des différends de la convention, ainsi que les possibilités de réserves.

Telles sont les principales observations qu’appelle la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique qui, comportant des dispositions de nature législative, est soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.


PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique, délibéré en conseil des ministres après avis du Conseil d’État, sera présenté à l’Assemblée nationale par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (ensemble une annexe), signée à Istanbul le 11 mai 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Fait à Paris, le 15 mai 2013.

Signé : Jean-Marc AYRAULT

Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères


Signé :
Laurent FABIUS


© Assemblée nationale