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PROJET DE LOI

autorisant la ratification du protocole facultatif se rapportant au pacte international

relatif aux droits économiques, sociaux et culturels

NOR : MAEJ1400800L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I- Situation de référence et objectifs de l’accord ou convention

Le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ( ci-après le « PIDESC ») a été adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 16 décembre 1966. Il est en vigueur depuis le 3 janvier 1976. La France l'a ratifié le 4 novembre 1980.

Le PIDESC garantit aux hommes et aux femmes des droits égaux dans les domaines économiques, sociaux et culturels et prohibe toute forme de discrimination. Il prévoit un mécanisme de surveillance (articles 16 et suivants) confié au Conseil économique et social (ECOSOC) qui a créé en 1985 un organe, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels chargé d’étudier les rapports que les Etats parties doivent lui soumettre tous les 5 ans. Lors de cet examen, l’Etat est entendu et doit répondre aux questions du Comité. Celui-ci rédige ensuite des « observations finales » dans lesquelles il expose ses préoccupations et recommandations.

Contrairement au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ci-après le « PIDCP »), le PIDESC ne disposait pas de mécanisme de communications, individuelles ou collectives.

Le Protocole facultatif au PIDESC fut donc adopté le 10 décembre 2008 pour permettre la mise en place d’un mécanisme de plainte auprès du Comité des droits économiques, sociaux et culturels pour la violation des droits économiques, sociaux et culturels protégés par le Pacte.

Ce protocole a été ouvert à la signature en septembre 2009. Depuis, 45 Etats l’ont signé, et il a été ratifié par 11 Etats. Il est entré en vigueur le 5 mai 2013.

La France l’a signé à New York le 11 décembre 2012.

L’objet principal de ce protocole tel qu’il figure à l’article 2 est de créer un nouveau mécanisme de plainte individuelle sous la compétence du comité des droits économiques, sociaux et culturels. De plus, l’article 5 du protocole facultatif donne la compétence au comité de prononcer des mesures provisoires à l’égard de l’Etat-partie mais limite cette possibilité à l’existence « de circonstances exceptionnelles » et d’un risque de « préjudice irréparable ». Le cadre semble ainsi suffisamment précis ce qui devrait permettre de limiter le recours à de telles mesures.

Par ailleurs, les articles 10 et 11 prévoient la possibilité pour un Etat Partie au Protocole facultatif de reconnaître par le biais d’une déclaration officielle la compétence du comité afin d’effectuer une enquête sur place et en matière de plainte interétatique.

Enfin, l’article 14 du Protocole organise la collaboration du Comité et des autres instances internationales compétentes et prévoit la création d’un fonds d’affectation spéciale destiné à fournir aux États Parties une assistance spécialisée et technique en vue d’une meilleure application des droits reconnus dans le Pacte.

II- Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord ou convention

- Conséquences économiques

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- Conséquences financières

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- Conséquences sociales

Les droits économiques culturels et sociaux seront renforcés d'une manière générale, par la mise en place d’un mécanisme de communication.

- Conséquences environnementales

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- Conséquences juridiques

La France a ratifié le Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels le 4 novembre 1980. En vertu de ce pacte, la France a l’obligation de protéger, respecter et garantir les droits économiques, sociaux et culturels.

De nombreuses conventions reconnaissant les droits économiques, sociaux et culturels ont été ratifiées par la France notamment la majorité des conventions de l’Organisation internationale du travail, y compris les huit fondamentales, la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne, et la Charte sociale européenne de 1996, révisée en 1999.

Le protocole facultatif vient compléter la palette de mécanismes de plaintes internationaux déjà existants. A titre indicatif, la France a déjà ratifié des protocoles facultatifs instituant un mécanisme de communications individuelles pour plusieurs conventions de l’ONU. Ainsi, elle a ratifié le protocole facultatif au PIDCP le 17 février 1984, le Protocole facultatif à la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes le 9 juin 2000 et le protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées le 18 février 2010. Le protocole facultatif au pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels, s’inscrit dans la même logique.

Certaines conventions de l’Onu prévoient aussi directement – sans passer par un protocole facultatif - la possibilité pour les Etats, s’ils en font la déclaration en ce sens, de reconnaitre la compétence d’un comité pour recevoir et examiner des communications individuelles présentées par des particuliers ou groupes de particuliers qui prétendent être victime d’une violation d’un des droits garantis par ladite Convention. Ainsi, la Convention pour l'élimination de toutes les formes de discriminations raciales (article 14), la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains et dégradants (article 22), et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (article 31) instituent un mécanisme de communication identique à celui prévu par les protocoles facultatifs mentionnés ci-dessus. La France a ratifié ces trois conventions respectivement le 28 juillet 1971, le 18 février 1986, et le 23 septembre 2008 et a procédé aux déclarations reconnaissant la compétence de ces comités pour recevoir et examiner les communications respectivement le 15 août 1982, le 23 juin 1988, et le 9 décembre 2008.

Ainsi, à ce jour, 6 comités onusiens peuvent déjà recevoir et examiner des communications contre la France de la part de particuliers estimant qu’ils sont victimes d’une violation d’un des droits garantis par l’une des 6 conventions que la France a ratifiée. Au système des comités onusiens, il faut ajouter une procédure de réclamations collectives prévue par le protocole additionnel de la Charte sociale européenne de 1995 relevant du Conseil de l’Europe. Ce mécanisme prévoit la possibilité pour les organisations non-gouvernementales habilitées, à présenter des réclamations devant le Comité européen des droits sociaux concernant une violation alléguée de la Charte Sociale Européenne.

Le protocole facultatif au pacte international pour les droits économiques sociaux et culturels ne créé pas de nouveaux droits économiques et sociaux. Il vise uniquement à établir un mécanisme de communication devant le comité des droits économiques sociaux et culturels concernant une violation alléguée du pacte international. Par ailleurs, les décisions de ce comité ne sont pas juridiquement contraignantes. Enfin, la procédure d’enquête prévue à l’article 11 conditionne la possibilité d’une visite sur place à l’accord de l’Etat partie, et les mesures provisoires prévues à l’article 5 sont limités à des circonstances « exceptionnelles » dans le cas d’un préjudice « irréparable ». Il résulte de tous ces éléments que le protocole additionnel au pacte international aux droits économiques, sociaux et culturels, comme les trois autres protocoles facultatifs instituant un mécanisme de communications précédemment ratifiés par la France, ne saurait constituer une atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale, et que sa ratification ne comporte donc pas de risque de contrariété à la constitution.

Par ailleurs, le protocole facultatif ne créé aucun nouveau droit et n’est donc pas susceptible d’entrer en contrariété avec d’autres traités déjà souscrit par la France, notamment les traités européens et leur droit dérivé. La ratification du présent protocole n’implique de plus pas de modification préalable du droit interne.

Si les décisions du comité dans le cadre du mécanisme de communication ne sont certes pas contraignantes sur le plan juridique, la ratification du protocole facultatif donne néanmoins compétence au comité pour prononcer des constats de violation qui peuvent mettre en cause notre législation sur la scène internationale sur des points politiquement sensibles.

A titre d’exemple, ce mécanisme de communication se rapproche du système de réclamation collective institué par le protocole additionnel à la Charte sociale européenne, dans le cadre duquel la France a été mise en cause de façon répétée par les décisions du Comité Européen des droits sociaux (CEDS) au sujet des évacuations de campements illicites de populations roms ou sur le paiement des heures supplémentaires aux fonctionnaires de police. Au total, sur l’ensemble des 103 réclamations instruites par le Comité à ce jour, 31 concernaient la France, soit plus de 30% des réclamations.

Par ailleurs, le mécanisme de communication prévu par le protocole additionnel au PIDESC est similaire à celui qui existe déjà pour les droits civils et politiques que la France a ratifié le 17 février 1984. A ce jour, le comité des droits de l’Homme compétent pour constater d’éventuelle violation du PIDCP a rendu en moyenne deux décisions par an concernant des communications dirigées contre la France. Les dernières décisions ont notamment constaté la violation de dispositions du PIDCP par la France à l’égard des personnes d’origine sikhs en raison du renvoi d’un établissement d’enseignement public pour port du « keski » (communication n° 1852/2008), en raison du refus de renouvellement de la carte de résident en l’absence de photographie d’identité avec la tête nue  (communication n°1876/2009), ou en raison de l’obligation d’apparaître tête nue dans les photographies de passeports (communication n° 1928/2010).

Le Gouvernement considère que compte tenu de la nature des droits garantis par le PIDESC et des conditions de recevabilité définies à l’article 3 du protocole additionnel, les risques juridiques s’ils ne sont certes pas inexistants, demeurent néanmoins limités et ne sont donc pas de nature à faire obstacle à la ratification du protocole additionnel.

- Conséquences administratives

Dans un premier temps, les conditions de recevabilité devraient limiter le nombre d’affaires communiquées. En effet, l’article 3 du protocole facultatif prévoit que le Comité n’examine au fond une communication que dans un délai de douze mois après l’épuisement des voies de recours, concernant une question qui n’a pas déjà fait l’objet d’un examen dans le cadre d’une autre procédure d’enquête ou de règlement au niveau international. Il n’est cependant pas exclu que le nombre de communications puisse augmenter au fil du temps.

A titre d’exemple, la France a ratifié en 1999 le protocole additionnel prévoyant un mécanisme de réclamations collectives concernant les violations alléguées de la charte sociale européenne qui constitue un mécanisme de protection des droits économiques et sociaux comparable au protocole facultatif du PIDESC. Depuis 1999, 31 réclamations ont été introduites devant le comité, soit une moyenne de deux réclamations par an.

Le suivi des communications effectué au sein de la direction juridique du ministère des affaires étrangères, ne semble pas nécessiter à court terme la création de moyens humains supplémentaires.

III – Historique des négociations

Contrairement au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne disposait pas de mécanisme de communications, individuelles ou collectives.

En 1993, la Conférence mondiale des droits de l'Homme (Vienne) a proclamé que tous les droits de l'Homme sont "universels, indissociables, interdépendants et intimement liés". A cette occasion les Etats se sont engagés à élaborer un protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Cet engagement ne fut pas immédiatement suivi d'effets.

En France, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), dans son avis du 16 février 1998, appelait déjà à l'adoption rapide d'un protocole instituant un mécanisme de communications.

En 2002, la Commission des droits de l'Homme a adopté une résolution en faveur de la création d'un groupe de travail en vue de l'élaboration d'un protocole. Mis en place à partir de 2004, et se réunissant une fois par an, il a eu d'abord pour mandat de considérer l'opportunité de ce protocole. Mais en 2006, le Conseil des droits de l'Homme nouvellement créé a décidé d'élargir le mandat de ce groupe de travail afin qu'il travaille à l'élaboration d'un projet de protocole. Il ne s'agissait plus de débattre de l'opportunité de ce protocole, mais de son contenu. Présidé par Catarina de Albuquerque (Portugal), il a présenté un premier projet qui a été examiné en juillet 2007.

La France a participé activement aux travaux du groupe de travail chargé de l'élaboration du protocole facultatif se rapportant au PIDESC et s'est impliquée pour favoriser l'aboutissement des négociations et l'adoption du Protocole facultatif.

La France faisait partie du "Groupe des amis du protocole", constitué pour soutenir les travaux de la présidence portugaise du groupe de travail aux côtés du Portugal, de l'Allemagne, de la République Tchèque, de la Finlande, de l'Espagne, et du Chili. Dans ce cadre, la France s'est attachée à trouver un texte de compromis, permettant le ralliement du plus grand nombre d'Etats: promouvoir l'adoption du protocole facultatif, sans pour autant faire du Comité une cour internationale des droits économiques, sociaux et culturels.

La France a également organisé un séminaire consacré spécifiquement au protocole, à Nantes en septembre 2005.

La France a par ailleurs soutenu les efforts de lobbying menés par le Portugal dans les différentes enceintes internationales, en particulier lors de la 63ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, durant laquelle l'adoption du protocole était une priorité pour la France.

La 5ème et dernière session du groupe de travail chargé de l'élaboration d'un protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui s'est réunie à Genève du 31 mars au 4 avril 2008 a été conclusive et le projet de protocole a été adopté par le groupe de travail, puis par le Conseil des droits de l'Homme et enfin par l'Assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 2008.

IV – Etat des signatures et ratifications

Le Protocole au Pacte international des droits économiques sociaux et culturels est entré en vigueur le 5 mai 2013, trois mois après le dépôt du dixième instrument de ratification conformément à l’article 18§1 du pacte. Aujourd’hui, 45 Etats l’ont signé et 11 Etats l’ont ratifié dont 3 Etats membres de l’Union Européenne (Espagne, Slovaquie, Portugal).

Mme Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des droits des femmes et porte-parole du Gouvernement, a signé ce protocole le 11 décembre 2012, au nom de la France.

V - Déclarations ou réserves

Il n’est pas envisagé de formuler de réserve préalable à la ratification du protocole facultatif.

Les déclarations prévues aux articles 10 et 11 reconnaissant la compétence du comité en matière de requêtes interétatiques et d’enquêtes peuvent être effectuées « à tout moment ». Compte tenu de la nature des compétences dévolues, le Gouvernement examinera l’opportunité de procéder à ces déclarations une fois établie la pratique du Comité en la matière.


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