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N° 4010

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 août 2016.

PROPOSITION DE LOI

visant à pénaliser la diffusion d’une information susceptible
de causer un
préjudice à toute personne présente
sur le
lieu d’un attentat,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Pierre MOREL-A-L’HUISSIER,

député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis le début des attentats terroristes de masse en France il y a dix-huit mois, la diffusion instantanée d’informations relatives aux attentats par les médias, et notamment les chaînes audiovisuelles, a entraîné de nombreuses dérives.

En effet, la diffusion d’informations sensibles, de même que la présence de journalistes sur les sites concernés, ont à plusieurs reprises troublé l’action des forces de sécurité, des secours, des services de renseignement, mis en danger les personnes impliquées (forces de l’ordre, otages, etc.), et entraîné des atteintes à la dignité humaine.

Cela a été le cas lors des attentats de janvier 2015, alors que les recherches des terroristes conduites par le RAID et la BRI étaient effectuées sous l’œil des caméras et que la préparation de l’assaut par le RAID devant le supermarché Hypercacher de la porte de Vincennes était filmée. Ces diffusions inappropriées ont créé de réelles difficultés, puisque les terroristes pouvaient suivre en direct les actions des forces de sécurité et avaient donc une longueur d’avance sur leur stratégie d’action, ce qui mettait directement en danger la vie des forces de sécurité.

Suite à ces nombreux dysfonctionnements, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a effectué 15 mises en garde et 21 mises en demeure auprès des chaînes de télévisions et de radios qui ont manqué à leur responsabilité éditoriale.

Cela n’a pas empêché certains médias de récidiver lors des derniers attentats de Nice le 14 juillet 2016, à l’occasion duquel le traitement instantané des informations a encore une fois dérapé : vidéos du camion fonçant sur la population et des corps gisant au sol, interview d’un homme à côté du cadavre de sa femme, diffusion de fausses informations évoquant une prise d’otage non avérée, etc. Ces manquements des médias à la prudence et à la retenue la plus élémentaire ont causé un préjudice grave aux victimes qui ont été atteintes dans leur dignité humaine et également à l’enquête qui a été entravée par la diffusion d’informations erronées.

Sans remettre en cause le rôle primordial des médias dans l’information du public lors d’évènements graves de cette nature, il apparaît que l’équilibre entre la liberté de communication, la protection de l’ordre public et le respect de la dignité humaine n’a pas encore été trouvé.

Il existe certes un cadre juridique et déontologique pour l’exercice de la profession de journaliste à travers la loi pour la liberté de la presse de 1881, la charte éthique professionnelle des journalistes et les conventions signées avec le CSA, mais cela apparaît insuffisant au regard des dérives constatées.

C’est pourquoi nous proposons de créer une infraction caractérisée par la diffusion d’une information susceptible de causer un préjudice à toute personne présente sur le lieu d’un attentat punie d’une amende de 30 000 euros.

Tel est l’objet de la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le paragraphe 3 du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est complété par un article 36 ainsi rédigé :

« Art. 36. – La diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, d’une information susceptible de causer préjudice à toute personne présente sur le lieu d’un attentat, est punie de 30 000 euros d’amende ».


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