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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 2435

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 9 décembre 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à assurer aux patients le respect
de leur
choix de fin de vie,

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Véronique MASSONNEAU, Laurence ABEILLE, Éric ALAUZET, Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, Denis BAUPIN, Michèle BONNETON, Christophe CAVARD, Sergio CORONADO, François de RUGY, Cécile DUFLOT, François-Michel LAMBERT, Noël MAMÈRE, Paul MOLAC, Barbara POMPILI, Jean-Louis ROUMÉGAS et Eva SAS,

députés.


EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie, a marqué, en France, une étape importante dans l’accompagnement des patients en fin de vie. En permettant le développement des soins palliatifs et la réduction considérable de l’acharnement thérapeutique, la France se dotait d’une première législation œuvrant pour le droit de mourir dans la dignité. Toutefois, cette loi demeure bien insuffisante. L’arrêt des soins qu’elle autorise se caractérise par l’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation artificielle. Aussi, les conditions de décès dans lesquelles sont plongés les patients ne sont pas toujours aussi apaisées qu’ils l’auraient désiré.

Aujourd’hui, l’on meurt toujours mal en France, comme le démontre l’étude MAHO (Mort à l’Hôpital), publiée en 2008, selon laquelle les soignants considèrent que seulement 35 % des décès s’y déroulent dans des conditions acceptables.

La solution serait de ne pas se contenter du « laisser mourir » autorisé par la loi de 2005, mais autoriser le « faire mourir », encore prohibé. Plus de 90 % des Français sont d’ailleurs favorables à une légalisation de l’aide active à mourir. En outre, la pratique de l’euthanasie a déjà cours en France, mais d’une manière clandestine, pour répondre aux attentes légitimes de malades, de patients en fin de vie et en situation de souffrance. Il convient donc d’encadrer cette pratique afin d’éviter tout risque, tant pour le patient que pour le corps médical.

La présente proposition de loi vise à assurer aux patients en fin de vie le droit de mourir dans la dignité. Cela se concrétise par l’ouverture du droit aux pratiques d’aide active à mourir, à savoir l’euthanasie et le suicide médicalement assisté, mais également par le renforcement des soins palliatifs. La loi doit assurer à chaque patient en fin de vie la réponse, la solution qui lui convient. Or, il n’existe pas une seule réponse, une solution idoine. Chaque individu est différent, les aspirations et les convictions de chacun sont différentes, aussi leurs volontés seront différentes.

La législation doit donc être en mesure d’apporter un cadre à chaque citoyen afin d’offrir à chacun la liberté de choisir sa mort. Tel est l’objet de cette proposition de loi.


PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 1110-9 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« Art. L. 1110-9. – Toute personne malade dont l’état le requiert a un droit universel d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement. Chaque département, région et collectivité d’outre-mer doit être pourvu d’unités de soins palliatifs en proportion du nombre de ses habitants. »

« Toute personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable ou qu’elle juge insupportable, peut demander à bénéficier, dans les conditions strictes prévues au présent code, d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté. »

Article 2

Après l’article L. 1111-10 du même code, il est inséré un article L. 1111-10-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-10-1. – Lorsqu’une personne majeure et capable, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable ou qu’elle juge insupportable, demande à son médecin le bénéfice d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté, celui-ci doit s’assurer de la réalité de la situation médicale dans laquelle se trouve la personne concernée.

« Après examen du patient, étude de son dossier et, s’il y a lieu, consultation de l’équipe soignante, le médecin doit faire appel, pour l’éclairer, dans un délai maximal de 48 heures, à un autre praticien de son choix.

« Les médecins vérifient le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite de la demande présentée, lors d’un entretien au cours duquel ils informent l’intéressé des possibilités thérapeutiques, ainsi que des solutions alternatives en matière d’accompagnement définies notamment à l’article L. 1110-9 du présent code.

« Les médecins peuvent, s’ils le jugent souhaitable, renouveler l’entretien dans les 48 heures.

« Les médecins rendent leurs conclusions sur l’état de l’intéressé dans un délai de quatre jours au plus à compter de la demande initiale du patient.

« Lorsque les médecins constatent la réalité de la situation médicale, l’impasse thérapeutique dans laquelle se trouve la personne ainsi que le caractère libre, éclairé, réfléchi et explicite de sa demande, l’intéressé doit, s’il persiste, confirmer sa volonté de bénéficier d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté, le cas échéant, en présence de la personne de confiance qu’il a désignée.

« Le médecin est tenu de respecter cette volonté.

« L’acte d’euthanasie, pratiqué à la demande du patient sous le contrôle d’un médecin et par ce médecin, ou, dans le cas d’un suicide médicalement assisté, pratiqué à la demande du patient sous le contrôle d’un médecin et par le patient, s’il est en capacité de le faire, en milieu hospitalier ou au domicile du patient, ne peut avoir lieu avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. Les conditions de mise en œuvre de ce bénéfice sont fixées par décret en Conseil d’État.

« L’intéressé peut, à tout moment, et par tout moyen, révoquer sa demande. »

Article 3

I. – L’article L. 1111-11 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-11. – Toute personne majeure et capable peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie et prévalent sur tout autre avis, y compris médical, dans les cas où elles s’appliquent.

« Les directives anticipées peuvent également mentionner une personne de confiance désignée par le patient, en application de l’article L. 1111-6 du présent code.

« Les directives anticipées sont modifiables et révocables à tout moment par l’intéressé.

« Les directives anticipées demeurent valables sans conditions de durée. Le médecin est donc tenu de les respecter pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant.

« Les directives anticipées ainsi que le nom de la personne de confiance sont enregistrés sur la carte vitale des assurés sociaux. »

Un décret en Conseil d’État définit les conditions de rédaction, de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées.

II. – L’article L. 1111-12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La personne de confiance a le même droit d’accès au médical que le titulaire. »

Article 4

Après l’article L. 1111-12 du même code, est inséré l’article L. 1111-12-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1111-12-1. – Lorsqu’une personne majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, infligeant une souffrance physique ou psychique inapaisable ou qu’elle juge insupportable, se trouve dans l’incapacité d’exprimer une demande libre et éclairée, peut bénéficier d’une euthanasie, à la condition que cette volonté résulte de ses directives établies dans les conditions mentionnées à l’article L. 1111-11.

« Après examen du patient, étude de son dossier et, éventuellement, consultation de l’équipe médicale soignante, le médecin fait appel pour l’éclairer à un autre praticien de son choix. Le médecin établit dans un délai de quatre jours au plus à compter de leur saisine pour avis un rapport indiquant si la situation médicale de la personne concernée correspond aux conditions exprimées dans ses directives anticipées, auquel cas elles doivent impérativement être respectées.

« Lorsque le rapport conclut à la possibilité d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté, la personne de confiance désignée dans les conditions prévues à l’article L. 1111-6 du présent code, si elle existe, doit confirmer la volonté du patient. Alors, le médecin est tenu de respecter cette volonté. L’acte d’euthanasie ne peut intervenir avant l’expiration d’un délai de deux jours à compter de la date de confirmation de la demande. »

Article 5

La section 2 du chapitre Ier du livre Ier de la première partie du même code est complétée par trois articles L. 1111-14, L. 1111-14-1 et L. 1111-14-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1111-14. – Dans un délai de huit jours ouvrables à compter du décès, le médecin qui a apporté son concours à l’euthanasie ou au suicide médicalement assisté adresse à la commission régionale de contrôle un rapport exposant les conditions du décès. À ce rapport sont annexés les documents qui ont été versés au dossier médical en application du présent article ainsi que les directives anticipées ; la commission contrôle la validité du protocole. Le cas échéant, elle transmet à l’autorité judiciaire compétente.

« En cas de pronostic vital engagé à très brève échéance, le médecin peut, après en avoir informé la commission régionale qui se réserve la possibilité de dépêcher auprès de lui un médecin-conseiller, ramener l’ensemble du protocole à quatre jours. »

« Art. L. 1111-14-1. – Il est institué auprès du Garde des Sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé de la santé, un organisme dénommé Commission nationale de contrôle des pratiques en matière d’aide médicale à mourir.

« Il est institué dans chaque région une commission régionale présidée par le préfet de région ou son représentant. Elle est chargée de contrôler, chaque fois qu’elle est rendue destinataire d’un rapport d’aide médicale à mourir, si les exigences légales ont été respectées. Si ces exigences ont été respectées, l’article 221-3, le 3 de l’article 221-4 et l’article 221-5 du code pénal ne peuvent être appliquées aux auteurs d’une aide médicale à mourir.

« Lorsqu’elle estime que ces exigences n’ont pas été respectées ou en cas de doute, elle transmet le dossier à la Commission susvisée qui, après examen, dispose de la faculté de le transmettre au Procureur de la République.

« Les règles relatives à la composition ainsi qu’à l’organisation et au fonctionnement des commissions susvisées sont définies par décret en Conseil d’État. Les membres de ces commissions ne peuvent recevoir aucune rémunération due à leur appartenance à ces commissions. »

« Art. L. 1111-14-2. – Est réputée décédée de mort naturelle la personne dont la mort résulte d’une euthanasie ou d’un suicide médicalement assisté mis en œuvre selon les conditions et procédures prescrites par le présent code. »

Article 6

L’article L. 1110-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le médecin n’est pas tenu d’apporter son concours à la mise en œuvre de l’euthanasie ou du suicide médicalement assisté ; dans le cas d’un refus de sa part, il doit, dans un délai de deux jours, s’être assuré de l’accord d’un autre praticien et lui avoir transmis le dossier. »

Article 7

La charge pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la majoration des droits mentionnés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts.


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