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N° 356

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 novembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre la pratique des jeux dangereux en instaurant une journée nationale et en améliorant leur prévention,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Patrice VERCHÈRE, Jean-Luc MOUDENC, Jacques MYARD, Fernand SIRÉ, Patrice MARTIN-LALANDE, Sophie ROHFRITSCH, Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Philippe GOUJON, Lionnel LUCA, Alain MARTY, Jean-Frédéric POISSON, Guy GEOFFROY, Alain SUGUENOT, Denis JACQUAT, Rémi DELATTE, Michel VOISIN, Jean-Pierre BARBIER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Jean-Pierre DECOOL, Dino CINIERI, Philippe MEUNIER, Véronique LOUWAGIE, Franck MARLIN, Jean-Claude BOUCHET, Christian ESTROSI, Olivier DASSAULT, Bernard PERRUT, Annie GENEVARD, Alain LEBOEUF, Guy TEISSIER, Valérie BOYER, Dominique TIAN, Bérengère POLETTI, Thierry MARIANI, Isabelle LE CALLENNEC, Claude GREFF, Michel SORDI et Dominique LE MÈNER,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aujourd’hui les « jeux » dangereux sont pratiqués dans les cours d’écoles, mais aussi à l’extérieur. Selon une enquête IPSOS de décembre 2011, on estime que les 2/3 des 7-17 ans a entendu parler des jeux d’évanouissement « jeux du foulard » et « jeux d’apnée » et 25 % a déjà vu quelqu’un jouer à ces jeux, essentiellement au sein de l’école. Près de un enfant sur dix a déjà joué à un jeu d’apnée ou d’évanouissement. C’est un véritable fléau, dont beaucoup de jeunes ignorent l’issue parfois fatale.

On distingue les jeux d’évanouissement (ou de non-oxygénation) qui consistent à provoquer une anoxie du cerveau (manque d’oxygène) par strangulation, compression des artères carotides, comme le jeu du foulard ou par apnée prolongée (jeu de la tomate) avec ou non compression du sternum ou de la cage thoracique. Ces actes stupides causent le décès de nombreux jeunes par an dans notre pays (60 cas répertoriés sur les trois dernières années), dont certains décès sont comptabilisés en suicides ou en accidents domestiques. Sans en arriver au décès, ces conduites peuvent toutefois provoquer de graves séquelles neurologiques, qui à ce jour ne sont pas recensées.

Après une première expérience, deux suites sont possibles, soit ils ne recommencent plus car ils ont eu peur, mal, ou ils ont reçu une prévention adaptée, soit ils en tirent une satisfaction (sensations hallucinatoires) et recommencent seul ou avec des copains sans connaître les conséquences réelles de ces pratiques ; certains peuvent même tomber dans l’addiction.

Les « jeux » d’agression peuvent quant à eux être intentionnels (l’enfant y participe de son plein gré), comme le petit pont massacreur ou être contraints (l’enfant n’a pas choisi de participer et il devient une victime) comme le jeu de la couleur. Il se pratique aussi les « jeux » de défis dans lesquels les jeunes recherchent l’exploit. Ces « jeux » dangereux sont aussi la cause de séquelles physiques, de lésions traumatiques irréversibles et, malheureusement, de décès.

Ces « jeux » dangereux se multiplient dans les lieux de réunions d’enfants (écoles, collèges, centres de loisirs, club de sports, quartiers...) et portent environ 90 noms différents. Une étude a montré que 84 % de jeunes interrogés sur ce sujet sont en mesure de citer au moins l’un de ces noms.

Outre le bouche à oreille, ces pratiques se propagent sur internet. Certaines personnes incitent, par le biais d’internet, à mettre en œuvre de telles pratiques en faisant l’éloge des effets pervers qu’elles provoquent.

Déjà, l’article 227-24 du code pénal, modifié par la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011, stipule que le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

Toutefois, il demeure important que les parents et les professionnels encadrant nos enfants prennent conscience que ces « jeux » existent, ils doivent être informés pour rester vigilants et pouvoir détecter ces comportements. Les jeunes « joueurs » inconscients, n’analysent pas les risques comme le ferait un adulte. Ils doivent être prévenus des dangers qu’ils encourent, car il est évident qu’ils ne veulent ni rester handicapés à vie, ni en mourir.

Le Ministère de l’Éducation Nationale a édité en 2011 un guide d’intervention en milieu scolaire à destination de la communauté éducative, en confiant au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC) des établissements la responsabilité d’intervention en milieu scolaire. Celle-ci sera décidée par le directeur d’école et l’inspecteur de l’Éducation Nationale ou le chef d’établissement, après analyse de la situation dans l’école ou l’établissement. Toutefois, il faut aller plus loin dans la démarche de prévention qui doit être systématique car, comme le montre l’enquête, de nombreux jeunes sont concernés.

Depuis 2010, dans la circulaire de rentrée, chaque académie doit mettre en place un module de formation, destiné aux médecins, infirmiers, assistants de service social et psychologues scolaires. De même, il faut aller plus loin et proposer cette formation à toute personne en contact avec les enfants : les enseignants, mais aussi les assistantes maternelles, ATSEM, animateurs (BAFA) afin de délivrer des conseils et une sensibilisation. Tout personnel nouvellement nommé devra être formé à ce module.

Un volet concernant les « jeux » dangereux sera systématiquement intégré dans le plan de prévention de la violence dans les établissements scolaires.

Il sera désigné au sein de chaque établissement scolaire et de chaque académie une personne référente pour les « jeux » dangereux.

Les observatoires départementaux de la protection de l’enfance se verront confier la mission de centraliser les cas signalés par l’éducation nationale, la police et la gendarmerie, à charge pour l’observatoire national de l’enfance en danger (ONED) de recenser ces données dans son rapport annuel.

La création d’une journée nationale de lutte contre la pratique des jeux dangereux serait un véritable coup de pouce des autorités publiques. Une journée d’information, de sensibilisation du grand public par la voix des médias, du net, ainsi qu’une prévention de terrain, pourrait épargner bien des vies.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

La République française institue une journée nationale afin de lutter contre la pratique de « jeux » dangereux.

Article 2

Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au premier lundi d’octobre.

Article 3

Cette journée est dédiée à la sensibilisation des parents et des professionnels d’encadrement de la jeunesse et des jeunes.

Dans tous les établissements d’enseignement, des initiatives sont prises pour que les enseignants consacrent une partie de leur temps à des exposés et des discussions sur ce sujet et sur les risques encourus par les jeunes qui s’adonnent aux pratiques des « jeux » dangereux. Cette journée est l’occasion d’une prévention intégrée dans les établissements scolaires, incluant un enseignement sur la physiologie respiratoire et les dangers de la pratique des jeux d’étouffement.

Ces actions de prévention peuvent être menées avec le concours d’associations qui ont eu l’agrément d’associations éducatives complémentaires de l’enseignement public (Association des parents d’enfants accidentés par strangulation et SOS-Benjamin).

Article 4

Il est proposé dans chaque académie un module de formation continue pour les personnels de l’Éducation nationale. Tout personnel nouvellement nommé doit suivre ce module de formation.

Une personne référente « jeux » dangereux est désignée dans chaque établissement scolaire et chaque académie.

Article 5

Un volet concernant les « jeux » dangereux est intégré dans le plan de prévention de la violence des établissements scolaires.

Le règlement intérieur doit prendre en compte la réalité des jeux dangereux et la nécessité d’apprendre à respecter son corps et celui des autres et à connaître les limites des jeux, afin d’adopter un comportement citoyen.

Article 6

Un module « jeux dangereux » est inclus dans la formation initiale et continue des professionnels de l’enfance (assistantes maternelles, agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, éducateurs, animateurs).

Article 7

L’Observatoire national de l’enfance en danger a la charge de recenser les cas signalés de pratiques de « jeux » dangereux. Il communique ces données dans son rapport annuel. Il s’appuie sur les observatoires départementaux de la protection de l’enfance qui ont pour mission de centraliser les cas signalés par l’Éducation nationale, les services du ministère de l’intérieur (police et gendarmerie), les services de santé (service d’aide médicale urgente, agence régionale de santé, centre hospitalier, cellule d’urgence médico-psychologique), les services du ministère de la justice (Procureur de la République, direction départementale de la protection judiciaire de la jeunesse), les conseils généraux et les associations.

Article 8

Avec les moyens appropriés, les services publics et, notamment, celui de l’audiovisuel, contribuent dans leurs sphères respectives aux objectifs de cette journée.

Article 9

Les charges qui pourraient résulter pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Les charges qui pourraient résulter pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


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