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N° 532

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 décembre 2012.

PROPOSITION DE LOI

visant à renforcer les modalités d’exécution
des contrôles d’identité,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Marie-George BUFFET, François ASENSI, Alain BOCQUET, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ et Jacqueline FRAYSSE,

député-e-s.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

L’objet de la présente proposition de loi est de conforter la confiance que nos concitoyens placent quotidiennement dans nos services de police, en renforçant le cadre juridique de leur action en matière de contrôles d’identité. Pour ce faire, elle modifie l’article 78-2 du code de procédure pénale, base juridique des contrôles d’identité.

Cette proposition de loi ne remet pas en cause l’usage du contrôle d’identité, car sous réserve des textes législatifs recouvrant les contrôles dans le cadre de la circulation routière et ceux relatifs aux personnes de nationalité étrangère, l’article 78-1 du code de procédure pénale précise que toute personne qui se trouve sur le territoire national doit accepter de se prêter à un contrôle d’identité.

Néanmoins, il s’agit d’éviter les dérives que peuvent constituer les contrôles d’identité abusifs, en renforçant les conditions et les modalités d’exécution des contrôles d’identité existant.

Car ces dérives, souvent décriés par les associations, constituent une atteinte à l’encontre de principes républicains essentiels.

D’un côté, elle dessert les missions des forces de police, qui ont la charge d’assurer la sécurité de tous dans des conditions difficiles et parfois au péril de leur vie : leurs actions sur le terrain doivent être respectées, et leurs missions comprises.

De l’autre, elle compromet dans certains territoires les rapports de la police avec la population, laquelle est en droit d’attendre des représentants de l’ordre républicain un comportement aussi exemplaire que possible.

Or, ces contrôles abusifs peuvent s’avérer humiliants et nourrissent, dans certaines zones urbaines et péri-urbaines, un climat de défiance entre la police et les populations les plus sujettes à ceux-ci.

Cette défiance peut d’ailleurs se traduire par des comportements et des propos inacceptables à l’égard des forces de l’ordre. Sans parler des trop nombreuses agressions physiques dont sont victimes les forces de l’ordre.

Selon le rapport 2012 du Défenseur des droits relatif aux relations police-citoyens et aux contrôles d’identité, ces contrôles abusifs seraient subis prioritairement par une partie de nos plus jeunes concitoyens français. Nous ne pouvons accepter cette situation.

Il faut nous recrée un lien de confiance entre les citoyens et notre police républicaine.

Or, plusieurs expériences étrangères (au Royaume-Uni, en Espagne, et aux États-Unis notamment) ont démontré que depuis l’instauration d’un contrôle assorti d’un reçu, les contrôles d’identité sont à la fois moins nombreux et plus efficaces.

L’absence de données officielles en France sur les contrôles d’identité ne permet pas actuellement d’évaluer l’efficacité de l’action policière en la matière ni une quelconque baisse effective de la délinquance grâce à eux. L’absence de procès-verbal à la suite des opérations de contrôle d’identité est un obstacle à l’identification des policiers qui nuiraient à la réputation du service de la police par leur comportement parfois perçu comme abusif.

Par ailleurs, il n’est nullement question de remettre en cause le mérite ou le travail de notre police républicaine, mais au contraire de renforcer son action et sa légitimité, en lui permettant de mieux cibler ses contrôles, et en offrant plus de transparence sur leurs procédures et leurs motifs. Renforcer son action et sa légitimité, c’est aussi accroître son efficacité, les forces de police ayant besoin du soutien de la population dans sa lutte contre la criminalité et la délinquance.

Ainsi, cette proposition de loi entend tout d’abord modifier l’article 78-2 du code de procédure pénale qui requiert des raisons « plausibles » et non « objectives » de soupçonner quelqu’un pour pouvoir procéder à un contrôle d’identité. En outre, elle vise à instaurer un outil qui permette de répertorier les contrôles d’identité, en collectant les procès-verbaux dont ils feraient objet.

L’alinéa premier de l’article 78-2 du code de procédure pénale serait modifié en remplaçant les mots : « raisons plausibles de soupçonner », par les mots : « raisons objectives et individualisées de soupçonner ».

De plus, à peine de nullité de la procédure, serait remis à l’issue de chaque contrôle une attestation qui comporterait plusieurs mentions :

– L’identité de la personne contrôlée ;

– Le(s) motif(s) du contrôle ;

– Le jour, le lieu, et l’heure du contrôle d’identité ;

– Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle d’identité ;

– Les suites données au contrôle d’identité ;

– Les observations éventuelles de la personne ayant fait l’objet du contrôle.

Ce procès-verbal permettrait de conserver les informations relatives aux contrôles d’identité afin d’évaluer leur fréquence et, le cas échéant, de servir d’élément de preuve en cas de litige tant pour la personne contrôlée qui allèguerait le caractère abusif de la procédure, que pour l’agent de police accusé à tort.

Ce recours s’effectuerait auprès d’une autorité administrative indépendante existante, le Défenseur des droits, via son collège de déontologie de la sécurité, qui se verrait ainsi reconnaître une nouvelle compétence. Dans le cadre de cette procédure le Défenseur des droits serait également investie de la mission de collecte et de conservation desdits procès-verbaux.

Par ce mécanisme régulé et contrôlé par le collège de déontologie de la sécurité du Défenseur des droits, sous le contrôle des commissions permanentes du parlement en charge de ces questions, les contrôles d’identité retrouveront leur vocation première : protéger l’ordre public en assurant aux citoyens la jouissance de leurs libertés fondamentales, dont celle de circuler librement. Il sera ainsi facteur de pacification des relations entre les citoyens et les forces de l’ordre.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article 78-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° À la fin du premier alinéa, le mot : « plausibles », est remplacé par les mots : « objectives et individualisées ».

2° Après le cinquième alinéa, sont insérés sept alinéas ainsi rédigés :

« Les contrôles d’identité réalisés en application du présent article donnent lieu, à peine de nullité, à l’établissement d’un procès-verbal. Ce procès-verbal devra mentionner :

« – L’identité de la personne contrôlée ;

« – Le(s) motif(s) du contrôle ;

« – Le jour, le lieu, et l’heure du contrôle d’identité ;

« – Le matricule de l’agent ayant procédé au contrôle d’identité ;

« – Les suites données au contrôle d’identité ;

« – Les observations éventuelles de la personne ayant fait l’objet du contrôle ».

Article 2

Le collège de déontologie de la sécurité du Défenseur des Droits est saisi des contrôles d’identité non justifiés au sens de la présente loi par toute personne qui en a été victime ou témoin.

Article 3

Un décret en Conseil d’État fixe les modalités de publicité de l’immatriculation des officiers de police judiciaire, des agents de police judiciaire et des agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1 du code de procédure pénale. Il fixe également les modalités de garantie de l’anonymat des personnes contrôlées.

Article 4

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.


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