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N° 4078

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2016.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

relative au droit de message du Président de la République,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale
de la République, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Roger-Gérard SCHWARTZENBERG, Ary CHALUS, Gérard CHARASSE, Stéphane CLAIREAUX, Olivier FALORNI, Paul GIACOBBI, Joël GIRAUD, Gilda HOBERT, Jacques KRABAL, Dominique ORLIAC, Thierry ROBERT, Stéphane SAINT-ANDRÉ et Alain TOURRET,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Pendant longtemps, la République a pratiqué une stricte et totale séparation entre le chef de l’État et le Parlement, avec qui il ne pouvait avoir aucun contact direct.

S’il voulait communiquer avec les parlementaires, le Président de la République pouvait seulement recourir à des messages qu’il faisait lire, selon les régimes successifs, par un ministre puis par le président de chaque assemblée.

L’absence de contact direct avec le Parlement

Ainsi, initialement, l’article 18 de la Constitution de 1958 disposait à son article 1er : « Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat. »

Cette règle avait une origine historique : la tension entre le chef de l’État, Adolphe Thiers, devenu républicain, et la majorité monarchiste de l’Assemblée nationale, conduite par le duc Albert de Broglie. Redoutant l’influence de Thiers, excellent orateur, et les effets de son éloquence sur les députés, cette majorité adopte la loi du 13 mars 1873, dite souvent « Constitution de Broglie ».

Ce texte vise à éviter au maximum un dialogue direct entre Thiers et l’Assemblée nationale et à y raréfier le plus possible ses interventions, en les soumettant à une procédure très complexe, qualifiée par Thiers lui-même de « cérémonial chinois ». Cette loi du 13 mars 1873 dispose ainsi à son article 1er :

« Le Président de la République communique avec l’Assemblée par des messages qui … sont lus à la tribune par un ministre.

« Néanmoins, il sera entendu par l’Assemblée dans la discussion des lois, lorsqu’il le jugera nécessaire, et après l’avoir informée de son intention par un message.

« La discussion à l’occasion de laquelle le Président de la République veut prendre la parole est suspendue après la réception du message, et le Président sera entendu le lendemain … La séance est levée après qu’il a été entendu, et la discussion n’est reprise qu’à une séance ultérieure. La délibération a lieu hors la présence du Président de la République. »

Cette volonté d’éviter un contact direct entre le chef de l’État et le Parlement a durablement continué d’inspirer la République.

Ainsi, la Constitution de la IVe République dispose à son article 37 :

« Le Président de la République communique avec le Parlement par des messages adressés à l’Assemblée nationale. »

À son tour, initialement, l’article 18 précité de la Constitution de 1958 est rédigé d’une manière qui rappelle presque littéralement l’article 1er, alinéa premier, de la loi de Broglie du 13 mars 1873, en disposant :

« Le Président de la République communique avec les deux assemblées du Parlement par des messages qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat. »

Dès lors, les chefs de l’État de la Vème République n’ont guère recouru à cette procédure peu attractive, à ces messages, lus non par eux-mêmes mais par les présidents des assemblées : au total, ils l’ont fait dix-huit fois seulement en cinquante ans, de 1959 à 2009.

La révision de 2008

Mais cette situation pourrait se modifier avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a complété l’article 18 par un nouvel alinéa, ainsi conçu :

« Le Président de la République peut prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès. Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un débat qui ne fait l’objet d’aucun vote. »

Cette faculté nouvelle a été utilisée deux fois. Le 22 juin 2009, M. Sarkozy a réuni le Congrès pour une déclaration portant sur la France face à la crise économique.

Par ailleurs, dans les circonstances tragiques des attentats commis le 13 novembre 2015, M. Hollande s’est rendu devant le Congrès pour une déclaration le 16 novembre.

Un autre usage, non lié à des circonstances de crise, pourrait aussi être fait de cette procédure. En s’inspirant de la méthode de Pierre Mendès France lorsqu’il était président du Conseil : fixer des objectifs précis et un calendrier d’action pour les atteindre. Ce qu’on appelle aujourd’hui un « agenda », c’est-à-dire un ensemble de mesures et leurs dates de mise en œuvre.

Le chef de l’État pourrait utiliser le nouvel alinéa 2 de l’article 18 de la Constitution pour présenter lui-même un tel agenda devant l’ensemble des parlementaires au début de chaque année. À la manière dont le président des États-Unis se rend au Capitole, autour du 20 janvier, pour y prononcer son « message sur l’état de l’Union ».

La Constitution des États-Unis dispose à son article II, section 3 :

« Le Président informera périodiquement le Congrès sur l’état de l’Union et il recommandera à son attention toute mesure qu’il jugera nécessaire et opportune. »

La pratique a fait de ce message sur l’état de l’Union un discours annuel devant le Congrès : le Président y fait le point sur la situation du pays, sur la politique menée au plan international et sur le programme législatif à réaliser.

L’on pourrait concevoir que l’usage d’une telle procédure devienne obligatoire aussi dans notre pays, avec la présentation devant le Parlement réuni en Congrès d’un message sur l’état de la Nation, fixant le cap pour l’année nouvelle.

Cela donnerait une audience encore accrue au programme d’action présidentiel. En le présentant de façon solennelle à l’ensemble des députés et sénateurs spécialement réunis en Congrès à Versailles et, au-delà, à tous les Français.

Par ailleurs, l’usage de cette procédure ne modifierait pas la nature du régime et n’établirait pas une responsabilité politique du chef de l’État devant les parlementaires. En effet, comme le précise ce nouvel alinéa 2 de l’article 18 de la Constitution, si sa déclaration devant le Congrès peut donner lieu, hors sa présence, à un débat, ce débat ne peut faire l’objet d’aucun vote.

PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Article unique

Compléter l’article 18 de la Constitution par ce quatrième alinéa :

« En janvier de chaque année, le Président de la République présente au Congrès un message sur l’état de la Nation, dans les mêmes conditions de procédure que celles prévues aux deux alinéas précédents. »


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