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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 461

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 novembre 2012.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 330) DE MM. DIDIER QUENTIN, CHARLES DE LA VERPILLIÈRE, JACQUES LAMBLIN ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES, visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée,

PAR M. Didier QUENTIN,

Député.

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INTRODUCTION 5

I.– LES GRANDS PASSAGES, UNE ÉVOLUTION DES MODES DE DÉPLACEMENT DES GENS DU VOYAGE À APPRÉHENDER PAR LA LOI 9

A. UN PHÉNOMÈNE NOUVEAU EN FORTE CROISSANCE 9

1. Les différents types de rassemblements des gens du voyage 9

2. Les grands passages, une charge devenue difficile à supporter pour les collectivités territoriales 10

a) Un cadre juridique complexe 10

b) Une mise en œuvre qui pose de nombreuses difficultés aux communes et intercommunalités 11

B. LA NÉCESSITÉ DE PLANIFIER ET D’ENCADRER LES GRANDS PASSAGES 13

1. Une responsabilité qui doit être confiée à l’État 13

a) Les communes et intercommunalités ne sont pas en mesure de gérer les équipements et services nécessaires à un grand passage 13

b) La logique d’un regroupement entre les mains de l’État des compétences d’organisation et de gestion des grands passages 15

2. Une organisation qui doit pouvoir être planifiée par un régime de déclaration préalable 17

a) La nécessité d’une déclaration préalable 18

b) Le contenu de la déclaration préalable 18

c) L’effet sur le dialogue et la médiation entre gens du voyage et autorités locales 19

d) Les conséquences d’une absence de déclaration préalable 20

II.– L’ÉVOLUTION VERS LA SÉDENTARISATION, UN NOUVEAU DÉFI POUR ORGANISER L’HABITAT DES GENS DU VOYAGE 21

A. LE DÉVELOPPEMENT D’UNE SÉDENTARISATION PROGRESSIVE, UN PHÉNOMÈNE À ACCOMPAGNER PAR DES POLITIQUES ADAPTÉES 21

1. Des besoins de sédentarisation croissants 21

2. Une offre insuffisante d’habitat adapté 22

3. Des situations précaires de sédentarisation sur des terrains non adaptés 23

4. Le devoir de prise en compte du relogement des personnes en cours de sédentarisation 24

B. LA NÉCESSITÉ DE RESTAURER LES CONDITIONS SPÉCIFIQUES DE MISE EN ŒUVRE DE LA PROCÉDURE D’ÉVACUATION FORCÉE DES TERRAINS PUBLICS 25

1. La contrepartie de l’accueil par les communes : l’existence d’un régime spécifique d’évacuation forcée 25

a) Un régime de police administrative simplifié 25

b) Une mise en œuvre limitée 26

2. La nécessité de restaurer le régime spécifique protégeant les terrains publics d’une occupation illicite 27

DISCUSSION GÉNÉRALE 29

EXAMEN DES ARTICLES 37

Article 1er (art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Implication de l’État dans l’organisation de l’accueil des gens du voyage 37

Après l’article 1er 38

Article 2 (art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Choix et équipement par l’État des aires de grand passage 39

Article 3 (art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Information préalable de l’organisation des grands passages 39

Article 4 (art. 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Distinction des aires d’accueil et des aires de grand passage 41

Article 5 (art. 4 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Suppression des dispositions organisant la participation financière de l’État à la réalisation d’aires de grand passage par les communes 42

Avant l’article 6 43

Article 6 (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Suppression de la condition d’atteinte à l’ordre public pour la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée d’un terrain public 43

Article 7 : Rapport sur la mise en place des aires de grand passage par l’État 45

Article 8 (art. 10 bis [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000) : Relogement des gens du voyage sédentarisés sur des terrains inadaptés 45

Article 9 : Gage 47

TABLEAU COMPARATIF 49

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 57

Mesdames, Messieurs,

Une part importante de la crise du logement que connaît notre pays a été attribuée à une évolution des modes de vie et des pratiques en matière d’habitat, qui ont été transformés de façon accélérée au cours des dernières années. Ces évolutions ont aussi bien affecté les sédentaires que les personnes dites « gens du voyage ».

On rappellera rapidement que cette appellation, d’origine administrative, a été retenue par le législateur pour désigner une catégorie de la population caractérisée non par une appartenance ethnique, mais par son mode de vie spécifique : l’habitat traditionnel en résidence mobile. Couramment qualifiés de « Tsiganes », les gens du voyage, de nationalité française dans leur très grande majorité, sont une population distincte de celle des Roms, qui sont des migrants de nationalité étrangère, principalement venus d’Europe centrale et orientale, et sédentaires dans leurs pays d’origine.

La France est l’un des rares pays à avoir adopté une législation consacrée à l’accueil des gens du voyage. La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage a cherché à établir un équilibre entre les droits et les devoirs réciproques des gens du voyage et des collectivités territoriales, afin de favoriser une cohabitation harmonieuse de différentes populations sur le territoire national. Cette loi impose une obligation d’organisation de l’accueil des gens du voyage aux collectivités territoriales, tout en leur permettant, en contrepartie, de recourir à des mesures renforcées de lutte contre les stationnements illicites des gens du voyage.

Cependant, la mission d’information (1) chargée sous la précédente législature d’évaluer ce dispositif, que votre rapporteur a eu l’honneur de conduire en compagnie de nos collègues MM. Charles de La Verpillière et Dominique Raimbourg, a constaté que la loi du 5 juillet 2000 n’était plus toujours adaptée aux réalités évolutives des modes de vie de cette population. Comme l’avait rappelé devant la mission M. Louis Besson, secrétaire d’État au Logement du Gouvernement de M. Lionel Jospin et initiateur de la loi, deux questions liées à l’évolution des modes de vie des gens du voyage ne se posaient pas avec la même acuité en 2000 : celles des terrains familiaux et celles des « grands passages ».

Ces phénomènes sont en fait les deux conséquences d’un mouvement massif d’évolution des pratiques suivies en matière de déplacement : une part croissante des gens du voyage tend à se sédentariser, partiellement ou complètement, et à ne plus se déplacer qu’à l’occasion de rassemblements traditionnels ou cultuels massifs organisés pendant la saison estivale, vers lesquels des convois de plusieurs dizaines de caravanes convergent. Dans le même temps, cette sédentarisation a lieu dans des conditions précaires et sur des terrains qui n’ont pas, la plupart du temps, été aménagés à cette fin.

À partir du constat établi lors des travaux de la mission d’information, mais aussi de ceux des autorités publiques qui se sont récemment mobilisées pour évaluer la politique suivie pour accueillir les membres de cette communauté –outre M. le sénateur Pierre Hérisson, président de la commission nationale consultative des gens du voyage, qui a remis au Premier ministre en 2008 et 2011 deux rapports successifs (2), le Conseil général de l’environnement et du développement durable en octobre 2010 (3) et la Cour des comptes en octobre 2012 (4) ont publié chacun un rapport public consacré à l’accueil des gens du voyage – votre rapporteur, MM. Charles de La Verpillière, Jacques Lamblin et plusieurs de nos collègues sont persuadés qu’il est temps désormais d’agir, en adaptant la loi du 5 juillet 2000 aux réalités de 2012. La présente proposition de loi a donc pour objet non pas de durcir ou de remettre à plat la loi Besson du 5 juillet 2000, mais bien d’adapter celle-ci à l’évolution des modes de vie.

Le présent texte met ainsi en œuvre plusieurs propositions contenues dans le rapport adopté à l’unanimité de la mission d’information consacrée à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, même s’il n’entend pas modifier l’ensemble de la législation qui leur est applicable. Si la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012 a notamment déterminé les bases constitutionnelles nécessaires à une remise à plat des titres de circulation et des conditions d’exercice de leurs droits civiques par les personnes ne disposant pas de domicile fixe, cette question justifierait qu’un texte spécifique y soit consacré.

La proposition de loi tend ainsi à consacrer dans la loi du 5 juillet 2000 la distinction entre l’accueil temporaire des populations nomades, qui doit rester de la responsabilité des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), et la gestion des grands passages, qui ne peut être assurée que par l’État sur des terrains que lui seul est en mesure de choisir et d’aménager. Il est en effet inéquitable que quelques communes ou intercommunalités choisies au sein de chaque département doivent assumer la charge d’investissement que représente la création d’une aire adaptée à une occupation temporaire par les grands passages et les contraintes liées à l’afflux de plusieurs dizaines de personnes et de véhicules. L’État doit à la fois se charger du choix de ses aires temporaires et de la gestion, d’une manière plus générale, des rassemblements que constituent ces grands passages, grâce à un régime de déclaration préalable obligatoire des organisateurs.

Par ailleurs, la disparition partielle ou totale du nomadisme de certains membres de la communauté du voyage au profit d’un ancrage territorial pose de nouvelles problématiques : il n’est pas possible de se satisfaire de la sédentarisation dans un habitat mobile et précaire. Il convient d’impliquer davantage l’État, afin qu’il prenne en compte la nécessité de trouver un logement permanent et adapté pour les gens du voyage qui le souhaitent.

Enfin, il convient, dans une logique de droits et de devoirs réciproques, de restaurer le plein effet de la procédure d’évacuation forcée d’un terrain public situé dans une commune répondant à ses obligations d’équipement en aires d’accueil.

Ainsi les grands passages représentent une évolution des modes de déplacement des gens du voyage que la loi doit aujourd’hui encadrer (I) comme la sédentarisation croissante représente un nouveau défi pour organiser l’habitat de ces membres de la communauté nationale (II).

I.– LES GRANDS PASSAGES, UNE ÉVOLUTION DES MODES DE DÉPLACEMENT DES GENS DU VOYAGE À APPRÉHENDER PAR LA LOI

La loi du 5 juillet 2000 a prévu une obligation, pour toutes les communes de plus de 5 000 habitants, de créer des aires permanentes d’accueil selon des implantations planifiées dans le cadre d’un schéma départemental élaboré sous la responsabilité du président du conseil général et du préfet de chaque département.

Cependant, elle n’a pris en compte que de façon partielle et progressive, à l’occasion des multiples modifications législatives intervenues depuis sa promulgation, la problématique des « grands passages ». Aujourd’hui, il importe de clarifier le droit applicable en consacrant la responsabilité première de l’État dans la gestion de ces manifestations.

A. UN PHÉNOMÈNE NOUVEAU EN FORTE CROISSANCE

Les rassemblements font partie intégrante du mode de vie nomade des gens du voyage ; cependant, ils ont connu une évolution marquée ces dernières années, justifiant la création d’un régime législatif adapté.

1. Les différents types de rassemblements des gens du voyage

Si les deux phénomènes sont liés, la problématique des « grands passages » est distincte de celle des « grands rassemblements ».

Les grands rassemblements des gens du voyage regroupent plusieurs dizaines de milliers de personnes, ce qui représente plusieurs milliers de caravanes. Si la loi les qualifie de « rassemblements traditionnels ou occasionnels », ces manifestations ont essentiellement un caractère cultuel.

Le grand rassemblement le plus ancien est celui des gens du voyage catholiques qui a lieu chaque année au mois de mai aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue.

Le développement du protestantisme dans la communauté des gens du voyage français a été à l’origine de la création de nouveaux grands rassemblements. Chaque année, un premier grand rassemblement protestant se tient à Nevoy (Loiret) au cours duquel sont formés les pasteurs. Un deuxième grand rassemblement se tient en août qui regroupe jusqu’à 40 000 personnes dans un lieu différent chaque année. Les terrains nécessaires à l’organisation de ces rassemblements couvrent une superficie supérieure à 100 hectares. En application de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000, l’État a la responsabilité des grands rassemblements, qui sont organisés en coordination avec les responsables des associations concernées.

Cette organisation est jugée « maîtrisée » par la Cour des comptes, malgré la persistance de quelques difficultés, liées essentiellement à la réduction des terrains disponibles, la gestion des arrivées, certains problèmes d’hygiène et de salubrité, et les questions liées à l’image des gens du voyage et aux relations avec les élus et les habitants permanents (5).

Les grands passages sont d’une nature très différente, même s’ils sont souvent en lien direct avec les grands rassemblements.

Comme a pu l’étudier la mission d’information présidée par votre rapporteur sous la précédente législature (6), ces grands passages organisés servent de préparation et de convergence vers les grands rassemblements de l’été. En 2009, ils représentaient 80 à 85 groupes de 200 caravanes environ, qui ont traversé sur une période de quatre mois (juin à septembre) entre 800 et 1 000 villes.

Mais la montée en puissance des grands passages n’est pas uniquement liée à ces pèlerinages religieux. Les déplacements sont aussi liés à des motivations commerciales, tel que les ventes sur les marchés, voire climatiques : « on observe que les parcours des "grands passages" recouvrent les déplacements de la population à l’occasion des congés estivaux, avec un fort tropisme pour les destinations balnéaires » (7). Pour des populations en voie de semi-sédentarisation, « la période des "grands passages" est celle où les gens du voyage ont l’impression de voyager selon leurs critères traditionnels, en ne stationnant pas dans des aires grillagées. » (8)

2. Les grands passages, une charge devenue difficile à supporter pour les collectivités territoriales

a) Un cadre juridique complexe

Le cadre juridique des grands passages est aujourd’hui peu étoffé, conduisant généralement élus, administrations et gens du voyage à gérer ces événements au cas par cas.

Dans sa version d’origine, la loi du 5 juillet 2000 ne définissait pas la notion d’aires de grands passages et ne traitait cette question qu’indirectement, le troisième alinéa du II de l’article premier précisant seulement que « le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements ».

La circulaire du 5 juillet 2001 (9) a mis fin à la confusion entre les deux phénomènes en précisant qu’il est « important de distinguer les "grands passages" qui ne dépassent pas généralement les 200 caravanes et qui ne sont connus que deux ou trois mois avant leur passage, des "rassemblements traditionnels et occasionnels" qui sont, eux, connus longtemps à l’avance et regroupent un nombre bien supérieur de caravanes ». C’est donc sur la base de cette circulaire que les schémas départementaux d’accueil ont inscrit les emplacements où devraient être installés les terrains de grand passage.

Depuis la loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement, les terrains de grand passage ont reçu une définition législative, puisque l’article 4 modifié de la loi du 5 juillet 2000 prévoit dorénavant que les terrains de grand passage sont « destinés à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels ».

b) Une mise en œuvre qui pose de nombreuses difficultés aux communes et intercommunalités

Afin de répondre aux besoins des gens du voyage, l’ensemble des schémas départementaux a donc pris en compte la problématique des grands passages en définissant les besoins spécifiques du département dans ce domaine et en désignant les emplacements des futurs terrains de grand passage.

En pratique, cela signifie que les communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) désignés pour réaliser une aire de grand passage à vocation départementale ont une obligation particulière, par rapport aux autres communes de même taille qui ne sont pas soumises à une telle obligation. Un tel mécanisme n’est pas très incitatif pour les communes qui ont été ainsi désignées.

De fait, on constate ainsi qu’existe une réelle dichotomie dans la mise en place de ces deux types d’aires : au 31 décembre 2010, seules 52 % des places prévues en aires d’accueil (21 540 places réparties entre 919 aires d’accueil) et 29,4 % des aires de grand passage (103 aires) avaient été réalisées. De la même manière, au 31 décembre 2011, 68 % des places prévues en aires d’accueil (28 246 places) et 35 % des aires de grand passage (123 aires) avaient fait l’objet d’une décision de subvention par l’État. Seuls 16 départements ont réalisé la totalité des aires de grand passage prévues par leur schéma (10).

C’est notamment pour répondre à cette situation que la loi du 13 juillet 2006 a décidé que l’État pourrait subventionner ces aires à 100 % et que la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a précisé que l’État pourrait désormais assurer la maîtrise d’ouvrage de la réalisation de ces aires. Cependant, depuis le 1er janvier 2009, l’État ne finance plus la réalisation des aires de stationnement par les communes et les EPCI n’ayant pas manifesté à cette date la volonté de se conformer à leurs obligations (11).

Au-delà de l’existence ou non de ces aires spécifiques, toutes les communes sont directement confrontées aux grands passages, lorsque des groupes importants stationnent sur un territoire, même en l’absence d’obligations.

Dans un certain nombre de cas, une réelle préparation, organisée plusieurs mois en avance, en collaboration avec les organisations et leurs représentants spécifiquement chargés des grands passages (12), les représentants de l’État et les élus locaux permettent de trouver un terrain et de mobiliser les acteurs concernés afin d’organiser les services nécessaires (eau, déchet, service d’ordre), comme le prévoient les circulaires du ministère de l’Intérieur (13). Dans ce cadre, les rassemblements d’un nombre important de personnes et de caravanes peuvent être gérables. Les demandes de passages sont faites bien en amont auprès des préfectures, des conseils généraux et des communes que les groupes souhaitent traverser. Les structures telles que l’« Action Grands Passages » de l’Association sociale nationale internationale tzigane (ASNIT) tentent de coordonner les différentes initiatives, de désigner des référents et d’éviter la constitution de groupes trop importants. Mais, d’après les représentants de l’ASNIT rencontrés par la mission d’information, le succès du dispositif est largement amoindri par le fait qu’une grande majorité de communes ne répondrait pas à ces demandes de passage ou les refuserait.

Cependant, si les groupes faisant preuve de bonne volonté pour que leur passage se déroule bien ne sont pas rares, ils sont les premiers à reconnaître que cela n’est pas toujours le cas. Il existe néanmoins de très nombreux groupes qui n’organisent absolument pas leurs déplacements ou qui ne respectent pas les engagements pris en termes de lieux ou de dates prévues.

Lorsque l’installation des gens du voyage relève du fait accompli, la commune doit alors mettre en œuvre la procédure d’évacuation des résidences mobiles des gens du voyage, en espérant que le préfet acceptera de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

Or, compte tenu de l’ambiguïté des dispositions législatives, confondant encore largement aires d’accueil et aires de grand passage, beaucoup de communes ne respectent pas leurs obligations en matière de grand passage et ne peuvent donc pas obtenir facilement l’évacuation des groupes stationnant illégalement.

B. LA NÉCESSITÉ DE PLANIFIER ET D’ENCADRER LES GRANDS PASSAGES

La mission d’information conduite par votre rapporteur a jugé que cette ambiguïté était préjudiciable à une organisation et un déroulement adéquats de ces grands passages. Aussi la présente proposition de loi consacre une distinction claire, qui s’est plus ou moins déjà introduite dans la pratique :

—  aux collectivités territoriales, il convient de proposer des solutions d’accueil aux gens du voyage, lorsqu’ils s’adonnent à un nomadisme individuel ou en petits groupes, les conduisant à se déplacer régulièrement ;

—  à l’État, il revient de superviser les grands rassemblements traditionnels ou religieux, ainsi que les grands passages, regroupement de plusieurs dizaines de caravanes en route pour ces rassemblements estivaux ou pour un événement d’ordre familial.

1. Une responsabilité qui doit être confiée à l’État

À l’issue de ses travaux, la mission d’information a considéré que la gestion actuelle des grands passages n’était pas satisfaisante : elle repose d’une part sur les communes et les intercommunalités qui sont chargées de créer des aires de grands passages et qui se retrouvent concrètement face à des arrivées de groupes sur leur territoire, et d’autre part sur l’État, qui ne peut se désintéresser de cette question pour des raisons d’ordre public, et cherche dès lors à encadrer ce phénomène, mais sans disposer d’outils juridiques adéquats (14).

Pour remédier à une situation qui ne peut être pérennisée, la présente proposition de loi organise ainsi la mise en œuvre de la proposition n° 10 du rapport d’information : « Transférer à l’État la compétence pour désigner les terrains de grand passage, maîtriser le foncier, procéder aux aménagements, prévoir et organiser l’occupation des terrains. »

a) Les communes et intercommunalités ne sont pas en mesure de gérer les équipements et services nécessaires à un grand passage

En effet, le dispositif pour choisir et aménager les terrains de grand passage ne fonctionne pas. Les collectivités désignées pour installer sur leur territoire un tel équipement ne sont pas du tout incitées à le faire : au-delà du coût de l’équipement, qui peut être pris en charge totalement ou partiellement par l’État et par le conseil général, l’installation d’un terrain de grand passage peut être objectivement source de difficultés, notamment pour une petite commune dont les équipements publics ne sont pas dimensionnés pour faire face à un tel afflux, même temporaire, de populations.

En disposant que « les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat est constitué de résidences mobiles », l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage n’a pas institué une nouvelle obligation envers les communes, mais mis en place un dispositif permettant à une compétence existante d’être mise en œuvre de façon effective.

En effet, ce texte a précisé l’obligation faite aux communes de prévoir des aires d’accueil pour les gens du voyage se déplaçant de manière individuelle ou en petits ensembles familiaux.

La problématique des « grands passages » est de nature différente : il ne s’agit plus d’accueillir quelques véhicules et caravanes, mais des groupes de plusieurs dizaines ou centaines de véhicules, en cours de regroupement dans le cadre d’un rassemblement traditionnel ou occasionnel.

La prise en charge de ces événements ne peut reposer sur la seule commune, ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) exerçant la compétence d’accueil des gens du voyage, sur le territoire desquels ces groupes font halte ; la prise en charge d’un afflux temporaire et imprévu de population est souvent disproportionnée par rapport à leurs moyens financiers et humains. La Cour des comptes l’a reconnu clairement : « L’implantation des aires de grand passage sur leur territoire suscite une réticence particulièrement forte des collectivités. Le nombre d’aires de grand passage prévues par département étant plus limité que celui des aires d’accueil, l’effort demandé aux collectivités est moins bien réparti. Ces dernières sont en conséquence peu enclines à accepter la localisation sur leur territoire d’une aire de grand passage destinée à l’ensemble du département. L’afflux d’un grand nombre de caravanes sur une courte durée qu’entraîne l’existence d’une aire de grand passage est également plus difficile à faire accepter à la population locale » (15). L’imposition d’une sujétion sur certaines communes est d’autant moins acceptable par les populations que cela revient à faire peser sur un même territoire l’ensemble des contraintes liées aux grands passages.

En application de l’article 3 de la loi du 5 juillet 2000, le préfet pourrait mettre en œuvre un pouvoir de substitution depuis l’expiration du délai laissé aux communes pour respecter leurs obligations le 1er janvier 2009. Dans les faits, la Cour des comptes a constaté que ce pouvoir de substitution n’avait jamais été mis en œuvre, faute de définition de ses modalités pratiques : les préfectures ne disposent pas des moyens humains et financiers nécessaires, et les permis de construire nécessaires restent délivrés par les maires concernés (16). La révision des schémas départementaux engagée depuis 2010 ne semble pas avoir modifié cette situation.

b) La logique d’un regroupement entre les mains de l’État des compétences d’organisation et de gestion des grands passages

Comme le rappelait le rapport de la mission d’information, « on peut douter que le cadre communal ou intercommunal soit le mieux adapté à la gestion d’un phénomène de l’ampleur des grands passages » (17) ; dans ce cadre, « la question des terrains de grand passage pose d’abord un problème d’ordre public. Dans ces conditions, seul l’État a la légitimité et les moyens de réglementer ce phénomène » (18).

Chargé d’une réflexion globale par le Premier ministre, M. le sénateur et président de la commission nationale consultative des gens du voyage Pierre Hérisson a défendu la même conclusion sur la nécessaire implication de l’État : « l’État doit clairement prendre en charge la problématique des aires de grands passages afin d’offrir un cadre cohérent et de nature à répondre aux besoins liés à l’itinérance des gens du voyage et dépasser les réticences locales, encore trop souvent observées » (19).

La présente proposition de loi préconise ainsi d’inscrire dans la loi du 5 juillet 2000 la distinction entre organisation de l’accueil en aire permanente, relevant des collectivités territoriales, et organisation des grands passages, relevant de l’État. L’article 2 de la présente proposition clarifie ainsi le statut juridique des aires de grand passage, en précisant les responsabilités des différents acteurs, et en particulier celles de l’État.

Tout d’abord, la présente proposition de loi définit l’aire ou terrain de grand passage comme étant « destiné à l’accueil non permanent de gens du voyage, lors de rassemblements traditionnels ou occasionnels ». Elle offre ainsi une distinction nette entre l’offre d’emplacements destinés à une utilisation continue, relevant des aires d’accueil, et celle de terrains destinés à des rassemblements temporaires et exceptionnels, même s’ils peuvent être répétitifs d’année en année.

Elle réaffirme que la planification de l’implantation de ces aires de grand passage doit s’inscrire dans les schémas départementaux. Il convient de prendre en compte cette réalité, afin d’organiser leur mise en place, au vu des besoins recensés sur chaque territoire. Ainsi, comme le propose M. Hérisson, « la superficie nécessaire aux grands passages commande que ces aires se situent en milieu rural, à l’écart des centres urbains. Il peut paraître souhaitable, afin d’assurer une certaine souplesse dans le choix des implantations et une capacité d’accueil optimale dans chaque département, que la construction d’une aire de grand passage par arrondissement dans les départements soit envisagée » (20).

Enfin, elle affirme la triple responsabilité de l’État dans l’organisation de ces grands passages :

—  l’État doit prendre la responsabilité du choix des terrains destinés à accueillir les groupes de gens du voyage : à cette fin, il doit en priorité se tourner vers les possibilités existant sur son domaine.

En effet, ces aires devant faire l’objet d’une utilisation épisodique, il est tout à fait envisageable de mutualiser leur utilisation avec d’autres usages, comme des utilisations militaires ou récréatives. Par ailleurs, les contraintes liées à la protection des zones naturelles pourraient être adaptées, au vu du faible impact d’une utilisation quelques semaines par an.

Il est souhaitable de pouvoir davantage utiliser les terrains situés en zone naturelle. Les restrictions liées à la sécurité des personnes, à la salubrité publique et à la protection de l’environnement sont légitimes, mais ne doivent pas être absolues. L’absence de terrain de grand passage en Savoie s’explique ainsi notamment par le classement en zone d’aléa moyen (crue lente) dans le plan de prévention des risques inondation des terrains susceptibles d’être utilisés (21).

Cette solution aurait aussi l’avantage de permettre une rotation des emplacements désignés chaque année, permettant de ne pas faire porter ses contraintes sur un seul territoire et de favoriser l’acceptation des grands passages par les populations résidentes.

—  L’État doit assumer la charge de l’aménagement de ces aires : seul l’État dispose des réserves foncières et des moyens de réaliser des aires de grand passage, dont l’aménagement n’a pas à être calqué sur celui nécessaire dans les aires d’accueil.

En effet, une réflexion doit être menée sur leur aménagement. Les besoins diffèrent très sensiblement des besoins exprimés pour les aires permanentes d’accueil, lesquelles sont destinées à l’habitat et non au simple passage. Il apparaît inutile et surdimensionné de prévoir des équipements nécessaires à une occupation continue. Ainsi, dans l’esprit de M. Pierre Hérisson, « l’équipement doit être sommaire : il comporte une alimentation permanente en eau ainsi qu’un dispositif de collecte du contenu des déchets. Un dispositif de ramassage des ordures ménagères doit pouvoir être mobilisé dès l’arrivée du groupe. L’alimentation électrique doit être réglée, localement, entre les gens du voyage et les fournisseurs d’électricité » (22) .

—  l’État doit s’impliquer dans l’organisation et le bon déroulement de ces grands passages : la problématique d’accueil, de fourniture d’emplacements et de services, dans une logique de politique de l’habitat, n’est pas comparable à celle des grands passages, dont les problèmes qu’ils posent se rapprochent plus de ceux des grands événements sportifs ou culturels. Il serait ainsi logique d’inscrire dans la loi le principe que l’État est garant de l’organisation et du bon déroulement des grands passages, alors que les préfectures sont d’ores et déjà mobilisées, mais uniquement sur le fondement de circulaires annuelles (23).

Le choix de confier la supervision d’un événement privé à l’État n’est en soit pas une innovation dérogeant à des dispositions déjà existantes. Lorsqu’un événement dépasse le cadre et les moyens d’une commune, il est naturel que l’État assume la charge de le gérer.

C’est traditionnellement le cas pour les grands rassemblements, pour lesquels en application de l’article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales, dans les communes où la police est étatisée, « l’État a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes ».

C’est désormais aussi la solution qui a été retenue pour les « rassemblements festifs à caractère musical » autrement appelés rave parties, pour lequel la supervision et le contrôle de l’organisation reposent sur les préfets et les moyens de l’État, en application des dispositions codifiées aux articles L. 211-5 à L. 211-8 du code de la sécurité intérieure.

Pour tous ces événements, ce n’est pas le maire mais le représentant de l’État qui exerce donc les pouvoirs de police administrative et de garant de la sécurité publique. Quel que soit le propriétaire du terrain, le préfet ou le sous-préfet doit coordonner la mise en œuvre des moyens matériels et humains nécessaires au respect de l’ordre public. En matière de sécurité des installations par exemple, il doit s’assurer que les normes applicables à l’accueil du public ont été respectées, c’est-à-dire que l’avis préalable de la commission de sécurité a bien été suivi. Il doit veiller également à ce que le terrain envisagé par les organisateurs de ces rassemblements ne présente pas de caractéristiques susceptibles de provoquer ou de faciliter des troubles à l’ordre public ou de mettre en cause la sécurité des personnes.

2. Une organisation qui doit pouvoir être planifiée par un régime de déclaration préalable

La législation sur les grands passages doit reposer, comme l’ensemble de la législation relative aux gens du voyage, sur une approche équilibrée entre droits et obligations.

Si l’État se voit confier la mission de trouver des terrains adaptés, afin de permettre aux gens du voyage de pouvoir se déplacer en groupes importants au cours de l’été, il est normal que celui-ci exige, en retour, d’avoir connaissance en amont de ces déplacements.

a) La nécessité d’une déclaration préalable

Si la liberté d’aller et de venir est un principe constitutionnellement garanti, tel est également le cas de la préservation de l’ordre public et du droit de propriété, pourtant remis en cause par la pratique du fait accompli privilégiée par certains groupes de gens du voyage.

C’est pourquoi la mission d’information a souhaité que les grands passages soient soumis à une réglementation spécifique, sur le modèle du droit de manifestation ou de la réglementation applicable aux « rassemblements festifs à caractère musical » autrement appelés rave parties, pour lesquels la supervision et le contrôle de l’organisation reposent sur les préfets et les moyens de l’État, en application des dispositions codifiées aux articles L. 211-5 à L. 211-8 du code de la sécurité intérieure.

En effet, compte tenu de l’impact sur l’ordre public de l’arrivée en un lieu de plusieurs centaines de véhicules et de caravanes, la prise en charge par l’État d’un grand passage devrait être conditionnée à une déclaration préalable. Dans les faits, un certain nombre de grands passages font l’objet de déclaration et d’organisation en amont : de leur existence dépend largement le bon déroulement de ce passage.

La proposition d’obligation de déclaration préalable, initiée par le sénateur Pierre Hérisson (24), serait applicable à :

—  un groupe constitué de 50 à 200 caravanes ;

—  un déplacement ayant une motivation cultuelle, culturelle ou économique ;

—  une durée de passage n’excédant pas 15 jours ;

—  une installation nécessitant la mise à disposition d’un terrain d’au moins 4 hectares.

b) Le contenu de la déclaration préalable

Dans ce cadre, l’obligation de déclaration préalable s’articulerait dans un dispositif comprenant :

—  une déclaration auprès du préfet du département dans lequel le passage est envisagé, deux mois au plus tard avant le début de ce passage ;

—  la désignation d’un responsable ;

—  la possibilité pour le préfet de prescrire des mesures complémentaires à celles déclarées par le pétitionnaire ;

—  la possibilité pour le préfet d’interdire le passage en cas de troubles graves à l’ordre public ;

—  un état des lieux contradictoire à l’entrée et à la sortie en présence du déclarant en préfecture ;

—  le paiement intégral par le déclarant des frais générés (consommation d’eau, ramassage des ordures ménagères, nettoyage terrain…) avec, le cas échéant, consignation d’une partie de l’estimation des coûts.

C’est pourquoi l’article 3 de la présente proposition de loi prévoit d’instaurer un régime déclaratif comprenant :

—  une déclaration préalable en préfecture des départements que le convoi envisage de traverser ;

—  la désignation d’un responsable du groupe.

Si la rédaction proposée ne détermine pas de critères définissant un grand passage, notamment en termes de nombre de véhicules et de caravanes concernés, cela permettra aux autorités concernées de préciser ses détails, par décret en Conseil d’État (25) ou par circulaire, et de les adapter, si nécessaire, à l’évolution des modes de vie et des pratiques des gens du voyage.

c) L’effet sur le dialogue et la médiation entre gens du voyage et autorités locales

Par ailleurs, l’existence d’un référent permettra de développer les pratiques locales de médiation. Souvent les collectivités et les préfectures privilégient les solutions amiables avec les gens du voyage, lorsqu’aucune nuisance n’est constatée sur le terrain ou que la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée est particulièrement délicate. Le départ volontaire des occupants illicites d’un terrain par la voie de la négociation constitue l’objectif privilégié.

L’organisation d’une évacuation forcée nécessite en effet un renfort de policiers ou de gendarmes. Lorsque le stationnement illicite est le fait d’un grand passage, la mise en œuvre de la procédure d’évacuation suppose une mobilisation de moyens particulièrement importants et se révèle souvent impraticable. C’est ainsi que certains représentants d’associations de gens du voyage ont reconnu que le développement des grands passages s’expliquait en partie par ce rapport de force plus favorable que permet le nombre (26).

L’identification d’un interlocuteur permettra ainsi de résoudre plus facilement les tensions et d’éviter que le fait de se déplacer en groupe aboutisse à un sentiment d’impunité. Comme le remarque la Cour des comptes, « la mise en place de dispositifs de médiation ne permet pas de résoudre l’ensemble des difficultés rencontrées, mais son impact est jugé probant dans certains départements. En facilitant le dialogue entre les gens du voyage et l’ensemble des autorités concernées, il permet une gestion en amont des stationnements illicites et une meilleure anticipation des conflits potentiels avec les communes » (27).

d) Les conséquences d’une absence de déclaration préalable

Dans le cadre de ce régime distinct, à la demande du maire ou du propriétaire du terrain, le préfet pourra directement faire application du régime de mise en demeure de quitter les lieux et d’évacuation forcée à l’encontre des participants à un grand passage non déclaré, dans les conditions fixées par l’article 9 de la loi.

En effet, dans le cadre légal existant, une commune ou un EPCI ayant réalisé une aire d’accueil, mais ne disposant pas d’un terrain pouvant faire office d’aire de grand passage pourrait demander l’évacuation des résidences mobiles. Comme l’a constaté la mission d’information (28), il est fréquent que des préfets refusent d’accéder à une demande de mise en demeure faite par un maire dont la commune respecte ses obligations en matière de création d’une aire permanente d’accueil, mais qui n’a pas réalisé un terrain de grand passage prescrit par le schéma départemental. S’agissant d’une occupation ne respectant pas les obligations de déclaration préalable, il serait même probablement utile de permettre une évacuation immédiate, sans attendre le délai de 48 heures prévu par la loi du 5 mars 2007.

C’est pourquoi, une fois la question des grands passages dissociée de celles des aires permanentes d’accueil, la mise en œuvre de la procédure d’évacuation n’aurait plus à être soumise au respect par la commune d’obligations d’accueil d’un nombre disproportionné de plusieurs dizaines de caravanes.

II.– L’ÉVOLUTION VERS LA SÉDENTARISATION, UN NOUVEAU DÉFI POUR ORGANISER L’HABITAT DES GENS DU VOYAGE

La loi du 5 juillet 2000 s’est fondée sur une réalité sociologique aujourd’hui datée. Dans les faits, s’est développé un mouvement de fond vers la sédentarisation ou « l’ancrage territorial » : mieux intégrés, mieux accueillis, les gens du voyage ont tendance à moins se déplacer et ainsi à rester, pour des périodes plus ou moins longues, dans des aires ou sur des terrains extérieurs qui n’ont pas été prévus pour cela. Si la vie nomade exige un habitat mobile, le maintien en caravane ou la « cabanisation » observés fréquemment ne constituent pas des modes d’habitat fixe dignes et acceptables.

Il apparaît aussi important que l’habitat des personnes en voie de sédentarisation soit réellement pris en compte dans la loi. Dans le même temps, il est aussi crucial que le dispositif d’évacuation forcée, contrepartie de l’accueil, retrouve toute sa portée.

A. LE DÉVELOPPEMENT D’UNE SÉDENTARISATION PROGRESSIVE, UN PHÉNOMÈNE À ACCOMPAGNER PAR DES POLITIQUES ADAPTÉES

1. Des besoins de sédentarisation croissants

Les observateurs partagent le constat d’une tendance croissante des gens du voyage à la sédentarisation, ou du moins au développement d’un ancrage territorial. Si une partie des gens du voyage continue de mener un mode de vie itinérant tout au long de l’année, ceux-ci sont aujourd’hui minoritaires, même chez les gens du voyage résidant encore en caravane.

Selon la Cour des comptes, s’appuyant sur une étude de la Fondation Abbé Pierre réalisée en partenariat avec les ministères concernés, « pour les 30 départements ayant chiffré le nombre de personnes concernées dans le cadre des schémas départementaux initiaux, 5 300 familles étaient en situation ou en demande d’ancrage territorial, les besoins les plus importants concernant l’Île-de-France. Selon les acteurs associatifs, la proportion de la population des gens du voyage en demande d’ancrage territorial peut atteindre 60 à 70 % dans les zones urbaines denses (Île-de-France et région lyonnaise notamment) » (29).

Les gens du voyage se sédentarisent tout d’abord sur des terrains qu’ils ont achetés ou loués, et dont l’utilisation n’est pas toujours conforme aux règles de l’urbanisme.

L’ancrage territorial peut également être le fait de ménages en situation d’errance contrainte ou d’occupation foncière sans droit ni titre. Ainsi, « en Charente-Maritime, sur plusieurs sites collectifs non ou peu aménagés et généralement propriété publique, des familles vivent dans des conditions d’habitat pouvant être qualifiées d’indécentes ou d’indignes, souvent depuis plusieurs années » (30).

Par ailleurs, au phénomène de sédentarisation sur des terrains privés ou publics s’ajoute un ancrage territorial croissant sur les aires d’accueil, où les durées de séjour s’allongent. Selon les données fournies par la caisse nationale des allocations familiales citées par la Cour des comptes, 20 % des ménages étaient présents sur une aire d’accueil depuis plus de six mois (31). Les Pyrénées-Atlantiques ont pour caractéristique singulière d’accueillir quasi-exclusivement des séjours longs (91,8 %), les aires étant désormais occupées par des populations sédentaires. Sur les 60 aires gérées par Adoma (32) depuis 2002, près de la moitié assure l’accueil de familles qui ne se déplacent plus ou peu.

De ces durées de séjour longues résultent plusieurs difficultés :

—  l’occupation d’une aire par le ou les mêmes groupes familiaux tout au long de l’année empêche la rotation des usagers, et surtout ne permet plus d’accueillir les gens du voyage qui ont conservé un mode de vie itinérant, alors que telle est la vocation des aires d’accueil ;

—  les aires d’accueil ont été conçues pour accueillir des séjours courts et sont donc mal adaptées à un usage continu : le confort y est souvent minimal et l’installation d’équipements électroménagers pas toujours possible.

Les gestionnaires de ces aires ont fait des choix parfois différents : favoriser la sédentarisation ou au contraire limiter la durée de séjour, voire réserver des places pour les « nomades » et pour les « sédentaires ». Au total, on peut estimer que « si une partie importante de la population des gens du voyage reste fortement itinérante (vraisemblablement 25 à 50 % selon les territoires), l’ancrage territorial s’est développé de manière significative. Il pourrait concerner au moins le quart de cette population et sensiblement plus dans certaines zones urbaines » (33).

En l’état, ces solutions ne permettent pas de répondre à la demande de plus en plus marquée d’ancrage territorial d’une partie de la population des gens du voyage. Elles peuvent nuire à la cohérence de la politique d’accueil et d’habitat des gens du voyage.

2. Une offre insuffisante d’habitat adapté

Le schéma départemental d’accueil des gens du voyage et le plan départemental d’actions pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) doivent, en principe, identifier les besoins des gens du voyage en matière d’habitat adapté et définir des objectifs de réalisation quantifiés et territorialisés.

Conséquence de la place limitée accordée à l’habitat adapté par la loi du 5 juillet 2000, les schémas départementaux sont souvent restés allusifs en matière d’habitat et de sédentarisation, même si certains schémas ont prévu la réalisation de terrains familiaux.

Par ailleurs, les besoins d’habitat des familles défavorisées des gens du voyage ne sont pas systématiquement pris en compte dans les plans départementaux. L’absence d’intégration de ces besoins dans les politiques du logement de droit commun crée des difficultés qui se renforcent, lorsque les communes ont transféré leur compétence en matière d’accueil des gens du voyage à l’EPCI et tendent alors à considérer que tout ce qui est relatif aux gens du voyage ne relève pas de leurs compétences propres. Il peut alors arriver que ces besoins ne soient pas pris en compte spécifiquement dans les documents locaux d’urbanisme (Programme local d’habitat).

La loi du 5 juillet 2000 donne aux collectivités territoriales la possibilité de répondre aux besoins d’ancrage des gens du voyage grâce à plusieurs outils réglementaires et financiers. L’offre d’habitat prend des formes diverses :

—  des terrains familiaux locatifs ou en pleine propriété, habitat mixte combinant des équipements sanitaires en dur et la présence de caravanes : selon la Cour des comptes, « sur la période 2004-2011, 733 places en terrains familiaux ont été financées et 498 sont mises en service, pour un total de 7,8 millions d’euros » (34) ;

—  des opérations de résorption de l’habitat insalubre destinées aux gens du voyage, plus ponctuelles ;

—  des projets d’habitat adapté, réalisés dans le cadre de maîtrise d’œuvre urbaine et sociale, mais qui restent relativement rares : « de 2007 à 2010, le montant des crédits consacrés au financement des maîtrises d’œuvre urbaine et sociale dédiées aux gens du voyage s’élève à 2 065 993 €, dont près de la moitié a été financée en 2010. »

3. Des situations précaires de sédentarisation sur des terrains non adaptés

Ainsi, dans les faits, certains gens du voyage sédentarisés se sont installés sur des terrains en zones non constructibles (zones agricoles et naturelles). Dès lors, beaucoup de familles sont confrontées à un refus de raccordement aux réseaux d’eau et d’électricité lorsque leur terrain est en zone inconstructible. Si le Conseil d’État a jugé illégal le refus général d’un syndicat intercommunal de tout branchement en zone inconstructible (35) , l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme permet au maire de s’opposer au branchement définitif aux réseaux d’eau, d’électricité, de gaz ou de téléphone d’une construction ou installation réalisée en méconnaissance des règles d’urbanisme, et la jurisprudence du juge administratif lui permet de limiter les branchements présentés comme provisoires (36).

Par ailleurs, l’installation d’une caravane sur un terrain privé est réglementée par le droit de l’urbanisme. Si cette installation dure plus de trois mois consécutifs, elle doit être précédée d’une autorisation préalable (article R. 421-23 du code de l’urbanisme).

Certaines collectivités ont régularisé le régime applicable à ces terrains notamment à l’occasion du passage des plans d’occupation des sols (POS) aux plans locaux d’urbanisme (PLU). Au contraire, d’autres demandent la destruction des constructions illégales et empêchent le stationnement des caravanes sur ces terrains. Les ménages concernés sont, en conséquence, soumis à d’importantes inégalités de traitement sur le territoire.

L’article 8 de la loi du 5 juillet 2000 avait expressément inscrit cette obligation. L’article L. 121-10 du code de l’urbanisme prévoyait en effet que « les documents d’urbanisme déterminent les conditions permettant […] de prévoir suffisamment d’espaces constructibles pour les activités économiques et d’intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat, y compris ceux des gens du voyage ».

Cette mention expresse de l’habitat des gens du voyage a disparu du code de l’urbanisme, dès la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains du 13 décembre 2000. Toutefois, cette préoccupation continue de figurer, mais seulement implicitement, à l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme qui impose à tous les documents d’urbanisme de déterminer « les conditions permettant d’assurer : […] la diversité des fonctions urbaines et la mixité dans l’habitat urbain et dans l’habitat rural […] pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs, en matière d’habitat ».

4. Le devoir de prise en compte du relogement des personnes en cours de sédentarisation

Ainsi, dans de nombreux cas, cette sédentarisation se fait dans des structures inadaptées, que ce soit des aires destinées au court séjour ou des terrains souvent situés en zone non constructible.

Si certaines communes ont pris à bras le corps ce problème, en menant des opérations d’habitat adapté, les difficultés liées à une crise générale du logement et un manque de disponibilités ne leur permettent pas toujours de concentrer des moyens sur ces populations spécifiques.

Afin de prendre en compte ce problème, le présent texte propose d’obliger l’État à proposer une solution de relogement adaptée aux personnes qui se sont sédentarisées de fait sur des terrains inadaptés, que ce soit des aires d’accueil ou des terrains inaptes à l’habitat, pour une durée supérieure à dix-huit mois.

Ces dispositions peuvent se rapprocher de celle de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, qui a reconnu le droit à un logement décent et indépendant à toute personne n’étant pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir.

Ce droit doit être garanti par l’État, qui est désormais soumis à une obligation de résultat et non plus seulement de moyens. Les gens du voyage, dont le mode de vie évolue, n’ont pas été pris en compte dans cette problématique et sont ainsi contraints de stationner dans des structures inadaptées à un séjour de longue durée, alors que ces aires ont été pensées pour un mode vie itinérant, désormais en régression.

B. LA NÉCESSITÉ DE RESTAURER LES CONDITIONS SPÉCIFIQUES DE MISE EN ŒUVRE DE LA PROCÉDURE D’ÉVACUATION FORCÉE DES TERRAINS PUBLICS

1. La contrepartie de l’accueil par les communes : l’existence d’un régime spécifique d’évacuation forcée

En contrepartie de l’obligation de création d’aires d’accueil, la loi du 5 juillet 2000 pose comme principe que les collectivités locales qui ont satisfait leurs obligations légales d’aménagement d’aires d’accueil bénéficient de moyens renforcés de lutte contre les stationnements illicites.

Les gens du voyage ont en effet le devoir de résider sur les aires d’accueil existantes et encourent le risque d’une évacuation forcée s’ils choisissent un stationnement illicite.

a) Un régime de police administrative simplifié

Ce régime a connu une simplification et une accélération de la procédure administrative par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

Le préfet peut dorénavant mettre en demeure les gens du voyage concernés de cesser leur occupation illicite d’un terrain, à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain et ce, sans recours préalable au juge judiciaire. Le délai d’exécution de la mise en demeure ne peut être inférieur à 24 heures. Comme pour la procédure instituée en 2000, la mise en œuvre de ce dispositif d’évacuation administrative suppose que plusieurs conditions soient réunies : la commune concernée doit avoir rempli ses obligations au titre du schéma départemental ou ne pas être soumise à de telles obligations et le stationnement illicite doit être de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques.

À l’issue du délai fixé dans l’arrêté de mise en demeure, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf en cas de recours contre la mise en demeure devant le tribunal administratif. Le recours a, en effet, un caractère suspensif, le tribunal administratif devant se prononcer dans les 72 heures suivant la saisine.

À l’occasion de l’examen de ses dispositions par le Conseil constitutionnel dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil a estimé que « compte tenu de l’ensemble des conditions et des garanties qu’il a fixées et eu égard à l’objectif qu’il s’est assigné, le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés » (37).

b) Une mise en œuvre limitée

Ainsi, selon la Cour des comptes, « le nombre de mises en demeure ou d’évacuation prononcée est relativement important : 808 mises en demeure ont ainsi été prononcées en 2008 et 2009 dans les 77 départements qui ont répondu à l’enquête conduite par le ministère de l’Intérieur. En 2010, 424 mises en demeure ont été prononcées, au sein des seuls 14 départements ayant répondu à l’enquête. Le faible taux de réponse des préfectures en 2010 ne permet, toutefois, pas de savoir si une hausse sensible du nombre de mises en demeure est constatée au niveau national : en effet, les 14 départements ayant répondu en 2010 sont ceux qui avaient fait l’usage le plus important de la mise en demeure en 2009 » (38).

Cependant, l’efficacité du dispositif juridique mis en place pour lutter contre les stationnements illicites est toutefois relative et les chiffres établis restent trop parcellaires : la Cour des comptes évalue à 47, soit 5,5 % du total des mises en demeure, le nombre des exécutions forcées en 2008 et 2009, mais « en 2010, le nombre d’évacuations forcées exécutées a fortement augmenté (113), alors qu’il ne concerne que les 14 départements ayant répondu mais enregistre une baisse importante en 2011 (33 évacuations forcées exécutées) » (39).

Parfois, l’engagement de la procédure est suffisant : la mise en demeure suffit à provoquer le départ des gens du voyage.

Mais il convient de rappeler que le bénéfice de cette procédure n’est ouvert qu’au profit des communes ayant réalisé les aires d’accueil prescrites par le schéma départemental. De même, en cas de transfert de compétence des communes au profit d’un EPCI, aucune commune membre ne peut prendre un arrêté d’interdiction de stationner en dehors des aires d’accueil sur son territoire, si l’EPCI n’a pas satisfait à l’ensemble de ces obligations. Cette situation suscite l’incompréhension de la part des communes membres de l’EPCI sur le territoire desquelles une aire d’accueil a été implantée.

2. La nécessité de restaurer le régime spécifique protégeant les terrains publics d’une occupation illicite

La rédaction initiale de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 avait prévu que pour demander l’évacuation d’un terrain appartenant à la commune, la condition d’atteinte à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques n’était pas requise. Elle ne l’était que lorsque le maire saisissait la justice pour une occupation d’un terrain appartenant à un autre propriétaire, c’est-à-dire, le plus généralement, un propriétaire privé.

Cependant, le II de l’article 9 a été réécrit par l’article 27 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, afin notamment d’appliquer à l’évacuation forcée des gens du voyage un régime de police administrative. Or cette nouvelle rédaction ne prévoit plus l’exception à la condition de trouble à l’ordre public pour les terrains communaux.

En conséquence, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi d’un recours présenté au nom d’un groupe constitué d’une dizaine de caravanes de gens du voyage s’étant installées sur un parc de stationnement public, alors que la communauté d’agglomération de Bourg-en-Bresse disposait de places disponibles au sein d’une aire de grand passage, a annulé le 6 juillet 2012 l’arrêté préfectoral, en considérant que la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques n’étaient pas compromises par cette installation irrégulière.

Dans une situation similaire, le juge administratif avait précédemment retenu, eu égard à cette notion d’atteinte à l’ordre public, qu’en l’absence de tout équipement sanitaire et des difficultés éventuelles d’accès pour des véhicules de secours, le stationnement en grand nombre de caravanes sur un terrain relativement proche d’immeubles d’habitation était susceptible de présenter des risques pour la sécurité et la salubrité publiques (40).

L’article 6 de la présente proposition de loi prévoit ainsi de revenir sur cette rédaction malheureuse, en ne maintenant la condition d’atteinte à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques que dans les cas où la demande d’évacuation forcée concerne l’occupation irrégulière d’une propriété privée. Cette condition ne sera plus exigée lorsque la demande concernera une propriété appartenant à la commune, mais aussi à l’État ou à une autre personne publique.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa séance du mercredi 28 novembre 2012, la Commission examine, sur le rapport de M. Didier Quentin, la proposition de loi visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en oeuvre de la procédure d’évacuation forcée (n° 330).

Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale s’engage.

M. Jacques Bompard. En tant que maire d’une commune située sur le trajet de certains grands passages, j’ai parfaitement reconnu les problèmes décrits par le rapporteur. Du fait de leur importance numérique, les populations qui se déplacent ainsi ont souvent une inclination à se sentir au-dessus des lois. Et dans le même temps les élus locaux ont souvent l’impression que l’État les oublie. La sédentarisation se développe fréquemment au mépris de la règlementation et il est souvent difficile de faire respecter celle-ci faute de sanctions effectivement prononcées. D’où un sentiment d’inégalité devant la loi ressenti par les autres parties de la population. Je me félicite donc de cette proposition de loi, que je soutiens vivement.

Mme Élisabeth Pochon. Visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée, cette proposition de loi s’inspire certes d’un rapport d’information de la commission des Lois adopté à l’unanimité, mais de façon restrictive dans la mesure où elle ne retient qu’une petite partie de la quinzaine de suggestions de ce rapport. Les mesures qu’elle contient sont en outre plutôt coercitives.

La loi Besson établissait un équilibre entre les obligations des collectivités locales et la communauté des gens du voyage.

La proposition de loi occulte plusieurs points essentiels, relatifs à l’insertion économique et sociale des populations concernées, à la scolarisation de leurs enfants, à leurs droits civiques. C’est un texte incomplet et déséquilibré, notamment en matière d’évacuation forcée, dont on déconnecterait la procédure de toute référence à une exigence d’ordre public. Une bonne partie du travail reste donc à faire.

M. Guy Geoffroy. S’il est un sujet qui prouve que des élus locaux expérimentés, parce qu’ils ont exercé des responsabilités exécutives, peuvent contribuer à un examen intelligent des textes législatifs, c’est bien celui-là. Les élus locaux ici présents vivent concrètement les situations dont nous parlons, et ils savent bien que l’on ne décrète pas les solutions sur la base de réflexions théoriques, mais qu’on les construit à partir d’une expérience pratique.

Je regrette que la majorité joue « petit bras ». Cette proposition de loi, qui est très pragmatique, mérite beaucoup mieux qu’un vote négatif de notre Commission. Je me sens en droit de le dire parce que j’ai une longue expérience des questions liées à l’accueil des gens du voyage et que, dans l’agglomération dont je suis l’élu, un travail conjoint des communes et de l’État a permis d’aller exactement dans le sens que préconise cette proposition de loi et ce, avec succès.

Dans le cadre de la solidarité intercommunale, nous avons accepté de doubler le volume de places en aire d’accueil ordinaire des gens du voyage et l’État, avec l’accord des communes et sous l’égide de l’intercommunalité, a accepté de prendre à sa charge la réalisation d’un terrain de grand passage dont il assure, avec un partenaire associatif, la gestion et la maîtrise. Cela nous permet de prendre des mesures face à toutes les tentatives d’installations intempestives de caravanes sur des terrains publics ou privés, en dehors des zones déjà délimitées. Si nous pouvons le faire, c’est parce que nous avons appliqué la loi Besson et que l’État, qui sait que les collectivités travaillent en partenariat avec lui, assume ses responsabilités.

Dans le même esprit, cette proposition de loi tend à ce que l’on fasse un pas supplémentaire pour protéger les collectivités, qui assument leur responsabilité légale, d’arrivées intempestives qui perturbent considérablement le climat entre les habitants sédentaires et les personnes non sédentaires – qui sont des citoyens français, comme ils ne manquent jamais de nous le rappeler – qui se déplacent sur nos territoires.

Il faut donc adopter cette proposition, quand bien même il serait nécessaire de la compléter par d’autres textes. Ne pas la voter constituerait un signal bien négatif pour tous les élus locaux qui s’interrogent et qui aspirent à être accompagnés, notamment par l’État, lorsqu’ils rencontrent des difficultés.

Je terminerai sur deux questions. La première est relative au droit à la scolarisation des enfants du voyage dans le cadre des grands déplacements. Quand le maire d’une commune de 300 habitants voit arriver 300 caravanes et que les associations qui accompagnent cette installation sauvage revendiquent un tel droit, il est impossible de l’appliquer. Je n’ai pas de solution à vous proposer, mais je pense que nous devrions renforcer notre dispositif sur ce point précis.

La seconde question est relative au lien qu’il convient d’établir entre le respect de la loi Besson par les collectivités et les nuisances que celles-ci subissent lorsque des grands rassemblements ont lieu de manière anarchique sur leur territoire. Il faut pouvoir écrire qu’à partir du moment où une collectivité a respecté la loi et a installé une aire d’accueil ordinaire sur son territoire, elle doit, à ce titre, être protégée de tout autre type d’implantation non réglementaire – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. À défaut, vous vous heurterez à un problème d’acceptabilité de la part des populations. Dans ma commune et dans mon agglomération, tout le monde a accepté les efforts que nous avons faits, parce qu’ils ont permis aux populations sédentaires et aux gens du voyage de vivre en bonne intelligence.

Mes chers collègues de la majorité, le pas que nous vous proposons de faire est peut-être insuffisant, mais il est utile. Franchissons-le ensemble, et le jour où vous nous proposerez des améliorations, nous serons à vos côtés. La pire des choses serait de montrer que la représentation nationale n’est pas solidaire dans un domaine qui touche au bien vivre et à la sécurité de nos concitoyens.

M. Dominique Raimbourg. Monsieur le rapporteur, nous avions travaillé ensemble dans le cadre de la mission d’information avec beaucoup de plaisir. J’avais particulièrement apprécié votre courtoisie, ainsi que celle de M. de la Verpillière. Nous avions débouché sur un accord qui tournait autour de trois thèmes : l’égalité devant la loi, le respect de la loi et l’adaptation de notre législation aux modifications des modes de vie des gens du voyage. Or, comme Mme Pochon l’a rappelé, cette proposition laisse de côté des éléments qui avaient été pris en compte dans votre rapport – qui est aussi notre rapport commun.

Premièrement, malgré la décision du Conseil Constitutionnel de septembre dernier, nous n’avons pas réglé la question de l’égalité devant la loi, s’agissant de l’exigence de titres d’identité.

Deuxièmement, je suis d’accord avec MM. Bompard et Geoffroy sur le fait que la loi doit être respectée. Mais je considère que cette obligation s’applique aussi bien aux communes qu’aux gens du voyage. Or certaines communes ne respectent pas la loi : seulement 25 000 places en aire d’accueil, au lieu des 45 000 prévues, ont été aménagées pour accueillir la population des gens du voyage, qui est estimée à 500 000 personnes. Ce non-respect de la loi, qui est certes moins voyant qu’un passage en force, est tout aussi désagréable. Lorsque nous les rencontrons, dans des circonstances parfois assez tendues, les gens du voyage savent nous le rappeler. Nous avions essayé de réfléchir aux moyens de faire respecter la loi des deux côtés. Or l’équilibre n’a pas été trouvé.

Troisièmement, nous avions essayé de prendre en considération la modification des styles de vie des gens du voyage, et notamment leur sédentarisation, par exemple en inscrivant des places dans les plans locaux d’urbanisme. Or cette préoccupation n’est pas non plus prise en considération par la proposition de loi.

Aujourd’hui, le compte n’y est donc pas. C’est la raison pour laquelle nous ne pourrons pas voter ce texte.

J’ajoute que j’ai préparé de mon côté une proposition de loi qui n’est pas non plus satisfaisante, dans la mesure où elle ne respecte pas l’équilibre que nous recherchons : je m’étais penché, dans l’urgence, sur la question des titres d’identité, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel. Il faudra réexaminer tous ces points. Par ailleurs, le président de la Commission consultative des gens du voyage et sénateur UMP de Haute-Savoie, M. Pierre Hérisson, a déposé lui aussi une proposition de loi reprenant l’ensemble des préconisations de son rapport, qui sont très proches des nôtres.

J’entends M. Geoffroy qui appelle de ses vœux un « art de vivre en bonne intelligence ». Nous aurons l’occasion d’en rediscuter, mais sur un tel sujet, il est important de travailler ensemble et d’envoyer un signal, non seulement à nos concitoyens et à nos élus, mais aussi à la communauté du voyage : les premiers doivent respecter la loi et faire l’effort d’accueillir une population un peu différente ; les seconds doivent savoir que nous faisons les efforts nécessaires pour leur permettre de vivre en bonne intelligence avec les autres citoyens français.

Monsieur le rapporteur, je suis donc favorable à ce que nous cherchions les moyens de travailler ensemble. Mais j’ai le regret de vous dire qu’adopter ce texte en l’état serait prématuré.

M. Sébastien Denaja. Il n’est pas nécessaire d’être maire, ou même d’avoir été un jour élu local, pour se sentir concerné. En tant que député n’exerçant pas de mandat local, je suis au fait de ces problématiques dont me saisissent, notamment, les maires UMP. Dans ma circonscription de l’Hérault, des grands passages ont en effet lieu chaque année entre le 15 juillet et le 12 août. Quoi qu’il en soit, je ne voudrais pas que la défense du cumul des mandats ressurgisse à l’occasion de l’examen de n’importe quel texte !

M. Geoffroy considère que le groupe SRC, dont la position a été exposée par Isabelle Pochon, joue « petit bras ». Je dirais plutôt que cette proposition de loi joue les « gros bras » mais n’embrasse pas l’ensemble du sujet. Celle du sénateur Hérisson est sans doute plus ambitieuse.

Dans un esprit de rassemblement républicain, nous devons mettre au point un texte de référence unique sur le droit applicable à ces questions. Cela suppose que l’on se donne un petit peu de temps.

Le pas que nous ferions en votant ce texte, monsieur Geoffroy, serait en effet insuffisant. Il conviendra d’avancer de façon plus significative. Reste – et je parle à titre personnel – qu’il serait bon que cette réflexion globale aboutisse avant l’été 2013.

M. Gilles Bourdouleix. Le groupe UDI soutiendra cette proposition de loi.

S’agissant du cumul des mandats, il est intéressant de vivre directement ce qui se passe sur le terrain – et pas seulement d’écouter ce que disent les élus locaux. Depuis dix-sept ans, je discute souvent, de façon parfois un peu vive, voire violente, avec les gens du voyage, et cela m’a permis d’être conscient de l’évolution de leur mode de vie. Par exemple, il y a encore douze ou quinze ans, il était possible de rencontrer un responsable dans un groupe de gens du voyage, mais aujourd’hui ce n’est plus que très rarement le cas. Nous devons donc être très vigilants pour que nous soyons soutenus en cas de difficultés lorsque les collectivités respectent la loi et lorsque le schéma départemental est mis en œuvre.

Alors que nous mettons des WC chimiques à la disposition de ces groupes sur le terrain où ils sont accueillis et que les caravanes sont aussi dotées de WC, lorsqu’on vous répond que certains, en raison de leur culture, vont déféquer devant la porte des riverains ce n’est pas agréable ! Demandez à nos concitoyens ce qu’ils en pensent !

Je ne dis pas qu’il faut montrer du doigt et condamner ces groupes pour autant, mais chacun doit respecter l’autre. À partir du moment où les collectivités respectent la loi, à travers les schémas départementaux, les gens du voyage se doivent d’adopter une attitude citoyenne.

Certaines questions méritent en effet d’être traitées. Nous parlions tout à l’heure de la scolarisation. Mais il faut savoir que, dans beaucoup de nos agglomérations, les grands passages se produisent essentiellement dans les périodes d’été, entre le 15 mai et le 15 septembre, période où la scolarisation n’est plus possible. Il faut donc faire évoluer les textes. Je ne crois pas qu’il soit trop tôt pour s’y mettre.

La majorité nous répond que nous devons encore travailler, et nous engager dans une réflexion législative globale. Cette nuit, nous avons discuté d’un texte important sur le terrorisme. Quelques-uns d’entre nous ont observé qu’il était possible de faire évoluer la loi de 1881 en faisant passer certaines de ses mesures dans le code pénal. On nous a répondu que l’on verrait plus tard, pour faire une réforme plus globale. Ainsi, dans certains cas, il faudrait aller vite et adopter un texte avant même de se lancer dans une réforme globale et, dans d’autres cas, il faudrait rejeter une proposition de loi au motif que la réflexion ne serait pas suffisamment globale. Ce n’est pas logique.

Ce texte intéressant permettrait de faire évoluer les choses et de donner à l’État une responsabilité pleine et entière pour gérer les grands passages.

M. Jacques Bompard. Tout à l’heure, je visais uniquement les mairies qui ont respecté la loi : celles qui ne la respectent pas ne peuvent pas réclamer son application. Je regrette que l’avancée qu’aurait permis cette proposition de loi soit refusée par la majorité. Sur le terrain, les maires de gauche ont les mêmes problèmes que ceux de droite !

Mme Nathalie Nieson. Pourquoi stigmatiser ces populations, comme l’a fait mon collègue de l’UDI ? Celui-ci a dénoncé des faits que je n’ai jamais observés, alors même que je gère chaque année ce genre de situations. Les gens du voyage ont le droit d’avoir un mode de vie différent de celui de la plupart d’entre nous, qui sommes sédentaires. Je suis consciente des difficultés que cela peut poser sur le terrain, mais l’on ne trouvera de vraies solutions que lorsque toutes les communes, voire les départements – s’agissant des aires de grand passage, dans les communes de plus de 5 000 habitants – auront respecté la loi.

Il faut aussi prendre en compte globalement la situation de ces personnes : scolarité des enfants, intégration, déplacements. Il s’agit de leur mode de vie, et il faut l’accepter.

Enfin, l’État doit faire respecter la loi. Or ce n’est pas toujours le cas. Nous devons donc être particulièrement vigilants. Lorsque les personnes du voyage s’installent, à l’occasion des grands passages, sur des espaces qui ne sont pas faits pour les accueillir, les communes ont du mal à gérer la situation, notamment avec les riverains.

Il faut donc retravailler au plus vite la question dans son ensemble.

M. Gilles Bourdouleix. Je ne peux pas laisser dire que je stigmatise qui que ce soit. L’agglomération que je préside est la première à s’être conformée au schéma départemental et à la loi en aménageant trois terrains – un pour les sédentaires, un pour le passage, et un pour les grands passages.

Je rappelle que le schéma départemental d’accueil des gens du voyage ne dépend pas que du département : il doit être accepté par les agglomérations, les communautés d’agglomérations ou communautés urbaines, qui mettent à disposition des terrains et qui organisent l’arrivée des groupes de grand passage.

La loi doit assurer l’équilibre des droits et des devoirs, de chaque côté. Les gens du voyage n’ont pas que des droits et les collectivités que des devoirs. Les gens du voyage ont aussi des devoirs et, notamment, celui de respecter des autres. Je tolère évidemment totalement la façon de vivre des gens du voyage, mais j’entends aussi qu’ils respectent la vie quotidienne des habitants de nos communes. Je constate avec agacement que la majorité nous accuse systématiquement de stigmatisation dès lors que nous ne sommes pas d’accord avec elle.

M. Guy Geoffroy. Au motif que nous ne sommes pas d’accord sur la façon d’aborder la question, on nous accuse de stigmatisation ! Dire la réalité des choses n’est pas stigmatiser ceux dont on parle.

Soyons concrets ! Lorsque 250 caravanes tentent de s’installer dans un endroit où elles n’ont pas à le faire, les habitants s’en émeuvent. Et ils s’étonnent que leurs propriétaires, qui ont de bien belles caravanes et de bien beaux véhicules, respectent aussi peu l’environnement du lieu où ils s’installent. Dire cela n’est pas stigmatiser : c’est faire état d’une difficulté que nous affrontons et que nous essayons de régler du mieux possible. Il n’est pas question d’essayer de dresser les uns contre les autres. Bien au contraire, nous passons notre temps à dire à nos concitoyens que l’art de vivre des gens du voyage est différent du nôtre, et qu’il faut essayer de le respecter. Mais le message passe difficilement lorsque les gens du voyage ne respectent pas celui des sédentaires.

M. Bernard Lesterlin. Je n’avais pas prévu d’intervenir mais les propos de mes collègues m’y conduisent. Je remarque que lorsque la droite se trouve dans la majorité, elle est dans une logique de désengagement de l’État, mais que lorsqu’elle se trouve dans la minorité, elle est dans une logique de responsabilisation de l’État.

Selon notre collègue Geoffroy, il serait nécessaire, pour bien légiférer, de faire prévaloir son expérience d’élu local. Moi qui suis, à l’instar de notre président, élu avec un mandat unique, j’ai à peu près la même expérience que lui, même si ce n’est pas en tant qu’élu local. En effet, en tant que représentant de l’État, j’ai souvent eu à gérer ces grands rassemblements. Et j’en ai tiré la conclusion que rien ne pouvait être réglé exclusivement par les collectivités territoriales ou exclusivement par l’État. À chacun ses responsabilités !

Rien n’empêche un élu local de la qualité de M. Geoffroy d’endosser successivement des responsabilités, dans le cadre d’un mandat local et d’un mandat de législateur. Nous ne voulons stigmatiser ni les élus nationaux ni les élus locaux, mais la succession des responsabilités permet d’accumuler de l’expérience. Par exemple, le législateur peut faire preuve de pragmatisme parce qu’il a eu des responsabilités locales. C’est notre vision du non-cumul des mandats.

Mme Nathalie Nieson. Affirmer qu’il est de coutume pour les gens du voyage d’aller déféquer devant les portes des riverains relève bien, selon moi, de la stigmatisation. S’agissant d’un sujet aussi important et aussi grave, il n’est guère constructif de mettre en avant de tels exemples.

M. le rapporteur. J’ai pu constater avec regret, en écoutant M. Raimbourg, que ma tentative de captatio benevolentiae n’avait pas produit les effets escomptés.

L’objectif de cette proposition de loi, madame Pochon, n’est pas de revisiter la loi Besson de 2000 ni de construire un nouvel édifice réglementaire : nous n’étions pas si ambitieux. Il s’agit simplement de faire quelques petits pas dans la bonne direction et de répondre à une urgence. Dans la mesure où ces problèmes surviennent plus particulièrement pendant l’été, nous souhaitions éviter de nouveaux conflits donnant lieu, le cas échéant, aux débordements, stigmatisations ou « mauvaises pensées » que nous pouvons observer dans nos communes, quelles que soient nos origines géographiques.

Je regrette que nous ne puissions pas accomplir cette avancée. Le temps viendra, toutefois, où nous nous retrouverons pour traiter l’ensemble des problèmes identifiés par la mission d’intervention – scolarisation, meilleure insertion –, y compris les moins agréables, comme ceux relatifs à la fiscalité.

Monsieur Lesterlin, je n’ai pas attendu d’être dans l’opposition pour aborder ce problème : je me souviens d’avoir écrit à MM. Brice Hortefeux, Claude Guéant ainsi qu’à d’autres ministres de l’Intérieur – sans obtenir de réponse, d’ailleurs. En tout état de cause, le juste partage des responsabilités entre l’État et les collectivités locales me semble la voie à suivre. En effet, malgré toute leur bonne volonté, les collectivités territoriales ne peuvent faire face aux arrivées massives et intempestives.

« J’avais fait un rêve », mais il ne s’est pas réalisé ! Je ne doute pas, cependant, que nous nous retrouverons dans quelques semaines ou dans quelques mois pour bâtir une nouvelle loi et traiter ces questions dont l’évolution est rapide.

*

* *

La Commission passe ensuite à l’examen des articles de la proposition de loi.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Implication de l’État dans l’organisation de l’accueil des gens du voyage

En disposant que « les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat est constitué de résidences mobiles », l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage n’a pas institué une nouvelle obligation envers les communes, mais a instauré un dispositif permettant à une compétence existante d’être mise en œuvre concrètement.

En effet, ce texte a précisé l’obligation faite aux communes de prévoir des aires d’accueil pour les gens du voyage se déplaçant de manière individuelle ou en petits ensembles familiaux, précisant le devoir d’accueil dégagé par le Conseil d’État dans son arrêt du 2 décembre 1983 Ville de Lille.

La problématique des « grands passages » est de nature différente : il ne s’agit plus d’accueillir quelques véhicules et caravanes, mais des groupes de plusieurs dizaines ou même centaines de véhicules, en cours de regroupement dans le cadre d’un rassemblement traditionnel ou occasionnel.

La prise en charge de ces événements ne peut reposer sur la seule commune, ou l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) exerçant la compétence d’accueil des gens du voyage, sur le territoire desquels ces groupes font halte. La prise en charge d’un afflux temporaire et imprévu de population est souvent disproportionnée, par rapport à leurs moyens financiers et humains.

Chargé d’une réflexion globale par le Premier ministre, le sénateur et président de la commission nationale consultative des gens du voyage, M. Pierre Hérisson, a insisté sur la nécessaire implication de l’État dans l’organisation de ses rassemblements : « L’État doit clairement prendre en charge la problématique des aires de grands passages afin d’offrir un cadre cohérent et de nature à répondre aux besoins liés à l’itinérance des gens du voyage et dépasser les réticences locales, encore trop souvent observées » (41).

Le présent article propose ainsi d’inscrire le principe selon lequel l’État doit prendre sa part des dispositifs d’accueil des gens du voyage, en consacrant dans la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 une distinction qui s’est plus ou moins introduite dans la pratique :

—  aux collectivités territoriales, il convient de proposer des solutions d’accueil aux gens du voyage, lorsqu’ils s’adonnent à un nomadisme individuel ou en petits groupes, les conduisant à se déplacer régulièrement ;

—  à l’État, il revient de superviser les grands rassemblements traditionnels ou religieux, ainsi que les « grands passages », regroupements de plusieurs dizaines ou même centaines de caravanes en route pour ces rassemblements estivaux ou pour un événement d’ordre familial ou pour des activités commerciales.

L’inscription de cette distinction dans la loi, par le présent article, n’est en soit pas une innovation dérogeant à des dispositions déjà existantes. Lorsqu’un événement dépasse le cadre et les moyens d’une commune, il est naturel que l’État assume la charge de le gérer. C’est traditionnellement le cas pour les grands rassemblements, pour lesquels en application de l’article L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales, « l’État a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d’hommes ». C’est aussi désormais la solution qui a été retenue pour les « rassemblements festifs à caractère musical », autrement appelés rave parties, pour lesquels la supervision et le contrôle de l’organisation reposent sur les préfets et les moyens de l’État, en application des dispositions codifiées aux articles L. 211-5 à L. 211-8 du code de la sécurité intérieure.

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La Commission rejette l’article 1er.

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CL 5 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement de repli se contente de préciser que le schéma départemental doit inscrire de façon séparée les trois types d’emplacements – aire permanente d’accueil, aire de grand passage et terrain destiné aux grands rassemblements – tout en rappelant que dans ces deux derniers cas, le schéma doit préciser les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces manifestations. L’État ne peut en effet se désintéresser de la gestion des aires nécessaires et du déroulement des grands passages.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Le dépôt de cet amendement de repli s’explique par le fait que l’article 2 de la proposition de loi a été déclaré irrecevable par le président de la commission des Finances en application de l’article 40 de la Constitution.

La Commission rejette l’amendement.

Article 2

(art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Choix et équipement par l’État des aires de grand passage

Le présent article, qui définissait les aires ou terrains de grand passage comme étant destinés à l’accueil non permanent de gens du voyage lors de rassemblements traditionnels ou occasionnels, réaffirmait le principe de la planification de leur implantation dans les schémas départementaux et mettait à la charge de l’État le choix des terrains et leur aménagement ainsi que l’organisation de leur occupation et du bon déroulement des rassemblements, a été déclaré irrecevable, en application de l’article 40 de la Constitution et du quatrième alinéa de l’article 89 du Règlement, avant l’examen du texte par la Commission.

Article 3

(art. 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Information préalable de l’organisation des grands passages

Corollaire de l’implication de l’État dans l’organisation de ces rassemblements, l’information des représentants de l’État par les organisateurs est organisée par le présent article.

1. La nécessité d’un régime spécifique de déclaration préalable de l’organisation d’un grand passage

Cet article met donc en œuvre une recommandation formulée par le rapport de la mission d’information – «  proposition n° 12 : réglementer les grands passages en exigeant que les groupes les déclarent à l’avance et désignent un responsable » (42) – comme par le rapport de M. Pierre Hérisson : « si l’État se voit confier la mission de trouver des terrains adaptés, afin de permettre aux gens du voyage de pouvoir se déplacer en groupes importants au cours de l’été, il est normal que celui-ci exige, en retour, d’avoir connaissance en amont de ces déplacements. » (43)

Aujourd’hui, leur organisation repose sur des circulaires annuelles (44) adressées aux préfectures. Les référents des gens du voyage, notamment ceux de la structure Action grands passages au sein de l’Association sociale nationale internationale tzigane (ASNIT), doivent adresser une demande de stationnement aux communes concernées. Ces demandes font ensuite l’objet d’un « protocole d’occupation temporaire », fixant les engagements réciproques et la durée du stationnement prévue.

Cependant, comme les circulaires le reconnaissent, l’absence d’information en amont, ou le non-respect des lieux et des dates prévues pour les grands passages « ont des conséquences préjudiciables, tant pour les communes que pour les voyageurs qui respectent leurs engagements ».

Afin de permettre une organisation apaisée de ces rassemblements par les autorités de l’État, comme par les collectivités concernées, il apparaît nécessaire que l’obligation d’une information préalable des groupes soit fixée par la loi.

Ce régime serait ainsi similaire à ceux prévus par le titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure, qui prévoit à la fois des sujétions particulières pour les organisateurs et la compétence de l’État pour la gestion de ces événements, que ce soit pour l’encadrement du droit de manifestation ou l’organisation de « rassemblements festifs à caractère musical » ou rave parties. Il permettrait ainsi de concilier le principe constitutionnellement garanti de la liberté d’aller et de venir, avec les objectifs de préservation de l’ordre public et du droit de propriété, pourtant remis en cause par la pratique du fait accompli.

Le présent article propose ainsi d’instaurer un régime déclaratif comprenant :

—  une déclaration préalable en préfecture des départements que le convoi envisage de traverser ;

—  la désignation d’un responsable du groupe.

La rédaction proposée ne détermine pas de critères, notamment en termes de nombre de véhicules et de caravanes concernés, pour laisser aux autorités concernées le soin de préciser, par décret en Conseil d’État (45) ou par circulaire, les critères permettant de définir un grand passage et de les adapter, si nécessaire, à l’évolution du mode de vie et des pratiques des gens du voyage.

Par extension, ce régime de déclaration permettra au préfet de faire valoir que certains itinéraires sont inadaptés, en fonction de contraintes locales, paysagères par exemple, ou d’éviter de trop grandes concentrations de groupes différents. Comme c’est déjà le cas aujourd’hui, il facilitera la signature de conventions organisant le passage, et notamment la prise en charge des frais d’eau, de collecte des ordures ménagères ou de remise en état du terrain.

2. La déconnexion du respect des obligations de création d’aires d’accueil, de la problématique de l’évacuation des grands passages non organisés

Dans le cadre de ce régime distinct, à la demande du maire ou du propriétaire du terrain, le préfet pourra directement faire application du régime de mise en demeure de quitter les lieux et d’évacuation forcée, à l’encontre des participants à un grand passage non déclaré, dans les conditions fixées par l’article 9 de la loi.

En effet, dans le cadre légal existant, une commune ou un EPCI ayant réalisé une aire d’accueil, mais ne disposant pas d’un terrain pouvant faire office d’aire de grand passage pourrait déjà demander l’évacuation des résidences mobiles. Mais, comme l’a constaté notre mission d’information précitée (46), il est fréquent que des préfets refusent d’accéder à une demande de mise en demeure faite par un maire dont la commune respecte ses obligations en matière de création d’une aire permanente d’accueil, mais qui n’a pas réalisé un terrain de grand passage prescrit par le schéma départemental.

C’est pourquoi, une fois la question des grands passages dissociée de celles des aires permanentes d’accueil, la mise en œuvre de la procédure d’évacuation n’aurait plus à être soumise au respect par la commune d’obligations d’accueil d’un nombre disproportionné de plusieurs dizaines ou centaines de caravanes.

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La Commission rejette l’article 3.

Article 4

(art. 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Distinction des aires d’accueil et des aires de grand passage

Première conséquence de la distinction faite entre aire d’accueil et aire de grand passage, le présent article prévoit que les communes – et les EPCI exerçant la compétence d’accueil des gens du voyage – ont en charge la création, l’aménagement et l’entretien des seules aires permanentes d’accueil. Les aires destinées aux grands passages n’ayant pas à être permanentes, disparaîtrait l’obligation faite aux communes – ou aux EPCI susmentionnés – de mettre à disposition des terrains aménagés à cette fin.

Les aires destinées aux grands passages continueraient d’être prévues par les schémas départementaux ; cependant, leur mise en œuvre, notamment de façon provisoire sur des terrains dont l’aménagement pourra être adapté à des besoins plus ponctuels, serait dorénavant du ressort de l’État.

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La Commission rejette l’article 4.

Article 5

(art. 4 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Suppression des dispositions organisant la participation financière de l’État à la réalisation d’aires de grand passage par les communes

Seconde conséquence du choix fait par la présente proposition de loi de confier à l’État la mise en place des aires de grand passage, cet article supprime les dispositions de l’article 4 de la loi du 5 juillet 2000, prévoyant la subvention par l’État des dépenses engagées par les communes ou les EPCI pour réaliser ces aires.

Il convient de rappeler qu’afin de répondre aux besoins des gens du voyage, l’ensemble des schémas départementaux a pris en compte la problématique des grands passages, en définissant les besoins spécifiques du département dans ce domaine et en désignant les emplacements des futurs terrains de grand passage. En pratique, cela signifie que les communes ou intercommunalités désignées pour réaliser un terrain de grand passage, à vocation départementale, se voient confier une obligation particulière, par rapport aux autres communes de même taille, qui ne sont pas soumises à une telle obligation.

C’est notamment pour répondre à cette situation que la loi du 13 juillet 2006 a décidé que l’État pourrait subventionner ces aires à 100 % et que la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 a précisé que l’État pourrait désormais assurer la maîtrise d’ouvrage de la réalisation de ces aires à l’après la fin du subventionnement le 31 décembre 2008.

Un tel mécanisme n’est pas très incitatif pour les communes qui ont été ainsi désignées. De fait, sur les 350 aires de grand passage prévues par les schémas départementaux, seules 91 étaient opérationnelles en 2011, soit 26 % des objectifs, et 122 financées, soit 35 % des objectifs (47).

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La Commission rejette l’article 5.

Avant l’article 6

La Commission examine l’amendement CL 2 du rapporteur.

M. le rapporteur. En application de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, seules les communes qui ont réalisé l’ensemble de leurs obligations relatives à cette loi peuvent faire appel à l’évacuation administrative des installations illicites. En conséquence, les préfets refusent souvent d’accéder à une demande de mise en demeure faite par un maire dont la commune respecte ses obligations en matière de création d’une aire permanente d’accueil mais qui n’a pas encore réalisé un terrain de grand passage.

De même, en cas de transfert de compétence des communes au profit d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI), aucune commune membre ne peut prendre un arrêté d’interdiction de stationner en dehors des aires d’accueil sur son territoire si l’EPCI n’a pas satisfait à l’ensemble de ses obligations. Une telle situation suscite l’incompréhension de la part des communes membres de l’EPCI sur le territoire desquelles une aire d’accueil a été implantée. Suivant une recommandation de la Cour des comptes, le présent amendement vise à leur permettre de bénéficier également de la procédure d’évacuation forcée.

La Commission rejette l’amendement.

Article 6

(art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Suppression de la condition d’atteinte à l’ordre public pour la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée d’un terrain public

Contrepartie de l’obligation d’accueil par les communes, l’article 9 de loi du 5 juillet 2009 a mis en place des procédures spécifiques permettant aux collectivités d’obtenir l’évacuation de résidences mobiles stationnées illégalement. Mais conformément à la logique, qualifiée de logique du « donnant-donnant » dans le rapport de 2008 de M. le sénateur Hérisson (48), ces procédures ne peuvent pas être utilisées par les communes qui n’ont pas satisfait à leurs obligations légales d’aménagement d’aires d’accueil (49).

L’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, dans sa rédaction initiale, précisait que, sur un terrain appartenant à la commune, la condition d’atteinte à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques n’était pas requise, lorsque leur évacuation était demandée. Elle ne l’était que lorsque le maire saisissait la justice, pour une occupation d’un terrain appartenant à un autre propriétaire, c’est-à-dire, le plus généralement, un propriétaire privé.

Dans tous les cas, cette procédure de police administrative, qui engage la responsabilité de l’État, est naturellement très encadrée. Le préfet doit justifier, à l’appui de sa mise en demeure de quitter les lieux, l’existence d’un risque de trouble à l’ordre public créé par le stationnement illicite, lorsque celui-ci porte atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques, en tenant compte du contexte local. À défaut, son arrêté de mise en demeure est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif.

Cependant, le II de l’article 9 a été réécrit par l’article 27 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, afin notamment d’appliquer à l’évacuation forcée des gens du voyage un régime de police administrative. Or cette nouvelle rédaction ne prévoit plus l’exception à la condition de trouble à l’ordre public pour les terrains communaux.

En conséquence, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon, saisi d’un recours présenté au nom d’un groupe constitué d’une dizaine de caravanes de gens du voyage s’étant installées sur un parc de stationnement public, alors que la communauté d’agglomération de Bourg-en-Bresse disposait de places disponibles au sein d’une aire de grand passage, a annulé le 6 juillet 2012 l’arrêté préfectoral, en considérant que la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques n’étaient pas compromises par cette installation irrégulière.

Dans une situation similaire, le juge administratif avait précédemment retenu, eu égard à cette notion d’atteinte à l’ordre public, qu’en l’absence de tout équipement sanitaire et des difficultés éventuelles d’accès pour des véhicules de secours, le stationnement en grand nombre de caravanes sur un terrain relativement proche d’immeubles d’habitation était susceptible de présenter des risques pour la sécurité et la salubrité publiques (50).

Le présent article propose donc de revenir sur cette rédaction malheureuse, en ne maintenant la condition d’atteinte à la sécurité, à la tranquillité et à la salubrité publiques que dans les cas où la demande d’évacuation forcée concerne l’occupation irrégulière d’une propriété privée. Cette condition ne sera plus exigée, lorsque la demande concernera une propriété appartenant à la commune, mais aussi à l’État ou à une autre personne publique.

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La Commission rejette l’amendement rédactionnel CL 3 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article 6.

Article 7

Rapport sur la mise en place des aires de grand passage par l’État

L’adoption de la présente proposition de loi conduirait à consacrer la responsabilité de l’État dans la gestion des grands passages.

Afin de pouvoir juger de la manière dont l’État a pu, au cours d’une saison estivale, s’acquitter de cette tâche, le présent article prévoit le dépôt, un an après l’entrée en vigueur de ses dispositions, d’un rapport analysant les conditions dans lesquelles il a pu s’acquitter des missions suivantes :

—  le choix des terrains adaptés et leur aménagement pour accueillir les grands passages,

—  l’organisation de la gestion et de l’entretien de ces équipements,

—  les éléments relatifs à leur occupation ;

—  et la gestion, d’une manière plus générale, des rassemblements que constituent ces grands passages.

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La Commission rejette l’article 7.

Article 8

(art. 10 bis [nouveau] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000)


Relogement des gens du voyage sédentarisés sur des terrains inadaptés

Autre aspect de la problématique liée à l’évolution des modes de vie des gens du voyage, la question de la sédentarisation n’a pas été traitée par la loi du 5 juillet 2000.

1. La sédentarisation partielle ou totale, une réalité mal prise en compte par la loi du 5 juillet 2000

Cependant, tous les interlocuteurs rencontrés par la mission d’information conduite par votre rapporteur sous la XIIIe législature ont partagé le constat d’une tendance croissante des gens du voyage à la sédentarisation, ou du moins au développement d’un ancrage territorial, ce qui n’exclut pas la pratique d’un mode de vie nomade pendant la période estivale, notamment à l’occasion des grands rassemblements, pour lesquels se mettent en place les grands passages.

Les deux questions sont donc inextricablement liées, car elles représentent les deux aspects d’un mode de vie en évolution, comme changent les modes de vie et habitudes sociologiques de l’ensemble de la population.

Ainsi, selon M. Christophe Robert, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, « une majorité de gens du voyage recherchait un ancrage territorial et se déplaçait sur un périmètre limité. Ils sont ainsi en voie de semi-sédentarisation. Ce désir d’ancrage est notamment la résultante d’une volonté d’insertion scolaire et économique. » (51)

Or, face à ce phénomène, les solutions proposées par la loi du 5 juillet 2000, centrée sur l’offre de places en aires permanentes d’accueil, sont insuffisantes. Cette semi-sédentarisation se met en place :

—  soit sur des aires d’accueil, alors qu’elles n’ont pas été conçues pour des longs séjours et sont destinées à une rotation des occupants,

—  soit par l’occupation, après achat ou location, d’un terrain privé pour y installer une caravane ; ce terrain, comme c’est le cas sur une aire d’accueil, peut disposer d’équipements permanents sommaires (sanitaires, cuisine) ;

—  soit par des opérations « d’habitat adapté », intégrant les caravanes dans des équipements spécifiques destinés à une sédentarisation plus ou moins longue.

L’article 8 de la loi du 5 juillet 2010 avait essayé de développer cette intégration dans l’habitat sédentaire, en prévoyant que « Les documents d’urbanisme déterminent les conditions permettant […] de prévoir suffisamment d’espaces constructibles pour les activités économiques et d’intérêt général, ainsi que pour la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d’habitat, y compris ceux des gens du voyage ». Cependant, cette mention expresse de l’habitat des gens du voyage a disparu du code de l’urbanisme, dès la loi sur la solidarité et le renouvellement urbains du 13 décembre 2000.

Ainsi, dans de nombreux cas, cette sédentarisation se fait dans des structures inadaptées, que ce soit des aires destinées au court séjour ou des terrains souvent situés en zone non constructible.

2. La création d’une obligation de reloger dans des habitats adaptés les gens du voyage ayant fait le choix de la sédentarisation

Afin de prendre en compte ce problème, le présent article propose d’obliger l’État à proposer une solution de relogement adaptée aux personnes qui se sont sédentarisées de fait sur des terrains inadaptés, que ce soit des aires d’accueil ou des terrains inaptes à l’habitat, pour une durée supérieure à dix-huit mois.

Ces dispositions peuvent se rapprocher de celle de la loi du 5 mars 2007, instituant le droit au logement opposable, qui a reconnu le droit à un logement décent et indépendant à toute personne n’étant pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. Ce droit doit être garanti par l’État, qui est désormais soumis à une obligation de résultat et non plus seulement de moyens. Les gens du voyage, dont le mode de vie évolue, n’ont pas été pris en compte dans cette problématique et sont ainsi contraints de demeurer dans des structures inadaptées à un séjour de longue durée, alors que ces aires ont été pensées pour un mode vie itinérant qui est désormais en régression.

*

* *

La Commission rejette l’amendement rédactionnel CL 4 du rapporteur.

Elle rejette ensuite l’article 8.

Article 9

Gage

De manière classique pour une proposition de loi, cet article prévoit que les charges supplémentaires pour l’État qui pourraient apparaître du fait de la mise en application de la présente proposition de loi seraient compensées par la création d’une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs manufacturés, prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

*

* *

La Commission rejette l’article 9.

En conséquence du rejet de tous ses articles, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi de MM. Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Jacques Lamblin et plusieurs de leurs collègues visant à encadrer les grands passages et à simplifier la mise en oeuvre de la procédure d’évacuation forcée (n° 330).

TABLEAU COMPARATIF

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Conclusions de la Commission

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Proposition de loi visant à encadrer les grands passages et à simplifier
la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée

Proposition de loi visant à encadrer les grands passages et à simplifier
la mise en œuvre de la procédure d’évacuation forcée

Loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage

Article 1er

Article 1er

Art. 1er. – I. – Les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.

Au début du I de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, sont insérés les mots : « L’État et ».

Rejeté

II. – Dans chaque département, au vu d’une évaluation préalable des besoins et de l’offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées.

Article 2

Article 2

Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. Il précise la destination des aires permanentes d’accueil et leur capacité. Il définit la nature des actions à caractère social destinées aux gens du voyage qui les fréquentent.

Le troisième alinéa du II de l’article 1er de la même loi est ainsi rédigé :

(Dispositions déclarées irrecevables
au regard de l’article 40
de la Constitution avant l’examen du texte par la commission)

Le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de rassemblements traditionnels ou occasionnels et définit les conditions dans lesquelles l’État intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements.

« Le schéma départemental détermine les terrains de grand passage, destinés à l’accueil non permanent de gens du voyage, lors de rassemblements traditionnels ou occasionnels, et définit les conditions dans lesquelles l’État se charge du choix des terrains, en priorité ceux situés sur son domaine, de leur aménagement et de leur entretien, ainsi que de l’organisation de leur occupation et du bon déroulement des rassemblements. »

 
 

Article 3

Article 3

 

Après le troisième alinéa du II de l’article 1er de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Rejeté

 

« Les responsables des groupes informent le représentant de l’État dans le département, au plus tard trois mois avant la période prévue pour leur passage. »

 

Une annexe au schéma départemental recense les autorisations délivrées sur le fondement de l’article L. 443-3 du code de l’urbanisme. Elle recense également les terrains devant être mis à la disposition des gens du voyage par leurs employeurs, notamment dans le cadre d’emplois saisonniers.

   

Le schéma départemental tient compte de l’existence de sites inscrits ou classés sur le territoire des communes concernées. La réalisation des aires permanentes d’accueil doit respecter la législation applicable, selon les cas, à chacun de ces sites.

   

III. – Le schéma départemental est élaboré par le représentant de l’État dans le département et le président du conseil général. Après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission consultative prévue au IV, il est approuvé conjointement par le représentant de l’État dans le département et le président du conseil général dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi. Passé ce délai, il est approuvé par le représentant de l’État dans le département. Il fait l’objet d’une publication.

   

Le schéma départemental est révisé selon la même procédure au moins tous les six ans à compter de sa publication.

   

IV. – Dans chaque département, une commission consultative, comprenant notamment des représentants des communes concernées, des représentants des gens du voyage et des associations intervenant auprès des gens du voyage, est associée à l’élaboration et à la mise en œuvre du schéma. Elle est présidée conjointement par le représentant de l’État dans le département et par le président du conseil général ou par leurs représentants.

   

La commission consultative établit chaque année un bilan d’application du schéma. Elle peut désigner un médiateur chargé d’examiner les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de ce schéma et de formuler des propositions de règlement de ces difficultés. Le médiateur rend compte à la commission de ses activités.

   

V. – Le représentant de l’État dans la région coordonne les travaux d’élaboration des schémas départementaux. Il s’assure de la cohérence de leur contenu et de leurs dates de publication. Il réunit à cet effet une commission constituée des représentants de l’État dans les départements, du président du conseil régional et des présidents des conseils généraux, ou de leurs représentants.

   
 

Article 4

Article 4

 

La deuxième phrase du I de l’article 2 de la même loi est ainsi rédigée :

Rejeté

Art. 2. – I. – Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l’article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en œuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d’accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l’aménagement et à l’entretien de ces aires d’accueil dans le cadre de conventions intercommunales.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

« Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires permanentes d’accueil, aménagées et entretenues. »

 

Art.4. – L’État prend en charge, dans la limite d’un plafond fixé par décret, les investissements nécessaires à l’aménagement et à la réhabilitation des aires prévues au premier alinéa du II de l’article 1er, dans la proportion de 70 % des dépenses engagées dans les délais fixés aux I et III de l’article 2. Cette proportion est de 50 % pour les dépenses engagées dans le délai prévu au IV du même article 2.

Article 5

Article 5

Pour les aires de grand passage destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels, avant et après ces rassemblements, prévues au troisième alinéa du II de l’article 1er, le représentant de l’État dans le département peut, après avis de la commission consultative départementale, faire application d’un taux maximal de subvention de 100 % du montant des dépenses engagées dans le délai fixé à l’article 2, dans la limite d’un plafond fixé par décret. L’État peut assurer la maîtrise d’ouvrage de ces aires. Dans ce cas, le montant des dépenses qu’il engage est soumis au plafond précité.

Le deuxième alinéa de l’article 4 de la même loi est supprimé.

Rejeté

La région, le département et les caisses d’allocations familiales peuvent accorder des subventions complémentaires pour la réalisation des aires d’accueil visées au présent article.

   

Art. 9. – I. - Dès lors qu’une commune remplit les obligations qui lui incombent en application de l’article 2, son maire ou, à Paris, le préfet de police peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d’accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l’article 1er. Ces dispositions sont également applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d’une aire d’accueil, ainsi qu’à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d’une telle aire ou qui appartiennent à un groupement de communes qui s’est doté de compétences pour la mise en œuvre du schéma départemental.

   

Les mêmes dispositions sont applicables aux communes qui bénéficient du délai supplémentaire prévu au III de l’article 2 jusqu’à la date d’expiration de ce délai ainsi qu’aux communes disposant d’un emplacement provisoire faisant l’objet d’un agrément par le préfet, dans un délai fixé par le préfet et ne pouvant excéder six mois à compter de la date de cet agrément.

   

L’agrément est délivré en fonction de la localisation, de la capacité et de l’équipement de cet emplacement, dans des conditions définies par décret.

   

L’agrément d’un emplacement provisoire n’exonère pas la commune des obligations qui lui incombent dans les délais prévus par l’article 2.

Article 6

Article 6

II. - En cas de stationnement effectué en violation de l’arrêté prévu au I, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux.

Le deuxième alinéa du II de l’article 9 de la même loi est ainsi rédigé :

Rejeté

La mise en demeure ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

« Lorsque la mise en demeure est prononcée à l’encontre d’occupants d’un terrain n’appartenant pas à l’État, la commune, ou une autre personne publique, elle ne peut intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. »

 

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain.

   

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effets dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions fixées au II bis, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure.

   

Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain fait obstacle à l’exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité ou la tranquillité publiques dans un délai qu’il fixe.

   

Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est puni de 3 750 € d’amende.

   

II bis. - Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au II, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

   

III. - Les dispositions du I, du II et du II bis ne sont pas applicables au stationnement des résidences mobiles appartenant aux personnes mentionnées à l’article 1er de la présente loi :

   

1° Lorsque ces personnes sont propriétaires du terrain sur lequel elles stationnent ;

   

2° Lorsqu’elles disposent d’une autorisation délivrée sur le fondement de l’article L. 443-1 du code de l’urbanisme ;

   

3° Lorsqu’elles stationnent sur un terrain aménagé dans les conditions prévues à l’article L. 443-3 du même code.

   

IV. - En cas d’occupation, en violation de l’arrêté prévu au I, d’un terrain privé affecté à une activité à caractère économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver ladite activité, le propriétaire ou le titulaire d’un droit réel d’usage sur le terrain peut saisir le président du tribunal de grande instance aux fins de faire ordonner l’évacuation forcée des résidences mobiles. Dans ce cas, le juge statue en la forme des référés. Sa décision est exécutoire à titre provisoire. En cas de nécessité, il peut ordonner que l’exécution aura lieu au seul vu de la minute. Si le cas requiert célérité, il fait application des dispositions du second alinéa de l’article 485 du code de procédure civile.

   
 

Article 7

Article 7

 

Le Gouvernement remet au Parlement, dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur les conditions d’exercice par l’État de la responsabilité des aires de grand passage, en particulier le choix des terrains, leur aménagement et leur entretien, ainsi que l’organisation de leur occupation et le bon déroulement des rassemblements.

Rejeté

 

Article 8

Article 8

 

Après l’article 10 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 précitée, il est inséré un article 10 bis ainsi rédigé :

Rejeté

Art. 1er. – Cf. supra

« Art. 10 bis. – Lorsqu’une commune a déjà réalisé, ou est engagée dans la construction d’une aire d’accueil permanente au sens de l’article 1er de la présente loi, et que dans le même temps, des personnes dites gens du voyage occupent dans cette même commune, depuis plus de 18 mois, un emplacement provisoire, le préfet propose à ces personnes une solution de relogement. »

 
 

Article 9

Article 9

 

Les charges qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées par l’augmentation à due concurrence des tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Rejeté

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL2 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :

Avant l’article 6

Insérer un article ainsi rédigé :

« Au I de l’article 9 de la même loi, les mots : « mais dotées d’ » sont remplacés par les mots : « ou qui sont membres d’un établissement public de coopération intercommunale qui ne remplit pas les obligations qui lui incombent en application de l’article 2, mais où est implantée ».

Amendement CL3 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :

Article 6

Au second alinéa de l’article 6, insérer le mot : « à » deux fois après les mots : « l’État » et « ou ».

Amendement CL4 présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :

Article 8

Aux premier et second alinéas, remplacer les mots : « 10 bis » par les mots : « 10-1 ».

Amendement CL5 rect présenté par M. Didier Quentin, rapporteur :

Après l’article 1er

Insérer l’article suivant :

« Au troisième alinéa du II de l’article 1er de la même loi, les mots : « les emplacements » sont remplacés par les mots : « les aires de grand passage et les terrains »

© Assemblée nationale

1 () Commission des Lois, rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin en conclusion des travaux d’une mission d’information sur le bilan et l’adaptation de la législation relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, 9 mars 2011.

2 () Pierre Hérisson, Le stationnement des gens du voyage, Rapport au Premier ministre, mai 2008 et Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun, Rapport au Premier ministre, juillet 2011.

3 () Conseil général de l’environnement et du développement durable, Rapport n° 007449-01 de M. Patrick Laporte, Les aires d’accueil des gens du voyage, octobre 2010.

4 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, L’accueil et l’accompagnement des gens du voyage, octobre 2012.

5 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., pp. 81-95.

6 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 44.

7 () Ibid.

8 () Ibid.

9 () Circulaire UHC/IUH1/12 n° 2001-49 du 5 juillet 2001 relative à l’application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

10 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., pp. 49 et 53.

11 () Ibid., p. 49 et 56. Au 1er janvier 2012, 246 communes et 196 établissements publics intercommunaux sont ainsi considérés comme défaillants au regard de leurs obligations en matière d’accueil et de stationnement des gens du voyage.

12 () Et notamment les référents « action grands passages » de l’Association sociale nationale internationale tzigane (ASNIT).

13 () Circulaire n° IOCD1208696C du 23 mars 2012 sur la préparation des stationnements estivaux des grands groupes de caravanes de gens du voyage, établie pour l’été 2012, circulaire n° IOCD/1115774C du 8 juin 2011 et circulaire n° IOCA/1007063C du 13 avril 2010.

14 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 48.

15 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., pp. 68-69.

16 () Ibid., p. 70.

17 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 49.

18 () Ibid., p. 50.

19 () Pierre Hérisson, Rapport de juillet 2011 op. cit., p. 27.

20 () Ibid., p. 28.

21 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 51.

22 () Ibid.

23 () Telle que la circulaire n° IOCD1208696C du 23 mars 2012 sur la préparation des stationnements estivaux des grands groupes de caravanes de gens du voyage, établie pour l’été 2012.

24 () Pierre Hérisson, Le stationnement des gens du voyage, Rapport au Premier ministre, mai 2008, p. 22.

25 () L’article 11 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage prévoit qu’« un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente loi ».

26 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 33.

27 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., p. 77.

28 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 32.

29 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., p. 124.

30 () Ibid.

31 () Ibid., p. 126.

32 () Appelée avant 2007 Sonacotra (Société nationale de construction de logements pour les travailleurs).

33 () Ibid., p. 127.

34 () Ibid., p. 130.

35 () Conseil d’État, 27 juin 1994, Charpentier, n° 85436.

36 () Réponse du ministre de l’Intérieur à la question écrite n° 59300 de Mme Marie-Jo Zimmermann, publiée au Journal officiel – Questions Assemblée nationale du 25 janvier 2011, p. 74127.

37 () Décision n° 2010-13 QPC du 09 juillet 2010, M. Orient O. et autre.

38 () Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., p. 74.

39 () Ibid., p. 75

40 () Cour administrative d’appel de Lyon, 4 septembre 2009, préfet du Rhône c/ Lambert (n° 09LY01131).

41 () Pierre Hérisson, Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun, Rapport au Premier ministre, juillet 2011, p. 27.

42 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 52.

43 () Pierre Hérisson, Rapport de mai 2008 op. cit. , p. 22.

44 () Circulaire n° IOCD1208696C du 23 mars 2012 sur la préparation des stationnements estivaux des grands groupes de caravanes de gens du voyage, établie pour l’été 2012, circulaire n° IOCD/1115774C du 8 juin 2011 et circulaire n° IOCA/1007063C du 13 avril 2010.

45 () L’article 11 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage prévoit qu’« un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente loi ».

46 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 32.

47 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 46.

48 () Pierre Hérisson, Le stationnement des gens du voyage, Rapport au Premier ministre, mai 2008, p. 18.

49 () Selon la Cour des comptes, au 1er janvier 2012, 246 communes et 196 établissements publics intercommunaux sont ainsi considérés comme défaillants au regard de leurs obligations en matière d’accueil et de stationnement des gens du voyage (Rapport public thématique de la Cour des comptes, op. cit., p. 49).

50 () Cour administrative d’appel de Lyon, 4 septembre 2009, préfet du Rhône c/ Lambert (n° 09LY01131).

51 () Rapport d’information n° 3212 déposé par M. Didier Quentin, op. cit., p. 35.