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N° 1500

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 octobre 2013.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

visant à établir une « règle d’or » fiscale
pour préserver la confiance dans l’impôt,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Valérie PÉCRESSE, Alain CHRÉTIEN, Alain GEST, Alain MARLEIX, Alain MARTY, Alain MOYNE-BRESSAND, Alain SUGUENOT, Anne GROMMERCH, Annie GENEVARD, Antoine HERTH, Axel PONIATOWSKI, Bérengère POLETTI, Bernard ACCOYER, Bernard BROCHAND, Bernard DEBRÉ, Bernard PERRUT, Bernard REYNÈS, Bruno LE MAIRE, Camille de ROCCA SERRA, Christian ESTROSI, Claude GOASGUEN, Claude GREFF, Claude STURNI, Claudine SCHMID, Daniel FASQUELLE, Denis JACQUAT, Didier QUENTIN, Dino CINIERI, Dominique BUSSEREAU, Dominique DORD, Éric CIOTTI, Franck MARLIN, Franck GILARD, Françoise GUÉGOT, Geneviève LEVY, Guillaume LARRIVÉ, Guy GEOFFROY, Guy TEISSIER, Hervé GAYMARD, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Claude GUIBAL, Jean-Luc MOUDENC, Jean-Luc REITZER, Damien ABAD, Jean-Pierre BARBIER, Jean-Pierre DECOOL, Jean-Pierre DOOR, Jean-Pierre VIGIER, Josette PONS, Julien AUBERT, Laure de LA RAUDIÈRE, Laurent WAUQUIEZ, Lionnel LUCA, Luc CHATEL, Marc FRANCINA, Marcel BONNOT, Marianne DUBOIS, Marie-Jo ZIMMERMANN, Marie-Louise FORT, Michel HEINRICH, Michel TERROT, Patrice MARTIN-LALANDE, Patrick DEVEDJIAN, Patrick HETZEL, Patrick OLLIER, Paul SALEN, Philippe GOSSELIN, Philippe GOUJON, Philippe LE RAY, Fernand SIRÉ, Pierre LEQUILLER, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Rémi DELATTE, Sophie DION, Sophie ROHFRITSCH, Sylvain BERRIOS, Véronique LOUWAGIE, Xavier BRETON, Yannick MOREAU, Yves FOULON, Valérie BOYER, Éric WOERTH, Dominique TIAN et Christophe PRIOU,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Dans son avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2014, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) constate l’écart important entre le solde budgétaire prévu par la loi de programmation des finances publiques (- 1,6 % du PIB) 2013 et le solde effectivement attendu (- 2,6 % du PIB). Raison majeure invoquée pour justifier cette mauvaise performance : un moindre rendement de l’impôt.

Si on cumule les écarts entre les recettes initialement prévues dans la loi de finances pour 2013 de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et leur rendement effectif pour 2013, on constate en effet un manque à gagner de 12 milliards d’euros pour l’État. À titre de comparaison, et alors que le chômage bat chaque mois de nouveaux records, les crédits consacrés par l’État aux actions en faveur du travail et de l’emploi se limiteront à 11,1 milliards en 2014 (budget inscrit au projet de loi de finances).

Cette situation est la vivante traduction du fameux principe, démontré par l’économiste américain Arthur Laffer, selon laquelle « trop d’impôt tue l’impôt ».

En l’absence de données précises sur les motifs de cette érosion de l’impôt – le Gouvernement refusant de les communiquer –, on ne peut qu’avancer un faisceau d’hypothèses.

Mais que cette érosion soit le fait d’un exode fiscal massif des contribuables (particuliers et entreprises), de la mise en place de stratégies de contournement de l’impôt, d’une stratégie d’immobilisme économique pour éviter d’être soumis à davantage de pression fiscale ou d’une explosion de la fraude fiscale, il est un fait que le régime d’overdose et de « bougeotte » fiscales auxquels le Gouvernement a soumis les Français depuis son arrivée au pouvoir en mai 2012 a créé un climat d’insécurité néfaste pour l’économie et pour l’emploi.

En l’espace de 18 mois, le Gouvernement et sa majorité auront augmenté les impôts des particuliers et des entreprises de près de 40 milliards d’euros (l’équivalent de la moitié du rendement attendu de l’impôt sur le revenu pour 2014). 84 mesures fiscales et sociales ont été mises en œuvre, plus d’une par semaine. Rien que dans le projet de loi de finances initial pour 2014, actuellement en discussion au Parlement, on recense 22 mesures fiscales nouvelles, auxquels il convient d’ajouter les mesures nouvelles introduites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Dans le cadre de ce texte, le Gouvernement va même plus loin puisqu’il a décidé de taxer rétroactivement, au titre des prélèvements sociaux, un produit d’épargne aussi populaire auprès des Français que l’assurance-vie, après avoir envisagé de procéder de la même manière pour le Plan épargne logement (PEL), le Plan d’épargne en actions (PEA) et l’épargne salariale.

De telles évolutions sont non seulement néfastes pour l’économie mais aussi dangereuses car elles brisent le consentement à l’impôt qui, depuis la Révolution française et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est l’un des fondements du pacte républicain.

Quelle confiance les acteurs économiques peuvent-ils avoir dans l’impôt quand, d’un côté, « nul n’est censé ignorer la loi » et que, de l’autre, le code général des impôts (CGI) compte plus de 3 500 pages, qu’à elles seules, les dispositions relatives à un impôt aussi largement payé par les Français que l’impôt sur le revenu comportent près de 500 articles ou qu’enfin, un impôt disposant d’une assiette aussi étendue que la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) aura été modifié deux fois en l’espace de moins d’un an.

Il faut aussi regarder avec lucidité les résultats d’études, comme celle réalisée par la Chambre américaine du commerce en France (AmCham) qui montre que 60 % des dirigeants de filiales d’entreprises américaines en France estiment que la situation économique va aller en se dégradant (ils n’étaient que 10 % en 2010) et que seulement 13 % d’entre eux considèrent la France comme une destination attractive pour l’investissement (contre 46 % en 2010). Raisons principales de cette défiance de notre premier partenaire en termes d’investissements dans notre pays (440 000 emplois concernés) : le manque de lisibilité de l’agenda politique, le manque de prévisibilité sur les évolutions de la loi et une complexité croissante des législations fiscale et du travail.

C’est pourquoi, pour rendre aux Français et aux entreprises agissant sur notre territoire la confiance dans l’impôt sans laquelle il ne peut y avoir de développement économique durable, la présente proposition de loi propose l’introduction, dans notre Constitution, de deux principes nouveaux :

1° La « règle d’or » fiscale qui se traduit par l’impossibilité pour le Parlement de modifier plus d’une fois par législature un même impôt, sauf dans le cas où il s’agit d’en diminuer le taux ou l’assiette.

2° La non-rétroactivité de la loi fiscale sauf, là encore, dans le cas où les modifications apportées à la loi fiscale auraient pour objet de réduire le taux ou l’assiette de l’impôt. Un tel principe existe déjà, sur le fondement de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, mais, à ce jour, le Conseil constitutionnel en limite l’application, au niveau constitutionnel, à la matière pénale. La présente proposition de loi vise à étendre ce principe de non-rétroactivité en matière fiscale. Elle vise également à l’étendre dans une acception stricte. Il s’agit en effet de prohiber toute situation conduisant à modifier les règles du jeu fiscales en cours de route. Certains produits d’épargne, comme l’assurance-vie, font en effet l’objet d’une taxation au moment du « dénouement » du contrat. Jusqu’ici, les taux d’imposition appliqués étaient fonction des périodes considérées pour le versement des intérêts. En clair, pour un contrat ayant produit des intérêts sur une période de 10 ans, les intérêts de l’année 1 étaient taxés selon le taux d’imposition en vigueur au moment de l’année 1, les intérêts de l’année 2 étaient taxés selon le taux d’imposition en vigueur au moment de l’année 2, etc. Avec la réforme proposée par le Gouvernement, les intérêts des 10 années de contrat seraient uniformément taxés au niveau de l’année 10, année de dénouement du contrat. Une telle évolution constitue une rupture du pacte de confiance avec le contribuable qui a souscrit son assurance-vie dans un environnement fiscal très différent et plus avantageux. Le rapporteur général des finances de l’Assemblée nationale, M. Christian Eckert, ne dit d’ailleurs pas autre chose lorsqu’il affirme qu’il « n’est jamais bien vu de faire de la rétroactivité ».

Les deux mesures proposées par la présente proposition de loi constitutionnelle ont ainsi vocation à offrir à tous les acteurs économiques (particuliers et entreprises) un environnement juridique stable et prévisible leur offrant une visibilité dans l’avenir propice à la consommation et à l’investissement.

Les travaux de l’économiste américain Edward Christian Prescott, et de l’économiste norvégien Finn. E. Kydland, sur « l’incohérence temporelle » ont en effet montré que les anticipations des agents économiques sont fonction de la cohérence et de la crédibilité des objectifs de politique économique. Pour prendre un exemple, non seulement les agents économiques n’investiront pas s’ils estiment que la politique économique conduite n’offre pas un environnement propice à l’investissement ; mais ils n’investiront pas non plus s’ils considèrent qu’une politique, pourtant affichée comme volontariste en matière d’investissement, ne sera pas tenue dans les faits ou risque d’être remise en cause dans un avenir proche, inférieur à l’horizon temporel d’amortissement de leurs investissements. Pour surmonter cette anticipation négative, les deux lauréats du prix Nobel d’économie 2004 proposent que les États adoptent des règles rigides et contraignantes, de niveau constitutionnel, afin de rassurer les agents économiques sur la continuité des politiques menées.

Cette proposition de loi constitutionnelle met en œuvre ces principes.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Après le cinquième alinéa de l’article 34 de la Constitution, il est inséré deux alinéas ainsi rédigés :

« Un même impôt ne peut être modifié plus d’une fois au cours d’une même législature, sauf dans le cas où cette modification aurait pour objet de réduire le taux ou l’assiette de cet impôt.

« Les dispositions relatives à l’assiette et au taux des impositions de toutes natures ne peuvent avoir un caractère rétroactif ni remettre en cause une situation considérée comme acquise par le contribuable sauf dans le cas où elles visent à réduire l’assiette ou à diminuer le taux de ces impositions. »


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