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N° 204

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2012.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

visant à abroger l’actuel mode de nomination des présidents
des sociétés de France Télévisions et Radio France et
de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Thierry BRAILLARD, Jean-Noël CARPENTIER, Ary CHALUS, Gérard CHARASSE, Jeanine DUBIE, Olivier FALORNI, Paul GIACOBBI, Annick GIRARDIN, Joël GIRAUD, Jacques KRABAL, Jacques MOIGNARD, Dominique ORLIAC, Thierry ROBERT, Stéphane SAINT-ANDRÉ et Alain TOURRET,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Par l’indépendance de ses dirigeants, la presse écrite a pu être qualifiée de « quatrième pouvoir ».

En revanche, à l’origine, l’audiovisuel a été placé officiellement sous le contrôle du pouvoir politique. Tant par ses structures mêmes que par le mode de nomination de ses responsables, placés dans la dépendance de ce pouvoir. Comme le montrent ses statuts successifs jusqu’en 1982, malgré quelques modestes évolutions.

La situation jusqu’en 1982

L’ordonnance du 4 février 1959 érige la RTF (Radiodiffusion Télévision française), créée en 1949, en établissement public industriel et commercial, mais placé carrément sous « l’autorité » du ministre de l’information.

Quant à la loi du 27 juin 1964 qui transforme la RTF en ORTF (Office de radiodiffusion et télévision française), elle remplace simplement « l’autorité » du ministre de l’information par sa « tutelle ».

Trait constant des statuts successifs de la RTF en ORTF : ses dirigeants sont nommés par décret en conseil des ministres.

Cela demeure le cas avec la loi du 3 juillet 1972 : l’ORTF est doté d’un PDG, mais celui-ci reste désigné selon cette même procédure. De même, si la loi du 7 août 1974 met fin à l’ORTF et le divise en six organismes – dont une société de radiodiffusion (Radio France) et trois sociétés de télévisions (TF1, Antenne 2, FR 3) –, chacune d’entre elles reste dirigée par un président nommé en conseil des ministres.

Même s’il serait excessif de parler de « Télé Élysée » ou de « Radio Matignon », les responsables de l’audiovisuel public dépendent pour leur nomination du pouvoir politique et apparaissent vulnérables à ses pressions.

Les réformes des années 1980

Après l’alternance de 1981, la loi Fillioud du 29 juillet 1982 institue la Haute Autorité de la communication audiovisuelle. Composée de neuf membres nommés comme ceux du Conseil constitutionnel, la Haute Autorité est chargée de nommer les présidents des chaînes publiques et de veiller à l’indépendance de l’information.

Pour la première fois, la nomination des présidents des chaînes échappe au pouvoir exécutif. Le cordon ombilical est tranché entre celui-ci et l’audiovisuel public.

Cette situation durera pendant vingt-sept ans, de 1982 à 2009, même si différentes autorités de régulation de l’audiovisuel se succèdent.

Ainsi, la loi du 30 septembre 1986, votée à l’initiative du gouvernement Chirac, remplace la Haute Autorité de la communication audiovisuelle par la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL). Celle-ci compte treize membres, dont trois magistrats et trois personnalités qualifiées.

Enfin, la loi du 17 janvier 1989, votée à l’initiative du gouvernement Rocard, remplace la CNCL par le CSA, par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le mode de nomination de ses neuf membres est le même que celui des membres de la Haute Autorité naguère.

Le CSA compte neuf membres : trois désignés par le chef de l’État, trois par le président de l’Assemblée nationale et trois par le président du Sénat. Le président du CSA est nommé par le président de la République.

La loi du 17 janvier 1989 dispose :

« La communication audiovisuelle est libre…

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel, autorité indépendante, garantit l’exercice de cette liberté.

Il assure l’égalité de traitement ; il garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la radiodiffusion et de la télévision. »

Par ailleurs, cette loi dispose :

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure le respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les programmes des sociétés nationales de production et notamment pour les émissions d’information politique. »

La loi organique du 5 mars 2009

Contrairement à ses prédécesseurs à l’Élysée, Nicolas Sarkozy décide de revenir à la situation antérieure à 1982. Effectuant un retour en arrière, il choisit de retransférer du CSA à l’Élysée le pouvoir de nommer les présidents de Radio France et de France Télévisions, ainsi que le président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, créée en 2008.

D’où la loi organique du 5 mars 2009 relative à la nomination de ces présidents qui comporte un article unique :

« La nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est soumise à la procédure prévue au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée. La nomination intervient après la publication au Journal officiel de l’avis des commissions parlementaires. »

Cette disposition organique du 5 mars 2009 a été reprise et intégrée à la loi organique générale du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, qui comporte en annexe la liste des fonctions concernées par cette procédure.

La présente proposition de loi organique a pour objet de retirer au chef de l’État et de restituer au CSA le pouvoir de nommer les présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

Certes, nommés par les chefs des majorités successives (chef de l’État et présidents des deux assemblées), les membres du CSA n’ont, le plus souvent, guère fait preuve d’indépendance à leur égard. Même si cela leur est arrivé à quelques occasions. Désignés par le pouvoir politique, les neuf « sages » du CSA se sont montrés peu rétifs aux nominations suggérées par celui-ci.

En réalité, pour rendre le CSA plus autonome, il importerait de modifier son mode de nomination, en faisant désigner ses membres par le Parlement, à une majorité qualifiée des trois cinquièmes. Ce qui garantirait une composition pluraliste de cette instance et un large consensus sur les personnalités retenues.

En tout cas, quelles que soient les imperfections actuelles du CSA, mieux vaut évidemment voir de nouveau l’instance de régulation de l’audiovisuel désigner les présidents des sociétés audiovisuelles publiques, comme de 1982 à 2009, plutôt que le chef de l’État.

Cette réforme ponctuelle qui confiera cette désignation à « l’autorité indépendante chargée de la régulation de l’audiovisuel » ne préjugera pas du maintien ou non du CSA dans sa forme actuelle ni de la réforme du mode de désignation de ses membres.

De même, elle ne ferait pas obstacle à un rapprochement éventuel et ultérieur du CSA et de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes), instituée par la loi du 20 mai 2005, autorité administrative indépendante chargée de la régulation des télécoms.

Elle permettrait de mettre en œuvre rapidement le 51e des 60 engagements pris par le nouveau président de la République lors de sa campagne électorale : « La désignation des responsables des chaînes publiques de télévision et de radio dépendra d’une autorité indépendante et non plus du chef de l’État ou du gouvernement. »


PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Article 1er

La loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est abrogée.

Article 2

Dans la liste annexée à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont supprimées les fonctions suivantes : président de Radio France, président de France Télévisions, président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.


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