Accueil > Documents parlementaires > Propositions de loi
La version en format HTML, à la différence de celle en PDF, ne comprend pas la numérotation des alinéas.
Version PDF
Retour vers le dossier législatif

N° 502

_____

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

relative à l’amélioration de l’indemnisation des victimes
d’accidents du travail et de maladies professionnelles,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Marc LE FUR,

député.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans le cadre de la question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 18 juin 2010, a jugé conforme à la Constitution le régime de sécurité sociale mis en place par le législateur en matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Ce régime se substitue partiellement à la responsabilité de l’employeur et réserve la possibilité d’agir contre ce dernier en cas de faute inexcusable ou intentionnelle. Pour le Conseil, ce régime concilie le principe de responsabilité avec les exigences du préambule de la Constitution de 1946.

En revanche, en cas de faute inexcusable de l’employeur, la loi a écarté certains préjudices de toute indemnisation.

Le Conseil constitutionnel a donc formulé une réserve relative à l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale. Celui-ci ne peut faire obstacle à ce que les victimes puissent demander à l’employeur, devant les juridictions de la sécurité sociale, réparation de l’ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

La représentation nationale ne peut ignorer cette décision alors que l’année dernière elle avait adopté le principe d’une fiscalisation des indemnités journalières des victimes du travail au motif d’une plus grande justice fiscale. À défaut, le Parlement manquerait à ses devoirs élémentaires envers une partie de la population dont l’état de santé a été dégradé précisément du fait de son travail.

C’est bien une contrepartie morale à donner à « la France qui se lève tôt » que de lui assurer, au surplus en application avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une réparation intégrale des préjudices subis lorsque le dommage trouve son origine, non dans une faute simple, mais dans une faute « inexcusable » de l’employeur.

Tel est l’objectif premier de cette proposition de loi.

Pour autant, certains parlementaires, lors du débat sur la fiscalisation des indemnités journalières, appelaient à un réexamen de la question de l’indemnisation des victimes du travail. Il convient en effet, outre la réparation des conséquences inexcusables, d’apporter aujourd’hui des améliorations plus ciblées à un système qui reste, sur certains points, très injuste.

Il ne s’agit pas d’une réforme profonde mais de quelques articles qui s’appuient, au surplus, sur le travail qui avait été présenté par M. Michel Laroque, Inspecteur général des affaires sociales, dans un rapport de mars 2004 intitulé « La rénovation de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles » remis à M. Fillon, ministre des affaires sociales et du travail à cette époque.

L’article 1er propose donc en cas de faute inexcusable de l’employeur une réparation intégrale suite à la décision rendue par le Conseil constitutionnel du 18 juin 2010.

Pour autant, le coût pour la collectivité de cette amélioration doit rester nul. À ce titre, un des scénarios du rapport Laroque proposait, en cas de faute inexcusable, que la victime puisse demander la réparation intégrale de ses préjudices. De son côté, l’employeur était tenu légalement à une obligation d’assurance. Ce scénario permet à la fois de préserver la physionomie actuelle du système avec un coût mesuré puisque les assureurs seraient, au final, les payeurs. Les employeurs pourront, quant à eux, déduire fiscalement la cotisation d’assurance et pour les TPE un mécanisme d’écrêtement mutualisé entre les employeurs est envisagé. Au surplus, il est très probable que le lien avec la sinistralité et la réactivité des primes constitue des leviers importants en terme de prévention.

L’article 2 garantit à toutes les victimes du travail, sans exception, une indemnisation intégrale des pertes de salaires durant l’incapacité temporaire de travail.

Depuis 2010, la victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, perçoit, jusqu’à la guérison ou la consolidation, des indemnités journalières qui sont soumises à imposition. Il convient donc d’assurer à cette victime un revenu de remplacement égal à ce qu’elle percevait avant l’arrêt de travail. Aujourd’hui, la victime reçoit pendant les vingt-huit premiers jours de l’arrêt de travail, une indemnité journalière égale à 60 % du salaire journalier, puis à compter du vingt-neuvième, 80 % de son salaire. Si certaines personnes peuvent bénéficier d’un complément (convention collective, accord d’entreprise ou de groupe), il reste qu’en sont exclus les travailleurs à domicile, les travailleurs temporaires, et tous les salariés qui n’ont pas un an d’ancienneté dans l’entreprise.

L’article 3 du présent projet permet aux victimes alors même qu’elles se trouvent en incapacité temporaire ou définitive de pouvoir obtenir la prise en charge d’une aide humaine si leur état ne les autorise pas à accomplir certains actes de la vie ordinaire.

Cette proposition, également, a été présentée par M. Michel Laroque, dans son rapport, « La rénovation de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles » en 2004. En effet, l’indemnisation de la tierce personne par la majoration tierce personne, est totalement dépassée par les évolutions dans d’autres matières. Le régime des ATMP implique, d’abord, que soit constaté un taux minimum d’incapacité alors que le besoin en aide humaine n’est pas lié à un taux. Ce type de condition a d’ailleurs été supprimé, pour les personnes handicapées, avec la prestation de compensation du handicap par la loi du 11 février 2005.

En outre, la majoration tierce personne, par le forfait attribué, ne permet pas de financer l’intégralité des besoins d’une personne lourdement handicapée.

Or, dans cette dernière hypothèse, il se produit un déport vers la solidarité nationale qui vient financer l’insuffisance de la prise en charge des besoins en aide humaine. En effet, les victimes vont s’adresser à la MDPH pour que le reliquat du coût de l’aide humaine soit pris en charge.

Dans d’autres situations, précisément pendant l’incapacité temporaire qui peut durer plusieurs mois, la victime se trouve dans l’impossibilité temporaire, du fait de son état, d’accomplir seule les actes ordinaires de la vie. Or, il n’est pas acceptable socialement que ce besoin en aide humaine reste à sa propre charge. Que l’on pense, par exemple, à la mère de famille isolée qui souffre d’un TMS lui interdisant de soulever toutes charges importantes ou qui limite la rotation de son épaule. Des tâches aussi simples que les sollicitations ménagères, la cuisine ou les occupations liées aux jeunes enfants lui sont partiellement et même parfois totalement interdites. Dans tous les autres régimes de réparation, cette situation est prise en compte au titre de l’indemnisation de la tierce personne.

L’article 4 améliore l’indemnisation des victimes qui présentent un « petit » taux d’incapacité afin de leur garantir une indemnisation à la hauteur des conséquences professionnelles et physiologiques.

Aujourd’hui, l’indemnisation des « petits » taux (inférieurs à 10 %) ne permet pas de prendre en compte le déficit fonctionnel permanent que supporte la victime ainsi que son incidence professionnelle. C’est le cas souvent cité, d’une femme âgée d’une cinquantaine d’années, sans diplôme, qui souffre d’un TMS lui interdisant de mobiliser son poignet et qui du fait de son impossibilité de continuer à exercer sa profession de caissière est licenciée pour inaptitude sans perspective de réinsertion professionnelle. Pour elle, ses pertes de salaires, son incidence professionnelle et son déficit physiologique dans la vie courante seront indemnisés par l’attribution d’un capital de 3 965,95 euros qui correspond à un taux de 9 %.

L’article 5 supprime la règle dite du « taux utile » pour le calcul de la rente. Au terme de la période d’incapacité temporaire et lorsque la victime est consolidée, il convient d’indemniser ses préjudices économiques définitifs du fait de la perte de sa capacité de travail. Or, la règle dite du « taux utile » minore l’indemnisation des victimes. En effet, la rente est calculée sur la base du salaire des douze derniers mois précédant l’arrêt de travail. Elle est égale au salaire annuel multiplié par le taux d’incapacité préalablement réduit de moitié pour la partie de taux ne dépassant pas 50 % et augmenté de moitié pour la partie supérieure à 50 %. Cette règle de calcul aboutit à priver les victimes d’une partie de leur indemnisation au titre des préjudices économiques. Il convient d’adopter un mode de calcul plus juste et moins complexe.

L’article 6 supprime la condition liée au degré d’incapacité pour saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles pour les victimes de maladies psychiques qui ont une cause professionnelle.

La victime d’une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut prétendre à une indemnisation lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par son travail habituel et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux au moins égal à 25 %. L’appréciation du lien de causalité entre maladie et travail habituel de la victime est confiée à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, composé d’experts médicaux. L’avis du comité s’impose à la caisse primaire et à la victime.

Depuis quelques années, la communauté nationale est légitimement choquée par les nombreux suicides et pathologies psychiques causés par des organisations et conditions de travail directement attentatoires à la santé mentale des salariés. Certes, une première réponse a été donnée par Xavier Darcos, ministre du travail, au mois d’octobre 2009 mais elle visait la prévention et ne concernait pas la réparation. Or, il n’existe pas de tableaux de maladies professionnelles permettant d’appréhender le champ des maladies psychosociales ; cette carence impose aux victimes et à leurs familles un véritable « parcours du combattant » pour obtenir une prise en charge. Il n’est pas juste que les victimes d’un harcèlement ou de conditions de travail inacceptables soient contraintes d’initier – et encore seulement pour celles qui sont encore psychologiquement en état de le faire – une procédure judiciaire pour faire reconnaître leur droit contre des employeurs non vertueux et dont le comportement est criminogène. Précisément, dans l’attente de la production de ces tableaux, le système complémentaire doit être amélioré pour permettre la reconnaissance des situations significatives et leur prise en charge dans un délai acceptable dans un cadre non contentieux. Or, le taux d’incapacité actuel est fixé à un niveau bien trop élevé pour permettre aux victimes d’une maladie ou d’une atteinte psychique d’entrer dans le champ de ce dispositif.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° L’article L. 452-3 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « réparation », la fin de la première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « intégrale de ses préjudices. »

b) Au deuxième alinéa, les mots : « du préjudice moral » sont remplacés par les mots : « intégrale des préjudices subis ».

c) Au même alinéa, il est ajouté une phrase ainsi rédigée :

« Dans le cas de survie de la victime, les mêmes ayants droit, ascendants et descendants ainsi que les ayants droit au sens du droit civil qui n’ont pas droit à une rente en vertu desdits articles ont droit à réparation intégrale des préjudices subis. »

2° Au troisième alinéa de l’article L. 452-4, les mots : « peut s’assurer » sont remplacés par les mots : « s’assure » ;

3° Après le même alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Un mécanisme d’écrêtement pour les petites et moyennes entreprises est prévu dans des conditions prévus par décret en Conseil d’État. »

Article 2

L’article L. 433-2 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« L’indemnité journalière est égale au salaire journalier antérieurement perçu par la victime avant la date de l’accident ou de la maladie professionnelle. La victime ne peut souffrir d’aucune diminution de ses revenus salariés du fait de son incapacité temporaire d’activité, quelle qu’en soit la durée. »

2° À la dernière phrase, les mots : « et lorsque l’interruption de travail se prolonge au-delà d’une durée déterminée, le taux de » sont supprimés.

Article 3

Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 433-2, il est inséré un article L. 433-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 433-2-1. – Dans le cas où l’incapacité temporaire totale ou partielle oblige la victime, pour effectuer les actes ordinaires de la vie et notamment les tâches ménagères, à avoir recours à l’assistance d’une aide humaine, ou impose l’aménagement du logement ou l’adaptation du véhicule, une prestation lui est allouée dans des conditions prévues en Conseil d’État. Le montant attribué à la victime est évalué en fonction du nombre d’heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. »

2° Le troisième alinéa de l’article L. 434-2 est ainsi rédigé :

« Dans le cas où l’incapacité permanente oblige la victime, pour effectuer les actes ordinaires de la vie, à avoir recours à l’assistance d’une aide humaine, ou impose l’aménagement du logement ou l’adaptation du véhicule, une prestation lui est allouée dans des conditions prévues en Conseil d’État. Le montant attribué à la victime est évalué en fonction du nombre d’heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. »

Article 4

Après le deuxième alinéa de l’article L. 434-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Indépendamment du capital qu’elle reçoit en vertu des alinéas précédents, la victime perçoit une majoration destinée à réparer son incidence professionnelle dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État. »

Article 5

Après la seconde occurrence du mot : « incapacité », la fin du deuxième alinéa de l’article L. 434-2 du code de la sécurité sociale est supprimée.

Article 6

Après l’avant-dernier alinéa de l’article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie psychique caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente. Dans ce cas, la condition d’un taux au moins égal à un pourcentage telle qu’elle est exigée au présent article n’est pas exigée. »

Article 7

Les charges qui pourraient résulter pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


© Assemblée nationale