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N° 2492

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 décembre 2014.

PROPOSITION DE LOI

visant à lutter contre le gaspillage alimentaire,

(Renvoyée à la commission des affaires économiques, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Jean-Pierre DECOOL,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Fléau de notre société de consommation, le gaspillage alimentaire est d’année en année plus important dans le monde. Plus du tiers des aliments produits pour la consommation humaine sont gaspillés, perdus ou jetés entre le champ et l’assiette, selon FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Depuis 1974, le pourcentage de nourriture perdue a d’ailleurs été multiplié par deux. La France n’est cependant pas en reste avec des chiffres édifiants : selon des sources différentes, les Français gaspilleraient chaque année entre 1,2 à 6 millions de tonnes de nourriture, soit 20 à 90 kg par personne. Pourtant, la précarité s’installe dans des proportions inquiétantes, et certains produits frais sont dénaturés ou destinés à la méthanisation.

Conscient des enjeux économiques, sociaux, nutritionnels, sanitaires et environnementaux que ce gaspillage implique, le Parlement européen s’est récemment lancé dans une bataille « anti-gaspi » déclarant l’année 2014 « Année européenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire ». À l’échelle de la France, les résultats en la matière demeurent peu encourageants et soulèvent de sérieuses interrogations quant à l’efficacité de nos politiques.

Les mesures entreprises depuis quelques années ne semblent en effet pas à la hauteur des enjeux évoqués. Le récent « Pacte national contre le gaspillage alimentaire », présenté il y a plus d’un an par le Ministre Guillaume Garot, en est même un exemple criant. Pourtant porteuses de bonnes intentions, les propositions ne vont malheureusement pas plus loin que de la simple communication et restent par conséquent inefficaces. Il convient donc d’élaborer de véritables mesures incitatives destinées à renforcer la lutte contre ce grand gaspillage alimentaire.

Pour lutter contre le gaspillage alimentaire, il est tout d’abord nécessaire de renforcer l’éducation alimentaire, notamment en restauration collective. Une des priorités d’intervention des services de l’État doit être la mise en place d’actions de sensibilisation dans les établissements scolaires, afin que ces citoyens en devenir puissent accéder à une alimentation de qualité et respectueuse de l’environnement. Il convient donc de leur fournir des outils de compréhension, afin que chaque élève appréhende au mieux les liens fondamentaux existants entre les habitudes de consommation alimentaire, l’environnement, les méthodes de productions agricoles et la santé. L’objectif d’une telle mesure est d’accompagner les acteurs de demain vers des pratiques alimentaires plus durables, et ainsi favoriser une meilleure prise en compte des enjeux de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

Par ailleurs, cet effort devant être collectif, tous les acteurs de la chaine alimentaire doivent par conséquent être mobilisés. Quand on sait qu’une grande surface produit à elle seule 197 tonnes de déchets par an, il paraît ainsi naturel de mettre les professionnels de la grande distribution à contribution. Disposant d’une logistique et d’un stock importants, les grandes surfaces peuvent pratiquer plus facilement que des particuliers le don alimentaire. S’inscrivant dans la lutte contre le gaspillage alimentaire, cette mesure apporte également une aide aux personnes les plus démunies pouvant ainsi bénéficier, via les associations caritatives, de ces invendus. Néanmoins, cette démarche ne repose que sur la seule volonté des exploitants. Un caractère plus systématique devrait donc être inséré à cette démarche en modifiant la législation en vigueur.

C’est ce qu’a par exemple entrepris le Parlement wallon, adoptant récemment un décret visant à lutter contre le gaspillage alimentaire. Une clause expresse a en effet été introduite dans le permis d’environnement (équivalent belge de notre permis d’exploitation commerciale) astreignant les grandes surfaces de distribution alimentaire de plus de 1 000 m2 à proposer leurs invendus consommables à une association caritative avant qu’ils ne partent vers une filière de valorisation ou d’élimination des déchets. Il semblerait donc judicieux de s’inspirer de cette initiative belge, tout en l’adaptant à notre pays.

Afin de combattre cette gabegie alimentaire, il est proposé de modifier la législation en vigueur en prévoyant, pour les grandes surfaces de plus de 1 000 m2, la mise en place d’une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues, encore consommables, au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Certaines enseignes ont déjà prouvé leur générosité, et il n’est bien évidemment pas question de revenir sur la défiscalisation du don.

Il convient enfin de questionner les règles applicables aux dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires. La date limite de consommation (DLC) figure sur les denrées alimentaires périssables préemballées pouvant, après une courte période, présenter un danger immédiat pour la santé. Au-delà de la date indiquée, la commercialisation de ces denrées est d’ailleurs interdite et sanctionnée pénalement. Au contraire de la DLC, la date limite d’utilisation optimale (DLUO) n’est pas impérative, mais simplement indicative. Elle est librement déterminée par le fabricant sur les denrées préemballées. Si le produit est donc considéré comme « périmé », il peut toujours être consommé sans réel danger pour la santé, même si certaines de ses qualités spécifiques (goût, saveur, …) peuvent être altérées.

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) préconise, dans un avis adopté le 28 janvier 2014, de supprimer la date limite d’utilisation optimale (DLUO) sur les produits alimentaires pour ne conserver que la date limite de consommation (DLC). Dans cet avis, l’institution s’alarme de l’ampleur du gaspillage à tous les stades de la chaîne alimentaire en France, qui devient de moins en moins supportable alors qu’en parallèle 3,5 millions de Français bénéficient de l’aide alimentaire. Le CESE estime qu’une amélioration de l’étiquetage des denrées alimentaires, en particulier sur les dates de péremption, serait un levier efficace contre le gaspillage.

C’est pourquoi l’article 3 de la présente proposition de loi a pour objet de demander au Gouvernement, dans un délai de 6 mois après la promulgation de la loi, la publication d’un rapport visant à faire évoluer les règles applicables aux dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires, afin d’optimiser la lutte contre le gaspillage alimentaire tout en garantissant la sécurité sanitaire des consommateurs.

Telles sont les dispositions de la proposition de loi que nous vous demandons d’adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Des actions de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire sont menées dans les établissements scolaires, selon des modalités fixées par décret.

Article 2

Après l’article L. 752-1 du code de commerce, il est inséré un article L. 752-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 752-1-1. – Les magasins de commerce de détail d’une surface supérieure à 1 000 mètres carrés soumis à l’autorisation d’exploitation prévue à l’article L. 752-1 s’engagent à mettre en place une convention d’organisation de la collecte sécurisée des denrées alimentaires invendues encore consommables au profit d’une ou plusieurs associations d’aide alimentaire. Un décret fixe les modalités d’application du présent article, sans remettre en cause les dispositifs de défiscalisation du don. »

Article 3

Dans un délai de 6 mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur les règles applicables aux dates limites de consommation et de péremption des denrées alimentaires afin de les faire évoluer pour lutter contre le gaspillage alimentaire tout en garantissant la sécurité sanitaire des consommateurs.


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