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PROJET DE LOI

relatif à la collégialité de l’instruction

NOR : JUSX1312498L/Bleue

Etude d’impact

22 juillet 2013

SOMMAIRE

1. La collégialité de l’instruction, une question ancienne et particulièrement complexe 4

1.1. Etat du droit concernant la question de la collégialité de l’instruction 4

1.1.1. Contexte de la création de la collégialité de l’instruction par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale 4

1.1.1.1. Précédents législatifs. 4

1.1.1.2. Rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice et dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement 7

1.1.1.3. Adoption de la collégialité de l’instruction par le parlement dans la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale 9

1.1.2. Présentation de la loi du 5 mars 2007 9

1.1.2.1. Phase 1 : pôles de l’instruction et co-saisine 9

1.1.2.2. Phase 2 : collégialité 11

1.1.3. Reports successifs de la collégialité 12

1.1.4. Etat des lieux sur le fonctionnement des pôles et des co-saisines 13

1.1.4.1. Eléments statistiques sur le fonctionnement des juridictions pôles et infra pôles 13

1.1.4.2. Eléments statistiques sur le fonctionnement de la co-saisine 13

1.1.4.3. Appréciation qualitative de la co-saisine 14

1.2. Cadre constitutionnel et communautaire 15

2. L’objectifd’une collégialité cohérente, réaliste et équilibrée 16

2.1. Nécessité de l’action législative 16

2.2. Objectifs 17

3. Options 18

3.1. Options concernant le maintien ou la suppression de la séparation des fonctions d’instruction et de jugement 18

3.2. Option concernant le maintien ou non de l’instruction dans tous les tribunaux. 20

3.3. Option tendant à l’adaptation/limitation de la collégialité issue de la loi de 2007 22

3.3.1. Limitation à certaines affaires 22

3.3.2. Limitation à certains actes 23

3.3.3. Limitations à certaines affaires et à certains actes 23

3.4. Option tendant à l’institution d’une autre collégialité 24

3.4.1. Comment et quand faire intervenir la collégialité ? 24

3.4.2. Collégialité obligatoire ou facultative 25

3.5. Option relative au maintien ou à la suppression de la co-saisine 25

3.6. Option la composition du collège de l’instruction 25

4. Impacts 26

4.1. Impacts pour le citoyen 26

4.2. Impacts pour le budget 26

4.2.1. Hypothèse écartée 27

4.2.2. Hypothèse privilégiée. 28

5. consultations et modalités d’application 28

5.1. Consultations 28

5.2. Modalités d’application géographique 30

5.3. Modalités d’application dans le temps 30

5.4. Décrets d’application 30

1. La collégialité de l’instruction, une question ancienne et particulièrement complexe

1.1. Etat du droit concernant la question de la collégialité de l’instruction

La collégialité de l’instruction a été instituée par la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale. Il paraît nécessaire de préciser le contexte (I) et le contenu de cette loi (II), l’historique des reports dont elle a fait l’objet (III), un état des lieux sur le fonctionnement des pôles et des cosaisines (IV) et une synthèse  des difficultés que susciterait son entrée en vigueur au 1er janvier 2014 (V)

1.1.1. Contexte de la création de la collégialité de l’instruction par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale

1.1.1.1. Précédents législatifs.

1.1.1.1.1. Sous l’empire du code d’instruction criminelle

Comme le rappelle notamment M. Chambon dans son traité sur le juge d’instruction, sous l’empire du code d’instruction criminelle de 1811, la juridiction d’instruction a connu diverses formes de collégialité.

Le code d’instruction criminelle initial avait installé aux côtés du juge d’instruction une chambre du conseil, formation du tribunal composée de trois juges, dont le juge d’instruction, qui rendait les ordonnances juridictionnelles (en matière de détention préventive) et procédait au règlement

La chambre du conseil ne donna toutefois pas satisfaction, les juges du siège ne s’intéressant pas à l’instruction.

Considérée comme un rouage inutile qui retardait la marche de l’information, elle fut supprimée par la loi du 17 juillet 1856.

Cette loi confia au juge d’instruction les pouvoirs juridictionnels (liberté provisoire et règlement du dossier) jusque-là dévolus à la chambre du conseil.

La chambre du conseil fut rétablie en matière de détention par la loi du 7 février 1933. Elle était alors composée d’un seul magistrat du siège, chargé seulement de statuer sur la détention provisoire.

Sa réapparition éphémère prit toutefois fin avec la loi du 25 mars 1935.

1.1.1.1.2. Depuis l’entrée en vigueur du code de procédure pénale

Depuis l’entrée en vigueur du code de procédure pénale, la collégialité de l’instruction a été adoptée à trois reprises par le législateur, en 1985 (loi Badinter), 1987 (loi Chalandon) et 1993 (loi Sapin-Vauzelle), toutes ces réformes ayant été abrogées avant leur entrée en vigueur.

a) La loi Badinter du 10 décembre 1985

La loi de 1985 remplaçait le juge d’instruction par une chambre de l’instruction composée de trois juges, qui reprenait les attributions les plus importantes du magistrat instructeur.

Cette chambre devait notamment décider du placement en détention provisoire (sauf si l’inculpé acceptait que la décision soit prise par le juge seul). La quasi-totalité des actes de l’instruction pouvait toutefois être déléguée par la chambre à l’un de ses membres. Cette réforme permettait à la fois une collégialité des décisions d’investigations et de celles sur la détention, mais en confiant ces décisions à la même autorité. Les possibilités très larges de délégation permettaient une assez grande souplesse dans l’application du texte.

Présentation de la loi de 1985

La loi portant réforme de la procédure d’instruction en matière pénale dite loi Badinter a été promulguée le 10 décembre 1985. Il s’agissait d’une loi relativement courte se composant de 42 articles (moins de quatre pages de JO) qui réformaient l’instruction et la détention provisoire en instituant une chambre de l’instruction, dont faisait partie le juge d’instruction, et qui reprenait certaines fonctions juridictionnelles de ce dernier.

1. Les pouvoirs de la chambre de l’instruction

Cette loi instituait dans chaque tribunal une ou plusieurs chambres d’instruction composées de trois juges titulaires et de deux juges suppléants.

Saisie d’une affaire soit par le parquet soit par une constitution de partie civile, la chambre de l’instruction désignait en son sein un ou des juges d’instruction chargés de mener la recherche des preuves.

La chambre restait toutefois compétente pour veiller au bon déroulement des instructions menées par ses membres. Elle était par ailleurs seule compétente pour statuer sur la recevabilité de l’action publique et de l’action civile ainsi que sur les refus d’informer.

Cette chambre était également compétente pour ordonner la mise en détention si celle-ci avait été requise par le parquet ou envisagée par le juge d’instruction.

Enfin la chambre était, dans certaines hypothèses, compétente pour ordonner la clôture de l’information.

2. Les pouvoirs du juge d’instruction

Le juge d’instruction désigné par la chambre devait effectuer tous les actes d’investigation nécessaires.

Il pouvait également, à la demande du mis en examen assisté de son avocat, statuer seul sur la détention provisoire. A défaut, le juge d’instruction pouvait décider d’une incarcération provisoire d’une durée maximum de trois jours en cas d’impossibilité de réunion immédiate de la chambre.

Le juge d’instruction pouvait également décider seul de la clôture de l’instruction (non-lieu ou renvoi). Cette prérogative appartenait toutefois exclusivement à la chambre si l’affaire avait été instruite par plusieurs juges ou si le parquet ou une partie en avait fait la demande.

Cette loi instituait donc une collégialité d’une grande souplesse, adaptable à la diversité des situations, puisque la détention, normalement de la compétence de la chambre, pouvait aussi être décidée par le juge seul, et que le règlement de l’instruction était en principe décidé par le juge, et par exception par la collégialité.

b) La loi Chalandon du 30 décembre 1987

La loi de 1987 relative aux garanties en matière de placement en détention provisoire, tout en abrogeant la loi Badinter, créait une chambre de la détention, composée de trois juges dont ne faisait pas partie le juge d’instruction, et qui était compétente, à la place du juge, pour les décisions en matière de détention provisoire.

Cette réforme permettait une collégialité pour la seule détention provisoire, mais avec une garantie jugée plus importante que dans la réforme Badinter, puisque le magistrat instructeur n’en était plus membre : la réforme procédait ainsi à la dissociation des fonctions d’instruction et des fonctions juridictionnelles sur la détention, en plus d’instituer la collégialité dans le second cas.

Cette réforme devrait entrer en vigueur le 1er mars 1989.

Elle fut cependant abrogée en 1988 par la nouvelle majorité socialiste après la réélection de François Mitterrand, faute de moyens suffisants pour la mettre en œuvre à la date prévue.

c) La loi Sapin-Vauzelle du 4 janvier 1993

La loi de 1993 portant réforme de la procédure pénale prévoyait que la détention provisoire devait être décidée par un collège composé du président du TGI ou de son délégué et de deux assesseurs choisis dans la société civile.

La logique de la réforme était similaire à celle de la loi de 1987, sous la réserve importante que deux des membres de la collégialité n’étaient pas des magistrats. Le texte adopté par le Parlement ne pouvant entrer immédiatement en vigueur (la loi n’ayant du reste pas précisé comment devaient être choisis les deux assesseurs), un dispositif transitoire, ne faisant intervenir que le président ou le juge délégué pour décider du placement en détention, s’appliqua à compter du 1er mars 1993, la collégialité étant reportée au 1er janvier 1994.

Du fait du changement de majorité, le Parlement abrogea cette réforme par la loi du 24 août 1993, supprimant le mécanisme du président ou du juge délégué et redonnant au juge d’instruction le pouvoir de placer en détention.

La loi du 24 août supprima donc la collégialité de la détention avant même son entrée en vigueur.

Cette suppression fut justifiée par l’extrême lourdeur procédurale qui résultait des premiers mois d’application de la version transitoire de la loi du 4 janvier, lourdeur qui avait été très critiquée par les magistrats1.

En contrepartie de cette suppression, la loi du 24 août 1993 institua une nouvelle garantie destinée à faire cesser en urgence – et donc à prévenir – les détentions injustifiées, le « référé-liberté ».

La procédure de référé-liberté (toujours en vigueur actuellement) permet en effet à la personne qui vient d’être mise en détention de demander immédiatement sa libération au président de la chambre de l’instruction, qui doit statuer au vu du dossier au plus tard dans les 3 jours ouvrables de sa saisine.

d) La loi Guigou du 15 juin 2000.

La loi de 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence du 15 juin 2000 défendue par Mme Elisabeth GUIGOU, sans créer à proprement parler de collégialité de l’instruction, retira la compétence du juge d’instruction en matière de détention en la confiant à un nouveau magistrat, le juge des libertés et de la détention.

Il fut fréquemment indiqué par le Gouvernement lors des débats, en réponse aux amendements qui estimaient préférable d’instituer une collégialité de la détention, que la solution du juge des libertés et de la détention, qui revient en pratique à confier le déroulement de l’instruction à deux juges, le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention, s’apparentait en réalité à une forme d’instruction collégiale. Il fut notamment observé qu’une chambre collégiale de trois juges ne peut prendre de décision que si au moins deux des trois juges sont d’accord, et que la création du juge des libertés et de la détention arrivait au même résultat : une détention provisoire ne pouvant être ordonnée que si le juge d’instruction saisit le juge des libertés et de la détention parce qu’il estime cette mesure nécessaire, et que si le juge des libertés et de la détention en décide ainsi à l’issue d’un débat contradictoire, elle implique également l’accord de deux juges. Il fut même souligné que ce mécanisme se faisait en toute transparence et responsabilité des magistrats concernés, alors qu’on ne peut savoir dans une collégialité quels sont les magistrats qui ont emporté la décision.

1.1.1.2. Rapport fait au nom de la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice et dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement

Le rapport parlementaire adopté par l’Assemblée nationale à la suite de l’affaire Outreau proposait la création de pôles de l’instruction dans certains tribunaux e grande instance, pôles qui devaient comporter un ou plusieurs « collèges de l’instruction », composés de trois juges d’instruction, et compétents pour connaître de toutes les informations. Il peut être souligné que le rapport n’était en réalité pas totalement conclusif sur cette question essentielle.

En effet, pour les députés de la majorité de l’époque, ce collège de l’instruction devait remplacer à la fois le juge d’instruction et le juge des libertés et de la détention , et être compétent pour instruire et pour statuer en matière de détention, mais pour les députés socialistes de l’opposition, le juge des libertés et de la détention devait être maintenu et être saisi par ce collège, et les conclusions du rapport ont fait état de cette divergence.

Synthèse des propositions faites par la commission d’enquête chargée de rechercher les causes des dysfonctionnements de la justice dans l’affaire dite d’Outreau et de formuler des propositions pour éviter leur renouvellement

Dans chaque cour d’appel, il est proposé la création, dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, de pôles de l’instruction composés d’un ou plusieurs collèges de trois magistrats2, répartis, le cas échéant, dans le ressort de la cour, sur la base d’un critère démographique de 500 000 habitants.

Pour certains actes, un mécanisme de délégation était proposé (propositions 17 et 22). Le rapport exposait que la collégialité devait être obligatoire pour ordonner des mesures restrictives de liberté et lors des moments clés de l’information judiciaire (ordonnance de règlement notamment). Pour les actes urgents (ouverture d’information d’une personne déférée par exemple), il était suggéré que le magistrat dirigeant la collégialité s’en charge. Quant aux interrogatoires et confrontations ne présentant pas de difficulté particulière, une délégation à un magistrat du collège ou à deux magistrats désignés en co-saisine était préconisée. Cette délégation devait être explicite, écrite et précise, notamment quant à sa durée (pages 379 et suivantes du rapport).

Le fonctionnement du collège de l’instruction suppose que le juge d’instruction n’informe plus seul. Pour encadrer son action, certains actes seraient confiés à la compétence exclusive du collège de l’instruction :

Ainsi, le rapport d’Outreau proposait, pour toutes les informations judicaires :

• D’introduire une clause de rendez-vous annuel, entre les parties concernées, afin d’examiner l’état d’avancement des informations judiciaires au moins une fois par an (proposition 19)

• De prévoir des modalités de clôture de l’information plus contradictoires et équitables :

-obliger le collège qui considère son instruction achevée à communiquer au procureur et aux parties, un document récapitulant les éléments à charge et à décharge (intégré dans la loi du 5 mars 2007 modifiant l’article 184 du code de procédure pénale)

-fonder les réquisitions du procureur sur ce document récapitulatif dans un délai déterminé par la loi (intégré dans la loi du 5 mars 2007 modifiant l’article 175 2ème alinéa du code de procédure pénale)

-autoriser les parties à déposer des observations sur ce document dans un délai identique (intégré dans la loi du 5 mars 2007 modifiant l’article 175 3ème et 4ème alinéas du code de procédure pénale)

-prévoir que le collège de l’instruction ne peut ordonner le non-lieu ou le renvoi devant la juridiction de jugement qu’après avoir débattu, collégialement et publiquement, des termes du réquisitoire du procureur et des mémoires des parties (proposition 20)

• D’organiser, à la demande de la personne concernée, une audience publique devant le collège de l’instruction, lorsqu’un non-lieu est prononcé (proposition 21)

Par ailleurs, s’agissant du contentieux de la détention, le rapport proposait :

• De rendre collégiale la décision de placement en détention provisoire à l’issue d’un débat contradictoire en la présence du procureur de la République, du prévenu et de celle obligatoire de son avocat ou, à défaut, d’un avocat commis d’office, à peine de nullité. Le collège de l’instruction siègerait chaque semaine à dates fixes. A la demande de la défense, le débat pourrait être public (proposition 23). A noter que les membres socialistes de la commission étaient opposés à cette proposition, souhaitant que le juge des libertés et de la détention conserve cette prérogative, mais qu’il soit dédié à cette seule fonction de placement en détention provisoire.

• D’organiser un réexamen obligatoire et automatique par le collège de l’instruction de la situation des prévenus incarcérés depuis trois mois. Le débat pourrait être public, à la demande de la défense.

1.1.1.3. Adoption de la collégialité de l’instruction par le parlement dans la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale

Il convient de rappeler que la collégialité de l’instruction prévue par la loi de 2007 ne figurait pas dans le projet du Gouvernement, mais résulte d’amendements du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale ayant complété le projet de loi initial qui avait comme seul objectif la création des pôles de l’instruction et le renforcement de la co-saisine.

Les dispositions toujours en vigueur aujourd’hui sur les pôles et la co-saisine ne furent ainsi acceptées par le Parlement que comme un dispositif provisoire, une étape préalable à la collégialité de l’instruction.

1.1.2. Présentation de la loi du 5 mars 2007

1.1.2.1. Phase 1 : pôles de l’instruction et co-saisine

La première étape résultant de la loi de 2007, toujours en vigueur, conduit à distinguer au sein des tribunaux de grande instance les juridictions infra-pôles, ne comportant qu’un seul juge d’instruction uniquement compétent pour les affaires correctionnelles ne donnant pas lieu à co-saisine, et les juridictions pôles, comportant au moins deux juges d’instructions, avec une compétence géographique étendue s’appliquant aux affaires correctionnelles avec co-saisine et aux affaires criminelles.

La compétence exclusive des pôles, dès l’ouverture de l’information, pour les instructions en matière de crimes se justifie par la nécessite de rendre plus facile, en cours de procédure, le passage éventuel de l’information par un seul juge à la co-saisine, sans devoir pour cela dépayser le dossier d’un tribunal de grande instance infra pôle à un tribunal de grande instance pôle.

La co-saisine est prévue par l’article 83-1 du code de procédure pénale.

Elle est possible lorsque la complexité ou la gravité de l’affaire le justifie.

Elle n’est jamais obligatoire mais peut être décidée dès l’ouverture de l’information par le président, soit d’office soit sur réquisitions du parquet. Dans ce cas, par définition, l’information est nécessairement ouverte dans un tribunal de grande instance pôle de l’instruction.i

Elle peut aussi être décidée en cours d’information. Dans ce cas, si l’information avait été initialement ouverte dans un tribunal de grande instance infra pôle, elle impliquera le dessaisissement du juge d’instruction initialement saisi et le dépaysement de la procédure au tribunal de grande instance pôle.

La co-saisine en cours d’information est également décidée par le président du tribunal de grande instance, soit à la demande du juge chargé de l'information, soit, si ce juge donne son accord, d'office ou sur réquisition du ministère public ou sur requête des parties.

En l’absence d’accord du juge initialement saisi, la co-saisine doit être décidée par le président de la chambre de l’instruction, si l’affaire était déjà instruite dans un pôle (et qu’elle n’impliquera donc pas de dessaisir le juge), et par la chambre de l’instruction elle-même dans le cas contraire (mais uniquement si cette décision est indispensable à la manifestation de la vérité et à la bonne administration de la justice, précise l’article 83-1)

Les décisions du président du tribunal de grande instance, de la chambre de l'instruction et de son président en matière de co-saisine sont des mesures d'administration judiciaire non susceptibles de recours.

L’article 83-2 prévoit qu’en cas de co-saisine, le juge d'instruction chargé de l'information coordonne le déroulement de celle-ci et qu’il a seul qualité pour saisir le juge des libertés et de la détention, pour ordonner une mise en liberté d'office et pour rendre l'avis de fin d'information et l'ordonnance de règlement.

Il prévoit toutefois que cet avis et cette ordonnance peuvent être cosignés par le ou les juges d'instruction co-saisis.

En l’absence de co-signature (qui dénoterait un possible désaccord entre les juges), les parties peuvent faire appel de l’ordonnance de règlement, en application de l’article 183-6 (y compris en matière correctionnelle, alors qu’en principe une ordonnance de renvoi ne peut être frappée d’appel).

Depuis leur création, le fonctionnement des pôles de l’instruction, même s’il implique une importante coordination entre le procureur de la République du TGI infra pôle et celui du tribunal de grande instance pôle (coordination que précisent les articles 397-2, 397-7 et D. 15-4-1 à D. 15-4-3 du code de procédure pénale et qui est parfois source de complexité), n’a pas donné lieu à des difficultés majeures d’application qui auraient été portées à la connaissance de la Direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

Le fonctionnement pratique de la co-saisine depuis la loi de 2007 est précisé infra.

1.1.2.2. Phase 2 : collégialité

La seconde phase prévue par la loi de 2007, celle de la collégialité, consiste à confier l’ensemble des instructions, de façon systématique, à un collège composé de trois juges d’instruction.

Cette seconde phase implique la suppression de la co-saisine.

Cette phase implique également de supprimer totalement l’existence des juges d’instruction des tribunaux de grande instance non pôles, pour ne conserver, uniquement dans les tribunaux de grande instance pôles, des collèges de juges d’instruction.

Les nouvelles dispositions ne prévoient en effet, de façon du reste logique, la présence des collèges de l’instruction que dans les tribunaux de grande instance pôles.

La collégialité implique ainsi la suppression de la fonction d’instruction dans les soixante-douze tribunaux de grande instance non pôle (sauf évidemment s’il était créé de nouveaux pôles de l’instruction). La collégialité de l’instruction aurait notamment pour conséquence la suppression du juge d’instruction dans de nombreux départements (au moins 25), dans lesquels il n’existe pas de pôle, comme par exemple, l’Aveyron, la Lozère, le Tarn, l’Ariège, le Gers, le Lot, les Ardennes, la Meuse, la Mayenne, les Hautes Alpes, le Cantal, etc …

De façon plus précise, la collégialité instituée par la loi de 2007 résulte des cinq premiers articles de ce texte. Toutefois, la réforme découle en réalité sur le fond d’un unique article, l’article 1er, les articles 2 à 5 étant des articles de coordination qui, pour l’essentiel, remplacent, dans une centaine d’articles du code de procédure pénale, les mots « juge d’instruction » par les mots : « collèges de l’instruction ». Par coordination également, le dernier article de la loi - article 30 - tout en reportant l’entrée en vigueur de la collégialité, abroge, à compter de cette même date, toutes les dispositions prévoyant la présence du juge d’instruction dans les tribunaux de grande instance infra pôle ainsi que toutes les dispositions relatives à la co-saisine.

Cet article premier quant à lui remplace le premier alinéa de l'article 83 du code de procédure pénale (qui prévoit la désignation d’un juge d’instruction, par le président du tribunal, le cas échéant par ordonnance de roulement, d’un juge d’instruction), par deux alinéas ainsi rédigés :

Le président du tribunal ou, en cas d'empêchement, le magistrat qui le remplace, désigne, pour chaque information, une formation collégiale de trois juges d'instruction, dont un magistrat du premier grade exerçant les fonctions de juge coordonnateur. Il peut établir, à cette fin, un tableau de roulement.

Ce collège de l'instruction exerce les prérogatives confiées au juge d'instruction par le présent code. Les décisions de mise en examen, d'octroi du statut de témoin assisté à une personne mise en examen, de placement sous contrôle judiciaire, de saisine du juge des libertés et de la détention et de mise en liberté d'office, ainsi que les avis de fin d'information, les ordonnances de règlement et de non-lieu doivent être pris de manière collégiale. Les autres actes relevant de la compétence du juge d'instruction peuvent être délégués à l'un des juges d'instruction composant le collège.

Il résulte de ces dispositions qu’en pratique, à l’exception des auditions, interrogatoires, reconstitutions, délivrances de commissions rogatoires ou expertises, qui pourront être délégués, tous les actes de l’instruction devront être effectués ou décidés de façon collégiale.

1.1.3. Reports successifs de la collégialité

La loi du 5 mars 2007 fixait l’entrée en vigueur de la collégialité au 1er janvier 2010.

Cette date a été reportée au 1er janvier 2011 par la loi de simplification et de clarification du droit du 12 mai 2009.

Puis elle a été reportée, au 1er janvier 2014., par la loi de finances du 31 décembre 2010.

Ces deux reports ont été justifiés par le Gouvernement d’une part pour des raisons de moyens et d’autre part par les travaux de refonte de l’ensemble de la procédure pénale, engagés à la demande de l’ancien Président de la République, et qui devaient conduire à la suppression de l’instruction et du juge d’instruction.

Il a été notamment indiqué par le Gouvernement que le fait de confier toutes les informations à une collégialité de juges aux dates initialement prévues nécessitait des moyens considérables et une réorganisation très lourde des juridictions, qui impliquaient des investissements immobiliers particulièrement importants, ainsi que le recrutement de nouveaux magistrats.

Il a été précisé  qu’un tel coût budgétaire aurait été d’autant plus injustifié qu’était alors en cours d’élaboration une réforme d’ensemble du code de procédure pénale destinée à renforcer le respect du contradictoire, des droits de la défense et des libertés individuelles, et dont le contenu était incompatible avec le mécanisme de collégialité de l’instruction prévu par la loi de 2007, réforme qui devait quant à elle, en raison de son importance, entrer en vigueur dans trois à quatre ans.

Il était rappelé que cette réforme d’ensemble proposait notamment la suppression de l’instruction, et la création d’un cadre unique d’enquête menée sous la direction du procureur de la République et sous le contrôle, selon la nature des actes en cause, d’un juge de l’enquête et des libertés ou d’un tribunal collégial de l’enquête et des libertés. Ce tribunal collégial devait notamment être compétent pour décider des détentions provisoires requises par le parquet.

Cette solution était présentée comme plus cohérente que le dispositif prévu par la loi de 2007 qui, tout en instituant une instruction systématiquement menée par trois juges, maintient un juge unique, le juge des libertés et de la détention, pour ordonner les détentions provisoires (ce qui implique donc l’intervention dans la procédure, outre le magistrat du parquet, de quatre juges : trois juges d’instruction et un juge des libertés et de la détention). Cette solution était également présentée comme moins coûteuse, puisque la collégialité ne devait pas être prévue pour toutes les procédures, mais uniquement en matière de détention.

C’est au vu de ces arguments que le Parlement a donc par deux fois reporté la date d’entrée en vigueur de la réforme.

1.1.4. Etat des lieux sur le fonctionnement des pôles et des co-saisines

1.1.4.1. Eléments statistiques sur le fonctionnement des juridictions pôles et infra pôles

Le tableau ci-après précise le nombre d’informations ouvertes soit dans les juridictions pôles de l’instruction, soit dans les juridictions infra-pôles.

Année

Nombre d'affaires dont ont été saisis les JI

Nombre d'affaires dans les juridictions Pôle

Nombre d'affaires dans les juridictions Infra-pôles

2007

28 063

23 614

4 449

2008

23 409

20 606

2 803

2009

20 899

18 699

2 200

2010

17 523

15 993

1 530

2011*

17602

15921

1681

2012*

16230

14656

1574

Sources : cadre B du parquet, répertoire de l’instruction pour les années portant un astérisque.

1.1.4.2. Eléments statistiques sur le fonctionnement de la co-saisine

Le dispositif mis en place de 2008 à 2010

Par dépêche en date du 19 mars 2008, a été mis en œuvre un dispositif de collecte statistique informatisé relatif à l’évaluation des pôles de l’instruction depuis le 1er mars 2008.

En raison de la chute du taux de réponse des juridictions et de l’annonce de la suppression de l’instruction préparatoire par le précédent Président de la République, il a été mis fin à ce recensement par dépêche du 18 novembre 2010.

Les parquets des pôles de l’instruction devaient renseigner un tableau sous format électronique :

o pour toute ouverture d’information criminelle et/ou en cosaisine au pôle de l’instruction relevant de la compétence initiale d’un tribunal non pôle ;

o pour tout transfert au pôle de l’instruction d’une information déjà ouverte dans un tribunal non pôle, ce transfert résultant soit d’une requalification criminelle, soit d’une décision de cosaisine dans une affaire délictuelle en cours d’instruction ;

o pour toute information criminelle ou délictuelle ayant fait l’objet d’une décision de cosaisine dans une affaire relevant dès l’origine du ressort du tribunal de grande instance du pôle de l’instruction.

Les informations intégrées au fur et à mesure, permettaient une évaluation en temps réel de l’impact quantitatif des pôles de l’instruction.

Les dernières données disponibles sont arrêtées au 9 septembre 2010.

Eléments statistiques issus du dispositif

Il convient de préciser que tous les pôles de l’instruction ne renseignaient pas le dispositif, dont certains de taille importante (Paris, Versailles, Créteil, Bobigny, Evry, Pontoise, Nice ou Lille).

Les données statistiques disponibles et communiquées ne recouvrent donc pas l'activité complète des pôles de l'instruction. Elles permettent néanmoins d’avoir un aperçu du volume et de la nature des transmissions et co-saisines.

Il résulte du recueil statistique dédié aux pôles de l’instruction sur la période 1er mars 2008 au 9 septembre 2010 que :

Dans les 55 pôles pour lesquels le ressort territorial recouvrait un ou plusieurs autres tribunaux sont dénombrés :

1486 transferts d'informations criminelles aux pôles de l'instruction dont 146 cosaisines ;

91 transferts d'informations délictuelles aux pôles de l'instruction en raison d'une décision de cosaisine.

Dans les 36 pôles ayant conservé le même ressort territorial il est relevé:

199 décisions de cosaisine (dont 125 dans des informations criminelles).

Eléments statistiques disponibles à ce jour

Le tableau ci-dessous permet de mesurer la part des dossiers d’instruction traités dans les pôles de l’instruction, soit 83% à ce jour.

Stocks à l'instruction en fin d'année depuis 2007(source : cadres du parquet) :

 

2 007

2 008

2 009

2 010

2 011

Nombre de TGI concernés

181

181

179

172

160

Stock infra-pôles

9 982

8 038

5 882

11 385

10 908

Stock pôles

43 760

40 997

38 808

37 518

52 780

Somme

53 742

49 035

44 690

48 903

63 688

Part dans les pôles

81 %

84 %

87 %

77 %

83 %

Il n’existe pas de données actualisées relatives aux transferts d’informations judiciaires.

Par ailleurs, l’évènement de co-saisine existe dans le logiciel Cassiopée en lien avec le réquisitoire introductif ou avec l’ordonnance de désignation du président. Toutefois, les extractions statistiques sur cet évènement se révèlent incohérentes.

1.1.4.3. Appréciation qualitative de la co-saisine

Les rapports de politique pénale des parquets généraux mettent en avant les constatations suivantes.

Il convient de souligner un recours croissant à la co-saisine qui permet dans certains cas une répartition du dossier par objectif ou par matière. Elle présente également l’avantage d’être un mode de formation des magistrats novices par les plus anciens.

La réalisation de confrontations en binôme s’avère être particulièrement efficace dans les dossiers de criminalité organisée ou lorsque la défense apparaît très structurée.

Les parquets généraux soulignent cependant les écueils majeurs à éviter :

- le risque d’une co-saisine virtuelle ;

- la mésentente des magistrats instructeurs codésignés ;

- le risque de banalisation si elle est trop souvent requise ;

- risque d’instrumentalisation par les parties dans un but dilatoire ou de dessaisissement du juge.

Outre les critères légaux de complexité et de gravité des faits, plusieurs parquets généraux ont fixé des critères de co-saisine plus détaillés tenant à la nature des faits, au type d’investigations devant être menées mais également compte-tenu de l’ampleur médiatique des faits qui ont gravement troublé l’ordre public. Il s’agit notamment de l’ancrage des auteurs dans la délinquance, de l’importance du préjudice ou de la dimension spatiale du phénomène.

La plupart des parquets généraux préconisent cependant de limiter le recours à la co-saisine aux dossiers présentant une réelle complexité. Un compte rendu préalable au parquet général est parfois demandé.

Par ailleurs, la co-saisine est rarement demandée par les parties.

1.2. Cadre constitutionnel et communautaire

Aucune décision du Conseil constitutionnel ne traite de la question de la collégialité de l’instruction, et n’impose ni n’interdit le recours à la collégialité.

Il en est de même des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme.

Au regard des questions soulevées par l’institution de la collégialité au cours de l’instruction, deux séries de décisions du Conseil ou de la Cour présentent toutefois un intérêt certain :

- celles relatives au respect du principe d’égalité devant la loi en matière de procédure pénale, qui interdisent notamment que, dans des situations identiques, une personne puisse être jugée soit par un juge unique soit par une formation collégiale (not. Cons. Const., n°75-56 DC, 23 juillet 1975, censurant la possibilité donnée au président du tribunal correctionnel de décider qu’un affaire serait jugée par un juge unique ou par la collégialité).

- celles relatives aux atteintes à la liberté individuelles susceptibles d’être ordonnées au cours de l’instruction, spécialement les décisions relatives à la détention provisoire, et notamment à la qualité de l’autorité judiciaire susceptible de prendre ces décisions, dont il semble apparaître qu’elle doit être en principe distincte de l’autorité en charge des investigations (not. Cons. Const., n° 96-377 DC du 16 juillet 1996, censurant la possibilité donnée au juge d’instruction d’autoriser lui-même des perquisitions de nuit en matière de terrorisme).

Ces jurisprudences sont toutefois examinées plus précisément dans la partie option de l’étude d’impact.

2. L’objectif d’une collégialité cohérente, réaliste et équilibrée

2.1. Nécessité de l’action législative

L’application des dispositions de la loi de 2007 sur la collégialité de l’instruction soulèverait plusieurs difficultés.

1) La première difficulté résulte de l’extrême lourdeur due au caractère systématique de la collégialité, applicable à toutes les informations et obligatoire pour de très nombreux actes au cours de l’information.

On peut ainsi se demander si le recours obligatoire à la collégialité est nécessaire pour des informations portant sur des affaires très simples ou mineures.

Par exemple, la collégialité est-elle nécessaire si une information est ouverte par le procureur à la suite de l’arrestation, en flagrant délit, d’un cambrioleur qui reconnait les faits, uniquement parce qu’un co-auteur, identifié grâce aux déclarations de la personne arrêtée et à des empreintes trouvées sur les lieux et figurant dans les fichiers de police, a réussi à prendre la fuite lors de l’intervention des forces de l’ordre, et que l’instruction a pour seul objet de permettre aux enquêteurs, dans le cadre d’une commission rogatoire, de localiser et d’appréhender ce co-auteur ?

De même, la rigidité du dispositif imposerait par exemple que toutes les mises en examen, même pendant la permanence du week-end, même le soir, même pour des faits simples et reconnus, devront être réalisées par les trois juges du collège. Une personne arrêtée en flagrance pour, par exemple, le meurtre de sa femme, devra être présentée devant les trois juges du collège pour être mis en examen, puis devant le juge des libertés et de la détention pour une mise en détention3. Pas moins de cinq magistrats, quatre du siège et un du parquet devront ainsi intervenir : il ne semble pas qu’un tel luxe de garanties procédurales existe dans d’autres législations.

Par ailleurs, d’une manière générale, le recours à une collégialité obligatoire et systématique, même lorsque la nature de l’affaire ne le justifie pas, peut aboutir à des effets pervers résultant d’une application purement formelle et routinière de la collégialité, les juges du collège traitant tous les dossiers de la même manière, et n’étant plus à même de distinguer, parmi toutes les affaires qui leur sont soumises, celles nécessitant une réflexion plus approfondie.

En outre, ce caractère obligatoire et systématique, parce qu’il rendra encore plus formaliste et complexe le recours à la procédure d’instruction, pourrait avoir comme autre effet pervers de conduire les parquets à éviter de recourir à ce mode de poursuites, et à privilégier le recours aux procédures rapides à l’issue des enquêtes judiciaires, de flagrance ou préliminaire, qui ne présentent pas le caractère contradictoire de l’information.

2) S’agissant de l’articulation de la collégialité de l’instruction avec le maintien du juge des libertés et de la détention, la loi de 2007 peut également susciter certaines réserves.

D’une part, la loi de 2007 a pour conséquence qu’un juge des libertés et de la détention juge unique, saisi par ordonnance motivée rendue par une collégialité de trois juges en vue d’un placement en détention, pourra « désavouer » cette collégialité en laissant le mis en examen en liberté.

D’autre part, en application de la loi de 2007 la mise en liberté d’office d’un mis en examen détenu, présumé innocent et placé en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, ne pourrait pas être décidée par l’un des juges du collège, mais devrait nécessairement résulter d’une décision collégiale. Dans ce cas, ce n’est que si la collégialité rejette une demande de mise en liberté, que la mise en liberté pourrait alors être décidée par le seul juge des libertés et de la détention.

3) En dernier lieu, la difficulté la plus importante qui résulterait de la mise en œuvre de la collégialité issue de la loi de 2007 est celle des moyens nécessaires à son application.

Elle nécessiterait la création de plus de 300 juges d’instruction (cf infra), ce qui n’est pas envisageable, non seulement au regard du délai jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la réforme, mais également, quelle que soit cette date d’entrée en vigueur, dans le contexte budgétaire que connait actuellement notre pays.

Les difficultés en matière immobilière peuvent également être soulignées. Il serait, dans la plupart des juridictions, impossible que la mise en examen réalisée par trois juges se fasse dans un cabinet d’instruction. Cela exigerait donc soit l’utilisation des salles d’audience, qui ne seront le plus souvent pas disponibles, soit la création de bureaux dédiés à cette fin.

Compte tenu de ces difficultés, il n’est pas possible que la collégialité de l’instruction telle que prévue par la loi de 2007 puisse effectivement s’appliquer le 1er janvier 2014.

Une réforme législative est donc indispensable, et cette réforme doit être adoptée avant le 31 décembre 2013, à défaut de quoi les dispositions sur la collégialité de l’instruction issue de la loi de 2007 entreront en vigueur.

2.2. Objectifs

L’objectif de la réforme ne peut pas être un quatrième report de la loi de 2007, qui ne règlerait aucune des difficultés de fond, ni l’abrogation définitive de cette loi, dans la mesure où il ne fait pas de doute que la procédure actuelle d’une instruction confiée à un juge unique, avec comme seul tempérament la procédure de co-saisine, n’est pas pleinement satisfaisante.

Il est donc nécessaire d’instituer, avant le 31 décembre 2013, une autre forme de collégialité au cours de l’instruction, qui soit progressive, cohérente, réaliste et équilibrée, une collégialité permettant à l’institution judiciaire de traiter les affaires pénales les plus graves et les plus complexes d’une manière tout à la fois plus efficace et plus respectueuse des droits de la défense et de la présomption d’innocence.

3. Options

L’institution de la collégialité de l’instruction, dans des conditions permettant d’atteindre les objectifs cités plus haut, soulève des questions particulièrement complexes et délicates, que relèvent, outre les développements qui précédent, le nombre très élevé de réformes proposées ou adoptées sur cette question par le passé.

Il n’est donc pas surprenant que de nombreuses options soient envisageables, portant sur différents aspect de la réforme ; la présente étude d’impact examine successivement les principales et les plus importantes d’entre elles.

3.1. Options concernant le maintien ou la suppression de la séparation des fonctions d’instruction et de jugement

La création d’un collège de l’instruction impose de s’interroger sur la nécessité de maintenir le juge des libertés et de la détention, l’autre solution étant de réunifier ce qui avait été séparé par la loi du 15 juin 2000 et de confier à la même autorité collégiale le soin de mener les investigations et de statuer sur la détention. C’était du reste ce que prévoyait la loi Badinter de 1985, et c’était ce que proposaient les parlementaires de l’ancienne majorité dans le rapport Outreau (seuls les députés socialistes s’étant opposés à la suppression du juge des libertés et de la détention).

Toutefois, confier la détention à la collégialité qui instruit semble constituer un recul pour les libertés individuelles : il n’y aurait plus de regard extérieur sur la détention, et, c’est là une remarque de pur bon sens, on ne voit pas très bien pourquoi trois juges ayant estimé justifiée une mise en examen hésiteraient à prononcer une détention.

Cette question appelle toutefois une analyse plus détaillée au regard des exigences constitutionnelles et conventionnelles.

Dans sa décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996 sur la loi du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions qui permettaient au juge d’instruction d’autoriser des perquisitions de nuit en considérant que « la possibilité de telles visites, perquisitions et saisies de nuit, pendant une période qui n'est pas déterminée par la loi, dans tout lieu, y compris dans les locaux servant exclusivement à l'habitation (..) au cours d'une instruction préparatoire, alors que (…), dans l'instruction préparatoire, l'autorité déjà investie de la charge de celle-ci se voit en outre attribuer les pouvoirs d'autoriser, de diriger et de contrôler les opérations en cause, est de nature à entraîner des atteintes excessives à la liberté individuelle ».

Le Conseil Constitutionnel a ainsi censuré ces dispositions pour deux motifs cumulés, d’une part du fait de l’absence de limitation et d’autre part du fait que le juge d’instruction se voyait à la fois investi des pouvoirs d’autoriser et de diriger les perquisitions.

Ce raisonnement, tenu pour des perquisitions de nuit moins attentatoires à la liberté que la détention provisoire, est susceptible d’être transposé si l’autorité chargée des investigations devait être la même que celle qui décide du placement en détention4.

Il est toutefois possible de soutenir que le Conseil pourrait estimer que la collégialité constitue une garantie différente mais équivalente, qui permettrait le cumul des fonctions d’investigations et de décisions en matière de détention provisoire.

Au regard de la Convention européenne des droits de l’homme, la question est plus complexe.

Lors des débats de la loi du 15 juin 2000, le Gouvernement, pour justifier la création du juge des libertés et de la détention, avait clairement mis en avant les exigences de la convention européenne des droits de l’homme concernant le juge impartial, qui imposait selon lui que le juge enquêteur ne puisse être le juge de la détention, faute de regard extérieur garantissant son impartialité ne serait-ce qu’objective. Cette affirmation était toutefois excessive, comme le montre l’analyse des dispositions de la convention et des décisions de la Cour de Strasbourg.

Avant de procéder à cette analyse, il parait toutefois opportun de rappeler l’état du droit applicable chez nos plus proches voisins.

Dans quatre pays où il existe un juge tout à fait semblable à notre juge d’instruction (Espagne Belgique, Portugal), ou très ressemblant (Pays-Bas), c’est lui qui prend la décision de placement en détention. Une formation collégiale, distincte du juge d’instruction doit décider ou non de prolonger cette détention au-delà de la première période dans les cinq jours en Belgique , et dans les dix jours aux Pays-Bas.

En Italie et en Allemagne les juges du siège qui suivent l’enquête ne sont pas des juges d’instruction. L’enquête est conduite par le Parquet qui en revanche n’a pas le pouvoir de place en détention provisoire. En Italie, la première décision, prise par le juge des libertés, est également revue par une formation collégiale dans les dix jours.

On peut donc constater que, dans quatre pays sur six, la décision de détention est décidée par le magistrat qui instruit. Mais si l’on distingue le placement en détention décidé en urgence de la décision de maintenir en détention provisoire, dans quatre pays sur six, la décision émane d’une autorité judiciaire distincte de celle chargée des investigations (Belgique, Pays-Bas, Italie, Allemagne).

Ce rappel de droit comparé étant fait, on peut observer que pour chaque affaire mettant en cause l'impartialité du juge, la Cour  examine d'une part l'impartialité subjective (qui est présumée)  mais aussi, indépendamment de la conduite du juge, si certains faits vérifiables autorisent à suspecter de son impartialité (impartialité  objective). La quasi-totalité des affaires mettant en cause l'impartialité du tribunal sont examinées sous l'angle de l'impartialité objective.

Alors que dans les années 80 la Cour sanctionnait quasiment tous les cumuls de fonction au nom des apparences d'impartialité que doit offrir la justice, elle est, dans les années 90 parvenue à ne quasiment plus sanctionner les cumuls des fonctions grâce à une appréciation purement in concreto.

Le fil conducteur de la jurisprudence peut se résumer ainsi : doivent être examinées la nature et l'étendue des mesures ou décisions prises par le juge dans le cadre de l'exercice successif de fonctions juridictionnelles différentes dans une même affaire. Si le juge est amené à porter une appréciation préalable sur la question de fond qu'il doit ensuite juger, alors il y a atteinte à l'impartialité. Les arrêts les plus pertinents concernent en fait le cumul de fonction de juge d’instruction ou de juge statuant sur la détention provisoire et de juge sur le fond de l'affaire : si les mesures prises par le juge ne l'ont pas amené à préjuger du fond ou si les actes qu'il a accomplis sont sommaires, la première décision ne sera pas considérée comme portant une appréciation préalable sur le fond et l'impartialité du juge ne sera pas remise en cause. Par ailleurs, la connaissance approfondie du dossier par le juge n'implique pas nécessairement un préjugé empêchant de le considérer comme impartial au moment du jugement sur le fond. Mais lorsque la décision de placement en détention provisoire se fonde sur « des soupçons particulièrement renforcés » ce qui implique que le juge porte, d’après la Cour, une appréciation sur la culpabilité, ce magistrat ne peut faire partie de la juridiction de jugement (Hauschildt c. Danemark, 24 mai 1989 et Perote Pellon c. Espagne, 25 juillet 2002)

Toutefois, tous les arrêts de la Cour portent sur la question de l’impartialité de la juridiction de jugement car ils appliquent l’article 6 de la convention sur le procès équitable. Aucun d’entre eux n’a jamais clairement exigé une impartialité du juge statuant sur la détention provisoire, par rapport au juge qui instruit. L’article 5-3 de la convention qui exige l’intervention en matière de détention provisoire d’un «juge » ou « d’un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires », a eu dans la jurisprudence de la Cour pour seule conséquence d’interdire que la détention soit décidée par un magistrat non indépendant de l’exécutif ou des parties, notamment de la partie poursuivante. La détention ne peut ainsi être décidée par les magistrats du parquet (Brincat c/Italie, 26 nov. 1992, Nikolova c. Bulgarie, 25 mars 1999, Assenov c. Bulgarie, 28 oct 1998). Mais hors cette hypothèse très particulière, il n’y pas d’interdiction claire des fonctions d’enquêteurs et de contrôle de la détention provisoire.

Au demeurant, jamais la France n’a été poursuivie ni condamnée, avant la loi de juin 2000, parce que le juge instructeur décidait lui-même de la détention, et il en est de même pour les autres pays européens précités (Espagne, Belgique, Portugal ou Pays-Bas).

Cela étant, la question n’est pas totalement claire : ne peut-on en effet comparer la situation dans laquelle la Cour interdit au magistrat du parquet chargé des poursuites de statuer sur la détention, avec la situation d’un juge d’instruction, ou d’un collège de juges d’instruction, qui dans une affaire ouverte contre X, découvrent eux-mêmes l’auteur présumé, le mettent en examen et décident ensuite de le placer en détention provisoire ? Le ou les juges n’ont-ils pas directement « accusé » la personne à la place du parquet ? Dans un tel cas d’espèce – puisque la Cour statue toujours in concreto – il y a peut-être un risque de violation de l’article 5-3.

Pour les différentes raisons exposées ci-dessus, la piste consistant à revenir sur la séparation des fonctions ne paraît pas pouvoir être retenue, et elle a donc été écartée par le Gouvernement.

3.2. Option concernant le maintien ou non de l’instruction dans tous les tribunaux.

La question est de savoir si la réforme de la collégialité de l’instruction assouplie ou repensée, devra s’appliquer dans une architecture juridique maintenant l’existence d’un juge d’instruction unique dans les juridictions non pôles, ou impliquant le regroupement de tous les juges d’instruction dans des juridictions pôles comportant au moins trois juges.

Dans le premier cas, la réforme sera nécessairement plus complexe, car elle devra concilier l’existence d’une collégialité avec la possibilité d’une instruction menée, dans certains tribunaux, par un seul juge : elle imposera nécessairement la possibilité, pour les affaires suivies dans le tribunal non pôle, d’une collégialité à distance et différée.

Dans le second, même si l’exigence de souplesse devra être maintenue, il sera plus simple de mettre en œuvre une collégialité puisque toutes les procédures seront suivies dans une juridiction comportant suffisamment de juges en son sein pour composer cette collégialité.

En définitive, la solution consistant à supprimer la fonction de juge d’instruction dans les juridictions infra-pôle paraît devoir être retenue pour les raisons suivantes :

-même si elle n’a pas constitué une difficulté insurmontable, la coexistence de l’instruction dans les juridictions infra-pôle et les juridictions pôles a été une source de complexité, qui serait aggravée par la collégialité.

- il n’est pas satisfaisant qu’un juge d’instruction se trouve seul et isolé dans un tribunal pour y exercer ces fonctions difficiles.

A cet égard, la position de l’Association Française des Magistrats Instructeurs doit être rappelée et soulignée.

L’Association Française des Magistrats Instructeurs demande en effet le « regroupement des juges d'instruction dans les pôles d'instruction », en rappelant qu’elle a été extrêmement favorable « à la création des pôles de l'instruction et de leurs juges coordonnateurs, en s’appuyant sur l'expérience des pôles spécialisés déjà existants, notamment dans les juridictions inter régionales spécialisées dans la lutte contre ta délinquance organisée ».

L’Association Française des Magistrats Instructeurs estime notamment que « le travail en équipe, ainsi facilité, commence à porter ses fruits en terme de partage d'informations, de rapprochement de dossiers, d'échanges sur les pratiques professionnelles, de relations rénovées siège/parquet pour un meilleur suivi des dossiers, de nouvelles méthodes de travail avec les services enquêteurs, de coopération internationale. »

Elle préconise donc de ne « pas laisser subsister des juges d'instruction dans les tribunaux non dotés de pôles de l'instruction. »

- le nombre des instructions ouvertes dans les tribunaux infra-pôle depuis leur création – uniquement pour des faits correctionnels - a été très réduit (les plus souvent, moins de trente ouvertures d’informations par an). Les conséquences pratiques résultant du transfert de ces dossiers dans les juridictions pôles seront donc assez limitées.

- enfin, le nombre de magistrats devant être créés si la collégialité devait être instituée en maintenant l’instruction dans les juridictions infra pôles serait sensiblement plus important que si l’instruction est regroupée dans les juridictions pôles. Cette réforme rendrait en effet nécessaire la localisation au minimum de 3 magistrats chargés de l’instruction dans chacune des 73 juridictions infra pôles là où elles n’en comptent généralement qu’un actuellement.

La suppression de la fonction d’instruction dans les juridictions infra-pôles sera tempérée non seulement par une disparition progressive justifiant les dispositions transitoires prévues dans le projet, mais aussi par la création de nouveaux pôles d’instruction dans certaines juridictions afin de renforcer l’accessibilité à la Justice là où cela est nécessaire.

Enfin, dès lors que la fonction de l’instruction sera supprimée dans ces juridictions infra-pôles, les affaires relevant de la compétence de la juridiction non-pôle et ayant fait l’objet d’une instruction dans le tribunal comportant un pôle de l’instruction devront, comme auparavant, continuer d’être jugées, à l’issue de l’instruction, devant la juridiction naturellement compétente.

3.3. Option tendant à l’adaptation/limitation de la collégialité issue de la loi de 2007

Cette option consiste à conserver la collégialité telle que créée par la loi de 2007, tout en limitant son champ d’application.

Elle implique donc la suppression de la co-saisine.

Cette option peut être subdivisée en plusieurs sous-options.

3.1.1. Limitation à certaines affaires

Si la collégialité de l’instruction, telle que prévue par la loi de 2007, devait être limitée à certaines procédures, seules deux solutions sont envisageables :

- Prise en compte d’un critère lié à la nature de l’infraction.

- Prise en compte (comme pour la co-saisine) du critère de la gravité et de la complexité des faits.

S’agissant du critère lié à la nature de l’infraction, on ne voit en pratique pas d’autre choix que de retenir le caractère criminel des faits. En effet, retenir certains délits graves aboutirait nécessairement à des choix contestables et à des résultats trop rigides. Si l’on prend le critère du seuil de peine encourue (tel que dix ans d’emprisonnement), on impose par exemple la collégialité dans toutes les affaires de trafic de stupéfiants, ou de vols avec trois circonstances aggravantes, ce qui peut paraître excessif. Si on fait une liste retenant certains délits, on peut s’inspirer des listes existantes (faits de délinquance organisée de la compétence des juridictions interrégionales spécialisées par exemple), mais le résultat serait très lourd : toutes les infractions relevant de la compétence de juridictions spécialisées ne sont en effet pas systématiquement jugées par ces juridictions, qui n’ont qu’une compétence concurrente facultative, et qui ne connaissent de ces faits que si leur complexité et/ou leur gravité le justifient.

Le critère de la gravité et de la complexité des faits présenterait donc une souplesse bien venue mais il peut paraître imprécis pour déterminer la composition d’une juridiction.

Juridiquement, il semble donc que si la collégialité devait être limitée à certaines instructions, ce ne pourrait être qu’aux instructions criminelles

Les affaires criminelles étant déjà de la compétence exclusive de pôles de l’instruction, la collégialité serait la plus facile à mettre en œuvre ; cette solution n’interdirait donc pas de maintenir le juge d’instruction dans les tribunaux de grande instance infra-pôle.

Toutefois, ce n’est pas parce qu’une affaire est criminelle qu’elle justifie nécessairement une instruction collégiale (ex. : un viol reconnu par l’auteur) et il peut exister des affaires correctionnelles dont la complexité ou la gravité justifierait qu’elles ne soient pas instruites par un seul juge ; demeure l’incohérence de voir, dans les affaires criminelles, trois juges ayant mis une personne en examen saisir un juge seul, le juge des libertés et de la détention, pour demander sa détention provisoire.

Cette option ne paraît donc pas pouvoir être retenue

3.1.2. Limitation à certains actes

La collégialité s’appliquerait à toutes les informations, mais le nombre des actes exigeant une intervention ou une décision collégiale serait moins important que dans la loi de 2007.

Deux solutions sont ainsi possibles :

- Soit les possibilités de délégation de la collégialité à l’un de ses membres seraient élargies.

- Soit la liste des actes relevant de la collégialité serait limitée (avec ou non la possibilité que des actes ne relevant en principe pas de la collégialité puissent être confiés à celle-ci, soit sur décision du juge, soit sur demande des parties)

Quelle que soit la solution retenue, il semblerait en tout état de cause indispensable que la mise en examen ou l’octroi du statut de témoin assisté ne relève pas systématiquement de la collégialité. La saisine du juge des libertés et de la détention devrait aussi pouvoir (voire devoir ?) être le fait d’un seul juge d’instruction.

D’une manière générale, il semble que tous les actes ou décisions de l’instruction devraient pouvoir relever de la compétence d’un seul juge, y compris le règlement (soit par délégation, soit par principe, le cas échéant avec l’accord des parties), comme le prévoyait le projet Badinter de 1985.

Cette option aboutit à une plus grande souplesse, et évite des situations de blocage des procédures

Elle présente toutefois de nombreux inconvénients.

Le caractère par principe systématique de la collégialité dans toutes les affaires demeure très lourd, et il y aura dans nombre de dossiers une collégialité de façade : trois juges auront été systématiquement désignés pour suivre l’instruction, alors qu’elle sera en réalité confiée à un seul ; par définition, cette solution impose la disparition du juge d’instruction dans les tribunaux de grande instance non pôles ; sauf si on interdit la saisine du juge des libertés et de la détention par la collégialité, demeure la possibilité d’une saisine d’un juge unique par trois juges ; le mécanisme de délégation n’est pas aisé à mettre en œuvre d’un point de vue juridique (permettre une délégation « par avance » à un juge lors de l’ouverture de l’information rend cette délégation fictive ; exiger une décision expresse de la collégialité déléguant le dossier à l’un des siens est particulièrement lourd, et impraticable lors de l’ouverture du dossier).

C’est pourquoi cette option n’a pas été retenue.

3.1.3. Limitations à certaines affaires et à certains actes

Une combinaison des solutions 1 et 2 serait évidemment envisageable : la collégialité ne s’appliquerait que dans les affaires criminelles, et ne concernerait qu’un nombre plus limité d’actes.

Cette solution présente certains avantages mais également certains inconvénients des solutions 1 et 2.

L’inconvénient principal, commun aux deux hypothèses précédentes, est que l’on parvient à un système binaire, avec soit la collégialité, plus ou moins lourde, soit le juge d’instruction unique : la très grande souplesse de la co-saisine, qui permet, dans tous les cas où cela s’avère nécessaire, une instruction à deux, à trois ou même à quatre, disparait.

Cette option a donc également été écartée.

3.2. Option tendant à l’institution d’une autre collégialité

Cette option consiste, tout en maintenant la règle selon laquelle un seul juge d’instruction, juge directeur, effectue les actes de l’information, à prévoir que la collégialité interviendra en tant que de besoin comme une instance de délibération qui décide des orientations de la procédure ou qui valide de façon périodique les options prises ou à prendre.

Cette solution permet de renforcer les garanties des droits de la défense, sans pour autant bouleverser de façon systématique la procédure.

Deux questions principales se posent : comment et quand faire intervenir la collégialité ? Cette collégialité doit-elle être obligatoire ou facultative ?

3.2.1. Comment et quand faire intervenir la collégialité ?

Afin de ne pas bouleverser inutilement le déroulement de la procédure pénale, il convient d’utiliser la collégialité de l’instruction pour prendre, lors des différentes phases de la procédure, certaines des décisions essentielles de l’information qui sont déjà réglementées en tant que telles. Ces phases et ces décisions concernent :

- La possibilité pour la personne mise en examen de demander d’obtenir à la place le statut de témoin assisté, cette demande étant possible (sans préjudice du droit de demander la nullité de la mise en examen)dans les 6 mois suivant la mise en examen, et tous les 6 mois suivants, ainsi que dans les dix jours suivant chaque notification d’expertise ou interrogatoire de la personne sur le résultat d’une commission rogatoire ou les déclarations d’un tiers (article 80-1-1).

- Le calendrier prévisionnel de la procédure : la partie peut demander, dans le délai fixé par le juge ou, à défaut de délai fixé par celui-ci, un an (en matière correctionnelle) ou dix-huit mois (en matière criminelle) après sa mise en examen ou sa première audition comme partie civile, la clôture de l’instruction, le juge devant répondre par ordonnance motivée s’il entend que l’instruction se poursuivre – en expliquant donc ce qu’il compte faire ; cette demande peut également être faite si aucun acte d’instruction n’est intervenu depuis plus de quatre mois (articles 98-1, 116 et 175-1).

- Les demandes d’actes ou d’expertises que les parties peuvent faire au cours de l’instruction ou à l’issue de l’avis de fin d’information

- Le règlement contradictoire de la procédure (article 175), comportant à la fois l’avis de fin d’information et le règlement proprement dit.

Les décisions habituellement prises par le juge dans ces hypothèses pourront ainsi être prises par la collégialité de l’instruction.

Pour la mise en examen, il est par ailleurs prévu la possibilité de demander le statut de témoin assistée en application de l’article 80-1-1 puisse désormais également intervenir dans les 10 jours suivant la mise en examen, sans devoir attendre le délai de 6 mois. Cette solution permet une intervention rapide de la collégialité en matière de mise en examen, sans exiger l’intervention du collège pendant les permanences.

Il convient de noter que la collégialité ne constitue pas un recours contre les décisions du juge d’instruction, mais une garantie permettant qu’au cours de la procédure certaines décisions essentielles soient prises de façon collégiale.

3.2.2. Collégialité obligatoire ou facultative

L’intervention de la collégialité aux différentes phases évoquées ci-dessus pourrait être systématique : toutes les mises en examen seraient validées par la collégialité, tous les règlements émaneraient de celle-ci….

Une telle solution paraît toutefois très lourde et peu justifiée dans son principe : si la partie est satisfaite de la façon dont l’instruction est menée, pourquoi exiger l’intervention de la collégialité ?

Il semble donc préférable que la collégialité n’intervienne que sur demande de la partie (y compris, bien évidemment, sur demande du parquet), ou à l’initiative du juge.

Cela permettra à chaque fois que nécessaire une décision collégiale sur les questions essentielles de la procédure – la mise en examen est-elle toujours justifiée ou la personne peut-elle bénéficier du statut de témoin assisté ? L’instruction doit-elle se poursuivre et si oui pourquoi ? Les actes demandés par les parties sont-ils nécessaires ? Quelle doit être l’issue de l’instruction ?

La nature de ces interventions n’exige pas que les décisions émanant de la collégialité soient prises à l’issue d’un débat contradictoire, puisque cela n’est pas exigé lorsque la décision émane du juge seul. Les décisions se prendront ainsi « sur dossier ».

Pour ces différentes raisons, le projet a retenu l’option d’une collégialité facultative.

3.3. Option relative au maintien ou à la suppression de la co-saisine

L’institution d’une collégialité facultative comme envisagée par le projet de loi pourrait a priori impliquer la suppression de la co-saisine, instituée (ou plutôt maintenue et élargie) par la loi de 2007 dans l’attente de la mise en place de la collégialité.

En réalité toutefois, la co-saisine n’a pas le même objectif ni la même utilité que la collégialité, et il paraît nécessaire et opportun de la maintenir.

La collégialité est en effet prévue et conçue par le projet comme une garantie offerte aux parties, portant sur des actes essentiels de la procédure et permettant le cas échéant une réflexion commune nécessaire à la détermination des grandes orientations du dossier, garantie par nature relativement formaliste.

La co-saisine est quant à elle un gage d’efficacité dans le déroulement même de l’ensemble des investigations, qui peuvent être selon le cas être réparties entre les différents juges co-saisis ou réalisées l’ensemble ou une partie des juges co-saisis. Elle est par ailleurs beaucoup plus souple dans sa mise en œuvre (outre le fait qu’il peut n’y avoir que deux juges co-saisis, alors que la collégialité exige nécessairement trois juges), en n’étant pas formaliste.

Les deux mécanismes sont ainsi complémentaires, étant observé qu’ils doivent évidemment être harmonisés, ce que prévoit logiquement le projet en précisant que les juges cosaisis font nécessairement partie de la collégialité s’il est recouru à cette garantie.

L’option consistant à supprimer la cosaisine n’a donc pas été retenue.

3.4. Options concernant la composition du collège de l’instruction

Le principe est évidemment que le collège est composé de trois juges d’instruction, dont le juge d’instruction en charge de la procédure, qui sera le président du collège. Les deux juges « assesseurs » seront désignés par le président du tribunal lors de la première demande d’intervention du collège. Bien évidemment cette désignation vaudra pour toute la durée de l’instruction, sauf nécessité de remplacer un juge empêché ou nommé à un autre poste. et sans préjudice d’une suppléance en cas d’urgence, comme le prévoit l’article 84 pour le juge d’instruction, dont les dispositions sont étendues au collège. Par ailleurs, en cas de co-saisine, les juges co-saisis seront par principe membres du collège.

Les options portent sur les solutions à apporter lorsqu’il n’existe pas suffisamment de juges d’instructions dans le tribunal pour former le collège.

Une première option serait de permettre la désignation par le premier président de la Cour d’appel d’un juge d’instruction d’un autre tribunal de grande instance, en prévoyant par ailleurs la possibilité de recourir à la visio-conférence pour permettre au collège de délibérer.

Celle option, fortement critiquée par les organisations professionnelles représentatives consultées a toutefois été écartée, en raison des importantes difficultés pratiques de mise en oeuvre qui en seraient résultées.

L’option retenue consiste à permettre que, dans ce cas, le président pourra désigner un juge du siège du tribunal autre qu’un juge d’instruction.

4. Impacts

4.1. Impacts pour le citoyen

Ce projet de loi est de nature à renforcer la confiance des citoyens dans l’institution judiciaire, en renforçant l’efficacité et la crédibilité de l’instruction préparatoire.

4.2. Impacts pour le budget

Chaque hypothèse évoquée dans l’étude a fait l’objet d’une évaluation. En raison des conséquences structurelles et des effets induits de la réforme sur la localisation des magistrats du siège non spécialisé, l'impact attendu a dû être estimé juridiction par juridiction. Dans ce contexte, la direction des services judiciaires a recoupé systématiquement les sources disponibles d'information afin d’établir la projection de l’activité attendue à partir de données d'activité les plus fiables possibles. Outre les sources statistiques habituellement disponibles il a notamment été recouru aux éléments (activité, ETPT dédiés) recueillis directement auprès des tribunaux de grande instance dans le cadre des dialogues annuels de gestion. Dans le doute, c’est systématiquement l’hypothèse la plus favorable à la juridiction concernée qui a été retenue.

Hypothèses écartées

Collégialité conformément à la loi de 2007

Elle s’applique aux mises en examen, placements sous contrôle judiciaire et à tous les actes de saisine du juge de la liberté et de la détention.

Elle est donc particulièrement lourde et s’applique en particulier à des actes susceptibles d’intervenir en dehors des jours et heures ouvrables.

Elle a un double impact, le premier sur la charge de travail elle-même, le second sur la nécessité de mettre structurellement en place la ressource suffisante pour réunir la collégialité 365 jours par an, parfois en horaires tardifs. Elle ne peut donc être mise en place, comme prévu par le texte, que si la totalité de l’activité instruction est concentrée sur les pôles.

Elle suppose :

- dans les juridictions infra-pôle,

* la suppression de 74 postes de juge d’instruction, pouvant être redéployés dans les pôles

* la création de 20 postes de juge non spécialisé, pour permettre d’assurer l’activité générale du tribunal, qui est pour partie assumée par les juges d’instruction

- dans les juridictions avec un pôle d’instruction ,

* la création de 314 postes de juges d’instruction et le redéploiement des 74 postes visés ci-dessus pour assurer la charge de travail des dossiers transférés par les infra-pôle, mais également l’étude en collégialité de ces dossiers,

* la suppression de 40 postes de juge non spécialisé.

Le coût budgétaire de cette opération est très lourd, il est évalué sur la base de 314 postes de magistrats et de 27 agents de catégorie B et 1 agent de catégorie A à 27 412 925,76 euros.

Instauration d’une collégialité facultative avec le maintien des juridictions infra-pôle

Il s’agit d’une collégialité intervenant à la demande pour statuer sur les mesures prévues par l’article 52-4 du code de procédure pénale de :

- demande d’acte déposée en application des articles 81, 82-1, 82-2 et 167 ;

- demande de passage du statut de mise en examen au statut de témoin assisté ;

- demandes relatives au respect du calendrier prévisionnel ;

- demandes déposées après l’avis de fin d’information ;

- ordonnance de règlement et fin d’information.

Le maintien d’une activité instruction dans les juridictions infra-pôles compliquera l’organisation de cette collégialité. Le texte prévoit qu’en cas de difficulté pour constituer le collège il puisse être recouru à un magistrat du siège de la juridiction qui ne soit pas juge d’instruction.

Même s’il est fait un large emploi de cette disposition, il n’en résultera pas moins qu’il faudra localiser au moins 1 juge d’instruction supplémentaire dans les TGI qui aujourd’hui n’en comptent qu’un seul.

Par ailleurs, des difficultés se poseront, dans les plus petites juridictions, pour préserver un magistrat du siège qui puisse intervenir comme juge des libertés et de la détention (JLD), et pour composer une formation de jugement à l’issue de la phase d’instruction, ce qui interdit de diminuer le nombre de juges non spécialisés dans ces juridictions,

L’étude a été effectuée sur la base de deux hypothèses :

- 5 000 actes examinés annuellement par une collégialité réant un besoin, après redéploiement des effectifs, de 71 ETP de magistrats et de 4 ETP agents de catégorie B pour un coût de 6 111 000 euros.

- 15 000 actes examinés annuellement par une collégialité créant un besoin, après redéploiement des effectifs, de 76 ETP magistrats et 6 ETP agents de catégorie B pour un coût de 6 602 670 euros.

Viendrait s’ajouter à ce coût, celui du déplacement des magistrats amenés à intervenir sur délégation d’autres tribunaux pour statuer sur le fond ou comme JLD, qui n’a pas été évalué.

4.2.1. Hypothèse privilégiée.

Collégialité à la demande avec suppression des infra-pôles

Cette solution est la moins coûteuse en ressources humaines. Elle simplifie l’organisation des juridictions, évite la gestion de visioconférence, le temps et les frais de déplacement.

L’étude est effectuée sur les mêmes volumes d’actes, qui feraient l’objet d’un examen par la collégialité.

- 5 000 actes créant, après redéploiement des effectifs, une économie de 29 ETP de magistrats et un besoin de 4 ETP agents de catégorie B pour une économie de 2 295 000 euros.

- 15 000 actes créant, après redéploiement des effectifs, une économie de 12 ETP magistrats et un besoin 5 ETP agents de catégorie B pour une économie de 1 187 145 euros.

5. consultations et modalités d’application

5.1. Consultations

5.1.1 Consultation du comité technique

La consultation du comité technique spécial de service placé auprès du directeur des services judiciaires est intervenue les 10 et 22 juillet 2013

5.1.2. Prise en compte des propositions initiales de l’AFMI

Dans le cadre de l’élaboration de ce projet de loi, le ministère de la justice s’est rapproché de l’Association Française des Magistrats Instructeurs, qui a adressé ses propositions de réforme en matière de collégialité de l’instruction. Ces propositions ont été examinées avec attention et ont pour partie été prises en compte dans les choix retenus par le Gouvernement.

Les propositions de l’AFMI diffèrent certes sur deux points importants avec le projet de loi en ce qu’elles envisagent :

- Une collégialité obligatoire et systématique pour toutes les instructions

- Qui implique la suppression de la co-saisine (mais prévoit une possibilité de délégation par le juge coordonnateur des actes ne relevant pas obligatoirement de la collégialité à un ou aux deux membres du collège).

Elles impliquent ainsi un fonctionnement de l’instruction beaucoup plus lourd et formaliste, et c’est pourquoi le Gouvernement n’a pas suivi l’Association Française des Magistrats Instructeurs sur ces deux points.

En revanche, de nombreux points communs existent entre les propositions de l’Association Française des Magistrats Instructeurs et le projet.

Le premier est la suppression de l’instruction dans les juridictions infra-pôles.

Le second résulte de la liste des décisions relevant de la collégialité (à titre systématique pour l’Association Française des Magistrats Instructeurs. et à titre facultatif, sur demande d’une partie du juge ou du parquet, pour le projet de loi), liste qui est très similaire à celle retenue par le projet de loi.

Ainsi, l’Association Française des Magistrats Instructeurs inclut dans cette liste, comme le fait le projet, les ordonnances refusant de procéder à une mesure demandée par les parties et les ordonnances clôturant l'instruction.

De même, l’Association Française des Magistrats Instructeurs, comme le projet de loi, exclut de cette liste, alors qu’elles étaient prévues par la loi de 2007, les décisions de mise en examen, octroi du statut de témoin assisté, placement sous contrôle judiciaire, et de saisine du juge des libertés et de la détention pour placement en détention ou prolongation de la détention.

L’Association Française des Magistrats Instructeurs propose par ailleurs une intervention facultative (mais discrétionnaire) de la collégialité, dans certains cas, y compris en matière de mesures privatives ou restrictives de liberté.

Elle propose ainsi que le collège de l'instruction, à la majorité de ses membres, pourrait à tout moment procéder au placement sous statut de témoin assisté de la personne mise en examen, à la mise en examen du témoin assisté, à la libération ou au placement sous contrôle judiciaire de la personne placée en détention provisoire, à la mainlevée du contrôle judiciaire, au placement en détention ou sous contrôle judiciaire de la personne mise en examen.

S’agissant des deux premiers actes, le projet permet d’obtenir plus simplement et plus souplement le même résultat avec le maintien de la co-saisine.

5.1.3. Consultation des syndicats professionnels et de l’AFMI sur un avant-projet de texte

Sur la base d’un projet de texte rédigé, le ministère de la justice a consulté l’Union syndicale des magistrats, le Syndicat de la magistrature, Fo Magistrats et l’AMFI.

Ces consultations ont conduit à modifier le projet initial sur plusieurs points, et notamment :

- A ne pas permettre que le collège soit composé par des juges d’instruction d’un autre tribunal de grande instance, qui auraient pu intervenir par visio conférence, en raison de l’extrême lourdeur d’un tel dispositif.

- A supprimer une collégialité de discussion et d’orientation qui aurait pu, à intervalles réguliers, faire le point sur la procédure. car ce mode d’intervention de la collégialité était trop imprécis.

- A ne pas permettre une contestation de la mise en examen devant la collégialité, le collège devant être une autorité de décision, et non de recours contre les décisions du juge.

5.2. Modalités d’application géographique

Les dispositions de la loi modifiant le code pénal doivent être appliquées sur tout le territoire, y compris l’outre-mer, sans adaptation particulière, comme le prévoyait la loi de 2007, à l’exception de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna.

5.3. Modalités d’application dans le temps

La date d’entrée en vigueur de la réforme, en ce qu’elle institue une collégialité facultative de l’instruction, est différée au 1er septembre 2014.

Toutefois, la suppression des dispositions de la loi de 2007 prévoyant une collégialité obligatoire interviendra le 1er janvier 2014.

5.4. Décrets d’application

Le présent projet de loi n’exige aucun décret spécifique d’application.

Les dispositions des articles D. 15-4-1 à D. 15-4-3 du code de procédure pénale sur l’articulation entre les parquets des pôles et des infra pôles devront toutefois être adaptées.

Les dispositions réglementaires du code de procédure pénale fixant la localisation et la compétence des pôles de l’instruction seront par ailleurs revues, afin de créer de nouveaux pôles dans les juridictions où cela apparaitra nécessaire.

1 La loi du 4 janvier avait en effet, en plus de la création du juge délégué pour intervenir en matière de détention, également remplacé l’inculpation par la mise en examen qui, au-delà de la différence terminologique, devait être décidée par le procureur et non plus par le juge d’instruction. Il en résultait qu’en cas d’ouverture d’une information concernant une personne ou plusieurs personnes déférées, celles-ci devaient être vue successivement par le procureur de la République, pour se voir notifier leur mise en examen, puis par le juge d’instruction, pour qu’il procède à leur premier interrogatoire, puis par le juge délégué, pour qu’il décide, dans le cadre d’un débat contradictoire, de leur éventuel placement en détention, puis enfin à nouveau par le juge d’instruction, qui, si la détention avait été ordonnée, était alors seul compétent pour décerner un mandat de dépôt. La complexité de la procédure – qui ne pouvait que s’aggraver lorsque le juge délégué devait être remplacé par une collégialité - avait ainsi fait l’objet de très vives critiques de la part des praticiens.

2 Un magistrat du 1er grade dirigeant le collège, un magistrat du second grade et un magistrat sortant de l’ENM

3 Un amendement adopté par le Sénat tendait à permettre la mise en examen par un seul juge, mais il ne fut pas retenu par la commission mixte paritaire.

4 A noter que pour « contourner » la décision de 1996, en permettant des perquisitions de nuit au cours de l’instruction sans prévoir qu’elles seraient autorisées par un juge autre que le juge d’instruction (ce qui était le « souhait implicite» du Conseil), la loi du 30 décembre 1996 a prévu que ces perquisitions seraient autorisées par le juge d’instruction mais uniquement dans des conditions de temps très limitées (flagrance qui « continue », risque immédiat de disparition des preuves, préparation de nouveaux actes de terrorisme).

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