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PROJET DE LOI

autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française

et le Gouvernement de la République italienne signé le 24 février 2015 pour

l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière

de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin

NOR : MAEJ1623434L/Bleue-1

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ÉTUDE D’IMPACT

I. - Situation de référence et objectifs de l’accord, de son protocole additionnel et du règlement des contrats

En tant que massif central européen, le massif alpin constitue un espace stratégique pour les déplacements des personnes et les flux de marchandises au sein de l'Europe. Il demeure toutefois une zone fragile, présentant des difficultés de franchissement importantes liées au relief. Sa nécessaire protection a conduit l’ensemble des pays alpins et la Commission européenne à la signature, le 7 novembre 1991, à Salzbourg, de la Convention Alpine1.

Aujourd’hui, les trafics sur les Alpes franco-italiennes entre le lac Léman et la Méditerranée se concentrent sur 5 axes : les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus, l’autoroute côtière A8 qui traverse notamment l’agglomération niçoise, la voie ferrée historique empruntant le tunnel du Fréjus et la ligne ferroviaire côtière. Le mode routier dans ces échanges est prépondérant. La part du mode ferroviaire n’est aujourd’hui que de 9 % en France alors qu’elle est de 15 % en trafic intérieur. La Suisse atteint près de 70 % pour le mode ferroviaire en trafic transalpin, pour 48 % en trafic intérieur, grâce à des mesures en faveur du report modal2 de la route vers le ferroviaire, telles que la redevance sur les trafics des poids-lourds liées aux prestations (RPLP) et la subvention aux services ferroviaires transalpins. Ces subventions cesseront peu après l'ouverture des tunnels ferroviaires de base transalpins du Saint-Gothard, prévue d’ici la fin de l’année 2016, et du Ceneri, à échéance 2019-2020.

Pour le transport de marchandises, la part des poids lourds effectuant des trajets de plus de 500 kilomètres est majoritaire, les faisant entrer dans le domaine de pertinence du mode ferroviaire. Toutefois, la saturation de la voie ferrée de la côte méditerranéenne, supportant un trafic régional très conséquent, et les caractéristiques très difficiles de la ligne historique de la Maurienne limitant les vitesses des trains de fret à 30 km/h dans les sections les plus pentues, et imposant une seconde -voire une troisième- locomotive pour les convois lourds à partir de Saint Jean de Maurienne, ne permettent pas de garantir des coûts compétitifs et une qualité de service suffisante pour offrir une alternative ferroviaire efficace au mode routier.

En outre, la concentration des flux de poids lourds sur trois axes seulement crée des nuisances ainsi qu’une fragilité du système de transport particulièrement préjudiciable. Ainsi, les incendies dans le tunnel routier du Mont Blanc en 1999, comme celui survenu dans le tunnel routier du Fréjus en 2005 ou encore l’éboulement rocheux sur l’autoroute A8 en 2006 ont mis en évidence qu’en l’absence d’une alternative ferroviaire performante et de capacité suffisante, seule une réduction des trafics à travers les passages alpins ou un fort détour des trajets permettaient au système de pouvoir fonctionner, ce qui ne saurait constituer une solution satisfaisante durablement.

En signant la Convention Alpine dont le protocole pour les transports est intervenu le 31 octobre 20003, la France, comme les autres pays signataires, ont pris l’engagement d’ « un transfert sur la voie ferrée d’une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandise, notamment par la création des infrastructures appropriées » (art 1er, alinéa 1a). Enfin, les liaisons ferroviaires entre les grandes agglomérations alpines du versant français sont peu satisfaisantes, notamment par manque de capacité des infrastructures. C’est notamment le cas de la liaison entre Lyon et Chambéry et au-delà, qui s’effectue par une voie unique où doivent se croiser les trains régionaux, les TGV nationaux et les trains internationaux.

Le projet d’une nouvelle liaison ferroviaire mixte entre Lyon et Turin pour le transport de marchandises et les trains de voyageurs doit permettre de répondre aux enjeux de report modal pour la protection des Alpes et, simultanément pour l’accessibilité des vallées, l’amélioration des liaisons entre les principales agglomérations alpines et la sécurisation du système de transport franchissant cette portion des Alpes. Autrement dit, le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin doit donc tout à la fois permettre de transférer, de la route vers le fer, le trafic de marchandises traversant les Alpes franco-italiennes et d’améliorer les liaisons des vallées et des grandes agglomérations alpines de France et d'Italie, et ainsi réduire sensiblement le temps de trajet Paris-Milan. Enfin, en tant qu’axe majeur de franchissement des Alpes, le projet constitue l’élément-clé du corridor méditerranéen, partie intégrante du réseau central du réseau transeuropéen de transport (RTE-T)4 et assurant la liaison entre la péninsule ibérique, l'arc méditerranéen, le Nord de l'Italie, la Slovénie et la Hongrie. A ce titre, il reçoit le soutien politique et financier de l’Union européenne.

Ce projet a émergé au début des années 1990 et a fait l'objet d'études préliminaires. La nouvelle ligne comporte trois parties : au centre, une section internationale assurant le franchissement du massif montagneux entre l'Est de Chambéry et l'Ouest de Turin et à chacune des extrémités de cette section, une partie purement nationale assurant son raccordement aux réseaux ferrés des agglomérations de Lyon et de Turin.

Un premier accord signé le 15 janvier 19965 à Paris a créé la Commission intergouvernementale (CIG) du Lyon-Turin chargée de conduire, pour le compte des deux gouvernements, les premières études de la section internationale et de fixer les modalités financières et juridiques de l’ouvrage.

Cet accord a été conforté par l'accord de Turin du 29 janvier 20016 qui a notamment créé un promoteur public, Lyon-Turin-Ferroviaire (LTF), société anonyme simplifiée filiale de Réseau ferré de France (RFF) et de Rete ferroviaria italiana (RFI), chargé de conduire les études, reconnaissances et travaux préliminaires visant à définir le tracé et les caractéristiques définitives de la partie commune de la section internationale. L’accord prévoit également que la CIG approuve le projet définitif de l’ouvrage et son coût dans la perspective du lancement effectif de l’opération.

L’Italie et la France ont convenu en 2004 d’une clé de répartition du financement de cette première phase d’études, reconnaissances et travaux préliminaires dans le cadre d’un mémorandum7 signé par les deux ministres des transports. Ce mémorandum reposait sur le principe d’un financement à parts égales de la liaison assurant le franchissement des Alpes à savoir entre la zone de Saint-André-le-Gaz/Pont-de-Beauvoisin et Settimo Torinese. Cette parité était obtenue en laissant à chaque Etat le financement intégral de la partie située sur son territoire en dehors de la partie commune et en appliquant sur cette dernière une clé de financement tenant compte des ressources devant être mobilisées par chaque Etat pour les autres parties du tracé.

Par ailleurs, compte tenu des évolutions du projet et afin de définir les conditions juridiques et opérationnelles dans lesquelles celui-ci serait réalisé, un accord a été signé le 30 janvier 2012 à Rome8. Cet accord définit notamment la gouvernance du projet avec la mise en place d’un promoteur public, contrôlé à parité par les deux Etats et chargé de la conception et de la réalisation de la section transfrontalière, entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse-Bussoleno. Il prévoit que son président et son directeur juridique sont désignés par le Gouvernement français, et que son directeur général et le directeur administratif et financier sont désignés par le Gouvernement italien. Cet accord fixe également la composition du conseil d’administration et prévoit la mise en place d’une commission des contrats et d’un service permanent de contrôle dont la présidence est française. Il définit en outre les principes juridiques, économiques et financiers devant guider la passation et l’exécution des contrats de la section transfrontalière ainsi que les principes de report modal devant accompagner la réalisation de l’opération. Il fixe la clé de répartition des coûts de réalisation de la section transfrontalière à 42,1 % pour la France et à 57,9 % pour l’Italie, une fois déduite la participation de l’Union européenne, et ce dans la limite du coût estimé du projet, certifié par un tiers extérieur. Au-delà, la répartition se fait à part égales entre les deux Etats. Enfin, il redéfinit les missions de la CIG instituée par l’accord du 15 janvier 1996.

La société Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), contrôlée à parité par les deux Etats, a succédé à LTF pour assurer le rôle et les responsabilités du promoteur public défini par l’accord du 30 janvier 2012. Lors de sa première assemblée générale le 23 février 2015, le président, le directeur général et les huit autres administrateurs ont été nommés et les statuts de la société ont été approuvés. Les présidents et membres français de la commission des contrats et du service permanent de contrôle de TELT ont été notifiés le 23 juillet 2015 par le Gouvernement français au Gouvernement italien. Les membres italiens de la commission des contrats et du service permanent de contrôle de TELT ont été notifiés le 27 novembre 2015 par le Gouvernement italien au Gouvernement français.

La CIG a finalisé son examen du projet technique de section transfrontalière lors de sa réunion du 16 décembre 2014. Le projet a ensuite été approuvé par décision ministérielle du secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche en date du 2 juin 2015, et par décision du Comité interministériel pour la programmation économique (CIPE) en Italie publiée le 6 août 2015. La certification des coûts par un tiers extérieur a été réalisée en 2015. Un rapport de synthèse a été transmis aux ministres chargés des transports des deux Etats le 29 juin 2016.

Répondant à l’appel à projets pour l’obtention des subventions accordées au titre du programme pluriannuel 2014-2020 des crédits RTE-T, la France et l’Italie ont sollicité la Commission européenne sur la base d’un planning prévoyant l’engagement des premiers travaux définitifs en 2017. Sur le fondement de cette demande commune, la Commission européenne a attribué une subvention de 813,8 millions d’euros, pour la période 2014-2019, dans le cadre d’une convention signée le 1er décembre 2015.

Compte tenu, d’une part, de l’approbation des études du projet de la section transfrontalière et de l’aboutissement du processus de certification des coûts par un tiers extérieur ainsi que, d’autre part, de la nécessité de pouvoir mettre en œuvre le calendrier prévisionnel transmis à la Commission européenne, les deux Gouvernements ont chargé la CIG du Lyon-Turin d’engager des négociations en vue de leur proposer l’avenant visé à l’article 4 de l’accord du 29 janvier 2001 permettant d’engager les travaux définitifs de l’ouvrage.

Cet avenant se compose :

- de l’accord signé le 24 février 2015 à Paris par Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, et par Maurizio Lupi, alors ministre des infrastructures et des transports de la République italienne. Cet accord comporte 7 articles ;

- du protocole additionnel à l’accord du 24 février 2015 signé le 8 mars 2016 à Venise par Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, et par Graziano Delrio, ministre des infrastructures et des transports de la République italienne. Ce protocole additionnel comporte 4 articles et une annexe.

Cet avenant fixe le coût certifié du projet, précise les modalités d’établissement du coût prévisionnel et de répartition des dépenses réelles suivant la clé de répartition arrêtée dans le cadre de l’accord du 30 janvier 2012. Il précise les engagements pris par les deux Gouvernements afin de lutter contre la criminalité organisée et toute pratique mafieuse, en prévoyant l’élaboration d’un règlement des contrats d’une extrême rigueur sur ce sujet. Il ajuste enfin certaines dispositions de l’accord du 30 janvier 2012 concernant l’intervention de la commission des contrats et l’intervention de TELT sur la ligne historique entre les interconnexions avec la ligne nouvelle.

Est annexé à cet avenant le règlement des contrats conclus, approuvés ou autorisés par le Promoteur public (TELT) pour la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin qui a été validé par la CIG lors de sa réunion du 7 juin 2016. Le règlement des contrats comporte 15 articles et deux annexes, et vise à définir les règles spécifiques applicables afin de lutter contre les infiltrations mafieuses dans le cadre de la passation et de l’exécution des contrats par TELT.

Bien que les règles mises en place s’inspirent largement du droit antimafia italien, les deux Etats n’en ont pas moins souhaité édicter un corpus juridique adapté aux exigences du projet et aux pratiques administratives en vigueur en France et en Italie.

La logique de ce texte binational repose sur l’impossibilité pour TELT de conclure ou de maintenir un contrat en cours d’exécution avec un opérateur économique qui ne serait pas ou plus inscrit sur une « liste blanche », recensant les opérateurs économiques à l’encontre desquels aucun motif d’exclusion lié à l’existence d’une infiltration mafieuse n’a été décelé à la suite d’une vérification spécifique. Cette interdiction de contracter constitue ainsi un motif d’exclusion supplémentaire à ceux prévus par la législation française régissant les marchés publics, qui demeure applicable aux contrats conclus par TELT.

Cette vérification antimafia est faite par une structure binationale dédiée, composée d’un préfet français et d’un préfet italien (celui de Turin), assistés chacun de personnels aptes à procéder aux vérifications requises. Le principe de fonctionnement et de décision prise par la structure repose sur le commun accord des représentants des deux Etats.

Le règlement des contrats fixe deux séries de motifs d’exclusion : les premiers reposent sur des causes objectives résultant de l’existence de condamnations ou de mesures spécifiques prises en Italie, en France ou, pour celles considérées comme équivalentes, dans un Etat tiers. Sont également considérées comme constitutives d’exclusion, toutes les situations qui, sur la base d’éléments de preuves concordants, étayés et avérés, permettent d’en déduire raisonnablement l’existence d’une infiltration mafieuse. La recherche de ces motifs d’exclusions s’applique aux dirigeants, aux administrateurs et aux personnels chargés par l’entreprise concernée du suivi des marchés, ainsi qu’aux personnes majeures de leurs familles vivant sous leur toit.

Au sein de ce dispositif, TELT joue le rôle de facilitateur et de « guichet unique » vis-à-vis des entreprises concernées, en transmettant et en facilitant leur demande de vérifications antimafia à la structure binationale et en procédant, à la suite de la décision de celle-ci, soit à l’inscription sur la liste blanche, soit à la notification de la décision de refus d’inscription sur la liste blanche (reprise dans un acte spécifique du préfet compétent) pouvant, elle-même, faire l’objet d’un recours contentieux.

Enfin, le mécanisme de contrôle préventif mis en place n’en est pas mois respectueux de la nécessité pour TELT, comme pour les acteurs économiques, de ne pas accroitre indûment, ni les formalités, ni les délais d’exécution des différentes prestations nécessaires à la réalisation de la section transfrontalière.

Par ailleurs, il convient de relever que les gouvernements français et italien ont conclu deux accords interprétatifs concernant les accords de 2001 et de 2012.

Le premier (accord sous forme d’échange de lettres, signé à Paris et à Venise le 8 mars 2016) porte sur l’interprétation des articles 4 et 5 de l’accord de 2001. Il devrait notamment permettre de sécuriser la passation et l’exécution des marchés relatifs aux prestations réalisées préalablement à l’attribution des marchés de travaux définitifs. Il a été publié au Journal officiel de la République française par décret 2016-790 du 14 juin 20169.

Le second (accord sous forme d’échange de lettres, signé à Paris le 19 novembre 2015 et à Venise le 8 mars 2016) concerne l’article 7 de l’accord du 30 janvier 2012 ; il vise à préciser les responsabilités respectives de la direction du promoteur public TELT SAS et de la Commission des contrats instituée en son sein. Ainsi, TELT SAS est seul responsable de la conclusion et du suivi de l’exécution des contrats, la commission des contrats assurant, pour sa part, un rôle d’instance de contrôle externe. Cette clarification doit également permettre d’optimiser le plan de charge de la commission des contrats, et, partant, d’assurer un déroulement efficace des procédures d'appels d'offres. Il a été publié au Journal officiel de la République française par décret 2016-820 du 20 juin 201610.

II. - Conséquences estimées de la mise en œuvre de l’accord, de son protocole additionnel et du règlement des contrats

Conséquences économiques

A. - S’agissant de l’accord du 24 février 2015 et de son protocole additionnel du 8 mars 2016

La section transfrontalière de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin, et plus globalement le corridor méditerranéen dans lequel elle s’inscrit, résulte de la mise en œuvre des politiques communautaires des transports ayant fait l’objet de décisions depuis le début des années 90 jusqu’à ce jour.

Elle vise à contribuer au rééquilibrage de l’économie et des transports de l’espace européen, en renforçant considérablement les liens entre les Etats membres, et en particulier entre l'Italie et la France. La réalisation et l'exploitation de cette ligne justifient une large solidarité car elles s’inscrivent dans un cadre qui va au-delà des frontières nationales des deux pays :

- celui de la convention Alpine, signée par huit Etats de l’arc alpin et ratifiée par l'Union européenne ;

- celui de la concertation entre pays alpins, pour favoriser un développement coordonné de ces zones et éviter qu’un encombrement ou des déplacements inopportuns du trafic ne vienne empêcher l’usage de certains itinéraires

- celui de la solidarité européenne, puisque les nouvelles liaisons transalpines devront être bénéfiques à l'ensemble de l’Union européenne et non pas seulement aux Etats directement intéressés.

Fondamentalement, le corridor méditerranéen est l’un des trois principaux itinéraires ferroviaires prévus par l’Union européenne pour relier la péninsule ibérique à l’Europe orientale en passant par la France et l’Italie. Les deux autres corridors desservant l’Italie et pour lesquels des tunnels de base ont été réalisés ou sont en voie de réalisation sont le corridor Scandinavie-Méditerranée avec le nouveau tunnel alpin du Brenner ainsi que le corridor Rhin-Alpes avec les tunnels du Gothard et du Lötschberg-Simplon.

Les fondements de cet ouvrage ainsi que des autres lignes ferroviaires européennes s’inscrivent par conséquent dans un concept général de réseau, et ne sont donc pas de simples axes de communication entre pays frontaliers. Ce réseau répondra de manière globale aux nécessités futures, couvrira et servira chaque région européenne de façon homogène et selon une répartition logique afin de générer des avantages à l’échelle globale. Les finalités sont donc :

- la création de nouvelles infrastructures ferroviaires avec des caractéristiques technologiques, fonctionnelles et de sécurité optimales ;

- une conception des projets de façon à privilégier et développer l'intermodalité et le transport combiné en prévoyant notamment des « autoroutes ferroviaires » ;

- le déplacement de la plus grande partie du trafic fret de la route au chemin de fer au bénéfice d’une réduction importante des émissions polluantes atmosphériques.

Ainsi, le projet Lyon-Turin répond tant à des enjeux économiques forts (améliorer les échanges intra-européens, contribuer au rééquilibrage géographique de l’Union européenne et résoudre le problème posé par l’inadaptation de la ligne ferroviaire existante qui pénalise la compétitivité de l’Union européenne) qu’aux volontés nationales et régionales de rééquilibrer les modes de transports en faveur du ferroviaire, dans une perspective de développement durable, en apportant des réponses concrètes à plusieurs exigences :

- offrir, pour le transport de marchandises des gains de capacité, des gains de fiabilité d’exploitation, des services diversifiés (fret classique, transport combiné, développement de services d’autoroute ferroviaire), afin de sécuriser les échanges commerciaux et de disposer de capacités ferroviaires alternatives ou complémentaires au transport routier par poids lourd ;

- permettre, au bénéfice des voyageurs, des gains de temps et de fiabilité, le développement des services internationaux et nationaux et le développement des services régionaux aussi bien sur la ligne nouvelle que sur le réseau existant.

L’axe ferroviaire actuel reliant la France et l'Italie dans le nord des Alpes emprunte la vallée de la Maurienne et le Val de Suse. Entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse-Bussoleno en Italie, soit sur environ 87 km de la ligne ferroviaire existante, les conditions d'exploitation sont celles d'une ligne de montagne, ce qui en limite très fortement les performances. La section transfrontalière, qui se raccordera aux réseaux existants en France et en Italie, permettra d’acheminer des trafics de fret lourds et d’autoroute ferroviaire à grand gabarit ainsi que des trafics de voyageurs rapides. Creusé à hauteur de plaine, le tunnel de base de 57,5 km de la section transfrontalière permettra de s’affranchir des contraintes géométriques fortes (rampes, tracé, rayons) de la ligne existante. En contrepartie des coûts d'investissements, les coûts d'exploitation et les temps de parcours seront réduits pour rendre le trafic ferroviaire transalpin plus performant et fiable.

Pour mener à bien cette opération, les deux Etats ont décidé la transformation de la société Lyon Turin Ferroviaire SAS (LTF SAS), initialement détenue par Réseau ferré de France (RFF) et Rete ferroviaria italiana (RFI) et chargée de mener les études, reconnaissances et travaux préliminaires, en Tunnel Euralpin Lyon Turin SAS (TELT SAS), désormais détenue par l’Etat français et par Ferrovie dello Stato italiane (FSI) et contrôlée par les deux Etats, en cohérence avec l’accord du 30 janvier 2012.

Enfin, la démarche « Grand chantier »11, décidée par le Gouvernement lors du Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 18 décembre 2003, a été mise en place avec les partenaires locaux, et plus particulièrement les collectivités locales (Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes et Conseil départemental de la Savoie) parallèlement à la perspective de l’engagement des travaux définitifs de la section transfrontalière. Cette démarche a pour objectifs, notamment, de :

- répondre aux besoins de recrutement des entreprises qui interviendront sur les chantiers en anticipant les formations nécessaires à destination, en particulier, des demandeurs d'emplois locaux et régionaux. A cet égard, il convient de souligner que plus de 2 000 emplois directs seront mobilisés sur les sites de chantiers ;

- faciliter la réalisation du chantier, en développant la montée en compétence, le dynamisme, et la capacité de réactivité des entreprises locales aux besoins du chantier ;

- faire bénéficier le tissu économique local de l’opportunité de la construction de la section transfrontalière, en cohérence avec la capacité réelle, sur les plans technique et économique, des entreprises locales et régionales à répondre aux besoins du chantier ;

- organiser le territoire pour aider à l’accueil des nouvelles entreprises dont l’activité sera liée au chantier de la section transfrontalière.

Au-delà des retombées économiques directes, il convient d'ajouter les effets induits par le chantier sur l’économie locale, comme la réhabilitation des nombreux logements vacants en Maurienne. Ce type d’action, comme l’ensemble de celles prévues dans le cadre de la démarche « Grand chantier » d’ici 2020, ont été contractualisées dans un « contrat de territoire Maurienne » adossé au Contrat de Plan Etat-Région 2015-2020. En complément, les dépenses des salariés des entreprises intervenant sur le chantier (logement, restauration, services divers, etc.) participeront à l’économie de la vallée.

Dans sa phase d’exploitation, les gains de temps et de fiabilité apportée par la nouvelle ligne aux voyageurs permettront de leur offrir une plus grande mobilité, mais également de rendre plus accessible le sud de l’Europe (Milan, Barcelone …), avec un impact qui devrait être positif sur les flux touristiques vers cette région.

B. - S’agissant du règlement des contrats conclus, approuvés ou autorisés par le Promoteur public pour la réalisation de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin approuvé par la CIG le 7 juin 2016

En fixant des motifs d’exclusion fondés sur des critères objectifs reprenant des infractions prévues en droit français et italien (ou leur équivalent si la personne en cause a été condamnée dans un Etat tiers), le règlement des contrats garantit l’égalité de traitement des candidats à l’attribution des marchés de TELT, indépendamment de leur nationalité. De même, la présomption d’infiltration mafieuse pouvant être avancée par la structure binationale pour refuser l’inscription sur la liste blanche satisfait aux exigences de motivation et de proportionnalité propres aux mesures préventives de police administrative et contrôlées comme telles par le juge administratif.

Conséquences financières

A - S’agissant de l’accord du 24 février 2015 et de son protocole additionnel du 8 mars 2016

a) Le coût certifié du projet et la part revenant à l’Etat français

Le protocole additionnel du 8 mars 2016 fixe le coût de la section transfrontalière à 8,3 milliards d’euros (valeur janvier 2012), conformément à l’évaluation faite par le certificateur en application de l’article 18 de l’accord du 30 janvier 2012, sur la base du projet de référence approuvé par le secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche le 2 juin 2016 et du Projet définitif approuvé par la délibération du Comité interministériel pour la programmation économique (CIPE) en Italie en date du 20 février 2015 et publiée le 6 août 2015 au Journal officiel italien.

Ce coût comprend l’ensemble des dépenses liées à la réalisation de la section transfrontalière, y compris les coûts du promoteur public (TELT) et la contribution pour la réalisation des travaux d’amélioration de la capacité sur la ligne historique entre Avigliana et Bussoleno. Il intègre également une provision pour aléas et imprévus.

Conformément à l’article 18 de l’accord du 30 janvier 2012, les dépenses seront réparties entre la France et l’Italie suivant la clé de répartition 42,1 % et 57,9 %, déduction faite de la participation de l’Union européenne. En cas de dépassement du coût certifié, la répartition de l’excédent se fera à parts égales entre la France et l’Italie. Afin de répartir les coûts entre la France et l’Italie, les dépenses réelles seront actualisées à la date de valeur janvier 2012, suivant les modalités prévues au c) ci-dessous, de manière à pouvoir les comparer au coût certifié de 8,3 milliards d’euros (valeur janvier 2012).

Ainsi, en tenant compte de la participation prévisionnelle de l’Union européenne à hauteur de 40 % du montant prévisionnel des travaux, la part qui sera financée par l’Etat français s’élève à 2,1 milliards d’euros (valeur janvier 2012), au-delà des reconnaissances en cours à Saint-Martin-la-Porte et à la Maddalena en Italie.

Par ailleurs, chaque Etat financera la réalisation des acquisitions foncières, des déviations de réseaux et des mesures d’accompagnement sur son territoire, estimées à 0,3 milliards d’euros. La part revenant à l’Etat français est évaluée à 0,11 milliards d’euros (valeur janvier 2012).

L’engagement financier de l’Etat français s’élève ainsi à 2,21 milliards d’euros (valeur janvier 2012).

b) Estimation du coût prévisionnel à terminaison

La réalisation des travaux objet de l’ensemble formé par l’accord du 24 février 2015 et par son protocole additionnel du 8 mars 2016 est prévue de 2017 à 2029. Sur la base de ce calendrier prévisionnel et d’un taux annuel de référence de 1,5 % pour actualiser les dépenses prévisionnelles, il est possible d’estimer le coût prévisionnel à terminaison de l’ouvrage, exprimé en euros courants.

L’hypothèse du taux annuel de référence de 1,5 % sera vérifiée annuellement au regard de l’évolution de l’index de référence, défini spécifiquement dans l’annexe du protocole additionnel, pour la section transfrontalière, qui intègre notamment les principales composantes d’indexation des facteurs de coûts de travaux publics sur le territoire français et sur le territoire italien. C’est sur la base de l’évolution de cet index de référence spécifique que l’estimation du coût prévisionnel à terminaison pourra être ajustée.

Ainsi, en prenant en compte l’évolution annuelle constatée de l’index de référence propre au projet jusqu’en mai 2016, puis le taux annuel de référence de 1,5 % par an jusqu’à la mise en service de la section transfrontalière prévue en 2029, le coût prévisionnel à terminaison des travaux, des acquisitions foncières, des déviations de réseaux et des mesures d’accompagnement est estimé à 9,6 milliards d’euros courants, au-delà des études et reconnaissances en cours.

Selon les mêmes hypothèses et en tenant compte de la clé de répartition définie à l’article 18 de l’accord du 30 janvier 2012, déduction faite de la participation de l’Union européenne supposée maintenue à hauteur de 40 % du montant des travaux jusqu’à la mise en service, l’engagement financier prévisionnel de l’Etat français s’élève sur ces bases à 2,48 milliards d’euros courants. Toutefois, le coût réel revenant à la France sera établi au regard des dépenses réelles réalisées par TELT après répartition des coûts entre la France et l’Italie suivant les modalités prévues au c) ci-dessous.

c) Modalités de répartition des coûts entre la France et l’Italie

L’article 18 de l’accord du 30 janvier 2012 prévoit que les coûts de réalisation de la section transfrontalière seront répartis entre la France et l’Italie suivant la clé de répartition 42,1 % et 57,9 %, déduction faite de la participation de l’Union européenne. Aux termes du même article, en cas de dépassement du coût certifié, la répartition de l’excédent se fera à parts égales entre la France et l’Italie. Pour mettre en œuvre ces dispositions, le protocole additionnel du 8 mars 2016 prévoit d’actualiser à la date de valeur janvier 2012 les dépenses réelles relatives aux travaux définitifs de l’ouvrage à l’aide de l’index de référence (cf. annexe du protocole additionnel) défini spécifiquement pour la section transfrontalière, qui intègre les principales composantes d’indexation des facteurs de coût de travaux publics sur les territoires français et italiens, de manière à pouvoir les comparer au coût de 8,3 milliards d’euros (valeur janvier 2012), certifié par un tiers extérieur.

d) Modalités de financement de la part revenant à l’Etat français

S’agissant de la participation de l’Etat français pour le financement de la réalisation de la section transfrontalière, le Gouvernement poursuit les réflexions, examinant l’intérêt de mobiliser de nouvelles sources de financement en faveur du projet et du report modal, en complément des dotations aujourd’hui apportées par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Les modalités de ce financement seront détaillées en loi de finances. Le projet pourrait notamment bénéficier de financements de la part du Fonds de développement d’une politique intermodale des transports dans le massif alpin (FDPITMA), alimenté par les résultats des tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus, voire, comme le proposait le rapport parlementaire élaboré par le député M. Destot et le sénateur M. Bouvard et remis au Premier ministre le 13 juillet 2015, de nouvelles recettes résultant de la mise en place d’une redevance d’infrastructure majorée perçue pour la circulation des poids-lourds sur certains tronçons autoroutiers situés en région montagneuse, en application des dispositions permises par la directive 1999/62/CE  dite « directive Eurovignette », modifiée par la directive 2011/76/UE  du 27 septembre 2011, pour le financement de projets prioritaires d’intérêt européen.

Le Premier ministre a relevé à l’occasion de l’inauguration, le 21 juillet 2016, du tunnelier Federica, chargé de creuser une galerie souterraine de 9 kilomètres dans le cadre de la réalisation du nouveau tunnel ferroviaire international entre Lyon et Turin, que la France contribuait à hauteur de 25 % du coût total du projet. Il ajoutait à cet égard : « ce financement devra être sécurisé sur la durée de réalisation du projet, ne pas peser exclusivement sur le budget de l’Etat et concrétiser notre ambition de report modal ».

B. - S’agissant du règlement des contrats du 7 juin 2016

La structure binationale envisagée devrait mobiliser très peu de moyens budgétaires dans la mesure où celle-ci ne dispose pas de moyens propres et dédiés mais fonctionnera en s’appuyant sur les effectifs des services compétents existants.

En outre, le principe retenu de l’instruction des demandes par l’administration nationale dont relève l’entreprise concernée, ainsi que la mise en place de liaisons téléphoniques et informatiques dédiées, devraient permettre de réduire à leur strict minimum l’organisation de réunions communes entre les deux préfets de la structure binationale.

Conséquences sociales

Le lancement des travaux définitifs de la section transfrontalière devrait conduire à d’importantes retombées positives en termes d’emplois et de mobilités sociales dans la vallée de la Maurienne compte tenu du montant et de la durée des travaux s’étendant de 2017 à 2029. Pendant les cinq années de pleine activité du chantier, 2 000 salariés devraient ainsi être en activité, avec un pic qui pourrait atteindre 2 800 salariés.

Par ailleurs, la démarche « Grand chantier », mise en place avec les partenaires locaux en vue de l’engagement des travaux définitifs, vise à réussir l’ancrage territorial des chantiers en optimisant le recrutement local et régional, à favoriser l’insertion à hauteur, a minima, de 5 % des heures travaillées et à stimuler l’emploi local à tous les niveaux de compétence, par une offre de formation régionale adaptée.

Conséquences environnementales

Le souci environnemental joue un rôle prépondérant dans le contexte alpin. Le Piémont et Rhône-Alpes bénéficient d'une desserte autoroutière dense, ce qui est une situation avantageuse d'un point de vue économique, logistique et touristique, mais se révèle source de nuisances environnementales, en particulier dans les vallées : bruit, pollution atmosphérique, etc.

Le projet ferroviaire de ligne nouvelle entre Lyon et Turin vise prioritairement à réduire les nuisances subies par les vallées alpines du fait de leur forte fréquentation par des poids lourds en les reportant sur le mode ferroviaire, y compris par l’autoroute ferroviaire alpine. Il permettra également à terme de réduire les émissions de gaz à effet de serre compte tenu de la plus grande efficacité énergétique du mode ferroviaire par rapport au mode routier.

La nouvelle liaison contribuera à réduire les émissions quotidiennes de polluants nocifs (dioxyde de carbone, composés organiques volatiles, particules). En outre, elle contribuera à une réduction des nuisances sonores dans les vallées concernées : la section transfrontalière sera ainsi sur plus de 90 % de sa longueur en tunnel ; les parties à l’air libre feront par ailleurs l’objet de protections acoustiques conformes à la réglementation en vigueur, de manière à réduire au minimum les nuisances sonores ; enfin, les trains de voyageurs et d’autoroute ferroviaire seront équipés de matériel roulant moderne et seront donc plus silencieux que les matériels actuels.

L’ensemble de ces éléments figurent dans l’étude d’impact réalisée au titre du code de l'environnement figurant dans le dossier qui a été soumis à enquête publique préalablement à la déclaration d’utilité publique. Au total, le bilan de l’opération sur le plan environnemental apparaît positif.

Conséquences juridiques

Articulation du texte avec les accords ou conventions internationales existantes

L’accord du 24 février 2015 et son protocole additionnel du 8 mars 2016 constituent, conjointement, l’avenant prévu à l’article 4 de l'accord signé à Turin le 29 janvier 2001 et nécessaire au lancement des travaux définitifs de la section transfrontalière par le Promoteur public TELT.

Pour ce qui est du règlement des contrats annexé à l’ensemble formé par l’accord du 24 février 2015 et par son protocole additionnel du 8 mars 2016, son adoption s’inscrit, au-delà des engagements pris par les deux Gouvernements, dans le cadre du Pacte mondial12 (« Global Compact ») des Nations Unies visant à créer « une économie globale et durable à travers la sauvegarde de l’environnement et la lutte contre la criminalité » auquel le Promoteur public TELT a adhéré en novembre 2015.

Articulation du texte avec les dispositions européennes

La section transfrontalière, dont la réalisation est l’objet de l’accord du 24 février 2015 et de son protocole additionnel du 8 mars 2016, est reconnue comme un projet d’intérêt économique et écologique majeur au niveau européen. En effet, elle constitue le seul franchissement ferroviaire des Alpes franco-italiennes au sein du corridor méditerranéen du réseau transeuropéen de transports (RTE-T) défini par le règlement UE n°1315/201313 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du RTE-T.

Le règlement des contrats s’inscrit pleinement dans la démarche initiée par l’Union européenne visant à lutter contre les organisations criminelles de type mafieux notamment au travers de la décision-cadre 2008/841/JAI14 du Conseil du 24 octobre 2008 relative à la lutte contre la criminalité organisée et, plus récemment, par l’inclusion de ce manquement parmi les motifs d’exclusion d’une procédure de passation des marchés publics (article 57.1, a) de la directive 2014/24/UE15 qui, saisie dans le cadre de la mise au point du règlement des contrats, a conclu à la compatibilité des dispositions « anti-mafia » du droit italien avec le droit de l’Union européenne en matière de marchés publics.

Articulation du texte avec le droit interne 

Bien que largement inspiré du corpus juridique italien auquel son article 3 fait renvoi, les dispositions du règlement des contrats ne remettent en cause, ni les règles françaises applicables en matière de marchés publics, ni les compétences de police administrative incombant à l’administration française, ni l’existence d’un contrôle juridictionnel effectif sur les décisions qui seront prises.

Tout d’abord, l’article 1er, alinéa 2, du règlement des contrats précise que ses règles viennent en complément de celles applicables aux contrats passés par le promoteur public conformément aux dispositions des articles 6 et 10 de l’accord du 30 janvier 2012 qui, pour mémoire, prévoient l’application du droit public français à la quasi-totalité des contrats conclus par TELT. Ainsi, comme le souligne l’article 4, alinéa 1, du règlement des contrats, les vérifications conduites dans le cadre du dispositif anti-mafia mis en place reposent sur l’examen de motifs d’exclusion supplémentaires à ceux prévus par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics17.

En outre, la composition de la structure binationale paritaire, appelée à statuer selon le principe de la codécision sur les demandes de vérifications antimafia, et les modalités d’intervention de cette structure, précisées aux articles 5 et 8 du règlement des contrats, garantissent le contrôle par les autorités administratives et judiciaires françaises de la mise en œuvre des dispositions envisagées.

Ainsi, toute décision nécessite un commun accord entre les deux préfets, français et italien, constituant la structure binationale (article 5, alinéa 1, du règlement des contrats), tout comme le programme de travail des divers collaborateurs qui seront appelés à assister chacun des préfets (article 5, alinéa 2, du règlement des contrats). De même, le règlement des contrats prévoit que l’instruction des demandes de vérifications antimafia soit conduite par le préfet de l’Etat d’appartenance de l’entité concernée (article 8, alinéa 1) et que ce même préfet reprenne à son compte la décision conjointe qui sera prise par la structure binationale (article 8, alinéa 5).

La décision préfectorale, communiquée par le promoteur public à l’entreprise se voyant refuser l’inscription sur la liste des prestataires autorisés à contracter avec TELT, pourra être contestée devant le juge administratif français ou italien selon le cas (article 8, alinéa 5 et article 9, alinéa 2, du règlement des contrats).

Ainsi définie, la mise en œuvre du règlement des contrats ne devrait nécessiter que l’intervention d’un texte de nature réglementaire pour désigner le préfet français, composant avec son homologue de Turin, la structure binationale et compétent pour prendre toute décision en relevant, « par dérogation aux dispositions relatives à la compétence territoriale » (article 8, alinéa 6, du règlement des contrats).

Enfin, le règlement des contrats, par ses articles 5, alinéa 2, et 8, alinéa 4, préserve l’application du droit applicable dans chacun des deux Etats en matière de données personnelles pouvant être échangées au sein de la structure binationale et n’implique, dès lors, aucune modification de la législation française en vigueur.

Conséquences administratives

La mise en œuvre du règlement des contrats conduira le Gouvernement à désigner le préfet membre de la structure binationale puis les ministères compétents à organiser les services appelés à assister ledit préfet (article 5, alinéa 1) pour instruire les demandes et procéder aux vérifications antimafia qui seront menées dans le cadre de la structure binationale.

Conséquences concernant la parité femmes/hommes

Les ouvriers qualifiés du gros œuvre du bâtiment ne sont que 2,1 %18 de femmes. Par conséquent, une attention doit être portée au recrutement de main d’œuvre supplémentaire à l’occasion de ces chantiers (les entreprises doivent attester leur volonté et en rendre compte19). Par ailleurs, les dispositifs de formation régionaux mentionnés au point II, point traitant des conséquences sociales (cf. démarche « Grand chantier ») doivent promouvoir la mixité d'un secteur encore très masculin (travaux publics). Un suivi attentif sera également réalisé quant au respect strict des procédures de passation de marché. En effet, depuis la loi 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes20, les procédures d’élections des opérateurs de la commande publique sont élargies21 (que ces opérateurs soient publics ou privés).

Le pouvoir adjudicateur devra donc veiller scrupuleusement au strict respect de la loi du 4 août 201422 relatif aux procédures modifiées de la commande publique.

Conséquences sur la jeunesse 

Sans objet

III. - Historique des négociations

Comme cela a été mentionné précédemment, le projet de liaison ferroviaire entre Lyon et Turin avait fait l’objet de trois accords internationaux :

- l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne relatif à la création d’une commission intergouvernementale (CIG) pour la préparation et la réalisation d’une liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin, signé à Paris, le 15 janvier 1996 ;

- l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne pour la réalisation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, signé à Turin, le 29 janvier 2001 ;

- l’accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République italienne pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin, signé à Rome, le 30 janvier 2012.

La CIG a été chargée par les ministres français et italien de préparer l’avenant prévu à l’article 4 de l’accord du 29 janvier 2001 afin d’engager les travaux définitifs de la section transfrontalière de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin.

Cette négociation a abouti dans un premier temps à la signature de l’accord signé le 24 février 2015 à Paris, concomitamment à l’envoi du dossier de demande de subvention à la Commission européenne pour la période 2014-2020 et parallèlement à la transformation de LTF devenu TELT, contrôlé par les deux Etats. A l’issue du processus de certification du coût du projet et des discussions sur les modalités précises de répartition des coûts entre les deux Etats, cette négociation s’est traduite par la signature d’un protocole additionnel le 8 mars 2016 à Venise.

Pour répondre à l’engagement pris par les Gouvernements à l’article 3 du protocole additionnel, un groupe de travail binational a été constitué au sein de la CIG, avec l’appui d’experts des deux Gouvernements, afin d’élaborer le règlement des contrats de TELT intégrant notamment les dispositions législatives les plus pertinentes, et notamment celles prévues par le droit italien et compatibles avec le droit communautaire, afin de lutter contre toute pratique mafieuse dans le cadre de la passation et de l’exécution des contrats de réalisation de la section transfrontalière. Le projet de règlement des contrats a alors été validé par la CIG lors de sa réunion du 7 juin 2016.

IV. - Etat des signatures et ratifications

L’avenant prévu à l’article 4 de l’accord du 29 janvier 2001 se compose :

- de l’accord signé le 24 février 2015 à Paris par Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, et par le ministre italien des infrastructures et des transports de l’époque, Maurizio Lupi.

- du protocole additionnel signé le 8 mars 2016 à Venise par Alain Vidalies, secrétaire d’Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, et par le ministre italien des infrastructures et des transports, Graziano Delrio.

Est annexé à cet avenant le règlement des contrats validé par la CIG lors de sa réunion du 7 juin 2016.

La procédure de ratification de l’accord du 24 février 2015, de son protocole additionnel du 8 mars 2016 et du règlement des contrats validé par la CIG le 7 juin 2016 est engagée parallèlement en France et en Italie.

V. - Déclarations ou réserves

Sans objet.

1 Publiée par décret n° 96-437 du 20 mai 1996 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000742585

2 Le report modal consiste à orienter les flux logistiques utilisant des moyens de transports gros émetteurs de carbone et de particules vers des moyens plus respectueux de l'environnement.

3 Publié par décret 2006-126 du 31 janvier 2006 : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2006/1/31/MAEJ0630009D/jo/texte

4 Des informations concernant le réseau transeuropéen de transport sont disponibles sur le site de la Commission européenne. Voir notamment les décisions de 2013 :

- Règlement UE n°1315/2013 sur les orientations de l’Union pour le développement du RTE-T : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32013R1315&from=FR

- Règlement UE n°1316/2013 établissant le Mécanisme pour l’interconnexion en Europe : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:32013R1316&from=FR

5 Publié par décret 96-416 du 13 mai 1996 :

https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000194140&pageCourante=07483

6 Publié par décret 2003-1399 du 31 décembre 2003 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000000429856

7 Mémorandum n’ayant pas fait l’objet d’une publication

8 Publié par décret 2014-1002 du 4 septembre 2014 : https://www.legifrance.gouv.fr/jo_pdf.do?id=JORFTEXT000029425907

9 https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/6/14/MAEJ1614685D/jo

10 https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2016/6/20/MAEJ1614679D/jo

11 La démarche « Grand chantier » est un processus exceptionnel qui, dans le domaine des infrastructures de transport, n’a pas été mis en place depuis la réalisation du tunnel sous la Manche entre 1986 et 1994. Les objectifs d’une telle démarche sont d’optimiser les effets du projet sur les territoires concernés ainsi que de favoriser et accompagner de manière durable l’insertion des entreprises et des salariés locaux et extérieurs. Il s’agit ainsi de valoriser les opportunités pour le territoire en s’appuyant sur ses ressources, et d’élaborer des projets de développement local en prenant en considération l’arrivée d’un grand chantier, sans pour autant déstabiliser l’économie locale. Les domaines identifiés pour mener ce type de démarche concernent, en premier lieu, l’emploi et la formation, avec l’accompagnement des entreprises et des salariés, puis l’hébergement et la gestion sociale du chantier, en s’appuyant notamment sur les capacités d’accueil du territoire ainsi que la gestion foncière pour préserver l’activité économique et plus particulièrement agricole. Ces priorités conduisent à un ensemble de réflexions, de dispositifs et d’actions afin de préparer l’arrivée des chantiers sur le territoire, d’accompagner leur déroulement et à plus long terme l’après-chantier pour aider à amortir l’accroissement puis la baisse d’activité à la fin des travaux. L’envergure du projet Lyon-Turin a justifié le lancement d’une procédure de type « Grand Chantier » pour préparer et accompagner la construction de l’ouvrage.

12 http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-developpement-durable/files/17/10_principes_pacte_mondial.pdf

13 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32013R1315&from=FR

14 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32008F0841&from=FR

15 http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014L0024&from=FR