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N° 79

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 juillet 2012.

RAPPORT

FAIT

PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE
loi de finances rectificative pour 2012 (n° 71),

ET PRÉSENTÉ

PAR M. Christian Eckert,

Rapporteur général,

Député.

——

INTRODUCTION 7

I.– LA SINCÉRITÉ DES PRÉVISIONS POUR 2012 EN QUESTION 9

A.– D’IMPORTANTES MOINS-VALUES DE RECETTES FISCALES PAR RAPPORT À LA PRÉVISION 9

1.– Des moins-values de recettes estimées entre 5 milliards d’euros et 9 milliards d’euros 9

2.– Des contentieux fiscaux à forts enjeux budgétaires 11

B.– UN RISQUE DE DÉRAPAGE DES DÉPENSES DE L’ÉTAT, HORS DETTE ET PENSIONS, DE PRÈS DE 2 MILLIARDS D’EUROS 13

1.– Un cadrage budgétaire déjà très contraint en 2012 14

2.– Différents risques sur les dépenses, hors charge de la dette et des pensions, pouvant atteindre 2 milliards d’euros en 2012 16

a) Les risques correspondant à des impasses de construction en loi de finances initiale 18

b) Les risques sur les dotations pour lesquelles les déterminants de la dépense et leur combinatoire ne sont pas faciles à cerner 20

c) Les risques liés à des événements nouveaux dont l’impact budgétaire ne pouvait être anticipé 21

II.– UN PROJET DE LOI POUR RÉPONDRE À LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE ET ENGAGER LE RÉÉQUILIBRAGE DU SYSTÈME FISCAL 21

A.– UN VOLET FISCAL À VISÉES À LA FOIS BUDGÉTAIRE ET REDISTRIBUTIVE 21

B.– UNE RÉVISION DES RECETTES DE L’ÉTAT CONFORME AUX RECOMMANDATIONS DE LA COUR DES COMPTES 24

1.– Les moins-values sur les recettes fiscales nettes compensées par les mesures nouvelles du projet de loi 25

2.– L’impact des contentieux fiscaux sur les remboursements et dégrèvements 26

3.– Des moins-values sur les recettes non fiscales 27

C.– DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LE BUDGET DE L’ÉTAT TRADUISANT LES ENGAGEMENTS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT 28

1.– Affecter les économies sur la charge de la dette à la réduction du déficit 28

2.– Renforcer les moyens en faveur de l’enseignement scolaire tout en respectant le plafond de dépenses sous la norme « zéro valeur » 30

a) 89,5 millions d’euros de redéploiement de crédits en faveur de l’enseignement scolaire 30

b) Une augmentation de 1,5 milliard d’euros de la réserve de précaution pour absorber les dérapages identifiés par la Cour des comptes 35

3.– Permettre à la Direction de la sécurité et de l’aviation civile (DSAC) d’exercer ses missions de contrôle 37

D.– LE MAINTIEN DE LA PRÉVISION DE SOLDE PUBLIC POUR 2012 38

1.– La compensation de l’ensemble des éléments qui dégradent le solde public 38

2.– Le solde de l’État en réduction du fait de la disparition des prêts à la Grèce 41

E.– UNE RÉVISION À LA BAISSE DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT QUI DEMEURE TOUTEFOIS SUPÉRIEUR À LA PRÉVISION INITIALE 43

EXAMEN DES ARTICLES 47

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

Article premier : Abrogation de la TVA dite sociale 47

Article 2 : Suppression des allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travail 80

Article 3 : Contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012 117

Article 4 : Aménagement des droits de mutation à titre gratuit 129

Article 5 : Suppression de la retenue à la source applicable aux distributions de dividendes de source française à des organismes de placement collectif étrangers et création d’une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les montants distribués 143

Article 6 : Doublement du taux de la taxe sur les transactions financières 159

Article 7 : Création d’une contribution exceptionnelle due par certains établissements de crédit 167

Article 8 : Contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers 184

Article 9 : Versement anticipé de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés 201

Article 10 : Suppression de l’avantage fiscal lié à la provision pour investissement 211

Article 11 : Renversement de la charge de la preuve pour les transferts de bénéfices vers les pays à fiscalité privilégiée 219

Article 12 : Lutte contre les transferts abusifs de déficits 228

Article 13 : Dispositif anti-abus relatif aux schémas de désinvestissement dits « coquillards » 241

Article 14 : Non-déductibilité du bénéfice imposable des abandons de créance à caractère financier 258

Article 15 : Élimination des distorsions entre le régime fiscal des subventions et celui des apports 266

Après l’article 15  276

RESSOURCES AFFECTÉES

Article 16 : Réforme de la contribution de France Telecom à l’État pour la prise en charge de la retraite de ses fonctionnaires 278

Article 17 : Création du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » 283

Article 18 : Ratification d’un décret relatif à la rémunération de certains services rendus par l’Autorité de la concurrence 288

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 19 : Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation des emplois 289

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 – CRÉDITS DES MISSIONS

Article 20 : Budget général : ouvertures et annulations de crédits 293

Article 21 : Budgets annexes : ouvertures et annulations de crédits 294

Article 22 : Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits 295

TITRE II

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS

Article 23 : Plafonds des autorisations d’emplois de l’État 296

TITRE III

DISPOSITIONS PERMANENTES

I.– MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

Article 24 : Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans le secteur des livres 298

Avant l’article 25 304

Article 25 : Assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital des revenus immobiliers de source française (revenus fonciers et plus-values immobilières) perçus par les non-résidents 305

Article 26 : Hausse des contributions patronales et salariales sur les « stock-options » et attributions gratuites d’actions 318

Article 27 : Hausse du forfait social 327

Article additionnel après l’article 27 : Modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la CVAE 337

II.– AUTRES MESURES

Article 28 : Diminution du traitement du Président de la République et du Premier ministre 338

Article 29 : Assouplissement de l’accès aux soins des bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME) 344

Article 30 : Suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger 357

Après l’article 30 370

TABLEAU COMPARATIF 373

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 501

INTRODUCTION

Les premiers mois de la XIVème législature vont être essentiellement consacrés au redressement budgétaire. Le présent projet de loi en constitue la première étape et révèle les principes qui guideront la politique fiscale et budgétaire de la nouvelle majorité.

Tout d’abord, il convient de souligner que le premier article du premier projet de loi du Gouvernement a pour objet de restituer plus de 10 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux ménages. Celui-ci aurait été perdu sous la forme de la TVA dite « sociale » qui devait entrer en vigueur au 1er octobre 2012.

Par ailleurs, l’engagement en faveur de l’assainissement des finances publiques est clair et assumé. L’objectif est de satisfaire dès 2013 les exigences du pacte de stabilité et de croissance en réduisant le déficit public à 3 % du PIB puis d’atteindre l’équilibre à la fin de la mandature.

Aucune charge nouvelle à l’entrée de la nouvelle législature n’est financée par l’accroissement du déficit. La XIIIème législature, au contraire, s’était ouverte par la loi TEPA puis s’était poursuivie par la suppression de la taxe professionnelle. À mi-mandat, plus de 20 milliards d’euros d’allègements fiscaux financés par la dette avaient été distribués et, rattrapée par la réalité budgétaire, la précédente majorité avait dû adopter en urgence une succession de hausses d’impôts dictées par les évolutions de la crise de la zone euro.

Enfin, le redressement budgétaire reposera en priorité sur les ménages et les entreprises dont la capacité contributive est la plus élevée et qui ont bénéficié d’une grande partie des allègements d’impôts octroyés depuis dix ans. Les ménages les plus modestes et les petites et moyennes entreprises doivent, au contraire, être protégés. Le présent projet de loi traduit le choix fondamental ainsi fait par la nouvelle majorité.

En recettes, les mesures fiscales nouvelles portent principalement sur l’imposition du patrimoine et l’impôt sur les sociétés en vue d’entamer le rééquilibrage d’un système fiscal qui favorise les ménages les plus aisés et les grandes entreprises. Avec prudence, un temps de préparation est laissé aux évolutions les plus profondes, notamment portant sur l’impôt sur le revenu, qui seront intégrées à la loi de finances pour 2013.

En dépenses, le nouveau Gouvernement saura faire face en exécution au risque de dérapage résultant d’une construction optimiste du budget initial et financera par redéploiement la priorité accordée au renforcement des moyens dans l’enseignement scolaire.

La nouvelle majorité est contrainte par le manque de sérieux budgétaire qui a marqué la plus grande partie de la précédente législature. Elle reste libre de rendre plus juste le système fiscal et de préserver le modèle social qui distingue
notre pays.

I.– LA SINCÉRITÉ DES PRÉVISIONS POUR 2012 EN QUESTION

L’article 32 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit que « les lois de finances présentent de façon sincère l'ensemble des ressources et des charges de l'État. Leur sincérité s'apprécie compte tenu des informations disponibles et des prévisions qui peuvent raisonnablement en découler. »

Ce principe de sincérité pourrait ne pas avoir été strictement observé par le précédent Gouvernement s’agissant des prévisions pour 2012.

L’audit de l’exécution de l’année 2012 à mi-parcours, demandé expressément par le Gouvernement cette année à sa prise de fonction et inclus dans le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, montre pourtant que la prévision de recettes publiques pourrait être surévaluée dans une fourchette allant de 3 milliards d’euros à 7 milliards d’euros et que les dépenses de l’État pourraient être supérieures d’environ 2 milliards d’euros à la prévision faite en loi de finances initiale.

A.– D’IMPORTANTES MOINS-VALUES DE RECETTES FISCALES PAR RAPPORT À LA PRÉVISION

Les travaux de la Cour des comptes montrent que les prévisions de recettes fiscales fondant les prévisions du projet de loi de finances pour 2012 étaient probablement surévaluées et qu’elles doivent être revues à la baisse. Cette révision à la baisse des recettes publiques est d’autant plus importante que la réévaluation, également à la baisse, de la prévision de croissance du PIB, de 0,7 % à 0,3 %, implique un manque à gagner supplémentaire sur les prélèvements obligatoires.

1.– Des moins-values de recettes estimées entre 5 milliards d’euros et 9 milliards d’euros

Dans le cadre de son récent rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes a évalué les premiers résultats de l’exécution des recettes publiques.

Les prévisions de la Cour des comptes sont fondées sur l’hypothèse d’une croissance du PIB de 0,7 % ou 0,4 % et sur l’objectif de déficit public de 4,4 % du PIB. Le Gouvernement anticipe maintenant avec prudence une croissance du PIB de 0,3 % et un déficit public de 4,5 % du PIB, ce qui implique de retraiter les évaluations de la Cour pour pouvoir les comparer aux prévisions faites dans le présent projet de loi (1).

Comme le montre le tableau ci-après, sur la base des hypothèses du Gouvernement, les moins-values sur les prélèvements obligatoires seraient comprises, selon la Cour des comptes, entre 4,8 milliards d’euros et 9 milliards d’euros.

ESTIMATION DES MOINS-VALUES DE RECETTES PUBLIQUES PAR RAPPORT À LA PRÉVISION DU DERNIER PROGRAMME DE STABILITÉ

(en milliards d’euros)

 

Hypothèse basse

Hypothèse haute

Impôt sur les sociétés

– 1,5

– 3,5

Taxe sur la valeur ajoutée

– 0,4

– 0,6

Impôt sur le revenu

– 0,1

– 0,3

Remboursement impôts locaux

0

– 0,6

DMTO (droits de mutation à titre onéreux)

– 0,8

– 1,2

Prélèvements sur la masse salariale

0

– 0,8

TOTAL avec croissance du PIB à 0,7 % et déficit public à 4,4 % du PIB

– 2,8

– 7

TOTAL avec croissance du PIB à 0,4 % et déficit public à 4,4 % du PIB

– 5,8

– 10

TOTAL avec croissance du PIB à 0,3 % et déficit public à 4,5 % du PIB

– 4,8

– 9

Source : Cour des comptes.

La principale révision à la baisse concerne l’impôt sur les sociétés sur lequel pourraient être constatées des moins-values, par rapport à la dernière prévision, comprises entre 1,5 milliard d’euros et 3,5 milliards d’euros. Au vu d’une telle estimation, il semble que la croissance spontanée de produit serait très faible, voire négative.

L’évaluation de la Cour est fondée sur les versements effectués au titre du premier acompte en avril dernier. L’exploitation des résultats du deuxième acompte, versé le 15 juin, permettrait, selon la Cour, une estimation plus précise. Les incertitudes demeureront néanmoins jusqu’au versement du cinquième acompte (2) en décembre prochain, dont le montant s’est situé dans une fourchette de 1 milliard d’euros (en 2008) à 3,5 milliards d’euros (en 2011) au cours des dernières années. Lors de son audition par la commission des Finances le 4 juillet dernier, le Premier président de la Cour des comptes M. Didier Migaud a estimé que de telles moins-values d’impôt sur les sociétés étaient pourtant « prévisibles ».

Concernant la taxe sur la valeur ajoutée, la Cour des comptes remarque que la prévision de croissance spontanée de l’imposition – 2,6 % – est supérieure à l’extrapolation en année pleine de la croissance des emplois taxables constatée depuis le début de l’année – 2,2 %. Elle en déduit que la moins-value par rapport à la prévision pourrait être comprise entre 0,4 milliard d’euros et 0,6 milliard d’euros.

La prévision d’impôt sur le revenu pourrait être revue à la baisse à hauteur de 0,1 à 0,3 milliard d’euros en raison d’incertitudes sur le rendement de la réforme de l’imposition des plus-values immobilières. Le produit que celle-ci doit générer pourrait être inférieur à la prévision en raison des « évolutions du marché immobilier ». En d’autres termes, il est possible que la réforme de l’imposition des plus-values immobilières rapporte moins que prévu, ce qui pourrait être lié au fait qu’un nombre substantiel d’opérations ait été anticipé avant l’entrée en vigueur de la réforme, et que, depuis, le nombre des transactions sur les résidences secondaires comme leur prix suivent une tendance baissière.

Les remboursements d’impôts locaux pourraient être majorés de 0,6 milliard d’euros. Les dégrèvements de contribution économique territoriale au titre de l’écrêtement des pertes pourraient ne pas avoir été entièrement comptabilisés en 2011. Si une telle hypothèse était vérifiée, une partie des dégrèvements dus en 2011 viendrait alourdit le déficit pour 2012.

La Cour des comptes rappelle que, dans le champ des administrations publiques locales, la prévision de droits de mutation à titre onéreux pour 2012 supposait une stabilité du produit de ces impositions par rapport à 2011. Or, l’année 2011 a été marquée par un pic historique dû en partie à l’anticipation de cessions du fait de l’entrée en vigueur du nouveau régime d’imposition des plus-values immobilières. Elle estime qu’un rendement inférieur de 0,8 milliard d’euros à 1,2 milliard d’euros à la prévision est à craindre, traduisant une baisse de l’ordre de 10 % du produit de l’impôt.

Enfin, les recettes des administrations de sécurité sociale seraient inférieures de 0,8 milliard d’euros à la prévision faite sur la base d’un taux de croissance du PIB de 0,7 %. Cette réévaluation serait due au fait que l’ajustement de l’emploi et des salaires au ralentissement conjoncturel serait plus rapide que prévu.

2.– Des contentieux fiscaux à forts enjeux budgétaires

La Cour des comptes souligne les enjeux budgétaires de deux contentieux fiscaux qui pourraient alourdir substantiellement le déficit public en 2013 et 2014.

D’une part, à la suite d’un avis préjudiciel rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en septembre 2011, l’État a été condamné dans une affaire de « précompte mobilier » (3).

La prévision de déficit public associée au dernier programme de stabilité anticipait un versement de 2 milliards d’euros en 2012 à ce titre. Toutefois, en comptabilité nationale, les versements sont pris en compte au moment où les décisions définitives sont rendues par la justice. Le Conseil d’État devant juger les premières affaires seulement à l’automne, la Cour des comptes estime que peu de jugements définitifs seront rendus en 2012 et que l’impact de ces affaires sur le solde public serait limité à 0,2 milliard d’euros en 2012 (4).

De ce fait, le solde public de 2012 serait amélioré de 1,8 milliard d’euros par rapport à la dernière prévision. En revanche, en 2013 et probablement encore en 2014, le déficit public sera alourdi à mesure que les tribunaux condamneront l’État, pour un total de l’ordre de 4 milliards d’euros.

D’autre part, à la suite d’un avis préjudiciel rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 10 mai 2012, l’État a été condamné dans une affaire relative à l’imposition des OPCVM (5). Une telle condamnation n’a pas été anticipée par le précédent Gouvernement alors qu’elle semblait prévisible. Selon la Cour des comptes, le risque de condamnation de l’État « était considéré comme élevé par la Direction générale des finances publiques et avait été exposé dans une note au ministre début février ». Le projet de loi de finances rectificative pour 2012 ayant été déposé le 8 février, il aurait dû intégrer cette charge conformément au principe de sincérité prévu à l’article 32 de la LOLF.

Selon la Cour des comptes, cette condamnation devrait se traduire par des versements de 1,5 milliard d’euros en 2012 puis d’environ 1,75 milliard d’euros en 2013 et en 2014.

En définitive, la prévision de solde public pour 2012 serait améliorée de 0,3 milliard d’euros du fait de ces contentieux fiscaux (6). La dernière prévision intègre en effet une dépense de 2 milliards d’euros au titre du précompte mobilier. Ce versement serait limité à 0,2 milliard d’euros, ce qui permettrait de compenser la dépense supplémentaire de 1,5 milliard d’euros au titre de contentieux relatif aux OPCVM. Le tableau suivant récapitule ces éléments.

PRÉVISION INITIALE ET PRÉVISION ACTUALISÉE DES DÉPENSES SUPPORTÉES EN 2012
DU FAIT DES CONTENTIEUX FISCAUX

(en milliards d’euros)

 

Précompte

OPCVM

TOTAL

Prévision PSTAB

– 2

0

– 2

Prévision actualisée

– 0,2

– 1,5

– 1,7

Écart prévision actualisée/prévision PSTAB

+ 1,8

– 1,5

+ 0,3

Source : Cour des comptes.

NB : impact en comptabilité nationale.

En revanche, les années 2013 et 2014 seraient fortement marquées par l’impact de ces contentieux fiscaux. Selon la Cour des comptes, ils dégraderaient le solde de 5,75 milliards d’euros en 2013 et de 1,75 milliard d’euros en 2014. Il est toutefois possible que les jugements rendus par les tribunaux soient davantage étalés dans le temps et qu’en conséquence la charge pesant sur les comptes publics le soit également.

IMPACT PRÉVISIBLE SUR LE SOLDE PUBLIC DES CONTENTIEUX FISCAUX

(en milliards d’euros)

 

2013

2014

Précompte

4

0

OPCVM

1,75

1,75

TOTAL

5,75

1,75

Source : Cour des comptes.

Au total, compte tenu des versements déjà effectués au titre de l’affaire du précompte mobilier et des intérêts moratoires, le coût total de ces contentieux s’établirait, selon la Cour des comptes, à 4,2 milliards d’euros au titre du précompte mobilier et à 5 milliards d’euros au titre des OPCVM (7). Les intérêts moratoires auraient pu être moins élevés si les précédents Gouvernements avaient pris l’initiative d’adapter en temps utile la législation aux exigences communautaires, telles qu’elles pouvaient aisément être comprises.

B.– UN RISQUE DE DÉRAPAGE DES DÉPENSES DE L’ÉTAT, HORS DETTE ET PENSIONS, DE PRÈS DE 2 MILLIARDS D’EUROS

Dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, la Cour des comptes considère qu’il existe des risques potentiels de dérapages des dépenses entrant dans le champ de la norme « zéro valeur », compris dans une fourchette de 1,2 à 2 milliards d’euros, alors même que le cadrage budgétaire pour 2012 se révèle particulièrement contraint par rapport aux années précédentes.

1.– Un cadrage budgétaire déjà très contraint en 2012

Compte tenu des différentes mesures de rigueur adoptées dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2012, les dépenses de l’État devraient baisser de 0,5 % sous le périmètre de la norme « zéro volume » (8) et de 0,4 % sous le périmètre de la norme « zéro valeur », par rapport à la loi de finances initiale pour 2011(9).

La loi de finances initiale pour 2012 retient en effet un objectif de progression des dépenses de l’État sous la norme « zéro volume » limitée à 1,13 % soit une progression de 4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, alors que l’inflation prévisionnelle pour 2012 s’élève à 1,7 %.

Sur le champ de la norme « zéro valeur », la loi de finances initiale pour 2012 anticipe une baisse des dépenses de 1,2 milliard d’euros par rapport à la prévision initiale pour 2011, ce qui représente une baisse de 0,4 % d’une année sur l’autre. Cette économie porte pour un milliard d’euros sur les dépenses du budget général et pour 0,2 milliard sur le prélèvement sur recettes (PSR) en faveur des collectivités territoriales.

Cette contrainte budgétaire initiale résulte de l’adoption de deux vagues d’économies successives par rapport au projet de loi de finances initiale pour 2012, annoncées par le précédent Gouvernement le 24 août puis le 7 novembre 2011, dont le détail est rappelé dans le tableau ci-après :

« COUPS DE RABOT » SUR LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2012

(en millions d’euros)

 Plan de rigueur du 24 août 2011 (1)

1 078

« Un milliard d'économies »

1 000

Effort demandé aux collectivités territoriales

200

Effort demandé aux opérateurs

– dont prélèvement sur les trésoreries de l’ONEMA (55 millions d’euros) de l’ANTS (41,8 millions d’euros) et de l’INPI (3 millions d’euros)

– dont plafonnement des taxes affectées (94 millions d’euros)

– dont réduction des subventions pour charge de service public (122,2 millions d’euros)

316

Effort sur les dépenses des missions du budget général

484

Équilibrage du compte du bonus/malus automobile

78

Réduction des crédits des pouvoirs publics (2)

29

dont Assemblée Nationale

16

dont Sénat

10

dont Présidence de la République

3

Plan de rigueur du 7 novembre 2011 (3)

588

« 500 millions d’euros d’économie sur le budget général »

500

dont l’instauration d’un jour de carence

120

dont la réduction des frais de communication et de représentation

36

dont des réductions ciblées sur les dépenses du budget général

344

Indexation des allocations logement à 1 % au lieu de l’inflation

88

TOTAL (1+2+3)

1 695

Si ce cadrage budgétaire est conforme à la trajectoire fixée par le budget triennal 2011-2013 dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques du 28 décembre 2010, traduisant déjà un effort important de limitation des dépenses, il a encore été renforcé par la première loi de finances rectificative pour 2012 du 14 mars 2012 (LFR I).

Celle-ci a en effet resserré la contrainte sur la dépense sous le périmètre « zéro valeur » compte tenu d’une annulation de 1,2 milliard d’euros des crédits des missions du budget général, dont un milliard d’euros sur les crédits mis en réserve (10). Ce sont ainsi les missions Défense (322 millions d’euros) et Écologie (220 millions d’euros) ainsi que le programme Épargne (120 millions d’euros) qui ont absorbé plus de 50 % des annulations de crédits de paiement. Au total, le plafond de dépense sous le périmètre de la norme « zéro valeur » a donc été révisé à la baisse : par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, les dépenses de l’État, hors charge de la dette et des pensions, reculeraient de 2,4 milliards d’euros, soit une baisse de 0,9 % d’une année sur l’autre.

Sur le champ de la norme « zéro volume », la loi de finances rectificative précitée a par ailleurs réduit de 0,7 milliard d’euros la prévision de dépense au titre de la charge de la dette, compte tenu des taux d’intérêt très bas constatés en début d’année, ramenant la progression annuelle de ce périmètre de dépenses de 1,13 % à 0,6 %.

ÉVOLUTION DES NORMES DE DÉPENSES ENTRE LA PRÉVISION 2011 ET LA PRÉVISION 2012

(en milliards d’euros)

Champ 2012

LFI 2011

LFI 2012

Écart LFI 2012 /LFI 2011
(en %)

LFR I 2012

Écart LFR I /LFI 2011
(en %)

Budget général (sur le périmètre de la norme)

205,44

204,30

– 0,55

203,10

– 1,14

PSR Union européenne (*)

18,24

18,88

+ 3,51

18,88

+ 3,51

PSR collectivités territoriales (*)

52,45

51,75

– 1,33

51,75

– 1,33

Norme « 0 valeur »

276,12

274,92

– 0,43

273,72

– 0,87

Charge de la dette

45,38

48,77

+ 7,47

48,07

+ 5,93

Contribution des ministères au CAS Pensions sur le titre 2

35,79

37,64

+ 5,17

37,64

+ 5,17

Norme « 0 volume »

357,29

361,34

+ 1,13

359,44

+ 0,60

Source : Cour des comptes

(*) PSR = prélèvement sur recettes

Le cadrage budgétaire en résultant est ainsi nettement plus contraint que celui prévu en loi de programmation pour l’exercice 2012 comme le montre le tableau ci-après :

COMPARAISON LFI/LFR I/BUDGET TRIENNAL

(en milliards d’euros)

 

LPFP
(2012)

LFI 2012

Écart
LFI-LPFP

LFR I 2012

Écart
LFR I-LPFP

Mission budget général (hors dette et pensions)

204,51

204,30

– 0,21

203,10

– 1,41

Norme « 0 valeur »

276,12

274,92

– 1,20

273,72

– 2,4

Norme « 0 volume »

363,56

361,34

– 2,22

359,44

– 4,12

dont charge de la dette

50,51

48,77

– 1,74

48,07

– 2,44

Source : lois de finances et Cour des comptes

Le respect de tels objectifs de dépense impose dès lors d’éviter tout dérapage important en cours d’exercice. Or, selon l’audit mené par la Cour des comptes, la situation des dépenses au 30 juin 2012 ferait peser un risque de dérapage important des dépenses sous la norme « zéro valeur », qui pourrait atteindre deux milliards d’euros.

2.– Différents risques sur les dépenses, hors charge de la dette et des pensions, pouvant atteindre 2 milliards d’euros en 2012

La Cour des comptes précise à titre liminaire que l’accélération du rythme de consommation des crédits en 2012 (+ 7 milliards d’euros en avril 2012 par rapport à avril 2011) ne doit pas être considérée comme l’indice d’un risque global de dérapage de la dépense. Elle résulte en effet du passage en 2010-2011 de la gestion de la majorité des programmes du budget général dans le progiciel de gestion budgétaire et comptable CHORUS. L’utilisation de ce nouvel outil s’est accompagnée de délais d’adaptation pour les services gestionnaires qui ont ralenti le rythme de consommation des dépenses en 2010 et 2011. L’année 2012 marquerait donc le retour à une normalité interrompue en 2010.

La Cour n’en demeure pas moins inquiète car elle identifie plusieurs risques de dérapage des dépenses par rapport à la ligne rouge que constitue le plafond de dépenses sous la norme « zéro valeur » (fixé à 273,7 milliards d’euros). Elle évalue le montant global de ces dérapages dans une fourchette de 1,2 à 2 milliards d’euros, comme le montre le tableau ci-après.

Selon le Rapporteur général, ces risques peuvent être classés selon trois catégories : ceux correspondant à des sous-budgétisations initiales, ceux dont les facteurs d’évolution sont peu maîtrisables et ceux résultant d’éléments nouveaux.

L’analyse de ces différents risques montre que, pour l’essentiel, les dérapages anticipés par la Cour résultent d’une mauvaise budgétisation initiale, de nature à remettre en cause la sincérité du précédent Gouvernement en la matière.

ÉVALUATION DES RISQUES POTENTIELS SUR LE PÉRIMÈTRE
DE LA NORME « ZÉRO VALEUR »

(en milliards d’euros)

 

Risque

Missions

Hypothèse basse

Hypothèse haute

Action extérieure de l’État

120

120

Administration générale et territoriale de l’État

70

70

Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales

225

225

Défense

500

600

Engagements financiers de l’État

100

100

Enseignement scolaire

0

80

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

100

100

Immigration, asile et intégration

55

100

Justice

40

100

Médias, livre et industries culturelles

50

50

Outre-mer

70

70

Recherche et enseignement supérieur

0

120

Régimes sociaux et de retraite

15

15

Relations avec les collectivités territoriales

70

100

Solidarité, insertion et égalité des chances

320

420

Travail et emploi

20

200

Ville et logement

125

250

Total mission hors dette et pensions

1 880

2 720

Marges liées à la sous-consommation des crédits disponibles

– 800

– 800

Risque sur le PSR Union européenne

100

100

Risque sur le PSR collectivités locales

0

0

Total champ de la norme « zéro valeur »

1 180

2 020

Source : Cour des comptes

a) Les risques correspondant à des impasses de construction en loi de finances initiale

La Cour identifie tout d’abord un risque de dérapage de la masse salariale par rapport à la prévision (11) qui pourrait atteindre 300 millions d’euros. Ce risque est réparti entre différentes missions mais pèse pour les 2/3 sur les crédits de rémunération du ministère de la Défense, notamment en raison du coût des mesures de restructuration prévues par la loi de programmation militaire 2009-2014 (12). Pour le reste, la Cour estime que les dérapages sur la masse salariale pourraient concerner la mission Recherche et enseignement supérieur à la suite du passage aux responsabilités élargies des universités, la mission Enseignement scolaire, compte tenu de la difficulté à prévoir le montant des heures supplémentaires, ainsi que la mission Justice au regard de l’évolution des dépenses de personnel de l’administration pénitentiaire.

Pour la seule mission Défense, le risque de dérapage des dépenses en 2012 résulterait également d’une sous-budgétisation chronique des opérations extérieures (OPEX) à hauteur de 200 millions d’euros, des dépenses de carburants à hauteur de 100 millions d’euros et des dépenses d’infrastructures à hauteur de 70 millions d’euros. Au total, le dérapage des dépenses de cette mission serait ainsi compris entre 500 et 600 millions d’euros, ce qui représente 25 à 50 % de l’ensemble des risques identifiés par la Cour. Il faut néanmoins observer que ce risque aurait été réduit de moitié si la première loi de finances rectificative pour 2012 n’avait pas diminué les crédits mis en réserve au titre de cette mission de 322 millions d’euros.

La Cour observe ensuite un risque de dérapage des dépenses de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances résultant soit d’une sous-estimation systématique de certaines dépenses en loi de finances initiale (principalement au titre de l’allocation adulte handicapé à hauteur de 280 millions d’euros), soit d’une absence de budgétisation initiale de l’allocation exceptionnelle de fin d’année (dite « prime de noël ») qui représente un besoin de financement complémentaire de 380 millions d’euros. La Cour propose néanmoins que, comme en fin d’année 2011, la majeure partie de la prime de noël soit financée par un prélèvement d’une partie de la trésorerie du Fonds national des solidarités
actives (FNSA), à hauteur de 300 millions d’euros. Si tel était le cas, le risque de dérapage des crédits de cette mission serait limité à une fourchette comprise entre 125 et 250 millions d’euros.

La Cour relève également un risque traditionnel de dérapage lié à une sous-budgétisation des dépenses de la mission Ville et logement au titre des aides personnelles au logement (100 à 200 millions d’euros) et de l’hébergement d’urgence (45 à 65 millions d’euros) par le précédent Gouvernement.

Sur la mission Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales, la loi de finances initiale a majoré les crédits par rapport à la prévision du triennal 2011-2014 de 170 millions d’euros, et la première loi de finances rectificative n’a procédé qu’à une annulation de 56 millions d’euros. Toutefois, cette marge de manœuvre sera insuffisante pour couvrir les menaces identifiées sur cette mission : couverture des crédits du plan sécheresse 2011 (112 millions d’euros), refus d’apurement communautaire de certaines aides agricoles versées par la France (124 millions d’euros), remboursement de l’exonération de charges au profit des emplois agricoles permanents si celle-ci était déclarée contraire au droit communautaire par la Commission européenne (210 millions d’euros). La Cour ayant identifié certaines marges de manœuvre, elle évalue le risque de dérapage à 225 millions d’euros en 2012.

Sur la mission Travail et emploi, la Cour constate aussi que malgré la dotation en loi de finances initiale, légèrement supérieure au triennal 2011-2014 (+ 70 millions d’euros diminués de 7 millions d’euros en loi de finances rectificative du 14 mars 2012), différents risques pèsent toujours sur l’exécution 2012 dont certains résultent d’une mauvaise budgétisation initiale. Il s’agit notamment du surcoût probable des allocations de solidarité (150 millions d’euros), des dispositifs AER (13) et AFDEF (14) à hauteur de 100 millions d’euros et de la reconduction probable de la prime de noël pour les bénéficiaires de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) à hauteur de 65 millions d’euros. En outre, la Cour s’interroge sur le coût des mesures actées lors du sommet social de crise de janvier 2012 qui pourrait être supérieur au redéploiement de crédits réalisés dans la première loi de finances rectificative. Selon les marges qui pourront être dégagées en cours de gestion sur d’autres postes de dépenses, la Cour estime que le risque de dérapage pourrait être compris entre 20 et 200 millions d’euros.

Comme chaque année depuis trois ans, un dérapage des dépenses de la mission Recherche et Enseignement supérieur sur le programme Vie étudiante est attendu par la Cour, compte tenu d’une sous-estimation chronique des effectifs concernés (88 millions d’euros) et de l’instauration d’un 10ème mois de bourse en 2011 (70 millions d’euros). Étant donné les redéploiements de crédits susceptibles d’être opérés sur cette mission, la Cour évalue néanmoins le risque de dérapage à 120 millions d’euros au plus en 2012.

Enfin, en dépit d’un rebasage à la hausse des crédits de la mission Asile et Immigration (au titre de l’allocation temporaire d’urgence et de l’hébergement d’urgence), d’une part, et de la mission Justice (au titre des frais de justice), d’autre part, la Cour estime que les dérapages classiques rencontrés depuis plusieurs années se reproduiront en 2012 pouvant atteindre pour chacune de ces missions 100 millions d’euros.

b) Les risques sur les dotations pour lesquelles les déterminants de la dépense et leur combinatoire ne sont pas faciles à cerner

En premier lieu, la Cour identifie des risques sur les dépenses liées à l’évolution des taux de change au détriment de l’euro, en particulier sur la mission Action extérieure de l’État (120 millions d’euros).

En deuxième lieu, la Cour estime que la baisse du versement des primes d’épargne logement, prévu par la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 (- 120 millions d’euros), peut-être de manière prématurée, pourrait ne pas se confirmer. Dans ce cas, les crédits du programme Épargne de la mission Engagements financiers de l’État devraient être majorés de 100 millions d’euros.

En troisième lieu, si la Cour considère que le prélèvement sur recettes en faveur des collectivités territoriales semble en ligne avec le montant prévu en loi de finances initiale, non modifié en loi de finances rectificative, soit 51,75 milliards d’euros, elle relève le risque lié aux incertitudes habituelles existant sur des dispositifs tels que le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), qui dépend lui-même de l’évolution des investissements éligibles des collectivités locales, ou encore sur les allocations compensatrices d’exonérations de fiscalité directe. La Cour identifie également un risque sur la mission Relations avec les collectivités territoriales qui pourrait s’élever à 35 millions d’euros si l’État était condamné en cassation à réévaluer le montant de la compensation allouée aux régions en contrepartie du transfert de compétences en matière de transports collectifs d’intérêt régional dans le contentieux qui l’oppose à la région Nord-Pas-de-Calais.

En dernier lieu, le prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, pourrait être majoré de 100 millions d’euros au minimum, en cas de baisse des recettes douanières communautaires qu’il conviendrait de compenser.

c) Les risques liés à des événements nouveaux dont l’impact budgétaire ne pouvait être anticipé

En pratique, la Cour ne constate aucun risque de dérapage des dépenses de l’État lié à des événements nouveaux dont l’impact budgétaire ne pouvait être anticipé. Les seules révisions – non prévisibles – sont à la baisse. Elles concernent, d’une part, la charge de la dette, en raison de la poursuite de la baisse des taux courts, qui permettrait, selon la Cour, une économie de 0,6 milliard d’euros par rapport à la première loi de finances rectificative, d’autre part, la charge des pensions, qui pourrait être inférieure de 0,1 milliard d’euros à la prévision.

Ceci confirme, s’il le fallait encore, que le précédent Gouvernement n’a pas strictement respecté le principe de sincérité, prévu par l’article 32 de la LOLF, à l’occasion de la préparation de la loi de finances initiale et, plus encore, de la loi de finances rectificative, qui aurait pu être l’occasion d’opérer un redressement de plus grande ampleur.

Il appartient désormais à la nouvelle majorité de tirer les conséquences du passé, de façon responsable, afin de répondre à la contrainte budgétaire tout en finançant ses nouvelles priorités pour assurer le redressement dans la justice.

II.– UN PROJET DE LOI POUR RÉPONDRE À LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE ET ENGAGER LE RÉÉQUILIBRAGE DU SYSTÈME FISCAL

A.– UN VOLET FISCAL À VISÉES À LA FOIS BUDGÉTAIRE ET REDISTRIBUTIVE

Le tableau suivant récapitule l’ensemble des mesures nouvelles prévues en recettes par le présent projet de loi.

Générant un surplus de ressources évalué à 7,2 milliards d’euros en 2012, ce volet fiscal a pour objet de compenser les moins-values de recettes publiques décrites plus bas et de permettre le respect de l’objectif de déficit public de 4,5 % du PIB en 2012.

LE VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI

(en millions d’euros)

 

2012

2013

TOTAL

TOTAL MESURES NOUVELLES

7,2

3,2

10,4

 

 

 

 

Prélèvements sur le capital et ses revenus

3,3

0,8

4,1

Suppression TVA sociale/maintien de la hausse de 2 % du prélèvement social

0,8

1,8

2,6

Contribution exceptionnelle sur la fortune

2,3

– 2,3 *

0,0

Hausse des droits de mutation à titre gratuit

0,1

1,1

1,2

Prélèvement social sur les stock-options

0,1

0,2

0,3

Contribution de 3 % sur les dividendes

0,3

0,7

1,0

Régime applicable aux OPCVM

– 0,3

– 0,7

– 1,0

 

 

 

 

Réduction de niches relatives aux entreprises

1,6

3,8

5,3

Suppression de l’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires

1,0

2,0

3,0

Hausse du forfait social

0,55

1,75

2,3

 

 

 

 

Contribution des banques et des pétroliers

1,3

– 0,8

0,5

Contribution exceptionnelle des banques

0,6

– 0,6

0,0

Taxe sur les transactions financières

0,2

0,3

0,5

Contribution exceptionnelle des entreprises pétrolières

0,6

– 0,6 *

0,0

 

 

 

 

Mesures à l'IS anti-optimisation

0,2

1,06

1,26

Subventions/apports IS

0,04

0,2

0,24

Coquillards

0,04

0,2

0,24

Non déductibilité abandon créances

0,04

0,2

0,24

Transferts abusifs déficit

0,04

0,2

0,24

Anti-abus (autre)

0,04

0,2

0,24

Suppression provision investissement

0,00

0,06

0,06

 

 

 

 

Autres mesures

0,9

– 1,4

– 0,6

Anticipation du versement de la surcontribution de 5 % à l’IS

0,8

– 1,6 **

– 0,8

Prélèvements sociaux non résidents

0,05

0,25

0,3

Taux réduit TVA livre

0,0

– 0,05

– 0,05

Source : d’après les évaluations préalables annexées au projet de loi.

NB : les évaluations indiquées dans le tableau correspondent au surplus ou au manque à gagner découlant de la mesure nouvelle par rapport à l’année précédente. À titre d’exemple, la suppression de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires génère un produit supplémentaire de 2 milliards d’euros en 2013 par rapport à 2012 pour un total en année pleine de 3 milliards d’euros.

* Le présent projet de loi prévoit à ce stade que la contribution sur la fortune et celle des banques sont exceptionnelles et n’ont pas vocation à produire de rendement en 2013. En conséquence, il en résulte un manque à gagner en 2013 par rapport à 2012 dû à la disparition de la mesure, qui est traduit par une perte de recettes dans le tableau.

** En 2012, l’anticipation de l’acompte prévu par le projet de loi conduit à ce que l’État perçoive 1,6 milliard d’euros (versements au titre de 2012 et au titre de 2013 soit 0,8 milliard d’euros de plus que prévu initialement. En 2013, l’État ne percevra aucun versement. En conséquence, le manque à gagner par rapport à 2012 s’établira à 1,6 milliard d’euros.

Le volet fiscal du présent projet de loi a également pour objet d’entamer le rééquilibrage du système fiscal par la mise à contribution prioritaire des ménages aisés et des entreprises. Le graphique suivant illustre l’équilibre retenu par le Gouvernement.

LE VOLET FISCAL DU PROJET DE LOI

NB : répartition de l’impact budgétaire du volet fiscal du présent projet de loi en 2012.

En premier lieu, comme l’illustre le graphique suivant, près de la moitié du rendement attendu en 2012 repose sur les prélèvements sur le capital et ses revenus et, plus spécifiquement, sur les prélèvements de cette nature pesant sur les ménages les plus aisés. La principale mesure concerne ainsi la contribution exceptionnelle sur la fortune qui pèsera sur les contribuables détenant un patrimoine taxable net de dettes d’au moins 1,3 milliard d’euros. Cette contribution n’est pas plafonnée, de manière à récupérer le coût du bouclier fiscal au titre de 2012, estimé à 0,4 milliard d’euros.

Par ailleurs, outre le fait que le délai de rapport fiscal soit rallongé à 15 ans, le présent projet de loi ramène les abattements applicables aux donations et successions à 100 000 euros par enfant et par parent. Un enfant pourra donc, malgré la diminution de l’abattement, recevoir de ses parents jusqu’à 200 000 euros en franchise d’impôt quand le patrimoine brut médian des Français s’élève à 150 000 euros.

En deuxième lieu, le présent projet de loi a également pour objet de supprimer les niches fiscales créant des incitations économiquement contestables.

L’incitation fiscale et sociale à recourir aux heures supplémentaires tend à décourager l’embauche de nouveaux salariés. La nouvelle majorité estime que, compte tenu d’un taux de chômage proche de 10 % de la population active, la priorité est de mobiliser l’ensemble des instruments, y compris fiscaux et sociaux, pour favoriser l’emploi. Dans cette perspective, l’article 2 du présent projet de loi prévoit la suppression partielle de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires.

En favorisant l’emploi, une telle mesure vise à soutenir le pouvoir d’achat des personnes qui retrouveraient un emploi. Néanmoins, il est vrai qu’elle tend à limiter la croissance du pouvoir d’achat des salariés qui actuellement réalisent des heures supplémentaires. Dans le but de compenser ce manque à gagner potentiel, l’article 1er du présent projet de loi supprime la hausse de 1,6 point du taux normal de taxe sur la valeur ajoutée adoptée par la précédente majorité, permettant de « rendre » aux consommateurs un montant de l’ordre de 10,6 milliards d’euros en année pleine.

La nouvelle majorité estime que la fiscalité ne doit pas non plus inciter un employeur à rémunérer ses salariés par des mécanismes variables – participation, intéressement, etc. au détriment du salaire, conduisant notamment à reporter sur les employés le risque associé aux variations des résultats de l’entreprise. L’impact du développement de ces modes de rémunération sur le pouvoir d’achat des salariés est, par ailleurs, très incertain comme le remarque le Conseil des prélèvements obligatoires (15) qui parle « d’une substitution probable de l’épargne salariale à des hausses de salaires » et recommande une hausse substantielle du forfait social. Une telle proposition est reprise par l’article 27 du présent projet de loi.

En troisième lieu, compte tenu de leur capacité contributive située au-dessus de la moyenne des entreprises, les banques et les entreprises pétrolières sont mises à contribution par des impositions, exceptionnelles pour l’année 2012, qui leur sont spécifiques (articles 6 à 8), pour un montant total de 1,3 milliard d’euros en 2012.

Enfin, une première réponse est apportée à la sous-imposition des grandes entreprises (16) avec diverses mesures tendant à limiter les pratiques d’optimisation constatées à l’impôt sur les sociétés. Le rendement en régime de croisière de ces mesures est estimé à 1,1 milliard d’euros – une telle estimation paraissant néanmoins pour le moins fragile compte tenu de la difficulté à évaluer le nombre d’entreprises ayant recours aux pratiques visées.

B.– UNE RÉVISION DES RECETTES DE L’ÉTAT CONFORME AUX RECOMMANDATIONS DE LA COUR DES COMPTES

Comme l’indique le tableau suivant, tant les recettes fiscales que les recettes non fiscales sont revues à la baisse par le présent projet de loi. La réévaluation proposée par le Gouvernement est en ligne avec les estimations de la Cour des comptes.

Les mesures fiscales nouvelles, dont le produit affecté à l’État est évalué à 4,9 milliards d’euros, permettent de compenser en quasi-totalité ces moins-values.

LA RÉVISION DES RECETTES DU BUDGET GÉNÉRAL

(en milliards d’euros)

 

LFR 1

Moins-values

Mesures nouvelles

Autres

PLFR 2

Recettes totales du budget général

299,3

– 5

4,6

– 1

298

Recettes fiscales nettes *

283,5

– 4,8

4,9

– 1

282,7

Recettes non fiscales

15,8

– 0,2

– 0,3

0

15,3

* Recettes fiscales nettes des seuls remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.

1.– Les moins-values sur les recettes fiscales nettes compensées par les mesures nouvelles du projet de loi

Les recettes fiscales nettes (17) sont revues à la baisse par le présent projet de loi, de 283,5 milliards d’euros dans la dernière prévision à 282,7 milliards d’euros. Comme l’illustre le tableau suivant, les moins-values anticipées sur l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée, estimées à 4,8 milliards d’euros, sont compensées par les mesures nouvelles dont le produit est affecté au budget de l’État.

Rappelons que, sur l’ensemble des administrations publiques, la révision à la baisse de la prévision de prélèvements obligatoires est également compensée par le produit des mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi, en l’absence d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.

LA RÉVISION DES RECETTES FISCALES NETTES

(en milliards d’euros)

 

LFR 1

Moins-values

Mesures nouvelles

Autres

PLFR 2

Recettes fiscales nettes *

283,5

– 4,8

4,9

– 1

282,7

Impôt sur le revenu net

60

60

Impôt sur les sociétés net

43,1

– 3,4

1

40,7

Taxe intérieure sur les produits pétroliers

14,1

14,1

Taxe sur la valeur ajoutée nette **

137,1

– 1,4

135,7

Contribution sociale sur les bénéfices

0,2

0,2

Impôt de solidarité sur la fortune

3,3

2,3

5,6

Recettes diverses ***

0,9

1,1

2

Donations et successions

8,9

0,1

9

Taxe sur les transactions financières

0,4

0,2

0,5

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

– 5,1

– 1

– 6,1

Source : d’après exposé des motifs du projet de loi.

*Recettes fiscales nettes des seuls remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.

** Pour mémoire, l’instauration de la TVA dite sociale en LFR 1 était sans impact sur le produit de la TVA affectée au budget de l’État car l’intégralité du produit découlant de la hausse de 1,6 point du taux normal devait être transférée à la sécurité sociale via des quotes-parts de TVA nette.

*** Recettes incluant les contributions exceptionnelles sur les banques et les pétroliers.

Des moins-values par rapport à la prévision sont anticipées sur l’impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée pour respectivement 3,4 milliards d’euros et 1,4 milliard d’euros (18).

La moins-value sur l’impôt sur les sociétés est évaluée, avec prudence, dans le bas de la fourchette de 1,5 milliard d’euros à 3,5 milliards d’euros avancée par la Cour des comptes. Elle est en partie compensée par l’anticipation, de 2013 à 2012, du versement de la surcontribution de 5 %, pour un montant de 0,8 milliard d’euros, et par les mesures de lutte contre l’optimisation dont le rendement total est estimé à 0,2 milliard d’euros en 2012.

Concernant la taxe sur la valeur ajoutée, une moins-value de 0,4 milliard d’euros est constatée, en ligne avec les évaluations de la Cour des comptes. S’y ajoute un manque à gagner de 1 milliard d’euros qui serait lié à une surestimation par le précédent Gouvernement du produit de l’impôt en 2011, qui sert de « base » au calcul de l’estimation pour 2012.

Les autres recettes fiscales sont revues à la hausse du fait des mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi et détaillées plus haut.

2.– L’impact des contentieux fiscaux sur les remboursements et dégrèvements

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, retracés sur le programme 200, sont revus à la hausse pour 1 milliard d’euros en raison principalement de la condamnation de l’État dans les deux contentieux fiscaux (19) précités.

Les premiers versements dus au titre de la condamnation de l’État dans l’affaire de précompte mobilier, estimés à 900 millions d’euros, seraient reportés à 2013 (20). La Cour des comptes estime, en revanche, que de premiers versements pourraient être effectués dès cette année pour un montant de 0,2 milliard d’euros.

En sens contraire, les versements dus au titre de la condamnation de l’État dans l’affaire des OPCVM, qui n’étaient pas prévus, atteindraient 1,5 milliard d’euros, en ligne avec l’estimation de la Cour des comptes. Selon celle-ci, le risque de condamnation de l’État « était considéré comme élevé par la Direction générale des finances publiques et avait été exposé dans une note au ministre début février ». Pourtant, le précédent Gouvernement n’a pas intégré ce versement dans la prévision associée au projet de loi de finances rectificative déposé le 8 février dernier et le Parlement n’a pas été informé d’un tel risque.

La Cour des comptes remarque que le compte général de l’État intègre, au 31 décembre 2011, une provision pour risque de 3,3 milliards d’euros. On peut toutefois difficilement soutenir que la comptabilisation d’une telle provision garantit l’information de la représentation nationale, pour deux raisons.

D’une part, le compte général de l’État est transmis au Parlement avec le projet de loi de règlement, au mois de juin. Les informations qu’il contient ne lui permettaient donc pas d’évaluer la sincérité du projet de loi de finances rectificative déposé en février dernier ni a fortiori du projet de loi de finances initiale pour 2012.

D’autre part, et surtout, l’affaire dite des OPCVM n’est pas mentionnée par les annexes explicatives du compte général de l’État. En matière de provisions pour litiges, ces annexes indiquent que « dans le but de préserver les intérêts de l’État, aucune information n’est donnée ici sur l’objet des litiges en cours afin de ne pas porter à la connaissance de tiers l’appréciation que l’État porte sur les perspectives des affaires en cours » (21).

En définitive, l’absence de prise en compte par les premières lois de finances pour 2012 d’une dépense aussi prévisible que celle due au titre de l’affaire des OPCVM suscite des interrogations sur le respect par le précédent Gouvernement du principe de sincérité prévu à l’article 32 de la LOLF.

Le dernier élément venant accroître les dépenses du programme 200 est le remboursement d’une amende de 0,4 milliard d’euros prononcée par l’Autorité de la concurrence à l’encontre d’établissements bancaires, cette amende ayant été annulée en appel.

3.– Des moins-values sur les recettes non fiscales

Les recettes non fiscales sont revues à la baisse de 0,5 milliard d’euros et s’établiraient à 15,3 milliards d’euros.

Cette réévaluation est due principalement à de moindres prélèvements sur la Caisse des dépôts. En raison d’un résultat net 2011 moins élevé que prévu, le « dividende » et la contribution représentative de l’impôt sur les sociétés sont revus à la baisse de respectivement 154 millions d’euros et 103 millions d’euros. L’État renonce, par ailleurs, à effectuer le prélèvement de 79 millions d’euros prévu sur le fonds d’épargne dont la structure financière a été fragilisée par des prélèvements excessifs (22) en 2010 et 2011.

La rémunération de la garantie accordée à Dexia par la troisième loi de finances rectificative pour 2011 n’avait jusqu’à présent pas été anticipée. Elle produirait un revenu de 140 millions d’euros en 2012.

Enfin, l’Eurogoupe a décidé, le 20 février dernier, une diminution à effet rétroactive des taux d’intérêts des prêts bilatéraux accordés à la Grèce, l’objectif étant de les aligner sur les taux d’intérêts des prêts accordés par le Fonds européen de stabilité financière. Il s’en suit un manque à gagner estimé à 300 millions d’euros en 2012 pour le budget de l’État.

C.– DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SUR LE BUDGET DE L’ÉTAT TRADUISANT LES ENGAGEMENTS DU NOUVEAU GOUVERNEMENT

Les articles 20 et 21 du présent projet de loi de finances rectificative procèdent à divers mouvements de crédits sur le budget général, d’une part, et sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, d’autre part, afin de mettre en œuvre les principaux engagements du Gouvernement portant sur les dépenses de l’État.

Sur le budget général, cela suppose d’affecter les économies conjoncturelles – sur la charge de la dette en l’espèce – à la réduction du déficit, d’augmenter les moyens dédiés à l’enseignement scolaire par des redéploiements de crédits, et de faire face aux dérapages identifiés par la Cour des comptes à travers un nouveau gel de crédits sur les programmes pour lesquels des marges sont d’ores et déjà constatées.

Sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, le Gouvernement entend donner à la direction de la sécurité et de l’aviation civile les moyens d’exercer sa mission de contrôle à partir d’économies dégagées sur d’autres postes de dépenses.

1.– Affecter les économies sur la charge de la dette à la réduction du déficit

À hauteur de 48,77 milliards d’euros, la charge de la dette est devenue en loi de finances initiale pour 2012, le premier poste de dépense du budget général si on la compare aux dépenses des autres missions du budget général hors contribution au CAS Pensions.

Son augmentation de 3,4 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2011 (soit + 5,3 % en volume) et de près de 1,8 milliard d’euros par rapport à l’exécution 2011, reposait principalement sur le double effet d’une hausse de l’encours de la dette à moyen et long termes et d’une hypothèse, prudente, de hausse progressive des taux d’intérêt(23).

Or, compte tenu du niveau particulièrement bas des taux à 3 mois constatés au début de l’année 2012 (0,17 %)(24), la prévision de la charge de la dette avait été révisée à la baisse (– 0,7 milliard d’euros) à l’occasion de la première loi de finances rectificative du 14 mars 2012, pour s’établir à 48,07 milliards d’euros.

Le présent projet de loi de finances rectificative s’inscrit dans le même mouvement en proposant de réduire, de nouveau, la charge de la dette de 0,7 milliard d’euros par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2012, ce qui porte à 1,4 milliard d’euros l’allégement total par rapport à la loi de finances initiale.

Ce gain résulte de deux mouvements de sens contraire, la forte baisse attendue sur la charge de la dette à court terme étant en partie compensée par la hausse des provisions pour charge d’indexation des titres indexés sur l’inflation.

En effet, depuis le début de l’année, les taux d’intérêt à court terme auxquels la France se finance, se maintiennent à des niveaux historiquement très bas : moins de 0,1 % en moyenne sur le premier semestre pour les titres à trois mois. Le niveau de la charge de la dette à court terme serait ainsi attendu en réduction de 1,4 milliard d’euros par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2012 et de 2,1 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale, selon des estimations prudentes.

La provision pour charge d’indexation des titres indexés sur l’inflation minore toutefois le gain attendu sur la charge de la dette à court terme car les prix ont plus augmenté que prévu de mai 2011 à mai 2012 (1,9 % pour la France et 2,3 % pour la zone euro, contre 1,7 % anticipé), référence retenue en comptabilité budgétaire. La provision devrait donc dépasser de 0,7 milliard d’euros le montant inscrit dans la loi de finances. Ce ressaut est toutefois neutre sur le besoin de financement de l’État puisqu’il peut être absorbé par la baisse de la charge de la dette à court terme.

Conformément à la logique de bonne gestion que s’impose le nouveau Gouvernement, cette économie sur la charge de la dette – par nature conjoncturelle – est intégralement affectée à la réduction du déficit public, contrairement à la pratique dite du « recyclage » maintes fois constatée sous l’ancienne législature. En effet, nombreux sont les exemples entre 2007 et 2011 dans lesquels le précédent Gouvernement n’hésitait pas à mobiliser des économies conjoncturelles pour financer des dépenses structurelles, à l’époque où les parois entre les périmètres de la norme « zéro volume » et de la norme « zéro valeur » n’étaient pas étanches (25).

2.– Renforcer les moyens en faveur de l’enseignement scolaire tout en respectant le plafond de dépenses sous la norme « zéro valeur »

a) 89,5 millions d’euros de redéploiement de crédits en faveur de l’enseignement scolaire

Première des priorités du nouveau Président de la République, l’enseignement scolaire voit ses moyens largement renforcés afin de préparer la rentrée scolaire de septembre 2012.

Ainsi, la création de 60 000 postes pour l’enseignement sur la durée du quinquennat est initiée dès 2012. D’une part, l’article 20 du présent projet de loi de finances rectificative ouvre 89,5 millions d’euros de crédits sur la mission Enseignement scolaire, dont 48,2 millions d’euros de crédits de personnel (titre 2). D’autre part, l’article 23 du présent projet majore de 1 524 ETPT le plafond des autorisations d’emplois de l’État.

Ces nouvelles dépenses répondent à deux objectifs : améliorer les conditions d’apprentissage des élèves grâce à un meilleur encadrement et améliorer les conditions de travail des jeunes professeurs en instaurant des aménagements de service afin qu’ils puissent compléter leur formation initiale.

● Une nouvelle vague de recrutements dans l’Éducation nationale pour améliorer les conditions d’apprentissage des élèves dès la rentrée 2012

Il convient de distinguer les recrutements financés sur des crédits du titre 2 majorant, dès lors, le plafond d’emplois du ministère de l’Éducation nationale ou du ministère de l’Agriculture, des recrutements de contractuels financés sur des crédits hors titre 2(26).

Les recrutements financés sur les crédits du titre 2 et majorant le plafond d’autorisations d’emplois fixé par l’article 69 de la loi de finances pour 2012 sont les suivants :

– 1 000 professeurs des écoles (soit 1 000 ETP (27) et 333 ETPT (28)), recrutés sur la liste complémentaire du concours, la priorité étant donnée aux premiers apprentissages que constituent la maternelle et le primaire ;

– 100 conseillers principaux d’éducation (soit 100 ETP et 33 ETPT), recrutés sur la liste complémentaire du concours, afin de renforcer l’encadrement scolaire ;

– et 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisée (soit 1 500 ETP et 500 ETPT), portant ainsi à 3 600 le nombre de postes d’auxiliaires de vie scolaire individualisée créés en 2012, afin d’améliorer les moyens au service de l’accompagnement des élèves handicapés.

En outre, la mise en place de décharges provisoires de services au bénéfice des enseignants titulaires nouvellement recrutés suppose la mobilisation de moyens supplémentaires en compensation, à hauteur de l’équivalent de 1 500 ETP (et 500 ETPT) dans l’enseignement public du second degré et de 128 ETP (mais 141 ETPT) dans l’enseignement privé. Sur ce dernier point, il convient de préciser qu’en effectifs physiques, les décharges dans l’enseignement privé se décomposeront ainsi : 850 ETP concernent le premier degré, mais ces décharges devant être organisées sur 6 semaines en fin d’année 2012, elles n’auront pas d’impact sur le schéma d’emplois (les ETP entrent et sortent la même année) alors qu’elles auront un impact en ETPT, à hauteur de 98 ETPT ; et 128 ETP concernent le second degré, soit 43 ETPT, ce qui porte les créations envisagées à 141 ETPT.

Au total, les recrutements prévus et financés à hauteur de 48,2 millions d’euros sur des crédits du titre 2 de la mission Enseignement scolaire, couvriront 1 507 ETPT au sein du ministère de l’Éducation nationale. S’y ajoute le recrutement de 50 emplois dans l’enseignement technique agricole, ce qui représente 17 ETPT supplémentaires sur le plafond du ministère de l’Agriculture. Au total, le plafond des autorisations d’emplois ministériels est majoré de 1 524 ETPT.

Par ailleurs, il est proposé de recruter sur les crédits hors titre 2 de la mission Enseignement scolaire :

– 2 000 assistants d’éducation (AED) afin d’assurer l’accompagnement des élèves, soit l’équivalent de 667 ETPT ;

– 500 assistants d’éducation chargés de la prévention et de la sécurité, soit 17 ETPT, en particulier dans les établissements scolaires en difficultés ;

– et 12 000 contrats aidés. Les contrats aidés feront l’objet d’un recrutement pour une durée de 10 mois, à raison de 20 heures par semaine, à compter du mois de septembre, les renouvellements pouvant commencer avant cette date.

Le montant des crédits ouverts hors titre 2 s’élève à 41,2 millions d’euros et doit également permettre de couvrir la prise en charge des frais de déplacements afférents à la formation des enseignants nouvellement recrutés.

Selon les informations transmises au Rapporteur général, la répartition de ces nouveaux moyens en faveur de l’enseignement scolaire résulte de l’application de critères objectifs et justes que sont :

– le niveau d’encadrement de chaque académie et la variation attendue des effectifs d’élèves,

– la difficulté sociale et scolaire de façon à renforcer les académies qui y sont le plus confrontées,

– l’importance de la ruralité de façon à lutter contre les difficultés des territoires ruraux affectés par des fermetures de classes.

Le tableau suivant présente la répartition des nouveaux postes par académie résultant de l’application de ces critères.

RÉPARTITION PAR ACADÉMIE DES CRÉATIONS DE POSTES DANS L’ENSEIGNEMENT SCOLAIRE PRÉVUES PAR LE PLFR

 

RÉPARTITION

ACADÉMIES

Professeurs des écoles

Accompagnateurs de vie scolaire

Assistants d'éducation

Conseillers principaux d'éducation

Chargés de prévention et de sécurité

Contrats aidés
CUI-CAE

Aix-Marseille

65

259

114

6

26

482

Amiens

25

127

69

4

17

370

Besançon

10

26

34

0

8

244

Bordeaux

65

109

64

4

23

648

Caen

20

121

33

0

8

225

Clermont-Ferrand

25

25

32

0

6

182

Corse

5

12

10

0

4

68

Créteil

80

254

163

9

50

1 076

Dijon

20

145

40

0

8

329

Grenoble

65

146

66

4

11

509

Guadeloupe

5

34

51

2

12

148

Guyane

15

36

49

3

10

64

Lille

30

306

166

8

36

819

Limoges

10

17

19

0

6

142

Lyon

65

133

82

5

20

429

Martinique

5

21

36

1

8

122

Montpellier

35

215

91

5

20

506

Nancy-Metz

10

174

68

4

15

343

Nantes

50

131

57

3

15

491

Nice

15

65

54

3

12

384

Orléans-Tours

40

90

61

3

21

526

Paris

15

197

49

0

10

242

Poitiers

35

74

41

2

10

279

Reims

15

140

44

2

10

277

Rennes

65

183

44

3

14

351

Réunion

15

82

111

6

10

543

Rouen

20

107

51

3

16

342

Strasbourg

15

34

64

4

15

280

Toulouse

50

147

63

4

24

501

Versailles

100

164

147

9

46

1 078

(Mayotte)

10

26

27

3

9

0

TOTAL

1 000

3 600

2 000

100

500

12 000

● L’amélioration des conditions de travail des jeunes enseignants grâce à l’instauration d’une décharge de formation en urgence

Dans le cadre des mesures de changement pour la rentrée 2012, le Gouvernement propose, à titre transitoire, d’instaurer une décharge de formation en faveur des jeunes professeurs, en attendant une refonte du dispositif de formation initiale et continue des professeurs.

Dans le premier degré, le besoin de formation se fait principalement sentir en début d’année scolaire quand le professeur stagiaire doit prendre en charge sa classe. Pour cela, l’enseignant bénéficiera d’un accompagnement par un professeur chevronné se trouvant dans son école. Cette aide consiste pour le professeur chevronné à se rendre dans la classe du stagiaire pour lui apporter des conseils, ou à le recevoir dans sa classe pour lui transmettre son savoir-faire. Cette organisation nécessite la présence d’un professeur remplaçant pour que tous les élèves continuent à avoir cours. Le dispositif qui fonctionnera jusqu’aux vacances de Toussaint est rendu possible par la mobilisation du potentiel de remplacement (ce dernier étant moins utilisé dans cette période de l’année) et de « surnombres » dont la résorption se réalise en fin d’année civile avec les divers départs constatés d’enseignants (congés parentaux et disponibilités notamment).

En plus de cette phase de prise en main de la classe, des professeurs des écoles maîtres formateurs accompagneront les stagiaires tout au long de l’année dans le cadre de formations ou lors de visites dans les classes. Ces professeurs formés pour accompagner les stagiaires bénéficient déjà d’une décharge de service et d’une indemnité.

Dans le second degré, les stagiaires ont besoin d’une formation régulière sur l’année avec dans les premiers mois un renforcement des savoir-faire dans la gestion de la classe et dans la maîtrise des référentiels pédagogiques. Le reste de l’année sera davantage l’occasion d’aborder des sujets transversaux (par exemple la scolarisation des élèves handicapés) et de suivre des formations plus individualisées. Afin de mettre en place cette formation régulière, les stagiaires bénéficieront à la rentrée 2012 d’une décharge de service de 3 heures permettant de dégager dans leur emploi du temps une journée par semaine réservée à leur formation. Ce seront ainsi 36 journées de formation offertes aux professeurs stagiaires. La formation sera assurée par les corps d’inspection, par des formateurs académiques et dans le cadre de conventions académie/universités par des universitaires. Le coût de ces décharges est évalué à environ 1 500 ETP dans le second degré public, et 128 ETP dans le second degré privé (cf supra).

En plus de cette formation, les stagiaires bénéficient de l’accompagnement d’un professeur expérimenté (tutorat) tout au long de l’année, cette mission de tuteur donnant lieu au versement d’une indemnité. Les heures de décharge des stagiaires seront prises en charge par d’autres enseignants de l’établissement (heures supplémentaires), par des remplaçants affectés à l’année ou par des contractuels dans le cas de disciplines déficitaires (cf supra).

● L’accroissement des dépenses de la mission Enseignement scolaire à hauteur de 89,5 millions d’euros est intégralement compensé par des annulations de crédits à due concurrence sur 21 missions et 39 programmes du budget général. L’effort est réparti au prorata des capacités contributives de chacune des missions et de chacun des programmes concernés. Les annulations les plus importantes portent ainsi, par ordre décroissant, sur les missions Défense (29,2 millions d’euros), Recherche et enseignement supérieur (24,9 millions d’euros), Écologie (10,5 millions d’euros), Justice (5,3 millions d’euros), Gestion des finances publiques (4,8 millions d’euros), Direction de l’action du Gouvernement (2,0 millions d’euros), Santé (1,5 million d’euros), Ville et logement (1,2 million d’euros), et Relations avec les collectivités territoriales (1,2 million d’euros).

 Enfin, au renforcement des effectifs dans l’enseignement scolaire, s’ajoute une mesure destinée à faciliter la rentrée scolaire des élèves, à travers la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire.

Cette mesure de pouvoir d’achat, de solidarité et d’éducation, qui s’inscrit dans les engagements pris par le Président de la République durant la campagne, représente un coût de 372 millions d’euros et sera financée par l’affectation à la branche famille d’une fraction du produit du relèvement de deux points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital (article 1er du présent projet de loi de finances).

L’allocation de rentrée scolaire (ARS) est une prestation versée sous conditions de ressources pour chaque enfant de 6 à 18 ans inscrit dans un établissement en exécution de l’obligation scolaire. Elle est versée en une fois aux alentours du 20 août à plus de 2,8 millions de familles modestes.

Pour en bénéficier, les ressources annuelles d’une famille ne doivent en effet pas dépasser un plafond fixé par décret. Quand ce plafond de ressources est dépassé, les familles peuvent percevoir une allocation différentielle.

PLAFOND DE RESSOURCES DES BÉNÉFICIAIRES DE L’ARS

Enfants à charge

Plafond annuel

Soit revenu mensuel net du ménage

1 enfant

23 200 euros

1 933 euros

2 enfants

28 554 euros

2 379 euros

3 enfants

33 908 euros

2 826 euros

4 enfants

39 362 euros

3 272 euros

Puis une majoration pour chaque enfant supplémentaire

+ 5 354 euros

446 euros

NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L’ARS

 

Familles bénéficiaires

Enfants bénéficiaires

2008

2 938 833

4 944 084

2009

2 900 787

4 871 933

2010

2 899 407

4 859 848

2011

2 877 902

4 816 409

Données France entière (métropole + DOM)

En 2011, pour le seul régime général, l’ARS a été versée à plus de 2,2 millions d’enfants âgés de 6 à 10 ans, 1,5 million d’enfants âgés
de 10 à 14 ans et un million d’enfants âgés de 15 à 18 ans, pour un montant total de 1,4 milliard d’euros.

La majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, qui est effective depuis le décret du 29 juin 2012, permettra d’attribuer plus de 70 euros supplémentaires par enfant aux foyers bénéficiaires.

IMPACT DE LA REVALORISATION DE 25 % DE L’ARS

Gain pour l’ARS hors CRDS par tranche d’âge

6 – 10 ans

11-14 ans

15-18 ans

71 €

75 €

78 €

b) Une augmentation de 1,5 milliard d’euros de la réserve de précaution pour absorber les dérapages identifiés par la Cour des comptes

Pour respecter les engagements pris devant la représentation nationale et assurer en gestion le respect du plafond global des dépenses, le nouveau Gouvernement compte utiliser pleinement le dispositif de réserve de précaution prévu au 4° bis de l’article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Il faut rappeler que le précédent Gouvernement avait augmenté le taux de mise en réserve pour 2012 en procédant, en début d’année, à la mise en réserve, sur chaque programme, de 0,5 % des crédits de paiement et autorisations d’engagement ouverts sur le titre des dépenses de personnel et de 6 % sur les autres titres, au lieu de 5 % en 2011. Cette mesure avait eu pour effet de majorer la réserve de précaution de 1 milliard d’euros par rapport à 2011.

Néanmoins, cette marge de manœuvre, destinée à faire face à des aléas nouveaux en gestion, a été immédiatement consommée par le précédent Gouvernement à l’occasion de la loi de finances rectificative du 14 mars 2012, qui a procédé à une annulation « sèche » de 1,2 milliard d’euros sur la réserve ainsi qu’à un redéploiement de 0,4 milliard d’euros en faveur de la politique de l’emploi.

Il s’ensuit qu’à la date de dépôt du présent projet de loi de finances rectificative, le niveau de la réserve de précaution s’établit comme suit :

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT MIS EN RÉSERVE EN 2012

(en millions d’euros)

 (au 4 juillet 2012)

Hors titre 2

Titre 2

Total

Mise en réserve théorique

7 326

590

7 916

Dégels en début de gestion

– 1 222

0

– 1 222

Mise en réserve initiale

6 104

590

6 694

Mouvements intervenus sur la mise en réserve

– 196

3

– 193

Annulations réalisées dans la LFR I

– 1 055

0

– 1 055

Annulations prévues dans le PLFR II

– 3

0

-3

Surgel annoncé dans le PLFR II

1 500

0

1 500

Réserve post LFR II

6 349

594

6 943

Or l’exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative précise que : « L’audit réalisé par la Cour des comptes fait état d’un risque en exécution sur la dépense de l’État hors charge de la dette et de pensions estimé entre 1,2 milliard d’euros et 2,0 milliards d’euros, dû en partie à des hypothèses optimistes de construction du budget initial. Toutefois, ainsi que l’a souligné la Cour des comptes, ces risques ne sont pas de nature à compromettre le respect des plafonds de dépenses inscrits dans les lois de finances pour 2012, à la condition qu’un effort supplémentaire de maîtrise de la dépense en cours d’année soit effectué. C’est pour cela qu’à titre conservatoire, le Gouvernement a décidé, d’une part, de maintenir la réserve initiale jusqu’à la fin de gestion et, d’autre part, d’aller plus loin en l’augmentant de 1,5 milliard d’euros. Ce gel des dépenses permettra de dégager les marges nécessaires au respect du plafond de dépenses, dans l’attente d’une revue plus complète des perspectives d’exécution, qui seront présentées au Parlement à l’automne dans le cadre du projet de loi de finances rectificative de fin d’année ».

Le maintien de la réserve initiale jusqu’à la fin de gestion par le nouveau Gouvernement répond tout d’abord aux inquiétudes de la Cour des comptes à propos des demandes de dégels des crédits mis en réserve de la part de certains ministères. Après avoir relevé que « pour nombre de missions, les ministères escomptaient des dégels de crédits sur certains programmes, notamment au sein des missions Culture, Ville et Logement, Enseignement scolaire, Enseignement supérieur et recherche, Gestion des finances publiques… », la Cour précisait dans son rapport « qu’il est essentiel de conserver jusqu’à la fin de la gestion une réserve de précaution d’un niveau suffisant pour couvrir la totalité des risques susceptibles de se concrétiser d’ici au collectif de fin d’année » (29).

L’augmentation de la réserve initiale de 1,5 milliard d’euros répond ensuite à la proposition de la Cour de « réajuster à la hausse » le montant des crédits mis en réserve (30). Si, à la date de rédaction du présent rapport, le Rapporteur général n’a pu obtenir la répartition par mission et par programme du « surgel » de crédits envisagé par le Gouvernement, celui-ci a indiqué que l’effort supplémentaire demandé à tous les ministères serait modulé afin de tenir compte des capacités contributives de chacun des programmes.

L’on peut rappeler à cet égard que certains programmes sont exonérés, en totalité ou partiellement, pour l’un des motifs suivants : levée de la mise en réserve pouvant être considérée comme inéluctable au sens de la définition de l’exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2012(31) ; risque en exécution 2012 déjà identifié ; programme faisant l’objet d’ouvertures nettes de crédits dans le présent projet de loi de finances rectificative.

Cette démarche globale doit donc être saluée car elle permettra de faire face aux risques de dérapage identifiés par la Cour des comptes et n’aura pas, dans le même temps, pour effet d’obérer la capacité du Gouvernement à faire face à des imprévus en cours de gestion compte tenu du maintien de la réserve initiale jusqu’à la fin de gestion.

3.– Permettre à la Direction de la sécurité et de l’aviation civile (DSAC) d’exercer ses missions de contrôle

L’article 21 du présent projet de loi de finances rectificative propose de redéployer 4 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et 5,8 millions d’euros de crédits de paiement (CP) sur la mission Contrôle et exploitation aériens, afin de financer, d’une part, les besoins relatifs au fonctionnement de la Direction de la sécurité et de l’aviation civile (4 millions d’euros), et, d’autre part, des mesures de sécurisation du système d’information de la Direction générale de l’aviation civile déjà engagées (1,8 million d’euros). Ces ouvertures et annulations de crédits sont neutres budgétairement et n’ont pas d’impact sur le solde. Elles se répartissent comme suit :

 

ouvertures AE

Annulations AE

Ouvertures CP

Annulations CP

Contrôle et exploitation aériens

4 000 000

4 000 000

5 800 000

5 800 000

 

Soutien aux prestations de l'aviation civile

 

4 000 000

1 800 000

 

 

Navigation aérienne

 

 

 

5 800 000

 

Transports aériens, surveillance et certification

4 000 000

 

4 000 000

 

 

Formation aéronautique

 

 

 

 

Total Budgets annexes 

4 000 000

4 000 000

5 800 000

5 800 000

Il convient de rappeler que la DSAC, dont le financement est assuré par le programme Transports aériens, surveillance et certification, assure des inspections, programmées ou inopinées, indispensables au maintien de la surveillance des transporteurs aériens et à la sûreté dans les aéroports.

Or, selon les informations transmises au Rapporteur général, sans un abondement de son programme à hauteur de 4 millions d’euros, la DSAC ne serait pas en mesure d’assurer ses missions à compter du 1er octobre 2012.

En effet, à ce jour, plus de 60 % des crédits du programme ont d'ores et déjà été consommés, laissant présager un arrêt de l'activité au début de l'automne 2012.

Il en résulterait des risques en matière de sécurité de l’aviation civile :

– d’une part, l’abandon de contrôle et de surveillance sur les transporteurs aériens ferait peser un risque de relâchement du niveau de sécurité, notamment sur ceux qui traversent une situation économique difficile et qui nécessitent de ce fait une surveillance renforcée ;

– d’autre part, l’absence d’une surveillance constante exercée par la DSAC présenterait également le danger d’un fléchissement de l’effort de vigilance dans l’application des mesures de sûreté dans les aéroports : filtrage des passagers, vérification des bagages et des appareils électroniques (téléphone, ordinateurs portables, tablettes tactiles…).

Or, toute défaillance dans l’exercice des missions de surveillance, qui découlent directement d’obligations et de règlements européens, serait susceptible d’enclencher à l’encontre de la Direction générale de l’aviation civile des procédures d’infractions et de sanctions.

D.– LE MAINTIEN DE LA PRÉVISION DE SOLDE PUBLIC POUR 2012

1.– La compensation de l’ensemble des éléments qui dégradent le solde public

En dépit de substantielles moins-values sur les recettes, l’atteinte d’un déficit public de 4,5 % du PIB en 2012 paraît être un objectif réaliste. Comme l’illustre le tableau suivant, la crédibilité de l’objectif ainsi maintenu tient aux mesures nouvelles prévues par le présent projet de loi dont le dépôt est justifié par l’impératif de tenir la trajectoire d’assainissement des comptes publics.

La crédibilité du Gouvernement et de la majorité est confortée par le fait que, contrairement à la pratique constatée dans les premiers mois de la XII° et de la XIII° législature, l’ensemble des nouvelles charges décidées par le Gouvernement pour la mise en œuvre de son programme est entièrement financé.

Elle est renforcée par le fait que, contrairement à la pratique constatée les années précédentes, l’économie, par nature conjoncturelle et aléatoire pour ce qui concerne le reste de l’année, sur la charge de la dette est affectée à la réduction du déficit et non au financement de dépenses structurelles.

ÉLÉMENTS NOUVEAUX AYANT UN IMPACT SUR LE DÉFICIT PUBLIC EN 2012

(en milliards d’euros)

Éléments de dégradation conjoncturelle du solde public

Révisions des prévisions de recettes et de dépenses

– 6,4

Prélèvements obligatoires

– 7,1

Charges de la dette

0,7

Éléments de dégradation structurelle du solde public

Dépenses liées à la mise en œuvre du programme de la majorité

– 0,8

Augmentation de l'ARS

– 0,4

Coût net induit sur les ASSO* par la hausse du SMIC

– 0,2

Retraite à 60 ans pour les carrières longues

– 0,2

Éléments d'amélioration structurelle du solde public

Mesures nouvelles du présent projet de loi

7,2

Hausse des cotisations vieillesse

0,2

TOTAL variation du déficit public

+0,2

* Sous-secteur des administrations de sécurité sociale comprenant notamment le régime général, l’Unédic et les régimes complémentaires d’assurance vieillesse.

Outre les mesures nouvelles dont le détail est fourni plus haut, trois éléments sont à souligner.

● En premier lieu, très partiellement compensée par une économie de 0,7 milliard d’euros sur la charge de la dette de l’État, la réévaluation des recettes publiques constitue le principal élément tendant à la dégradation du solde public.

La Cour des comptes estime ainsi que, sur la base d’une cible de déficit public de 4,4 % du PIB en 2012 et d’une croissance du PIB de 0,4 %, les moins-values s’établiraient entre 6 milliards d’euros et 10 milliards d’euros (32). Sur la base de la prévision de déficit public de 4,5 % du PIB et de l’hypothèse de croissance du PIB de 0,3 % retenues par le Gouvernement, la fourchette doit être revue à la baisse et s’élèverait entre 5 milliards d’euros et 9 milliards d’euros. À 7,1 milliards d’euros, la prévision de moins-values que propose le Gouvernement se situe donc dans la moyenne de l’évaluation proposée par la Cour des comptes.

MOINS-VALUES DE RECETTES PUBLIQUES ANTICIPÉES POUR 2012

(en milliards d’euros)

État

– 5,1

dont IS

– 3,4

dont TVA

– 1,4

dont contentieux (R&D)

+ 0,2

dont recettes non fiscales

– 0,5

APUL

– 1

ASSO

– 1

TOTAL

– 7,1

Source : d’après l’exposé des motifs du projet de loi.

Les moins-values sur les recettes de l’État sont évaluées par le Gouvernement à 5,1 milliards d’euros (33). Elles sont en ligne avec les évaluations de la Cour des comptes.

Les prélèvements obligatoires des administrations publiques locales (APUL) sont revus à la baisse à hauteur de 1 milliard d’euros en raison de la prévision trop optimiste de droits de mutation à titre onéreux. Cette évaluation se situe dans la fourchette de 0,8 milliard d’euros à 1,2 milliard d’euros avancée par la Cour des comptes.

Enfin, les recettes de la sécurité sociale sont révisées en baisse
de 1 milliard d’euros. La Cour des comptes évaluait le manque à gagner
à 0,8 milliard d’euros sur la base d’une croissance du PIB de 0,7 %.

● Par ailleurs, contrairement à ce qui a été constaté en 2002 et 2007, l’ensemble des nouvelles charges liées à la mise en œuvre du programme de la nouvelle majorité est entièrement financé.

Les cotisations « vieillesse » seront relevées pour financer le retour à 60 ans de l’âge légal de départ à la retraite en faveur des carrières longues, pour un montant de l’ordre de 0,2 milliard d’euros en 2012.

L’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire représente un coût de 0,4 milliard d’euros. Elle est financée par l’affectation à la branche famille d’une fraction du produit du relèvement de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital (article 1er).

Enfin, la hausse de 2 % au 1er juillet 2012 du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) induit un triple impact budgétaire, qui serait cependant en grande partie neutralisé selon les informations transmises au Rapporteur général.

En premier lieu, les dépenses de l’État seraient augmentées de l’ordre de 0,1 milliard d’euros en 2012 du fait de l’indexation de certaines d’entre elles sur le SMIC et de la hausse des traitements consécutive à celle du salaire minimum. Ce surplus de charges serait financé par redéploiement au sein de la norme de dépenses.

En deuxième lieu, l’ensemble des collectivités publiques autres que l’État verraient leur masse salariale augmenter de 0,2 milliard d’euros du fait de cette hausse du salaire minimum. On peut néanmoins remarquer que la plupart d’entre elles – collectivités territoriales, établissements publics, hôpitaux – financent leurs dépenses de personnel sur leur budget de fonctionnement, qui ne peut être déficitaire. En conséquence, ce surcoût de 0,2 milliard d’euros serait probablement sans impact sur le solde public.

Enfin, l’augmentation du SMIC entraîne un manque à gagner supplémentaire pour la sécurité sociale au titre des allègements généraux de cotisations sociales, évalué à 0,7 milliard d’euros en 2012. Ce manque à gagner serait compensé à hauteur de 0,5 milliard d’euros par le surplus de cotisations perçues notamment par l’Unedic et l’Agirc-Arrco, induit par la hausse des salaires, et par les mesures du présent projet de loi dont le produit est affecté à hauteur de 1,9 milliard d’euros à la sécurité sociale (34).

● En troisième lieu, l’impact net des mesures pérennes en dépenses et en recettes viendrait améliorer le solde public de 6,4 milliards d’euros en 2012. La réduction du déficit qu’elles induisent est compensée par des manques à gagner très largement dus à la mauvaise conjoncture économique.

En régime de croisière à partir de 2013, le produit net supplémentaire des mesures fiscales par le présent projet de loi est évalué à 3,2 milliards d’euros quand la hausse du SMIC entraînera une charge supplémentaire probablement limitée à 0,3 milliard d’euros.

En définitive, si son objectif est d’éviter une dégradation du solde public effectif due à des moins-values conjoncturelles, le présent projet de loi conduit à une amélioration du solde public structurel de plusieurs milliards d’euros, découlant de l’adoption de mesures pérennes destinée à compenser des manques à gagner conjoncturels.

Compte tenu des hausses d’impôts rendues nécessaires pour tenir la prévision de déficit public, le taux de prélèvements obligatoires devrait s’établir, en 2012, à 45,1 % et le taux de dépenses publiques à 56,2 %.

2.– Le solde de l’État en réduction du fait de la disparition des prêts à la Grèce

Comme décrit plus haut, la diminution de 1,4 milliard d’euros des recettes du budget général est partiellement compensée par l’économie de 0,7 milliard d’euros attendue sur la charge de la dette. Il s’ensuit que le solde du budget général ressort en baisse de 0,7 milliard d’euros.

Le solde de l’État s’améliore néanmoins en raison de la révision, en hausse de 4,4 milliards d’euros, du solde des comptes spéciaux, principalement due à la disparition des prêts bilatéraux à la Grèce. Rappelons en revanche qu’en comptabilité nationale, les prêts à la Grèce sont traités en opération patrimoniale (35) et sont donc sans impact sur le solde.

Comme le détaille le tableau ci-dessous, la prévision de solde de l’État passe de – 84,8 milliards d’euros dans la dernière loi de finances rectificative à - 81,1 milliards d’euros dans le présent projet de loi.

LA PRÉVISION DE SOLDE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Solde LFR 1

– 84,8

Recettes fiscales nettes

– 0,9

dont moins-values

– 4,8

dont mesures nouvelles

4,9

dont contentieux

– 1

Recettes non fiscales

– 0,5

Économie sur la charge de la dette

+ 0,7

Solde comptes spéciaux

+ 4,4

dont non versement prêts à la Grèce

+ 4,3

Solde PLFR 2

– 81,1

Les déterminants de l’évolution du solde du budget général ont été présentés plus haut.

L’amélioration de 4,4 milliards d’euros du solde des comptes spéciaux est détaillée dans le tableau suivant.

LA RÉVISION DU SOLDE DES COMPTES SPÉCIAUX

(en milliards d’euros)

 

Dépenses

Recettes

Solde

Prêts à des États étrangers

– 4,3

0

4,3

Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien

0

– 0,1

– 0,1

Pensions

0

0,1

0,1

Participation de la France au désendettement de la Grèce

0,2

0,2

0

Participations financières de l'État

– 4

– 4

0

Avances aux organismes de sécurité sociale

– 3,4

– 3,4

0

Source : d’après les états annexés au projet de loi.

Cette amélioration est principalement due à l’annulation, pour un montant de 4,3 milliards d’euros, des crédits du compte de concours financiers Prêts à des États étrangers destinés au financement des prêts bilatéraux à l’État grec. Le premier programme d’aide, financé directement par les États, est en effet repris par le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Pour mémoire, les prêts accordés par celui-ci sont sans effet sur le déficit de l’État. En revanche, ils accroissent la dette publique brute à concurrence de la quote-part de la France – de l’ordre de 21 % – dans le capital du Fonds (36).

De moindres recettes anticipées sur le compte d’affectation spéciale Gestion et valorisation des ressources tirées du spectre hertzien sont compensées par un surcroît de recettes sur le compte Pensions lié aux nouvelles modalités de calcul des cotisations versées par France Télécom, prévues à l’article 16 du présent projet de loi.

Les autres évolutions sont sans effet sur le solde.

La création du compte d’affectation spéciale Participation de la France au désendettement de la Grèce, prévue à l’article 17 du présent projet de loi, tend à augmenter de 0,2 milliard d’euros les recettes et dépenses des comptes d’affectation spéciale.

La suppression du compte d’avances à la sécurité sociale, institué dans le cadre de la mise en œuvre de la « TVA sociale » et supprimé par l’article 1er du présent projet de loi, tend, au contraire, à diminuer de 3,4 milliards d’euros les recettes et dépenses des comptes de concours financiers.

Enfin, les recettes et dépenses du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État sont revues à la baisse de 4 milliards d’euros. En prévision, il est d’usage que leur montant soit fixé par convention à 5 milliards d’euros. L’État actionnaire estime en effet qu’une prévision sincère des recettes du compte donnerait des indications sur d’éventuelles cessions d’actifs, ce qui pourrait affecter la valeur de ses participations. En conséquence, par dérogation au principe de sincérité, le niveau des dépenses et recettes du compte est fixé au même niveau chaque année depuis 2007.

Le présent projet de loi constate qu’aucune cession d’importance ne sera réalisée d’ici à la fin de l’année et en tire les conséquences en revoyant à la baisse la prévision de recettes et de dépenses du compte.

Une telle réévaluation en cours d’exercice est inédite. Elle doit être saluée car elle améliore la bonne information du Parlement et s’inscrit dans le souci de respecter le principe de sincérité prévu à l’article 32 de la LOLF.

E.– UNE RÉVISION À LA BAISSE DU BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT QUI DEMEURE TOUTEFOIS SUPÉRIEUR À LA PRÉVISION INITIALE

Compte tenu de la révision à la baisse du déficit budgétaire (- 3,7 milliards d’euros), le besoin de financement de l’État se réduit d’autant par rapport à la loi de finances rectificative du 14 mars 2012.

Toutefois, il demeure supérieur à la prévision initiale (+ 1,4 milliard d’euros) comme le montre le tableau de financement au sein duquel sont actualisées, par rapport à la loi de finances rectificative du 14 mars 2012, les ressources et charges de trésorerie qui concourent à l’équilibre financier de l’année 2012.

LE BESOIN DE FINANCEMENT DE L’ÉTAT EN 2012

(en milliards d’euros)

 

LFI 2012

LFR I Mars

PLFR II Juillet

écart PLFR II 2012 / LFI

écart PLFR II 2012 / LFR I

Déficit en gestion

78,7

84,8

81,1

+2,4

– 3,7

Amortissement OAT

56,1

55,5

55,5

– 0,6

+ 0,0

Amortissement BTAN

42,8

42,4

42,4

– 0,4

+ 0,0

Amortissement dettes reprises

1,3

1,3

1,3

+0,0

+ 0,0

Besoin de financement

178,9

184,0

180,3

+1,4

– 3,7

Émissions MLT nettes des rachats et annulations

179,0

178,0

178,0

– 1,0

+0,0

dont annulations par la CDP

4,0

4,0

 

– 4,0

– 4,0

Variation nette des BTF

– 4,2

– 4,3

– 7,7

– 3,5

– 3,4

Variation des dépôts des correspondants

– 4,4

– 0,3

– 0,3

+ 4,1

+ 0,0

Variation du compte courant du Trésor

1,0

2,4

2,4

+ 1,4

+ 0,0

Divers

3,5

4,2

7,9

+ 4,4

+ 3,7

Ressources de financement

178,9

184,0

180,3

+ 1,4

– 3,7

La part du déficit dans le besoin de financement de l’État demeure à un niveau particulièrement élevé :

Structure du Besoin de financement

LFI 2012

LFR I Mars

PLFR II Juillet

Déficit

78,7

84,8

81,1

Amortissements

100,2

99,2

99,2

Total

178,9

184,0

180,3

Part déficit / Total

44,0 %

46,1 %

45,0 %

S’agissant de l’évolution des ressources de financement, le montant des émissions de titres à plus d’un an, net des rachats de titres, est inchangé à 178 milliards d’euros.

En revanche, les autres ressources de trésorerie sont revues à la hausse de 3,7 milliards d’euros par rapport à la dernière loi de finances, sous le double effet, d’une part, de la constatation des primes à l’émission, nettes des pertes sur rachat, enregistrées depuis la précédente loi de finances (+ 3 milliards d’euros) et, d’autre part, au titre de la hausse de la provision d’indexation des obligations indexées sur l’inflation (+ 0,7 milliard d’euros), qui ne pèse pas sur le besoin réel de financement et est donc neutralisée dans le tableau de financement.

En l’absence d’opérations de désendettement par l’intermédiaire de la Caisse de la dette publique (CDP), le montant sur cette ligne est désormais porté à zéro.

En revanche, il faut saluer la révision à la baisse de la contribution des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés, qui s’établirait ainsi
à – 7,7 milliards d’euros, soit une diminution supplémentaire de 3,4 milliards d’euros au regard de la prévision inscrite dans la dernière loi de finances (LFR I). Compte tenu de la très forte volatilité des taux courts, une moindre exposition réduit d’autant le risque d’accroissement de la charge de la dette à court terme de l’État.

En conséquence des éléments détaillés ci-dessus, le plafond de variation nette de dette à moyen et long termes de l’État fixé par la loi de finances initiale est inchangé.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS

Article premier

Abrogation de la TVA dite sociale

Texte du projet de loi :

I.– L’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 est ainsi modifié :

A.– Le I, le IV, le 2° du D du V et le VIII ainsi que les B, D et E du IX sont abrogés.

B.– Le A du IX est ainsi rédigé :

« A.– Le A du VII s’applique à compter du 1er janvier 2013. »

II.– Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :

A.– Au 3° de l’article L. 241-2, le taux : « 5,38 % » est remplacé par le taux : « 5,75 % ».

B.– Le II de l’article L. 245-16 est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa, les mots : « à un taux de 1,2 % » sont remplacés par les mots : « à un taux de 2,9 % » ;

2° Au dernier alinéa, les mots : « à un taux de 2 % » sont remplacés par les mots : « à un taux de 0,3 % ».

C.– L’article L. 241-6 est ainsi modifié :

1° Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° des cotisations proportionnelles à l’ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles ; des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par un arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés ; ces cotisations sont intégralement à la charge de l’employeur ; » ;

2° Au 3°, après les mots : « des personnes », sont insérés les mots : « salariées et » et les mots : « du régime agricole » sont remplacés par les mots : « des régimes agricoles » ;

3° Le 9° est abrogé.

D.– L’article L. 241-6-1 est abrogé.

E.– L’article L. 241-13 est ainsi modifié :

1° Au I, après les mots : « des assurances sociales », sont insérés les mots : « et des allocations familiales » ;

2° Au quatrième alinéa du III, les mots : « la somme des taux de cotisations patronales dues au titre des assurances sociales », sont remplacés par le coefficient : « 0,281 » ;

3° Au dernier alinéa du même III, les mots : « par décret dans la limite de la valeur maximale définie ci-dessus », sont remplacés par les mots « à 0,26 ».

F.– Au premier alinéa de l’article L. 131-7, la date : « 1er octobre 2012 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2011 ».

III.– Le code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :

A.– L’article L. 741-3 est ainsi rédigé :

« Art. L. 741-3. - Les cotisations prévues à l’article L. 741-2 sont calculées, selon des modalités fixées par décret, en pourcentage des rémunérations soumises à cotisations d’assurances sociales des salariés agricoles. »

B.– À l’article L. 741-4, après les mots : « des articles », est insérée la référence : « L. 241-13, ».

IV.– Le code général des impôts, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :

A.– À la fin de l’article 278, le taux : « 21,20 % » est remplacé par le taux : « 19,60 % ».

B.– Le 1 du I de l’article 297 est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du 5°, le taux : « 8,7 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;

2° Au premier alinéa du 6°, le taux : « 14,1 % » est remplacé par le taux : « 13 % ».

C.– Le I bis de l’article 298 quater est ainsi modifié :

1° Au 1°, le taux : « 4,73 % » est remplacé par le taux : « 4,63 % » ;

2° Au 2°, le taux : « 3,78 % » est remplacé par le taux : « 3,68 % ».

D.– Le tableau du second alinéa de l’article 575 A est ainsi rédigé :

GROUPE DE PRODUITS

TAUX NORMAL

Cigarettes

64,25 %

Cigares

27,57 %

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

58,57 %

Autres tabacs à fumer

52,42 %

Tabacs à priser

45,57 %

Tabacs à mâcher

32,17 %

V.– Le dernier alinéa du I de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est abrogé.

VI.– Le 3° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi rédigé :

« 3° La taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées. ».

VII.– A.– Le C du IV s’applique à compter du 1er janvier 2012.

B.– Le A du II s’applique à compter du 1er janvier 2013 aux sommes déclarées par les assujettis au titre des périodes ouvertes à partir de cette date.

C.– Pour l’année 2012, les dispositions du 3° de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale s’appliquent dans leur rédaction en vigueur au 1er janvier 2012.

D.– Le B du II s’applique :

1° Aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1er janvier 2012 ;

2° Aux produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du même code payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2013.

E.– Pour les produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale payés ou réalisés, selon le cas, du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 et pour ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le produit des prélèvements mentionnés au I de l’article L. 245-16 du même code est ainsi réparti :

– une part correspondant à un taux de 0,3 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1, dont une part correspondant à un taux de 0,2 % à la section mentionnée à l’article L. 135-3-1 ;

– une part correspondant à un taux de 1,3 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;

– une part correspondant à un taux de 2,2 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;

– une part correspondant à un taux de 0,6 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ;

– une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale des allocations familiales.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article abroge l’essentiel des mesures qui composent le dispositif qualifié par le précédent Gouvernement de « TVA sociale ».

Dans le contexte de la crise actuelle, grever la consommation des ménages et les dépenses des collectivités territoriales, des hôpitaux,… d’une hausse de 1,6 point du taux normal de TVA ne paraît en effet pas soutenable.

Les effets avancés par les promoteurs d’une telle réforme n’ont pas été démontrés lors des débats parlementaires de février et mars dernier sur la première loi de finances rectificative pour 2012. Au contraire, ils ont mis en avant l’imprécision du ciblage de la mesure, loin de profiter prioritairement aux entreprises industrielles exposées à la concurrence internationale.

I.– LE DROIT EXISTANT

L’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative (LFR) pour 2012 a prévu un dispositif dit de « TVA sociale ».

La mesure consistait à diminuer les cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille et payées par les entreprises du secteur privé, à hauteur de 13,2 milliards d’euros, et à les remplacer pour 10,6 milliards par une hausse de 1,6 point du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et pour 2,6 milliards, par une augmentation de deux points du prélèvement social sur les revenus du capital et les produits de placement, dont la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 avait porté le taux de 2,2 % à 3,4 %. La mesure devait ainsi être globalement neutre sur le taux de prélèvements obligatoires et équilibrée pour les finances publiques.

Les cotisations patronales de la branche famille devaient être totalement supprimées pour les salaires inférieurs à 2,1 SMIC bruts mensuels ; le taux de ces cotisations aurait été progressif pour les salaires compris entre 2,1 et 2,4 SMIC puis identique au taux actuel, c’est-à-dire 5,4 %, pour les salaires supérieurs à 2,4 SMIC. Ciblée sur les salaires moyens, cette mesure était donc complémentaire des allègements généraux de cotisations qui sont concentrés sur les bas salaires (entre 1 et 1,6 SMIC). Au total, cette baisse de cotisations patronales représentait un allègement de charges de 13,2 milliards d’euros en année pleine pour les entreprises.

Quant au taux normal de TVA, il était prévu de le porter de 19,6 % à 21,2 %, au niveau de la moyenne européenne.

L’entrée en vigueur de la mesure est prévue au 1er octobre 2012. Toutefois, compte des spécificités des modalités de leur recouvrement, la hausse du prélèvement social est entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2012 pour les revenus du patrimoine et au 1er juillet pour les revenus de placement.

Le texte de l’article 2 de la première LFR 2012, que le présent article propose de modifier profondément, est organisé de la manière suivante (37).

Le I créait le support budgétaire destiné à porter l’affectation de 1,6 point de TVA supplémentaire à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Il était ainsi ouvert un nouveau compte de concours financiers intitulé « Avances aux organismes de sécurité sociale », retraçant en recettes les encaissements de TVA dont le produit devait revenir à la CNAF et en dépenses des avances versées à la CNAF sur la base des prévisions de recettes de TVA. Ce mécanisme permettait notamment de rendre compte au Parlement des recettes ainsi transférées à la CNAF. En outre, afin de simplifier les relations financières entre l’État et les régimes de sécurité sociale, ce compte retraçait les autres fractions de TVA d’ores et déjà affectées aux branches de la sécurité sociale.

Le II procédait aux modifications nécessaires au sein du code de la sécurité sociale. Cela comprenait :

– la modification du barème des cotisations sociales patronales « famille », dont le caractère proportionnel était supprimé pour les salariés ;

– l’aménagement en conséquence des ressources de la CNAF, lesquelles étaient enrichies du produit de la hausse de 2 points du prélèvement social ainsi que d’une fraction de TVA ;

– ainsi que diverses mesures de coordination portant notamment sur la détermination de la réduction générale des cotisations sociales patronales sur les bas salaires.

En outre, il modifiait les modalités de calcul des exonérations ciblées de cotisations patronales d’allocations familiales outre-mer afin que la réforme n’ait pas pour effet d’augmenter le coût du travail sur certaines catégories de salariés.

Le III visait à rendre le nouveau barème de cotisations sociales applicable aux salariés agricoles.

Le IV précisait l’articulation entre le texte et le principe de compensation mentionné à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Le V prévoyait la hausse du taux normal de TVA ainsi que des mesures d’adaptation s’agissant du forfait agricole et des droits à tabacs, le VI tirant les conséquences de cette hausse pour le fonds de compensation de la TVA (FCTVA) en ajustant le taux de remboursement.

Le VII tirait les conséquences des modifications introduites au I sur les fractions de TVA déjà affectées à la sécurité sociale.

Le VIII prévoyait la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement, à l’automne 2013 puis 2014, retraçant les pertes de recettes induites par la mesure pour la CNAF et le surcroît de recettes issu de l’affectation d’une fraction de TVA et de la hausse du prélèvement social sur les produits de placement et les revenus du patrimoine. Ce rapport devait présenter, le cas échéant, les mesures envisagées par le Gouvernement pour assurer l’équilibre financier de la réforme.

Enfin, le IX déterminait les conditions, dans le temps et dans l’espace, de la mise en œuvre de la mesure.

II.– L’ABROGATION DE LA HAUSSE PRÉVUE DU TAUX NORMAL DE TVA

A.– LE MAINTIEN DU TAUX NORMAL DE TVA À 19,6 %

Le paragraphe A du IV du présent article abroge la hausse du taux normal de TVA, prévue à compter du 1er octobre 2012, en remplaçant, dans la rédaction de l’article 278 du CGI (code général des impôts) issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 précitée, le taux de 21,2 % par le taux de 19,6 %.

Ainsi, la hausse de 1,6 point du taux normal de TVA ne sera pas mise en œuvre.

Pour mémoire, le taux normal de TVA s’établit, dans les 26 autres États membres de l’Union européenne, à 21 % au 1er juillet 2012.

Le code général des impôts ne fixe pas de liste des opérations soumises au taux normal de TVA. Celle-ci se déduit de la liste des opérations exonérées ou soumises au taux super-réduit de 2,1 % ou aux taux réduits de 5,5 % et 7 %.

EXEMPLES DE BIENS ET SERVICES SOUMIS AU TAUX NORMAL DE TVA

a. Prestations de services :

– les prestations rendues par les professions libérales ;

– les droits d'entrée dans les installations sportives, les rémunérations perçues par les organisateurs et les intermédiaires qui participent à l'organisation de la Loterie nationale, du Loto national et des paris mutuels hippiques, des paris sur des compétitions sportives et des jeux de cercle en ligne ;

– le service public des inhumations ;

– les locations de compteurs de gaz et d'électricité ; le téléphone ;

– les locations d'emplacements sur les terrains de camping ou de stationnement de caravanes, non classés, la gestion d’immeubles pour le compte d'un propriétaire, d'une société ou d'un syndicat de propriétaires ; les prestations rendues par les agents immobiliers et les mandataires en ventes de fonds de commerce ;

– les locations de véhicules de tourisme ;

– les opérations portant sur les publications ayant fait l'objet d'au moins deux des interdictions prévues par l'article 14 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949, les représentations théâtrales à caractère pornographique, les films pornographiques ou d'incitation à la violence ;

– les établissements d'enseignement des arts d'agrément, les actions de formation professionnelle continue et les livraisons de biens et prestations de services qui s'y rattachent, dispensées par les personnes de droit privé qui ne sont pas agréées par l'administration, les écoles ou laboratoires de langues, les établissements d'enseignement de la conduite automobile, de pilotage et des diverses disciplines sportives.

L’article 98 de la directive TVA prévoit pour sa part que les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique.

b. Biens

Les produits qui ne relèvent ni du taux réduit de la TVA ni d'un taux particulier sont passibles du taux normal. Il s'agit de la plupart des produits manufacturés tels que les meubles, articles ménagers, appareils de chauffage et d'éclairage, l’habillement, les lunettes ; les téléviseurs (mais la redevance est taxée à 2,1 %), ordinateurs, fournitures scolaires, instruments de musique ; le matériel agricole, les outillages industriels, et les véhicules utilitaires et les voitures particulières.

Le taux normal est applicable aux opérations portant sur les produits énergétiques suivants : gaz, électricité, ainsi que toute forme d'énergie destinée au chauffage, à la climatisation ou à la réfrigération des immeubles (sauf bois de chauffage et fourniture de chaleur lorsqu'elle est produite au moins à 50 % à partir de la biomasse, de la géothermie, des déchets et d'énergie de récupération), charbon, produits pétroliers énumérés au tableau B de l'article 265 du code des douanes.

Le taux normal de TVA s’applique aux constructions de logements neufs, à l’exception du logement social.

Enfin, le taux normal s'applique aux opérations portant sur les tabacs et les boissons alcooliques, ainsi que sur les produits alimentaires suivants : caviar, margarines et graisses végétales, produits de confiserie, certains chocolats ainsi qu’aux aliments destinés aux animaux domestiques.

B.– LES TAUX PARTICULIERS À LA CORSE

Le B du IV du présent article abroge en conséquence les hausses de deux taux particuliers à la Corse prévues par l’article 2 de la loi n° 2012-354.

Deux taux particuliers s’appliquent actuellement dans les départements de Corse à des biens et services soumis au taux de 19,6 % sur le continent :

– 8 % en ce qui concerne les ventes et travaux immobiliers, les ventes de matériels agricoles, les fournitures de logement en meublé ou en garni, les ventes à consommer sur place, et les ventes d'électricité effectuées en basse tension ;

– 13 % en ce qui concerne les ventes de produits pétroliers énumérés au tableau B de l'article 265 du code des douanes.

Pour les autres biens et prestations de service, les taux de TVA sont les mêmes qu'en France continentale.

L’article 2 de la loi n° 2012-354 prévoyait une hausse adaptée du taux de 8 %, qui était relevé à 8,7 %, et du taux de 13 %, relevé à 14,1 % pour les opérations dont le fait générateur serait intervenu à compter du 1er octobre 2012, à moins que la taxe ne soit devenue exigible à cette date.

Cette hausse, qui était cohérente avec la hausse prévue pour la France métropolitaine, n’a plus lieu d’être.

C.– LE REMBOURSEMENT FORFAITAIRE AGRICOLE

Par cohérence également avec l’abrogation de la hausse du taux normal de TVA, le C du IV du présent article abroge l’adaptation du remboursement forfaitaire agricole prévue par l’article 2 de la loi n° 2012-354. Cette abrogation s’applique rétroactivement à compter du 1er janvier 2012, conformément au A du VII du présent article.

Les activités de nature agricole peuvent être soumises à la TVA à titre obligatoire ou sur option. Les exploitants agricoles redevables de la TVA bénéficient d’un régime simplifié d’imposition spécifique et les petits exploitants ont un régime particulier de franchise. Les exploitants qui exercent une activité obligatoirement imposable et les coopératives désignées au 3° de l’article 257 du CGI relèvent de plein droit du régime de droit commun de la TVA.

Le remboursement forfaitaire (RFA) a pour objet de compenser la charge de la TVA ayant grevé les achats des exploitants agricoles qui ne sont pas redevables de la TVA et ne peuvent donc la déduire. Dans le cas où un exploitant agricole n'est redevable de la TVA que sur une partie de ses activités à la suite d'une option restreinte, seules les ventes et livraisons de produits provenant du secteur non imposé à la taxe ouvrent droit au remboursement forfaitaire.

Deux régimes sont prévus pour l’application du remboursement forfaitaire, l’un pour le cas général, et l’autre pour les livraisons d’animaux vivants de boucherie et de charcuterie. Le régime général s’applique aux livraisons de produits agricoles provenant de la propre exploitation de l’agriculteur, réalisées à destination de tiers ; sont toutefois exclues les ventes à des particuliers ou à d’autres agriculteurs soumis au même régime. Le fait générateur est constitué par les encaissements perçus, quelle que soit la date des livraisons. Le remboursement est liquidé sur le montant net des encaissements. Son taux varie selon la nature des produits agricoles.

L’article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a fixé le taux à 4,63 % pour le lait, les animaux de basse-cour, les œufs, les animaux de boucherie et de charcuterie définis par décret, les céréales, les oléagineux et les protéagineux désignés à l'annexe I du règlement CEE n° 1765-92 du Conseil des communautés européennes instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables et à 3,68 % pour les autres produits. La première loi de finances rectificative pour 2012 avait prévu d’augmenter ces taux pour les fixer respectivement à 4,73 % et à 3,78 % au 1er octobre 2012. La même loi prévoyait aussi une hausse du taux de remboursement forfaitaire porté, à compter du 1er janvier 2013, à 5,01 % et 4,06 %. Le coût, limité, de cet ajustement était estimé à 0,8 million d’euros en 2012 et à 3 millions d’euros en année pleine.

Le A du I du présent article abroge cette hausse de taux.

D.– LE MAINTIEN D’UNE CHARGE FISCALE CONSTANTE SUR LES TABACS

Le lien entre les prix des tabacs manufacturés, homologués par arrêté, et la fiscalité est à double sens, puisque tous les éléments du prix, y compris les taxes, sont définis en pourcentage du prix de détail et sont interdépendants.

L’article 298 quaterdecies du CGI soumet les opérations portant sur les tabacs manufacturés à la TVA au taux normal. Le taux de 19,6 % correspond à un taux de 16,3856 % « en dedans » du prix de vente au détail. La taxe s’applique donc sur les accises, dont le régime est fixé par les articles 575 à 575 D du CGI. Un nouveau taux de 21,2 % correspondait à un taux « en dedans » de 17,49 %.

À prix de détail constant, la hausse de TVA signifie soit une diminution de la remise brute allouée au débitant, alors que sa hausse progressive est prévue dans le cadre du troisième contrat d’avenir signé par le Gouvernement et les buralistes signé le 23 septembre 2011, soit une diminution du prix du fabricant, soit enfin une diminution du droit de consommation.

Pour les cigarettes, le droit de consommation se décompose en une part spécifique exprimée en euros pour 1 000 cigarettes et une part proportionnelle au prix de vente au détail. Ces parts se calculent par rapport au prix de vente au détail des cigarettes de la classe de prix de référence (de 5,70 euros aujourd’hui), de telle sorte que le total de la part spécifique et de la part proportionnelle égale 64,25 % du prix de vente, soit 3,66 euros. Les autres tabacs manufacturés sont soumis à un taux normal applicable à leur prix de vente au détail, sous réserve d'un minimum de perception.

Afin de maintenir la hausse des prix du tabac dans la trajectoire de hausse modérée et régulière, conformément aux engagements pris dans le cadre du plan cancer et de maintenir la charge fiscale constante, l’article 2 de la première LFR 2012 a compensé la hausse de TVA par une baisse du droit de consommation. Une hausse de 6 % du prix du tabac a eu lieu en octobre 2011. Le Gouvernement précédent avait annoncé en août 2011 qu’une nouvelle hausse de même ampleur aurait lieu courant 2012. Le montant des droits de consommation sur les tabacs attendu en 2012 est estimé à près de 11 milliards d’euros. En 2011, le produit était de 10,6 milliards d’euros ; s’y ajoutent 3 milliards d’euros de TVA. L’enjeu de l’évolution du droit de consommation est donc de l’ordre de 200 millions d’euros.

ÉVOLUTION PROPOSÉE POUR LE DROIT DE CONSOMMATION SUR LES TABACS

(en pourcentage)

Groupe de produits

Taux normal actuel, dont le présent article propose le maintien après le 1er octobre 2012

Taux normal qui était prévu à compter du 1er octobre 2012 par l’article 2 de la loi n° 2012-354

Cigarettes

64,25

63,31

Cigares

27,57

27,16

Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes

58,57

57,71

Autres tabacs à fumer

52,42

51,65

Tabacs à priser

45,57

44,90

Tabacs à mâcher

32,17

31,70

DÉCOMPOSITION DU PRIX DE VENTE D’UN PAQUET DE VINGT CIGARETTES

STRUCTURE DE PRIX

TAUX

Exemple
(en euros)

Exemple
(en euros)

PRIX DE VENTE AU DÉTAIL
(pour un paquet de 20 cigarettes)

 

5,70

6,20

REMISE BRUTE ALLOUÉE AU DÉBITANT

8,54 % du prix de vente au détail pour les autres produits du tabac

0,48

0,52

DROIT DE CONSOMMATION

64,25 %

3,66

 

qui se décompose en :

– une part proportionnelle au prix de vente au détail

54,57 %

 

3,38

– une part spécifique en euros pour 1 000 cigarettes

27,58 euros

 

0,55

TVA

16,388 % du prix de vente au détail

0,93

1,01

CHARGE FISCALE TOTALE

 

4,59

4,94

soit par rapport au prix de vente au détail.

 

80,52 %

79,67 %

Source : DGDDI, mars 2012.

Les recettes du droit de consommation sur les tabacs manufacturés sont réparties entre les attributaires suivants (article 16 de la loi de financement pour la sécurité sociale n° 2011-1906 du 21 décembre 2011).

Branche maladie du régime général de sécurité sociale

52,33 %

Branche famille du régime général de sécurité sociale

11,17 %

Branche assurance maladie du régime de protection sociale des personnes non salariées des professions agricoles

15,44 %

Régime de l'assurance vieillesse complémentaire obligatoire pour les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole

1,89 %

Branches prestations familiales et assurances sociales du régime de protection sociale des personnes salariées des professions agricoles

10,00 %

Divers établissements, caisses et régimes prévus à l'article 16 - II. 3° f) de la loi n° 2011-1906 de financement de la sécurité sociale pour 2012

0,66 %

Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante

0,31 %

Fonds national d'aide au logement

1,48 %

Fonds de solidarité

1,25 %

Compensation des mesures définies aux articles L.241-17 et L.241-18 du code de la sécurité sociale

3,89 %

Branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de sécurité sociale

1,58 %

E.– LE FCTVA

Les collectivités territoriales sont le premier investisseur public. Elles réalisent en effet près de 70 % de l’investissement public total. Le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) a pour objet la compensation par l'État aux collectivités locales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux, de la TVA acquittée sur leurs investissements, sur la base d'un taux forfaitaire. Mise en œuvre progressivement, cette compensation est quasi intégrale depuis 1981. Les ressources de ce fonds sont constituées par un prélèvement sur recettes de l'État.

Le taux de compensation forfaitaire, applicable aux dépenses réelles d’investissement des collectivités territoriales, est fixé par l’article L. 1615-6 du CGCT (code général des collectivités territoriales) à 15,482 %, depuis 2003. Il fait l’objet d’un calcul « en dedans » et tient compte d’une réfaction liée à la TVA communautaire.

L’article 2 de la première LFR 2012 a modifié ce taux, fixé à 16,586 % pour les dépenses éligibles réalisées à compter de 2013, afin de tenir compte de la hausse du taux normal de TVA. Le V du présent article abroge, par cohérence, cette modification du taux de remboursement du FCTVA.

III.– L’ABROGATION DU NOUVEAU MODE DE CALCUL DES COTISATIONS PATRONALES FAMILIALES

L’article 2 de la première LFR 2012 prévoyait la modification, à compter du 1er octobre 2012, de l’assiette des cotisations patronales finançant les prestations familiales.

D’un point de vue économique, il s’agissait d’alléger le poids des cotisations patronales sur les salaires inférieurs à 2,4 SMIC, étant précisé qu’aucun seuil ne figure dans la loi.

D’un point de vue juridique, comme l’indiquait le Rapporteur général dans le rapport n° 4339 de la commission des Finances de février 2012, le mécanisme ne reposait toutefois pas sur un allégement de charges, c’est-à-dire avec un dispositif spécifique intervenant dans un second temps pour corriger un calcul initialement opéré sur la base d’un taux de cotisation proportionnel au salaire, comme le fait actuellement l’allégement général de cotisations sociales dit « réduction Fillon », mais sur une réforme de l’assiette permettant d’annuler ou de réduire le taux et donc le montant des cotisations familiales à certains niveaux de salaires. Cette réforme de l’assiette emportait par coordination un ajustement de la réduction Fillon.

A.– LA NOUVELLE ASSIETTE PRÉVUE PAR LA PREMIÈRE LFR 2012 POUR LES COTISATIONS FAMILIALES

Le B du II de l’article 2 de la loi n° 2012-354 a inséré un nouvel article L. 241-6-1 dans le code de la sécurité sociale, déterminant les règles de fixation du taux des cotisations patronales finançant les prestations familiales.

Ces règles devaient être applicables aux gains et rémunérations entrant dans le champ de l’allégement général de cotisations sociales. Il s’agit des rémunérations des salariés pour lesquels l’employeur est soumis à l’obligation d’assurance-chômage et, par dérogation, des salariés de certains autres employeurs. Les travailleurs indépendants, y compris les exploitants agricoles, qui ne sont pas salariés, ne bénéficiaient donc pas du dispositif. En pratique, les employeurs exclus du champ étaient :

– les organismes et collectivités de droit public (l’État et les collectivités territoriales et leurs établissements publics administratifs ainsi que les chambres consulaires) ;

– les particuliers employeurs ;

– les employeurs relevant de certains régimes spéciaux de sécurité sociale, étant précisé que les employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires bénéficient de l’allégement Fillon par détermination expresse de la loi,

Selon l’annexe V au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, 1,6 million d’employeurs et 10,5 millions de salariés bénéficiaient de la réduction Fillon en 2010.

Il a été prévu par la loi n° 2012-354 précitée :

– une exonération totale de cotisation pour les rémunérations ou gains perçus inférieurs à 2,1 fois la valeur du SMIC calculé pour un an ;

– un taux croissant entre 0 % et 5,4 % pour les rémunérations comprises entre 2,1 et 2,4 fois la valeur du SMIC calculé pour un an ;

– un taux demeuré fixé à 5,4 % pour les rémunérations supérieures à 2,4 fois la valeur du SMIC calculé pour un an.

Ces seuils de rémunération résultent du récent décret n° 2012-664 du 4 mai 2012 relatif aux taux et aux modalités de calcul des cotisations d’allocations familiales et de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale. Ce décret tirait en outre les conséquences de l'introduction de ce nouveau barème sur le dispositif de réduction générale des cotisations patronales. Il était applicable aux rémunérations versées à compter du 1er octobre 2012, date d’entrée en vigueur de la « TVA sociale ».

Le D du II du présent article abroge cet article L. 241-6-1 du CSS, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354.

Par coordination, le A du II de l’article 2 de la loi n° 2012-354 modifiait l’article L. 241-6 du code de la sécurité sociale qui détermine les recettes de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour supprimer le principe du caractère proportionnel des cotisations patronales finançant les prestations familiales (1°) et supprimer la disposition précisant la part du produit des CSG affecté à la CNAF (3°). Le 1° et le 2° du C du II rétablissent la rédaction du 1° et du 3° de l’article L. 241-6 du CSS, et partant le caractère proportionnel des cotisations patronales finançant les prestations familiales.

Plusieurs dispositions de pure coordination concernent les salariés agricoles. L’article 2 de la première LFR 2012 modifiait les dispositions du code rural et de la pêche maritime régissant les cotisations sociales des salariés agricoles pour prévoir que les cotisations familiales de ces salariés seraient également calculées selon le nouveau régime. Le A du III du présent article remplace, dans l’article L. 741-3 du code rural et de la pêche maritime, la référence à l’article L. 241-6-1 du CSS, abrogé, par une référence au 1° de l’article L. 241-6 du même code, rétabli.

B.– L’ARTICULATION AVEC LA RÉDUCTION FILLON

L’article 2 de la loi n° 2012-354 modifiait, pour les rémunérations versées à compter du 1er octobre 2012, l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale qui régit l’allégement général de cotisations sociales dit réduction Fillon : il supprimait les cotisations finançant les prestations familiales du champ des cotisations concernées et renvoyait de la loi au décret la fixation des coefficients maximaux de la réduction Fillon, encadrée par deux principes :

– un coefficient dégressif en fonction du niveau de rémunération, avec annulation au-delà de 1,6 SMIC ;

– une valeur maximale de ce coefficient égale à la somme des taux de cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les gains et rémunérations versés par des employeurs bénéficiant, en l’état, d’un coefficient majoré (28,1 % au lieu de 26 %) qui sont, à titre principal, les entreprises de moins de vingt salariés.

En conséquence, la réduction Fillon aurait été désormais automatiquement relevée en cas d’augmentation des taux des cotisations patronales concernées.

Par coordination, l’application de la réduction Fillon aux cotisations familiales des salariés agricoles était supprimée.

Le E du II du présent article apporte plusieurs modifications à l’article L. 241-13 du CSS :

– il rétablit les cotisations finançant les prestations familiales dans le champ des cotisations concernées (1°) ;

– il rétablit dans la loi les coefficients de la réduction Fillon, que la précédente LFR 2012 renvoyait au décret.

Sont ainsi rétablies la valeur maximale du coefficient, fixée à 0,26 pour le cas général (3°), et la valeur maximale de 0,281 dans le cas des employeurs de moins de vingt salariés (2°).

En outre, le B du III du présent article rétablit l’application de la réduction Fillon aux cotisations familiales des salariés agricoles.

C.– LES DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

Le F du II de l’article 2 de la première loi de finances rectificative pour 2012 modifiait par coordination les dispositions de l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale régissant les exonérations de cotisations patronales applicables outre-mer.

Jusqu’au vote de la loi n° 2012-354, l’exonération couvrait la totalité des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales jusqu’à 1,4 SMIC dans le cas général et 1,6 SMIC dans le régime bonifié. Pour les rémunérations dépassant ce seuil, il était prévu soit une réduction linéaire du montant de l’exonération qui s’annulait à 3,8 SMIC (cas général) ou 4,5 SMIC (régime bonifié), soit un maintien du montant de l’exonération jusqu’à 2,2 SMIC puis une décroissance linéaire jusqu’à 3,8 SMIC (moins de onze salariés).

L’exonération était donc calculée par référence à son montant (en valeur absolue) acquis à un niveau de salaire auquel, dans le droit proposé, les cotisations familiales ne seraient plus dues. Aux niveaux de rémunération où celles-ci redeviendront, en tout ou partie, exigibles, il en résulterait donc une augmentation des cotisations sociales dues par l’employeur (nettes de l’exonération).

Afin d’éviter ce phénomène, la loi n° 2012-354 a prévu de calculer l’exonération non plus en référence à un montant en valeur absolue mais sur la base d’une part de rémunération.

Le présent article ne modifie pas ces dernières dispositions.

IV.– LES RELATIONS FINANCIÈRES ENTRE L’ÉTAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

L’article 2 de la première loi de finances rectificative pour 2012 comportait, s’agissant des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, deux aspects.

Il simplifiait les affectations de TVA à la sécurité sociale et les rendait plus transparentes par la création d’un compte de concours financiers.

Il posait également la question de la garantie de la compensation de son coût à la sécurité sociale, et y répondait par une information du Parlement sur l’évolution de l’équilibre financier de la réforme. L’ensemble de ces modifications devait s’appliquer à compter du 1er octobre 2012, hormis l’information au Parlement qui serait due à compter d’octobre 2013.

A.– LES AFFECTATIONS DE TVA BRUTE ET NETTE

À compter du 1er octobre 2012, l’article 2 de la loi n° 2012-354 simplifiait les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale en remplaçant les affectations actuelles du produit de TVA brute généré par diverses assiettes par le transfert de quotes-parts du produit de TVA nette ; cela concernait l’ensemble de la TVA aujourd’hui affectée à la sécurité sociale, en tant que ressource pérenne de l’assurance maladie ou en tant que compensation de l’allègement en faveur des heures supplémentaires :

– la TVA brute collectée par les commerçants de gros en produits pharmaceutiques (4° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale) ;

– la TVA brute collectée par les fournisseurs de tabacs (5° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale) ;

– la TVA brute collectée par divers acteurs du secteur de la santé (alinéas 9 à 15 de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale).

Ces trois affectations étaient supprimées et leur produit devait retourner à l’État. En contrepartie, l’assurance maladie devait percevoir une quote-part de 5,38 % du produit de la TVA nette.

AFFECTATIONS DE TVA ACTUELLES ET PROPOSÉES

   

Affectations actuelles de
produit de TVA brute

(en milliards d’euros)

Affectations de produit de TVA nette prévues par la 1ère LFR 2012

L. 131-8 (CSS)

Maladie

Produits pharmaceutiques

3 586

 

Fournisseurs de tabacs

3 439

L. 241-2 (CSS)

Maladie

Lunettes

276

Équipements médicaux

212

Généralistes

279

Hôpitaux

274

EHPAD

244

Ambulances

97

TOTAL

8 407

8 200

Quote-part de 5,38 % de TVA nette

LFI 2008,
art. 53

Heures supplémentaires

Alcools

2 048

2 020

Quote-part de 1,33 % de TVA nette

Source : Rapport de la commission des Finances sur le premier PLFR 2012.

Le B du I du présent article décale l’application de ces dispositions à compter du 1er janvier 2013 et non plus du 1er octobre 2012.

Pour l’exercice 2012, le C du VII du présent article prévoit que les dispositions du 3 ° de l’article L. 241-2 du CSS s’appliquent dans la rédaction en vigueur au 1er janvier 2012, soit l’affectation des assurances maladie, maternité, invalidité et décès de la TVA brute collectée par divers acteurs du secteur de la santé.

Pour 2012, l’article 2 de la loi n° 2012-354 supprimait l’affectation du produit de TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées, qui constituait la principale composante du « panier » compensant l’allègement en faveur des heures supplémentaires. Celle-ci était remplacée par l’affectation d’une quote-part de 1,33 % de TVA nette. Le paragraphe VI du présent article revient sur cette modification et rétablit l’affectation du produit de TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées.

Par ailleurs, le A du II du présent article modifie la quote-part du produit de la TVA nette destinée à l’assurance-maladie, sans revenir sur le principe du remplacement d’affectations du produit de TVA brut généré par diverses assiettes par le transfert de quotes-parts du produit de TVA nette. Il est proposé de faire passer le taux de 5,38 % à 5,75 %. Conformément au B du VII du présent article, ce changement de taux s’appliquerait à compter du 1er janvier 2013, aux sommes déclarées par les assujettis au titre des périodes ouvertes à partir de cette date.

Les ressources aujourd’hui affectées à la sécurité sociale ne correspondent pas à la TVA versée par ces entreprises mais à la TVA collectée telle que déclarée par elles, avant déduction de la TVA sur les achats. Compte tenu du doublement du montant de TVA transférée à la sécurité sociale, le maintien d’une telle pratique aurait probablement entraîné d’importants coûts de gestion. Un transfert de TVA nette rend plus visible le transfert de ressources entraîné par la réforme, tandis qu’un transfert de TVA brute ne permet pas d’évaluer, à la simple lecture du budget de l’État, le montant de financement transféré par l’État.

B.– LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS

Conséquence directe de l’affectation de quotes-parts de TVA nette, l’article 2 de la loi n° 2012-354 prévoyait la création d’un compte de concours financiers retraçant les versements de TVA de l’État à la sécurité sociale.

Comme le précédent Rapporteur général l’indiquait lors de l’examen du premier PLFR pour 2012, le calcul de la TVA nette implique de prendre en compte les remboursements et dégrèvements payés par les comptables publics et l’établissement du montant perçu de TVA nette peut donc prendre un certain temps. Les organismes de sécurité sociale pourraient donc pâtir d’un décalage de trésorerie du fait de ce délai incompressible, décalage renforcé par le fait qu’une partie de la TVA perçue par les comptables publics peut être versée avec un décalage de trois mois, voire d’un an, par rapport au fait générateur.

Le compte de concours financiers avait donc pour objet d’éviter la constitution d’un tel décalage de trésorerie et d’avancer aux organismes de sécurité sociale le montant des impositions qui leur sont affectées, ces avances étant couvertes au moment de la perception de la TVA.

En recettes, le compte se voyait affecter différentes quotes-parts de TVA nette :

– la quote-part de 6,7 % destinée au financement de la branche famille et qui constituait le principal élément de financement des allègements de cotisations prévus par la mesure de « TVA sociale » ;

– la quote-part de 1,33 % destinée au financement de l’allègement en faveur des heures supplémentaires et se substituant à l’affectation de la TVA brute sur les alcools ;

– la quote-part de 5,38 % destinée au financement de l’assurance maladie et se substituant aux affectations du produit de diverses assiettes.

En dépenses, le compte devait retracer le reversement de ces recettes à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Le paragraphe A du I du présent article supprime le compte de concours financier intitulé « Avances aux organismes de sécurité sociale », en conséquence de la suppression du relèvement du taux de TVA et de l’affectation de son produit à la branche famille.

C.– LA COMPENSATION À LA SÉCURITÉ SOCIALE DE L’ALLÈGEMENT DE COTISATIONS FAMILIALES N’EST PLUS NÉCESSAIRE

Le paragraphe A du I du présent article abroge le IV de l’article 2 de la loi n° 2012-354, qui visait à compenser à la branche famille la modification de l’assiette des cotisations sociales par l’affectation de deux ressources pérennes. Du fait du nouveau mode de calcul de l’assiette des cotisations « famille », le dispositif n’était pas assimilable à une mesure de réduction ou d’exonération de cotisations. En conséquence, il ne relevait pas du champ de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, qui prévoit le principe de la compensation par l’État de telles mesures. La compensation financière apportée par l’État via la TVA et la CSG n’a pas vocation à être ajustée chaque année, comme l’était, par exemple, jusqu’en 2011, le panier fiscal compensant le coût des allègements généraux.

D’une part, les ressources de la branche famille étaient complétées par l’affectation d’une quote-part de 6,7 % de produit de TVA nette.

Le 3° du C du II du présent article abroge le 9° de l’article L. 241-6 du CSS qui prévoit, dans sa rédaction issue du 4° du A du II de l’article 2 de la loi n° 2012-354, l’affectation de cette fraction égale à 6,70 % du produit de la TVA nette à la CNAF pour la couverture des charges de prestations familiales.

D’autre part, la hausse de deux points du taux du prélèvement social non déductible sur les revenus du patrimoine, dont le produit est évalué à 2,6 milliards d’euros en année pleine, lui est entièrement affectée (cf. infra).

De plus, l’article 2 de la loi n° 2012-354 prévoyait la transmission au Parlement, au plus tard à la date limite de dépôt des projets de loi de financement pour 2014 et 2015, d’une information relative à l’équilibre financier de la réforme – coût des allègements de cotisations prévues par le présent article, rendement des nouvelles recettes de la branche famille. Sur la base de cette information, des mesures d’ajustement auraient pu être proposées et, éventuellement, adoptées en loi de financement ou en loi de finances rectificative de fin d’année pour rétablir l’équilibre de la réforme.

Le A du I du présent article abroge la disposition prévoyant ce rapport devenu inutile.

Les allègements généraux sur les bas salaires, en revanche, constituent des réductions de cotisations sociales et font l’objet d’une exception au principe de compensation prévu à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, prévue à l’article 13 de la loi de financement pour 2011, tenant au fait que le panier fiscal affecté à la compensation de ce dispositif, jusqu’alors régulièrement ajusté en fin d’année, a été remplacé par un transfert pérenne de recettes « pour solde de tout compte ».

Depuis la première LFR pour 2012, l’exception au principe de compensation prévue à cet article en faveur des allègements généraux porte sur le dispositif tel que résultant de sa rédaction en vigueur, non plus au 1er janvier 2011, mais au 1er octobre 2012, c’est-à-dire à la date d’entrée en application des modifications du régime des allègements généraux prévues par le dispositif « TVA sociale ».

Par coordination, le F du II du présent article revient sur cette modification et rétablit la référence au dispositif résultant de la rédaction des articles L. 241-13 (allègements Fillon) et L. 241-6-4 (exonérations de cotisations d’allocations familiales) en vigueur au 1er janvier 2011.

V.– LA HAUSSE DE 2 POINTS DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES REVENUS DU PATRIMOINE ET DES PRODUITS DE PLACEMENT

L’article L. 245-46 du CSS répartit le produit des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, dont la hausse de deux points a remplacé, conformément à un amendement de la commission des Finances, l’augmentation de deux points de CSG prévue par le premier PLFR pour 2012. Le produit attendu de la mesure, estimé à 2,6 milliards d’euros, est attribué à la Caisse nationale des allocations familiales.

Le taux de ces prélèvements n’est pas modifié par le présent article et demeure donc inchangé.

Cependant, le B du II du présent article propose de modifier la répartition de leur produit :

 

Répartition actuelle

Répartition proposée

CNAVTS

1,2 %

2,9 %

CNAF

2 %

0,3 %

Le gain lié au maintien de la hausse des prélèvements sociaux sur le capital s’élèvera à 0,8 milliard d’euros en 2012 et à 2,6 milliards d’euros en année pleine à compter de 2013.

Une fraction de 400 millions d’euros (soit un point en 2012 et 0,3 point les années suivantes) est affectée à la CNAF pour financer le relèvement de l’allocation de rentrée scolaire à compter de septembre 2012.

Le reste du prélèvement (400 millions d’euros en 2012 et 2,2 milliards à partir de 2013 en année pleine) sera affecté à la CNAV pour réduire son besoin de financement.

Cette nouvelle répartition s’applique :

– aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-36 du CSS perçus à compter du 1er janvier 2012 (VII D 1° du présent article) ;

– aux produits de placement mentionnés au I de l’article L. 136-37 du CSS et payés ou réalisés à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et le cas échéant constatée à compter du 1er janvier 2013. (VII D 2° du présent article).

Pour ces produits de placement, une répartition différente est prévue au titre du deuxième semestre 2012  par le E du VII du présent article :

0,3 %

Fonds de solidarité vieillesse

Dont 0,2 %

Financement des dispositifs prévus pour les assurés pour lesquels l’âge de départ à la retraite à taux plein est fixé à 65 ans

1,3 %

CADES

2,2 %

CNAV TS

0,6 %

CNAM TS

1 %

CNAF

*

* *

La Commission est saisie d’une série d’amendements de suppression de l’article : CF 3, 30 à 32, 34 à 38, 39 à 52, 220, 246, 254, 266 et 285.

M. Claude Goasguen. Me réservant de défendre au fond mon amendement CF 3 lors de la séance publique, je me bornerai cet après-midi à une remarque préjudicielle.

Depuis le discours de politique générale du Premier ministre, de nouvelles annonces, pourtant importantes, ont été faites devant d’autres hémicycles ; en particulier, il a été mentionné devant les partenaires sociaux une étude sur la contribution sociale généralisée (CSG), et l’on entend parler d’une autre étude sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Je m’étonne que l’on donne ainsi plus de poids au dialogue social qu’au dialogue démocratique. La priorité devrait revenir à l’Assemblée !

M. Olivier Carré. La question du défaut de compétitivité fait aujourd’hui quasiment l’unanimité, aussi bien dans le monde syndical que parmi les politiques. Les idées selon lesquelles il existe pour les entreprises un problème de coût du travail et un problème de marges, et que la compétition internationale nécessite capacité d’adaptation et souplesse, progressent.

L’objectif de la TVA sociale était de transférer vers la consommation une partie du financement de la protection sociale assuré par les entreprises, notamment via le coût du travail. Cette idée a fait son chemin et, comme l’a noté Claude Goasguen, on commence à parler dans les journaux d’une hausse de la CSG. Pourtant il existe déjà un dispositif, applicable à l’automne, consistant en une baisse de 13,2 milliards des cotisations sociales patronales familiales, compensée en partie – et en partie seulement – par une hausse de la TVA ; je rappelle en effet que la TVA sociale serait complétée, à hauteur de 2,6 milliards, par une hausse de la CSG sur les revenus du capital.

Je m’étonne donc que l’on veuille supprimer cette mesure, qui répondait à une urgence, pour engager des discussions sur un dispositif dont les conséquences macroéconomiques seront très proches. Notre pays attend autre chose !

M. Pierre-Alain Muet. Il est curieux de noter que l’un des amendements de suppression de l’article a été déposé par M. Baroin : on se souvient que celui-ci avait déclaré, il y a deux ans, que la TVA sociale serait une mesure totalement inappropriée parce que, expliquait-il, pour qu’elle puisse avoir un petit impact sur l’emploi, il faudrait une augmentation considérable de la TVA et une baisse tout aussi considérable des cotisations sociales, et que le résultat serait une forte chute de la consommation.

Les mesures de politique économique doivent s’évaluer en fonction de la conjoncture. Or, à l’heure actuelle, la consommation n’augmente pas et, parce que la demande est insuffisante, il n’y a pas de croissance en France. Opérer un transfert de fiscalité des entreprises vers le consommateur serait absurde : cela reviendrait à enfoncer la consommation, à ralentir encore un peu plus la croissance et à freiner l’investissement.

En outre, je rappelle qu’en 2004, le ministre des Finances avait fait état d’une simulation selon laquelle un point de TVA en plus représenterait 0,9 point de croissance en moins tandis que l’allégement des cotisations correspondant permettrait de gagner seulement 0,4 point de croissance supplémentaire : l’opération se solderait donc par un demi-point de croissance en moins !

Mme Valérie Pécresse. N’importe quoi !

M. Pierre-Alain Muet. Le ministre qui tenait ces propos, madame Pécresse, s’appelait Nicolas Sarkozy, et il s’appuyait sur les travaux des services du ministère ! Il aurait dû s’en tenir à cette position, car la TVA sociale est la mesure la plus absurde que l’on pouvait prendre dans la conjoncture actuelle ! Mais il est vrai que vous avez un riche bilan en la matière…

M. Charles de Courson. Puis-je appeler mes collègues à un peu de modération ? En ce qui nous concerne, monsieur Muet, nous n’avons pas changé d’opinion sur le sujet : c’est une mesure que les centristes réclamaient depuis dix ans.

L’un des objectifs était de régler le problème du financement de la branche famille : le dispositif permet en effet de transférer sur la fiscalité 13 milliards de cotisations sociales patronales, soit un tiers de celles-ci. Cela allait dans le bon sens. J’observe d’ailleurs que les partenaires sociaux – du moins, les plus intelligents d’entre eux, notamment la CFDT – souhaitent que l’on réfléchisse à une réforme du mode de financement de la protection sociale ; certains ont même déclaré qu’il fallait augmenter la CSG !

Quant à votre thèse sur le modèle macroéconomique, elle dépend beaucoup du contexte et des hypothèses en la matière. Aujourd’hui, en raison de la très forte concurrence, la répercussion de la mesure sur les prix ne serait pas de 100 %, mais de 30 ou 40 %. Le gouvernement précédent défendait la thèse excessive selon laquelle il n’y aurait aucune répercussion, mais il ne faudrait pas tomber dans l’excès inverse !

En outre, si la réforme est si mauvaise, pourquoi maintenir l’augmentation de la CSG sur les revenus du patrimoine ? Ce n’est pas cohérent !

Enfin, que proposez-vous à la place ? Rien, alors que tout le monde reconnaît qu’il existe dans notre pays un problème de compétitivité !

M. Olivier Faure. Monsieur Goasguen, n’avez-vous pas voté la loi sur la rénovation du dialogue social, qui avait été soumise au Parlement par François Fillon ? Pourquoi vous étonnez-vous que les partenaires sociaux soient saisis de sujets qui seront ensuite discutés au Parlement ? Pour une fois qu’il s’agit d’une vraie négociation, et que les annonces ne précèdent pas le dialogue !

M. Christian Estrosi. Pourquoi vouloir abolir cette mesure ? Elle donnait la possibilité de faire financer notre protection sociale par des pays qui produisent à bas coûts, qui font travailler des enfants et qui n’imposent pas à leurs entreprises les mêmes règles environnementales que nous ; cela permettait de baisser les coûts de production chez nous et de les augmenter pour les importateurs. Vous revenez sur ce choix de la justice et de la compétitivité.

Prenons un exemple d’actualité. Renault voulait initialement produire la Clio 4 en Turquie ; le précédent gouvernement lui a imposé de produire à Flins les versions destinées au marché français et au marché européen. Renault se plaint aujourd’hui que cela coûte 1 200 euros de plus par Clio. Et vous, vous l’encouragez à s’engager dans la voie de la délocalisation !

On pourrait penser qu’il s’agit d’une posture idéologique visant à taxer davantage les entreprises, mais il n’en est rien, puisque vous avez annoncé hier que vous ferez la même chose, mais en augmentant la CSG. Les ménages appartenant au quintile le moins favorisé consacrent 100 % de leur revenu à la consommation et leur consommation est, à 80 %, soumise à une TVA à taux réduit. Or, sur les quatre taux de TVA, nous avions prévu de n’augmenter que le plus élevé, afin de préserver les populations les plus fragiles et les classes moyennes : la TVA anti-délocalisation ne touchait ni l’alimentation, ni l’eau, ni l’électricité, ni le gaz, ni les médicaments, ni les produits culturels.

Mme Valérie Pécresse. Ni les loyers !

M. Christian Estrosi. À l’inverse, la hausse de la CSG touchera les retraités et les invalides, elle provoquera une baisse des salaires des ouvriers et elle portera gravement atteinte au niveau de vie des Français.

M. Philippe Vigier. Vous critiquez notre proposition d’augmenter la TVA, mais vous avez prévu une augmentation de deux points de la CSG sur les revenus du travail ! Pourtant le Premier ministre a affirmé tout à l’heure dans l’hémicycle qu’aucune décision ne serait prise avant 2013. N’est-ce pas contradictoire ?

Vous qui comparez si souvent le modèle français et le modèle allemand, vous devriez savoir qu’au cours des dix dernières années, le coût du travail a augmenté de 20 % en France et de 7 % seulement en Allemagne. Or l’Allemagne a augmenté la TVA de quatre points en 2004 !

Puisque vous faites référence aux déclarations de personnalités politiques du centre et de la droite, je vous renvoie à celles de Manuel Valls, qui a expliqué qu’une TVA anti-délocalisation permettrait de créer 60 000 emplois par an, pendant trois ans.

Jusqu’à ces dernières heures, vous prétendiez que l’on pouvait faire redémarrer la croissance et augmenter le nombre des emplois dans notre pays uniquement grâce à l’innovation et au soutien aux entreprises. Brusquement, le terme de « compétitivité » apparaît dans vos éléments de langage – mais quelles sont vos propositions en la matière ?

Enfin, l’allégement des charges sociales concernait majoritairement les PME et les PMI, qui sont les plus pourvoyeuses d’emploi. Ce sont elles qui seront les plus pénalisées par l’abandon de la TVA sociale. Quelle erreur de votre part !

M. Patrick Ollier. Monsieur Moscovici a fort pertinemment souligné qu’il y avait un problème de coût du travail en France. Or le dispositif de TVA dite « sociale », ou « anti-délocalisation », consistait en une diminution du coût du travail compensée par une augmentation de la TVA, sans conséquences sur les prix.

Il existe en effet deux systèmes : en Grande-Bretagne, on a augmenté la TVA de trois points sans diminuer le coût du travail, et les prix ont augmenté de trois points ; en Allemagne, au contraire, on a diminué le coût du travail et l’on a augmenté la TVA : cela n’a eu aucune conséquence sur les prix. C’est cette dernière logique que nous voulions mettre en œuvre.

Vous, vous reconnaissez qu’il y a un problème de coût du travail, mais vous abrogez la TVA anti-délocalisation ! Que comptez-vous faire pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises et réduire le coût du travail, notamment pour les PME et les PMI ?

Mme Karine Berger. De toute évidence, l’opposition a du mal à comprendre le dispositif de TVA sociale ! Il faut dire qu’il n’est pas aisé d’en saisir le principe…

De deux choses l’une. Soit, comme l’affirme M. de Courson, cela provoquerait une hausse des prix, ce qui serait d’ailleurs la conséquence mécanique d’une hausse de la TVA – mais Nicolas Sarkozy voulait sans doute que la France soit l’exception qui confirme la règle ! Dans ce cas, comme l’a démontré Pierre-Alain Muet, cela aurait des conséquences négatives sur l’activité économique.

Soit, comme le soutient M. Ollier, la hausse de la TVA n’aurait pas de conséquence sur les prix. Dans ce cas, il s’agirait d’une mesure inutile, puisque les marges des entreprises ne seraient pas améliorées : la TVA doit bien être payée par quelqu’un !

S’agissant du coût du travail, je suis navrée de vous apprendre que l’Allemagne, elle, est l’exception qui confirme la règle. Depuis dix ans, dans ce pays, l’augmentation du coût du travail est de 15 points inférieure à ce qui est enregistré dans le reste de l’Union européenne : ce n’est donc pas lié au dispositif de TVA sociale, qui ne portait que sur 3 points. La France se situe pour sa part dans la moyenne de l’Union européenne. Si vous vouliez aller jusqu’au bout de votre logique, il fallait appeler à un gel des salaires nets, c’est-à-dire faire payer aux salariés français les mesures en faveur de la compétitivité.

M. le président Gilles Carrez. Ayant été le rapporteur du texte en février, je voudrais faire quelques observations.

Tout d’abord, madame Berger, dans un certain nombre de cas, la baisse de 5,4 points des cotisations patronales serait supérieure à la hausse de la TVA, ce qui reviendrait à un gain de compétitivité pour l’entreprise – d’autant plus significatif qu’un produit de même nature importé subirait intégralement la hausse de TVA, sans bénéficier de la diminution des coûts.

Lors des discussions qui ont eu lieu dans les mois qui ont précédé l’adoption du dispositif – Éric Besson avait remis un rapport très intéressant sur le sujet dès septembre 2007 –, les avantages comparés d’une hausse de la TVA et d’une hausse de la CSG ont été évalués. À partir des exemples de l’Allemagne et de la France – la hausse de 2 points de TVA de 1995 –, il a été prouvé que la répercussion sur les prix d’une augmentation de la TVA n’était que partielle, alors qu’une hausse de la CSG se répercutait totalement et immédiatement sur le pouvoir d’achat. C’est pourquoi le précédent gouvernement avait opté pour une approche pragmatique, et non idéologique, fondée sur un équilibre entre une hausse de la TVA et une hausse de la CSG. Mais plutôt que d’imposer cette dernière aux salariés et aux retraités, il avait été décidé, pour des raisons de justice fiscale, de la concentrer sur les revenus du patrimoine.

Il serait donc honnête de votre part de ne pas caricaturer le dispositif. Si vous aviez indiqué, à l’époque, y être opposés, cette mesure, loin d’avoir été dictée par des considérations idéologiques, était motivée par le seul souci d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. D’ailleurs, nous avions assumé le fait qu’une partie du gain serait captée par les marges des entreprises ; nous pensions en effet qu’il fallait remédier à la dégradation historique de celles-ci, sous peine d’entrer dans un cercle vicieux où les entreprises perdraient de la compétitivité faute de pouvoir investir, donc innover.

M. Jean-Louis Gagnaire. La baisse du taux de la TVA dans la restauration n’a pas conduit à une diminution des prix dans ce secteur, que l’on sache ! Pourtant, nos collègues de l’opposition prétendent qu’il n’en irait pas de même de la TVA dite sociale, au motif qu’elle s’accompagnerait d’une baisse du coût du travail… Il ne faut pas prendre les Français pour des imbéciles : chacun sait qu’une majoration du taux de la TVA entraîne immédiatement une montée des prix.

D’autre part, dans son rapport, M. Carrez, alors rapporteur général, soutenait que les entreprises industrielles ne bénéficieraient que d’un quart de la diminution des cotisations sociales parce que 40 % d’entre elles profitaient déjà de tels allégements dans le cadre du dispositif Fillon. Ainsi, alors que le secteur industriel est le plus exposé à la concurrence internationale, il ne gagnerait pas beaucoup à cet abaissement des charges sociales. Faire croire qu’une hausse du taux de TVA se traduirait par une amélioration de la compétitivité-coût des entreprises industrielles est donc une véritable supercherie. En revanche, vous aviez souligné, monsieur le président, que ce dispositif bénéficierait principalement aux entreprises de la grande distribution – qui n’ont pas besoin d’une telle aide – et aux TPE, qui n’ont pas réellement à faire face à la concurrence internationale. Il s’agit donc d’une fausse solution à un vrai problème.

Nous n’avons jamais nié, dans nos rangs, la nécessité pour nos entreprises d’être compétitives mais, si l’on reprend la sempiternelle comparaison avec l’Allemagne, on constate que les coûts de production sont équivalents mais les stratégies industrielles très différentes. Quand M. Carlos Ghosn décide de produire des voitures bas de gamme, Volkswagen a pour ambition de devenir le premier constructeur mondial. En Allemagne, l’accent a été mis sur la valeur ajoutée alors qu’en France, la filière automobile s’est appauvrie en privilégiant une production à bas coût, souvent réalisée à l’étranger. Quant à la relance permise par la prime à la casse – largement financée par le contribuable –, elle a surtout bénéficié aux importations. Ainsi les deux tiers de la valeur des véhicules fabriqués par PSA sont produits à l’étranger, cette proportion atteignant les trois quarts pour le groupe Renault. C’est cette politique qui a conduit à la dégradation de notre balance du commerce extérieur !

Mme Valérie Pécresse. La TVA sociale que nous avons voulu mettre en place se serait traduite par une baisse de 5 % du coût du travail pour des emplois peu ou pas qualifiés, ce au bénéfice de 95 % des très petites entreprises, monsieur Gagnaire ! Et si vous pensez que celles-ci ne souffrent pas du poids des charges sociales, c’est sans doute que nous n’avons pas visité les mêmes pendant la campagne électorale…

Le principe qui sous-tendait le dispositif était le financement de cette baisse de 5 % du coût du travail par une augmentation de la CSG portant sur les revenus du patrimoine, mesure juste, et par une hausse de 1,6 point du taux de TVA. S’appuyant sur l’expérience allemande et sur le précédent français de 1995, lorsque le gouvernement d’Alain Juppé avait décidé une augmentation sèche du taux de la TVA, la direction générale du Trésor avait estimé que cette élévation du taux de la TVA devait entraîner un accroissement des prix de seulement 0,35 %, dans la mesure où elle n’aurait pas été intégralement répercutée sur le prix des produits français, du fait de la baisse du coût du travail, non plus que sur celui des produits étrangers, soumis à très forte concurrence internationale.

Il s’agissait donc d’une très belle réforme qui consistait à faire financer notre protection sociale par les entreprises qui délocalisent leur production à l’étranger et la réimportent en France et par les entreprises étrangères. C’est ce qu’ont fait l’Allemagne et le Danemark et c’est ce que propose l’Union européenne pour le financement de la sécurité sociale. Un tel dispositif s’avère beaucoup moins douloureux qu’une hausse de la CSG.

En outre, mes chers collègues de la majorité, vous vous reniez : n’aviez-vous pas annoncé, au cours de la campagne électorale, votre intention d’accroître la progressivité de l’impôt sur les ménages ? Or l’instrument pour ce faire est l’impôt sur le revenu, non la CSG ! Vous aviez de surcroît déclaré vouloir baisser le taux de cette dernière sur les plus bas revenus, alors que vous allez l’augmenter. Dois-je rappeler que la CSG frappe l’ensemble des salariés alors que la hausse du taux supérieur de TVA ne touche que 40 % du panier de consommation des ménages ? Les loyers, les biens de première nécessité, les médicaments et l’alimentation, notamment, auraient conservé un taux inchangé.

À quelle hausse de la CSG inscrite sur les feuilles de paie allons-nous donc devoir comparer le chiffre de 0,35 % d’augmentation des prix ? C’est la réponse à cette question que nous attendons, mesdames et messieurs de la majorité !

M. Pascal Cherki. Ce débat sur la TVA sociale a déjà eu lieu, à l'Assemblée nationale et durant la campagne électorale ; l’intérêt de reprendre des arguments échangés dans le passé ne m’apparaît pas évident. Nous souhaitons simplement annuler une mesure qui avait été votée par la précédente majorité et conduire des débats de fond sur les mesures nouvelles à adopter.

Mme Arlette Grosskost. La bonne santé de notre pays dépend de celle de nos entreprises. Malheureusement, celles-ci souffrent de l’atonie de la conjoncture et perdent des marchés importants à l’exportation. La Commission européenne avait souligné leur manque de compétitivité et en avait identifié les causes principales : coût du travail trop élevé, salaires nominaux qui augmentent plus vite que la productivité et manque de flexibilité du marché du travail. La TVA sociale constituait la première réponse à ce diagnostic et son abrogation n’est donc pas une bonne décision. Je souhaite par conséquent la suppression de cet article premier.

Mme Valérie Rabault. Ce n’est pas le coût du travail qui explique que le déficit du commerce extérieur français atteigne 70 milliards d’euros, mais bien la faiblesse de nos capacités d’innovation et d’investissement, qui handicape nos exportations.

D’autre part, il est aisé de calculer que la hausse des prix induite par une élévation de 13 milliards de la TVA se traduirait par une baisse du pouvoir d’achat de 540 euros par an et par ménage.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je regrette l’abrogation de la TVA sociale et de l’allégement du coût du travail qu’elle induisait, notamment pour les très petites entreprises qui attendaient cette mesure avec impatience.

Le Gouvernement a créé un ministère du redressement productif et vient d’organiser un sommet social. Fort bien, cela va dans le bon sens même si, dans le second cas, il s’agit aussi d’apaiser les partenaires sociaux. Mais, quand je lis dans l’exposé des motifs de ce projet de loi de finances rectificative que l’impact de la baisse de 5,4 % des cotisations sociales sur la compétitivité de l’économie était « discutable », je suis atterrée. En effet, cette mesure n’a pas été mise en œuvre et ses effets n’ont donc pas pu être évalués. Le seul élément dont nous disposons est le succès qu’a rencontré son application en Allemagne.

Mon affliction est encore plus grande lorsque je découvre que vous préférez augmenter la CSG plutôt que d’accroître le taux de la TVA pour instituer ce que j’appelais la « TVA emploi », dénomination que tout le monde comprenait.

M. Hervé Mariton. Le Président de la République souhaite ouvrir un débat sur la compétitivité. Dans ce cadre, la question d’une hausse de la CSG semble être posée. Je souhaiterais donc que M. le rapporteur général nous dresse un tableau des avantages et des inconvénients respectifs d’une augmentation de la CSG et d’un accroissement du taux de TVA. Une telle comparaison permettrait d’éclairer les travaux de notre commission.

D’autre part, un certain nombre d’organisations professionnelles, notamment dans la filière agricole, avaient clairement approuvé la mise en place d’un système de TVA anti-délocalisation. Quelle est la réponse de la majorité à leurs attentes ?

M. Marc Goua. Sous la précédente législature, une commission avait été constituée pour comparer la compétitivité des économies française et allemande. Les conclusions de ce travail n’ont pas été publiées car, contrairement à ce qu’attendaient les commanditaires de ce rapport, elles auraient fait apparaître que le coût du travail – charges sociales incluses – était identique dans les deux pays. Il y a dix ans, la France bénéficiait d’un avantage concurrentiel qui s’est aujourd’hui évanoui. La taxe professionnelle, dont le produit s’élevait à six milliards d’euros, a certes été supprimée mais les problèmes de compétitivité proviennent d’une absence des entreprises françaises dans les secteurs stratégiques, d’une faiblesse des dépenses de recherche et développement (R&D) et d’un manque de force commerciale sur les marchés internationaux. Des représentants d’entreprises qui avaient délocalisé leur activité avant de revenir en France avaient indiqué à la commission que leur départ n’avait pas été motivé par un coût excessif de la main-d’œuvre, mais par un défaut de financement bancaire et par une profusion de tracasseries administratives. La compétitivité des entreprises françaises ne sera donc pas améliorée par une augmentation du taux de la TVA : il y faut une réforme globale.

M. Laurent Grandguillaume. La politique défendue par l’opposition a démontré son inefficacité. L’augmentation du taux de la TVA était d’ailleurs « l’art de lever l’impôt en plumant l’oie sans la faire crier », vieille expression utilisée par les fiscalistes. Cette hausse du taux de la TVA aurait eu un impact sur toutes les familles. Le vote de l’article premier va ainsi permettre de rétablir la justice fiscale.

La politique de l’offre que vous avez menée – et dont l’inspiration vous est certainement venue d’outre-atlantique – a échoué. On en voit aujourd’hui
les résultats en matière de dépenses publiques, de fiscalité injuste et de compétitivité – qui s’est largement dégradée comme l’atteste le déficit de la balance commerciale. Du fait de l’écrasement du pouvoir d’achat, et contrairement à ce que vous soutenez, des millions de salariés se sont appauvris en travaillant. L’adoption de l’article premier permettra donc de revenir à une politique de justice sociale, fiscale et économique.

M. Xavier Bertrand. À l’issue de la conférence sociale, j’ignore s’il faut écouter le Président de la République ou le Premier ministre. Ils ont en effet tenu des discours contradictoires, le premier évoquant l’exigence de compétitivité alors que le second n’en a pas soufflé mot…

L’article premier doit être supprimé. En effet, dans la mesure où il va casser la compétitivité, il constitue une faute économique. Et si l’abrogation de la hausse du taux de la TVA doit être remplacée par une augmentation de la CSG, ce serait une erreur économique. J’ai le sentiment que le sujet de la compétitivité est essentiel aussi bien pour l’UMP et le Nouveau Centre que pour le groupe socialiste : la question est seulement celle des moyens de l’améliorer. Si l’on opte pour l’augmentation de la CSG, on se prive de la ressource consistant à faire financer notre protection sociale par les importations.

Je remercie M. le rapporteur général pour sa franchise car il avait annoncé avant la conférence sociale de ce début de semaine que la CSG serait augmentée. Mais que cet article premier soit un handicap pour la compétitivité de l’économie française ou qu’il prépare une substitution de la CSG à la TVA, il constitue soit une faute soit une erreur et doit donc être supprimé.

M. Nicolas Sansu. Le groupe GDR votera l’article premier du projet de loi de finances rectificative. L’atonie de la croissance est liée à la faiblesse de la consommation des ménages et, pour soutenir cette dernière, l’abrogation de la TVA sociale est nécessaire.

S’agissant de la compétitivité des entreprises, terme que je n’aime pas même si je reconnais l’existence d’un problème, j’entends beaucoup parler de coût du travail, mais très peu de coût du capital. Or les PME et les TPE rencontrent des difficultés de financement qui se répercutent sur l’investissement. J’espère donc que cette question sera débattue lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 2013.

Enfin, l’une des grandes questions qui se posent à propos de nos finances publiques comme du financement de la protection sociale est celle de la progressivité des recettes. Aujourd’hui, moins de 20 % de ces ressources proviennent de prélèvements progressifs. Au cours de la campagne électorale, le Président de la République avait annoncé une grande réforme fiscale comprenant notamment la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu et, pour notre part, nous sommes opposés à une augmentation « sèche » de la seule CSG, impôt non progressif.

M. Christophe Castaner. Tout d’abord, je m’étonne que la précédente majorité ait attendu dix ans pour adopter la TVA sociale si cette mesure lui apparaît si efficace !

Monsieur Estrosi, répéter les mêmes arguments ne suffit pas à les rendre pertinents. Dès 2010, Renault ne produisait plus que 20 % de ses voitures en France et le nombre de voitures françaises vendues sur le territoire national était inférieur de moitié à celui de 2005. Tel est le bilan du précédent gouvernement en la matière ! N’oublions pas non plus que les deux tiers de la valeur d’une automobile produite en France résident dans ses composants dont 70 % sont fabriqués à l’étranger.

M. Michel Vergnier. La discussion ne devrait pas porter sur la hausse de la CSG, qui n’est pas d’actualité. Et si ce débat devait avoir lieu un jour, il faudrait alors disposer de toutes les analyses utiles, afin que chacun puisse décider en connaissance de cause.

Quant à l’abrogation de la TVA sociale, ne soyez pas surpris, mes chers collègues de l’opposition, que nous la décidions aujourd’hui puisque nous n’avons cessé de combattre cette mesure au cours de la précédente législature. Ce n’est pas notre opinion qui a changé, c’est la majorité.

Si cette mesure vous apparaissait aussi bonne que vous l’affirmez aujourd’hui, pourquoi avoir attendu dix ans pour l’adopter ? Et je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler qu’en 2002, la balance du commerce extérieur était excédentaire alors qu’elle accuse, dix ans plus tard, un déficit important.

Enfin, je me souviens que, lors des discussions portant sur la création de ce dispositif, vous n’évoquiez pas, madame Pécresse, une augmentation des prix de 0,35 % induite par la hausse du taux de TVA : vous affirmiez que celle-ci n’aurait aucun impact sur l’inflation. Et votre aveu d’aujourd’hui n’est pas anodin : en effet, un accroissement de 0,35 % du niveau des prix, est tout sauf négligeable dans la situation que connaissent actuellement les ménages.

M. Yves Jégo. Sur cette question, si le camp de ceux qui ont perdu peut donner un conseil à ceux qui ont gagné, c’est de ne pas donner trop de publicité à ce refus de relever le taux de la TVA car, si j’en juge par le récent rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques, il est possible que vous soyez contraints de changer d’avis.

En outre, sachez que le fléau des délocalisations n’a échappé à personne. Si je souhaite le maintien de ce dispositif de TVA sociale après avoir travaillé sur le « fabriqué en France », c’est parce qu’il est, à l’heure actuelle, le seul qui permette de rétablir un équilibre concurrentiel en taxant les entreprises qui ont choisi de produire à l’étranger et, ainsi, de ne pas contribuer au financement de la protection sociale. Dans cette matière, le pragmatisme doit présider à nos décisions.

M. Jérôme Chartier. Nous aurions pu en effet instituer dès 2007 la TVA « anti délocalisation », une bonne mesure en faveur de la compétitivité de nos entreprises. Cependant, celle-ci résulte de tout un ensemble de facteurs, qui ne se résument pas au coût du travail, et elle doit être appréciée filière par filière et pour chaque catégorie de travailleurs. C’est pourquoi les comparaisons globales avec des pays étrangers, notamment avec le coût du travail en Allemagne, doivent être maniées avec précaution.

La TVA « anti-délocalisation » devait concerner les secteurs productifs fortement « délocalisables ». C’est aujourd’hui une grave erreur de la remettre en cause. Nous savons qu’elle n’aurait pas eu d’incidence sensible sur les prix, comme l’ont prouvé les expériences antérieures, en France comme à l’étranger. Nous comprenons aussi que sa suppression se relie à une augmentation de la CSG, que la majorité tente de passer sous silence mais qui sera à l’ordre du jour dans quelques semaines. En conservant la disposition prévue, vous auriez utilement œuvré pour la compétitivité française. À très court terme, vous regretterez de l’avoir supprimée quand vous mesurerez l’impact de votre décision sur le niveau de l’emploi.

M. Éric Woerth. On a évoqué tout à l’heure l’idée de CSG progressive. Bientôt on parlera de la fusion entre celle-ci et l’impôt sur le revenu…

Les évaluations préalables jointes aux projets de loi relatifs à la création de la TVA « anti-délocalisation », puis à sa suppression, sont rédigées en termes proches, probablement par le même service, pour aboutir à des conclusions strictement inverses. Voilà qui illustre la superficialité de ces études.

M. le président Gilles Carrez. J’invite en effet nos collègues à lire attentivement ces deux études d’impact : même style, même plume et, là ou on disait blanc en février dernier, on dit noir aujourd’hui. Il revient à notre commission d’aller au-delà de cette constatation.

M. Olivier Faure. C’est une chance pour la démocratie que notre président soit issu de l’opposition, mais son rôle est de favoriser la clarté de nos débats. Or ceux-ci prennent une curieuse tournure.

D’un côté, nous discutons de la suppression de la TVA dite sociale, que les Français ont déjà rejetée par leur vote. Il est faux de dire que cette mesure n’aurait pas d’effet sur les prix et d’ailleurs, si le précédent gouvernement avait différé sa mise en œuvre jusqu’en octobre, n’était-ce pas afin d’éviter une dégradation du pouvoir d’achat en pleine campagne électorale ?

D’un autre côté, nous évoquons un projet de loi virtuel sur la CSG. Pourquoi en parler aujourd’hui ? Le Président de la République comme le Premier ministre n’ont-ils pas assuré qu’il n’en sera question ni dans ce projet de loi de finances rectificative, ni dans le projet de loi de finances pour 2013 ?

Le seul débat qui doit nous occuper concerne les mesures propres à améliorer la situation des finances publiques, compte tenu notamment des observations de la Cour des comptes. Il me semble que le projet de loi répond assez efficacement à la question posée. Limitons-nous à celle-ci pour le moment.

M. le président Gilles Carrez. On n’a pas forcément économiquement tort parce qu’on est politiquement minoritaire. Personne ne sait ce que l’avenir nous réserve. Le débat sur la CSG et la TVA est important et notre Commission peut y apporter une contribution précieuse.

L’article premier du présent projet de loi maintient 2,6 milliards de recettes supplémentaires de CSG cependant que disparaît la contrepartie de la suppression de 5,4 points de cotisations sociales. Dans ces conditions, à quelles dépenses seront affectés les deux points additionnels de CSG qui sont maintenus ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je rappelle les motifs, clairs et limités, du présent projet de loi de finances rectificative : assurer le maintien de l’objectif de réduction du déficit budgétaire fixé pour la fin de l’année, en tenant compte de nouveaux paramètres tels que la révision à la baisse de la prévision de croissance et l’absence de certaines recettes, dont la Cour des comptes a fait état. Pour le reste, je vous donne rendez-vous à l’automne, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013.

Le projet de loi repose sur la volonté d’adopter des mesures ciblées avec le souci de corriger ce qu’il y a de plus injuste dans notre actuel système fiscal.

À peine installée, notre commission a déjà examiné le projet de loi de règlement de 2011 et préparé le débat d’orientation des finances publiques. Souffrez donc, monsieur Mariton, que votre rapporteur général ne se déclare pas en mesure de vous présenter maintenant un rapport complet sur les avantages et les inconvénients de l’alternative entre TVA et CSG. La discussion aura lieu, le moment venu.

D’autre part, je n’ai jamais annoncé ici d’augmentation de la CSG : le compte rendu de nos réunions en fait foi.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, la majorité de l’époque avait, en catimini, diminué l’abattement forfaitaire pour frais professionnels sur les salaires à 1,75 %, ce qui avait accru les recettes de CSG de 665 millions d’euros, ainsi que l’a rappelé M. Jérôme Cahuzac en séance publique.

Les 2,6 milliards de prélèvements sociaux sur les revenus du capital, mentionnés par le président de notre commission, seront affectés, pour 400 millions, à la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire et, pour le reste, soit 400 millions en 2012 et 2,2 milliards en 2013, année pleine, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, dont le déficit devrait atteindre 5,8 milliards en 2012.

Le débat sur le coût du travail m’incite à rappeler quelques éléments, tirés notamment de l’étude d’Eurostat dont M. Charles de Courson craignait récemment que je l’ignore. Cette étude montre que, dans l’industrie manufacturière, le coût de la main-d’œuvre s’établit à 33,16 euros en France quand il est de 33,37 euros en Allemagne. Les chiffres n’étaient pas les mêmes il y a dix ans, quand l’actuelle opposition est arrivée au pouvoir … Dans l’industrie automobile, dont a parlé M. Christian Estrosi, le coût de la main-d’œuvre en Allemagne est supérieur de 29 % à ce qu’il est en France. Que l’opposition choisisse donc mieux ses exemples !

Je tiens aussi à rappeler une indication donnée par notre président dans son dernier rapport en tant que rapporteur général, à savoir que, sur 13,2 milliards d’allégements de charges, seulement 3,3 bénéficiaient à l’industrie, c’est-à-dire aux secteurs prétendus « délocalisables ».

Mme Valérie Pécresse a curieusement affirmé que l’on avait abaissé de 5 % le coût du travail par une réduction de cinq points des cotisations sociales. En réalité, la diminution correspondante s’établit plutôt à 3 % au plus.

J’émets donc un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article.

M. Jean Lassalle. Pour ma part, je m’abstiendrai, comme sur les amendements suivants.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CF 13 de M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement entend maintenir une partie des mesures financières que nous avions prises en contrepartie de l’allégement du coût du travail. Je propose, par souci de cohérence, que soit préservé cet allègement, à mesure des recettes que l’on conserve.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Les 2,6 milliards correspondants, provenant de prélèvements sur les revenus du patrimoine et des produits de placements, sont affectés aux dépenses que j’ai déjà indiquées.

L’amendement est rejeté.

La Commission est saisie des amendements identiques CF 221 de M. Charles de Courson et CF 286 de M. Yves Jégo.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à supprimer ces 2,6 milliards. Il soulève aussi la question de la cohérence du financement de la protection sociale. En effet, affecter une recette générale comme la CSG à la Caisse nationale d’assurance vieillesse pose problème au regard de l’égalité des citoyens devant l’impôt et les prestations sociales. Ne vaudrait-il pas mieux, comme on l’a fait dans le passé, affecter les recettes générales aux prestations générales, par exemple aux minima de solidarité ? A-t-on vérifié la constitutionnalité de l’affectation d’un impôt général à une caisse particulière ?

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Il ne s’agit pas de la CSG sur les revenus d’activité mais d’un prélèvement social, ainsi intitulé et non déductible du revenu imposable. Le dispositif est donc parfaitement constitutionnel.

La Commission rejette ces amendements.

Elle adopte l’article premier sans modification.

*

* *

Article 2

Suppression des allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires et complémentaires de travail

Texte du projet de loi :

I.– Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– L’article L. 241-17 est abrogé.

B.– L’article L. 241-18 est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I.– Dans les entreprises employant moins de 20 salariés, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret.

« La déduction s’applique :

« 1° Aux heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail ;

« 2° Pour les salariés relevant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, aux heures effectuées au-delà de 1 607 heures ;

« 3° Aux heures effectuées en application du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 du même code ;

« 4° Aux heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure. »

2° Au début du II, sont insérés les mots : « Dans les mêmes entreprises, ».

3° À la fin du II, les mots : « dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I du même article 81 quater », sont remplacés par les mots : « relevant d’une convention de forfait annuel en jours, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code ».

4° Le deuxième alinéa du IV est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, et sous réserve que l’heure supplémentaire effectuée fasse l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée.

« Ils ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l'article L. 242-1, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités. »

5° Au début du dernier alinéa du IV, les mots : « de la majoration mentionnée au I du présent article » sont remplacés par les mots : « des déductions mentionnées aux I et II ».

6° Le V est ainsi rédigé :

« V.– Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné, de la part de l’employeur, à la mise à la disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime d’un document en vue du contrôle de l’application du présent article. »

7° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :

« VI.– Un décret fixe les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités selon lesquelles les heures supplémentaires effectuées par les salariés affiliés au régime général dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit aux déductions mentionnées au présent article. »

C.– L’article L. 711-13 est ainsi rédigé :

« Art. L. 711-13. - Un décret fixe les conditions d’application des articles L. 241-13 et L. 241-18 aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires. »

II.– À l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-17, » est supprimée.

III.– A.– Au titre de l’année 2012, l’affectation prévue au 2° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 est limitée à une fraction égale à 42,11 %.

B.– Le même article 53 est abrogé à compter du 1er janvier 2013.

C.– Le j du 7° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2013.

IV.– Pour l’année 2012, une fraction égale à 340 988 999,21 euros du produit de la contribution mentionnée à l’article 235 ter ZC du code général des impôts est affectée, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article, au financement des sommes restant dues par l’État aux caisses et régimes de sécurité sociale retracées à l’état semestriel du 31 décembre 2011 au titre des mesures dont la compensation est prévue par ce même article.

V.– A.– Les I et II s’appliquent aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires de travail effectuées à compter du 1er septembre 2012.

B.– Toutefois, lorsque la période de décompte du temps de travail ne correspond pas au mois calendaire et est en cours au 1er septembre 2012, les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction en vigueur antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables à la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires de travail versée jusqu'à la fin de la période de décompte du temps de travail en cours, et au plus tard le 31 décembre 2012.

Observations et décision de la Commission :

L’article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA » visait à promouvoir la réalisation d’heures supplémentaires, augmentant les revenus des salariés et diminuant le coût de l’heure supplémentaire pour l’employeur. La structure de ce dispositif reposait sur cinq piliers : exonération fiscale, exonération de cotisations sociales salariale et employeur, réforme de l’allègement sur les bas salaires et majoration de la rémunération des heures supplémentaires pour les entreprises de vingt salariés au plus.

Le présent article vise :

– d’une part, à abroger les exonérations de cotisations sociales salariales sur la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires, pour tous les salariés, du privé, comme pour les agents publics, et ce quelle que soit la taille de l’entreprise ;

– d’autre part, à limiter aux seules entreprises de moins de vingt salariés l’avantage relatif aux déductions de cotisations patronales, compte tenu des contraintes particulières qu’elles subissent et de l’importance pour celles-ci du recours aux heures supplémentaires comme facteur d’adaptation à la demande.

L’adoption de ces deux modifications devrait permettre de réduire le coût du dispositif de trois milliards d’euros en année pleine.

Le Gouvernement a annoncé une réforme complète des exonérations fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, la révision du volet fiscal (exonération d’impôt sur le revenu) devant intervenir dans le cadre de la réforme de l’impôt sur le revenu qui devrait être inscrite dans le projet de loi de finances pour 2013.

Une déduction partielle de cotisations patronales étant maintenue, une compensation aux caisses et régimes de sécurité sociale reste nécessaire, par l’affectation d’un panier de recettes fiscales révisé, ainsi que le maintien d’un mécanisme garantissant l’équilibre comptable et en trésorerie de ces opérations pour la sécurité sociale.

Le coût d’ensemble, social et fiscal, du dispositif en faveur des heures supplémentaires mis en place en 2007 est évalué par le Gouvernement à près de 5 milliards d’euros. Le rapport entre le montant annuel de la dépense fiscale et sociale (0,23 % du PIB) et l’efficacité en terme de points de PIB (0,15 %, essentiellement à travers la hausse de la consommation des ménages), souligné par le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, conduit à constater le manque d’efficience de la mesure.

Ce coût de 5 milliards d’euros en 2012 des avantages fiscaux et sociaux, à législation inchangée, se décompose en 1,5 milliard d’euros au titre des exonérations fiscales et 3,5 milliards d’euros au titre des réductions de cotisations sociales. En année pleine, à partir de 2013, le gain permis par le présent article, de 3 milliards d’euros, correspond au coût du volet social actuel (3,5 milliards) moins le coût de l’aménagement prévu par le présent article au profit des petites entreprises (0,5 milliard).

En 2012, l’augmentation nette de recettes fiscales pour l’État sera de 980 millions d’euros, soit 625 millions d’euros en caisse compte tenu de la trimestrialisation du paiement des cotisations sociales dans la majorité des TPE employant moins de 10 salariés.

La déduction patronale sur le champ du régime général a coûté aux finances sociales 720 millions d’euros en 2011. Sur ce même champ, l’exonération sociale salariale a représenté un coût de 2 463 millions d’euros.

S’agissant de l’exonération sociale patronale, les entreprises de moins de 20 salariés en ont bénéficié pour 65 % de son montant. Une déduction forfaitaire limitée à 1,50 euro par heure supplémentaire se traduira par un coût annuel global de 518 millions d’euros en année pleine. Selon l’étude d’impact, citant l’ACOSS, ce chiffre ne tient compte que du régime général, la prise en compte des autres régimes constituant un facteur majorant, de l’ordre de 8 %, mais elle repose sur une hypothèse de maintien en niveau du nombre d’heures supplémentaires effectuées (facteur minorant, car il est attendu une évolution à la baisse).

Par ailleurs, ces chiffres ne tiennent pas compte de la fonction publique. Le coût du volet social pour la fonction publique d’État est estimé à 150 millions d’euros, dont 130 millions d’euros pour les enseignants. L’impact du dispositif pour la fonction publique hospitalière ou territoriale n’est pas documenté.

Les évaluations du dispositif, par le Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) de l’Assemblée nationale, dans le rapport d’information (n° 3615) présenté par MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot le 30 juin 2011 (38), comme par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (39), publié le 29 août 2011, sont sévères.

Le Rapporteur général est particulièrement sensible à trois arguments.

La mesure n’est pas propice au développement de l’emploi : elle revient à subventionner l’heure supplémentaire, la plus rentable pour l’employeur, alors qu’il faudrait subventionner la « première heure », dans la logique des allègements de charges généraux sur les bas salaires et pour favoriser la création d’emplois.

La mesure est injuste, comme l’illustreront quelques exemples présentés plus loin. Compte tenu de la progressivité de l’exonération fiscale, et de la proportionnalité des exonérations sociales, elle bénéficie le plus à ceux qui gagnent le plus.

Enfin, la mesure n’a pas permis d’augmenter réellement le nombre d’heures supplémentaires, la vague d’augmentation de leur nombre en 2007 et 2008 tenant essentiellement à des effets d’aubaine.

Ces différents constats plaident pour l’abrogation (sous réserve d’une mesure d’adaptation pour les petites entreprises), sous réserve des aménagements nécessaires, d’un dispositif devenu le totem du précédent quinquennat, au point que seule cette dimension politique peut expliquer le retard pris dans son aménagement.

I.– ABROGATION DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES SALARIALES

Le A du I du présent article abroge l’article L. 241-17 du code de sécurité sociale (CSS). Introduit par la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite TEPA, il prévoit une réduction des cotisations salariales de sécurité sociale d’un montant proportionnel à la rémunération perçue au titre des heures supplémentaires, complémentaires, ou de toute autre durée additionnelle de travail effectuée.

A.– LE DROIT EXISTANT

1.– Les rémunérations

Le périmètre des rémunérations concernées est fixé en référence à l’assiette fiscale, définie par l’article 81 quater du CGI, également créé par l’article 1er de la loi TEPA. Il vise à exonérer d’impôt sur le revenu les rémunérations perçues au titre de la réalisation d’heures supplémentaires, d’heures complémentaires ou d’un temps de travail additionnel comparable (heure choisie, heure considérée comme supplémentaire, temps de travail additionnel ou temps de travail résultant de la renonciation à un jour de repos), pour l’ensemble des salariés et des agents publics. Il complète les dispositions définissant le revenu imposable dans la catégorie des traitements, salaires, pensions et rentes viagères, en exonérant de celui-ci les diverses formes de rémunération des heures assimilables à des heures supplémentaires, organisées en six catégories.

Les rémunérations exonérées d’IR par l’article 81 quater

Ces catégories couvrent respectivement :

– les salaires versés au titre des heures supplémentaires et des heures assimilées effectuées par les salariés à temps plein soumis au droit commun réglementant la durée du travail ;

– les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires ;

– les salaires versés par des particuliers employeurs à des salariés au titre des heures supplémentaires ;

– les salaires versés aux assistants maternels au titre des heures supplémentaires et des heures complémentaires ;

– les éléments de rémunération versés aux agents publics au titre des heures supplémentaires ou d’un temps de travail additionnel, dans des conditions fixées par décret ;

– les éléments de rémunération versés au titre des heures supplémentaires ou complémentaires de travail aux salariés non soumis au droit commun réglementant la durée du travail, dans des conditions fixées par décret.

L’assiette comprend la rémunération de l’heure de travail qui y donne droit, y compris sa majoration. Sont visés des salaires ou des éléments de rémunération versés au titre de la durée de travail elle-même, mais pas la rémunération afférente aux heures de repos compensateur pris par le salarié en contrepartie d’heures supplémentaires effectuées, ni les sommes issues de la monétisation des droits affectés à un compte épargne-temps.

Le statut du salarié comme les modalités d’organisation du temps de travail n’ont pas d’impact sur le bénéfice des avantages fiscaux et sociaux. L’organisation de la durée du travail peut être fondée sur la semaine, sur quatre semaines, l’année ou le cycle, toute heure considérée comme « supplémentaire » dans ce cadre étant concernée par le bénéfice de l’exonération. De même, l’exonération est étendue aux salariés, cadres ou non cadres, dont la durée du travail est fixée par une convention de forfait jours.

S’agissant des agents publics, la loi impose de prendre en compte les éléments de rémunération dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés : ces modalités ont été précisées par le décret n° 2007-1430 du 4 octobre 2007 portant application aux agents publics de l'article 1er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, énumérant les éléments éligibles. 

Le décret n° 2008-76 du 24 janvier 2008 a appliqué la mesure aux salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

2.– Les cotisations

Le premier alinéa du I de l’article L. 241-17 prévoit une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à la rémunération des heures précitées, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure.

Ne sont donc concernées que les cotisations de sécurité sociale (soit, pour le salarié, les cotisations maladie, maternité, invalidité, décès, d’une part, et les cotisations vieillesse de base, d’autre part), mais pas les contributions de sécurité sociale (CSG et CRDS), les cotisations de retraite complémentaire ni les cotisations à l’assurance chômage.

TAUX DES CHARGES SOCIALES SALARIALES

 

Taux

Organisme de recouvrement

Cotisations de sécurité sociale

URSSAF

Maladie, maternité, invalidité, décès

0,75 %

Vieillesse plafonnée

6,65 %

Vieillesse déplafonnée

0,10 %

Allocations familiales

0,00 %

ATMP (variable, ici taux moyen)

0,00 %

Total

7,50 %

Contributions de sécurité sociale

CSG (sur 98,25 % du salaire (40))

7,50 %

CRDS (sur 98,25 % du salaire)

0,50 %

CSA

0,00 %

Total

8,00 % (soit 7,86 % sur 100 % du salaire)

Retraite complémentaire

AGIRC - ARRCO

Retraite complémentaire des non-cadres ARRCO

3,00 % (tranche T1)

8,00 % (tranche T2)

Régime AGIRC ARRCO des cadres

3,13 % (tranche 1)

7,83 % (tranche B et C)

Cotisation AGFF

0,80 % (tranche 1)

0,90 % (tranche 2 ou B)

Total

3,8 à 8,9 %

Chômage

ASSEDIC et URSSAF
depuis 2011

Assurance chômage

2,40 %

Total

2,40 %

Total

21,56 % sur la fraction de la rémunération jusqu’au plafond de la sécurité sociale (3 031 euros par mois en 2012) pour un non-cadre

 

Source : Direction de la sécurité sociale.

3.– Le taux et les règles d’imputation : la réduction juridique correspond à une exonération économique

Le taux de la réduction de cotisations salariales a été fixé par le décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007 à 21,5 % (article D. 241-21 du CSS). Pour le régime général, le taux de 21,46 % arrondi à 21,5 %, correspondait en 2007 à la somme des taux des cotisations et contributions sociales dues par un salarié rémunéré à un niveau inférieur au plafond de la sécurité sociale. Ce taux est de 21,56 % en 2012.

Si la mesure proposée n’est juridiquement qu’une réduction de certaines cotisations sociales, son taux conduit à l’analyser, d’un point de vue économique, comme une exonération totale de charges sociales salariales sur les rémunérations des heures supplémentaires et complémentaires. Le mécanisme proposé, qui ne concerne formellement que les cotisations acquittées aux unions pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), simplifie toutefois la gestion du dispositif puisqu’il ne nécessite pas la compensation des régimes de retraite complémentaires et de l’ASSEDIC. Il est prévu que cette réduction ne peut dépasser le montant dû au titre de l’ensemble de la rémunération, ce qui permet d’écarter le cas d’une éventuelle « cotisation sociale négative ». La circulaire d’application de la DSS précise qu’il n’y a pas de report possible sur le mois suivant ou sur un autre salarié.

4.– Conditions d’application

Le bénéfice de la réduction de cotisations est soumis au respect des conditions prévues par l’article 81 quater du CGI : plafonnement des majorations, dispositions visant à prévenir les abus (règle de non substitution des rémunérations, disposition encadrant le recours aux heures complémentaires et neutralisation des abaissements postérieurs au 1er octobre 2007 de la durée hebdomadaire de travail). La réduction de cotisations salariales s’applique en principe aux rémunérations afférentes aux heures supplémentaires et complémentaires dans la limite, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, du taux prévu par la convention collective ou accord professionnel ou interprofessionnel applicable. À défaut d’accord ou de convention, la réduction de cotisations salariales s’applique dans la limite des taux de majoration de 25 % ou 50 % prévus pour les heures supplémentaires par l’article L. 212-5 du code du travail.

Le bénéfice de la réduction est également subordonné à la mise à disposition des agents du service des impôts compétents ou des agents chargés du contrôle du recouvrement, par l’employeur, d’un document en vue du contrôle de l’application de la réduction.

La réduction n’est pas cumulable avec une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l’application d’assiettes forfaitaires ou de montants forfaitaires de cotisations. Elle est en revanche cumulable avec l’application de taux réduits de cotisations. L’article D. 241-22 du code de la sécurité sociale précise qu’en cas d’application de taux réduits, la réduction de cotisations salariales est calculée en tenant compte de ces taux minorés.

5.– Une mesure aux effets anti-redistributifs marqués

Exemple d’un salarié rémunéré au SMIC, sur la base hebdomadaire de 35 heures de travail, soit 1 425,67 euros brut par mois (soit 9,40 euros/heure) et effectuant 4 heures supplémentaires majorées de 25 % :

– la rémunération au titre des quatre heures supplémentaires s’élève à 47 euros ;

– le salaire brut soumis à cotisations se monte donc à 1 472,67 euros ;

– le montant de l’ensemble des cotisations et contributions dues sur le « brut » est de 317,51 euros ;

– le rapport cotisations salariales/salaire brut atteint 21,56 % ;

– la réduction de cotisations salariales est de 10,13 euros ;

– le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues sur l’ensemble de la rémunération est de 110,45 euros, les 10,13 euros peuvent donc être intégralement déduits.

Avec la réforme, la perte annuelle pour ce salarié sera de 121,56 euros.

Exemple d’un salarié non-cadre rémunéré, sur la base hebdomadaire de 35 heures de travail, 2 200 euros par mois (soit 14,51 euros/heure) et effectuant 8 heures supplémentaires majorées de 25 % :

– la rémunération au titre des huit heures supplémentaires s’élève à 145,10 euros ;

– le salaire brut soumis à cotisations se monte donc à 2 345,10 euros ;

– le montant de l’ensemble des cotisations et contributions dues sur le « brut » est de 505,56 euros ;

– le rapport cotisations salariales/salaire brut atteint 21,56 % ;

– la réduction de cotisations salariales est de 31,28 euros ;

– le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues sur l’ensemble de la rémunération est de 175,88 euros, les 31,28 euros peuvent donc être intégralement déduits.

Avec la réforme, la perte annuelle pour ce salarié sera de 375,76 euros.

Par construction, la défiscalisation des heures supplémentaires, tant par son volet fiscal, l’impôt sur le revenu étant progressif, que par son volet social, les cotisations étant proportionnelles à la rémunération, bénéficie le plus à ceux qui gagnent le plus.

Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales dans son rapport précité, indique, en s’appuyant sur les calculs de la direction générale du Trésor que, pour plus d’un quart des ménages bénéficiant de la mesure, l’avantage fiscalo-social s’élève en moyenne à 430 euros par an, soit environ 1,2 % de leur revenu disponible brut. L’essentiel du gain tient à l’exonération de cotisations sociales, qui représente 70 % de l’avantage global obtenu par les ménages. Les gains de nature fiscale sont comparativement très faibles pour les premiers déciles et plus élevés pour le dernier décile, du fait de la progressivité de l’impôt sur le revenu ».

RÉPARTITION DES GAINS FISCALO-SOCIAUX RÉALISÉS PAR LES MÉNAGES
EFFECTUANT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES (OU COMPLÉMENTAIRES)
PAR DÉCILE DE NIVEAU-DE VIE

Décile de niveau de vie

Proportion de ménages bénéficiaires
par décile de niveau de vie

Part moyenne du gain
dans le revenu disponible brut (ménages bénéficiaires)

Gain annuel moyen d’impôt par ménage bénéficiaire
(en €)

Gain annuel moyen de cotisations sociales par ménage bénéficiaire
(en €)

Gain annuel moyen d'avantage fiscalo-social par ménage bénéficiaire
(en €)

1

13 %

0,9 %

13

152

165

2

22 %

1,0 %

26

198

224

3

28 %

1,1 %

45

213

258

4

31 %

1,2 %

66

229

296

5

37 %

1,1 %

75

258

334

6

36 %

1,2 %

109

294

403

7

36 %

1,3 %

143

331

474

8

35 %

1,2 %

177

350

527

9

27 %

1,4 %

254

426

679

10

16 %

1,5 %

512

542

1 055

Ensemble

28 %

1,2 %

133

299

432

Source : ERFS 2008, calculs DG Trésor, comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

NB. Le niveau de vie rapporte le revenu disponible brut au nombre d'unités de consommation dans le ménage.

« L'effet croisé » des exonérations fiscales et sociales est directement retranché du gain fiscalo-social et du gain d'impôt présentés dans le tableau. Cet effet résulte notamment du fait qu’en l’absence de d’exonération, l’assiette fiscale intégrerait la rémunération des heures supplémentaires nette des cotisations sociales.

B.– LA MESURE PROPOSÉE

Dans la perspective d’un retour sur ce dispositif, plusieurs options étaient envisageables. Ainsi, dans son rapport n° 3615 du 30 juin 2011 relatif à l’évaluation des dispositifs de promotion des heures supplémentaires prévus par l’article 1er de la loi TEPA, le CEC estimait que « La mise en cause de l’exonération des cotisations salariales serait la plus difficile à appliquer compte tenu de son impact direct et immédiat sur le pouvoir d’achat des salariés concernés. Compte tenu de son coût, elle pourrait être complètement ou partiellement supprimée, le cas échéant, graduellement. Le coût de la mesure pourrait alors être ramené à environ 800 millions d’euros contre 3,1 milliards d’euros actuellement. La question des conditions de son maintien éventuel pour certains fonctionnaires et agents publics pourrait être posée. »

Le A du I du présent article prévoit pour sa part la suppression totale de l’exonération de cotisations sociales salariales, sans envisager, du fait de leur coût, de solutions intermédiaires consistant à ne maintenir d’exonération que pour la seule majoration de rémunération ou à mettre en place un plafonnement.

L’exigence constitutionnelle d’égalité devant les charges publiques posée par l’article XIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, empêche pour sa part tout traitement différencié des salariés suivant la taille de leur entreprise.

Par coordination, le II du présent article supprime la référence à l’article L. 241-17 du CSS qui figure à l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, et le rendait applicable aux cotisations dues au titre des salariés agricoles.

II.– LIMITATION AUX SEULES ENTREPRISES DE MOINS DE 20 SALARIÉS DE LA DÉDUCTION FORFAITAIRE DE COTISATIONS PATRONALES

Le B du I du présent article modifie sur plusieurs points l’article L. 241-18 du code de la sécurité sociale (CSS).

A.– LE DROIT EXISTANT

L’article L. 241-18 du CSS, introduit dans le code par la loi TEPA, prévoit actuellement une déduction forfaitaire au titre des cotisations patronales sur les salaires perçus à raison des heures supplémentaires. Toutefois, le champ de cette déduction est moins large, à plusieurs égards, que celui de la réduction de cotisations salariales.

1.– Champ des employeurs

La déduction ne s’applique qu’à la rémunération des heures de travail effectuées par des salariés des entreprises entrant dans le champ de la réduction générale de cotisations patronales de sécurité sociale sur les bas salaires, dite « réduction Fillon » et régie par l’article L. 241-13 du CSS.

Sont concernés les employeurs du secteur privé soumis à l’obligation de cotiser au régime d’assurance chômage, ceux des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires et les agents publics ayant droit à l’allocation d’assurance (entreprises publiques, établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales et sociétés d’économie mixte dans lesquelles le secteur public détient au moins 30 % du capital). La déduction ne bénéficie donc pas aux autres employeurs publics ni aux particuliers employeurs.

2.– Heures concernées

La déduction s’applique aux rémunérations versées au titre des heures supplémentaires ou de toute autre durée du travail entrant dans le champ d’application fiscal. Cependant, afin de ne pas encourager le développement du temps partiel au détriment des durées de travail à temps plein, les rémunérations versées au titre des heures complémentaires ne sont pas concernées par le bénéfice des déductions forfaitaires. Sont concernées les heures considérées comme supplémentaires, les heures choisies, temps de travail additionnel ou temps de travail résultant de la renonciation à un jour de repos par un salarié dont la durée du travail est organisée selon un forfait annuel exprimé en jours, conformément au II de l’article L. 241-18 du CSS.

3.– Montant de la déduction et majoration pour les entreprises de moins de 20 salariés

La déduction instituée en 2007 présente un caractère forfaitaire. Cette limitation avantage relativement les employeurs de salariés à bas niveau de qualification et aux faibles rémunérations. L’article D. 241-24 du CSS, créé par le décret n° 2007-1380 du 24 septembre 2007 fixe le montant de la déduction forfaitaire à 0,50 euro par heure concernée. Pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié bénéficiant d’une convention en forfait jour, la déduction forfaitaire est égale à sept fois 0,50 euro. Dans les entreprises employant au plus vingt salariés, ce montant est majoré d'un euro.

Le montant de 1,50 euro permettait en 2007, combiné avec l’effet de la réforme proposée du mode de calcul de la « réduction Fillon » (destinée à ce que la majoration salariale des heures supplémentaires ne diminue plus le montant de l’allègement général), de neutraliser pour partie l’accroissement du coût du travail résultant de l’augmentation de 15 points de la majoration salariale des heures supplémentaires du fait de la disparition anticipée, prévue simultanément, du régime dérogatoire prévu pour les entreprises de vingt salariés ou moins (la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, fixait la fin de ce régime dérogatoire au 31 décembre 2008). Cet accroissement du coût du travail étant proportionnel au niveau de rémunération alors que le montant de la déduction est forfaitaire, celui-ci annulait l’effet de l’augmentation de la majoration à un niveau de rémunération horaire égal à 1,45 SMIC. Il entraînait une baisse du coût du travail pour des rémunérations horaires inférieures et une hausse de celui-ci pour des rémunérations horaires supérieures.

Ces dispositions réglementaires n’ont pas encore été adaptées à la modification du seuil d’application prévu pour la majoration de la déduction par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, dite « Warsmann IV ».

Deux types d’entreprises sont concernés par la majoration.

● Le seuil de 20 salariés

L’exposé des motifs de la loi TEPA justifiait l’existence d’une majoration pour les PME de 20 salariés au plus, pour tenir compte de leur besoin important en heures supplémentaires et pour leur permettre de mieux répondre aux variations d’activité, face auxquelles leur taille réduite constitue un handicap.

L’article 37 de la loi n° 2012–387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives a modifié l’article L. 241-18 du CSS : alors que la majoration de la déduction était jusqu’alors possible dans les entreprises employant « au plus 20 salariés », elle ne l’est désormais plus que dans celles qui emploient « moins de 20 salariés ». Les entreprises de 20 salariés sont désormais exclues du bénéfice de la majoration. Cette mesure visait à assurer la cohérence de l’ensemble des dispositions du code de la sécurité sociale relatives à la réduction des cotisations dues par l’employeur.

● La mesure d’atténuation

Le périmètre des entreprises éligibles a été par la suite élargi. L’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a autorisé que cette majoration bénéficie aussi aux entreprises qui, en raison de l’accroissement de leur effectif, dépassent au titre de l’année 2008, 2009 ou 2010, pour la première fois, l’effectif de 20 salariés. L’article 135 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a prolongé cet avantage pour les entreprises qui dépassent pour la première fois au titre de l’année 2011 le seuil de 20 salariés. Par ailleurs, l’article 76 de la dernière loi de finances rectificative pour 2011 a prorogé le dispositif pour l’année 2012.

Conformément à l’avis du Conseil d’État rendu en 2011 sur la proposition de loi de simplification, l’article 48 de la loi n° 2008-776 a été modifié, afin d’éviter une rupture d’égalité entre les entreprises ayant dépassé le seuil de 20 salariés entre 2008 et 2010, qui continueraient de bénéficier des mesures transitoires instituées par le V de l’article 48 précité et celles qui, ayant seulement atteint ce seuil pendant la même période, n’en bénéficieraient pas. Dès lors, l’article 37 précité prévoit que la mesure transitoire ne bénéficie pas seulement aux entreprises qui dépassent le seuil de 20 salariés, mais aussi à celles qui l’atteignent pour la première fois pendant la même période.

4.– Imputation et cumul

Conformément au III de l’article L. 241-18 du CSS, la déduction forfaitaire de cotisations sociales patronales est imputée sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement pour chaque salarié concerné au titre de l’ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire. La déduction ne peut dépasser ce montant. Elle s’impute donc sur les cotisations dues par les employeurs aux régimes de sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité, décès, et vieillesse ; allocations familiales ; accidents du travail et maladies professionnelles) ainsi que sur les contributions recouvrées selon les mêmes règles (contribution au Fonds national d’aide au logement, versement de transport, taxe destinée au financement des transports en commun et contribution de solidarité autonomie).

Conformément au IV de l’article L. 241-18 du CSS, cette déduction peut être cumulée avec d’autres mesures d’exonérations de cotisations patronales (salariés embauchés en ZRR ou ZRU, exonération de cotisations patronales au titre des services à la personne…), dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale et des autres cotisations patronales recouvrées selon les mêmes règles, restant dues par l’employeur au titre de l’ensemble de la rémunération versée au moment du paiement de la durée supplémentaire travaillée. La déduction forfaitaire des cotisations patronales intervient donc après l’application des autres exonérations de cotisations patronales auxquelles l’entreprise peut prétendre.

5.– Conditions

Le IV de l’article L. 241-18 du CSS subordonne le bénéfice de la déduction forfaitaire au respect des dispositions du III de l’article 81 quater du CGI, à savoir :

– la condition générale de respect des dispositions applicables relatives à la durée du travail ;

– l’absence de substitution à des rémunérations existantes ;

– l’absence de prise en compte des heures supplémentaires provoquées par l’abaissement de la durée du travail.

Les dispositions fiscales relatives aux heures complémentaires ne trouvent en revanche pas à s’appliquer ici, puis que la rémunération de ces heures est exclue du champ de la déduction.

S’y ajoute le respect des obligations déclaratives prévues par le IV de l’article L. 241-17 déjà présentées, conformément au V de l’article L. 241-18.

Enfin, s’agissant d’un allègement du coût du travail pour l’employeur, le IV de l’article L. 241-18 du CSS subordonne le bénéfice de la majoration (et pas de l’allègement lui-même) au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006 relatif aux aides de minimis qui permet l’octroi d’aides sans obligation de notification à condition qu’elles ne dépassent pas un plafond de 200 000 euros par entreprise, pour une période de trois exercices fiscaux, dont l’exercice en cours.

B.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le 1° du B du I du présent article remplace la déduction de cotisations patronales pour toutes les entreprises, avec majoration pour les entreprises de moins de 20 salariés par une déduction pour ces seules dernières.

Le choix du maintien d’un avantage pour les TPE n’est pas neutre. En 2011, 44 % des heures supplémentaires étaient effectués dans les entreprises de 20 salariés ou moins, alors que ces entreprises représentaient un tiers seulement de l’emploi.

Le projet de loi maintient le seuil des TPE concernées à celles employant moins de 20 salariés, sans revenir au seuil en vigueur jusqu’en mars 2012, d’au plus 20 salariés.

Le montant de la déduction forfaitaire des cotisations patronales sera, comme c’est le cas actuellement, fixé par décret. On peut toutefois déduire de l’évaluation préalable qu’il devrait être maintenu à 1,50 euro par heure.

La première différence avec la rédaction existante peut apparaître formelle : elle supprime le renvoi à l’article 81 quater du CGI, pour la définition des heures supplémentaires concernées. Si le projet de loi ne remet pas en cause l’exonération d’impôt sur le revenu prévue pour la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires, l’évaluation préalable accompagnant le présent article indique que la révision de cette exonération fiscale est renvoyée au projet de loi de finances pour 2013 dans le cadre d’une réforme plus globale de l’impôt sur le revenu : la nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 241-18 du CSS facilite une telle suppression.

Le 1° du B du I du présent article reprend ainsi les différentes catégories d’heures supplémentaires actuellement prévues par le premier alinéa du 1° du I de l’article 81 quater du CGI, à savoir :

– les heures supplémentaires de travail définies à l’article L. 3121-11 du code du travail ;

– pour les salariés relavant de conventions de forfait annuel en heures prévues à l’article L. 3121-42 du même code, les heures effectuées au-delà de 1 607 heures

– les heures effectuées en application du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 du même code ;

– les heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure.

Le 2° et le 3° du B du I du présent article reformulent le II de l’article L. 241-18 du CSS pour supprimer la référence au I de l’article 81 quater du CGI. Il ne change pas le fond de la disposition, qui prévoit actuellement qu’une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant horaire est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié, dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I du même article 81 quater du CGI, c'est-à-dire dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours de travail, à des jours de repos.

Le paragraphe III et le premier alinéa du IV de l’article L. 241-18 du CSS, relatifs à l’imputation de la déduction de cotisations et aux conditions de son cumul avec d’autres exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale ne sont pas modifiés.

Le 4° du B du I du présent article propose une nouvelle rédaction pour le 2ème alinéa du IV de l’article L. 241-18 du CSS. Comme précédemment, il s’agit de déconnecter le dispositif de l'article 81 quater du CGI, tout en reprenant, sur le fond, ses dispositions, qui subordonnent ici le bénéfice de la déduction au respect de plusieurs conditions :

– l’employeur doit respecter les dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail ;

– les salaires ou éléments de rémunération des heures supplémentaires ne doivent pas se substituer à d’autres éléments de rémunération, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé depuis le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé ;

Afin de réserver le bénéfice du nouveau dispositif aux employeurs qui consentent un réel effort de rémunération des salariés, la rédaction proposée remonte au niveau législatif l’exigence, actuellement prévue par décret, que l’heure effectuée fasse l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée.

Par coordination avec la suppression de la déduction de cotisations patronales pour les entreprises de 20 salariés et plus, le dernier alinéa du IV de l’article L. 241-18 du CSS soumettant le bénéfice de la majoration du montant de la déduction au respect des règles communautaires sur les aides d’État est modifié (5° du B du I). C’est la déduction elle-même, et non plus la majoration de son montant qui devra respecter le règlement (CE) n° 1998 / 2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

Par coordination avec l’abrogation de la réduction de cotisations salariales, le 6° du B du I du présent article propose une nouvelle rédaction pour le V de l’article L. 241-18 du CSS, ne faisant plus référence à l’article L. 241-17 du CSS supprimé, mais reprenant la condition qui subordonne le bénéfice de la déduction à la mise à disposition des agents chargés du contrôle, par l’employeur, d’un document.

Dans le cadre de la déconnexion des exonérations fiscales et sociales, le 7° du B du I du présent article ajoute un VI à l’article L. 241-18 du CSS, afin de renvoyer à un décret simple les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités selon lesquelles les heures supplémentaires effectuées par les salariés affiliés au régime général dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit à la déduction mentionnée au présent article.

Le C du I du présent article modifie l’article L. 711-13 du CSS, qui prévoit actuellement qu’un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de « l’allègement Fillon » aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires. Ces conditions sont actuellement déterminées par le décret en Conseil d’État n° 2004-821 du 18 août 2004 portant application à certains régimes spéciaux de sécurité sociale du titre III de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l’emploi et par le décret en Conseil d’État n° 2009-27 modifiant le précédent.

Le C du I, d’une part, supprime l’exigence d’un décret en Conseil d’État, au bénéfice d’un décret simple, puisque les règles de cotisations pour les régimes concernés sont déterminées par des décrets simples. D’autre part, il ajoute une référence à l’article L. 241-18 : un décret simple devra également préciser les conditions d’application de la déduction de cotisations patronales pour les heures supplémentaires effectuées par les marins, mineurs et clercs de notaire.

III.– LA COMPENSATION À LA SÉCURITÉ SOCIALE PAR UN PANIER DE RECETTES ADAPTÉ

A.– LE SYSTÈME ACTUEL DE COMPENSATION

La perte de recettes pour les régimes de sécurité sociale, résultant des exonérations de cotisations, leur est compensée en vertu des dispositions des articles L. 131-7 et L.O. 11-3 du code de la sécurité sociale au moyen d’un « panier » de ressources affectées. La suppression de l’exonération de cotisations sociales au 1er septembre 2012, comme le prévoit le présent article, pour les salariés et les employeurs des entreprises de 20 salariés ou plus, conduit à réduire le panier de recettes affectées à due concurrence.

Le « panier TEPA » a été mis en place par l’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2007 n° 2007-1824 puis de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, auquel le III du présent article apporte des modifications.

Le panier de recettes actuel, qui résulte de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012, se compose actuellement de :

– la contribution sociale sur les bénéfices (CSB), égale à une fraction de l’IS due par les redevables de cet impôt ;

– une fraction égale à 1,33 % du produit de la TVA nette ;

– une fraction égale à 3,89 % du droit de consommation sur les tabacs.

On peut noter que le V de l’article 1er du présent projet de loi, portant abrogation de la TVA dite sociale, modifie lui aussi l’article 53 de la loi de finances initiale pour 2008 dans sa rédaction issue de la première loi de finances rectificative pour 2012 pour remplacer la fraction de TVA nette de 1,33 % par la TVA brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées.

Évolution du « panier » de ressources affectées

L’annexe V du PLFSS 2012 retrace l’évolution de ce panier.

La LFI 2010 a abaissé de 3,99 à 1,30 % le pourcentage des droits de consommation sur les tabacs.

La LFR 2010 a toutefois prévu une affectation supplémentaire de 1,83 point de droits à tabac, préalablement consacré à la compensation des allègements généraux. Le rendement des recettes du panier s’élevait alors à 3,1 milliards d’euros pour un coût d’exonération de 3,2 milliards. Cette affectation complémentaire a été rendue nécessaire par la très forte baisse du rendement de la CSB.

Le montant des recettes fiscales affectées en 2011 au panier TEPA s’élèverait à 3 milliards, en diminution de 5 % par rapport à 2010, le coût des exonérations devant atteindre en 2011 près de 3,4 milliards d’euros, soit une insuffisance de financement de 0,4 milliard.

En 2012, les recettes fiscales affectées à ce panier auraient un rendement de 3,5 milliards d’euros. La moitié de l’économie obtenue par la réintégration des heures supplémentaires dans le calcul de l’exonération Fillon (soit 0,3 milliard) serait affectée à la compensation des exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires. La part des droits de consommation sur les tabacs participant à cette compensation serait multipliée par trois, passant en prévision de 144 millions d’euros en 2011 à 450 millions en 2012.

Selon l’article 53 de la loi n°2007-1822 de finances pour 2008, ces impôts et taxes sont affectés aux caisses et régimes de sécurité sociale énumérés au 1 du III de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à la Caisse nationale des industries électriques et gazières, au port autonome de Strasbourg et à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Si le 1 du III de l’article L. 131-8 précité n’existe plus depuis le vote de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (article 13), les caisses et régimes préalablement mentionnés étaient les suivants :

1° La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ;

2° La Caisse nationale d'allocations familiales ;

3° La Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ;

4° La Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ;

5° L'Établissement national des invalides de la marine ;

6° La Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires ;

7° La Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;

8° Les régimes de sécurité sociale d'entreprise de la Société nationale des chemins de fer français et de la Régie autonome des transports parisiens.

Ces caisses et régimes bénéficient chacun d'une quote-part des recettes fixée par arrêté des ministres chargés du budget et de la sécurité sociale au prorata de leur part relative dans la perte de recettes résultant des mesures d'allègement de cotisations sociales. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale est chargée de centraliser le produit des taxes et impôts et d'effectuer sa répartition entre les caisses et régimes de sécurité sociale.

En cas d'écart constaté entre le produit des impôts et taxes et le montant définitif de la perte de recettes résultant des allègements de cotisations sociales, cet écart fait l'objet d'une régularisation par la plus prochaine loi de finances.

B.– LA MODIFICATION PROPOSÉE

1.– Pour 2012

Le A du III du présent article prévoit une modification, rétroactive au 1er janvier 2012, du panier de recettes : seule une fraction de la contribution sociale sur l’IS, fixée à 42,11 % serait affectée à la sécurité sociale, puisque le besoin de financement à compenser diminue de 625 millions d’euros par rapport à la situation avant la réforme.

ÉVOLUTION DU PANIER DE RECETTES

 

2012 avant réforme

Taxe affectée

Taux transféré

Montant 2012
(en milliards d’euros)

Contribution sociale sur les bénéfices

100 %

859

TVA brute collectée sur les alcools

100 %

2 050

Droits de consommation sur les tabacs

3,89 %

436

Total panier (en milliards d’euros)

3 345

Évaluation compensation à effectuer

3 473

Source : Évaluation préalable.

Dans le dispositif avant réforme, l’écart entre la compensation à effectuer et le total du panier s’élève à 128 millions d’euros.

ÉVOLUTION DU PANIER DE RECETTES

 

2012 après réforme

Taxe affectée

Taux transféré

Montant 2012

Contribution sociale sur les bénéfices

42,11 %

362

TVA brute collectée sur les alcools

100 %

2 050

Droits de consommation sur les tabacs

3,89 %

436

Total panier

2 848

Évaluation compensation à effectuer

2 848

Source : Évaluation préalable.

La répartition du produit de la CSB en 2012 se décomposera alors comme suit :

(en millions d’euros)

Panier heures supplémentaires

362

Apurement de la dette contractée par l’État vis-à-vis de la sécurité sociale sur le dispositif de compensation

341

État

156

Total

859

Source : Évaluation préalable.

Le paragraphe IV du présent article propose l’apurement de la dette contractée en 2010 et 2011 par l’État vis-à-vis de la sécurité sociale sur le dispositif de compensation des allègements de cotisations sociales pour les heures supplémentaires. Pour l’année 2012, une fraction de la contribution sociale sur l’IS est affectée au financement des sommes restant dues par l’État aux caisses et régimes de sécurité sociale retracées à l’état semestriel du 31 décembre 2011 au titre des mesures dont la compensation est prévue par l’article 53 de la loi de finances pour 2008. Cette nouvelle fraction est affectée après déduction de la fraction mentionnée à l’article 53 précitée de 340 988 999,21 euros.

Selon l’état semestriel des relations financières entre l’État et la sécurité sociale établi en trésorerie au 31 décembre 2011, l’État disposait globalement à cette date d’une créance nette de 25 millions d’euros vis-à-vis des régimes obligatoires de base (41). Cette créance recouvre toutefois des situations contrastées selon les régimes, dont la dette de 341 millions de l’État au titre de la compensation des allègements de cotisations sur les heures supplémentaires ne constitue que l’un des éléments. Les relations financières État-sécurité sociale font l'objet de deux comptabilités : une comptabilité budgétaire et une comptabilité générale. En comptabilité budgétaire, l'État dispose d'une créance nette sur la sécurité sociale de 25 millions d’euros. En comptabilité générale, l'État a un passif net à l'égard de la sécurité sociale de 2,9 milliards d’euros. S'agissant du dispositif TEPA en particulier, la dette de l'État est bien de 341 millions en comptabilité budgétaire, tandis qu’en comptabilité générale le passif de l'État est de 217 millions d’euros, constitutif d'un produit à recevoir sur la CSB.

2.– Pour 2013

Le B du III du présent article abroge l’article 53 de la loi n° 2007-1822 de finances pour 2008 à compter du 1er janvier 2013, afin de consacrer l’abrogation du dispositif TEPA.

Un nouveau système de compensation des allègements de cotisations sociales patronales devra donc être prévu par la loi de finances initiale ou la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Par coordination, le C du III du présent article abroge à compter du 1er janvier 2013 le j du 7° l’article L. 131-8 du CSS, qui prévoit l’affectation de 3,89 % du produit du droit de consommation sur les tabacs à la compensation, dans les conditions définies à l'article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, des mesures définies aux articles L. 241-17 et L. 241-18 du présent code.

IV.– ENTRÉE EN VIGUEUR ET MESURES TRANSITOIRES

Le A du V du présent article prévoit que l’abrogation des exonérations de cotisations sociales salariales sur la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires et la limitation de la déduction de cotisations patronales sur la rémunération des heures supplémentaires effectuées par les salariés des entreprises de moins de vingt salariés, entrant dans le champ de la réduction Fillon, s’appliquent aux rémunérations perçues à raison des heures effectuées à compter du 1er septembre 2012. La conjoncture actuelle n’autorise pas à priver l’État du gain de 980 millions d’euros résultant de l’entrée en vigueur de cet article au 1er septembre.

Le B du V prévoit une exception à ce principe. Lorsque la période de décompte du temps de travail ne correspond pas au mois calendaire et est en cours au 1er septembre 2012, les dispositions des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction en vigueur antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables à la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires de travail versée jusqu’à la fin de la période de décompte du temps de travail en cours, et au plus tard le 31 décembre 2012. Cette exception est une conséquence de la conception initiale de la mesure d’allègement de charges, qui visait l’ensemble des heures supplémentaires, quel que soit le mode d’organisation du temps de travail. Sont concernés les personnes dont les heures supplémentaires sont calculées selon un décompte annuel. Son impact budgétaire n’est pas pris en compte dans l’évaluation préalable.

*

* *

La Commission est saisie d’une série d’amendements de suppression de l’article : CF 4, CF 14, CF 101 à 103, CF 105 à 109, CF 111 à 114, CF 116 à 123, CF 222, CF 247, CF 255, CF 267 et CF 287.

M. Olivier Carré. Le dispositif en vigueur visait à protéger les salariés les moins favorisés en exonérant de tout prélèvement les revenus tirés des heures supplémentaires qu’ils effectuent. Il a ainsi permis d’améliorer leur pouvoir d’achat, comme le prouve l’évolution des revenus des ménages par catégories. Ce sont les plus modestes qui en ont le plus bénéficié et c’est sans doute pourquoi le pouvoir d’achat a pu être préservé en France tandis qu’il baissait partout en Europe. Il est donc regrettable qu’on veuille aujourd’hui revenir sur cette mesure.

M. le rapporteur général. Les gains de pouvoir d’achat n’ont pas spécialement bénéficié aux titulaires des revenus les plus modestes. Les tableaux figurant dans mon rapport montrent une réalité toute différente…

M. Jean-François Lamour. Les cadres aussi font des heures supplémentaires !

M. le rapporteur général. Statistiquement, parmi ceux qui effectuent des heures supplémentaires, le décile des ménages les plus riches a vu son revenu disponible progresser de 1,5 % tandis que le décile des ménages les plus modestes n’a enregistré qu’un gain de 0,9 %.

M. Hervé Mariton. Les ménages de ce premier décile ont-ils un emploi ?

M. le président Gilles Carrez. Le rapport d’information de MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot pour le Comité d’évaluation et de contrôle, sur l’évaluation du mécanisme de promotion des heures supplémentaires, individualisait le coût des heures supplémentaires effectuées par les enseignants. Il était important d’opérer cette distinction.

M. le rapporteur général. Le gain annuel moyen tiré des avantages, sociaux comme fiscaux, servis aux salariés ayant effectué des heures supplémentaires s’élève à 165 euros par an pour le premier décile des ménages et à 1 055 euros pour le dernier. Tous déciles confondus, la moyenne s’établit à 432 euros. Ce qui relativise beaucoup les propos de M. Olivier Carré.

M. Xavier Bertrand. Je n’ai pas demandé aux ouvriers de ma circonscription à quel décile ils appartenaient, mais une chose est certaine : ils constateront une perte nette de pouvoir d’achat sur leur fiche de paye et sur leur feuille d’impôt, et ce pouvoir d’achat manquera à la consommation. La croissance reposant encore à 60 % sur la consommation, voilà une déperdition que notre pays ne peut pas se permettre – et qui se traduira en outre par une exaspération de ces salariés, qui ne volent les heures de personne.

Il y a beaucoup de cynisme de la part de la majorité et du Gouvernement à imposer une telle mesure et je demande donc la suppression de l’article.

M. Pierre-Alain Muet. Une politique économique doit s’apprécier en fonction de la conjoncture. Si, comme dans les années 1950, la France connaissait le plein emploi et une pénurie de travailleurs, on pourrait à la rigueur subventionner les heures supplémentaires, ce qui permettrait d’accroître la production et de redistribuer les revenus – ce qu’il était du reste inutile de faire il y a soixante ans car les heures supplémentaires venaient spontanément. Dans une situation de fort chômage, en revanche, cette mesure est une arme de destruction massive. Il ne s’agit pas là d’une question idéologique, mais économique.

Subventionner les heures supplémentaires n’a aucun effet global sur le revenu national. En effet, en situation de fort chômage, lorsque le taux d’utilisation des capacités de production est très faible – il est actuellement inférieur de 4 points à la moyenne – et que leur activité est limitée par la demande, les entreprises recourent aux heures supplémentaires subventionnées sans embaucher en contrepartie. C’est là ce que les économistes appellent un « effet de substitution » : le pouvoir d’achat gagné par ceux qui ont un emploi est perdu pour ceux qui sont au chômage.

Monsieur Bertrand, l’essentiel de l’augmentation du revenu national tient à la création d’emplois. On constate en effet que les périodes de forte croissance du revenu disponible sont celles où la France a créé beaucoup d’emplois. Ainsi, entre 1997 et 2002, le revenu disponible a augmenté en moyenne de 3 %, et de 2 % par ménage ou « unité de consommation ». Dans les années où la France a créé peu d’emplois, comme dans les cinq dernières, la croissance du revenu disponible par ménage a été nulle, et très faible par unité de consommation.

Une politique économique ne se juge pas dans l’absolu. Or, dans la conjoncture actuelle, la politique menée par le précédent gouvernement, perdante en termes d’emploi, est complètement inadaptée.

J’en veux pour preuve la situation de l’Allemagne : au plus fort de la crise, en 2009, alors que la France dépensait 4,5 milliards d’euros pour subventionner les heures supplémentaires, l’Allemagne recourait massivement au Kurzarbeit, ou chômage partiel. Le taux de chômage, qui était à l’été 2008 de 7,5 % dans les deux pays, est aujourd’hui de 6 % en Allemagne et de 10 % en France. Les Allemands, qui abordent rarement les problèmes économiques d’un point de vue idéologique, mais le font avec pragmatisme, ont appliqué une politique adéquate et réduit le temps de travail. Celui-ci est en moyenne plus long de deux heures en France, avec 38 heures contre 35,5 heures, tandis que l’Allemagne a traversé la crise sans augmentation du chômage.

Je suis convaincu que, dans l’avenir, les cours d’économie citeront votre politique comme un exemple d’erreur économique – pas dans l’absolu, je le répète, mais au regard de la conjoncture.

En supprimant la subvention aux heures supplémentaires, le Gouvernement mène aujourd’hui une politique pertinente. Cette suppression n’aura aucun effet négatif sur le revenu disponible et aura un effet positif, même s’il est modeste, sur l’emploi – je rappelle à ce propos que les subventions accordées par le précédent gouvernement ont entraîné la perte de 90 000 emplois.

La TVA sociale serait peut-être justifiée elle aussi dans certaines conjonctures, mais elle est de même absurde dans la situation actuelle, où le problème est celui de la croissance de la demande. Les deux premiers articles du projet de loi de finances rectificative que nous examinons sont au contraire d’une totale efficacité économique.

M. Jean-François Lamour. Monsieur Muet, le fait que vous considériez la suppression du dispositif existant comme une mesure pragmatique, et non idéologique, montre bien ce qui nous sépare. Entre 1997 et 2002, alors que la croissance était en moyenne de 3 %, vous situant déjà dans cette logique de partage du travail qui a sans doute été l’une des causes de la défaite de M. Jospin, vous avez instauré les 35 heures et les courbes du chômage ont commencé à remonter dès la fin de l’année 2000. Le partage du travail que vous proposez n’aboutit qu’à la sclérose de l’offre sur le marché du travail – ce que la défiscalisation des heures supplémentaires visait précisément à éviter.

Cette logique de partage du travail, ou d’aide à l’accès au travail – que l’on a vu réapparaître cet après-midi même, durant la séance de questions d’actualité, avec la proposition faite par le Premier ministre de revenir à une forme d’emplois jeunes – ne peut que créer un marché artificiel du travail, tandis que le dispositif que nous avions défini et que nous souhaiterions conserver permet à la fois la souplesse et l’amélioration du pouvoir d’achat.

Monsieur Eckert, le pouvoir d’achat de 450 euros généré en moyenne par ce dispositif n’est pas insignifiant dans la conjoncture actuelle. S’il n’y avait qu’une mesure à conserver, ce serait bien celle-là, car elle permet de maintenir le pouvoir d’achat, en particulier pour les salariés des petites entreprises. Je suis prêt à parier que, contrairement à ce que vous affirmez, sa suppression ne créera pas 90 000 emplois.

M. Christian Estrosi. Cet article 2 touche au pouvoir d’achat des salariés les plus modestes. La mesure que vous voulez supprimer bénéficie en effet à 40 % des actifs et porte sur 700 millions d’heures supplémentaires en 2010, générant 500 euros de pouvoir d’achat par an, montant qui contribue à soutenir l’emploi par la consommation. Sa suppression touchera aussi les entreprises et aggravera encore les difficultés qu’elles rencontrent en matière de compétitivité.

Le débat ne doit pas être idéologique et toute solution qui permet de progresser sera bienvenue pour les entreprises françaises. Ces dernières, monsieur le rapporteur général, ne se limitent pas aux grands groupes, à l’exclusion des PME et des sous-traitants. Le coût du travail est supérieur en Allemagne dans les entreprises de plus de 1 000 salariés mais, comme l’indique un rapport de la Cour des comptes, il est inférieur de 20 % dans les entreprises employant jusqu’à 49 salariés et de 15 % dans celles qui emploient jusqu’à 249 salariés.

La spécificité française réside dans les PME et TPE : l’emploi dans notre pays est procuré à 90 % par les entreprises de moins de 250 salariés. Voilà pourquoi, même dans l’industrie automobile, si le coût du travail est supérieur en Allemagne pour des grands groupes comme BMW par comparaison avec Renault ou PSA, il est en réalité plus élevé en France pour l’ensemble de la production, car 70 % des éléments assemblés sur un véhicule proviennent de PME.

La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui affectera surtout les petites et moyennes entreprises, portera donc encore plus atteinte au « fabriqué en France » et à la compétitivité des entreprises françaises.

Mme Sandrine Mazetier. Nous dénoncions le choix clairement fait par la précédente majorité d’augmenter les prix par la TVA dite « sociale » – que nous appelions « TVA Sarkozy » – et de réduire le pouvoir d’achat en frappant au porte-monnaie toutes les catégories, en particulier modestes, pour mieux préserver d’autres catégories largement bénéficiaires des cinq ans de loi TEPA qui ont accablé les finances de notre pays.

Nous faisons le choix inverse : abroger la « TVA Sarkozy » qui pèserait sur la consommation, dernier moteur de la croissance qui fonctionne encore. Nous héritons d’une situation douloureuse : le nombre de chômeurs a augmenté d’un million, l’hôpital public est en très grande difficulté et les caisses, en particulier les caisses sociales, sont vides. Nous faisons, comme nous l’avions annoncé, le choix de contribuer à la création d’emplois, au lieu de financer leur destruction par la défiscalisation des heures supplémentaires.

Lors de la séance de questions d’actualité de cet après-midi, ont été évoqués les nombreux plans sociaux masqués engagés par des groupes qui ont bénéficié à plein d’aides, d’exonérations, de subventions et du crédit d’impôt recherche. Tout effort de la collectivité nationale sera désormais subordonné à des engagements et les exonérations de charges, si elles doivent être envisagées un jour, le seront sous condition de création ou de maintien d’emplois. C’est cela, le redressement dans la justice !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les allégements sociaux touchant les heures supplémentaires avaient deux avantages majeurs.

Il s’agissait tout d’abord d’une mesure de soutien à l’économie, qui permettait aux entreprises de réguler ou de lisser l’activité sur l’année. Dans le secteur dont je suis élue, qui compte de très nombreuses activités industrielles, l’enjeu est très important pour les entreprises ayant des activités saisonnières.

Il s’agissait ensuite d’une mesure de soutien au pouvoir d’achat des salariés, en particulier de ceux qui perçoivent de très bas salaires. Ces derniers s’interrogent sur le mauvais coup que leur porte la suppression de cette mesure, prévue par le collectif budgétaire.

La création escomptée de 90 000 emplois est un leurre. Surtout, vous stigmatisez les salariés qui bénéficiaient d’heures supplémentaires et les demandeurs d’emploi. Les salariés modestes seront conscients de cette discrimination.

Je suis donc pour la suppression de l’article 2.

M. Pascal Terrasse. Le dispositif mis en place par le précédent gouvernement a donné lieu à plusieurs études d’impact, réalisées notamment par le Conseil des prélèvements obligatoires et par le Comité d’évaluation des dépenses fiscales. Pour la direction du Trésor et la direction de la sécurité sociale, ce dispositif s’apparente à une pratique d’« optimisation fiscalo-sociale ». Selon les chiffres de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), le nombre d’heures supplémentaires n’a pas augmenté et sera même vraisemblablement inférieur à ce qu’il était avant l’entrée en vigueur du dispositif. Celui-ci n’a donc aucun effet sur l’emploi – il a même, au contraire, un effet négatif.

Dans une situation de plein emploi, la possibilité offerte aux salariés d’effectuer des heures supplémentaires peut favoriser la compétitivité, mais ce n’est pas le cas lorsqu’on compte trois millions de chômeurs. Dans le département dont je suis élu, où l’on vient de supprimer 182 emplois, les salariés eux-mêmes, loin de réclamer des heures supplémentaires, ont demandé une réduction du temps de travail afin d’éviter de nouvelles suppressions et de garantir leur emploi.

La compétitivité, qui mérite un vrai débat, fait intervenir de nombreux facteurs, dont la recherche et l’innovation, mais elle exige aussi la sécurisation des parcours professionnels – domaine dans lequel l’Allemagne et le Danemark ont fait de vrais efforts. Si l’on veut instaurer de la flexibilité, cette sécurisation est indispensable. Les salariés doivent avoir accès à une formation et, en tout état de cause, ne pas perdre leur salaire.

M. Patrick Ollier. Monsieur le rapporteur général, quelles seront les conséquences de la suppression de l’exonération des heures supplémentaires pour l’industrie touristique ? Celle-ci est en effet très saisonnière et fragile, et induit une durée du travail sans équivalent ailleurs. Leur spécificité sera-t-elle prise en compte ? Si tel n’est pas le cas, des difficultés sont à craindre.

Le fait que la suppression de la mesure prenne effet en octobre ne résoudra pas le problème car la saison touristique d’hiver n’est pas moins sensible – au contraire – ni moins importante que celle d’été.

M. Philippe Vigier. Si la mesure était, pour reprendre les mots de M. Muet, une « arme de destruction massive », pourquoi maintenir l’exonération de charges sociales de la part patronale pour les entreprises de moins de 20 salariés ? Il s’agissait, il est vrai, de la proposition 34 du candidat Hollande…

Par ailleurs, dans le domaine microéconomique, le fait de pouvoir disposer d’un volant d’heures supplémentaires est la seule réponse qu’on puisse apporter aux chefs d’entreprise qui ne trouvent pas de main-d’œuvre qualifiée. C’est également, dans la fonction publique hospitalière, le seul moyen de faire face aux pics d’accouchements observés en juillet et en août. Votre vision macroéconomique n’est pas applicable, car l’économie est une somme de microéconomies sur un territoire. M. Cahuzac a beau dire qu’il y aura toujours des heures supplémentaires, croyez-vous que les salariés voudront en faire s’ils n’y trouvent pas d’avantage en termes de pouvoir d’achat ?

Enfin, monsieur Muet, puisque vous déclariez tout à l’heure que vous ne seriez pas opposé à l’exonération des heures supplémentaires dans un cycle économique normal, je vous rappelle que cette mesure a été adoptée dans le cadre de la loi TEPA, alors que la crise ne nous avait pas encore rattrapés.

M. Pierre-Alain Muet. Je ne parlais pas de « cycle économique normal », mais d’une période de plein emploi comparable à celle des années 1950.

M. Laurent Grandguillaume. Rappelez-vous ce que vous avez soutenu dans la loi TEPA, mes chers collègues de l’opposition ! La rémunération des heures supplémentaires exonérées est intégrée dans la détermination du revenu fiscal de référence, donc dans le calcul de la prime pour l’emploi. Il conviendrait de mesurer l’impact de cette disposition qui a fait perdre à de nombreux salariés le bénéfice de la PPE. C’est un sujet que vous vous gardez bien d’aborder !

Si ces exonérations ont été nocives pour l’emploi – on aurait pu créer, à leur place, plus de 100 000 emplois à temps plein –, il ne s’agit pas ici de remettre en cause les heures supplémentaires comme vous voulez le faire croire. Nous sommes bien entendu partisans de la liberté d’entreprise. Mais pour créer des heures supplémentaires, encore faut-il qu’il y ait du travail et des carnets de commande ! En l’occurrence, on a créé un gouffre pour les finances publiques sans demander la moindre contrepartie aux entreprises en termes d’emploi.

Ces mesures injustes et inefficaces doivent laisser place à une politique véritablement ambitieuse pour notre pays.

M. Hervé Mariton. Le maintien d’exonérations pour les entreprises de moins de vingt salariés ne figurait pas dans le programme du candidat socialiste. Il y a donc là, monsieur le rapporteur général, une évolution.

Par ailleurs, si le nouveau dispositif permet à l’État de faire des économies, les salariés, eux, vont y perdre. Le Gouvernement et sa majorité semblent commencer à mesurer l’impact considérable qu’il aura sur une partie de la fonction publique. Envisagent-ils de mettre en place des contreparties ?

M. Muet va répétant que les mesures d’exonération visées sont souhaitables à certaines périodes mais se transforment en « armes de destruction massive » en période d’aggravation du chômage. Pourquoi, dès lors, ne pas les avoir votées en 2007, c'est-à-dire avant l’aggravation survenue à partir de 2008 ?

M. Pierre-Alain Muet. Il y avait déjà du chômage !

M. Hervé Mariton. Le rapporteur général a présenté des chiffres sur la population qui effectue des heures supplémentaires. Si l’on compare schématiquement la position d’un employé et celle d’un technicien supérieur, l’impact des exonérations sociales et fiscales sera plus important pour le second dans la mesure où son revenu – et, partant, le montant de son impôt sur le revenu – est plus élevé. Le dispositif est ainsi construit et il n’y a pas à en rougir.

Ces exonérations correspondaient également à notre choix d’améliorer la situation des enseignants. Cette année, le ministère de l’éducation nationale a dû compléter le recrutement aux CAPES en prenant les personnes admises sur la liste complémentaire des agrégations. Malgré cela, le niveau des candidats ne permettra pas d’atteindre les objectifs de recrutement pour certaines disciplines scientifiques. Il y a donc urgence. Alors que notre dispositif avait permis d’améliorer la condition matérielle des enseignants, vous allez le détruire. C’est une responsabilité très grave que vous prenez.

M. le président Gilles Carrez. L’école, c’est un autre sujet.

M. Yves Jégo. Je déplore moi aussi la suppression du dispositif, pour des raisons idéologiques : ces exonérations constituaient une mesure emblématique de la campagne électorale de 2007 et une déclinaison du « travailler plus pour gagner plus » si décrié par la gauche.

Soyons concrets si vous voulez bien. Dans la mairie que je dirige, cet article aurait un impact de 150 000 euros sur le budget si l’on maintenait le même nombre d’heures supplémentaires. Il faudrait soit augmenter les impôts de 1 %, soit supprimer six postes d’agents municipaux. Je ne ferai naturellement ni l’un ni l’autre : je diminuerai le nombre des heures supplémentaires, et les salariés – qui, dans les communes, sont loin d’être bien payés – perdront du pouvoir d’achat : 450 salariés vont perdre 150 000 euros d’heures supplémentaires.

M. Régis Juanico. Nos collègues de l’opposition, si prompts à critiquer les dispositifs de création d’emploi « sur fonds publics », sont ici en pleine contradiction. Notre intention est effectivement de mettre en place des contrats aidés et de créer des emplois d’avenir. Les contrats de génération, très attendus dans les TPE et les PME, répondront aux besoins de souplesse si souvent évoqués depuis le début de la discussion. Quant au dispositif d’exonération des heures supplémentaires, il a déjà fait l’objet d’une évaluation dans le rapport de Jean Mallot et de Jean-Pierre Gorges : il est ruineux pour les finances publiques, 4,5 milliards d’euros par an. Sa suppression n’a rien d’idéologique, elle est pragmatique, comme en témoigne d’ailleurs le maintien d’allègements pour les TPE et les PME de moins de vingt salariés – le temps que d’autres dispositifs, dont le contrat de génération, prennent le relais. Le dispositif actuel est inefficace, il n’a pas créé d’emplois, il n’a pas augmenté sensiblement le nombre
d’heures supplémentaires – sinon pour se substituer à ce qui n’était pas déclaré auparavant –, il est ruineux, il faut donc y mettre un terme.

S’agissant de l’Éducation nationale, je crois que les enseignants souhaitent d’abord bénéficier de meilleures conditions de travail alors que 80 000 postes ont été supprimés au cours des cinq dernières années. La création de 60 000 emplois en cinq ans répondra à cette préoccupation. Par ailleurs, le régime des heures supplémentaires est parfois source de tensions entre les personnels qui en bénéficient et ceux qui n’en bénéficient pas.

M. Charles de Courson. Notre collègue a partiellement raison : il aurait été plus facile d’atteindre l’objectif économique du dispositif d’exonération si l’on avait eu une forte croissance !

M. Pierre-Alain Muet. Ce n’est pas une question de croissance mais de plein emploi !

M. Charles de Courson. Le macro-économiste que vous êtes a tendance à ignorer les cellules de bases de l’économie, à savoir les petites, moyennes et grandes entreprises. Dans de nombreux secteurs, il existe des goulots d’étranglement. Je vous renvoie à ce que disent la Fédération française du bâtiment, les transporteurs routiers, les métiers du tourisme et de l’hôtellerie-restauration, mais aussi l’industrie, où l’on n’arrive pas à pourvoir de nombreux postes. Les personnes ne sont pas substituables. Même dans une conjoncture déprimée, les heures supplémentaires sont un moyen de relâcher cette pression.

M. Pierre-Alain Muet. Mais pourquoi les subventionner ?

M. Charles de Courson. Les exonérations permettent de les encourager, car il n’existe pas pour un salarié d’obligation d’effectuer des heures supplémentaires ou complémentaires.

En outre, ces exonérations constituent une mesure de pouvoir d’achat pour les salariés modestes.

Selon l’étude d’impact – fort sommaire – de l’article, une déduction de cotisations patronales est maintenue pour les entreprises de moins de vingt salariés « en raison des contraintes particulières qui pèsent sur ces dernières ». Pourquoi ce seuil ? Nous proposerons plusieurs amendements pour le relever. Il serait plus cohérent de viser toutes les PME.

Par ailleurs, pourquoi la date d’entrée en application est-elle différente pour les salariés du privé et pour ceux du public ? L’argument avancé dans l’exposé des motifs est incompréhensible. Même si la révision de l’exonération d’impôt sur le revenu n’intervient que dans la loi de finances pour 2013, il y a là une rupture manifeste d’égalité.

M. Thomas Thévenoud. Il ne s’agit en rien, madame Dalloz, de stigmatiser les ouvriers et les salariés, mais de trouver des solutions à la situation économique profondément dégradée dont nous héritons. Le nombre de chômeurs, en hausse pour le treizième mois consécutif, atteint presque 4 millions. Le gouvernement Jospin avait créé 2 millions d’emplois, la droite en a détruit 750 000 en cinq ans, rien que dans l’industrie. La défiscalisation des heures supplémentaires a appauvri l’État et favorisé l’augmentation du chômage.

Il serait du reste souhaitable que notre Commission prolonge le rapport de MM. Gorges et Mallot en menant une étude sur le coût réel de l’ensemble du paquet fiscal de la loi TEPA pour l’économie française depuis cinq ans. Ces mesures sont une cause majeure des difficultés budgétaires que nous devons affronter.

M. Éric Woerth. On peut regretter, comme Pierre-Alain Muet, que nous n’ayons pas adopté un dispositif de chômage partiel à l’allemande, mais on peut aussi regretter que le Gouvernement ait renoncé, lors de la conférence sociale, à la négociation d’accords compétitivité-emploi qui ne sont guère éloignés de ce modèle.

Comme Charles de Courson, et même si je sais que les heures supplémentaires font l’objet d’un décompte différent dans l’éducation nationale, je m’interroge sur le décalage des dates d’entrée en application dans le privé et dans le public. Ne risque-t-on pas d’introduire une inégalité devant la loi ?

M. Alain Fauré. Les exonérations sur les heures supplémentaires détruisent de l’emploi. A contrario, en Midi-Pyrénées, le secteur de l’aéronautique a fait face à la baisse des commandes de 2007-2008 non pas en « rapatriant » le travail dans les entreprises donneuses d’ordres pour bénéficier d’heures supplémentaires, mais au contraire en recourant au chômage technique partiel. Cela lui a permis de conserver l’outil de travail. Lorsque les ventes ont repris, en 2010, les entreprises sous-traitantes ont pu relancer leur activité et répondre à l’augmentation des commandes.

D’autre part, il ne revient pas à l’État, monsieur Jégo, de payer les services qu’il offre aux habitants de sa commune.

M. Yves Jégo. Cela sera rapporté aux intéressés !

M. Claude Goasguen. J’ai demandé la création d’une commission d’enquête au sujet des 60 000 recrutements annoncés par le Gouvernement dans l’éducation nationale. En effet, nulle part on ne trouve de justification – sinon politique ou syndicale – à ce chiffre de 60 000 qui ne repose sur aucune analyse véritable. Je souhaite que le ministre de l’éducation nationale vienne devant notre Commission pour s’en expliquer et, plus généralement, pour nous indiquer le nombre réel d’enseignants dont dispose son ministère.

M. le président Gilles Carrez. Nous le ferons, monsieur Goasguen. Revenons-en aux heures supplémentaires !

M. Claude Goasguen. Je suis inspecteur général de l’Éducation nationale, j’ai été recteur d’académie,...

M. Michel Vergnier. Il y a longtemps que vous ne l’êtes plus !

M. Claude Goasguen....j’ai interrogé plusieurs ministres, de gauche comme de droite : aucun n’a été capable de me dire combien il y avait d’enseignants à proprement parler à l’Éducation nationale ! On peut parler de recrutements, de suppressions d’heures supplémentaires, encore faut-il savoir sur quelle réalité on se fonde ! Je souhaite donc que notre Commission se saisisse de la question.

M. Éric Alauzet. Quel est le fondement de ce système dans lequel, au-delà de 35 heures travaillées, on ne paie plus ni charges sociales ni impôt ? Quel message veut-on faire passer ? C’est incompréhensible ! Les conditions appliquées à la quinzième heure et à la trente-septième sont complètement inégales.

M. Yves Jégo. Alors pourquoi maintenez-vous les allègements sociaux dans les entreprises de moins de vingt salariés ?

M. Éric Alauzet. C’est une atteinte au principe de progressivité de l’impôt et, plus généralement, à nos valeurs d’égalité.

M. Claude Goasguen. C’est à cause des 35 heures !

M. Éric Alauzet. Le problème serait le même si la durée légale était de 39 heures !

En outre, je ne vois pas en quoi ces exonérations peuvent aider l’économie puisque, dans tous les cas de figure, le recours aux heures supplémentaires est possible. Mieux vaudrait répartir équitablement la manne de 4,5 milliards d’euros – à condition d’assumer collectivement les 0,2 point de dette que cela entraîne – pour augmenter le pouvoir d’achat de l’ensemble des heures travaillées. Le système TEPA est anachronique et aberrant !

M. Thierry Mandon. L’exemple avancé par M. Jégo est éloquent, ces exonérations ont été créées pour rendre tolérable l’austérité salariale. Aux salariés dont on bloquait les salaires et qui voulaient gagner plus, on a proposé de travailler un peu plus longtemps. Il suffit du reste, de lire les exposés sommaires des amendements de suppression : l’idéologie de nos collègues de l’opposition, masquée dans la discussion, réapparaît au grand jour. La mesure TEPA visée, y lit-on, « a pour objectif de baisser le coût du travail » et, surtout, « de pallier la rigidité des 35 heures ».

M. Jean-Louis Gagnaire. Si nos collègues de l’opposition y sont si attachés, c’est qu’il s’agit de la dernière scorie de la loi TEPA. J’aimerais d’ailleurs que le rapporteur général nous indique dans quelle proportion les exonérations ont un effet sur le pouvoir d’achat des ménages imposables : plus de la moitié, en France, ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu et je doute que la suppression de l’exonération fiscale sur les heures supplémentaires modifie sensiblement cette situation.

L’opposition invoque également la compétitivité. Là encore, l’objectif est raté. Les mesures ont altéré la performance des entreprises, car elles se sont instillées comme une drogue douce. Plutôt que de repenser l’organisation de l’entreprise, notamment dans l’industrie, on a préféré la solution de facilité, en recourant massivement aux heures supplémentaires. In fine, c’est la compétitivité qui a été atteinte. Depuis l’adoption de la loi TEPA, elle connaît une forte détérioration, que traduit la dégradation de la balance du commerce extérieur.

Pour ce qui est de l’Éducation nationale, il se trouve que je siège dans plusieurs conseils d’administration de lycées où, me dit-on, certains enseignants doublent leur salaire grâce aux heures supplémentaires défiscalisées. Dans un de ces établissements, le volume des heures supplémentaires représente 25 postes à temps plein pour un effectif de 110 à 120 enseignants. Le coût budgétaire est bien supérieur à celui d’éventuels recrutements.

Mme Marie-Christine Dalloz. En somme, vous voulez appauvrir les enseignants. Comment les recrutera-t-on ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Les recrutements ne sont pas conditionnés seulement par la feuille de paie, ils sont tributaires des conditions d’organisation du ministère, des problèmes d’affectation et de formation. Or, tout cela s’est détérioré.

Mme Marie-Christine Dalloz. Selon vous, la rémunération serait donc subsidiaire...

M. Jean-Louis Gagnaire. Pas du tout ! Mais je connais ces questions de l’intérieur.

M. le président Gilles Carrez. Bien qu’il y ait beaucoup d’enseignants parmi vous, je rappelle que le débat ne porte pas sur l’organisation de l’Éducation nationale.

M. le rapporteur général. Revenons à quelques fondamentaux. Il reste possible avec les nouvelles dispositions de faire toutes les heures supplémentaires que les besoins économiques commandent, dans le tourisme, l’agriculture et tous autres secteurs où un surcroît d’activité peut l’exiger. Vous avez tellement relevé les plafonds qu’ils ne sont quasiment jamais atteints. La vraie question est de savoir s’il appartient à l’État de « surpayer » ces heures supplémentaires, déjà majorées pour les salariés par leurs employeurs.

Le dispositif issu de la loi TEPA coûte plus de cinq milliards d’euros au budget de l’État. Je ne pense pas que dans la situation actuelle de nos finances publiques, il soit opportun de le conserver. D’après des chiffres communiqués par le Trésor, l’augmentation de revenu brut disponible qui en a résulté pour chaque ménage bénéficiaire n’est que de 1,2 % en moyenne – soit 0,3 % pour l’ensemble des ménages.

Avantage très limité, donc, pour le pouvoir d’achat, qui se paie par du chômage – car il est évident que recourir aux heures supplémentaires coûte moins cher à une entreprise que d’embaucher. Prenons l’exemple de Florange qu’en tant que Lorrain je connais bien et où j’ai même travaillé dans ma jeunesse pour payer mes études. Un haut fourneau y ayant été arrêté sans que les salariés soient licenciés, l’État y subventionne aujourd’hui des mesures de chômage partiel. Dans le même temps, l’acier qui pourrait y être fabriqué l’est dans les autres usines d’Arcelor Mittal à Dunkerque ou à Fos, où les ouvriers font des heures supplémentaires, exonérées de charges et défiscalisées. L’État paie donc deux fois pour un gain nul en termes d’emplois. Le cas est emblématique mais il y en a d’autres – je pense par exemple aux Fonderies du Poitou. Les entreprises gagnent sur les deux tableaux, mais la mesure est incohérente sur le plan économique.

Il arrive sûrement que des couples de salariés, qui gagnent quelques centaines d’euros de plus par an grâce à des heures supplémentaires exonérées de charges et défiscalisées, doivent assumer la charge d’un chômeur dans leur entourage proche. Ces gens peuvent, me semble-t-il, entendre qu’il est préférable à l’avenir, surtout en période de récession, que ces heures supplémentaires leur rapportent un tout petit peu moins, mais qu’il y ait moins de chômeurs.

Sur un an, entre 2010 et 2011 le volume d’heures supplémentaires effectuées a décru de 0,3 % – et même de 1,8 % dans le secteur de la construction. S’il y en a besoin dans tel ou tel secteur, est-ce à l’État de les encourager ?

S’agissant des enseignants, la défiscalisation et l’exonération de charges salariales représentent un coût de 319 millions d’euros. Dans toutes les académies ou presque, le nombre d’heures supplémentaires a augmenté – de 34 % en trois ans dans celle de Nancy-Metz et même de 47 % dans celle de Poitiers, comme me l’ont appris mes investigations en tant que rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle sur la RGPP avec notre collègue François Cornut-Gentille. Mais cette augmentation, notamment dans le secondaire, est due bien plutôt à la diminution du nombre de postes, qu’à la défiscalisation. Si le métier d’enseignant est boudé dans certaines disciplines, permettez à l’agrégé de mathématiques que je suis de souligner que cette désaffection n’est pas nouvelle : il y a longtemps que les très bons matheux, plutôt que d’enseigner, s’orientent vers les métiers de la banque –, ce n’est pas seulement une question de salaire, mais aussi de conditions de travail. Celles-ci se sont beaucoup dégradées depuis dix ans : classes surchargées, alourdissement des tâches. Les décisions prises par l’ancienne majorité ne sont pas étrangères à la situation.

Pourquoi limiter le maintien des exonérations de charges patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de moins de 20 salariés ? Tout simplement, parce que ce seuil figurait dans la loi TEPA : l’exonération, normalement de 0,50 euro, y était portée à 1,5 euro en deçà de ce seuil. Vous aviez considéré que cette catégorie d’entreprises méritait un traitement spécifique. Pour une fois, nous sommes d’accord avec vous.

M. Hervé Mariton. Mais pourquoi ne pas maintenir l’exonération de charges aussi pour les salariés de ces petites entreprises ?

M. le rapporteur général. Les cotisations salariales ne peuvent pas varier selon la taille des entreprises. Il y va de l’égalité de traitement entre salariés. Nous ne pouvons agir que sur la part patronale.

Est-il envisagé des contreparties au rétablissement des charges ? Peut-être. Des pistes seront explorées dans le cadre de la prochaine loi de finances initiale. On peut imaginer que la future réforme de l’impôt sur le revenu donne un avantage aux petits salaires, qui seraient, selon vous, les plus pénalisés par la mesure que nous adoptons aujourd’hui. L’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail ira dans le même sens. On pourrait aussi jouer sur la prime pour l’emploi. Le problème en tout cas ne nous a pas échappé, nous y réfléchissons. Si vous avez des idées, vous pourrez donc les présenter à l’automne.

Je suis bien entendu défavorable à la suppression de l’article.

La Commission rejette les amendements de suppression.

Puis elle examine l’amendement CF 306 de M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Nous tenterons jusqu’au bout de préserver la justice sociale que nous avions introduite avec ce dispositif de la loi TEPA, au profit de neuf millions et demi de salariés. Nous proposons par cet amendement de supprimer seulement l’exonération de charges patronales sur les heures supplémentaires, ce qui au moins ne rognerait pas le pouvoir d’achat des salariés.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements CF 53 à CF 76 tendant à supprimer l’alinéa 2 de l’article.

M. le président Gilles Carrez. Tous ces amendements visent à maintenir les allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires pour les salariés.

Sur avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette ces amendements.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 228 de M. Charles de Courson et CF 293 de M. Yves Jego, CF 227 de M. Charles de Courson et CF 292 de M. Yves Jego, CF 229 de M. Charles de Courson et CF 294 de M. Yves Jego, CF 230 de M. Charles de Courson et CF 295 de M. Yves Jego, CF 231 de M. Charles de Courson et CF 296 de M. Yves Jego.

M. Charles de Courson. L’amendement CF 228 vise à ce que les avantages soient maintenus dans les entreprises de moins de 50 salariés. La référence du rapporteur général à la loi TEPA ne me paraît pas pertinente.

M. le rapporteur général. Vous visez dans cet amendement les cotisations salariales. Il faut garantir l’égalité de traitement entre salariés, c’est un problème de constitutionnalité.

M. le président Gilles Carrez. L’amendement CF 227 vise « les petites entreprises communautaires au sens des lignes directrices fixées par l’Union européenne concernant les aides d’État », l’amendement CF 229 les entreprises de moins de 40 salariés, l’amendement CF 230 celles de moins de 30. Puis-je considérer qu’ils sont défendus et que le rapporteur général y est défavorable ?

La Commission rejette successivement les amendements CF 228 et CF 293, CF 227 et CF 292, CF 229 et CF 294, CF 230 et CF 295.

Elle aborde ensuite les amendements identiques CF 231 et CF 296.

M. Charles de Courson. L’amendement CF 231 est quelque peu différent. Je ne comprends pas pourquoi on pourrait dans les entreprises de moins de 20 salariés maintenir l’exonération de charges patronales mais pas l’exonération de charges salariales.

M. le rapporteur général. Pour ne pas introduire de rupture d’égalité entre les salariés suivant la taille de leur entreprise.

M. Charles de Courson. Mais en ce cas, il faudrait revoir l’ensemble des 40 milliards d’euros d’exonérations de charges car partout s’appliquent des seuils. De plus, en l’espèce, il ne s’agit pas d’impôts, mais de cotisations sociales. Y a-t-il vraiment un problème constitutionnel ?

M. le président Gilles Carrez. Pour avoir eu à traiter de ce sujet à de nombreuses reprises ces cinq dernières années, je vous confirme qu’autant il est admis qu’on puisse moduler les cotisations sociales patronales en fonction de la taille de l’entreprise, autant il ne peut y avoir de rupture d’égalité pour ce qui est des cotisations salariales. C’est un principe constitutionnel.

M. le rapporteur général. Votre amendement présenterait un risque réel d’inconstitutionnalité.

M. le président Gilles Carrez. Les analyses de l’actuel rapporteur général et de l’ancien rapporteur général que je suis convergent sur ce point. Nous vous apporterons conjointement les éléments de jurisprudence qui les étayent.

M. Charles de Courson. Si vos thèses sont exactes, c’est l’ensemble des exonérations de charges qu’il faudra toiletter !

La Commission rejette les amendements identiques CF 231 et CF 296.

Elle examine ensuite l’amendement CF 24 de M. Hervé Mariton.

M. Olivier Carré. Le Gouvernement a décidé de maintenir les allègements de cotisations patronales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de moins de 20 salariés. Afin de préserver la compétitivité de nos PME, nous proposons qu’ils soient maintenus jusqu’à 250 salariés.

Chacun s’en souvient, il a été particulièrement difficile pour les plus petites entreprises de passer de 39 à 35 heures, pour des raisons d’organisation du travail notamment.

M. le président Gilles Carrez. En 2002, les lois Aubry ne concernaient pas les entreprises de moins de 20 salariés. Celles-ci ne sont passées de 39 à 35 heures que dans un second temps et une large partie d’entre elles sont de fait restées à 39 heures, le surcoût de la 35ème à la 39ème heure ayant été limité à 10 %. Lorsqu’en 2007 les heures supplémentaires ont été exonérées de charges, on a considéré que même s’il pouvait y avoir un effet d’aubaine, il n’était pas illégitime d’exonérer de cotisations salariales et d’impôt sur le revenu les heures supplémentaires des salariés restés à 39 heures car c’est dans ces entreprises que les salaires étaient les plus faibles. C’était un coup de pouce au pouvoir d’achat de leurs salariés.

M. le rapporteur général. Il est parfaitement expliqué par l’évaluation préalable que la loi TEPA aurait eu un effet paradoxal sur le coût du travail des salariés effectuant des heures supplémentaires dans les TPE. C’est ce qui avait justifié une exonération spécifique de 1,50 euro – contre 0,50 euro dans les autres. À défaut, leurs salariés se seraient trouvés pénalisés par rapport à leur situation antérieure.

La Commission rejette l’amendement.

Sur avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette successivement les amendements CF 224 de M. Charles de Courson et CF 289 de M. Yves Jego, CF 223 de M. Charles de Courson et CF 288 de M. Yves Jego, CF 225 de M. Charles de Courson et CF 290 de M. Yves Jego, CF 226 de M. Charles de Courson et CF 291 de M. Yves Jego.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CF 312 du rapporteur général (amendement n° 151).

Elle examine ensuite les amendements identiques CF 232 de M. Charles de Courson et CF 297 de M. Yves Jego.

M. Charles de Courson. Ces amendements visent à supprimer l’alinéa 29. Le fondement de la différence de traitement établie entre salariés du public et du privé est en effet peu compréhensible.

M. le rapporteur général. La distinction réalisée par cet amendement n’est pas entre privé et public mais elle correspond au fait que le mode de calcul puisse être annuel ou mensuel. Dans la loi TEPA, toutes les personnes effectuant des heures supplémentaires devaient bénéficier du dispositif, quelle que soit l’organisation de leur travail et la manière dont celui-ci était décompté. Nous avons simplement respecté le parallélisme des formes pour le travail annualisé.

M. Éric Woerth. Le salarié du privé qui effectuera des heures supplémentaires entre le 1er septembre et le 31 décembre 2012 ne bénéficiera plus des exonérations de charges, alors qu’un salarié du public pourrait, lui, continuer d’en bénéficier. Est-ce bien cela ?

M. le rapporteur général. Non. Le dispositif prévoit simplement que, si une personne travaille dans le privé, et que le calcul de ses heures supplémentaires est annualisé, elle bénéficiera de la mesure.

M. Charles de Courson. L’exposé des motifs n’est donc pas en cohérence avec les alinéas 28 et 29.

M. le président Gilles Carrez. Dans l’exposé des motifs, il faut lire « salariés du privé et agents publics », au lieu de « salariés et agents publics ». Quand nous interrogerons le ministre pour nous assurer que la mesure concerne tous les salariés du secteur privé ou public dont le calcul des heures supplémentaires est annualisé, nous lui demanderons des exemples concrets pour comprendre comment s’appliquera l’alinéa 29.

M. Charles de Courson. Cela relève-t-il vraiment de la loi ?

M. le rapporteur général. La définition du temps de travail est du domaine législatif.

M. Charles de Courson. Pour l’essentiel, le mode de calcul des exonérations de charges appartient au domaine réglementaire. En outre, il faudrait que la loi traite de manière égale l’ensemble des salariés.

M. le président Gilles Carrez. Lors de son audition, j’ai interrogé le ministre du budget sur ce point. Il m’a répondu qu’il s’agissait d’une maladresse d’expression, car les salariés du public et du privé seront bien placés sur le même plan.

Les amendements CF 232 et CF 297 sont retirés.

La Commission adopte l’article 2 ainsi modifié.

*

* *

Article 3

Contribution exceptionnelle sur la fortune au titre de l’année 2012

Texte du projet de loi :

I.– Les personnes physiques mentionnées à l’article 885 A du code général des impôts sont redevables au titre de l’année 2012 d’une contribution exceptionnelle sur la fortune assise sur la valeur nette imposable de leur patrimoine retenue pour le calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune au titre de l’année 2012.

Toutefois, les personnes physiques mentionnées au premier alinéa qui, domiciliées en France au 1er janvier 2012, ne le sont plus à la date du 4 juillet 2012, ne sont redevables de la contribution que sur la valeur nette imposable au 1er janvier 2012 de leurs seuls biens situés en France.

II.– La contribution mentionnée au I est liquidée selon le barème progressif suivant :

Valeur nette imposable du patrimoine

Tarif applicable %

N'excédant pas 800 000 €

0

Supérieure à 800 000 € et inférieure ou égale à 1 310 000 €

0,55

Supérieure à 1 310 000 € et inférieure ou égale à 2 570 000 €

0,75

Supérieure à 2 570 000 € et inférieure ou égale à 4 040 000 €

1

Supérieure à 4 040 000 € et inférieure ou égale à 7 710 000 €

1,3

Supérieure à 7 710 000 € et inférieure ou égale à 16 790 000 €

1,65

Supérieure à 16 790 000 €

1,80

III.– Le montant de l'impôt de solidarité sur la fortune dû au titre de l'année 2012 avant imputation, le cas échéant, des réductions d’impôt mentionnées aux articles 885 V, 885-0 V bis et 885-0 V bis A du code général des impôts, est imputable sur la contribution. L’excédent éventuel n’est pas restituable.

IV.– 1° La contribution est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que l’impôt de solidarité sur la fortune ;

2° Les personnes mentionnées au I et qui ne sont pas visées au 2 du I de l'article 885 W du code général des impôts souscrivent au titre de la contribution au plus tard le 15 novembre 2012 une déclaration auprès du service des impôts de leur domicile au 1er janvier 2012, accompagnée du paiement de la contribution.

Observations et décision de la Commission :

Cet article institue, au titre de l’année 2012, une contribution exceptionnelle sur la fortune, calculée de manière telle que l’imposition sur la fortune due par les personnes physiques sur la détention de leur capital en 2012 soit d’un niveau équivalent à celle qui était applicable en 2011. 300 000 redevables sont concernés et le rendement de cette contribution est estimé à 2,325 milliards d'euros. Il s’agit de la traduction d’un des soixante engagements du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines ».

I.– LE RÉTABLISSEMENT D’UNE IMPOSITION ÉQUITABLE SUR LA DÉTENTION DU PATRIMOINE

L’histoire du régime d’imposition spécifique sur le patrimoine se caractérise notamment par de nombreuses modifications successives.

La loi de finances pour 1982 a ainsi institué un impôt sur les grandes fortunes (IGF), afin de taxer spécifiquement la capacité contributive que confère la détention d'un patrimoine. Les personnes physiques redevables de cet impôt étaient imposables sur l'ensemble des biens, droits et valeurs leur appartenant, ainsi que sur les biens appartenant à leur conjoint et à leurs enfants mineurs lorsqu'ils ont l'administration légale des biens de ceux-ci ; les concubins notoires étaient imposés comme les personnes mariées ; les personnes physiques fiscalement domiciliées à l’étranger étaient imposables au titre des seuls biens situés hors de France. L’impôt était payé annuellement sur la base d’une déclaration effectuée au plus tard le 15 juin évaluant le patrimoine détenu au 1er janvier. Les biens professionnels ainsi que les œuvres d’art étaient exonérés. L’IGF taxait les patrimoines supérieurs à 3 millions de francs (soit 457 347 euros courants ou 951 810 euros constants 2011), selon le barème progressif suivant à quatre tranches : 0 % en-deçà de 3 millions de francs ; 0,5 % entre 3 et 5 millions de francs ; 1 % entre 5 et 10 millions de francs ; 1,5 % au-delà de 10 millions de francs.

La loi de finances rectificative du 11 juillet 1986 a supprimé l’IGF à partir du 1er janvier 1987. Mais la loi de finances pour 1989 a rétabli une imposition équivalente à l’IGF, sous la forme d’un impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Le seuil de patrimoine conduisant à un assujettissement à l’impôt a été fixé à 4 millions de francs (609 796 euros courants ou 904 000 euros constants 2011), avec le barème progressif suivant à cinq tranches : 0 % en-deçà de 4 millions de francs ; 0,5 % entre 4 et 6,5 millions de francs ; 0,7 % entre 6,5 et 12,9 millions de francs ; 0,9 % entre 12,9 et 20 millions de francs ; 1,1 % au-delà de 20 millions de francs. Un système de plafonnement (dit Rocard) a été mis en place corrélativement, permettant de limiter le montant de l’ISF à acquitter lorsque le montant cumulé de l’ISF et de l’impôt sur le revenu dépasse 70 % de l’ensemble des revenus.

La loi de finances pour 1990 a porté à 1,2 % le taux de la cinquième tranche du barème de l’ISF et instauré une sixième tranche à 1,5 % pour les patrimoines supérieurs à 40 millions de francs.

La loi de finances pour 1991 a porté à 85 % le montant du plafonnement des impositions dues par rapport au revenu (plafonnement dit Bérégovoy).

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a prévu une majoration de 10 % du montant des cotisations d’ISF dues.

La loi de finances pour 1996 a instauré un mécanisme de limitation du plafonnement (« plafonnement du plafonnement » dit Juppé), limitant pour les assujettis dont le patrimoine dépasse la limite supérieure de la troisième tranche du barème (soit alors 14,9 millions de francs) la réduction d’ISF résultant du plafonnement Bérégovoy à 50 % du montant de la cotisation d’ISF à acquitter ou au montant de l’impôt correspondant à un patrimoine taxable égal à la limite supérieure de la troisième tranche du barème si ce dernier montant est supérieur au précédent.

La loi de finances pour 1999 a intégré dans le barème la majoration de 10 % (d’où le nouveau barème suivant : 0 % ; 0,55 %, 0,75 %, 1 %, 1,3 %, 1,65 %) et créé une septième tranche marginale au taux de 1,8 % pour la fraction du patrimoine taxable excédant 100 millions de francs (15 millions d'euros). Elle a également prévu un abattement de 20 % sur la valeur vénale de la résidence principale.

La loi de finances pour 2005 a porté de 720 000 euros à 732 000 euros le seuil d'imposition à l'ISF et prévu que les limites des tranches du barème de l'ISF seraient désormais revalorisées automatiquement chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Le seuil d’imposition qui devait en résulter pour l’ISF 2011 était de 800 000 euros de patrimoine net.

La loi de finances pour 2006 a institué un droit à restitution des impositions en fonction du revenu (le bouclier fiscal), limitant à 60 % des revenus des contribuables le montant des impôts directs payés (impôt sur le revenu, ISF, impôts locaux). Le bouclier fiscal s’ajoute au dispositif de plafonnement de l’ISF et n’intervient qu’en complément de celui-ci.

La loi relative au travail, à l’emploi et au pouvoir d’achat, dite « TEPA », du 21 août 2007 a porté à 30 % l’abattement sur la valeur vénale de la résidence principale pour la détermination de l’assiette de l’ISF. Elle a aussi instauré une réduction d’impôt de 75 % pour l’investissement dans les PME (dont le taux a été réduit à 50 % en 2011), ainsi qu’une réduction d’impôt de 75 % des dons effectués au profit de certains organismes d'intérêt général (dans une limite annuelle de 50 000 euros, réduite à 45 000 euros en 2011). Elle a enfin augmenté la portée du bouclier fiscal, en fixant la limite d’imposition globale à 50 % des revenus et en y incluant les prélèvements sociaux.

Le renforcement du bouclier fiscal a accentué la prépondérance des assujettis à l’ISF dans le coût du dispositif et augmenté leur proportion en nombre de bénéficiaires (de 27 % en 2007 à 40 % en 2008, les personnes imposables à l’ISF concentrant 99 % du coût du bouclier). Ainsi, au titre des restitutions de 2009 afférentes aux revenus de 2007, le coût budgétaire du bouclier fiscal a été de 7,45 millions d'euros pour 10 090 contribuables non assujettis à l’ISF et de 671,55 millions d'euros pour 8 674 contribuables assujettis à l’ISF. Parmi les 13 034 foyers bénéficiaires du bouclier fiscal au titre de 2011, 1 362 disposent d’un patrimoine dont la valeur dépasse 16,54 millions d'euros et ont bénéficié de remboursements à hauteur de 472,7 millions d'euros, soit une restitution moyenne de 347 064 euros par foyer. Les détenteurs des plus gros patrimoines concentrent plus de 64 % des remboursements opérés au titre du bouclier fiscal.

Cette situation profondément choquante en termes de justice fiscale, particulièrement dans le contexte de la crise financière, a même été jugée excessive par la précédente majorité – qui avait pourtant instauré puis renforcé le bouclier fiscal –, et l’a ainsi amenée à le supprimer à partir de 2012. Mais elle a en contrepartie fait un nouveau cadeau aux plus riches, en procédant à un allègement significatif de l’ISF. En même temps donc qu’elle supprimait avec un effet différé le bouclier fiscal, la première loi de finances rectificative pour 2011 a établi un nouveau barème de taxation à l’ISF, dès le premier euro de patrimoine, à des taux de 0,25 % entre 1,3 et 3 millions d’euros de patrimoine et de 0,5 % pour les patrimoines supérieurs à 3 millions d’euros. Elle a aussi supprimé le mécanisme de plafonnement propre à l’ISF.

BARÈME DE L’ISF 2012

Valeur nette taxable du patrimoine
(en euros)

Taux
(en %)

Égale ou supérieure à 1 300 000 et inférieure à 3 000 000

0,25

Égale ou supérieure à 3 000 000

0,50

Dès 2011, avant l’application de ce nouveau barème, les contribuables dont le patrimoine net taxable était inférieur à 1,3 million d'euros n’étaient plus redevables de l’ISF. Pour ceux dont le patrimoine net taxable était supérieur à ce nouveau seuil d’imposition, le calcul de l’impôt s’effectuait toujours par application de l’ancien barème à six tranches d’imposition. Le coût de la réforme ayant pour incidence d’exonérer les 300 000 redevables dont le patrimoine est inférieur à 1,3 million d'euros était estimé à 400 millions d'euros. Ces redevables n’étant donc pas tenus de déposer une déclaration de patrimoine en 2011, l’administration n’a pas été en mesure de constater le coût budgétaire en exécution de cette exonération, ni de le comparer au chiffrage ex ante proposé en loi de finances rectificative pour 2011.

Le coût pour le budget de l’État de l’ensemble de la réforme de l’ISF a été estimé à 1,857 milliard d'euros à l’occasion de la première loi de finances rectificative pour 2011. En réalité, comme le Rapporteur général l’a démontré dans son rapport sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011, ce coût serait supérieur de l’ordre de 400 millions d'euros. En effet, le produit de l’ISF en 2011 s’établit en exécution à 4,3 milliards d’euros alors qu’il était prévu à 3,873 milliards d’euros. Cet écart serait imputable à une croissance spontanée de l’impôt supérieure à la prévision, liée notamment au dynamisme des marchés financiers et immobiliers. En d’autres termes, le rendement réel de l’ISF 2011 est plus important que celui qui avait été prévu par le précédent Gouvernement, ce qui aboutit à ce que le manque à gagner résultant de la réforme de son barème en 2012 soit d’autant plus élevé. Dans le contexte budgétaire actuel, une telle « impasse » de plus de 400 millions d'euros n’est pas acceptable.

Le Gouvernement souhaite que l’ISF payé en 2012 soit équivalent à celui payé en 2011, sans plafonnement. Cela signifie de ne conserver de la première loi de finances rectificative pour 2011 que la disposition portant le seuil d’exonération de 800 000 euros à 1,3 million d'euros. En revanche, le nouveau barème à deux taux moyens, qui est très peu progressif et aboutit à un allègement substantiel de l’imposition frappant les plus hauts patrimoines, ne doit pas être conservé. C’est pourquoi il est proposé le rétablissement d’un barème progressif de l’ISF à sept tranches, mais avec une application limitée aux patrimoines supérieurs à 1,3 million d'euros. Il en résulterait un surcroît d’imposition de l’ordre de 2,325 milliards d'euros. Le montant cumulé pour 2012 de l’ISF (2,436 milliards d'euros) et de la contribution exceptionnelle, soit 4,761 milliards d'euros, est à comparer avec l’ISF 2011 (4,3 milliards d’euros). L’écart positif de 461 millions d'euros correspond, d’une part, à l’évolution naturelle du patrimoine des assujettis et, d’autre part, à l’absence de mécanisme de plafonnement applicable en 2012.

Le maintien de l’exonération pour les contribuables de la première tranche d’imposition se justifie pleinement au regard de l’objectif de justice fiscale recherché par le Gouvernement. En effet, ces contribuables ne participaient que faiblement au rendement de l’ISF, avec moins de 10 % de ses recettes, alors qu’ils avaient toujours représenté numériquement une part importante des assujettis. L’évolution du marché immobilier depuis le début des années 2000 avait en effet eu pour conséquence de faire entrer dans cette tranche d’imposition un grand nombre de contribuables, certes très aisés mais dont il serait difficile d’affirmer qu’ils possèdent une fortune du seul fait qu’ils étaient propriétaires de leur résidence principale. Entre 2000 et 2010, le nombre des assujettis de la première tranche est ainsi passé de 113 209 à 310 707.

Le rétablissement d’un barème progressif pour les autres contribuables correspond lui aussi pleinement à l’objectif de justice fiscale. Avec l’ancien barème applicable jusqu’en 2011, 10 % des foyers assujettis à l’ISF acquittaient 75 % de son produit. Cette capacité redistributive significative d’un ISF fortement progressif s’infère du tableau n° 6 du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011 concernant les prélèvements obligatoires sur les ménages : alors que le produit de l’ISF ne représente que 6,5 % du produit combiné de l’impôt sur le revenu et de l’ISF, ce dernier contribue à hauteur de 6,7 % à la réduction des écarts de niveaux de vie opérée par ces deux prélèvements fiscaux. En revanche, avec le nouveau barème appliqué en 2012, le taux moyen d’imposition à l’ISF a été significativement réduit alors même que les très importantes exonérations d’assiette ou réduction d’impôt à l’ISF n’ont pas été remises en cause.

Le retour à l’ancien barème s’impose donc, au nom de l’équité.

II.– LA CRÉATION D’UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE
AU TITRE DE L’ANNÉE 2012

Pour obtenir le résultat escompté, le Gouvernement s’est heurté à une difficulté pratique. Compte tenu de son mode de perception, l’ISF dû au titre de l’année 2012 a été déclaré et payé le 15 juin dernier pour les redevables dont le patrimoine est égal ou supérieur à 3 millions d’euros. Il n’est donc pas possible de procéder à une nouvelle liquidation de l’ISF déjà acquitté avec un retour au barème applicable en 2011.

Deux options étaient alors envisageables pour tenter d’atteindre ce résultat. La première aurait consisté à instituer, comme en 1995, une majoration de la cotisation d’ISF déjà perçue. Mais la solution retenue en 1995 était possible parce que la majoration s’appliquait alors à un barème progressif ; dès lors que l’ISF déjà perçu au titre de 2012 l’a été sur la base d’un barème en taux moyen, il n’est pas possible de rétablir un barème progressif au moyen d’une majoration de l’impôt payé. C’est pourquoi la deuxième option, qui a été retenue, consiste à instituer une nouvelle contribution sur la fortune au titre de l’année 2012, calculée selon le barème de l’ISF 2011, et à en déduire les montants déjà payés au titre de l’ISF 2012, afin d’éviter en quelque sorte une double imposition du même patrimoine au titre de la même année. Le résultat finalement recouvré sera donc celui correspondant à un ISF au barème 2011, qui aura absorbé l’ISF au barème 2012.

L’assiette de cette contribution exceptionnelle est définie par le I du présent article, par renvoi aux dispositions applicables en matière d’ISF. Comme l’indique le premier alinéa de l’article 885 A du code général des impôts, ne sont imposables que les personnes physiques dont la valeur des biens est supérieure à la limite de la première tranche du barème de l’impôt, qui est elle-même déterminée par l’article 885 U du même code, soit 1,3 million d'euros. L’ensemble des règles concernant les biens imposables, les exonérations, l’évaluation de la valeur des biens et la déduction du passif sont identiques à celles applicables à l’ISF.

En ce qui concerne le champ d’application territorial de la contribution, les redevables de l’ISF qui étaient fiscalement domiciliés en France au 1er janvier 2012 mais qui ne le sont plus au 4 juillet, date du conseil des ministres ayant adopté le présent collectif, sont tout de même imposables, mais seulement au titre de leurs biens situés en France au 1er janvier. Il s’agit de la transposition de la disposition figurant au 2° de l’article 885 A, qui prévoit que les personnes physiques n'ayant pas leur domicile fiscal en France au 1er janvier de l’année d’imposition ne sont soumises à l’ISF qu’à raison de leurs biens situés en France. De ce fait, les redevables de l’ISF 2012 qui ont quitté la France avant le 4 juillet ne paieront la contribution exceptionnelle que sur les biens qu’ils détenaient en France le 1er janvier, tandis que ceux qui se délocaliseraient après le 4 juillet devraient s’acquitter de la contribution calculée sur leurs biens situés tant en France qu’à l’étranger.

Le calcul de la contribution exceptionnelle s’effectue à partir d’un barème progressif à sept tranches qui figure au II du présent article et qui est la reproduction à l’identique de celui qui figurait à l’article 885 U du code général des impôts en 2011, avant sa modification par la première loi de finances rectificative pour 2011. Compte tenu du gel du barème de l’impôt sur le revenu opéré par la dernière loi de finances rectificative pour 2011, les montants en cause n’ont pas à être revalorisés.

BARÈME DE L’ISF 2011

Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine (en euros)

Taux (en %)

N’excédant pas 800 000

0

Supérieure à 800 000 et inférieure ou égale à 1 310 000

0,55

Supérieure à 1 310 000 et inférieure ou égale à 2 570 000

0,75

Supérieure à 2 570 000 et inférieure ou égale à 4 040 000

1

Supérieure à 4 040 000 et inférieure ou égale à 7 710 000

1,3

Supérieure à 7 710 000 et inférieure ou égale à 16 790 000

1,65

Supérieure à 16 790 000

1,8

Une fois le montant brut de la contribution ainsi calculé, le III du présent article indique comment obtenir le montant de la contribution nette, après déduction de la cotisation d’ISF due au titre de l’année 2012.

Il est notamment prévu que la cotisation d’ISF à imputer sur le montant de la contribution exceptionnelle ne tient pas compte des réductions d’ISF au titre des personnes à charge (article 885 V), des souscriptions au capital de PME (article 885-0 V bis) et des dons à certains organismes d’intérêt général (article 885-0 V bis A). Le montant de la première de ces réductions d’impôt a été doublé (passant à 300 euros par personne à charge) par la première loi de finances rectificative pour 2011, et les deux autres ont été instituées par la loi TEPA. Ne pas imputer ces réductions sur la cotisation d’ISF à prendre en compte pour calculer la contribution exceptionnelle permet de préserver l’application de ces réductions d’impôt, qui s’appliqueront effectivement sur le montant de l’ISF dû au titre de 2012 et ne seront pas en quelque sorte absorbées par la nouvelle contribution exceptionnelle. En revanche, il ne peut être admis d’utiliser deux fois ces réductions d’impôt, à la fois pour l’ISF et pour la contribution exceptionnelle. De ce fait, en cas d’excédent des réductions d’impôt par rapport à l’ISF dû, celles-ci ne pourront pas servir à réduire pour le solde la contribution exceptionnelle. On rappellera qu’en tout état de cause le montant total des réductions d’impôt au titre de l’ISF PME et de l’ISF dons ne peut pas excéder 45 000 euros au titre d'une même année d'imposition.

Il est aussi prévu qu’au cas où l’ISF payé en 2012 dépasse le montant dû au titre de la contribution exceptionnelle, l’excédent n’est pas restituable. Ce cas pourrait se produire compte tenu de l’application du mécanisme de lissage du montant de l’impôt à acquitter pour les patrimoines compris entre 1,3 et 1,4 million d’euros, tel qu’il a été prévu par la première loi de finances rectificative pour 2011. Ce lissage aboutit en effet à ce qu’un petit nombre de contribuables, dont le patrimoine est compris entre 1 398 500 et 1 404 000 euros, payent un ISF selon le nouveau barème 2012 supérieur à l’ISF au barème 2011 (dans des proportions très réduites, par exemple avec un ISF 2012 à 3 500 euros contre un ISF 2011 à 3 480 euros à hauteur de 1,4 million d’euros de patrimoine). Il n’est pas prévu de dispositif de remboursement de l’ISF déjà payé en 2012, puisque la contribution exceptionnelle en est juridiquement indépendante.

Du fait de sa suppression par la première loi de finances rectificative pour 2011, aucun mécanisme de plafonnement ne s’appliquera en 2012, ni pour l’ISF, ni pour la contribution exceptionnelle, ni pour le cumul des deux. En revanche, il convient de rappeler que le paiement de l’ISF peut être réalisé par imputation sur la cotisation due de la créance détenue sur l’État par le contribuable au titre du droit à restitution des impositions directes en fonction du revenu (il s’agit de la procédure dite d’autoliquidation du bouclier fiscal, qui permet en 2012 de réduire le montant d’ISF à payer grâce au bouclier qui a encore pu être activé en 2011).

Enfin, le IV du présent article détermine les modalités de recouvrement de la contribution exceptionnelle. Il est de nouveau renvoyé aux règles générales applicables en matière d’ISF en ce qui concerne tant les obligations des redevables (déclaration annuelle ; paiement de l'impôt) que les mesures de contrôle, la procédure contentieuse en cas de contestation et les pénalités applicables.

La simplification des modalités de déclaration et d’acquittement de l’ISF apportée par la première loi de finances rectificative pour 2011, qui s’est appliquée pour l’ISF 2012, trouve également à s’appliquer pour la contribution exceptionnelle. Ainsi, pour les 240 000 foyers redevables de l’ISF dont le patrimoine imposable est inférieur à 3 millions d’euros, la déclaration d’ISF a été intégrée dans la déclaration annuelle des revenus, de sorte que l’ISF pour ces redevables est recouvrable par voie de rôle (un rôle distinct du rôle de l’impôt sur le revenu). Dès lors que les mêmes éléments qui ont déjà été déclarés suffisent pour calculer la contribution exceptionnelle, celle-ci fera donc l’objet d’un rôle, qui sera commun avec le rôle d’ISF. Aucun versement provisionnel ne sera dû par le redevable et la contribution exceptionnelle sera acquittée en une seule fois, en même temps que l’ISF 2012, à l’automne.

En revanche, pour les 60 000 foyers redevables de l’ISF dont le patrimoine est supérieur à 3 millions d’euros, une déclaration accompagnée du paiement de l'ISF a déjà dû être souscrite, au plus tard le 15 juin. Il est donc prévu une nouvelle échéance spécifique pour la contribution exceptionnelle, au 15 novembre 2012. Compte tenu de la date d’adoption du présent projet de loi par le conseil des ministres, il n’a en effet pas été possible de prévoir, comme l’an dernier pour l’application des nouvelles dispositions relatives à l’ISF contenues dans la première loi de finances rectificative pour 2011, que la déclaration et le paiement de l’impôt puissent être reportés du 15 juin au 30 septembre.

Le tableau suivant permet de mesurer les conséquences financières pour les contribuables résultant de la contribution exceptionnelle selon le niveau de patrimoine détenu. Il indique le montant moyen à payer au titre de la contribution exceptionnelle et le compare, en ajoutant le montant moyen payé au titre de l’ISF 2012, à ce qu’aurait été une imposition sur le patrimoine sous le régime de l’ISF 2011 (y compris donc avec le mécanisme de plafonnement).

MONTANTS MOYENS PAYÉS EN 2012 AU TITRE DE L’IMPOSITION DU PATRIMOINE

Déciles de patrimoine 2011
(en millions d’euros)

Nombre de redevables concernés

Montant moyen de la contribution exceptionnelle (en euros)

Montant moyen de
l'ISF 2012

(en euros)

Montant moyen de
(ISF 2012 + contribution exceptionnelle)
(en euros)

Montant moyen de l'ISF 2012 calculé avec le barème 2011
(en euros)

Écart entre les impositions 2012 et 2011 (en %)

patrimoine compris
entre 0 € et 1,4 M€

29 158

370

2 603

2 973

2 816

5,3

patrimoine compris
entre 1,4 M€ et 1,5 M€

29 158

213

3 344

3 556

3 361

5,5

patrimoine compris
entre 1,5 M€ et 1,6 M€

29 159

706

3 519

4 225

3 988

5,6

patrimoine compris
entre 1,6 M€ et 1,7 M€

29 160

1 289

3 711

5 000

4 695

6,1

patrimoine compris
entre 1,7 M€ et 1,9 M€

29 159

2 006

3 975

5 981

5 590

6,5

patrimoine compris
entre 1,9 M€ et 2,1 M€

29 162

2 932

4 283

7 215

6 680

7,4

patrimoine compris
entre 2,1 M€ et 2,4 M€

29 163

4 211

4 729

8 939

8 209

8,2

patrimoine compris
entre 2,4 M€ et 2,9 M€

29 166

6 412

5 380

11 791

10 646

9,7

patrimoine compris
entre 2,9 M€ et 4,0 M€

29 167

5 335

12 672

18 007

16 488

8,4

patrimoine
supérieur à 4,0 M€

29 179

56 236

39 295

95 531

74 512

22,0

Total

291 630

7 974

8 353

16 327

13 702

16,1

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques CF 28 de M. Hervé Mariton, CF 233 de M. Charles de Courson, CF 248 de M. Philippe Vigier, et CF 274 de M. Jean-Christophe Lagarde, qui tendent à supprimer l’article.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet article présente des risques de nature constitutionnelle, car il met en place une imposition confiscatoire. La contribution exceptionnelle réclamée aux personnes redevables de l’ISF ne fait l’objet d’aucun plafonnement.

M. Charles de Courson. Pour dissimuler le fait qu’il majore un ISF déjà acquitté pour 2012, le Gouvernement fait croire qu’il crée un nouvel impôt. Il s’agit en fait d’un ISF travesti, ce qui pose un problème juridique. Nous saisirons le Conseil constitutionnel à ce sujet.

Le non-plafonnement pose également problème. Ajouter à l’ISF une contribution prétendue exceptionnelle, qui s’ajoute elle-même à l’IR, revient à instaurer une fiscalité confiscatoire.

Enfin, le texte crée un nouvel impôt pour les patrimoines compris entre 800 000 et 1,3 million d’euros, qui ne devaient pas être assujettis à l’ISF.

M. le rapporteur général. Le Conseil constitutionnel n’a jamais été amené à ce jour à considérer qu’un ISF non plafonné devenait confiscatoire. À l’inverse, il a jugé qu’il était conforme à la Constitution de plafonner le plafonnement.

L’article instaure une contribution exceptionnelle pour un an, en attendant que la loi de finances initiale propose un dispositif pérenne.

Rien ne vous empêche naturellement de saisir le Conseil constitutionnel. En tout cas, le Conseil d’État a émis un avis favorable à cette disposition, qui figurait parmi les engagements du candidat François Hollande.

M. le président Gilles Carrez. Est-ce parce qu’elle risquait d’être jugée inconstitutionnelle que la suppression du remboursement des reliquats versés au titre du bouclier fiscal, envisagée par le Gouvernement, ne figure pas dans le collectif ?

M. le rapporteur général. Le Gouvernement préfère imputer ce remboursement sur l’ISF 2012.

M. Hervé Mariton. Le Conseil d’État, qui a émis un avis favorable à la contribution exceptionnelle, s’est-il prononcé sur ce point ?

M. le rapporteur général. Je l’ignore.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement n’en fait pas mystère : la contribution que l’article 3 présente comme exceptionnelle sera pérennisée par la suite. Il nous propose donc un montage amorçant pour 2012 un dispositif qui sera bientôt permanent.

M. le président Gilles Carrez. Selon le Conseil d’État, si la contribution exceptionnelle ne s’applique que cette année, le plafonnement n’est pas nécessaire. Le plafonnement figurera en revanche dans la loi de finances pour 2013, qui mettra en place un régime de croisière.

M. le rapporteur général. En effet.

M. Claude Goasguen. Comment seront imposés les patrimoines compris entre 800 000 et 1,3 million d’euros ?

M. le rapporteur général. Ne seront assujettis à l’ISF que les patrimoines supérieurs à 1,3 million, pour la part qui excède 800 000 euros.

M. Charles de Courson. Les contribuables pourront-ils se libérer de cette contribution exceptionnelle dans les mêmes conditions que l’ISF, par exemple en effectuant des dons à des fondations ou en achetant des actions de PME ?

M. le rapporteur général. Non.

M. Pascal Terrasse. Je m’étonne de l’ardeur avec laquelle nos collègues défendent la suppression d’un article qui ne vise qu’à redresser les comptes du pays.

M. Hervé Mariton. Nos objections sont de nature constitutionnelle.

M. Pascal Terrasse. En l’occurrence, il s’agit d’une contribution exceptionnelle, dont la progressivité se fonde sur le barème établi par la majorité précédente pour l’année 2011. Toutefois, puisque l’ISF sera alourdi pour 2012, il serait logique de pouvoir bénéficier de réductions d’impôt déjà prévues par le code général des impôts.

La Commission rejette les amendements CF 28, CF 233, CF 248 et CF 274.

Elle étudie l’amendement CF 313 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je propose de substituer au mot « barême », le mot « tarif », qui figure depuis 1982 dans le code général des impôts.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 152).

Elle en vient à l’amendement CF 234 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je le retire, puisque les patrimoines inférieurs à 1,3 million ne seront pas imposés.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CF 235 de M. Charles de Courson, CF 276 de M. Jean-Christophe Lagarde et CF 298 de M. Yves Jégo.

M. Charles de Courson. Ma proposition vise à protéger le Gouvernement, qui joue à la roulette russe en présentant comme exceptionnelle une contribution qui ne l’est pas et en ne la plafonnant pas.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président Gilles Carrez. Mon expérience m’incite à donner raison à M. de Courson. La contribution exceptionnelle est juridiquement fragile, dès lors qu’elle peut être mise en perspective avec un régime de croisière qui, lui, admettra un plafonnement.

La Commission rejette les amendements, et adopte l’article 3 ainsi modifié.

*

* *

Article 4

Aménagements des droits de mutation à titre gratuit

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. À la première phrase du troisième alinéa de l’article 776 A et à l’article 776 ter, le nombre : « six » est remplacé par le nombre : « quinze ».

B. Le dernier alinéa de l’article 777 est supprimé.

C. L’article 779 est ainsi modifié :

1° Au I, le montant : « 159 325 € » est remplacé par le montant : « 100 000 € » ;

2° Le VI est abrogé.

D. Au deuxième alinéa de l’article 784, le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « quinze ».

E. Le V de l’article 788 est abrogé.

F. Le dernier alinéa des articles 790 B, 790 D, 790 E et 790 F est supprimé.

G. L’article 790 G est ainsi modifié :

1° Au I, le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « quinze » ;

2  Le V est abrogé.

H. L’article 793 bis est ainsi modifié :

1° La seconde phrase du deuxième alinéa est supprimée ;

2° Au troisième alinéa, le nombre : « six » est remplacé par le nombre : « quinze ».

II.– Le III de l’article 7 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.

III.– 1° Les A, 1° du C, D, 1° du G, 2° du H du I et le II s’appliquent, selon le cas, aux successions ouvertes et aux donations consenties à compter de la date de publication de la présente loi ;

2° Les B, 2° du C, E, F, 2° du G et 1° du H du I s’appliquent à compter du 1er janvier 2013.

Observations et décision de la Commission :

Cet article apporte trois modifications au régime des droits de mutation à titre gratuit : il diminue à 100 000 euros le montant de l’abattement personnel en ligne directe, il augmente à quinze ans le délai du rapport fiscal et il supprime l’indexation des abattements et du barème. Le rendement de l’ensemble de ces mesures est estimé à 140 millions d'euros en 2012, 1,2 milliard d'euros en 2013 et 1,4 milliard d'euros en régime de croisière à partir de 2014.

I.– LA RÉDUCTION À 100 000 EUROS DU MONTANT DE L’ABATTEMENT PERSONNEL EN LIGNE DIRECTE

Le I de l’article 779 du code général des impôts prévoit, pour la perception des droits de mutation à titre gratuit en cas de succession ou de donation, l'application d'un abattement sur la part de chacun des ascendants ou de chacun des enfants vivants ou représentés par suite de prédécès ou de renonciation. Le montant de cet abattement a été porté à 150 000 euros par l'article 9 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA). Il est depuis actualisé chaque année au 1er janvier dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Compte tenu du gel de ce barème opéré par la dernière loi de finances rectificative pour 2011, l'abattement applicable depuis 2011 sur la part de chacun des ascendants ou enfants est fixé à 159 325 euros.

La loi TEPA a également prévu, pour les successions ouvertes depuis le 22 août 2007, que la part nette revenant au conjoint survivant ou au partenaire lié au défunt par un PACS est exonérée de droits de succession. Pour les successions ouvertes avant cette date, la part du conjoint survivant était diminuée d'un abattement personnel (qui continue à s'appliquer en cas de donation entre époux) puis d'un abattement global de 50 000 euros qu'il partageait avec les héritiers en ligne directe. Un abattement était également appliqué sur la part recueillie par le partenaire lié au défunt par un PACS.

Le 1° du C du I du présent article propose de ramener à 100 000 euros le montant de l’abattement applicable en ligne directe pour les successions et les donations, mais sans remettre en cause l’exonération dont bénéficient les conjoints survivants ou partenaires liés par un PACS en cas de succession. Il s’agit de la traduction d’un des soixante engagements du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « l’abattement sur les successions sera ramené à 100 000 euros par enfant et l’exonération en faveur des conjoints survivants sera conservée ». Cette mesure sera applicable dès la publication de la présente loi.

La réduction du montant de l’abattement personnel en ligne directe aboutit toutefois à une situation qui demeure au moins aussi favorable, tant pour les successions que pour les donations, que la situation prévalant avant la loi TEPA.

En effet, pour les donations, il existait seulement un abattement personnel de 50 000 euros, qui se combinait avec des réductions de droit de donations liées à l’âge du donateur, mais ces dernières ont elles-mêmes été depuis supprimées par la première loi de finances rectificative pour 2011 (sauf pour certaines transmissions d’entreprises dans le cadre d’un engagement collectif de conservation).

Pour les successions, il existait en plus de l’abattement personnel de 50 000 euros un abattement global de 50 000 euros sur l’actif nef successoral qui s’imputait sur la part de chaque héritier au prorata de ses droits légaux dans la succession. Dans ces conditions, la situation fiscale est désormais la même qu’en 2007 en cas d’héritage par un enfant unique sans conjoint survivant, et elle est toujours plus avantageuse dans tous les autres cas d’héritage. Par ailleurs, et en tout état de cause, la situation des contribuables héritant ou recevant à titre individuel un patrimoine égal ou inférieur à 100 000 euros n’est pas modifiée : seuls les plus fortunés contribueront donc à l’effort de justice fiscale nécessaire pour le redressement de nos comptes publics. On rappellera à ce titre que seule la moitié des ménages dispose d’un patrimoine supérieur à 113 000 euros.

Le rendement de cette réduction de l’abattement personnel en ligne directe est estimé par le Gouvernement, selon l’évaluation préalable accompagnant le présent article, à 140 millions d'euros en 2012 (dont 10 millions d'euros au titre des droits de succession et 130 millions d'euros au titre des droits de donation), 1,14 milliard d'euros en 2013 (dont 700 millions d'euros au titre des droits de succession et 440 millions d'euros au titre des droits de donation) et 1,325 milliard d'euros en régime de croisière à partir de 2014 (dont 895 millions d'euros au titre des droits de succession et 430 millions d'euros au titre des droits de donation). On rappellera que le chiffrage associé à la loi TEPA concernant le passage à 150 000 euros de l’abattement par enfant évoquait une perte de recettes pour l’État de 950 millions d'euros par an au titre des seuls droits de succession.

Le tableau suivant indique le nombre d’actes ayant donné lieu à perception de droits de mutation à titre gratuit depuis 2009 lorsque l’abattement personnel en ligne directe était applicable.

DONATIONS ET SUCCESSIONS AYANT BÉNÉFICIÉ
DE L’ABATTEMENT PERSONNEL EN LIGNE DIRECTE

(montants en euros)

 

2009

2010

2011

Nombre

Assiette moyenne

Droits moyens

Nombre

Assiette moyenne

Droits moyens

Nombre

Assiette moyenne

Droits moyens

Donations

423 897

61 824

838

453 551

62 317

1 389

551 753

73 483

2 294

Successions

720 480

68 457

3 153

720 688

72 444

3 319

720 688

75 294

3 394

Il convient de souligner que tous les autres abattements applicables pour le calcul des droits de mutation à titre gratuit demeurent inchangés. Le Gouvernement a en effet choisi de ne modifier que l’abattement le plus utilisé, et donc celui susceptible de générer l’effet budgétaire de loin le plus important : on rappellera que 96 % des donations concernent des transmissions en ligne directe.

Le tableau suivant récapitule l’ensemble des abattements applicables après l’entrée en vigueur du présent collectif.

ABATTEMENTS APPLICABLES POUR LE CALCUL
DES DROITS DE DONATION ET DE SUCCESSION

(en euros)

Handicapé

159 325

Enfant/Ascendant en ligne directe

100 000

Conjoint/Pacsé (donations uniquement)

80 724

Petits-enfants (donations uniquement)

31 865

Frères/Sœurs

15 932

Neveux/Nièces

7 967

Arrière petits-enfants (donations uniquement)

5 310

Tiers (successions uniquement)

1 594

II.– L’AUGMENTATION À QUINZE ANS DU DÉLAI DU RAPPORT FISCAL

Aux termes de l'article 784 du code général des impôts, les parties sont tenues de faire connaître, dans tout acte constatant une transmission entre vifs à titre gratuit et dans toute déclaration de succession, s'il existe ou non des donations antérieures consenties à un titre et sous une forme quelconque par le donateur ou le défunt aux donataires, héritiers ou légataires. À l’occasion de cet acte, la perception des droits de mutation à titre gratuit est effectuée en ajoutant à la valeur des biens compris dans la donation ou la déclaration de succession celle des biens qui ont fait l'objet de donations antérieures, pour le calcul des abattements et réduction d’impôt applicables, et, lorsqu'il y a lieu à application d'un tarif progressif, en considérant ceux de ces biens dont la transmission n'a pas encore été assujettie aux droits de mutation à titre gratuit comme inclus dans les tranches les plus élevées de l'actif imposable. Chaque donation antérieure est ainsi en quelque sorte assimilée à une ouverture partielle et anticipée de la succession du donateur.

Toutefois, la portée de cette règle du rapport fiscal a été réduite par la loi de finances pour 1992 qui a décidé de ne plus tenir compte, pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit, des donations passées depuis plus de dix ans. L’objectif poursuivi par le législateur était alors de favoriser la transmission anticipée des patrimoines du vivant de leur détenteur en exceptant du rappel des donations antérieures celles qui ont été effectuées depuis plus de dix ans, dès lors qu'il s'agit de donations ayant elles-mêmes donné lieu au paiement des droits de mutation à titre gratuit. Ainsi, selon que le délai entre une donation et un décès ou entre deux donations successives est supérieur ou inférieur à dix ans, les abattements sont ou ne sont pas reconstitués et les taux inférieurs sont ou ne sont pas à nouveau applicables.

La loi de finances pour 2006 avait réduit de dix à six ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rapport fiscal. Mais ce délai a de nouveau été porté à dix ans par l'article 7 de la première loi de finances rectificative pour 2011, pour les successions ouvertes et les donations consenties à compter du 31 juillet 2011. À titre d’exemple, un donataire ayant bénéficié d'une donation le 1er juillet 2002 et pour laquelle son abattement personnel a été utilisé peut recevoir du même donateur une nouvelle donation ou des droits successoraux à partir du 2 juillet 2012 en bénéficiant à nouveau de son abattement personnel, des tranches les plus basses du barème d'imposition et de la réduction de droits pour enfants à charge prévue par l'article 780 du code général des impôts.

Le présent article propose de porter de dix à quinze ans la durée du rapport fiscal. Cette augmentation du délai permettant de transmettre du patrimoine en franchise de droits de mutation à titre gratuit permet de faire contribuer les plus fortunés à l’effort de redressement de nos finances publiques, puisqu’elle ne concerne par définition que les contribuables disposant d’un patrimoine supérieur à 100 000 euros (selon la nouvelle valeur de l’abattement personnel en ligne directe prévue par le présent article). Le D du I du présent article modifie en ce sens l’article 784 du code général des impôts.

Trois coordinations sont prévues en conséquence.

Les deux premières concernent des délais de rapport fiscal concernant des mutations particulières, qui n’avaient pas été modifiés par la première loi de finances rectificative pour 2011 et qui sont donc restés fixés à six ans. Cette situation était totalement incohérente. Il y est remédié par les A et 2° du H du I du présent article. Il s’agit :

– d’une part, des règles particulières applicables aux donations-partages transgénérationnelles. L’article 776 A du code général des impôts dans sa nouvelle rédaction prévoit que, lors de la réattribution à un petit-enfant, à l’occasion d’une donation-partage, d’un bien initialement transmis à un enfant lors d’une donation antérieure, les droits de mutation à titre gratuit sont dus dès lors que la première donation est intervenue moins de quinze ans avant la donation-partage ; au-delà de quinze ans, cette opération n’est soumise qu’au droit de partage. De même, l’article 776 ter du même code prévoit quant à lui que les donations-partages au profit des petits-enfants ne sont pas rapportées fiscalement dans la succession de leurs parents si elles ont eu lieu depuis moins de quinze ans ;

– d’autre part, du calcul des exonérations partielles (à hauteur de 75 % puis 50 % de la valeur des biens) en cas de transmission de parts de groupements fonciers agricoles (GFA) ou de groupements agricoles fonciers et de biens ruraux loués par bail cessible ou à long terme. L’article 793 bis du code général des impôts prévoit ainsi que, pour l'appréciation de la limite de 101 897 euros au titre de la valeur totale des biens susceptibles de bénéficier de ces exonérations, il n’est pas tenu compte des donations passées devant notaire depuis plus de quinze ans, et non plus de six ans.

La troisième coordination, réalisée par le 1° du G du I du présent article, concerne l’exonération de droits de mutation à titre gratuit applicable aux dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un descendant en ligne directe ou, à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’un petit-neveu. Cette exonération, instituée par la loi TEPA et codifiée sous l’article 790 G du code général des impôts, concerne les dons d’un montant maximum de 31 865 euros effectués par un donateur âgé de moins de quatre-vingts ans à un donataire qui doit être âgé de dix-huit ans révolus au jour de la transmission. Ces dons familiaux de sommes d’argent ne sont pas pris en compte au titre du rapport fiscal, quelle que soit la date du don. Alors que, dans sa version initiale, ce dispositif d'exonération n'était susceptible de s'appliquer qu'une seule fois pour un même donataire, la première loi de finances rectificative pour 2011 a prévu que le plafond d'exonération est désormais renouvelable tous les dix ans. Ce délai pour pouvoir à nouveau bénéficier de l’exonération est porté à quinze ans.

Il n’est pas nécessaire de prévoir de coordination expresse pour les dispositions relatives à la prescription de l’administration en matière de mutations à titre gratuit pour rectifier la valeur des biens ayant fait l’objet d’une donation antérieure. En effet, la première loi de finances rectificative pour 2011 a déjà créé un article L. 181 B du livre des procédures fiscales qui autorise l’administration à procéder au contrôle de la valeur de biens antérieurement transmis, dans une perspective de rappel fiscal uniquement. La valeur des biens ayant fait l’objet de donations antérieures, ajoutée à la valeur des biens compris dans une nouvelle donation ou une déclaration de succession, peut ainsi être rectifiée pour le calcul des droits à acquitter au titre de la nouvelle donation ou de la succession. Le délai de reprise de l’administration est demeuré inchangé (il est fixé à six ans par l’article L. 180 du livre des procédures fiscales), mais l’administration dispose désormais de la possibilité de modifier l’évaluation des biens transmis avant le terme du délai du rapport fiscal. L’augmentation du délai du rapport fiscal s’applique automatiquement pour cette procédure de rectification.

L’ensemble des nouvelles dispositions relatives au rappel fiscal sera applicable aux successions ouvertes ainsi qu’aux donations enregistrées ou effectuées à compter de la publication de la présente loi. Mais elles seront aussi de facto applicables aux donations antérieures à cette publication. En effet, les personnes ayant effectué, à la date d’entrée en vigueur de la loi, des donations entre la dixième et la quinzième année précédant cette date, seront susceptibles de se voir appliquer le rappel fiscal si leur décès intervient avant l’échéance du nouveau délai de quinze ans ou si elles procèdent à de nouvelles donations au profit des mêmes donataires avant l’échéance de ce même délai.

Cette modification du délai du rapport fiscal devrait avoir pour conséquence un surcroît de recettes pour plusieurs raisons. D’une part, les héritiers d’une personne décédant entre dix et quinze ans après avoir procédé à une donation verront les droits de mutation à acquitter lors de la succession augmenter. D’autre part, le fait de ne pouvoir reconstituer les abattements sur les donations que par période de quinze ans et non de dix ans diminuera la capacité à transmettre son patrimoine au cours de la vie en franchise de droits de mutation et garantira ainsi, au décès, que le patrimoine assujetti sera plus conséquent et les droits acquittés plus élevés. Enfin, en cas de donations successives dans un délai supérieur à dix ans mais inférieur à quinze ans, il faudra, au-delà de l’abattement applicable, acquitter des droits plus élevés sur ces donations.

Compte tenu de ces effets mécaniques sur les recettes fiscales, il est étonnant que l’évaluation préalable ne chiffre aucun rendement budgétaire pour cette mesure. Il y est seulement indiqué que cette absence d’estimation résulte de l’insuffisance de données disponibles : jusqu’à présent, faute d’utilité, les donations de plus de dix ans n’étaient pas suivies statistiquement.

Cette grande prudence de l’administration peut certes aussi s’expliquer par l’expérience du chiffrage du passage de six à dix ans du délai du rapport fiscal opéré l’an dernier. En effet, alors que la première loi de finances rectificative pour 2011 prévoyait un gain pour l’État, résultant de l’augmentation de quatre ans de ce délai, de l’ordre de 18 millions d'euros pour l’année 2011 au titre des droits de donation, les recettes fiscales supplémentaires constatées sur la base des donations enregistrées en 2011 ne se sont élevées in fine qu’à 6 millions d'euros. Ce gain trois fois plus faible qu’attendu résulte de l’adaptation du comportement des contribuables, qui ont anticipé ou différé un certain nombre de donations. Il s’avère qu’un nombre important de contribuables a réalisé des donations avant l’entrée en vigueur de la première loi de finances rectificative pour 2011 (qui avait également augmenté de cinq points les taux des deux dernières tranches du barème des droits de mutation à titre gratuit applicables lors d’une transmission en ligne directe ou à un conjoint ou partenaire lié par un PACS), le rythme des opérations ayant très fortement ralenti après le 1er août 2011. L’engorgement des offices notariaux en ce début de l’été 2012 traduit le même type de comportement. Mais l’expérience de l’année dernière prouve qu’il y aura en tout état de cause, en 2012 également, un effet positif pour les finances publiques, du fait même de l’augmentation des opérations réalisées avant l’entrée en vigueur de la loi, lesquelles ne se feront pas toutes en exonération totale de droits (seulement 92 % des donations en ligne directe ne donnent pas lieu à paiement de droits).

Surtout, une autre incidence non chiffrée, pourtant beaucoup plus importante et certaine, concerne les droits de succession. Ainsi, la première loi de finances rectificative pour 2011 avait chiffré à 410 millions d'euros en année pleine le surcroît de recettes résultant des donations antérieures de moins de dix ans et de plus de six ans rapportées à la succession. Compte tenu du montant moyen de l’actif transmis en cas de succession, la réintégration des donations antérieures de moins de quinze ans et de plus de dix ans devrait conduire à une taxation supplémentaire au taux marginal de 20 %, l’effet mécanique des tables de mortalité empêchant d’échapper à la nouvelle taxation par une modification du comportement. Quand bien même ce taux marginal de taxation des donations de dix à quinze ans rapportées est assez hypothétique, dans la mesure où il repose sur un montant moyen transmis qui ne tient compte ni du degré de parenté entre donateur et donataire ni du nombre d’héritiers du donateur, il est pour le moins étonnant de la part du Gouvernement de ne proposer aucune estimation des recettes fiscales supplémentaires attendues. L’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2013 devra remédier à cette carence.

Enfin, le II du présent article supprime le dispositif transitoire de lissage qui avait été prévu par l’article 7 de la première loi de finances rectificative pour 2011, en même temps qu’il avait porté de six à dix ans le délai au-delà duquel les donations antérieures sont dispensées de rappel fiscal. Ce dispositif de lissage prend la forme d’un abattement progressif en fonction de l’ancienneté de la donation entre la sixième et la dixième année pour les donations passées dans les dix années précédant le 31 juillet 2011. Il consiste, en cas de rappel fiscal, à appliquer à la valeur des biens ayant fait l’objet d’une donation antérieure un abattement de :

– 10 % si la donation est passée depuis plus de six et moins de sept ans ;

– 20 % si la donation est passée depuis sept ans et moins de huit ans ;

– 30 % si la donation est passée depuis huit ans et moins de neuf ans ;

– 40 % si la donation est passée depuis neuf ans.

L’instruction 7 G-2-12 (BOI n° 33 du 20 mars 2012) a précisé que ce dispositif de lissage ne s’applique qu’aux donations effectuées entre le 31 juillet 2001 et le 31 juillet 2005, et non à ce qui était l’intention du législateur, qui visait toute donation passée avant le 31 juillet 2011. L’instruction indique également que le dispositif de lissage ne s’applique que dans la mesure où il a un effet sur le barème de taxation, et non pour l’application des abattements. Pour toute donation antérieure inférieure à l’abattement alors applicable, le dispositif de lissage a été ainsi privé de portée. Cette interprétation restrictive, contraire à l’intention de la commission des Finances qui en était à l’initiative contre l’avis du Gouvernement, s’appuie sur une insuffisante précision du texte de la loi : la première loi de finances rectificative pour 2011 indique en effet que le dispositif de lissage ne vaut que pour l'application du deuxième alinéa de l'article 784 du code général des impôts, lequel détermine le mode d’application du barème de taxation en cas de rappel de donations, alors que le mode de calcul des abattements en cas de rappel de donations est déterminé par le dernier alinéa du même article.

Il est procédé de supprimer l’application de ce dispositif complexe dès l’entrée en vigueur de la présente loi. Dès lors qu’il ne concerne pas les abattements, il a en effet peu d’intérêt pratique pour la plupart des contribuables (mis à part les très fortunés). On peut toutefois s’étonner du rendement attendu de cette suppression (80 millions d'euros en 2013 et 100 millions d'euros en 2014), compte tenu de la portée réelle du dispositif de lissage.

III.– LA NON-REVALORISATION DES ABATTEMENTS ET DU BARÈME

L'article 9 de la loi TEPA a instauré le principe d'une actualisation annuelle automatique en fonction de l'inflation des tranches des barèmes des droits de mutation à titre gratuit prévus à l'article 777 du code général des impôts et des abattements mentionnés à l'article 779 du même code (enfants ou ascendants, handicapés, frères ou sœurs, neveux et nièces).

L'article 20 de la loi de finances pour 2008 a étendu ce principe aux abattements prévus par les articles 788, 790 B, 790 D, 790 E et 790 F du code général des impôts, concernant respectivement les tiers, les petits-enfants, les arrière-petits-enfants, le conjoint et le partenaire lié au donateur par un PACS. Il a également prévu que cette actualisation annuelle s'applique à la limite d'exonération des dons familiaux de sommes d'argent prévue par l'article 790 G du même code. Enfin, l’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2008 a étendu cette règle au seuil d'exonération partielle des transmissions à titre gratuit de biens ruraux et parts de GFA prévu par l'article 793 bis du code général des impôts.

Dans tous ces cas, les montants sont actualisés, le 1er janvier de chaque année, dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche de barème de l'impôt sur le revenu et arrondis à l'euro le plus proche. Toutefois, compte tenu du gel du barème de l'impôt sur le revenu prévu par la dernière loi de finances rectificative pour 2011 pour les revenus de 2011 et des années suivantes, les montants applicables à compter du 1er janvier 2012 sont identiques à ceux applicables depuis le 1er janvier 2011 (tels que modifiés pour certains par l'article 6 de la première loi de finances rectificative pour 2011).

Il est proposé de supprimer le principe de l’actualisation annuelle des barèmes, abattements et seuils d’exonération. Les montants aujourd’hui en vigueur sont donc figés à leur valeur actuelle (ou telle que résultant de la présente loi pour l’abattement personnel en ligne directe), jusqu’à une prochaine modification expresse par le législateur. Tel est l’objet des B, 2° du C, E, F, 2° du G et 1° du H du I du présent article.

Cette mesure, qui entre formellement en vigueur au 1er janvier prochain mais en fait s’applique dès à présent compte tenu du gel du barème de l’impôt sur le revenu, n’a pas d’impact budgétaire chiffrable compte tenu précisément du fait que ce gel est déjà applicable depuis la dernière loi de finances rectificative pour 2011. Ce gel temporaire devient donc permanent. On rappellera qu’il était prévu, lors du vote de la dernière loi de finances rectificative pour 2011, que le gel de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu devait engendrer un gain pour le budget de l’État de l’ordre de 42 millions d'euros en 2012 et 84 millions d'euros en 2013 au titre des barèmes et abattements applicables en matière de droits de mutation à titre gratuit.

Pour mémoire, sont rappelés les barèmes applicables aux droits de mutation à titre gratuit figurant à l’article 777 du code général des impôts.

BARÈME APPLICABLE EN LIGNE DIRECTE

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable

N’excédant pas 8 072 euros

5 %

Entre 8 072 et 12 109 euros

10 %

Entre 12 109 et 15 932 euros

15 %

Entre 15 932 et 552 324 euros

20 %

Entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Entre 902 838 et 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

BARÈME APPLICABLE ENTRE ÉPOUX ET PACSÉS

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable

N’excédant pas 8 072 euros

5 %

Entre 8 072 et 15 932 euros

10 %

Entre 15 932 et 31 865 euros

15 %

Entre 31 865 et 552 324 euros

20 %

Entre 552 324 et 902 838 euros

30 %

Entre 902 838 et 1 805 677 euros

40 %

Au-delà de 1 805 677 euros

45 %

BARÈME APPLICABLE EN LIGNE COLLATÉRALE ET ENTRE NON-PARENTS

Fraction de part nette taxable

Tarif applicable

Entre frères et sœurs vivants ou représentés :

 

N'excédant pas 24 430 euros

35 %

Supérieure à 24 430 euros

45 %

Entre parents jusqu'au 4e degré inclusivement

55 %

Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes

60 %

*

* *

La Commission est saisie des amendements identiques CF 6, CF 148 à 151, CF 153 à 157, et CF 159 à 171 qui tendent à supprimer l’article.

M. Claude Goasguen. Quel régime s’appliquera pendant le second semestre de 2012, sachant que l’exonération a prévalu pendant les six premiers mois de l’année ? En d’autres termes, dans quelle mesure l’article 4 peut-il être considéré comme rétroactif ? Sans entrer dans le débat de fond, que je réserve pour la séance, je souligne que cette question de forme aura des conséquences considérables sur la pratique financière, notamment pour les notaires et l’administration fiscale.

M. le rapporteur général. La mesure n’est pas rétroactive. Les quinze ans seront appréciés à partir de la date d’enregistrement de tout acte passé après l’entrée en vigueur du collectif, mi-août.

M. Hervé Mariton. En la matière, le Gouvernement a même fait preuve d’une relative élégance, puisque la mesure s’appliquera à compter non de la date du Conseil des ministres, mais de celle de la publication de la loi. Elle avait été annoncée pendant la campagne électorale, à la différence de l’allongement des délais pour les dons manuels.

M. le président Gilles Carrez. Lorsque nous avons voté la loi TEPA, je n’ai pas caché que le triplement de la franchise, de 50 000 à 150 000 euros, pour les donations de parents à enfants, me paraissait excessif. Aujourd’hui, en revanche, quand les jeunes ont beaucoup de mal à entrer dans la vie active, il est dommage d’allonger le délai de dix à quinze ans pour des dons des grands-parents, dont le montant, à 31 865 euros, reste raisonnable. Mieux vaudrait favoriser les transferts intergénérationnels. On rédigera un amendement en ce sens, en vue de la réunion au titre de l’article 88.

Mme Sandrine Mazetier. Qui est ce « on » ? S’agit-il des membres du groupe UMP ?

M. le président Gilles Carrez. Le président de la Commission a heureusement le droit de rédiger des amendements.

Mme Sandrine Mazetier. Si les membres du groupe UMP veulent défendre l’héritage, ils peuvent se réunir avant de venir siéger à la commission des Finances.

M. le président Gilles Carrez. Au cours des dix dernières années, j’ai souvent proposé à l’opposition de déposer des amendements pour examen par la Commission au titre de l’article 88, ce qui lui a permis de défendre des idées qui avaient surgi en cours de discussion. La commission des Finances est un lieu de réflexion collective.

M. Charles de Courson. Est-il cohérent de réduire le montant de l’exonération de droits pour les donations en ligne directe sans toucher à celle des donations entre conjoints, ou de grands-parents à petits-enfants ou d’oncles à neveux ?

M. le président Gilles Carrez. Il y a cinq ans, le coût de l’exonération des droits sur les successions et les donations avait été évalué à 2 milliards, dont 800 millions d’euros, soit presque la moitié, correspondaient à l’exonération du conjoint survivant. J’observe avec satisfaction que celle-ci n’est pas remise en cause.

M. le rapporteur général. Le rendement de la mesure est de 1,4 milliard en année pleine. Par ailleurs, monsieur de Courson, le montant des autres dons exonérés de charges n’avait pas été triplé par la loi TEPA. En réduisant de 159 325 à 100 000 euros le montant des donations sans frais en ligne directe, nous proposons un dispositif plus favorable que celui qui la précédait, mais nous allongeons le délai de dix à quinze ans.

Mme Karine Berger. Grâce aux chiffres de l’INSEE, nous connaissons le patrimoine net des ménages par quintile : 74 000 euros, pour le premier quintile, 118 200 pour le second, 170 970 pour le troisième, 250 120 pour le quatrième, et 596 630 pour le cinquième.

Si un enfant reçoit, outre 100 000 euros de ses deux parents, 31 000 euros de ses quatre grands-parents, il possédera bien plus que le quatrième quintile selon l’INSEE. L’opposition souhaite-t-elle qu’un enfant puisse passer directement au cinquième quintile dès l’âge de cinq ans ?

M. Charles de Courson. Madame Berger, gardez-vous d’une approche trop statique du patrimoine ! En vertu de la théorie du cycle de vie, de Modigliani, que vous connaissez certainement, le patrimoine d’un individu doit s’apprécier lorsque celui-ci atteint l’âge de cinquante ou soixante ans.

Monsieur le rapporteur général, le montant de 1,4 milliard, que vous avez cité, tient-il compte de la diminution du nombre de donations qu’induira nécessairement l’allongement de dix à quinze ans du délai d’exonération ?

M. Hervé Mariton. Il me semble qu’un don manuel n’est possible qu’au bénéfice de personnes majeures.

Mme Karine Berger. Dans ce cas, je reformule ma question : souhaitez-vous que leur patrimoine soit constitué dès l’âge de dix-neuf ans ?

M. Charles de Courson. En réalité, il est possible de donner à un enfant dès sa conception.

M. Pascal Cherki. Seule la moitié des ménages français dispose d’un patrimoine supérieur à 113 000 euros : l’autre moitié n’est donc absolument pas concernée par l'article 4.

De plus, 95 % des successions sont aujourd’hui exonérées d’impôt. Ne vaudrait-il pas mieux favoriser l’effort plutôt que l’héritage ?

Enfin, après la réforme, 88 % d’entre elles seront toujours exonérées. On ne peut donc pas parler de bouleversement social majeur, à moins de vouloir défendre certaines catégories bien déterminées représentant 12 % de la population – une préoccupation sans doute légitime, mais qui n’est pas celle du groupe socialiste.

M. le rapporteur général. S’agissant des conséquences budgétaires de la mesure, le chiffrage de 1,4 milliard d’euros a été obtenu à partir de l’enquête successions 2006 du bureau GF3C de la Direction générale des finances publiques ainsi que des donations enregistrées en 2011 dans l’application MOOREA de cette même direction générale.

Quant à l’effet « creux », il est probable, tous les notaires observant aujourd'hui un pic, dans la mesure où de nombreuses personnes s’empressent de faire un don avant l’application de la réforme. Mais le nombre de décès est stable d’une année sur l’autre. L'évolution des recettes liées aux droits de succession ne devrait donc pas connaître de creux trop marqué.

M. le président Gilles Carrez. Le nombre de successions étant deux fois plus important que celui des donations, la plus grande partie des recettes fiscales liées aux droits de mutation à titre gratuit devrait être assurée.

Cependant, l’enquête réalisée en 2006 portait nécessairement sur des successions encore plus anciennes. Il faudrait réclamer à Bercy une actualisation des données.

Mme Marie-Christine Dalloz. D’autant plus que nous avons connu depuis cette époque une forte augmentation du prix du foncier. Dans ma circonscription, cette pression est particulièrement soutenue en raison de la proximité avec la Suisse, au point qu'il devient parfois difficile de transmettre sa résidence principale – le patrimoine d’une vie.

M. le rapporteur général. Si sa valeur est suffisamment importante, je ne vois rien de scandaleux à ce que sa transmission justifie le paiement d’une contribution. Doit-on partir du principe que le patrimoine d’une vie devrait être nécessairement transmis hors de tous droits ?

La Commission rejette l’amendement CF 6 et les amendements CF 148 à 171.

La Commission est saisie des amendements CF 18, CF 21, CF 77 à 100 et CF 124 à 147.

M. le président Gilles Carrez. Avec votre accord, je vais mettre aux voix les nombreux amendements tendant à supprimer l’article 4 par alinéa.

Ces amendements sont rejetés.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 314 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Dans sa décision du 30 décembre 1991, rendue sur la loi de finances pour 1992, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition prévoyant que le rapport fiscal décennal ne concernait que les donations passées devant notaire. Mais le Conseil n’a pas été saisi au même moment de la loi de finances rectificative pour 1991 qui comportait une disposition similaire pour les biens ruraux. Cette dernière subsiste donc dans le droit en vigueur, alors qu'elle serait, pour les mêmes motifs, déclarée inconstitutionnelle si elle faisait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. L’amendement a donc pour but de la supprimer.

M. Charles de Courson. Quelle serait l’incidence financière de son adoption ?

M. le rapporteur général. Jusqu’à présent, personne n’a soulevé l’inconstitutionnalité de la disposition concernée. Sa suppression n’a pour but que de sécuriser les recettes en mettant en conformité la loi fiscale, même si la loi civile prévoit un monopole des notaires en la matière.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 153).

Puis, suivant l’avis défavorable du rapporteur général, elle rejette l’amendement CF 25 de M. Mariton supprimant le 16ème alinéa de cet article.

Elle adopte enfin l’article 4 ainsi modifié.

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* *

Article 5

Suppression de la retenue à la source applicable aux distributions de dividendes de source française à des organismes de placement collectif étrangers et création d’une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les montants distribués

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. Le premier alinéa du 2 de l’article 119 bis, est ainsi modifié :

1° Après les mots : « siège en France », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « , autres que des organismes de placement collectif constitués sur le fondement d’un droit étranger situés dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et qui satisfont simultanément aux deux conditions suivantes :

« 1° Lever des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs ;

« 2° Présenter des caractéristiques similaires à celles d’organismes de placement collectif de droit français relevant du 1, du 5 ou du 6 du I de l’article L. 214-1 du code monétaire et financier.

« La retenue à la source s’applique également lorsque ces produits sont payés hors de France dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A. » ;

2° La seconde phrase constitue un alinéa.

B. Au II des articles 137 bis et 137 ter, les mots : « dont le domicile fiscal ou le siège social est situé hors de France métropolitaine et des départements d’outre-mer » sont supprimés.

C. Le II de l’article 163 quinquies C est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa du 1 est complété par les mots : « ou, lorsqu’elles sont payées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A, à la retenue à la source prévue au 2 de l’article 119 bis » ;

2° Le dernier alinéa du 2 est complété par les mots : « ainsi qu’aux distributions mentionnées au premier alinéa du 1 payées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A ».

D. Au premier alinéa de l’article 163 quinquies C bis, après les mots : « d’impôt sur le revenu et », sont insérés les mots : « , sauf si elles sont payées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A, ».

E. Après l’article 235 ter ZC, il est inséré un article 235 ter ZCA ainsi rédigé :

« Art. 235 ter ZCA.– I.– Les sociétés ou organismes français ou étrangers passibles de l’impôt sur les sociétés en France, à l’exclusion de ceux mentionnés au I de l’article L. 214-1 du code monétaire et financier, ainsi que de ceux qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises données à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 6 août 2008, sont assujettis à une contribution additionnelle à cet impôt au titre des montants qu’ils distribuent au sens des articles 109 à 117.

« Cette contribution est égale à 3 % des montants distribués après déduction des montants distribués exonérés de retenue à la source en application de l’article 119 ter, et de ceux éligibles au régime prévu aux articles 145 et 216 à la condition qu'ils proviennent de titres de participation représentant au moins 10 % du capital de la société émettrice ou respectant la condition prévue au 9 de l’article 145 pour les entités visées à ce même 9.

« Pour les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères et réputés distribués en application du 1 de l’article 115 quinquies, la contribution est assise sur les montants qui cessent d’être à la disposition de l’exploitation française.

« II.– Les crédits d’impôt de toute nature ainsi que la créance mentionnée à l’article 220 quinquies et l’imposition forfaitaire annuelle mentionnée à l’article 223 septies ne sont pas imputables sur la contribution.

« III.– La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.

« Elle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard le dernier jour du deuxième mois qui suit celui de la mise en paiement de la distribution.

« Pour l’application du deuxième alinéa, les sommes réputées distribuées au titre d’un exercice au sens des articles 109 à 117 sont considérées comme mises en paiement à la clôture de cet exercice. »

F. Au premier alinéa de l’article 213, après la référence : « 235 ter ZAA », sont insérés les mots : « , la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les montants distribués mentionnée à l’article 235 ter ZCA ».

II.– Les dispositions des A à D du I sont applicables aux produits, sommes, valeurs et distributions versés à compter de la date de la publication de la présente loi. Les dispositions du E du I s’appliquent aux montants distribués dont la mise en paiement est intervenue à compter de la date de la publication de la présente loi et les dispositions du F du I s’appliquent aux exercices clos à compter de cette même date.

Observations et décision de la Commission :

Cet article supprime la retenue à la source applicable aux OPCVM étrangers, en conséquence de sa déclaration de contrariété avec le droit de l’Union européenne prononcée en mai dernier. En contrepartie, afin d’en compenser le coût de l’ordre du milliard d’euros, il est proposé d’instaurer une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, assise sur les dividendes distribués et à un taux de 3 %, qui rapporterait au budget de l’État des recettes fiscales équivalentes. Cette nouvelle taxation permettra également de mettre en œuvre un des engagements du Président de la République pendant la campagne présidentielle : « Une distinction sera faite entre les bénéfices réinvestis et ceux distribués aux actionnaires ».

I.– LA RÉFORME DE LA RETENUE À LA SOURCE APPLICABLE AUX DISTRIBUTIONS DE DIVIDENDES PERÇUES PAR DES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIFS ÉTRANGERS

Saisie à titre préjudiciel par le tribunal administratif de Montreuil à la suite de l’avis contentieux rendu par le Conseil d’État le 23 mai 2011, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a dit pour droit, dans un arrêt Santander Asset Management du 10 mai 2012 (affaires C-338/11 et C-339/11 à C-347/11), que la retenue à la source (42) sur les dividendes versés par des sociétés françaises à des non-résidents est contraire au droit de l’Union européenne, en tant qu’il s’applique aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

La Cour s’est placée sur le terrain de la liberté de circulation des capitaux pour juger la retenue à la source française contraire au droit de l’Union, dans la mesure où elle dissuade les investissements réalisés par les OPCVM non-résidents (au niveau mondial et pas seulement européen). L’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) stipule en effet que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ». La Cour a estimé sur ce fondement, et selon une jurisprudence constante, que la législation française instaure une discrimination non justifiée entre les OPCVM selon qu’ils sont ou non résidents fiscaux en France. En effet, selon la Cour, les OPCVM résidents et les OPCVM non-résidents sont placés dans une situation objectivement comparable et devraient donc bénéficier du même régime d’imposition, alors que les dividendes d’origine française qu'ils reçoivent ne sont taxés que si les OPCVM ne sont pas résidents. La situation des porteurs de parts est à cet égard sans incidence, les OPCVM étant considérés par la Cour comme des vecteurs propres d’investissement et non comme des véhicules d’investissement transparents agissant pour le compte de leurs porteurs de parts. La législation française constitue donc une restriction aux mouvements de capitaux, qui dissuade non seulement les non-résidents de réaliser des investissements financiers en France, mais aussi les résidents d’acquérir des parts dans les OPCVM étrangers.

Cet arrêt était prévisible. La Cour avait ainsi déjà jugé que la législation finlandaise prévoyant l'application d'une retenue à la source sur les dividendes versés par une société finlandaise à une SICAV luxembourgeoise constituait une restriction discriminatoire à la liberté d'établissement (18 juin 2009, Aberdeen Property Fininvest Alpha, affaire C-303/07). Elle avait aussi jugé, s’agissant de la législation française, que faire supporter le poids d'une imposition des dividendes à une société mère non-résidente en en dispensant presque totalement les sociétés mères résidentes constituait une restriction discriminatoire à la liberté d'établissement (14 décembre 2006, Denkavit International et Denkavit France, affaire C-170/05).

Selon le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012 sur la situation et les perspectives des finances publiques, l’enjeu financier serait de l’ordre de 5 milliards d'euros d’ici la fin de l’année 2014, dont 1,5 milliard d'euros dès 2012. Plusieurs OPCVM européens, mais aussi canadiens et américains, ont déjà déposé plus de 10 000 demandes de remboursement, en cours d’instruction devant le tribunal administratif de Montreuil – la question préjudicielle a été posée à la CJUE par ce tribunal dans ce cadre. D’autres demandes pourront encore être introduites, l’arrêt de la CJUE constituant en effet une décision juridictionnelle fondant une demande de restitution au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales. La CJUE a d’ailleurs refusé de faire droit à la demande présentée – trop tardivement lors de l’audience a estimé la Cour – par le Gouvernement français d’en différer l’effet pour l’avenir seulement. Ce refus de la CJUE est la conséquence d’une très mauvaise anticipation des conséquences financières de ce contentieux, imprévoyance qui est signalée par la Cour des comptes dans son rapport précité. La première loi de finances rectificative pour 2012 n’en a pas tenu compte, alors que le risque de décaissement de 1,5 milliard d'euros en 2012 était considéré comme élevé par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans une note adressée au ministre alors responsable dès le début du mois de février dernier. Les services du ministère de l’Économie n’en ayant pas été informés, le coût prévisible de ce contentieux n’a pas été pris en compte dans le programme de stabilité transmis en avril dernier à la Commission européenne, alors même que ce coût avait été provisionné en comptabilité générale à hauteur de 3,3 milliards d'euros au 31 décembre 2011. Enfin, la retenue à la source litigieuse n’a pas été suspendue dès la connaissance de l’arrêt de la CJUE, ce qui a contribué à accroître l’accumulation de sommes à rembourser, avec des intérêts moratoires à payer.

Cet article met fin à cette gestion calamiteuse du dossier de la retenue à la source sur les OPCVM étrangers par le précédent gouvernement. Il supprime la retenue à la source en cause dès la publication de la présente loi. Il en résulte une perte de recettes fiscales de l’ordre d’un milliard d’euros en année pleine, qui sera toutefois immédiatement compensée par l’instauration d’une recette fiscale de substitution. En revanche, la gestion financière du stock contentieux devra être opérée dans le cadre de la dernière loi de finances rectificative pour 2012 et des lois de finances pour 2013 et 2014.

Pour remédier à cette inconventionnalité, plusieurs options étaient envisageables. Il aurait ainsi notamment été possible, soit de prévoir l’imposition des dividendes à la fois pour les OPCVM résidents et non-résidents (comme la législation belge, jugée conforme au droit de l’Union par un arrêt du 22 décembre 2008, Truck Center, affaire C-282/07), soit de subordonner l’exonération fiscale pour les OPCVM à la condition que l’intégralité de leurs bénéfices soit distribuée à leurs porteurs de parts (comme la législation néerlandaise, jugée conforme au droit de l’Union par un arrêt du 20 mai 2008, Orange European Smallcap Fund, affaire C-194/06).

Le Gouvernement a choisi de supprimer la retenue à la source pour les OPCVM non-résidents, plutôt que de prévoir une imposition équivalente pour les OPCVM résidents qui sont aujourd’hui exonérés de prélèvement sur les dividendes qu’ils perçoivent en vertu du principe de transparence fiscale. Les OPCVM nationaux auraient alors risqué en effet de devenir moins compétitifs du point de vue des investisseurs, tant nationaux qu’étrangers, et auraient eu intérêt à réorienter leurs investissements vers des sociétés étrangères. Dans le contexte actuel de crise financière et de restriction de l’accès au crédit bancaire pour les entreprises, il n’a pas paru souhaitable de limiter les investissements intermédiés dans l’économie productive de notre pays. On rappellera à cet
égard que la totalité des encours détenus par les 7 222 OPCVM français représentait 1 120 milliards d'euros au début de l’année 2012.

Les organismes de placement collectif en droit financier français

Parmi les instruments financiers, les parts ou actions d'organismes de placement collectif sont des titres financiers, à côté des titres de capital émis par les sociétés par actions et des titres de créance.

L’article L. 214-1 du code monétaire et financier prévoit six catégories d’organismes de placements collectifs. Ils doivent être agréés par l'Autorité des marchés financiers (AMF).

1. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM)

Ce sont des produits d'épargne qui permettent de détenir une partie d'un portefeuille de valeurs mobilières (actions, obligations…) commun à plusieurs investisseurs, la gestion de ce portefeuille collectif étant confiée à un professionnel. Ils sont à capital variable. Les OPCVM prennent la forme soit de sociétés d'investissement à capital variable (SICAV), soit de fonds communs de placement (FCP). La SICAV est une société anonyme ou une société par actions simplifiée qui a pour seul objet la gestion d'un portefeuille d'instruments financiers et de dépôts, alors que le FCP, qui n'a pas la personnalité morale, est une copropriété d'instruments financiers et de dépôts constituée à l'initiative d'une société de gestion. Il existe certaines catégories particulières de FCP : les fonds communs de placement à risques (FCPR), les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI), les fonds d'investissement de proximité (FIP) et les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE).

2. Les organismes de titrisation

Ils acquièrent des créances ou concluent des contrats transférant des risques d'assurance et assurent le financement ou la couverture de ces risques. Ils prennent la forme de fonds communs de titrisation ou de sociétés de titrisation.

3. Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI)

Elles ont pour objet exclusif l'acquisition et la gestion d'un patrimoine immobilier locatif.

4. Les sociétés d'épargne forestière

Elles ont pour objet principal l'acquisition et la gestion d'un patrimoine forestier.

5. Les organismes de placement collectif immobilier (OPCI)

Ils ont pour objet l'investissement dans des immeubles qu'ils donnent en location ou qu'ils font construire exclusivement en vue de leur location. Ils prennent la forme de sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV) ou de fonds de placement immobilier (FPI).

6. Les sociétés d'investissement à capital fixe (SICAF)

Il s’agit de sociétés anonymes dont l’objet est la gestion d'un portefeuille d'instruments financiers, de dépôts et de liquidités, en diversifiant directement ou indirectement les risques d'investissement dans le but de faire bénéficier leurs actionnaires des résultats de cette gestion.

Cette suppression de la retenue à la source concerne non seulement les OPCVM étrangers, mais également les organismes de placement collectif en immobilier (OPCI) et les sociétés d’investissement à capital fixe (SICAF), qui sont dans une situation similaire et sont les seuls à percevoir également des dividendes. Pour définir précisément le champ des OPCVM, OPCI et SICAF étrangers équivalents à ces organismes collectifs de placement français, il est prévu de faire référence à deux critères cumulatifs : d’une part, leur objet (lever des capitaux auprès d’investisseurs pour les investir dans leur intérêt),
en reprenant la définition figurant à l’article 4 de la directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, dite directive AIFM ; d’autre part, leur mode d’organisation, qui doit être similaire à celui des organismes français concernés.

La retenue à la source continuera toutefois toujours à s’appliquer, à un taux de 55 % depuis la dernière loi de finances rectificative pour 2011, pour les dividendes versés à des investisseurs résidant dans des États ou territoires non coopératifs (ETNC) (43). Les OPCVM, OPCI et SICAF situés dans un de ces États ou territoires, qui n’ont pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, ne sont donc pas concernés par la suppression de la retenue à la source. La lutte contre la fraude fiscale constitue en effet un motif d’intérêt général suffisant pour justifier, tant en droit interne qu’en droit de l’Union, une telle différence de traitement.

En termes légistiques, il est prévu par le A du I du présent article de modifier l’article 119 bis du code général des impôts pour supprimer la retenue à la source pour les OPCVM, OPCI et SICAF non-résidents équivalents aux résidents, tout en maintenant la retenue à la source applicable dans le cas des ETNC. Le B du I est une mesure de coordination en ce qui concerne la retenue à la source au titre des ETNC pour les fonds communs de placement (FCP, article 137 bis du même code) et les fonds de placement immobilier (FPI, article 137 ter). Les C et D du I sont des dispositions concernant la retenue à la source applicable lorsque les dividendes sont payés dans un ETNC dans le
cas respectivement des sociétés de capital-risque (SCR, article 163 quinquies C)
et des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque (SUIR, article 163 quinquies C bis) : il s’agit de compléter les mesures qui avaient été prévues par l’article 22 de la troisième loi de finances rectificative pour 2009 afin de prévoir l’application de la retenue à la source au taux de 55 % quel que soit le lieu de résidence fiscale (domicile fiscal ou siège social) du bénéficiaire des dividendes versés par une SCR ou une SUIR.

II.– LA CRÉATION D’UNE CONTRIBUTION ADDITIONNELLE DE 3 % SUR L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS AU TITRE DES DIVIDENDES DISTRIBUÉS

Pour compenser le manque à gagner fiscal résultant de la suppression de la retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM étrangers, le Gouvernement propose d’instaurer une taxation additionnelle des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, à proportion de la part de leurs bénéfices distribués. Il en résultera une taxation différenciée des entreprises à l’impôt sur les sociétés, qui devrait inciter les entreprises à conserver leurs résultats et, partant, à améliorer leur capacité d’investissement par l’autofinancement, ainsi que le niveau de leurs fonds propres.

Un dispositif fiscal consistant à majorer l’impôt sur les sociétés dû au titre des distributions de dividendes a déjà été appliqué, entre 1989 et 1992. La loi de finances pour 1989 avait en effet prévu un supplément d'impôt sur les sociétés (44) permettant de maintenir le taux de cet impôt à 42 % pour les distributions, alors qu’il n’était à l’époque « que » de 39 % pour les bénéfices non distribués. Le taux du supplément d’impôt variait avec le taux d’impôt sur les sociétés « de droit commun », et a ainsi été fixé à 3/58e du montant net distribué en 1989, 5/58e en 1990, 8/58e en 1991 afin de maintenir à 42 % le taux d’imposition des bénéfices distribués. Le taux de ce supplément d’impôt a été fixé à 0 % en 1992, avant la suppression de ce mécanisme par la loi de finances pour 1993, dans un contexte de fort allègement de la fiscalité pesant alors sur les entreprises.

En revanche, le précompte mobilier, qui était le corollaire de l’avoir fiscal et ont été tous deux supprimés par la loi de finances pour 2004, n’était pas un dispositif comparable. En effet, il était dû par des entreprises qui reversaient des dividendes au titre de bénéfices qui n’avaient pas été soumis à l’impôt sur les sociétés au taux normal ou qui provenaient de résultats d'exercices clos depuis plus de cinq ans. Le précompte, égal en principe à la moitié des sommes distribuées, ne frappait donc que certaines distributions définies par la loi et devait être imputé fiscalement sur les divers résultats en cause. Surtout, le précompte aboutissait à réduire les montants distribuables, afin de compenser le coût pour l’État des avoirs fiscaux accordés aux actionnaires, de sorte qu’il n’avait pas d’impact sur les résultats des sociétés concernées.

La contribution créée par le présent article ne constitue pas une retenue à la source par la société distributrice sur les dividendes qu’elle va verser, mais une charge supplémentaire d’impôt sur les sociétés qui va peser sur son résultat comptable a posteriori. Lorsqu’une société aura décidé de distribuer 100 de dividendes, ses actionnaires percevront bien 100, mais la société devra verser 3 à l’État. Ces 3 diminueront son résultat comptable post distribution, et donc sa capacité future de distribution de nouveaux dividendes. Il s’agit ainsi d’une imposition pesant sur les entreprises à titre principal, mais avec un effet différé sur la rémunération des actionnaires sous forme de dividendes. Pour maintenir leur attractivité financière sur les marchés, les entreprises françaises concernées par la nouvelle contribution devront donc accroître leur rentabilité, ce que devrait favoriser un recours accru à l’autofinancement.

Parmi le chapitre du code général des impôts concernant les taxes diverses constituant des impôts d’État, après les articles concernant les contributions exceptionnelles et sociale sur l’impôt sur les sociétés, le E du I du présent article crée un nouvel article 235 ter ZCA régissant cette contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés au titre des montants distribués.

1.– Le champ d’application de la contribution

La contribution est due par les personnes morales françaises passibles de l’impôt sur les sociétés. Sont ainsi concernées les sociétés de capitaux même exemptées de l’impôt sur les sociétés, en raison de régimes d’exonération particuliers (par exemple les sociétés de capital-risque – SCR – ou les sociétés d'investissements immobiliers cotées – SIIC). En revanche, deux catégories d’entreprises sont expressément exclues de son champ d’application.

Il s’agit en premier lieu des PME, telles qu’elles sont définies à l’article 2 de l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie). Selon cet article, les micro, petites et moyennes entreprises sont « des entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 50 millions d'euros ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 43 millions d'euros ». La définition ainsi retenue est beaucoup plus large que celle des PME qui peuvent bénéficier du taux réduit d’impôt sur les sociétés à 15 %, à savoir les entreprises et groupes indépendants de chiffre d’affaires inférieur à 7,63 millions d’euros. Cette exclusion des PME au sens large permet de renforcer la différenciation des taux d’imposition entre petites et grandes entreprises, et évite aux plus petites de devoir faire face à un accès plus difficile aux investisseurs en capital.

La deuxième catégorie située hors du champ d’application de la contribution est constituée par l’ensemble des organismes de placements collectifs. Dans ce cas, il s’agit de préserver le principe de transparence fiscale qui leur est applicable : dès lors que les dividendes perçus par ces organismes auront donné lieu à l’application de la contribution chez la société distributrice, il n’y a pas lieu de prévoir une nouvelle application de la contribution chez l’organisme de placement lors de la redistribution de ces dividendes aux investisseurs, sauf à réduire artificiellement et inutilement le taux de rendement des placements intermédiés.

Compte tenu de son champ d’application territorial, qui ne concerne que les sociétés françaises distributrices, la contribution n’a pas d’impact sur la distribution de dividendes d’une filiale étrangère à une mère française. En revanche, une filiale française versant des dividendes à sa mère étrangère sera taxée, de même qu’une mère française reversant des dividendes à ses actionnaires, tant français qu’étrangers, y compris au titre de dividendes provenant de filiales étrangères.

2.– L’assiette de la contribution

La contribution est assise sur l’ensemble des revenus distribués au sens des articles 109 à 117 du code général des impôts. Sont ainsi concernés, non seulement les dividendes, mais également toutes les sommes réputées distribuées selon la législation fiscale. Il s’agit de tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital et de toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. Sont ainsi notamment considérés comme revenus distribués les avances, prêts ou acomptes accordés aux associés, ainsi que les rémunérations et avantages occultes, les rémunérations excessives et les dépenses somptuaires. De tels éléments ne sont pas facilement appréciables par une société et peuvent donner lieu à de longs contentieux, et donc à des régularisations a posteriori. Mais une même définition large de l’assiette avait aussi été retenue pour le supplément d’impôt sur les sociétés applicable entre 1989 et 1992. En revanche, à la différence ce supplément d’impôt, il n’y a pas d’exonération
en cas de paiement des dividendes en actions, selon les modalités prévues par l’article L. 232-18 du code de commerce. Cette option de distribution renforce pourtant les fonds propres, ce qui est un des objectifs de la contribution.

Pour les établissements stables en France de sociétés étrangères, qui sont assujettis à l’impôt sur les sociétés, il est prévu que la contribution s’applique sur les bénéfices réalisés en France dès lors qu’ils cessent d’être à la disposition de l’exploitation française. À la différence de l’article 115 quinquies du code général des impôts, qui prévoit que la retenue à la source au titre des revenus de capitaux mobiliers s’applique sur tous les bénéfices réalisés en France, à charge pour la société de demander la restitution ultérieure de l’excédent éventuel résultant de l’absence de distribution effective, le présent article prévoit un renversement de la charge de la preuve en faveur de la société concernée. Il revient donc à celle-ci de calculer l’assiette de la contribution en fonction de l’usage qu’elle entend faire de ses bénéfices : la contribution est due au titre des bénéfices réalisés en France qui ne sont pas réinvestis directement dans l’établissement français.

Il est prévu une exonération au titre du régime des sociétés mères et filiales. Les articles 145 et 216 du code général des impôts permettent d'exonérer la société mère de l'impôt sur les sociétés à raison des produits résultant des dividendes reçus de sa filiale, à l'exception d'une quote-part pour frais et charges de 5 % taxée au taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés. Le taux de détention du capital de la filiale par la mère pour bénéficier de ce régime est fixé à 5 %. Il est proposé de transposer ce dispositif pour la nouvelle contribution : celle-ci ne serait pas due au titre des dividendes versés à la mère par une filiale, à condition que cette dernière soit détenue à hauteur de 10 % de son capital par la mère.

Ce taux dérogatoire de 10 % est fixé par référence à celui applicable pour les sociétés mères européennes, prévu par l’article 119 ter pour l’exonération de retenue à la source au titre des dividendes distribués par une filiale française à une mère européenne. En raison du principe d’égalité de traitement entre sociétés françaises et européennes, le même taux doit être retenu dans les deux cas. Pour traiter la différence des taux figurant actuellement dans la loi entre mères françaises et européennes, il est prévu par instruction (45) de retenir en pratique le taux de 5 % en cas d’impossibilité d’imputer à l’étranger la retenue à la source pratiquée en France. Un tel système conditionnel étant trop complexe à gérer pour le calcul de la nouvelle contribution, il a été choisi, non pas d’aligner les deux régimes sur 5 %, mais sur 10 %.

Il s’agit en tout état de cause d’un régime de faveur, car la transposition du régime mère-fille pour le calcul de la nouvelle contribution ne va pas de soi. En effet, il ne s’agit pas ici d’éviter une double imposition des dividendes, à la fois dans le chef de la société qui les distribue et dans celui de la société qui les perçoit, mais seulement de ne pas augmenter les coûts de la société qui verse des dividendes. L’article 5 de la directive 90/435/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents impose seulement que les bénéfices distribués par une filiale à sa mère soient exonérés de retenue à la source. La contribution ne constituant pas une retenue à la source, cet article de la directive ne lui est pas applicable.

Cette transposition du régime mère-fille aboutit également à différencier l’assiette de la contribution selon la composition du capital de la société distributrice : selon que cette dernière est ou non détenue à plus de 10 % par une ou plusieurs mères françaises ou européennes, elle aura une assiette de contribution plus ou moins faible. Si elle a une mère non européenne, elle sera plus taxée. Par ailleurs, le régime mère-fille ne s’appliquant que si la mère est elle-même passible de l’impôt sur les sociétés, il ne peut pas s’appliquer lorsqu’une participation équivalente est détenue par l’État, de sorte que l’actionnariat public devient désavantageux pour une société française.

Il est également prévu une exonération de la contribution au titre des participations supérieures à 22,8 millions d'euros détenues par certaines banques mutualistes (caisses locales du Crédit agricole ou du Crédit mutuel, caisses d'épargne et de prévoyance,…) ou par des sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif pour l'accession à la propriété (SACICAP) : il s’agit du 9 de l’article 145 du code général des impôts, qui est rendu applicable pour la définition de l’assiette de la contribution.

3.– Le taux de la contribution

La contribution est due au taux de 3 %.

Compte tenu du taux d’impôt sur les sociétés de 33,1/3 % et de celui de la contribution sociale sur les bénéfices (46) qui est de 3,3 % de la cotisation d’impôt sur les sociétés, sans tenir compte de l’imposition forfaitaire annuelle (IFA) ni de la contribution exceptionnelle égale à 5 % de la cotisation d’impôt sur les sociétés qui a été instaurée par la dernière loi de finances rectificative pour 2011, le taux facial d’imposition sur les grandes sociétés est de 34,43 %. Avec un bénéfice de 100, le montant distribuable est ainsi réduit à 65,57. Dans l’hypothèse où
cette société distribuerait l’intégralité de ces bénéfices distribuables, 3 % de 65,57 représentent 1,97 d’impôt supplémentaire, soit un impôt total équivalent à 36,4 %, presque deux points de plus que pour une société qui réinvestirait l’intégralité de ses bénéfices. L’effet incitatif est indéniable.

4.– Les modalités de recouvrement de la contribution

Comme pour l’impôt sur les sociétés, le paiement de la contribution doit intervenir spontanément.

La date retenue suit le rythme des distributions des sociétés : le paiement doit intervenir dans les deux mois suivant la mise en paiement des distributions. Cette mise en paiement est régie par l’article L. 232-13 du code de commerce : elle doit avoir lieu dans un délai maximal de neuf mois après la clôture de l'exercice. Dans les conditions prévues par l’article L. 232-12 du même code, il peut aussi être distribué des acomptes sur dividendes avant l'approbation des comptes de l'exercice ; ces acomptes seront également soumis à la contribution, dès leur mise en paiement. Enfin, pour les sommes réputées distribuées, il est considéré qu’elles sont mises en paiement à la clôture de l’exercice en cause.

La contribution est établie et contrôlée comme l'impôt sur les sociétés.

Il est expressément prévu que les crédits d'impôt de toute nature, la créance de report en arrière et l’imposition forfaitaire annuelle (qui doit être supprimée en 2014) ne sont pas imputables sur la contribution. La contribution ne constitue pas non plus une charge déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés (selon le F du I du présent article, modifiant dans ce sens l’article 213 du code général des impôts) ; ceci est cohérent avec le fait qu’il s’agit ici d’une taxe assise sur un montant de dividendes issus du résultat après impôt. Des dispositions similaires ont été prévues pour les contributions additionnelles à l’impôt sur les sociétés (surtaxes Juppé ou Jospin, contribution exceptionnelle de 5 %, contribution sociale sur les bénéfices).

5.– L’entrée en vigueur et le rendement de la contribution

Conformément au II du présent article, la nouvelle contribution s’applique aux montants distribués dont la mise en paiement intervient après la publication de la présente loi. Elle peut donc s’appliquer à des distributions qui auraient été décidées par l’assemblée générale avant que cette dernière n’ait pu avoir connaissance de la nouvelle contribution.

Le rendement estimé, qui a été calibré budgétairement pour être équivalent à celui de la retenue à la source sur les OPCVM étrangers, est de l’ordre du milliard d’euros en année pleine. Pour déterminer ce rendement, l’évaluation préalable du projet de loi applique le taux de 3 % à une assiette constituée par le flux total de dividendes versés par les entreprises françaises relevant du CAC 40, soit environ 37 milliards d'euros par an en moyenne entre 2009 et 2010. Il n’est ainsi pas tenu compte du champ d’application réel de la contribution, qui est plus large (47), mais dans un sens inverse les distributions exonérées au titre du régime mère-fille ne sont pas non plus défalquées de l’assiette.

Selon une étude du courtier en actions Exane BNP Paribas publiée le 19 juin 2012, les montants d’impôt additionnel résultant de la nouvelle contribution au titre des dividendes prévus pour 2013 seraient de l’ordre de 170 millions d'euros pour Total, 123 millions d'euros pour Sanofi, 101 millions d'euros pour GDF Suez, 94 millions d'euros pour France Télécom, 63 millions d'euros pour EDF et 53 millions d'euros pour Axa.

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La Commission examine l’amendement CF 9 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. La législation actuelle soumet à une retenue à la source de 30 % les dividendes de source française lorsqu’ils sont versés à certains organismes de placement collectif non-résidents, mais pas ceux qui sont versés à des organismes résidents. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé cette différence de traitement contraire au droit européen.

La réponse du Gouvernement consiste à supprimer la retenue à la source pour tous les organismes de placement collectif et à créer, en contrepartie, une contribution de 3 % sur les bénéfices distribués.

Cette solution me pose problème. Nous sommes tous prompts à dénoncer certains fonds de pension américains qui prélèvent une grande part de la substance des entreprises françaises dans lesquelles ils investissent en exigeant un montant très important de dividendes. Est-il normal que ces profits puissent être rapatriés aux États-Unis sans faire l’objet du moindre prélèvement ?

L’amendement suggère donc de maintenir une égalité de traitement au sein de l’Union européenne, mais pas à l’extérieur. Il serait en effet anormal de pénaliser les investisseurs européens ou français par rapport aux investisseurs extra-communautaires.

À l’instar d’Arnaud Montebourg, j’estime que la possibilité, pour des entreprises extra-européennes, de pénétrer en un seul point un marché unique de 400 millions de consommateurs représente un avantage très important et devrait faire l’objet d’une contrepartie – une sorte de droit d'entrée.

M. le rapporteur général. Même si j’en comprends l’intention, cet amendement ne tient pas. La Cour de justice de l’Union européenne interdit toute retenue à la source sur les dividendes versés à des OPCVM non-résidents. Cela ne concerne pas que les pays européens, au contraire : 90 % des contentieux portent sur des organismes basés au Canada ou aux États-Unis. Les traités européens interdisent toute barrière à la circulation des capitaux, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Union. Ils rendent donc impossible la mise en œuvre d’un tel amendement.

M. le président Gilles Carrez. Si c’est ainsi qu’il faut interpréter l’arrêt de la CJUE, alors le Gouvernement devrait engager, dans le cadre du processus d’harmonisation fiscale, une négociation avec les autres pays de l’Union dans le but de protéger les frontières de l’Europe.

Avec de telles règles, l’Union européenne se tire une balle dans le pied. Il est choquant de pénaliser des Européens investissant dans des entreprises européennes tout en exonérant de tout prélèvement les investisseurs extra-communautaires, dont les investissements, de surcroît, visent généralement des profits de court terme, le niveau de dividendes réclamé ayant pour effet d'affaiblir l’entreprise concernée.

Je retire l’amendement, mais je le déposerai à nouveau en article 88, car il est essentiel d’avoir un débat sur ce sujet avec le Gouvernement.

M. le rapporteur général. Sur le fond, vous avez entièrement raison, même si vous ne pouvez prétendre que la nouvelle disposition aura pour effet de pénaliser les capitaux européens par rapport aux capitaux étrangers. Au contraire, l’objectif de l’article 5 est de faire en sorte qu’ils soient traités de la même façon !

Vous souhaitez que les OPCVM extra-communautaires fassent l’objet d’un traitement plus vigoureux : je peux vous rejoindre sur ce point, mais pour l’instant, un tel objectif est contraire aux traités. Il faudrait une négociation à l’échelle européenne.

M. Charles de Courson. La suggestion de notre président se heurte en effet à une difficulté technique : il suffirait à un OPCVM basé aux États-Unis de passer par l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, par exemple, pour s’exonérer de tout prélèvement.

Cela étant, la disposition proposée par le Gouvernement pour compenser la perte de recettes due à la décision de la CJUE n’est guère plus satisfaisante. L’application d’une contribution de 3 % sur les montants distribués va se heurter à d’énormes problèmes, liés à la variété des modalités de versement de dividendes – y compris s’agissant des petits groupes familiaux.

M. le rapporteur général. Nous allons bientôt examiner un amendement qui devrait répondre à votre préoccupation. Je vous rappelle qu’en tout état de cause, les PME sont exonérées de la contribution sur les dividendes.

M. le président Gilles Carrez. J’insiste sur l’absence de réciprocité entre l’Union européenne et les États-Unis. Des dividendes rapatriés aux États-Unis resteront exempts de toute contribution, alors que l’inverse n’est pas vrai. La réciprocité est une question récurrente. Si elle est particulièrement complexe à résoudre en matière de coûts du travail ou de coûts environnementaux, il n’en est pas de même pour ce qui concerne la fiscalité.

Par ailleurs, notre pays a la chance de compter de nombreuses entreprises internationales dont les bénéfices sont avant tout réalisés sur des marchés étrangers. Pour ces entreprises, la taxe de 3 % sera prélevée au niveau de la société mère, résidente fiscale française, et sera calculée en prenant en compte les dividendes versés par les filiales basées à l’étranger. Songeons à ce qui arriverait si une entreprise du CAC 40 décidait de délocaliser son siège social et de se faire coter, par exemple, à la bourse de Hong-Kong. Nous devons mesurer un tel risque, et c’est pourquoi il conviendrait que notre commission se saisisse de cette question lors de travaux à venir.

L’amendement CF 9 est retiré.

Puis, la Commission est saisie de l’amendement CF 315 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Amendement de simplification : le renvoi exprès au décret est inutile.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 154) .

Elle en vient ensuite à l’amendement CF 10 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Compte tenu des objections formulées par le rapporteur général, je propose un moyen alternatif de compenser la perte de recettes consécutive à la décision de la CJUE. Il s’agit d’instituer une retenue à la source de 8 % sur les distributions de dividendes de source française pour tous les organismes de placement collectif, qu’ils soient résidents ou non-résidents. Tous seraient ainsi placés sur un pied d’égalité. Cela permettrait de renoncer à la contribution additionnelle de 3 % à l’impôt sur les sociétés, dont j’ai déjà souligné les inconvénients.

M. le rapporteur général. Le Gouvernement a expressément écarté cette option qui remet en cause le principe de transparence fiscale des OPCVM par rapport à l’épargne directe. Les investisseurs seraient taxés deux fois : au moment du versement des dividendes par une société à un OPCVM, et au moment de leur redistribution par ce dernier. Les organismes français seraient ainsi poussés à investir à l’étranger, ce qui n’est pas souhaitable pour notre économie.

Avis défavorable à l’amendement – même si le problème soulevé reste entier.

M. Charles de Courson. Je partage cet avis : l’idée est séduisante, mais elle ne tient pas. Le problème est que la proposition du Gouvernement, pour laquelle l’amendement cherche une solution de substitution, n’est pas non plus satisfaisante. La contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés sur les montants distribués pose d’énormes problèmes, relatifs à la transparence, à la forme de distribution des dividendes ou aux relations au sein d’un groupe.

Mme Sandrine Mazetier. Dans les évaluations préalables qui accompagnent chacun des articles du projet de loi, le problème posé par l’arrêt de la CJUE, les différentes options possibles pour y remédier et les raisons ayant présidé au choix du Gouvernement sont clairement présentés. Ces dernières me semblent répondre aux objections du président de la Commission et de M. de Courson.

M. le président Gilles Carrez. Ce choix résulte avant tout d’un rapport de forces : les OPCVM ont bien défendu leur point de vue. Pour ma part, j’estime qu’une taxe de 8 % n’aurait pas pour effet de les déstabiliser.

Cela étant, je retire l’amendement en vue de le déposer à nouveau en article 88.

M. Olivier Carré. La retenue ne concernerait que les distributions de dividendes, et ne s’appliquerait donc pas aux nombreux OPCVM de capitalisation. On risquerait donc, avec cet amendement, de renforcer certaines stratégies d’optimisation.

Par ailleurs, sans vouloir faire l’apologie des OPCVM français, on ne peut que constater qu’il s’agit d’un des rares secteurs financiers dans lesquels notre pays est plutôt bon, même si sa position est menacée par le Luxembourg. Il existe des risques que des fonds soient transférés vers des destinations où ils deviendraient incontrôlables. Dans ces conditions, il ne serait pas très sain d’infliger au secteur un tel désavantage compétitif.

Cela étant, il est tout aussi évident que l’arrêt de la CJUE sert de prétexte pour l’instauration d’une contribution additionnelle de 3 % sur les entreprises.

L’amendement CF 10 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 316 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Il est vrai que l’article 5 pose certains problèmes. C’est pourquoi je suggère de ne pas appliquer la contribution additionnelle aux montants distribués entre sociétés membres du même groupe au sens de l’article 223 A du code général des impôts, et non de l’article 145 du même code comme le propose le projet, ni aux distributions payées en actions en application de l’article L. 232-18 du code de commerce.

Cet amendement, que le Gouvernement semble prêt à accepter, répond aux objections formulées à juste titre par certains de nos collègues.

M. le président Gilles Carrez. L’amélioration est évidente.

M. Charles de Courson. Il est en effet légitime de prévoir une exonération pour les distributions payées en actions. Cela étant, il existe encore d’autres formes de paiement des dividendes. Il conviendrait de les passer toutes en revue.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 155).

Elle adopte ensuite l’article 5 ainsi modifié.

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Article 6

Doublement du taux de la taxe sur les transactions financières

Texte du projet de loi :

I.– L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du I, les mots : « au 1er janvier de l’année d’imposition » sont remplacés par les mots : « au 1er décembre de l’année précédant celle d’imposition » ;

2° Au V, le taux : « 0,1 % » est remplacé par le taux « 0,2 % ».

II.– 1° Le 1° du I s’applique aux sociétés dont les titres font l’objet de transactions réalisées à compter du 1er janvier 2013 ;

2° Le 2° du I s’applique aux acquisitions réalisées à compter du 1er août 2012.

Observations et décision de la Commission :

Cet article apporte deux modifications à la taxe sur les transactions financières (TTF), qui a été créée par la première loi de finances rectificative pour 2012 et qui doit entrer en vigueur au 1er août 2012 : une modification d’ordre technique concernant l’assiette de la taxe et une modification substantielle concernant son taux.

Compte tenu du doublement du taux proposé par le présent collectif budgétaire, le produit de cette nouvelle taxe devrait passer de 1,1 à 1,6 milliard d'euros en année pleine ; en 2012, elle devrait ainsi rapporter 530 millions d'euros, au lieu de la prévision initiale de 360 millions d'euros, soit une augmentation de 170 millions d'euros qui est prise en compte dans l’article d’équilibre.

I.– LA PREMIÈRE MOUTURE FRANÇAISE D’UNE VÉRITABLE TAXE EUROPÉENNE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

A.– LA LONGUE MARCHE VERS UNE TAXE EUROPÉENNE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

Le Parlement européen a adopté, le 8 mars 2011, une résolution pour inviter la Commission et le Conseil à œuvrer en faveur de l’adoption d’une taxation sur les transactions financières au niveau de l’Union européenne. Concomitamment au Bundestag allemand, l’Assemblée nationale a adopté par 477 voix contre 2, le 14 juin 2011, une résolution relative à l'introduction d'une taxe sur les transactions financières en Europe (TA n° 680). Dans les deux chambres, il s’agissait d’une initiative coordonnée des parlementaires socialistes.

À partir de ces initiatives, la Commission européenne a émis, le 28 septembre 2011, une proposition de directive établissant un système commun de taxe sur les transactions financières dans les 27 États membres de l'Union (COM(2011) 594 final). La taxe proposée serait prélevée sur toutes les transactions sur instruments financiers entre institutions financières lorsqu'au moins une des parties à la transaction est située dans l'Union européenne. L'achat ou la vente d'actions ou d'obligations serait taxé à un taux minimal de 0,1 % et la conclusion de contrats dérivés serait taxée à un taux minimal de 0,01 %. Les recettes s'élèveraient à 57 milliards d'euros par an à l’échelle de l’Union. La Commission propose que cette taxe prenne effet à compter du 1er janvier 2014 et qu’elle se substitue à tout système de taxation équivalent déjà applicable ou qui serait appliqué entre-temps au sein de l’Union. Le Parlement européen a donné un avis favorable à cette proposition de directive le 23 mai 2012.

L’adoption de cette directive par le Conseil de l’Union européenne requiert toutefois l’unanimité des 27 États membres, mais certains pays, notamment le Royaume-Uni mais aussi la Suède, les Pays-Bas ou la République tchèque, ont fait part de leur opposition résolue et réitérée. Cependant, la voie de la coopération renforcée entre au moins neuf États membres est aujourd’hui à portée de la main. Le Conseil des ministres des finances a ainsi constaté, le 22 juin dernier, l’impossibilité d’avancer à l’unanimité sur ce sujet au niveau européen. Le Président de la République a appelé de ces vœux la mise en œuvre de la taxe au moyen d’une coopération renforcée, en s’exprimant en ces termes le 19 juin dernier : « il faut la faire avec quelques pays, et la France et l'Allemagne étant d'accord, nous pourrons la mettre en œuvre assez rapidement ». Le Conseil européen des 28 et 29 juin lui a emboîté le pas, puisque les conclusions de ce sommet des chefs d’État et de gouvernement mentionnent : « Conformément à ce qui a été indiqué lors de la session du Conseil du 22 juin 2012, la proposition relative à une taxe sur les transactions financières ne sera pas adoptée par le Conseil dans un délai raisonnable. Plusieurs États membres demanderont dès lors une coopération renforcée en la matière, l'objectif étant qu'elle soit adoptée d'ici décembre 2012 ».

B.– LA PSEUDO-TAXE FRANÇAISE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

La taxe créée sous le nom de taxe sur les transactions financières par la précédente majorité, en mars dernier, n’est qu’un pâle succédané d’une véritable taxation des transactions financières et d’une réelle mise à contribution du secteur financier à l’effort de redressement de nos finances publiques. Il s’agit souvent, en quelque sorte, d’une renaissance modernisée de l’ancien impôt sur les opérations de bourse (IOB), qui avait été supprimé par la loi de finances pour 2008. La France s’est ainsi seulement dotée de l’équivalent de la Stamp Duty Reserve Tax (SDRT), qui a été instaurée en 1986 au Royaume-Uni pour les achats d’actions cotées de sociétés établies outre-manche ou de sociétés étrangères cotées à la bourse de Londres.

La taxe instaurée par la première loi de finances rectificative pour 2012 est en réalité une triple taxe : une première concerne les acquisitions de titres de capital (codifiée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts) ; une deuxième concerne les opérations dites « à haute fréquence » portant sur les titres de capital (codifiée à l’article 235 ter ZD bis) ; une troisième concerne les contrats d’échange sur défaut (credit default swaps – CDS) d’un État (codifiée à l’article 235 ter ZD ter). Ces deux dernières impositions ne visent toutefois pas à produire une recette fiscale, mais à dissuader les comportements visés en les rendant non-rentables. Seule la taxe sur les achats d’actions françaises est modifiée par le présent article.

Cette taxe s’applique à toute acquisition à titre onéreux d’un titre de capital remplissant de manière cumulative trois conditions :

– l’acquisition donne lieu à un transfert de propriété, c'est-à-dire qu’il en résulte une inscription des actions au compte-titres de l'acquéreur. C’est le règlement-livraison du titre après son acquisition qui détermine le transfert de propriété. Les opérations dites intraday ne sont donc pas concernées par la taxe ;

– l’action est admise aux négociations sur un marché réglementé français, européen ou étranger reconnu. Cependant, tant les achats réalisés sur les marchés organisés que les transactions de gré à gré sont taxés ;

– l’action est émise par une entreprise dont le siège social est en France et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1er janvier de l’année d’imposition. Ce seuil vise à ne taxer que les sociétés françaises du compartiment A d’Euronext, soit environ 150 sociétés relevant pour l’essentiel du CAC 40 et du SBF 80. Les PME et les ETI (48) ne sont donc pas concernées.

Seuls les titres de capital émis par les sociétés par actions cotées (actions et autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote) sont soumis à la taxe. Celle-ci ne s’applique donc ni aux titres de créance (notamment les obligations), ni aux placements collectifs (OPCVM ou fonds de titrisation). Il est prévu par la loi neuf cas d’exonération :

1° les émissions d’actions sur le marché primaire. Selon Euronext, les transactions du marché primaire représentent 10 milliards d'euros par an ;

2° les opérations réalisées par une chambre de compensation ou un dépositaire central. Une chambre de compensation est un établissement de crédit qui assure la surveillance des positions, l'appel des marges et, le cas échéant, la liquidation d'office des positions. Un dépositaire central (central securities depository – CSD) est un organisme (Euroclear en France, Clearstream en Allemagne) où sont comptabilisés les titres détenus, en propre ou au nom de leurs clients, par les intermédiaires financiers. Les opérations sur actions réalisées en propre par ces entités contribuent à la bonne régulation du marché et ne constituent donc pas des opérations financières taxables ;

3° les activités de tenue de marché réalisées par les entreprises d’investissement et les établissements de crédit, y compris à l’étranger, en tant que market maker. Ces activités de tenue de marché contribuent à la liquidité des échanges des investisseurs sur les marchés financiers, notamment par la fourniture d’une cotation en continu, indépendamment de l'état du marché, et par le service d’une quantité minimale de titres sur les prix cotés ;

4° les activités de tenue de marché réalisées pour le compte d’émetteurs en vue de contribuer à la liquidité de leurs actions, selon les pratiques acceptées par l’AMF dans le cadre prévu par les directives européennes sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (2003/6/CE) et sur les pratiques de marché admises (2004/72/CE). Sont concernés les contrats de liquidité sur les actions, qui permettent de fluidifier le cours boursier d'une entreprise ;

5° les acquisitions intragroupe : entre société mère et filiales contrôlées directement ou indirectement au moyen d'une fraction des droits de vote supérieure à 40 % ; entre société mère et sociétés du groupe détenues à plus de 95 % selon le régime d’intégration fiscale ; entre membres d’un groupe bancaire mutualiste ; en cas de fusion entre sociétés absorbée et absorbante ; en cas d’apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité par une société apporteuse qui souscrit un engagement de conservation des titres ; en cas de scission de société comportant au moins deux branches complètes d'activités lorsque les associés de la société scindée souscrivent un engagement de conservation des titres ; en cas de rachat d’une société par ses salariés ;

6° les cessions temporaires de titres, à savoir les prêts ou emprunts d'actions qui ne se traduisent pas par une acquisition définitive. Il s’agit de prêts sécurisés destinés à garantir le refinancement normal de l’économie ;

7° les acquisitions de titres de capital par les fonds communs de placement d'entreprise et par les sociétés d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié, ainsi que les acquisitions de titres de capital de l'entreprise ou d'une entreprise du même groupe directement faites par les salariés à partir d’un plan d'épargne d'entreprise ;

8° les rachats de leurs titres de capital par les sociétés lorsque ces titres sont destinés à être cédés aux adhérents d'un plan d'épargne d'entreprise ;

9° les acquisitions d'obligations échangeables ou convertibles en actions.

Si le redevable final de la taxe est bien l’acquéreur des actions, qui devra débourser un montant plus important pour réaliser sa transaction financière du fait de la répercussion du montant de la taxe payée par son intermédiaire financier, le mode de prélèvement de la taxe repose sur l’établissement financier qui réalise la transaction, qu’il soit ou non situé en France.

La taxe est ainsi due soit par le prestataire de services d'investissement ayant exécuté l’ordre d’achat, soit par l’établissement assurant la fonction de tenue de compte-conservation. Ce prestataire ou cet établissement liquide la taxe due pour chaque transaction le premier jour du mois suivant celui de l’acquisition du titre. Le reversement de la taxe ainsi liquidée au Trésor doit être réalisé avant le 25 de ce mois par le dépositaire central teneur du compte d’émission du titre en cause qui est soumis au contrôle de l’AMF (il s’agit d’Euroclear France). Les sommes sont prélevées par le dépositaire central sur le compte de son adhérent qui effectue ou déclare la livraison du titre au redevable.

Lorsque la livraison du titre n’est pas réalisée par le dépositaire central soumis au contrôle de l’AMF, un de ses adhérents ou un client d’un de ses adhérents, ou si le dépositaire central est établi à l’étranger et n’est donc pas soumis au contrôle de l’AMF, le reversement de la taxe au Trésor public doit être réalisé avant le 25 du mois suivant l’acquisition directement par le prestataire de services d'investissement ayant exécuté l’ordre d’achat ou par l’établissement assurant la fonction de tenue de compte-conservation. Il est toutefois prévu une option, lorsque le dépositaire central est soumis au contrôle de l’AMF : le redevable peut alors choisir de payer la taxe par l’intermédiaire d’un adhérent au dépositaire central.

Pour garantir le paiement de la taxe, dès lors notamment qu’elle peut être due par des intermédiaires financiers non établis en France, la loi prévoit un certain nombre d’obligations déclaratives. Les informations correspondantes sont nécessairement détenues par le prestataire de services d'investissement ayant exécuté l’ordre d’achat. Lorsque l’acquisition a lieu sans l’intervention d’un tel prestataire, ces informations sont détenues par l’acquéreur lui-même, qui doit les communiquer à l’établissement assurant la fonction de tenue de compte-conservation. Le prestataire de services d'investissement ou l’établissement assurant la fonction de tenue de compte-conservation doit fournir ces informations au dépositaire central teneur du compte d’émission du titre acquis, le cas échéant par l’intermédiaire d’un de ses adhérents ou clients, avant le 5 de chaque mois. Le dépositaire central sera l’interlocuteur de l’administration fiscale à laquelle il devra remettre, avant le 25 de chaque mois, une déclaration qui détaille le montant de taxe due par chaque redevable.

Un projet d’instruction fiscale sur le régime de la taxe sur les achats d’actions françaises a été mis en ligne par l’administration le 22 juin 2012, au titre de la consultation du Haut Comité de Place (qui rassemble les associations représentatives de l’ensemble des métiers de la place financière de Paris). Ce projet d’instruction précise :

– le champ de l’application de la taxe, avec notamment une définition des titres de capital assimilés incluant les certificats représentatifs d’actions émises par des entreprises françaises ;

– une définition des acquisitions à titre onéreux excluant l’acquisition de titres en garantie ;

– une définition de la tenue de marché explicitée selon des critères objectifs, les modalités de taxation avec une description précise du mode de calcul de l’assiette de la taxe au niveau de chaque redevable sur la base d’une évaluation de positions nettes acheteuses journalières ;

– et les modalités de déclaration, de paiement, de contrôle et de sanction.

L’instruction définitive doit être publiée avant le 1er août 2012.

II.– LES DEUX MODIFICATIONS PROPOSÉES

A.– UNE PRÉCISION SUR LE CHAMP D’APPLICATION DE LA TAXE

Le champ d’application de la taxe ne concerne que les sociétés françaises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros au 1er janvier de l’année d’imposition. La capitalisation appréciée au 1er janvier vaut pour l’ensemble de l’année : quelle que soit l’évolution – à la hausse ou à la baisse – de sa capitalisation, une société est dans le champ d’application de la taxe pour une année si elle l’est au 1er janvier. À l’initiative de la commission des Finances, il a été prévu qu’un arrêté ministériel récapitule chaque année la liste des sociétés concernées, dans un souci de sécurité juridique vis-à-vis des acteurs des marchés financiers.

La taxe étant due au titre de toute transaction passée dès le 1er janvier, il est toutefois difficile pour le Gouvernement de publier la liste des sociétés concernées dès le 1er janvier, alors que la valeur de capitalisation boursière à prendre en compte est précisément arrêtée au 1er janvier. Pour éviter toute incertitude sur le champ d’application de la taxe, il est donc proposé d’avancer d’un mois la date de référence à prendre en compte pour apprécier la valeur de capitalisation, soit le 1er décembre. L’arrêté ministériel destiné à l’information des marchés pourra donc être publié sans difficulté avant le 1er janvier suivant, ce qui sécurisera les transactions. Cette modification technique s’appliquera pour la taxe due à partir de l’année 2013.

B.– L’AUGMENTATION DU TAUX DE LA TAXE

Le taux de la taxe est aujourd’hui fixé à 0,1 % (soit 1 ‰ ou 10 points de base).

Il s’agit du taux minimal retenu par la proposition de directive européenne pour la taxation d’une transaction financière ne concernant pas des contrats dérivés. Il faut toutefois observer que, pour la future taxe européenne, ce taux doit s’appliquer deux fois, lors de l’achat et lors de la vente, alors que la taxe française ne concerne que l’achat.

Le doublement du taux de la taxe qui est proposé par le présent article, à 0,2 %, aboutit donc à un taux réel identique au taux minimum prévu par la proposition de directive, mais avec une charge financière pesant exclusivement sur l’acheteur (comme pour les droits d’enregistrement), alors qu’elle devrait être répartie à parité entre l’acheteur et le vendeur. En revanche, en cas d’échange de titres, les deux parties acquitteront la taxe au taux de 0,2 % sur le montant de leurs acquisitions respectives.

Ce doublement du taux de la taxe doit s’appliquer dès son entrée en vigueur, le 1er août prochain, c'est-à-dire vraisemblablement après la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi. Il n’y a cependant aucun problème, ni de rétroactivité d’un point de vue juridique, ni de recouvrement d’un point de vue pratique. En effet, il a déjà été prévu à titre transitoire pour 2012, afin de laisser le temps aux opérateurs de marché d’adapter leurs systèmes informatiques, que la taxe due du 1er août au 31 octobre 2012 ne devra être reversée au Trésor que le 30 novembre prochain.

Selon l’évaluation préalable accompagnant le présent article, l’assiette nette de la taxe permettant d’atteindre un rendement de 1,6 milliard d'euros en année pleine serait de 800 milliards d'euros.

L’assiette brute est constituée par le volume des transactions réalisées sur les actions des sociétés françaises relevant du compartiment A d’Euronext (celles entrant dans le champ d’application de la taxe), soit 2 950 milliards d'euros sur les marchés réglementés et de gré à gré ainsi que sur les plates-formes alternatives. Les exonérations prévues par la loi représenteraient 1 660 milliards d'euros et concernent pour l’essentiel en volume les transactions intraday (pour 800 milliards d'euros) et les activités de tenue de marché (pour 450 milliards d'euros).

La perte d’assiette résultant de la création de la taxe, qui induira une réduction du volume des transactions par un effet prix mécanique, est estimée quant à elle à 490 milliards d'euros (avec une hypothèse d’élasticité-prix de – 0,7). Pour l’ensemble des investisseurs, tant institutionnels que particuliers, la taxe avec un taux de 0,2 % représentera une augmentation des coûts de transaction de l’ordre des 2/3. Cette taxation des transactions financières incitera donc les acteurs de marché à renouveler moins fréquemment leurs positions. Le taux de rotation des portefeuilles actions des sociétés de gestion devrait aussi être significativement impacté. Le montant de la taxe sera également capitalisé dans les prix, ce qui devrait conduire à une réduction de la valeur des transactions.

En revanche, les autres effets macroéconomiques de la taxe ne sont pas chiffrés par l’étude d’impact, au motif qu’ils seraient très faibles compte tenu du niveau même retenu pour la taxe, même à taux doublé : il s’agit de l’impact négatif sur les cours des titres taxés ainsi que, par voie de conséquence, sur le coût d’accès au capital des sociétés concernées. Les sociétés dont les titres sont concernés devront promettre un rendement supérieur pour continuer d’attirer les investisseurs. Surtout, il est fait l’hypothèse que la taxe ne provoquera pas de changement structurel des comportements des acteurs de la place.

En 2012, avec une entrée en vigueur le 1er août, la taxe ne produira de rendement budgétaire que pour quatre mois, la taxe afférente au mois de décembre n’étant perçue qu’en janvier 2013. Le doublement du taux sur cette période devrait procurer 170 millions d'euros de recettes fiscales supplémentaires par rapport à ce qui était attendu en février dernier pour les quatre mois d’août à décembre.

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M. Hervé Mariton. Monsieur le rapporteur général, pourriez-vous m’expliquer pourquoi, dans l’étude d’impact, la rubrique « Application éventuelle de la disposition dans les collectivités d’outre-mer » est renseignée par « Oui » ? L’article 235 ter ZD du code général des impôts ne comprenant pas – contrairement à l’article 235 ter ZE – de dispositions relatives à la territorialité, il ne me semble pas que l’application dans les collectivités d’outre-mer soit de plein de droit.

M. le rapporteur général. J’admets ne pas avoir de réponse à votre question, monsieur Mariton. Nous interrogerons le Gouvernement sur ce point.

M. le président Gilles Carrez. Nous en reparlerons lors de l’examen du texte en application de l’article 88 ou en séance publique.

M. Charles de Courson. L’étude d’impact n’examine pas les éventuelles incidences de la mesure sur le comportement des acteurs économiques. Ne risque-t-elle pas de provoquer des délocalisations ?

La Commission adopte l’article 6 sans modification.

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Article 7

Création d’une contribution exceptionnelle due par certains établissements de crédit

Texte du projet de loi :

Il est créé une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZE du code général des impôts due au titre de 2012. Elle est due par les personnes redevables, en 2012, de cette dernière taxe.

Cette taxe additionnelle est égale au montant de la taxe de risque systémique qui était exigible au 30 avril 2012.

Elle est exigible le 30 août 2012.

Elle est acquittée auprès du comptable public compétent au plus tard le 30 septembre 2012.

Les règles prévues aux VI à X de l’article 235 ter ZE précité s’appliquent à cette taxe additionnelle.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à instituer une taxe additionnelle à la taxe de risque systémique due par certains établissements de crédits, créée par l’article 42 de la loi de finances pour 2011 (49).

Cette taxe additionnelle doit permettre de doubler le montant dû par ces établissements au titre de l’année 2012. Son rendement serait donc de 550 millions d'euros.

I.– LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE COMME TRADUCTION DE NOTRE ENGAGEMENT EN FAVEUR D’UN MEILLEUR CONTRÔLE DU SECTEUR BANCAIRE

Créée par l’article 42 de la loi de finances pour 2011, la taxe de risque systémique a pour objet la prévention d’un risque que l’on peut définir comme le « risque de dégradation brutale de la stabilité financière, provoqué par une rupture dans le fonctionnement des services financiers et répercuté sur l’économie réelle (50)».

D’après ce rapport, « la taxe est à la fois un moyen de dissuasion des comportements à risque du secteur financier et de renforcement des capacités discrétionnaires d’intervention publique en cas de crise systémique ». Du point de vue de la théorie économique, elle peut donc être analysée comme une taxe « pigouvienne », du nom de l’économiste britannique Arthur Cecil Pigou, dont l’objet est de pousser les établissements de crédits à internaliser le coût social de leurs activités.

A.– UNE TAXE SPÉCIFIQUE SUR LE SECTEUR BANCAIRE : D’UNE AMBITION POLITIQUE INTERNATIONALE FORTE À SA TRADUCTION JURIDIQUE EUROPÉENNE

L’article 42 de la loi de finances pour 2011 traduit, au niveau national, un engagement conjoint de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, pays dans lesquels une taxation similaire a également été mise en place.

Cet engagement a constitué l’aboutissement de nombreuses réflexions internationales marquées par les préoccupations d’États supportant, à la différence de la France, des coûts considérables en raison d’interventions publiques dans le secteur financier. La taxe a également pour objet de compenser le coût, pour les contribuables, de la résolution des crises bancaires.

1.– L’échec d’une approche internationale dans le cadre du G20

À l’occasion du sommet de Pittsburgh en septembre 2009, les chefs d’État des pays G20 ont évoqué conjointement le principe d’une taxation du secteur financier destinée à couvrir les coûts de l’intervention publique en faveur de ce secteur en demandant au Fonds monétaire international un rapport sur les modalités que pourrait prendre cette taxation.

Un rapport intérimaire (51) a été présenté à l’occasion d’une réunion des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales des pays du G20 en avril 2010. Il distingue deux instruments possibles, une taxe sur les institutions financières (appelée contribution à la stabilité financière) et une taxe sur les activités financières, pouvant être combinées.

Sans exclure l’affectation du produit au budget général, le rapport estime que la taxe sur les institutions financières pourrait avoir vocation à alimenter un fonds destiné au règlement des crises ultérieures. C’est le coût des crises constatées qui détermine la cible de rendement cumulé proposé par le Fonds, soit 2 à 4 % du PIB. Le FMI recommande un champ des redevables très large (toutes les institutions financières). Enfin, il estime que l’assiette la plus pertinente est constituée, d’une part, par le passif des bilans, à l’exception notamment des fonds propres et des engagements réglementés (pour éviter une double imposition s’ajoutant à celle finançant les mécanismes d’assurance), et, d’autre part, par des engagements hors-bilan présentant des risques (engagements en matière de produits dérivés, par exemple).

La taxe sur les activités financières est proposée par le FMI comme une alternative à la taxation des transactions elles-mêmes (sur le modèle du projet dit de taxe Tobin sur les transactions relatives aux devises). Le Fonds relève, en effet, que la taxation des transactions présenterait divers inconvénients dont le principal serait son effet distorsif lié à la taxation en cascade des transactions successives. Il propose donc, en substitution, une taxation de la rémunération et des profits du secteur financier, fonctionnant d’une manière similaire à la taxe sur la valeur ajoutée.

Ces propositions n’ont toutefois pas eu de traduction concrète au niveau international et l’absence de consensus sur le sujet est apparue clairement à l’occasion du sommet du G20 de Toronto, fin juin 2010. Après avoir souligné l’accord général de principe sur la nécessité d’une « contribution juste et substantielle » du secteur financier au coût des interventions publiques éventuelles, la déclaration finale du sommet se borne, en effet, à constater qu’il existe « une panoplie d’instruments à cette fin » et à noter que « certains pays prévoient une taxation financière » et que « d’autres pays ont choisi des approches différentes ».

2.– Une poursuite du projet au niveau européen

Juste avant la réunion du G20 de Toronto, un conseil de l’Union européenne s’est réuni le 17 juin 2010. La position arrêtée par l’Union, telle qu’elle ressort des conclusions de ce Conseil, est la suivante : « L'UE devrait jouer un rôle de premier plan dans les efforts consentis pour définir une stratégie à l'échelle de la planète visant à l'instauration de systèmes de prélèvements et de taxes sur les établissements financiers, en vue de maintenir des conditions égales pour tous au niveau mondial, et elle défendra vigoureusement cette position vis-à-vis de ses partenaires du G20. Il conviendrait de réfléchir à l'introduction d'une taxe mondiale sur les transactions financières et de faire avancer les travaux dans ce domaine. »

Parallèlement, le Conseil est convenu que « les États membres devraient instaurer des systèmes de prélèvements et de taxes sur les établissements financiers afin d'assurer une répartition équitable des charges et d'inciter les parties concernées à contenir les risques systémiques ». Les conclusions du Conseil précisent qu’il est « urgent de poursuivre les travaux sur leurs principales caractéristiques et d'examiner avec attention la question des moyens propres à assurer que les règles du jeu seront les mêmes pour tous ainsi que celle de l'effet cumulatif des différentes mesures de réglementation » et le Conseil européen « invite le Conseil et la Commission à faire progresser ces travaux et à en rendre compte en octobre 2010. »

À la suite de cette réunion et toujours dans la perspective de la réunion du G20, les gouvernements français, britannique et allemand ont rendu publique, le 22 juin, une déclaration commune attestant de leur volonté de mettre en place une taxation assise sur les bilans des banques. Cette déclaration précise que les dispositifs retenus pourraient diverger en fonction des spécificités nationales mais que le niveau de taxation en résultant garantirait des conditions concurrentielles égales (« a level playing field »).

B.– PRÉSENTATION DE LA TAXE BANCAIRE MISE EN œUVRE PAR NOS VOISINS EUROPÉENS

Malgré cette initiative commune, la mise en œuvre concrète de la taxe sur le secteur bancaire n’a pas fait l’objet d’une coordination communautaire. Ce manque de coordination, que l’on peut certainement regretter au plan des principes, résulte d’abord de l’unanimité requise en matière fiscale : celle-ci est en pratique, difficile à obtenir à 27 États membres sur un sujet politiquement aussi sensible.

En outre, la mise en œuvre de cette initiative au niveau national a également permis de mieux prendre en compte les spécificités des États concernés ; en réponse à une consultation de la Commission européenne sur le projet de taxation du secteur financier, les autorités françaises ont ainsi indiqué que « les secteurs financiers diffèrent selon les pays et ont été diversement affectés par la crise (…). L’absence de coordination dans ce domaine ne soulève pas de difficulté majeure et spécifique au secteur financier liée à l’éventuelle relocalisation des activités. Ainsi, il ne serait ni efficace ni souhaitable de mettre en place une taxation harmonisée des institutions financières au niveau européen. Une bonne coordination s’avère néanmoins utile pour éviter les risques de double taxation mais cet objectif ne suppose pas une totale harmonisation des dispositifs fiscaux de tous les États membres » (52).

De fait, une taxe bancaire, dont le principe est le même, a été mise en place dans plusieurs pays européens.

1.– La « bank levy » britannique

Le ministre britannique des finances a annoncé, en juin 2010, l’introduction d’une taxe sur les banques (« bank levy ») à compter du 1er janvier 2011, destinée à encourager celles-ci à adopter des comportements moins risqués afin de réduire le risque systémique.

Le Gouvernement britannique a ensuite rendu public, le 13 juillet 2010, un document d’orientation générale soumis à la consultation de la place jusqu’au 5 octobre 2010.

La « bank levy » a finalement été introduite dans la loi de finances britannique pour 2011, avec les caractéristiques suivantes :

● la taxe ne pèse que sur les grands établissements bancaires et les sociétés de crédit immobilier dont le total de bilan excède 20 milliards de livres, soit une trentaine d’établissements seulement en 2011 ;

● la taxe est assise sur le passif des banques, à l’exclusion :

– des fonds propres de base dits « Tier 1 », afin de ne pas décourager leur développement (53) ;

– des dépôts en comptes courants compte tenu, d’une part, de leur stabilité et, d’autre part, du fait que les banques financent la garantie des dépôts ;

– des financements garantis par une dette souveraine, compte tenu du faible niveau de risque associé ;

– des engagements réglementés d’assurance dont la protection est garantie. Les provisions liées aux polices d’assurances (relevant des activités d’assurance de détail des groupes bancaires) sont donc exclues de l’assiette de la taxe.

Le taux de la taxe a été fixé initialement à 0,07 % (sur la base duquel le produit cible a été calculé) en prévoyant toutefois, d’une part, un taux réduit en 2011 (0,04 %) et, d’autre part, un taux minoré (égal à la moitié du taux normal, soit 0,02 % puis 0,035 %) au titre des postes de passif correspondant à des financements longs (plus d’un an).

Le taux normal a ensuite été porté à 0,088 % au 1er janvier 2012 et passera à 0,105 % à compter du 1er janvier 2013 pour compenser la baisse de l’impôt sur les sociétés de deux points à 24 % à compter du 1er avril 2012 ; cette augmentation permet donc d’éviter que le secteur bancaire ne bénéficie de la baisse de l’impôt sur les sociétés. De manière plus générale, la « bank levy » n’est pas déductible de l’impôt sur les sociétés.

Le produit de cette taxe a été, en 2011, de 2,5 milliards de livres soit 2,9 milliards d’euros ; il s’agit donc d’un produit considérable par rapport à celui de la taxe sur les risques systémiques actuellement en vigueur en France.

2.– La « Bankenabgade » applicable en Allemagne

L'Allemagne a adopté, le 9 décembre 2010, une loi destinée à mettre en place un fonds de restructuration des instituts de crédits dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2011. Outre de nombreuses mesures de prévention des risques, ce projet comprend l’instauration d’un fonds de secours financé par une contribution des banques, la « Bankenabgabe » (54).

Cette contribution est due par les seules banques, c’est-à-dire par les entreprises autorisées à exercer des activités bancaires réglementées, à l’exclusion des autres entreprises d’investissement et des assureurs.

L’assiette comprend deux éléments :

– le premier est le total du bilan minoré, d’une part, des capitaux propres (retenus dans un périmètre plus étendu que les Britanniques, incluant les capitaux dits Tier 1 et une part du Tier 2 (55)) et, d’autre part, des engagements auprès des clients (c'est-à-dire les dépôts dans la mesure où ils sont déjà taxés au bénéfice d’un fonds de protection des dépôts).

Cette première partie de l’assiette est taxée à un taux progressif (0,02 % jusqu’à 10 milliards d’euros, 0,03 % pour la fraction comprise entre 10 et 100 milliards d’euros et 0,04 % pour la fraction excédant 100 milliards d’euros). Il convient de noter qu’il est envisagé de prélever la contribution sur une base sociale (sans consolidation des groupes) ;

– le second élément de l’assiette est la valeur nominale des engagements hors bilan en matière de dérivés en fin d’exercice, taxée au taux de 0,00015 %.

Le montant de la contribution est plafonné à 15 % du résultat annuel.

Le produit des contributions est affecté à un fonds de secours, qui pourra prélever, en cas de besoin, des contributions exceptionnelles. Ces contributions exceptionnelles seront déductibles, ce qui ne sera pas le cas des contributions annuelles ordinaires.

Le produit de cette taxe a été de 1,3 milliard d'euros en 2011 hors impact du plafonnement. Une fois pris en compte l’impact du plafonnement, le produit de la taxe est de 590 millions d'euros, comme l’indique l’évaluation préalable du présent article. Il n’est pas prévu de montée en charge du dispositif de sorte que ce produit devrait être stable dans les années à venir.

3.– La taxe de stabilité suédoise

La taxe bancaire suédoise, dite « taxe de stabilité », a été mise en place en 2009, c'est-à-dire avant la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ; elle est prélevée au taux de 0,036 % sur une assiette liée au passif des établissements bancaires corrigé selon des modalités similaires à celles envisagées par les Britanniques (notamment par l’exclusion des fonds propres). Elle a été prélevée pour la première fois en 2009, à un taux réduit de moitié, qui a ensuite également été appliqué en 2010. Le taux plein est donc applicable depuis 2011.

Son produit est affecté à un fonds de stabilité financière, qui bénéficie d’une garantie illimitée de l’État et a vocation à fusionner avec le fonds de garantie des dépôts. La taxe a vocation à financer un abondement du fonds à hauteur de 2,5 % du PIB en 15 ans.

II.– LE RÉGIME ACTUEL DE LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE

Codifiée à l'article 235 ter ZE du CGI (code général des impôts), la taxe de risque systémique a été initialement élaborée à partir de la contribution pour frais de contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) prévue par l’article 6 de la loi de finances pour 2010, codifié à l’article L. 612-20 du code monétaire et financier. Outre le taux, la principale différence entre la taxe de risque systémique et la contribution pour frais de contrôle concerne le champ des redevables : alors que la contribution est due par toutes les entreprises soumises au contrôle de l’ACP, y compris les entreprises d’assurance et ce, quelle que soit leur taille, la taxe n'est due que par les grands établissements de crédit.

A.– LES REDEVABLES : TOUTES LES ENTREPRISES À L’ORIGINE DU RISQUE SYSTÉMIQUE NE SONT PAS CONCERNÉES

Les redevables de la taxe sont les entreprises relevant de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel dans le secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement, soumises à des exigences minimales en fonds propres supérieures à 500 millions d’euros.

1.– Un premier critère tenant à l'activité de l'établissement financier

L’article 235 ter ZE du CGI pose le principe de la soumission à la taxe de toutes les personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel dans le secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement pour le respect des ratios de couverture ou de leur niveau de fonds propres.

a) Les catégories d'établissements redevables

Il existe trois catégories juridiques de redevables :

– les établissements de crédit qui sont tenus de respecter des ratios de couverture de leurs risques en application de l’article L. 511-41 du code monétaire et financier ;

– les établissements de paiement qui sont tenus de respecter un niveau de fonds propre adéquat en application de l’article L. 522-14 du même code ;

– les prestataires de service d’investissement qui sont tenus de respecter des ratios de couverture de leurs risques en application de l’article L. 533-2 du même code.

La catégorie des établissements de crédit rassemblait, au 1er janvier 2012, 589 entreprises agréées en France dont :

– 309 établissements de crédit « généralistes » (habilités à traiter toutes les opérations de banque) qui sont des banques, des banques mutualistes ou coopératives et des caisses de crédit municipal ;

– 277 sociétés financières qui sont notamment des sociétés de crédit-bail, d’affacturage, de caution mutuelle ou de crédit (y compris crédit immobilier et crédits à la consommation), souvent filiales de banques ;

– 3 institutions spécialisées (Agence française de développement, Caisse de garantie du logement locatif social et Euronext). L'Agence française de développement est toutefois nommément exclue du champ des redevables.

Les prestataires de service d’investissement sont les entreprises, autres que les établissements de crédit, fournissant des services d’investissement (réception, transmission et exécution d’ordres sur des instruments financiers ; négociation pour compte propre ou gestion de portefeuille pour compte de tiers ; conseil en investissement ; placement d’instruments financiers ; gestion d’un système multilatéral de négociation). Au 1er janvier 2012, cette catégorie comptait 358 établissements.

La catégorie des établissements de paiement, issue de la directive n° 2007/64/CE du 13 novembre 2007 concernant les services de paiement dans le marché intérieur, correspond à des entreprises autres que des établissements de crédit fournissant des services de paiement à titre de profession habituelle.

Ces services comprennent la gestion de comptes de paiement (retrait et versement d’espèces), l’exécution d’ordres de paiement et la transmission de fonds, c’est-à-dire les opérations classiques réalisées à partir des comptes courants mais à l’exclusion de toutes les opérations de prêt. En pratique, il s’agit de prestataires intervenant pour des transferts de fonds internationaux et pour des paiements de biens et de services dans le cadre de transactions sur Internet. Au 1er janvier 2012, douze établissements de ce type étaient agréés en France.

b) Les établissements non redevables

– La rédaction retenue, qui renvoie au champ de compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel, exclut du champ des redevables les sociétés de gestion de portefeuille (SGP), c’est-à-dire les entreprises d'investissement qui exercent à titre principal l'activité de gestion pour compte de tiers ou qui gèrent un ou plusieurs organismes de placement collectifs, ces sociétés étant agréées par l’Autorité des marchés financiers. En revanche, les prestataires de services d'investissement exerçant à titre accessoire l'activité de gestion pour compte de tiers, qui sont agréés par l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP), font partie des redevables.

S'agissant de ces SGP, le rapport de M. Jean-François Lepetit précité indique en effet qu’« une partie importante des fonds d’investissement, fonctionnant sans recours à l’effet levier, apparaît faiblement porteuse de risque systémique », tout en notant qu’il est « difficile de contester que les hedge funds, dans leur ensemble, peuvent avoir un impact significatif sur la dynamique des marchés ».

Une extension du champ des redevables pourrait donc être envisagée au plan des principes pour améliorer la maîtrise du risque systémique liée aux SGP. Toutefois, une telle extension supposerait l'élaboration d'une nouvelle assiette, qui est actuellement essentiellement conçue pour les établissements de crédits et mal adaptée à la taxation de sociétés de gestion de portefeuille (voir infra).

– Par ailleurs, les entreprises d’assurance ne font pas partie des redevables de la taxe. Le rapport précité de M. Jean-François Lepetit sur le risque systémique conforte ce choix, en estimant que « les caractéristiques des activités d’assurance ne permettent pas de les qualifier de systémiques » et en relevant que « contrairement aux banques, la défaillance d’une entreprise d’assurance est moins susceptible de provoquer la défaillance d’une autre entreprise d’assurance. Le risque de contagion ne peut donc se faire que par des liens indirects, par exemple, si la faillite d’un assureur entache la réputation de l’ensemble du secteur ou si un réassureur fait défaut ».

– S’agissant des entreprises de droit étranger qui exercent leur activité en France, soit par l’intermédiaire de succursales (dépourvues de personnalité juridique) soit en libre prestation de service, l’article 235 ter ZE précité prévoit leur exclusion du champ des redevables si leur siège social est situé dans un autre État partie à l’accord sur l’espace économique européen.

A contrario, les succursales d’entreprises ayant leur siège dans un pays tiers sont dans le champ des redevables.

2.– Un second critère tenant à la taille de l'entreprise redevable

Sont exclues du champ des redevables les entreprises dont les exigences minimales en fonds propres définies au cours de l’exercice clos l’année civile précédente sont inférieures à 500 millions d’euros.

L’évaluation préalable de l'article 42 de la loi de finances pour 2011 précisait que le « seuil d’exemption proposé devrait conduire à l’assujettissement des 19 plus gros établissements de crédits situés en France, qui représentent 96 % des exigences en fonds propres du secteur ».

D’après le Gouvernement, le nombre de redevables de cette taxe en 2012 s’est élevé à 16.

B.– L’ASSIETTE DE LA TAXE

L'assiette de la taxe de risque systémique correspond aux exigences minimales en fonds propres prévues par la réglementation prudentielle, qui s’appliquent au cours de l’exercice clos l’année civile précédente.

Ces exigences minimales en fonds propres font l’objet d’une normalisation internationale dans le cadre du comité de Bâle sur la supervision bancaire, appliquée dans le cadre communautaire par les directives sur les exigences de fonds propres pour les établissements de crédit et les entreprises d’investissement, lesquelles sont transposées en droit français, principalement sur le fondement législatif de l’article L. 511-41 du code monétaire et financier, par l’arrêté du 20 février 2007 (modifié à plusieurs reprises) relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.

En application de cet arrêté, les établissements assujettis sont tenus de respecter en permanence un ratio de solvabilité au moins égal à 8 % entre leurs fonds propres globaux (déterminés conformément au règlement n° 90-02 du Comité de la réglementation bancaire et financière du 23 février 1990 relatif aux fonds propres) et la somme :

– du montant des expositions pondérées au titre du risque de crédit et de dilution ;

– du montant des expositions au risque de marché et au risque opérationnel.

Ce montant est calculé selon des règles différentes pour chacune des trois catégories de risques.

1.– Les méthodes de pondération du risque

a) Le risque de crédit et de dilution

Le premier facteur de risque des établissements de crédit est le risque de défaut de leurs débiteurs, dévalorisant ainsi les créances totalement ou partiellement (le risque de dilution étant le risque que le montant d’une créance se trouve réduit par l’octroi de toute forme de remise ou d’annulation concédée au débiteur).

Ce risque correspond à la somme des créances détenues, pondérées en fonction du risque présenté par la contrepartie. Il est calculé en utilisant soit une approche dite standard, soit des approches reposant sur les notations internes.

Dans l’approche standard, le risque est évalué en affectant les montants exposés par type de contrepartie et en prenant en compte la qualité de la contrepartie.

L’utilisation d’approches reposant sur les notations internes est subordonnée à l’autorisation de l’ACP. Dans ces approches, le risque est évalué de manière plus fine sur la base des estimations des probabilités de défaut et des valeurs des pertes en cas de défaut. Ce sont, en pratique, ces notations internes qui sont utilisées pour le calcul des risques des grandes banques. Ce sont donc elles qui serviront, pour l’essentiel, à la détermination de l’assiette de la taxe.

b) Le risque de marché

Le risque de marché correspond au risque de pertes sur des instruments financiers, sur des matières premières ou sur des devises.

Dans la méthode standard, ce risque est évalué à partir des positions de l’établissement sur chaque catégorie d’instruments, auxquelles est ensuite appliqué un coefficient de pondération fonction de la stabilité des cours qui est, par exemple, de 1,6 % pour les positions sur l’euro, de 8 % pour les positions sur l’or et de 15 % (ce qui est le maximum) pour les positions sur les matières premières.

Dans la méthode avancée, ce risque est appréhendé sur la base d’une estimation de la perte potentielle maximale consécutive à une évolution défavorable des prix de marché, dite « Value at risk » (VaR).

La méthode de la « value at risk »

La VaR a été utilisée pour la première fois dans les années 1980 par la Bankers Trust sur les marchés américains ; elle a ensuite été démocratisée par la banque JP Morgan dans les années 1990 afin de gérer l’accroissement de la volatilité des marchés financiers et le développement des produits dérivés et anticiper certaines faillites ou krach boursiers constatés à cette période. Il faudra attendre les accords de Bâle de 1995 pour que cet outil soit intégré dans une logique prudentielle.

La VaR est la perte potentielle maximale d’un investisseur sur la valeur d’un actif ou d’un portefeuille d’actifs financiers qui peut être atteinte avec une probabilité donnée à un horizon de temps donné.

Elle dépend donc :

– de la distribution des pertes et des profits du portefeuille valable pour une certaine durée de détention ;

– d’un niveau de confiance compris entre 0 (probabilité d’occurrence nulle) et 1 (probabilité d’occurrence certaine) ;

– d’une période de détention d’actifs.

Ainsi, si la VaR à 10 jours s’établit à 5 millions d’euros dans un intervalle de confiance de 99 %, cela signifie que l’établissement a 99 chances sur 100 de perdre au plus 5 millions d’euros dans un délai de 10 jours.

La VaR peut être calculée de façon globale pour un établissement ou par catégorie de risque pour chaque établissement. Ces différentes VaR sont autant de mesures des prises de risques globaux et sectoriels des acteurs financiers sur les activités de marché.

Les superviseurs bancaires calculent les exigences de fonds propres au titre des risques de marché pour les banques sur la base d’une VaR à 10 jours calculée selon leur modèle interne. Au sens de la réglementation prudentielle, les exigences prudentielles de marché sont égales à la VaR multipliée par un coefficient multiplicateur fixé par le superviseur (de 1 à 6) selon la robustesse du modèle interne. Ces exigences prudentielles de marché sont ensuite multipliées par un coefficient forfaitaire de 12,5 afin d’obtenir un équivalent risques pondérés de marché. La banque doit alors couvrir à hauteur de 4 % ces risques pondérés par des fonds propres de type « Tier one ».

c) Le risque opérationnel

Le risque opérationnel est le risque de perte liée à des processus (risques juridiques par exemple), des personnes (fraude), des événements externes (catastrophe naturelle) ou des systèmes (défaillance informatique).

Le risque opérationnel représente aujourd’hui un enjeu majeur. En effet à l’heure où les ordres sont entièrement dématérialisés, des données détruites par mégarde ou malveillance peuvent avoir des conséquences bien plus lourdes que la défaillance de certaines contreparties.

La réglementation prévoit que le risque opérationnel peut être évalué en appliquant un ratio forfaitaire sur les revenus moyens de l’établissement (15 % de la moyenne sur trois ans d’un indicateur de référence proche du revenu d’exploitation) ou de chaque métier de l’établissement (un indicateur de référence est alors établi pour chaque métier et il lui est appliqué un ratio variable selon le métier, par exemple 12 % pour la banque de détail et 18 % pour le financement des entreprises).

Alternativement, le risque peut, après autorisation de l’ACP, être mesuré selon une méthode dite avancée reposant sur une perte potentielle maximale, comparable à celle employée s’agissant du risque de marché, et devant tenir compte de l’éventualité d’événements extrêmes, de manière à obtenir une fiabilité comparable à un intervalle de confiance de 99,9 % sur une période d’un an.

2.– Le calcul de l’assiette des groupes

L’article 42 de la loi de finances pour 2011 prévoyait l’appréciation de l’assiette sur une base consolidée pour :

– les établissements de crédit qui ont pour filiale au moins un autre établissement de crédit, une entreprise d'investissement ou un établissement financier ou qui détiennent une participation dans un tel établissement ou entreprise ;

– les entreprises d'investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, qui ont pour filiale au moins un autre établissement de crédit, une entreprise d'investissement ou un établissement financier ou qui détiennent une participation dans un tel établissement ou entreprise ;

– les compagnies financières et les compagnies financières holding mixtes contrôlant des établissements de crédit ou des entreprises d’investissement.

Dans ces cas, la contribution sera versée sur la base consolidée par la société mère, les autres sociétés du groupe n’acquittant pas de contribution en fonction de leur propre obligation de constituer des fonds propres.

C.– UN CRÉDIT D’IMPÔT NEUTRALISANT LA DOUBLE IMPOSITION

Dans la mesure où l’assiette de la taxe de risque systémique peut être appréciée sur une base consolidée pour les entreprises mères de groupes, elle frappera des risques afférents à des activités réalisées à l’étranger, qui peuvent elles-mêmes être soumises à une taxe systémique.

L’article 235 ter ZE prévoit donc un crédit d’impôt, similaire aux crédits d’impôts prévus traditionnellement par les conventions fiscales, afin de neutraliser cette double imposition.

Ce crédit d’impôt est accordé à raison du montant payé à l’étranger au titre d’une « taxe poursuivant un objectif de réduction des risques bancaires équivalent à celui de la taxe de risque systémique » et sous réserve de réciprocité. En pratique, et en l’absence d’une définition plus précise des éventuelles taxes étrangères concernées, c’est un arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget qui déterminera la liste des États et taxes pour lesquels le crédit d’impôt sera applicable.

Le montant de ce crédit d’impôt est « égal, dans la limite du montant de taxe de risque systémique dû par la personne assujettie, à la fraction de cette autre taxe que l’entreprise mère ou le siège acquitte au titre de la même année à raison de l’existence de cette personne assujettie. »

Le crédit d’impôt est donc accordé aux filiales françaises de groupes dont le siège est à l’étranger et qui acquittent à l’étranger une taxe assimilable à la taxe de risque systémique.

III.– UNE TAXE DONT LE PRODUIT TOTAL EST INSUFFISANT EU ÉGARD AUX RISQUES QU'ELLE ENTEND PRÉVENIR

A.– LE PRODUIT DE LA TAXE DE RISQUE SYSTÉMIQUE EST INFÉRIEUR À CELUI DE NOS VOISINS EUROPÉENS

1.– Un produit inférieur à celui perçu en Allemagne et au Royaume-Uni, surtout si l'on prend en compte l'impact sur le produit de l'impôt sur les sociétés

Le produit global pour l’année 2011 de la taxe de risque systémique, qui s’établit à 494,6 millions d'euros, est en retrait par rapport à celui de la taxe bancaire mise en œuvre au Royaume-Uni (2,9 milliards d'euros) et en Allemagne (590 millions d’euros).

Ce produit global est également en retrait par rapport à l’évaluation préalable de l'article du projet de loi finances pour 2011 tel que soumis à l’examen du Parlement à la fin de l’année 2010 ; le produit de la taxe devait en effet s’élever à 504 millions d'euros en 2011, à 555 millions d'euros en 2012 et à 809 millions d'euros en 2013.

En outre, cette évaluation ne constituait qu'un produit brut ; elle était donc biaisée dès l’origine dans la mesure où elle n’intégrait pas son impact sur le produit de l’impôt sur les sociétés ; or, le produit de la taxe de risque systémique est déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Cette faiblesse de l’évaluation initiale a d’ailleurs été soulignée par le précédent Rapporteur général, lequel semblait regretter par ailleurs que « le Gouvernement n’ait pas été en mesure d’apporter le moindre élément d’information complémentaire » sur ce sujet (56).

Ce problème a fait l’objet d’amendements à la fois du groupe Socialiste, radical et citoyen et du groupe Nouveau centre, tendant à rendre cette taxe non déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Ces amendements ont été rejetés au motif que le taux de l’IS est, en France, notablement supérieur à celui applicable en Allemagne et au Royaume-Uni ; la non déductibilité aurait donc conduit à faire supporter, en France, une charge fiscale excessive sur les entreprises financières qui n’ont pas ailleurs que très peu bénéficié de la réforme de la taxe professionnelle.

D’après le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2012, cette incidence de la taxe de risque systémique sur le produit de l'impôt sur les sociétés a été chiffrée à 126 millions d’euros par an. On peut donc en toute rigueur considérer que le produit net de la taxe de risque systémique s'établit davantage, pour l'année 2011, autour de 370 millions d'euros, même si la méthode selon laquelle ce chiffre de 126 millions d'euros figurant dans ce fascicule mériterait d'être analysée en détail.

2.– La faiblesse de ce produit provient davantage de la spécificité de l'assiette française que du taux retenu en 2010

L'article 42 de la loi de finances pour 2011 a fixé le taux de la taxe de risque systémique à 0,25 % ; ce taux est donc à la fois supérieur à celui retenu par le Royaume-Uni (0,088 % en 2012 et 0,105 % en 2013) et par l'Allemagne (de 0,02 % à 0,04 % par tranches).

La relative faiblesse du produit de la taxe systémique provient donc bien de la spécificité de l'assiette française par rapport à celle de nos voisins européens, qui ont assis leur taxe bancaire sur une partie du passif des banques.

Encore faut-il noter que l'assiette française a nécessairement évolué de manière plus dynamique que celle de nos voisins du fait de l'entrée en vigueur progressive des mesures de renforcement des ratios prudentiels prévus par les accords dits de Bâle 2,5 et de Bâle III.

En effet, devant l'ampleur des pertes subies par plusieurs banques internationales entre 2007 et 2009, mettant ainsi en évidence l’insuffisante prudence de certains opérateurs dans la gestion de leur portefeuille, le Comité de Bâle a réagi en imposant dès le mois de juillet 2009 un ensemble de révisions visant à redresser les faiblesses particulières du dispositif de couverture du risque de marché tel que prévu dans le cadre de Bâle II.

En application de ces révisions, qui sont entrées en vigueur le 31 décembre 2011, les exigences de fonds propres relatives au portefeuille de négociation comportent désormais trois volets :

– une exigence établie en fonction de la VaR, calculée avec un intervalle de confiance de 99 % à un horizon de 10 jours et incluant désormais une période d'observation rétrospective d'au moins un an ;

– une exigence fondée sur une mesure de la VaR en période de tensions ; le calcul est alors similaire à celui exposé ci-dessus mais il est pondéré en fonction de l'observation d'une période de douze mois de fortes turbulences financières ;

– une exigence de fonds propres supplémentaire basée sur la valeur exposée au risque de crédit et destinée à couvrir les pertes subies sur des produits de crédit en cas de changement de notation ou de défaut. Le calcul porte alors sur un horizon de douze mois avec un intervalle de confiance de 99,9 %.

Les spécialistes estiment que ces mesures ont conduit globalement à tripler le montant des fonds propres (57). Ce renforcement des exigences du Comité de Bâle entraînera donc automatiquement une augmentation du produit de la taxe liée à l'extension de l'assiette.

Dans un futur proche, cette assiette sera amenée à s'accroître encore du fait de l'entrée en vigueur progressive des nouvelles normes de Bâle III.

Les mesures de Bâle III, arrêtées le 16 décembre 2010, poussent en effet encore plus loin cette exigence de fonds propres :

– le niveau minimal de fonds propres constitué par des actions ordinaires, qui constitue l'élément le plus solide des fonds propres, sera relevé de 2 % à 4,5 % ; ce relèvement sera progressif jusqu'au 1er janvier 2015 ;

– les exigences en fonds propres de base « Tier 1 », constitué d'actions ordinaires et d'autres instruments financiers éligibles sur la base de critères rigoureux, seront portées de 4 % à 6 % sur la même période ;

– l'exigence totale de fonds propre sera donc portée, à la même échéance, à 10,5 %.

B.– LE CHOIX RETENU PAR LE PRÉSENT ARTICLE : UNE TAXE ADDITIONNELLE AU TITRE DE LA SEULE ANNÉE 2012

1.– Un doublement du montant dû au titre de l'année 2012

Le présent article prévoit un doublement du montant exigible au titre de l'année 2012. Ce doublement du montant de la taxe prend la forme d'une taxe additionnelle à la taxe de risque systémique, égale au montant de cette taxe exigible au 30 avril 2012.

Cette taxe additionnelle sera elle-même exigible au 30 août 2012 ; elle devra par ailleurs être acquittée au plus tard le 30 septembre 2012.

2.– Le produit attendu

D'après l'évaluation préalable du présent article, le produit supplémentaire attendu serait de 550 millions d'euros pour l'année 2012.

Cette évaluation préalable ne permet cependant pas de savoir si ce chiffre prend en compte l’effet de cette taxe exceptionnelle sur le produit de l’impôt sur les sociétés. En l’absence de toute précision dans le présent article, cette taxe est en effet elle aussi déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés, sans être toutefois imputable sur le montant de cet impôt.

3.– Le régime de la taxe de risque systémique s’applique à la présente taxe additionnelle

Le présent article précise que le régime applicable à la taxe de risque systémique s’applique également à la présente taxe additionnelle :

– le prélèvement sera consolidé au niveau des groupes selon la même méthode que pour la taxe de risque systémique ;

– les entreprises pourront également bénéficier d’un crédit d’impôt en cas de double imposition, selon les modalités exposées ci-dessus ;

– à défaut de paiement de la taxe dans un délai de 30 jours suivant la date limite de paiement, le comptable public émet un titre exécutoire ; elle est ensuite recouvrée selon les mêmes modalités que les taxes sur le chiffre d’affaires.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 327 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à doubler le taux de la taxe de risque systémique à compter du 1er janvier 2013.

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit d’une mesure en continuité avec l’action du précédent gouvernement, puisque la taxe de risque systémique avait été créée par la loi de finances pour 2011.

M. Olivier Carré. Cette mesure prend toutefois le contre-pied de la recommandation faite aux banques de constituer des réserves !

M. le président Gilles Carrez. Peut-être, mais elle a l’avantage de porter sur une taxe dont le rendement est plus prévisible que celui de la taxe sur les transactions financières.

M. Charles de Courson. Serait-il envisageable de suivre l’exemple de certains pays tels que les États-Unis et de verser le produit de cette taxe à un fonds de garantie, ce qui permettrait de ne pas faire appel aux fonds publics en cas de sinistre ?

M. le rapporteur général. Tous les pays n’ont pas fait les mêmes choix, mais, pour ce qui nous concerne, il a été décidé que, compte tenu de la situation des finances publiques, cette somme serait reversée au budget général.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 156).

Puis elle adopte l’article 7 ainsi modifié.

*

* *

Article 8

Contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers

Texte du projet de loi :

I.– Il est institué une contribution exceptionnelle due par toute personne, à l’exception de l’État, propriétaire au 4 juillet 2012 de volumes de produits pétroliers mentionnés au tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes, placés sous l’un des régimes prévus aux articles 158 A et 165 du même code et situés sur le territoire de la France métropolitaine.

II.– La contribution est assise, pour chacun des produits pétroliers mentionnés au I, sur la valeur de la moyenne des volumes dont les redevables sont propriétaires au dernier jour de chacun des trois derniers mois de l’année 2011.

L’assiette est calculée à partir du montant fixé conformément au 1° du 2 de l’article 298 du code général des impôts pour le dernier quadrimestre de l’année 2011.

Toutefois, en ce qui concerne les gaz de pétrole et autres hydrocarbures gazeux mentionnés aux codes 27-11-14, 27-11-19 et 27-11-29 de la nomenclature combinée, et qui ne sont pas destinés à être utilisés comme carburants, l’assiette est calculée à partir du prix de revient de ces produits au 31 décembre 2011.

III.– Le taux de la contribution est fixé à 4 %.

IV.– La contribution est exigible le 1er octobre 2012.

V.– La contribution est liquidée, déclarée et acquittée sur une déclaration conforme au modèle établi par l’administration, déposée au plus tard le 15 décembre 2012.

VI.– La contribution est contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties, privilèges et sanctions prévues à l’article 267 du code des douanes. Les infractions sont recherchées, constatées et réprimées, les poursuites sont effectuées et les instances sont instruites et jugées comme en matière de douanes par les tribunaux compétents en cette matière.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article prévoit une contribution exceptionnelle due au titre de l’année 2012 par les entreprises détentrices de volumes de produits pétroliers placés sous un régime suspensif fiscal situés sur le territoire de la France métropolitaine.

Cette contribution est assise sur la valeur des produits pétroliers utilisée pour asseoir la TVA applicable à ces produits lorsqu’ils sortent des régimes suspensifs sous lesquels ils sont placés.

La contribution sera acquittée par les redevables au plus tard le 15 décembre 2012.

D’un montant prévisionnel de 550 millions d’euros, cette taxe vise à faire contribuer les entreprises du secteur pétrolier à l’effort de redressement des finances publiques.

I.– LE DROIT EXISTANT : LES CONTRIBUTIONS EXCEPTIONNELLES DU SECTEUR PÉTROLIER

Sous la précédente législature, le secteur pétrolier a fait l’objet de trois contributions exceptionnelles en 2007, 2008 et 2010 permettant de financer certaines décisions politiques de la précédente majorité. De telles contributions avaient également été votées en 2001 et 2002.

Ces contributions exceptionnelles présentaient la caractéristique commune d’être assises sur la provision pour hausse des prix dont bénéficient les entreprises de ce secteur.

LES CONTRIBUTIONS EXCEPTIONNELLES VOTÉES EN 2001 ET 2002

L'article 11 de la loi de finances initiale pour 2001 a institué une taxe due par les entreprises dont l'objet principal était d'effectuer la première transformation (c'est-à-dire le raffinage) du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation. Cette taxe était assise sur la fraction excédant 15,244 millions d'euros du montant de la provision pour hausse des prix inscrite au bilan à la clôture du premier exercice clos à compter du 20 septembre 2000 ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant correspondant était supérieur. Cette franchise permettait d’exonérer cinq des six entreprises qui n'effectuaient que la distribution de produits pétroliers et assujettissait les six raffineurs-distributeurs, pour un rendement de 751 millions d'euros. Cette taxe exceptionnelle était ensuite imputable sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle était assise était réintégrée afin de limiter le risque de double imposition, sans pour autant être remboursable en cas d’exercice déficitaire.

L'article 25 de la loi de finances initiale pour 2002 a par ailleurs institué une taxe complémentaire égale à 8,33 % de l'assiette de la taxe exceptionnelle prévue par l’article 11 de la loi de finances initiale pour 2001 mentionné ci-dessus, rapportant à l’État 193 millions d’euros. La taxe complémentaire était cette fois imputable sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice suivant celui au cours duquel la provision sur laquelle elle était assise était réintégrée.

A.– DEUX CONTRIBUTIONS EXCEPTIONNELLES DE 2007 ET 2008 POUR FINANCER LA REVALORISATION DE LA PRIME À LA CUVE

1.– La contribution exceptionnelle votée en 2007

Résultant d’un amendement de M. Frédéric Lefebvre présenté à l’Assemblée nationale devenu, ensuite, l’article 67 de la loi n° 2007-1824 du 25 décembre 2007 de finances rectificatives pour 2007, cette première contribution exceptionnelle du secteur pétrolier adoptée sous la précédente législature visait à financer la mise en place de la prime à la cuve.

Le 10 novembre 2007, Mme Christine Lagarde, alors ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi, annonçait en effet la création d’une « aide exceptionnelle » de 150 euros au remplissage de la cuve de fioul en raison de l’évolution à la hausse du cours du pétrole. Selon les estimations alors réalisées par le ministère, environ 680 000 foyers non imposables devaient en bénéficier, pour un coût total d’environ 100 millions d'euros. L’aide était réservée aux foyers non imposables ayant été livrés en fioul entre le 10 novembre 2007 et le 31 janvier 2008.

L’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007 avait donc un double objet :

– la création d’un fonds social pour le chauffage des ménages ayant pour but de collecter des versements destinés aux actions d’aide sociale générales mises en œuvre en faveur des ménages modestes chauffés au fioul ;

– l’institution d’une taxe exceptionnelle de 25 % sur la fraction de la provision pour hausse des prix excédant 15 millions d’euros constituée par les sociétés pétrolières, réduite du montant des sommes versées directement au fonds social.

a) Le régime de la provision pour hausse des prix

Les industries qui transforment des matières premières sont exposées aux fluctuations permanentes des cours de ces matières qui affectent le coût de renouvellement des stocks nécessaires à leur exploitation. Or, la différence entre la valeur comptabilisée du stock à la clôture d'un exercice et la valeur du même stock à l'ouverture de l'exercice fait partie intégrante du résultat imposable. En effet, aux termes du 3 de l'article 38 du code général des impôts : « les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice si ce cours est inférieur au prix de revient ».

Pour neutraliser les effets fiscaux des variations de prix affectant les stocks de base indispensables à la poursuite de l'exploitation, les entreprises peuvent utiliser le mécanisme de la provision pour hausse des prix. Aux termes du 5° du I de l’article 39 du code général des impôts, les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu d’après leur bénéfice réel ou à l’impôt sur les sociétés peuvent en effet, lorsque pour une matière ou un prix donné il est constaté, au cours d’une période ne pouvant excéder deux exercices successifs, une hausse de prix supérieure à 10 %, pratiquer une provision correspondant à la fraction de cette hausse excédant 10 %. Peuvent faire l'objet de provisions pour hausse des prix les matières, produits et approvisionnements de toute nature existant en stock à la clôture de l'exercice, à l'exclusion des travaux en cours. Les dotations à cette provision facultative sont calculées distinctement pour chaque produit présentant une nature différente.

L’exonération d’impôt qui résulte d’une provision pratiquée à la clôture d’un exercice n’est pas définitive : la provision est rapportée de plein droit aux bénéfices imposables de l’exercice en cours à l’expiration de la sixième année suivant la date de cette clôture. Toutefois, dans le cas des entreprises dont la durée normale de rotation des stocks est supérieure à trois ans, la réintégration est seulement effectuée dans un délai correspondant au double de cette durée.

L’article 36 de la loi de finances pour 2005 a plafonné la dotation à la provision pour hausse des prix, pour la détermination des exercices clos à compter du 22 septembre 2004, à un montant égal, pour chaque exercice, à 15 millions d’euros majorés, le cas échéant, de 10 % de la dotation qui aurait été permise en l’absence de ce plafonnement. Il s’agissait alors de limiter un mécanisme qui s’était révélé excessivement favorable à certaines entreprises qui, compte tenu des variations de cours de certaines matières premières (comme le pétrole), avaient pu provisionner sur une courte période d’importants montants alors même qu’elles réalisaient des marges élevées du fait de la hausse des cours.

Concrètement, les dotations pour hausse de prix sont partiellement plafonnées à partir d’un seuil de 16 666 666,67 euros par an. Une entreprise qui aurait eu l’intention de provisionner pour 100 millions d’euros ne peut plus constituer que 25 millions d’euros de provisions.

EXEMPLES D'APPLICATION DU DISPOSITIF DE PLAFONNEMENT
DE LA PROVISION POUR HAUSSE DES PRIX

(en millions d'euros)

Provision théorique praticable en franchise d'impôt par une entreprise

Plafond majoré

Dotation praticable

12

Sans objet

12

15

Sans objet

15

16,5

15 + (16,5 x 10 %) = 16,65

16,5

16,66

15 + (16,66 x 10 %) = 16,66

16,66

17

15 + (17 x 10 %) = 16,7

16,7

100

15 + (100 x 10 %) = 25

25

200

15 + (200 x 10 %) = 35

35

b) Le régime de la contribution exceptionnelle votée en 2007

La contribution exceptionnelle votée en 2007 était une taxe exceptionnelle, due au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2007. Elle était assise sur la fraction excédant 15 millions d'euros de la provision pour hausse des prix inscrite au bilan à la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2007, ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant de provision était supérieur. Son taux était de 25 %.

Les entreprises assujetties à la taxe exceptionnelle étaient celles qui ont pour objet principal d'effectuer la première transformation du pétrole brut, c'est-à-dire son raffinage, ou de distribuer les carburants issus de cette transformation. Ont donc supporté cette taxe les entreprises qui exerçaient à titre principal l'une ou l'autre de ces deux activités, ainsi que celles qui les exerçaient conjointement lorsque ces deux activités cumulées constituaient leur objet principal. Bien que théoriquement applicable aux entreprises soumises à l’impôt sur le revenu, compte tenu du seuil de 15 millions d’euros, n’en étaient redevables que quelques entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Ce seuil a été apprécié en tenant compte du montant total de la provision inscrite au bilan de l'exercice concerné, quels que soient les matières ou les produits à raison desquels elle a été constituée ou la nature de l'activité pour laquelle ces matières ou produits ont été utilisés. La taxe s’appliquait dès lors que le seuil était dépassé à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice.

La taxe exceptionnelle étant un prélèvement distinct de l'impôt sur les sociétés, les entreprises ne pouvaient pas s'en acquitter par imputation de crédits d'impôts ou autres créances d'impôt sur les sociétés tels que la créance née du report en arrière des déficits. De même, si l'entreprise assujettie à la taxe exceptionnelle était une société filiale d'un groupe au sens de l'article 223 A, la société mère ne pouvait se substituer à elle pour le paiement de cette taxe.

La taxe n'était pas déductible des résultats imposables mais était imputable sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle était assise était réintégrée. Le principe était donc identique à celui de la taxe de 2001.

Le III de l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007 instituait par ailleurs une faculté de versement alternatif à la taxe qui n'existait pas dans le cadre du dispositif de taxe exceptionnelle instauré en 2000. Les entreprises redevables de la taxe exceptionnelle pouvaient en effet effectuer des versements auprès du fonds social pour le chauffage des ménages ouvrant droit à une réduction d'impôt d'égal montant, imputable sur le montant de taxe exceptionnelle dû, de telle sorte que ces versements libéraient les entreprises concernées, à due concurrence, du versement de la taxe. Le solde de réduction d'impôt qui n'avait pu être imputé sur le montant de la taxe due n'était pas restituable.

Comme en cas de paiement de la taxe au Trésor, les entreprises qui choisissaient d'effectuer un versement libératoire auprès du fonds social pour le chauffage des ménages devaient adresser au service des impôts des entreprises du lieu de dépôt de leur déclaration de résultats, dans un délai de quatre mois décompté à partir de la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2007, une déclaration établie sur papier libre mentionnant, outre l'ensemble des indications nécessaires à leur identification, l'exercice de référence retenu pour la détermination de l'assiette de la taxe, le montant de la taxe à acquitter et ses modalités de calcul. Cette déclaration devait en outre mentionner le montant des versements effectués auprès du fonds social pour le chauffage des ménages et ouvrant droit à une réduction d'impôt d'égal montant, imputable sur le montant de la taxe exceptionnelle due. En cas de versements au fonds d'un montant inférieur à celui de la taxe due, la déclaration devait faire apparaître de manière explicite le montant des versements effectués auprès du fonds et le solde de taxe restant due après imputation de la réduction d'impôt consécutive à ces versements.

c) Le produit de la contribution exceptionnelle adoptée en 2007

La taxe sur la provision pour hausse des prix a généré une recette de 163 millions d’euros, à raison de 116 millions d’euros par versements volontaires et 47 millions d’euros par application de la taxe (le cas échéant après imputation d’un versement volontaire). Neuf entreprises ont été concernées.

2.– La reconduction de la contribution exceptionnelle en 2008 pour 2009

L’article 18 de la loi de finances pour 2009 a reconduit la taxe exceptionnelle pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2008.

Il a complété l’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007 par un paragraphe prévoyant l’application de la taxe au premier exercice clos à compter du 31 décembre 2007 et au premier exercice clos à compter du 31 décembre 2008. Pour la détermination du montant de cette taxe due sur chacun de ces exercices, il a repris les dispositions du III de l’article 67 relatif à sa réduction par imputation du montant versé directement au fonds social pour le chauffage des ménages.

La seule modification apportée au dispositif, hors l’exercice d’application, concernait la période retenue pour les versements effectués au profit du fonds social pour le chauffage des ménages ouvrant droit à la réduction de taxe exceptionnelle.

En effet, ont été pris en compte, pour déterminer le montant de la réduction, les versements effectués « au plus tôt dans les huit mois précédant la clôture ». La date limite de versement, à savoir quatre mois après la clôture, est demeurée inchangée. Théoriquement, dans le cas d’un exercice courant du 1er janvier au 31 décembre, l’entreprise a pu imputer sur la taxe exceptionnelle due au titre de l’exercice 2008 les versements effectués du 1er mai 2007 au 30 avril 2008 et sur la taxe exceptionnelle due au titre de 2009 ceux effectués à compter du 1er mai 2008 jusqu’au 30 avril 2009.

B.– UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE EN 2011 POUR FINANCER LA REVALORISATION DU BARÈME KILOMÉTRIQUE

L’article 16 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (58) a également prévu une contribution exceptionnelle sur les entreprises du secteur pétrolier destinée, cette fois-ci, à financer la revalorisation de 4,6 % du barème kilométrique applicable, au titre de l’année 2010, aux salariés et à certains titulaires de bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et de bénéfices non commerciaux (BNC).

Cette contribution était assise sur la fraction excédant 100 000 euros de la provision pour hausse des prix inscrite au bilan à la clôture du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2010, ou à la clôture de l'exercice précédent si le montant de provision était supérieur. Son taux était de 15 %.

Ainsi, pour les entreprises dont l’exercice coïncidait avec l’année civile, la contribution était calculée sur la base du montant de la provision qui figurait au bilan de l’exercice clos le 31 décembre 2010 ou de celui clos le 31 décembre 2009 si le montant était supérieur. Elles ont donc acquitté la contribution au plus tard en juillet 2011.

Pour les entreprises dont l’exercice ne coïncidait pas avec l’année civile, la contribution était calculée sur la base du montant de la provision qui figurait au bilan du premier exercice clos en 2011 ou de l’exercice clos en 2010 si ce montant était supérieur. La contribution devait alors être acquittée dans les sept mois de la clôture.

Les entreprises assujetties ont été les mêmes qu’en 2007 et 2008.

Toutefois, un abattement de 100 000 euros était prévu sur le montant de la provision servant de base au calcul de la contribution, afin d’exclure de son champ d’application les petites entreprises indépendantes.

Le seuil de 100 000 euros était apprécié en tenant compte du montant total de la provision inscrite au bilan de l'exercice concerné, quels que soient les matières ou les produits à raison desquels elle a été constituée ou la nature de l'activité pour laquelle ces matières ou produits sont utilisés. La taxe s’est appliquée dès lors que le seuil a été dépassé à l’ouverture ou à la clôture de l’exercice.

Pour les entreprises redevables, la contribution exceptionnelle a entraîné un coût égal au taux de la contribution, fixé à 15 %, multiplié par le montant de la provision pour hausse des prix, déduction faite du gain futur d’impôt lié à la déductibilité de la contribution pour la détermination du résultat imposable.

Le chiffrage du rendement en 2011 de la contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix mise à la charge des entreprises du secteur pétrolier a été réalisé à partir des éléments déclarés au titre de la provision pour hausse des prix par les entreprises du secteur au titre des exercices clos en 2009-2010. Sur
la base d’un taux de 15 %, il a été estimé à 120 millions d’euros de recettes
pour l’État en 2011 et 5 millions d’euros de diminution de recettes (au titre de l’imputation sur l’assiette de l’impôt sur les sociétés) en 2012, soit un total net de 115 millions d’euros.

En l’absence de dispositions particulières, la taxe était déductible des résultats imposables mais elle ne pouvait pas s’imputer sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle était assise était réintégrée, ni des deux suivants. Cette contribution exceptionnelle constituait donc un prélèvement définitif.

Les principales différences avec la taxe instituée en 2007 et 2008 pour le financement de la prime à la cuve étaient les suivantes :

– le nombre d’entreprises concernées était plus important : 44 au lieu de 9 ;

– l’abattement était alors fixé à 15 millions d’euros et le taux était de 25 % ;

– le produit de la taxe précédente était un peu supérieur, à hauteur de 163 millions d’euros ;

– la taxe précédente n’était pas déductible des résultats imposables, mais imputable sur l’IS dû au titre de l’exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle était assise était réintégrée.

II.– LE PRÉSENT DISPOSITIF : UNE ASSIETTE PLUS LARGE POUR UN PRODUIT IMPORTANT

Le présent article, tout en reprenant l’idée d’une contribution exceptionnelle des entreprises du secteur pétrolier, rompt avec la logique précédente en abandonnant tout lien avec la provision pour hausse des prix, au profit d’une assiette reposant sur les stocks des entreprises pétrolières.

Si l’on devait définir cette nouvelle contribution du point de vue de la théorie fiscale, l’on pourrait dire qu’elle se rapproche du régime de l’accise (plus précisément de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, ex-TIPP) lorsqu’il s’agit d’identifier les redevables, mais qu’elle se rapproche d’une taxe ad valorem comme la TVA lorsqu’il s’agit d’en définir l’assiette.

Il est d’ailleurs crucial que cette contribution ne puisse pas être, in fine, totalement assimilée à une accise, c'est-à-dire à une taxe dont l’assiette est non pas la valeur d’un produit mais sa quantité, dans la mesure où, comme ne manque pas de le relever l’évaluation préalable de cet article, la directive 2008/118/CE du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise ne permet aux États membres de prélever des taxes indirectes sur les produits soumis à accises (produits énergétiques, tabacs, alcools) que dans des conditions strictement définies par cette directive.

Le point 2 de l’article 1er de cette directive prévoit en effet très clairement que « les États membres peuvent, à des fins spécifiques, prélever des taxes indirectes supplémentaires sur les produits soumis à accise, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation communautaire applicable à l’accise ou à la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt ».

Or, comme le souligne l’évaluation préalable de cet article, la finalité purement budgétaire de ce prélèvement ne remplit pas la condition relative aux « fins spécifiques » posée par la directive. En conséquence, si cette contribution complémentaire était assimilée à une taxe indirecte supplémentaire, elle pourrait encourir la censure du juge européen.

A.– LES ENTREPRISES REDEVABLES

1.– Un critère tenant non plus à l’activité de l’entreprise mais à la nature du produit stocké

Alors que les précédents dispositifs s’appliquaient aux entreprises de raffinage ou de distribution des carburants issus de cette transformation, donc en fonction de l’activité de l’entreprise, le présent dispositif vise, de manière beaucoup plus large, toutes les personnes, à l’exception de l’État, propriétaires le 4 juillet 2012, c'est-à-dire à la date de présentation du présent projet de loi de finances rectificative en Conseil des ministres, de volumes de produits pétroliers mentionnés dans le tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes.

Ce tableau du code des douanes, qui sert d’assiette à la taxe intérieure de consommation (ex-TIPP), mentionne une palette très large de produits fabriqués à base de pétrole ou de produits assimilés.

Outre les carburants classiques pour véhicules ou avions, y sont mentionnés :

– les goudrons de houille, de lignite ou de tourbe ;

– les mélanges à forte teneur en hydrocarbures ;

– les huiles brutes de pétrole ;

– l’ensemble des huiles de pétroles, dont font partie les essences pour moteurs ou autres huiles légères ou moyennes ;

– le propane, les butanes liquéfiés, l’éthylène, propylène, butylène, les autres gaz de pétrole liquéfiés, le gaz naturel à l’état gazeux ;

– la vaseline, la paraffine, le bitume de pétrole, les mélanges bitumeux ;

– les préparations pour le traitement des matières textiles, les préparations lubrifiantes.

Le présent article précise bien, toutefois, que seuls les produits pétroliers mentionnés dans cette liste sont concernés, c'est-à-dire le pétrole brut, l’essence, le gazole et autres carburants, le fioul lourd et le gaz de pétrole (59).

2.– Un second critère tenant au régime fiscal de la détention de ces produits

La détention des produits mentionnés ci-dessus n’entre dans le champ de la taxe que dans la mesure où cette détention s’opère dans le cadre juridique dit de l’entrepôt fiscal de stockage (EFS) des produits pétroliers prévu par l’article 158 A du code des douanes ou le cadre juridique dit de l’usine exercée prévu par l’article 165 du même code.

a) Le régime fiscal de l’entrepôt fiscal de stockage (EFS) des produits pétroliers

Prévu par l’article 98 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 en transposition de la directive 92/12/CE du Conseil du 25 février 1995 relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accises, le régime de l'EFS vise à permettre le stockage des huiles minérales en suspension de droits et taxes, tels que les droits de douane, la taxe intérieure de consommation, la TVA ou la rémunération perçue au profit du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers.

Par ce biais, les produits pétroliers importés peuvent être stockés en suspension de toute taxation. Ce régime, codifié en droit français aux articles 158 A à 158 C du code des douanes, a été étendu aux départements d'outre-mer par le décret n° 2005-566 du 20 mai 2005.

Sont admis dans un EFS tous les produits mentionnés au tableau B de l'article 265 du code des douanes, c'est-à-dire les produits listés ci-dessus. Les produits non pétroliers ne peuvent être admis dans un EFS qu'à la condition d'être ultérieurement incorporés à l'un des produits pétroliers mentionnés ci-dessus.

Les produits admis en EFS peuvent être livrés en vrac ou en conditionné. Les règles de gestion et de tenue de la comptabilité sont très précisément définies par le décret n° 93-93-1094 du 13 septembre 1994, modifié par le décret n° 98-374 du 14 mai 1998.

Compte tenu des spécificités des produits pétroliers, les EFS sont soumis à des règles de sécurité et de préservation de l'environnement. Elles entrent notamment dans le champ d'application de la législation applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) : la création ou l'extension de ces installations est soumise à la procédure d'autorisation le plus souvent, parfois de déclaration pour les installations de plus petite taille.

On distingue trois types d'opérateurs pouvant intervenir au sein d'un EFS :

– le titulaire de l'EFS qui est la personne physique ou morale désignée dans la décision constitutive de l'entrepôt. C'est par principe l'exploitant du dépôt, qu'il soit ou non propriétaire des installations et des produits stockés.

Le titulaire est responsable de toutes les opérations relatives à la gestion des stocks de produits pétroliers en entrepôts et à l'application des régimes et procédures douanières qui s'y rapportent ;

– les entrepositaires sont les personnes physiques ou morales au nom desquelles sont stockés dans l’EFS les produits pétroliers qu’ils détiennent et qui figurent comme tels dans les déclarations d’entrée, de cession en cours de stockage, de sortie, ainsi que dans la comptabilité de l’entrepôt ;

– les repreneurs sont les personnes physiques ou morales ou nom desquelles sont déclarés les produits qui leur sont cédés, à la sortie de l’EFS, par les entrepositaires.

Le redevable de la présente contribution est donc soit l’entrepositaire, soit le repreneur, suivant la personne qui est effectivement propriétaire des stocks à la date du 4 juillet 2012.

Tous les opérateurs désirant devenir titulaires d’une EFS doivent au préalable obtenir de l’administration la qualité d’entrepositaire agréé.

Il existe aujourd’hui environ 200 EFS en France (tous produits confondus).

b) Le cadre juridique de l’usine exercée

Le présent article prévoit que les produits pétroliers mentionnés ci-dessus peuvent également entrer dans le champ de la contribution exceptionnelle lorsqu'ils sont stockés dans une installation qui entre elle-même dans le régime dit de l'usine exercée prévu par l'article 165 du code des douanes (aussi appelé entrepôt fiscal de production, par parallélisme avec l'entrepôt fiscal de stockage).

Entrent dans le champ de ce régime :

– les installations destinées à extraire les huiles minérales visées dans le tableau B de l'article 265 ;

– les installations ou établissements de production qui procèdent soit au traitement ou au raffinage d'huiles brutes de pétrole ou de minéraux bitumeux, de gaz de pétrole et d'autres hydrocarbures gazeux, soit à la fabrication d'huiles minérales.

Conformément à l'article 163 du code des douanes, la production d'huiles minérales dans ces usines dites exercées est opérée « en régime de suspension » de taxes et de redevances, sur le même modèle et pour les mêmes raisons que les EFS.

En cas de mise à la consommation des produits à la sortie de ces usines, les droits de douanes suspendus en application de ce régime sont perçus d’après la valeur à déclarer et le taux des droits applicables à la date de la déclaration d’entrée en usine exercée.

D’après les informations transmises par le Gouvernement, ces usines exercées, qui sont pour l’essentiel des raffineries, sont au nombre d’une dizaine en France.

c) Deux exceptions aux personnes concernées par cette contribution

La première exception concerne l’État, qui peut disposer de volumes de produits pétroliers en EFS pour les besoins, par exemple, de l’armée. D’après les informations transmises par le Gouvernement, le Service des essences des armées assure l’approvisionnement des trois Armes et compte, à ce titre, une quarantaine de dépôts pour une capacité totale de 700 000 m3.

L’autre exception concerne les volumes entreposés dans un EFS ou issus d’une usine exercée situés dans un département ou une collectivité d’outre-mer. D’après l’évaluation préalable de cet article, « l’ultra-périphéricité des territoires d’outre-mer génère un surcoût lié au raffinage et au stockage des produits pétroliers estimé entre 15 et 17 centimes d’euros par litre de carburant et entre 7 et 9 centimes d’euros par litre de gazole. Par ailleurs les départements d’outre-mer connaissent un régime différent de fixation des prix des produits pétroliers qui place ces zones géographiques dans une situation spécifique qui justifie que la contribution ne s’applique pas dans ces départements ».

À l’appui de cette analyse, le Gouvernement a précisé que la consommation en produits pétroliers des quatre départements d’outre-mer représente 2,2 % de la consommation métropolitaine. En outre, la fixation des prix en outre-mer est dérogatoire au droit commun dans la mesure où ceux-ci sont réglementés par décrets de l’autorité préfectorale.

d) Typologie des entreprises concernées

D’après les informations fournies par le Gouvernement, la présente contribution devrait concerner une cinquantaine d’entreprises, qui peuvent être regroupées en trois grandes catégories.

LES ENTREPRISES CONCERNÉES PAR LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE

Répartition
par type d’activité

Volumes stockés
(en millions de tonnes)

Pourcentage
de la contribution

SAGESS

12

55 %

Raffineries

7,8

37 %

Autres sociétés

2,3

8 %

Source : Direction de la législation fiscale.

D’après les informations transmises par le Gouvernement, les « autres sociétés » mentionnées dans le tableau ci-dessus visent pour l’essentiel certaines grandes surfaces, dont le volume de stockage total atteint 0,6 million de tonnes ainsi que quelques traders et de grosses PME qui stockent des volumes importants.

Une partie importante de la contribution exceptionnelle sera donc acquittée par la Société anonyme de gestion de stocks de sécurité (SAGESS), qui est la société créée entre les membres du Comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers ; d’après les dispositions la loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992, désormais codifiée aux articles L. 642-2 et suivants du code de l’énergie, toutes les personnes qui réalisent en France une opération entraînant l’exigibilité des taxes intérieures de consommation, c'est-à-dire qui mettent à la consommation un produit pétrolier comme l’essence, le gazole, le fioul domestique, le carburéacteur, le fioul lourd ou le GPL, sont tenues de contribuer à la conservation de stocks stratégiques.

Ces stocks stratégiques, que chaque opérateur est tenu de constituer et de conserver pendant douze mois, doivent correspondre, au total, à l’équivalent du quart des quantités nettes de pétrole brut et de produits pétroliers importées l’année précédente ; en d’autres termes, ces réserves stratégiques permettraient à la France de faire face à une interruption totale des approvisionnements en pétrole pendant trois mois.

Actuellement, le volume des produits pétroliers stockés par la SAGESS, qui atteint 12 millions de tonnes, représente l’essentiel des stocks stratégiques ; cette société gère en outre 2 millions de tonnes pour le compte d’opérateurs sans pour autant en être propriétaire. Enfin, les opérateurs pétroliers détiennent en propre 3 millions de tonnes au titre de ces stocks stratégiques. Le total des stocks stratégiques est donc de 17 millions de tonnes.

La SAGESS est financée par une redevance dont le principe est prévu par l’article L. 642-6 du code de l’énergie ; suivant cet article, la redevance correspond, pour chaque redevable, aux coûts de constitution et de conservation pendant un an des stocks stratégiques.

D’après les informations publiées par la SAGESS, le montant total des coûts liés à la gestion de ces stocks stratégiques s’est élevé, en 2011, à 231 millions d’euros (192 millions d’euros au titre des frais d’entreposage, 33 millions d’euros au titre des frais financiers et 6 millions d’euros au titre des frais de gestion).

Pour couvrir des frais, la circulaire du 27 avril 2012 relative aux droits et taxes applicables aux produits énergétiques à compter du 1er mai 2012 prévoit différents tarifs :

– 0,63 euro pour 1 000 litres pour les carburants d’avions ;

– 0,77 euro pour 1 000 litres pour les carburéacteurs comme l’essence ;

– 1,93 euro pour 1 000 litres pour les fiouls.

B.– L’ASSIETTE, LE TAUX ET LE PRODUIT

D’après les informations transmises par le Gouvernement, le total des produits pétroliers détenus en EFS ou en usine exercée s’élève à 22,1 millions de tonnes.

Comme indiqué précédemment, l'assiette de cette contribution exceptionnelle ne pouvait être le volume des produits stockés, sauf à assimiler cette contribution à une accise (60) supplémentaire potentiellement interdite par le droit communautaire.

Pour éviter cet écueil, le présent article prévoit que l'assiette de la contribution sera la valeur des produits pétroliers stockés dans un EFS ou en usine exercée.

Cette valeur est calculée à partir de la valeur moyenne des volumes détenus au dernier jour de chacun des trois derniers mois de l'année 2011.

Cette valeur moyenne est fixée sur le modèle de celle retenue, aux termes de l'article 298 du code général des impôts, pour l'établissement de la TVA pesant sur les produits pétroliers.

D'après cet article, la TVA pesant sur ces produits est exigible à la date de mise à la consommation sur le marché intérieur ; l’assiette de la TVA est alors la valeur imposable lors de la mise en consommation, fixée forfaitairement pour chaque quadrimestre par décision du directeur général des douanes et des droits indirects, sur proposition du directeur des carburants.

S'agissant de la présente contribution, l'assiette sera calculée à partir de ce prix quadrimestriel (pour le dernier quadrimestre 2011) pour chaque catégorie de produits multiplié par la moyenne des volumes détenus au dernier jour des trois derniers mois de l'année 2011.

S'agissant des gaz de pétrole et autres hydrocarbures gazeux qui ne sont pas destinés à être utilisés comme carburant, cette valeur est calculée à partir du prix moyen de cession constaté pour ces mêmes produits sur les trois derniers mois de l'année 2011. En effet, pour ces produits, il n’existe pas de prix forfaitaire fixé de manière quadrimestrielle ; la taxe ne peut donc être établie qu’à partir d’un prix de revient retenu par le redevable lui-même et rapporté dans sa déclaration.

L’assiette totale en valeur, calculée selon les modalités ci-dessus, s’élève donc à 13,75 milliards d’euros. Le taux de la taxe est fixé à 4 % tandis que son produit, tel qu'estimé par l'évaluation préalable du présent article, devrait s'établir à 550 millions d'euros.

Si l’on s’appuie sur les chiffres transmis par le Gouvernement, il s’ensuit que la SAGESS devrait acquitter près de 300 millions d'euros, les opérateurs de raffineries près de 200 millions d’euros, les 50 millions d'euros restant étant répartis entre plusieurs opérateurs de plus petite taille.

On peut rappeler que la France compte actuellement 11 raffineries en activités dont 10 en métropole ; sur ce dernier total, 5 raffineries dont détenues par Total, une par Esso, une par LyondellBasell, une par Ineos et une par Pétroplus.

Notons que le chiffrage établi par cette évaluation préalable n’intègre pas un éventuel effet sur le produit de l'impôt sur les sociétés concernées ; en l’absence de toute précision dans le dispositif du présent projet de loi, la taxe est en effet déductible des résultats imposables mais elle ne pourra pas s’imputer sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice au cours duquel la provision sur laquelle elle est assise est réintégrée, ni des deux suivants. Cette contribution exceptionnelle constitue donc un prélèvement définitif.

En dépit de cette déductibilité, l’impact de la présente contribution sur le produit de l’impôt sur les sociétés devrait être très limité. En premier lieu, la SAGESS est totalement exonérée d’IS en application de l’article 1655 quater du code général des impôts. En outre, les entreprises de raffineries imposables en France, notamment la société Total, n’acquittent que peu voire pas d’impôt sur les sociétés en France.

C.– LES MODALITÉS DE LIQUIDATION, DE PAIEMENT ET DE RECOUVREMENT

La contribution sera exigible le 1er octobre 2012 ; elle sera liquidée, déclarée et acquittée selon une déclaration conforme au modèle établi par le directeur général des douanes et des droits indirects, qui devra être déposée par la personne redevable au plus tard le 15 décembre 2012.

La contribution est contrôlée et recouvrée selon les règles, garanties, privilèges et sanctions prévues pour la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques.

D’après l’article 267 du code des douanes, la taxe intérieure de consommation est exigible lors de la mise en consommation des produits sur le marché intérieur.

Elle est recouvrée comme l’ensemble des taxes douanières dont le régime est fixé par le titre XII du code des douanes. Les créances recouvrées par l’administration des douanes doivent faire l’objet d’un avis de recouvrement rendu exécutoire par le directeur régional des douanes.

L’avis de recouvrement indique le fait générateur de la créance ainsi que sa nature, son montant et les éléments de sa liquidation.

*

* *

La Commission adopte tout d’abord l’amendement rédactionnel CF 330 du rapporteur général (amendement n° 157).

Puis elle examine l’amendement CF 326 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement tend à préciser que l’assiette de la contribution exceptionnelle sur la valeur des stocks de produits pétroliers ne comprend aucune des taxes ou des redevances pesant sur ces produits pétroliers. Le Gouvernement nous a d’ailleurs confirmé avoir fait les calculs sur cette base.

M. le président Gilles Carrez. Je remercie le rapporteur général de cet amendement, car il serait malsain d’instaurer des taxes sur des taxes !

M. Yves Jégo. La taxe s’appliquera-t-elle aussi aux « stocks outils » ?

M. Jean-Louis Dumont. Si c’était le cas, cela pourrait être pénalisant pour le secteur du raffinage, qui connaît actuellement quelques difficultés…

M. le rapporteur général. A priori, les « stocks outils » ne seront pas concernés, puisqu’il est fait référence aux seuls « entrepôts fiscaux de stockage ». Cependant, peut-être serait-il utile de demander des précisions au Gouvernement lors de la discussion en séance publique.

M. le président Gilles Carrez. L’article mentionne les stocks « placés sous l’un des régimes prévus aux articles 158 A et 165 du code des douanes ».

M. Charles de Courson. Cette disposition soulève quand même beaucoup de questions. Quelle idée y a-t-il derrière ? Il s’agit d’une contribution exceptionnelle, qui n’est exigible que pour une année, mais envisage-t-on de la reconduire l’année prochaine ? Pourquoi taxer le pétrole ? Y aura-t-il des répercussions sur les prix à la consommation ? S’agit-il d’une charge déductible de l’impôt sur les sociétés ?

M. Hervé Mariton. Monsieur le rapporteur général, pensez-vous que cette mesure sera prolongée en 2013 ? S’agit-il d’une contribution exceptionnelle ou d’une étape vers la création d’une taxe pérenne ?

M. le président Gilles Carrez. Une telle contribution avait déjà été créée en 1998 ; à l’époque, elle avait été temporaire.

M. Charles de Courson. Mais dans les années 1980, elle avait duré 7 ans !

M. le rapporteur général. Monsieur Mariton, nous conduisons actuellement une réflexion à partir du constat suivant : il existe de grandes entreprises pétrolières qui maîtrisent l’ensemble de la filière, de la recherche jusqu’à la distribution, en passant par le forage, le raffinage et le transport, et qui engrangent des bénéfices de l’ordre du milliard d’euros par mois tout en ne payant que très peu d’impôts. Le type de dispositif instauré par l’article 8 avait déjà été mis en place par le passé et, vu l’urgence, c’est probablement pourquoi il a été retenu. Mais nous aurons certainement à travailler sur d’autres dispositions, qui pourraient être rendues pérennes.

M. le président Gilles Carrez. Le dispositif reprend en effet celui qui avait été mis en place en 1998.

M. Hervé Mariton. Combien de contribuables seraient touchés ?

M. le rapporteur général. Selon nos estimations, une cinquantaine – mais la contribution de l’un d’entre eux représenterait la majeure partie du produit de la taxe.

M. Yves Jégo. Pour ne pas dire la « totalité »…

M. Olivier Carré. Les distributeurs seront-ils concernés ?

M. le rapporteur général. La position du Gouvernement sur ce point n’est pas encore clarifiée. La Société anonyme de gestion des stocks stratégiques (SAGESS) acquitterait 55 % de la contribution, les raffineries 37 % et les « autres sociétés » 8 %, pour un montant prévisionnel total de 550 millions d’euros. Nous essayons d’obtenir des précisions sur la composition de cette dernière catégorie – sachant que certains traders possèdent également des stocks. Dans tous les cas, il ne s’agirait que d’une part mineure. Enfin, en l’absence de mention contraire, à ce stade, la charge serait déductible.

La Commission adopte l’amendement CF 326 (amendement n° 158).

Elle examine ensuite l’amendement CF 22 de M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’instauration d’une contribution exceptionnelle, qui ne serait pas nouvelle, n’est pas en soi irrecevable. Il serait néanmoins utile de savoir quel impact une telle taxe aura sur les prix à la consommation – surtout si elle devait être prolongée. Le présent amendement propose donc qu’un rapport sur la question soit remis au Parlement.

M. le rapporteur général. Avis défavorable : il existe déjà quantité de rapports sur l’impact des multiples taxes, et il faudra de toute façon remettre à plat la fiscalité du secteur.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 8 ainsi modifié.

*

* *

Article 9

Versement anticipé de la contribution exceptionnelle
sur l’impôt sur les sociétés

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. Le deuxième alinéa du III de l’article 235 ter ZAA est supprimé.

B. Après l'article 1668 A, il est rétabli un article 1668 B ainsi rédigé :

« Art. 1668 B.- La contribution mentionnée à l'article 235 ter ZAA est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l'article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.

« Elle donne lieu à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés de l'exercice ou de la période d'imposition.

« Le montant du versement anticipé est fixé à :

« a. Pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d’imposition, ramené s’il y a lieu à douze mois, aux trois quarts du montant de la contribution exceptionnelle estimée au titre de cet exercice déterminée selon les modalités prévues au I de l’article 235 ter ZAA ;

« b. Pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d'euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d’imposition, ramené s’il y a lieu à douze mois, à 95 % du montant de la contribution exceptionnelle estimée au titre de cet exercice déterminée selon les modalités prévues au I de l’article 235 ter ZAA.

« Pour l’application des dispositions prévues aux quatrième à sixième alinéas, le chiffre d’affaires est apprécié, pour la société mère d’un groupe mentionné à l’article 223 A, en faisant la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe. »

C. Après l’article 1731 A, il est inséré un article 1731 A bis ainsi rédigé :

« Art. 1731 A bis.- L'intérêt de retard prévu à l'article 1727 et la majoration prévue à l'article 1731 sont appliqués à la différence entre, d'une part, respectivement trois quarts ou 95 % du montant de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés due au titre d'un exercice et, d'autre part, respectivement trois quarts ou 95 % du montant de cette contribution estimée au titre du même exercice servant de base au calcul du versement anticipé en application de l'article 1668 B, sous réserve que cette différence soit supérieure à 20 % de ce même montant dû et à 400 000 € lorsque la société réalise un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard d'euros ou à 100 000 € lorsque la société réalise un chiffre d'affaires compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d'euros. Toutefois, ces dispositions ne s'appliquent pas si le montant de la contribution exceptionnelle estimé a été déterminé à partir de l’impôt sur les sociétés lui-même estimé à partir du compte de résultat prévisionnel mentionné à l'article L. 232-2 du code de commerce, révisé dans les quatre mois qui suivent l'ouverture du second semestre de l'exercice, avant déduction de l'impôt sur les sociétés. Pour la société mère d'un groupe mentionné à l'article 223 A, le compte de résultat prévisionnel s'entend de la somme des comptes de résultat prévisionnels des sociétés membres du groupe ».

II.– Le I s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article prévoit le versement anticipé de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés, créée par la dernière loi de finances rectificative pour 2011.

Il s’agit d’une mesure de trésorerie, dont l’objet est de permettre, sans alourdissement de la fiscalité pesant sur les entreprises, d’enregistrer dès 2012 des recettes qui en l’état du droit ne seraient perçues qu’en 2013. Le produit attendu de cette mesure est de 800 millions d'euros.

I.– LA DERNIÈRE LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2011 A CRÉÉ UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SUR L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS.

 L’article 30 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a institué une contribution exceptionnelle à la charge des personnes redevables de l’impôt sur les sociétés (IS), dont le chiffre d’affaires
– réalisé au cours de l’exercice ou de la période d’imposition et ramené le cas échéant à 12 mois 
(61) – est supérieur à 250 millions d’euros.

Codifiée à l’article 235 ter ZAA du code général des impôts (CGI), la contribution est dite exceptionnelle car elle n’est due qu’au titre des exercices clos entre le 31 décembre 2011 et le 30 décembre 2013. L’objectif recherché était en effet de ne soumettre les redevables à cette contribution qu’au titre de deux exercices ; la plupart des sociétés clôturant au 31 décembre, la date d’extinction de la contribution permet d’y satisfaire.

La contribution est égale à 5 % de l’IS calculé en application des taux prévus à l’article 219 du CGI (taux normal et taux réduits), avant imputation des réductions et crédits d’impôt, et des créances fiscales de toute nature (IS brut). Ni les crédits d’impôt, ni la créance née du mécanisme de report en arrière (62) ni l’imposition forfaitaire annuelle ne sont imputables sur la contribution.

Pour les sociétés placées sous le régime de groupe (article 223 A du CGI), la contribution est due par la société mère, la condition de chiffre d’affaires étant appréciée par addition des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres du groupe.

 Le III de l’article 235 ter ZAA dispose que « la contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l’impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions » (premier alinéa) et qu’ « elle est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés » (second alinéa).

L’article 1668 définit les modalités de recouvrement de l’IS. Dans la généralité des cas (63), les redevables doivent s’acquitter auprès du comptable public compétent d’acomptes trimestriels, dont le montant est calculé sur la base des résultats du dernier exercice clos. Les acomptes sont exigibles au plus tard au 15 mars, au 15 juin, au 15 septembre et au 15 décembre de chaque année. Chacune de ces dates correspond, en fonction de la date de clôture de l’exercice, à un acompte différent, ainsi que l’illustre le tableau ci-après.

CALENDRIER DE VERSEMENT DES ACOMPTES D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

Clôture de l’exercice comprise entre :

1er acompte

2ème acompte

3ème acompte

4ème acompte

Le 20 novembre et le 19 février inclus

15 mars

15 juin

15 septembre

15 décembre

Le 20 février et le 19 mai inclus

15 juin

15 septembre

15 décembre

15 mars

Le 20 mai et le 19 août inclus

15 septembre

15 décembre

15 mars

15 juin

Le 20 août et le 19 novembre inclus

15 décembre

15 mars

15 juin

15 septembre

Source : Direction générale des finances publiques, Précis de fiscalité 2012, tome 2, paragraphe 9271

Le 2 de l’article 1668 définit les modalités de liquidation du solde. Si le montant de l’impôt finalement dû est supérieur au montant total des quatre acomptes, le complément d’impôt doit être acquitté :

– au plus tard le 15 du quatrième mois suivant la clôture de l’exercice ;

– si aucun exercice n’est clos en cours d’année, le 15 mai de l’année suivante.

Si à l’inverse le montant total des quatre acomptes excède le montant d’impôt finalement dû, le trop-perçu est restitué par l’administration fiscale dans un délai de 30 jours suivant le dépôt du relevé de solde (après défalcation des autres impôts directs dus par le redevable).

La contribution exceptionnelle est donc due, dans le droit en vigueur, en même temps que l’éventuel solde d’IS.

II.– LE PRÉSENT ARTICLE A POUR OBJET D’ANTICIPER LE VERSEMENT DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE, AFIN DE GÉNÉRER UN GAIN DE TRÉSORERIE.

A.– UNE PARTIE DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE SERAIT DUE EN MÊME TEMPS QUE LE QUATRIÈME ACOMPTE D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS.

 La rédaction actuelle de l’article 235 ter ZAA résulte pour l’essentiel d’une initiative parlementaire. En effet, le texte initialement présenté par le Gouvernement (64) prévoyait une majoration exceptionnelle de l’IS, et non une contribution additionnelle. À l’initiative de son Rapporteur général d’alors, soutenu par son Président, la commission des Finances a adopté un amendement transformant la majoration en contribution spécifique. L’objectif était de sécuriser la recette, en évitant l’imputation sur l’IS majoré des réductions, crédits et créances d’impôt.

Cet amendement prévoyait également, sur le modèle du recouvrement de l’IS et selon le même calendrier, quatre versements anticipés. Lors de l’examen en séance publique, le Gouvernement a fait adopter un sous-amendement tendant à la suppression de ce mécanisme, privilégiant un versement unique. Il faut rappeler par ailleurs que, pour sa part, le versement de la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés (article 235 ter ZC) suit celui de l’IS, en application de l’article 1668 D.

 Le présent article propose d’instaurer, sous une forme différente, un versement anticipé de la contribution exceptionnelle, qui ne s’appliquerait qu’aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012 (II).

Le A du I supprime le second alinéa du III de l’article 235 ter ZAA, dont la rédaction serait reprise au premier alinéa de l’article 1668 B, que le B du I propose de rétablir (65). La reprise du second alinéa du III de l’article 235 ter ZAA signifie que la contribution exceptionnelle continuera d’être versée en même temps que le solde de l’IS. Plus exactement, c’est le solde de la contribution exceptionnelle qui sera versé en même temps que celui de l’IS.

En effet, la nouvelle rédaction proposée pour l’article 1668 B prévoit un versement anticipé de la contribution à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d’IS (deuxième alinéa).

Le montant de ce versement anticipé serait variable selon le chiffre d’affaires (66) de l’entreprise redevable (troisième alinéa) :

– les entreprises ayant réalisé au cours du dernier exercice ou de la dernière période d’imposition concerné (67) un chiffre d’affaires compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d’euros devraient verser 75 % du montant estimé de la contribution au titre de l’exercice en cours (68) ;

– pour les autres entreprises redevables, à savoir celles ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros, le versement anticipé s’élèverait à 95 % du même montant.

L’évaluation préalable du présent article précise que la mesure de versement anticipé « fera l’objet d’une régularisation lors de la liquidation du solde de la contribution exceptionnelle ». Les modalités de cette régularisation pourraient être utilement précisées dans la loi, en s’inspirant des dispositions expressément prévues en ce sens par le 2 de l’article 1668 pour la liquidation de l’IS.

 Le C du I du présent article prévoit la création d’un article 1731 A bis nouveau, rendant applicable au versement anticipé de la contribution exceptionnelle l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 et la majoration prévue à l’article 1731.

L’article 1727 prévoit que « toute créance de nature fiscale, dont l’établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n’a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d’un intérêt de retard » de 0,4 % par mois. L’article 1731 prévoit une majoration de 5 % des sommes dues aux comptables de l’administration fiscale, dès lors que ces sommes sont payées avec retard.

L’intérêt de retard et la majoration seraient applicables à la différence entre la fraction du montant de contribution exceptionnelle due au titre d’un exercice (en fonction du chiffre d’affaires, 75 % ou 95 % du montant de la contribution) et la fraction du montant de contribution estimée au titre du même exercice, sous réserve que la sous-estimation par l’entreprise du montant du versement anticipé dépasse deux seuils cumulatifs :

– un seuil en proportion, à savoir 20 % du montant de la contribution ;

– et un seuil en montant, variable selon le niveau du chiffre d’affaires (100 000 euros lorsque le chiffre d’affaires est compris entre 250 millions d'euros et 1 milliard d’euros, et 400 000 euros lorsque le chiffre d’affaires dépasse 1 milliard d’euros).

Le nouvel article 1731 A bis exclut l’application des sanctions si le montant de contribution exceptionnelle estimé a été déterminé à partir d’un IS lui-même « estimé à partir du compte de résultat prévisionnel mentionné à l’article L.232-2 du code de commerce, révisé dans les quatre mois qui suivent l’ouverture du second semestre de l’exercice, avant déduction de l’impôt sur les sociétés ». La formulation est reprise de l’article 1731 A, relatif à l’application de l’intérêt de retard et de la majoration aux insuffisances de versement du dernier acompte d’IS par les grandes entreprises.

 Il faut en effet rappeler pour mémoire qu’il existe déjà des modalités particulières de recouvrement de l’IS pour les plus grandes entreprises. En application des cinquième à huitième alinéas du 1 de l’article 1668, le montant du dernier acompte (parfois qualifié de « cinquième acompte ») des entreprises dont le chiffre d’affaires du dernier exercice clos est supérieur à 500 millions d'euros doit être déterminé en fonction du résultat prévisionnel de l’exercice en cours, et non en fonction du résultat du dernier exercice clos. Ce montant ne peut en outre être inférieur à la différence entre une fraction de l’impôt estimé au
titre de l’exercice en cours et le montant des acomptes déjà versés. Cette fraction est variable en fonction du chiffre d’affaires : deux tiers pour les entreprises
dont le chiffre d’affaires est compris entre 500 millions d'euros et 1 milliard d’euros ; 80 % pour celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 1 et 5 milliards d’euros ; 90 % pour celles dont le chiffre d’affaires excède 5 milliards d’euros.

Une partie des redevables de la contribution, soit celles des entreprises dont le chiffre d’affaires excède 500 millions d'euros, sont d’ores et déjà soumises à une obligation d’estimation « en temps réel » de l’IS dû au titre de l’exercice en cours. La contribution exceptionnelle étant également due par les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 et 500 millions d'euros, ces entreprises devront à leur tour estimer en cours d’exercice leur montant d’impôt, pour calculer le montant du versement anticipé de contribution exceptionnelle.

B.– LE VERSEMENT ANTICIPÉ DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE PROCURERAIT UN GAIN DE TRÉSORERIE ESTIMÉ À 800 MILLIONS D'EUROS.

 En l’état actuel du droit, une entreprise redevable de la contribution exceptionnelle et clôturant son exercice le 31 décembre 2012 devrait verser au comptable public l’intégralité du montant de sa contribution au moment de la liquidation du solde de l’IS, au plus tard le 15 avril 2013 (soit le 15 du quatrième mois suivant la clôture de l’exercice, en application du 2 de l’article 1668 du CGI précité).

La mesure de versement anticipé proposée par le présent article permettrait d’encaisser en 2012 les recettes afférentes à la contribution exceptionnelle due par celles des entreprises clôturant leur exercice à compter du 31 décembre 2012 et dont le quatrième acompte, au titre de cet exercice, serait dû en 2012.

Il s’agit en pratique des entreprises clôturant entre le 31 décembre 2012 et le 31 janvier 2013 ; les entreprises clôturant ultérieurement ne verseront leur quatrième acompte qu’à compter du 31 mars 2013, comme l’illustre le tableau ci-après.

L’évaluation préalable indique que le versement anticipé de la contribution « permettrait d’avoir un rendement budgétaire significatif dès la fin de l’année 2012. En effet, la grande majorité des entreprises redevables de la contribution exceptionnelle clôturant leurs exercices sociaux le 31 décembre, le versement du dernier acompte interviendra pour la plupart le 15 décembre 2012 ». Le rendement attendu de la mesure est de 800 millions d'euros en 2012, « compte tenu des premiers éléments déclarés et des mesures d’assiette relatives à l’impôt sur les sociétés proposées dans le présent projet de loi ».

Dans son dernier Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de juillet 2012, la Cour des comptes relève que le rendement de la contribution « était estimé à 1,4 milliard d’euros dans la quatrième loi de finances rectificative [pour 2011] mais pourrait être révisé à la baisse pour environ 0,5 milliard d’euros » (69). Au regard de cette réévaluation par la Cour du produit attendu de la contribution exceptionnelle, le montant de 800 millions d'euros apparaît cohérent.

 La mesure de versement anticipé n’est qu’une mesure de trésorerie ; en conséquence, le montant qu’elle permettrait de percevoir en 2012 ne serait pas perçu en 2013. L’évaluation préalable fait d’ailleurs apparaître, du fait de la mesure, une minoration équivalente des recettes attendues en 2013. Ce schéma ne se reproduirait pas dans les mêmes proportions sur les années 2013 et 2014. En effet, les recettes attendues en l’état du droit pour 2014 et qui seraient perçues dès 2013 du fait du versement anticipé seraient assez modestes : l’essentiel des clôtures interviendra au 31 décembre 2013, soit après l’extinction de la contribution exceptionnelle.

EFFETS DE L’ANTICIPATION DU VERSEMENT DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE D’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS

Les cases grisées correspondent aux situations dans lesquelles le versement anticipé permet d’encaisser l’année N des recettes qui, en l’état du droit, seraient encaissées en N+1.

Clôture de l’exercice

1er acompte d’IS

2ème acompte

3ème acompte

4ème acompte

Solde

Versement de la contribution exceptionnelle
(état du droit)

Versement anticipé
(droit proposé)

31 décembre 2012

15 mars 2012

15 juin 2012

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 avril 2013

15 avril 2013

15 décembre 2012

31 janvier 2013

15 mars 2012

15 juin 2012

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mai 2013

15 mai 2013

15 décembre 2012

28 février 2013

15 juin 2012

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 juin 2013

15 mars 2013

31 mars 2013

15 juin 2012

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juillet 2013

15 juillet 2013

15 mars 2013

30 avril 2013

15 juin 2012

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 août 2013

15 août 2013

15 mars 2013

31 mai 2013

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 septembre 2013

15 juin 2013

30 juin 2013

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 octobre 2013

15 juin 2013

31 juillet 2013

15 septembre 2012

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 novembre 2013

15 novembre 2013

15 juin 2013

31 août 2013

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 décembre 2013

15 décembre 2013

15 septembre 2013

30 septembre 2013

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 janvier 2014

15 janvier 2014

15 septembre 2013

31 octobre 2013

15 décembre 2012

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 février 2014

15 février 2014

15 septembre 2013

30 novembre 2013

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 décembre 2013

15 mars 2014

15 mars 2014

15 décembre 2013

30 décembre 2013

15 mars 2013

15 juin 2013

15 septembre 2013

15 décembre 2013

15 avril 2014

15 avril 2014

15 décembre 2013

Source : commission des Finances

 Il faut dire clairement que sur la durée d’application du dispositif, les entreprises redevables de la contribution exceptionnelle ne subiront pas d’alourdissement de la fiscalité, puisque ni le taux ni l’assiette de la contribution ne seraient affectés ; seul le calendrier de versement serait avancé. L’évaluation préalable insiste sur le fait que « l’impact macro-économique de la mesure devrait être limité car elle s’appliquera seulement aux personnes morales soumises à l’IS et réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d'euros, qui ont donc les capacités financières de faire face à ce versement anticipé ».

*

* *

La Commission est saisie des amendements CF 23 de M. Hervé Mariton, CF 236 de M. Charles de Courson, CF 249 de M. Philippe Vigier et CF 299 de M. Yves Jégo visant à supprimer l’article.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le versement anticipé de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés risque de déséquilibrer les comptes de l’État pour 2013. C’est pourquoi nous proposons de le supprimer.

M. le président Gilles Carrez. Il s’agit d’une mesure de trésorerie…

M. le rapporteur général. Avis défavorable : un certain nombre de mesures concernant l’impôt sur les sociétés sont prises dans le cadre de ce projet de loi ; il y en aura d’autres dans le projet de loi de finances pour 2013. Elles permettront de combler la perte de trésorerie que le versement anticipé de la contribution exceptionnelle en 2012 provoquera en 2013.

M. Charles de Courson. Les fusils à un coup ne sont pas sains !

M. le président Gilles Carrez. On en a pourtant l’habitude…

M. Charles de Courson. J’ai toujours dénoncé ces pratiques. Ce ne sont pas de bonnes méthodes. Les 800 millions en plus cette année manqueront dans le budget de l’année prochaine : cela n’est pas raisonnable ! Il vaut mieux instaurer une fiscalité stable dans le temps.

La Commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CF 322 du rapporteur général (amendement n° 159).

Puis elle examine l’amendement CF 323 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. L’impôt sur les sociétés est versé sous forme d’acomptes, la régularisation intervenant l’année suivante ; en cas de trop-perçu, il est prévu une modalité de remboursement. Le présent amendement tend à mettre en place le même dispositif pour la contribution exceptionnelle, dont le versement sera anticipé en application du présent article.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 160).

Puis elle adopte l’article 9 ainsi modifié.

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* *

Article 10

Suppression de l’avantage fiscal lié à la provision pour investissement

Texte du projet de loi :

L’article 237 bis A du code général des impôts est complété par un IV ainsi rédigé :

« IV.– Les provisions prévues au II cessent d’être admises en déduction des résultats imposables constatés au titre des exercices clos à compter de la date de publication de la loi n°… du… de finances rectificative pour 2012.

« Les provisions figurant à l'ouverture du premier exercice clos à compter de la date de publication de la loi n°… du… de finances rectificative pour 2012 sont rapportées aux résultats imposables dans les conditions prévues au 4 du II. »

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à supprimer l’avantage en impôt au titre des provisions pour investissement des sommes excédant l’obligation légale de la participation et portées à la réserve spéciale de participation dont bénéficient certaines entreprises.

I.– PROVISION POUR INVESTISSEMENT : PRÉSENTATION DU DROIT EN VIGUEUR

Introduit par l’article 32 de l’ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986 relative à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise et à l’actionnariat des salariés, ce dispositif tend à permettre aux entreprises qui mettent en œuvre un régime de participation plus favorable que le régime de droit commun de conserver des marges de manœuvre destinées à la réalisation d’investissements grâce à des provisions en franchise d’impôt.

Il poursuit donc deux objectifs distincts : favoriser les initiatives en faveur du développement de la participation et neutraliser pour partie leur impact sur la part du bénéfice de l’entreprise réinvesti.

A.– UN DISPOSITIF COMPLÉTANT LES AVANTAGES FISCAUX ET SOCIAUX ACCORDÉS AUX ENTREPRISES AU TITRE DE LA PARTICIPATION

a) Le régime général de la participation

La participation vise à redistribuer aux salariés d’une entreprise une partie des bénéfices réalisés selon les modalités prévues par un accord collectif (70) facultatif dans les entreprises de moins de 50 salariés et obligatoire dans celles de plus de cinquante salariés (à défaut un régime dit « d’autorité » s’impose à l’entreprise).

Cet accord détermine les sommes affectées à la réserve spéciale de participation qui sont calculées d’après le bénéfice fiscal de l’entreprise selon une formule détaillée à l’article L. 3324-1 du code du travail.

La répartition de la réserve spéciale de participation entre les bénéficiaires est ensuite calculée proportionnellement au salaire perçu dans la limite de plafonds déterminés par décret, sauf si l’entreprise opte pour l’une des modalités de répartition dérogatoires mentionnées à l’article L. 3324-5 du même code.

La participation financière a connu une diffusion croissante au sein des entreprises française, au point de concerner un salarié sur deux travaillant dans une entreprise de plus de 10 salariés (soit plus de 9,2 millions de salariés sur la base de données recueillies en 2009)

b) Le régime fiscal et social de la participation

Cet essor repose en grande partie sur un régime fiscal et social d’incitation au développement de la participation, très favorable aux entreprises qui respectent leurs obligations légales.

En matière fiscale, le I de l’article 237 bis A du code général des impôts (CGI) prévoit que les sommes portées au cours d’un exercice à la réserve spéciale de participation sont déductibles pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, de l’impôt sur le revenu dû au titre de l’exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés.

Concrètement, une entreprise constate à la clôture de son exercice de 2011 le résultat sur lequel elle calcule la participation à porter à la réserve spéciale au cours de l’exercice 2012. La participation vient alors en déduction du résultat de 2012.

En matière sociale, ces sommes ne sont pas soumises aux cotisations sociales, puisque les participations n’ont pas la nature juridique d’une rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, ni à l’ensemble des cotisations et prélèvements dont l’assiette est alignée sur celle des cotisations sociales (71). Elles sont en revanche soumises au forfait social prévu à l’article L. 137-15 du même code dont l’article 27 du présent projet prévoit que le taux de 8 % sera porté à 20 % à compter du 1er septembre 2012.

À ces règles dérogatoires du droit commun, s’ajoute un droit particulier à la constitution de provisions pour investissement, en franchise d’impôt, pour les sociétés qui appliquent une formule dérogatoire de calcul de la participation plus favorable que celle prévue par la loi et pour celles qui mettent en place un régime de participation sans y être légalement obligées.

B.– UNE PROVISION POUR INVESTISSEMENT RÉSERVÉE AUX ENTREPRISES QUI METTENT EN œUVRE UN RÉGIME DE PARTICIPATION PLUS FAVORABLE QUE CELUI DE DROIT COMMUN

En règle générale, deux catégories de provisions peuvent être distinguées : les provisions pour risques et pour charges, et les provisions dites « réglementées ».

Les premières visent à constituer des réserves financières destinées à couvrir des charges ou des risques futurs. Les montants provisionnés en franchise d’impôt, en vertu de l’article 39 du CGI, constituent un avantage en trésorerie accordé aux entreprises qui n’obèrent que temporairement l’assiette imposable : le montant provisionné, non imposé au titre de l’exercice en cours, l’est pour l’exercice au titre duquel ce montant est utilisé pour compenser les charges ou les risques anticipés. La provision pour charge ou pour risque fait alors l’objet d’une reprise, enregistrée en produit, et le montant exact des charges ou du risque réalisé est déduit du résultat comptable et fiscal.

Les secondes sont chacune encadrées par un dispositif légal spécifique et s’appliquent à des champs de bénéficiaires hétérogènes (72).

Les provisions pour investissement entrent dans cette dernière catégorie. Elles sont codifiées au II de l’article 237 bis A du CGI qui précise les conditions dans lesquelles elles peuvent être constituées en franchise d’impôt selon le niveau des sommes portées à la réserve spéciale de participation, la taille et la nature des entreprises.

1.– Les sociétés bénéficiaires des provisions pour investissement et les montants déductibles du bénéfice imposable

Ce dispositif vise en premier lieu à développer la participation salariale en accordant aux entreprises visées un avantage en assiette sous la forme d’une provision en franchise d’impôt calculée sur tout ou partie de la réserve spéciale de participation. Cependant, comme le montre le tableau suivant, d’autres versements peuvent donner lieu à la constitution de cette provision, notamment les versements intervenant dans le cadre de la conclusion d’un plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO).

TABLEAU RÉCAPITULATIF DES TAUX DE PROVISION APPLICABLES EN FONCTION DES CARACTÉRISTIQUES DES ENTREPRISES CONCERNÉES

Entreprise

Taux de provision

Entreprises de plus de 50 salariés tenues par les articles L. 3322-2 et L. 3322-3 du code du travail de garantir à leurs salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise

50 % (1) des sommes portées à la réserve spéciale de participation attribuées en plus de la participation de droit commun prévue en application des accords de participations mentionnés à l’article L. 3324-2 du même code.

Entreprises non tenues de conclure un accord de participation qui ont toutefois mis en œuvre un régime facultatif (prévu aux articles L.3323-6 et L. 3323-7)

25 % (1) des sommes portées à la réserve de participation au cours du même exercice.

50 % (1) pour les accords de participations conclus avant le 20 février 2003 (conformément aux dispositions de la loi du 19 février 2001 sur l’épargne salariale) et entre le 31 décembre 2006 et le 31 décembre 2009 (en application de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l’actionnariat salarié).

Entreprises employant moins de 100 salariés ayant conclu un contrat d’intéressement dans un délai de deux ans suivant la publication de la loi sur l’épargne salariale de 2001 et disposant d’un plan d’épargne auquel sont affectées les sommes versées par l’entreprise sur ce plan d’épargne

50 % de ces sommes.

Entreprises qui disposent d’un PERCO

25 % des versements complémentaires au PERCO.

35 % des sommes complémentaires pour l’acquisition de parts de fonds communs de placement d’entreprise.

50 % des versements complémentaires investis en titres donnant accès au capital de l’entreprise.

Les sociétés anonymes à participation ouvrière (SAPO)

50 % des sommes portées à la réserve spéciale de participation.

75 % si 25 % des sommes portées à la réserve spéciale de participation sont affectés à un compte de réserve non distribuable.

Les sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP)

100 % des sommes pour les SCOP détenues à plus de 50 % par des coopérateurs ou par une autre SCOP.

Régime de droit commun pour les SCOP détenues à plus de 50 % par des non coopérateurs.

Les entreprises ayant conclu un accord de groupe

100 % de la contribution effective de chacune des sociétés à la participation globale si le groupe est fiscalement intégré. Chaque société peut choisir de transférer tout ou partie de ce droit à provision à l’une des sociétés du groupe.

100 % des contributions complémentaires effectivement versées par chacune des sociétés si le groupe dispose d’un PERCO. Toutefois, chacune des sociétés peut décider de transférer ce droit à provision à une autre société du groupe sous réserve de l’accord du ministre chargé des finances.

(1) Ce taux est réduit de moitié dans le cas où les accords prévoient que les sommes attribuées sont indisponibles pendant seulement trois ans. On rappelle à ce titre que la loi 2001-152 du 19 février 2001 a supprimé la possibilité de bénéficier d’une période d’indisponibilité de trois ans au lieu des cinq ans de droit commun.

Les deux exemples suivants illustrent les modalités de calcul de la provision pour investissements en fonction de la taille de l’entreprise.

Une entreprise de 60 salariés spécialisée dans la fabrication de téléphones à écran tactile, tenue de mettre en œuvre un régime de participation, a conclu en 2011 un accord entrant en vigueur le 1er janvier 2012 qui prévoit l’application d’une formule de calcul dérogatoire ayant pour effet d’attribuer aux salariés une participation plus élevée que prévue par le droit en vigueur. Cette formule conduit à porter 100 à la réserve spéciale dont 20 correspondent au supplément dérogatoire. Cette entreprise pourra déduire au titre de l’année 2012 sur le fondement des résultats de 2011 une provision pour investissement de 10 au titre de la fraction dérogatoire de versement à la réserve spéciale (20x50 %).

Une entreprise concurrente de 40 salariés ayant conclu un accord facultatif de participation s’appliquant aux mêmes dates que celles retenues dans l’exemple précédent, pourra déduire 30 au titre de l’année 2012, soit 20 au titre de la participation de droit commun (80x25 %) et 10 au titre du supplément dérogatoire (20x50 %).

Par ailleurs, si les résultats imposables de l'exercice de répartition des droits des salariés sont insuffisants pour permettre la déduction en franchise d'impôt de tout ou partie des sommes portées au compte de la provision pour investissement, la quote-part de la provision non déduite de ces résultats constitue un déficit reportable dans les conditions prévues aux articles 156 ou 209 du CGI.

2.– L’emploi des montants provisionnés

La provision pour investissement doit être utilisée dans un délai de deux ans (73) pour l’acquisition ou la création d’immobilisations, soit de biens considérés comme durables pour l’entreprise par opposition à ses valeurs d’exploitation (c’est-à-dire aux stocks et productions en cours).

Dans l’exemple précité, l’entreprise de téléphones tactiles employant 40 salariés pourra ainsi investir le montant provisionné de 30 dans l’acquisition de machines en vue de fabriquer des parois tactiles décoratives et développer ainsi son activité, mais dans un délai de deux ans à compter de la constitution de la provision.

Ce délai d’utilisation s’apprécie à compter de l’ouverture de l’exercice suivant celui à l’issue duquel la provision a été constituée. Si ces conditions sont respectées, la provision est définitivement exonérée d’impôt sur les sociétés ou, le cas échéant, d’impôt sur le revenu.

Dans le cas où ce délai ne serait pas respecté, le montant de la provision est rapporté au bénéfice imposable de l’exercice en cours à la date d’expiration du délai.

CHRONIQUE RÉCAPITULATIVE

(dans l’hypothèse d’exercices coïncidant avec l’année civile)

Exercice 2012

Exercice 2013

Exercice 2014

– Calcul et répartition de la participation sur la base des résultats de 2011

– Déductibilité de l’assiette de l’IS ou de l’IR des sommes correspondantes versées sur la réserve spéciale

– Constitution de la provision pour investissement en franchise d’impôt

Point de départ du délai d’utilisation de la provision à l’acquisition ou à la création d’immobilisations

Option 1 : réalisation de l’investissement avant la fin de l’exercice => exonération définitive de la provision à l’IS ou à l’IR

Option 2 : non réalisation de l’investissement avant la fin de l’exercice => reprise de la provision sur l’exercice en cours à la date d’expiration du délai (1)

(1) En cas d’utilisation partielle de la provision, seule la fraction non employée dans le délai imparti est rapportée au bénéfice imposable.

II.– LA SUPPRESSION DES PROVISIONS POUR INVESTISSEMENTS

A.– LA PROPOSITION DE SUPPRESSION DE CE DISPOSITIF S’APPUIE SUR LES CONCLUSIONS DU RAPPORT DU COMITÉ D’ÉVALUATION DES NICHES FISCALES ET SOCIALES DE JUIN 2011

Le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales a publié un rapport d’évaluation relatif au coût et à l’efficacité de l’ensemble de ces mesures en juin 2011, conformément aux dispositions prévues en ce sens par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 du 9 février 2009.

Selon ce rapport, le nombre des bénéficiaires de cette mesure est relativement limité. En 2009, il était estimé à 2 600 entreprises pour un montant provisionné global de 220 millions d’euros et un coût budgétaire de 75 millions d’euros, soit environ 28 850 euros en moyenne par bénéficiaire (74).

Le comité a jugé cette dépense comme faiblement efficiente au regard de ses objectifs. Plusieurs arguments ont été avancés en ce sens :

– le dispositif de provision réglementée ne permet pas d’assurer le maintien des marges d’autofinancement en faveur de l’investissement des entreprises concernées car les montants d’avantage en impôt sont faibles : l’avantage fiscal ne permet à l’entreprise que de constituer une trésorerie à hauteur de l’avantage en impôt et non de la totalité de la provision ;

– il crée un important effet d’aubaine puisque, en pratique, les choix d’investissements ne sont que peu susceptibles d’être dictés par ce seul avantage en impôt, et ce d’autant plus que son montant est limité ;

– cet effet d’aubaine est renforcé par l’étendue du champ des investissements concernés (qui ne se limite pas aux investissements utiles à l’exercice de l’activité de l’entreprise, mais également à d’autres types d’investissements comme l’acquisition de titres de participation) ;

– le coût de ce dispositif est excessif au regard des objectifs qui lui sont assignés alors même que son impact réel sur l’investissement est difficilement évaluable.

Il convient de noter que le comité n’a pas évalué l’impact de ce dispositif sur le développement de la participation dans des entreprises de taille modeste, alors même que cet objectif a été défendu lors sa création et de ses récentes réformes.

Il pourrait même être considéré, au regard du faible encadrement des conditions d’investissement, que l’objectif de maintien des marges d’autofinancement est secondaire au regard de l’objectif de développement de la participation (75). À ce titre, une entreprise ayant constitué une provision qui ne respecte pas ses engagements d’investissement, bénéficie quand même de l’avantage en trésorerie lié au report de deux ans de l’imposition d’une partie de son résultat imposable.

Toutefois, la modestie du nombre des contribuables concernés et de l’assiette estimée des provisions semble confirmer que l’efficacité du dispositif est également limitée au regard de ce second objectif.

B.– ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA SUPPRESSION ET CHIFFRAGE DE L’ÉCONOMIE

Les provisions pour investissement cesseront d’être admises en déduction des résultats imposables constatés au titre des exercices clos à compter de la date de publication de la présente loi.

Par ailleurs, le stock des provisions déjà constituées figurant à l’ouverture du premier exercice clos à compter de la publication de la loi sera rapporté aux résultats imposables.

Le gain lié à cette suppression est évalué, sur le fondement des liasses fiscales déposées au titre des exercices clos en 2010, à 62 millions au titre de 2013 (au titre du solde de l’IS 2012 et des acomptes provisionnels sur l’IS 2013) et 31 millions au titre de 2014.

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La Commission adopte l’article 10 sans modification.

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Article 11

Renversement de la charge de la preuve pour les transferts de bénéfices vers les pays à fiscalité privilégiée

Texte du projet de loi :

I.– L’article 209 B du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le III est remplacé par les dispositions suivantes :

« III.- En dehors des cas mentionnés au II, les dispositions du I ne s'appliquent pas lorsque la personne morale établie en France démontre que les opérations de l'entreprise ou de l'entité juridique établie ou constituée hors de France ont principalement un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.

« Cette condition est réputée remplie notamment lorsque l’entreprise ou l’entité juridique établie ou constituée hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l’État de son établissement ou de son siège. » ;

2° Le III bis est abrogé.

II.– Les dispositions du I sont applicables aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article s’inscrit dans le cadre des mesures « anti-abus » prévues par le présent projet de loi de finances rectificative en matière de fiscalité des entreprises. Il s’inscrit ainsi dans l’objectif fixé par le Président de la République lors de la campagne électorale : « Il nous faudra donc pour atteindre nos objectifs de réduction des déficits, également faire un effort de clarification et de justice du côté des entreprises. Aujourd’hui, les plus grandes entreprises, par des mécanismes nombreux, échappent à l’effectivité du taux d’impôt sur les sociétés » (76).

Il s’agit en l’espèce de rendre plus facilement applicables, par l’administration, les dispositions de l’article 209 B du code général des impôts (CGI). Cet article permet, lorsqu’une société est redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) en France, de soumettre à cet impôt des bénéfices réalisés hors de France par des entités qui lui sont liées, afin d’éviter la localisation d’une partie de l’assiette taxable dans des pays à fiscalité privilégiée.

En l’état du droit, il appartient à l’administration de démontrer que des bénéfices réalisés hors Union européenne ne correspondent pas à des activités ayant principalement pour effet cette localisation « optimisante ». Le présent article propose, outre des mesures de simplification du dispositif existant, de renverser la charge de la preuve.

Le régime des bénéfices réalisés hors Union européenne serait ainsi rapproché de celui des bénéfices réalisés dans des États ou territoires non coopératifs (ETNC) ; perdant en conséquence sa spécificité, le régime propre aux ETNC serait supprimé.

Le rendement attendu des dispositions du présent article est de 40 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en année pleine.

I.– LE DROIT EXISTANT

A.– L’ARTICLE 209 B DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS PERMET, AFIN D’ÉVITER L’ÉVASION FISCALE, DE SOUMETTRE À L’IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS CERTAINS BÉNÉFICES RÉALISÉS HORS DE FRANCE.

 Le premier alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts (CGI) dispose que « les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés […] en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ».

Afin d’empêcher les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés de localiser des bénéfices dans des entreprises qu’elles exploitent ou des entités juridiques qu’elles contrôlent, et qui sont établies ou constituées dans des États ou territoires à fiscalité privilégiée, l’article 209 B permet de déroger au principe de territorialité de l’impôt.

Aux termes de l’article 238 A, le régime fiscal d’un État ou d’un territoire est considéré comme privilégié si les personnes qui y sont établies sont soumises à une imposition des bénéfices ou des revenus inférieure de plus de 50 % à ce dont elles auraient été redevables en France.

 En application du I de l’article 209 B, sont soumis à l’IS :

– les bénéfices réalisés par une entreprise établie dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée, lorsque cette entreprise est exploitée par une société redevable de l’IS ;

– les revenus positifs d’une entité juridique (77) constituée dans un État ou territoire à fiscalité privilégiée, et dont la société redevable de l’IS détient, directement ou indirectement, plus de 50 % (78) des actions, parts, droits financiers ou droits de vote.

Les bénéfices de l’entreprise exploitée hors de France (typiquement, une succursale dépourvue de la personnalité morale) sont imposables en totalité dans le chef de la société redevable de l’IS en France ; les bénéfices réalisés par les entités juridiques, réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers pour la société redevable de l’IS en France, ne sont retenus qu’à hauteur des actions, parts ou droits financiers détenus par cette société.

 Afin d’éviter les doubles impositions, sont imputables sur l’IS établi en France :

– l’impôt acquitté localement par l’entreprise ou l’entité établie ou constituée hors de France (79), « à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés » (4 du I de l’article 209 B) ;

– les retenues à la source opérées, dans un autre État ou territoire que celui dans lequel l’entreprise ou l’entité est établie ou constituée, sur les dividendes, intérêts ou redevances perçus par elle (80) (5 du I de l’article 209 B). L’imputation est admise si l’autre État ou territoire concerné est soit la France, soit un État ou territoire avec lequel la France est liée par une convention d’élimination des doubles impositions ; elle n’est pas admise si l’État ou le territoire concerné est non coopératif au sens de l’article 238-0-A.

Définition des États et territoires non coopératifs (ETNC)

En application du 1 de l’article 238-0-A, « sont considérés comme non coopératifs les États et territoires non membres de la Communauté européenne dont la situation au regard de la transparence et de l’échange d’informations en matière fiscale a fait l’objet d’un examen par l’Organisation de coopération et de développement économiques et qui […] n’ont pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’échange de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale des parties, ni signé avec au moins douze États ou territoires une telle convention ».

Réactualisée chaque année par un arrêté ministériel tenant compte, en application du 2 de l’article 238-0-A, de l’évolution des relations conventionnelles mais également des pratiques des États et territoires concernés, la liste des ETNC comprend, au titre de l’année 2012 : le Bostwana, Brunei, le Guatemala, les îles Marshall, Montserrat, Nauru, Niue et les Philippines.

B.– L’APPLICATION DU DISPOSITIF DE TAXATION VARIE SELON LES ÉTATS ET TERRITOIRES DANS LESQUELS SONT RÉALISÉS LES BÉNÉFICES.

1.– Le dispositif de taxation en vigueur n’est en principe pas applicable au sein de l’Union européenne.

En application du II de l’article 209 B, le dispositif de taxation des bénéfices réalisés dans des pays à fiscalité privilégiée ne s’applique pas lorsque l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée dans un État membre de l’Union européenne. Il est toutefois prévu que le dispositif s’applique si est établie l’existence d’un « montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française ».

Le dispositif est ainsi conforme à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (81). Mais en pratique, la preuve de tels montages – dont la charge incombe à l’administration fiscale – est difficile à établir ; les bénéfices localisés dans un État de l’Union échappent donc en quasi-totalité à l’application du I de l’article 209 B (82).

2.– Hors Union européenne, le dispositif de taxation en vigueur n’est en principe pas non plus applicable à certaines catégories de bénéfices.

 Hors cas spécifique de l’Union européenne, le III de l’article 209 B prévoit une « clause de sauvegarde » pour les bénéfices ou revenus de l’entreprise ou de l’entité établie ou constituée hors de France qui « proviennent d’une activité industrielle ou commerciale effective ». Cette présomption d’inapplicabilité, simple dans son principe, est assortie d’exceptions qui le sont moins.

En effet, elle ne vaut pas si les bénéfices ou revenus de l’entreprise ou de l’entité proviennent pour plus de 20 % de revenus dits « passifs » :

– soit d’activités à caractère financier, à savoir « de la gestion, du maintien ou de l’accroissement de titres, participations, créances ou actifs analogues pour son propre compte ou pour celui d’entreprises appartenant à un groupe avec lequel la personne morale établie en France entretient des relations de contrôle ou de dépendance » ;

– soit « de la cession ou de la concession de droits incorporels relatifs à la propriété industrielle, littéraire ou artistique ».

La présomption d’inapplicabilité ne vaut pas davantage si plus de 50 % des bénéfices ou revenus de l’entreprise ou de l’entité proviennent des opérations qui viennent d’être mentionnées et de prestations de services intragroupe (83).

C’est à l’administration fiscale qu’il revient, le cas échéant, de prouver que les bénéfices ou revenus ne proviennent pas d’une activité industrielle ou commerciale effective ou que, si tel est le cas, les seuils de revenus passifs (20 %) ou intragroupe (50 %) sont dépassés.

 Le franchissement des seuils de 20 % et 50 % ne fait toutefois pas obstacle à l’application de la clause de sauvegarde – et donc, il est sans doute utile de le rappeler à ce stade du raisonnement, à l’inapplicabilité du dispositif de taxation – si la société redevable de l’IS en France établit que les opérations de l’entreprise ou de l’entité établie ou constituée hors de France « ont principalement un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire » à fiscalité privilégiée. La charge de la preuve incombe dans ce cas au contribuable et non à l’administration fiscale.

3.– Les bénéfices réalisés dans les États et territoires non coopératifs sont soumis à un régime spécifique.

Le III bis de l’article 209 B prévoit un régime plus contraignant lorsque l’entreprise ou l’entité est établie ou constituée dans un État ou territoire non coopératif, puisque le dispositif de taxation prévu par le I de l’article 209 B est alors par principe applicable.

La société redevable de l’IS peut cependant établir par tous moyens – la charge de la preuve lui incombant – que les bénéfices ou revenus provenant de l’entreprise ou de l’entité établie ou constituée hors de France répondent aux critères qui, lorsque l’entreprise ou l’entité n’est pas établie ou constituée dans un ETNC, permettent d’écarter l’application du dispositif de taxation : activité industrielle et commerciale effective exercée sur le territoire concerné, et respect des seuils de 20 % et 50 % évoqués supra.

Le dernier alinéa du III bis permet même d’écarter l’application du dispositif de taxation en cas de dépassement de ces seuils si la société redevable de l’IS :

– d’une part « transmet tous éléments nécessaires à l’appréciation de l’activité et des proportions » de revenus passifs et intragroupe ;

– d’autre part « justifie que les opérations de l’entreprise ou de l’entité juridique ont principalement un objet ou un effet autre que de permettre la localisation de ses bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié et qui est non coopératif ».

C.– LES DISPOSITIONS ACTUELLES RENDENT DIFFICILE L’APPLICATION DU DISPOSITIF DE TAXATION.

Le fait que la charge de la preuve incombe à la société redevable de l’IS qui souhaite bénéficier de la clause de sauvegarde au titre de bénéfices ou revenus provenant d’un ETNC résulte des modifications apportées à l’article 209 B par l’article 22 de la dernière loi de finances rectificative pour 2009 (84).

Cette amélioration des moyens de contrôle de l’administration fiscale, conforme aux préconisations de la mission d’information sur les paradis fiscaux constituée par la commission des Finances sous la précédente législature (85), ne suffit pas à permettre, selon l’évaluation préalable du présent article, une mise en œuvre satisfaisante du dispositif de taxation prévu au I de l’article 209 B : « Le fonctionnement de la clause de sauvegarde applicable hors Union européenne étant complexe, le dispositif actuel est particulièrement difficile à mettre en œuvre. Il appartient en effet à l’administration de démontrer que l’entité établie hors de l’Union européenne n’exerce pas une activité industrielle ou commerciale effective ou lorsqu’elle exerce une telle activité, que les bénéfices ou revenus positifs de l’entité détenue dans un pays à régime fiscal privilégié proviennent principalement de revenus passifs. Or, cette preuve est difficile à apporter à défaut d’information suffisante sur l’entité concernée, notamment quant à la provenance de ses revenus. »

Selon les informations figurant dans le dossier de presse présentant les mesures du présent projet de loi, seuls quatre redressements ont pu être opérés hors Union européenne en 2011, pour un montant de 35 millions d'euros en base d’imposition.

II.– LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

A.– POUR LES BÉNÉFICES RÉALISÉS HORS DE L’UNION EUROPÉENNE, LA CLAUSE DE SAUVEGARDE SERA SIMPLIFIÉE ET IL INCOMBERA À LA SOCIÉTÉ REDEVABLE DE L’IS DE PROUVER QU’ELLE LUI EST APPLICABLE.

La seule lecture de la description faite supra de la clause de sauvegarde applicable hors Union européenne devrait suffire à convaincre du bien fondé du présent article, qui a pour objet de rendre plus facilement applicable le dispositif de taxation prévu au I de l’article 209 B, en apportant une simplification bienvenue au fonctionnement de ladite clause.

Pour ce faire, le 1° du I propose une nouvelle rédaction du III de l’article 209 B.

 Il s’agit tout d’abord de renverser la charge de la preuve pour la non application des dispositions du I de l’article 209 B hors Union européenne. En l’état du droit, il existe une présomption de non applicabilité dès lors que les bénéfices ou revenus réalisés par une entreprise ou une entité juridique établie ou constituée hors de l’Union européenne proviennent d’une activité industrielle ou commerciale effective exercée dans l’État ou le territoire concerné. Il appartient donc à l’administration de démontrer que cette condition n’est pas vérifiée, et que les bénéfices ou revenus concernés doivent être imposés à l’IS. En application de la nouvelle rédaction proposée, il appartiendra à la société redevable de l’IS de prouver que les bénéfices ou revenus concernés répondent aux conditions leur permettant d’échapper à la taxation prévue au I de l’article 209 B.

 La société redevable de l’IS devra démontrer, non pas que les bénéfices ou revenus concernés proviennent d’une activité industrielle ou commerciale effective, mais « que les opérations de l’entreprise ou de l’entité juridique établie ou constituée hors de France ont principalement un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié ». Il s’agit là de la reprise littérale de la disposition « balai » de l’actuelle clause de sauvegarde, permettant d’écarter l’application du dispositif de taxation bien que les seuils de revenus « passifs » (20 %) et intragroupe (50 %) se trouvent dépassés.

Le critère d’effectivité d’une activité industrielle ou commerciale conserve cependant son importance, puisque le second alinéa du III nouveau dispose que la condition qui vient d’être citée « est réputée remplie notamment lorsque l’entreprise ou l’entité juridique établie ou constituée hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l’État de son établissement ou de son siège ». L’emploi de l’adverbe « notamment » laisserait la possibilité à la société redevable de l’IS de prouver à l’administration que les bénéfices et revenus tirés de l’entreprise ou de l’entité établie ou constituée hors de l’Union européenne, alors même qu’ils ne proviennent pas d’une activité industrielle ou commerciale, ne sont pas localisés à l’étranger à de seules fins d’optimisation fiscale.

 Si la condition permettant d’écarter l’application du dispositif de taxation devient donc réputée remplie en cas d’activité industrielle ou commerciale, encore faut-il que l’entreprise ou l’entité juridique exerce « principalement » ce type d’activité. L’introduction de cet adverbe dans la rédaction s’explique par le fait que sont supprimées les dispositions prévoyant l’application du dispositif de taxation en cas de dépassement, par les bénéfices ou revenus concernés, des ratios de revenus « passifs » (20 %) et intragroupe (50 %).

Ces seuils, dont l’existence ne contribue pas à la lisibilité du dispositif et qui présentent un certain caractère arbitraire, sont difficilement appréciables par l’administration fiscale, et peuvent en tout état de cause être contournés par l’évocation de la disposition « balai » de la clause de sauvegarde. Leur suppression rendra donc le dispositif plus clair, et permettra à l’administration d’apprécier, au moyen des informations fournies par la société redevable de l’IS, le caractère principal des activités à l’origine des bénéfices ou revenus potentiellement taxables au titre du I de l’article 209 B.

B.– LES DISPOSITIONS SPÉCIFIQUES AUX BÉNÉFICES RÉALISÉS DANS DES ÉTATS OU TERRITOIRES NON COOPÉRATIFS SERAIENT SUPPRIMÉES.

 Les modifications proposées par le 1° du I du présent article ont pour effet de rapprocher le régime des États et territoires hors Union européenne de celui des États et territoires non coopératifs. En effet, lorsque les bénéfices ou revenus potentiellement taxables sont perçus dans un ETNC, c’est à la société redevable de l’IS qu’incombera la charge de prouver que leur localisation à l’étranger répond à d’autres motifs et a d’autres effets que l’optimisation fiscale (second alinéa du III bis de l’article 209 B). Le premier alinéa de ce même III bis étant construit par référence aux actuelles dispositions du III (critère d’activité industrielle et commerciale et seuils précités de 20 % et 50 %), la nouvelle rédaction proposée pour le III emporte, par coordination, la suppression du III bis ; cette suppression est proposée par le 2° du I du présent article.

 Une seule modification doit être relevée. La disposition « balai » de la clause de sauvegarde actuellement applicable aux ETNC prévoit que la taxation au titre de l’article 209 B n’est pas applicable si la société redevable de l’IS « justifie que les opérations de l’entreprise ou de l’entité juridique ont principalement un objet et un effet autres que de permettre la localisation de ses bénéfices » dans un ETNC.

La disposition « balai » proposée par le présent article ne mentionne plus « l’objet », mais seulement « l’effet ». Une société redevable de l’IS qui localiserait à des fins fiscales des bénéfices dans un ETNC (critère de l’objet), sans pour autant bénéficier réellement du régime fiscal privilégié de cet État, ne se verrait plus appliquer la taxation, alors que tel serait le cas dans le droit existant. Selon les informations recueillies par le Rapporteur général, il s’agit là d’un cas d’école ; il est permis de penser qu’une société recherchant l’optimisation fiscale internationale soit suffisamment bien conseillée pour parvenir à ses fins. En pratique, le critère d’intentionnalité permet rarement de faire application du dispositif de taxation : difficilement appréciable de l’extérieur de l’entreprise, l’objet de la localisation des bénéfices à l’étranger sera toujours présenté par un redevable de l’IS normalement constitué comme poursuivant une fin autre que fiscale.

C.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR ET LE RENDEMENT ATTENDU

Les modifications proposées par le I du présent article seraient applicables aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012 (II).

Elles produiraient des recettes dès 2012, essentiellement du fait du « cinquième acompte ». Il faut en effet rappeler que le dernier acompte d’IS des plus grandes entreprises est calculé non pas en fonction de l’IS acquitté au titre du dernier exercice clos, mais en fonction de l’IS estimé au titre de l’exercice en cours (86). De ce fait, la modification des modalités de détermination de l’impôt résultant du présent article pourra être intégrée au calcul du cinquième acompte ; celui-ci sera versé, pour les entreprises clôturant au 31 décembre 2012 (soit la quasi-totalité des entreprises), au 15 décembre 2012 (87). Un surplus budgétaire de 40 millions d’euros est donc attendu en dès cette année. En 2013 (année pleine), ce chiffre s’élèverait à 200 millions d’euros.

Ces chiffres résultent, selon l’évaluation préalable, d’une « estimation fondée sur les expériences récentes des services de vérification fiscale ».

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 324 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à réintroduire dans le futur dispositif de droit commun ce qui est actuellement une spécificité du régime propre aux États et territoires non coopératifs (ETNC) : pour échapper au dispositif de taxation prévu par l’article 209 B, la société redevable de l’impôt sur les sociétés en France devra prouver que l’installation de sa filiale ou succursale hors Union européenne a, principalement, non seulement un effet, mais également un objet autres que l’optimisation fiscale.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité (amendement n° 161).

Puis elle adopte l’article 11 ainsi modifié.

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* *

Article 12

Lutte contre les transferts abusifs de déficits

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. L'article 209 est ainsi modifié :

1° Le b du II est remplacé par les dispositions suivantes :

« b. l'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n’a pas fait l’objet par la société absorbée ou apporteuse pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif notamment en termes de clientèle, d’emploi, des moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ; »

2° Le II est complété par des c et d ainsi rédigés :

« c. l'activité à l'origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans sans faire l’objet, pendant cette période, de changement significatif notamment en termes de clientèle, d’emploi, des moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ;

« d. les déficits et intérêts susceptibles d’être transférés ne proviennent ni de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés dont l’actif est principalement composé de participations financières dans d’autres sociétés ou groupements assimilés, ni de la gestion d'un patrimoine immobilier. »

B. le 5 de l’article 221 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 5° a) Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise. Il en est de même en cas de disparition des moyens de production nécessaires à la poursuite de l’exploitation pendant une durée de plus de douze mois, sauf en cas de force majeure, ou lorsque cette disparition est suivie d’une cession de la majorité des droits sociaux.

« Toutefois, dans les situations mentionnées au premier alinéa, les dispositions de l'article 221 bis sont applicables, sauf en ce qui concerne les provisions dont la déduction est prévue par des dispositions légales particulières ;

« b) Le changement d’activité réelle d’une société s’entend notamment :

« i) de l’adjonction d’une activité entraînant, au titre de l’exercice de sa survenance ou de l’exercice suivant, une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’exercice précédant celui de l’adjonction :

« soit du chiffre d’affaires de la société ;

« soit de l’effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l’actif immobilisé de la société ;

« ii) de l’abandon ou du transfert, même partiel, d’une ou plusieurs activités entraînant, au titre de l’exercice de sa survenance ou de l’exercice suivant, une diminution de plus de 50 % par rapport à l’exercice précédant celui de l’abandon ou du transfert :

« soit du chiffre d’affaires de la société ;

« soit de l’effectif moyen du personnel et du montant brut des éléments de l’actif immobilisé de la société ;

« c) Sur agrément délivré par le ministre chargé du budget selon les modalités prévues à l'article 1649 nonies, ne sont pas considérées comme emportant cessation d'entreprise :

« i) la disparition temporaire des moyens de production pendant une durée de plus de douze mois mentionnée au a) lorsque l’interruption et la reprise sont justifiées par des motivations principales autres que fiscales ;

« ii) les opérations mentionnées au b) lorsqu’elles sont indispensables à la poursuite de l’activité à l’origine des déficits et à la pérennité des emplois. »

C. L’article 223 I est ainsi modifié :

1° Les trois premiers alinéas du c du 6 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« c. les déficits et les intérêts mentionnés au premier alinéa proviennent de la société absorbée ou scindée ou des sociétés membres du groupe auquel il a été mis fin qui font partie du nouveau groupe et pour lesquelles le bénéfice des dispositions prévues au 5 est demandé, sous réserve du respect, par ces sociétés, des conditions mentionnées aux b, c et d du II de l’article 209. » ;

2° Le c du 7 est ainsi complété :

« , sous réserve du respect, par ces sociétés, des conditions mentionnées aux b, c et d du II de l’article 209. »

II.– Le I s’applique aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article s’inscrit dans le cadre des mesures « anti-abus » prévues par le présent projet de loi de finances rectificative en matière de fiscalité des entreprises. Il s’agit plus précisément de lutter contre les montages qui permettent, par une utilisation optimisante de certaines dispositions du code général des impôts, de conserver ou d’échanger des déficits reportables d’un exercice sur l’autre et qui, une fois imputés sur les bénéfices, ont pour effet de minorer l’assiette taxable.

Dans cet objectif, le présent article propose :

– de rendre plus contraignantes les conditions permettant d’obtenir l’agrément nécessaire au transfert de déficits en cas de fusion ou de restructuration de groupes de sociétés ;

– de mieux définir les conditions dans lesquelles un changement d’activité entraîne les conséquences de la cessation d’entreprise, dont la déchéance du droit au report des déficits.

Applicable aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, le présent article pourrait rapporter 40 millions d'euros dès 2012 et 200 millions d'euros en année pleine.

I.– LE DROIT EXISTANT

A.– LES RÈGLES DE REPORT DE DÉFICITS ET LEURS EXCEPTIONS

1.– Le principe du « report en avant » des déficits

Prévu au troisième alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts (CGI), le mécanisme du « report en avant » permet aux redevables de l’impôt sur les sociétés ayant enregistré un déficit au cours d’un exercice de considérer ce déficit comme une charge déductible du résultat de l’exercice suivant (88). Si le résultat en question ne permet pas d’imputer l’intégralité du déficit, la fraction non imputée est reportable sur les exercices suivants, sans limitation de durée (89).

L’article 2 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (90) a plafonné le montant du déficit reportable, antérieurement illimité. Le plafond est égal à 1 million d’euros + 60 % de la fraction du bénéfice de l’exercice sur lequel le déficit est reporté qui excède 1 million d’euros.

La raison d’être du report en avant est en quelque sorte d’ajuster le rythme de l’imposition à celui de l’activité économique qui en est à l’origine. Le précédent Rapporteur général résumait très justement la philosophie de ce mécanisme, à l’occasion de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011 : « Cette règle permet de limiter l’effet sur le montant de l’impôt du "temps fiscal" au regard duquel l’activité de l’entreprise est "découpée" pour définir une période d’imposition et qui est évidemment une fiction juridique par rapport à la réalité continue de l’activité. Ainsi, une entreprise qui, sur deux périodes d’imposition enregistrerait un résultat net total nul, sera traitée de la même façon (et ne paiera pas d’impôt), que ce résultat
"bi-annuel" nul résulte de la somme de deux résultats annuels successifs nuls ou de la succession d’un déficit de 50 en année N suivi d’un bénéfice de 50 en année N+1.
 » 
(91).

2.– Les motifs classiques de remise en cause du report en avant : le changement d’exploitant et le changement d’activité

Compte tenu de l’objectif du report en avant tel qu’il vient d’être décrit, il apparaît logique que le déficit cesse d’être reportable en cas de changement d’exploitant ou d’activité.

 S’agissant du changement d’exploitant, la règle en principe applicable est celle dite de « l’identité d’entreprise », qui veut que les déficits ne sont susceptibles d’être reportés qu’au sein de l’entreprise qui les a subis. Le 2 de l’article 221 dispose qu’ « en cas de dissolution, de transformation entraînant la création d’une personne morale nouvelle, d’apport en société, de fusion, de transfert du siège ou d’un établissement à l’étranger (92), l’impôt sur les sociétés est établi dans les conditions prévues aux 1 et 3 de l’article 201 ». Les dispositions de l’article 201 prévoient les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise, qui emporte l’établissement immédiat de l’impôt. Par construction, l’imposition immédiate fait perdre le bénéfice du report en avant ; le déficit subi antérieurement peut toutefois être imputé sur les résultats immédiatement imposables.

 S’agissant du changement d’activité, le 5 de l’article 221 pose un principe clair : « le changement de l’objet social ou de l’activité réelle d’une société emporte cessation d’entreprise », et conséquemment perte du bénéfice du report en avant. Il faut cependant noter qu’en application de l’article 221 bis, l’imposition immédiate est écartée lorsque les deux conditions suivantes sont satisfaites :

– aucune modification n’est apportée aux valeurs comptables de l’actif ;

– l’imposition des résultats demeure possible dans le cadre du nouveau régime fiscal dont relève la société.

3.– Deux exceptions notables au principe de déchéance du droit à report des déficits en cas de changement d’exploitant

 La première exception concerne les fusions et opérations assimilées placées sous le régime de faveur de l’article 210 A, ainsi caractérisées :

– la fusion est l’opération par laquelle une société absorbée transmet son patrimoine à une société absorbante, préexistante ou créée à l’occasion de la fusion. Les associés de la société absorbée reçoivent à l’issue de la fusion des titres de la société absorbante ;

– la scission est l’opération par laquelle la société absorbée transmet son patrimoine à deux ou plusieurs sociétés préexistantes ou nouvelles ;

– l’apport partiel d’actifs est l’opération par laquelle une société apporte à une autre société (préexistante ou nouvelle) une partie de ses éléments d’actifs, en échange de titres de la société bénéficiaire. Contrairement à la fusion et à la scission, l’apport partiel d’actifs n’entraîne pas la disparition de la société apporteuse (93).

Afin d’encourager les regroupements d’entreprise, l’article 210 A prévoit, sous un certain nombre de conditions, que les fusions et opérations assimilées n’entraînent pas les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise. Le II de l’article 209 prévoit qu’en cas de fusion placée sous le régime de faveur, les déficits antérieurs non encore déduits de la société absorbée sont transférés à la société absorbante et imputables sur ses bénéfices ultérieurs (94).

Le transfert est soumis à un agrément du ministre chargé du budget, délivré lorsque :

– « l’opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations autres que fiscales » (quatrième alinéa du II de l’article 209) ;

– « l’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés bénéficiaires des apports pendant un délai minimum de trois ans » (cinquième alinéa). Aucune condition de poursuite de l’activité par la société absorbée n’est en revanche exigée.

En cas de scission ou d’apport partiel d’actif, les déficits transférés sont ceux afférents à la branche d’activité apportée. Pour ces opérations, le bénéfice du régime de faveur est en effet conditionné au fait que les sociétés absorbantes ou bénéficiaires reçoivent une branche complète d’activité.

 La seconde exception concerne les restructurations de groupes fiscaux.

Le 6 de l’article 223 I prévoit que lorsqu’une société soumise à l’IS s’étant constituée seule redevable de l’impôt des sociétés qu’elle détient à plus de 95 % (société « tête de groupe ») est absorbée par une société soumise à l’IS qui devient de ce fait la nouvelle tête de groupe, ou bien fait l’objet d’une scission ayant les mêmes conséquences, les déficits de la société absorbée ou scindée ainsi que les intérêts intragroupe déductibles sont transférés au profit de la ou des sociétés bénéficiaires.

Ce transfert doit faire l’objet d’un agrément, délivré si les conditions suivantes sont respectées :

– l’opération doit être placée sous le régime de faveur de l’article 210 A
(a du 6) ;

– l’opération doit être justifiée du point de vue économique et obéir à des motivations principales autres que fiscales (b) ;

– les déficits et intérêts doivent provenir (c) :

– soit de la société absorbée ou scindée (la tête de groupe) sous réserve que la société bénéficiaire poursuive pendant au moins trois ans l’activité de la société absorbée ou scindée ;

– soit des sociétés membres du groupe auquel il a été mis fin et qui font partie du nouveau groupe. Aucune condition de poursuite par ces sociétés de leurs activités antérieures n’est en l’état du droit prévue.

Régie par le g du 6 de l’article 223 L, la scission partielle est l’opération par laquelle, à la suite de l’apport par la société tête de groupe à une société tierce de titres de sociétés membres du groupe, la société tierce forme un groupe avec les sociétés dont les titres lui ont été apportés. Le 7 de l’article 223 I prévoit qu’en cas de scission partielle d’un groupe, une fraction du déficit d’ensemble du groupe peut être transférée au bénéficiaire de l’apport, sous réserve d’un agrément délivré si les conditions suivantes sont respectées.

Tout d’abord, l’opération doit être placée sous le régime combiné de l’article 210 B et du 2 de l’article 115. L’article 210 B adapte aux apports partiels d’actifs le régime de faveur des fusions prévu par l’article 210 A (cf. supra). Le 2 de l’article 115 permet d’assurer la neutralité fiscale, pour les porteurs de parts, de l’apport partiel d’actifs : les titres émis en contrepartie de l’apport ne sont pas considérés, pour l’établissement de l’impôt sur le revenu, comme une distribution de revenus mobiliers. Afin d’éviter les opérations de nature spéculative, la neutralisation fiscale est conditionnée à l’obtention par la société apporteuse d’un agrément lorsque les titres représentatifs de l’apport partiel sont distribués aux membres de la société apporteuse dans un délai d’un an suivant l’apport.

L’agrément est délivré si les conditions suivantes sont respectées :

– l’apport et la distribution qui en résultent doivent être justifiés par un motif économique ;

– l’apport doit être placé sous le régime de faveur des fusions et opérations assimilées ;

– l’apport et l’attribution ne doivent pas avoir comme objectif la fraude ou l’évasion fiscales.

La deuxième condition prévue pour la délivrance de l’agrément mentionné au 7 de l’article 223 I est que la scission partielle doit être justifiée du point de vue économique et répondre à des motivations principales autres que fiscales.

Enfin, la fraction du déficit d’ensemble transféré doit provenir des sociétés apportées qui deviennent membres du nouveau groupe né de la scission partielle. Il n’est en revanche pas exigé que ces sociétés poursuivent leur activité antérieure.

4.– Une conception « permissive » de la notion de changement d’activité réelle

En l’absence de définition légale précise du changement d’activité réelle, la doctrine et la jurisprudence considèrent que seul un changement d’activité profond est susceptible d’emporter les conséquences de la cessation d’entreprise, et donc la déchéance du droit au report des déficits. Sans entrer dans le détail d’une jurisprudence foisonnante, il faut retenir qu’elle est plutôt favorable aux entreprises, ne considérant pas comme profonds des changements d’activité qui pourraient intuitivement apparaître comme tels.

Ne sont par exemple pas considérés comme un changement profond d’activité :

– la reprise, après 31 mois d’interruption, d’une activité de vente de vêtements (à Vernon, sous l’enseigne Benetton), avec l’adjonction d’une nouvelle activité de vente de chaussures et d’articles de sport (à Rouen, sous l’enseigne Sport 2000) (95) ;

– le recentrage de l’activité sur une partie de l’activité initiale, dès lors que celle-ci ne présente pas un caractère marginal. Le fait d’acquérir et d’exploiter une dizaine de supermarchés avant de les revendre pour n’y conserver qu’un point de vente de produits de boucherie, en réduisant de 80 % son chiffre d’affaires et des deux tiers le nombre de ses employés, n’est ainsi pas constitutif, selon le Conseil d’État, d’un changement profond d’activité (96).

B.– L’UTILISATION OPTIMISANTE DU DROIT EXISTANT : LES « MARCHÉS DE DÉFICITS »

 Les dérogations au principe (et ses limites) de déchéance du droit au report des déficits en cas de changement d’exploitant ou d’activité (régime de faveur des fusions, restructuration de groupes fiscaux, exigence d’un changement profond de l’activité pour constater la cessation d’entreprise) ont permis le développement de véritables « marchés de déficits ».

Il s’agit schématiquement pour une société bénéficiaire d’acquérir les titres d’une société déficitaire (ou de changer d’activité) dans des conditions lui permettant d’imputer sur ses bénéfices les déficits transférables enregistrés par la société dont les titres sont acquis (ou les déficits transférables résultant de l’ancienne activité). Cette opération permet à la société bénéficiaire de réduire son assiette taxable.

Ce type de schéma optimisant demeure pratiqué malgré la vigilance de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), dont le bureau des agréments et rescrits traite chaque année, selon l’évaluation préalable du présent article, environ 700 dossiers de transferts de déficits. Depuis quatre ans, le montant cumulé des transferts auxquels l’agrément a été refusé s’élève à 2,8 milliards d’euros. Sans fournir de données chiffrées, l’évaluation préalable laisse penser que la pratique des marchés de déficits se rencontre principalement au sein des groupes fiscaux : elle mentionne en effet que cette pratique consiste « pour la filiale d’un groupe fiscal, à transférer à un autre groupe la fraction du déficit d’ensemble provenant de son activité alors qu’à la date de l’opération de restructuration, cette filiale a déjà abandonné tout ou partie du fonds de commerce à l’origine de ce déficit : autrement dit, sa reprise par le nouveau groupe a une finalité purement fiscale visant à permettre le transfert de cette fraction de déficit à la société absorbante ».

 La pratique des marchés de déficits n’est sans doute pas complètement étrangère au fait que les grandes entreprises soient sensiblement moins imposées sur leurs bénéfices que les autres catégories d’entreprises. Le Rapporteur général a fait état, dans le rapport préalable au débat d’orientation des finances publiques pour 2013 (97), d’une étude de la Direction générale du Trésor de juin 2011 (98), montrant que les grandes entreprises (définies comme celles comptant au moins 5 000 salariés) bénéficient d’un taux implicite d’imposition (rapport entre l’impôt sur les sociétés (99) et l’excédent net d’exploitation (100)) de seulement 18,6 %, contre respectivement 37,4 % pour les micro-entreprises, 39,5 % pour les petites et moyennes entreprises (PME) et 28 % pour les entreprises de taille intermédiaire. Le précédent Rapporteur général avait, pour sa part, noté que selon l’étude du Trésor, « l’impact des mécanismes de report des déficits […] est près de deux fois et demie supérieur pour les grandes entreprises que pour les PME et […] explique pour près de cinq points l’écart des taux implicites » (101).

II.– LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

L’objectif général poursuivi par le présent article est, sans remettre en cause les dérogations légitimes au principe de déchéance du droit au report des déficits en cas de changement d’exploitant ou d’activité, de faire en sorte que les transferts de déficits s’inscrivent dans une logique économique et non pas dans une logique exclusivement fiscale. À cette fin, les modifications proposées tendent, selon des moyens différents, à conditionner le transfert des déficits au maintien de l’activité économique qui les a générés.

A.– RENFORCER LES CONDITIONS OUVRANT DROIT AU BÉNÉFICE DU RÉGIME DE FAVEUR DES FUSIONS ET OPÉRATIONS ASSIMILÉES

Le A du I du présent article propose de modifier les conditions d’agrément des transferts de déficits en cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de faveur de l’article 210 A.

La première de ces conditions, posée au a du II de l’article 209, n’est pas modifiée : pour que le transfert soit possible, il conviendra toujours que l’opération soit justifiée du point de vue économique et obéisse à des motivations principales autres que fiscales.

La deuxième condition, actuellement posée au b, est renforcée et déplacée dans un c nouveau (deuxième alinéa du 2° du A du I du présent article). L’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé devra toujours être poursuivie pendant au moins trois ans par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports, mais l’activité ne devra pas « faire l’objet, pendant cette période, de changement significatif notamment en termes de clientèle, d’emploi, des moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ». Il a été indiqué au Rapporteur général, à la fois par le ministère du Budget et par des représentants des entreprises, que cette condition de stabilité globale de l’activité poursuivie par la société bénéficiaire des apports – qui n’est toutefois pas une condition d’identité – est une simple traduction dans la loi de la pratique progressivement mise en place par le bureau des agréments de la DGFiP. Compte tenu du caractère tout de même assez flou des notions de clientèle, d’emploi, de moyens d’exploitation, de nature et de volume d’activité, la présence de l’adverbe « notamment » apparaît bienvenue ; l’administration conserve ainsi une marge d’appréciation nécessaire à l’instruction des demandes d’agrément et les cas d’activités particulières pourront être pris en considération même si les critères énumérés ne leur correspondent pas.

Deux conditions supplémentaires à l’agrément sont introduites au II de l’article 209.

La nouvelle rédaction du b (1° du A du I du présent article) crée, pour la société absorbée, une condition symétrique à celle qui vient d’être exposée pour la société absorbante. La délivrance de l’agrément est en effet conditionnée au fait que « l’activité à l’origine des déficits ou des intérêts dont le transfert est demandé n’a pas fait l’objet par la société absorbée ou apporteuse pendant la période au titre de laquelle ces déficits et ces intérêts ont été constatés, de changement significatif notamment en termes de clientèle, d’emploi, des moyens d’exploitation effectivement mis en œuvre, de nature et de volume d’activité ». Si le c nouveau prévoit une condition de stabilité future pour l’activité de la société absorbante, cette nouvelle rédaction du b introduit une condition de stabilité passée de l’activité de la société absorbée. Il s’agit de s’assurer que le déficit n’a pas été volontairement créé par une modification de l’activité de la société, afin de pouvoir être transféré ultérieurement à une société bénéficiaire, pour lui permettre d’effacer une partie de son résultat imposable. Il faut remarquer qu’en principe, une société connaissant les changements significatifs mentionnés dans le texte devrait logiquement subir les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise, et par construction ne plus disposer de déficits éventuellement transférables ; mais la relative souplesse de la jurisprudence, précédemment évoquée, ne l’impose sans doute pas systématiquement.

Le d introduit dans le II de l’article 209 (dernier alinéa du 2° du A du I du présent article) prévoit que ne sont pas susceptibles d’être transférés les déficits et intérêts provenant « de la gestion d’un patrimoine mobilier par des sociétés dont l’actif est principalement composé de participations financières dans d’autres sociétés ou groupements assimilés, [ou] de la gestion d’un patrimoine immobilier ». L’objectif est d’exclure de l’agrément le transfert des déficits des holdings financières, dont il n’est pas déraisonnable de croire que certaines peuvent faire partie des sociétés actives sur les marchés de déficits. Les déficits générés chez les sociétés de gestion d’un patrimoine immobilier, résultant par exemple du fait que les ressources tirées de la location d’un immeuble sont moins élevées que les charges afférentes à son entretien, ne seront pas davantage transférables.

B.– ÉTENDRE LES CONDITIONS AINSI RENFORCÉES AUX OPÉRATIONS DE RESTRUCTURATION DES GROUPES FISCAUX

Les nouvelles conditions posées aux b, c et d du II de l’article 209 sont étendues aux transferts de déficits réalisés dans le cadre des restructurations de groupes fiscaux.

 Le 1° du C du I du présent article aménage les conditions d’obtention de l’agrément nécessaire au transfert de déficits ou d’intérêts en cas de fusion ou de scission, en application du 6 de l’article 223 I précité. Les conditions prévues aux a et b de ce 6 sont maintenues en l’état : opération placée sous le régime de faveur de l’article 210 A (a) et justifiée par des motifs économiques et pas seulement fiscaux (b). La condition prévue au c est en revanche modifiée. Le transfert des déficits sera soumis au respect, par les sociétés dont proviennent les déficits, des conditions mentionnées aux b, c et d du II de l’article 209, dans leur rédaction proposée par le présent article.

Le transfert des déficits ne sera donc autorisé que si :

– l’activité à l’origine des déficits a été stable pendant la période au cours de laquelle ces déficits ont été générés (nouvelle rédaction du b du II de l’article 209) ;

– les déficits ne proviennent pas de l’activité d’une holding financière ou d’une société de gestion d’un patrimoine immobilier (d) ;

– les sociétés dont le transfert des déficits est demandé respectent la condition mentionnée au c du II de l’article 209, c’est-à-dire la poursuite par la société absorbante ou bénéficiaire des apports de l’activité à l’origine des déficits, pendant trois ans et dans des conditions stables.

La référence à cette dernière condition semble problématique en l’état de la rédaction. Elle met en effet à la charge des sociétés dont les déficits ont vocation à être transférés une obligation qui incombe à la société absorbante. On peut supposer dans cette rédaction trois intentions potentielles :

– soit que la société absorbante poursuive l’activité à l’origine des déficits. Dans ce cas, il serait bon de conditionner le transfert de déficits au respect par la société absorbante, et non la société absorbée, de la condition mentionnée au c du II de l’article 209 ;

– soit que la société absorbée poursuive sa propre activité. Dans ce cas, il ne serait pas superflu de le prévoir expressément, car le simple renvoi au c du II de l’article 209 ne paraît pas suffisant ;

– soit que le transfert de déficits ne puisse être autorisé que si les deux conditions qui viennent d’être énoncées sont cumulativement respectées, auquel cas il pourrait être utile de combiner les deux solutions évoquées ci-dessus.

L’évaluation préalable indique qu’« il est proposé de prévoir désormais que le déficit qui trouve son origine dans l’activité d’une filiale membre du groupe fiscal absorbé ou scindé ne pourra faire l’objet d’un transfert sur agrément à la société absorbante ou bénéficiaire des apports, qu’à la condition pour cette filiale de poursuivre l’activité à l’origine du déficit au sein du nouveau groupe constitué par la société absorbante ou bénéficiaire des apports ». Selon les informations transmises au Rapporteur général, l’intention du Gouvernement est également de soumettre le transfert au fait que la société absorbante poursuive l’activité qui en est à l’origine.

 Le 2° du C du I du présent article propose une modification identique
– qui suscite conséquemment les mêmes interrogations – pour les transferts de déficits en cas de scission partielle du groupe (7 de l’article 223 I).

C.– OBJECTIVER LES RÈGLES RELATIVES AU CHANGEMENT D’ACTIVITÉ RÉELLE

 Insuffisamment définie par la loi, la notion de changement d’activité réelle – emportant cessation d’entreprise et par voie de conséquence perte des déficits reportables – a été interprétée par le juge administratif de telle sorte qu’il est assez aisé de conserver le bénéfice de déficits reportables alors même que l’activité évolue significativement.

Afin de mieux encadrer par la loi les conditions de report des déficits, deux options sont possibles :

– soit considérer que le changement substantiel de l’actionnariat de la société déficitaire (hors cas de fusion ou de restructuration de groupe fiscal) emporte perte du droit à report des déficits ;

– soit objectiver les critères qui, en application du 5 de l’article 221 du CGI, permettent de constater la cessation d’entreprise du fait des évolutions connues par la société.

Le présent article retient la seconde option, notamment au motif que la première « sanctionne des situations dans lesquelles l’arrivée de nouveaux investisseurs est nécessaire, soit à la survie, soit au développement de la société » (102).

Le B du I propose donc une nouvelle rédaction du 5 de l’article 221.

 Le principe selon lequel « le changement de l’objet social ou de l’activité réelle d’une société emporte cessation d’entreprise » est maintenu, au premier alinéa du a de la nouvelle rédaction du 5. Le même a ajoute une nouvelle cause de cessation d’entreprise, « en cas de disparition des moyens de production nécessaires à la poursuite de l’exploitation pendant une durée de plus de douze mois, sauf cas de force majeure, ou lorsque cette disparition est suivie d’une cession de la majorité des droits sociaux ».

Il s’agit d’éviter :

– d’une part la mise en sommeil de filiales déficitaires, opportunément réactivées après cession des actifs pour transférer à la société mère les déficits (cas de la disparition des moyens de production pendant plus de douze mois) ;

– d’autre part la cession des droits sociaux d’une société vidée de sa substance, précisément pour la rendre déficitaire.

 Le deuxième alinéa du a maintient en l’état la deuxième phrase du 5, qui prévoit l’application de l’article 221 bis (cf. supra).

 Le b définit la notion de changement d’activité réelle que l’actuel 5 ne fait que mentionner. Deux causes de changement d’activité sont identifiées : l’adjonction d’une activité (i du b) et l’abandon (ou le transfert, même partiel) d’une activité (103) (ii du b). Pour être constitutive d’un changement d’activité, chacune de ces causes doit avoir un impact significatif sur l’activité de l’entreprise, en augmentant (pour l’adjonction) ou réduisant (pour l’abandon) de plus de 50 %, au titre de l’exercice de sa survenance ou du suivant, et par rapport à l’exercice précédant sa survenance :

– soit le chiffre d’affaires ;

– soit l’effectif moyen du personnel et le montant brut des éléments de l’actif immobilisé de la société.

Le constat d’une variation de plus de 50 % de ces éléments objectifs n’est pas la seule cause du changement d’activité réelle ; le premier alinéa du b dispose en effet que le changement d’activité réelle s’entend « notamment » des deux causes qui viennent d’être exposées. L’administration disposera donc d’une marge d’appréciation, au-delà des critères objectifs fixés par la loi.

 Symétriquement, afin que les nouveaux critères susceptibles d’entraîner la cessation d’entreprise ne constituent pas un carcan potentiellement nuisible à l’activité économique et tout particulièrement aux restructurations n’ayant pas d’objet fiscal, le c prévoit une sorte de procédure de sauvegarde. Il est en effet prévu que, sur agrément du ministre chargé du budget, ne soient pas considérés comme emportant cessation d’entreprise :

– la disparition temporaire des moyens de production pendant une durée de plus de douze mois lorsque l’interruption et la reprise d’activité sont justifiées par des motivations principales autres que fiscales (i du c) ;

– l’adjonction et l’abandon précédemment évoqués, dès lors qu’ils sont indispensables à la poursuite de l’activité à l’origine des déficits et à la pérennité de l’emploi (ii du c).

D.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR ET L’EFFET BUDGÉTAIRE DU PRÉSENT ARTICLE

 Le II du présent article prévoit l’application de ses dispositions aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, soit le jour de la délibération du présent projet de loi de finances rectificative au Conseil des ministres.

S’agissant d’une mesure anti-abus, l’entrée en vigueur rétroactive est logique : l’objectif est de décourager la poursuite des « marchés de déficits » pendant la période courant du Conseil des ministres à la promulgation de la loi.

 L’évaluation préalable indique que « la mesure proposée engendre un gain estimé, en l’absence de données, à 40 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2013 », année pleine.

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La Commission adopte l’article 12 sans modification.

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Article 13

Dispositif anti-abus relatif aux schémas de désinvestissement dits « coquillards »

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. Le 6 de l’article 145 est complété par un « k » ainsi rédigé :

« k.– aux produits des parts de sociétés immobilières inscrites en stock à l’actif de sociétés relevant du régime prévu au 1° du I de l’article 35. »

B. Le 1 de l’article 210 A est complété par un quatrième alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la société absorbante a acquis les titres de la société absorbée moins de deux ans avant la fusion, l’éventuelle moins-value à court terme réalisée à l’occasion de l’annulation de ces titres de participation n’est pas déductible à hauteur du montant des produits de ces titres qui a ouvert droit à l’application du régime prévu aux articles 145 et 216 depuis leur acquisition. »

C. Le a ter du I de l’article 219 est ainsi modifié :

1° La première phrase du deuxième alinéa est ainsi complétée :

« , à l’exception des moins-values afférentes aux titres de ces sociétés à hauteur du montant des produits de ces titres qui a ouvert droit à l’application du régime prévu aux articles 145 et 216 au cours de l’exercice au titre duquel ces moins-values ont été constatées et des cinq exercices précédents » ;

2° Le quatrième alinéa est ainsi complété :

« , à l’exception des provisions pour dépréciation des titres de sociétés mentionnés à la première phrase du deuxième alinéa à hauteur du montant des produits de ces titres qui a ouvert droit à l’application du régime prévu aux articles 145 et 216 au cours de l’exercice au titre duquel les provisions ont été comptabilisées et des cinq exercices précédents ».

D. Le troisième alinéa de l’article 223 B est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque les titres mentionnés au deuxième alinéa du a ter du I de l’article 219 sont conservés pendant au moins deux ans, leur prix de revient est diminué, pour la détermination de la moins-value de cession, du montant des produits de participation y afférents dont le montant a été retranché du résultat d'ensemble en application du présent alinéa, au cours de l’exercice au titre duquel cette moins-value a été constatée et des cinq exercices précédents. »

II.– Les dispositions du I s’appliquent aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012. 

Observations et décision de la Commission :

Le présent article s’inscrit dans le cadre des mesures « anti-abus » prévues en matière de fiscalité des entreprises. Il a pour objet d’empêcher des pratiques d’optimisation fiscale constatées par l’administration fiscale, et désignées sous le terme de « coquillards ». Le coquillard est une société redevable de l’impôt sur les sociétés (IS) qui détient, sous le régime mère-fille ou sous le régime de groupe, des participations dans une autre société dont l’actif est principalement constitué de liquidités (la « coquille »).

Le coquillard vide la coquille de sa substance en faisant remonter vers lui l’actif, sous forme de dividendes. La cession ultérieure des titres de la coquille (ou son absorption sous le régime de faveur des fusions) permet au coquillard de bénéficier d’un double avantage en impôt : d’une part, la non-imposition des dividendes du fait des mécanismes de neutralisation prévus par le régime mère-fille et le régime de groupe ; d’autre part, la minoration de son assiette taxable au taux de droit commun de l’IS du fait de la réalisation d’une moins-value à court terme (104).

Les deux dispositions anti-abus déjà adoptées en loi de finances initiale pour 2011 afin de limiter les possibilités de tels abus seraient complétées par le présent article, qui prévoit :

– d’exclure du régime mère-fille certains titres détenus par les sociétés de marchand de biens ;

– d’empêcher le cumul de l’exonération des dividendes et de la déduction de la moins-value de fusion ;

– d’encadrer la combinaison des avantages tirés du régime mère-fille et du régime de groupe avec le régime des moins-values à court terme.

Applicable aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, le présent article devrait générer un surplus de recettes de 40 millions d'euros dès 2012, puis de 200 millions d'euros en année pleine.

I.– LE RÉGIME MÈRE-FILLE ET LE RÉGIME DE GROUPE PERMETTENT DES MONTAGES D’OPTIMISATION FISCALE QUE LA LOI DE FINANCES POUR 2011 A VOULU LIMITER.

A.– LES « COQUILLARDS » METTENT EN PLACE DES MONTAGES D’OPTIMISATION DANS LE CADRE DU RÉGIME MÈRE-FILLE ET DU RÉGIME DE GROUPE.

1.– Le régime mère-fille et le régime de groupe reposent sur des mécanismes de neutralisation des doubles impositions.

 Prévu à l’article 216 du code général des impôts (CGI), le régime des sociétés mères et filiales (ou régime « mère-fille ») permet, sur option, d’exonérer d’IS – sous réserve d’une quote-part pour frais et charges de 5 % – les produits de participation reçues par la société mère de sa filiale, que celle-ci soit établie en France ou à l’étranger. Pour prétendre au bénéfice de ce régime, la société mère doit, en application des dispositions de l’article 145 du CGI, détenir depuis au moins deux ans des titres de participation représentant au moins 5 % du capital de la filiale. L’objet de ce régime est d’éviter la double imposition de la fille et de la mère : en effet, les dividendes « remontés » à la société mère par sa filiale résultent de la réalisation, par celle-ci, de bénéfices soumis dans son chef à l’impôt sur les sociétés.

Il faut tout de suite dire que la notion de titres de participation au sens de l’article 145 est plus large que celle retenue au a ter du I de l’article 219 du CGI, qui définit ceux des titres de participation dont la cession est soumise au régime dit de long terme. Ce régime permet en substance de bénéficier d’un taux réduit de taxation des plus-values, les moins-values n’étant pas déductibles du résultat d’ensemble de la société. Le régime de court terme, à l’inverse, taxe au taux de droit commun (33,1/3 %) les plus-values, les moins-values étant déductibles du résultat d’ensemble au même taux. La distinction entre régime de long terme et de court terme sera précisée infra ; à ce stade, il s’agit simplement de retenir que la soumission à l’un ou à l’autre de ces régimes des titres de participation mentionnés par l’article 145 est sans incidence sur le bénéfice du régime mère-fille.

 Le régime de groupe (ou d’intégration fiscale), prévu aux articles 223 A à 223 U du CGI, permet sur option à la société mère ou « tête de groupe » de se constituer seule redevable de l’IS dû par l’ensemble des sociétés membres du groupe. Pour être qualifiées de société membres du groupe, les filiales doivent être détenues à 95 % au moins par la tête de groupe (directement ou indirectement), tout au long de l’exercice d’imposition. Le résultat d’ensemble, imposé dans le chef de la société tête de groupe, est déterminé en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, somme retraitée afin de neutraliser les opérations intragroupe.

Ainsi, en application du troisième alinéa de l’article 223 B, les produits de participation reçus par une société du groupe d’une autre société membre du même groupe depuis plus d’un exercice sont intégralement déduits du résultat d’ensemble, afin d’éviter une double imposition (d’une part du résultat dégagé par la société du groupe – imposé dans le chef de la tête de groupe – et d’autre part des dividendes provenant de ce résultat et versés à la société du groupe détenant la participation). Cette neutralisation ne s’opère que dans le cas où les produits de participation en question ne sont pas éligibles au régime mère-fille, qui permet selon les modalités qui viennent d’être indiquées d’éviter la double imposition. Il faut en effet rappeler que le régime mère-fille et le régime de groupe ne sont pas inconciliables : sous réserve de respecter les conditions mentionnées à l’article 145 (en particulier la condition de durée de détention des titres), des sociétés membres d’un groupe peuvent se placer sous le régime mère-fille.

La mécanique de neutralisation s’applique également aux plus ou moins-values de cession de titres au sein du groupe : si une société du groupe cède les titres qu’elle détient dans une autre société du groupe à une troisième société du groupe, la plus ou moins-value de cession n’est pas retenue pour le calcul du résultat d’ensemble, puisque l’opération est neutre du point de vue du groupe. C’est seulement au moment de la cession à une société non membre du groupe que la plus ou moins-value sera « déneutralisée », pour être intégrée au résultat d’ensemble de l’exercice de cession.

2.– Les « coquillards » organisent, dans le cadre de ces régimes, des montages optimisants, parfois sanctionnés au titre de l’abus de droit fiscal.

 Théoriquement justifiés par la nécessité d’éviter une double imposition des mêmes produits, le régime mère-fille et le régime de groupe peuvent fournir un cadre juridique propice à des montages ayant pour seule fin l’optimisation fiscale.

La mécanique générale (105) des montages consiste, pour le coquillard :

– à acquérir des participations dans une société – la coquille – dont l’actif est essentiellement constitué de liquidités. Il s’agit en général de sociétés en fin de vie, ayant cédé leurs actifs contre des liquidités, et n’employant plus de personnel ;

– à faire remonter, en franchise d’impôt (régime de groupe) ou quasi-franchise du fait de la quote-part pour frais et charges (régime mère-fille) des dividendes correspondant à ces liquidités. La coquille acquise par le coquillard est alors vidée de sa substance ;

– à céder les titres de participation détenus dans la coquille ;

– à constater une moins-value de cession du fait de la perte de valeur des titres de la coquille, résultant de la « vidange » de son actif par la remontée des dividendes ;

– à imputer cette moins-value sur les résultats, diminuant ainsi l’assiette soumise à l’impôt sur les sociétés (106).

Au final, le coquillard perçoit des dividendes exonérés d’impôt (107) sur des titres de participation dont l’acquisition est en quelque sorte financée pour un tiers par l’État, puisque la moins-value de cession est déductible de l’assiette de l’IS au taux de droit commun.

 Sur le fondement de la procédure d’abus de droit fiscal prévue à l’article L.64 du livre des procédures fiscales (LPF), l’administration fiscale peut sanctionner la mise en place de ce type de montages.

La procédure de l’abus de droit fiscal

 Elle repose sur l’article L.64 du LPF, dont le texte suit.

« Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles.

En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité.

Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification.

Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public. »

 L’article 1653 C du CGI prévoit que le comité de l’abus de droit fiscal est composé des personnalités suivantes, nommées par le ministre chargé du budget : un conseiller d’État (président), un conseiller à la Cour de cassation, un avocat ayant une compétence en droit fiscal, un conseiller maître à la Cour des comptes, un notaire, un expert-comptable et un professeur des universités (agrégé de droit ou de sciences économiques). Le ministre nomme également un rapporteur, fonctionnaire de catégorie A de la Direction générale des finances publiques.

En plus du rapport annuel mentionné au dernier alinéa de l’article L.64 du LPF, l’administration publie dans un bulletin officiel des impôts (BOI) les avis rendus par le comité. Le BOI n° 8 du 30 janvier 2012 (108) fournit un exemple de montage « coquillard » refusé par l’administration fiscale, avec avis favorable du comité de l’abus de droit fiscal. L’encadré suivant résume à grands traits l’affaire en question, détaillée plus avant dans le BOI.

Résumé de l’affaire n° 2011-04, BOI n° 8 du 30 janvier 2012

Une société Y a acquis les titres de trois sociétés : A, G, K (directement), D et P (indirectement). Afin de bénéficier du régime mère-fille, Y a pris l’engagement de conserver pendant au moins deux ans les titres de participation, conformément aux dispositions du 1° de l’article 54 de l’annexe II au CGI. Y a perçu de chacune des cinq sociétés des dividendes, exonérés d’impôt sous réserve de la quote-part pour frais et charges. Y a par la suite absorbé P sous le régime fiscal des fusions (109), cédé A, G et K, et constitué une provision pour dépréciation des titres détenus dans D. Chacune de ces opérations a permis à Y de minorer son assiette taxable :

– les cessions de A, G et K ont généré des moins-values de cession ;

– l’absorption de P a produit une moins-value d’annulation des titres ;

– la provision pour dépréciation des titres de D a été déduite du résultat imposable.

Aucune de ces opérations ne semble a priori contraire aux dispositions légales, mais l’administration a estimé que la société Y s’était rendue coupable d’un abus de droit. Le BOI indique que « l’administration a constaté qu’à la date d’acquisition des titres, les sociétés P, A, G, K et D ne détenaient plus aucun actif corporel ou incorporel, n’exerçaient plus aucune activité économique mais disposaient de liquidités importantes. Elle a relevé […] que ces acquisitions ne présentaient aucun intérêt économique, et que l’objectif poursuivi par la société [Y] avait été uniquement de rechercher l’exonération des dividendes en utilisant à cette fin, et de manière abusive, le régime des sociétés mères […]. Elle a constaté d’autre part, que les distributions avaient été suivies, soit de l’absorption de la filiale, soit de la cession des titres ou enfin de la constatation d’une provision [pour dépréciation] dégageant ainsi une moins-value déductible […]. Elle en a conclu que l’acquisition des titres des cinq sociétés P, A, G, K et D ne correspondait à aucune réalité économique, mais visait exclusivement à l’obtention d’un avantage fiscal au travers d’une situation artificiellement créée ».

Le comité de l’abus de droit fiscal a émis un avis favorable à la décision de l’administration, constatant que « la société Y avait souscrit l’engagement formel de conservation des titres pendant une durée de deux ans dans le but exclusif d’atténuer ses charges fiscales grâce à une application littérale des dispositions fiscales relatives au régime des sociétés mères à l’encontre des objectifs poursuivis par le législateur lorsqu’il a adopté ce régime lequel permet, afin d’éviter une double imposition, de ne pas soumettre à l’impôt sur les sociétés dû par la société mère, sous déduction d’une quote-part de frais et charges de 5 %, les dividendes qu’elle a reçus de sa filiale, mais suppose une poursuite effective de l’activité des filiales pendant au moins deux ans ».

B.– DES MESURES ANTI-ABUS ONT ÉTÉ ADOPTÉES EN LOI DE FINANCES POUR 2011.

Faute de modifications législatives, la remise en cause des montages optimisants ne peut intervenir qu’à l’issue d’une longue procédure conduisant, à l’issue d’un contrôle fiscal – qui ne peut au demeurant suffire à déceler l’ensemble des montages réalisés – à un constat d’abus de droit, pouvant donner lieu à une saisine du comité de l’abus de droit fiscal, puis éventuellement à un contentieux. Afin de mettre fin à deux types de schémas jugés abusifs, des dispositions ont été adoptées en loi de finances initiale (LFI) pour 2011 (article 11) (110).

1.– Des modifications ont été apportées au régime « mère-fille ».

 La première correction apportée par l’article 11 de la LFI 2011 a pour objet de limiter l’intérêt fiscal des opérations successives de distribution et de fusion réalisées sous le régime mère-fille.

Le schéma en cause était le suivant :

– au cours de l’exercice N, une société A acquiert une société B, dont l’actif d’un montant de 100 est constitué de liquidités ;

– B verse à A des dividendes d’un montant de 100 ;

– en application du régime mère-fille, les dividendes sont exonérés à 95 % ;

– au cours de l’exercice N+1, la société B est absorbée par une société C, en application des dispositions du 7 bis de l’article 38 du CGI, relatives aux fusions et scissions de sociétés. Du fait de cette absorption, C devient filiale de A ;

– A constate que l’échange de titres résultant de la fusion – elle détient désormais des titres de C et non plus des titres de B – lui cause une moins-value de 100, correspondant au montant de dividendes qui lui ont été versés par B ;

– contrairement à d’autres dispositions relatives aux échanges de titres, le 7 bis de l’article 38 permet à A d’imputer au cours de l’exercice de cession la moins-value sur son résultat d’ensemble (111;

– sachant que l’opération d’échange de titres prévue dans le cadre du 7 bis de l’article 38 n’interrompt pas le délai de décompte de détention des titres conditionnant le bénéfice du régime mère-fille (112), il suffit à A de conserver les titres de C jusqu’à la fin de l’exercice N+2 pour bénéficier tout à la fois de l’exonération des dividendes et de la minoration de son assiette taxable du fait de la moins-value d’échange.

 Afin d’empêcher ce type de montage optimisant, l’article 11 de la LFI 2011 a modifié le c du 1 de l’article 145 – article qui fixe les conditions du bénéfice du régime mère-fille – en limitant le caractère non interruptif du décompte de la durée de détention de deux ans aux seules opérations d’échanges de titres « dont le profit ou la perte ne sont pas compris dans le résultat de l’exercice de leur réalisation ». La nouvelle rédaction a donc pour effet, s’agissant des titres échangés dans le cadre du 7 bis de l’article 38, d’interrompre le délai de conservation de deux ans si la société bénéficiaire décide de prendre en compte au cours de l’exercice de l’échange la perte ou le profit en résultant. Dans ce cas, le bénéfice du régime mère-fille est désormais remis en cause.

2.– Des modifications ont été apportées au régime de groupe.

L’article 223 B du CGI prévoit, pour les participations intragroupe ne relevant pas du régime mère-fille, une exonération d’IS afin d’éviter un phénomène de double imposition (cf. supra).

Ce dispositif permettait de réaliser des montages similaires à celui décrit précédemment, fonctionnant schématiquement de la manière suivante :

– au cours de l’exercice N, une société A, tête de groupe, acquiert des titres d’une société B, qui elle-même acquiert des titres d’une société C, dont l’actif d’un montant de 100 est constitué de liquidités ;

– au cours de l’exercice N+1, B et C entrent dans le groupe (113) ;

– au cours de l’exercice N+2, soit plus d’un an après son entrée dans le groupe, C distribue des dividendes à B, pour un montant de 100 ;

– en application de l’article 223 B du CGI, ces dividendes ne sont pas imposés ;

– B cède immédiatement C à D, une autre société du groupe, et constate une moins-value à court terme d’un montant de 100, correspondant aux dividendes versés ;

– en application du premier alinéa de l’article 223 F, cette moins-value n’est pas imputable sur le résultat d’ensemble du groupe, puisque la cession a eu lieu à l’intérieur du groupe ;

– au cours de l’exercice N+3, D cède C hors du groupe. En application du troisième alinéa de l’article 223 F, la moins-value à court terme précédemment neutralisée est réintégrée au résultat d’ensemble du groupe, qui se trouve ainsi minoré, à hauteur du montant de dividendes exonérés.

 L’article 11 de la LFI 2011 a introduit au troisième alinéa de l’article 223 B du CGI une disposition prévoyant que lorsque les titres n’ont pas été conservés pendant un délai de deux ans (et que la moins-value de leur cession est en conséquence déductible du résultat d’ensemble en application du régime de court terme), le prix de revient permettant de déterminer la plus ou moins-value de cession est corrigé du montant des distributions exonérées. Dans l’exemple qui précède, le prix d’achat des titres retenu pour l’évaluation de la moins-value ne serait pas de 100, mais de 0, par soustraction des dividendes exonérés : aucune moins-value ne pourrait donc être imputée.

II.– LE PRÉSENT ARTICLE A POUR OBJET D’EMPÊCHER TROIS AUTRES TYPES DE MONTAGES OPTIMISANTS.

La créativité fiscale des coquillards et de leurs conseils étant particulièrement remarquable, les montages optimisants sont d’une grande diversité. Les corrections législatives apportées par la loi de finances pour 2011 appellent donc des compléments, afin d’empêcher une nouvelle vague de montages, identifiés par l’administration fiscale.

A.– CERTAINS PRODUITS PERÇUS PAR LES SOCIÉTÉS DE MARCHANDS DE BIENS DOIVENT ÊTRE EXCLUS DU RÉGIME « MÈRE-FILLE ».

 Le 1° du I de l’article 35 du CGI range dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux imposables à l’impôt sur le revenu les bénéfices réalisés par des « personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés ». Ces marchands de biens, lorsqu’ils sont constitués en société, peuvent être redevables de l’impôt sur les sociétés en application du 2 de l’article 206, qui dispose que « les sociétés civiles sont également passibles dudit impôt […] si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ».

Les « sociétés immobilières » mentionnées au 1° du I de l’article 35 peuvent prendre plusieurs formes : sociétés immobilières de copropriété, sociétés immobilières ne relevant pas de l’impôt sur les sociétés (sociétés civiles immobilières, sociétés en nom collectif…), sociétés immobilières d’investissement, sociétés immobilières de gestion, sociétés immobilières pour le commerce et l’industrie.

Tout comme les immeubles détenus en vue de la vente, les parts de sociétés immobilières détenues par les marchands de biens sont inscrites en stock dans leur comptabilité, puisqu’il s’agit d’éléments de leur actif courant et non de simples participations immobilisées ou détenues sous forme de valeurs mobilières de placement. Alors même que le bénéfice du régime mère-fille est en principe réservé aux titres de participation en application de l’article 145 du CGI, le caractère assez flou de la définition fiscale de ces titres au sens de cet article a pu permettre des montages optimisants (114).

 Le schéma constaté est le suivant :

– une société A exerçant l’activité de marchand de biens détient des titres d’une société immobilière B, dans des conditions permettant de bénéficier du régime mère-fille ;

– l’actif de B est constitué de liquidités, résultant par exemple de la cession des immeubles qu’elle détenait et mettait en location ;

– B distribue à A des dividendes, exonérés d’impôt sous réserve de la quote-part pour frais et charges ;

– A constate que du fait de ce versement de dividendes, les titres de la société B ont perdu de leur valeur ;

– si A cède les titres détenus dans B, elle constate une perte sur stock qui vient minorer son assiette taxable ;

– si A conserve les titres, elle constate une dépréciation de son stock, et dote en conséquence une provision déductible de son assiette taxable (115).

 Afin d’empêcher ce type de montage, le A du I du présent article propose de faire en sorte que les produits des parts de sociétés immobilières inscrites en stock à l’actif de sociétés de marchand de biens ne soient plus éligibles au régime mère-fille.

Il s’agirait pour ce faire de compléter par un k le 6 de l’article 145 du CGI, lequel dresse la liste de certains des produits auxquels le régime mère-fille n’est pas applicable. Le k nouveau ajouterait à cette liste les « produits des parts de sociétés immobilières inscrites en stock à l’actif de sociétés relevant du régime prévu au 1° du I de l’article 35 », c’est-à-dire les sociétés de marchand de biens.

B.– LE CUMUL DE L’EXONÉRATION DES DIVIDENDES ET DE LA DÉDUCTION DE LA MOINS-VALUE DE FUSION DOIT ÊTRE EMPÊCHÉ.

 Les fusions de sociétés par absorption, qui impliquent la disparition des sociétés absorbées, devraient en principe entraîner les conséquences fiscales de la cessation d’entreprise, en particulier l’imposition des bénéfices non encore taxés, y compris les plus-values résultant de la fusion (116) (2 de l’article 221 du CGI).

Cependant, afin d’encourager les regroupements d’entreprise, l’article 210 A du CGI prévoit, sous un certain nombre de conditions, un régime de faveur permettant notamment d’exonérer d’IS la plus-value éventuellement dégagée par la société absorbante lors de l’annulation, consécutive à la fusion, des parts détenues dans la société absorbée.

En application du quatrième alinéa du c du 1 de l’article 145, le décompte du délai de détention de deux ans conditionnant le bénéfice du régime mère-fille n’est pas interrompu par la fusion si celle-ci est placée sous le régime de faveur.

 Sur le fondement de ces dispositions, des montages optimisants peuvent être réalisés selon le schéma suivant :

– au cours de l’exercice N, la société A acquiert pour un montant de 100 des titres de participation dans la société B, dans des conditions permettant de bénéficier du régime mère-fille ;

– B, dont l’actif est composé de liquidités, verse à A des dividendes d’un montant de 100 ;

– au cours de l’exercice N+1, la société A absorbe la société B, en plaçant l’opération sous le régime de faveur des fusions ;

– A constate que l’annulation des titres de B résultant de la fusion lui cause une moins-value de 100, correspondant au montant des dividendes versés par B ;

– cette moins-value à court terme, car réalisée dans un délai de moins de deux ans suivant l’acquisition des titres, diminue le résultat imposable de A.

Ainsi, alors que A n’a pas conservé pendant plus de deux ans les titres de B (annulés du fait de son absorption par A), elle bénéficie néanmoins du régime mère-fille, le délai de détention de deux ans n’étant pas considéré comme interrompu par la fusion.

 Afin d’empêcher ce type de montage, le B du I du présent article propose de neutraliser, pour le calcul de la moins-value, le montant de dividendes exonérés en application du régime mère-fille.

Il s’agit pour ce faire de compléter le 1 de l’article 210 A par un quatrième alinéa, prévoyant que lorsque les titres de la société absorbée ont été acquis depuis moins de deux ans par la société absorbante, la moins-value résultant de l’annulation des titres de participation consécutive à la fusion n’est pas déductible à hauteur du montant des produits de ces titres distribués sous le bénéfice du régime mère-fille.

En conséquence, dans l’exemple précité, la moins-value de 100 réalisée par la société A du fait de l’annulation résultant de l’absorption de B ne serait pas déductible, puisqu’elle correspond au montant de dividendes ayant bénéficié du régime mère-fille.

C.– LA COMBINAISON DES AVANTAGES TIRÉS DU RÉGIME MÈRE-FILLE ET DU RÉGIME DE GROUPE AVEC LE RÉGIME DES MOINS-VALUES À COURT TERME DOIT ÊTRE ENCADRÉE.

 En application de l’article 219 du CGI, le taux normal de l’impôt sur les sociétés est fixé à 33,1/3 % des bénéfices imposables. Un régime de taxation différent est toutefois prévu pour les plus-values ; les règles applicables diffèrent selon que la plus-value est réalisée à court terme ou à long terme.

La distinction entre le régime du court terme et le régime du long terme repose, s’agissant des entreprises redevables de l’impôt sur le revenu, sur les articles 39 duodecies à 39 quindecies. Dans le cadre du présent commentaire, qui s’attache à la description du régime de plus ou moins-values afférent à des titres de participation (éléments non amortissables), il faut retenir que le régime de court terme s’applique aux cessions d’actifs non amortissables acquis depuis moins de deux ans, et que le régime de long terme s’applique aux cessions d’actifs non amortissables détenus depuis plus de deux ans.

Les règles ainsi définies pour les redevables de l’impôt sur le revenu sont adaptées s’agissant des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés. En effet, le a ter du I de l’article 219 limite le régime de long terme aux titres de participation, aux titres de certains fonds communs de placement à risque (FCPR) ou de sociétés de capital-risque (SCR) détenus depuis au moins cinq ans et de certains produits de la propriété industrielle (117). Par construction, les plus et moins-values de cession exclues du régime de long terme sont soumises au régime de court terme, quelle que soit la durée de détention des éléments de l’actif concernés.

Les plus-values et moins-values à court terme font l’objet, à la clôture de l’exercice, d’une compensation générale :

– si la compensation ainsi opérée fait apparaître une plus-value nette, celle-ci est ajoutée aux résultats imposables dans les conditions de droit commun, c’est-à-dire au taux de 33,1/3 %.

– si cette compensation fait apparaître une moins-value nette, celle-ci s’impute sur le bénéfice d’exploitation et minore en conséquence l’assiette taxable. Si la moins-value excède le bénéfice d’exploitation, elle constitue un déficit reportable en avant (118).

Le régime des plus-values et moins-values à long terme est plus complexe, car sectorisé en fonction des éléments d’actifs concernés :

– les plus-values de cession de titres de participation détenus depuis plus de deux ans sont exonérées d’impôt, sous réserve d’une quote-part pour frais et charges de 10 % ;

– les plus-values de cession des titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées détenus depuis plus de deux ans sont taxées au taux préférentiel de 19 % ;

– les produits nets tirés de la cession, de la concession ou de la sous-concession de brevets (119) détenus depuis plus de deux ans sont taxés à 15 % ;

– les plus-values de cession des parts de FCPR et de SCR détenues depuis plus de cinq ans sont soumises à un régime d’imposition combinant exonération et taxation à 15 %.

Pour chacun de ces secteurs d’imposition, la plus ou moins-value nette résulte de la compensation entre plus et moins-values de même nature.

Le régime plus favorable de taxation (voire l’exonération) de ces plus-values s’accompagne, logiquement, de facultés réduites d’imputation des moins-values sur le résultat. L’économie générale du dispositif repose sur l’idée que lorsque la compensation entre les plus-values et les moins-values à long terme afférentes à un exercice (tous secteurs d’imposition confondus) fait apparaître une moins-value nette, celle-ci ne peut être imputée que sur les plus-values nettes à long terme des dix exercices ultérieurs. Les titres de participation exonérés constituent un cas particulier, puisque la moins-value nette à long terme ne peut pas être imputée sur les plus-values à long terme relevant des autres secteurs d’imposition mentionnés supra, ni reportée sur les exercices suivants.

Les titres de participation exonérés

Les titres de participation qui bénéficient du régime d’exonération comprennent les parts ou actions qui revêtent ce caractère sur le plan comptable et les titres considérés comme tels par la loi fiscale, à l’exception des titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées ou non cotées visés et des titres de sociétés établies dans un État ou territoire non coopératif.

Constituent de véritables participations, sur le plan comptable, les titres dont la possession durable est estimée utile à l’activité de l’entreprise, notamment parce qu’elle permet d’exercer une influence sur la société émettrice ou d’en assurer le contrôle.

Les titres assimilés aux titres de participation sur le plan fiscal sont les titres acquis en exécution d’une offre publique d’achat ou d’échange par l’entreprise qui en est l’initiatrice, ainsi que les titres ouvrant droit au régime des sociétés mères.

La décision d’incorporer ainsi des titres dans la catégorie des titres de participation relève d’un choix qui peut être exercé à tout moment et sur lequel l’entreprise peut par la suite revenir.

Symétriquement à l’exonération des plus-values réalisées lors de la cession de ces titres (premier alinéa du a quinquies du I de l’article 219), les moins-values ne sont pas imputables (cinquième alinéa).

Pour résumer à grands traits :

– le régime de court terme taxe les plus-values au taux normal, mais permet de déduire les moins-values du résultat d’ensemble soumis à l’impôt ;

– le régime de long terme taxe les plus-values à des taux réduits, mais l’imputation des moins-values est « tunnelisée », ne pouvant s’opérer que sur les plus-values à long terme des dix exercices ultérieurs ;

– au sein du régime de long terme, les moins-values afférentes à des titres dont la cession est exonérée de plus-value ne sont ni imputables sur les autres plus-values à long terme de l’exercice, ni reportables sur les plus-values nettes à long terme des exercices ultérieurs.

 En application de la première phrase du deuxième alinéa du a ter de l’article 219 du CGI, sont exclues du régime de long terme les plus ou moins-values de cession des titres des sociétés de gestion de portefeuille, plus précisément des « titres de sociétés dont l’actif est constitué principalement par des titres exclus de ce régime ou dont l’activité consiste de manière prépondérante en la gestion des mêmes valeurs pour leur propre compte ». Il faut remarquer que cette disposition constitue en elle-même une sorte de mesure anti-abus, son objet étant d’exclure de la taxation réduite prévue par le régime de long terme les plus-values de cession de titres de sociétés dont la vocation, pour résumer, est davantage financière que strictement productive.

C’est donc presque paradoxalement que cet état du droit peut donner lieu à des montages optimisants, dont le schéma est le suivant :

– au cours de l’exercice N, la société A acquiert pour un montant de 100 les titres d’une société B dont l’actif est constitué comme défini à la première phrase du deuxième alinéa du a ter de l’article 219 du CGI ;

– A demande le bénéfice du régime mère-fille ;

– B verse des dividendes à A, d’un montant de 100 ;

– en application du régime mère-fille, ces dividendes sont exonérés à 95 % ;

– à la fin de l’exercice N+2, soit après l’expiration du délai de détention conditionnant le bénéfice du régime mère-fille, A cède les participations détenues dans B ;

– elle constate une moins-value de 100, correspondant au montant des dividendes distribués ;

– cette moins-value étant exclue du régime de long terme, elle est imputable sur le résultat d’ensemble de la société A, qui minore ainsi son assiette taxable.

A aura donc bénéficié d’un double avantage : le régime mère-fille d’une part, l’imputation de la moins-value de cession d’autre part.

 Afin d’empêcher ce type de montage, le 1° du C du I du présent article introduit une exception au principe posé par la première phrase du deuxième alinéa du a ter de l’article 219 du CGI : relèveront désormais du régime de long terme les moins-values de cession des titres détenus dans une société de gestion de portefeuille, à hauteur du montant des produits de ces titres qui a ouvert droit à l’application du régime mère-fille au cours de l’exercice de cession et des cinq exercices précédents.

Dans l’exemple qui vient d’être cité, la moins-value de 100 constatée par A à la cession des titres de participation détenus dans B serait, en application du dispositif proposé, soumise au régime de long terme : la moins-value de cession ne serait plus déductible du résultat imposable. En conséquence, la société A ne pourrait plus combiner le bénéfice du régime mère-fille et la minoration de son assiette taxable.

L’impossibilité d’imputer les moins-values à hauteur des produits distribués sous le régime mère-fille concernerait non seulement celles constatées au cours de l’exercice de cession, mais également celles des cinq exercices précédents.

Ainsi :

– la société A acquiert au cours de l’exercice N des titres de la société B, dont l’actif d’une valeur de 120 est constitué de liquidités ;

– au cours des exercices N à N+5, B verse à A des dividendes d’un montant de 20, sous le bénéfice régime mère-fille ;

– en N+5, A cède les titres de B, en constatant une moins-value de 120, correspondant au montant des dividendes versés ;

– en application du dispositif proposé, cette moins-value ne sera plus imputable sur le résultat d’ensemble de l’exercice, puisque correspondant aux dividendes exonérés au titre dudit exercice et des cinq précédents.

Seules les moins-values étant visées par la disposition proposée, les plus-values afférentes aux cessions des titres de sociétés de gestion de portefeuille resteront soumises au régime de court terme, donc imposables au taux de droit commun. Cette asymétrie entre plus et moins-values est en l’espèce logique, puisque les abus proviennent de l’imputation des moins-values ; l’objectif recherché n’est nullement d’alléger la taxation des plus-values.

 Le 2° du C du I du présent article propose, s’agissant des provisions pour dépréciation, une mesure exactement symétrique de celle qui vient d’être décrite pour les moins-values de cession. En effet, si la société A ne cède pas les titres de la société B après remontée des dividendes, elle constate que la valeur de ces titres s’est dégradée, et constitue une provision pour dépréciation du portefeuille-titres, qui vient minorer l’assiette taxable.

Le quatrième alinéa du a ter du I de l’article 219 exclut du régime de long terme les provisions pour dépréciation afférentes à des titres de participation eux-mêmes exclus du long terme. En introduisant dans cet alinéa la même exception que celle prévue pour les moins-values par le 1° du C du I, le 2° soumet les provisions pour dépréciation au régime du court terme, empêchant par conséquent leur imputation sur le résultat et donc la minoration de l’assiette taxable.

 Le D du I du présent article propose une modification symétrique à celle prévue par le 1° du C du I s’agissant des moins-values de cession constatées dans le cadre du régime de groupe. Le complément apporté par le D au troisième alinéa de l’article 223 B prévoit que lorsque les titres de sociétés de gestion de portefeuille sont conservés pendant au moins deux ans, la moins-value issue de leur cession est calculée en retranchant du prix de revient le montant des produits de participation déduits du résultat d’ensemble par application du régime de groupe.

D.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR RÉTROACTIVE DU DISPOSITIF DEVRAIT PRODUIRE DES RECETTES SUPPLÉMENTAIRES DÈS 2012.

 Le II du présent article prévoit que ses dispositions s’appliquent aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, soit la date à laquelle le présent projet de loi de finances rectificative a été délibéré en Conseil des ministres.

L’entrée en vigueur rétroactive est logique s’agissant d’un dispositif anti-abus. Une application aux exercices clos à compter de promulgation de la loi aurait en effet pu permettre aux coquillards dont il s’agit de décourager les pratiques de clôturer leurs exercices dans des délais leur permettant de continuer à bénéficier du droit existant.

 L’évaluation préalable indique sobrement qu’ « en l’absence de données, la mesure est estimée à 40 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2013 », année pleine.

Selon les informations complémentaires transmises au Rapporteur général, environ 140 montages « coquillards » ont été remis en cause par l’administration depuis 2003, pour un montant d’impôt d’environ 600 millions d'euros.

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La Commission adopte l’article 13 sans modification.

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Article 14

Non-déductibilité du bénéfice imposable
des abandons de créance à caractère financier

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° L’article 39 est complété par un 13 ainsi rédigé :

« 13. Sont exclues des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt les aides de toute nature consenties à une autre entreprise, à l’exception des aides à caractère commercial. » ;

2° Le 4 du I de l’article 1586 sexies est ainsi modifié :

a) Au quatrième alinéa du a, les mots : « et des abandons de créances à caractère financier à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés de l’entreprise qui les consent » sont supprimés ;

b) Le huitième alinéa du b est supprimé.

II.– Le I s’applique aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article, qui s’inscrit dans le cadre des mesures « anti-abus », a pour objet d’empêcher les entreprises de déduire de l’assiette de leur impôt sur les bénéfices – qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés – les aides à caractère purement financier consenties à d’autres entreprises, aides qui sont en l’état du droit considérées comme des charges déductibles. Cette mesure, qui concerne essentiellement les abandons de créance à caractère financier, est destinée à mettre fin à des pratiques d’optimisation fiscale. Elle rend nécessaire, par coordination, une modification des modalités de calcul de la valeur ajoutée retenues pour l’établissement de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le produit attendu est de 40 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en année pleine.

I.– LA DÉDUCTIBILITÉ DES AIDES À CARACTÈRE FINANCIER PERMET DES PRATIQUES D’OPTIMISATION FISCALE.

A.– LES AIDES À CARACTÈRE FINANCIER SONT DÉDUCTIBLES, DANS DES CONDITIONS SPÉCIFIQUES, DE L’ASSIETTE DE L’IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES.

 L’article 39 du code général des impôts (CGI) dresse une liste des charges déductibles du résultat de l’entreprise pour l’établissement de son bénéfice net, constitutif de l’assiette de l’imposition des bénéfices. Si cet article concerne les bénéfices industriels et commerciaux taxés au titre de l’impôt sur le revenu, les règles qu’il fixe sont pour la plupart applicables aux modalités de calcul de l’impôt sur les sociétés ; le premier alinéa du I de l’article 209 du CGI prévoit en effet que, sous réserve de dispositions particulières, « les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés d’après les règles fixées par les articles 34 à 45 » (120).

La liste dressée à l’article 39 n’étant pas limitative, certaines dépenses ou pertes peuvent être admises comme des charges déductibles sans y être expressément mentionnées ; tel est notamment le cas des abandons de créance (121).

Défini par l’administration fiscale comme « la renonciation par une entreprise à exercer les droits que lui confère l’existence d’une créance » (122), l’abandon de créance, qui manifeste la volonté d’une entreprise d’accorder une aide à une autre entreprise, se traduit du point de vue comptable :

– pour l’entreprise qui consent l’abandon, par la constatation d’une perte correspondant au montant de la créance ;

– pour l’entreprise qui en bénéficie, par l’enregistrement d’un profit à hauteur du montant de dette annulé du fait de l’abandon.

Du point de vue fiscal, la perte est, dans les conditions et limites exposées infra, considérée comme une charge déductible ; le profit est quant à lui imposable (123).

 Il faut relever que les subventions, définies comme « les aides versées par une entreprise à une autre sans contrepartie directe » (124), sont assimilées par la jurisprudence et la doctrine aux abandons de créance ; les unes comme les autres constituent une aide consentie par une entreprise à une entreprise tierce.

Faute de l’inscription comptable d’une créance et d’une dette, la renonciation à des recettes (par exemple la non-facturation de ventes ou de services) n’est en principe pas assimilée à l’abandon de créance. La doctrine administrative considère que « toutefois, dans la situation où la société mère pourrait être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté, il conviendrait, en ce qui la concerne, et pour l’application des impôts directs uniquement, d’attacher à la renonciation à des recettes les effets d’un abandon de créance » (125).

 Comme toutes les charges, l’abandon de créance n’est fiscalement déductible que s’il constitue un acte de gestion normal, accompli dans l’intérêt de l’exploitation. Le fait que cette condition indispensable soit vérifiée ne suffit pas à rendre tout abandon de créance intégralement déductible ; en effet, le régime de déductibilité dépend de la nature de l’abandon, qui peut être commerciale ou financière.

Fruit d’une construction jurisprudentielle, la distinction entre les deux types d’abandons de créance peut être caractérisée à grands traits de la manière suivante :

– l’abandon de créance à caractère commercial trouve « son origine dans des relations commerciales entre deux entreprises » (126) et se voit « consenti soit pour maintenir des débouchés, soit pour préserver des sources d’approvisionnement » (127). Une entreprise peut par exemple trouver intérêt à venir en aide à un fournisseur en difficulté ;

– l’abandon de créance présente un caractère financier « lorsque simultanément la nature de la créance (prêt, avance…), les liens existant entre l’entreprise créancière et l’entreprise débitrice exclusifs de toute relation commerciale ainsi que les motivations de l’abandon présentent un caractère strictement financier » (128). L’abandon de créance à caractère financier ne se conçoit en pratique qu’entre sociétés financièrement liées, dans le cadre d’un groupe de sociétés ou dans le cadre d’une relation entre une société mère et sa filiale.

Le seul énoncé de ces deux catégories laisse supposer, à juste titre, que la qualification d’un abandon de créance peut s’avérer ardue, par exemple lorsque les deux entreprises sont liées sur les deux plans, commercial et financier ; il convient alors d’essayer d’identifier les motivations qui ont conduit à l’abandon. Le Conseil d’État a pu ainsi juger que l’abandon de créance consenti par une société française à une filiale allemande dont elle détenait 97,6 % du capital – qui pouvait apparaître en première analyse comme de nature financière, relevant de la gestion des participations financières de la société française – devait en réalité être qualifié de commercial ; la société française avait en effet « cherché à éviter le dépôt du bilan de sa filiale, lequel aurait risqué de porter atteinte à son crédit et surtout n’aurait pas manqué d’entraver la poursuite de ses activités commerciales en Allemagne dont cette filiale était un instrument » (129). Serait à l’inverse considéré comme financier l’abandon de créance consenti par une entreprise à une filiale avec laquelle elle n’entretient pas de relations commerciales ; l’objectif poursuivi par la société mère est alors de sauvegarder la valeur de sa participation dans la filiale, sans la recapitaliser.

En application de la jurisprudence précitée du Conseil d’État, la perte résultant d’un abandon de créance à caractère commercial est admise pour l’intégralité de son montant comme une charge déductible du résultat imposable de l’entreprise qui a consenti l’abandon.

En revanche, la perte résultant d’un abandon de créance à caractère financier n’est déductible qu’à hauteur de sa fraction n’ayant pas pour effet de valoriser la participation de l’entreprise qui consent l’abandon (en pratique, la société mère) dans l’entreprise qui en bénéficie (la filiale). Rendre déductible la fraction de l’abandon de créance qui valorise la participation reviendrait en effet à faire prendre en charge par l’État – du fait de la minoration de l’assiette taxable au titre de l’impôt sur les bénéfices – une aide ayant pour effet d’augmenter la valeur des titres de participation que la société qui consent l’abandon de créance détient dans la société aidée. En conséquence, l’abandon de créance à caractère financier n’est déductible qu’à hauteur de sa fraction ayant pour effet de combler le passif net de la société qui en bénéficie.

La fraction de l’abandon de créance qui aurait pour effet de permettre à la société aidée de se constituer un actif net n’est par principe pas déductible. Elle ne l’est que dans la mesure où la société qui consent l’abandon ne peut en tirer aucun profit du fait de la valorisation de ses titres de participation ; cette éventualité se produit lorsque la société en question ne détient pas 100 % du capital de la société bénéficiaire de l’aide. La fraction de l’abandon revalorisant l’actif net est alors déductible à hauteur de la proportion de titres non détenus par l’entreprise consentant l’abandon.

L’exemple décrit dans l’encadré suivant, utilement fourni par l’évaluation préalable du présent article, peut permettre de mieux comprendre ce régime complexe de déductibilité partielle, résultant de la jurisprudence (130).

Exemple de déductibilité d’un abandon de créance à caractère financier

Une société mère (M) détient 90 % d’une filiale (F), avec qui elle n’entretient pas de relations commerciales. L’actif de F s’élève à 600 000 euros, son passif à 700 000 euros ; sa situation nette (actif-passif) est donc négative, à hauteur de 100 000 euros. Le passif de F se compose notamment d’une dette à l’égard de M, à hauteur de 200 000 euros. Agissant dans son intérêt dans le cadre de l’acte normal de gestion, M décide d’abandonner la créance qu’elle détient sur F, dont la situation nette devient donc positive à hauteur de 100 000 euros. L’abandon de créance constitue une perte pour M ; cette perte est déductible à hauteur de 110 000 euros, soit :

– 100 000 euros au titre de la suppression de la situation nette négative de F ;

– 10 000 euros au titre de la fraction de valorisation de l’actif net dont M ne saurait bénéficier, car elle correspond au pourcentage de cet actif non détenu par M (soit 10 % de 100 000 euros).

Le surplus d’abandon de créance, soit 90 000 euros, valorise la participation de M dans F ; il n’est donc pas admis en déduction.

Il faut remarquer que le profit enregistré par la société bénéficiaire de l’apport est en tout état de cause imposable, même si la perte correspondante n’est pas intégralement déductible par la société qui a consenti l’apport. L’article 216 A du CGI prévoit toutefois une possibilité d’exonération de la fraction du profit correspondant à la revalorisation de l’actif net (fraction non déductible pour la société qui consent l’abandon) si :

– ladite société est une société mère au sens de l’article 145 du code (détention d’au moins 5 % des titres de la filiale pendant au moins deux ans) ;

– la filiale s’engage à procéder à une augmentation de capital au profit de la société mère, au moins égale au montant de l’abandon.

B.– LE RÉGIME ACTUEL DE DÉDUCTIBILITÉ, BIEN QUE LIMITÉ, A PU FAVORISER DES PRATIQUES D’OPTIMISATION FISCALE.

En dépit des limites qui viennent d’être décrites, la possibilité de déduire de l’assiette imposable les abandons de créance à caractère financier a permis le développement de montages fiscaux optimisants. Plutôt que de recapitaliser sa filiale en difficulté, la société qui consent l’abandon de créance apporte une aide fiscalement déductible pour elle-même à la société bénéficiaire de l’abandon, afin de sauvegarder – sans toutefois pouvoir l’augmenter – la valeur de sa participation.

L’évaluation préalable relève qu’un assouplissement de la jurisprudence du Conseil d’État « a permis le développement de pratiques optimisantes consistant à multiplier les aides à caractère financier à des filiales en difficulté, plutôt qu’à les recapitaliser. Ces pratiques optimisantes se sont principalement développées à l’égard de filiales étrangères, conduisant à la remontée parfois massive de pertes étrangères en France ».

Dans une décision Société Synarome du 14 mars 1984 (131), le Conseil d’État avait jugé qu’une société française ne relevant pas du régime du bénéfice mondial consolidé (132) ne saurait, en vertu du principe de territorialité de l’impôt (133), apporter une aide déductible à ses filiales ou succursales étrangères qu’ « à titre exceptionnel, lorsque ces filiales ou succursales traversent temporairement une situation particulièrement difficile ».

Le Conseil d’État a cependant progressivement renoncé au critère de territorialité de l’impôt pour admettre comme charge déductible, dans les conditions et limites exposées supra, les aides consenties à d’autres entreprises, quelle que soit leur nationalité, dès lors qu’elles peuvent « être justifiées par une gestion normale de l’ensemble des intérêts propres de l’entreprise exploitée en France » (134). Il est donc loisible à une société mère française de déduire de son assiette imposable les abandons de créance à caractère financier consentis à des filiales étrangères.

La seule restriction, résultant d’une instruction fiscale en date du 22 août 1983 (135), concerne les remontées de perte en provenance de filiales établies dans des pays à fiscalité privilégiée (136), qui ne sont pas déductibles.

II.– LE PRÉSENT ARTICLE PROPOSE D’INTERDIRE LA DÉDUCTIBILITÉ DES AIDES À CARACTÈRE FINANCIER.

A.– LA NON DÉDUCTIBILITÉ DES AIDES À CARACTÈRE FINANCIER EST EXPRESSÉMENT PRÉVUE.

 Afin de mettre fin aux montages optimisants consistant pour une société mère, au lieu de recapitaliser sa filiale en difficulté, à abandonner une créance à caractère financier afin de sauvegarder la valeur de sa participation, puis à déduire tout ou partie de l’aide ainsi consentie de son résultat imposable, le présent article propose d’exclure expressément des charges déductibles les aides à caractère financier.

Pour ce faire, le 1° du I propose de compléter l’article 39 du CGI par un nouvel alinéa, disposant que « sont exclues des charges déductibles pour l’établissement de l’impôt [sur les bénéfices] les aides de toute nature consenties à une entreprise, à l’exception des aides à caractère commercial ».

Les aides n’ayant pas un caractère commercial ayant par construction un caractère financier, il aurait sans doute été d’effet équivalent de n’exclure que les aides à caractère financier ; le spectre plus large retenu par la rédaction proposée offre cependant une forme de sécurisation du dispositif dans l’hypothèse du développement d’aides dont le caractère ne serait pas encore identifié. Il faut noter par ailleurs que sont exclues « les aides », et non les abandons de créance, pourtant seuls visés dans l’intitulé de l’article. Le régime fiscal des subventions étant assimilé à celui des abandons de créance (cf. supra), les subventions à caractère financier, en pratique plus rares que les abandons de créance, entrent donc néanmoins dans le champ du dispositif proposé. La renonciation à des recettes, dans les conditions et sous les limites précédemment évoquées, pourrait également être concernée.

 La suppression de la déductibilité affecterait les aides à caractère financier consenties à des entreprises établies en France comme celles consenties à des entreprises établies à l’étranger. Même si les pratiques optimisantes constatées par l’administration fiscale concernent essentiellement les aides à des filiales étrangères, seule l’interdiction générale est envisageable. En effet, autoriser la déductibilité des aides octroyées aux seules filiales françaises pourrait être considéré comme contrevenant au droit de l’Union européenne, en particulier à la liberté d’établissement.

B.– UNE MESURE DE COORDINATION EN MATIÈRE DE CVAE EST NÉCESSAIRE.

La suppression de la déductibilité des aides à caractère financier à l’article 39 appelle, par coordination, une modification des critères de définition de la valeur ajoutée, pour le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Le 4 du I de l’article 1586 sexies détermine la valeur ajoutée comme la différence entre :

– d’une part le chiffre d’affaires majoré d’un certain nombre d’éléments, dont les subventions d’exploitation et les « abandons de créances à caractère financier à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés de l’entreprise qui les consent » (quatrième alinéa du a du 4) ;

– d’autre part un certain nombre de charges, dont « les abandons de créances à caractère financier, à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés » (huitième alinéa du b du 4).

Par coordination avec la suppression de la déductibilité des abandons de créance à caractère financier résultant du 1°, le 2° du I du présent article supprime les références, devenues inutiles, aux abandons déductibles dans le calcul de la valeur ajoutée.

C.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU PRÉSENT ARTICLE POUR LES EXERCICES CLOS À COMPTER DU 4 JUILLET 2012 PERMETTRAIT DE DÉGAGER UN SURPLUS DE RECETTES DÈS CETTE ANNÉE.

 Le II prévoit l’application des dispositions du présent article aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, soit le jour du Conseil des ministres au cours duquel a été délibéré le présent projet de loi de finances rectificative. Il s’agit en effet d’éviter un surcroît d’aides un surcroît d’aides consenties entre la date du Conseil des ministres et la promulgation de la loi.

Les aides à caractère financier consenties par des entreprises dont les exercices n’ont pas été clos avant le 4 juillet ne pourront donc pas être déduites des résultats enregistrés au cours desdits exercices. Le dispositif pourra donc concerner les opérations réalisées antérieurement. S’agissant d’une mesure anti-abus, l’entrée en vigueur rétroactive est logique.

 Selon les informations figurant dans l’évaluation préalable, la suppression de la déductibilité des abandons de créance pourrait permettre à l’État d’enregistrer un surplus d’impôt sur les bénéfices de 40 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2013, année pleine. Il ne s’agit là que d’une estimation, la même évaluation préalable reconnaissant « l’absence de données ».

*

* *

M. Charles de Courson. Je trouve cet article excessif. Son but est certes de mettre fin à certaines pratiques optimisantes, mais il existe des abandons de créance justifiés, notamment au sein des groupes !

M. le rapporteur général. À l’intérieur d’un groupe, les abandons de créance sont neutralisés. Le dispositif concerne les abandons de créance qui n’ont pas un objet commercial ou industriel, mais qui sont purement financiers.

M. Charles de Courson. Mais l’abandon d’une créance par une société mère peut être un moyen de secourir une filiale en difficulté !

M. le rapporteur général. L’objectif est d’empêcher les seuls abandons à caractère financier.

M. le président Gilles Carrez. Pour ma part, je suis favorable à cet article. Comme l’a dit le rapporteur général, il ne concerne pas les aides apportées à une filiale en difficulté pour des raisons commerciales : il interdit la déductibilité des aides à caractère financier qui, en général, ont un objectif d’optimisation fiscale.

La Commission adopte l’article 14 sans modification.

*

* *

Article 15

Élimination des distorsions entre le régime fiscal des subventions
et celui des apports

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. À l’article 38, il est inséré un 4 ter ainsi rédigé :

« 4 ter.– Pour l’application du 2, les suppléments d’apport sont retenus à hauteur de la valeur réelle, selon les cas, soit des nouveaux titres émis en contrepartie, soit de la majoration du montant nominal des titres existants effectuée en contrepartie ».

B. À l’article 209, il est inséré un VII bis ainsi rédigé : 

« VII bis.– 1. Lorsque des titres de participation mentionnés au troisième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 ont été acquis dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles, le profit imposable est déterminé en tenant compte de la valeur réelle des titres reçus en contrepartie.

2. La moins-value de cession des titres mentionnés au 1 n’est pas déductible du résultat imposable ni, le cas échéant, du résultat net des plus-values de cession pris en compte pour la détermination de la quote-part de frais et charges mentionnée au a quinquies du I de l'article 219. »

II.– Le I s’applique aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article s’inscrit dans le cadre des mesures « anti-abus » du présent projet de loi de finances rectificative, destinées à empêcher les pratiques fiscales optimisantes et conséquemment à sécuriser les recettes au titre de l’imposition des sociétés.

Il est proposé d’intégrer dans l’assiette des bénéfices imposables, dans des conditions spécifiques, un élément qui en est aujourd’hui totalement exclu, à savoir les suppléments d’apport. Octroyés dans la généralité des cas par une société mère à sa filiale afin d’en améliorer la situation financière, les suppléments d’apport donnent lieu, en contrepartie, à l’émission de titres en faveur de l’apporteur. Cette modification des modalités de détermination des bénéfices imposables pourrait toutefois entraîner, dans un cas très particulier, une double imposition, que le présent article entend prévenir.

Le produit attendu en 2012 est de 40 millions d’euros ; pour 2013, 200 millions d'euros de recettes sont espérés.

I.– LE DROIT EXISTANT

A.– LES SUPPLÉMENTS D’APPORT N’ENTRENT PAS DANS L’ASSIETTE TAXABLE AU TITRE DE L’IMPOSITION DES BÉNÉFICES.

 Le 1 de l’article 38 du code général des impôts (CGI) prévoit que, sous réserve de dispositions particulières, l’assiette taxable au titre de l’impôt sur les bénéfices est « le bénéfice net, déterminé d’après les résultats d’ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises ».

Le 2 du même article précise les modalités de détermination du bénéfice net, « constitué par la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de la période » d’imposition. Cette différence est « diminuée des suppléments d’apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l’exploitant ou par les associés ».

Les suppléments d’apport effectués en cours d’exploitation n’entrent donc pas dans la base imposable. Ils sont ainsi soumis au même régime que les apports en espèce ou en nature faits à une entreprise lors de sa création.

Le supplément d’apport peut prendre la forme :

– de l’apport d’un bien incorporel ou corporel ;

– de la prise en charge, par le patrimoine privé de l’exploitant ou par un associé, de dettes grevant le passif de l’entreprise.

 Le supplément d’apport est donc, pour une société A (société mère) détenant une participation dans une société B (filiale), un moyen d’améliorer la situation nette de la société B, c’est-à-dire l’écart entre son actif net et son passif. La société A a intérêt à améliorer la situation nette de la société B pour sauvegarder la valeur de sa participation. D’autres techniques permettent d’atteindre le même objectif, à savoir l’octroi par A d’une subvention à B ou l’abandon par A d’une créance détenue sur B. À la différence de l’octroi d’une subvention ou de l’abandon d’une créance, le supplément d’apport donne en principe lieu, en contrepartie dudit apport, à une émission de titres de B au profit de A. La contrepartie de l’apport peut également se traduire par une majoration du montant nominal de chacun des titres de B détenus par A, sans augmentation du nombre de titres (137).

Du point de vue fiscal, les effets de ces différentes méthodes sont en principe symétriques :

– l’octroi d’une subvention et l’abandon d’une créance sont considérés, en application des dispositions de l’article 39 du CGI telles qu’interprétées par la jurisprudence et la doctrine, comme une charge déductible de la base taxable au titre de l’impôt sur les bénéfices de la société A. La subvention reçue ou la dette effacée du fait de l’abandon de créance sont en revanche constitutives d’un profit taxable pour la société B ;

– non compris dans l’assiette d’imposition de la société B en application du 2 de l’article 38 précité, le supplément d’apport n’est pas non plus considéré comme une charge déductible pour la société A.

B.– LE RÉGIME ACTUEL PEUT FAVORISER DES COMPORTEMENTS D’OPTIMISATION FISCALE.

 La symétrie entre les différentes méthodes de renflouement des filiales est rompue lorsque la situation nette de la société bénéficiaire de l’apport est, avant ledit apport, négative. Dans ce cas, les titres émis par B en contrepartie du supplément d’apport ont une valeur nécessairement inférieure à celle de l’apport, comme en témoignent les exemples figurant dans l’encadré ci-après.

Effets du supplément d’apport

Soit une situation nette de B (actif-passif) négative à hauteur de 100 000 euros :

– hypothèse 1 : A verse à B un supplément d’apport de 50 000 euros → la situation nette de B demeure négative, à hauteur de 50 000 euros → les titres émis par B en contrepartie de l’apport ont une valeur réelle nulle, puisque la situation nette de B est demeurée négative : si A cède les titres de B sur le marché, leur valeur d’échange est nulle (138) ;

– hypothèse 2 : A verse à B un supplément d’apport de 100 000 euros → la situation nette de B devient nulle → les titres émis par B en contrepartie de l’apport ont également une valeur réelle nulle ;

– hypothèse 3 : A verse à B un supplément d’apport de 150 000 euros → la situation nette de B devient positive → les titres émis par B en contrepartie de l’apport ont une valeur réelle de 50 000 euros.

Dans chacune de ces trois hypothèses, la valeur réelle des titres émis en contrepartie de l’apport (respectivement 0 euro, 0 euro et 50 000 euros) est inférieure à la valeur de l’apport (100 000 euros).

En conséquence, dans l’hypothèse où A décide de céder les titres détenus dans B, elle constate une moins-value correspondant à l’écart entre le montant de l’apport et la valeur réelle des titres obtenus en compensation. Lorsqu’elle est
réalisée sous le régime du court terme 
(139), cette moins-value est imputable sur le résultat d’ensemble, et vient donc en minoration de l’assiette taxable. Au final, le supplément d’apport, alors qu’il reste non imposable pour la filiale, permet à la société mère de diminuer son bénéfice imposable ; c’est en cela que la symétrie avec les subventions et abandons de créance est rompue.

 Un autre article du présent projet de loi de finances rectificative propose de supprimer la déductibilité des aides à caractère financier (140; le supplément d’apport devrait en conséquence devenir comparativement plus attractif, d’un point de vue fiscal, pour procéder au renflouement de filiales en difficulté. Il importe donc d’autant plus de faire en sorte que les suppléments d’apport ne bénéficient pas d’un régime fiscal par trop favorable, permettant de combiner non-imposition de l’apport pour la filiale et déductibilité des moins-values de la cession consécutive à l’apport pour la société mère.

L’évaluation préalable du présent article souligne qu’ « à cette dissymétrie se surajoute un phénomène de double déduction fiscale des mêmes pertes lorsque l’actif net négatif de la filiale correspond à des déficits fiscaux qui ont déjà été utilisés soit par cette société soit dans le cadre d’un groupe fiscal ».

La même évaluation préalable relève que l’opération de renflouement d’une filiale par supplément d’apport est « souvent suivie d’une cession pour un euro des titres de la filiale » et constate déjà qu’en l’état du droit, « les incidences budgétaires de cette anomalie fiscale sont significatives, ce type d’opérations étant très fréquent ».

II.– LES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

A.– IL EST PROPOSÉ DE LIMITER LA DÉDUCTIBILITÉ DES SUPPLÉMENTS D’APPORT À LA VALEUR RÉELLE DES TITRES ÉMIS EN CONTREPARTIE.

 Afin de limiter les pratiques optimisantes, deux solutions sont envisageables :

– empêcher la société A de déduire de son résultat imposable la moins-value de cession résultant de l’écart entre la valeur des titres de la société B et la valeur du supplément d’apport ;

– rendre imposable le supplément d’apport reçu par la société B.

Le présent article propose de retenir la seconde solution, au motif, selon l’évaluation préalable, qu’elle « permet de localiser l’imposition chez la société qui s’est véritablement enrichie grâce à l’opération », en émettant en contrepartie de l’apport des titres dont la valeur lui est mécaniquement inférieure. La première option, à l’inverse, « ne correspond pas à la réalité économique du schéma : l’associé a constaté une perte du montant du comblement et la filiale, qui a rémunéré l’apport par des titres sans valeur, s’est enrichie du même montant ».

Il est permis de s’interroger sur le choix opéré. Le présent article a pour objet de lutter contre des abus qui, comme cela a été précédemment décrit, résultent davantage de la moins-value de cession éventuellement réalisée par la société apporteuse que de la non imposition du montant apporté dans le chef de la société qui en bénéficie. L’option retenue aboutit à taxer en tout état de cause le supplément d’apport chez la société bénéficiaire, que l’apport soit réalisé dans la perspective d’une moins-value ultérieure ou dans le cadre d’une véritable opération de restructuration du capital d’une entreprise en difficulté.

 Le A du I propose l’insertion à l’article 38 du CGI d’un 4 ter nouveau, qui limite la non imposition des suppléments d’apport « à hauteur de la valeur réelle, selon les cas, soit des nouveaux titres émis en contrepartie, soit de la majoration du montant nominal des titres existants effectuée en contrepartie ».

Les titres de participation doivent être évalués à la clôture de chaque exercice à leur valeur réelle, entendue selon l’article 332-3 du plan comptable général comme la « valeur d’utilité, représentant ce que l’entité accepterait de décaisser pour obtenir cette participation » (141).

Pour reprendre l’exemple utilisé supra :

– dans l’hypothèse 2, la valeur comptable enregistrée par la société B est de 100 000 euros, intégralement non imposables en l’état du droit. La modification proposée par le A du I du présent article aurait pour effet, dans ce cas, d’inclure l’intégralité du supplément d’apport dans la base imposable, puisque seule la valeur réelle (nulle en l’espèce) deviendrait non imposable ;

– dans l’hypothèse 3, la valeur comptable enregistrée par la société B est également de 100 000 euros. La valeur réelle des titres est de 50 000 euros. Ces 50 000 euros n’entreraient donc pas dans la base d’imposition, en application du nouveau dispositif proposé.

B.– IL EST NÉCESSAIRE DE NEUTRALISER UN RISQUE DE DOUBLE IMPOSITION.

 L’intégration dans la base d’imposition de tout ou partie des suppléments d’apport pourrait conduire, dans un cas très particulier, à une double imposition de ces suppléments, pour la société bénéficiaire mais également pour la société apporteuse.

L’article 219 du code général des impôts prévoit que certains éléments entrant dans le calcul du bénéfice imposable ne sont pas imposés au taux normal fixé par le deuxième alinéa du I de cet article (33,1/3 %), mais à des taux spécifiques. Le a quinquies du I de l’article 219 prévoit même l’exonération des plus-values à long terme (PVLT) de cession de certains titres de participation pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007, sous réserve d’une quote-part pour frais et charges s’appliquant au résultat net des plus-values de cession (différence positive entre le montant de l’ensemble des plus-values et de l’ensemble des moins-values de l’exercice). Le taux de cette quote-part, prise en compte pour la détermination du résultat imposable, a été porté de 5 à 10 % par l’article 4 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (142).

Les titres de participation exonérés d’impôt en application du a quinquies du I de l’article 219 peuvent, comme la généralité des titres de capital, avoir été acquis dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles (procédure prévue par l’article L.225-128 du code de commerce).

Les étapes de l’opération peuvent être schématiquement décrites de la manière suivante :

– la société A détient une créance sur la société B ;

– B décide d’augmenter son capital ;

– A souscrit à l’augmentation du capital de B en lui « apportant », au lieu d’un montant en numéraire (143), la créance qu’elle détient sur elle ;

– B émet au profit de A des titres à hauteur de la valeur de la créance apportée.

Les critères de liquidité et d’exigibilité s’apprécient selon les règles classiquement applicables en matière de recouvrement :

– une créance est réputée liquide lorsqu’elle peut être estimée en argent, c’est-à-dire dotée d’une valeur dans une monnaie ayant cours légal ;

– elle est exigible lorsqu’elle est échue, c’est-à-dire lorsqu’elle n’est pas affectée d’un terme suspensif. Pour reprendre l’exemple précité, la créance détenue par A sur B ne peut être considérée comme exigible si, au moment de l’émission de ses titres, B dispose encore d’un délai pour régler sa dette à A.

Si la société A acquiert des titres de participation dans la société B dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles, un profit peut apparaître dans les comptes de la société A :

– A dispose d’une créance sur B de 100 000 euros ;

– la situation nette de B est négative de 100 000 euros ;

– constatant cette situation, A dote au cours de l’exercice N une provision pour dépréciation, à hauteur du montant de sa créance sur B. Cette provision est déductible du résultat d’ensemble de A ;

– au cours de l’exercice N+1 , B procède à une augmentation de capital à hauteur de 100 000 euros, à laquelle A souscrit en apportant sa créance à sa valeur nominale ;

– A inscrit à son actif les titres de B pour leur valeur d’émission, à savoir 100 000 euros ;

– la créance étant devenue sans objet, la provision pour dépréciation déduite en N est rapportée au résultat de N+1 ;

– la situation nette de B, négative de 100 000 euros avant l’apport, devient nulle.

Le profit que fait apparaître l’inscription des titres de B dans les comptes de A, à hauteur de 100 000 euros, devrait logiquement pouvoir être déduit de la base imposable au moyen d’une provision pour dépréciation du portefeuille-titres.

En effet, inscrite pour une valeur nominale de 100 000 euros à l’actif de A, la valeur réelle des titres est en réalité nulle, du fait de la situation nette de B. À la clôture de chaque exercice, les titres de participation doivent faire l’objet d’une évaluation à leur valeur réelle ; lorsque cette évaluation fait apparaître une dépréciation, celle-ci est constatée dans les comptes sous forme d’une provision, déductible de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Mais les provisions pour dépréciation des titres de participation dont la plus-value de cession à long terme est exonérée en application des dispositions du premier alinéa du a quinquies du I de l’article 219 du CGI ne sont pas déductibles de l’assiette d’imposition (144). En conséquence, alors même que la valeur réelle des titres, dans l’exemple précédent, est de 0 euro, elle entre dans l’assiette imposable pour sa valeur nominale, soit 100 000 euros.

Sans correction de cette situation, les dispositions du A du I du présent article entraîneraient une double imposition du supplément d’apport :

– dans le chef de la société bénéficiaire de l’apport, ce qui est l’objet même du présent article ;

– mais également dans le chef de la société ayant acquis les titres de participation exonérés de PVLT par compensation de créance (145).

 Afin d’éviter cette double imposition, le B du I du présent article propose d’insérer un VII bis nouveau à l’article 209, relatif aux modalités générales de détermination des bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés. Il s’agit de prévoir que lorsque des titres de participation exonérés de plus-value à long terme ont été acquis dans le cadre d’une opération d’augmentation de capital libérée par compensation avec des créances liquides et exigibles, « le profit imposable est déterminé en tenant compte de la valeur réelle des titres reçus en contrepartie » (1 du VII bis nouveau).

Pour reprendre l’exemple précédent, les titres détenus par A seraient valorisés à hauteur de 0, et ne feraient donc pas apparaître de profit imposable. Le fait que la provision pour dépréciation ne soit pas déductible n’aboutirait donc pas à la double imposition décrite supra.

 Symétriquement à cette non-imposition du profit « nominal », il est prévu qu’en cas de cession des titres, la moins-value constatée ne soit pas déductible du résultat imposable de l’exercice de cession (2 du VII bis nouveau). Les moins-values de cession de titres de participation à long terme n’étant pas déductibles (cf. supra), cette disposition ne peut concerner par construction que les titres de participation relevant du court terme.

Cela n’apparaît pas spécialement intuitif, dès lors que la mécanique d’évitement de la double imposition est construite pour contourner les effets de la non-déductibilité des provisions pour dépréciation des titres de participation, propre aux titres dont les PVLT sont exonérées…

Mais le 1 du VII bis nouveau fait référence aux titres mentionnés au troisième alinéa du a quinquies du I de l’article 219 (titres de participation pouvant relever du long terme), et non aux titres effectivement exonérés. En effet, le bénéfice du régime du long terme (exonération de la plus-value de cession) est conditionné à la conservation des titres pendant plus de deux ans. Des titres éligibles au régime de long terme retombent dans le régime de droit commun du court terme s’ils sont conservés moins de deux ans ; dans ce cas, la plus-value de cession est taxée au taux normal, mais la moins-value est déductible du résultat imposable.

Si A apporte à B, dont la situation nette est négative à hauteur de 100 000 euros, une créance d’un montant de 150 000 euros, la situation nette de B devient positive, à hauteur de 50 000 euros (hypothèse 3 de l’exemple précédemment cité). La valeur nominale des titres émis en contrepartie est de 150 000 : si A cède à court terme les titres de B à leur valeur de marché (soit 50 000 euros), une moins-value de 100 000 euros peut être constatée. Mais les modalités d’imposition du profit généré par l’inscription à l’actif de A des titres émis par B ont un effet identique à la déduction d’une provision pour dépréciation des titres : en cas de cession, tout se passe comme si la valeur comptable des titres avait été ramenée à sa valeur réelle (en l’espèce, 50 000 euros). En conséquence, la moins-value de 100 000 euros n’est que nominale, et n’a pas à être déduite.

 Il est également précisé que la moins-value ne serait pas davantage déductible du résultat net de l’ensemble des plus-values de cession pris en compte pour la détermination de la quote-part pour frais et charge de 10 %, mentionnée supra (2 du VII bis nouveau). Il faut en effet rappeler que cette quote-part est calculée sur le montant global des plus-values nettes, qui fait masse de l’ensemble des plus-values et moins-values relevant du taux de 0 %.

La rédaction proposée pourrait prêter à débat. Pour reprendre le dernier exemple cité, A peut décider de conserver les titres de B. Si B se retrouvait à nouveau « dans le rouge » jusqu’à ce que sa situation nette devienne nulle, et si A cédait alors les titres de B à l’euro symbolique, une moins-value réelle pourrait être constatée, à hauteur de 50 000 euros (soit la différence entre la valeur réelle des titres au moment de leur acquisition par A et leur valeur de cession). En faisant l’hypothèse que A dégage par ailleurs, pendant l’exercice au cours duquel est réalisée cette moins-value, une plus-value de cession de titres de participation détenus dans une société C (pour un montant de 100 000 euros), la moins-value de cession des titres de B n’entrerait pas dans le calcul du résultat net des plus-values de cession pour la détermination de la quote-part pour frais et charges.

Cette quote-part serait donc calculée sur une assiette de 100 000 euros, et non de 50 000 euros. La moins-value de cession des titres de B est pourtant bien réelle et sans lien avec l’apport antérieur, qui a généré chez A un profit non imposé. Dans ce cas de figure, le montant de la quote-part (10 000 euros, soit 10 % de 100 000 euros) serait donc majoré par rapport au montant qui aurait résulté de l’application du droit commun (5 000 euros, soit 10 % de 50 000 euros).

C.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU PRÉSENT ARTICLE POUR LES EXERCICES CLOS À COMPTER DU 4 JUILLET 2012 PERMETTRAIT DE DÉGAGER UN SURPLUS DE RECETTES DÈS CETTE ANNÉE.

 Le II du présent article prévoit l’application des nouvelles dispositions introduites par le I aux exercices clos à compter du 4 juillet 2012, soit la date à laquelle le Conseil des ministres a délibéré le présent projet de loi de finances rectificative. Il s’agit, comme pour les autres mesures « anti-abus », d’éviter le maintien des dispositions avantageuses du droit existant pour les exercices qui seraient clos entre le 4 juillet et la date de promulgation de la loi.

 L’intégration des suppléments d’apport dans l’assiette taxable au titre de l’impôt sur les bénéfices devrait rapporter au budget de l’État, selon les estimations fournies dans l’évaluation préalable (« à défaut de données »), 40 millions d'euros en 2012 et 200 millions d'euros en 2013 (année pleine).

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La Commission est saisie de l’amendement CF 325 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Actuellement, les suppléments d’apports reçus par une entreprise ne sont pas imposables et ils ne sont pas déductibles de l’assiette de l’impôt de la société apporteuse. Cependant, celle-ci peut réaliser des montages optimisants. Le dispositif proposé par l’article 15 aboutirait à taxer le supplément d’apport chez le bénéficiaire, même si la société apporteuse n’a pas d’intention « optimisante ». En conséquence, des plans de restructuration de capital pourraient être menacés. Je propose une autre option, qui consisterait à taxer, non la société qui reçoit, mais celle qui donne, en interdisant la déductibilité de la moins-value résultant de la cession. L’adoption de cet amendement permettrait de sécuriser d’importantes opérations de restructuration actuellement en cours.

M. le président Gilles Carrez. Je suis favorable à cet amendement. L’option du Gouvernement, qui consiste à rendre imposable l’apport au niveau de la filiale bénéficiaire, risque de pénaliser des opérations de restructuration. S’il y a optimisation, ce sera au niveau de la société mère, qui fera apparaître une moins-value après la vente des actions de sa filiale ; il vaut donc mieux interdire la déductibilité de cette moins-value et taxer la sortie plutôt que l’entrée.

M. Charles de Courson. On ne peut pas adopter l’article 15 en l’état, j’en suis d’accord, mais l’amendement proposé permet-il pour autant de résoudre le problème ? Que se passe-t-il si les actions sont cédées plus de deux ans après leur émission ?

M. le rapporteur général. Au-delà de deux ans, la moins-value n’est plus déductible.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur de Courson, je vous rappelle qu’il existe deux régimes fiscaux sur les plus-values et les moins-values : le régime de court terme (cession dans un délai de moins de deux ans) et le régime de long terme (cession au-delà de deux ans).

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 162).

Puis elle adopte l’article 15 ainsi modifié.

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Après l’article 15

La Commission en vient à l’amendement CF 238 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je considère que cet amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Ce sujet sera traité dans le projet de loi de finances initiale pour 2013.

M. le président Gilles Carrez. Sur ce sujet, très complexe, de la déductibilité des intérêts financiers, le Gouvernement souhaite se donner un délai de réflexion jusqu’à la discussion de la loi de finances pour 2013. J’approuve cette démarche.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, l’objet de mon amendement était de cadrer le débat sur cette question. Je ne suis pas souvent en désaccord avec vous, monsieur le président, mais je le suis en l’occurrence partiellement sur ce point. Notre droit fiscal doit en effet aider à conforter la solidité financière de nos entreprises. Dans cette optique, cet amendement vise à décourager la pratique d’optimisation fiscale qui, à l’intérieur des grands groupes, incite les filiales des grandes entreprises à s’endetter de manière excessive grâce à la garantie apportée par la maison mère. Cet amendement tend donc à la consolidation d’un niveau de fonds propres qui soit raisonnable.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur de Courson, je suggère le retrait de l’amendement et son dépôt pour la séance, ce qui permettra au Gouvernement d’indiquer qu’il compte traiter de ce sujet dans le projet de loi de finances pour 2013.

L’amendement est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CF 237 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Afin, là encore, de lutter contre l’optimisation fiscale, cet amendement a pour objet d’instaurer, comme pour l’impôt sur le revenu, un taux minimum pour l’impôt sur les sociétés. Ce taux plancher devrait être fixé à 15 %, niveau d’imposition auquel sont assujetties les petites entreprises. Il doit s’entendre comme un taux portant sur une assiette effective, c’est-à-dire majorée de l’ensemble des niches fiscales.

M. le rapporteur général. La difficulté réside dans le fait que la déductibilité des intérêts d’emprunt n’est précisément pas considérée comme une niche fiscale. Votre amendement n’aborde donc qu’une partie du problème. Cette question sera, comme la précédente, traitée dans le PLF pour 2013.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement sera donc, si vous en êtes d’accord, lui aussi, examiné au titre de l’article 88.

L’amendement est retiré.

*

* *

RESSOURCES AFFECTÉES

Article 16

Réforme de la contribution de France Télécom à l’État
pour la prise en charge de la retraite de ses fonctionnaires

Texte du projet de loi :

I.– Au c de l’article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom, les mots : « , pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'État » sont supprimés.

II.– Les dispositions du I s’appliquent à la contribution due au titre des rémunérations versées en 2012 dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de modifier les modalités de calcul de la contribution versée par France Télécom à l’État pour le financement du système de retraites de ses fonctionnaires. Il tire les conséquences d’une décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011, qui a estimé que les modalités actuelles de calcul de cette contribution sont assimilables à une aide d’État.

Les versements ainsi effectués par France Télécom sont retracés, sur le budget de l’État, en recettes du compte d’affectation spéciale Pensions. Le présent article comporte donc des dispositions relatives aux ressources de l’État qui affectent l’équilibre budgétaire de l’année et relève donc de la première partie de la loi de finances.

A.– LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DES PENSIONS DES FONCTIONNAIRES DE FRANCE TÉLÉCOM

Le financement du système de retraites des fonctionnaires de France Télécom a évolué avec le statut de l’entreprise.

Jusqu’à la loi de 1990 (146), les fonctionnaires des postes et télécommunications étaient des fonctionnaires d’État. Le financement de leurs pensions était assuré par l’État dans des conditions identiques à celles des autres fonctionnaires.

La loi de 1990 a supprimé le service des postes et télécommunications et a créé un établissement public « France Télécom » dont le personnel était quasiment exclusivement composé de fonctionnaires du service supprimé. Si, dans ce nouveau cadre, l’État a continué à verser les pensions de ces fonctionnaires, l’établissement public devait financer intégralement ces pensions par la retenue sur le traitement de ses fonctionnaires (« cotisation salariale ») et par une contribution complémentaire assimilable à une cotisation patronale.

La loi de 1996 (147) ouvre le secteur des télécommunications à la concurrence et transforme France Télécom en société anonyme. Elle prévoit que, si les fonctionnaires de l’entreprise peuvent garder leur statut, les nouveaux recrutements se feraient désormais selon des contrats de droit privé. En conséquence, la tendance qui aurait découlé d’une telle décision aurait été une diminution constante du nombre d’actifs fonctionnaires quand le nombre de retraités fonctionnaires aurait été stable, voire croissant durant plusieurs années compte tenu de la pyramide démographique. Elle aurait conduit à un déficit structurel croissant du système de retraites et, France Télécom étant tenu d’en assurer le financement, l’entreprise aurait dû verser des sommes croissantes et rapidement insoutenables.

Il a donc été décidé de transférer à l’État la charge des pensions des fonctionnaires de France Télécom. Dans ce cadre, deux modalités de financement ont été prévues dans le but d’en limiter le coût pour l’État et d’assurer l’égalité de traitement entre France Télécom et ses concurrents.

D’une part, France Télécom a été astreint au versement d’une contribution libératoire assise sur les traitements de ses fonctionnaires, qui peut être assimilée à une « cotisation patronale ». Ses modalités de calcul consistent, aux termes de l’article 30 de la loi de 1990 modifié par la loi de 1996 (148), « à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales. » Toutefois, cette égalisation porte uniquement sur « ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'État », ce qui exclut les cotisations au titre de l’indemnisation chômage ainsi que les versements au régime de garantie des salaires. Comme indiqué plus bas, le champ ainsi réduit de cette cotisation fait l’objet de la décision de la Commission européenne qui justifie le présent article.

En pratique, la contribution est calculée par l’application à une assiette constituée des traitements des fonctionnaires de l’entreprise d’un taux dénommé « taux d’équité concurrentielle » et calculé de manière à répondre aux exigences de la loi de 1996.

D’autre part, dans le but d’assurer une partie du financement du déficit structurel futur du régime de retraite de ses fonctionnaires, l’entreprise a versé à l’établissement public de gestion de la contribution exceptionnelle de France Télécom (EPGCEFT) une soulte de 5,7 milliards d’euros pour solde de tout compte. Comme l’indique le tableau ci-dessous, cette soulte a été versée progressivement à l’État et, après un dernier versement en 2011, est aujourd’hui épuisée.

VERSEMENTS À L’ÉTAT DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE
VERSÉE EN 1997 PAR FRANCE TÉLÉCOM

année

versement annuel de la soulte à l'État
(CAS Pensions depuis 2006) (€)

capitaux propres au 31/12 (€) (Soulte FT)

 

Plus 10 % par an à compter de 1997

5 716 838 146,40

1997

152 449 017,24

5 564 389 129,17

1998

167 693 918,96

5 396 695 210,20

1999

184 463 310,86

5 212 231 899,35

2000

202 909 641,94

5 009 322 257,40

2001

223 200 606,14

4 786 121 651,26

2002

245 520 666,75

4 540 600 984,51

2003

270 072 733,43

4 270 528 251,08

2004

297 080 006,77

3 973 448 244,31

2005

326 788 007,45

3 646 660 236,86

2006

1 359 466 808,19

2 287 193 428,67

2007

395 413 489,01

1 891 779 939,66

2008

434 954 837,91

1 456 825 101,76

2009

578 000 000,00

878 825 101,76

2010

635 800 000,00

243 025 101,76

2011

243 025 101,76

0,00

Source : ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie.

Pour mémoire, les cotisations des salariés de droit privé de France Télécom, qui constituent aujourd’hui la majorité du personnel de l’entreprise, sont calculées dans les conditions de droit commun.

B.– LA DÉCISION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Sur plainte de concurrents, la Commission européenne a examiné la conformité au régime d’aide d’État des modalités de financement du régime de retraites des fonctionnaires de France Télécom.

Elle a d’abord estimé que, s’il constitue une aide d’État (149), le transfert à l’État de la charge des pensions, réalisé en 1997, est conforme au droit communautaire car « il a permis de libérer France Télécom de charges assumées au temps de sa situation de monopole, voire du fait de sa qualité d’administration d’État avant 1990 et avant la libéralisation des marchés. » Compte tenu de la soulte versée en 1997, la Commission européenne estime que « les avantages financiers de la réforme ont été jusqu’à présent neutralisés ».

Elle a, en revanche, considéré que les modalités de calcul de la « cotisation patronale » versée par l’entreprise l’avantagent par rapport à ses concurrents et doivent donc être revues. Plus précisément, la Commission européenne a jugé que le champ de la cotisation devait être identique à celui des cotisations versées par les concurrents de France Télécom et qu’en conséquence il doit inclure le risque non commun aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l’État – le risque chômage ainsi que les versements au régime de garantie des salaires.

En d’autres termes, alors que le dispositif actuel se focalise sur le risque vieillesse et le financement du système de retraite des fonctionnaires de France Télécom, la Commission européenne s’est placée dans la perspective plus large des cotisations sociales auxquelles sont assujetties les entreprises du secteur, quel que soit le risque couvert. Pour la Commission, l’appréciation d’une éventuelle distorsion de concurrence se fait au regard de l’économie du système de prélèvements obligatoires, et non des seules modalités de financement de l’assurance vieillesse.

La Commission européenne n’a pas réclamé un « rattrapage » de cotisations depuis l’entrée en vigueur du dispositif en 1997 au motif que la soulte de 5,7 milliards d’euros versée par France Télécom aurait compensé le « gain » retiré par l’entreprise des modalités de calcul de sa contribution. Cette soulte étant épuisée début 2012, la Commission a, en revanche, requis une adaptation des modalités de calcul des cotisations au 30 juillet au plus tard.

L’État a formé un recours en annulation de la décision de la Commission devant la Cour de justice de l’Union européenne. Toutefois, le recours n’étant pas suspensif, la mise en conformité du droit interne doit être réalisée sans quoi la France pourrait faire l’objet d’une procédure en manquement. Dans l’hypothèse où la CJUE donnait raison à la France, l’État serait conduit à retourner à France Télécom les versements que l’entreprise aura effectués du fait de la décision de la Commission européenne.

C.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Compte tenu de la décision de la Commission européenne, le présent article a pour objet de modifier les modalités de calcul de la contribution versée par France Télécom au titre du financement du système de retraites de ses fonctionnaires. Il tend à intégrer dans le champ de cette contribution les risques auxquels cette partie du personnel n’est pas soumise – chômage et garantie des salaires.

À cet effet, le présent article modifie l’article 30 de la loi de 1990 mentionné plus haut. Le décret de 1997, qui détermine la formule exacte de calcul des cotisations, devra être modifié après la promulgation de la loi.

Le taux d’équité concurrentielle, assimilable au taux de la « cotisation patronale » versée par France Télécom, s’établissait initialement, pour 2012, à 36,95 %. Du fait de la décision de la Commission européenne, il passerait à 43,9 %.

Il s’en suit que le coût pour France Télécom et le surcroît de recettes pour l’État, constaté sur le compte d’affectation spéciale Pensions, est évalué à 125 millions d’euros par an en 2012, soit une hausse de l’ordre de 15 % des « cotisations patronales » versées par France Télécom. Il devrait décroître à mesure que le nombre de fonctionnaires de France Télécom diminuera pour s’annuler vers 2040.

Pour 2012, les versements perçus par l’État pour le financement des pensions des fonctionnaires de France Télécom s’établiraient donc à :

– 174 millions d’euros au titre des retenues pour pensions (« cotisations salariales ») ;

–822 millions d’euros au titre de la « cotisation patronale » de France Télécom, montant comprenant le surplus de 125 millions d’euros découlant du présent article.

Il est vrai que ce nouveau versement compensera en partie le manque à gagner anticipé sur le compte d’affectation spéciale Pensions du fait de la disparition des versements de l’EPGCEFT. Cette nouvelle charge pour France Télécom ne sera toutefois pas sans conséquence sur sa situation financière dans un contexte où l’entreprise est confrontée à une concurrence accrue sur son marché domestique et alors que le dividende qu’elle versera au titre de 2011 ne sera pas revu à la baisse. Comme l’illustre le tableau ci-dessous, le surplus de versements requis par le présent article représente de l’ordre de 3 % du bénéfice du groupe en 2011.

RÉSULTATS DU GROUPE FRANCE TÉLÉCOM

(en millions d’euros)

 

2011

2010

Chiffre d'affaires

45 277

45 503

Résultat d'exploitation

7 948

7 562

Résultat net

3 828

4 877

Dividende perçu par l'État

499

500

Source : document de référence pour 2011 ; ministère de l’Économie et des finances pour le dividende perçu par l’État.

*

* *

La Commission adopte l’article 16 sans modification.

*

* *

Article 17

Création du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

Texte du projet de loi :

Il est ouvert, à compter du 1er septembre 2012 et jusqu’au 31 décembre 2020, un compte d'affectation spéciale intitulé : « Participation de la France au désendettement de la Grèce ».

Ce compte retrace :

1° En recettes : le produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu’elle a perçus sur les titres grecs détenus en compte propre ;

2° En dépenses :

a) Le versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus
mentionnés au 1° ;

b) Des rétrocessions de trop-perçu à la Banque de France.

Observations et décision de la Commission :

Lors de leur réunion du 20 février dernier, les ministres chargés des finances des États de la zone euro ont décidé de restituer à la Grèce les revenus tirés par leurs banques centrales des obligations souveraines grecques rachetées dans le cadre du securities market program.

Le présent article crée un compte d’affectation spéciale destiné à assurer ce transfert financier depuis la Banque de France vers l’État grec.

A.– LA RESTITUTION DES REVENUS TIRÉS PAR LA BANQUE DE FRANCE DE SES OBLIGATIONS GRECQUES

À compter du printemps 2010, le système européen de banques centrales (SEBC) a procédé ponctuellement à des rachats d’obligations d’État de la zone euro sur le marché secondaire. L’objectif poursuivi était, en augmentant la demande de ces titres, d’en diminuer le prix donc les taux d’intérêt auxquels les États concernés se financent. En pratique, la quasi-totalité de ces titres ont été acquis par les banques centrales nationales des États de la zone euro.

Financées par création monétaire, donc à coût nul (150), ces interventions ont conduit les banques centrales de la zone euro à acquérir des titres produisant des revenus – intérêts versés ou plus-values constatées au remboursement (151) – et accroissant leurs bénéfices et donc les dividendes qu’elles versent aux États.

Dans la mesure où l’objet de ces achats n’est pas de réaliser des profits mais de répondre à des objectifs de stabilité financière, les ministres des Finances des États de la zone euro ont décidé de restituer ces revenus à l’État grec.

La déclaration officielle de l’Eurogoupe (152), rédigée uniquement en anglais à l’issue de sa réunion du 21 février dernier indique que (153) « The Eurogroup takes note that the Eurosystem (ECB and NCBs) holdings of Greek government bonds have been held for public policy purposes. The Eurogroup takes note that the income generated by the Eurosystem holdings of Greek Government bonds will contribute to the profit of the ECB and of the NCBs. The ECB’s profit will be disbursed to the NCBs, in line with the ECB’s statutory profit distribution rules. The NCBs’ profits will be disbursed to euro area Member States in line with the NCBs’ statutory profit distribution rules. (...) Furthermore, governments of Member States where central banks currently hold Greek government bonds in their investment portfolio commit to pass on to Greece an amount equal to any future income accruing to their national central bank stemming from this portfolio until 2020. These income flows would be expected to help reducing the Greek debt ratio by 1.8pp by 2020 and are estimated to lower the financing needs over the programme period by approximately 1.8 bn euro. ».

Au total, 4 milliards d’euros – soit 1,8 % du PIB grec – seraient restitués sur la période 2012-2020, dont 754,3 millions d’euros par la France.

En ce qui concerne la France, le principe et les modalités de ce transfert financier ont fait l’objet d’une convention en date du 3 mai 2012 entre l’État et la Banque de France. En pratique, le montant versé en 2012 serait prélevé sur le compte « report à nouveau » de la Banque et celui versé en 2013 serait prélevé sur son résultat.

L’article 2 de la convention stipule que « le présent dispositif sera revu dans l’hypothèse d’une rupture des conditions contractuelles par l’émetteur, d’une restructuration des titres détenus par la Banque ou de l’annonce par le Fonds monétaire international et/ou l’Union européenne de l’interruption de leur soutien financier en raison d’une rupture par l’émetteur des conditions qui y sont attachées. »

À noter que les banques centrales nationales ont également acquis des obligations des États portugais, irlandais, espagnol et italien. Toutefois, l’Eurogroupe n’a pas décidé de restituer à ces États les bénéfices réalisés par les banques centrales du fait de leurs interventions.

B.– LE BUDGET DE L’ÉTAT COMME INTERMÉDIAIRE ENTRE LA BANQUE DE FRANCE ET L’ÉTAT GREC

● Le présent article a pour objet de créer un compte d’affectation spéciale destiné à organiser le transfert à l’État grec des revenus tirés par la Banque de France de ses obligations souveraines grecques. Intitulé Participation de la France au désendettement de la Grèce, le compte serait ouvert à compter du 1er septembre 2012 et disparaîtrait après le 31 décembre 2020.

Il retracerait, en recettes, le produit de la contribution spéciale de la Banque de France versée au titre de la restitution des revenus perçus sur les obligations souveraines grecques. Son montant correspond aux revenus attendus jusqu’en 2020 des obligations souveraines grecques détenues par la Banque.

En dépenses, il retracerait le versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs détenus en compte propre. Sont également prévues, en dépenses, des rétrocessions de trop-perçu à la Banque de France – cette catégorie de dépenses permettant notamment d’éviter la création d’une mission mono-programme, que le Conseil constitutionnel considérerait comme contraire à la LOLF (154).

Conformément à l’article 21 de la LOLF, qui définit le régime applicable aux comptes d’affectation spéciale, le compte retracerait des « opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. »

● Comme l’illustre le tableau ci-après, le compte serait à l’équilibre en 2012, excédentaire de plus de 400 millions d’euros en 2013 puis déficitaire jusqu’en 2020. En effet, la Banque de France verserait par anticipation, en 2012 et 2013, l’ensemble des revenus attendus jusqu’en 2020. L’État, en revanche, restituerait ces sommes à l’État grec au fur et à mesure que la Banque de France les constate dans ses comptes. Le versement anticipé de la Banque de France a donc pour effet de faire bénéficier l’État d’un gain substantiel de trésorerie en 2013.

DÉPENSES, RECETTES ET SOLDE DU COMPTE

(en millions d’euros)

 

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Total

Montant de la rétrocession

198,7

149

101,8

123,5

92,6

56

19,3

7,7

5,8

754,3

Versement de la Banque de France

198,7

555,6

0

0

0

0

0

0

0

754,3

Solde du compte

0

406,6

– 101,8

– 123,5

– 92,6

– 56

– 19,3

– 7,7

– 5,8

0

Source : d’après l’évaluation préalable annexée au projet de loi.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 86 de M. Hervé Mariton.

M. Jean-François Lamour. Nous souhaiterions profiter de la création de ce compte d’affectation spéciale (CAS) pour demander au Gouvernement la remise, avant la discussion du PLF pour 2013, d’un rapport retraçant l’ensemble des engagements financiers de l’État dans le cadre du programme de soutien au désendettement de la Grèce.

Cet amendement devrait recueillir un consensus sur tous les bancs de cette commission et cet exercice devrait être réitéré à l’occasion de chaque projet de loi de finances.

M. le président Gilles Carrez. Permettez-moi, monsieur le rapporteur général, d’appuyer cet amendement. La création de ce CAS entraîne la restitution à la Grèce des intérêts nés de la souscription d’obligations – qui ne doit être confondue ni avec les prêts directs de 16 milliards d’euros, aujourd’hui interrompus, que nous avons consentis à la Grèce, ni avec les garanties apportées au Fonds européen de stabilité financière puis au Mécanisme européen de stabilité. Cette dépense sera intégralement compensée par une contribution de la Banque de France, qui réduira peut-être d’autant son dividende. Il serait donc utile, monsieur le rapporteur général, que le Gouvernement présente un rapport d’ensemble sur les engagements financiers de l’État pour le soutien au désendettement de la Grèce.

M. le rapporteur général. A priori, je n’étais pas favorable à cet amendement dans la mesure où l’ensemble des montants engagés figurent dans les annexes budgétaires, mais je suis sensible aux arguments développés par M. le président.

Suivant un avis de sagesse du rapporteur général, la Commission adopte l’amendement (amendement n° 163).

La Commission adopte l’article 17 ainsi modifié.

*

* *

Article 18

Ratification d’un décret relatif à la rémunération de certains services rendus par l’Autorité de la concurrence

Texte du projet de loi :

Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de rémunération de services instituée par le décret n° 2012-822 du 26 juin 2012 relatif à la rémunération de certains services rendus par l’Autorité de la concurrence.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article ratifie un décret relatif à la rémunération de certains services rendus par l’Autorité de la concurrence.

Il est proposé en application de l’article 4 de la LOLF, qui prévoit que « la rémunération de services rendus par l’État peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d’État pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l’absence d’une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l’année concernée. »

Le décret visé par le présent article est le décret n° 2012-822 du 26 juin 2012 relatif à la rémunération de certains services rendus par l’Autorité de la concurrence, à savoir la mise à disposition de documents électroniques par plateforme d'échanges et supports numériques, la vente de publications, de documents ou d'études réalisés par l'Autorité avec ou sans cession du droit de reproduction ou de diffusion, l’organisation de conférences, colloques et séminaires, ainsi que des missions d'expertise, de conseil, d'assistance, d'étude et de formation. Les tarifs de ces services sont déterminés par le président de l’Autorité ou par voie de contrat relatif à une prestation déterminée.

Un tel dispositif est nécessaire pour permettre la facturation de ces prestations de services par l’Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante non dotée d’une personnalité morale distincte de celle de l’État.

*

* *

La Commission adopte l’article 18 sans modification.

*

* *

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

Article 19

Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d’autorisation
des emplois

Texte du projet de loi :

I.– Pour 2012, l’ajustement des ressources tel qu’il résulte des évaluations révisées figurant à l’état A annexé à la présente loi et des charges du budget de l’État sont fixés aux montants suivants :

   

(en millions d’euros)

 

RESSOURCES

CHARGES

SOLDES

 

Budget général

     

Recettes fiscales brutes / dépenses brutes

– 387

– 217

 

A déduire : Remboursements et dégrèvements

483

483

 

Recettes fiscales nettes / dépenses nettes

– 870

– 700

 

Recettes non fiscales

– 496

   

Recettes totales nettes / dépenses nettes

– 1 366

   

A déduire : Prélèvements sur recettes au profit des
collectivités territoriales et de l’Union européenne

     

Montants nets pour le budget général

– 1 366

– 700

– 666

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants

     

Montants nets pour le budget général, y compris
fonds de concours

– 1 366

– 700

 
       
       

Budgets annexes

     

Contrôle et exploitation aériens

 

0

0

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes

 

0

0

Évaluation des fonds de concours et crédits correspondants :

     

Contrôle et exploitation aériens

     

Publications officielles et information administrative

     

Totaux pour les budgets annexes, y compris fonds de concours

 

0

0

       
       

Comptes spéciaux

     

Comptes d’affectation spéciale

– 3 776

– 3 801

25

Comptes de concours financiers

– 3 378

– 7 716

4 338

Comptes de commerce (solde)

     

Comptes d’opérations monétaires (solde)

     

Solde pour les comptes spéciaux

   

4 363

       
       

Solde général

   

3 697

II.– Pour 2012 :

1° Les ressources et les charges de trésorerie qui concourent à la réalisation de l’équilibre financier sont évaluées comme suit :

(en milliards d’euros)

Besoin de financement

 
   

Amortissement de la dette à long terme

55,5

Amortissement de la dette à moyen terme

42,4

Amortissement de dettes reprises par l’État

1,3

Déficit budgétaire

81,1

Total

180,3

   

Ressources de financement

 
   

Émissions à moyen et long terme (obligations assimilables du Trésor et
bons du Trésor à taux fixe et intérêt annuel), nettes des rachats effectués par l’État et par la Caisse de la dette publique

178,0

Annulation de titres de l’État par la Caisse de la dette publique

Variation des bons du Trésor à taux fixe et intérêts précomptés

– 7,7

Variation des dépôts des correspondants

– 0,3

Variation du compte de Trésor

2,4

Autres ressources de trésorerie

7,9

Total

180,3

2° Le plafond de la variation nette, appréciée en fin d’année, de la dette négociable de l’État d’une durée supérieure à un an demeure inchangé.

III.– Pour 2012, le plafond d’autorisation des emplois rémunérés par l’État, exprimé en équivalents temps plein travaillé, est porté au nombre de 1 936 014.

Observations et décision de la Commission :

L’article d’équilibre du présent projet de loi prévoit une amélioration de 3,7 milliards d’euros du solde de l’État.

Cette évolution est due à une révision à la hausse de 4,4 milliards d’euros du solde des comptes spéciaux, en raison principalement du fait que les prêts bilatéraux à la Grèce, dont le versement avait été prévu à hauteur de 4,3 milliards d’euros, seront désormais accordés par le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Sur le budget général, la dépense nette est revue à la baisse, pour 700 millions d’euros correspondant à une économie anticipée sur la charge de la dette.

Les ressources nettes sont révisées en baisse de 1,4 milliard d’euros en raison principalement de moins-values de 0,5 milliard d’euros sur les recettes non fiscales et de la condamnation de l’État dans divers contentieux conduisant à revoir à la hausse de 1 milliard d’euros les remboursements d’impôts d’État.

L’ensemble de ces mouvements est détaillé dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission examine les amendements identiques CF 27 de M. Hervé Mariton, CF 239 de M. Charles de Courson, et CF 250 de M. Philippe Vigier visant à supprimer l’article.

M. Hervé Mariton. Notre désaccord avec ce collectif budgétaire nous amène à proposer la suppression de l’article d’équilibre.

M. Charles de Courson. Comme il est nécessaire d’insérer un article d’équilibre dans une loi de finances rectificative, il serait préférable de retirer ces amendements et d’en présenter un autre dans le cadre de l’article 88.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette ces amendements.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CF 320 du rapporteur général (amendement n° 164).

Elle examine ensuite l’amendement CF 12 de M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cet amendement a pour objet de réduire d’un milliard d’euros les dépenses nettes du budget général. Conformément à ce que nous avions indiqué lors du débat d’orientation des finances publiques, nous pensons que le Gouvernement aurait pu être plus performant dans la réduction des dépenses publiques. D’autres pays parviennent à diminuer fortement leurs dépenses. Pourquoi en irait-il autrement pour nous ?

M. le rapporteur général. Monsieur Mariton, vous ne manquez pas d’air !

Tout d’abord, à l’occasion de ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a procédé à un surgel de crédits de 1,5 milliard d’euros afin de faire face aux dérapages constatés par la Cour des comptes dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Le Gouvernement conduit une politique qui est très loin d’être laxiste en matière de dépenses. Ainsi, les objectifs de progression en volume (– 0,5 %) et en valeur (– 0,4 %) des dépenses publiques contenus dans la loi de finances initiale seront tenus.

En outre, les dépenses nettes diminuent de 700 millions d’euros par rapport à la loi de finances. En effet, l’économie réalisée sur la charge de la dette est intégralement affectée à la réduction du déficit.

Par ailleurs, les dépenses nouvelles en faveur de l’enseignement scolaire – création de 5 150 postes supplémentaires et de 12 000 contrats aidés – sont entièrement financées par des annulations de crédit. Je note du reste que votre amendement ne propose aucune piste d’économie concrète.

Enfin, le pouvoir d’achat des Français n’est pas dégradé puisque l’abrogation de la TVA sociale permet de ne pas prélever 10 milliards d’euros supplémentaires.

M. Hervé Mariton. Vous vous êtes vanté, monsieur le rapporteur général, d’avoir affecté l’économie réalisée sur la charge de la dette à la réduction du déficit, mais il ne s’agit là que de l’application d’une règle contraignante.

M. le rapporteur général. Cette règle existe en effet depuis 2011, monsieur Mariton, mais entre 2008 et 2011, le Gouvernement ne l’a jamais mise en œuvre.

M. Hervé Mariton. Je prends acte du fait que la majorité approuve et respecte la règle que nous avons édictée en 2011.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite l’article 19 ainsi modifié et l’état A annexé.

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Puis elle adopte la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2012 ainsi modifiée.

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SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 – CRÉDITS DES MISSIONS

Article 20

Budget général : ouvertures et annulations de crédits

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert aux ministres, pour 2012, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 572 250 588 €, conformément à la répartition par mission et programmes donnée à l’état B annexé à la présente loi.

II.– Il est annulé pour 2012, au titre du budget général, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant à 789 743 440 €, conformément à la répartition par mission et programmes donnée à l’état B annexé à la présente loi.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur le budget général, selon la répartition donnée à l’état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission adopte l’article 20 et l’état B annexé sans modification.

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Article 21

Budgets annexes : ouvertures et annulations de crédits

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour 2012, au titre du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant respectivement à 4 000 000 € et 5 800 000 €, conformément à la répartition par mission et programmes donnée à l’état C annexé à la présente loi.

II.– Il est annulé pour 2012, au titre du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement à 4 000 000 € et 5 800 000 €, conformément à la répartition par mission et programmes donnée à l’état C annexé à la présente loi.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur le budget annexe Contrôle et exploitation aériens, selon la répartition donnée à l’état C annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission adopte l’article 21 et l’état C annexé sans modification.

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Article 22

Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

Texte du projet de loi :

I.– Il est ouvert aux ministres, pour 2012, au titre des comptes d’affectation spéciale, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement supplémentaires s’élevant à 198 700 000 €, conformément à la répartition par programme donnée à l’état D annexé à la présente loi.

II.– Il est annulé pour 2012, au titre des comptes d’affectation spéciale des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant à 4 000 000 000 €, conformément à la répartition par programme donnée à l’état D annexé à la présente loi.

III.– Il est annulé, pour 2012, au titre des comptes de concours financiers, des autorisations d’engagement et des crédits de paiement s’élevant respectivement à 3 839 150 000 € et 7 716 150 000 €, conformément à la répartition par mission et programmes donnée à l’état D annexé à la présente loi.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à ouvrir et à annuler des crédits sur les comptes spéciaux, selon la répartition donnée à l’état D annexé au présent projet de loi de finances rectificative. Ces ouvertures et annulations sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission adopte l’article 22 et l’état D annexé sans modification.

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TITRE II

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2012 – PLAFONDS DES AUTORISATIONS D’EMPLOIS

Article 23

Plafonds des autorisations d’emplois de l’État

Texte du projet de loi :

La seconde colonne du tableau du second alinéa de l’article 69 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 est ainsi modifiée :

1° À la deuxième ligne, le nombre : « 1 922 505 » est remplacé par le nombre : « 1 924 029 » ;

2° À la quatrième ligne, le nombre : « 31 789 » est remplacé par le nombre : « 31 806 » ;

3° À la dixième ligne, le nombre : « 953 353 » est remplacé par le nombre : « 954 860 » ;

4° À la vingt-troisième ligne, le nombre : « 1 934 490 » est remplacé par le nombre : « 1 936 014 ».

Observations et décision de la Commission :

Le présent article tend à modifier les plafonds des autorisations d’emplois par ministère et par budget annexe. Les modifications sont commentées dans l’exposé général du présent rapport.

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La Commission examine une série d’amendements identiques CF 29 de M. Hervé Mariton, CF 240 de M. Charles de Courson et CF 251 de M. Philippe Vigier tendant à supprimer l’article.

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement et la majorité ont pris des engagements politiques inatteignables. Ainsi, en 2012, les enseignants ne vont pas être recrutés là où des besoins existent mais là où vont se présenter les candidats. Cela n’est pas une bonne gestion des finances publiques.

M. le rapporteur général. Contrairement à vos affirmations péremptoires, un rapport du Centre d’analyse stratégique, datant de février 2011, nous apprend que le nombre d’emplois publics financés par l’État en faveur de l’éducation se situe à un niveau intermédiaire par rapport à nos principaux partenaires. En revanche, le taux d’encadrement par élève et étudiant
apparaît relativement faible, notamment dans le primaire et le supérieur. Vous évoquez les difficultés de recrutement mais, ce qui est prévu dans le projet de loi de finances rectificative concerne les professeurs des écoles où ces problèmes ne se posent pas. Il sera procédé au recrutement de 1 000 professeurs des écoles,
100 conseillers principaux d’éducation, 50 professeurs dans l’enseignement technique, 1 500 assistants de vie scolaire en faveur des handicapés,
2 000 assistants d’éducation, 500 assistants chargés de la prévention et également de 12 000 contrats aidés : trouvez-vous cela véritablement excessif au regard des besoins qui se font jour dans les établissements scolaires et sachant que ces dépenses sont intégralement financées par des redéploiements de crédit ?

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette ces amendements.

Elle adopte ensuite l’article 23 sans modification.

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TITRE III

DISPOSITIONS PERMANENTES

I.– MESURES FISCALES NON RATTACHÉES

Article 24

Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans le secteur des livres

Texte du projet de loi :

I.– Le code général des impôts est ainsi modifié :

A. L’article 278-0 bis est complété par un F ainsi rédigé :

« F.– Les livres, y compris leur location. Cette disposition s’applique aux livres sur tout type de support, y compris ceux fournis par téléchargement ».

B. Le 6° de l’article 278 bis est abrogé.

C. Au deuxième alinéa du 2° du 1 du I de l'article 297, après les mots : « 1° du A », sont insérés les mots : « et au F ».

II.– Les dispositions du I s'appliquent aux opérations pour lesquelles la taxe sur la valeur ajoutée est exigible à compter du 1er janvier 2013.

Observations et décision de la Commission :

L’objet du présent article est de rétablir le taux réduit de la TVA de 5,5 % en vigueur jusqu’au 1er avril dernier sur les livres, quel que soit leur support (imprimé ou électronique).

I.– LE DROIT EXISTANT

L’article 13 de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 a créé un second taux réduit de TVA de 7 % auxquels sont soumis l’ensemble des biens et services antérieurement soumis au taux réduit de 5,5 %. Seuls quelques biens et services de première nécessité ont conservé le bénéfice du taux réduit de 5,5 % : les produits alimentaires et les cantines scolaires, les équipements et services (notamment d’hébergement) pour les personnes âgées et handicapées, les abonnements relatifs aux livraisons de gaz et d’électricité ainsi que la fourniture par réseau de chaleur produite à partir d’énergies renouvelables.

Cette hausse de taux s’applique donc aux livres.

La doctrine administrative de base (DB 3 C-215) précise la définition fiscale du livre, comme un ensemble imprimé, illustré ou non, publié sous un titre, ayant pour objet la reproduction d'une œuvre de l'esprit d'un ou plusieurs auteurs en vue de l'enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture. Un tiers de la surface totale de l'ensemble peut être consacré, soit à des blancs intégrés au texte en vue de l'utilisation par le lecteur, soit à la publicité. Le bulletin officiel BO 3 C-4-05 indique que l’application du taux réduit de la TVA est étendue aux ouvrages qui, bien que dépourvus de contenu rédactionnel au sens strict, constituent cependant des œuvres de l’esprit en raison du travail éditorial important qu’ils supposent : annuaires, guides et répertoires, recueils de photographies et de reproduction d’œuvres, catalogues artistiques, ouvrages de cotation, partitions de musique, cartes géographiques et atlas, ouvrages pour enfants, cahiers d’exercices. Le rescrit n° 2012/01 TCA du 17 janvier 2012 indique que les documents de propagande électorale, sauf les affiches, relèvent du taux réduit de la TVA applicable aux travaux de façon portant sur les livres.

La directive 2009/47/CE du Conseil du 5 mai 2009 a étendu le bénéfice du taux réduit à la fourniture de livres sur tous supports physiques. C’est le cas pour les livres lus (dits livres audio) s’ils reproduisent pour l’essentiel la même information textuelle que celle contenues dans les livres imprimés, et des livres fournis sur CD ou clé USB.

Conformément à l’article 279 bis du CGI (code général des impôts), les taux réduits de la taxe sur la valeur ajoutée ne s'appliquent pas aux opérations, y compris les cessions de droits, portant sur les publications qui ont fait l'objet d'au moins deux des interdictions prévues par l'article 14 de la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse (interdiction de vente aux mineurs de moins de 18 ans et interdiction d’exposition à la vue du public et de publicité par la voie d’affiches, interdiction de toute publicité), en raison de leur caractère licencieux ou pornographique ou de la place faite au crime et à la violence.

A.– LE LIVRE IMPRIMÉ

L’entrée en vigueur du nouveau taux réduit de TVA a été reportée au 1er avril 2012, pour les livres non numériques, pour prendre en compte les spécificités économiques et techniques du secteur de la librairie. Ce délai de trois mois devait être mis à profit pour s'assurer que les éditeurs tiendraient compte de la hausse de la TVA dans leur politique de prix, pour mettre à jour les bases de données en librairie, déterminer le statut fiscal des retours et mettre en place une information à destination des clients des librairies sur les écarts entre les prix imprimés et ceux en vigueur. Le secteur du livre présente en effet des caractéristiques techniques particulières : plus de 700 000 références en circulation, l’importance des stocks des librairies, la détermination du prix de vente par l'éditeur en application de la loi sur le prix unique du livre, et un système d'information interprofessionnel.

S’agissant du traitement des retours, l'instruction fiscale publiée au bulletin officiel des impôts BOI 3 C-1-12 du 10 février 2012 rappelle que, en cas d'annulation d'une opération initialement soumise au taux réduit de 5,5 %, la rectification doit être opérée au taux applicable à l'opération d'origine (§ 36). Ainsi, la note d'avoir émise lors du retour de livres doit être soumise au même taux de TVA que l'opération initiale. Par suite, les retours de livres réalisés après le 1er avril 2012 relatifs à des ouvrages livrés avant cette date au taux de TVA de 5,5 % doivent en principe être opérés au taux réduit de 5,5 %.

Afin de prendre en compte les difficultés rencontrées par les professionnels du secteur pour distinguer les livres selon leur date de livraison initiale (avant ou après le 1er avril 2012), le rescrit n° 2012/21 TCA du 27 mars 2012 admet que l’ensemble des retours de livres, soumis à la TVA, le sont au taux réduit de 5,5 % jusqu’au 31 août 2012. Le taux de 7 % s'applique à compter du 1er septembre, indépendamment de la date de livraison initiale du livre retourné.

Enfin, il est rappelé que la doctrine administrative de base DB 3 D 1211 (§ 41 à 44) admet également, en cas d'annulation d'une opération, le recours à la procédure des « avoirs nets de taxe ». Sous réserve de l'accord entre les parties, le retour des livres pourra donc donner lieu à l'émission d'une note d'avoir net de TVA.

B.– LE LIVRE NUMÉRIQUE

Le livre numérique et les activités de location de livres ont subi l’entrée en vigueur du taux réduit de 7 % dès le 1er janvier 2012.

L'article 25 de la loi de finances pour 2011 a étendu à compter du 1er janvier 2012 le taux réduit de TVA aux livres sur tout type de support physique, y compris aux livres numériques, fournis par téléchargement.

Le livre numérique est défini par le rescrit RES n° 2011/38. Il ne diffère du livre imprimé que par quelques éléments nécessaires inhérents à son format : les variations typographiques et de composition ainsi que les modalités d'accès au texte et aux illustrations (moteur de recherche associé, modalités de défilement ou de feuilletage du contenu). Le livre numérique est disponible sur un réseau de communication au public en ligne, notamment par téléchargement ou diffusion en flux, ou sur un support d'enregistrement amovible.

Le sort du livre numérique fait l’objet de controverses au niveau européen. Après avoir, par lettre du 16 novembre 2011, appelé l’attention de la France sur le fait que l’application du taux réduit au livre numérique (c'est-à-dire au livre fourni par téléchargement), considéré comme une prestation électronique, serait incompatible avec la directive TVA, la Commission européenne a indiqué le 3 juillet 2012 avoir ouvert une procédure d'infraction contre la France et le Luxembourg, ce dernier appliquant aux livres numériques un taux de TVA de 3 %. Selon la Commission, cette situation crée de graves distorsions de concurrence au détriment des opérateurs des 25 autres États membres de l'Union dans la mesure où les achats de livres numériques se font aisément dans un autre État membre que celui de résidence du consommateur et que les règles actuelles prévoient l'application du taux de TVA de l'État membre du prestataire, et non de celui du client. Des acteurs locaux du marché du livre électronique se sont plaints de ce que certains acteurs dominants de ce marché aient réorganisé leurs circuits commerciaux pour bénéficier de ces taux réduits, ce qui aurait eu des effets notables sur les ventes de livres (électroniques ou non) dans les autres États membres au premier trimestre 2012.

La législation de l'Union européenne permet aux États membres d'appliquer des taux réduits de TVA à une liste limitative de biens et de services énoncée à l'annexe III de la directive TVA (2006/112/CE). Le téléchargement de livres numériques est considéré depuis le début des opérations de commerce en ligne comme un service fourni par voie électronique – et non comme la livraison d’un livre – qui n'est pas inclus dans cette liste et ne peut donc bénéficier du taux réduit. Dans sa communication de décembre 2011 sur le futur de la TVA la Commission a entamé une réflexion sur la possibilité de faire converger les taux de TVA applicables aux livres traditionnels et aux livres numériques et fera des propositions d'ici fin 2013. La Commission a envoyé à la France, comme au Luxembourg, une mise en demeure. Ils disposent d'un mois pour soumettre leurs observations. La Commission pourrait ensuite constater l'infraction et adresser aux deux pays un avis motivé leur enjoignant de changer leur législation.

La France invoque des arguments culturels et économiques en faveur du développement d’une industrie culturelle européenne et souligne que les trois institutions communautaires ont plaidé en faveur de la neutralité de la TVA au regard des supports : la Commission européenne elle-même, dans son Livre vert sur l’avenir de la TVA de décembre 2010, le Parlement européen dans un rapport de mai 2012 visant à Libérer le potentiel des industries culturelles et créatives, et la Cour de Justice avec l’arrêt The Rank Group du 10 novembre 2011.

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L’accès à la culture constituant un fil rouge du projet du Président de la République, l’engagement n° 44 prévoit « le retour à un taux de TVA à 5,5 % pour le livre et la billetterie, et la lutte pour la survie des librairies indépendantes ». Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a confirmé cet engagement. Le présent article met en œuvre le premier volet de cet engagement, réaffirmant que les biens culturels sont des biens prioritaires.

A.– LA BAISSE DE TAUX

Le paragraphe B du I du présent article abroge le 6° de l’article 278 bis du code général des impôts, qui prévoit actuellement que la taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 7 % en ce qui concerne les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement, et à leur location.

Le paragraphe A du I du présent article complète l’article 278-0 bis du CGI qui énumère les biens et services taxés au taux de TVA à 5,5 % pour y inclure les livres, y compris leur location. Cette disposition doit s’appliquer aux livres sur tout type de support, y compris ceux fournis par téléchargement.

Le paragraphe C du I du présent article prévoit une mesure de coordination pour maintenir, en Corse, les opérations relatives aux livres, imprimés et numériques, au taux particulier de 2,1 %. Le taux réduit de 2,1 % applicable aux livres en Guadeloupe, Martinique et Réunion est par ailleurs maintenu. La TVA n’est provisoirement pas applicable dans le département de la Guyane, en vertu de l’article 294 du CGI, ni à Mayotte, en application de l’article 11 de la loi n° 2010-1487 du 7 décembre 2010 relative au département de Mayotte.

B.– L’ENTRÉE EN VIGUEUR

Le nouveau taux s’applique aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible à compter du 1er janvier 2013, afin de tenir compte une nouvelle fois des contraintes techniques particulières au secteur de la librairie.

Se pose à nouveau la question du traitement fiscal des retours, compte tenu de la difficulté de savoir, au sein des stocks des libraires, de quand date l’entrée du livre et donc quel taux de TVA lui était applicable.

La taxe est exigible au moment de la livraison du bien et pour les prestations de services lors de l'encaissement des acomptes et du prix.

C.– L’IMPACT BUDGÉTAIRE

En novembre 2011, la dépense fiscale correspondant à l’application du taux réduit de 5,5 % aux livres était évaluée à 740 millions d’euros, et le gain attendu de la hausse de 1,5 point du taux de TVA était de 79 millions d’euros selon le Gouvernement, sur la base de données datant de 2006.

L’évaluation préalable jointe au présent projet de loi évalue l’impact budgétaire de la mesure à 50 millions d’euros par an à compter de 2013. Cette estimation est construite à partir des données de comptabilité nationale du compte semi-définitif 2010.

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La Commission adopte l’amendement de coordination CF 317 du rapporteur général (amendement n° 165).

Puis elle adopte l’article 24 ainsi modifié.

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Avant l’article 25

La Commission examine l’amendement CF 244 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. L’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM) est destinée à couvrir l’ensemble des frais afférents à l’exercice du mandat parlementaire qui ne sont pas directement pris en charge ou remboursés par l’Assemblée nationale ainsi que la partie de la rémunération des collaborateurs qui excède le crédit alloué spécifiquement à cet effet. Aussi, la part de cette IRFM non utilisée à des fins professionnelles doit être considérée, du point de vue fiscal, comme un revenu assujetti à l’impôt sur le revenu.

Un amendement adopté par le Sénat a interdit à l’administration fiscale de contrôler la conformité de l’utilisation de cette IRFM à la notion de frais professionnels. Je vous propose de revenir sur cet amendement afin de démontrer à nos concitoyens que l’exigence de transparence s’applique également aux parlementaires.

M. le rapporteur général. Avis défavorable. Cet amendement est un amendement de principe, peu opérant et qui ne concerne au demeurant qu’une fraction réduite de l’indemnité perçue par les parlementaires.

M. le président Gilles Carrez. Je soutiens l’avis de M. le rapporteur général.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur général, est-il normal que tous les citoyens, lorsqu’ils perçoivent des indemnités devant couvrir des frais professionnels, doivent justifier l’existence de ces dépenses alors que les parlementaires sont exonérés de cette obligation ? En tant que républicain, cette rupture du principe d’égalité me choque.

M. le rapporteur général. Cette différence de traitement, monsieur de Courson, est justifiée par le fait que l’IRFM est fixée par la loi. Son montant, qui évolue comme les rémunérations publiques, a été établi à partir des frais réels généralement engagés par les parlementaires. Il ne s’agit donc pas d’un système déclaratif qui justifierait la possibilité d’un contrôle par l’administration fiscale.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette cet amendement.

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Article 25

Assujettissement aux prélèvements sociaux sur le capital des revenus immobiliers de source française (revenus fonciers et plus-values immobilières) perçus par les non-résidents

Texte du projet de loi :

I.– Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– L’article L. 136-6 est ainsi modifié :

1° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« I bis.– Sont également assujetties à la contribution les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du code général des impôts à raison du montant net des revenus, visés au a du I de l’article 164 B du code précité, retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu. » ;

2° Au III, les références : « I et II » sont remplacées par les références : « I à II ».

B. L’article L. 136-7 est ainsi modifié :

1° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :

« bis.– Sont également soumises à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l’article 244 bis A du code général des impôts, lorsqu’elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques » ;

2° le VI est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La contribution portant sur les plus-values mentionnées au I bis est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l’article 244 bis A du code général des impôts. »

II.– A.– Le A du I s’applique aux revenus perçus à compter du 1er janvier 2012.

B.– Le B du I s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenues à compter de la date de la publication de la présente loi.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à assujettir aux prélèvements sociaux portant sur les revenus du capital, les revenus immobiliers de source française perçus au titre de la détention ou de la cession de biens immobiliers par les contribuables non-résidents.

I.– LE DROIT EXISTANT EN MATIÈRE D’IMPOSITION FISCALE ET SOCIALE DES NON-RÉSIDENTS

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé dans son « arrêt Schumacker » (affaire C-279/93) du 14 février 1995 que, s’il est possible pour les États membres de l’Union de traiter différemment les personnes non domiciliées fiscalement sur leur territoire des personnes qui le sont, ils doivent en revanche traiter à l’identique leurs résidents et les non-résidents domiciliés dans un des États membres de l’espace économique européen qui réalisent la totalité ou la quasi-totalité de leurs revenus sur leur territoire (soit plus de 75 % de leur revenu mondial imposable), au motif qu’ils se trouvent dans des situations comparables.

En application de cette décision, certains non-résidents sont donc imposés dans les mêmes conditions et sur les mêmes assiettes à l’impôt sur le revenu, aux cotisations sociales et aux prélèvements sociaux que les résidents. Le dispositif proposé par cet article d’assujettissement aux prélèvements sociaux de leurs revenus immobiliers est donc sans incidence pour ceux de ces non-résidents déjà imposés.

Afin d’apprécier l’impact de cette mesure, il convient donc de présenter succinctement les modalités actuelles d’imposition des contribuables qui ne sont pas domiciliés en France et qui ne répondent pas aux critères d’application de la jurisprudence de la CJUE précitée.

A.– LES RÈGLES EN VIGUEUR D’IMPOSITION DES NON-RÉSIDENTS AU TITRE DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

Parmi les objectifs poursuivis par le présent article, celui du rapprochement des assiettes de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux s’inscrit dans une réflexion sur la nature de ces différentes impositions et la possibilité de les fusionner à plus long terme. Dans cette perspective, les développements suivants visent à rappeler les principales règles encadrant l’imposition des non-résidents à l’impôt sur le revenu.

1.– La territorialité de l’impôt sur le revenu

Les règles en matière de territorialité de l’impôt sur le revenu découlent de l’article 4 A du code général des impôts (CGI) qui dispose que : « les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ».

Cet article est complété par l’article 4 B du même code qui liste les catégories de personnes considérées comme ayant leur domicile fiscal en France. Il suffit qu’une des conditions suivantes soit remplie pour qu’il y ait domiciliation (155) :

– avoir en France son foyer ou son lieu de séjour principal (156;

– exercer en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins que cette activité ne soit exercée à titre accessoire ;

– disposer en France du centre de ses intérêts économiques (157) ;

– être un agent de l’État qui exerce ses fonctions ou est chargé de mission dans un pays étranger, et qui n’est pas soumis dans ce pays à un impôt personnel sur l’ensemble de ses revenus.

Enfin, l’article 4 bis du même code précise que sont également passibles de l’impôt sur le revenu « les personnes de nationalité française et étrangère, ayant ou non leur domicile fiscal en France, qui recueillent des bénéfices ou revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ».

Il ressort de cet ensemble d’articles que les personnes domiciliées fiscalement en France sont soumises à une obligation fiscale illimitée (elles sont imposées sur l’ensemble de leurs revenus de source française et étrangère, sauf disposition contraire prévue par une convention internationale), tandis que les personnes non domiciliées fiscalement sont soumises à une obligation fiscale limitée (elles ne sont imposables qu’à raison de leurs revenus de source française).

2.– Les modalités particulières d’imposition des non-résidents

Les principales différences de traitement des contribuables non-résidents par rapport aux contribuables résidents se justifient par le fait que :

– l’assiette de leurs revenus imposables en France n’est pas représentative du montant de leur revenu mondial imposable et conduirait à une imposition décorrélée de leurs capacités contributives en l’absence de dispositions particulières ;

– les procédures de recouvrement doivent être sécurisées, notamment dans le cas où le contribuable est domicilié dans un État ou un territoire non coopératif dans le domaine fiscal.

a) La détermination de l’assiette taxable des non-résidents

L’article 164 A du CGI prévoit que les revenus de source française des personnes non-résidentes en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les résidents. Il s’agit principalement (158) :

– des revenus d’immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles ;

– des revenus de valeurs mobilières françaises et de tous les autres capitaux mobiliers placés en France ;

– des revenus d’exploitations sises en France ;

– des revenus tirés d’activités professionnelles réalisées en France ;

– des plus-values immobilières et mobilières liées à des biens situés en France ou des droits, titres et parts d’entreprises dont le siège social ou la majorité de l’actif sont situés en France ;

– des pensions et des rentes viagères.

Par ailleurs, l’article 164 C du même code prévoit la détermination d’une assiette imposable spécifique pour les non-résidents qui disposent, directement ou sous le couvert d’un tiers, d’une ou de plusieurs habitations en France. Ils sont alors imposés sur une base égale à trois fois la valeur locative réelle de ces habitations, à moins que leurs revenus de source française ne soient supérieurs à cette base. Dans ce cas, ce sont ces revenus qui servent d’assiette exclusive à l’impôt.

On notera que les conventions internationales relatives aux doubles impositions peuvent contenir des dérogations et retirer, par exemple, le droit d’imposer certains revenus reconnus comme de source française par la loi interne.

b) Les modalités d’imposition des non-résidents

Les contribuables non-résidents ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global au motif que celui-ci ne représente qu’une partie de leur revenu mondial et ne bénéficient des réductions d’impôt que dans certains cas énumérés expressément par la loi (159).

L’impôt est calculé en appliquant le barème progressif et les règles de droit commun du quotient familial. Le montant d’impôt obtenu ne peut être inférieur à 20 % du revenu net imposable (ou 14,4 % si les revenus sont réalisés dans les départements d’outre-mer), sauf si le contribuable justifie que le taux moyen qui résulterait de l’imposition en France de la totalité de son revenu mondial imposable serait inférieur à ce taux forfaitaire. Dans ce cas, le taux moyen ainsi déterminé s’applique aux revenus de source française du contribuable.

Si le calcul de l’impôt est réalisé sur l’assiette forfaitaire constituée de trois fois la valeur locative des habitations détenues par le contribuable non-résidents, le taux minimal de 20 % (ou 14,4 % dans les DOM) ne s’applique pas.

Toutefois, afin de limiter les risques de non-recouvrement de l’impôt dû, de nombreuses dispositions relatives à la retenue à la source ou à des prélèvements, libératoires ou non de l’impôt, s’appliquent aux différentes catégories de revenus susceptibles d’être imposées.

À titre d’exemple, les plus-values immobilières réalisées par les contribuables non-résidents à titre occasionnel sont imposées à un prélèvement libératoire de l’impôt sur le revenu d’un taux de 33,1/3 % (160) (prévu à l’article 244 bis A du CGI).

B.– LES RÈGLES D’IMPOSITION DES NON-RÉSIDENTS AUX PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX

Le champ territorial des prélèvements sociaux est moins étendu que celui de l’impôt sur le revenu du fait de la difficulté à déterminer la nature de ces prélèvements : s’il s’agit bien de prélèvements additionnels à l'impôt sur le revenu, ceux-ci sont exclusivement destinés à financer des fonds sociaux. Aussi des interprétations diverses ont-elles pu voir le jour au gré des décisions des juridictions appelées à se prononcer sur ce sujet.

En matière de revenu d’activité et de remplacement, la CJUE (161) a ainsi considéré que la contribution sociale généralisée (CSG) sur l’assiette de laquelle s’appliquent en grande partie les autres prélèvements sociaux, était exclusivement affectée au financement de la sécurité sociale et, qu’à ce titre, elle relevait des dispositions du règlement européen n° 1408/71 du 14 juin 1971 visant à empêcher les situations de double imposition au titre des prélèvements sociaux.

Par conséquent, un contribuable non-résident qui reçoit des revenus de source française, mais qui cotise au régime de sécurité sociale du pays dans lequel il réside, ne peut être imposé à la CSG. Cette interprétation a été reprise par la Cour de cassation dans une décision de mai 2012 (162) qui indique que « si la contribution sociale généralisée entre dans la catégorie des " impositions de toute nature au sens de l’article 34 de la Constitution (…)" , cette contribution revêt également, du fait de son affectation exclusive au financement de divers régimes de sécurité sociale, la nature d’une cotisation sociale » au sens de l’article 13 du règlement européen précité.

En application de ces décisions, la CSG et la CRDS s’appliquent aux revenus d’activité et de remplacement de source française et étrangère des seuls contribuables qui sont à la fois considérés comme domiciliés en France et à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie au titre de leurs revenus. Les personnes non-résidentes, qui relèvent à titre obligatoire d'un régime français d'assurance maladie, sont quant à elles assujetties à des taux plus élevés de cotisations sociales afin de compenser l’exemption de leurs revenus à l’assiette des contributions sociales.

En matière de revenus du capital, les principes régissant le champ des contribuables assujettis révèlent encore davantage le caractère hybride des prélèvements sociaux et la difficulté du législateur à mettre en place un régime d’imposition homogène pour les différents prélèvements.

Dans le prolongement de la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État (163selon lesquelles la nature juridique des contributions sociales est celle d'impositions de toute nature et non celle de cotisations de sécurité sociale, les revenus du capital sont soumis aux prélèvements sociaux.

Toutefois, deux éléments restreignent la portée de cette imposition :

– la CSG acquittée au titre de ces revenus est déductible à hauteur de 5,8 % de l’impôt sur le revenu par disposition expresse de la loi, ce qui peut entretenir le caractère équivoque de la nature de cette contribution (bien que, si elle constituait une cotisation sociale, elle serait entièrement déductible), alors même que les autres prélèvements sociaux ne sont pas déductibles ;

– elle ne s’applique qu’aux seuls contribuables domiciliés en France.

Le présent article, qui vise à imposer les revenus fonciers et les plus-values immobilières réalisées par les contribuables non-résidents aux prélèvements sociaux portant sur les revenus du capital, appelle deux observations relatives aux éléments précités :

– il confirme la définition des prélèvements sociaux comme impositions de toute nature susceptibles de s’appliquer à l’ensemble des revenus de source française ;

– il rapproche le périmètre des assujettis à ces prélèvements de celui de l’impôt sur le revenu.

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.– L’ÉLARGISSEMENT DE L’ASSIETTE DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX SUR LES REVENUS DU CAPITAL AUX REVENUS IMMOBILIERS DE SOURCE FRANÇAISE DES CONTRIBUABLES NON-RÉSIDENTS

Le présent article ne traite que de l’élargissement des prélèvements sociaux à certains revenus du capital. Les règles propres aux contributions portant sur les revenus d’activité et de remplacement mentionnées précédemment demeurent en revanche inchangées conformément au caractère cédulaire des contributions portant sur les différents types de revenus assujettis (164).

Il convient donc dans un premier temps de présenter les prélèvements sociaux portant sur les revenus du capital, auxquels seraient assujettis les revenus immobiliers de source française des contribuables non domiciliés en France en application du dispositif proposé.

Il y a lieu à cet égard de rappeler que, sous la précédente législature, la commission des Finances avait donné un avis favorable à un amendement ayant le même objet lors de l’examen du projet de loi devenu loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012. Cet amendement n’avait cependant pas été soutenu en séance (165).

1.– Les prélèvements sociaux portant sur les revenus du capital

a) La définition des revenus du capital

Les revenus du capital sont composés de deux types de revenus distingués en fonction de leurs modalités d’imposition : les revenus du patrimoine qui sont déclarés par le contribuable sur sa déclaration de revenu et imposés au barème l’année suivant celle de leur perception, et les revenus de placement taxés par des prélèvements à la source.

Pour rappel, les revenus du patrimoine, énumérés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale (CSS), comprennent les revenus fonciers (revenus des propriétés bâties et non bâties, revenus des locations meublées non professionnelles), les rentes viagères à titre onéreux (uniquement pour une fraction de leur montant), les revenus des capitaux mobiliers ne faisant pas l’objet du prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu, les plus-values professionnelles à long terme des personnes percevant des BIC (bénéfices industriels ou commerciaux), BNC (bénéfices non commerciaux) ou BA (bénéfices agricoles), les gains réalisés lors de la cession de valeurs mobilières et les revenus de l’épargne salariale.

Les produits de placement regroupent quant à eux, conformément
aux I et II de l’article L. 136-7 du CSS, les plus-values immobilières et sur biens meubles mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du CGI, les produits soumis au prélèvement forfaitaire libératoire de l’impôt sur le revenu, les produits des bons ou contrats de capitalisation et d’assurance-vie, quel que soit leur régime d’imposition à l’impôt sur le revenu, les gains réalisés ou les rentes viagères versées en cas de retrait ou de clôture des PEA (plans d’épargne en actions), les produits, rentes viagères et primes d’épargne des PEP (plans d’épargne populaire), ainsi que les intérêts et primes d’épargne versés aux titulaires de comptes d’épargne logement et de plans d’épargne logement.

En application du présent article, seraient donc concernés des revenus du patrimoine (soit les revenus fonciers sis en France) et des produits de placement (au travers des plus-values immobilières réalisées lors de la cession de biens situés en France).

b) Des prélèvements sociaux dont le taux global n’a cessé d’augmenter au cours de ces dernières années

Les différentes contributions sociales applicables aux revenus du capital sont la contribution sociale généralisée (CSG), la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le prélèvement social et les contributions additionnelles à ce prélèvement.

La CSG est la première de ces contributions à avoir été instaurée à titre permanent par la loi de finances pour 1991 du 29 décembre 1990 (166). Applicable dans un premier temps aux seuls revenus du capital soumis au prélèvement libératoire, elle est étendue à compter de 1997 à l’ensemble des revenus du patrimoine et de placement (à l’exception des produits des livrets d’épargne réglementés). Son taux a progressé par vagues successives, passant de 1,1 % en 1991, à 2,4 % en 1993, 3,4 % en 1997, 7,5 % en 1998, pour atteindre 8,2 % en application de l’article 72 de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

Cette augmentation de taux s’est accompagnée du relèvement à due concurrence du taux de déductibilité partielle du revenu imposable de la CSG perçue sur les revenus du patrimoine imposés à l’impôt sur le revenu au barème progressif à compter du 1er janvier 2004. La part de CSG déductible a ainsi été portée de 5,1 % à 5,8 % de sorte que la part non déductible demeure de 2,4 %.

La CRDS, introduite par l’ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale et dont le taux est fixé à 0,5 %, porte depuis l’origine sur l’ensemble des revenus du patrimoine et de placement.

Le prélèvement social sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, introduit par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 au taux de 2 %, a connu quant à lui trois augmentations de taux. La loi de finances pour 2011 a porté ce taux à 2,2 %, la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 à 3,4 % et la première loi de finances rectificative pour 2012 à 5,4 %.

Enfin, deux contributions additionnelles au prélèvement social ont été créées : une contribution au taux de 0,3 %, destinée à financer la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) par la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l’autonomie des personnes âgées et handicapées, et, en janvier 2009, une contribution au taux de 1,1 % destinée à financer le revenu de solidarité active (RSA).


Le niveau global en vigueur des prélèvements sociaux sur ces revenus et produits est ainsi de 15,5 %, se décomposant de la manière suivante : 8,2 % au titre de la CSG, 5,4 % au titre du prélèvement social, 0,5 % au titre de la CRDS, 1,1 % au titre de la contribution additionnelle affectée à la CNSA et 0,3 % au titre de la contribution additionnelle affectée au Fonds national des solidarités actives.







2.– Les effets du dispositif proposé sur l’imposition globale des contribuables non-résidents

a) Le choix d’une assiette imposable limitée aux revenus immobiliers de source française

Plusieurs arguments justifient le choix du Gouvernement de n’étendre le champ de l’assujettissement aux prélèvements sociaux qu’aux seuls revenus immobiliers de source française perçus par les contribuables qui ne sont pas domiciliés en France :

– dans la majorité des conventions internationales, les revenus immobiliers sont les seuls revenus du capital dont le lieu d’imposition est défini au regard de la localisation du bien (l’assujettissement aux prélèvements sociaux produira donc un rendement peu minoré par la primauté du droit international sur le droit interne) ;

– les autres revenus sont soit peu significatifs au regard du rendement attendu d’un éventuel assujettissement, soit couverts par des dispositions conventionnelles spécifiques comme dans le cas des revenus distribués (dividendes) qui constituent la principale assiette imposable en dehors des revenus immobiliers, et dont l’imposition peut prend la forme d’une retenue à la source dans l’État dans lequel le revenu a sa source, au lieu de celui dans lequel le contribuable est domicilié. Le taux fixé (généralement de 15 %) est alors un taux maximal d’imposition et l’assujettissement aux prélèvements sociaux aurait un rendement très faible puisque, dans la plupart des cas, ce taux maximal est déjà atteint du fait du seul impôt sur le revenu.

Il est toutefois à regretter que cette réforme n’ait pas conduit à un traitement unifié des revenus du capital perçus par les contribuables non-résidents, et qu’il vienne au contraire ajouter à la complexité des règles d’imposition existantes.

Les seuls revenus concernés seront donc les revenus immobiliers visés par l’article 164 B du CGI précité.

b) Un dispositif renforçant l’équité entre les contribuables résidents et non-résidents

Le présent article a pour intérêt de faire participer l’ensemble des revenus de source française au financement de fonds sociaux afin de renforcer l’équité de traitement entre résidents et non-résidents. En effet, les prélèvements sociaux étant des impositions de toute nature à vocation universelle, rien ne peut s’opposer en droit à ce que les non-résidents y soient assujettis au même titre que les résidents.

Pour les non-résidents qui ne réalisent pas la quasi-totalité de leur revenu mondial imposable en France, cet article entraîne cependant un ressaut d’imposition significatif : les 60 000 contribuables concernés connaîtront une hausse d’imposition moyenne de 4 167 euros (le rendement attendu de la mesure étant de 250 millions d’euros en année pleine), alors que le ressaut d’imposition moyen au titre des seuls revenus fonciers sera de 1 860 euros (l’assiette annuelle moyenne par contribuable étant évaluée à 12 000 euros sur le fondement des déclarations d’impôt sur les revenus de 2010).

Si l’on prend l’exemple d’une personne domiciliée fiscalement en Belgique, ayant fait l’acquisition par vagues successives de plusieurs immeubles parisiens dont la valeur totale est estimée à 10 millions d’euros, décide de les céder quatre années plus tard et réalise à ce titre une plus-value de 4 millions d’euros, cette personne est actuellement imposée à hauteur de 760 000 euros au titre du seul impôt sur le revenu (en application du prélèvement libératoire mentionné précédemment au taux de 19 %).

Elle sera en application du présent article également assujettie, cette fois au titre des prélèvements sociaux à un taux de 15,5 %, soit 620 000 euros. Au total, elle s’acquittera donc d’une imposition de 1 380 000 euros correspondant à un taux moyen d’imposition de 34,5 %.

La « paroi de verre » qui séparait le régime d’imposition des contribuables non-résidents et des contribuables résidents serait ainsi définitivement fêlée puisque les niveaux d’imposition seraient dans certains cas identiques (les plus-values réalisées par les contribuables résidents étant soumises à l’impôt sur le revenu au même taux proportionnel de 19 % que les contribuables résidents dans un État de l’Espace économique européen), et dans les autres cas sensiblement plus proches.

Toutefois, il convient de préciser qu’en l’état, la rédaction de l’article ne permet pas d’atteindre cet objectif. En effet, l’article ne prévoit que l’assujettissement de ces revenus à la CSG. Le rapporteur général déposera donc un amendement de coordination du dispositif proposé avec les autres prélèvements sociaux de sorte que les objectifs en matière d’équité de traitement des contribuables et de rendement mentionnés par l’exposé des motifs soient atteints.

B.– ENTRÉE EN VIGUEUR ET RENDEMENT DU DISPOSITIF PROPOSÉ

L’article prévoit que l’assujettissement des revenus fonciers aux prélèvements sociaux s’applique à compter des revenus perçus au 1er janvier 2012, soit de façon rétroactive. Les déclarations des revenus de 2010 permettent d’estimer la base imposable au titre de ces revenus à 12 000 euros en moyenne pour chacun des 60 000 foyers concernés par la mesure.

Les plus-values immobilières seront en revanche assujetties au titre des cessions réalisées à compter de la publication de la présente loi.

Le rendement de la mesure est évalué à 50 millions d’euros en 2012 au titre de l’imposition en cours d’année des seules plus-values immobilières. Ce chiffrage représente le tiers du rendement attendu en année pleine au titre de l’assujettissement de ces plus-values pour une base imposable estimée à un milliard d’euros sur le fondement des données afférentes aux cessions de 2011 (soit [1 000 000 000 x 15,5 %] /3).

À compter de 2013, le rendement de la mesure devrait atteindre 250 millions d’euros en année pleine au titre de l’assujettissement de l’ensemble des revenus immobiliers.

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La Commission en vient à l’amendement CF 7 de Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise à supprimer l’article 25 car il étend la CSG et la CRDS aux revenus tirés, par des non-résidents, de biens immobiliers. Or, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a refusé l’extension de l’assujettissement à la CSG et à la CRDS de revenus de source française lorsque les non-résidents étaient déjà redevables d’une imposition sociale dans un autre État membre.

M. le rapporteur général. La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État définit les prélèvements sociaux comme des impositions de toute nature et rien ne s’oppose, en l’état du droit, à l’imposition des revenus du capital de source française des non-résidents même s’ils ne sont pas affiliés à un régime d’assurance maladie. Par ailleurs, les contributions sociales sont de nature cédulaire – elles taxent différemment chaque catégorie de revenu en fonction de son origine–, d’où la faculté de définir des champs de contribuables différents selon les revenus concernés. Des arguments de principe peuvent également être avancés : trouveriez-vous juste qu’une personne habitant en Belgique mais travaillant en France ne soit pas assujettie à la même imposition sur des revenus immobiliers de source française qu’un résident ? Il en va de même pour ceux qui décident de s’installer dans un autre pays pour profiter de leur retraite et qui touchent des revenus immobiliers issus de la location de leur ancienne résidence principale. Ou encore pour des non-résidents ayant constitué un important patrimoine immobilier en France et qui en tirent des revenus substantiels. L’enjeu financier est de l’ordre de 50 millions d’euros pour l’année 2012 et de 250 millions d’euros à compter de 2013. Cette contribution nous paraît juste au regard du principe d’équité.

M. le président Gilles Carrez. J’ai déjà essayé, à trois reprises, de faire adopter ce dispositif. Il est en effet anormal que des non-résidents n’acquittent pas de prélèvements sociaux sur des revenus fonciers perçus en France. Je me réjouis donc que cette disposition puisse être adoptée aujourd’hui.

M. Charles de Courson. Je ne suis pas hostile à l’approbation de cet article mais je doute de sa compatibilité avec le droit de l’Union européenne. En effet, la CJUE estime que la CSG est affectée au financement de la protection sociale française et que l’absence de contrepartie pour des non-résidents qui ne sont pas affiliés à un régime de sécurité sociale doit les exonérer de l’acquittement de cet impôt.

M. le rapporteur général. Frontalier du Luxembourg et de la Belgique, je suis sensible à cette question. Cet article ne pose cependant aucun problème de double imposition contrairement à la CSG sur le revenu d’activité : en effet, c’est le fait que cette dernière porte sur les salaires perçus par les non-résidents qui étaient déjà imposés pour financer la protection sociale de leur propre pays, qui créait un risque de double imposition.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’article 42 du traité instituant l’Union européenne pose le principe de la coordination des régimes de sécurité sociale des différents États membres. C’est parce que l’article 25 ne respecte pas ce principe, que j’en ai proposé la suppression.

L’amendement est rejeté.

La Commission est saisie de l’amendement CF 328 du rapporteur général.

M. Le rapporteur général. Cet amendement vise à réparer un oubli substantiel. Le Gouvernement a prévu l’assujettissement à la CSG mais a omis de mentionner la CRDS, le prélèvement social ainsi que ses contributions additionnelles.

M. Charles de Courson. Ce qui ferait passer le taux des prélèvements de 8 % à 15,5 % et les recettes de 250 à 500 millions par an.

M. le rapporteur général. Non. Le taux de 15,5 % correspond déjà au chiffrage de 250 millions d’euros de recettes.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 166) ainsi que l’article 25 ainsi modifié.

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Article 26

Hausse des contributions salariales et patronales sur les "stock options" et les attributions gratuites d’actions

Texte du projet de loi :

I.– Le II de l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– Le taux : « 14 % » est remplacé par le taux : « 30 % ».

B.– La deuxième phrase est supprimée.

II.– Le premier alinéa de l’article L. 137-14 du même code est ainsi modifié :

A.– Le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».

B.– La seconde phrase est supprimée.

III.– Le I est applicable aux options consenties et aux attributions effectuées à compter du 1er septembre 2012.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article introduit deux modifications au régime des contributions sociales spécifiques sur les gains de levée d’options sur titres (stock-options) et les gains d’acquisition d’actions gratuites, dont le produit est affecté au financement des régimes obligatoires d’assurance maladie dont relèvent les contribuables qui en bénéficient :

– le taux de la contribution patronale est porté de 14 % à 30 %, tandis que le celui de la contribution salariale passe de 8 % à 10 % ;

– les taux dérogatoires de 2,5 % au titre de la contribution salariale et de 10 % au titre de la contribution patronale, applicables aux attributions d’un montant inférieur à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale, sont supprimés.

Il s’agit donc d’un renforcement sensible de l’imposition des contribuables sur ces compléments de rémunération et d’une inflexion des objectifs poursuivis par les contributions en vigueur. En effet, alors que celles-ci ont été introduites afin de rendre plus équitable la participation au financement des régimes d’assurance maladie en établissant une imposition ad hoc aux taux modérés, la réforme proposée tend davantage à réduire l’incitation des employeurs à recourir à ces formes de rémunérations en augmentant sensiblement la rentrée correspondante.

I.– DES CONTRIBUTIONS AD HOC COMPENSANT POUR PARTIE L’EXEMPTION DES STOCK-OPTIONS ET DES ATTRIBUTIONS GRATUITES D’ACTIONS DE L’ASSIETTE DES COTISATIONS SOCIALES

A.– DES EXEMPTIONS D’ASSIETTE EN FAVEUR DE L’INTÉRESSEMENT DES DIRIGEANTS ET DES SALARIÉS AUX RÉSULTATS DE L’ENTREPRISE

L’exemption de cotisations sociales dont bénéficient les contribuables au titre des stock-options est entrée en vigueur le 1er janvier 1971, tandis que celle liée à l’attribution d’actions gratuites s’est appliquée à compter du 1er janvier 2005.

Ces deux dispositifs d’incitation à l’attribution de ces éléments particuliers de revenu visent en principe à :

– améliorer la gestion des entreprises par l’intéressement des dirigeants et des salariés à ses performances, et par la plus forte convergence de leurs intérêts avec ceux des actionnaires ;

– encourager des politiques salariales compétitives au niveau international afin que les entreprises soient capables d’assurer des niveaux de rémunération appropriés et de fidéliser leurs dirigeants et certains salariés.

Au regard de ces objectifs, l’assiette exemptée est évaluée globalement au titre des stock-options et des actions gratuites à 1,8 milliard d’euros pour 2012 par la Direction de la sécurité sociale. On notera que contrairement aux mesures d’exonération qui n’affectent directement pas l’assiette des cotisations sociales, les mesures d’exemption ont pour conséquence que les éléments de rémunération concernés sont également exemptés de l’ensemble des cotisations calculées sur la même assiette (par exemple, du versement transport).

1.– Présentation synthétique des conditions d’attribution des stock-options et des actions gratuites

● Les stock-options

Les entreprises par actions, que leurs titres soient admis ou non sur un marché réglementé, peuvent accorder, avec l’autorisation de l’assemblée générale extraordinaire (AGE) et sous certaines conditions précisées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code du commerce, le droit de souscrire ou d’acheter des actions à un prix déterminé à leurs salariés et dirigeants. Ce prix ne peut être inférieur à 80 % de la moyenne des derniers cours si les actions sont cotées.

Les bénéficiaires doivent lever leur option dans un délai fixé par l’AGE. En pratique, ils y ont intérêt lorsque le prix auquel ils ont acquis l’action est inférieur à sa valeur en cours. Ils réalisent alors une plus-value d’acquisition. Celle-ci est exemptée de l’assiette des cotisations sociales si les bénéficiaires ont respecté un délai d’indisponibilité de quatre ans à compter de la date d’attribution de l’option. La mesure d’exemption porte également sur le rabais (167) consenti lors de l’attribution des titres s’il est inférieur à 5 % et sur la plus-value réalisée lors de la cession des titres.

Afin d’éviter le dévoiement de la mesure, il est prévu que les salariés ou les mandataires sociaux détenant plus de 10 % du capital social ne peuvent recevoir d’options sur titres.

● Les attributions d’actions gratuites

Les actions gratuites peuvent être attribuées, avec l’autorisation de l’AGE et dans le respect des conditions définies aux articles L. 225-197-1 à L. 225-197-6 du code précité, à tout ou partie des salariés et dirigeants d’entreprises par actions, cotée ou non cotées. L’avantage retiré par les bénéficiaires correspond à la valeur de l’action au jour de l’acquisition. Cet avantage est exempté de cotisations sociales.

Ces attributions ne peuvent représenter plus de 10 % du capital social de l’entreprise. Le délai d’indisponibilité à respecter avant l’attribution définitive des actions ne peut être inférieur à deux ans, de même que la durée minimale de conservation après leur acquisition par le bénéficiaire.

● Les catégories de bénéficiaires de ces rémunérations complémentaires

Ces attributions d’options de titres ou d’actions gratuites concernent :

– les membres du personnel salarié de l’entreprise ou certaines catégories d’entre eux ;

– le président du conseil d’administration, le directeur général, les directeurs généraux délégués, les membres du directoire ou le gérant d’une société en commandite par actions ;

– les membres du personnel salarié des sociétés liées à la société attributrice (mère, sœur ou filiales selon que l’entreprise est cotée ou non).

b) Le recours à ces formes d’intéressement et les résultats des mesures d’exemption de cotisations sociales

Ces mesures d’exemption de cotisations sociales ont fait l’objet d’une présentation en annexe au rapport public de juin 2011 du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, mais n’ont pas fait l’objet d’une évaluation (aucun score n’est ainsi attribué pour apprécier leur efficience).

De fait, les éléments relatifs au recours à ces formes d’intéressement présentés sont ceux contenus dans le rapport de l’Autorité des marchés financiers relatif au gouvernement d’entreprise et à la rémunération des dirigeants de 2010. Il en ressort, qu’au titre de l’exercice 2009, 93 % des sociétés d’un échantillon composé de 60 sociétés dont les actions sont négociées sur Euronext Paris (168) ont appliqué une politique d’attribution d’actions gratuites ou de stock-options à destination de leurs mandataires sociaux.

En effet, ces compléments de rémunération bénéficient principalement aux dirigeants qui reçoivent entre 7,5 % et 33 % de l’enveloppe globale d’options et d’actions pouvant être attribuées votée par les actionnaires. Ces compléments de rémunération ont ainsi représenté 35 % en moyenne de la rémunération globale des dirigeants qui en ont bénéficié au titre de l’exercice 2009. Les attributions sont dans la majeure partie des cas assorties d’obligations de conservation contraignantes et soumises à des critères de performances internes (comme l’évolution du résultat net de l’entreprise) ou externes (par exemple, la performance du titre).

Ces bonnes pratiques résultent de l’application des dispositions de la loi de confiance et de modernisation de l’économie du 26 juillet 2005 (qui soumettent notamment les rémunérations des dirigeants d’entreprises cotées au régime des conventions réglementées) et de l’article 17 de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (qui prévoit la mise sous condition de performance du versement des rémunérations différées et la publicité des décisions du conseil d’administration sur les conventions de rémunération).

Toutefois, il convient de noter que ces éléments de rémunérations dont le bénéfice est très concentré (la Cour des comptes estimait à 100 000 personnes les bénéficiaires de stock-options dans son rapport de septembre 2007 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale) constituent un facteur d’inégalité de revenus important et entraînent une dualisation croissante du monde du travail entre grandes entreprises et PME au sein desquelles ces modes de rémunération sont peu diffusés, comme le souligne le rapport du comité d’évaluation précité.

Depuis 2008, le bénéfice de ces mesures d’exemption a néanmoins été limité par vagues successives du fait des majorations des prélèvements sociaux acquittés sur les plus-values d’acquisition et de cession, et de l’introduction de contributions patronale et salariale sur l’assiette des plus-values d’acquisitions des titres attribués.

2.– L’avantage lié à la mesure d’exemption d’assiette a été partiellement remis en cause par l’introduction de contributions patronale et salariale ad hoc

Les contributions patronales et salariales applicables aux stock-options et aux attributions d’actions gratuites ont été introduites par un amendement de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, devenu l’article 13 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008. Il visait à réponse aux remarques très négatives du rapport annuel de la Cour des Comptes pour 2007 précité (169).

Afin de ne pas remettre en cause les objectifs poursuivis par les mesures d’exemptions, le choix a été fait de maintenir un régime d’imposition plus favorable que le droit commun par la fixation des taux des contributions salariale et patronale à un niveau modéré. Il s’agissait ainsi de concilier l’objectif d’attractivité fiscale liée au traitement dérogatoire de ces éléments de rémunération et la nécessité d’une répartition plus équitable de l’effort des contribuables au financement des régimes obligatoires d’assurance maladie.

Conformément à cette ambition, les contributions ne s’appliquent que si les bénéficiaires de stock-options ou d’actions gratuites relèvent d’un régime obligatoire français d’assurance maladie au jour de la cession des titres (qui constitue le fait générateur de la contribution) et donc, que les rémunérations qu’ils perçoivent donnent lieu à un versement de cotisations sociales.

a) La contribution patronale

● L’assiette de la contribution

La contribution patronale, codifiée à l’article L. 137-13 du code de la sécurité sociale, peut porter sur deux assiettes d’imposition distinctes :

– soit une assiette égale à la juste valeur des actions sur lesquelles portent les options ou la juste valeur des actions gratuites, telle qu’elle est estimée pour l’établissement des comptes consolidés pour les sociétés appliquant les normes comptables internationales (170) ;

– soit une assiette forfaitaire de 25 % de la valeur des actions sur lesquelles portent les options ou de 100 % de la valeur des actions gratuites à la date de la décision d’attribution par le conseil d’administration ou le directoire.

Ce choix est exercé par l’employeur pour la durée de l’exercice pour chacun de ces éléments de rémunération et est irrévocable durant cette période. Les options consenties ou les actions attribuées dans les mêmes conditions par une société dont le siège est situé à l’étranger et qui est mère ou filiale de l’entreprise dans laquelle le bénéficiaire exerce son activité entrent également dans le champ de la contribution, à la condition que leurs salariés relèvent d’un régime français de sécurité sociale.

● Le taux et l’exigibilité de la contribution

Le taux de la contribution, fixé à 10 % lors de l’introduction du dispositif en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2008, a été porté à 14 % par la réforme votée en LFSS pour 2011. Cette augmentation a pris effet à compter du 1er janvier 2011 pour les stock-options et les actions gratuites attribuées à compter de cette date.

Toutefois, le taux de 10 % a été maintenu pour les options de souscriptions et les attributions d’actions dont la valeur annuelle par salarié est inférieure à la moitié du plafond de la sécurité sociale, soit 18 186 euros au titre de 2012.

La contribution est exigible le mois suivant la date de la décision d’attribution des options ou des actions et est versée aux URSSAF. Les règles de recouvrement, de contrôle et de contentieux sont celles en vigueur pour les cotisations à la charge des employeurs assises sur les rémunérations de leurs salariés.

b) La contribution salariale

● L’assiette de la contribution

En application de l’article L. 137-14 du code de la sécurité sociale, la contribution salariale est assise sur le montant des avantages définis aux articles 6 et 6 bis de l’article 200 A du code général des impôts, soit :

– les gains de levée d’options au titre des stock-options définis au titre à l’article 80 bis du même code comme l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option et le prix de souscription ou d'achat de cette action, diminuée le cas échéant du rabais excédentaire ;

– les gains d’acquisition des actions attribuées gratuitement, c’est-à-dire leur valeur à la date d’acquisition.

● Le taux et l’exigibilité de la contribution

Le taux de la contribution est passé de 2,5 % en application de la LFSS pour 2008 à 8 % en application de la LFSS pour 2011. Cette augmentation s’applique aux gains de levée d’options et aux gains d’acquisition des actions gratuites accordées depuis le 16 octobre 2007 et réalisés à compter du 1er janvier 2011.

Toutefois, à l’instar de la contribution patronale, le taux initial de la contribution de 2,5 % est maintenu si le montant des plus-values d’acquisition est inférieur à la moitié du plafonnement de la sécurité sociale.

La contribution est exigible au jour de l'imposition de la plus-value d'acquisition ou de levée d'option, c'est-à-dire au jour de la cession à titre gratuit ou à titre onéreux des titres acquis grâce à l'option ou à l'attribution gratuite.

Elle est établie, recouvrée et contrôlée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu. Ce ne sont donc pas les URSAFF ou les caisses générales de cotisations sociales qui recouvrent la contribution, mais l’administration fiscale.

Cette contribution s’ajoute à l’impôt sur le revenu applicable aux plus-values de cession de valeurs mobilières (au taux proportionnel de 19 % pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2011) et aux prélèvements sociaux dus sur les revenus de placement, soit 8,2 % au titre de la CSG, 0,5 % au titre de la CRDS, 5,4 % au titre du prélèvement social, 1,1 % au titre de la contribution additionnelle RSA et 0,3 % de contribution additionnelle « solidarité-autonomie », soit un total de 15,5 % à compter du 1er juillet 2012 (en application de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012).

Le niveau global d’imposition fiscale et sociale atteint donc pour les contribuables concernés 42,5 %.

SÉQUENCE RÉCAPITULATIVE DES MODALITÉS D’IMPOSITION DES STOCK-OPTIONS

                 
 

Événements

 

Attribution
des options

 

Levée
des options

 

Cession
des titres

 
         
         
     


 


 


 
                 
 

Assiettes imposables

 

Calcul du rabais
(écart entre le prix fixé pour l’attribution et la valeur réelle du titre)

 

Calcul de la plus-value d’acquisition
(écart entre le prix de l’option et la valeur réelle du titre à la levée de l’option)

 

Calcul de la plus-value de cession
(écart entre le prix de cession et la valeur réelle du titre lors de la levée de l’option)

 
     


 


 


 
                 
 

Imposition

 

Imposition
de la valeur des attributions au titre de la contribution patronale visée à l’article 137-13 du code de la sécurité sociale

 

Imposition
du rabais excédentaire comme un élément de salaire au titre de l’IR, des cotisations sociales et des prélèvements sociaux

 

Imposition
de la plus-value d’acquisition au titre de la contribution salariale visée à l’article 137-14 du code de la sécurité sociale

 
             


 
                 
             

Imposition
de la plus-value de cession au titre de l’IR et des prélèvements sociaux

 
                 

II.– LA NOUVELLE MAJORATION DES TAUX DES CONTRIBUTIONS SPÉCIALES PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A.– LES EFFETS DE LA MAJORATION PROPOSÉE

Le présent article propose de majorer une nouvelle fois les taux des contributions salariale et patronale. Toutefois, les proportions de majoration proposée sont sensiblement différentes selon la contribution, puisque le taux de la contribution salariale n’augmente que de 20 % (soit de 8 % à 10 %), tandis que celui de la contribution patronale augmente de plus de moitié (soit de 14 % à 30 %).

Il convient de remarquer que la fixation des taux depuis la LFSS de 2008 ne semble pas répondre à une logique particulière. Les taux initiaux de la contribution salariale représentaient ainsi le quart de ceux de la contribution patronale, puis plus de la moitié de ces derniers à la suite de la réforme de 2011, pour s’établir au tiers dans le cadre de la présente réforme.

RAPPEL DES NIVEAUX SUCCESSIFS DES TAUX DES CONTRIBUTIONS

 

Taux LFSS
2008

Taux LFSS
2011

Taux PLFR
2012

Contribution patronale

10 %

14 %

30 %

Contribution salariale

2,5 %

8 %

10 %

Au travers de cette majoration, deux principaux objectifs se dégagent néanmoins :

– un objectif de rendement au travers de la majoration des taux de contribution et de la suppression du maintien, décidé en LFSS pour 2011, des taux initiaux des contributions pour les gains d’acquisitions ou les montants d’attribution inférieurs à la moitié du plafond annuel de la sécurité sociale ;

– un objectif d’encadrement des très hautes rémunérations : la forte majoration du taux de la contribution patronale tend à influer négativement sur les décisions d’attribution de ces compléments de rémunération par le biais de la réduction de l’écart entre le taux de la contribution et celui des cotisations patronales, sans toutefois remettre en cause le principe d’une contribution plus favorable que le droit commun.

L’économie globale proposée par l’article repose donc, d’une part, sur l’augmentation du rendement de ces contributions et, d’autre part, sur la réduction souhaitée des montants de rémunération prenant la forme d’attribution d’actions ouvrant droit à exemption.

B.– ENTRÉE EN VIGUEUR ET RENDEMENT ATTENDU

L’augmentation de la contribution patronale s’appliquera aux stock-options attribuées à compter du 1er septembre 2012, tandis que l’augmentation de la contribution salariale s’appliquera aux actions attribuées à compter du 16 octobre 2007 et cédées postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi.

RENDEMENT ATTENDU DE L’AUGMENTATION DES TAUX

(en millions d’euros)

2012

2013

2014

75

317

317

À défaut d’hypothèses fiables quant à l’élasticité des distributions de stock-options et d’actions gratuites au taux des contributions, ces chiffrages sont réalisés sur le fondement d’une hypothèse de comportement inchangé des entreprises. Ils reposent sur le rendement des contributions au titre de 2011, soit 267 millions d’euros au titre de la contribution patronale et 10 millions d’euros au titre de la contribution salariale.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 329 du rapporteur général.

M. Le rapporteur général. Je propose d’avancer d’un mois et demi l’entrée en vigueur du nouveau dispositif pour éviter des comportements d’optimisation.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 167) ainsi que l’article 26 ainsi modifié.

*

* *

Article 27

Hausse du forfait social

Texte du projet de loi :

I.– L’article L. 137-16 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

A.– Au premier alinéa, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

B.– Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, ce taux est fixé à 8 % pour les contributions des employeurs destinées au financement des prestations de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit. »

C.– Les trois derniers alinéas sont remplacés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le produit de cette contribution est réparti conformément au tableau suivant :

«

 

Pour les
rémunérations ou gains
soumis à la contribution
au taux de 20 %

Pour les
rémunérations ou gains
soumis à la contribution
au taux de 8 %

 
 

Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés

5 points

5 points

 
 

Caisse nationale d’assurance vieillesse

6 points

   
 

Fonds mentionné à l’article L. 135-1
dont section mentionnée à
l’article L. 135-3-1

9 points

0,5 point

3 points

0,5 point



»

II.– Le I s’applique aux rémunérations versées à compter du 1er septembre 2012.

Observations et décision de la Commission :

Cet article propose de majorer sensiblement le taux du forfait social, le faisant passer de 8 % à 20 %. Le forfait social étant une imposition de toutes natures affectée intégralement à la sécurité sociale, cette mesure dont le rendement est estimé à 550 millions d'euros en 2012 et à 2,3 milliards d'euros en 2013 figure en seconde partie du projet de loi de finances rectificative. Il devra en être tenu compte dans les prévisions de recettes des deuxième et troisième parties de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

I.– LE FORFAIT SOCIAL, UNE CSG PATRONALE

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré une nouvelle contribution, dénommée forfait social, qui vise à taxer certaines « niches sociales ». Le forfait social soumet à un prélèvement de nature fiscale tous les éléments d’assiette qui sont assujettis à la CSG mais exonérés de cotisations patronales de sécurité sociale. Ce prélèvement à la charge des employeurs, taxant les éléments soumis à la CSG pour les particuliers, peut donc être qualifié de CSG patronale. Il a pour objectif de renforcer l’équité du mode de financement de la sécurité sociale, en faisant contribuer les employeurs sur l’ensemble des éléments de rémunération versés aux salariés, dès lors que les composantes actuellement les plus dynamiques des rémunérations dans le secteur privé sont des dispositifs alternatifs – ou complémentaires – aux salaires (on parle notamment de « dividendes du travail » depuis la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié), qui ne sont pas soumis à cotisation.

Sont ainsi assujettis au forfait social :

– les sommes versées au titre de l’intéressement, du supplément d’intéressement et de l’intéressement de projet ;

– les sommes versées au titre de la participation et du supplément de réserve spéciale de participation ;

– les abondements de l’employeur aux plans d’épargne entreprise (PEE) et aux plans d’épargne pour la retraite collectifs (PERCO) ;

– les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire (hors régimes de retraites chapeaux, qui sont soumis à une taxe spécifique) et, pour les entreprises de plus de neuf salariés, des prestations complémentaires de prévoyance ;

– les jetons de présence et rémunérations exceptionnelles de certains dirigeants ;

– les sommes versées au titre de la prime de partage des profits instituée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011.

Dans son rapport de juin 2011, le comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales a analysé les principales caractéristiques de ces éléments de rémunération qui sont soumis au forfait social.

Les montants versés en 2009 (relatifs aux bénéfices 2008) aux salariés au titre de la participation représentaient en moyenne 4,8 % de la rémunération des salariés. Ceux versés au titre de l'intéressement représentaient en moyenne 4,5 % de leur rémunération. L'ensemble des dispositifs de distribution de revenu (participation, intéressement, abondement d'un PEE, abondement d'un PERCO) a représenté 16,2 milliards d'euros en 2008, correspondant en moyenne pour les bénéficiaires à un surcroît de rémunération équivalent à 7,1 % de leur salaire.

Pour l'année 2009, le complément de rémunération annuelle dégagé par l'ensemble des dispositifs s'élève à 2 104 euros par salarié dans les entreprises de dix salariés et plus. Il représente pour les salariés bénéficiaires un surcroît de rémunération correspondant en moyenne à 6,5 % de leur masse salariale.

Cette même année, 36,1 % des salariés du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique, avaient accès à un dispositif d'intéressement. Dans les entreprises de dix salariés ou plus, 4,431 millions de salariés ont bénéficié d'une prime d'intéressement cette même année. En 2008, la proportion des salariés du secteur marchand non agricole, hors intérim et secteur domestique ayant accès à un dispositif de participation, était de 46,1 %. Cette même année, dans les entreprises de dix salariés ou plus, 5,472 millions de salariés ont bénéficié d'une prime de participation.

En 2009, 57 % des salariés du secteur marchand non agricole avaient accès à un dispositif d'intéressement, de participation ou autre dispositif d'épargne salariale. Parmi eux, sept millions ont effectivement reçu une prime au titre de la participation ou de l'intéressement ou bénéficié d'un abondement de l'employeur sur les sommes qu'ils ont versées sur un PEE ou un PERCO.

La participation aux résultats de l'entreprise, obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés, reste le dispositif le plus répandu (46 % des salariés couverts en
2008) ; viennent ensuite les PEE (41 %) et l'intéressement (36 %). Créé en 2003, le PERCO poursuit son développement et concerne désormais près de 10 % des salariés : 680 millions d'euros ont ainsi été déposés sur un PERCO en 2009, soit 3 % de plus que l'année précédente.

Le rythme d'augmentation des éléments assujettis au forfait social est très supérieur à celui de la masse salariale. Entre 1999 et 2007 par exemple, les sommes versées au titre de l'épargne salariale ont été multipliées par plus de deux quand la masse salariale a augmenté de moins de 40 %. D'après le rapport Cotis, on peut évaluer à l'équivalent d'un point de PIB l'effet de substitution entre ces sommes, qui ne sont pas assujetties à cotisations, et le reste de la masse salariale.

Les sommes qui entrent dans l'assiette du forfait social sont concentrées dans certains secteurs, bénéficient surtout aux salariés des grandes entreprises, notamment celles où les salaires sont élevés :

– Les dispositifs d'épargne salariale sont particulièrement développés dans les secteurs où les grandes entreprises sont nombreuses : secteur de l'énergie, certaines activités de l'industrie telles que la « fabrication de matériels de transport », les « industries extractives, énergie, eau, gestion des déchets et dépollution » et la « fabrication d'équipements électriques, électroniques, informatiques, fabrication de machines » où plus de 80 % des salariés sont couverts par au moins un dispositif. Ces dispositifs sont également répandus dans la banque et les assurances (huit salariés sur dix), où ils ne se limitent pas qu'aux grandes entreprises.

– Les salariés des grandes entreprises sont les principaux bénéficiaires des dispositifs d'épargne salariale. 93,7 % des salariés employés dans des entreprises de plus de cinq cents salariés étaient couverts par au moins un dispositif en 2009. Seulement 16,7 % des salariés des entreprises de moins de cinquante salariés et 11,6 % des salariés employés dans une entreprise de moins de dix salariés étaient couverts.

– Selon les travaux de la DARES, les dispositifs de participation, d'intéressement, PEE et PERCO sont plus fréquents dans des entreprises proposant les salaires les plus élevés. 71 % des salariés ont accès à au moins un dispositif dans les entreprises où le salaire moyen dépasse 25 150 euros (7e décile), contre 27 % dans celles où il est inférieur à 14 570 euros (3e décile).

En outre, les dispositifs prévoyant un abondement de l'employeur en fonction des versements effectués par les salariés bénéficient plutôt aux salariés les mieux rémunérés. En particulier, l'abondement d'un PEE ou d'un PERCO est conditionné par l'existence de versements des salariés (issus de leur participation, de leur intéressement ou de versements volontaires). Selon la dernière enquête sur ce sujet (enquête Réponse 2004-2005, DARES), les versements sur les PEE étaient supérieurs chez les cadres.

Source : rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales.

ASSIETTE DU FORFAIT SOCIAL

(en milliards d’euros)

 

2010

2011

Participation

5,9

6,6

Intéressement

5,7

6,3

PEE

1,3

1,4

Retraites supplémentaires

2,9

3,2

PERCO

0,2

0,3

Prévoyance complémentaire

8,9

9,2

Total

25,0

27,0

Il existe cependant des exonérations d’assiette pour cette imposition visant elle-même à limiter les effets des exonérations de cotisations sociales. Ne sont ainsi pas soumises au forfait social :

– les attributions de stock-options et d’actions gratuites, qui sont assujetties à une contribution spécifique dont le taux est majoré par l’article 26 du présent projet de loi ;

– les contributions des employeurs aux chèques vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés ;

– les indemnités versées en cas de rupture du contrat de travail en deçà de certains montants.

Par ailleurs, certains éléments de rémunération sont exonérés à la fois de cotisations sociales, de CSG et donc de forfait social : il s’agit des titres restaurant, des chèques vacances dans les entreprises de plus de cinquante salariés, du CESU préfinancé et des avantages versés par les comités d’entreprise.

Le forfait social est recouvré et contrôlé comme les cotisations sociales et la CSG sur les revenus d’activité, c’est-à-dire par les URSSAF. Son produit est partagé entre la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

II.– L’AUGMENTATION À 20 % DU TAUX DU FORFAIT SOCIAL

Le taux du forfait social a augmenté de manière régulière et linéaire
depuis sa création, par sauts de deux points par an. Il a ainsi été de 2 % en 2009, 4 % en 2010, 6 % en 2011 et 8 % en 2012.

Il est proposé de le porter, dès le 1er septembre prochain (171), à 20 %. Il y a là un changement de méthode par rapport à la politique de la précédente majorité : compte tenu de l’effort de redressement de nos comptes publics qu’il convient de réaliser rapidement dans un esprit de justice, il est proposé de porter tout de suite la participation des employeurs au financement de la protection sociale à un niveau qui était jusqu’alors seulement un objectif de long terme (au rythme de 2 points d’augmentation par an, l’objectif d’un forfait social à 20 % n’avait été atteint qu’en 2018).

Ce taux de 20 % correspond à une parité d’effort contributif avec les cotisations patronales portant sur les rémunérations d’activité.

Les charges patronales destinées à financer les régimes sociaux peuvent se décomposer en deux grandes catégories : celles qui financent des risques de manière assurantielle et celles qui financent des dépenses de solidarité.

Les premières concernent l’assurance vieillesse (de base et complémentaire obligatoire), les accidents du travail et l’assurance chômage : dès lors que seules les cotisations assises sur les salaires au sens strict du terme ouvrent vocation à des droits à prestation équivalents, il ne doit pas en être tenu compte pour apprécier l’effort à demander aux employeurs au titre des compléments de salaire.

En revanche, pour les deuxièmes, il n’y a pas lieu de distinguer le taux de contribution des employeurs selon la nature de la rémunération versée : que ce soit sous la forme de salaire ou d’une autre forme de rémunération, les cotisations payées n’ouvrent pas en tant que telles des droits à prestation. Il n’y a donc aucune raison que certaines formes de rémunération soient moins mises à contribution que d’autres. Ces cotisations concernent l’assurance maladie, la famille et la cotisation de solidarité pour l’autonomie (CSA). Leur taux est respectivement de 12,8 %, 5,4 % (172) et 0,3 %. Il convient également d’ajouter à ces trois éléments la part de la cotisation patronale d’assurance vieillesse de base qui n’est pas plafonnée et qui ne peut donc pas être considérée comme uniquement contributive, soit 1,6 %. Le total correspond ainsi à 20,1 %.

Porter le taux du forfait social à 20 % permet donc d’assurer la neutralité du choix du mode de rémunération des salariés par l’employeur : verser une rémunération autre que salariale ne sera pas plus avantageux financièrement pour l’employeur que de verser du salaire direct. Ce choix devra être négocié avec les partenaires syndicaux, car la différence portera alors du point de vue des salariés sur l’ouverture ou non de droits à retraite selon que la rémunération prend la forme ou non de salaire direct. Pour les employeurs, pour les raisons précitées, il demeurera un différentiel avec les taux de cotisation de droit commun sur les salaires, qui est, pour la part patronale, de 30,5 % au titre de la sécurité sociale et de près de 41 % pour l’ensemble de la protection sociale (avec les retraites complémentaires et l’assurance chômage).

En suivant ce type de raisonnement, la Cour des comptes avait proposé, dans son rapport de septembre 2010 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, de porter le taux du forfait social « au niveau des taux cumulés des cotisations maladie et famille (soit 19 % environ), c'est-à-dire celles des branches qui versent des prestations non liées aux revenus professionnels, pour lesquelles donc une contribution de l’ensemble des revenus paraît logique ».

Cette hausse du forfait social ne concerne que des rémunérations bénéficiant à une minorité de salariés plutôt avantagés. Seulement 7 millions de salariés ont effectivement reçu des sommes au titre de l’intéressement, de la participation ou de l’épargne salariale, soit une petite minorité des 24 millions de salariés. L’intéressement et la participation sont les dispositifs les plus importants (respectivement 5 et 4,4 millions de bénéficiaires) ; les régimes d’épargne retraite, le PEE et le PERCO sont moins répandus (respectivement 3,7 millions, 2,4 millions et 400 000 bénéficiaires). Ces avantages sont aussi concentrés dans les grandes entreprises : 93,7 % des salariés des entreprises de plus 500 salariés sont couverts par un dispositif d’épargne salariale, alors que tel n’est le cas que de 12,7 % des salariés des entreprises de moins de dix salariés et de 16,7 % de celles de moins de 50 salariés. 73 % des sommes concernées par le forfait social se situent dans les entreprises de plus de 250 salariés, où elles représentent plus de 5 % de la masse salariale ; a contrario, les entreprises de moins de 20 salariés ne représentent que 4,5 % de ces sommes, qui y représentent moins de 1 % de la masse salariale. L’augmentation du forfait social est donc favorable aux PME et répond pleinement à un objectif de justice sociale.

Le Gouvernement escompte de cette hausse de 12 points du forfait social un rendement de 550 millions d'euros en 2012 (sur quatre mois, avec une application à partir du 1er septembre), 2,3 milliards d'euros en 2013 et 2,4 milliards d'euros en 2014. Les recettes supplémentaires seront vraisemblablement plus importantes car l’hypothèse de croissance de l’assiette du forfait social retenue par l’étude d’impact est très prudente : le Gouvernement table en effet sur une augmentation au même rythme que la masse salariale, qui a crû de 5,7 % entre 2009 et 2011, alors que les éléments de rémunération soumis au forfait social ont augmenté de 7,2 % sur la même période, mais dans un cadre plus favorable à ces éléments pour les employeurs. Entre 2000 et 2011, alors que la masse salariale n’a augmenté que de 40 %, l’intéressement a progressé de 85 % et l’abondement des PEE de 65 %.

Le rendement réel de la mesure dépendra en effet de l’importance de l’éventuel effet de substitution entre salaire et substituts du salaire qui pourrait résulter de la hausse du forfait social, laquelle rendra relativement moins attractif les modes alternatifs de rémunération des salariés. En tout état de cause, l’effet ne peut être que bénéfique sur l’ensemble des recettes de la sécurité sociale.

Ces recettes supplémentaires seront intégralement affectées aux régimes de retraite. Ceux-ci continuent en effet de connaître des déficits importants, que la réforme des retraites engagée en 2010 par la précédente majorité n’a pas réduits : le rapport de juillet 2012 de la Commission des comptes de la sécurité sociale indique que si le déficit de la branche vieillesse du régime général devrait diminuer de 6 à 5,8 milliards d'euros entre 2011 et 2012, celui du FSV augmenterait quant à lui de près d’un milliard d’euros sur la même période, pour atteindre 4,4 milliards d'euros en 2012. On rappellera que le coût – évalué à 1,1 milliard d'euros en 2013 – des mesures annoncées par le Gouvernement en faveur des personnes âgées de plus de soixante ans qui ont cotisé la totalité de leurs annuités, afin qu’ils puissent retrouver le droit de partir à la retraite à taux plein à cet âge (173), sera financé par le relèvement de 0,2 point du taux des cotisations patronales et salariales d’assurance vieillesse au 1er novembre prochain.

La part du forfait social affectée à la CNAMTS n’est pas modifiée : elle demeure égale à la part correspondant à un taux de 5 %.

Les 12 points nouveaux sont affectés à parité au FSV et à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), nouvel affectataire. La part affectée au FSV passe ainsi de celle correspondant au taux de 3 % dont il bénéficiait jusqu’alors à celle correspondant à un taux de 9 % ; sur cette part, celle affectée à la section du FSV destinée à financer les dépenses résultant du maintien à soixante-cinq ans de l’âge d’annulation de la décote pour les aidants familiaux et les assurés handicapés demeure fixée à 0,5 %.

III.– LE MAINTIEN À 8 % DU TAUX APPLICABLE À LA PRÉVOYANCE

Le taux du forfait social reste toutefois fixé à 8 % pour la part d’assiette correspondant aux contributions des employeurs au financement de prestations complémentaires de prévoyance (174) (étant rappelé que ne sont imposés à ce titre que les employeurs occupant plus de neuf salariés).

Il s’agit d’une résilience de la taxe sur les contributions au bénéfice des salariés pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance qui avait été instituée par l’ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale dans le cadre du « Plan Juppé ».

Le taux de cette taxe, qui était initialement de 6 %, avait été porté à 8 % par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et n’avait pas été modifié depuis. Lorsque le taux du forfait social a atteint ce même taux, l’année dernière, il était logique d’intégrer l’ancienne taxe au sein du forfait social, qui l’avait en quelque sorte rattrapée. Pour autant, il n’a pas paru souhaitable aujourd’hui au Gouvernement de faire subir à ces éléments de rémunération une hausse substantielle de taxation, en raison de leur nature particulière : il s’agit en effet d’une aide destinée à faciliter l’accès des salariés à une couverture complémentaires maladie dans le cadre de contrats collectifs d’entreprise. 65 % des entreprises de plus de neuf salariés participent au financement de la prévoyance.

La Cour des comptes a certes demandé, dans son rapport de septembre 2011 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, un « réexamen d’ensemble » des aides publiques au financement de la protection sociale complémentaire au regard d’un ciblage qu’elle estime « très imparfait au regard même de l’équité sociale », mais il s’agit d’un chantier social beaucoup plus vaste, incluant la question des exonérations de cotisations, de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) et de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC), qui doit être ouvert par une large concertation avec tous les acteurs concernés et qui ne peut pas être traité dans le cadre de ce collectif budgétaire.

*

* *

La Commission est saisie d’une série d’amendements identiques, visant à supprimer l’article, CF 172 à 175, CF 177 à 195, CF 252 et CF 280.

M. Patrick Ollier. Nous proposons de supprimer cet article, qui nous paraît dangereux. Une hausse brutale, de 8 % à 20 %, du forfait social risque de remettre en cause l’association capital-travail, qui nous est chère. Nous souhaitons au contraire développer la participation et l’intéressement des salariés. Un forfait plafonné à 8 % nous semblait donc raisonnable car il ne s’agit pas de substitut au salaire mais de complément temporaire de rétribution. La participation représente plus de 85 milliards d’euros d’encours d’épargne salariale, en hausse de 16,3 milliards en 2011, soit une augmentation de 20 % en un an. Le nombre des entreprises cotisantes s’est accru de 7 %. Le nombre de comptes porteurs d’épargne salariale s’élève à 12,2 millions. Je comprendrais mal que la majorité socialiste s’attaque à un système visant à réconcilier les salariés et l’entreprise.

Le prélèvement supplémentaire correspondant devrait s’élever à 550 millions d’euros en 2012 mais à 2,3 milliards d’euros en 2013, ce qui portera, après la suppression de la détaxation des heures supplémentaires, une nouvelle atteinte au pouvoir d’achat de 12 millions de personnes.

Mme Karine Berger. Mon expérience professionnelle personnelle m’a démontré qu’aujourd’hui, dans le mode de fixation de la rémunération des cadres supérieurs des entreprises privées, la participation et l’intéressement font partie du paquet salarial global, représentant deux ou trois mois de celui-ci, notamment sous la forme de distribution d’actions. Dès lors que cette pratique s’est généralisée à toutes les grandes entreprises, il paraît justifié d’appliquer les prélèvements sociaux à l’ensemble de la rémunération ainsi calculée.

M. Pascal Cherki. À gauche, nous préférons les hausses de salaires aux formules d’intéressement, de même que la réduction du temps de travail aux heures supplémentaires.

L’objectif de la réforme consiste à limiter les avantages sociaux dont bénéficie l’épargne salariale afin d’éviter la substitution de cette forme de rémunération variable, non soumise à cotisations sociales, aux hausses de salaire direct qui contribuent au financement de la protection sociale.

Cette mesure permettra aussi d’établir une plus grande équité entre les salariés car les avantages de la participation demeurent très concentrés : 73 % des sommes distribuées le sont par des entreprises de plus de 250 salariés, tandis que l’épargne salariale ne représente que 5 % de leur masse salariale. A contrario, les entreprises de moins de 20 salariés ne distribuent que 4,5 % des sommes concernées, pour moins de 1 % de la masse salariale.

M. Charles de Courson. Nous avons eu ce débat bien avant l’arrivée de nos nouveaux collègues. Nous faisions alors progresser le forfait social par tranches de deux points, pour passer de 2 % à 8 % en quatre ans car la question essentielle est celle du rythme de son augmentation. Nous sommes donc, parmi les solutions envisagées par l’étude d’impact, favorables à une hausse graduelle. Je proposerai ainsi, par mon amendement CF 241, de passer à 12 % puis à 14 % et ainsi de suite jusqu’à 20 % en 2017. Une hausse brutale risque en effet de déstabiliser le système.

M. Patrick Ollier. Je serais assez favorable à cette dernière formule. Je comprends que nos collègues socialistes soient hostiles à l’association capital-travail, mais ils peuvent admettre que nous défendions un autre point de vue. La vision socialiste de l’entreprise consiste à tout mettre dans le salaire et rien dans ce qui peut favoriser le partage de la valeur ajoutée. Or nous voulons préserver un des éléments essentiels de la participation à travers une progression raisonnable, par exemple de deux points cette année, du forfait social.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

Les amendements sont rejetés.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette également l’amendement CF 241 de M. Charles de Courson.

Elle en vient à l’amendement CF 243 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement vise à encourager la constitution d’une épargne longue et à maintenir un revenu supplémentaire de retraite pour les ménages et les salariés.

M. Le président Gilles Carrez. Il consiste donc à extraire de l’assiette l’épargne salariale longue.

M. Charles de Courson. Celle-ci n’est pas suffisamment encouragée par rapport à l’épargne courte.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur général, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 11 du président Gilles Carrez.

M. le président Gilles Carrez. Cet amendement constitue une variante moins coûteuse du précédent. Il consiste à sortir de l’assiette d’augmentation du forfait social les formes d’épargne longue. Mais, ne couvrant pas l’épargne retraite ni les régimes supplémentaires de retraite, son coût est sensiblement inférieur à celui de l’amendement de M. Charles de Courson.

M. le rapporteur général. C’est-à-dire 200 millions au lieu de 400 millions. C’est trop ! Avis défavorable.

L’amendement est rejeté.

La Commission est saisie de l’amendement CF 318 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Afin de consolider le dispositif, cet amendement précise que l’augmentation du taux de forfait social est bien destinée au financement des régimes de retraite de base.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 168 Rect.).

La Commission en vient à l’amendement CF 319 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Je propose d’avancer au 1er août l’entrée en vigueur de l’augmentation du forfait social.

M. le président Gilles Carrez. C’est un amendement pour 138 millions d’euros. Il n’y a pas de petit profit…

M. Charles de Courson. Mais est-ce réaliste de prévoir une mise en œuvre aussi rapide ?

M. le rapporteur général. Une fois que les sommes sont dues, le recouvrement peut se faire par régularisation d’ici la fin de l’année.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 169), ainsi que l’article 27 ainsi modifié.

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Article additionnel après l’article 27

Modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la CVAE

La Commission examine l’amendement CF 311 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Du fait d’un certain nombre de contestations, cet amendement propose de préciser les modalités de recouvrement de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) destinée aux chambres de commerce et d’industrie.

M. Charles de Courson. J’approuve cet amendement.

La Commission adopte l’amendement (amendement n° 171).

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II.– AUTRES MESURES

Article 28

Diminution du traitement du Président de la République et
du Premier ministre

Texte du projet de loi :

I.– Au troisième alinéa du I de l’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1050 du 6 août 2002), le taux : « 50 % » est remplacé par le taux : « 5 % ».

II.– Le III du même article est abrogé.

III.– Les dispositions du présent article sont applicables à compter du 15 mai 2012.

Observations et décision de la Commission :

Traduisant une promesse de campagne, principale mesure d’exemplarité, le présent article a pour objet de réduire la rémunération du Président de la République et du Premier ministre de 30 % à compter du 15 mai 2012.

Il s’inscrit dans le prolongement de la réduction équivalente de la rémunération des membres du Gouvernement résultant du décret n° 2012-766 du 17 mai 2012 relatif au traitement des membres du Gouvernement.

I.– LES MODALITÉS DE FIXATION DE LA RÉMUNÉRATION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE AVANT LA RÉFORME

À la suite de l’élection de M. Nicolas Sarkozy comme Président de la République, le Gouvernement de l’époque a présenté un amendement, au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, afin d’aligner à la hausse la rémunération du Président de la République sur celle du Premier ministre (175).

Les modalités de calcul de la rémunération du Président de la République et des membres du Gouvernement sont depuis lors prévues par l’article 14 de la loi n° 2002-1050 du 6 août 2002 de finances rectificative pour 2002 ainsi modifiée (176).

Le montant de la rémunération des ministres, d’une part, et du chef de l’État et du chef du Gouvernement, d’autre part, demeure différent, l’écart relatif entre ces montants ayant été réduit de manière homothétique.

A.– UNE RÈGLE GÉNÉRALE FIXÉE PAR LA LOI

Selon l’article 14 de la loi du 6 août 2002 modifiée en 2008, la rémunération des membres de l’exécutif comprend quatre éléments :

– un traitement brut mensuel calculé par référence au traitement des fonctionnaires occupant les emplois de l'État classés dans la catégorie dite « hors échelle ». Il est au plus égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de cette catégorie.

La grille des classifications et des rémunérations des corps de fonctionnaires a été créée par le décret n °48-1108 du 10 juillet 1948, modifié par le décret du 16 février 1957. L'arrêté du 29 août 1957 prévoit que les fonctionnaires dont l'indice net est supérieur à 650 (indice brut 1 000) sont classés « hors échelle » ainsi que les emplois supérieurs de l'État. Le traitement le plus bas de cette catégorie s’élève en 2012 à 48 951 euros et le plus élevé à 83 400 euros.

– une indemnité de résidence égale à 3 % du montant du traitement brut ;

– une indemnité de fonction égale à 25 % de la somme du traitement brut et de l’indemnité de résidence ;

– le cas échéant, des indemnités à caractère familial.

Le traitement brut mensuel et l’indemnité de résidence sont soumis aux cotisations sociales obligatoires et imposables à l’impôt sur le revenu suivant les règles applicables aux traitements et salaires.

B.– DES MODALITÉS DE CALCUL DIFFÉRENTES ENTRE LES MINISTRES ET LES DEUX PLUS HAUTES PERSONNALITÉS DE L’ÉTAT

1.– Les modalités de calcul de la rémunération du Président de la République et du Premier ministre sont fixées par la loi

L’article 14 de la loi précitée dispose que le traitement brut mensuel, l'indemnité de résidence et l'indemnité de fonction du Président de la République et du Premier ministre, sont égaux aux montants les plus élevés définis par la règle générale majorés de 50 %.

Par conséquent, la rémunération du précédent Président de la République et du précédent Premier ministre s’élevait, avant la réforme, à 21 300 euros et se décomposait comme suit :

RÉMUNÉRATION BRUTE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
ET DU PREMIER MINISTRE AVANT LA RÉFORME

(en euros)

Éléments de la rémunération

Montant

Traitement brut (TB) majoré de 50 %

198 582,38

Indemnité de résidence de 3 % du TB

5 955,85

Indemnité de fonction de 25 % du TB

51 121,06

Total annuel

255 605,28

Total mensuel

21 300,44

Source : Calculs du Rapporteur général à partir des données de l’évaluation préalable du présent article.

2.– Les modalités de calcul de la rémunération des ministres sont précisées par décret

S’agissant de la rémunération des ministres, le décret n° 2002-1058 du 6 août 2002 relatif au traitement des membres du Gouvernement précisait que :

– le traitement brut des ministres et des ministres délégués est égal au double de la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé de la catégorie « hors échelle » ;

– celui des secrétaires d’État est égal à 1,9 fois cette moyenne.

La rémunération brute mensuelle d’un ministre atteignait environ 14 200 euros et celle d’un secrétaire d’État 13 450 euros en 2012.

RÉMUNÉRATION BRUTE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
ET DU PREMIER MINISTRE AVANT LA RÉFORME

(en euros)

Éléments de la rémunération

Montant ministre

Montant secrétaire d’État

Traitement brut (TB)

Coefficient = 2

Coefficient =1,9

132 020,55

125 419,52

Indemnité de résidence de 3 % du TB

3 960,61

3 762,58

Indemnité de fonction de 25 % du TB

33 995,29

32 295,52

Total annuel

169 976,45

161 477,62

Total mensuel

14 164,70

13 456

Source : calculs du Rapporteur général et rapport annexé au décret n° 2012-766 du 17 mai 2012.

II.– UNE RÉMUNÉRATION EN BAISSE DE 30 % : UNE RÉFORME SYMBOLIQUE, UN SIGNE D’EXEMPLARITÉ

Conformément aux engagements pris par le Président de la République pendant la campagne présidentielle, le Gouvernement a décidé que la rémunération du Président de la République, du Premier ministre et des membres du Gouvernement serait réduite de 30 % à compter du 15 mai 2012. Symbolique, pour démontrer l’engagement de l’ensemble de l’exécutif en faveur d’une République exemplaire destinée à rétablir l’équilibre des finances publiques dans la justice, cette réforme comprend deux volets, l’un réglementaire, l’autre législatif, et se traduit budgétairement par une annulation de crédits dans le présent projet de loi de finances rectificative.

A.– LA BAISSE DE LA RÉMUNÉRATION DES MINISTRES INTERVENUE PAR DÉCRET

Pour les membres du Gouvernement, le décret n° 2012-766 du 17 mai 2012 modifiant le décret du 6 août 2002 précité, a été adopté dans les premières semaines de prise de fonction du nouveau Gouvernement.

Il prévoit qu’à compter du 15 mai 2012, le traitement brut mensuel des ministres et des ministres délégués est égal à 1,4 fois la moyenne du traitement le plus bas et du traitement le plus élevé des fonctionnaires de l’État classés dans la catégorie dite « hors échelle » (et non plus le double de cette moyenne, ce qui correspond à une diminution de 30 % du facteur 2), tandis que celui des secrétaires d’État est égal à 1,33 fois cette moyenne (et non plus 1,9 fois, ce qui correspond également à une réduction de 30 % du facteur 1,9).

La rémunération mensuelle brute des ministres et ministres délégués est ainsi passée de 14 200 euros à 9 940 euros et celle des secrétaires d’État de 13 490 euros à 9 443 euros. En année pleine, la masse salariale brute mensuelle du nouveau gouvernement, qui comprend 38 ministres et ministres délégués est ainsi passée de 539 600 euros à 377 720 euros.

B.– LA BAISSE DE LA RÉMUNÉRATION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Les éléments de calcul de la rémunération du Président de la République et du Premier ministre ne peuvent être modifiés que par la loi.

Le I du présent article propose donc de diminuer le niveau de la majoration du montant de référence déterminant leur traitement brut, de 50 % à 5 %, ce qui a mathématiquement pour effet de réduire l’ensemble de leur rémunération de 30 % (177) comme le montre le tableau suivant :

RÉMUNÉRATION BRUTE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET DU PREMIER MINISTRE APRÈS LA RÉFORME

(en euros)

Éléments de la rémunération

Montant

Écart par rapport au droit constant

Traitement brut (TB) majoré de 5 %

138 969,86

– 59 558,52

Indemnité de résidence de 3 % du TB

4 169,00

– 1 786,75

Indemnité de fonction de 25 % du TB

35 784,74

– 15 336,32

Total annuel

178 923,70

– 76 681,58

Total mensuel

14 910,31

– 6 390,13

Source : Évaluation préalable et calculs du Rapporteur général.

L’économie réalisée sur la rémunération du Président de la République et du Premier ministre représente 96 000 euros en 2012 et 154 000 euros en année pleine.

C.– L’ANNULATION DES CRÉDITS PRÉVUE PAR L’ARTICLE 20 DU PLFR

Le Gouvernement propose de tirer les conséquences budgétaires de la baisse de 30 % de la rémunération du Président de la République et du Premier ministre à l’article 20 et à l’état B du présent projet de loi de finances rectificative.

L’état B présente ainsi une annulation de 48 000 euros de crédits en autorisations d’engagement et crédits de paiement sur le programme Présidence de la République de la mission Pouvoirs publics et sur le titre 2 du programme Coordination du travail gouvernemental de la mission Direction de l’action du Gouvernement s’agissant du Premier ministre.

Les crédits de personnel auraient pu faire l’objet d’une annulation plus importante pour tirer les conséquences de la réduction de 30 % de la rémunération brute des 38 ministres de l’actuel Gouvernement. Cette réduction représente en effet une économie annuelle de près de 1,3 million d’euros en année pleine et de près de 0,7 million d’euros en 2012 par rapport à la masse salariale du précédent Gouvernement estimée au 1er janvier 2012 (178).

Le II du présent article abroge le III de l’article 14 de la loi du 6 août 2002 précitée fixant la date d’entrée en vigueur du mode de calcul antérieur tandis que le III précise que, comme pour les membres du Gouvernement, la rémunération du Président de la République et du Premier ministre est abaissée de 30 % à compter du 15 mai 2012.

*

* *

M. Hervé Mariton. Est-ce bien une mesure de nature législative ?

M. le rapporteur général. Contrairement à celles des ministres, les rémunérations du Président de la République et du Premier ministre relèvent de la loi.

M. Philippe Vigier. Peut-on connaître le montant des économies résultant de ces mesures, sachant que le périmètre du gouvernement a changé et notamment que plusieurs secrétaires d’État ont été remplacés par des ministres ?

M. le président Gilles Carrez. Pourrait-on disposer aussi de comparaison avec les gouvernements des pays voisins et des pays scandinaves ?

M. Charles de Courson. La mesure est-elle rétroactive au jour de l’élection ou de la nomination ?

M. le rapporteur général. Pour le Président de la République et pour le Premier ministre, l’économie s’élève à 154 000 euros en année pleine. La mesure s’applique depuis le 15 mai dernier. Les autres éléments de comparaison figureront dans mon rapport.

La Commission adopte l’article 28 sans modification.

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Article 29

Assouplissement de l’accès aux soins des bénéficiaires de l’aide médicale d’État (AME)

Texte du projet de loi :

I.– Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

A.– Au premier alinéa de l’article L. 251-1, les mots : « sous réserve, s'il est majeur, de s'être acquitté, à son propre titre et au titre des personnes majeures à sa charge telles que définies ci-dessus, du droit annuel mentionné à l'article 968 E du code général des impôts » sont supprimés.

B.– Le dernier alinéa de l’article L. 251-2 est abrogé.

C.– L’article L. 253-3-1 est abrogé.

II.– L’article 968 E du code général des impôts est abrogé.

III.– A.– Les A et B du I ainsi que le II s’appliquent à compter du 4 juillet 2012.

B.– Le C du I s’applique à compter du 31 décembre 2012. Le solde du fonds mentionné à l’article L. 253-3-1 du code de l’action sociale et des familles constaté à cette date est reversé à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés au titre du financement de l’aide médicale de l’État mentionnée au premier alinéa de l’article L. 251-1 du même code.

Observations et décision de la Commission :

L’aide médicale de l’État (AME) a été mise en place en 2000 par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, et codifiée par les articles L. 251-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles.

L’AME recouvre plusieurs situations (179) mais la majorité des dépenses au titre de ce dispositif est à mettre au compte de l’AME de droit commun, qui assure la couverture de soins des personnes étrangères en situation irrégulière résidant en France depuis plus de trois mois de façon ininterrompue et remplissant des conditions de ressources identiques à celles fixées pour l’attribution de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc). Au 31 décembre 2011, 220 000 personnes en bénéficiaient.

Le présent article a pour objet de supprimer les barrières à l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME de droit commun introduites en 2011 sous la précédente législature, en particulier, le droit de timbre de 30 euros et la procédure d’agrément préalable de prise en charge pour les soins dont le coût dépasse un certain seuil fixé par décret.

Cette réforme traduit l’un des engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne électorale en rappelant les valeurs de la France à travers la possibilité pour toute personne malade, quel que soit son statut, d’être soignée en temps utile. Il s’agit d’un impératif de santé publique qui répond également à un impératif budgétaire car, en retardant l’accès aux soins, ces barrières ont parfois entraîné un déport vers des soins hospitaliers encore plus coûteux.

I.– LES RÉFORMES DU DISPOSITIF DE L’AME EN 2011 ONT PARFOIS PRIS LE CONTREPIED DES PROPOSITIONS DE LA MISSION IGF-IGAS

Compte tenu de la dynamique des dépenses de l’AME entre 2007 et 2009 (passées de 470 à 540 millions d’euros), une mission commune a été confiée à l’Inspection générale des finances (IGF) et à l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2010 pour en établir les causes et faire des recommandations afin de limiter la progression de cette dépense retracée sur le programme 183 Protection Maladie de la mission Santé. Cette mission a remis ses conclusions et recommandations au Gouvernement en novembre 2010, mais elles n’ont été rendues publiques qu’à la fin décembre 2010.

Trois lois sont venues modifier le dispositif de l’AME de droit commun en 2011 (180). Toutefois, comme le notait déjà le Rapporteur spécial sur la mission Santé à la fin de l’année dernière, « la réforme initiée en loi de finances pour 2011 fait exactement le contraire de ce qu’avait préconisé la mission IGF-IGAS, en mettant notamment en place un droit de timbre annuel, conditionnant l’entrée dans le dispositif. Si les mesures prises en loi de finances rectificative pour 2011 opèrent une réforme de la tarification hospitalière au titre de l’AME, conformément aux recommandations de la mission IGF-IGAS, on remarquera que toutes ses autres préconisations, destinées à améliorer ou à élargir la prise en charge des patients au titre de l’AME, sont restées lettre morte » (181).

Au sein du Comité d’évaluation et de contrôle (CEC) des politiques publiques de l’Assemblée nationale, MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue ont pour l’essentiel confirmé cette analyse dans un rapport sur l’évaluation de l’AME et, plus particulièrement sur les réformes introduites ou proposées en 2011 (182).

A.– LES PRINCIPALES CONCLUSIONS DE LA MISSION IGF-IGAS EN 2010

La mission a tout d’abord dégagé quelques grandes observations qui viennent contredire un certain nombre de jugements infondés sur l’AME et sur ses bénéficiaires :

– les bénéficiaires de l’AME sont majoritairement des hommes seuls dans un état de santé dégradé, ne recourant aux soins qu’en cas de besoin. À plus de 80 %, ils n’ouvrent de droits que pour eux-mêmes ; les familles de plus de six personnes et plus constituent moins de 0,5 % du total des ouvrants droits ;

– un bénéficiaire de l’AME a consommé, en 2008, 1 741 euros de soins, là où le bénéficiaire de la CMUc a consommé 2 606 euros et le bénéficiaire du régime général 1 580 euros ;

– si 97 % des bénéficiaires de l’AME recourent aux soins de ville, la dépense est particulièrement concentrée sur l’hôpital avec, de plus, quelques gros consommateurs.

Le diagnostic posé par la mission IGF-IGAS s’agissant du dérapage des dépenses constaté en 2009 conclut aux éléments suivants :

– le dérapage ne s’explique pas par une croissance massive du nombre des bénéficiaires de l’AME pourtant passés de 194 615 en 2007 à 215 763 en 2009 ;

– il n’est pas possible d’établir statistiquement un lien entre l’évolution des dépenses et l’évolution des abus et des fraudes ;

– l’augmentation des dépenses pourrait être liée à un effort d’amélioration du contrôle des droits par les hôpitaux, qui donnerait lieu à une meilleure facturation des sommes dues au titre des soins prodigués aux bénéficiaires de l’AME ;

– enfin, le recours à l’AME plutôt qu’à la procédure « étranger malade » pour des étrangers en situation régulière (demandeurs d’asile par exemple), qui ouvre droit à une couverture médicale de droit commun, pourrait conduire à un transfert de charges du régime général et de la CMUc vers l’AME.

Les travaux de la mission IGF-IGAS l’ont par ailleurs conduite à ne pas recommander la mise en œuvre d’un droit d’entrée pour l’AME, option dont il lui avait été demandé d’évaluer l’opportunité.

En particulier, elle craignait que la mise en place d’un droit de timbre puisse générer un retard dans la prise en charge médicale, que celle-ci s’avère alors plus coûteuse et qu’elle accroisse le risque sanitaire sur les populations concernées. En outre, elle estimait que le souci de responsabilisation des bénéficiaires de l’aide, qui animait cette idée, n’aurait que peu d’effets sur une population peu insérée socialement.

En revanche, pour limiter la dynamique des dépenses au titre de l’AME, elle proposait :

– une réforme de la facturation des séjours hospitaliers au titre de l’AME, par un passage à une facturation de droit commun selon les modalités de la tarification à l’activité (T2A), pour une économie qui pourrait atteindre 130 millions d’euros par an ;

– une meilleure organisation de l’aval des séjours hospitaliers pour les bénéficiaires de l’aide ;

– la correction de l’effet de seuil de ressources pour l’ouverture des droits à l’AME, la mission se demandant si la poursuite du bénéfice de l’aide au-delà du plafond de ressources actuel ne devrait pas être envisagée, moyennant le paiement d’une contribution ;

– et enfin, la fusion des dispositifs de la CMU et de l’AME, ou, à tout le moins, d’une harmonisation rapide des pratiques administratives au titre de ces deux modalités de couverture maladie.

B.– DES RÉFORMES RÉCENTES À REBOURS DES PROPOSITIONS DE LA MISSION IGF-IGAS

1.– Les limitations de l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME

La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a entendu significativement limiter l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME à travers :

● la création d’un droit de timbre pour un produit annuel total estimé à 5 millions d’euros : l’attribution de l’AME a été subordonnée à l’acquittement, par chaque bénéficiaire majeur, d’un droit annuel fixé à 30 euros par l’article 968 E du code général des impôts depuis le 1er mars 2011 (article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles). Le timbre est à acheter, notamment dans les bureaux de tabac, après que la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) a accepté le dossier du demandeur. La loi a également créé, par un amendement du Gouvernement, un « Fonds national de l’aide médicale d’État » destiné à flécher le produit du timbre fiscal vers le financement des dépenses de l’AME ;

● l’exclusion de certains soins du « panier de soins » remboursable aux bénéficiaires de l’AME, lorsqu’ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d’une maladie (article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles) : le décret n° 2011-1314 du 17 octobre 2011 prévoit ainsi d’exclure de la prise en charge de l’AME les cures thermales et l’assistance médicale à la procréation (AMP) ;

● une procédure d’agrément préalable par le directeur de la caisse d’assurance maladie pour certains soins, assorti d’une condition de résidence de plus de trois mois (article L. 251-2 et L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles) :

– le décret d’application précité fixe ainsi à 15 000 euros le seuil au-delà duquel les soins hospitaliers concernés doivent être soumis à la procédure d’agrément. Conformément à la décision du Conseil constitutionnel (183), les soins programmés devant être réalisés dans un délai inférieur au délai de réponse de la caisse sont toutefois considérés comme inopinés, et ne sont donc pas soumis à la procédure d’agrément. En outre, le silence de la caisse gardé au-delà de quinze jours vaut accord ;

– l’agrément est accordé pour une période d'un an. Toutefois le service des prestations est conditionné au respect de la stabilité de la résidence en France, dans des conditions fixées par décret. Or le décret d’application précité prévoit que la condition de résidence est réputée remplie si les conditions fixées à l’article R. 115-6 du code de la sécurité sociale sont satisfaites, autrement dit si les intéressés ont en France leur foyer permanent (lieu de résidence habituel) ou leur lieu de séjour principal (présence effective de plus de six mois ou 180 jours sur l’année civile ou les douze mois qui précèdent).

Enfin, la même loi a prévu d’ouvrir aux caisses primaires d’assurance maladie la faculté de procéder à la récupération des sommes indûment versées au titre de l’AME, dans les mêmes conditions qu’à l’égard des assurés, étant précisé qu’en cas de précarité de la situation du demandeur, la dette peut être remise ou réduite (article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles).

2.– La centralisation des demandes d’AME au sein de l’organisme d’assurance maladie du demandeur

La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a modifié l’article L. 252-1 du code de l’action sociale et des familles en faisant de l’organisme d’assurance maladie du demandeur le lieu unique de dépôt des demandes d’AME, alors que jusqu’à présent les caisses centrales d’activités sociales (CCAS), les services sanitaires et sociaux du département de résidence ou les associations à but non lucratif agréées constituaient également des lieux de dépôt potentiels.

3.– La réforme de la tarification des séjours à l’hôpital public

La première loi de finances rectificative pour 2011 du 29 juillet 2011 a modifié le mode de tarification des séjours à l’hôpital public des bénéficiaires de l’AME conformément à la recommandation de la mission IGF-IGAS et aux conclusions du rapport précité du CEC.

Alors que ces séjours étaient facturés en fonction du prix de journée propre à chaque hôpital – le TJP (tarif journalier de prestation) – qui sont, comme l’a relevé la mission IGF-IGAS, dans la plupart des cas bien plus élevés que les tarifs issus de la T2A (tarification à l’activité), ils font l’objet, depuis le 1er décembre 2011, d’une facturation progressivement rapprochée du droit commun, soit 80 % sur la base du tarif T2A et 20 % sur la base du tarif TJP, et calculés selon des modalités variables.

Conformément aux recommandations de la mission d’inspection, deux types de coefficients correcteurs ont toutefois été appliqués, afin de compenser les pertes de recettes brutales liées au basculement sur un nouveau mode de tarification pour les hôpitaux qui accueillent un nombre important de bénéficiaires de l’AME (en particulier l’Assistance publique des hôpitaux de Paris) et de tenir compte des surcoûts inhérents à ces patients :

– un coefficient de majoration pérenne permet de tenir compte des spécificités des séjours des patients en AME, pour lesquels on constate en effet une durée moyenne de séjour plus importante et la nécessité d’un accompagnement social renforcé ;

– un coefficient additionnel transitoire de majoration de la tarification permet, sur deux ans, de lisser dans le temps le choc financier de la réforme pour les établissements de santé.

Les économies générées par cette réforme, qui s’élèveraient à 160 millions d’euros à terme, étaient en tout état de cause limitées à 129 millions d’euros en 2012 par rapport au tendanciel, en raison de la prise en compte de déports de facturation de 2011 sur 2012. Ces économies ont encore été réduites de 76 millions d’euros en 2012 au titre du mécanisme de compensation déjà évoqué : les économies prévues pour 2012 sont donc ramenées à 53 millions d’euros.

C.– L’ÉVALUATION DES RÉFORMES INTRODUITES EN 2011 PAR LE COMITÉ D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE

MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue, rapporteurs au nom du Comité d’évaluation et de contrôle, ont notamment procédé à l’évaluation des dispositions votées en 2011 (184).

Ils ont tout d’abord soulevé « le regrettable manque d’information du Parlement » dès lors que la ministre de la Santé et des sports, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, destinataire du rapport de la mission IGF-IGAS, ne l’a rendu public que dans les derniers jours de l’année 2010, une fois la discussion parlementaire relative à la loi de finances achevée et après la publication de cette même loi.

S’agissant de la création du droit de timbre, M. Sirugue a considéré, au titre de ses conclusions personnelles, non partagées par son co-rapporteur, qu’il convenait impérativement de le supprimer tant il prenait le contre-pied des conclusions de la mission IGF-IGAS.

S’agissant de la centralisation du dépôt des demandes dans les CPAM, les rapporteurs ont considéré que « cette mesure n’exclut pas que les associations puissent continuer à aider les demandeurs à constituer leur dossier. Cette modification législative vise à contribuer à lutter contre la fraude ». Ils ont néanmoins constaté que « Les CPAM indiquent connaître des difficultés tenant à l’accueil des personnes venues déposer leurs dossiers. Compte tenu de leur statut, ces personnes éprouvent en effet de l’appréhension à visiter une administration ou une structure s’y apparentant. Les caisses et les associations soulignent également l’acuité des problèmes linguistiques. Il existe un fort besoin d’interprétariat, le directeur général de la CNAMTS indiquant ainsi que la CPAM de Bobigny doit s’employer à assurer l’accueil en vingt langues différentes. Certaines caisses relèvent en outre des problèmes de sécurité ».

S’agissant de l’instruction des demandes d’AME et de la procédure d’agrément pour les soins hospitaliers programmés coûteux, les rapporteurs ont constaté des difficultés importantes de la part des CPAM pour vérifier l’identité et le caractère irrégulier ou non du séjour, la condition de résidence de plus trois mois, et la condition de ressources. Ils ont en outre observé des divergences d’appréciation entre les CPAM sur ces critères.

Enfin, les rapporteurs ont considéré que « ne pas assurer un accès aux soins primaires à des personnes, particulièrement celles en situation de précarité cumulant les handicaps sanitaires et sociaux, peut conduire in fine la société à devoir assumer des dépenses plus importantes, notamment des dépenses hospitalières ». À titre illustratif, le rapport mentionne, en annexe 3, un encadré fourni par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) faisant le point sur les coûts comparés de traitement médicamenteux d’une tuberculose « standard » et d’une tuberculose multi résistante. Les données montrent que, sous réserve des adaptations relatives aux pathologies et aux patients, les coûts de traitement médicamenteux d’une tuberculose multi résistante sont dix fois plus élevés que le traitement d’une tuberculose standard (dite « multi sensible »).

L’évaluation présentée par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances rectificative confirme le renchérissement de la dépense d’AME en cas de report de soins : « Le dispositif du droit de timbre a accru la complexité de la procédure, obstacle majeur à l’accès au droit pour une population précaire et peu familière des procédures administratives. Le renchérissement de l’accès à l’AME a pu également conduire à retarder temporairement certains soins au prix d’une aggravation de la pathologie et du coût de leur prise en charge. Les premiers chiffres illustrent ce constat : alors que les effectifs baissent globalement, on ne constate pas en 2011 une baisse des dépenses. Et il ressort que leur progression (+ 4,9 %) est essentiellement tirée par les dépenses hospitalières (7,2 %), les dépenses de soins de ville étant en baisse ».

II.– SUPPRIMER LES BARRIÈRES À L’ACCÈS AUX SOINS : UN IMPÉRATIF DE SANTÉ PUBLIQUE ET D’EFFICACITÉ BUDGÉTAIRE

La réforme proposée au présent article tend à revenir sur certaines des modifications récentes du dispositif de l’AME génératrices d’un accroissement des difficultés d’accès aux soins des publics concernés.

Sont ainsi envisagées la suppression du droit de timbre et du fonds national de l’AME destiné à en recevoir le produit ainsi que de la procédure d’agrément pour les soins hospitaliers programmés coûteux.

Cette réforme réduit les obstacles à l’accès aux soins de personnes malades, quel que soit leur statut ou leurs origines. Dans le cas de maladies transmissibles, permettre à tous de se soigner, dans les meilleurs délais, est un impératif de santé publique. De plus, éviter le déport des malades vers les soins d’urgence, en lieu et place de soins prodigués à temps, répond à un impératif budgétaire car la dépense modérée résultant de cette réforme à court terme devrait être compensée à moyen terme par la réduction du coût des frais d’hôpitaux.

A.– LA SUPPRESSION DU DROIT DE TIMBRE ET DU FONDS NATIONAL DE L’AIDE MÉDICALE D’ÉTAT

1.– La suppression du droit de timbre à compter du 4 juillet 2012

Le A du I du présent article propose de supprimer la condition d’acquittement du droit de timbre pour le bénéfice de l’AME prévue par l’article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles.

Cette mesure devrait permettre d’accélérer le délai d’instruction des dossiers de demande d’AME et donc l’obtention des droits et l’accès aux soins des bénéficiaires. Pour ces derniers, les impacts en termes de renoncement aux soins ou de retard dans les démarches seront supprimés.

Le II du présent article en tire les conséquences en proposant d’abroger l’article 968 E du code général des impôts fixant le montant de ce droit à 30 euros. Il sera complété par un décret simple d’abrogation du décret n° 2011-273 du 15 mars 2011 introduisant à l’annexe 3 du CGI un article 313 BG quater relatif au droit de timbre.

Le A du III du présent article prévoit enfin que la suppression du droit de timbre est effective à la date de présentation du projet de loi de finances rectificative en Conseil des ministres, c'est-à-dire le 4 juillet 2012. Compte tenu de cette date de prise d’effet, un dispositif d’accompagnement administratif a été envisagé et est présenté par l’évaluation préalable du présent article.

Ainsi, le ministère des Affaires sociales s’est rapproché de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), pour lui demander, pour tout dossier en cours d’instruction n’ayant pas encore donné lieu à notification de l’acceptation, de limiter les envois de notifications pour venir retirer le titre et remettre le timbre avant le 4 juillet 2012. Elle lui a également précisé que pour toute personne ayant reçu sa notification d’acceptation et venant avec un timbre à partir du 4 juillet 2012, il sera prévu la restitution du timbre non oblitéré (à charge pour le bénéficiaire de se rapprocher du service des impôts de son lieu de résidence, muni du timbre complet – avec ses deux papillons –, pour solliciter un remboursement). En tout état de cause, après l’adoption du présent article, une instruction ministérielle sera transmise à la CNAMTS lui signifiant que les timbres ne doivent plus être exigés pour tous les dossiers en cours pour lesquels les titres n’ont pas encore été retirés à la date du 4 juillet 2012.

De plus, le ministère s’est rapproché des associations pour les prévenir afin qu’elles relaient l’information et limitent les venues des bénéficiaires pour retrait du titre et remise du timbre avant le 4 juillet 2012.

2.– La suppression du fonds national de l’aide médicale d’État au 31 décembre 2012

Le C du I du présent article propose d’abroger l’article L. 253-3-1 du code de l’action sociale et des familles prévoyant la création du fonds national de l’aide médicale d’État, dit « fonds AME ».

Le B du III du présent article précise que cette disposition s’applique à compter du 31 décembre 2012. En effet, le Fonds AME ayant été créé dans le seul objectif de flécher le produit du droit de timbre vers le financement de l’AME de droit commun, il doit disparaître avec la suppression du droit de timbre. L’État financera ensuite directement et entièrement la CNAMTS sur les crédits ouverts sur le programme 183 Protection maladie à cet effet. Une nouvelle convention financière entre l’État, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et la CNAMTS devra être signée afin d’organiser ces circuits financiers dans le respect du principe de neutralité posé par l’article L. 139-2 du code de la sécurité sociale.

Néanmoins, la suppression du fonds ne pourra être effective qu’à compter du 31 décembre 2012 afin de permettre à ce dernier de conclure les opérations financières déjà engagées : remboursements à la CNAMTS conformément à l’échéancier 2012 signé entre les parties et reversement du produit du droit de timbre acquitté par les bénéficiaires de l’AME jusqu’à sa suppression.

B.– LA SUPPRESSION DE LA PROCÉDURE D’AGRÉMENT DES SOINS HOSPITALIERS PROGRAMMÉS

Le B du I du présent article propose de supprimer la procédure d’agrément préalable prévue au dernier alinéa de l’article L. 251-2 du code de l’action sociale et des familles, relatif à l’accès des bénéficiaires de l’AME aux soins hospitaliers programmés de plus de 15 000 euros. Il supprime également la condition de la stabilité de la résidence en France qui y était associée.

Le A du III du présent article prévoit que cette mesure est effective à compter du 4 juillet 2012.

C.– LES CONSÉQUENCES BUDGÉTAIRES DE LA SUPPRESSION DES BARRIÈRES À L’ACCÈS AUX SOINS DES BÉNÉFICIAIRES DE L’AME

Du fait de la suppression de la recette du droit de timbre, affectée jusque-là au financement de l’AME de droit commun, le coût budgétaire de l’AME pour l’État sera légèrement accru.

La recette annuelle du droit de timbre correspond au produit du nombre de bénéficiaires majeurs par le montant de 30 euros. Le nombre de bénéficiaires majeurs s’élevait au 31 décembre 2011 à 172 160. Sous l’hypothèse d’une stabilité des effectifs sur la période 2012-2014, la compensation du produit du droit de timbre au titre du financement de l’AME s’élèverait donc à 5,2 millions d’euros en année pleine, et à 2,6 millions d’euros en 2012 puisque la mesure prendrait effet le 4 juillet 2012.

Il convient par ailleurs d’ajouter à cet impact la moindre économie liée à la suppression de l’obligation d’un agrément préalable pour la délivrance de soins hospitaliers coûteux aux bénéficiaires de l’AME, évaluée à 1 million d’euros en année pleine, et 0,5 million d’euros en 2012, selon l’estimation réalisée lors du vote de la mesure.

Au total, l’effet des mesures proposées conduirait à accroître en prévision les dépenses de l’État de 3,1 millions d’euros pour l’année 2012, et de 6,2 millions d’euros par an à compter de l’exercice 2013.

L’ouverture de crédits de 3,1 millions d’euros à l’article 20 et l’état B annexé au projet de loi de finances rectificative pour 2012 n’est toutefois pas proposée par le Gouvernement à ce stade, ce qui signifie que cette dépense sera soit financée en gestion, sur les crédits du programme Protection maladie (185), soit financée par un accroissement du besoin de financement de l’État d’un montant équivalent en 2012.

Pour 2013 et les années suivantes, il est raisonnable de penser que cette dépense pourra être compensée par une réduction au moins équivalente des dépenses de l’AME au titre des hospitalisations grâce à une prise en charge plus rapide et à un stade moins avancé des pathologies des patients d’urgence.

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* *

La Commission est saisie d’une série d’amendements identiques de suppression de l’article : CF 2, 196 à 199, 201 à 205, 207 à 219, 253 et 281.

M. Hervé Mariton. Il est regrettable que, pour des raisons d’affichage, on remette en cause les éléments de régulation de l’Aide médicale d’État (AME), ce qui pourrait conduire à une aggravation de son coût.

M. Philippe Vigier. La somme est moins en cause que le principe. On risque de provoquer un appel d’air incontrôlable. La suppression du droit de timbre de 30 euros s’insère dans l’hostilité traditionnelle de la gauche à l’égard des franchises médicales. Il contribue pourtant à une certaine responsabilisation et devrait être conservé au moment où nombre de nos compatriotes éprouvent eux-mêmes des difficultés à se faire soigner.

Mme Marie-Christine Dalloz. Au cours des dernières années, nous avons assisté à une dérive financière de l’AME, d’où l’institution, en 2011, d’un accord préalable aux soins hospitaliers lourds. La France n’est pas un pays de tourisme médical. Revenir sur le système actuel serait injuste puisqu’on maintient par ailleurs le forfait hospitalier pour les citoyens français.

Mme Sandrine Mazetier. Ce droit de timbre n’existait pas avant 2011. Avait-on constaté auparavant ce que vous appelez un appel d’air ? Vous savez bien que non mais vous persistez néanmoins à vous inspirer des doctrines du tea party et à véhiculer des représentations erronées, qui vous ont coûté électoralement très cher. Vous aviez ainsi créé une usine à gaz autour de l’AME, que nous nous apprêtons à supprimer. Celle-ci a notamment servi à dissimuler des pratiques de mauvaise gestion dans certains hôpitaux, consistant à faire endosser par l’AME des soins qui n’en relèvent pas. Le rapport du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) établi par deux co-rapporteurs dont M. Christophe Sirugue sur l’évaluation du système ainsi qu’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), tenu un certain temps sous le boisseau par le précédent gouvernement, l’ont établi.

Je rappelle que les bénéficiaires de l’AME se font aussi soigner pour des maladies transmissibles comme la tuberculose, qui réapparaît en ce moment.

Vous vous êtes donc attaqués aux populations les plus précaires, comptant des femmes enceintes, des enfants privés de soins, des sans-abri errant sur nos littoraux du nord, des victimes de la gale … Et cela pour cinq millions d’euros !

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, je vous invite, que vous apparteniez à la majorité ou à l’opposition, à vous abstenir de donner des leçons de morale.

M. Jean-François Lamour. Elles sont d’autant plus malvenues de la part d’une élue parisienne qu’hier encore le Conseil de Paris, où la gauche est majoritaire, vient de remettre en cause la gratuité des transports pour les Parisiens disposant de plus de 876 euros de revenus mensuels.

M. le rapporteur général. Mes chers collègues, restons-en au sujet. Voilà déjà six heures que nous siégeons.

M. Jean-François Lamour. Vous n’êtes pas le président de la Commission et n’avez pas à me couper la parole. Laissez-moi terminer.

M. le rapporteur général. Voilà six heures que nous sommes là !

M. Jean-François Lamour. Et alors ?

M. le président Gilles Carrez. Mes chers collègues, je peux témoigner que le rôle du rapporteur général est très difficile, car il exige une attention de chaque instant.

M. le rapporteur général. Monsieur le président, je demande une suspension de séance qui permettra à chacun de se calmer.

M. Jean-François Lamour. Je prends acte de ce que M. le rapporteur général ne m’a pas agressé et je suis désolé de m’être emporté, mais je tiens à conclure.

Monsieur le rapporteur général, vous avez fait allusion à votre jeunesse, à votre travail à Florange et à votre statut de frontalier : j’ai moi-même le droit de prendre un exemple parisien. La Ville de Paris ayant décidé de remettre en question la gratuité des transports pour les personnes âgées touchant 876 euros par mois, nous n’avons pas de leçons à recevoir quant au fait que nous ayons instauré un forfait pour l’accès à l’AME. Je rappelle à ce propos que l’enveloppe de l’AME, qui était de 75 millions d’euros en 1999, atteignait 590 millions d’euros en 2011, ce qui représente une augmentation exponentielle.

Je rappelle également que le très bon rapport de M. Dominique Tian faisait état de fraudes très importantes, portant notamment sur des soins et opérations de confort. Quels dispositifs allez-vous mettre en œuvre pour lutter contre ces fraudes ?

M. Hervé Mariton. Monsieur le rapporteur général, la majorité et le Gouvernement proposent de supprimer les éléments de régulation que nous avions introduits face à l’explosion du coût de l’Aide médicale d’État. Ils sont certes imparfaits, mais ils ont le mérite d’exister. Que proposez-vous pour les remplacer ?

M. le rapporteur général. Il faut toujours veiller à ce que les instruments mis en place n’aient pas plus d’effets pervers que la fraude contre laquelle ils luttent. Tous les rapports, notamment ceux de l’Inspection générale des affaires sociales, ont montré que le dispositif du droit de timbre et de l’agrément préalable n’étaient pas efficaces et très coûteux - comme dans le cas d’un centre situé à Bobigny, où les nombreux traducteurs et les importantes infrastructures de traitement des demandes d’agrément pour les soins d’un montant supérieur à 15 000 euros coûtaient cher.

Se pose, d’autre part, un problème de santé publique, car les dispositifs de contrôle conduisent parfois à différer des soins dont le traitement tardif se révèle finalement plus cher que s’il avait été administré d’emblée.

J’invite donc la Commission à adopter l’article 29 et à rejeter les amendements présentés.

La Commission rejette les amendements de suppression de l’article 29.

Elle adopte ensuite l’article 29 sans modification.

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Article 30

Suppression de la prise en charge des frais de scolarité
des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger

Texte du projet de loi :

L’article 133 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 et l'article 141 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 sont abrogés.

Observations et décision de la Commission :

Le présent article prévoit la suppression, à compter de la prochaine rentrée scolaire, du dispositif de prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, mis en place en 2007.

Cette suppression est d'abord motivée par des considérations budgétaires dans la mesure où ce dispositif représente, en année pleine, une dépense de 31,9 millions d'euros, mais elle permet aussi de mettre un terme aux critiques que l’on peut adresser à l’efficacité globale de ce dispositif.

Ces problèmes ont d’ailleurs fait l’objet d’une analyse approfondie dans le cadre la Mission d’évaluation et de contrôle sur l’enseignement français à l’étranger menée par notre commission des Finances durant la précédente législature en juin 2010 (186).

I.– LES DISPOSITIFS ACTUELS DE SOUTIEN À L’ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

Les élèves scolarisés dans l’un des établissements français à l’étranger peuvent bénéficier, pour alléger le coût de leur scolarisation, de deux dispositifs distincts :

– la prise en charge de leurs frais de scolarité lorsqu’ils sont au lycée ;

– un système de bourses attribuées sur critères de revenu, que l’élève soit scolarisé en primaire ou dans le secondaire. Ce système de bourse peut être cumulé avec le dispositif de prise en charge des frais de scolarité lorsque l’élève concerné est au lycée.

Ces deux dispositifs ne sont ouverts qu’aux élèves de nationalité française (ou bénéficiant d’une double nationalité) à condition qu’ils soient scolarisés dans l’un des établissements du réseau de l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE).

LE RÉSEAU DE L'AEFE

En 2011, le réseau de l’AEFE, présent dans 130 pays, comptait 485 établissements scolaires français, contre 461 établissements en 2010, 452 en 2009 et 448 en 2008.

Sur ces établissements, l’AEFE gérait directement 75 d’entre eux (dits « établissements en gestion directe ») et avait passé convention avec 163 autres (établissements dits « conventionnés »). Les premiers sont des services déconcentrés de l’Agence, les seconds sont des entités juridiquement distinctes de l’Agence avec lesquelles celle-ci entretient des liens contractuels. Les accords peuvent porter notamment sur les conditions d’affectation et de rémunération des agents titulaires, sur l’attribution de subventions et sur les relations avec l’Agence. Ces 238 établissements (conventionnés et en gestion directe) constituent le réseau proprement dit de l’AEFE.

En ajoutant les autres établissements partenaires, l'ensemble du réseau des établissements français à l'étranger scolarise au total 300 000 étudiants dont 110 000 Français.

A.– LES DISPOSITIFS DE SOUTIEN AUX ÉLÈVES SCOLARISÉS DANS UN ÉTABLISSEMENT FRANÇAIS À L’ÉTRANGER

1.– Les bourses accordées aux élèves français sur critères de ressources

a) Les critères d’attribution

Conformément à l’article L. 452-2 du code de l’éducation, l’AEFE a, entre autres missions, celles :

– d’aider les familles des élèves français ou étrangers à supporter les frais liés à l’enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur de ceux-ci, tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ;

– d’accorder des bourses aux enfants de nationalité française scolarisés dans les écoles et les établissements d’enseignement français à l’étranger.

Pour l’application de cette dernière disposition, les articles D. 531-45 à D. 531-51 du même code précisent que les bourses sont accordées directement par l’AEFE sur proposition de commissions locales instituées auprès des postes diplomatiques ou consulaires et attribuées après avis d’une commission nationale instituée auprès du directeur de l’Agence.

Les critères d’éligibilité aux bourses sont les suivants :

– les élèves doivent être de nationalité française et inscrits ou en cours d’inscription au registre des Français établis hors de France de la circonscription consulaire dans laquelle ils ont leur résidence ;

– ils doivent fréquenter un établissement du réseau de l’AEFE ; par dérogation, en cas d’absence ou d’éloignement excessif d’un tel établissement, des bourses peuvent également être accordées, sur proposition des commissions locales, aux élèves scolarisés dans d’autres établissements mais dispensant au moins la moitié de leur enseignement en français ou inscrits au Centre national d’enseignement à distance (CNED) ;

– ils doivent résider avec leur famille dans le pays ou l’établissement est fréquenté. Il est admis que l’enfant puisse y résider avec au moins l’un de ses parents. Toute dérogation à ce principe, uniquement en cas de décision de justice plaçant l’enfant auprès d’un autre membre de la famille ou d’un tuteur légal, doit faire l’objet d’un avis motivé de la commission locale ;

– les enfants doivent avoir au moins l’âge normal de scolarisation en petite maternelle, soit trois ans, et ne pas avoir plus d’un an de retard, en primaire, ou plus de deux ans de retard, en secondaire, par rapport à l’âge normal de scolarisation. Entre 6 et 16 ans, c'est-à-dire pendant l’âge de la scolarisation obligatoire, l’AEFE peut cependant accorder des dérogations pour les enfants dont la situation personnelle le justifie (enfants handicapés ou gravement malades par exemple). Précisions que l’attribution d’une bourse ne peut pas être subordonnée aux résultats scolaires.

Conformément à l’article D. 531-48 du code de l’éducation, les commissions locales examinent et présentent à la commission nationale les demandes de bourses scolaires dont peuvent bénéficier les élèves ; elles répartissent entre les bénéficiaires les crédits délégués par l’Agence, dans le respect des critères généraux définis par des instructions spécifiques.

S’agissant des critères de revenu à remplir, ceux-ci sont adaptés en fonction du niveau de vie du pays dans lequel est installé l’établissement ; ils doivent en outre prendre en compte au mieux l’évolution du cours de la devise de ce pays.

Ces critères sont fixés chaque année par deux instructions générales de l’AEFE applicables aux bourses délivrées pour l’année scolaire suivante, l’une applicable dans les pays du rythme nord (où le rythme est identique à celui de la France) et l’autre dans les pays du rythme sud (où l'année scolaire commence en janvier) ; d’après ces deux instructions, le barème d’attribution des bourses est fixé dans chaque poste diplomatique ou dans chaque poste consulaire pour certains grands pays, en fonction :

– des revenus bruts annuels de la famille. Les ressources des deux conjoints sont donc prises en considération en cas de mariage ou de concubinage mais également en cas de séparation ou de divorce dès lors qu’ils conservent l’autorité parentale sur l’enfant. Ces revenus comprennent les revenus des professions salariées, des professions libérables ou commerciales, les prestations sociales, pensions de retraites, revenus de capitaux mobiliers, revenus foncier, revenus salariaux tirés d’une activité libérale ou commerciale, etc.

– des points de charge annuels de la famille qui viennent diminuer ou majorer le revenu. En déduction, sont pris en compte les impôts et les charges sociales, le paiement d’un loyer ou d’une pension alimentaire. En augmentation sont pris en compte le logement gratuit mis à disposition par l’employeur, une éventuelle voiture de fonction, une pension alimentaire ou tous avantages divers en nature.

Les deux éléments ci-dessus permettent de calculer un revenu pondéré de la famille, dont on déduit ensuite le revenu disponible en retranchant un revenu minimum permettant de tenir compte de la composition de la famille (monoparentale ou biparentale) et du nombre d’enfants.

Le revenu disponible est ensuite multiplié par un coefficient K déterminant la part de son revenu disponible que la famille doit consacrer aux dépenses de scolarité ; ce coefficient est de 0,25 pour l’ensemble des pays à l’exception de certains pays où ce coefficient est de 0,35.

Au total, lorsque le revenu disponible multiplié par le coefficient K est inférieur aux dépenses de scolarisation, la famille est éligible à la bourse. Le montant de cette bourse est calculé par référence au montant total des frais de scolarisation (droits annuels et droits de première inscription, frais de fournitures, éventuellement frais de transports et certains frais individuels après appréciation de la commission locale).

Le montant de la bourse se calcule ensuite à partir de la formule suivante :

S – (DxK) x 100

––––––––––––

S

Où S est le montant total des dépenses scolaires, D le revenu disponible et K le coefficient K décrit ci-dessus. À partir de cette formule, on obtient un pourcentage des frais de scolarité qui seront pris en charge.

EXEMPLE

Soit une famille dont les caractéristiques sont les suivantes :

Revenus bruts : 70 000 euros

Avantages (voiture de fonction) : + 5 000 euros

Déduction (loyer) : – 15 000 euros

Revenu pondéré (R) : 60 000 euros

Revenu minimum (M) : 50 000 euros

Revenu disponible (D = R–  M) : 10 000 euros

Revenu disponible pour les frais de scolarité (DxK) : 2 500 euros

Total des dépenses scolaires : 4 000 euros

La bourse sera donc calculée à partir de la formule indiquée ci-dessus :

4 000 – 2 500 x 100

––––––––––––––– = 37,5

4 000

Son montant sera égal à 37,5 % du total des frais de scolarité, soit 1 500 euros.

b) Impact budgétaire du dispositif des bourses

D’après les informations transmises par le Gouvernement, le coût total du dispositif des bourses en exécution a augmenté de manière relativement dynamique depuis 2007, ce qui provient directement du nombre d’élèves ayant bénéficié d’une bourse.

IMPACT BUDGÉTAIRE DU DISPOSITIF DES BOURSES

 

2007

2008

2009

2010

2011

Coût total en exécution budgétaire (en millions d’euros)

50,5

57

66

76,6

84

Nombre d’élèves bénéficiaires

20 501

21 637

23 057

23 532

24 729

Source : Direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire

Pour l’année 2011-2012, 24 729 élèves français (toutes classes confondues) vont bénéficier d’une bourse scolaire, pour un montant moyen de 3 600 euros.

Si l’évolution moyenne constatée ces dernières années était une hausse d’environ 5 % par an du nombre de bénéficiaires et de 8 % du coût moyen, le Gouvernement estime que l’on devrait enregistrer une nette accélération en 2012, avec une augmentation de 8 % du nombre de bénéficiaires et de 9 % pour le coût moyen. Au total, le coût du dispositif des bourses devrait augmenter de 18 % en 2012 par rapport à l’année scolaire précédente.

À périmètre constant, le Gouvernement estime par ailleurs que l’évolution de cette enveloppe devrait rester dynamique dans les années à venir.

ÉVOLUTION PRÉVISIBLE DU COÛT TOTAL DU DISPOSITIF DES BOURSES

(en millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

97

112,2

126,7

143,2

Source : Direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire

2.– La prise en charge des frais de scolarité instituée en 2007

a) Genèse du dispositif et ajustements juridiques successifs

La mise en place du dispositif de prise en charge des frais de scolarité a fait l’objet de plusieurs engagements du précédent Président de la République, avant son élection, devant diverses assemblées de Français établis à l’étranger.

Le 10 mars 2007, celui-ci déclarait notamment devant l’Union des Français de l’étranger : « J’affirme tout d’abord qu’il n’est pas normal qu’un enfant français soit exclu de notre système d’enseignement soit pour des raisons financières, soit pour des raisons géographiques. C’est pourquoi je souhaite que, dès la rentrée scolaire 2007, le coût des études de vos enfants dans les lycées français à l’étranger à compter de la classe de seconde soit intégralement pris en charge par la collectivité nationale. C’est un geste fort que je souhaite que l’on fasse en votre direction. Je souhaite également que, face au coût élevé des études dans les établissements scolaires français, le nombre des bourses soit augmenté ».

Le même engagement a ensuite été pris le 10 avril 2007 à New York et le 17 avril 2007 lors d’une interview sur TV5 (187).

En réponse à ces engagements, une instruction générale de 2007 de l’AEFE a prévu une prise en charge financière par l’État des frais de scolarité dès la rentrée 2007 pour les élèves de terminale en rythme nord ainsi que ceux de première et de terminale en rythme sud. La mesure a ensuite été étendue aux classes de première à la rentrée 2008-2009, puis aux classes de seconde à la rentrée 2009-2010.

Devant l’impact budgétaire très important lié à la mise en place de ce dispositif, un article 133 a été inséré par amendement au Sénat dans la loi de finances pour 2009 prévoyant que « toute extension éventuelle de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger en sus des classes de seconde, de première et de terminale est précédée d’une étude d’impact transmise au Parlement, précisant notamment les modalités de son financement ». De fait, cette extension n’a pas été réalisée, rendant l’article inutile.

Dans le cadre de la loi de finances pour 2011, un article 141 a par ailleurs été inséré par voie d’amendement au Sénat, prévoyant que « la prise en charge par l’État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger ne peut excéder un plafond, par établissement, déterminé par décret » pris après avis de l’AEFE. Cet article précise par ailleurs que « le plafond est déterminé selon les frais de scolarité pratiqués l’année de référence fixée par le décret » et qu’il est « ajusté annuellement par arrêté pour tenir compte notamment des variations de changes et des conditions locales d’existence ».

En application de cet article, le décret n° 2001-506 du 9 mai 2011 précise que ce plafonnement correspond au montant des frais de scolarité de l’année scolaire 2007-2008 pour les établissements du rythme nord et l’année scolaire 2008 pour les établissements du rythme sud. Ce plafonnement est entré en vigueur au 1er septembre 2011 pour les établissements du rythme nord et au 1er janvier 2012 pour les établissements du rythme sud.

b) Fonctionnement actuel

La dernière instruction générale de l’AEFE relative au fonctionnement de ce dispositif rappelle d’emblée que « la prise en charge de la scolarité ne constitue pas un droit pour les familles dans la mesure où elle s’inscrit dans un cadre budgétaire limité » et que « les règles d’accès au dispositif peuvent être révisées en fonction des contraintes budgétaires rencontrées ».

Les conditions pour bénéficier de la prise en charge sont partiellement les mêmes que pour le dispositif des bourses :

– l’enfant doit obligatoirement résider avec au moins l’un de ses parents dans le pays, sauf dérogations ;

– l’enfant doit être de nationalité française et être inscrit au registre des Français établis hors de France ;

– le bénéficiaire ne doit pas avoir plus de deux ans de retard par rapport à l’âge normal de scolarisation, sauf dérogations.

Cette instruction précise par ailleurs que, dans le cas où l’enfant bénéficie d’une autre aide à la scolarisation, par exemple une prise en charge par l’employeur ou une majoration familiale de traitement pour les personnels de l’État, celle-ci est prise en compte préalablement à toute prise en charge.

Les frais de scolarité pris en charge concernent :

– les frais annuels de scolarité ;

– les droits de première inscription ;

– les droits d’inscription annuelle

Compte tenu du caractère automatique du dispositif, son bénéfice n’est pas conditionné à un examen par la commission locale.

II.– LES PROBLÈMES POSÉS PAR LE DISPOSITIF DE PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE SCOLARITÉ

Le dispositif de la prise en charge des frais de scolarité a posé, assez rapidement après sa mise en œuvre, de nombreux problèmes qui ont été particulièrement bien mis en évidence par le rapport de la Mission d’évaluation de contrôle précité.

A.– UN COÛT BUDGÉTAIRE TRÈS MAL MAÎTRISÉ

1.– Un coût qui aurait été exponentiel sans mesure de régulation

Compte tenu de l'extension progressive de la prise en charge des élèves de terminale à ceux de première et seconde entre 2007 et 2010, ce dispositif a eu initialement un coût relativement limité mais qui est progressivement monté en puissance.

Si aucune mesure de calibrage n'avait été prise, la Mission d'évaluation et de contrôle évoquait un coût de 700 millions d'euros par an à terme. La mise en place du dispositif s’est accompagnée d’un abondement de l’action n° 2 du programme 151 Français à l'étranger et étrangers en France, qui finance à la fois les bourses et le dispositif de prise en charge, d’environ 20 millions d’euros supplémentaires par an. Au total, 66 millions d’euros de crédits ont été inscrits au titre de cette action en 2008, 86 millions d’euros en 2009 et 106,3 millions d’euros en 2010. Sans mesure de calibrage, le montant de cette action n° 2 aurait dû s'établir à 126,3 millions d’euros pour 2011.

La Mission d'évaluation et de contrôle a extrapolé ces premiers chiffres en fonction de l'évolution ultérieure du dispositif :

– si la PEC était restée cantonnée au seul second cycle de l’enseignement secondaire, avec comme hypothèse une augmentation moyenne de 5 % par an du nombre de bénéficiaires et de 12 % du coût moyen d’une aide –, le coût total estimé des bourses et de la PEC aurait atteint 107,4 millions d’euros en 2010, 126,3 millions d’euros en 2011, 150 millions d’euros en 2012 et 197 millions d’euros en 2013.

Au sein de cet ensemble, les montants relatifs à la seule prise en charge des frais de scolarité auraient représenté 39,3 millions d’euros en 2010, 47,4 millions d’euros en 2011, 55,8 millions d’euros en 2012, et 65,6 millions d’euros en 2013. Ainsi, sur quatre ans, la charge financière de la prise en charge aurait augmenté de près de 67 %.

– si, à la rentrée 2011, la mesure avait, comme annoncé, été étendue à la classe de troisième, le coût global des aides à la scolarité (bourses et prise en charge) serait passé de 126,3 millions d’euros à 144 millions d’euros. Pour 2012, l’application de la prise en charge à la classe de quatrième aurait entraîné une augmentation de 47 millions d’euros du coût global, passant de 150 millions d’euros à 197 millions d’euros. Si l’extension avait bénéficié à la classe de cinquième en 2013, le coût serait passé de 177 millions d’euros à 265 millions d’euros. Sur la même période de quatre ans (2010–2013), le coût global des aides à la scolarité aurait alors connu une croissance de 147 %.

– enfin, si la PEC devait être étendue à l’ensemble des cycles scolaires, primaire et secondaire, le coût pour les finances publiques pourrait atteindre quelque 700 millions d’euros

2.– Après mesure de régulation, le coût du dispositif reste excessif

Selon les informations transmises par le Gouvernement, le coût de ce dispositif en exécution budgétaire a évolué de manière très rapide entre 2007 et 2012.

IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA PRISE EN CHARGE DES FRAIS DE SCOLARITÉ

 

2007

2008

2009

2010

2011

Coût total en exécution budgétaire (en millions d’euros)

2

9

20

31,3

33,7

Nombre d’élèves bénéficiaires

1 270

3 495

5 986

7 315

7 865

Source : Direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire

Pour l’année 2011-2012, 7 860 lycéens ont bénéficié de la prise en charge, ce qui représente une augmentation de 6,3 % à périmètre constant. Cette prise en charge a été réalisée dans la limite du plafond fixé par le décret du 9 mai 2011 précité. En conséquence, le montant moyen d’une prise en charge a baissé de 15 % (de 4 500 euros à 3 900 euros).

D’après le Gouvernement, le coût de ce dispositif devrait encore évoluer de manière très dynamique dans les années qui viennent sans nouvelle réforme.

ÉVOLUTION PRÉVISIBLE DU COÛT TOTAL DE LA PRISE EN CHARGE

(en millions d’euros)

2012

2013

2014

2015

31,7

33,2

34,9

36,7

Source : Direction des Français de l’étranger et de l’administration consulaire

B.– UN COÛT POLITIQUE ET SOCIAL MAL APPRÉHENDÉ

De par son caractère général, la prise en charge des frais de scolarité a posé, outre un problème budgétaire, plusieurs problèmes d’équité et de justice.

1.– Un effet d’éviction des élèves locaux

La prise en charge des frais de scolarité ne s’applique qu’aux seuls élèves français ou bénéficiant d’une double nationalité. De fait, les élèves étrangers en sont exclus, c'est-à-dire les élèves possédant la nationalité du pays d’implantation de l’établissement, ou les ressortissants d’un pays tiers, notamment ceux d’un État de l’Union européenne.

Or, l’article 2 de la loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger prévoit explicitement que l’une des missions de l’AEFE consiste également à « contribuer, notamment par l’accueil d’élèves étrangers, au rayonnement de la France et de la culture française ».

Ce même article prévoit par ailleurs que l’AEFE a pour mission « d’aider les familles des élèves français et étrangers à supporter les frais liés à l’enseignement élémentaire, secondaire ou supérieur de ceux-ci, tout en veillant à la stabilisation des frais de scolarité ».

Cette mission d’accueil des élèves étrangers a partiellement été remise en cause par le dispositif de prise en charge des frais de scolarité.

2.– Un effet d’aubaine pour les entreprises

Les entreprises françaises opérant à l’étranger participent généralement au financement des frais de scolarisation incombant à leurs salariés parents d’élèves. Ainsi, cette charge est, souvent, prise en compte par les contrats d’expatriation qui formalisent les éléments de rémunération afférents à la situation spécifique des salariés français ayant vocation à exercer leur profession en dehors du territoire national.

Or, comme l’a relevé la Mission d'évaluation et de contrôle précitée, « la PEC opère un transfert de la charge supportée par les familles vers l’État. Par conséquent, les entreprises sont susceptibles de bénéficier d’un effet d’aubaine les incitant à renoncer à leur responsabilité de financeur – indirect – du réseau. Rappelons que le bénéfice de la PEC est subordonné, notamment, à la condition que l’employeur ne prenne pas lui-même en charge les frais de scolarité. »

D'après les conclusions de la mission, le désengagement des entreprises dans la couverture des frais de scolarité (188)des enfants de leurs collaborateurs est avéré, même s’il reste, à ce stade, progressif compte tenu de la relative nouveauté du dispositif de PEC.

Ainsi que l’a indiqué M. Yves Girouard, président du Cercle Magellan, lors de son audition par la Mission d'évaluation de contrôle : « dans leur très grande majorité, nos adhérents continuent de payer mais […] plusieurs examinent l’hypothèse d’arrêter, vu la réduction des coûts imposée par les directions générales dans le contexte de crise actuelle ». M. Stéphane Romatet, directeur de l’administration et de la mondialisation au ministère des Affaires étrangères et européennes corroborait ce constat, déclarant devant la Mission qu’un « désengagement des entrepreneurs individuels commence […] à se produire », et que si « les sièges des grandes multinationales n’ont pas encore donné d’instructions, […] on relève de plus en plus de décisions prises localement par les filiales ».

Au total, il est à craindre que ce désengagement se révèle de plus en plus massif avec le temps, sans pour autant que le Gouvernement ne dispose à cet égard d'éléments chiffrés tout à fait probants. Il demeure certain, sur le fonds, que ce dispositif conduit à transformer progressivement une charge privée en charge publique, assumée par le contribuable.

3.– Des iniquités entre expatriés

L’une des critiques formulées par la Mission d'évaluation et de contrôle à l’égard de ce dispositif tient à son caractère potentiellement inéquitable. En effet, contrairement aux bourses, accordées sur critères sociaux, la prise en charge des frais de scolarité bénéficie indifféremment à toutes les familles quel que soit leur niveau de revenu.

Ainsi, au cours de ses auditions, la Mission d’évaluation et de contrôle s’est vue confirmer cette réalité : des ressortissants français déclarant plusieurs centaines de milliers d’euros de revenu par an sont éligibles à la PEC.

Par ailleurs, l’iniquité se manifeste également entre les parents français d’élèves scolarisés à des niveaux différents du cycle scolaire. En effet, à l’heure actuelle, seuls sont pris en charge les droits d’écolage afférents à la scolarisation dans le cycle lycée, de la seconde à la terminale. Ainsi, peuvent coexister, au sein d’un même établissement regroupant les premier et second cycles du secondaire, différents régimes de financement correspondant à différentes catégories d’élèves, dont la prise en charge des frais de scolarité – ou son absence – dépend uniquement de leur âge.

C.– UN RISQUE DE CONTRADICTION AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE

Le dispositif étant destiné aux seuls Français expatriés, il n’est pas exclu que le dispositif puisse se voir opposer les principes de non-discrimination et d’égalité de traitement entre les ressortissants communautaires.

À titre de comparaison, l’instauration de la gratuité d’accès aux musées et monuments nationaux pour les jeunes de moins de 26 ans avait soulevé un débat analogue. De fait, la mesure a été étendue pour bénéficier à la fois aux jeunes Français et aux jeunes ressortissants d’un autre pays de l’Union européenne.

III.– LE DISPOSITIF PRÉVU PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A.– LA SUPPRESSION DES SEULES RÉFÉRENCES LÉGISLATIVES AU DISPOSITIF DE PRISE EN CHARGE

Le présent article ne peut juridiquement que se limiter à supprimer les deux articles législatifs se rapportant à un dispositif de prise en charge qui a, pour sa part, été entièrement mis en œuvre par voie d'instruction de l'AEFE, sur la base d'une compétence plus générale qui lui a été confiée par la loi.

Ainsi, le présent article propose la suppression :

– de l'article 133 de la loi de finances pour 2009 prévoyant que toute extension éventuelle de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger en sus des classes de seconde, de première et de terminale est précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement précisant notamment les modalités de son financement ;

– de l'article 141 de la loi de finances pour 2011 prévoyant que la prise en charge par l’État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger ne peut excéder un plafond, par établissement, déterminé par décret pris après avis de l’AEFE. Cet article précise par ailleurs que « le plafond est déterminé selon les frais de scolarité pratiqués l’année de référence fixée par le décret » et qu’il est « ajusté annuellement par arrêté pour tenir compte notamment des variations de changes et des conditions locales d’existence ».

En complément de ces mesures législatives, il revient au Gouvernement de procéder, via l'AEFE, à une abrogation de l'instruction générale relative à ce dispositif, ainsi qu’à une abrogation du décret n° 2011-506 du 9 mai 2011.

B.– IMPACT BUDGÉTAIRE DE LA SUPPRESSION

D'après l'évaluation préalable à cet article, la suppression de la prise en charge permettrait de réaliser une économie budgétaire de 31,9 millions d’euros en année pleine.

Ce chiffre de 31,9 millions d'euros, qui correspond au coût global du dispositif en 2012, se décompose en :

– 17,9 millions d'euros pour le rythme annuel nord au titre de l’année 2011-2012 ;

– 1,6 million d'euros pour le rythme sud au titre de l’année 2012 ;

– 12,5 millions d'euros pour le rythme nord au titre de l’année 2012-2013.

La suppression du dispositif à compter de cet été permettra donc une économie budgétaire de 12,5 millions d'euros en 2012 et de 31,9 millions d'euros à compter de 2013.

S’agissant de l’impact de cette suppression sur les familles concernées et sur les entreprises qui pourraient être amenées à reprendre cette charge à leur compte, on peut s’interroger sur leurs capacités à prendre en compte cette suppression dès le mois de septembre alors qu’elle n’aura été votée définitivement qu’à la fin du mois de juillet et n’aura sans doute été promulgué qu’à la mi-août.

À cet égard, l’évaluation préalable du projet de loi note que « 7 455 élèves ont déposé une demande de prise en charge pour l’année scolaire 2012-2013. Ils n’ont pas reçu à ce stade de notification individuelle concernant leur demande. En moyenne, la prise en charge versée au bénéfice de chaque élève se serait élevée à 4 000 euros. »

Elle précise en outre que « la mesure pourrait avoir un effet sur les familles les moins aisées. Néanmoins, ces dernières bénéficient d’un second dispositif, à travers les bourses scolaires sur critères sociaux ».

Précisons enfin que cette mesure a fait l’objet d’une communication appropriée de la part du Gouvernement ; Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, a en effet prononcé le 22 juin dernier un discours devant le bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger, dans lequel elle explique que « l’exigence de justice qui doit nous guider nous amène à proposer, suivant l’engagement du Président de la République François Hollande, le principe de la suppression de la PEC ».

Elle a ajouté : « Le Gouvernement est en train de prendre les arbitrages qui sont nécessaires pour mettre en œuvre ces orientations et nous vous informerons immédiatement de la décision qui sera prise dans quelques jours.

En particulier, vous comprendrez qu’aujourd’hui, à ce stade de la préparation de la programmation pluriannuelle budgétaire, il ne m’est pas possible de m’avancer sur le niveau des crédits qui seront consacrés à l’aide à la scolarité pendant le prochain triennal.

Toutefois nous connaissons les limites actuelles du dispositif de bourses et notamment son manque de progressivité. Au fil des années, le système a été compliqué et il s’est alourdi. Le mode de calcul des bourses scolaires mérite aujourd’hui d’être réexaminé en profondeur, ses nombreux paramètres n’étant plus efficaces pour assurer l’équité du dispositif ».

La suppression du présent dispositif devrait donc s’accompagner d’une réforme du dispositif des bourses scolaires.

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 256 de Mme Marie-Christine Dalloz, tendant à supprimer l’article 30.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’amendement est défendu.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

La Commission rejette cet amendement.

Elle adopte ensuite l’article 30 sans modification.

*

* *

Après l’article 30

La Commission est saisie de l’amendement CF 1 de M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. L’amendement est défendu. Il sera présenté en détail lors de l’examen du texte en séance publique.

M. le rapporteur général. Avis défavorable.

M. Hervé Mariton. La ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union européenne doit intervenir rapidement. Le chemin que le Gouvernement se propose d’emprunter à cette fin est néanmoins curieux, car le ministre nous a indiqué hier qu’il présenterait en même temps le traité, qui est un instrument juridique, et des déclarations de bonnes intentions relatives à la croissance qui s’apparentent davantage à un communiqué qu’à des dispositions législatives.

En tout état de cause, je ne pense pas qu’il soit judicieux de statuer sur la ratification d’un traité par voie d’amendement au collectif budgétaire.

M. le rapporteur général. À ma connaissance, le ministre n’a pas déclaré que les deux éléments seraient présentés dans un même texte, mais en même temps.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le rapporteur général, cet amendement vous paraît-il constitutionnellement recevable ? J’ai découvert avec surprise dans la presse qu’un point qui n’avait jamais fait l’objet d’un débat de constitutionnalité pourrait aujourd’hui en faire l’objet. Pour notre groupe, la ratification du traité ne soulève pas de problème de constitutionnalité et pourrait être votée dès maintenant – il serait d’ailleurs dommage que ce ne soit pas le cas.

S’il y a un problème de constitutionnalité, qu’on nous l’explique. S’il n’y en a pas, quelle objection y a-t-il à voter l’amendement ?

M. le rapporteur général. Je ne saurais me substituer au Conseil constitutionnel, que le Gouvernement a, je crois, l’intention de consulter. Je souscris toutefois à la position de sagesse de M. Mariton, qui juge curieux de ratifier un traité au détour d’un amendement au projet de loi de finances rectificatif.

La Commission rejette cet amendement.

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Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2012 ainsi modifié.

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La suite de ce document

– tableau comparatif et liste des amendements examinés par la Commission –

peut-être consultée au format PDF.

© Assemblée nationale

1 () La révision à la baisse de 0,1 % du taux de croissance entraînerait approximativement un manque à gagner supplémentaire d’un milliard d’euros. En revanche, le relèvement de 0,1 % du PIB, à hauteur donc de 4,5 % du PIB de l’objectif de déficit public tend à réduire de 2 milliards d’euros les moins-values de recettes attendues par rapport à la nouvelle prévision.

2 () Pour mémoire, le « cinquième acompte » est versé au mois de décembre par les entreprises réalisant plus de 500 millions d’euros de chiffre d’affaires et calculé sur les résultats de l’année en cours (soit l’année 2012 en l’espèce).

3 () Selon la Cour des comptes,jusqu’à 2004, les sociétés bénéficiaient d’un avoir fiscal quand elles percevaient des dividendes déjà soumis à l’impôt sur les sociétés et payaient un précompte quand elles reversaient des dividendes qui n’avaient pas été soumis à l’IS, notamment ceux qui relevaient du régime « mère-fille ». Cependant, les dividendes reçus de sociétés exerçant dans des pays membres de l’Union européenne ne donnaient pas droit à avoir fiscal alors que la redistribution de dividendes reçus de filiales européennes donnait lieu à précompte. Ces deux mécanismes ont été supprimés en 2005. De nombreux recours contentieux visant l’obtention d’un avoir fiscal ou le remboursement du précompte ont été introduits pour la période antérieure. Considérant que ce régime introduisait une discrimination entre les sociétés, selon leur lieu de résidence, et faisait obstacle à la libre circulation des capitaux, la Cour de justice de l’Union européenne a donné tort à la France en septembre 2011, en réponse à une saisine du Conseil d’État. (Source : Cour des comptes).

4 () En comptabilité budgétaire, en revanche, les versements sont comptabilisés au fur et à mesure des décaissements. Selon la Cour des comptes, 1,1 milliard d’euros ont déjà été versés. Ces versements n’ont pas été pris en compte en comptabilité nationale au moment où ils ont été effectués et le seront quand les affaires qui les ont justifiés seront définitivement jugées.

5 () Alors que les OPCVM français ne payent pas d’impôt sur les dividendes reçus et redistribués (principe de transparence fiscale), les dividendes payés par des sociétés résidentes à des OPCVM étrangers sont assujettis, sous réserve des conventions internationales, à une retenue à la source de 25 % qui rapporte 0,8 milliard d’euros par an. La Cour de justice de l’Union européenne a fait droit, le 10 mai 2012, à la demande de restitution de ce prélèvement par des OPCVM européens. Son arrêt dit que ce régime est contraire au traité et rejette la demande de la France de limitation dans le temps des effets du jugement. (Source : Cour des comptes)

6 () En comptabilité budgétaire, il était prévu une dépense de 0,9 milliard d’euros au titre du précompte mobilier sur le programme 200 Remboursements et dégrèvements d’impôts d’État du budget de l’État. Selon la Cour des comptes, ce montant ne serait pas versé mais il serait comptabilisé une dépense de 1,5 milliard d’euros au titre des OPCVM. En conséquence, le déficit de l’État pour 2012 serait accru de 0,6 milliard d’euros par rapport à la prévision.

7 () Les réclamations s’élevant, sur cette affaire, à 4,2 milliards d’euros et pouvant atteindre, selon la Direction générale des finances publiques, 5 milliards d’euros en raison du fait que la CJUE a permis de déposer des réclamations jusqu’au 31 décembre 2014.

8 () Calculé sous une hypothèse d’inflation de + 1,7 % dans le projet de loi de finances pour 2012.

9 () La loi de finances initiale pour 2011 avait été construite sur la base d’une baisse de 0,2 % des dépenses de l’État en volume (soit 357,3 milliards d’euros, sous une hypothèse prévisionnelle d’inflation de 1,5 %) et d’une stabilisation en valeur de ces dépenses, hors charge de la dette et des pensions, à 274,8 milliards d’euros maximum.

10 () Hors crédits mis en réserve, les annulations ont porté sur la prévision de dépense au titre des primes d’épargne logement sur le programme 145 Épargne (150 millions d’euros) et sur le programme 309 Entretien des bâtiments de l’État (28 millions d’euros).

11 () La loi de finances initiale pour 2012 prévoit une économie de 169 millions d’euros sur la masse salariale de l’État par rapport à la loi de finances initiale pour 2011. Il s’agirait d’une première dans l’histoire des dépenses de l’État au regard des archives dont dispose le Rapporteur général.

12 () Il s’agit de dépenses d’indemnisation chômage, d’indemnités de départ volontaire et d’indemnisation maladie.

13 () L'AER (allocation équivalent retraite) est une aide versée aux chômeurs âgés de moins de 60 ans et qui ont cotisé 160 trimestres à l’assurance vieillesse. Elle vise à leur garantir un minimum de revenus en attendant qu’ils puissent percevoir leur retraite. Elle a été remplacée par l'ATS (allocation transitoire de solidarité) depuis le 1er juillet 2011. Les allocataires qui percevaient l'AER avant le 31 décembre 2010 continuent à en bénéficier.

14 () L’AFDED (aide en faveur des demandeurs d'emploi en formation) est destinée aux chômeurs suivant une formation prescrite par Pôle Emploi et dont l'indemnisation expirait avant la fin de celle-ci.

15 () Rapport sur les niches fiscales et sociales des entreprises (page 316).

16 () Pour plus de précisions sur ce sujet, se référer au rapport du Rapporteur général préalable au débat d’orientation des finances publiques (n° 74, du 6 juillet 2012).

17 () Recettes fiscales nettes des seuls remboursements et dégrèvements d’impôts d’État.

18 () Pour plus de précisions sur les raisons expliquant ces moins-values, se référer à la première partie du présent rapport relative aux évaluations de la Cour des comptes.

19 () Pour plus de détails sur le contenu de ces contentieux, se référer à la première partie du présent rapport relative aux travaux de la Cour des comptes sur l’exécution 2012.

20 () Pour mémoire, ces versements étaient prévus en comptabilité nationale à 2 milliard d’euros (ce montant incluant les décaissements déjà effectués mais qui doivent être rattachés à l’année au cours de laquelle le jugement définitif est prononcé).

21 () Page 102 du compte général de l’État.

22 () Ces prélèvements ont en effet conduit à ce que les règles prudentielles applicables au fonds soient respectées à l’euro près, sans qu’aucune marge de sécurité ne soit prévue.

23 () La prévision pour 2012 était initialement fondée sur une hypothèse de taux à 3 mois en moyenne annuelle de 1,4 %, soit une hausse de 60 points de base par rapport à la moyenne 2011. De même, par prudence, une remontée des taux à moyen et long termes était anticipée sur l’échéance à 10 ans (OAT), la moyenne annuelle anticipée s’établissant à 3,7 % en 2012 après 3,4 % en 2011.

24 () La prévision pour 2012 a donc été révisée sur une hypothèse de taux à 3 mois en moyenne annuelle de 0,6 %, soit une baisse de 20 points de base par rapport à la moyenne 2011.

25 () Voir notamment le recyclage des économies constatées sur la charge de la dette pour financer des dépenses nouvelles par la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010.

26 () Les ouvertures de crédits hors titre 2 sont destinées à financer certains frais de déplacement et à majorer la subvention de fonctionnement versée aux établissements publics d’enseignement scolaires, lesquels financeront directement les créations de postes envisagées à partir de leur budget propre.

27 () L’ETP est l’unité de décompte mesurant les effectifs à partir de leur quotité de temps de travail. Un agent travaillant à 80 % correspond à 0,8 ETP, quelle que soit la durée de son activité sur l’année.

28 () L’ETPT est l’unité de décompte des effectifs proportionnelle à l’activité des agents, mesurée par leur quotité de temps de travail et par leur période d’activité sur l’année. Par exemple, un agent à temps plein tout au long de l’année correspond à 1 ETPT mais un agent à 80 % présent la moitié de l’année correspond à 0,4 ETPT (0,8 * 6/12).

29 () Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques préliminaire au débat d’orientation budgétaire, juillet 2012, p 84.

30 () Ib idem, p 85.

31 () Sont ainsi exonérés les programmes Accès au droit et à la justice, Aide à l’accès au logement, Prévention de l’exclusion et aides en faveur des personnes vulnérables, Concours aux communes et aux groupements de communes, Concours financiers aux départements, Concours financiers aux régions, Concours spécifiques et administration, Handicap et dépendance, Majoration de rentes, Protection maladie, Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins, Immigration, asile et intégration.

32 () Pour plus de détails sur ce point, se référer à la première partie du présent rapport.

33 () Le détail de ces moins-values est fourni dans le développement relatif aux recettes de l’État.

34 () Montant total de 2,3 milliards de mesures nouvelles dont le produit est affecté aux ASSO, duquel il convient de déduire les 0,4 milliard d’euros consacrés au financement de la hausse de l’allocation de rentrée scolaire.

35 () L’octroi d’un prêt n’est pas considéré comme une dépense en comptabilité nationale car il conduit à la formation d’un actif. En conséquence, les prêts à la Grèce n’étaient pas inclus dans la prévision de déficit public et leur annulation est donc sans effet sur celle-ci.

36 () Dans une décision du 27 janvier 2011, Eurostat a estimé que le FESF est « transparent » vis-à-vis des États qui détiennent son capital et que sa dette doit être consolidée dans la dette publique brute de ces États à concurrence de leur quote-part dans le capital du fonds.

37 () Une présentation détaillée de ce dispositif est disponible dans le rapport n°4339 fait par la commission des Finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n° 4332), et présenté par M. Gilles Carrez, alors rapporteur général.

Archives de la XIIIème législature, http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r4339.asp.

38 () http://www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/promotion_heures_supplementaires_TEPA.asp

39 () Annexe J, fiche DF 87.

40 () Dans la limite de 4 plafonds de la sécurité sociale. Le taux de l’abattement pour frais professionnels sur l’assiette des CSG/CRDS fixé auparavant à 3 % est ramené à 1,75 % depuis le 1er janvier 2012

41 () Cf. rapport (n° 75 du 5 juillet 2012) du rapporteur général sur le projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011 – page 37.

42 () Cette retenue à la source au titre de l’impôt sur le revenu est prévue par le 2 de l’article 119 bis du code général des impôts. Le taux de cette retenue à la source est fixé par l’article 187 du même code. Il a été porté de 25 % à 30 % depuis le 1er janvier 2012 par la dernière loi de finances rectificative pour 2011.

43 () Selon l’arrêté du 4 avril 2012 pris en application l'article 238-0 A du code général des impôts, sont considérés comme ETNC en 2012 : le Botswana, le Guatemala, Montserrat, Niue, Brunei, les Iles Marshall, Nauru et les Philippines.

44 () Ce dispositif était codifié au c du I de l’article 219 du code général des impôts.

45 () Il s’agit de l'instruction 4 C-7-07 du 10 mai 2007, tirant les conséquences de l'arrêt Denkavit de la CJUE précité.

46 () Cette contribution ne concerne que les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7,63 millions d'euros.

47 () Le montant global des dividendes versés en 2011 par les sociétés cotées au titre du SBF 120 est de 46 milliards d'euros. Il n’est pas non plus tenu compte des distributions des filiales françaises de groupes étrangers.

48 () Entreprises de taille intermédiaire, de 250 à 5 000 salariés, ou le dont le chiffre d’affaires n’excède pas 2 milliards d’euros.

49 () Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011

50 () Cette définition est tirée du rapport de M. Jean-François Lepetit, président du Conseil national de la comptabilité et auteur d’un rapport transmis en avril 2010 au ministre de l’Économie, intitulé « Le risque systémique ».

51 () FMI, A fair and substantial contribution by the financial sector, interim report for the G20, avril 2010.

52 () Cette consultation ainsi que l’intégralité de la réponse des autorités françaises peuvent être consultés à l’adresse suivante :

http://ec.europa.eu/taxation_customs/common/consultations/tax/2011_02_financial_sector_taxation_fr.htm

53 () Le Tier 1 constitue la partie la plus solide des capitaux propres des institutions financières. Il rassemble pour l’essentiel le capital social, les résultats mis en réserve et les intérêts minoritaires dans les filiales consolidées. Cette définition résulte de Bâle I et n’a pas été modifiée par la suite.

54 () Le texte de la loi peut être consulté à l’adresse suivante : http://dipbt.bundestag.de/dip21/btd/17/049/1704977.pdf

55 () Le Tier 2 désigne les fonds propres complémentaires à Tier 1 comme les plus-values latentes, les provisions et les titres participatifs

56 () Rapport n° 2857 fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2011 par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, p. 322.

57 () Voir par exemple le discours de M. Christian Noyer, président de la Banque de France et président de l’ACP, le 16 janvier 2012 : http://www.acp.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/acp/Communication/20120116-voeux-de-christian-noyer-a-la-place.pdf

58 () Loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

59 () Les huiles d’origine végétale ne sont donc pas concernées par le présent dispositif.

60 () Par définition, les accises sont des impositions pesant sur les quantités, non sur les valeurs.

61 () Ainsi, une entreprise ayant réalisé au cours d’un exercice ouvert le 1er janvier 2012 et clos le 15 juillet de la même année un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros doit être considérée comme remplissant le critère de chiffre d’affaires, les 170 millions réalisés en six mois et demi correspondant, sur 12 mois, à 313,8 millions d’euros (instruction 4 L-3-12, paragraphes 18 et 19, bulletin officiel des impôts n° 38 du 29 mars 2012).

62 () L’article 220 quinquies du CGI permet sur option aux redevables de l’IS qui constatent un déficit au titre d’un exercice de reporter ce déficit en arrière ; la minoration rétroactive de l’assiette d’imposition fait ainsi naître une créance sur l’État.

63 () Font notamment exception à l’obligation de verser des acomptes les sociétés nouvellement soumises à l’IS.

64 () Article 14 du dernier projet de loi de finances rectificative pour 2011, n° 3952, novembre 2011.

65 () L’article 1668 B déterminait les modalités de recouvrement de la contribution mentionnée à l’article 235 ter ZA (« surtaxe Juppé »), article dont les dispositions ont été abrogées pour les exercices clos à compter du 1er janvier 2006.

66 () Étant précisé que s’agissant des sociétés relevant du régime de groupe, la condition de chiffre d’affaires est appréciée par addition des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres du groupe (dernier alinéa).

67 () Ramené, le cas échéant, à 12 mois.

68 () Telle est en tout cas l’intention du texte. Sa lettre se réfère par erreur au dernier exercice clos, alors que la contribution doit bel et bien faire l’objet d’une estimation pour l’exercice en cours.

69 () Page 55. Le rendement de 1,4 milliard d’euros évoqué par la Cour ne correspond pas à celui figurant dans l’évaluation préalable de l’article 14 du dernier projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui chiffrait le rendement de la mesure à 1,1 milliard d’euros. Mais, comme cela a été évoqué supra, la majoration initiale a été transformée en une contribution spécifique, par principe plus rentable.

70 () Les règles relatives à l’accord de participation sont détaillées à l’article R. 3324-21-1 du code du travail.

71 () Cotisations d'assurance chômage, cotisations du Fonds national d'aide au logement, versement de transport, cotisations de retraite complémentaire, taxe d'apprentissage, participations et taxes sur les salaires.

72 () À titre d’illustration, certaines provisions réglementées concernent des situations économiques particulières comme les provisions pour hausse des prix, tandis que d’autres sont réservées à certaines professions à l’instar des provisions spéciales bénéficiant aux entreprises d’assurance et de réassurance.

73 () Ce délai est porté à quatre ans pour les SCOP lorsque la provision est représentée par des dotations à la réserve légale et au fonds de développement.

74 () On notera que le recours à ce dispositif a fortement baissé du fait de la crise financière. Le coût du dispositif est en effet estimé par l’évaluation préalable du présent article à 31 millions d’euros au titre de 2010.

75 () Ce dispositif est en effet principalement identifié comme un outil en faveur du développement de la participation, ainsi qu’en témoigne l’exposé de l’amendement sénatorial (n° 166 rect) visant à majorer provisoirement le taux de la provision pour investissement voté avec l’avis favorable du Gouvernement lors de l’examen de la loi n° 2006-1770 du 30 décembre 2006 sur la participation et l’actionnariat salarié. Celui-ci ne mentionne que la nécessité « de renforcer l’incitation à développer des accords de participation » dans les entreprises de taille modeste (archives Sénat).

76 () Discours de présentation du projet présidentiel, 26 janvier 2012.

77 () La notion d’entité juridique est large : « personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable » (1 du I de l’article 209 B).

78 () Seuil ramené à 5 % lorsque 50 % des titres de l’entreprise ou entité établie hors de France sont détenus :

– soit par plusieurs entreprises établies en France, agissant de concert ;

– soit par des entreprises placées directement ou indirectement en situation de contrôle ou de dépendance à l’égard de la personne établie en France.

79 () À due concurrence, s’agissant de l’entité, des droits détenus par la société redevable de l’IS.

80 () Idem.

81 () Notamment à l’arrêt Cadbury Schweppes plc, 12 septembre 2006, affaire C-196/04.

82 () Dans son rapport n° 2132 sur le dernier projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n° 2070), le précédent Rapporteur général relevait qu’un redressement avait pour la première fois été opéré en 2009 sur le fondement de ce dispositif.

83 () « Fourniture de prestations de services internes, y compris financiers, à un groupe d’entreprises avec lequel la personne morale établie en France entretient des relations de contrôle ou de dépendance ».

84 () Loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009.

85 () Rapport d’information sur les paradis fiscaux, n° 1902, septembre 2009, présenté au nom de la commission des Finances par MM. Didier Migaud, Gilles Carrez, Jean-Pierre Brard, Henri Emmanuelli, Jean-François Mancel et Nicolas Perruchot, page 151.

86 () Cf. le commentaire de l’article 9.

87 () Ces modalités de chiffrage sont également celles retenues pour les articles 12 à 15 (cf. infra).

88 () Le redevable peut choisir d’opter pour le mécanisme de report en arrière prévu à l’article 220 quinquies, qui permet d’imputer le déficit constaté au cours d’un exercice sur le résultat de l’exercice antérieur, sous un plafond de 1 million d’euros. L’assiette d’imposition se trouve ainsi rétroactivement minorée.

89 () Avant l’entrée en vigueur de l’article 89 de la loi de finances initiale pour 2004 (loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003), le report en avant était limité aux cinq exercices suivant celui de réalisation du déficit.

90 () Loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011.

91 () Rapport sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, n° 3718, août 2011, présenté au nom de la commission des Finances par M. Gilles Carrez, alors Rapporteur général, page 112.

92 () À l’exception du transfert de siège opéré dans un autre État de l’Union européenne.

93 () Défini par référence à l’article 210 A, le régime de faveur des apports partiels d’actifs est prévu à l’article 210 B.

94 () Il en est de même des intérêts dus à une entreprise liée, dans les conditions prévues par l’article 212 ; relatif à la lutte contre la sous-capitalisation, cet article encadre précisément les modalités de déduction des intérêts en question.

95 () Conseil d’État, Section du contentieux, 18 mai 2005, SARL Sophie B., n° 259275.

96 () Conseil d’État, Section du contentieux, 30 novembre 2007, Société Marché Actif, n° 284621.

97 () Rapport d’information n° 74, juillet 2012, pages 31 à 35.

98 () Harry Partouche et Matthieu Olivier, « Le taux de taxation implicite des bénéfices en France », Trésor-éco, n° 88.

99 () Données de 2007.

100 () Indicateur de profit distinct des soldes intermédiaires de gestion.

101 () Rapport d’information sur l’application de la loi fiscale, n° 3631, juillet 2011, présenté au nom de la commission des Finances par M. Gilles Carrez, page 53.

102 () Selon les termes de l’évaluation préalable accompagnant le présent article.

103 () Ou de plusieurs en ce qui concerne l’abandon ou le transfert. Cette différence de traitement résulte de la volonté de ne pas entraver l’expansion des entreprises, en ne rendant pas le critère d’adjonction trop contraignant.

104 () Le fait que les sociétés qui organisent ce type de montages puissent être mal intentionnées à l’égard de l’administration fiscale pourrait laisser croire que le terme « coquillard » renvoie à celui employé au XVème siècle pour désigner une bande de voyous dijonnais ayant pris pour nom collectif « La coquille », et dont les frasques, en particulier dans une maison de joie de la ville, donnèrent lieu à un procès en 1455, dont les archives ont été conservées.

105 () Simplifiée pour les besoins de la présentation.

106 () La minoration de l’assiette taxable peut également provenir, en l’absence de cession des titres :

– de la déduction d’une provision pour dépréciation si les titres restent conservés par la société qui les a acquis ;

– d’une moins-value d’annulation des titres si la coquille est absorbée par le coquillard dans le cadre d’une fusion.

107 () Sous réserve, dans le cadre du régime mère-fille, de la quote-part de 5 %.

108 () Instruction 13-L-1-12, paragraphe 2.

109 () Le régime de faveur des fusions sera détaillé infra.

110 () Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011. Pour des informations plus détaillées sur ces dispositifs, voir l’instruction fiscale 4 H-2-11, BOI n° 1 du 5 janvier 2012.

111 () En application du 7 de l’article 38 du CGI (offre publique d’échange, conversion ou échange d’obligations en actions) et du 2 de l’article 115 (attribution à la société mère de titres représentatifs d’un apport partiel d’actif réalisé par sa filiale au profit d’une autre société), le profit ou la perte d’échange est placé en sursis d’imposition jusqu’à la cession ultérieure des titres reçus lors de l’échange. Ce qui est dans le cadre de ces articles une règle n’est qu’une option dans le cadre du 7 bis de l’article 38.

112 () Pas plus d’ailleurs que les dispositions du 7 du même article ou de 2 de l’article 115, précités.

113 () Une filiale qui devient détenue à plus de 95 % au cours d’un exercice ne peut entrer dans le groupe qu’au cours de l’exercice suivant.

114 () L’évaluation préalable du présent article relève en effet que « le classement comptable des titres n’ayant pas d’incidence pour l’application du régime des sociétés mères, les parts d’une société immobilière inscrites en stock par une société de marchand de biens peuvent ouvrir droit au régime ». Il faut en revanche indiquer que le 7 de l’article 145 exclut expressément du régime mère-fille les titres de certaines sociétés immobilières.

115 () À la fin de chaque exercice, les stocks doivent faire l’objet d’une évaluation, au prix de revient ou au cours du jour s’il est inférieur au prix de revient (3 de l’article 38). Si le cours du jour est inférieur au prix de revient, une provision pour dépréciation des stocks est constituée (5° du 1 de l’article 39).

116 () La plus-value de fusion résulte du fait que si une société A a acquis pour un montant de 100 des titres d’une société B qu’elle absorbe ultérieurement alors que ces titres ont pris de la valeur, la différence entre la valeur des titres de B au moment de l’acquisition et leur valeur au moment de la fusion génère un profit.

117 () Cession et concession de brevets notamment.

118 () En application du troisième alinéa du I de l’article 209 du CGI (cf. infra).

119 () Mais aussi d’inventions brevetables, de procédés de fabrication et de perfectionnements.

120 () Entre autres dispositions du code.

121 () Le 8° du 1 de l’article 39 mentionne un seul cas particulier d’abandons de créance à caractère commercial, ceux qui sont « consentis ou supportés dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement ».

122 () Documentation de base (DB) 4 A 216.

123 () Ce profit n’est pas nécessairement imposé : s’il n’efface pas intégralement les pertes, il minore le déficit.

124 () DB 4 A 216, précitée.

125 () Idem.

126 () Idem.

127 () Idem.

128 () Idem.

129 () Conseil d’État, Section du contentieux, 27 novembre 1981, requête n° 16814.

130 () Voir notamment Conseil d’État, Section du contentieux, 30 avril 1980, requête n° 16253.

131 () Section du contentieux, requête n° 33188.

132 () Supprimé par l’article 3 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2011 (loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011), le régime du bénéfice mondial consolidé permettait aux sociétés françaises, sur agrément, de retenir pour l’établissement de leur impôt sur les bénéfices les résultats de l’ensemble de leurs exploitations, qu’elles soient situées en France ou à l’étranger.

133 () Le premier alinéa du I de l’article 209 du CGI dispose que « les bénéfices passibles de l’impôt sur les sociétés sont déterminés […] en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ».

134 () Conseil d’État, Section du contentieux, 11 février 1994, Société anonyme « Les éditions Jean-Claude Lattès », requête n° 119726.

135 () Instruction 4 A-7-83.

136 () Aux termes du deuxième alinéa de l’article 238 A du CGI, les sociétés « sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'État ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ».

137 () Pour les développements qui suivent, le choix de l’une ou l’autre de ces options est neutre.

138 () En pratique, la cession aura alors lieu à l’euro symbolique.

139 () Les plus-values de cession des éléments de l’actif détenus depuis moins de deux ans sont taxées au taux de droit commun de l’impôt sur les sociétés, les moins-values étant déductibles du résultat d’ensemble dans les mêmes conditions. Ce régime dit de court terme s’applique, s’agissant des redevables de l’IS, à l’ensemble des plus et moins-values exclues de l’application du régime de long terme. Celui-ci prévoit des modalités de taxation différenciées selon les éléments d’actif considérés ; il faut retenir que les plus-values sont taxées à un taux préférentiel (voire exonérées), mais que les moins-values, lorsqu’elles sont imputables, ne le sont pas sur le résultat d’ensemble mais seulement sur les plus-values relevant elles aussi du long terme. Pour une description plus détaillée, cf. le commentaire de l’article 13.

140 () Cf. le commentaire de l’article 14.

141 () L’administration fiscale peut employer au besoin diverses méthodes d’évaluation de la valeur réelle des titres, décrites dans un guide publié en novembre 2006 par la Direction générale des impôts, intitulé L’évaluation des entreprises et des titres de sociétés.

142 () Loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011.

143 () Il s’agit là d’un raccourci destiné à simplifier la présentation ; en effet, l’article précité du code de commerce assimile juridiquement l’apport en numéraire à l’apport par compensation avec des créances liquides et exigibles.

144 () Instruction 4 B-1-08, paragraphe 68, bulletin officiel des impôts n° 36 du 4 avril 2008.

145 () Titres acquis par construction depuis plus de deux ans, condition d’éligibilité à l’exonération de plus-value en cas de cession ultérieure.

146 () Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom.

147 () Loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom.

148 () Les modalités de calcul de cette cotisation sont précisées par l’article 2 du décret n° 97-139 du 13 février 1997.

149 () La qualification en aide d’État tient au fait que le régime de cotisations applicable à France Télécom après 1997 est plus favorable que celui prévalant entre 1990 et 1997.

150 () Contrairement aux prêts accordés par les États ou par le FESF, qui sont financés au coût du marché.

151 () Les obligations d’État grecques ont été rachetées par l’État grec avec une forte décote. Dès lors qu’elles sont entièrement remboursées, les banques centrales réalisent des plus-values sur ces opérations. À titre d’exemple, une obligation dont le montant nominal est 100 peut avoir été rachetée pour 70 sur le marché secondaire. Cette décote s’explique par la défiance des investisseurs qui craignent que cette obligation ne soit pas remboursée en totalité. Or, tel n’est pas le cas pour les obligations détenues par l’Eurosystème, qui sont remboursées en intégralité, soit à 100. En conséquence, l’Eurosytème a acheté pour 70 une obligation qui lui rapporte finalement 100. Une plus-value de 30 est réalisée.

152 () Réunion des ministres des Finances des États de la zone euro.

153 () Une traduction de cette déclaration pourrait être : « L’Eurogroupe prend note du fait que l’Eurosystème (Banque centrale européenne et banques centrales nationales) détient des obligations souveraines grecques dans le cadre de la mise en oeuvre d’une politique publique. L’Eurogroupe prend note du fait que le revenu généré par la détention par l’Eurosystème des obligations souveraines grecques contribuera à accroître le bénéfice de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales. Le bénéfice de la BCE sera versé aux banques centrales nationales conformément aux règles de distribution du bénéfice prévues par les statuts de la BCE. Les bénéfices des banques centrales nationales seront versés aux États membres de la zone euro conformément aux règles de distribution des bénéfices des banques centrales nationales. (...) Les États de la zone euro dont les banques centrales détiennent actuellement des obligations souveraines grecques dans leur portefeuille d’investissement s’engagent à restituer à la Grèce un montant égal à l’ensemble des revenus futurs perçus par leur banque centrale nationale au titre de ce portefeuille jusqu’en 2020. »

154 () Décision n° 2005-53 DC du 29 décembre 2005 sur la loi de finances pour 2006.

155 () Décision du conseil d’État du 13 mars 1968.

156 () Le foyer ou le lieu de séjour principal s’entendent du lieu où le contribuable dispose du centre de ses intérêts familiaux ou personnels.

157 () Une personne réalisant la majeure partie de ses revenus en France ou dont le patrimoine est principalement situé en France y a son centre d’intérêt économique.

158 () La liste exhaustive des revenus considérés comme des revenus de source française est présentée à l’article 164 B du CGI.

159 () Sous certaines conditions, les non-résidents peuvent bénéficier du crédit d'impôt accordé au titre des primes d'assurance pour loyers impayés (article 200 nonies du CGI), du crédit d'impôt au titre des travaux prescrits dans le cadre d'un plan de prévention des risques technologiques (PPRT) effectués dans des logements donnés en location (article 200 quater A du CGI) et de la réduction d'impôt pour acquisition d'un logement au titre d'investissement locatif dans le secteur touristique (article 199 decies E, 199 decies EA et 199 decies G).

160 () Ce taux est réduit à 19 % pour les non-résidents dont le domicile fiscal se situe dans un État membre de l’espace économique européen et est porté à 50 % s’il se situe dans un État ou un territoire non coopératif.

161 () Décision du 15 février 2000, Commission c/ France.

162 () Décision n° 11-10.762du 31 mai 2012.

163 () Notamment, la décision n° 90-285 DC 28 décembre 1990 du Conseil constitutionnel et l’arrêt Martin du Conseil d’État du 7 janvier 2004.

164 () Les différentes contributions sociales constituent en effet des impositions distinctes au regard du droit en vigueur.

165 () Il s’agissait de l’amendement n°424 de Mme Danièle Zimmermann. Une proposition de loi poursuivant le même objet et du même auteur a également été enregistrée par la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 janvier 2012.

166 () Auparavant, un prélèvement exceptionnel de 1 % sur les revenus du patrimoine et de placement avait été instauré par la loi du 10 juillet 1987 portant diverses mesures relatives au financement de la sécurité sociale. Ce prélèvement a perduré jusqu’en 1997.

167 () Le rabais constitue la différence entre la valeur des titres et le prix déterminé au moment de leur attribution. Il est dit excédentaire s’il est compris entre 20 % et 5 %.

168 () Ces sociétés représentaient au 31 avril 2010 une capitalisation boursière de 951 milliards d’euros, soit 74 % de la capitalisation des sociétés françaises cotées et 69 % de la capitalisation totale d’Euronext Paris.

169 () La Cour estimait en effet à plus de trois milliards d’euros la perte d’assiette au titre des seules stock-options et pointait la très forte concentration de cet avantage : selon les données présentées, l’assiette moyenne exemptée était de 30 000 euros en moyenne par bénéficiaire. Ces chiffrages ont fait l’objet de débats. Comme mentionné précédemment, la DSS estime à 1,8 milliard d’euros l’assiette exemptée des stock-options et des actions gratuites au titre de 2011.

170 () Ces normes comptables sont celles adoptées par le règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil du 19 juillet 2002. Elles sont définies, en application de ce règlement, par le règlement (CE) 211/2005 de la Commission des communautés européennes du 4 février 2005.

171 () Les entreprises qui, du fait de leur opérateur de paie, ne seraient pas prêtes pour l'échéance URSSAF correspondant au mois de septembre paieront le surcroît de forfait social soit le mois suivant, soit lors de la régularisation de fin d'année.

172 () L’article 1er du présent projet proposant d’abroger le relèvement de la TVA dite sociale a également pour objet de maintenir inchangé le taux des cotisations familiales à 5,4 %.

173 () Le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 a ainsi traduit l’un des engagements du Président de la République pris pendant la campagne présidentielle.

174 () Il s’agit de contributions des employeurs finançant des prestations complémentaires destinées à couvrir les risques liés à la maladie, la maternité, le décès et les accidents du travail.

175 () Voir l’amendement n° II-69 Rect au projet de loi de finances pour 2008, n° 189.

176 () Voir l’article 106 de la loi n° 2007-1822 de finances pour 2008 du 24 décembre 2007.

177 () 1 + 5 % = 105 % correspondant à 70 % de (1 + 50 % = 150 %).

178 () Pour mémoire, au 1er janvier 2012, le Gouvernement dirigé par M. François Fillon comptait 35 membres, dont 25 ministres et 10 secrétaires d'Etat, représentant une masse salariale mensuelle brute totale estimée à 489 900 euros (hors prestations familiales), c'est-à-dire 112 180 euros de plus par mois que l’actuel Gouvernement. Pour obtenir la liste des membres du Gouvernement à cette date, voir http://www.assemblee-nationale.fr/gouv_parl/result.asp?regle_nom=%5Bchoisir+une+option%5D&Nom=&vip=categorie&poste=&DebutMin=&FinMin=&choixdate=dateau&Dateau=01%2F01%2F2012&choixordre=chrono&Rechercher=Lancer+la+recherche

179 () L’AME recouvre l’AME de droit commun ; les soins urgents pour les personnes qui ne sont pas éligibles à l’AME ; l’AME humanitaire accordée au cas par cas pour les personnes ne résidant pas habituellement sur le territoire français (étrangères en situation régulière ou françaises) ; les hospitalisations de patients évacués par l’hôpital de Mayotte vers des établissements de santé des DOM et de métropole ; et les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.

180 () La loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité et la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011.

181 () Rapport spécial n° 3805 de M. Gérard Bapt sur la mission Santé, annexe n° 39 du projet de loi de finances pour 2012.

182 () Rapport d'information n° 3524 fait au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État par MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue, 9 juin 2011.

183 () Conseil constitutionnel, Décision n° 2010–622 DC du 28 décembre 2010.

184 () Rapport d'information n° 3524 fait au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’évaluation de l’aide médicale de l’État par MM. Claude Goasguen et Christophe Sirugue, 9 juin 2011.

185 () qui fait régulièrement l’objet d’une régularisation par décret d’avance ou en loi de finances rectificative.

186 () Rapport d’information (n° 2693 du 30 juin 2010) de la commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’enseignement français à l’étranger et présenté par MM. Jean-François Mancel, André Schneider et Hervé Féron, sous la présidence de MM. Olivier Carré et David Habib.

187 () On notera d’ailleurs que, durant la dernière campagne électorale, dans un « message aux Français de l’étranger » du 18 avril 2012, M. Nicolas Sarkozy s’engageait à poursuivre cette prise en charge des frais de scolarité et à l’étendre progressivement au collège.

188 () Fondé en 1998, le Cercle Magellan est un réseau professionnel de rencontre et d’échange entre directeurs des ressources humaines.