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N
° 707

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 7 février 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n° 566),

PAR Mme Karine BERGER,

Députée

——

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 566, 661 et 666.

INTRODUCTION LE PROJET DE LOI FRANÇAIS SÉPARE LES ACTIVITÉS DES BANQUES UTILES À L’ÉCONOMIE DE LEURS ACTIVITÉS SPÉCULATIVES, EN TIRANT LES LEÇONS DE LA CRISE DE 2008 7

I.– LA CRISE FINANCIÈRE HISTORIQUE DE 2008 AMÈNE À RECONSTRUIRE INTÉGRALEMENT LA RÉGULATION DES MARCHÉS FINANCIERS ET DU SYSTÈME BANCAIRE. 13

A.– LA CRISE DE 2008, SECONDE GRANDE DÉPRESSION MONDIALE APRÈS CELLE DE 1929, JUSTIFIE LA RÉGULATION DU RISQUE SYSTÉMIQUE ET DE L’ALÉA MORAL DU SYSTÈME BANCAIRE ET FINANCIER. 13

1.– La crise bancaire de 2008 signe l’échec de la régulation prudentielle face à la libéralisation des marchés financiers. 13

2.– Le risque systémique et l’aléa moral sont les deux dangers révélés par la crise de 2008 et il convient de les réguler structurellement. 15

a) Le risque systémique généré par la taille et à l’interdépendance extrême des établissements financiers. 15

b) L’aléa moral a d’abord incité le système financier à prendre trop de risques puis pris en otage l’argent public pour sauver des activités de spéculation. 16

B.– ENTRE 2008 ET 2012 LES RÉFORMES ENGAGÉES ONT ESSENTIELLEMENT RENFORCÉ LE CONTRÔLE PRUDENTIEL. 19

1.– L’évolution de l’architecture institutionnelle de la régulation financière. 19

a) En France 19

b) Au niveau communautaire 21

2.– Le durcissement de la réglementation prudentielle par les ratios de Bâle III. 22

II.– LE PROJET DE LOI MET EN PLACE LA PREMIÈRE RÉGULATION STRUCTURELLE DU SYSTÈME BANCAIRE EN EUROPE 27

A.– LES RÉFLEXIONS À L’ÉTRANGER SUR LA SÉPARATION DES ACTIVITÉS BANCAIRES, UNE ÉVOLUTION DANS LE SENS DE L’HISTOIRE. 28

1.– Aux États-unis : le rapport Volcker. 28

a) L’interdiction de la négociation pour compte propre 28

b) L’interdiction du sponsoring et de l’investissement dans les hedge funds et les fonds de private equity 29

c) Les exigences spécifiques à certaines sociétés financières non bancaires 29

d) La limite de la concentration du secteur bancaire 30

2.– Au Royaume-Uni : le rapport Vickers. 30

a) Le renforcement de la capacité des banques à absorber leurs propres pertes 30

b) La filialisation des activités de dépôt 31

B.– LE RAPPORT DU GROUPE D’EXPERT PRÉSIDÉ PAR ERKKI LIIKANEN POUR L’EUROPE CONTINENTALE ET SON MODÈLE DE BANQUE UNIVERSELLE 32

1.– La séparation obligatoire des activités de négociation pour compte propre 32

2.– Les mesures de rétablissement ou de résolution 33

3.– Le renforcement des règles de fonds propres 34

4.– Une amélioration de la gouvernance et du contrôle des banques 34

C.– UNE RÉFORME DE STRUCTURE DÉPASSANT LES MESURES PRUDENTIELLES. 35

1.– La séparation des activités va dans le sens de l’histoire : le titre Ier consacre la séparation a priori des activités pour lutter contre le risque systémique. 35

2.– La régulation doit être globale et macro-économique : le titre III met en œuvre une surveillance macro-systémique. 37

3.– Les faillites de banques ne doivent pas prendre en otage les États : le titre II crée des mécanismes de résolution bancaire pour lutter contre l’aléa moral. 38

D.– UNE RÉFORME ORIENTÉE VERS LE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE RÉELLE 39

1.– Favoriser la compétitivité du marché européen. 39

2.– Défendre les droits des consommateurs. 39

AUDITION DU MINISTRE 41

EXAMEN DES ARTICLES 59

Article premier : Filialisation des activités bancaires spéculatives 59

Après l’article premier 102

Article 2 : Pouvoirs d’interdiction de l’ACPR 106

Article 3: Interdiction de l’exemption d’agrément pour les filiales 110

Article 4: Modalités d’application du titre Ier 111

Après l’article 4 113

Article 5 : Organisation et missions de l’Autorité de contrôle prudentiel
et de résolution
124

Après l’article 5 133

Avant l’article 6 133

Article 6 : Missions du fonds de garantie des dépôts et de résolution 135

Après l’article 6 141

Article 7 : Résolution et prévention des crises bancaires 142

Après l’article 7 156

Article 8 : Mesures de police administrative et garanties apportées à l’administrateur provisoire 157

Article 9 : Dispositions transitoires 160

Article 10 : Mission de la Banque de France en matière de stabilité financière 161

Article 11 : Création du conseil de stabilité financière 163

Après l’article 11 176

Article 12 : Organisation et pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers 179

Article 13 : Répression des délits d’initiés et des manipulations de cours 187

Article 14 : Contrôle de l’ACPR sur les instances dirigeantes des entités soumises
à son contrôle
188

Après l’article 14 193

Article 15 : Supervision des chambres de compensation 194

Après l’article 15 199

Article 16 : Création de l’organe central des caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles 200

Article 17 : Plafonnement des frais d’incident et offre de services bancaires pour la clientèle en situation de fragilité 207

Après l’article 17 213

Article 18 : Assurance-emprunteur 220

Article 19 : Mesures relatives aux intermédiaires bancaires et financiers 226

Article 20 : Référentiel de place des organismes de placement collectif en valeurs mobilières 229

Article 21 : Accessibilité bancaire 230

Article additionnel après l’article 21 231

Article 22 : Procédure de surendettement 236

Article 23 : Compte du défunt 239

Article 24 : Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers 241

Avant l’article 25 242

Article 25 : Égalité entre les hommes et les femmes pour les tarifs et prestations en matière d’assurance 242

Après l’article 25 245

Article 26 : Dispositions relatives à l’outre-mer 247

Après l’article 26 247

ANNEXE 1 : IMPACT DU CANTONNEMENT SUR L’ACTIVITÉ BANCAIRE FRANÇAISE 249

ANNEXE 2 : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LA RAPPORTEURE 251

TABLEAU COMPARATIF 255

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 383

INTRODUCTION
LE PROJET DE LOI FRANÇAIS SÉPARE LES ACTIVITÉS DES BANQUES UTILES À L’ÉCONOMIE DE LEURS ACTIVITÉS SPÉCULATIVES, EN TIRANT LES LEÇONS DE LA CRISE DE 2008

La crise financière de l’automne 2008 est la plus importante crise économique depuis la grande déflation de 1929. La mise en perspective des crises bancaires montre que « les périodes de forte mobilité internationale des capitaux ont de manière répétée produit des crises bancaires internationales (1)», et que de façon tout aussi récurrente, ces crises bancaires ont presque toujours conduit à une explosion des dettes publiques dans les années qui ont suivi. Mais la crise de 2008 est la seule crise qui soit comparable à la grande dépression des années 1930 par son impact sur l’emploi, la production, les marchés et les finances publiques des pays développés. Initialement crise de marché, elle s’étend aux banques puis à l’ensemble de l’économie réelle (2). En trois ans, elle a provoqué le chômage de 13 millions de personnes dans les pays de l’OCDE, détruit quelque 1 000 milliards de dollars de richesse et provoqué une hausse en moyenne de 80 % des déficits publics.

Les activités d’une banque peuvent se décomposer schématiquement en deux groupes :

« – l’activité de transformation (l’intermédiation traditionnelle sur le crédit), qui se ferait sans recours aux marchés financiers (dépôts transformés en crédits au logement et à l’entreprise en simplifiant), ou au travers d’achats d’obligations d’État ou d’entreprise ;

– l’activité d’intermédiation qui passe par une activité sur les marchés financiers structurés ». » (3)

La réglementation prudentielle estimait nécessaire de réguler essentiellement le premier groupe d’activités, celles de transformation, par le pilotage des ratios bilanciels de la banque. Mais c’était ignoré les risques d’effet de levier beaucoup plus puissants « hors bilan » qui transitaient par la seconde activité, celle d’intermédiation sur les marchés, comme nous le verrons dans le mécanisme de diffusion de la crise de 2008.

La crise bancaire de 2008 signe ainsi l’échec de la régulation prudentielle face à la libéralisation des marchés financiers. Elle appelle une réforme non plus seulement prudentielle mais structurelle du système bancaire. Elle révèle en effet deux dangers majeurs à la stabilité financière, et jusque là ignorés par la régulation prudentielle : le risque systémique d’une part, et l’aléa moral d’autre part provoqué par la garantie implicite de l’État.

Le risque systémique est généré par la taille et à l’interdépendance extrême des établissements financiers. La réduction du risque systémique constitue un élément indispensable de la réforme structurelle du système bancaire. C’est tout l’objet du titre I du projet de loi de le réduire, en prévoyant un dispositif de séparation des activités bancaires par une filialisation étanche des activités les plus susceptibles de faire l’objet d’une contamination systémique.

L’aléa moral incite le système financier à prendre trop de risques puis pris en otage l’argent public pour sauver des activités de spéculation En ce qui concerne la France, votre rapporteure souligne le coût associé aux interventions menées en faveur des banques en France et estime qu’il est audacieux de penser que le fait que les banques françaises aient moins souffert de la crise que leurs homologues anglaises ou irlandaises garantisse, pour l’avenir, la stabilité du système bancaire français. La réduction de l’aléa moral constitue le second élément clé de la réforme structurelle du système bancaire. Le titre II du projet de loi vise à réduire, en prévoyant un dispositif de prévention et de résolution des crises bancaires qui doit éviter, au maximum, le financement par les contribuables des sauvetages de banques.

Depuis le début de la crise financière, si des mesures de renforcement prudentiel ont été prises, aucune évolution notable n’a été adoptée par la France pour apporter une réponse structurelle aux dysfonctionnements du secteur financier. La voie privilégiée a uniquement consisté à améliorer les conditions d’exercice de la régulation, sans jamais modifier substantiellement l’encadrement des activités bancaires et financières. Un tel constat souligne donc l’opportunité et l’ambition du présent projet de loi qui concerne directement l’activité bancaire et son encadrement.

En matière de régulation économique, un équilibre est toujours à rechercher entre compétitivité et protection, entre objectifs de court terme et objectifs de long terme, entre ignorance et arrogance pour reprendre les termes utilisés par Erkki Liikanen dans son audition par votre rapporteure.

En l’occurrence, dans ce projet de loi sur la régulation bancaire, l’équilibre à trouver se situe entre utilité de la finance à l’économie et protection contre les risques excessifs que la finance et les banques pourraient prendre et qui se retourneraient justement contre l’économie… et les banques elles-mêmes. Au nom de l’utilité économique, tous les excès de la finance peuvent être justifiés à court terme. C’est au nom de l’utilité économique que la bulle immobilière s’est formée aux États-Unis entre 2005 et 2008. C’est au nom de l’utilité économique que de puissants hedge funds sur les matières premières se sont constitués avant de devenir parfois, des prédateurs contre les pays producteurs de matières premières. Et c’est au nom de l’utilité et de l’équilibre économique que des produits de couvertures complexes, les Credit Default Swap, ont été inventé avant de devenir des armes de spéculation extrêmement déstabilisantes contre les dettes souveraines de nombreux pays, comme la Grèce en 2010.

Les quatre objectifs de réforme structurelle fixés par le projet de loi visent à concilier la double finalité d’utilité de la finance à l’économie et de protection contre les dérives de cette même finance ; ils peuvent être résumés ainsi :

1. éviter de se retrouver dans la situation de 2008, c’est-à-dire dans une situation où le paysage n’est composé que de banques systémiques ;

2. éviter que de l’argent public ne soit mobilisé pour sauver des activités qui n’ont rien à voir avec le financement de l’économie réelle ;

3. préserver l’argent des épargnants

4. financer l’économie réelle

Votre rapporteure estime que le projet de loi proposé par le gouvernement réalise bien ses objectifs : en limitant fortement l’aléa moral par la mise en œuvre de mécanismes de résolution dans les titres II et IV ; en luttant contre le risque systémique par la mise en place d’une séparation stricte des activités bancaires dans le titre Ier. Le projet de loi s’inscrit ainsi dans une approche globale touchant aux structures mêmes des banques, au-delà des dispositions prudentielles existantes. Il prévoit des mécanismes de résolution a priori et a posteriori ainsi qu’un système de surveillance macro-systémique dans son titre III.

Une comparaison avec les exemples anglo-saxons permet de replacer le projet de loi dans les débats actuels, sans nécessairement que ces expériences constituent une référence. C’est surtout la comparaison avec les recommandations du groupe d’expert de haut niveau présidé par M. Erkki Liikanen, mis en place par la Commission européenne, qui devrait constituer la source la plus riche d’instruction. En effet, le projet de loi français doit s’inscrire pleinement dans les réflexions actuelles de régulation au niveau européen. De ce point de vue, votre rapporteure estime que le projet de loi est parfaitement dans la ligne des recommandations du « rapport Liikanen », à l’exception de la recommandation du groupe en matière d’activité dite de « tenue de marché ».

En propos liminaire à ce rapport, Pierre-Alain Muet, député du Rhône, a accepté de dresser un bref aperçu de l’histoire de la politique économique de régulation de la financiarisation à outrance. Votre rapporteure l’en remercie vivement et retient notamment sa conclusion : « (la) loi de séparation et de régulation bancaire fait écho aux réformes inspirées de Roosevelt, qui changèrent en leur temps le cours de l’économie mondiale. »

Votre rapporteure remercie également la députée du Tarn-et-Garonne Valérie Rabault pour ses analyses, et son aide notamment dans la constitution du tableau d’activités bancaires.

Dans une interview sur la crise financière publiée dans Le Monde en octobre 2008, notre collègue Pierre-Alain Muet, proposait de revenir « à la séparation des activités de banque commerciale et de marché qui avait cours autrefois ». En mars 2009, dans un article publié également dans le quotidien Le Monde sous le titre « Retenons toutes les leçons du New Deal », il revenait sur les trois mesures prises par Roosevelt en 1933 : la séparation des banques de dépôt et des banques de marché avec le Glass-Steagall Act, le développement de la protection sociale et l’instauration d’une taxe dissuasive sur les très hauts revenus. Il soulignait que la généralisation de ces trois réformes structurelles à la plupart des économies développées « avait contribué à la longue période de stabilité financière et de prospérité de l'après-guerre, lorsque prévalait le système de Bretton Woods. » C’est pourquoi votre rapporteure lui a demandé une brève contribution sur ce thème mettant en perspective les réformes en cours.

Une mise en perspective de la réforme bancaire

Contribution de Pierre-Alain Muet, député du Rhône

Comme la crise de 1929, la crise actuelle a son origine dans les dérives qui ont marqué les décennies de libéralisation financière qui les ont précédées : dérives de la finance et explosion des inégalités de revenus ont alimenté une croissance dopée par l’endettement et la prolifération des innovations financières qui a conduit dans les deux cas l’économie mondiale au bord du gouffre.

Après la crise de 1929, Roosevelt prit un ensemble de mesures dont la généralisation aux pays développés après la deuxième guerre mondiale a structuré l’économie mondiale pendant toute la période de stabilité financière et de croissance forte où prévalait le système de Bretton Woods.

La première, le Glass-Steagall Act, fut la séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt et l’introduction d’une régulation stricte de ces dernières, avec une conviction forte et simple : les banques qui détiennent des dépôts exercent en quelque sorte une mission d’intérêt général. Elles ne doivent pas faire courir de risques au système des payements en spéculant sur les marchés financiers. Elles doivent donc être soumises à une régulation stricte et, en contrepartie, l’État doit garantir qu’elles ne tomberont pas en faillite. Les banques d’affaires, de leur côté prennent des risques et les assument sans que le contribuable ait à intervenir.

Cette régulation financière, généralisée à des degrés divers dans la plupart des pays après la seconde guerre mondiale, a été l’une des raisons de la stabilité financière du système Bretton Woods et de l’absence de crises bancaires majeures au cours de cette période.

Le deuxième ensemble de mesures fut le New Deal proprement dit, jetant les bases de l'État-providence moderne dans un pays où cette culture de la protection sociale était totalement étrangère.

Le troisième fut une imposition dissuasive sur les très hauts revenus qui aboutit à ce que pendant près d’un demi-siècle, les États-Unis vivront avec un taux marginal d'imposition sur les très hauts revenus proches de 80 %. Cette fiscalité dissuasive sur les hauts revenus conduira à une forte réduction des inégalités avant impôts (et a fortiori après) ; situation que l'on retrouvera dans presque tous les pays industrialisés dans l'après-guerre.

C'est la généralisation après la guerre à l'Europe et aux pays développés de ces trois changements structurels – protection sociale, régulation financière, réduction des inégalités – qui contribua à la longue période de prospérité de l'après-guerre.

Pendant toute cette période où le système de crédit était fortement régulé, le monde a certes connu des crises financières et des crises de change, mais aucune crise bancaire n’a mis le système monétaire et financier en péril. Tout au long de ces décennies, les banques ont en effet fait strictement leur métier de banquier : prêter, évaluer les risques et les conserver dans leur comptabilité jusqu’à l’échéance et l’économie réelle s’en est bien portée. Dans certains pays dont la France, une grande partie du financement de l’investissement des entreprises résultait du crédit bancaire, plutôt que des marchés financiers et dans tous les pays les régulations bancaires nationales permettaient d’éviter que les crises boursières n’engendrent des faillites bancaires.

Après l’éclatement du système de Bretton Woods, le flottement des monnaies et la libéralisation des mouvements de capitaux ont amorcé le développement de la finance internationale (et en parallèle celui des paradis fiscaux). Puis la grande dérégulation libérale qui suivit les révolutions conservatrices des années 1980 a ouvert la voie à une mondialisation financière pratiquement sans règles et sans limite, comparable à celle qui avait conduit à la crise de 1929.

Les réformes structurelles qu’inspira Roosevelt en 1933 dessinent aujourd’hui encore l’agenda pertinent des réponses à la crise actuelle. Parmi celles-ci, la régulation de la finance et la séparation des activités de marché et de détail des banques sont heureusement revenues dans l’agenda international, adaptées à la réalité d’aujourd’hui. Les propositions Volker pour les États-Unis, Vickers pour Royaume-Uni, Liikanen pour l’Union européenne s’inspirent toutes de cette philosophie dans un monde financier qui a certes profondément changé. Au-delà des différences techniques de chacune de ces réformes, ce qui importe est la dynamique qu’elles sont susceptibles d’engendrer. Car l’enjeu fondamental est de changer profondément le système financier dans les 10 ou 20 prochaines années et notre pays ne le fera pas seul.

Au moment où la réforme américaine s’enlise dans la complexité, où les Britanniques annoncent une réforme ambitieuse pour 2019 qui porte le risque de ne jamais être mise en œuvre, le gouvernement français a fait le choix d’avancer le premier dans une réforme progressive, cohérente, inscrite dans le projet européen dessiné par Liikanen. Le premier point fort de cette réforme est la dynamique qu’elle impulse. Le second est la cohérence avec la politique dans laquelle elle s’inscrit : réforme fiscale, développement de la négociation sociale, Loi de séparation et de régulation bancaire, font écho aux trois réformes inspirées de Roosevelt, qui changèrent en leur temps le cours de l’économie mondiale.

I.– LA CRISE FINANCIÈRE HISTORIQUE DE 2008 AMÈNE À RECONSTRUIRE INTÉGRALEMENT LA RÉGULATION DES MARCHÉS FINANCIERS ET DU SYSTÈME BANCAIRE.

A.– LA CRISE DE 2008, SECONDE GRANDE DÉPRESSION MONDIALE APRÈS CELLE DE 1929, JUSTIFIE LA RÉGULATION DU RISQUE SYSTÉMIQUE ET DE L’ALÉA MORAL DU SYSTÈME BANCAIRE ET FINANCIER.

La crise financière de l’automne 2008 est la plus importante crise économique depuis la grande déflation de 1929. C’est la seule crise qui lui soit comparable par son impact sur l’emploi, la production, les marchés et les finances publiques des pays développés. Initialement crise de marché, elle s’étend aux banques puis à l’ensemble de l’économie réelle (4). En trois ans, elle a provoqué le chômage de 13 millions de personnes dans les pays de l’OCDE, détruit quelque 1 000 milliards de dollars de richesse et provoqué une hausse en moyenne de 80 % des déficits publics.

1.– La crise bancaire de 2008 signe l’échec de la régulation prudentielle face à la libéralisation des marchés financiers.

Le diagnostic de cette crise est complexe et toujours controversé. À la différence de la crise de 1929, qui avait nourri la publication de la Théorie générale de la monnaie par Keynes, la théorie économique n’a pas connu de grand bouleversement suite au cataclysme. Votre rapporteure met toutefois l’accent sur trois choix politiques ayant fortement contribué au déclenchement et à la propagation de la crise financière :

– elle est directement corrélée à la libéralisation des marchés financiers au cours des trente dernières années. Ce choix politique pris dans les années quatre-vingt de libéraliser les marchés financiers doit par conséquent être réévalué au regard de cette crise ;

– les mécanismes de régulation prudentielle (les « gendarmes » placés à côté des marchés pour les surveiller) mis en place au cours des années 1990 et 2000 ont totalement échoué. « La déréglementation du marché des prêts hypothécaires subprimes et le triplement du ratio d’effet de levier des banques avaient été considérés à l’époque comme des décisions anodines ; rétrospectivement on peut y voir d’énormes erreurs de régulation (5)». Votre rapporteure estime que la crise financière de l’automne 2008 témoigne de l’échec d’une régulation du secteur bancaire fondée sur la seule réglementation prudentielle. Celle-ci est en effet inadaptée à des crises généralisées de l’ensemble du système bancaire et financier, auxquelles seule l’intervention des pouvoirs publics peut apporter une réponse ;

– une politique monétaire trop laxiste : la création monétaire aux États-Unis a été beaucoup trop importante au cours des années 2000. Ainsi la croissance de la masse monétaire M4 est de l’ordre de 30 % entre 2005 et 2008… soit 10 fois plus que la croissance de l’économie. Cette création monétaire a généré des bulles qui ont éclaté sur le marché immobilier.

Les enchaînements techniques de la crise découlent directement de ces trois choix politiques :

– la forte sous-évaluation du risque. Dans un contexte de faibles taux d’intérêts, et de dérapage des masses monétaires, les investisseurs cherchent à augmenter la rémunération de leurs placements en privilégiant des produits risqués ;

– le développement de la pratique de la titrisation (6) a engendré une extrême interdépendance des bilans financiers entre eux et a notamment permis le développement et la diffusion de produits financiers liés au marché immobilier américain. Cette technique financière conduit à diffuser le risque associé au marché immobilier américain à l’ensemble du système financier américain et européen ;

– la complexification des produits financiers conduit à la commercialisation de produits dont le risque est mal appréhendé par les investisseurs (7). L’appréciation du risque de ces produits est quasi impossible en raison notamment de l’agrégation au sein d’un même produit, d’actifs de qualité très différente ;

– l’effet levier du « hors bilan » bancaire : la réglementation prudentielle ne portait que sur le bilan des banques et pas sur les effets de levier issus du « hors bilan ». Par exemple, une grande partie des produits décrits plus haut était détenue par des organismes de placement, ou spécial investment vehicles (SIV) (8), caractérisés par une double spécificité : ces « conduits » se finançaient par de la dette de court terme, garantie par des lignes de liquidité bancaires et ces structures n’étaient pas consolidées dans le bilan des banques et des autres établissements financiers. Au moment où la crise éclate, il est donc impossible de déterminer avec précision leur exposition au risque (9).

2.– Le risque systémique et l’aléa moral sont les deux dangers révélés par la crise de 2008 et il convient de les réguler structurellement.

a) Le risque systémique généré par la taille et à l’interdépendance extrême des établissements financiers.

La faillite de Lehman Brothers est le déclencheur de la crise financière car c’est un établissement systémique. Cette faillite provoque en même temps une fermeture des marchés interbancaires et une perte totale de confiance dans l’évaluation de la situation financière de chaque établissement financier. Elle va conduire à des faillites en chaîne par « effet domino » au travers de deux dynamiques.

i.– Une dynamique négative de liquidité

Il est impossible de connaître les pertes de chaque banque suite à la faillite (titrisation et mauvaise notation). Si bilatéralement les pertes de chaque établissement avec Lehmann Brother étaient supportables, le doute s’installe sur les risques de solidité des autres établissements financiers. Les appels de marge deviennent dès lors beaucoup plus forts et font disparaître tout l’équilibre des marchés interbancaires : compte tenu des incertitudes sur l’état exact du bilan des banques, un cercle vicieux de défiance sur le marché interbancaire peut alors conduire à une impossibilité de trouver des financements pour couvrir leur besoin de financement à court terme ; les prêteurs préférant ne pas prêter plutôt que de le faire dans l’incertitude sur la qualité de leur contrepartie. Une telle fermeture du marché interbancaire condamne, à terme, tout établissement ne disposant pas de réserves de liquidités suffisantes pour assurer le service de ses engagements de court terme. Dans ces conditions, leur solvabilité n’est plus garantie.

ii.– Une dynamique négative de solvabilité

Le dégonflement de la bulle immobilière et la panique qui fait chuter les prix d’actifs vont en même temps faire décroître les bilans et engendrer de réelles pertes. Les banques font donc face à des besoins de financement accrus dans un contexte de tensions croissantes sur le marché interbancaire et à une fragilisation de leurs capitaux propres du fait des moins-values constatées. Les banques constatent en effet, au compte de résultat, de nouvelles provisions pour dépréciations qui viennent amputer leurs fonds propres, fragiliser davantage leur situation financière et accroître la défiance sur le marché interbancaire.

Le cercle vicieux et autoréalisateur enclenché provoque une crise généralisée du système financier qui, sans intervention des pouvoirs publics, aurait conduit à son effondrement. Les modèles d’évaluation du risque qui permettaient de calibrer les ratios prudentiels bancaires Value At Risk ne prenaient pas en compte ce double phénomène de dynamique endogène. C’est ce qu’on appelle un risque systémique.

En conséquence, le risque associé aux prêts accordés aux banques a été réévalué brutalement à la hausse, ce qui conduit à une accélération brutale de la fermeture du marché interbancaire.

Votre rapporteure insiste sur le fait que la réduction du risque systémique constitue un élément clé de la réforme structurelle du système bancaire. C’est tout l’objet du titre I du présent projet de loi de le réduire, en prévoyant un dispositif de séparation des activités bancaires par une filialisation étanche des activités les plus susceptibles de faire l’objet d’une contamination systémique.

b) L’aléa moral a d’abord incité le système financier à prendre trop de risques puis pris en otage l’argent public pour sauver des activités de spéculation.

Les banques françaises, comme toutes les banques d’Europe continentale, fonctionnent sur un modèle dit de banque universelle, c’est-à-dire qu’elles financent l’économie réelle d’une part (prêts aux ménages et aux entreprises), et qu’elles mènent d’autre part des activités de marché (achat et vente de titres sur les marchés financiers). Pour mener ces activités, les banques disposent de fonds propres dont l’allocation entre les différentes activités est décidée par leur management. En d’autres termes, les fonds propres servent aussi bien à « éponger » les pertes financières qui surviendraient tant sur les activités spéculatives que sur celles de financement, survenant lorsqu’une entreprise ne rembourse pas son prêt par exemple.

Comme la crise financière de 2008 a résulté d’activités spéculatives, les États n’auraient en toute logique pas eu à intervenir. En pure logique économique, ils auraient dû laisser ces activités faire faillite. Mais du fait du modèle universel des banques, une faillite de leurs activités « spéculatives » aurait eu un impact catastrophique sur le financement de l’économie réelle. C’est pour éviter cette situation qu’un plan massif de sauvetage public a été mis en œuvre.

Le sauvetage du secteur bancaire durant la crise de l’automne 2008 s’explique par la garantie implicite de l’État dont bénéficient le secteur en général et les établissements les plus importants en particulier pour deux raisons :

– l’intervention des États est dictée par la nécessité de s’assurer que les banques continuent à jouer pleinement leur rôle de financeur des entreprises, de protection de l’épargne des ménages et de financement de l’État (10). Une faillite bancaire peut conduire, par exemple, à la perte de leurs dépôts par les ménages (accéléré potentiellement par la panique, on parle alors de « bank run ») ou à l’impossibilité pour les entreprises de financer leur activité courante ;

– la seconde raison tient à la nécessité d’éviter l’effondrement, par « effet domino », du système financier – c’est-à-dire la réalisation d’un risque systémique. Un tel scénario conduirait à une récession économique grave, prolongée et globale. C’est le problème des établissements « too big to fail » qui marque l’échec du mécanisme américain de régulation et de résolution en 2008.

À l’automne 2008 et en 2009, les États n’ont donc eu d’autre choix que d’intervenir pour sauver le système financier mondial.

Les interventions publiques pour sauver le système financier
en France en 2008 et 2009

Les interventions publiques décidées à la suite de la faillite de Lehman Brothers ont poursuivi un double objectif de garantie de la liquidité et de renforcement de la solvabilité.

Compte tenu de la fermeture du marché interbancaire, la priorité résidait dans le rétablissement de la liquidité des banques.

À cet effet, la Banque centrale européenne a assoupli les conditions du refinancement qu’elle offre aux banques et, par un accord avec la Réserve fédérale américaine, leur a également offert une source de financement en dollars.

En France, la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie (11) a permis la mise en place d’un mécanisme de refinancement des banques, avec la création de la société de financement de l’économie française (SFEF). Détenue à hauteur de deux tiers par les établissements de crédit de la place de Paris et à hauteur d’un tiers par l’État, la SFEF avait pour objet d’emprunter avec la garantie de l’État pour prêter à moyen terme aux banques qui la détenaient. Le montant total des émissions obligataires réalisées par la SFEF s’élève à 77 milliards d’euros, les maturités étant comprises entre 15 mois et 5 ans. Au 1er janvier 2013, le montant résiduel de son encours obligataire serait de l’ordre de 21 milliards d’euros.

L’État a également procédé à des apports en fonds propres dans le double objectif de rassurer sur la solvabilité des banques – et donc de renforcer leur capacité à accéder aux marchés financiers – et d’éviter toute restriction du crédit.

Cette intervention a été réalisée via la société de prise de participations de l’État (SPPE). Hors Dexia, celle-ci a injecté, au total, pour 19,75 milliards d’euros de quasi-fonds propres, sous forme de titres super-subordonnés ou d’actions de préférence, qui ont été remboursés par les banques concernées. S’agissant de Dexia, une première recapitalisation a été réalisée à l’automne 2008, la Caisse des dépôts et la SPPE injectant respectivement 3 milliards d’euros et 1 milliard d’euros – ces participations ayant été entièrement dépréciées depuis. Une seconde recapitalisation a été réalisée par la SPPE en décembre 2012, à hauteur de 2,55 milliards d’euros.

Au total, les pouvoirs publics – État via la SPPE et Caisse des dépôts – ont injecté, au 1er janvier 2013, pour 26,3 milliards d’euros de fonds propres ou quasi-fonds propres dans les banques françaises, dont une part de 6,55 milliards d’euros au profit de Dexia qui semble pouvoir être largement passée par pertes et profits.

Le tableau suivant récapitule les apports en fonds propres ou quasi-fonds propres réalisés par les pouvoirs publics au profit des banques.

APPORTS EN FONDS PROPRES OU QUASI-FONDS PROPRES RÉALISÉS
PAR LES POUVOIRS PUBLICS AU PROFIT DES BANQUES

* Apports en fonds propres au profit des Caisses d’épargne, des Banques populaires puis du groupe BPCE.

* Y compris part de la Caisse des dépôts.

Votre rapporteure souligne le coût associé aux interventions menées en faveur des banques en France. S’il est vrai qu’il est concentré sur Dexia, les pouvoirs publics ont néanmoins engagé à fonds perdus plusieurs milliards d’euros, sans que l’on ne sache encore quel sera le montant exact des pertes. Votre rapporteure estime qu’il est audacieux de penser que le fait que les banques françaises aient moins souffert de la crise que leurs homologues anglaises ou irlandaises garantisse, pour l’avenir, la stabilité du système bancaire français.

Dans le cas des banques, l’État garantit donc implicitement aux plus grands établissements que leurs pertes extrêmes seront prises en charge par la société. Une telle garantie est non seulement critiquable sur le principe mais elle tend également à créer des incitations économiques à la prise de risque non maîtrisée. Dès lors qu’une banque se sent assurée qu’elle ne fera pas faillite, elle est incitée à prendre des risques plus importants, afin de renforcer sa rentabilité et ses profits. La garantie implicite ainsi accordée au secteur bancaire crée un « aléa moral » dans la relation établie entre banques et État. Notion issue originellement du monde de l’assurance, l’aléa moral décrit le phénomène consistant à ce qu’une personne adopte un comportement plus risqué dès lors qu’elle bénéficie d’une assurance sur les risques ainsi pris.

Cette garantie implicite de l’État tend donc non seulement à mettre à contribution les contribuables pour le sauvetage d’activités qui peuvent ne pas être directement liées au financement de l’économie, des activités de spéculation, mais elle a également pour effet d’accroître la prise de risques au sein du secteur bancaire et donc la probabilité de faillites.

Votre rapporteure insiste sur le fait que la réduction de l’aléa moral constitue un élément clé de la réforme structurelle du système bancaire. C’est tout l’objet du titre II du présent projet de loi de le réduire, en prévoyant un dispositif de prévention et de résolution des crises bancaires qui doit éviter, au maximum, le financement par les contribuables des sauvetages de banques.

B.– ENTRE 2008 ET 2012 LES RÉFORMES ENGAGÉES ONT ESSENTIELLEMENT RENFORCÉ LE CONTRÔLE PRUDENTIEL.

1.– L’évolution de l’architecture institutionnelle de la régulation financière.

a) En France

Comme en 2003 à la suite de l’éclatement de la bulle « Internet », les principales réformes menées au plan national ont consisté à modifier l’architecture institutionnelle de régulation du secteur.

Rappelons que la surveillance et la régulation du système financier sont assurées, au niveau national, par le ministre chargé de l’Économie, la Banque de France, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Le ministre chargé de l’Économie a pour principale mission d’imposer aux établissements de crédit les normes de gestion prudentielle prévues par la réglementation communautaire. Il est chargé de définir la réglementation applicable aux entreprises du secteur financier sur le fondement des articles L. 611-1 à L. 611-7 du code monétaire et financier.

Du fait de sa qualité de banque centrale et de son activité de prêt aux établissements bancaires, la Banque de France dispose des informations requises pour assurer la surveillance du système bancaire et joue, à ce titre, un rôle clé dans le dispositif français de surveillance du système financier. L’article 10 du présent projet de loi confirme la place centrale de la Banque de France en lui conférant une mission de surveillance de la stabilité financière.

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est issue de la fusion de la Commission des opérations de Bourse (COB), du Conseil des marchés financiers (CMF) et du Conseil de discipline de la gestion financière (CDGF). Elle a été créée par la loi de sécurité financière de 2003 afin d’assurer la régulation des marchés financiers. Elle veille à la protection de l’épargne investie dans les instruments financiers, à l’information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés financiers. À titre d’exemple, l’AMF réglemente l’information publiée par les sociétés cotées, veille au respect des règles applicables à la commercialisation de produits d’épargne collective et définit les principes d’organisation des entreprises de marché comme Euronext. Les principales entreprises contrôlées par l’AMF sont les sociétés de gestion, les entreprises de marché et les entreprises d’investissement.

L’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), qui résulte de la fusion entre la Commission bancaire et l’Autorité de contrôle des assurances et mutuelles (ACAM) (12), est une première réponse, apportée en 2009, à la crise bancaire et financière – même si sa création était prévue dès la loi de modernisation de l’économie de 2008 (13). En disposant d’une vue globale sur le secteur de la banque et de l’assurance, l’ACP doit assurer une surveillance micro-prudentielle d’acteurs souvent interconnectés.

L’ACP veille au respect des dispositions législatives et réglementaires applicables aux entreprises du secteur bancaire et assurantiel. Présidée par le gouverneur de la Banque de France, elle assume la mission de régulateur des secteurs bancaire et de l’assurance et s’appuie sur l’expertise de la Banque de France. La principale mission de l’ACP est de veiller au respect, par les établissements de crédit, de la réglementation prudentielle qui leur est applicable. Elle a également pour rôle de veiller à l’application de la réglementation en matière de protection des consommateurs dans le secteur bancaire et de l’assurance. L’ACP régule principalement les établissements de crédit, les entreprises d’investissement et les entreprises du secteur de l’assurance.

L’ACP et l’AMF sont des autorités administratives indépendantes dont le financement est principalement assuré par des taxes affectées, auxquelles sont assujetties les entreprises relevant des secteurs dont ces autorités assurent la régulation.

Succédant au Collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier (CACES) (14), le Conseil de régulation financière et du risque systémique (COREFRIS) est une instance de coordination entre le ministre chargé de l’Économie, la Banque de France, l’ACP, l’AMF et l’Autorité des normes comptables (ANC). Sa création a constitué la principale mesure de la loi de régulation financière de 2010, donc la principale réforme en matière bancaire et financière réalisée par la précédente majorité.

Le COREFRIS a pour objet de réunir les différents acteurs de la régulation du système financier pour garantir leur coordination. L’article 11 du présent projet de loi le renomme « Conseil de stabilité financière » et lui confère notamment la tâche de déterminer les coussins de capitaux propres supplémentaires qui pourront, en certaines circonstances, être imposés aux établissements de crédit.

À noter enfin que, si elle est dotée d’une compétence non pas sectorielle mais transversale, l’Autorité des normes comptables participe à la régulation bancaire et financière. La création de l’Autorité des normes comptables (ANC) (15), par fusion du Conseil national de la comptabilité et du comité de la réglementation comptable, marque l’aboutissement de la réforme du processus français de normalisation comptable. L’ANC a pour objet de faciliter la normalisation comptable en France. À cette fin, l’Autorité est dotée du pouvoir d’adopter les normes françaises qui s’appliquent aux comptes des sociétés non cotées (ce qui concerne essentiellement les PME). La méthode de comptabilisation de certains actifs de marché – entre juste valeur et coût historique – peut avoir un impact substantiel sur les résultats des banques, ce qui explique l’importance de l’ANC en matière bancaire et financière.

b) Au niveau communautaire

 Le besoin de coordination entre autorités nationales de régulation, mis en lumière par la crise financière de 2008, a conduit à l’instauration d’autorités européennes de surveillance, dont le rôle consiste largement à harmoniser les pratiques de régulation du secteur.

Mises en place en janvier 2011, trois autorités européennes de régulation sectorielle – l’Autorité bancaire européenne (ABE), l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP) – coordonnent les travaux des autorités nationales de surveillance en veillant à dégager entre elles des consensus et à harmoniser leurs pratiques prudentielles et en arrêtant, si nécessaire, des décisions à leur intention. L’AEMF dispose, par ailleurs, de pouvoirs propres en matière de régulation des agences de notation.

Le Conseil européen du risque systémique (CERS) est chargé de la surveillance macro-prudentielle et peut émettre des recommandations destinées en vue de prévenir un risque systémique. Il est l’homologue du COREFRIS au niveau communautaire.

À ce stade, le dispositif communautaire de régulation du secteur financier a principalement pour objet d’assurer la coordination des autorités nationales de régulation et d’émettre des recommandations à l’adresse des États membres et de la Commission européenne.

Le dispositif communautaire de régulation pourrait évaluer de manière marquée avec « l’union bancaire » (16) qui devrait conduire à l’octroi de pouvoirs propres à la Banque centrale européenne en matière de surveillance bancaire. La BCE aura notamment la compétence d’agréer les établissements de crédit, d’évaluer les participations qualifiées, de veiller au respect des exigences minimales de fonds propres ainsi qu’à l’adéquation du capital interne par rapport au profil de risque de l’établissement de crédit concerné (mesures du deuxième pilier) et d’exercer une surveillance sur base consolidée ainsi que des missions de surveillance en ce qui concerne les conglomérats financiers.

Dans le cadre d’une telle union, le contrôle prudentiel des principaux établissements bancaires serait assuré par la BCE. L’ACP resterait en charge du contrôle prudentiel des autres établissements et conserverait ses autres missions, notamment en matière de protection des consommateurs.

● Dans le même temps, l’Union a adopté un ensemble de textes visant à mieux réglementer les marchés financiers. On peut notamment retenir la directive sur les fonds d’investissement alternatifs (AIFM) (17) qui fixe un cadre réglementaire et définit les modalités d’une surveillance harmonisée pour les gestionnaires de fonds alternatifs dans l'Union européenne. Elle définit les règles en matière d'organisation et de conduite des activités pour la gestion de fonds, pose de nouvelles exigences par rapport aux fonds alternatifs et un cadre à la commercialisation transfrontalière des fonds en instituant un passeport européen de commercialisation. De même la directive sur les marchés instruments financiers (MIF) (18) définit un cadre réglementaire pour la prestation de services d'investissement concernant des instruments financiers.

2.– Le durcissement de la réglementation prudentielle par les ratios de Bâle III.

 Le renforcement de la réglementation prudentielle décidé à la suite de la crise financière – par les règles dites de Bâle 2,5 et Bâle III – poursuit trois objectifs.

En premier lieu, du fait des règles de Bâle 2,5 (19), la pondération des risques de marché et des risques associés à la titrisation a été renforcée. En d’autres termes, ces actifs doivent être couverts par un montant plus important de fonds propres. Une telle évolution réduit mécaniquement la rentabilité du capital ainsi investi et l’incitation économique à mener de telles activités.

En deuxième lieu, les règles de Bâle III ont eu pour objet de renforcer les exigences de fonds propres demandées aux banques. Le montant de fonds propres rapporté aux actifs pondérés par les risques est ainsi plus important, comme l’illustre le graphique ci-dessous. Par ailleurs, la « qualité » des fonds propres est également renforcée avec l’instauration du nouveau ratio relatif aux fonds propres « durs », principalement les actions, de l’établissement.

LES RATIOS DE FONDS PROPRES : DE BÂLE II À BÂLE III

Une telle évolution tend à accroître la solvabilité des banques en renforçant leur capacité à absorber des pertes et à réduire le risque de faillite bancaire. Elle a également pour conséquence mécanique de réduire la rentabilité du capital investi dans les banques, un même bénéfice devant être réparti, toutes choses égales par ailleurs, sur un capital plus important.

Enfin, tirant les conséquences des crises de liquidité constatées au moment de la crise financière, les règles de Bâle III prévoient également des ratios de liquidité destinés à renforcer la capacité des banques à faire face à leurs engagements de court terme en cas de restriction du financement externe :

– le liquidity coverage ratio (LCR) est un ratio à un mois, dont l’objectif est de garantir que la banque détient suffisamment d’actifs liquides pour faire face à ses besoins de liquidité en cas de crise pendant un mois ;

– le net stable funding ratio (NSFR) doit permettre de s’assurer que les actifs à plus d’un an sont couverts par des ressources à plus d’un an.

Ces deux règles prudentielles ont été fortement critiquées, notamment par les banques françaises dont le financement externe occupe une place proportionnellement plus importante en raison des spécificités de l’épargne française.

Il importe néanmoins de noter que la principale difficulté posée par le LCR semble avoir été résolue par l’élargissement des types d’actifs entrant dans le champ du ratio.

● Dans la lignée de Bâle II pour les banques, l’Union européenne a également engagé un travail de réforme de la réglementation prudentielle s’appliquant au secteur de l'assurance. Il s’agit d’encourager les organismes à mieux connaître et à évaluer leurs risques notamment en adaptant les exigences réglementaires aux risques que les entreprises encourent dans leur activité. Les principes généraux de cette réforme sont fixés par la directive Solvabilité II (20) qui doit être complétée par des mesures de mise en œuvre et par des standards techniques relevant de la compétence de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles.

Les exigences de Solvabilité II sont structurées en trois piliers :

– des exigences quantitatives, notamment en matière de fonds propres et de calculs des provisions techniques ;

– des exigences en matière d’organisation et de gouvernance des organismes ;

– des exigences en matière d'informations prudentielles et de publication.

Les derniers textes législatifs modifiant
l’architecture institutionnelle de régulation financière

● La loi de sécurité financière de 2003 fait suite à l’éclatement de la bulle Internet et constitue une réponse aux dysfonctionnements qu’elle révèle.

Elle simplifie l’architecture institutionnelle de la supervision des marchés financiers en créant l’Autorité des marchés financiers.

Elle renforce la réglementation applicable en matière de protection des épargnants, avec notamment un meilleur encadrement du démarchage bancaire et financier et la création du statut de conseiller en investissements financiers.

Elle actualise le statut des commissaires aux comptes et prévoit plusieurs dispositions tendant à accroître la transparence financière au sein des entreprises.

● La principale réponse apportée par la précédente majorité à la crise financière de 2008 est, à nouveau, une évolution de l’architecture institutionnelle de la régulation du secteur financier.

D’une part, l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 porte fusion des autorités d’agrément et de contrôle de la banque et de l’assurance crée l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP). Cette nouvelle instance fusionne non pas deux mais quatre autorités de régulation :

– la Commission bancaire (CB) et l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (l’ACAM), dotées du pouvoir disciplinaire ;

– le Comité des entreprises d’assurance (CEA) et le Comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (CECEI), chargés de délivrer les agréments.

Cette évolution tire les conséquences de l’imbrication croissante entre secteur bancaire et secteur de l’assurance, notamment caractérisée par le fait que la plupart des grands acteurs de ces marchés proposent à la fois des services bancaires et des services d’assurance.

D’autre part, la loi de régulation bancaire et financière de 2010 a eu pour principal objet de renforcer l’organe de surveillance macro-prudentielle – le COREFRIS – et de prévoir l’octroi à l’AMF de pouvoirs tendant à restreindre les conditions de négociation d’instruments financiers.

À titre subsidiaire, elle prévoit plusieurs mesures de transposition d’actes communautaires, notamment en matière de régulation des agences de notation, et précise plusieurs dispositions applicables en matière de régulation des marchés financiers.

II.– LE PROJET DE LOI MET EN PLACE LA PREMIÈRE RÉGULATION STRUCTURELLE DU SYSTÈME BANCAIRE EN EUROPE

Depuis le début de la crise financière, aucune évolution notable n’a donc été adoptée par la France pour apporter une réponse structurelle aux dysfonctionnements du secteur financier. La voie privilégiée a uniquement consisté à améliorer les conditions d’exercice de la régulation, sans jamais modifier substantiellement l’encadrement des activités bancaires et financières. Le système bancaire n’a pas connu de suite au choc de 2008. Il n’y a pas eu d’autorégulation du secteur depuis 2008 : volatilité accrue ; bonus non limités ; raréfaction du financement au PME ; et nouvelle crise de liquidité à l’été 2011.

Un tel constat souligne donc l’opportunité et l’ambition du présent projet de loi qui concerne directement l’activité bancaire et son encadrement. Les quatre objectifs de réforme structurelle fixés sont en effet les suivants :

● éviter de se retrouver dans la situation de 2008, c’est-à-dire dans une situation où le paysage n’est composé que de banques systémiques, c’est-à-dire de banques dont la faillite entraînerait une crise majeure voire une récession pour l’économie tout entière ;

● éviter que de l’argent public ne soit mobilisé pour sauver des activités qui n’ont rien à voir avec le financement de l’économie réelle (car en sauvant une banque dans son ensemble, on en sauve toutes les activités, y compris celles qui ne servent qu’à faire de la spéculation) ;

● préserver l’argent des épargnants ;

● financer l’économie réelle.

Votre rapporteure estime que le projet de loi proposé par le gouvernement réalise bien ses objectifs, notamment en écartant l’aléa moral et le risque systémique. En effet, le projet de loi s’inscrit dans une approche globale touchant aux structures mêmes des banques, au-delà des dispositions prudentielles existantes. Il prévoit également des mécanismes de résolution a priori et a posteriori ainsi qu’un système de surveillance macro-systémique.

Une comparaison avec les exemples anglo-saxons permet de replacer le projet de loi dans le contexte actuel, sans nécessairement devoir être une référence, car le choix du modèle de banque universelle de la France et de la plupart des pays d’Europe continentale semble devoir être conforté. C’est surtout la comparaison avec les recommandations du groupe d’expert de haut niveau présidé par M. Erkki Liikanen, mis en place par la Commission européenne, qui devrait être la source la plus riche d’instruction. En effet, le projet de loi français doit s’inscrire pleinement dans les réflexions actuelles de régulation au niveau européen. De ce point de vue, votre rapporteure estime que le projet de loi est parfaitement dans la ligne des recommandations du « rapport Liikanen », à l’exception de la recommandation du groupe en matière d’activité dite de « tenue de marché ». Le débat parlementaire pourra utilement aborder ce point de divergence, et envisager la nécessité ou non de rapprocher les deux points de vue.

A.– LES RÉFLEXIONS À L’ÉTRANGER SUR LA SÉPARATION DES ACTIVITÉS BANCAIRES, UNE ÉVOLUTION DANS LE SENS DE L’HISTOIRE.

Pour séparer les activités des banques, plusieurs options sont envisageables. Rappelons tout d’abord que cette séparation a été instaurée en 1933 aux États-Unis, en réponse à la crise de 1929 (Glass-Steagall Act) ; puis supprimée en 1999 ce qui est assez récent.

Plusieurs États ou organisations ont engagé un travail de réflexion important sur le sujet, avec le Dodd Franck Act aux États-Unis, le rapport demandé à Sir John Vickers au Royaume-Uni

1.– Aux États-unis : le rapport Volcker.

La « règle de Volcker », du nom de l’ancien directeur de la Réserve fédérale américaine, est une disposition du Dodd Franck Act du 21 juillet 2010, par laquelle est introduite une nouvelle section au Bank Holding Company Act (BHC) de 1956. Elle s’articule autour de quatre principes généraux.

a) L’interdiction de la négociation pour compte propre

Cette disposition interdit la pratique des activités de négociation pour compte propre (21) par un établissement de dépôt qui bénéficie de la garantie publique, par une entreprise contrôlant un tel établissement de dépôt ou par une entreprise considérée comme une holding bancaire. Ces activités ne peuvent être exercées qu’en vertu d’une autorisation légale spécifique et sont soumises à toutes les restrictions émises par l’agence fédérale bancaire compétente.

Ne sont pas concernées par cette interdiction les activités de négociation sur les obligations émises par les États-Unis, ou par toute agence affiliée. Ne sont également pas soumises à cette interdiction, dès lors qu’elles sont exercées en dehors des États-Unis, et sous réserve qu’elles ne soient pas contrôlées par une compagnie installée aux États-Unis :

– les participations ou activités réalisées par une entreprise de droit étranger, lorsque l’essentiel de l’activité est réalisé à l’étranger, dans les conditions énoncées par arrêté ou par l’autorité de régulation compétente.

– les participations ou activités réalisées par une entreprise n’ayant qu’une activité accessoire aux États-Unis, dans les conditions énoncées par arrêté ou par l’autorité de régulation compétente.

b) L’interdiction du sponsoring et de l’investissement dans les hedge funds et les fonds de private equity

La loi interdit le sponsoring (22) et tout investissement au sein d’un hedge fund ou d’un fond de private equity par un établissement de dépôt bénéficiant de la garantie publique ou par une entreprise contrôlant un tel établissement de dépôt ou considérée comme une holding bancaire.

Aucune transaction n’est autorisée avec les hedge funds ou avec les fonds de private equity, sauf à ce que la transaction soit réalisée aux conditions du marché et qu’elle corresponde à l’un des cas suivants :

– les transactions couvertes ;

– la vente de titres ou autres actifs ;

– la fourniture de service en vertu d’un contrat ;

– les opérations dans laquelle la filiale intervient en tant qu’agent et est rémunérée par la société mère ;

– toute transaction avec une tierce personne à laquelle participe une filiale ou dans laquelle elle a un intérêt financier.

Les investissements dans les petites entreprises d’investissements ou destinés principalement à promouvoir l’intérêt général ne sont pas concernés par cette interdiction, sous réserve d’une autorisation légale spécifique et dans les conditions énoncées par l’agence fédérale bancaire compétente.

c) Les exigences spécifiques à certaines sociétés financières non bancaires

L’autorité de supervision peut adopter des règles imposant des exigences additionnelles de capital ainsi que des limitations supplémentaires à destination des sociétés financières non bancaires dès lors qu’elles sont engagées dans des activités de négociation pour compte propre ou lorsqu’elles investissent dans des hedge funds ou dans des fonds de private equity.

Ne sont pas concernées par cette interdiction les activités de négociation sur les obligations émises par les États-Unis, ou par toute agence affiliée.

d) La limite de la concentration du secteur bancaire

La loi prévoit également qu’une société financière ne peut pas fusionner ou se consolider ni acquérir la totalité ou la quasi-totalité d’une autre société financière, si le total consolidé du passif de la société absorbante excède 10 % du total consolidé du passif de toutes les sociétés financières à la fin de l’année civile précédente.

Cette disposition ne s’applique pas dès lors que :

– l’une des banques est en défaut ou en danger de défaut de paiement ;

– l’opération est assimilable à une mesure d’assistance destinée à prévenir le défaut d’une banque ;

– l’opération n’aboutirait qu’à une faible augmentation du passif de la société absorbante.

L’ensemble de ces dispositions prend effet 180 jours après la promulgation du texte. S’agissant des investissements proscrits, les entités concernées disposent d’un délai de deux ans pour se conformer à la réglementation, délai pouvant être prolongé d’une année supplémentaire sur décision de l’agence bancaire fédérale compétente.

2.– Au Royaume-Uni : le rapport Vickers.

De son côté, le Gouvernement britannique a constitué un groupe d’experts (Independent Commission on Banking – ICB) chargé de proposer une réforme du système bancaire. Présidé par l’économiste John Vickers, le groupe a rendu ses travaux en septembre 2011. Il vise principalement deux objectifs : améliorer la stabilité financière et renforcer la compétitivité des banques britanniques.

a) Le renforcement de la capacité des banques à absorber leurs propres pertes

Si le groupe de travail se félicite des recommandations issues de Bâle III, reconnaissant qu’un ratio de capitaux propres de risque pondéré d’actifs à 7 % constitue une étape importante, elle préconise d’aller au-delà. Outre une augmentation des capitaux propres, une nouvelle hausse favoriserait la prise en charge des pertes bancaires par les créanciers plutôt que les contribuables. Il recommande, pour les banques de dépôts, un ratio de 10 % de capitaux propres.

Pour les banques d’investissement, le ratio ne devrait pas excéder les normes standard internationales, dès lors que les plans de résolution des banques d’investissement anglaises permettent une éventuelle faillite sans risques pour le contribuable.

L’ICB suggère également d’envisager le recours aux mécanismes de contingent capital et de bail-in (23). Le contingent capital correspond à de la dette convertible en actions ou pouvant supporter une dépréciation sur déclenchement, permettant à une banque soumise à un choc financier de continuer à fonctionner normalement, par une forte incitation à la recapitalisation.

Le bail-in serait imposé par l’autorité de régulation aux détenteurs d’obligations émises par la banque. Pour une plus grande efficacité et afin de favoriser un partage des pertes avec les investisseurs, ce mécanisme opérerait une hiérarchisation claire entre les déposants ordinaires, et les créanciers non sécurisés, les premiers étant prioritaires sur les seconds.

Ce dispositif permettrait également de faciliter le traitement des faillites bancaires et de limiter les dommages collatéraux, c’est-à-dire les faillites en cascade.

b) La filialisation des activités de dépôt

L’ICB considère qu’il est possible et nécessaire d’opérer une distinction entre les banques de dépôt et les banques d’investissement : les premières, dotées d’une clientèle peu mobile, peuvent être réglementées par le législateur national tandis que les secondes, caractérisées par une clientèle internationale, requièrent un cadre réglementaire inter-étatique.

Une séparation de ces activités faciliterait le traitement des banques en difficulté, la sectorisation des activités permettant un traitement adapté tout en assurant une protection des banques de détail.

L’ICB propose ainsi d’instituer un système de ring-fence qui consisterait à filialiser les activités de banque de dépôt sur le territoire britannique au sein d’un groupe bancaire. Ces banques devraient néanmoins respecter un ratio de capitaux propres et d’absorption minimal de 10 %. Dans ces conditions, le groupe bancaire aurait la possibilité de transférer du capital entre les banques de dépôt et les autres activités bancaires.

Cette architecture distinguerait trois types d’opérations :

– les activités exclusives de la banque de dépôt, c’est-à-dire les activités de collecte de dépôt ;

– les activités pouvant alternativement relever de la banque de dépôt ou de la banque d’investissement, c’est-à-dire les services ordinaires requis par la majorité des particuliers et des PME (prêts, hypothèques, épargnes, conseils…) ;

– les activités exclusives de la banque d’investissement, c’est-à-dire toutes les activités de négoce pour compte propre ou pour le compte d’un client, mais aussi les activités de tenue de marché.

La Commission n’indique pas si cette filialisation apportera de meilleures garanties de stabilité qu’une séparation stricte ; elle justifie son choix par le moindre coût pour les banques qu’engendrerait cette opération en raison de la liberté que conserverait le groupe bancaire en matière de transfert de capital.

B.– LE RAPPORT DU GROUPE D’EXPERT PRÉSIDÉ PAR ERKKI LIIKANEN POUR L’EUROPE CONTINENTALE ET SON MODÈLE DE BANQUE UNIVERSELLE

Remis le 2 octobre 2012, le rapport Liikanen est le fruit de la réflexion du groupe d’experts mandatés par la Commission européenne pour réfléchir à la réforme structurelle du secteur bancaire de l’Union européenne. Il s’articule autour de quatre grandes propositions.

Les approches Volcker et Vickers ne sont pas la solution pour l’Europe. Pourquoi ? Parce que par exemple, en France, il y a essentiellement quatre banques (toutes les quatre désormais considérées comme systémiques par le G20) alors qu’il y a près de 7 500 banques aux US. Aux US une banque fait faillite chaque mois. Elle est ensuite pour partie rachetée par des concurrentes, pour partie liquidée par l’organisme américain de garantie des dépôts et de liquidation des faillites bancaires, la FDIC. Le même type de procédure en Europe n’a de sens qu’à un niveau européen, vu la concentration du secteur bancaire. Mais dans ces conditions, il faut un mécanisme – européen – de garantie des dépôts et de résolution des institutions bancaires.

1.– La séparation obligatoire des activités de négociation pour compte propre

Le rapport Liikanen propose que la négociation pour compte propre et toutes les positions sur actifs ou dérivés résultant d’activités de tenue de marché soient obligatoirement assignées à une entité juridique distincte qui pourrait être une entreprise d’investissement ou une banque. Il s’agit de limiter l’exposition des activités vitales pour l’économie (collecte de dépôt, services financiers aux entreprises…) aux risques engendrés par les activités de négociation.

De même, les prêts, engagements de prêt ou expositions de crédit non garanties vis-à-vis de fonds spéculatifs (hedge funds) ainsi que les véhicules d’investissement structuré, les participations en capital-investissement, seraient filialisés.

La banque de dépôt et la filiale pourront opérer au sein d’une structure de holding bancaire. La filiale pourra exercer toutes les autres activités bancaires, à l’exception de celles confiées à la banque de dépôt. Le transfert de risques ou de fonds entre la banque de dépôt et l’entité négociatrice au sein d’un même groupe se fera aux conditions du marché.

Une séparation stricte ne deviendrait obligatoire que si les activités à séparer venaient à représenter un volume significatif ou si des plans de sauvetage ou de résolution l’exigeaient. Le rapport estime ainsi que, lorsque les actifs détenus par une banque à des fins de transaction et disponibles à la vente, dépassent un seuil situé entre 15 % et 25 % du total des actifs de la banque ou un seuil de 100 milliards d’euros, la banque serait soumise à un nouvel examen. Il appartiendrait alors aux autorités de surveillance de se prononcer sur la nécessité d’une séparation stricte.

Lors de son audition par votre rapporteure, Erkki Liikanen a résumé la différence entre cette proposition et celle du rapport Vickers par la formule : « le rapport Vickers cantonne les agneaux tandis que le rapport Liikanen cantonne les lions ».

Les plus petites banques seraient exemptées de l’obligation de séparation. En outre, cette filialisation ne s’appliquerait pas à la fourniture, à des clients autres que des banques, de services de couverture ni à la prise ferme de valeurs mobilières.

2.– Les mesures de rétablissement ou de résolution

Le rapport invite à envisager une séparation a posteriori plus stricte lorsque la banque fait l’objet d’un plan de rétablissement ou de résolution. Il recommande pour cela de renforcer le pouvoir des autorités nationales de résolution : elles doivent pouvoir imposer à une banque de modifier sa structure juridique ou opérationnelle. Il soutient également la proposition de la Commission de conférer à l’autorité bancaire européenne (ABE) un rôle plus important afin d’assurer une harmonisation dans l’application des normes. Il s’agit d’évaluer l’impact systémique des plans de redressement et de résolution.

Dans le souci de renforcer la capacité des banques à absorber leurs pertes, le groupe Liikanen propose, en combinaison avec d’autres mesures de réorganisation, et en assurant le respect de la hiérarchie ex ante des créanciers, de promouvoir l’utilisation d’instruments dédiés au renflouement interne. Les banques doivent pouvoir déprécier les créances non garanties, dans le cadre d’une opération de résolution, et les convertir en titres de participation garantissant ainsi l’implication des investisseurs dans la couverture du coût de la recapitalisation et/ou l’indemnisation des déposants.

Afin de limiter les interconnexions au sein du système bancaire, le rapport suggère que les instruments admissibles aux fins d’un renflouement interne ne soient pas détenus par les banques elles-mêmes mais plutôt par des investisseurs institutionnels non bancaires (par exemple, les fonds d’investissement et les entreprises d’assurance-vie). Il préconise également de clarifier la position de ces instruments dans la hiérarchie des engagements inscrits au bilan.

3.– Le renforcement des règles de fonds propres

À l’inverse des banques de dépôts, les risques importants que supporteront les filiales séparées ou autonomes induiront un durcissement des exigences de fonds propres afin que les risques qui pèsent sur le groupe et le système financier dans son ensemble puissent être contrôlés. Cette exigence pourrait prendre la forme d’une exigence accrue de fonds propres. Un seuil plancher suffisamment élevé pour les exigences fondées sur le risque (actifs pondérés en fonction du risque) pourrait également être institué. Le groupe invite le comité de Bâle à tenir compte, dans ses travaux, des lacunes présentées par les exigences de fonds propres actuelles, telles qu’elles ont été identifiées dans le rapport.

Par ailleurs, le groupe invite la Commission à envisager de nouvelles mesures concernant le traitement à réserver aux prêts immobiliers dans le cadre des exigences de fonds propres, l’octroi excessif de prêts sur les marchés immobiliers ayant été souvent identifié comme à l’origine de crises bancaires systémiques.

4.– Une amélioration de la gouvernance et du contrôle des banques

La crise financière a montré l’insuffisance de la gouvernance et des mécanismes de contrôle pour empêcher la prise de risque excessive, dans un secteur où, pourtant, l’importance systémique des banques exige une gouvernance et un contrôle important. Ces difficultés ont été exacerbées par un glissement des activités bancaires vers plus de négociation et d’activités de marché. Les banques en sont devenues plus complexes, moins transparentes et, par extension, plus difficiles à gérer.

Le rapport propose de revoir la gouvernance du système financier et les mécanismes de contrôle en imposant par exemple que les dirigeants de ces établissements disposent de la compétence et de l’honorabilité suffisantes. Il appelle également à la mise en œuvre rapide des normes de Bâle III. Il considère qu’il faut accroître les exigences de publicité applicables aux banques et durcir les sanctions à l’encontre des dirigeants. Les autorités de surveillance doivent être dotées de véritables pouvoirs de sanction comme par exemple l’interdiction d’exercice professionnel à vie ou le retrait de rémunérations différées.

« Le trading devra avoir son propre capital, ce qui signifie qu’il prospérera ou échouera par ses propres moyens, et que [sa faillite éventuelle] ne pourra pas, du moins en théorie, faire sombrer les opérations classiques de banque de détail. L’idée étant de sanctuariser l’argent des contribuables et des épargnants en évitant d’avoir recours à l’avenir aux ressources publiques pour renflouer les éventuels ‘trous’ dans le bilan comptable des traders ».

C.– UNE RÉFORME DE STRUCTURE DÉPASSANT LES MESURES PRUDENTIELLES.

Le projet de loi s’inscrit dans une approche plus globale touchant aux structures mêmes des banques, au-delà des dispositions prudentielles existantes. Il prévoit également des mécanismes de résolution a priori et a posteriori ainsi qu’un système de surveillance macro-systémique.

1.– La séparation des activités va dans le sens de l’histoire : le titre Ier consacre la séparation a priori des activités pour lutter contre le risque systémique.

L’article 1er du projet de loi organise le cantonnement des activités spéculatives ou risquées par rapport à l’ensemble des activités de la banque universelle. Nombre d’économistes considèrent que les opérations de marché portent la plus grande part du risque systémique en raison notamment des interconnexions bancaires. Maintenir dans une même structure ces opérations de marché et les dépôts des particuliers ou des professionnels induit donc une contagion des risques à l’ensemble du système. Si un relatif consensus semble exister sur la nécessité de distinguer les opérations de marché du reste des activités bancaires, il n’existe aucun accord sur les modalités de sa mise en œuvre, ni sur la définition des activités concernées.

Plusieurs pays occidentaux ont engagé un travail de réflexion (cf. infra) sur ce sujet. Le projet de loi retient l’option de la filialisation stricte et a priori des activités risquées. Ce choix repose sur trois grands principes : les activités de marché pour compte propre et certaines opérations conclues avec une entité non soumise aux règles prudentielles ordinaires doivent être isolées au sein d’une filiale dédiée. Ladite filiale doit être autonome en matière de fonds propres et soumise à l’ensemble des règles prudentielles, qu’il s’agisse de Bâle III ou de Solvabilité II. La filiale ne saurait exposer la maison mère au-delà d’un seuil dit de grand risque, actuellement fixé à 10 % des fonds propres.

Le projet de loi va plus loin que les règles prudentielles qui prennent certes en compte la nature des opérations pour déterminer les ratios applicables, mais qui n’excluent pas du champ de la banque commerciale certaines activités.

Le partage des activités intervient a priori, c'est-à-dire avant la survenance du moindre problème. Pour autant, l’autorité de régulation et de supervision peut, à tout moment, revoir le champ des activités filialisées si elle considère que la banque universelle s’expose excessivement.

Le défaut de transmission d’informations
sur l’activité des banques

Votre rapporteure a demandé au ministère de l’Économie ainsi qu’à la fédération bancaire française des données lui permettant d’estimer l’impact de ce cantonnement sur l’activité bancaire française. Le tableau transmis par votre rapporteure figure en annexe I. Le ministère a renvoyé à l’étude d’impact qui indique qu’il est « malheureusement impossible, compte tenu du très petit nombre de banques concernées et pour des raisons de confidentialité et de respect du secret des affaires, d’exposer les ordres de grandeur correspondant à la taille de l’éventuelle filiale ». Lors de son audition, le ministre a indiqué qu’il ne disposait pas « d’une estimation très fiable de la part de l’activité bancaire concernée par la filialisation, si bien que la plus grande précaution s’impose ». Il a rappelé que « l’exercice est délicat car les chiffres varient beaucoup selon les établissements ; leurs structures d’activités diffèrent, et elles peuvent fluctuer selon les années. En réalité, une évaluation fiable ne pourra être menée qu’une fois arrêté le cadre précis des activités qui peuvent être maintenues au sein de la maison mère ». Il a enfin indiqué avoir « la conviction que les chiffres seront finalement plus élevés que ceux auxquels les banques elles-mêmes s’attendent aujourd’hui » (24.

La fédération bancaire française n’a pas été en mesure de transmettre des données chiffrées à votre rapporteure, faisant part de difficultés méthodologiques d’agrégation des données et de règles de confidentialité. votre rapporteure regrette vivement de ne pas disposer des données, même partielles. La confidentialité ne semble par ailleurs pas être un argument recevable dans la mesure où elle n’avait demandé que des données consolidées et anonymisées.

Néanmoins lors de son audition devant la commission des Finances, le président-directeur général de la Société Générale a fait valoir la difficulté « d’évaluer la part [des] activités susceptibles d’être filialisées ; c’est le régulateur qui décortiquera [le] bilan pour faire la part des activités clientèle. Sans préjuger ses décisions, [il estime] que, si en 2006-2007, 15 % des activités relevaient des activités de marché, parmi lesquelles 15 % à 20 % pouvaient être classées comme déconnectées de la clientèle, et par conséquent transférées à une filiale, cette proportion est désormais inférieure à 10 %, se situant autour de 3,5 % à 5 % en moyenne. Moins de 10 % des 15 % du total que représentent les activités de marché pourraient donc être filialisés » (25).

Selon l’estimation transmise à votre rapporteure par la Banque de France, les activités qui seraient cantonnées en application du projet de loi représentent une part dans le PNB des activités de marché de 15 % en moyenne en 2006. En 2011, ce ratio s’établit en moyenne à 3 %.

2.– La régulation doit être globale et macro-économique : le titre III met en œuvre une surveillance macro-systémique.

Le titre III du présent projet de loi a pour objet le renforcement de la surveillance macro-prudentielle du système financier – c’est-à-dire l’analyse de la situation de l’ensemble du système financier et des interconnexions entre ses différentes composantes.

Il prévoit le remplacement du COREFRIS par un Conseil de stabilité financière, doté du pouvoir de déterminer des exigences supplémentaires de fonds propres et d’encadrer les conditions de prêt offertes par les institutions financières.

En application des dispositions de la directive dite CRD IV en cours de discussion au niveau communautaire, le Conseil de stabilité financière aurait, en pratique, la charge de décider, sur proposition du Gouverneur de la Banque de France, la détermination des coussins de fonds propres « contra-cycliques »
– destinés à profiter des phases de haut de cycle pour constituer les réserves nécessaires à la gestion des phases de bas de cycle.

Afin de prévenir une situation de risque systémique, le Conseil pourrait également imposer, dans les mêmes conditions, des exigences supplémentaires de fonds propres – coussins « systémiques » – destinées à freiner la production de crédit. Il pourrait, le cas échéant, imposer des contraintes sur les conditions d’octroi de prêts à certaines contreparties afin d’éviter la formation d’une bulle spéculative ou un endettement excessif de certains acteurs.

En définitive, hier institution de coordination entre autorité de régulation micro-prudentielle, le Conseil pourrait devenir demain un élément clé de la prévention du risque systémique, du fait de pouvoirs propres qui lui confèrent un levier d’action puissant sur l’évolution du crédit.

Le titre IV renforce quant à lui les pouvoirs des autorités de contrôle qu’il s’agisse de l’Autorité des marchés financiers ou de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Il convient en effet que ces autorités puissent procéder à des enquêtes et à des contrôles suffisamment efficaces pour d’une part s’assurer du respect des règles de cantonnement posées par le texte et, d’autre part, identifier au plus tôt une éventuelle difficulté de façon à intervenir au plus vite et avant toute contagion.

Le projet de loi prévoit également la coordination de l’action des différentes autorités, étant entendu que le président de l’AMF, le directeur général du Trésor siègent au sein du collège de résolution présidé par le Gouverneur de la Banque de France.

3.– Les faillites de banques ne doivent pas prendre en otage les États : le titre II crée des mécanismes de résolution bancaire pour lutter contre l’aléa moral.

La séparation des activités et la surveillance macro-économique constituent des éléments forts de prévention des crises bancaires ; ils ne sauraient en revanche répondre à une nouvelle défaillance bancaire. Le titre II du projet de loi met donc en place plusieurs dispositifs de résolution bancaire qui prennent la forme d’initiatives en amont et de mesures en aval.

Pour prévenir toute difficulté, chaque banque doit établir un plan préventif de rétablissement dans lequel elle détaille les mesures en termes d’organisation, de fonctionnement, voire de capital, qu’elle prendrait si elle, ou une de ses entités, était confrontée à un risque de défaillance. Ce document confidentiel, fréquemment appelé testament, est soumis au contrôle de l’autorité de régulation qui s’assure de sa crédibilité et de sa faisabilité. Parallèlement l’autorité élabore un plan préventif de résolution pour chaque banque. En lien avec le contenu des plans de rétablissement, elle prévoit les mesures à prendre pour assurer la survie de la banque en cas d’échec des dispositifs internes. En d’autres termes, la banque doit d’abord tenter de résoudre ses difficultés elle-même et si elle échoue, l’autorité de régulation reprend la main.

Lorsque l’autorité de régulation intervient une fois la défaillance avérée, elle dispose de pouvoirs très larges, pouvant par exemple unilatéralement modifier l’organisation capitalistique de la société. Elle peut également interdire ou limiter certaines activités. Enfin elle seule peut décider de faire appel au fonds public de résolution, en l’espèce le fonds de garantie des dépôts et de résolution.

Si d’aventure ni les mesures amont ni les décisions de l’autorité de régulation ne parviennent à apurer la situation, l’établissement concerné entre alors dans une procédure collective ordinaire. Pour autant, elle n’intervient qu’une fois que toutes les autres voies de recours ont été épuisées, ce qui implique notamment que toutes les activités qui pouvaient être sauvées l’ont déjà été.

Le mécanisme proposé par le projet de loi apparaît donc progressif et soucieux d’éviter une procédure lourde et définitive. Il cherche à faire émerger la meilleure solution pour toutes les parties (banque, créanciers, contreparties…) et ce dès qu’une difficulté ou l’éventualité d’une défaillance est connue.

L’efficacité du système est par ailleurs garantie en cas d’urgence : la résolution d’une crise bancaire nécessite souvent d’agir dans un délai très court de l’ordre de 48 heures. Conscient de cette exigence de célérité, le texte donne à l’autorité de contrôle la possibilité de prendre des mesures ad hoc immédiatement applicables, le débat et l’évaluation financière contradictoires intervenant dans un second temps.

D.– UNE RÉFORME ORIENTÉE VERS LE FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE RÉELLE

La crise bancaire de 2008 a montré une décorrélation entre l’économie réelle et les marchés financiers, la croissance des seconds apparaissant de plus en plus indépendante de la réalité économique. Les marchés financiers semblaient fonctionner en vase clos, sans répondre aux besoins pourtant avérés des entreprises et des particuliers. Le projet de loi veut rompre avec cette tendance et recréer un lien entre les marchés financiers et l’économie réelle et, partant, favoriser la compétitivité du marché européen et améliorer la défense des droits des consommateurs.

1.– Favoriser la compétitivité du marché européen.

Pour déterminer les activités de marché qui doivent être cantonnées, le projet de loi retient le critère principal de l’utilité au financement de l’économie. Sont maintenues dans la banque commerciale l’ensemble des opérations qui contribuent à répondre à la demande des acteurs économiques.

La mise en place des normes prudentielles de Bâle III va induire une désintermédiation bancaire, conduisant notamment les entreprises à solliciter directement les marchés financiers. D’ores et déjà les banques françaises indiquent une hausse des émissions obligataires d’entreprises. La filialisation de toutes ces opérations risque d’induire soit un renchérissement du coût soit un désintérêt des grandes banques pour des opérations modestes, bloquant ainsi l’accès aux ressources pour nombre d’entreprises.

Le projet de loi évite cet écueil : il autorise les banques commerciales à réaliser toutes les opérations de financement de l’économie. Il est en effet légitime que la garantie de l’État bénéficie à des banques qui contribuent à la croissance et à la compétitivité du marché national et européen.

2.– Défendre les droits des consommateurs.

Le titre VI du présent projet de loi prévoit diverses dispositions de protection des consommateurs en matière de services financiers. Trois d’entre elles méritent une attention particulière.

En premier lieu, après les frais occasionnés par les rejets de chèque et les prélèvements opérés sur un compte non provisionné, l’article 17 prévoit un plafonnement des commissions d’intervention, facturées par une banque sur chaque débit réalisé sur un compte non provisionné.

Ce plafonnement concernerait les « personnes en situation de fragilité » selon des critères déterminés par voie réglementaire. Il serait complété par l’obligation, pour les banques, d’offrir une offre de services de paiement destinée à cette clientèle et définie de manière à limiter les incidents de paiement.

En deuxième lieu, l’article 18 tend à faciliter le recours aux assureurs délégués en matière d’assurance-emprunteur sur prêts immobiliers, en améliorant l’information des emprunteurs sur le coût des assurances proposées par les banques et en interdisant les « frais de délégation » qui peuvent être facturés par la banque en cas de recours à l’assurance déléguée.

Ces évolutions sont justifiées par le fait que la loi dite « Lagarde » de 2010, qui a ouvert la possibilité de recourir à des assureurs délégués en matière de prêts immobiliers, ne semble pas avoir produit les effets escomptés. L’ouverture à la concurrence de ce marché spécifique de l’assurance tend à améliorer la capacité d’emprunt des ménages, en particulier jeunes et modestes.

Enfin, l’article 25 met la loi en conformité avec une décision de la Cour de justice de l’Union européenne en matière d’égalité entre les hommes et les femmes en matière de tarifs et de prestations d’assurances. La CJUE a ainsi estimé qu’aucune différence de traitement ne peut être acceptée en la matière, quand bien mêmes les profils de risque des hommes et des femmes peuvent différer.

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Enfin, le titre V du présent projet de loi prévoit la création d’un organe central des sociétés et caisses d’assurances mutuelles agricoles, réunies dans Groupama.

Cet organe central disposerait de compétences en matière financière et prudentielle, destinées à assurer une meilleure coordination et à une mutualisation des ressources au sein du réseau de caisses régionales.

Une telle évolution a été demandée par l’Autorité de contrôle prudentiel. Elle s’inscrit dans l’ensemble de mesures adoptées récemment pour rétablir la structure financière du groupe après la perte de 1,8 milliard d’euros constatée en 2011 et renforcer une rentabilité structurellement faible.

Comme le montrent les exemples des caisses d’épargne, du crédit mutuel ou du crédit agricole, une telle évolution ne remet pas en cause le caractère mutualiste du groupe. Les dispositions de l’article 16 du présent projet de loi tendent même à le renforcer en prévoyant l’obligation d’un contrôle, par les caisses régionales, d’au moins 50 % des droits de vote au sein du conseil d’administration de l’organe central.

AUDITION DU MINISTRE

La Commission entend, en audition ouverte à la presse, M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances, sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (n° 566).

M. le président Gilles Carrez. Sur le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires transmis à l’Assemblée le 19 décembre dernier, nous allons maintenant entendre M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances.

La première de nos auditions de ce matin, celle des représentants de la Fédération bancaire française, a surtout porté sur le titre Ier, consacré à la séparation des activités bancaires. Lors de la seconde, le président et la secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel ont évoqué principalement les pouvoirs supplémentaires que le titre II confie à cette instance rebaptisée « Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ».

Plusieurs réflexions sont également en cours au niveau européen. Le groupe d’experts conduit par M. Liikanen a rendu un premier rapport. Notre rapporteure, Mme Karine Berger, a rencontré M. Liikanen la semaine dernière. Nous avons demandé ce matin à M. Christian Noyer et à Mme Danièle Nouy comment ce projet de loi pourrait s’articuler avec les évolutions probables de la réglementation au titre de l’union bancaire et avec la mise en place d’une supervision au niveau de la Banque centrale européenne.

Selon les représentants de la Fédération bancaire française, la séparation des activités prévue par le projet de loi ne concernerait que 1 à 2 % du produit bancaire net.

Pour certains membres de la Commission, cela signifie que ce texte n’a pour l’instant aucune portée et qu’il faut, en conséquence, le nourrir et le durcir : pourquoi ne pas intégrer dans la filiale des activités comme la tenue de marché, dont on peut considérer qu’elles ne sont pas directement utiles à l’économie et qu’elles représentent des risques ?

D’autres membres s’interrogent sur l’utilité d’une loi de si faible portée : pourquoi ne pas attendre la mise en place d’une réglementation européenne pour y inscrire ensuite notre législation ?

J’espère, monsieur le ministre, que vous apporterez des réponses à ce dilemme.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. Permettez-moi pour commencer de vous présenter mes vœux républicains pour 2013, année pendant laquelle je souhaite que nous puissions continuer à décliner le mandat pour lequel les Français nous ont élus, dans la coopération pour ce qui concerne la majorité, dans le débat pour ce qui concerne l'opposition, mais en gardant toujours en tête que ce que nous faisons, nous le faisons pour notre pays, pour son redressement, pour l'avenir de sa jeunesse.

Si je ne craignais d’être mal interprété, monsieur le président, je dirais qu’il existe une « troisième voie » entre les deux positions que vous avez résumées. En tout cas, je pense qu’il y a un chemin.

Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires est un projet ambitieux et maîtrisé, conçu pour réformer durablement le secteur. Je suis fier de le porter. Certains font de la complexité – parfois de l'opacité – de la finance mondiale un prétexte au renoncement. Peut-être est-ce le cas du deuxième groupe que vous citiez. Mais ce n'est pas la démarche du social-démocrate réformiste que je suis. Je vous présenterai donc les objectifs économiques, politiques – je dirais presque démocratiques – de ce texte et répondrai aux questions que vous voudrez bien me poser.

Avant d’entrer dans le détail des dispositions, mais sans m'égarer et vous égarer dans des débats dont la technicité nous ferait collectivement perdre de vue l'essentiel, je souhaite revenir en quelques mots sur le contexte et les grands objectifs du projet de loi.

Le contexte, vous le connaissez, c'est celui de la crise financière : crise de l'endettement, bien sûr, mais dont l'embrasement est largement dû au manque de régulation de la finance et, en son sein, des activités du secteur bancaire. Ne serait-ce que pour cette raison, monsieur le président, il faut légiférer, réguler et séparer.

Qu'a donc montré la crise ? Trois choses.

D’abord une mauvaise compréhension et une mauvaise gestion des risques, liées à la complexité et au manque de transparence du secteur.

Ensuite de mauvaises incitations pour les acteurs de la finance, largement liées à ce qu'on appelle « l'aléa moral », qui voit les États garantir in fine les risques pris par les banques ; c’est ce qui s’est passé en France, où nous n’avons pas connu la même crise qu’aux États-Unis mais où l’État a apporté sa garantie sans que rien soit demandé au secteur financier.

Enfin une approche de la régulation trop axée sur les comportements individuels et qui ne prenait pas en compte les déséquilibres globaux du système.

Il faut donc empêcher autant que possible que les mêmes causes produisent les mêmes effets, en l'occurrence les mêmes erreurs. Pour cela, le projet de loi poursuit trois objectifs.

Premièrement, s’attaquer aux activités spéculatives des banques. C'est la déclinaison littérale de l'engagement n° 7 du programme de campagne de François Hollande : « séparer les activités des banques qui sont utiles à l'investissement et à l'emploi, de leurs opérations spéculatives ».

Deuxièmement, protéger les dépôts des épargnants mais aussi l’argent des contribuables, qui ne doit plus servir à sauver un établissement en faillite.

Troisièmement, instaurer un contrôle efficace et préventif des risques au sein des banques mais aussi pour ce qui concerne le système financier dans son ensemble.

J’y ajoute une quatrième partie à laquelle, comme beaucoup d’entre vous, je suis particulièrement attaché, et qui doit permettre de renforcer la protection des clients les plus fragiles. Il s'agit de mesures qui ne sont certes pas de même registre – elles ne sont pas structurelles –, mais qui auront des conséquences concrètes sur la vie de beaucoup de nos concitoyens. Elles répondent à une attente forte de ceux qui ont eu le sentiment que l'État se préoccupait jusqu'alors davantage des banques que de leur propre sort.

Tels sont les principes clés qui m'ont guidé dans l’élaboration du texte. Ces combats doivent bien sûr être portés également aux niveaux européen et international – j'y reviendrai car c'est aussi une bataille à mener – mais je crois pouvoir dire qu'ils relèvent de la responsabilité politique, pour que le « mystère des opérations financières », comme l'appelle déjà Émile Zola en 1891, ne soit plus la cause de la ruine de nos sociétés. Il est temps que le politique reprenne la main et il est important que ce projet de loi lui donne la possibilité de le faire.

Tout d'abord, le texte soumis à votre examen s'attaque aux activités spéculatives des banques en changeant à la fois les structures et les comportements. Pour combattre les dérives, le politique a la responsabilité de recourir à la réglementation. Le texte introduit une isolation stricte – je parlerais plus volontiers de « cantonnement », voire de « mise en quarantaine », que de « ségrégation » – des activités spéculatives que la banque mène pour compte propre, c'est-à-dire, jusqu’à présent, au risque des dépôts de ses clients.

Conformément aux conclusions du rapport Liikanen, les banques devront à l'avenir créer une filiale ad hoc, soumise à une réglementation prudentielle stricte, et isoler ces activités dans ladite filiale. Celle-ci devra être capitalisée et financée de manière autonome, ce qui veut dire que la banque ne pourra pas utiliser les dépôts des épargnants pour financer les activités spéculatives de la filiale ou pour la sauver si elle venait à rencontrer des difficultés. Ce dernier point est essentiel : même en cas de difficultés ou de faillite, la maison mère ne pourra pas financer davantage sa fille, quitte à la condamner.

Si le texte choisit d'isoler spécifiquement ces activités, c'est parce que ce sont elles qui ont concentré le gros des pertes que les banques françaises ont essuyées sur les marchés pendant la crise. Le cantonnement protégera à la fois la maison mère et ses clients. Il empêchera que les activités pour compte propre ne retrouvent leur niveau d'avant la crise, lorsqu'elles menaçaient la stabilité financière. J'y insiste encore une fois : si la filiale est en difficulté, la loi prévoit que la maison mère ne pourra se mettre en danger pour la sauver. Elle prévoit pour cela des règles dites « d'exposition » très strictes. Les activités qui ne seront pas cantonnées dans la filiale feront l'objet d'un encadrement rigoureux et d'une surveillance étroite de la part de 1'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR. Je pense notamment aux activités de tenue de marché, sur lesquelles nous aurons certainement l’occasion de débattre. La Banque centrale européenne elle-même indique que leur maintien dans la maison mère doit être examiné, sous réserve du respect de certaines limites.

Sur la séparation, je veux être très clair. Si j'avais estimé qu'aller au-delà, par un Glass-Steagall Act à la française, en scindant les banques en deux parties – activités de marché d’une part, activités de banque de détail d’autre part –, était une solution efficace pour éviter les crises, c'est cette solution que nous aurions retenue. Il se trouve que ce n'est pas le cas. Permettez-moi de l’expliquer en quelques mots, puisqu’il y a là un nœud du débat.

D'abord, la crise a montré que, même pure et parfaitement séparée, une banque d'investissement n'en représentait pas moins un risque systémique pouvant nécessiter une intervention publique. De manière symétrique, la crise a montré, en Espagne et en Irlande par exemple, que des banques commerciales pouvaient, elles aussi, accumuler des risques liés à des bulles spéculatives, par exemple dans l'immobilier. Une séparation coupant les banques en deux ne répond donc pas aux objectifs essentiels qui sont de réduire les risques, de briser l'aléa moral et d'éviter qu'une banque ne prospère avec la certitude que les pouvoirs publics viendront à sa rescousse. J'y reviendrai en abordant le volet « séparation » du projet de loi.

Ensuite, scinder les banques impliquerait de créer des banques d'investissement indépendantes à côté des banques commerciales. Or la crise a montré la grande fragilité des premières, qui ont presque toutes disparu depuis lors. Plaider aujourd'hui pour recréer des acteurs qui ont été parmi les premiers à faillir pendant la crise – rappelons-nous Lehman Brothers – ne me semble pas une bonne idée. Seuls deux acteurs de taille significative ont aujourd'hui conservé leur indépendance : Goldman Sachs, qui s’est exprimé fortement sur la France ce matin en demandant une coupe de 30 % sur les salaires, et Morgan Stanley. Ce ne sont pas les modèles que j'inciterai les banques françaises à suivre, si tant est qu'elles le puissent, ce qui est peu probable. Face aux mastodontes que j’ai cités, nous aurions, en plus, des banques d’affaires fragiles !

Car, et c'est mon troisième point, une telle réforme conduirait à faire disparaître un service que les banques françaises peuvent aujourd'hui offrir aux entreprises pour leur fournir un accès aux marchés financiers, dont celles-ci ont besoin et qu'elles devront, à défaut, aller chercher ailleurs. Il est d'autant plus nécessaire de préserver la capacité des banques françaises à être une interface pour nos entreprises – car c’est bien l’emploi qui est en bout de chaîne – que, depuis la crise, les précautions accrues des investisseurs et les contraintes réglementaires nouvelles – l’accord Bâle III – conduisent à limiter la capacité des banques à financer les entreprises par le crédit. C'est donc par le financement direct sur les marchés que beaucoup d'entreprises françaises, et pas seulement les plus grandes, pourront se développer dans les années qui viennent. Le phénomène est déjà perceptible, il le sera encore plus lorsque la reprise de l'investissement se fera sentir. Nous avons donc besoin, plus que jamais, de banques françaises capables d'offrir ces services, sauf à se résoudre à laisser le champ libre aux banques internationales. C'est une question de financement de l'économie et même, d’une certaine façon, de souveraineté.

Dernier argument que certains me reprochent – mais ce n’est pas parce que les banquiers l’utilisent qu’il est faux ! –, le modèle français de banque universelle a plutôt fait preuve de sa résilience pendant la crise, et la banque est aussi une industrie, qui emploie 400 000 personnes en France. Dans les consultations larges que j'ai menées pour préparer ce texte, j’ai rencontré non seulement la Fédération bancaire française, qui souhaite voir le projet reporté – ce qui ne sera pas le cas –, mais aussi les représentants des usagers et les organisations syndicales. Ces dernières, sans exception, ont insisté avec force sur leur attachement à la banque universelle. C'est pourquoi, tout en souhaitant une vraie séparation des activités, une réforme profonde, je n'ai pas voulu casser notre système bancaire au risque de l'affaiblir face à nos concurrents et de priver nos entreprises de différents accès au financement.

Fort de ces constats, j'ai proposé que le projet de loi prenne des mesures structurelles fortes. De ce point de vue, les dispositions relatives à la « résolution » des banques en difficulté sont un complément indispensable du volet « séparation », comme Mme Karine Berger le souligne à juste titre.

Le projet de loi s'attaque directement à « l'aléa moral » qui existe aujourd'hui dans les banques et qui est une des causes essentielles de la crise. L'aléa moral est un comportement qui apparaît quand celui qui prend un risque n'a pas à en subir les conséquences si les choses tournent mal. C'est ce qu'on a vu avec la crise de 2008 : des États ont été contraints d'intervenir avec l'argent des contribuables pour empêcher des faillites de banques qui auraient eu des conséquences désastreuses pour l'économie alors même que l’État n’était nullement impliqué dans les risques pris. Ces banques s’étaient en effet exposées à des risques excessifs, anticipant qu'en cas de banqueroute, l'État viendrait à la rescousse. Il est essentiel de désamorcer ce mécanisme qui est non seulement amoral, mais qui conduit aussi à maximiser la prise de risque : sachant qu'ils ne seront pas les payeurs, les spéculateurs ne se privent pas !

Je résumerai sommairement le volet « résolution » du projet de loi par la formule « qui faute, paie », en m'empressant d'ajouter que, contrairement à l'habitude, qui paie, en l'occurrence, ne doit plus pouvoir décider. Là aussi, l'objectif est de protéger les déposants et les contribuables et de renforcer la capacité d'intervention des autorités publiques, qui doivent pouvoir « prendre la main » lorsque c'est nécessaire.

Le projet de loi prévoit tout d'abord de doter le superviseur bancaire, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR –, de pouvoirs accrus lui permettant d'intervenir pour empêcher qu'une banque en difficulté ne fasse faillite – par exemple en transférant ou en cédant d'office tout ou partie de ses actifs ou de son activité, en nommant un administrateur provisoire ou en créant une banque relais en vue d'une cession.

Surtout, il prévoit que cette nouvelle Autorité pourra d'abord faire peser les pertes d'une banque sur ses actionnaires et sur certains créanciers plutôt que sur les épargnants ou sur les contribuables. Ce principe de réalignement des responsabilités et des pertes est pour moi un des piliers du texte : il met un terme à la socialisation des pertes des banques en faillite en imputant les risques excessifs d'abord à ceux qui les ont pris, au lieu de les faire porter par la collectivité. Et comme l'aléa moral, c'est aussi celui des dirigeants, la loi prévoit qu’ils peuvent être révoqués par l’ACPR lorsque l’établissement connaît des difficultés. On ne peut donc affirmer que ce texte serait « amical » envers les banques !

Il y a un troisième « rempart » entre la faillite d'une banque et les dépôts des épargnants ou l'argent du contribuable : le Fonds de garantie des dépôts et de résolution
– FGDR –. Comme pour les deux autres volets du texte, cela correspond à un axe de la réflexion sur l’union bancaire européenne. Le projet prévoit que le secteur bancaire lui-même sera sollicité en cas de défaillance d'une banque après que les actionnaires et les créanciers auront été appelés. Le Fonds de garantie des dépôts qui existe aujourd'hui, et dont je rappelle qu'il est abondé par les établissements financiers, verra ainsi ses missions élargies. Surtout, sa capacité d'intervention financière passera de 2 à 10 milliards d’euros d'ici à 2020. C'est une garantie supplémentaire aux clients de la banque et aux contribuables qu'ils ne seront appelés qu'en tout dernier ressort.

Avec ces deux armes – la séparation et la résolution –, nous nous donnons les moyens de lutter contre la spéculation, de réduire l'aléa moral et de protéger les déposants et les contribuables. Il s'agit d'une solution pragmatique et efficace qui a été réfléchie et pesée. Soyons conscients qu'en agissant ainsi, nous sommes précurseurs, et que cette réforme sans précédent est un levier de changement très puissant.

Le deuxième axe fort de ce projet de loi est le contrôle efficace et préventif des risques. Si le texte met l’accent sur le contrôle, c’est pour les raisons que j’ai déjà énoncées : parmi les causes de la crise de 2008, il y a le manque de supervision des risques du système pris dans son ensemble, ce qu'on appelle le risque systémique. Il fallait donc renforcer la prévention et le contrôle en ce domaine. Le texte propose un ensemble très complet de mesures pour répondre point par point aux défaillances que je viens d'évoquer. J'en mettrai quelques-unes en exergue.

Tout d'abord, l’ACPR voit ses structures et ses compétences en matière de contrôle renforcées. Le texte prévoit par exemple que chaque établissement bancaire prépare un « plan préventif de résolution », c’est-à-dire un « testament » bancaire, pour faciliter l'intervention du superviseur en cas de risque de défaut. L'ACPR validera ce testament. Elle pourra aussi exiger « à froid » d'une banque dont l'organisation serait trop complexe toutes les modifications de structure permettant de faciliter son intervention en cas de problème, par exemple en l'obligeant à filialiser certaines activités. On voit combien séparation des activités et efficacité de la supervision sont liées, et comment elles se renforcent l'une l'autre. Le projet met donc entre les mains du politique, en l'occurrence du ministre de l’économie et des finances, un outil nouveau que d'aucuns, à commencer par votre rapporteure Karine Berger, ont appelé des ciseaux.

Ensuite, le projet de loi crée une nouvelle autorité, le Conseil de stabilité financière
– CSF –, chargé d’une double mission : la prévention et la surveillance des risques systémiques. Le CSF aura de réels pouvoirs d'intervention, juridiquement contraignants, ce qui n'est pas le cas de l'instance actuelle que je préside et qu'il remplacera, le Conseil de régulation financière et du risque systémique. Il pourra par exemple imposer aux établissements de crédit des exigences de fonds propres supplémentaires.

Autre mesure importante du projet de loi : l'ACPR pourra purement et simplement interdire à un établissement des activités présentant des risques excessifs, soit pour lui-même, soit pour le reste du système bancaire et financier.

Ces pouvoirs renforcés vont accroître considérablement la régulation du système financier. Depuis que j’exerce mes fonctions, j'ai souvent regretté que les autorités publiques ne puissent pas en disposer, en particulier quand il m'a fallu traiter de sinistres financiers comme ceux de DEXIA ou du Crédit immobilier de France.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bon argument.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. Enfin, je veux dire un mot sur l’autre grand axe structurant de ce projet de loi, celui de la protection des clients et en particulier des plus fragiles.

Le débat s’étant concentré sur la séparation, on parle peu de cet aspect. Mais, pour les clients voire pour les banques elles-mêmes, il n'est pas le moins important ni le moins concret. Il s’inscrit dans la lignée des travaux de la conférence sur la lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, dont il intégrera les conclusions. C’est pourquoi j’ai tenu à ce que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires intègre cette dimension « consommateur et citoyen ».

Sans entrer dans le détail, je mentionnerai trois progrès. Premièrement, le texte propose le plafonnement des commissions d'intervention que les banques prélèvent quand le compte d’un client fonctionne de manière irrégulière. Par exemple, chaque retrait opéré lorsque le compte est à découvert coûte 8 euros ; ces prélèvements cumulés représentent de fortes sommes pour les populations les plus précaires. Nous instituons donc un plafonnement pour les publics qui connaissent des difficultés financières. Les banques auront également l'obligation d'offrir à ces clients des moyens de paiement adaptés à leur situation et permettant de prévenir les incidents.

Deuxièmement, le texte comporte des dispositions destinées à accroître la transparence et la concurrence en matière d'assurance emprunteur, cette assurance que la banque exige quand un client contracte un crédit immobilier par exemple. Dans le cas d'un crédit immobilier de 150 000 euros contracté sur vingt ans à 3,75 %, une assurance au taux de 0,36 % représente 11 000 euros sur la durée de vie du prêt. Mais la concurrence entre assureurs est aujourd'hui très insuffisante ; si elle permettait, par exemple, de passer de 0,36 à 0,30 %, l’emprunteur économiserait 1 500 euros.

Troisièmement, le projet de loi prévoit des améliorations visant à faciliter le recours à la procédure du « droit au compte » pour ceux qui n'ont pas accès à un compte bancaire. Cette procédure permet à toute personne d'obtenir de la Banque de France qu'elle désigne une banque proche de son domicile pour lui ouvrir un compte accompagné d'un ensemble de services bancaires de base gratuits. En matière de surendettement, la loi prévoit également des dispositions pour simplifier la procédure afin de réduire la durée de l'examen de certains dossiers et pour permettre la suspension effective du cours des intérêts des crédits dès que la commission de surendettement reconnaît la recevabilité du dossier.

Permettez-moi pour finir de vous dire dans quel état d’esprit j’aborde la discussion parlementaire. Ce projet de loi propose une approche globale et ambitieuse en réponse aux causes profondes de la crise financière. Il traite des structures mais s’attaque aussi aux comportements. Il s’applique aux banques mais aussi au reste de la chaîne, comme les superviseurs, parce que la crise n'a pas été causée par un seul facteur ou par la défaillance d’un seul acteur. Je peux vous assurer qu'il intéresse beaucoup nos voisins européens et la Commission européenne, qui observent nos débats avec une grande attention.

Le travail, évidemment, ne s'arrête pas là. Le projet de loi a déjà été l'objet de débats nourris, et je m'en félicite. De larges consultations ont éclairé le Gouvernement dans ses choix. Ce texte posera un cadre et définira des paramètres destinés à faire émerger un secteur bancaire plus sûr, plus stable et plus juste.

Surtout, il bénéficiera, je le sais et l'attends, des enrichissements que lui apportera la représentation nationale. Comme j'ai eu l'occasion de l'indiquer en décembre dernier, je conçois le débat avec un esprit d'ouverture et d'écoute sur certains sujets que vous souhaiteriez voir amendés.

Je pense à la possibilité de faire basculer dans la filiale les activités de tenue de marché qui ne représenteraient pas une réelle utilité dans l'économie – même si je note que M. Michel Barnier, le commissaire européen chargé de la réforme bancaire, déclarait ce matin au Financial Times qu'il est « clair qu'une partie de la tenue du marché est liée au soutien de l'industrie et de l'économie ». Nous devrons trouver des seuils ou des curseurs pertinents pour séparer ce qui est utile à l’économie de ce qui ne l’est pas.

Soyons précurseurs, oui, réformateurs, oui, mais ne soyons pas masochistes ! Nous devrons nous assurer que l'activité qui restera dans la maison mère sera strictement encadrée.

Je sais par ailleurs que la question des produits toxiques est une préoccupation pour les collectivités locales, et je la partage. S’il est possible de légiférer sur ce point, j’y suis ouvert.

Je sais aussi que le trading à haute fréquence suscite des interrogations. Là encore, je souhaite que nous puissions nous assurer que les acteurs soient dûment contrôlés et les activités nuisibles interdites.

M. Henri Emmanuelli. C’est incontrôlable !

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. C'est un combat que nous devrons également porter au niveau européen.

J'ai entendu également des demandes concernant le ciblage du plafonnement des frais bancaires proposé par le texte. Là encore, je peux ouvrir une discussion, sachant que la prudence s’impose afin que la mesure profite bien à ceux que nous ciblons aujourd'hui.

Enfin, la question de la gouvernance du Conseil de stabilité financière doit encore être peaufinée. Mon intention est qu’y siègent des personnalités qualifiées incontestées, venues notamment du monde universitaire, pour éviter une certaine « consanguinité ». Vous pourrez compter sur mon écoute.

Nous avons là un bon projet dont nous pouvons être fiers. Mon rôle de ministre de l'Économie et des finances est de réguler la finance, ce que je fais avec ce projet, mais aussi de m'assurer que nos entreprises, en particulier nos PME, puissent se financer à de bonnes conditions. Ce projet préserve les activités utiles à l'économie, suivant l'engagement du Président de la République. Il n'y a pas lieu de menacer ce financement dès lors que le texte apporte toutes les garanties en matière de lutte contre la spéculation. Nous avons besoin de banques françaises capables d'accompagner les entreprises. Le texte ménage un bon équilibre entre l'ambition réformatrice attendue par nos concitoyens et l'efficacité économique indispensable dans cette période de crise. Je souhaite des banques plus solides, mieux régulées, plus à l'écoute des besoins de leurs clients, certainement pas un secteur financier faible, replié sur lui-même ou hors d'état de répondre aux besoins du financement de notre économie.

Un mot, pour conclure, sur l'Europe, alors que nous revenons tous de Berlin. Vous connaissez mon engagement européen. Avec ce projet, nous sommes pionniers. Il existe certes des travaux chez certains de nos voisins. Le rapport Vickers, en Grande-Bretagne, prévoit des mesures pour 2019, appliquées un secteur bancaire dont la structure est très différente du nôtre. Mais il n’y a rien qui soit prêt à être mis en œuvre aussi rapidement. Certains parlent, remettent des rapports, d’aucuns voudraient ajourner notre propre travail législatif. Pour ma part, je tiens l’engagement du Président de la République : nous faisons, nous agissons, nous réformons ici et maintenant.

Le Parlement français sera le premier à mener ce travail, suivi par l’Allemagne qui s’apprête à adopter une législation très voisine.

La France va envoyer un message très fort avec ce texte alors que, dans les six prochains mois, l'Union européenne doit transformer l'essai en matière de stabilité financière, d'union bancaire et de régulation des marchés.

Sur tous ces textes, nous ne devons relâcher ni l'attention ni la pression mais au contraire continuer à travailler pour que notre secteur bancaire fonctionne de nouveau comme il le devrait. Si nous voulons que nos efforts ne soient pas vains, si nous voulons poursuivre notre ambition réformatrice sur la finance, nous devons nous en donner les moyens au niveau européen. Ce texte manifeste l'engagement de la France et sa capacité à faire preuve de leadership. Nous en percevons déjà les effets dans la discussion sur la supervision bancaire. C’est pourquoi je souhaite que le projet, après avoir été examiné et amélioré, soit voté à une large majorité par la représentation nationale.

Mme Karine Berger, rapporteure. Il vous faudra excuser, monsieur le ministre, nos collègues de l’opposition, qui préfèrent être dans l’hémicycle pour tenter d’empêcher les gens de s’aimer officiellement plutôt que de protéger le système économique et les consommateurs de notre pays. À chacun ses préférences !

Dimanche 14 septembre 2008, aux environ de seize heures, toutes les personnes chargées de réguler les risques dans les banques ou dans les compagnies d’assurance sont appelées à leur desk pour répondre à la demande de la Réserve fédérale américaine au sujet de leurs « positions » sur Lehman Brothers ; à minuit, ils apprennent que la banque est laissée en faillite par la Réserve fédérale.

L’erreur commise ce jour-là a déclenché une crise financière sans précédent depuis quatre-vingts ans. Elle a fait partir en fumée 1 000 milliards de dollars et créé 13 millions de chômeurs dans les pays de l’OCDE.

Nous avons tous une part de responsabilité dans cette erreur d’analyse gigantesque sur la situation systémique et sur la folie financière où l’économie mondiale s’était plongée. Ce n’est pas tant que Lehman Brothers était une banque d’investissement et que des personnes avaient malmené les règles : c’est que l’on n’avait pas estimé les conséquences des pertes de cette société et de l’abandon de créance sur les établissements financiers tiers, et la perte de confiance que cela entraînerait.

Sur le papier, la seule mesure pour éviter a priori une telle catastrophe serait le Glass-Steagall Act. Mais alors il faudrait établir une séparation absolue entre banques d’investissement et banques de dépôt partout dans le monde, sans exception aucune. C’est impossible. Il suffirait qu’un seul lien existe entre une banque de dépôt et une banque d’investissement pour que la crise se propage comme elle l’a fait à l’automne 2008. Il est impératif d’établir une régulation après cette catastrophe, mais il faut l’inventer autrement.

En France, pendant quatre ans, le gouvernement précédent n’a pas pris une seule mesure de régulation du monde de la finance. Votre projet de loi, monsieur le ministre, est le premier texte à engager une réforme structurelle et pragmatique, si l’on excepte la mise en place des ratios prudentiels de Bâle III, qui sont des réponses concrètes à la problématique particulière née le 14 septembre 2008.

Le rapport du groupe technique européen présidé par M. Erkki Liikanen préconise un système pragmatique de cantonnement des activités visant à éviter de devoir à nouveau secourir une structure en raison de son intégration. Avec ce texte, la France sera le premier pays d’Europe à mettre en place un tel mécanisme.

Pour mener à bien une réforme bancaire structurelle, il faut éviter tout à la fois le péché d’ignorance et le péché d’arrogance, nous a dit M. Liikanen lors de son audition. C’est en ce sens que l’on peut lire le projet français : on est loin de l’ignorance, puisque l’on sait exactement ce qui a failli en 2008 ; mais on est loin de l’arrogance, puisque notre propos n’est pas de donner des leçons au reste du monde, comme peuvent le faire les Britanniques, mais de donner une réponse à une situation particulière.

Si j’ai utilisé le terme de « paire de ciseaux » pour caractériser cette réponse, c’est que ce texte crée un outil à la main des responsables politiques et des personnes qui seront chargées de réguler le système financier. Le dispositif est très souple et mobilisable presque à tout moment : le titre Ier dresse la liste des activités qui doivent être disjointes des dépôts des clients, tandis que les titres II et suivants définissent les digues qui permettront d’éviter, en cas de catastrophe, la pollution de tout le système par l’effondrement d’une de ses parties.

Il s’agit là, monsieur le ministre, de la première réforme du monde de la finance en France, sinon en Europe. Comment envisagez-vous l’utilisation de cet outil dans le temps ?

Cette question m’amène à celle de l’imbrication européenne. Nous avons l’honneur d’ouvrir la voie en matière de réformes structurelles en Europe, mais nous avons aussi la responsabilité de nous inscrire de façon naturelle dans les futurs textes communautaires. Comment ce texte s’adaptera-t-il aux évolutions européennes à venir, en particulier la directive CRD IV en préparation, une éventuelle directive de séparation bancaire inspirée par le rapport Liikanen, et enfin l’union bancaire, qui vise à créer au niveau européen une garantie complète et croisée comme nous le faisons au niveau national ?

Enfin, l’imagination du monde de la finance est sans limite. Les ingénieurs qui y travaillent ont prouvé qu’ils sont capables de contourner à peu près tout ce qu’on leur oppose en matière de régulation et de réforme. Comment arriver à ce que les innovations financières telles que le trading à haute fréquence entrent dans le champ d’application de cette loi ?

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis de la commission des Lois. Le souvenir de la crise de 2008 est encore vif. Alors que le précédent gouvernement était resté inactif, la réponse politique présentée aujourd'hui dément un défaitisme selon lequel seuls les marchés peuvent faire la loi.

Je me réjouis également des dispositions relatives aux frais bancaires et des possibilités ouvertes par le ministre concernant le ciblage du plafonnement prévu. Il y a là un symbole politiquement important car les citoyens ont le sentiment qu’on leur a fait supporter les effets de la crise alors que, dans le même temps, on sauvait les banques.

J’en viens aux aspects institutionnels et juridiques de ce projet de loi, en particulier les titres II, III et IV. Je me conformerai à un ordre chronologique : d’abord le volet de prévention, ensuite la résolution des crises bancaires, enfin le bail-in¸ ou « renflouement interne ».

En matière de prévention, le texte prévoit un système d’observation des risques systémiques novateur. Faute d’un tel système, la crise des subprimes n’a pu être anticipée aux États-Unis. De même, c’est un défaut de vision globale et d’anticipation qui a empêché de détecter la bulle immobilière en Irlande et en Espagne.

Le Conseil de stabilité financière créé par ce texte sera chargé de surveiller les risques systémiques et d’en tirer des conclusions pour la politique économique de la France. En outre, il sera doté de moyens d’action importants, par exemple pour orienter les crédits octroyés par les établissements bancaires.

Peut-être serait-il opportun d’associer le Parlement à ce contrôle préventif. Ne conviendrait-il pas que les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat entendent au moins une fois par an le président du Conseil de stabilité financière, au titre du contrôle parlementaire des activités de cette instance ? Ne pourrait-on également conférer aux présidents des deux assemblées le pouvoir de nommer des personnalités qualifiées parmi les membres du Conseil ?

En matière de résolution, l’Autorité de contrôle prudentiel devient l’« Autorité de contrôle prudentiel et de résolution ». Là encore, c’est la première fois qu’un État européen se dote d’un mécanisme aussi puissant de résolution des crises bancaires. Un tel système existe aux États-Unis, où le régulateur gère en moyenne quatre-vingts faillites chaque année mais où le secteur bancaire est bien moins concentré que dans notre pays. Quatre établissements dominent le marché français. Dans ces conditions, l’obligation qui leur est faite d’établir des plans de résolution réduit-elle vraiment l’aléa moral ? Les banques françaises ne resteront-elles pas too big to fail, « trop grosses pour faire faillite » ? Les plans de résolution peuvent-il prévoir une sortie de crise pour quatre-vingts filiales réparties dans cinquante pays ?

En matière de renflouement interne, est-il envisageable, dans l’hypothèse où l’État serait contraint d’intervenir et de mettre en œuvre des ressources publiques, qu’un de ses représentants siège au conseil d’administration de l’établissement faisant l’objet de la supervision prévue par le texte ?

M. le président Gilles Carrez. Les membres de la Commission souhaitant participer au scrutin sur la motion référendaire discutée en ce moment dans l’hémicycle, je suspends la séance.

La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-huit heures.

M. le président Gilles Carrez. Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur le fait que notre pays prend l’initiative d’un projet de séparation et de régulation des activités bancaires sur la régulation, soulignant que le Gouvernement tire ce faisant les enseignements de la crise financière et bancaire. Une question vient alors immédiatement à l’esprit : eussent-elles été en vigueur en 2008, les dispositions proposées auraient-elles évité la survenue des crises bancaires en France ? Les exemples suivants conduisent à s’interroger.

Il y a d’abord la faillite du Crédit Lyonnais. Elle était liée à l’activité classique d’un établissement qui prête à des promoteurs immobiliers et aussi, beaucoup, à des entreprises dont les difficultés sont telles qu’elles ne peuvent rembourser les emprunts souscrits ; mais l’actionnaire était la puissance publique, qui orientait les interventions de cet établissement. Il y a ensuite la déconfiture de Dexia, qui a deux origines. La première est un problème structurel révélé, c’est exact, par la crise financière – des prêts longs refinancés sur une durée courte par le bais des marchés financiers, ce qui entraîne une crise de liquidité. Mais en l’an 2000 déjà, la banque avait pris la décision aventureuse d’acquérir Financial Security Assurance, une société américaine de rehaussement de crédit ; son actionnaire de référence était la Caisse des dépôts et consignations, et il ne s’agit pas d’un problème lié à des activités de marché. Pour ce qui est enfin du Crédit immobilier de France, le problème est aussi celui de la structure des financements longs et courts.

En disant cela, je ne cherche pas à démontrer que le projet de loi est inutile – je le tiens pour tout à fait utile. Le paradoxe tient à ce que nous entendons, les premiers, faire entrer en vigueur un texte de cet ordre alors que nous avons une histoire de déboires bancaires dont le déroulement échappe aux dispositions du titre I qui règlent la séparation des activités. On peut penser en revanche que les dispositions du titre II, qui renforcent les pouvoirs de l’autorité prudentielle, auraient permis d’agir.

Ayant entendu Mme la rapporteure et Mme la rapporteure pour avis, je souhaite par ailleurs apporter quelques précisions sur l’« après 14 septembre 2008 » en France. Ce jour-là, nous avons été confrontés à une difficulté inédite, venue des États-Unis : la faillite de la banque Lehman Brothers. La réaction immédiate des pouvoirs publics français a été remarquable. Du 20 septembre à mi-novembre, la Commission des finances s’est réunie onze fois. En moins d’un mois, nous avons mis en place la Société française de financement de l’économie et la Société de prise de participation de l’État pour restaurer la liquidité et traiter le volet des fonds propres. Rapporteur général du budget à l’époque, je puis témoigner que les interventions de l’État en garantie et en injection de quasi fonds propres – que les banques ont remboursés le plus vite possible –- lui ont rapporté, puisqu’elles étaient rémunérées. En revanche, nous essuyons une très forte perte avec Dexia.

Face à un problème mondial et a fortiori européen, il est bien d’avancer, et je pense comme vous, monsieur le ministre, que nos voisins européens ont un intérêt à accompagner notre démarche ; mais nous ne devons surtout pas prendre des dispositions qui nous feraient perdre de la compétitivité et des emplois. Nos banques n’ont pas failli, elles continuent d’embaucher et de créer des emplois, et elles ont relativement bien assuré le financement de l’économie. Nous devrons donc examiner les amendements avec une extrême prudence. L’« esprit d’ouverture » qui vous anime, monsieur le ministre, me préoccupe particulièrement à propos d’un sujet précis : jusqu’à quel point peut-on resserrer l’identification des activités de tenue de marché qui devront être basculées dans la filiale de cantonnement ?

Faute de temps, nous entendrons aujourd’hui les seuls représentants des groupes, et la réponse que leur fera le ministre.

Mme Valérie Rabault. Je m’exprime au nom du groupe SRC. Les personnalités que nous avons auditionnées ce matin ont insisté sur la nécessité de préserver la compétitivité des banques françaises face à la concurrence européenne et internationale. Vous venez, monsieur le ministre, d’ouvrir la porte à l’élargissement des activités de tenue de marché susceptibles d’être cantonnées dans une filiale séparée. Comment le projet parviendra-t-il à garantir la sécurité systémique, en France et au-delà, sans fragiliser nos établissements bancaires pour lesquels ces activités sont sources de gains ?

M. Jean-François Lamour. Je prends la parole au nom du groupe UMP. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, aborder l’examen du texte dans un esprit d’ouverture. Les temps ont donc changé depuis que l’on a entendu M. François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, proclamer lors de son discours au Bourget « Mon adversaire, c'est le monde de la finance ». Nous partageons sur tous les bancs le double objectif que vient de rappeler ma collègue socialiste : protéger les fonds des déposants et préserver la compétitivité de nos établissements bancaires. Mais en comparant les pertes qui ont affecté les réseaux bancaires nationaux au moment du déclenchement de la crise financière, en 2008, on se rend compte que si les banques britanniques, dont les activités de marché spéculatives sont la spécialité, ont perdu de 12 à 13 %, les pertes du réseau français se sont limitées à 2 à 3 %, taux minime qu’explique la diversification de leurs activités. Nos banques ayant montré leur capacité de résilience, où placerez-vous le curseur pour préserver leur compétitivité ? En laissant la porte ouverte à des évolutions, vous risquez de fragiliser notre réseau bancaire. Le président de la Fédération bancaire française a exprimé cette inquiétude : il craint que les dispositions envisagées n’amoindrissent notre compétitivité en empêchant les banques de financer nos entreprises et notre industrie. Faut-il imposer des contraintes supplémentaires à des établissements qui ne se sont pas trop mal sortis de la crise de 2008 ? C’était le cœur de notre discussion, à l’automne dernier, lorsque nous avons débattu du rapport Gallois, qui appelle à un « choc de compétitivité ». Vous engagez la France, la première, dans une voie nouvelle, mais à quel rythme sera-t-elle suivie par les autres pays ? Être – trop – en pointe en pareil cas, n’est-ce pas risquer de nuire à la compétitivité nationale ?

M. Charles de Courson. Le groupe UDI s’interroge, monsieur le ministre : pourquoi n’avez-vous pas choisi d’interdire purement et simplement aux banques d’exercer les activités que vous qualifiez de spéculatives ? Par ailleurs, comment s’appliqueront les dispositions prévues à l’article 1er si les banques françaises poursuivent leurs activités spéculatives dans une filiale créée à cet effet à l’étranger ? Qu’en est-il de la territorialité du droit ? Enfin, il sera interdit d’augmenter le capital de la filiale consacrée aux activités spéculatives ; mais le texte interdit-il à une banque étrangère de participer à une augmentation de capital qui lui serait réservée dans cette filiale française ? En bref, l’article 1er du projet est-il applicable ?

M. Éric Alauzet. Le groupe écologiste souhaite savoir, monsieur le ministre, si vous considérez ce projet comme voué à évoluer, ou comme un texte étalon pour l’Europe, verrouillé. Le sujet importe d’autant plus que vous avez dit que la loi était conçue pour un temps long. Ensuite, que pèse réellement le 1 % résiduel d’activités bancaires spéculatives qui sera cantonné dans une filiale ad hoc ? Au moment de la crise, les activités de marché pour compte propre - dont vous avez dit qu’elles ont été les principales responsables des dettes des banques - représentaient de 15 à 20 % de leur activité spéculative. Quelle part des pertes des banques peut leur être attribuée ? Sans doute beaucoup plus que 1 %. S’agissant de la résolution des crises, à partir de quelle limite devra-t-on mobiliser l’argent des déposants ? Enfin, les dangereux fonds spéculatifs – hedge funds – sont souvent logés dans des paradis fiscaux ; un moyen de réduire les risques qu’ils présentent ne serait-il pas d’instituer un système obligatoire d’information – reporting – pays par pays, sur l’ensemble des activités des filiales, leur chiffre d’affaires, leurs bénéfices, leur personnel, les droits fiscaux ?

M. le président Gilles Carrez. La parole est au ministre pour répondre aux représentants des groupes. Il sera de nouveau parmi nous mercredi prochain, pour l’examen du texte, et répondra alors aux questions que lui poseront les orateurs qui, faute de temps, n’ont pu s’exprimer aujourd’hui.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. Vous m’avez interrogé, monsieur le président, sur le périmètre de la filiale de cantonnement. J’ai entendu parler de ce que vous auraient dit les banquiers à ce sujet ce matin ; je me méfie de la rhétorique qui peut soit pousser à un extrême vers lequel on ne peut pas aller, soit tendre à vider le projet de loi de son sens.

Les chiffres doivent être replacés dans leur contexte. Depuis le déclenchement de la crise, les banques ont très fortement réduit leur activité spéculative pour compte propre, ce dont nous ne nous plaindrons pas. Mais la réforme doit être jugée en fonction de ce que ces activités représentaient juste avant la crise et de ce qu’elles pourraient représenter demain si l’exubérance exagérée précédemment constatée reprenait ; nous devons prendre en considération le moment où le risque est maximal. Pour autant, le texte n’est pas figé – je répondrai sur ce point à Mme Karine Berger et à M. Éric Alauzet. Nous ne disposons pas à ce jour d’une estimation très fiable de la part de l’activité bancaire concernée par la filialisation, si bien que la plus grande précaution s’impose. L’exercice est délicat car les chiffres varient beaucoup selon les établissements ; leurs structures d’activités diffèrent, et elles peuvent fluctuer selon les années. En réalité, une évaluation fiable ne pourra être menée qu’une fois arrêté le cadre précis des activités qui peuvent être maintenues au sein de la maison mère. Les premières évaluations sont donc, par force, faites au strict minimum. J’ai cependant la conviction que les chiffres seront finalement plus élevés que ceux auxquels les banques elles-mêmes s’attendent aujourd’hui.

Je tiens à assurer Mme Berger et Mme Rabault que nous veillerons à ce que la tenue de marché ne masque pas les activités spéculatives. J’attends à ce sujet des amendements parlementaires.

Monsieur Lamour, en ma qualité de ministre de l’économie et des finances, je suis attaché à la compétitivité de l’économie française et je tiens à ce que nos entreprises soient financées dans des conditions satisfaisantes. Le projet qui vous est soumis ne vise en aucune manière à affaiblir notre compétitivité. Dans le même temps, le texte doit être ferme et précis pour permettre à l’État de manier les ciseaux évoqués par Mme Berger. Nous avons défini un état initial, mais l’on peut imaginer aller au-delà ; le curseur peut être déplacé en fonction des paramètres choisis. Selon les premières estimations, qu’il faut, pour les raisons que j’ai dites, apprécier avec prudence, les activités visées par la séparation peuvent représenter, en moyenne, de 3 à 5 % du chiffre d’affaires des activités de marché des banques, et jusqu’à 10 % pour les banques les plus engagées dans ce domaine. Mais si l’on appliquait les dispositions proposées au niveau d’activité des banques dans leur format d’avant la crise, cette proportion s’élèverait à 15 % en moyenne, et de 20 à 25 % pour les banques les plus engagées dans les activités visées par la séparation. Si la réforme avait préexisté à la crise, elle aurait donc conduit à cantonner une part significative des activités bancaires, et surtout la part qui a donné lieu au gros des pertes. J’ai indiqué être prêt à envisager des amendements visant à s’assurer que les activités spéculatives sont effectivement cantonnées et non pas dissimulées dans les activités de tenue de marché ; l’adoption d’amendements en ce sens aura un impact mécanique sur la taille de la filiale. En résumé, je comprendrais que le débat aboutisse à l’élargissement raisonnable de la taille de la filiale. Ainsi parviendrions-nous à concilier les différents intérêts que nous devons préserver.

Vous avez rappelé, monsieur le président, les crises traversées par Dexia et le Crédit immobilier de France, en leur donnant une explication avec laquelle je ne suis qu’à moitié d’accord. Ces crises sont liées à des problèmes de liquidités, ce qui me conduit à recommander que l’on ne jette pas trop facilement aux orties l’accord Bâle III, qui propose notamment des ratios de liquidité appropriés. J’y insiste : on peut calibrer le dispositif plus précisément, mais il ne faut pas penser que le monde « d’avant » était un monde idéal.

Les exemples que vous avez évoqués, monsieur le président, ne signifient pas que le texte est inutile : il servirait par exemple en cas de crises provoquées par des pertes dues au trading des banques pour leur compte propre. Surtout, le volet « résolution » du projet permettra aux autorités publiques de prendre la main, de manière que les actionnaires et les créanciers soient appelés avant le contribuable, et aussi que l’on puisse révoquer certains dirigeants dont le comportement n’aurait pas été responsable.

M. Charles de Courson. Voilà qui serait nouveau.

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. C’est ce qu’institue le texte.

M. Charles de Courson. Encore doit-il être appliqué !

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. Croyez que j’aurais aimé, en de certaines occasions, pouvoir en disposer.

M. le président Gilles Carrez. C’est aussi ce que nous a dit le président de l’Autorité de contrôle prudentiel…

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. C’est que nous avons dû, M. le gouverneur de la Banque de France et moi-même, agir par la persuasion là où nous aurions préféré pouvoir agir par la loi ; cela aurait été plus simple dans certaines situations que nous continuons de traiter dans la douleur.

Il est vrai que le soutien apporté par l’État aux banques françaises a, le plus souvent, été profitable, en particulier pour ce qui est de la rémunération de la garantie. Le cas de Dexia fait exception à cette règle, et la participation des créanciers, en plus de celle des actionnaires, aurait permis d’alléger la facture. Je ne prétends pas que le texte soit parfait, mais les dispositions proposées, si elles avaient existé, auraient donné aux pouvoirs publics des outils fort utiles dans ce type de situation précisément. Ainsi, le projet a été conçu pour éviter la reproduction de l’affaire Kerviel, accident scandaleux. Je suis convaincu que si les mesures proposées avaient été en vigueur à l’époque, elles auraient permis de limiter très fortement les pertes de la Société générale ; toutefois, comme il s’agissait d’une fraude, il est difficile d’être plus catégorique.

Pour tout ce qui va dans le sens de l’encadrement des activités des marchés et par exemple de l’activité de trader, des amendements peuvent être envisagés. Le superviseur bancaire devra approuver les mandats donnés par la banque à chacun des bureaux de négociation ; je vous l’assure, certains moyens d’encadrement n’auraient pas été inutiles lors du déclenchement de la crise. Je ne sais si les dispositions que nous vous soumettons auraient tout évité, mais en tout cas aurions-nous eu plus d’armes à notre disposition.

Mme Karine Berger et M. Éric Alauzet m’ont interrogé sur l’évolution de la réforme dans le temps. Ce projet de loi n’est pas un texte de circonstance. Il est dans notre intérêt de tirer les premiers pour renforcer notre position au niveau européen. Un jour, peut-être, évoquerons-nous ensemble les questions traitées par le Conseil « Affaires économiques et financières » – ECOFIN – et par l’Eurogroupe. Oui, la France est en pointe, et nous avons ainsi obtenu des résultats à propos de la supervision : notre position a été le fer de lance de l’accord trouvé. Avec le texte que je vous présente aujourd’hui, nous suivons la même démarche. Mais un texte de cette nature doit évoluer pour tenir compte des mutations techniques induites par l’imagination fertile des banquiers ainsi que des réglementations européennes futures. Le projet doit donc être considéré pour ce qu’il est : un cadre durable mais qui sera sans aucun doute amené à évoluer.

Vous m’avez également interrogé sur l’imbrication du projet de loi avec la réforme européenne à venir. Depuis l’élection présidentielle en France, une évolution très marquée vers l’union bancaire s’est fait jour. Alors qu’avant le Conseil européen des 28 et 29 juin, une telle perspective n’était tout simplement pas évoquée, en quelques mois le volet « supervision » a été mis sur les rails, et le volet « résolution et garantie des dépôts » est en discussion, l’objectif étant d’aboutir mi-2013. Sous l’impulsion française, la volonté d’avancer vite est réelle. Le projet de loi qui vous est soumis est un texte précurseur, qui concerne tous les volets de la future union bancaire européenne. Nous attendons un projet de directive sur la réforme bancaire au printemps et nous examinerons avec intérêt la position de M. Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services, sur le rapport Liikanen. Nous devons être précis et stricts, mais aussi réalistes : on ne peut dire que la tenue de marché dans son ensemble soit nocive au financement de l’économie. Le débat est en cours, mais les chances sont minces que le projet d’union bancaire soit adopté avant le terme du mandat de la présente Commission européenne. La France soutiendra évidemment la réforme, et M. Barnier aura tout notre soutien. Je souligne à nouveau toute l’utilité des accords de Bâle, qui renforcent la solidité des banques et préviennent les crises de liquidité, mais nous devons aussi veiller à ce que la réforme ne conduise pas à affaiblir le financement de l’économie. Un équilibre doit donc être trouvé, qui passe par un accord sur le calibrage des ratios ; il conviendra, pour trouver un compromis, de les assouplir, mais il est important que les banques, françaises en particulier, les respectent, et qu’elles aillent même au-delà si possible.

Mme Axelle Lemaire a évoqué les conséquences du texte pour les consommateurs. Le projet prévoit le plafonnement des commissions d’intervention pour les populations les plus fragiles, sur lesquelles ces frais s’accumulent et qui ont le moins de moyens pour les régler. La mesure a été conçue dans un souci d’efficacité. Certains, je le sais, demandent qu’elle soit de portée générale, et s’applique à tous les clients. Je comprends la motivation qui les anime et je suis prêt à discuter d’amendements à ce sujet. Je rappelle toutefois qu’un plafonnement général, s’il est mal calibré, peut avoir des effets pervers et des conséquences négatives pour les clients. On ne peut négliger le risque que les frais théoriquement supprimés ne soient en réalité transférés sur d’autres opérations et que l’on assiste par exemple à la multiplication des rejets et des incidents de paiement, ou à l’augmentation d’autres coûts. Il serait paradoxal que le client soit finalement victime de la réforme. Je suis ouvert à des aménagements, mais la mesure doit être équilibrée, de manière que le consommateur en profite et que les banques ne contournent pas des dispositions qui auraient été mal définies. Je suis persuadé que nous y parviendrons.

D’autres mesures en faveur des consommateurs figurent dans le projet, qui concernent la transparence du coût des assurances garantissant un crédit, le droit au compte et le surendettement.

Mme Axelle Lemaire souhaite un contrôle parlementaire du Conseil de stabilité financière. Je suis d’autant plus favorable à ce que le président de Conseil soit auditionné par le Parlement que ce président est le ministre… Je suis plus réservé, en revanche, à l’idée qu’un représentant de l’État siège au conseil d’administration d’une banque dans laquelle il doit intervenir, les mesures proposées visant précisément à ce que l’État ne soit pas en première ligne - c’est pourquoi le projet prévoit l’intervention du Fonds de garantie des dépôts et de résolution. Toutefois, si, en fin de course, l’État devait prendre une participation au capital d’une banque, il devrait être représenté à son conseil d’administration.

Je suis également ouvert à des amendements relatifs à la composition du Conseil de stabilité financière. La nouvelle Autorité, appelée à prendre des décisions majeures, doit être composée d’un nombre de membres assez limité pour faciliter la prise de décision. Il doit s’agir, bien entendu, de personnalités qualifiées, et l’on veillera à éviter tout conflit d’intérêts, de manière que le Conseil prenne ses décisions en complète indépendance. Sous réserve que ces critères soient respectés, on peut envisager que sa composition évolue.

Jusqu’à quel point peut-on resserrer l’identification des activités de tenue de marché ? Des critères objectifs permettent d’identifier la tenue de marché utile et de s’assurer qu’elle apporte des liquidités au marché ; cela peut figurer dans la loi sans que la compétitivité des banques soit remise en cause comme le craint M. Lamour. Je fais confiance aux parlementaires pour proposer à ce sujet des amendements que je suis prêt à examiner.

Monsieur de Courson, nous avons bel et bien interdit certaines activités purement spéculatives et nous avons pris des dispositions visant à mieux les définir. Cependant, le texte est conçu de manière graduée. Sont interdites les activités nuisibles à l’économie telles que le trading à haute fréquence - qui permet à la banque de spéculer pour son propre compte - et la spéculation pour compte propre sur les matières agricoles. Le champ de l’interdiction pourra être défini encore plus précisément. Les activités qui ne sont pas utiles à l’économie sont isolées pour éviter qu’elles ne mettent en péril les autres activités de l’établissement ; c’est le principe de la filialisation.

Le périmètre défini étant celui du groupe consolidé, les filiales des groupes bancaires français à l’étranger, tout comme les filiales françaises de groupes étrangers, entrent dans le champ de la loi. Le plan de résolution agira donc sur les filiales à l’étranger.

M. Charles de Courson. Comment contrôlera-t-on que la loi est effectivement appliquée ?

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. C’est le rôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

Sans vouloir polémiquer, monsieur Lamour, j’ai le souvenir d’avoir présenté devant votre commission une réforme très importante pour l’économie française, la création de la Banque publique d’investissement, sans connaître à ce jour l’opinion à ce sujet d’une opposition absente en son entier lors du vote.

M. le président Gilles Carrez. Les députés du groupe UMP et du groupe UDI étaient présents au cours des débats, et ils vous ont même parfois soutenu, monsieur le ministre. Mais je comprends que vous vous inquiétiez que l’opposition ne soit pas suffisamment présente car vous avez peut-être besoin de son soutien - et vous l’aurez, le cas échéant…

M. Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des finances. Je doute que cela soit nécessaire…

Qui peut nier, monsieur Lamour, qu’une certaine finance spéculative est notre adversaire ? C’est bien pourquoi le projet tend à séparer ce qui est utile à notre économie de ce qui ne l’est pas, à savoir la spéculation des banques pour leur compte propre. Il n’y a donc pas de contradiction entre les propos tenus par M. François Hollande au Bourget et ce texte. Notre ennemi commun, en démocratie, est bien la finance qui travaille pour elle-même. Je souhaite donc que le projet permette de renforcer la solidité des banques et leur régulation, qu’il instaure un véritable contrôle prudentiel et une résolution vigoureuse – en bref, qu’il donne des armes au pouvoir exécutif et aux banques qui contribuent au financement de l’économie. Je suis bien placé pour savoir que nous avons besoin d’un secteur financier qui fonctionne.

S’agissant des paradis fiscaux, je rappelle avoir lancé avec M. Jérôme Cahuzac un agenda de lutte contre la fraude destiné à renforcer l’arsenal des mesures dont dispose déjà l’administration fiscale, notamment pour ce qui concerne la fiscalité des entreprises multinationales. Pour ce qui est des banques, on cherche moins à éviter l’optimisation fiscale qu’à déterminer si par son activité, un établissement bancaire peut être suspecté de fraude ou de blanchiment, ou s’il a une activité offshore sans lien avec l’activité économique du pays. Nous disposons déjà d’outils, dont l’un est la liste des États et des territoires non coopératifs en matière fiscale ; mais huit États seulement y figurent, et de petite taille. Je suis ouvert à une mesure de transparence qui consisterait à définir un champ de pays plus large. Pour ce qui est des informations que les banques devraient communiquer, il faut prendre garde à ne pas tomber dans l’excès inverse, qui conduirait à faire dévoiler des informations dont la pertinence est faible mais dont la publication pourrait fragiliser des établissements confrontés à une vive concurrence. Je suis ouvert au débat, monsieur Alauzet, si des amendements sont déposés à ce sujet.

Vous aurez compris l’état d’esprit dans lequel je défendrai un projet que je crois bon et que je vous soumets avec fierté, mais qui peut évoluer au fil du débat.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, je vous remercie. Nous vous recevrons à nouveau mercredi prochain pour l’examen du texte. Vous aurez ainsi l’occasion de répondre aux questions des commissaires qui n’ont pu vous interroger aujourd’hui, l’organisation de nos travaux ayant été bouleversée par le vote sur la motion référendaire en séance publique.

EXAMEN DES ARTICLES

Titre Ier

SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES

Article 1er

Filialisation des activités bancaires spéculatives

Articles L. 511-47 à L. 511-50 du code monétaire et financier

I.– LA QUESTION DE LA SÉPARATION DES ACTIVITÉS BANCAIRES

A.– UNE NÉCESSITÉ NÉE DE LA CRISE

De nombreux économistes ont analysé la crise bancaire de 2008 et l’enchaînement des événements pour d’une part isoler l’événement déclencheur et, d’autre part, identifier les mesures à prendre pour éviter la répétition d’un tel scenario. Lors de leur présentation devant la commission des finances, les professeurs Laurence Scialom et Jean-Paul Pollin ont considéré que la séparation des activités bancaires commerciales et des activités sur les marchés répondaient à plusieurs éléments de la crise. Ils relèvent tout d’abord qu’une grande part du risque systémique se concentre dans les activités de marché à la fois parce qu’à travers elles se nouent les interconnexions entre établissements, et partant, les risques de contagion, et parce que ces activités ont été au cœur des crises de liquidités. Ils notent aussi que le fait que les activités de marché bénéficient de la garantie publique au travers des banques de dépôt incite à la prise de risque et participe d’une insuffisante gestion des risques. Les activités de marché ont par ailleurs été à l’origine d’arbitrages réglementaires avec une réduction des charges en capital sur certains risques. Elles ont aussi permis le développement du shadow banking qui échappe à la réglementation.

Ils relèvent enfin que le principe de la banque universelle pose problème car ces entités regroupent des activités de natures différentes, ce qui rend difficile leur gestion, leur régulation et leur contrôle par l’ensemble de leurs parties prenantes.

B.– LES DIFFÉRENTES OPTIONS POSSIBLES

Pour séparer les banques de marché des banques de dépôt, plusieurs options sont envisageables. Plusieurs États ou organisations ont d’ailleurs engagé un travail de réflexion important sur le sujet, avec le Dodd Franck Act aux États-Unis, le rapport demandé à Sir John Vickers au Royaume-Uni et celui demandé à la commission présidée par Erkki Liikanen au sein de l’Union européenne (cf. supra).

Le projet de loi s’inscrit en grande partie dans la lignée du rapport Liikanen en retenant le principe de la filialisation. Contrairement à la règle de Volcker ou au rapport Vickers, il ne retient pas le principe d’une séparation stricte, considérant qu’elle pourrait être risquée pour le financement de l’économie française.

Comme le rapport Liikanen, il propose de confier à une filiale dédiée les activités spéculatives, c’est-à-dire les opérations de négoce pour compte propre à l’exception notable des opérations de tenue de marché. Il prévoit également la filialisation des opérations réalisées avec un hedge fund dès lors qu’elles ne sont pas assorties d’une sûreté.

Il prévoit enfin l’interdiction stricte du négoce à haute fréquence ou d’opérations spéculatives sur les matières premières agricoles (cf. infra).

Le tableau suivant, élaboré par les professeurs Laurence Scialom et Jean-Paul Pollin (26), présente synthétiquement les caractéristiques principales des différents rapports.

PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DES PROPOSITIONS DE RÉGULATION BANCAIRE

 

Activités séparées

Forme de séparation

Volcker

Opérations pour compte propre et investissements dans hedge ou private equity funds.

Stricte séparation : interdiction de ces activités aux établissements bancaires.

Vickers

Opérations pour compte propre de tenue de marché et underwriting.

Activités isolées au sein d’un groupe ; capitalisées et dirigées séparément. Contraintes prudentielles sur les transactions et expositions entre entités.

Liikanen

Opérations pour compte propre, tenue de marché ; expositions aux hedge funds et entités comparables (SIV...); investissement en private equity.

(Au-delà d’une certaine taille de ces activités)

Activités isolées au sein d’un groupe et capitalisées séparément. Transferts conditionnels de fonds ou de risques entre les entités séparées.

Projet de loi

Opérations pour compte propre et investissements dans les fonds spéculatifs.

Activités isolées au sein d’un groupe et capitalisées séparément.

Source : présentation des professeurs Laurence Scialom et Jean-Paul Pollin.

II.– LE CHOIX FRANÇAIS DE LA FILIALISATION

A.– LE PRINCIPE GÉNÉRAL : LA FILIALISATION DES OPÉRATIONS POUR COMPTE PROPRE

 Le projet de loi s’applique à l’ensemble des groupes financiers comportant un établissement de crédit. Le code monétaire et financier distingue en effet plusieurs catégories d’établissements du secteur bancaire : les établissements de crédit sont « des personnes morales qui effectuent à titre de profession habituelle des opérations de banque » (27). Les compagnies financières et compagnies financières holding (article L. 517-1 et L. 517-4) sont des sociétés qui ont pour filiale au moins un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement.

Les alinéas 2, 3 et 10 de l’article 1er prévoient que les activités de négociation portant sur des instruments financiers faisant intervenir le compte propre de la banque, c’est-à-dire engageant son bilan, ainsi que toute opération conclue avec un organisme de placement collectif à effet de levier et dénué de garantie (cf. infra) ne peuvent être exercées que par l’intermédiaire d’une filiale dédiée.

Cette filialisation, ou cantonnement, répond à un triple objectif de garantie, désormais inscrit à l’article L. 511-47, de la stabilité financière, de la solvabilité à l’égard des déposants et de la capacité desdites banques à assurer le financement de l’économie. Ces trois objectifs doivent servir de grille de lecture pour l’ensemble des dispositions du texte.

Pour autant, le projet de loi restreint le principe de la filialisation aux groupes dépassant certains seuils : il convient en effet de se concentrer sur les banques systémiques, la défaillance d’une petite structure n’entraînant pas nécessairement de perturbation de l’ensemble des marchés. Le ratio retenu par l’alinéa 2 est relatif à la part des activités de négociation sur instruments financiers, c’est-à-dire à l’activité de marché desdites entités. En pratique, seules quatre banques seraient concernées, à savoir BNP Paribas, la Société Générale, le Crédit Agricole et BPCE dont les actifs de négoce représentent 20 à 40 % des actifs totaux.

La constitution par les banques françaises d’une filiale qu’elles détiendraient par exemple chacune à hauteur de 25 % et dédiée aux activités spéculatives n’est pas interdite par le texte, mais cette filiale serait une contrepartie externe et à ce titre soumise à toutes les contraintes qui pèsent sur la filiale cantonnée.

 Le texte a vocation à s’appliquer de façon extraterritoriale : les banques dont le siège est établi en France devront se conformer au projet de loi sur une base consolidée, c’est-à-dire incluant leurs éventuelles filiales à l’étranger. Comme la réglementation française ne peut pas s’appliquer directement aux filiales établies à l’étranger, l’obligation de conformité pèsera sur la tête de groupe et sur tous les établissements qu’elle contrôle.

B.– LES ACTIVITÉS MAINTENUES DANS LA BANQUE COMMERCIALE

Le projet de loi français introduit plusieurs exceptions au principe de cantonnement.

1.– Les services d’investissement à la clientèle

La fourniture de services d’investissement à la clientèle et la compensation d’instruments financiers contribuant directement au financement de l’économie, le projet de loi les maintient dans la banque commerciale (alinéas 4 et 5). Il s’agit par exemple d’une prise ferme de titres par une banque dans le cadre de la facilitation d’une opération d’émission d’un de ses clients sur le marché primaire. Les alinéas 12 à 14 définissent plus précisément ces services. Ces instruments doivent répondre à des besoins de couverture, de financement ou d’investissement des clients de la banque. Leur rentabilité résulte des revenus tirés des services fournis à la clientèle.

L’alinéa 14 précise en effet que la rentabilité est liée à la « gestion saine et prudente des risques associés à ces services ». La gestion devra s’exercer à l’intérieur de limites de risques qui sont proportionnées aux besoins exprimés par les clients. Lorsqu’un client de la banque a besoin d’une couverture spécifique, la banque la lui fournit via un dérivé qu’elle va ensuite couvrir, c’est-à-dire qu’elle va le retourner vers le marché. Si les besoins du client sont suffisamment spécifiques, cette couverture sera sans doute imparfaite, la banque ne pouvant pas trouver sur le marché exactement le même instrument que la couverture qu’elle a fournie à son client. Dès lors que les risques ne peuvent pas être identiques, ils ne doivent pas cependant trop différer ; l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) (28) veillera donc à ce que les risques que tolère la banque soient proportionnés aux besoins de son activité pour le compte de clients.

2.– Les opérations de compensation et de couverture des risques

L’activité de compensation désigne le plus souvent l’activité d’une chambre de compensation, dite « contrepartie centrale », qui s’interpose entre deux contreparties d’une transaction pour protéger chacune d’entre elles contre le risque de défaut de sa contrepartie. Par ailleurs, les établissements bancaires qui sont membres des chambres de compensation offrent des services dits de compensation à leurs clients. Ils collectent par exemple les actifs qu’ils doivent déposer au sein de la chambre de compensation en garantie ; ils peuvent aussi être amenés à leur faire une avance de titres ou de liquidités à cette fin. Enfin, les transactions qui ne font pas l’objet de compensation centrale peuvent faire l’objet d’une compensation bilatérale par échange de garanties entre les deux contreparties. L’établissement bancaire peut ainsi, pour son compte propre ou pour le compte de clients, conserver ces sûretés.

Les opérations de couverture des risques sont définies à l’alinéa 15. Il s’agit de se porter partie à des opérations sur instruments financiers afin d’en réduire l’exposition aux risques. Par exemple les banques françaises prêtent majoritairement à taux fixe à leur clientèle de particuliers et refinancent une partie de ces prêts à taux variable. Afin de se prémunir contre le risque de taux, elles peuvent souscrire à des contrats dérivés de taux.

Le projet de loi précise que les instruments utilisés pour ces opérations de couverture doivent avoir « une relation économique » avec les risques identifiés, ce qui signifie que le sous-jacent de l’instrument de couverture soit adéquat, c’est-à-dire qu’il corresponde à un risque qu’a pris la banque dans son activité de financement de l’économie. Par exemple, un dérivé exposant une banque à un risque de change sur une devise dans laquelle la banque ne réalise pas d’opérations ne présente visiblement pas de relation économique avec un risque préexistant et identifié. Il ne peut donc pas s’agir d’une opération de couverture. De même, si une banque utilise des dérivés de crédit pour couvrir ses expositions, elle doit démontrer que les montants de dérivés qu’elle acquiert correspondent à une exposition qu’elle a par ailleurs, ce qui exclut toute sur-couverture ; dans le cas contraire elle spécule en réalité sur le risque de défaut de son client et le produit ne correspond alors plus à une opération de couverture.

3.– Les opérations d’investissement du groupe et la gestion de sa trésorerie

Sont maintenues dans la banque commerciale les opérations d’investissement du groupe, c’est-à-dire :

– les opérations d’achat et de vente de titres financiers avec l’intention de les conserver durablement (alinéa 20). Entrent dans le champ de cette disposition les opérations portant sur des instruments financiers liés à cet achat ou à cette vente ;

– les opérations d’achat et de vente de titres émis par les entités du groupe (alinéa 21).

De même les opérations de trésorerie du groupe et les opérations financières entre les entités d’un même groupe restent réalisées par la banque commerciale. L’alinéa 8 impose néanmoins que ces fonds soient gérés de façon « saine et prudente ». Cette notion existe dans le code monétaire et financier, notamment à l’article L. 532-2 relatif aux conditions d’agrément par l’ACPR. En l’espèce, les textes réglementaires comporteront des éléments relatifs aux règles de fonctionnement (par exemple des règles de dispersion) ou d’organisation (compatibilité entre les différentes activités au sein d’un desk).

4.– Les opérations de tenue de marché

 Le projet de loi fait le choix de maintenir dans la banque commerciale l’ensemble des opérations de tenue de marché. Il s’agit d’engagements fermes d’achat et de vente qui garantissent aux intervenants du marché qu’ils pourront à tout moment céder ou acheter des titres à des conditions prévisibles. L’activité de tenue de marché permet de donner en permanence un prix à n’importe quel titre, c’est-à-dire qu’elle détermine les conditions de sa cession.

Les alinéas 16 à 18 en précisent la définition. Une opération de tenue de marché concerne la fourniture de liquidité sur une plateforme de négociation sur laquelle les titres sont échangés comme par exemple Euronext. Dans ce cas, le teneur de marché est un intervenant présent de façon suffisamment régulière et qui publie des prix d’achat et d’offre fermes. Il peut aussi s’agir de fournir de la liquidité au marché dans le cadre d’activités de gré à gré ; dans ce cas, le teneur de marché publie un prix ferme ou communique un prix à la demande de clients (alinéa 17). L’opération peut sinon désigner l’activité de l’opérateur qui exerce une activité consistant, par l’interposition de son compte propre, à faciliter l’exécution d’ordres des clients. L’objectif est de fournir une liquidité additionnelle par rapport à celle immédiatement présente sur le marché (alinéa 18).

 Le projet de loi français estime que ces opérations participent à la liquidité d’un marché et que, ce faisant, elles sont parties prenantes du financement de l’économie. Le rapport Liikanen mettait à l’inverse l’accent sur le caractère spéculatif ou risqué de certaines opérations de tenue de marché. Faute d’avoir identifié un critère de distinction, il préconisait dès lors de les filialiser dans leur intégralité. Cette option, pour séduisante qu’elle soit sur le plan théorique, soulève de fortes interrogations pratiques et financières. Les opérations de tenue de marché conditionnent par exemple l’existence d’un marché secondaire des obligations, qu’il s’agisse de dettes souveraines ou de celles de grandes entreprises. Les masses en jeu imposent à la banque qui effectue ces opérations de disposer de fonds propres et de capitaux très conséquents puisqu’elle doit respecter les règles prudentielles de Bâle II (et prochainement de Bâle III). Les banques européennes ne peuvent respecter ces obligations que dans la mesure où elles s’appuient sur des banques commerciales. Faute de pouvoir doter la filiale de capitaux suffisants, les banques européennes risqueraient de devoir renoncer à ces opérations qui seraient dès lors réservées à quelques grandes banques mondiales, en l’espèce uniquement des banques américaines.

L’éviction des banques européennes apparaît préjudiciable à la fois aux États et aux entreprises et induit plusieurs risques forts. Compte tenu de la taille des banques susceptibles de respecter les règles prudentielles, il apparaît peu vraisemblable qu’elles s’engagent dans des opérations modestes, excluant de fait les omissions obligataires d’entreprises de taille intermédiaire voire de petits États. Avec un tel système, il ne serait plus possible de maintenir le dispositif actuel de spécialistes en valeur du Trésor (SVT) par lequel les banques s’engagent à acheter obligatoirement de la dette à chaque émission. Ce système est particulièrement protecteur pour l’État car il n’a pas à chercher d’acquéreurs sur le marché, ce sont les SVT qui servent d’intermédiaires. Les grandes banques risquent de ne pas être intéressées par une habilitation comme SVT. Elles n’ont en effet pas besoin d’un lien formel avec les États, elles sont en mesure de mettre en concurrence tous les acteurs du marché. Si elles ne sont plus tenues par aucune obligation, elles risquent de se retirer dès que le marché se durcit, ce qui poserait de graves difficultés aux États.

Pour autant, ce risque d’éviction ne concerne pas l’ensemble des opérations de tenue de marché. Dans son avis sur le rapport Liikanen, la Banque centrale européenne (BCE) estime qu’il faut réfléchir à une distinction entre opérations de marché : ne seraient cantonnées que les activités les plus risquées.

La rapporteure adhère à l’analyse de la BCE : la solution du rapport Liikanen est certes trop radicale, mais il semble peu prudent de maintenir l’ensemble de ces activités dans la banque commerciale. Lors de ses auditions, plusieurs économistes ont souligné que les banques réussissaient souvent à réaliser des actions spéculatives sous couvert d’opérations de tenue de marché. Fort de ce constat, elle propose donc que les opérations de tenue de marché ne soient maintenues dans la banque commerciale que jusqu’à un certain seuil déterminé en fonction du produit net bancaire. Si les opérations de tenue de marché représentent un volume trop important, on peut en effet estimer qu’elles comprennent des activités plus spéculatives qui doivent être cantonnées.

C.– LES OPÉRATIONS AVEC LES ORGANISMES DE PLACEMENT COLLECTIF À EFFET DE LEVIER

L’alinéa 10 prévoit que toutes les opérations conclues par l’établissement de crédit pour son compte propre avec un organisme de placement collectif (OPCVM) à effet de levier, notamment un hedge fund, sont cantonnées dans la filiale dès lors qu’elles ne sont pas assorties d’une sûreté.

Les hegde funds ne sont pas soumis aux règles prudentielles, qu’il s’agisse des règles de Bâle propres aux capitaux ou aux fonds propres ou qu’il s’agisse des règles de solvabilité. Dès lors la relation est asymétrique, la banque qui prête de l’argent à un tel organisme ne pouvant pas s’assurer de sa solvabilité sur le long terme. Pour pallier ce risque, elle peut imposer d’assortir son prêt d’une sûreté prenant la forme d’un instrument financier qui la prémunit contre toute défaillance de l’emprunteur. En pratique ce risque est plus que couvert, les instruments utilisés étant surcolatéralisés, c’est-à-dire que la garantie excède le risque. En d’autres termes, pour un prêt de 100, la garantie va être supérieure à 100 voire atteindre 110 ou 120.

Les véhicules d’investissement similaires sont soumis au même principe de cantonnement sauf s’ils sont associés à une sûreté. Cette disposition vise toutes les entités qui ne sont pas juridiquement qualifiables d’OPCVM mais dont la fonction est économiquement équivalente. On peut penser aux trust companies qui existent dans certaines juridictions anglo-saxonnes ; ce sont des entités gérées passivement par un trust mais qui disposent de la personnalité morale et ne sont pas des OPCVM.

III.– LES RÈGLES APPLICABLES AUX FILIALES

Le principe de la filialisation n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs poursuivis s’il n’est pas associé à des règles prudentielles fortes. De même, le projet de loi encadre strictement les relations entre la filiale et sa maison mère pour éviter toute contagion. Il interdit enfin certaines pratiques particulièrement risquées.

A.– L’APPLICATION DES RÈGLES PRUDENTIELLES

 Le nouvel article L. 511-48 du code monétaire et financier (alinéa 22) prévoit que la filiale dédiée est par défaut une entreprise d’investissement et doit à ce titre être agréée par l’ACPR. Elle peut, à titre dérogatoire, être agréée comme établissement de crédit. Le choix de la nature juridique de la filiale relève de la seule appréciation de la maison mère. Si la filiale doit réaliser des opérations de banque (et non seulement des opérations de négociations), par exemple des opérations de crédit avec des organismes spéculatifs, il est en effet nécessaire qu’elle puisse être agréée en tant qu’établissement de crédit.

Si la filiale est agréée comme établissement de crédit, elle ne peut néanmoins pas recevoir de dépôts garantis ni fournir des services de paiement garantis. Cette séparation est indispensable, l’objectif du projet de loi étant bien de séparer l’accès à la garantie publique de l’exercice de certaines activités risquées. Cette disposition impose à l’ACPR d’assortir l’agrément qu’elle délivre à la filiale de limitations spécifiques.

Par ailleurs, si la filiale est établissement de crédit, elle devra adhérer au fond de garantie des dépôts.

L’alinéa 24 impose à la filiale de respecter les règles en matière de solvabilité, de liquidité et de dispersion des risques propres aux établissements de crédit sur base individuelle. Elle empêche ainsi la filiale de bénéficier d’une exemption de surveillance sur base individuelle, comme il arrive lorsque la maison mère s’engage à soutenir la filiale ou lui accorde sa garantie. La conséquence en est notamment que la filiale devra être capitalisée de manière autonome. Les règles de Bâle III et de Solvabilité II s’appliqueront donc de plein droit.

Les modalités détaillées de calcul des différents ratios de solvabilité figurent aujourd’hui dans des textes d’application pris sur arrêté du ministre de l’économie. Il s’agit principalement de l’arrêté du 20 février 2007 relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement

 Le texte prévoit également que la surveillance peut s’exercer de façon sous-consolidée pour inclure les cas où la filiale aurait elle-même des filiales.

L’alinéa 25 prévoit que le groupe ou les entités qui contrôlent la filiale sont soumis à trois niveaux de surveillance :

– une surveillance sur base consolidée incluant la situation consolidée de l’ensemble du groupe (y compris la filiale). L’alinéa prévoit pour cela que ces dispositions s’appliquent « sans préjudice des dispositions de l’article L. 511-41-2 » ;

– une surveillance individuelle de chaque entité ;

– une surveillance de la situation consolidée de l’établissement mère en déduisant de ses fonds propres et de ses actifs ses expositions sur la filiale. Cet élément assurera que la situation de solvabilité de la maison mère n’est pas mise en cause si la filiale doit faire défaut. Il est une garantie forte de l’effectivité du cantonnement des risques.

B.– LES RELATIONS ENTRE LA FILIALE ET LA MAISON MÈRE

L’alinéa 26 dispose que pour le calcul du ratio de division des risques, les filiales ne sont pas considérées comme appartenant au même groupe que leur maison mère. Cette précision est capitale car elle interdit à la maison mère de financer sa fille au-delà d’un seuil qui est identique à celui qui serait appliqué à une autre entité qu’elle contrôlerait. La mère ne peut donc pas accorder de garantie illimitée à sa fille.

En application du deuxième alinéa de l’article L. 511-41 du code monétaire et financier, le règlement n° 93-05 du 21 décembre 1993 relatif au contrôle des grands risques définit le niveau de risque par ratio entre l’ensemble des risques nets pondérés que l’établissement contrôlant la filiale encourt du fait de ses opérations dans ladite filiale et le montant de ses fonds propres. En l’espèce, c’est le taux de « grand risque » qui s’appliquera. Il correspond à « l’ensemble des risques nets pondérés encourus du fait des opérations avec un même bénéficiaire ». Son taux est fixé à « 10 % des fonds propres de l’établissement » de contrôle. En cas de faillite de la filiale, la maison mère sera donc impactée au plus à hauteur de 10 %.

Cette disposition interdit par ailleurs à la maison mère de recapitaliser la filiale en cas de difficulté, sauf à ce qu’elle n’ait pas encore atteint le seuil de grand risque. En pratique, ce seuil n’est pratiquement jamais atteint, les maisons mères préférant laisser mourir l’entité fille lorsqu’elle est dans une trop mauvaise situation.

C.– L’INTERDICTION DE CERTAINES OPÉRATIONS

Les alinéas 27 à 29 interdisent à la filiale de réaliser des opérations de négoce à haute fréquence (high frequency trading - HFT) ou des opérations sur instruments financiers lorsqu’elles ont trait à des matières premières agricoles. En l’espèce, les opérations de HFT visées sont celles qui ont une vitesse inférieure à 0,5 seconde et un taux d’annulation supérieur à 80 %.

La banque peut toujours (hors la filiale) offrir un dérivé à une coopérative agricole qui a besoin de se couvrir, ou utiliser des techniques algorithmiques pour assurer une mission de tenue de marché au profit d’Euronext. Elle ne peut pas en revanche spéculer pour son compte propre sur les dérivés de matières premières agricoles ni recourir à des techniques de HFT pour son compte propre. Il est malheureusement impossible dans le cadre d’un texte national d’aboutir à une interdiction globale de ces pratiques à des fins spéculatives.

Les ordres transmis par les opérateurs spécialisés dans le négoce à haute fréquence représentent environ 60 % des ordres traités par Euronext mais tous ne correspondent pas à des pratiques spéculatives qu’il a été jugé opportun d’interdire. Les banques françaises ne sont pas les principaux acteurs concernés, les principaux opérateurs HFT étant plutôt des fonds, opérant depuis d’autres pays européens. Si l’activité de HFT peut donner lieu à des pratiques nuisibles pour le bon fonctionnement du marché et dont certaines peuvent même être qualifiées de manipulation de marché, en revanche elle ne représente pas une activité très risquée pour celui qui la pratique dans la mesure où il s’expose peu sur le marché où il intervient.

IV.– LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE INTERNE DES ÉTABLISSEMENTS FINANCIERS

Les nouveaux articles L. 511-49 et L. 511-50 (alinéas 30 à 33) du code monétaire et financier renforcent les obligations de contrôle interne des banques françaises et de leurs filiales. Ils donnent également à l’ACPR des pouvoirs accrus en ce domaine.

A.– UN RENFORCEMENT DES STRUCTURES INTERNES

Tout établissement qui réalise des opérations portant sur des instruments financiers doit assigner à ses unités internes des règles de fonctionnement et d’organisation compatibles avec le principe de filialisation posé à l’article L. 511-47 du même code. Ils doivent également s’assurer qu’ils sont en mesure de respecter les règles relatives aux normes prudentielles et à l’autonomie de fonds propres desdites filiales fixées par l’article L. 511-48 du même code.

Par unité on entend l’ensemble organique de personnels chargés de réaliser des opérations de négoce, en général sur un marché donné (desk).

Les établissements communiquent à l’ACPR la description de ces unités ainsi que leurs règles d’organisation et de fonctionnement. Ces règles recoupent la définition d’objectifs correspondant aux opérations auxquelles le desk est dédié ainsi que la fixation de règles d’organisation qui peuvent par exemple poser des règles d’incompatibilité d’exercice de plusieurs activités. De même peuvent être prises en considération des règles de rémunération des opérateurs. Concernant les règles de fonctionnement, elles peuvent par exemple porter sur des limites de risques proportionnées au besoin de l’activité du desk, sur des règles de compte rendu permettant de s’assurer de la réalité de l’activité de tenue de marché et de contrôler les sources de revenu du desk.

L’ACP aura le pouvoir, dans le cadre de sa mission générale de contrôle du dispositif de contrôle interne, de vérifier l’adéquation de cette organisation. Elle vérifiera notamment qu’elle permet d’assurer une surveillance efficace. Elle appréciera ces éléments essentiellement au regard du règlement 97-02 (29). Elle pourra également vérifier leur compatibilité avec le règlement général de l’AMF.

B.– LE REFUS DE L’AGRÉMENT PAR L’ACPR

L’agrément de l’ACPR peut être refusé si elle considère que l’organisation et le fonctionnement d’une entité ou que son système de contrôle interne ne permettent pas d’assurer de façon adéquate le cantonnement des activités risquées. L’alinéa 33 ajoute de nouvelles motivations à la capacité de l’ACP de suspendre ou limiter des opérations. L’appréciation se fera de manière globale. L’ACP pourra ainsi s’opposer au développement d’une activité qu’elle jugerait de nature à fragiliser le système financier même si celle-ci ne fait pas craindre d’inquiétude immédiate sur la solvabilité des établissements. L’ACP est libre de définir les modalités de sa décision de limiter ou d’interdire. Bien évidemment, sa décision doit être motivée.

L’ACP dispose de pouvoirs de contrôle sur place et sur pièce très larges pour s’assurer que ses décisions sont suivies d’effet, ainsi que d’une gamme de pouvoirs de sanction (cf. infra).

*

* *

La Commission est saisie de l’amendement CF 159 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cet amendement, particulièrement substantiel, concerne le périmètre de la filiale. Il vise non seulement à prévenir tout risque systémique, mais aussi à exclure la garantie implicite de l’État pour de telles activités et, ce faisant, à protéger les déposants comme les épargnants. Cette limitation du champ des exceptions permettrait aussi un meilleur encadrement de pratiques qui revêtent un caractère dangereusement spéculatif, à commencer par celles dites de « tenue de marché ». Cet amendement doit être mis en rapport avec plusieurs autres dont l’objectif est de donner la possibilité au pouvoir exécutif de modifier le périmètre des filiales.

Mme Karine Berger, rapporteure. La séparation des activités bancaires va dans le sens de l’histoire, la crise de 2008 ayant fait 13 millions de chômeurs au sein de l’OCDE. C’est l’honneur de la France d’être le premier pays à mettre en œuvre une telle mesure.

Cependant, l’amendement bouleverserait l’équilibre proposé, que nous examinerons d’ailleurs en détail, activité par activité ; de surcroît, il s’écarte sensiblement de la logique du rapport Liikanen, base de la réflexion européenne en la matière. Pour ces deux raisons, je vous invite, monsieur Paul, à retirer votre amendement ; faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. En proposant d’élargir le périmètre des filiales, cet amendement exprime une préoccupation à laquelle je suis très sensible ; cependant, il conduirait à cantonner dans la filiale l’essentiel des activités de marché conduites par une banque au service de ses clients ; or, en ce domaine, les positions du rapport Liikanen, de la BCE et de Michel Barnier convergent : l’existence de liens avec les clients fait que les activités de tenue de marché ne peuvent être considérées en totalité comme inutiles à l’économie. Il me semble donc préférable, monsieur Paul, de retirer votre amendement : nous aurons l’occasion, au cours de la discussion, de trouver la meilleure solution pour le satisfaire.

M. Christian Paul. Filialiser les activités ne revient pas à les interdire. J’ajoute que cet amendement n’est pas tout à fait sans lien avec la logique du rapport Liikanen, qui est lui-même assez ambitieux. Enfin, pour la régulation bancaire, l’Europe est à un moment décisif car tous les pays s’observent. En ce sens, nous allons donner le ton.

Quoi qu’il en soit, je retire l’amendement à ce stade, quitte à le redéposer en séance en fonction de l’évolution de nos débats.

L’amendement CF 159 est retiré.

M. Charles de Courson. Cet amendement soulève un vrai problème : celui de la portée de l’article. Lors des auditions, le président-directeur général de la Société générale a estimé que seulement 1,5 à 3 % des activités de celle-ci seraient cantonnées dans la filiale.

On est de surcroît fondé à se demander si le cantonnement est réellement protecteur. Certains répondent par l’affirmative en arguant que les volumes consommés ne pourront excéder les fonds propres de la filiale, compte tenu du niveau de garantie imposé à la maison mère. Mais comment contrôler un tel système si les filiales sont implantées à l’étranger ? Les autorités compétentes que nous avons auditionnées ne nous ont pas donné de réponse.

Mme la rapporteure. Dans Mary Poppins, le président d’une banque refuse de rendre 2 pence au petit Michaël Banks. Résultat : la banque doit fermer précipitamment ses guichets, les clients étant pris de panique. En matière financière, la quantité des sommes cantonnées n’est pas forcément le critère décisif.

La Commission examine l’amendement CF 110 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’amendement vise à ajouter le risque de conflit d’intérêt avec un client à la liste des motifs qui justifient le cantonnement de certaines activités dans les filiales. Il s’agit, en somme, de remédier à l’aléa moral.

Mme la rapporteure. Je comprends la logique de cet amendement, mais le texte traite de l’aléa moral au titre II, relatif à la résolution ; le titre Ier, lui, concerne le risque systémique. Je vous propose donc de retirer votre amendement.

M. le ministre. Je suis de l’avis de Mme la rapporteure.

La prévention des conflits d’intérêt avec les clients doit pouvoir trouver sa place au sein du texte. C’est pourquoi je propose qu’un travail de rédaction effectué en commun par le Gouvernement et la Commission suive le retrait de cet amendement, ce qui permettra de revenir sur le sujet en séance publique.

M. Charles de Courson. Nous sommes tout à fait favorables à la proposition de M. Sansu, mais dans quel article l’insérer, madame la rapporteure ?

Mme la rapporteure. Nous y réfléchissons.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement, auquel sont favorables à la fois le Front de gauche et nos collègues de l’UDI, nous permet de prendre le parti socialiste en tenaille ! Il n’est donc pas question pour moi de le retirer.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 129 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement vise à remplacer la filialisation par une réelle séparation entre les banques de dépôt et les banques d’investissement.

La durée de vie de cet amendement, qui instaure une passerelle avec l’histoire, sera assez courte, je ne me fais aucune illusion.

Mme la rapporteure. Je le répète, la séparation des activités de dépôt et de marché va dans le sens de l’histoire : c’est une conviction tant politique qu’économique. Toutefois, cet amendement propose non pas une séparation, mais une interdiction stricte des activités pour fonds propres.

Or, aux termes de l’article 1er tel qu’il est actuellement rédigé, la filialisation des activités s’apparente en pratique à une scission des établissements puisque les transferts de liquidités ou de fonds propres y sont aussi restreints que s’il s’agissait d’établissements séparés.

Avis défavorable.

M. Jean Launay. Je regrette de n’avoir pu défendre les amendements CF 50 et CF 36, qui reposaient sur la conviction que la filialisation n’est qu’une marginalisation du risque inhérent aux activités de trading en fonds propre, dites non utiles – c’est le cœur de la spéculation.

Or, puisque le risque subsiste sur l’ensemble des activités de marché, fussent-elles qualifiées d’utiles, pourquoi toutes les activités de marché, utiles ou non, n’entrent-elles pas dans le périmètre de la filiale ?

M. Charles de Courson. Nos collègues écologistes posent un vrai problème, celui du contrôle dans les pays extracommunautaires. Comment vérifiera-t-on que les grands groupes bancaires n’y ont pas de filiales qui contournent l’article 1er de la loi ?

C’est la raison pour laquelle les députés de l’UDI, qui sont profondément européens, ne croient pas dans l’efficacité d’une réglementation nationale. Il eût été préférable d’attendre l’adoption de la directive européenne et de la transposer rapidement.

Du reste, quelle que soit la position de l’Europe en la matière, le problème posé par les pays extracommunautaires subsistera.

Madame la rapporteure, monsieur le ministre, comment garantirons-nous le respect de l’article 1er ?

M. Christophe Caresche. La règle Volcker ne scinde pas les activités, mais en interdit certaines.

S’agissant de la commission Vickers ou du rapport Liikanen, ni l’une ni l’autre ne propose la scission. Erkki Liikanen dit très clairement dans son rapport que les banques universelles ne sont pas plus exposées aux risques que les banques de détail ou les banques d’investissement. La banque d’investissement peut procéder à des activités de marché au profit des clients. Proposer la scission serait donc en contradiction avec le rapport Liikanen qui devrait inspirer la réglementation européenne.

Mme la rapporteure. Monsieur de Courson, vous savez fort bien qu’un groupe financier français, quel que soit le pays où sont situées ses filiales, est contrôlé par l’autorité prudentielle française. De plus, le texte du Gouvernement renforce encore le pouvoir de cette autorité : si un groupe financier refusait de communiquer à celle-ci les informations nécessaires sur ses filiales situées dans des pays qui n’ont pas passé de convention avec la France, l’autorité prudentielle aurait tout pouvoir pour sanctionner ce groupe.

C’est pourquoi, monsieur de Courson, je ne comprends pas la difficulté que vous soulevez.

Monsieur Launay, je le répète, la filialisation qui est proposée par le Gouvernement revient quasiment à une scission. Il faut savoir que toutes les activités réalisées sur les marchés ne sont pas, par essence, des activités spéculatives. Quand certaines entreprises, comme Vinci, ont besoin, pour financer des projets à dix ou quinze ans, de plusieurs centaines de millions d’euros, elles se tournent non pas vers des banques commerciales mais vers des banques d’affaires, qui pratiquent là des activités de marché non pas spéculatives mais utiles à l’économie concrète. Une logique de scission interdirait ce type d’activités.

M. le ministre. Ce projet de loi répond à l’engagement n° 7 pris par le Président de la République lors de sa campagne, qui visait à séparer les activités spéculatives des activités utiles à l’économie et à l’emploi. Si j’avais acquis la conviction que la séparation des activités passait par celle des structures, le Gouvernement vous l’aurait proposée. Or j’ai acquis la conviction inverse.

Un Glass-Steagall Act à la française non seulement ne permettrait pas de casser la garantie implicite de l’État aux banques, garantie qui les incite à prendre des risques excessifs, mais encore ne tiendrait pas compte du fait que les banques d’investissement pures ont montré durant la crise une plus grande fragilité que les banques universelles. De plus, comme Mme la rapporteure l’a souligné, une telle disposition conduirait à faire disparaître une offre de service des banques françaises aux entreprises utile à l’économie. C’est pourquoi nous avons préféré à toute interdiction la séparation des activités, via la filialisation.

Monsieur Launay, les activités de marché qui sont utiles au client ne peuvent pas être considérées comme spéculatives et, pour cette raison, ne sauraient figurer dans les filiales dédiées aux activités spéculatives – je ne suis pas hostile en revanche à ce qu’un pouvoir soit laissé au politique dans la définition du périmètre de ces activités.

M. de Courson, quant à lui, en demandant au Gouvernement d’attendre la directive européenne, recourt à une technique rhétorique qui consiste à souligner que nous n’en faisons pas assez parce qu’il souhaite que nous en fassions encore moins.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, ne me faites pas de procès d’intention ! Répondez plutôt à ma question.

M. le ministre. Le texte repose sur la logique de la consolidation. L’ensemble du groupe, y compris ses filiales à l’étranger, est soumis à la surveillance de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR –, qui a le pouvoir de sanctionner la tête du groupe : or celle-ci a pour obligation particulière de veiller à ce que ses filiales situées à l’étranger respectent les règles. Le texte est parfaitement clair sur le sujet.

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, vous confondez la question de la consolidation, qui relève d’un mécanisme comptable, avec celle de la possibilité pour l’ACPR d’intervenir dans un pays qui n’a pas signé de convention de réciprocité avec le nôtre. Nous avons auditionné le président de l’Autorité de contrôle prudentiel : il a confirmé que l’Autorité ne pouvait pas aller contrôler les filiales situées dans des États avec lesquels nous n’avons pas signé de convention. Or vous ne répondez jamais à cette question.

M. le président Gilles Carrez. Monsieur de Courson, l’Autorité de contrôle prudentiel pourra vérifier que la tête d’un établissement de crédit n’engage pas plus de 10 % de ses fonds propres sur l’ensemble de ses filiales dédiées aux activités spéculatives, quel que soit le pays où elles sont situées, et qu’il respecte donc bien le seuil de consolidation défini par la loi.

De plus, si l’ACPR ne pouvait pas contrôler convenablement une filiale située à l’étranger, c’est le groupe de tête qui serait sanctionné pour non-communication des données. Ai-je bien compris, madame la rapporteure ?

Mme la rapporteure. Votre exposé est limpide, monsieur le président. La logique du texte repose sur la confiance que nous pouvons mettre dans l’Autorité de contrôle prudentiel. C’est pourquoi je suis certaine que M. de Courson votera l’amendement de la commission des Affaires économiques visant à augmenter les pouvoirs de contrôle de l’Autorité.

Encore une fois, l’efficacité du dispositif repose sur la capacité de l’ACPR à imposer son autorité aux dirigeants des groupes bancaires.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CF 240 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CF 111 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise notamment à intégrer les activités de tenue de marché au sein de la filiale.

Mme la rapporteure. Un groupe international peut avoir besoin d’un investissement dépassant les 10 millions d’euros : or ce type d’activité bancaire ne relève pas de la filialisation, qui vise à séparer les activités risquées – les « lions » évoqués par M. Liikanen.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 191 de M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Cet amendement vise, non pas à filialiser les investissements auxquels les clients peuvent souscrire par l’intermédiaire de leur banque de dépôt, mais à les plafonner « dans la limite globale de cinq cent mille euros par personne physique et un million d’euros par personne morale ». Si l’investissement dépassait ces plafonds, le client serait redirigé vers la filiale dédiée.

Je tiens à préciser que les huit premiers déciles des activités bancaires entrent sous ce plafond.

Mme la rapporteure. Notre collègue pose indirectement la question des risques systémiques induits par l’activité des grandes banques universelles. Il convient toutefois de mettre en perspective les ordres de grandeur du financement de l’économie. Des prêts de l’ordre de 500 000 à 1 million d’euros ne répondent pas aux demandes des PME qui ont besoin de prêts de l’ordre de 5 millions à 10 millions. Or je ne pense pas que M. Hammadi souhaite filialiser les prêts accordés aux TPE ou aux PME.

C’est pourquoi, si M. Hammadi ne retire pas son amendement, j’émettrai un avis défavorable.

M. Razzy Hammadi. Je retire mon amendement pour le défendre en séance publique après avoir revu ces seuils.

L’amendement CF 191 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 192 de M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Autoriser les banques de dépôt à continuer de « couvrir leurs risques » sur les marchés financiers – l’alinéa 15 précise même « risque de toute nature » – revient à ce qu’elles continuent de faire du hedging. Cette pratique, qui touche directement à l’activité financière des banques, étant susceptible d’engendre des crises systémiques, l’amendement vise à supprimer les alinéas 6 et 15.

Mme la rapporteure. Les activités visées par l’amendement sont utiles à l’économie. Une compagnie d’aviation a besoin de se couvrir contre les risques de fluctuation du prix du pétrole ou un producteur de primeurs contre les variations du prix des engrais. La filialisation de l’ensemble des capacités de couverture va donc un peu trop loin. Je demande à M. Hammadi de retirer son amendement.

M. Razzy Hammadi. Je le retire. Toutefois, si mon amendement va « un peu » trop loin, c’est qu’il convient de trouver une juste mesure : en effet, l’alinéa 15, qui précise « risque de toute nature », va lui aussi « un peu » trop loin. Il faudra donc revenir sur le sujet.

Mme la rapporteure. La question de la couverture est liée à la notion de relation économique. Le texte délimite donc déjà les options de couverture.

L’amendement CF 192 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 31 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement vise non pas à supprimer, mais à compléter l’alinéa 6. L’article L. 511-47 prévoit en effet de laisser la couverture du groupe au sein de l’établissement crédit. Il convient bien évidemment de sortir de celui-ci la couverture de la filiale, sinon la filialisation ne servirait à rien.

Mme la rapporteure. Avis favorable. C’est un amendement de bon sens, qui précise que la filiale cantonnée ne peut pas faire l’objet de la couverture globale.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie ensuite de l’amendement CF 194 de M. Razzy Hammadi.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

L’amendement CF 194 est retiré.

La Commission examine en discussion commune les amendements CF 307 de la rapporteure, CF 130 de Mme Éva Sas, CF 193 de M. Razzy Hammadi et CF 58 de M. Laurent Baumel.

Mme la rapporteure. La réforme structurelle inscrite dans le projet de loi va, je le répète, dans le sens de l’histoire, à savoir la séparation des différentes activités bancaires pour lutter contre le risque systémique. La crise de 2008 a en effet marqué l’échec de la régulation telle qu’elle avait été imaginée jusqu’alors : l’existence d’un gendarme à côté des établissements financiers n’a pas permis de l’éviter.

C’est pourquoi, si l’aléa moral est traité au titre II du projet de loi, le risque systémique est bien traité au titre Ier.

La question du bon degré de séparation des activités est complexe. Le texte, en proposant un équilibre entre les activités utiles au financement de l’économie et les activités trop risquées, se présente comme un outil souple de séparation.

Les auditions ont toutefois permis de souligner l’existence d’une difficulté relative à la question de la tenue de marché, qui a cristallisé les débats aux États-Unis comme au sein du groupe de travail Liikanen, lequel a recommandé la filialisation. Il faut savoir en effet que, si une écrasante majorité des activités de tenue de marché sont utiles à l’économie, celles-ci peuvent aussi servir de « faux nez » à la spéculation.

Comme, lors des auditions, le président d’une grande banque française nous a indiqué que la filialisation ne toucherait qu’une petite partie de ses activités, il était impératif que le texte prouve qu’il visait bien à séparer les activités les plus risquées et à lutter contre le risque systémique.

Dans le droit fil des recommandations de la Banque centrale européenne sur le rapport Liikanen, cet amendement fait de l’activité de tenue de marché un élément à part qui peut être traité comme tel. Parce que l’on ne sait pas de quoi demain sera fait, il permet au ministre de l’Économie de fixer un seuil, exprimé en proportion du produit net bancaire, au-delà duquel la tenue de marché sera séparée des autres activités. Le législateur ne définit pas lui-même ce seuil mais laisse au pouvoir politique, réglementaire, la possibilité de le faire en cas de besoin.

Mme Éva Sas. Le sort des opérations de tenue de marché est au cœur de la réforme bancaire. Car si M. Oudéa a pu nous dire lors de son audition que celle-ci ne concernerait que 0,75 % à 1,5 % de l’activité de sa banque, c’est notamment parce que la tenue de marché n’y est pas filialisée, contrairement aux préconisations du rapport Liikanen. Par l’amendement CF 130, nous proposons donc de cantonner aux filiales des établissements les opérations de tenue de marché pouvant engendrer un risque spéculatif, tel que défini par l’Autorité de contrôle prudentiel. Sur ces deux points – reconnaissance d’un risque spéculatif, rôle de l’ACPR –, cet amendement va plus loin que l’amendement CF 307.

M. Razzy Hammadi. Je retire mon amendement au profit de l’amendement CF 307.

L’amendement CF 193 est retiré.

M. Laurent Baumel. L’amendement CF 58 était un amendement d’appel, conçu au moment où nous réfléchissions à la part de l’activité de tenue de marché à filialiser. Au vu de l’évolution du débat, je le retire. En revanche, notre amendement CF 181, qui définit la tenue de marché, devrait satisfaire Mme Sas.

L’amendement CF 58 est retiré.

M. Pierre-Alain Muet. L’amendement CF 307 est au cœur du projet européen. Pour être efficace, la séparation bancaire ne peut se limiter à un seul pays : elle devra être étendue à l’ensemble du système, à l’image du Glass Steagall Act adopté aux États-Unis puis imité par tous les autres pays après la guerre. Or, alors qu’aujourd’hui les États-Unis ne font plus nécessairement école lorsqu’ils envisagent la séparation bancaire, nous avons en Europe la chance de disposer, avec le rapport Liikanen, d’un modèle évolutif que les différents pays peuvent adopter – au lieu, comme les Britanniques, de faire des déclarations tonitruantes… avant de repousser la séparation de cinq ans !

Pour que la proposition française soit en accord avec le rapport Liikanen, nous devons nous ménager la possibilité d’évoluer. En étant les premiers, nous risquons d’en faire ou trop ou pas assez. Or l’amendement donne cette possibilité d’évoluer puisque, dans sa dernière version, il permet au ministre d’établir la limite au-delà de laquelle les opérations de tenue de marché passeront de la maison mère, où le texte en maintenait la plus grande part, à la filiale. Il permet également à celle-ci de se développer, comme elle a vocation à le faire à mesure que d’autres pays nous rejoindront.

C’est parce que tous les pays ont strictement séparé les activités bancaires et fermement régulé la finance que l’heureuse exception de l’ère de Bretton Woods, durant laquelle nous n’avons connu aucune crise bancaire, a été possible. C’est donc sur ce modèle que nous devons réformer la régulation au niveau mondial. Or, de ce point de vue, le projet du Gouvernement a l’avantage de s’inscrire dans une dynamique plus large et d’être parfaitement cohérent avec le projet européen.

M. Christophe Caresche. L’amendement CF 307 est adapté aux problèmes que pose partout la tenue de marché. Aux États-Unis, la règle Volcker peine à distinguer les opérations qui en relèvent. M. Liikanen nous a dit lui-même que son groupe avait été très partagé à ce sujet, ce que Louis Gallois, qui en faisait partie, m’a confirmé. Dans son avis, la BCE a estimé que cette question pouvait être discutée. Elle est en effet complexe dans la mesure où une même opération peut être ou non concernée selon qu’elle a été menée pour un client ou pour compte propre, à des fins de spéculation.

Pour ces raisons, c’est à une autorité qu’il revient d’étudier concrètement les moyens de distinguer l’activité de tenue de marché et de demander aux banques d’en rendre compte, car il est impossible de le faire par la voie législative ou réglementaire. Tel était le sens du débat britannique autour du rapport Vickers : pour « électrifier la clôture », comme l’a dit George Osborne, il faut permettre au superviseur d’imposer la séparation de certaines activités en traçant une limite qu’il est délicat de fixer.

M. le président Gilles Carrez. Dans l’amendement CF 307, le seuil est exprimé en part de la tenue de marché dans le produit net bancaire, lequel résulte de l’addition de marges dégagées sur différentes opérations, dont l’activité de dépôt et la transformation des dépôts en prêts, sans aucune corrélation avec le risque. Vos propos, monsieur Caresche, semblent plutôt plaider en faveur de l’amendement de Mme Sas, qui prévoit des procédures d’intervention directe dès lors qu’un risque spéculatif, apprécié par l’Autorité de contrôle prudentiel, est encouru. Plutôt que sur le produit net bancaire, ne faudrait-il pas se fonder sur le besoin de fonds propres, qui est, lui, corrélé au degré de risque ?

M. Pascal Cherki. Nous sommes au cœur du débat. Le sujet est complexe car nous sommes les premiers à faire cette réforme, dans un environnement en évolution : on parle beaucoup du rapport Liikanen mais, plus généralement, nous sommes en train de changer d’ère. Il y a trente ans, la dérégulation des marchés financiers a fait prendre aux banques de mauvaises habitudes qui ont pour partie conduit à la crise de 2008. En outre, les banques se sont transformées, de sorte que les modèles bancaires diffèrent selon les pays, ce qui constitue une difficulté supplémentaire. Nous avons des banques universelles ; ce n’est pas leur essence, mais le produit d’une évolution du système bancaire et de l’adaptation des banques françaises à la libéralisation des marchés financiers, à la privatisation, à la concentration du système bancaire. Ces banques ont des activités utiles, d’autres potentiellement très nuisibles. Comment les distinguer ? La filialisation ouvre une piste, mais ne résout pas le problème à court terme. Le projet de loi dans sa version initiale permettait une première identification. Il va falloir aller plus loin.

Chez les représentants des banques que nous avons auditionnés se mêlaient de manière frappante l’inquiétude de voir leur modèle menacé dans un environnement concurrentiel et la volonté de conserver la position de force acquise depuis trente ans face au politique, expression de la souveraineté nationale. Or l’amendement permet justement au ministre de l’Économie et des finances, c’est-à-dire au politique, en lien avec les parlementaires et avec l’appui de l’Autorité de contrôle prudentiel, de surveiller l’évolution de la situation et de dire à un moment donné aux banques : « Vous nous avez soutenu que les banques universelles étaient très résistantes : vous voyez bien que non. »

Si le principe du seuil et le critère du produit net bancaire apparaissent inopportuns dans un an ou deux, il sera toujours possible d’en trouver d’autres. Pour l’instant, nous construisons une maison et nous permettons au pouvoir politique de la meubler progressivement. Au lieu d’en rester au débat théorique sur la séparation bancaire, nous nous montrons pragmatiques et nous redonnons la main au politique : nous montrons que nous avons besoin des banques mais que nous ne sommes pas sous leur domination.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le président, il est exact que le capital doit être l’aune du risque pris. Toutefois, pour des activités de tenue de marché, il repose sur un indicateur appelé value at risk qui implique une compensation entre différentes positions sur le portefeuille. En revanche, par rapport au produit net bancaire, il s’agit d’un indicateur additif qui ne prend pas en compte un quelconque phénomène de compensation. Il paraît dès lors plus sain de se fonder sur le produit net bancaire.

L’amendement permet à la fois de piloter les risques et de répondre à une question lancinante soulevée dans le rapport Liikanen et lors des auditions que nous avons menées, dont celle de sir John Vickers ce matin encore : qu’est-ce que la tenue de marché ?

M. le président Gilles Carrez. Si je comprends bien, à la différence d’une version précédente, l’amendement n’instaure pas de seuil mais donne au ministre la possibilité d’intervenir le moment venu.

M. Christian Paul. Conscients du fait que la rapporteure a travaillé d’arrache-pied sur cet amendement, nous en avons retiré tout à l’heure un autre qui allait un peu plus loin. Il s’agit d’un moment essentiel de la confrontation entre la démocratie politique et les marchés, qui a connu quelques épisodes particulièrement brutaux au cours des dernières années. L’amendement emprunte une voie réformiste et graduelle pour conforter le texte en fournissant un outil de régulation aux responsables politiques démocratiquement élus, qui n’en disposaient pas jusqu’à présent ; à charge pour eux d’en faire bon usage. Il s’agit d’une avancée importante. Nous procédons à une réforme structurelle, telle que l’on aime en proposer en France – mais, lorsque ces réformes viennent de l’actuelle opposition, elles impliquent généralement une régression dans l’intervention publique et pour l’immense majorité des Français.

M. Christian Eckert, rapporteur général. La formulation « le ministre peut fixer » est bienvenue, car elle donne au ministre un pouvoir tout en constituant un gage de souplesse : le texte réglementaire pourra être adapté à des situations que l’on sait complexes, diverses et évolutives – puisque si la course à la sophistication des produits financiers a pu ralentir, nul n’imagine qu’elle s’arrête. Je ne vois d’ailleurs pas comment nous aurions pu, dans un texte de loi, parvenir à une formulation à la fois générale et fonctionnelle.

M. le président Gilles Carrez. Le président partage entièrement l’avis du rapporteur général.

M. Laurent Baumel. Les membres du groupe SRC, qui avaient cosigné l’amendement dans sa version antérieure, continuent de le soutenir même si notre rapporteure est désormais seule signataire. En effet, il exprime notre réaction au trouble suscité par l’audition des représentants des banques, en donnant au ministre la faculté, dont je ne doute pas qu’il fera usage, de loger dans la filiale un pourcentage significatif de l’activité de tenue de marché. L’amendement de Mme Sas tend quant à lui à définir la tenue de marché, mais l’amendement CF 181 que je cosigne avec l’ensemble des membres de mon groupe me paraît préférable dans la mesure où il complète celui de la rapporteure.

Mme Sandrine Mazetier. Nous avons cherché à rendre au politique la place qui lui revient sans faire pour autant preuve d’une rigidité artificielle. Cette nouvelle version de l’amendement de notre rapporteure est l’aboutissement de cette entreprise. Ainsi revient-elle sur ce qui, dans la rédaction initiale, s’apparentait de façon inopportune à une injonction. Quelque respect que l’on doive à l’ACPR, celle-ci ne saurait se substituer au pouvoir politique ; c’est le défaut de l’amendement CF 130.

À ce propos, je vous invite tous à lire le rapport que le Conseil des prélèvements obligatoires a consacré aux prélèvements obligatoires et aux entreprises du secteur financier. Il peut éclairer notre réflexion sur les rapports entre les pouvoirs publics et le secteur financier puisqu’il montre que celui-ci bénéficie des garanties que lui accorde l’État et que sa taxation sert à rémunérer.

Sir John Vickers était très convaincant lorsqu’il a invoqué ce matin la protection des contribuables et des déposants. Mais dans sa conception, dès lors que l’on a mis les agneaux en cage, le marché peut faire ce qu’il veut et laisser libre cours à tous les excès, comme si cela n’avait aucune conséquence sur l’économie réelle. Pour l’éviter, nous devons absolument donner au politique une capacité d’intervention adaptable, souple, rapide, efficace et éclairée.

Mme Éva Sas. Je salue l’amendement de la rapporteure. Comme l’a dit le rapporteur général, il donne à la fois pouvoir et souplesse au ministre de l’économie et des finances ; mais il lui donne aussi une responsabilité essentielle, celle de nous prémunir contre le risque d’une nouvelle catastrophe bancaire. J’aurais donc aimé entendre le ministre à ce sujet.

À mon sens, mon amendement ne s’oppose pas à l’amendement CF 307 : ils sont complémentaires. J’ai lu avec intérêt l’amendement CF 181, qui, ainsi que l’a dit M. Baumel, propose comme le mien une définition de la tenue de marché, et j’aurais pu m’y rallier s’ils avaient fait l’objet d’une discussion commune.

M. le président Gilles Carrez. Ne regrettez rien, madame Sas : l’adoption de l’amendement CF 307 fera tomber le vôtre au profit de l’amendement CF 181, qui est plus précis puisqu’il propose plusieurs critères de définition de la tenue de marché.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. La commission des Affaires économiques s’est naturellement interrogée sur la distinction entre l’activité qui sert l’économie réelle et la spéculation. Nos propositions sont différentes de celles que l’on vient d’entendre, mais elles les complètent. Ainsi, aux termes de mon amendement CE 22, l’Autorité de contrôle prudentiel serait informée chaque mois des engagements souscrits auprès des hedge funds. Cet amendement s’articule à celui de Mme la rapporteure en complétant l’information du ministre, ce qui éclairera sa décision.

M. Charles de Courson. L’activité de tenue de marché comporte incontestablement un risque, par exemple celui de se retrouver « collé » à une partie des titres que l’on était chargé d’émettre et de subir des pertes en conséquence. Il est donc légitime d’hésiter à conserver cette activité dans la banque.

Cela étant, l’amendement présente plusieurs difficultés. Celle de l’expression « peut fixer », tout d’abord –l’on pourrait aussi bien écrire « fixe », encore que, même dans ce cas, le ministre puisse toujours ne pas prendre l’arrêté. Par ailleurs, le pouvoir ministériel n’est pas suffisamment encadré : on pourrait au moins indiquer que le ministre fixe le seuil « au regard des risques encourus ».

M. le président Gilles Carrez. N’oubliez pas l’avis de l’ACPR !

M. Charles de Courson. L’ACPR n’est pas le ministre.

En troisième lieu, le seuil est fixé en fonction du produit net bancaire. Or, compte tenu des risques que présentent ces opérations, il serait préférable qu’il le soit en fonction des fonds propres du groupe.

Quatrièmement, le ministre pouvant fixer « un seuil valable pour tous les établissements ou pour un établissement en particulier », un groupe qui aurait plusieurs filiales ayant des activités de tenue de marché pourrait n’être concerné que pour une de ses filiales, ce qui lui permettrait de contourner la loi grâce aux autres. Nous devons raisonner en budget consolidé, c’est pourquoi je propose le cantonnement de tous les établissements du groupe.

Enfin, ne serait-il pas plus simple de tout cantonner ?

Mme la rapporteure. Si nous avons choisi de fixer le seuil en fonction du produit net bancaire de l’établissement, c’est que l’amendement ne traite pas directement des risques de l’activité bancaire. Permettez-moi de citer une phrase de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff dans leur livre de référence sur la crise de 2008 : « Quand l’agence internationale chargée de surveillance mondiale déclare qu’il n’y a pas de risque, il n’y a pas de signe plus sûr que cette fois, c’est différent. » En d’autres termes, dès que l’agence mondiale nous affirme qu’il n’y a pas de danger, c’est alors qu’il faut se méfier.

La formule faisant reposer le suivi des risques et leur évaluation sur les modèles VaR n’a pas fonctionné en 2008 parce qu’un certain nombre d’éléments n’avaient pas été pris en compte, notamment le risque systémique, c’est-à-dire le poids des établissements dans l’ensemble du système financier. C’est tout le problème de la tenue de marché : elle repose toujours sur des positions ouvertes, donc à risques, qui ne peuvent pas être mesurées au regard du risque qu’elles prennent par le biais de leurs fonds propres, mais au travers du risque systémique qu’elles font courir. C’est exactement ce qui a provoqué la catastrophe de 2008.

Toutes les auditions que nous avons menées nous ont conduits à penser qu’il n’était pas possible de distinguer de manière précise ce qui relève d’un risque systémique contrôlé et ce qui relève d’un risque systémique non contrôlé. C’est pour cette raison que nous prévoyons le pire et que nous choisissons de faire confiance au ministre des finances pour reprendre la main si nécessaire.

Nos collègues de l’opposition ont rarement pris la parole depuis le début de notre réunion. J’en conclus qu’ils soutiendront cette démarche. Je n’en serais pas étonnée car, sauf erreur de ma part, bien qu’il n’ait pas été suivi d’effets, certain discours tenu à Toulon il y a quatre ans promettait exactement ce que nous sommes en train de réaliser…

M. Jérôme Chartier. Le débat avait bien commencé, et nous suivions attentivement le dialogue entre la majorité, le rapporteur, le Gouvernement, la gauche de la gauche, les Verts, la gauche de la gauche des Verts… Puis Mme Berger vient de nous accuser de n’avoir rien fait ! Si elle avait lu le compte rendu des débats parlementaires passés, elle saurait que l’opposition de l’époque s’était opposée à la loi de régulation bancaire et financière que nous, la majorité, avions fait voter et qui tendait notamment à renforcer le contrôle sur les agences de notation – élément qui manque dans le présent projet. Nous avions en particulier souhaité que les notations délivrées par les agences soient juridiquement opposables.

Aujourd’hui, et cela fait la une d’un journal du soir, le Gouvernement américain attaque Standard and Poors sur un point que nous avions mis en relief dans la loi de régulation bancaire et financière, ce qui l’a conduit à placer l’agence qui délivre une note qui se révèle injustifiée face à ses responsabilités. Nous devons la crise systémique de 2008 aux agences de notation qui avaient attribué une note AAA à des produits qui ne la méritaient pas – sans pour autant être des produits spéculatifs. Savez-vous qui est aux États-Unis le régulateur chargé de suivre l’ensemble des produits de couverture ? C’est la CFTC
– Commodity Futures Trading Commission – parce qu’à l’origine elle était chargée de couvrir les fluctuations des matières premières agricoles.

La régulation qui nous est proposée aujourd’hui complète notre loi de régulation bancaire et financière. C’est la raison pour laquelle, madame la rapporteure, vous auriez pu éviter de conclure ainsi votre propos. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler en séance publique.

Je ne comprends pas pourquoi votre amendement ne demande pas qu’avant de fixer un seuil, le ministre consulte le Conseil de stabilité financière comme il consulte l’Autorité de contrôle prudentiel. Nous déposerons un amendement à l’article 11 afin de corriger cette omission.

M. le ministre. Nous sommes à un moment important du débat et je remercie la rapporteure, les membres du groupe socialiste, issus de différentes commissions, ainsi que les membres des autres groupes de la majorité, de le comprendre.

Je souhaitais que nous définissions un modèle, celui de la filialisation, à savoir la séparation des activités spéculatives et de celles qui sont utiles au financement de l’économie. Mais j’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas rigidifier ce texte. Nous devons associer l’expression d’une ferme volonté politique et une certaine souplesse.

J’ai été très sensible à la préoccupation exprimée par mes services, que je partageais en partie, du fait que les filiales peuvent être comprises comme étant de taille réduite. Elles le sont pour une raison essentielle : nous assistons depuis 2008 à un reflux des activités spéculatives. Mais ce reflux ne signifie pas que nous ne rencontrerons plus de crise, ni qu’une nouvelle « exubérance » spéculative est exclue. Nous devions donc nous doter de quelques outils politiques. C’est précisément ce que à quoi tend cet amendement, et il le fait de manière intelligente.

Le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires n’est pas un outil de technique financière, mais un outil politique, voire démocratique.

Oui, le système bancaire mérite notre considération. Oui, les banques jouent un rôle au service de l’économie. Je ne suis pas l’ennemi des banques, pas plus que l’ami des banquiers, mais leur partenaire. Les entreprises et les particuliers ont besoin de ces établissements. Toutefois, il n’est pas sans intérêt de réaffirmer que le ministre prend la main en matière de régulation. Ce texte nous offre une garantie pour l’avenir ainsi que des possibilités d’évolution.

La tenue de marché est au cœur du débat européen. Au sein du groupe Liikanen, celui-ci considérait, à titre individuel, qu’il convenait d’agir au niveau des filiales mais, pour Louis Gallois, il ne convenait pas de considérer la tenue de marché comme une activité systématiquement spéculative. Il a été suivi puisque le rapport Liikanen propose plusieurs options dans cet esprit. Ensuite la Banque centrale européenne a indiqué, dans un avis motivé, et plus tard le commissaire lui-même, que la tenue de marché n’est pas toujours de nature spéculative, mais qu’il peut arriver, dans certaines situations, qu’elle le soit. L’amendement donne au ministre la possibilité, après avis de l’ACPR, d’intervenir dans les situations de crise. Je l’approuve comme tel.

Les amendements d’Éva Sas et de Laurent Baumel, qui seront examinés plus tard, font système avec le CF 307 car le fait de disposer d’une définition précise de la tenue de marché et des risques qui peuvent y être associés donne des critères à l’ACPR pour apprécier la situation et au ministre pour intervenir le cas échéant.

Je suis donc très favorable à l’amendement de la rapporteure.

La Commission adopte à l’unanimité l’amendement CF 307.

En conséquence, l’amendement CF 130 tombe.

La Commission examine l’amendement CF 158 de M. Gwenegan Bui.

M. Gwenegan Bui. Je félicite la rapporteure du travail qu’elle a effectué pour élaborer l’amendement CF 307.

Le présent amendement tend à assurer la coordination entre cet article 1er et l’amendement CF 165 que nous examinerons à l’article 11 et qui vise à étendre les pouvoirs du Conseil de stabilité financière – CSF.

Le projet de loi prévoit des réunions fréquentes – quatre fois par an – et un minimum de mesures prudentielles parmi celles fixées par Bâle III. En outre, il étend les missions du CSF. Tout cela va dans le bon sens, mais nous pensons qu’il faut gravir quelques marches supplémentaires.

Ce que propose le projet de loi, c’est un contrôle a priori. Or il est nécessaire de procéder fréquemment à des mises à jour car la banque fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour toujours lancer de nouveaux produits. Il est indispensable de surveiller cette inventivité. C’est pourquoi nous proposons que, deux fois par an, le CSF établisse a posteriori une liste qui permettrait d’éclairer le ministre sur ces nouveaux produits bancaires et de renforcer ainsi le contrôle a priori. Il s’agit en quelque sorte d’un double contrôle – ceinture et bretelles.

Mme la rapporteure. Je remercie mon collègue Bui pour son propos à mon endroit. Cela étant, la responsabilité de qualifier des activités bancaires et financières relève plus de l’ACPR – dont il est prévu qu’elle soit consultée – que du CSF, dont la compétence est plutôt d’ordre macro-prudentielle. Je propose donc de ne pas retenir l’amendement.

M. Jérôme Guedj. Il est vrai que l’adoption de l’amendement CF 307 répond en partie aux préoccupations à l’origine du dépôt de cet amendement CF 158. Cependant, pour nous, si la filialisation des activités spéculatives nocives va dans le bon sens, le projet laisse subsister trop d’exceptions. Nous souhaitons ne pas laisser aux banques et aux institutions financières une trop grande latitude d’appréciation. Sont d’ailleurs concernées non seulement les activités de tenue de marché, mais aussi celles de fourniture de services à la clientèle, qui pourront rester dans le périmètre de la maison mère dans la mesure où il est difficile d’identifier des produits ou services financiers qui ne répondent pas à cette définition.

En outre, nous nous demandons s’il convient de filialiser certaines opérations de crédit conclues pour compte propre dès lors qu’elles ne sont pas assorties d’une sûreté.

Le contrôle a posteriori institué par l’amendement CF 307 visant à contrecarrer la créativité et la fertilité de l’ingénierie financière, nous retirons néanmoins notre proposition.

M. le ministre. L’article 2 donnera à l’ACPR la possibilité d’interdire les activités particulièrement risquées.

Établir des listes a des vertus, mais également des effets pervers car cela revient à valider le recours à des instruments qui n’y figurent pas, alors que des stratégies risquées sont possibles avec tous types d’instruments. Nous devons être attentifs au fait que la finance sait se montrer innovante et inventive lorsqu’il s’agit de contourner les règles. Pour toutes ces raisons, il serait en effet bon de retirer votre amendement.

L’amendement CF 158 est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 241 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. L’esprit de la loi consiste à filialiser les relations avec les hedge funds non sécurisés pour toutes les entités financières concernées par les mesures de cantonnement, et non pas uniquement pour les établissements de crédit. D’où la suppression de cette restriction.

La Commission adopte l’amendement CF 241.

Elle examine ensuite en discussion commune six amendements : les amendements identiques CF 131 de Mme Éva Sas et CF 186 de M. Pascal Cherki, les amendements identiques CF 38 de M. Jean Launay et CF 112 de M. Nicolas Sansu et l’amendement CF 1 de la commission des Affaires économiques.

Mme Éva Sas. Nous sommes particulièrement surpris de constater que la réforme ne prévoit de cantonner que les prêts aux hedge funds non garantis. Or, aux dires des opérateurs bancaires, tous les prêts aux hedge funds sont garantis, de sorte qu’ils ne seraient pas cantonnés si l’on s’en tenait à la rédaction actuelle. Notre amendement vise à remédier à cette situation.

M. Pascal Cherki. Les hedge funds ont une double face, dont l’une est utile puisqu’ils financent l’économie. D’ailleurs, les banquiers ne se privent pas de faire valoir que tout ou partie d’entre eux concourent à l’achat de titres de la dette nationale. Ils peuvent également être partenaires d’un certain nombre d’opérations financières utiles aux entreprises industrielles. Mais certaines de leurs activités sont hautement spéculatives, et nous savons aussi que les capitaux qui composent les hedge funds proviennent pour partie d’argent recyclé. Comment séparer l’ivraie du bon grain ? En l’absence d’une méthodologie, nous avons déposé un amendement qui propose une solution radicale.

M. Jean Launay. Pour le ministre de l’économie, les hedge funds seraient nécessaires au financement de l’économie. Je suis de ceux qui pensent qu’ils servent à spéculer et que leurs prétendus investissements ne sont en fait que des paris. Sachant qu’ils travaillent avec l’argent prêté par les banques, il convient de supprimer les prêts à ces structures qui mettent les banques en danger tout en bénéficiant de la garantie de l’État. Tel est l’objet de cet amendement radical.

M. Nicolas Sansu. Nous souhaitons que les hedge funds ne bénéficient pas de la garantie publique et lèvent à l’avenir des fonds soit par le biais d’augmentations de capital, soit par le biais d’appels à l’épargne privée. Leurs placements spéculatifs ne doivent pas mettre en danger les établissements de crédit implicitement garantis par l’État.

Mme la rapporteure. Les hedge funds sont avant tout un outil de gestion alternative que je définirai en référence à la régulation : la différence entre un hedge fund et une banque est que le premier n’est pas soumis au contrôle prudentiel prévu dans les accords de Bâle III.

Je suis consciente depuis longtemps de la dangerosité potentielle des hedge funds. Nous avons tous à l’esprit la catastrophe de LTCM – Long Term Capital Management –, qui a fait perdre à la Société Générale et à BNP Paribas plusieurs centaines de millions d’euros, ainsi que les comportements de certains hedge funds à l’encontre de pays comme l’Indonésie, qu’ils mettent à genoux. Nous devons, au niveau national comme au niveau européen – et c’est l’un des projets de la Commission européenne – inventer la régulation de toutes les opérations qui n’ont pas été régulées par Bâle III. Pour autant, il ne faudrait pas bloquer l’intégralité des échanges entre le système bancaire et les hedge funds au motif que ceux-ci ne sont pas régulés alors que les banques le sont, et faire porter sur ces dernières la responsabilité d’un risque que nous ne sommes pas capables de réguler.

Il est important de bien connaître les relations entre le système bancaire et les hedge funds et tout ce qui va dans ce sens paraît raisonnable, notamment la garantie d’une clarté absolue et la sécurisation des échanges entre banques et hedge funds. Mais la lutte contre le risque systémique créé par les hedge funds, le combat pour leur régulation ne doit pas porter sur l’activité bancaire. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable aux amendements proposés.

M. le ministre. Les hedge funds étant, comme le souligne très justement M. Cherki, à double face, le projet de loi filialise non seulement les participations que les banques peuvent avoir dans ces fonds, mais aussi les opérations qu’elles réalisent avec eux, sauf lorsque ces opérations sont garanties par une sûreté. On ne peut donc pas affirmer que le texte ignore la question. Cela étant, la plupart desdites opérations sont désormais garanties dans le cadre d’une politique de gestion des risques qui s’est beaucoup renforcée pour protéger les banques. Le texte fixe une norme prudentielle qui vise à consacrer ces pratiques et à réduire autant que faire se peut les risques auxquels la banque peut s’exposer.

Que peut-on faire de plus ? La réponse doit être pragmatique et réaliste. Il faut éviter les mesures qui pénaliseraient inutilement les banques françaises sans atteindre, pour autant, les hedge funds eux-mêmes. La filialisation de toutes les activités conduites avec ses fonds reviendrait à interdire aux banques françaises de traiter avec ce type de structure. Non que je considère ces fonds comme positifs, mais ils offrent des contreparties utiles en raison de leur poids et de leur capacité à prendre des risques auxquels aucun autre investisseur n’accepte de s’exposer. Bref, les banques françaises doivent pouvoir continuer à traiter avec eux si elles veulent continuer à jouer un rôle dans le financement de nos entreprises.

À titre d’exemple, les hedge funds sont des acteurs clés du placement de titres d’entreprise. Ils satisfont 60 % de la demande d’obligations convertibles, instrument très utilisé par les entreprises françaises de taille intermédiaire. Je ne sais si une interdiction pure et simple ferait mal aux hedge funds, mais je sais qu’elle ferait très mal à notre économie.

En outre, ce n’est pas en pénalisant nos banques au niveau national que nous parviendrons à améliorer – ce qui est souhaitable – la réglementation des hedge funds, qui de toute façon trouveraient facilement à traiter avec des banques concurrentes. C’est pourquoi je ne souhaite pas que ces amendements soient retenus en l’état. En revanche, j’entends bien la volonté qui les sous-tend : il est exclu que les activités contribuant au financement des hedge funds puissent compromettre la situation des groupes bancaires. Telle est, du reste, la logique de la mesure inscrite dans le projet de loi. Si l’on souhaite davantage de garanties sur cette sécurisation, je suis ouvert à une réflexion avec Mme la rapporteure et avec les auteurs des amendements pour permettre à l’ACPR de définir des règles limitant au maximum l’exposition aux risques.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. Pour aller dans le sens de ce texte qui vise à apporter de la transparence sur les activités à risque, je propose par l’amendement CF 1 que les banques transmettent chaque mois à l’ACPR l’état des engagements consolidés qu’elles ont souscrits auprès des hedge funds.

Mme la rapporteure. L’idée est la bonne et j’ai moi-même tenté, en vain, d’obtenir de telles informations dans le cadre de l’élaboration du rapport. Sans doute convient-il seulement de revoir la rédaction de l’amendement avant l’examen en séance.

M. Jean Launay. Dans un esprit constructif, je retire l’amendement CF 38.

L’amendement CF 38 est retiré.

M. Nicolas Sansu. Je retire pour ma part l’amendement CF 112.

L’amendement CF 112 est retiré.

M. Pascal Cherki. Et moi l’amendement CF 186. Je suis sensible aux arguments du ministre et de la rapporteure et je ne voudrais pas être dans l’excès après que mes collègues communistes ont retiré leur amendement !

L’amendement CF 186 est retiré.

Mme Éva Sas. J’entends également les arguments du ministre et de la rapporteure. Je retire l’amendement CF 131.

L’amendement CF 131 est retiré.

M. Philippe Kemel. Je retire l’amendement CF 1, que je présenterai dans une nouvelle rédaction lors de l’examen au titre de l’article 88 du Règlement.

L’amendement CF 1 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 39 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement vise à limiter l’impact d’une éventuelle faillite de la filiale sur la maison mère en imposant la création d’une compagnie financière holding qui serait à la fois la maison mère de la banque commerciale et celle de la filiale d’investissement.

M. le président Gilles Carrez. Nous avons abordé ce point lors des auditions de la semaine dernière.

Mme la rapporteure. Aucune des personnes auditionnées n’a pu expliquer en quoi la structuration en holding pourrait renforcer le ringfencing, le cantonnement. Le ratio « grand risque » que le projet de loi prévoit d’appliquer à la filiale de cantonnement fait de cette filiale un établissement séparé du point de vue du transfert de fonds propres et de liquidités. Je ne vois pas en quoi une autre structure juridique renforcerait cette étanchéité. Je ne peux donc donner un avis favorable à l’amendement.

M. le président Gilles Carrez. Il ressort des auditions que la holding risque plutôt d’éloigner les dirigeants des responsabilités qui leur incombent.

M. Jean Launay. Cela dépend des personnes auditionnées.

M. Nicolas Sansu. Dans le montage prévu par le texte, une banque comme BNP Paribas, qui dispose de 70 milliards d’euros de fonds propres, pourrait être appelée à renflouer une filiale à hauteur de 7 milliards. Dans le schéma proposé par l’amendement, seul le capital de la holding pourrait servir de base à un renflouement et l’on arriverait, en l’espèce, à des sommes bien inférieures à 7 milliards d’euros. C’est pourquoi un certain nombre d’universitaires et d’ONG plaident pour cette solution.

Mme la rapporteure. Dès lors qu’il y a consolidation, une structure en holding n’interdit en rien le transfert de fonds propres et de liquidités par remontée et redescente. C’est plutôt l’inverse qui se produit : si l’on crée des holdings, c’est précisément pour assurer la « solidarité » entre les différentes sociétés du groupe.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 44 de M. Jean Launay et CF 116 de M. Nicolas Sansu.

M. Jean Launay. Les activités spéculatives sur les matières premières agricoles ont un impact direct sur la sécurité alimentaire mondiale. L’attention portée à ce sujet dans le projet de loi est trop faible. Si certaines activités de négoce sur les marchés de dérivés de matières premières agricoles correspondent à un besoin légitime de couverture de risques liés à l’activité agricole, il convient en revanche d’interdire la spéculation sur ces produits de première nécessité et de contrecarrer la financiarisation des marchés agricoles et alimentaires. C’est le sens de l’amendement CF 44.

M. Nicolas Sansu. Le texte interdit les opérations à terme sur les marchés agricoles dans la filiale mais omet d’interdire les activités spéculatives menées sur les marchés de matières premières agricoles menées pour le compte de clients. Compte tenu de l’impact direct de ces activités spéculatives sur la sécurité alimentaire mondiale, l’amendement CF 116 propose de corriger cette lacune.

Mme la rapporteure. Nous avons bien conscience de l’importance du sujet. En décembre 2007, la position de certains fonds a fait tripler le prix du riz et de nombreux autres prix agricoles.

La difficulté est que les marchés de produits dérivés ont précisément été créés – à Chicago, en particulier – pour couvrir les risques agricoles en évitant que les aléas climatiques ne se traduisent par une déstabilisation massive des prix internationaux. Nous devons donc être très précis sur ce qu’il convient d’autoriser et sur ce qu’il convient d’interdire. En tout état de cause, ces questions ne peuvent faire l’objet d’un traitement unilatéral : il faut en traiter au niveau international. Du reste, il me semblerait naturel que le travail que nous menons sur le projet de loi se poursuive par une mission parlementaire consacrée à la façon dont l’Union européenne aborde ces sujets.

À ce stade, donc, je considère que les amendements soulèvent des questions importantes mais sont insuffisamment précis pour pouvoir être adoptés.

M. Jérôme Chartier. La rapporteure a bien mis en évidence le fond du problème : comment en est-on arrivé à détourner un instrument très utile, qui a été inventé pour protéger les agriculteurs contre le risque d’une mauvaise récolte et qui est soumis aujourd'hui, aux États-Unis, à la régulation de la Commodity Futures Trading Commission ? Sans ces détournements, l’outil pourrait très bien remplir sa fonction !

Le projet de loi, auquel nous ne nous opposons pas car il est dans la droite ligne de ce que nous avons fait il y a deux ans – nous sommes favorables au renforcement des pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de l’Autorité des marchés financiers, ainsi qu’à la création d’un Conseil de stabilité financière –, se heurte à l’écueil que nous avons rencontré alors : on ne peut se satisfaire de mesures purement franco-françaises.

L’ancienne majorité avait essayé de poser des jalons pour influencer la stratégie de régulation européenne. Concernant les agences de notation ou le fonctionnement de l’European securities and markets authority – l’ESMA –, l’inspiration était française et, d’une certaine manière, notre loi a connu une heureuse fortune. Ce texte doit servir, lui aussi, à lancer des ballons d’essai, c'est-à-dire des démarches juridiques dont on sait qu’elles ne seront d’aucun effet dans un contexte franco-français mais qui peuvent inspirer une législation européenne, voire des législations plus lointaines.

De ce point de vue, la réflexion sur le détournement d’instruments financiers qui sont par ailleurs très pratiques peut avoir un intérêt non seulement en Europe, mais aussi outre Atlantique et en Asie.

M. Charles de Courson. On a oublié que le marché à terme en couverture sur le blé était jadis interdit en France. Lorsque l’on a levé cette interdiction il y a une dizaine d’années, je m’y étais opposé, estimant que la fonction d’un marché à terme est de stabiliser des prix dont les variations sont amplifiées, dans l’agriculture, par le cycle généralement annuel de la production : pendant un an après la récolte, on ne peut réajuster celle-ci à la demande. À l’époque, les grandes intelligences de la direction du Trésor m’avaient laissé entendre que je n’y avais rien compris et que j’étais complètement dépassé...

Il y a là un problème de fond qu’il est impossible de traiter en droit français : comment contrôler que les filiales résidentes fiscales françaises et étrangères ne sont pas allées jouer sur des marchés à terme américains ou autres ? Comme pour tous les autres aspects de ce texte, le combat est européen. Il n’y a donc pas lieu, hélas, de voter l’amendement.

M. Jean Launay. Celui-ci comporte cependant des dispositions détaillées, parmi lesquelles l’introduction de seuils définis par arrêté du ministère de l’économie. J’entends bien qu’il est nécessaire de traiter le sujet au niveau international, mais je maintiens cet amendement que je considère comme un amendement d’appel. Si une mission parlementaire peut faire avancer la réflexion en y associant des collègues de pays voisins, ce sera une bonne chose. Je pense néanmoins qu’il faut que le sujet soit abordé dans le cadre de ce texte.

M. le ministre. Sur cette question très sensible, votre amendement propose une idée tout à fait juste. Cela étant, en l’absence de discussions européennes et d’analyses spécifiques, il paraît difficile d’anticiper les effets réels de ces mesures. Il est notamment malaisé de faire la distinction entre une activité tournée vers des clients agricoles qui sont exposés à un réel risque économique et une activité tournée vers des clients non agricoles qui se livrent à une spéculation financière à cette occasion. De par son activité, la banque organise la rencontre entre les deux. Le bon niveau de réglementation est européen.

On peut dès lors envisager une mission d’information complémentaire, voire, avant l’examen en séance publique, un travail sur des mesures tendant à renforcer efficacement les compétences des autorités de régulation et la transparence sur ces marchés. Mais il ne serait pas prudent de voter l’amendement en l’état.

La Commission rejette successivement les amendements CF 44 et CF 116.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 132 de Mme Éva Sas.

Mme Éva Sas. Cet amendement va dans le sens de l’engagement n° 7 du candidat François Hollande : « J’interdirai aux banques françaises d’exercer dans les paradis fiscaux. » Nous proposons de cantonner dans la filiale les opérations pour compte propre dans les États non coopératifs, et nous élargissons cette liste aux pays n’ayant pas de convention d’échange automatique de renseignements avec la France.

Mme la rapporteure. Je propose que nous réservions la discussion sur cette question cruciale après l’article 4. Nous examinerons alors tous les compléments que nous pourrons apporter au texte. L’amendement ne traite qu’une partie du sujet.

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient à l’examen de l’amendement CF 133 de M. Éric Alauzet.

Mme Éva Sas. Comme l’amendement CF 39 de M. Launay, cet amendement tend à imposer une structure de holding regroupant l’établissement commercial et la filiale. Certes, madame la rapporteure, une holding n’est pas en soi étanche et il faut d’autres dispositions pour limiter, par exemple, le cash pooling – la gestion centrale de trésorerie – et l’éventuelle recapitalisation de la filiale. Cette structure présente néanmoins l’intérêt d’éviter que la dégradation de la valeur des actions de la filiale n’affecte le bilan de la maison mère.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 242 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à préciser l’encadrement des risques pris pour compte propre et liés à un service d’investissement, pour s’assurer que ceux-ci répondent à un strict besoin de gestion. Il affermit ainsi le contrôle de la pertinence du cantonnement par l’ACPR.

M. le ministre. Tout à fait d’accord.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CF 185 de M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je souhaite que soient précisées par arrêté du ministre chargé de l’économie les modalités par lesquelles la banque faisant usage d’un instrument de couverture devra apporter la preuve de l’existence d’une relation économique entre cet instrument et les risques identifiés. Il ne s’agit pas de détailler les caractéristiques de cette relation, mais de donner au ministre les moyens d’exercer tout son pouvoir politique au service de l’intérêt général.

Mme la rapporteure. Il est pertinent de ne pas tenter de développer dans la loi la définition de la notion de couverture. Le juge, le cas échéant, sera beaucoup plus éclairé par un arrêté précis et détaillé du ministre de l’économie. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CF 187 de M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. L’activité de « tenue de marché » doit être clairement définie. Je m’en remets à l’avis de Mme la rapporteure.

Mme la rapporteure. Je propose que nous examinions maintenant l’amendement CF 181.

M. le président Gilles Carrez. Retirez-vous votre amendement, monsieur Cherki ?

M. Pascal Cherki. Examinons d’abord l’amendement CF 181. Je souhaiterais être éclairé par l’avis de Mme la rapporteure.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 243 de la rapporteure.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 181 de M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Cet amendement de définition fait système avec l’amendement CF 307 de Mme Berger que la Commission vient d’adopter. Il importe en effet de disposer d’une définition plus précise de la tenue de marché, pour distinguer la bonne tenue de marché de la mauvaise – celle qui vire à l’activité spéculative.

L’amendement propose d’inscrire dans la loi des indicateurs que les établissements bancaires devront respecter pour que l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – ACPR – puisse contrôler la réalité de la séparation des activités de marché.

Ces indicateurs sont une présence régulière sur le marché, une activité minimale témoignant qu’il ne s’agit pas d’une activité spéculative, des exigences en termes d’écarts de cotation proposés et des règles d’organisation interne incluant des limites de risques.

M. le président Gilles Carrez. Si je vous comprends bien, l’Autorité de contrôle prudentiel est une autorité indépendante, mais il vaut mieux que la loi lui indique ses modalités de travail.

Mme la rapporteure. Cet amendement fait système avec toutes nos analyses de la difficulté que revêt le traitement de la tenue de marché dans la séparation des activités de marché et la lutte contre les risques systémiques.

Lors des auditions auxquelles nous avons procédé, nous avons souvent entendu dire que, en matière de régulation financière, le bon exemple venait d’outre-Manche. Or, tandis que la définition de la tenue de marché formulée récemment au sein de l’ESMA, l’autorité chargée d’analyser l’action des marchés, recoupait dans une large mesure celle que propose M. Baumel, le Royaume-Uni a été le seul pays qui ne souhaitait pas donner une telle définition afin de laisser le champ largement ouvert.

Avec la limitation que nous avons votée tout à l’heure, la définition que nous allons donner va dans le sens d’une plus grande régulation et montre la voie – y compris à nos partenaires britanniques.

M. le ministre. Cet amendement forme un tout avec celui que vous avez voté tout à l’heure. Il contribue aux progrès sur le terrain de la tenue de marché et améliorera la capacité à faire évoluer la taille des filiales et à prendre en compte les risques spéculatifs. Il précise les critères sur la base desquels l’ACPR pourra s’assurer que l’activité de tenue de marché correspond réellement à une activité utile qui apporte de la liquidité. Les indicateurs retenus permettent de bien cadrer ce qui ne devra pas être filialisé.

Ce dispositif trace une limite permettant de s’assurer que la banque ne cache pas parmi ses activités de tenue de marché des opérations spéculatives consistant à parier sur l’évolution du marché et qui devraient être filialisées. Cette approche intelligente nous permet d’être précurseurs et d’apporter une réponse précise aux débats qui peuvent s’engager en Europe sur le caractère spéculatif ou non des activités de marché, ainsi que sur la délimitation de ce qui est utile au financement de l’économie et de ce qui ne l’est pas.

Il s’agit d’un excellent amendement, que je soutiens sans réserve.

M. Pascal Cherki. Devant ces commentaires élogieux, je retire mon amendement CF 187.

L’amendement CF 187 est retiré.

M. Charles de Courson. Il semble que les quatre critères envisagés par l’amendement soient limitatifs. Sont-ils également cumulatifs ?

Mme la rapporteure. Selon moi, ils sont cumulatifs, mais pas limitatifs. L’ACPR pourra juger qu’une activité n’est pas une activité de tenue de marché, même si elle respecte l’ensemble des quatre critères. Êtes-vous d’accord, monsieur Baumel ?

M. Laurent Baumel. Oui, les critères sont bien cumulatifs, mais pas nécessairement limitatifs.

M. le président Gilles Carrez. Il faut veiller à la formulation, car un recours introduit devant l’ACPR au motif qu’un cinquième critère, ne figurant pas dans la loi, aurait été utilisé aurait de grandes chances d’aboutir.

M. Laurent Baumel. L’adverbe « notamment » serait peut-être bien venu.

Mme la rapporteure. Le dispositif sera précisé par un arrêté du ministre. Nous veillerons cependant, avant l’examen du texte en séance publique, à ce que sa rédaction ne puisse donner lieu à des recours.

M. Jérôme Chartier. L’arrêté du ministre fixe la liste des indicateurs permettant l’examen des quatre conditions fixées, mais l’emploi de l’adverbe « notamment » ne limite pas cette liste. Vous souhaitez élargir le champ, mais gardez-vous d’ouvrir une boîte de Pandore : si la loi ne le précise pas, est-ce au Parlement, au régulateur, au pouvoir réglementaire ou au ministre que reviendra cet élargissement ?

Mme la rapporteure. Je propose de rectifier comme suit le début de l’amendement CF 181 : « L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution contrôle que la distinction de l’activité de tenue de marché, mentionnée au 1° et au 2°, par rapport aux autres activités est bien établie en se fondant, pour les activités mentionnées au 1° de cet article, notamment sur des indicateurs précisant […] ». L’adverbe « notamment » renvoie à l’arrêté qui sera pris par le ministre.

M. Laurent Baumel. L’adverbe doit être inséré un peu plus haut, après « en se fondant ».

M. Jérôme Chartier. Le texte est imprécis : il faut indiquer à qui il incombe de fournir les éléments supplémentaires.

Mme la rapporteure. C’est précisément le rôle de l’arrêté ministériel.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle aussi que l’ACPR est une autorité indépendante. L’insertion de l’adverbe « notamment » lui permettra de se fonder sur les indicateurs, mais pas seulement sur eux.

La Commission adopte l’amendement CF 181 ainsi rectifié.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CF 244 de la rapporteure.

Puis elle est saisie de l’amendement CF 134 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement CF 181 répond déjà à la question qui motivait mon amendement. Je le retire donc.

L’amendement est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CF 155 de M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Cet amendement a la même teneur que le CF 181. Je le retire.

L’amendement est retiré.

L’amendement CF 135 de Mme Éva Sas est ensuite retiré.

Puis la Commission adopte successivement l’amendement de cohérence CF 246 et les amendements rédactionnels CF 245 et CF 247 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CF 113 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement tend à assurer le cloisonnement strict entre la filiale et la maison mère.

Mme la rapporteure. Je partage l’objectif d’étanchéité, mais, comme je l’ai déjà rappelé à deux reprises, cet amendement est satisfait par le ratio de grand risque. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

M. Nicolas Sansu. Je le maintiens, afin qu’il soit débattu en séance publique.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 136 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. L’amendement vise à soumettre à autorisation préalable de l’ACPR l’augmentation de capital d’une filiale dédiée aux activités spéculatives.

Mme la rapporteure. L’étanchéité est déjà digne des soutes du Titanic… mais ce n’est peut-être pas un très bon exemple. Je vous invite ici encore à retirer cet amendement.

M. Éric Alauzet. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 304 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement précise le calcul du ratio de grands risques, ce qui permettra de renforcer encore l’étanchéité de la filiale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle est saisie de l’amendement CF 45 de M. Jean Launay et du sous-amendement CF 302 de la rapporteure.

M. Jean Launay. Pour une meilleure séparation et afin d’éviter toute confusion, l’amendement propose que la filiale de marché ne puisse pas porter le même nom que la maison mère. Il s’agit, pour éviter de tromper les clients, d’appliquer un principe de précaution.

M. le président Gilles Carrez. C’est du bon sens !

Mme la rapporteure. Je partage ce jugement, monsieur le président. Mon sous-amendement est de précision rédactionnelle.

La Commission adopte le sous-amendement CF 302, puis l’amendement CF 45 sous-amendé.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 300 de la rapporteure et CF 114 de M. Nicolas Sansu.

Mme la rapporteure. L’amendement CF 300 tend à faire en sorte que la gouvernance de la filiale cantonnée ne soit pas identique à celle de la maison mère, afin que les décisions stratégiques de celle-ci n’influent pas sur celles de la filiale. J’espère que le ministre sera convaincu.

M. le ministre. Je le suis.

M. Nicolas Sansu. L’amendement CF 114 a le même objet que le CF 300, mais ce dernier est mieux rédigé. Je retire donc mon amendement.

L’amendement CF 114 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CF 300.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CF 115 de M. Nicolas Sansu, CF 160 de M. Christian Paul, CF 54 de M. Jean Launay, CF 137 de M. Éric Alauzet et CF 182 de M. Pascal Cherki.

M. Nicolas Sansu. L’amendement CF 115 tend à interdire l’ensemble du trading haute fréquence – THF.

M. Gwenegan Bui. L’amendement CF 160 est un appel au Gouvernement pour lui demander d’apporter des réponses à la difficile question de la régulation du THF, car 80 % à 90 % des opérations ne sont pas visées par la taxe. Un battement d’ailes dans une salle des marchés peut ébranler l’ensemble du système.

M. Jean Launay. L’amendement CF 54 tend à interdire l’essentiel du THF, qui n’apporte rien à l’économie réelle. Les problèmes de loyauté des marchés préoccupent un grand nombre de nos concitoyens.

M. Éric Alauzet. Le THF devrait tomber sous le coup de l’amendement CF 181 de M. Baumel, qui propose des critères permettant de définir les activités spéculatives.

M. Pascal Cherki. M. Sansu a présenté son amendement CF 115 avant moi. S’il est voté, je retirerai le mien. Néanmoins, l’amendement CF 160 est plus précis.

Mme la rapporteure. Le THF évoque des épisodes malheureux, comme la chute de 20 % du Nasdaq qu’il a entraînée en une trentaine de secondes il y a un an ou un an et demi. Malgré ces dérapages, cependant, le système fonctionne.

La définition de la tenue de marché par les amendements que nous avons adoptés, notamment par celui de M. Baumel, renforce l’encadrement de ce type de transactions.

Je vous proposerai par ailleurs des éléments plus transversaux sur le contrôle du THF, avec un article additionnel après l’article 1er. Notre réflexion doit être plus globale et dépassant le seul problème bancaire.

Enfin, compte tenu de la réglementation internationale et de la très grande facilité avec laquelle on peut déplacer une place de THF – il suffit, concrètement, de passer d’un ordinateur à un autre –, les restrictions très dures proposées par les amendements ne suffiront pas à réglementer et à limiter ces transactions.

Je propose donc à mes collègues de retirer leurs amendements. Nous poserons les premières pierres de cet édifice un peu plus avant dans l’examen du texte et selon une approche plus transversale.

M. le ministre. Je partage pleinement la position de la rapporteure.

M. Jérôme Chartier. Face au THF, cette législation très volontariste n’aura aucun effet. Toutes les filiales des grands groupes français ont arrêté depuis bien longtemps de pratiquer directement ces transactions, dont on ne trouvera mention dans aucun de leurs bilans. Les mesures proposées ont un caractère politique et reposent sur de bonnes intentions – que nous partageons du reste –, mais il faut être réalistes quant à l’effet escompté.

M. Christian Paul. Si la proposition formulée dans l’amendement CF 160 va très loin, la rédaction initiale, quant à elle, ne va pas assez loin : il nous faudra donc trouver un point d’équilibre entre ces deux approches. Je retire donc aujourd’hui cet amendement, mais il peut revenir.

L’amendement CF 160 est retiré.

M. Nicolas Sansu. Le THF est la pratique la plus détestable des marchés financiers. En quelques millièmes de seconde, c’est vingt ou trente fois le PIB de certains pays qui circule sur les marchés. Toutes les places qui le pratiquent sont déjà à la City ou en Asie, mais il faut conserver, fût-ce symboliquement, un tel dispositif. Ces questions doivent être abordées à l’échelle européenne. Je souhaite donc, par principe, maintenir mon amendement CF 115.

M. Pascal Cherki. N’est-il pas antinomique d’affirmer qu’il faut cantonner cette activité dans les filiales et que cela ne sert à rien, les opérateurs étant déjà partis ou sur le point de partir. Gardons-nous d’agiter un sabre de bois, ce serait contre-productif. Je retire temporairement mon amendement.

L’amendement CF 182 est retiré.

M. Jean Launay. Quant à moi, je maintiens l’amendement CF 54.

M. Éric Alauzet. Je maintiens aussi mon amendement CF 137.

La Commission rejette successivement les amendements CF 115, CF 54 et CF 137.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 161 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. La première partie de l’article 1er a porté sur la filialisation des activités bancaires spéculatives et leur cantonnement. La seconde, que nous examinons maintenant, concerne la prohibition.

Les problèmes que nous avons évoqués avec le THF se posent en effet également avec les instruments financiers dont la base est constituée par les matières premières agricoles. Tout le monde, en France, ainsi que nombre d’acteurs en Europe, en soulignent la grande toxicité, car ces opérations relèvent de l’hyper-financiarisation de l’économie mondiale, dont nous connaissons les dégâts.

La définition que le texte initial donne de ces dernières ne nous paraissant pas suffisante, nous souhaitons que la rapporteure et le Gouvernement développent une approche assez volontariste de cette question avant le débat en séance publique.

Mme la rapporteure. Je ne reprendrai pas les éléments que j’ai développés sur la question générale des marchés financiers concernant les matières premières. Les arguments de M. le ministre m’ont convaincue : nous devons à la fois poursuivre la réflexion d’ici à la séance publique et continuer à travailler sur le plan européen.

Je suis très sensible à ce problème. Sans doute pouvons-nous être à l’avant-garde de ce combat, mais pas à travers les propositions qui sont formulées à ce stade de la rédaction.

M. Christian Paul. Je souhaite que nous ayons d’ores et déjà pour objectif d’améliorer la rédaction de cet article. Je suis prêt à retirer mon amendement, mais je veux que nous nous engagions, dans le cadre du débat parlementaire, à disposer d’une rédaction plus affirmée pour le débat en séance.

Mme la rapporteure. Je vous entends. J’ai déjà dit que j’étais sensible à votre demande et je propose en effet que nous réfléchissions à ce qu’il est possible de faire d’ici à la séance publique pour conforter cette démarche tout en ayant conscience que nous sommes à la première phase d’un processus qui ne pourra être traité que sur le plan européen.

M. le ministre. La problématique, la portée et les limites de ce thème sont identiques à ceux que nous venons d’évoquer. Je le répète : je suis ouvert à ce que nous travaillions, pour la séance publique, sur d’éventuelles mesures pouvant renforcer les compétences des autorités de régulation et la transparence de ces marchés. Le Gouvernement est disponible.

M. Jérôme Chartier. La portée de cet amendement est beaucoup trop importante. S’il était adopté, il pourrait même avoir un effet contre-productif pour un projet relatif à la régulation des activités bancaires et financières.

Il n’en reste pas moins, monsieur Paul, que vous touchez du doigt l’essentiel. Il est important de travailler sur cette question et nous devons trouver le moyen d’éviter que des instruments financiers extrêmement utiles soient détournés de leur objet.

M. Christian Paul. Je vous remercie, monsieur Chartier, mais je préfère ces propos lorsqu’ils sont tenus par M. le ministre !

M. Jérôme Chartier. Vous vous rendrez compte combien la majorité et l’opposition savent travailler ensemble dans le cadre de cette Commission !

M. Christian Paul. Compte tenu des engagements de la rapporteure et du Gouvernement – mais aussi de M. Chartier ! – sur la nécessité de travailler à l’amélioration de la rédaction initiale d’ici à la séance publique, nous retirons l’amendement.

L’amendement CF 161 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 184 de M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Ce projet visant à circonscrire les activités de spéculation non utiles à l’économie réelle au sein de filiales, l’État ne doit pas être susceptible d’être appelé en garantie ou de concourir sous quelque forme que ce soit à l’une de ces filiales dans le cas où celle-ci connaîtrait des difficultés.

Mme la rapporteure. La loi prévoyant un ratio de grands risques et limitant ainsi toute possibilité de secours à la filiale, votre demande est donc satisfaite.

M. le ministre. Sans doute pourrait-on travailler sur cette question d’ici à la séance publique.

M. Pascal Cherki. J’en serai heureux. Je retire mon amendement.

L’amendement CF 184 est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement de correction CF 248 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CF 117 de M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. La transparence des établissements bancaires est une question d’importance. Ceux-ci succombent parfois à certaines tentations et possèdent des structures dont nous ne connaissons pas grand-chose, y compris dans des pays ne figurant pas sur la liste noire, mais qui sont tout de même de véritables paradis fiscaux. Avec une dizaine de salariés, leur actif net est parfois très important. Un rapport sénatorial sur les problèmes d’évasion et de fraudes fiscales a été adopté à l’unanimité. Nous souhaitons ainsi qu’un rapport annuel soit présenté sur ces établissements divers et variés.

Mme la rapporteure. Plusieurs articles du projet de loi nous donnent l’occasion de réfléchir de manière vraiment systématique et transversale à la question cruciale de la transparence des mondes financier et bancaire. Je partage donc l’esprit de cet amendement, mais souhaite que nous en discutions plutôt dans le cadre des amendements portant articles additionnels après l’article 4.

M. Nicolas Sansu. Soit.

L’amendement CF 117 est retiré.

La Commission adopte les amendements rédactionnels identiques CF 2 de M. Philippe Kemel et CF 249 de la rapporteure.

Elle adopte également l’article 1er ainsi modifié.

*

* *

Après l’article 1er

La Commission est saisie de l’amendement CF 119 de M. Nicolas Sansu, portant article additionnel après l’article 1er.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise les rémunérations des opérateurs bancaires et, notamment, des personnels de direction, mais aussi des traders, en proposant de plafonner les rémunérations variables.

Mme la rapporteure. La rémunération des opérateurs qui gèrent le risque des systèmes financier et bancaire constitue une question très sensible. Des discussions ont lieu au Parlement européen dans le cadre de l’examen de la directive CRD IV, afin de parvenir, en particulier, à un accord permettant de mieux considérer la prise en compte du risque dans les rémunérations des traders.

Votre amendement me semble donc un peu prématuré.

M. le ministre. Je partage l’objectif de cet amendement, comme d’ailleurs la plupart des Français, qui ont été choqués par ces rémunérations.

La réglementation bancaire en matière de rémunérations a été considérablement renforcée ces dernières années avec l’adoption, en 2009, des principes et standards du Conseil de stabilité financière ainsi que la transposition de la directive précédente CRD III. Cette réglementation concerne à la fois les dirigeants et les personnels dits « preneurs de risque » qui font l’objet de votre amendement.

Même s’il ne faut pas s’en tenir là, notons – comme le fit la Cour des comptes – que, en matière d’application de la réglementation, la France a une approche plus ambitieuse que ses voisins, même européens, en englobant davantage de personnes dans le cercle de celles auxquelles s’appliquent ces règles.

Comme Mme la rapporteure, je rappelle que nous sommes engagés dans des négociations européennes à Bruxelles dans le cadre de la future directive CRD IV transposant les accords de Bâle III. Le Parlement européen a inclus la question du plafonnement dans les négociations et la France en a fait quant à elle l’une de ses priorités. Nous souhaitons qu’un accord ambitieux soit trouvé autour de ce principe que, je le répète, nous soutenons.

Je ne souhaite donc pas que nous nous déterminions d’une façon unilatérale qui pourrait, le cas échéant, poser des problèmes de concurrence à nos établissements – lesquels sont déjà un peu plus rigoureux que d’autres – et qui ne renforcerait pas nécessairement notre position dans la négociation, puisque nous semblerions en anticiper les résultats.

Un retrait de l’amendement me semble donc préférable quitte à revenir sur son objet dans le cadre de la transposition de la directive CRD IV, que la France soutient totalement.

M. Nicolas Sansu. Je maintiens néanmoins l’amendement par principe et afin d’aider le Gouvernement qui constatera ainsi que certains d’entre nous souhaitent aller très vite et très loin. Cela ne peut que constituer un appui dans les négociations à venir.

M. le ministre. Je souhaite aller peut-être un peu moins vite que vous, mais au moins aussi loin, si ce n’est plus.

La Commission rejette l’amendement CF 119.

Elle examine ensuite l’amendement CF 24 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. L’utilisation du nom « banque » n’est pas encadrée. Afin d’éviter que l’on en arrive à appeler « banque d’affaires ou d’investissement » des structures qui n’ont rien de bancaire, je suggère de réserver un tel nom aux seuls établissements de crédit recueillant des dépôts.

Mme la rapporteure. Cet amendement est satisfait puisque le terme de « banque » est déjà réservé uniquement aux établissements de crédit.

M. le ministre. L’article L. 511-8 du code monétaire et financier interdit à toute entité qui n’est pas agréée en tant qu’établissement de crédit, quelle que soit sa nature, d’adopter une raison sociale ou quelque expression publique que ce soit pouvant laisser croire qu’elle en est un. Certains de ces établissements ne sont d’ailleurs pas agréés pour recevoir des dépôts, comme la filiale de cantonnement mentionnée au présent titre, et ne peuvent pas utiliser le mot « banque » dans leur raison sociale en application du second alinéa du même article.

M. le président Gilles Carrez. Quid de la Banque alimentaire ?

M. le ministre. Elle est alimentaire !

M. Charles de Courson. La Banque publique d’investissement n’est pas une banque. L’amendement Launay viserait-il à la débaptiser ?

M. Jean Launay. Elle est publique !

M. le président Gilles Carrez. Son nom exact est BPI-Groupe et non Banque publique d’investissement.

M. Charles de Courson. Il contient en tout cas le mot « banque ». Cet amendement est grave, très grave…

M. le ministre. Cela a été pris en compte dans la loi créant BPI-Groupe.

M. Jean Launay. L’argument de M. le ministre m’ayant convaincu, je retire l’amendement. Point n’était besoin de se référer aux exemples de la Banque alimentaire ou de BPI-Groupe !

L’amendement CF 24 est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 26 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Le texte ne comprend pas d’obligations particulières visant à cantonner les filiales, je propose qu’il en soit autrement afin d’éviter que la maison mère ne s’engage trop envers celles-ci.

Mme la rapporteure. Le ratio de grand risque satisfaisant pleinement cet amendement, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CF 21 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Il importe de créer un suivi de l’actionnariat au fil du temps afin d’en connaître plus finement la composition.

L’amendement propose, en outre, de donner la possibilité de connaître la date d’acquisition des actions.

Mme la rapporteure. La question de la transparence de l’actionnariat est complexe. Il est certes intéressant de pouvoir mesurer la stabilité d’un actionnariat – lequel ne se limite pas au domaine bancaire, mais concerne l’ensemble du secteur privé –, mais nous nous heurtons directement à la question du secret des affaires.

Il semble donc très compliqué de rendre publique la composition d’un actionnariat, en particulier celle d’un établissement financier. À ce stade de notre réflexion, cet amendement va trop loin. Avis défavorable.

M. le ministre. C’est aussi mon avis, d’autant que des obligations qui ne sont pas négligeables existent déjà dans le code monétaire et financier, puisque les actionnaires sont obligés de déclarer tout franchissement de seuil à partir de 5 % et qu’une procédure permet à un émetteur de connaître la composition de son actionnariat.

Notre réglementation et nos procédures étant d’ores et déjà assez solides, les augmenter encore reviendrait à multiplier les contraintes.

M. Jean Launay. Entre la transparence et le secret, fût-ce celui des affaires, je choisis la transparence.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 308 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Un premier pas important pour la régulation du THF ou de ce que nous appelons en français les « systèmes de négociation automatisés » serait de créer une obligation de notification auprès de l’Autorité des marchés financiers – AMF – pour toute personne l’utilisant.

Cet amendement donne à l’AMF les instruments d’investigation et de contrôle permettant de renforcer la traçabilité des ordres passés.

J’ai conscience que cela ne constitue qu’un premier pas, mais il nous permettra de savoir exactement qui use de tels systèmes, comment et pourquoi.

M. le ministre. Cet amendement me paraît fort et structurant. Il confère de nouveaux pouvoirs à l’AMF, notamment la possibilité de sanctionner. Contrairement à ce que disait M. Chartier, l’effectivité et le caractère opératoire de ce texte sont patents.

La Commission adopte l’amendement.

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Article 2

Pouvoirs d’interdiction de l’ACPR

Articles L. 612-33-1 et L. 612-35 du code monétaire et financier

L’article 2 assure l’effectivité de la séparation des activités prévue à l’article 1er en donnant à la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) le pouvoir de limiter ou d’interdire à un établissement bancaire l’exercice de certaines opérations dès lors qu’elles portent atteinte à la stabilité financière.

1.– Préserver la stabilité financière des marchés

La crise financière des années 2007 et 2008 a mis en évidence plusieurs défaillances structurelles du système bancaire européen. Outre les problèmes liés à l’organisation des banques et à la couverture de leurs opérations, les mécanismes de contrôle et de régulation ont montré leurs limites.

Dès juin 2009, le Conseil européen a lancé un vaste chantier de modernisation des structures communautaires s’appuyant sur trois nouvelles autorités de surveillance : une pour le secteur bancaire, une pour le secteur des valeurs mobilières et une pour le secteur des assurances et des pensions professionnelles, ainsi qu’un conseil européen du risque systémique. Ce travail vise également à « rehausser la qualité et la cohérence de la surveillance nationale, à renforcer le contrôle des groupes transfrontaliers et à établir un « recueil réglementaire unique » européen applicable à tous les établissements financiers au sein du marché intérieur » (30).

L’objectif principal est d’assurer la stabilité du système financier européen, considérant qu’il est un préalable absolu pour « préserver la confiance et la cohérence dans le marché intérieur et, partant, pour perpétuer et améliorer les conditions nécessaires à la mise en place d’un marché intérieur pleinement intégré et opérationnel dans le domaine des services financiers ». L’Union estime en effet que des marchés financiers plus importants et mieux intégrés sont plus à même d’assurer le financement de l’économie, de diversifier les risques et ainsi sont plus à même « d’absorber les chocs » (31).

Le règlement laisse une place relativement importante aux États nationaux pour mettre en place des mécanismes opérationnels les plus à même de garantir cette stabilité, les nouvelles instances communautaires ayant principalement une mission de coordination et d’animation des projets.

2.– L’autorité européenne de surveillance et la coordination des actions nationales

Pour assurer l’effectivité des mesures de stabilité, le règlement n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 institue une Autorité européenne de surveillance (AES), en l’espèce l’autorité bancaire européenne. Elle doit contribuer à :

– améliorer le fonctionnement du marché intérieur, notamment par un niveau de réglementation et de surveillance sain, efficace et cohérent ;

– assurer l’intégrité, la transparence, l’efficience et le bon fonctionnement des marchés financiers ;

– renforcer la coordination internationale de la surveillance ;

– éviter les arbitrages réglementaires et favoriser des conditions de concurrence égales ;

– veiller à ce que la prise de risques de crédit ou autres soit correctement réglementée et surveillée ;

– renforcer la protection des consommateurs.

Pour atteindre ses objectifs, l’AES établit des projets de normes techniques et émet des recommandations. Elle peut également, dans les situations d’urgence (cf. infra), prendre des décisions individuelles si les autorités nationales n’agissent pas ou prennent des décisions insuffisantes pour assurer la stabilité des marchés. L’Autorité a donc principalement une mission de coordination des initiatives de régulation au sein de l’Union. À ce titre, elle est partie prenante du système européen de surveillance financière (SERF) qui comprend également le comité européen du risque systémique (CERS), l’autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (32), l’autorité européenne des marchés financiers (33), le comité des autorités européennes de surveillance qui traite notamment des conglomérats financiers et de la comptabilité ainsi que les autorités compétentes ou de surveillance des États membres.

3.– Les situations d’urgence

Conscient de l’insuffisance du dispositif de coopération en cas d’urgence, le règlement prévoit que l’AES peut agir plus directement. L’article 18 stipule que « lorsque le Conseil a adopté une décision […] et dans des cas exceptionnels où une action coordonnée des autorités nationales est nécessaire en réponse à des circonstances défavorables qui risquent de compromettre gravement le bon fonctionnement et l’intégrité des marchés financiers ou la stabilité globale ou partielle du système financier dans l’Union, l’Autorité peut arrêter des décisions individuelles imposant aux autorités compétentes l’obligation de prendre les mesures nécessaires […] pour traiter cette situation ». Si les autorités nationales n’agissent pas dans le délai imparti, l’AES peut « adopter à l’égard d’un établissement financier une décision individuelle lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour respecter les obligations qui lui incombent […] notamment la cessation d’une pratique » (34).

Ce régime s’inspire directement des dispositifs existant dans d’autres pays mais, contrairement aux recommandations de la Commission Vickers ou à la « règle de Volcker » insérée dans le Dodd-Franck Act voté en juillet 2010 par le Congrès américain, il n’impose pas d’interdiction ou de cessation de pratique ex ante. Les mesures ne sont prises qu’en cas de crise ou d’urgence et si les conséquences d’une pratique sont de nature à porter atteinte au marché intérieur.

4.– Les pouvoirs conférés à l’ACPR en droit français

Le projet de loi tire les conséquences du mécanisme européen de régulation et le transpose dans le droit national.

Le nouvel article L. 612-33-1 du code monétaire et financier autorise ainsi l’ACPR à limiter ou interdire certaines opérations dès lors qu’elles sont susceptibles de porter atteinte à la stabilité financière. L’ACPR peut également intervenir avec les mêmes prérogatives si l’AES demande la mise en place d’actions coordonnées au niveau communautaire en cas d’urgence.

Cette disposition s’applique à l’ensemble des personnes soumises au contrôle de l’ACPR, qu’il s’agisse d’établissement de crédit ou de conglomérat financier.

Conformément aux dispositions de l’article L. 612-35 du code susvisé, les mesures prises par l’ACPR interviennent au terme d’une procédure contradictoire. En cas d’urgence, l’autorité peut néanmoins « ordonner sans procédure contradictoire des mesures conservatoires ». L’alinéa 4 du présent article renvoie expressément au nouvel article L. 612-33-1, c’est-à-dire que l’ACPR pourra, à titre conservatoire, interdire à un établissement de faire certaines opérations, ou, à tout le moins, en limiter la portée.

L’appréciation de l’ACPR sera globale : elle pourra par exemple s’opposer au développement d’une activité qu’elle jugerait susceptible de fragiliser le système financier même si elle n’induit pas immédiatement des inquiétudes sur la solvabilité des établissements. Il appartiendra à l’autorité de déterminer les modalités pratiques de ce contrôle ; elle devra motiver ses décisions.

Pour assurer la réalité de l’interdiction ou de la limitation, le projet de loi renforce significativement les pouvoirs de l’ACPR, qu’il s’agisse de pouvoirs de contrôle sur place et sur pièce ou de pouvoirs de sanction (cf. infra).

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La Commission adopte l’article 2 sans modification.

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Article 3

Interdiction de l’exemption d’agrément pour les filiales

Article L. 531-2 du code monétaire et financier

Le nouvel article L. 511-47 du code monétaire et financier prévoit d’isoler dans des filiales dédiées les activités qui ne participent pas au financement réel de l’économie et qui entraînent les risques les plus importants. La nature juridique de cette entité n’est pas fixée par le projet de loi, chaque établissement bancaire choisissant entre deux statuts différents : par défaut la filiale est une entreprise d’investissement et, le cas échéant, un établissement de crédit.

L’article L. 532-1 du même code prévoit, quant à lui, que la fourniture de services d’investissement est soumise à une procédure d’agrément. Toutefois l’article L. 531-2 exonère de cette procédure certaines structures, qu’il s’agisse d’entités publiques (Banque de France ou Caisse d’amortissement de la dette sociale) ou privées (entreprises d’assurance et de réassurance, institutions de retraites professionnelles, conseillers en investissements financiers…). Il prévoit également qu’un prestataire de service d’investissement qui ne serait actif que pour son compte propre peut être dispensé d’agrément.

Le projet de loi assure la coordination entre ces différentes dispositions en excluant explicitement les filiales créées au titre de l’article L. 511-47 du bénéfice de l’exonération d’agrément. Cette précision apparaît pleinement justifiée dans la mesure où le texte vise justement à mieux encadrer l’activité de ces entités. L’ACPR voyant ses pouvoirs sur ces établissements augmenter, il serait contradictoire qu’elle n’exerce aucun contrôle a priori. Par ailleurs, l’article 1er posant un principe général d’agrément préalable des filiales, il serait contradictoire que l’article L. 532-1 crée des dérogations pour certaines d’entre elles.

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La Commission adopte l’article 3 sans modification.

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Article 4

Modalités d’application du titre Ier

La mise en œuvre des dispositions prévues par les articles 1 à 3 du projet de loi pourrait générer certaines difficultés, notamment en termes de gestion des instruments existant au moment de la mise en œuvre de la loi. L’article 4 fixe donc les dates d’entrée en vigueur de ces dispositifs et détermine les modalités de transfert des différents portefeuilles.

 L’alinéa 1 prévoit que la gestion extinctive des portefeuilles d’instruments financiers est exclue du champ d’application de la loi. La gestion extinctive est l’activité consistant à céder les actifs aux meilleures conditions de marché.

Selon les informations transmises à la rapporteure, cette disposition vise particulièrement le portefeuille d’actifs toxiques de Natixis qui correspond à des placements de portefeuilles de négociation (trading book(35). Ces opérations entrent pleinement dans le champ des activités que la loi impose de filialiser. Natixis a clairement annoncé son intention d’arrêter cette activité et gère désormais ce portefeuille dans le cadre d’un cantonnement comptable avec un objectif de cession intégrale des actifs correspondants. Le projet de loi imposerait de transférer ce portefeuille à la filiale qui risque de ne pas avoir la capacité de le financer. De la sorte, la banque devrait rapidement supporter les pertes latentes sur ce portefeuille alors même qu’elle est en train de s’en défaire.

Il apparaît en effet pertinent de réserver le transfert des activités à celles qui ont vocation à perdurer et non aux opérations programmées de cession.

 L’alinéa 2 impose aux banques d’identifier les activités qui doivent être isolées dans la filiale avant le 1er juillet 2014. Le transfert desdites activités doit quant à lui intervenir avant le 1er juillet 2015. Sont concernées l’ensemble des entités financières visées à l’article 1er du projet de loi.

L’identification sera soumise au contrôle de l’ACPR, charge à elle de s’assurer qu’elle couvre l’ensemble du spectre. Ce travail particulièrement difficile demande du temps d’élaboration et de contrôle, voire des corrections pour tenir compte des demandes de l’ACPR.

Selon les informations transmises à la rapporteure, les commissaires aux comptes pourraient également demander la publication d’informations sectorielles sur ces activités. Il convient donc de disposer du temps nécessaire à l’organisation de cette publicité dans de bonnes conditions.

Les dispositions de l’article L. 511-49 du code monétaire et financier, relatives au contrôle interne et à la communication d’information à l’ACPR (cf. supra), s’appliqueront quant à elles avant le 1er juillet 2014.

 L’alinéa 3 organise pour sa part le transfert des biens, droits et obligations liées aux activités interdites à la filiale (HTF et opérations de spéculation sur des matières premières agricoles).

Faute de cette disposition, le transfert des contrats n’aurait pas pu intervenir automatiquement, il aurait fallu les résilier et les signer de nouveau.

L’alinéa prévoit par ailleurs que l’ensemble des droits et obligations liés à ces contrats, et notamment les sûretés, sont automatiquement transmis à la filiale.

Il interdit enfin toute modification des contrats au motif du transfert : la banque ou la contrepartie, qui a une nouvelle contrepartie, la filiale, dont la qualité de signature est plus faible que celle de la banque, ne peuvent pas tirer prétexte de la loi pour renégocier les contrats, pour les résilier ou pour rembourser par anticipation les dettes qui en sont l’objet.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 250 et CF 251 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CF 138 de M. Alauzet.

M. Éric Alauzet. Si les bonus ont ému l’opinion, il en a été de même des stock-options. Par cet amendement, il vous est proposé de les supprimer dans les groupes bancaires, étant entendu que ce dispositif était initialement prévu pour de jeunes investisseurs et qu’il a été détourné au fil des ans.

Mme la rapporteure. J’ai conscience que certaines pratiques liées aux stock-options ont été parfois outrancières dans certaines entreprises, notamment dans le secteur financier. Néanmoins, il me paraît exagéré de prôner l’interdiction de ce type de rémunération.

De façon plus générale, la question de la rémunération des agents intervenant sur les marchés financiers doit faire l’objet d’une réflexion globale. D’ailleurs, ce n’est pas tant le mode de rémunération qui est en cause que son montant.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 ainsi modifié.

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Après l’article 4

La Commission est saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 4.

Elle examine d’abord, en discussion commune, les amendements identiques CF 13, CF 157 et CF 163 de M. Dominique Potier, CF 309 de la rapporteure, CF 55 de M. Jean Launay, CF 103 de Mme Sandrine Mazetier, CF 140, CF 141 et CF 142 de M. Éric Alauzet, CF 179 de M. Pascal Cherki et CF 128 de M. Guillaume Bachelay.

M. Dominique Potier. L’amendement CF 13 a été conçu au sein de la commission des Affaires économiques et repris par l’ensemble des commissaires SRC.

Il vise à assurer dans un premier temps la transparence des activités bancaires dans les paradis fiscaux, ce qui ouvrira la possibilité d’interdire par la suite les pratiques d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent qui, selon les estimations, se soldent pour notre pays par 30 à 50 milliards d’euros de pertes et qui provoquent dans le monde entier des désordres monétaires et fiscaux ainsi que des spéculations sur les matières premières.

Le principe est de demander aux établissements bancaires membres du fonds de garantie des dépôts de communiquer, dans un délai de six mois suivant la reddition de leurs comptes annuels, des informations relatives au nom des pays dans lesquels ils opèrent, au nombre d’employés qu’ils y ont, en équivalents temps plein et en masse salariale, au chiffre d’affaire généré, au résultat avant impôts et aux impôts versés aux gouvernements des lieux d’activité. Ces informations permettront d’éclairer l’opinion publique et de franchir, à terme, une nouvelle étape dans la lutte contre les paradis fiscaux.

Les amendements CF 157 et CF 163 sont identiques. Ils ne diffèrent que par leurs signataires.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’un sujet extrêmement important. J’appuie la démarche de notre collègue, mais il convient de prendre le temps d’examiner les différents aspects de la question et de recueillir l’avis du ministre, car l’adoption d’un de ces amendements ferait évoluer sensiblement le projet de loi.

Certains établissements financiers se trouvant en situation d’optimisation fiscale ou de non-coopération avec la France sur les questions d’évasion fiscale, il paraît indispensable d’introduire une obligation de transparence. Il reste toutefois à déterminer quelles sont les informations nécessaires au repérage des comportements non coopératifs.

Nous savons tous que les listes de paradis fiscaux sont réduites, pour ne pas dire exagérément courtes : la liste officielle ne comprend que huit pays, et pas ceux qui viennent immédiatement à l’esprit ! Il ne s’agit pas de la bonne approche. Il me semble préférable, comme le propose Dominique Potier, d’exiger des établissements bancaires la publication d’un rapport pays par pays afin de surveiller leurs activités partout dans le monde.

Toutefois, la communication des seules informations relatives au chiffre d’affaires et aux effectifs en personnel devrait suffire pour repérer les agissements condamnables. C’est pourquoi je vous propose un amendement de substitution, l’amendement CF 309.

M. Jean Launay. Il s’agit en effet d’un amendement intéressant, qui a été conçu comme une synthèse acceptable sur le sujet.

Notre pays traverse une période financièrement difficile, et nous avons dû exiger de nos concitoyens de nombreux sacrifices ; mais il nous faut aussi lutter contre la fraude et les paradis fiscaux. Il s’agissait d’ailleurs d’un engagement de campagne, et certains de nos anciens collègues aujourd’hui devenus ministres, tels que Vincent Peillon et Arnaud Montebourg, avaient précédemment travaillé sur le sujet dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire. Les tentatives de réforme butent toujours sur le même problème : les difficultés diplomatiques que suscite le fait de montrer du doigt certains pays en les inscrivant sur une liste noire, liste qui rétrécit alors tellement qu’elle en devient caricaturale. Comment par exemple qualifier officiellement le Luxembourg, l’Irlande, la Suisse ou Jersey ?

Les associations de lutte contre la fraude fiscale demandent un minimum de transparence. Nous proposons donc de reprendre l’une des préconisations faite en juillet 2012 par la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux, en nous souvenant aussi que, durant sa campagne électorale, le Président de la République avait indiqué au CCFD-Terre Solidaire qu’il était favorable à ce que les grandes entreprises cotées en France publient leurs comptes détaillés pays par pays, quel que soit leur secteur d’activité, et non pas seulement dans les secteurs extractif et forestier.

Il n’est aujourd’hui question que des banques. Lors des auditions, leurs représentants nous ont expliqué qu’une obligation de transparence les pénaliserait car elle les conduirait à livrer à leurs concurrents des informations sur leur stratégie. Pourtant, sous la pression des actionnaires, de nombreuses informations sont d’ores et déjà rendues publiques. Et les concurrents se moquent bien du chiffre d’affaires d’une filiale à Jersey ou du nombre d’employés au Guatemala ! Quelles informations confidentielles se cachent derrière l’existence des 20 filiales de BNP-Paribas aux îles Caïman et des 49 au Luxembourg ?

L’amendement CF 55 repose sur l’idée que quatre informations sont nécessaires pour changer la donne : le chiffre d’affaires, le bénéfice, les impôts payés et le nombre d’employés. Nous sommes ici à un moment clé du débat : tournons la page de l’ultra-libéralisme !

Mme Sandrine Mazetier. L’amendement CF 103 procède du même principe, mais en l’appliquant aux seuls établissements bancaires, conformément à l’objet du projet de loi. Si nous adoptons ce texte, la France fera figure de précurseur : elle sera le premier pays à légiférer sur la question.

Le système bancaire français possède une organisation très particulière, avec des champions internationaux en grande partie adossés aux pouvoirs publics, ce qui présente à la fois des avantages et des inconvénients – je pense notamment aux risques pour les contribuables. Ce texte tente de réduire ces risques, mais on peut aller encore plus loin, en demandant par exemple aux grands établissements bancaires français de faire la lumière sur leurs activités à l’étranger, par la communication pays par pays de leur chiffre d’affaire et de leurs effectifs, sans qu’ils divulguent aucune information décisive ; cela ne compromettrait ni leurs résultats, ni leur développement.

Évidemment, nous sommes ouverts à d’éventuels sous-amendements tendant à améliorer ce dispositif.

M. Éric Alauzet. Les amendements CF 140, CF 141 et CF 142 ont le même objet, en proposant de retenir respectivement deux, trois ou quatre types d’information.

Un quart des filiales des douze plus grands groupes bancaires sont implantées dans des territoires opaques ; les seuls établissements français comptent 460 filiales à l’étranger. Cela pose des problèmes d’évasion fiscale, de corruption, de biens mal acquis. Les informations relatives aux effectifs en personnel et au chiffre d’affaires permettraient de savoir si les filiales développent des activités risquées, susceptibles de menacer l’ensemble du système bancaire, mais une véritable lutte contre l’évasion fiscale nécessiterait des informations complémentaires.

Mme Eva Sas. À la différence des amendements présentés par nos collègues, nos amendements prévoient que les nouvelles dispositions s’appliqueraient dès l’exercice 2013 : nous ne voyons aucune raison d’attendre.

Par ailleurs, il serait bon d’exiger des informations sur le bénéfice net par pays, car cela permettrait de dévoiler d’éventuelles stratégies d’optimisation fiscale de la part des banques, qui recourent en effet à ces pratiques pour le compte de leurs clients, mais aussi pour leur propre compte.

M. Pascal Cherki. Cette discussion est aussi importante et symbolique que celle que nous avons eue à l’article 1er. Permettez-moi de rappeler que nous déboursons chaque année 42 milliards d’euros au titre des intérêts de la dette, somme payée par les personnes vivant et travaillant sur notre territoire. Or, selon plusieurs études convergentes, l’évasion et l’optimisation fiscales coûteraient chaque année plusieurs dizaines de milliards d’euros à notre pays ; si cet argent revenait dans les caisses de l’État, notre pays pourrait investir davantage, mieux rémunérer ses fonctionnaires et préparer la transition énergétique. Il s’agit d’un enjeu à la fois moral, économique et social.

On a beaucoup progressé ces dernières années en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et contre le financement du terrorisme. Dès le départ, avec Tracfin, la France a été pilote ; nous pouvons encore nous améliorer. En matière d’optimisation fiscale, comment ne pas souligner le rôle joué par les deux acteurs principaux que sont les banques et les cabinets d’avocats ?

Les banques sont souvent les réceptacles de l’optimisation fiscale. Ce phénomène n’est pas nouveau : il remonte aux années 1960, quand les firmes multinationales américaines n’ont pas voulu rapatrier leurs profits aux États-Unis en raison de la législation fiscale américaine et qu’avec le concours de la Banque d’Angleterre, elles ont créé le marché des eurodollars.

Il convient maintenant de faire preuve de volonté politique. En 2009, Alternatives économiques avait publié une étude montrant que nos entreprises et nos banques disposaient de 1 500 filiales dans des pays considérés comme des paradis fiscaux – dont certains se trouvent au cœur de l’Europe, voire à nos frontières. L’amendement de notre collègue Potier, qui a été signé par de nombreux députés socialistes avant d’être repris et validé par le groupe, s’appuie sur les revendications formulées depuis des années par les associations, par les ONG et par d’autres représentants de la société civile, revendications que nous avions défendues lorsque nous étions dans l’opposition. Il y a une continuité dans cette bataille.

M. Yann Galut. L’amendement CF 128 tend à ce que la liste des États et territoires non coopératifs, tels que définis à l’article 238-0-A du code général des impôts, fasse chaque année l’objet d’un débat devant les commissions des Finances et des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre des Finances.

M. Laurent Baumel. La multiplicité des amendements présentés par les commissaires du groupe SRC témoigne de notre volonté de lutter contre la fraude fiscale et d’améliorer la transparence des activités bancaires. Nous nous sommes réunis ce midi pour discuter de ce que nous souhaiterions voir inscrit dans ce texte ; je crois pouvoir affirmer que l’amendement de Mme la rapporteure, qui reprend l’esprit de celui de M. Potier tout en étant plus précis sur les informations à exiger des banques, recueille l’assentiment du groupe. J’aimerais toutefois savoir ce qu’en pense M. le ministre.

Il ne m’a pas échappé que cet amendement était similaire à celui de nos collègues du groupe écologiste, sauf sur un point : la date de mise en œuvre des dispositions. Serait-il possible d’avoir des précisions à ce sujet ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si nous adoptons l’un ou l’autre de ces amendements, il s’agira certes d’une avancée importante, mais pas d’un aboutissement : on n’aura pas résolu pour autant les problèmes de fraude et d’évasion fiscales. Il restera encore du travail !

Cette première étape permettra d’identifier les pays cibles et de disposer d’informations tangibles, qui permettront de négocier des conventions et d’engager un dialogue avec les États concernés ; toutefois, il faudra par la suite envisager des dispositions purement fiscales.

Ainsi, nous n’obtiendrons des informations que sur l’activité des banques françaises dans les États étrangers ; or certaines banques étrangères sont implantées en France. Un traitement de la question à l’échelon européen, sinon mondial, est donc indispensable.

Quant aux informations nécessaires, l’amendement de la rapporteure me semble un bon compromis et je m’y rallie. Toutefois, je préférerais une application dès l’année 2013, pour une publication à partir de 2014 : il n’y a pas lieu d’attendre une année supplémentaire !

M. Pierre Moscovici, ministre de l’Économie et des finances. J’avais dit être ouvert à des amendements sur la lutte contre les paradis fiscaux : je constate que j’ai été entendu !

Il s’agit d’un sujet sensible. On a observé par le passé des dérives importantes – on en observe encore. Sachez que le ministère de l’Économie et des finances se mobilise et qu’il a lancé un agenda de lutte contre la fraude qui prévoit de renforcer l’arsenal des dispositions utilisables par l’administration fiscale, en particulier en ce qui concerne la fiscalité des entreprises multinationales.

Pour ce qui est des banques, le problème se pose différemment dans la mesure où nous cherchons moins à éviter la fraude ou l’optimisation fiscale qu’à identifier si une banque est susceptible de participer à des activités de fraude ou de blanchiment d’argent, ou de développer une activité offshore sans lien avec l’économie du pays. Nous disposons déjà d’un certain nombre d’outils, comme la liste des États et des territoires non coopératifs et l’obligation faite aux banques de donner des informations quant à leur éventuelle présence dans ces pays. Certes, le nombre de ces derniers est réduit, mais toute inscription a des conséquences diplomatiques.

Je suis ouvert à une autre approche, qui est celle que vous proposez ; une obligation de transparence s’appliquant à tous les pays permettrait d’éviter le caractère stigmatisant d’une inscription sur une liste. Prenons garde toutefois à ne pas arrêter une liste trop longue ni trop détaillée d’informations à exiger des banques ; de ce point de vue, la proposition de votre rapporteure me convient.

Reste la question de la date de mise en œuvre du dispositif : pour ma part, je suis plutôt favorable à 2014, car je doute que la mesure soit applicable dès 2013 – il serait nécessaire d’en discuter avec les intéressés – ; néanmoins, je n’en fais pas une question de principe.

La mesure proposée dans l’amendement CF 140, auquel je suis favorable, serait une première : la transparence sur les activités bancaires pays par pays n’existe nulle part ailleurs.

Quant à l’amendement présenté par M. Galut, la lutte contre les paradis fiscaux fait partie de nos priorités et le Parlement est bien entendu en droit d’en être informé, mais il l’est chaque année à travers la liste des pays non coopératifs annexée au projet de loi de finances. Je ne suis pas sûr qu’un formalisme plus lourd soit indispensable mais, sur ce point, je m’en remets à la sagesse de votre Commission.

Mme la rapporteure. À la suite de M. le ministre, j’invite notre Commission à voter l’amendement CF 140, disposition majeure en faveur de la transparence que beaucoup d’entre nous réclamaient depuis de nombreuses années.

M. Éric Alauzet. Il paraît nécessaire d’ajouter d’autres critères, tels que le bénéfice net ou les impôts versés, qui permettraient réellement de cibler la fraude fiscale. Quoi qu’il en soit, Mme la rapporteure et moi avons découvert hier que les bénéfices nets des filiales de BNP Paribas, à tout le moins de celles qui représentent plus de 1 % du groupe, étaient publiés dans une communication officielle alors même que ces chiffres sont réputés stratégiques. Quel est votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre ?

M. Gwenegan Bui. Je salue l’ouverture faite par M. le ministre sur cette disposition en faveur de laquelle plaidaient de nombreux députés de gauche. Il ne faut certes pas multiplier les critères, mais ceux que proposait le groupe écologiste allaient dans le bon sens. Pourquoi, notamment, ne pas prendre en compte, comme le propose M. Potier, le chiffre d’affaires et les impôts versés plutôt que le produit net bancaire ?

Même s’il conviendra de vérifier, d’ici à l’examen en séance, que la publication de celui-ci constitue une vraie avancée, il reste que la mesure que nous nous apprêtons à voter est assurément très positive.

M. Yann Galut. Nous allons voter un amendement historique. Toutefois le premier critère – « nom et nature d’activité », au singulier – n’est-il pas trop restrictif, au regard des critères proposés dans les autres amendements ? Je me félicite par ailleurs que la mesure puisse être appliquée dès 2014, portant ainsi sur l’exercice 2013.

M. Pascal Cherki. En l’absence aujourd’hui de toute mesure, celle-ci ne peut être qu’une avancée. Je salue aussi le fait qu’on reprenne un amendement déposé par le groupe écologiste. L’amendement défendu par M. Potier faisait écho aux revendications d’associations avec lesquelles nous militons depuis des années. Si l’avancée qu’on nous propose constitue un compromis nécessaire, nous y souscrirons, mais nous aurions pu aller beaucoup plus loin en faisant collectivement preuve d’une volonté politique plus afirmée.

M. Dominique Potier. La mort dans l’âme, je vais donc retirer mes amendements. Les paradis fiscaux, en plus d’être immoraux, sont un enfer pour certains pays en développement. Certes, l’étape que nous allons franchir aujourd’hui en appelle d’autres, et des précisions seront nécessaires en séance, notamment sur ce que l’on entend par le « nom […] d’activité ». Reste que, depuis des années, des ONG ont établi des critères très précis ; je ne comprends donc pas la mansuétude dont on fait preuve aujourd’hui à l’égard de pratiques qu’il ne faut pas hésiter à qualifier de crapuleuses.

Mme Eva Sas. Je remercie la rapporteure de son soutien à l’amendement CF 140, même si je lui préfère les amendements CF 141 et CF 142, qui satisferaient M. Cherki et M. Potier, et que nous avons également élaborés avec les ONG. Comme l’a observé M. Alauzet, je ne vois aucune raison de ne pas inclure le critère du bénéfice net, puisque ce dernier est désormais public.

M. Pierre-Alain Muet. Nous allons voter une mesure importante, que le groupe SRC a longtemps défendue.

Mme la rapporteure. Le produit net bancaire, monsieur Bui, n’est pas le résultat net mais le chiffre d’affaires. L’obligation, pour les banques, de publier cette donnée, avec celle qui concerne les effectifs, constitue une première au monde : cela nous permettra de connaître la nature d’opérations réalisées dans certains pays.

Pour le Parlement européen, qui débat actuellement de cette question, notre vote de ce soir sera un appui considérable.

M. Jean Launay. Un « tiens » valant mieux que deux « tu l’auras », je retire mon amendement CF 55.

M. le président Gilles Carrez. Sans vouloir rompre cette belle unanimité, je veux interroger le ministre sur deux points.

En premier lieu, je conçois que les listes, la noire et la grise, soient insuffisantes ; mais de là à exiger des banques françaises, dès le 1er janvier 2014, un compte rendu de leurs activités dans l’ensemble des pays de l’OCDE, il y a un pas que je n’oserais franchir. Nos banques, notamment grâce à des stratégies d’acquisition externe, ont consolidé l’emploi en France : le fait d’être les seules à devoir livrer à la concurrence des données précises sur leurs forces et leurs faiblesses risque assurément de les fragiliser. Si je puis approuver la publication de telles informations pour les activités développées dans un nombre limité de pays, le faire pour l’ensemble des pays expose l’un de nos rares secteurs industriels à peu près prospères à des risques inutiles. En outre, je me méfie toujours de ces décisions par lesquelles la France entend éclairer le monde admiratif, car je ne suis pas du tout sûr, en l’occurrence, que ce dernier la suivra.

Par ailleurs, je veux bien que l’on exige des banques une telle transparence, et ce à des échéances très proches. Mais je rappelle avoir écrit au ministre des finances le 7 novembre dernier pour lui demander la mise au point d’un indicateur, comprenant des éléments fiscaux et non fiscaux, afin de mesurer l’ampleur réelle de l’exil fiscal. J’attends toujours sa réponse. Un premier élément, très limité, m’a été communiqué le 24 décembre dernier ; mais je trouve pour le moins paradoxal d’exiger des informations de la part des banques quand le président de la commission des Finances ne peut obtenir du Gouvernement, dans des délais décents, des informations d’un intérêt évident.

M. le ministre. S’agissant du second point, je comprends votre colère mais le problème est technique : il va de soi, monsieur le président, que mon ministère vous doit cette réponse, et qu’il n’y a aucune volonté de dissimulation de sa part. J’essaierai donc de vous apporter, d’ici à la fin de cette séance, quelques explications sur ce retard qu’il convient de combler au plus vite.

Sur le premier point, votre argumentation me semble aller dans le sens même de l’amendement CF 140. Lorsqu’ils étaient députés, des membres du Gouvernement actuel combattaient certaines dérives du système bancaire dans les paradis fiscaux. La mesure que votre Commission s’apprête à voter est en conformité avec les objectifs du projet de loi, qu’il s’agisse de la protection des déposants et des contribuables ou de la lutte contre la spéculation. L’absence de liste de pays évitera toute stigmatisation ; mais la mention des activités et des effectifs mettra en évidence les éventuelles distorsions entre les premières et les seconds dans tel ou tel pays. Ces distorsions peuvent d’ailleurs être fondées, mais il appartiendra aux banques de les justifier.

En revanche, nous devons effectivement nous garder de créer des distorsions de concurrence dont pâtiraient nos banques. Certains pays de l’OCDE où sont localisées les activités bancaires pourraient également critiquer le paiement d’impôts en France, relançant ainsi le débat sur la localisation de l’assiette fiscale, ce qui pourrait avoir un impact budgétaire pour la France. Cette avancée majeure, que notre pays serait le premier à accomplir, ne doit cependant pas nous effrayer : il convient de la cibler au mieux et de l’accompagner d’une coopération internationale. Bien que très audacieux, l’amendement CF 140 me semble donc raisonnable, y compris sur l’avancement de la date d’application.

M. Christian Paul. Je me réjouis que, grâce au travail parlementaire, la question des paradis fiscaux s’invite dans ce projet de loi : elle mérite sans doute d’être débattue jusqu’à l’examen en séance.

Les amendements CF 13, CF 55, CF 103, CF 141, CF 142, CF 157, CF 163 et CF 179 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CF 140.

Elle examine ensuite l’amendement CF 128 de M. Guillaume Bachelay.

Mme Sandrine Mazetier. Par cet amendement, nous proposons la tenue annuelle d’un débat, au sein des commissions des Finances et des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur la liste des pays non coopératifs.

Mme la rapporteure. Il me semble difficile de contraindre l’agenda de la Commission ; je laisse ses instances en décider.

Mme Sandrine Mazetier. Je retire l’amendement, même s’il serait intéressant, monsieur le président, d’avoir votre avis à son sujet.

M. le président Gilles Carrez. À chaque loi de finance doit désormais être annexée la liste des pays non coopératifs : rien ne nous interdit donc d’en parler lors du débat budgétaire annuel, même si cette liste tend à se réduire comme peau de chagrin.

Mme Sandrine Mazetier. Il conviendrait sans doute de croiser plusieurs listes.

L’amendement CF 128 est retiré.

La Commission est ensuite saisie, en discussion commune, des amendements CF 102 de Mme Sandrine Mazetier et CF 162 de M. Christian Paul.

Mme Sandrine Mazetier. Je retire l’amendement CF 102, qui a été satisfait par l’amendement CF 309.

L’amendement CF 102 est retiré.

M. Christian Paul. L’amendement CF 162, qui répond aux préoccupations de nombreuses collectivités s’agissant de pratiques observées lors de la dernière décennie, propose d’exclure des souscriptions d’emprunt public les banques ayant noué des liaisons dangereuses avec des paradis fiscaux. Sans méconnaître les difficultés d’accès au crédit de certaines collectivités, nous pensons que cet amendement prolonge utilement ceux qui ont été précédemment débattus.

Mme la rapporteure. Les mesures que nous venons d’adopter satisfont largement cet amendement. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement CF 162.

Elle examine ensuite l’amendement CF 139 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Nous proposons que les banques rendent public un rapport annuel sur leurs investissements dans l’économie réelle, plus précisément en faveur des PME, des TPE et des entreprises de taille intermédiaire.

Mme la rapporteure. Je comprends l’esprit de cet amendement, mais ce point fait déjà l’objet d’un suivi précis au niveau national. De plus, le rapport que vous préconisez se heurterait sans doute au problème du secret statistique. Trop de statistique tue la statistique. Avis défavorable.

L’amendement CF 139 est retiré.

La Commission est ensuite saisie de l’amendement CF 178 de M. Pascal Cherki, qui fait l’objet du sous-amendement CF 301 de la rapporteure.

M. Pascal Cherki. L’objectif de cet amendement est de contribuer à la lutte contre le blanchiment. En plus de la déclaration de soupçon serait créé un nouveau régime, plus objectif, défini à l’article L. 561-15-1 du code monétaire et financier.

Mme la rapporteure. Je tiens à remercier M. Cherki et tous les députés qui ont cosigné l’amendement CF 178, car la lutte directe menée par Tracfin demeure à l’heure actuelle l’action la plus efficace contre la fraude. Je donne donc un avis favorable à cet amendement sous réserve que soit adopté mon sous-amendement rédactionnel CF 301.

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis elle adopte l’amendement ainsi sous-amendé.

L’amendement CF 143 de M. Éric Alauzet est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 53 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement vise à supprimer les stock-options dans les groupes bancaires. Ce sont en effet des incitations à prendre des risques inconsidérés, qui procurent en outre un enrichissement d’autant plus discutable qu’il est lié à des performances boursières et non aux performances de l’entreprise.

Autant les stocks-options peuvent être utiles à de très petites entreprises nouvellement créées, dont les dirigeants se contentent de très faibles rémunérations en attendant le succès de leur pari, autant elles sont inacceptables au sein d’une grande entreprise financière dont le cours de l’action dépend surtout de l’évolution du marché boursier. De plus, la profession financière dispose de très nombreux moyens de doper artificiellement son cours de bourse, y compris par des acrobaties comptables.

Mme la rapporteure. Comme je l’ai déjà dit, ce ne sont pas les stocks-options en tant que telles qui sont dangereuses, mais l’usage qui en est fait. Par ailleurs, il convient de traiter la question de la rémunération de manière globale, et non au travers d’un seul élément. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle examine l’amendement CF 47 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement plafonne à un niveau raisonnable la part variable des rémunérations des traders : à 100 % de la rémunération fixe.

Mme la rapporteure. Je le répète : il convient de traiter l’ensemble de la question des rémunérations, et non pas simplement quelques-uns de ses aspects. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 46 de M.  Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement vise à instaurer le même plafonnement que le précédent, mais cette fois pour la rémunération des dirigeants des banques et des mandataires sociaux, les rémunérations variables très élevées ayant contribué à l’augmentation des risques pris par les banques.

Mme la rapporteure. Si je partage, comme M. le ministre, le souci de M. Jean Launay de réguler les rémunérations, notamment dans le secteur financier, il conviendra d’y répondre en conformité avec la réglementation européenne en cours d’élaboration.

La Commission rejette l’amendement.

*

* *

Titre II

MISE EN PLACE DU RÉGIME DE RÉSOLUTION BANCAIRE

Chapitre Ier

Institutions en matière de prévention et de résolution bancaires

Section 1

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Article 5

Organisation et missions de l’Autorité de contrôle prudentiel
et de résolution

Articles L. 612-1, L. 612-4 à L. 612-8-1, L. 612-10, L. 612-12, L. 612-13, L. 621-33, L. 612-36 et L. 612-38 du code monétaire et financier

1.– Les missions et l’organisation actuelles de l’Autorité de contrôle prudentiel

Créée par l’ordonnance du 21 janvier 2010 et installée en mars 2010, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) est issue du rapprochement entre, d’une part, les autorités d’agrément qu’étaient le comité des entreprises d’assurance et le comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, et, d’autre part, les autorités de contrôle des secteurs de la banque et de l’assurance qu’étaient la commission bancaire et l’autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. En fusionnant ces structures, les autorités publiques ont voulu créer une autorité de supervision forte disposant d’une vision globale du secteur financier.

Selon l’article L. 612-1 du code monétaire financier, l’ACP « veille à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle ». Pour ce faire, elle est chargée de l’agrément et du contrôle des établissements bancaires et des organismes d’assurance.

Le schéma suivant présente l’organisation actuelle de l’ACP.

ORGANISATION DE L’ACP

Source : www.acp.banque-france.fr

2.– Une nouvelle mission : la prévention et la résolution des crises bancaires

L’alinéa 4 du présent article donne à l’ACP une nouvelle mission : elle doit désormais veiller à l’élaboration et à la mise en œuvre de mesures de prévention et de résolution des crises bancaires prévue par l’article 7 du projet de loi. Il s’agit de limiter ou de prévenir une défaillance bancaire qui aurait « de graves conséquences pour l’économie », de protéger les déposants et d’éviter, autant que faire se peut, le recours au soutien financier public. L’ACP a donc vocation à intervenir en amont et en aval. Plus son travail de régulation et de surveillance initiale du système financier sera efficace, moins elle devra mettre en place des mesures correctrices ou permettant d’éviter la contagion d’une crise.

a) La nouvelle organisation de l’ACPR

Le projet de loi modifie en conséquence le nom et l’organisation de l’ACP en créant notamment un collège de résolution. La nouvelle autorité est ainsi dénommée Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Le collège de résolution vient en complément du schéma actuel, l’actuel collège étant désormais dénommé collège de supervision. Le schéma suivant présente la nouvelle organisation de l’ACP.

ORGANISATION DE L’ACPR

Source : www.acp.banque-france.fr et projet de loi

Le nouveau collège de résolution est présidé par le Gouverneur de la Banque de France et comprend le président de l’autorité des marchés financiers (AMF), le président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution, le directeur général du Trésor et le sous-gouverneur de la Banque de France.

b) Les missions et l’organisation du collège de résolution

 Le collège de résolution est chargé de la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions relatives à la résolution bancaire, qu’il s’agisse des mesures préventives ou correctrices (cf. article 7). Conformément à l’article L. 312-5 du code monétaire et financier, il peut également demander la mise en œuvre du fonds de garantie, soit à titre préventif (II de l’article L. 312-5) soit lorsqu’un établissement n’est « plus en mesure de restituer, immédiatement ou à terme rapproché, les fonds qu’il a reçus du public ».

Le collège de résolution ne peut délibérer que si la majorité de ses membres sont présents et ses décisions sont prises à la majorité. En cas d’égalité, la voix du président est prépondérante.

Lorsque le collège prend une décision pouvant entraîner, immédiatement ou non, l’appel à des concours publics, le directeur général du Trésor ou son représentant dispose d’un droit de veto ; la décision ne peut en effet être adoptée sans son accord. Cette disposition (alinéa 19) concerne surtout les décisions qui engagent les ressources du fonds de garantie et de résolution.

 L’actuel article L. 612-12 du code susvisé donne au collège de supervision le pouvoir de déterminer le mode d’organisation et de fonctionnement, le budget et le règlement intérieur de l’ACP. L’alinéa 16 du présent article maintient ce régime mais exclut le nouveau collège de résolution de son champ : compte tenu de son importance, l’organisation du collège de résolution est fixée par la loi et l’organisation des services qui l’assiste est fixée par un décret en Conseil d’État. Par ailleurs, le directeur dudit collège est nommé par arrêté du ministre de l’Économie, sur proposition du président du collège. À ce jour, seul le secrétaire général de l’ACP est soumis à ce mode de désignation.

Cette disposition vise à assurer une indépendance suffisante à la direction qui sera chargée des sujets liés à la résolution et à son directeur, et ce afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêt avec les autres missions de supervision de l’ACPR. Le directeur ne rendra compte qu’au collège de résolution, échappant ainsi à la chaîne hiérarchique ordinaire de l’ACPR. En d’autres termes, le directeur du service de résolution ne relèvera pas du secrétaire général de l’ACPR, contrairement aux autres agents de l’autorité.

Cette disposition n’affaiblit en rien l’autorité ou les prérogatives du secrétaire général qui reste compétent pour les missions transversales et qui continue à avoir autorité sur les services de l’ACPR.

 Les membres du collège de résolution et les agents chargés de les assister ont accès à l’ensemble des informations détenues par ailleurs par l’ACPR. Cet échange est indispensable, notamment pour les missions de prévention, le collège de résolution devant pouvoir déterminer le plus tôt possible une possible faille dans le marché. De même, il doit, en lien avec le collège de résolution, être en mesure d’évaluer en permanence le risque pesant sur chaque entité soumise à son contrôle. Cette cartographie constituera un outil précieux : faute de moyens illimités, l’ACPR ne pourra pas suivre avec précision tout le marché, mais devra concentrer son travail sur les éléments les plus incertains.

Enfin l’alinéa 21 étend aux banques une mesure d’intervention précoce existant en matière assurantielle. L’ACPR pourra ainsi « prononcer le transfert d’office de tout ou partie d’un portefeuille de crédits ou de dépôts d’un établissement de crédit » lorsque la solvabilité ou la liquidité de l’établissement est compromise ou susceptible de l’être.

3.– Les corrections en conséquence dans le code monétaire et financier

Les alinéas 21 à 26 tirent les conséquences de cette nouvelle organisation en modifiant l’ensemble des articles du code monétaire et financier relatifs à l’ACPR.

Il s’agit de distinguer les pouvoirs propres du collège de résolution de ceux du collège de supervision. Il convient néanmoins de compléter ces alinéas, plusieurs dispositions du code devant être également modifiées.

*

* *

La Commission examine l’amendement CF 3 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la commission des Affaires économiques. Le présent amendement vise à préciser le fonctionnement du système de régulation et de supervision bancaire grâce à une clarification des rôles respectifs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers, dont les missions ne doivent pas être confondues.

L’ACPR aura pour rôle de contribuer à la préservation de la stabilité du système financier, sans directement « veiller » à cette préservation, ce qui revient au Conseil de stabilité financière.

Mme la rapporteure. Les missions de l’ACPR sont définies dans les textes avec suffisamment de précision : il n’est donc pas nécessaire de les clarifier. Du reste, le président de cette autorité m’a indiqué ne pas souhaiter cette modification. Je vous invite donc à retirer votre amendement.

L’amendement CF 3 est retiré.

La Commission examine ensuite les amendements CF 292 de la commission des Lois, CF 144 de Mme Eva Sas et CF 28 de M. Jean Launay, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis de la commission des Lois. Le texte prévoit que le collège de résolution est composé de cinq membres : le gouverneur et le sous-gouverneur de la Banque de France, le directeur général du Trésor, le président de l’AMF, et le président du directoire du Fonds de garantie des dépôts et de résolution.

Des impératifs de célérité, d’efficacité et de confidentialité doivent évidemment être pris en considération pour déterminer la composition de ce collège, mais il nous semble utile d’élargir celle-ci. D’où l’amendement CF 292 qui propose de porter le nombre des membres à huit en y incluant deux personnalités qualifiées, désignées par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat, et un magistrat de la Cour de cassation, proposé par le Premier président.

Mme la rapporteure. La composition de ce collège doit nécessairement être très restreinte car il lui faut se réunir dans des conditions de confidentialité absolue – les informations qu’il détient peuvent bouleverser des équilibres financiers ou des marchés – en vue de résoudre la crise en l’espace d’un week-end – entre le vendredi à minuit et le dimanche à minuit. Le président de l’AMF nous a ainsi confié lors de son audition que certaines très hautes personnalités n’avaient pas été mises au courant du débouclage par la Société générale des positions prises par Jérôme Kerviel, entre le dimanche et le lundi après-midi, afin d’en assurer la confidentialité.

Il serait déraisonnable d’adopter un tel amendement. Avis défavorable.

M. le ministre. S’il est possible d’élargir la composition du Conseil de stabilité financière, il importe en revanche de garantir la confidentialité des informations détenues par les membres du collège de résolution. Je demande donc le retrait de cet amendement.

Mme Éva Sas. L’amendement CF 144 va dans le même sens que l’amendement de la commission des Lois. Les autorités appelées à gérer le risque bancaire ne doivent pas être uniquement composées de banquiers.

M. Jean Launay. Je maintiens que l’absence de représentants politiques, de personnalités qualifiées et de juge est difficilement acceptable au sein d’un organe disposant de pouvoirs considérables de résolution et de liquidation, d’autant que la Banque de France est à la fois juge et partie en tant que principal prêteur des banques. Monsieur le président, n’avez-vous pas dit à M. Noyer, lors de son audition, que vous ne saviez pas si vous deviez l’appeler « monsieur le gouverneur » ou « monsieur le président » ?

C’est pourquoi le collège de résolution doit être présidé par un juge et des parlementaires doivent en faire partie. Tel est l’objet de l’amendement CF 28.

M. Dominique Lefebvre. Vouloir que le Parlement soit représenté directement ou indirectement au sein du collège de résolution me paraît relever d’une totale confusion des rôles. Il est hautement préférable que les personnes qui sont en situation de responsabilité – le gouverneur de la Banque de France, le président de l’AMF, le président du directoire du Fonds de garantie ou le directeur général du Trésor – viennent a posteriori rendre compte devant le Parlement de leurs décisions. Impliquer le Parlement dans la gestion des crises le mettrait en porte-à-faux en lui retirant une part de son pouvoir d’appréciation a posteriori. Je plaide pour une grande clarté des responsabilités : le rôle des parlementaires n’est pas de figurer dans la procédure de résolution, mais d’en obtenir le compte rendu.

M. le président Gilles Carrez. Je partage totalement le point de vue de M. Lefebvre. Nous avons trop souvent la tentation d’envoyer des représentants dans des instances exécutives, ce qui rend le Parlement juge et partie et altère ses possibilités d’intervention. Ainsi, je ne suis pas certain que, si la question se posait aujourd'hui, nous demanderions toujours à avoir des représentants au sein de l’établissement public de réalisation de défaisance du Crédit lyonnais.

M. Pierre-Alain Muet. Le principe de la séparation des pouvoirs donne aux parlementaires le pouvoir de contrôler l’exécutif, quel qu’il soit, ce qui devrait leur interdire de siéger dans les instances relevant de celui-ci.

La régulation bancaire a toujours été assurée en France par la banque centrale, parce qu’elle connaît bien le système bancaire : c’est à mes yeux une saine tradition, dont l’Europe aurait dû s’inspirer pour la BCE. Malheureusement, elle ne l’a pas fait pour complaire aux pays dotés de modes de régulation différents.

Le rôle central de la Banque de France n’a rien de choquant car elle se tient journellement au courant de la situation des banques.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. L’amendement CF 292 ne vise pas tant à introduire des parlementaires dans la composition du collège de régulation qu’à impliquer les présidents des deux assemblées dans le mode de désignation des membres de ce collège.

S’agissant de la présence d’un magistrat de la Cour de cassation, si Mme la rapporteure et M. le ministre estiment que la sécurité juridique des mesures de police qui seront prises par l’ACPR est assurée, je retirerai mon amendement.

M. Jean Launay. Je pensais tout d’abord retirer mon amendement au profit de celui de la commission des Lois. Comme Mme la rapporteure pour avis envisage de le retirer, je retire également le mien.

Mme Éva Sas. Je retire également le mien tout en notant la proposition du ministre d’ouvrir la composition du Conseil de stabilité financière.

Mme la rapporteure. Il convient, c’est vrai, madame Lemaire, de conforter la sécurité juridique des décisions de l’ACPR d’ici à la discussion en séance publique. Votre souci est légitime.

M. le président Gilles Carrez. Le président de l’Autorité de contrôle prudentiel n’a pas répondu aux questions qui lui ont été posées sur le sujet lors de son audition de la semaine dernière, ce que je trouve regrettable. Que se passera-t-il en cas de contestation des décisions de l’Autorité ? Nous l’ignorons toujours.

Mme Axelle Lemaire. Je retire mon amendement.

Les amendements CF 292, CF 144 et CF 28 sont retirés.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 4 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. Le présent amendement prévoit que le collège de résolution de la future Autorité de contrôle prudentiel et de résolution comprendra également deux personnalités issues du monde bancaire.

Mme la rapporteure. Je rappelle ce que j’ai dit précédemment sur la nécessité de garantir la confidentialité au sein du collège de résolution. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement CF 4 est retiré.

Puis la Commission adopte l’amendement de coordination CF 252 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CF 145 de Mme Éva Sas.

Mme Éva Sas. Cet amendement vise à garantir la parité au sein du collège de résolution, en cohérence avec la loi créant la Banque publique d’investissement.

Mme la rapporteure. Je suis d’autant plus sensible à la question de la parité que la rédaction initiale du projet de loi faisait à celle-ci une place bien trop modeste. Toutefois, le collège de résolution étant composé de cinq membres nommés ès qualités, il sera impossible de satisfaire cet amendement ! Avis défavorable.

M. le ministre. La parité est un sujet politique important. C’est pourquoi j’ai proposé que toutes les instances de la Banque publique d’investissement soient paritaires. Mais bien des progrès restent à faire à cet égard, notamment au sein du ministère des Finances…

Toutefois, outre que les membres du collège de résolution sont en effet en nombre impair, ils sont nommés ès qualités, si bien qu’on ne peut garantir la parité en ce qui les concerne.

M. le président Gilles Carrez. Le président de la commission des Finances a un peu le même problème puisqu’il doit nommer un membre, et un seul, au Haut conseil des finances publiques. Sa décision dépendra donc de celle du président de l’Assemblée nationale, qui nomme l’autre membre.

M. le ministre. Mais le Haut conseil est paritaire.

M. le président Gilles Carrez. Madame Sas, retirez-vous votre amendement ?

Mme Éva Sas. Je le retire non sans souligner que partout où il n’existe pas d’obligation en la matière, les instances sont composées exclusivement d’hommes avec, parfois, une femme « alibi ».

L’amendement CF 145 est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 37 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Il semble incompréhensible qu’une autorité indépendante puisse prendre des décisions qui pèseront sur le budget public, fût-ce avec l’accord du directeur général du Trésor. C’est pourquoi cet amendement vise à demander un vote du Parlement pour autoriser l’ACPR à engager des fonds publics.

Mme la rapporteure. Les décisions du conseil de résolution devant parfois être prises dans l’espace d’un week-end, je vois mal comment il serait possible de convoquer et de réunir le Parlement dans un laps de temps si court. Avis défavorable.

M. Jean Launay. En cas d’engagement de nos forces armées dans un conflit, le Parlement doit autoriser la prolongation de la mission dès lors qu’elle dépasse quatre mois. Il bénéficie en outre d’une information dans les trois jours suivant le déclenchement de l’opération. Ne serait-il pas possible de trouver un mécanisme identique pour les décisions du conseil de résolution ? Après tout, ces affaires peuvent ressortir à la guerre économique…

M. Dominique Lefebvre. Je tiens à rappeler que les concours publics sont de deux ordres : garantie donnée par l’État ou mise en jeu de crédits budgétaires. Dans les deux cas, le Parlement doit voter. C’est du reste ce qui s’est passé quand le ministre de l’Économie a apporté la garantie de l'État à la filiale bancaire de PSA, Banque PSA Finance, ou au Crédit immobilier de France. Ces garanties ne sont devenues effectives qu’après leur adoption par le Parlement, qui aurait pu les refuser. Le débat devant le Parlement aura donc forcément lieu à un moment ou à un autre.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement de coordination CF 253 rectifié de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CF 146 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement prévoit que l’ACPR adresse au Parlement deux fois par an la liste et le motif des saisines engagées au cours du semestre précédent. Cela donnera aux assemblées l’occasion de manifester leur engagement en faveur de l’action menée par cette autorité.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, car il faut tenir compte du fonctionnement des marchés financiers : il suffit que soient ébruitées les difficultés passées d’une banque pour que celle-ci soit immédiatement attaquée sur les marchés financiers – chacun connaît le sort des banques espagnoles, mais je pourrais également citer le cas de la partie banque d’investissement d’une banque française.

Il serait contre-productif pour le système de résolution que nous mettons en place de permettre que soit rouverte a posteriori une quelconque boîte de Pandore aux dépens d’un établissement bancaire qui aurait fait l’objet d’une saisine.

L’amendement CF 146 est retiré.

Puis la Commission adopte l’article 5 ainsi modifié.

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Après l’article 5

La Commission examine l’amendement CF 41 de M. Jean Launay, portant article additionnel après l’article 5.

M. Jean Launay. Il convient de limiter les possibilités offertes au superviseur de se montrer bienveillant envers les banques à problèmes, car l’expérience montre que plus l’on fait preuve d’attentisme, plus les crises bancaires coûtent cher aux contribuables. L’amendement instaure donc des seuils qui déclenchent obligatoirement une intervention, pour ne pas laisser l’ACPR totalement libre de son appréciation.

Mme la rapporteure. Le problème des buffers de résolution – qui déclenchent la procédure de résolution – est une question sensible que je vous remercie de soulever, mon cher collègue. Il y va de notre capacité à comprendre ce qui déclenche une crise financière. Or la conviction que votre rapporteure s’est forgée au fil des auditions est qu’il n’existe pas en la matière de critères universels : il faut procéder au cas par cas en tenant chaque fois compte de la situation macroéconomique et de celle de l’établissement. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

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Avant l’article 6

La Commission en vient à l’amendement CF 25 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Défendu.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, car le fonds de garantie des dépôts et de résolution doit être le plus important possible. En outre, selon le projet de directive européenne, chaque pays peut opter ou non pour la fusion.

M. Jean Launay. Je maintiens mon amendement, car même s’il n’y a qu’un seul fonds, il faut en protéger la partie affectée à la garantie des dépôts.

La Commission rejette l’amendement.

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Section 2

Le fonds de garantie des dépôts et de résolution

Article 6

Missions du fonds de garantie des dépôts et de résolution

Article L. 312-4, L. 312-5, L. 312-15 et L. 312-16 du code monétaire et financier

1.– Les missions et l’organisation du fonds de garantie des dépôts

a) Les missions du fonds

Créé par la loi du 25 juin 1999 sur l’épargne et la sécurité financière, le fonds de garantie des dépôts a pour mission principale d’indemniser aussi rapidement que possible les déposants lorsque l’établissement auquel ils ont confié leurs avoirs ne peut plus faire face à ses engagements. Cette protection n’est toutefois pas absolue puisqu’il existe notamment un plafond d’indemnisation à hauteur de 100 000 euros (36). Les règles précisant le fonctionnement du fonds et l’indemnisation des déposants sont fixées par arrêté homologuant un règlement bancaire, en l’espèce le règlement n° 99-06 du 9 juillet 1999 relatif aux ressources et au fonctionnement du fonds de garantie des dépôts et le règlement n° 99-12 du 9 juillet 1999 relatif aux modalités et aux délais d'indemnisation par le mécanisme de garantie des cautions.

Outre la garantie des dépôts, le fonds gère deux autres mécanismes de garantie :

– la garantie des investisseurs (ou garantie des titres) au bénéfice des clients des entreprises d’investissement, avec un plafond à 70 000 euros ;

– la garantie des cautions au bénéfice des clients des organismes délivrant des cautions obligatoires.

La mise en œuvre du fonds de garantie se fait sur demande de l’ACP lorsqu’elle constate qu’un établissement n’est plus en mesure de restituer les fonds qu’il a reçus du public. L’intervention du fonds entraîne alors automatiquement la radiation de l’établissement de la liste des établissements de crédit agréés. Le fonds peut également intervenir à titre préventif sur proposition de l’ACP. Il définit avec elle les conditions de son intervention ; il peut notamment subordonner son action à la cession totale ou partielle de l’établissement de crédit ou à l’extinction de son activité, notamment par la cession de son fonds de commerce. Ce mécanisme est applicable aussi bien à la garantie des espèces qu’à celle des titres ou à celle des cautions.

b) L’organisation du fonds

Le fonds de garantie des dépôts est une personne morale de droit privé dirigé par un directoire agissant sous le contrôle d’un conseil de surveillance.

Le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion du fonds par le directoire. À ce titre, il nomme ou révoque les membres du directoire, nomme les commissaires aux comptes, approuve les comptes annuels, décide de toute intervention préventive et des conditions fixées pour celle-ci et autorise l’engagement de toute action en responsabilité à l’égard des dirigeants de droit ou de fait.

Il se compose de onze membres (neuf personnes pour le mécanisme de garantie espèces et cautions, auxquels s’ajoutent deux membres représentant les adhérents qui ne sont pas des établissements de crédit pour le mécanisme de garantie des titres). Quatre d’entre eux sont désignés d’office par les quatre établissements dont la contribution au fonds de garantie des dépôts est la plus élevée, les autres membres sont élus par les autres adhérents. Le président du conseil de surveillance est actuellement Jean Clamon, directeur général délégué de BNP PARIBAS.

Le directoire établit et présente au conseil de surveillance les comptes annuels, prépare le rapport relatif à toute intervention préventive et définit les modalités de l’information qui doit être délivrée à la clientèle des adhérents. Son président, dont la nomination est soumise à l’agrément du ministre chargé de l’économie, représente le fonds. Actuellement ce poste est occupé par Thierry Dissaux.

Le fonds dispose par ailleurs d’un comité juridique dont les avis sont portés à la connaissance du conseil de surveillance ainsi que d’un comité de gestion de la trésorerie. Ces comités sont majoritairement composés de professionnels du secteur.

c) Les moyens du fonds

 Le fonds est financé par les versements obligatoires des établissements de crédit. Ses ressources annuelles sont fixées par un arrêté du ministre de l'économie ; en 2012 elles atteignaient 300 millions d’euros. Ce montant est réparti entre les adhérents selon des critères fixés par arrêté. Les ressources totales actuelles du fonds sont de 2,3 milliards d’euros.

Au titre de la garantie des dépôts, le fonds n’est intervenu jusqu’à présent qu’une seule fois s'agissant d'un établissement de crédit, le Crédit martiniquais, défaillant à la fin des années 1990. Le montant final du sauvetage n’est pas encore connu en raison d’un contentieux en cours, mais devrait être limité.

Il est depuis lors intervenu dans le cadre de sa mission de garantie des titres sur le dossier EGP.

EGP était une entreprise d’investissement agréée en 2006 en France, disposant d’un établissement à Bordeaux et d’une succursale à Rome. Elle était habilitée à fournir les services de gestion de portefeuille pour compte de tiers, de conseil en investissement et de réception et transmission d’ordres. En France, EGP avait confié à un établissement financier tiers, habilité à exercer cette fonction, l’enregistrement, la conservation et l’administration de l’épargne des clients de son établissement de Bordeaux sur une base individualisée.

À ce jour, les anciens dirigeants d’EGP sont poursuivis pour de nombreux délits et leur procès s’est ouvert devant le Tribunal correctionnel de Rome. Préalablement, le 12 janvier dernier, le Tribunal de commerce de Bordeaux a placé EGP en liquidation et nommé un liquidateur judiciaire tandis que, concomitamment, la Banque d’Italie a placé la succursale de Rome en liquidation administrative forcée et nommé un liquidateur dépendant d’elle.

En 2011, le fonds a fait connaître à tous les clients de la succursale italienne d’EGP quelle était la position de leurs avoirs, les a informés de leur éligibilité ou non à la garantie des titres, et a notifié à ceux qui sont éligibles le montant des indemnités qui leur sont proposées.

Au total, compte tenu de l’application des plafonds réglementaires d’indemnisation, 151 clients sont indemnisés pour un montant de près de 8,4 millions d’euros, dont 3,2 millions d’euros correspondant à leurs titres et 5,2 millions d’euros correspondant à leurs espèces (37).

 Le projet de loi prévoit que l’ensemble des entités pouvant bénéficier de l’intervention du fonds y adhèrent (alinéa 4), c'est-à-dire que tous les établissements financiers sont concernés et plus seulement les seuls établissements de crédit.

2.– L’intervention du fonds en matière de résolution bancaire

L’alinéa 4 du présent article étend le champ d’intervention du fonds aux compagnies financières, compagnies financières holding mixtes et aux entreprises d’investissement, à l’exception des sociétés de gestion de portefeuille. Ce faisant, toutes les entités ayant une activité sur les marchés financiers peuvent potentiellement bénéficier d’une intervention du fonds. Toutefois seuls les établissements de crédit bénéficient des dispositifs de garantie ; les autres structures ne sont concernées que par les procédures de résolution.

a) La saisine du fonds

Les alinéas 6 à 10 déterminent les conditions dans lesquelles l’ACPR saisit le fonds pour qu’il mette en œuvre une ou des mesures au titre de la résolution d’une crise bancaire. Cette saisine intervient si l’ACPR estime que l’entité concernée est défaillante et qu’il n’existe aucune perspective pour éviter cette défaillance dans un délai raisonnable sans la mise en œuvre de mesures de résolution, voire d’un programme de rétablissement. Le fonds ne peut en aucun cas intervenir de sa propre initiative, seule l’ACPR peut déclencher la procédure. Ce filtrage est indispensable dans la mesure où l’ACPR a pour mission de contrôler constamment la situation du marché et d’évaluer les risques de chaque structure.

Pour autant, le fonds n’intervient pas nécessairement dans toutes les résolutions, l’ACPR pouvant elle-même prendre un certain nombre de mesures, qu’il s’agisse de la nomination d’un administrateur provisoire, de la révocation d’un dirigeant, du transfert d’office de tout ou partie d’une ou plusieurs branches d’activité de la personne ou cause ou du recours à un établissement relais (cf. infra). L’intervention du fonds n’est par ailleurs demandée que si elle ne risque pas de propager les difficultés de la personne en cause aux autres adhérents du fonds.

b) Les modalités d’intervention du fonds

Les modalités d’intervention du fonds sont fixées par l’ACPR, et plus spécifiquement par le collège de résolution. Il peut intervenir pour reprendre ou poursuivre les activités cédées ou transférées. Les montants à sa charge doivent être strictement nécessaires et surtout l’engagement financier du fonds ne vient qu’après que la personne concernée a pris des mesures pour absorber le montant des dépréciations. En d’autres termes, le fonds ne saurait se substituer à la personne concernée : il n’intervient qu’en dernier ressort, une fois que toutes les autres options ont été épuisées. Ce mécanisme apparaît pertinent : il responsabilise les acteurs financiers et évite l’aléa moral consistant à reporter sur le fonds les conséquences des risques. Les banques ne pourront pas bénéficier d’un soutien public sans condition, ce qui ne les aurait pas incitées à une gestion saine de leurs activités.

En pratique, le fonds intervient d’une des façons suivantes :

– il acquiert tout ou partie des actions ou des parts sociales de l’établissement concerné ;

– il souscrit au capital de l’établissement-relais mis en place par l’ACPR ;

– il souscrit à une augmentation du capital de l’établissement défaillant ou de l’établissement-relais ;

– il accorde des financements à l’établissement ou à l’établissement-relais sous n’importe quelle forme, y compris sous forme de garanties ;

– il prend en charge une partie du coût des mesures destinées à garantir la solvabilité d’un établissement de crédit. Cette disposition concerne plus spécifiquement les groupes mutualistes dotés d’un organe central. Le fonds peut intervenir en soutien de l’action de l’organe central comme cela existe déjà dans le régime préventif mais aussi sans sa demande si ce dernier n’agit pas pour supprimer la condition de l'intervention préalable.

c) Le régime de responsabilité applicable au fonds

Dans tous les cas, les sommes versées par le fonds bénéficient du privilège prévu par l’article L. 611-11 du code de commerce, c’est-à-dire qu’elles seront payées en priorité en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation.

En outre le fonds ne saurait être tenu pour responsable des préjudices subis du fait de ses concours sauf en cas de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Les recours contre les interventions du fonds se font devant le juge administratif, juridiction également compétente pour connaître des décisions de l’ACPR.

d) Les pouvoirs d’information du fonds

Les alinéas 21 à 24 organisent la communication d’informations au fonds afin de lui permettre d’intervenir en pleine connaissance de cause. Sont visées :

– les données détenues par les adhérents du fonds dès lors qu’elles sont nécessaires à sa mission, sans que les adhérents puissent lui opposer le secret professionnel ;

– l’ensemble des documents comptables, juridiques, administratifs et financiers de l’établissement qui pourrait bénéficier de l’intervention du fonds, y compris les données couvertes par le secret professionnel et les rapports des commissaires aux comptes. La transmission de ces éléments se fait via l’ACPR.

Le fonds peut partager ces données avec les personnes qui concourent, sous sa responsabilité, à l’accomplissement de ses missions. Il peut en effet avoir besoin de faire appel à des personnes extérieures, comme des consultants, pour venir en appui dans l’exercice de ses missions afin de pouvoir mobiliser rapidement l’expertise nécessaire. L’alinéa 24 permet d’étendre les règles de secret professionnel à ces personnes.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 33 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Il s’agit de permettre aux nouveaux adhérents du fonds d’être représentés au conseil de surveillance.

Mme la rapporteure. Les entreprises d’investissement le sont déjà. L’amendement est donc satisfait.

L’amendement est retiré.

L’amendement CF 5 de la commission des Affaires économiques est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 48 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Il s’agit de supprimer l’alinéa 8 de l’article, aux termes duquel « l’Autorité peut également demander au fonds de garantie des dépôts et de résolution d’intervenir auprès de la personne agréée pour reprendre ou poursuivre les activités cédées ou transférées en application du même article ».

Mme la rapporteure. Cette faculté inscrite dans la loi est très utile : elle nous permettrait de procéder à des nationalisations temporaires si nous le souhaitions ! Ne nous privons pas de la possibilité de prendre le relais auprès de l’établissement en difficulté, en attendant son rachat par un autre établissement. Chaque procédure de résolution étant unique, l’on ne peut exclure cette éventualité.

Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CF 254 de la rapporteure.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 42 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Aux termes de cet article, le fonds de garantie n’est censé intervenir que lorsque le maximum de pertes a été imputé aux actionnaires. Je suggère d’en réécrire l’alinéa 9 pour disposer que, « lorsque le fonds de garantie des dépôts et de résolution est saisi, ne peuvent être mis à sa charge que les montants nécessaires après l’exercice par l’Autorité des prérogatives prévues au 9° de l’article L. 613-31-16 ».

Mme la rapporteure. La rédaction proposée correspond à un idéal. En pratique, dans de nombreuses situations, l’ACPR doit agir en urgence et il faut donc lui laisser des possibilités de souplesse. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

L’amendement CF 6 de la commission des Affaires économiques est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 255 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement CF 43 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Je propose de remplacer, à l’alinéa 19 de l’article 6, les mots « juridiction administrative » par les mots « juridiction judiciaire ».

Mme la rapporteure. C’est la nature de la personne morale faisant l’objet du recours qui détermine l’autorité juridictionnelle compétente. En l’espèce, l’ACPR étant une personne morale de droit public, c’est la juridiction administrative qui doit être saisie. Il ne s’agit pas de donner la préférence à telle ou telle juridiction mais de respecter l’ordre juridictionnel français.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF 256 à CF 259 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 6 modifié.

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Après l’article 6

La Commission est saisie de l’amendement CF 147 de Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Nous proposons de plafonner la part variable de la rémunération des traders à 100 % de sa part fixe. Monsieur le ministre, vous ayant entendu sur la proposition CRD 4, j’aimerais connaître votre avis sur cet amendement : est-il conforme à l’orientation que vous défendez dans les discussions menées au niveau européen ?

Mme la rapporteure. Pour ma part, j’ai déjà donné mon avis.

M. le ministre. Nous défendons en effet ce principe, madame la députée.

L’amendement est retiré.

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Chapitre II

Planification des mesures préventives de rétablissement et de résolution bancaires et mise en place du régime de résolution bancaire

Article 7

Résolution et prévention des crises bancaires

Articles L. 613-31-11 à L. 613-31-18 du code monétaire et financier

A.– LES PLANS DE PRÉVENTION DES CRISES

Le projet de loi prévoit un double mécanisme de résolution des crises : chaque banque devra établir un plan de rétablissement et le soumettre à l’ACPR. L’Autorité élaborera quant à elle, pour chaque établissement, un plan de résolution. Ces deux dispositifs sont complémentaires et successifs, exception faite des situations d’urgence.

1.– Le plan préventif de rétablissement

 Afin d’assurer la stabilité financière des marchés financiers, l’alinéa 4 impose l’élaboration d’un plan préventif de rétablissement.

L’actuel article L. 612-32 du code monétaire et financier prévoit que l’ACP peut « exiger de toute personne soumise à son contrôle qu’elle soumette à son approbation un programme de rétablissement comprenant toutes les mesures appropriées pour restaurer ou renforcer sa situation financière, améliorer ses méthodes de gestion ou assurer l’adéquation de son organisation à ses activités ou à ses objectifs de développement ». Cette mesure de police administrative ne s’applique que lorsque l’ACP identifie une situation particulière. Le nouveau dispositif intervient en revanche plus en amont, avant la survenance de la moindre difficulté.

Tous les établissements ne devront donc pas élaborer a priori un plan de rétablissement : seuls ceux dont la dégradation ferait peser un risque sur la stabilité financière seront soumis à cette obligation. Les règles applicables aux entités isolées et à celles qui font partie d’un groupe sont bien articulées de façon à éviter que l’appartenance à un groupe ne dispense les entités de toute obligation.

Le nouvel article L. 613-31-11 distingue trois situations différentes :

– les établissements de crédit et les entreprises d’investissement d’une taille significative doivent obligatoirement élaborer préventivement un plan de rétablissement (alinéa 4) ;

– pour les autres entités soumises à son contrôle, l’ACPR peut imposer l’élaboration d’un plan de rétablissement lorsque leur activité présente « un risque spécifique » (alinéa 5) ;

– lorsque les établissements ou entreprises appartiennent à un groupe soumis à une surveillance consolidée, le plan de rétablissement est élaboré de façon consolidée, c’est-à-dire à l’échelle du groupe (alinéa 7).

La surveillance prudentielle sur base consolidée est définie par le comité de la réglementation bancaire et financière dans le règlement n° 2000-03 du 6 septembre 2000 relatif à la surveillance prudentielle sur base consolidée et à la surveillance complémentaire. Elle consiste à s’assurer que les activités financières menées par un groupe dans lequel il y a au moins un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement sont menées en conformité avec la réglementation prudentielle applicable aux établissements de crédit. L’objectif est ainsi de s’assurer que les activités financières non régulées en tant que telles mais qui seraient menées au sein d’un groupe bancaire sont soumises à la supervision de l’ACPR, compte tenu de leur possible impact sur l’activité bancaire. D’un point de vue quantitatif, la supervision sur base consolidée s’appuie sur des ratios prudentiels, intégrant notamment des règles de solvabilité, déterminés sur une base consolidée intégrant toutes les activités financières, les activités d’assurance et les activités non financières en étant exclues. D’un point de vue qualitatif, la supervision sur base consolidée consiste à s’assurer que l’ensemble du groupe est géré et contrôlé de manière conforme aux dispositions du règlement n° 97-02 relatif au contrôle interne (38).

En d’autres termes on peut distinguer deux cas : l’établissement ou l’entreprise n’appartient pas à un groupe et alors son plan préventif est élaboré sur ses seuls comptes. Dans l’autre cas il appartient à un groupe (39) et alors son plan doit être établi sur une base consolidée c’est-à-dire s’appuyant sur les comptes de tout le groupe.

 L’alinéa 7 interdit aux établissements de prévoir un quelconque soutien des pouvoirs publics dans leur plan préventif de résolution, qu’il s’agisse d’un soutien financier de l’État ou du fonds de garantie. Cette précision souligne, s’il en était besoin, que l’intervention de fonds publics constitue la solution ultime à une crise et que tout doit être fait pour l’éviter.

L’alinéa 8 garantit la confidentialité du plan puisque toutes les personnes en ayant eu connaissance sont tenues au secret professionnel.

Le secret professionnel

Articles L. 511-33 et L. 511-34 du code monétaire et financier

Tout personne qui participe à quelque titre que ce soit à la direction ou à la gestion d’un établissement de crédit ou de certains organismes à but non lucratif ou qui est employée par l’un d’entre eux est tenue au secret professionnel.

Il n’est pas opposable à certaines autorités de surveillance (Autorité de contrôle prudentiel, Banque de France…) ni à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre d’une procédure pénale.

Des informations couvertes par le secret professionnel peuvent néanmoins être communiquées aux agences de notation ou à certaines contreparties dans le cadre de certaines opérations bancaires ou financières, ou si les personnes concernées ont expressément donné leur accord. De même, le secret professionnel n’est pas applicable encore entre entreprises du même groupe pour ce qui concerne les informations relatives à lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme, le traitement et la gestion de délits boursiers ou de conflits d’intérêts.

2.– Le plan préventif de résolution

Parallèlement au plan élaboré par chaque banque, l’ACPR conçoit un plan préventif d’application des mesures de résolution, c’est-à-dire que l’ACPR anticipe les mesures à prendre si le plan de la banque ne suffisait pas à résoudre la crise. Lorsque l’établissement visé appartient à un groupe important et qui fait l’objet d’une surveillance sur une base consolidée, le plan de l’ACPR comporte des sections spécifiques pour chacune des entités de taille significative. Il appartiendra au pouvoir réglementaire de déterminer, en lien avec l’ACPR, ce caractère significatif en fonction des besoins et pour tenir compte de la spécificité de chaque situation.

Les personnes qui participent ou ont connaissance du plan de résolution sont elles aussi soumises au secret professionnel.

3.– L’articulation des plans de rétablissement et de résolution

Le nouvel article L. 613-31-13 (alinéas 13 à 15) donne à l’ACPR les moyens de s’assurer de la compatibilité des plans de rétablissement et de résolution. Il lui appartient en effet de vérifier que l’organisation et le fonctionnement de l’établissement de crédit ou de l’entreprise d’investissement ne saurait faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure de résolution qu’elle a conçue. Si une incompatibilité apparaît, l’ACPR peut demander à l’entité concernée de prendre les mesures permettant de réduire ou de supprimer les obstacles qu’elle a identifiés.

Dans un premier temps la demande de l’ACPR ne prend aucun caractère contraignant. Toutefois, si l’autorité estime que les mesures prises ne suffisent pas, elle peut enjoindre à l’établissement ou l’entreprise de prendre des mesures spécifiques, y compris lui imposer une modification de ses activités ou de sa structure. Si l’entité n’obéit pas aux injonctions de l’ACPR, cette dernière pourra saisir sa commission des sanctions.

B.– LA MISE EN œUVRE DE LA RÉSOLUTION PAR L’ACPR

1.– La saisine de l’ACPR et la notion de défaillance

a) La saisine de l’ACPR

Le nouvel article L. 613-31-14 (alinéa 16) détermine les personnes susceptibles de saisir le collège de résolution de l’ACPR pour qu’il mette en œuvre les mesures de résolution.

En l’espèce, seuls les membres du collège de résolution peuvent demander la mise en place des mesures de résolution : il s’agit du Gouverneur de la Banque de France, du directeur général du Trésor, du président de l’AMF, du sous-gouverneur ou du président du directoire du fonds de garantie des dépôts et de résolution.

La saisine n’oblige pas nécessairement le collège à mettre en œuvre les mesures de résolution : il est saisi de la « situation » d’un établissement ou d’une entreprise, charge à lui de déterminer les mesures qu’il convient de prendre. En d’autres termes, il revient à l’ACPR d’établir un diagnostic précis de la situation de l’entité puis de déterminer si le plan de rétablissement peut suffire et si ce n’est pas le cas de décider de mettre en œuvre une ou plusieurs mesures de résolution. L’article L. 613-31-15 détermine les modalités d’examen de la situation de l’entité concernée par l’ACPR.

Lorsque l’établissement est défaillant et qu’il requiert un soutien financier public (cf. infra), seul le directeur général du Trésor peut saisir le collège de résolution.

L’article L. 613-31-15 (alinéas 17 à 21) définit les cas dans lesquels l’ACPR met en œuvre les mesures de résolution. Il lui appartient de déterminer si l’entité concernée est dans une situation de défaillance avérée ou certaine, c’est-à-dire soit que la défaillance est constatée soit que rien ne permet d’estimer qu’elle peut être évitée dans un délai raisonnable.

La défaillance peut être appréciée individuellement ou au niveau du groupe. Dans les faits, il est probable que l’appréciation sera liée, les difficultés que pourrait rencontrer la mère pouvant par exemple rapidement se diffuser aux filiales et les mettre à terme rapproché en difficulté elles aussi. La référence au délai raisonnable est une reprise du projet de directive européenne sur la résolution. Elle ne saurait être plus précise car elle dépend très largement des cas d’espèce. Quoi qu’il en soit, elle renvoie à l’idée qu’il n’existe pas de solution rapide à la difficulté. L’objectif est de pouvoir intervenir sans devoir attendre que la défaillance soit totalement avérée, ce qui limiterait l’intérêt de l’application du régime de résolution.

L’ACPR constate alors que seul un plan de résolution ou un plan de rétablissement est à même de corriger la situation de l’établissement. Il est en effet indispensable d’explorer toutes les solutions alternatives avant d’engager ces solutions de dernier recours qui peuvent impliquer des renoncements importants, la suppression de certaines activités, voire des opérations de liquidation.

b) La notion de défaillance

Le II de l’article (alinéas 18 à 21) définit quant à lui la notion de défaillance qui s’apprécie sur le fondement d’éléments objectifs montrant que l’établissement ou l’entreprise est une des trois situations suivantes :

– il ne respecte plus les exigences de fonds propres et perd donc l’agrément délivré par l’ACPR ;

– il ne peut assurer ses paiements immédiatement ou à terme rapproché ;

– il a besoin d’un soutien financier exceptionnel des pouvoirs publics.

La défaillance n’est pas nécessairement avérée, elle peut être susceptible de se produire « à terme rapproché ». Cette expression est consacrée par le code monétaire et financier pour la cessation des paiements en matière bancaire à son article L. 613-26.

2.– Les pouvoirs de résolution de l’ACPR

L’article L. 613-31-16 liste les pouvoirs de résolution du collège de résolution de l’ACPR qui dispose de larges moyens allant de la collecte obligatoire d’informations à la modification unilatérale des activités ou de la structure capitalistique de l’entité concernée.

 Il peut tout d’abord exiger la communication de toute information utile à la mise en œuvre de la procédure de résolution : ce pouvoir est indispensable pour établir avec exactitude un diagnostic de la situation de l’entité et adapter au mieux les mesures de résolution.

 Si le problème est principalement lié à la gestion et la direction de l’entité, le collège de résolution peut nommer un administrateur provisoire et/ou révoquer tout dirigeant de l’entité. Conformément à l’article L. 612-34, l’administrateur provisoire dispose alors de « tous les pouvoirs d’administration, de direction et de représentation de la personne morale [… et] dispose des biens meubles et immeubles de celles-ci dans l’intérêt d’une bonne administration ».

Les dirigeants révocables sont ceux qui relèvent du champ de l’article L. 511-13, c’est-à-dire les deux personnes qualifiées de « dirigeants responsables » qui assurent sa direction et doivent respecter certaines conditions d’honorabilité et de compétence.

 Le collège peut également modifier d’office le champ d’intervention de l’entité concernée en organisant le transfert d’office de tout ou partie d’une ou plusieurs de ses branches d’activité. Ce transfert vaut transmission universelle de patrimoine. Les actifs pourront être transférés à toute personne ou à l’établissement-relais (cf. infra) qui sera chargé de les céder ensuite. Les contrats concernés se poursuivent de plein droit sauf à ce que des dispositions ou des stipulations prévoient explicitement le contraire.

Le collège peut aussi décider de recourir à un établissement-relais (alinéa 27), charge à lui d’organiser la cession des biens, droits et obligations qu’il reçoit. Comme pour le transfert, ces opérations se réalisent de plein droit et dans les conditions fixées par l’ACPR. Les contrats se poursuivent et sans aucune résiliation ou compensation liée à leur transfert ou à leur cession, sauf disposition ou stipulation contraire. L’établissement-relais n’agissant que temporairement, l’ACPR peut l’agréer tout en le dispensant du respect de tout ou partie des exigences prudentielles. L’établissement-relais n’a en effet pas vocation à remplacer l’entité concernée mais uniquement à assurer la liquidation de certaines de ses activités dans les meilleures conditions.

Dans un article publié en janvier (40), le Professeur Gaudemet souligne la difficulté liée à la possibilité éventuellement ouverte à l’ACPR de décider du transfert de certains contrats financiers conclus dans le cadre d’un accord de résiliation-compensation à l’exclusion des autres, alors que cette possibilité est explicitement écartée tant par le Dodd-Frank Act que par l’article 69 de la directive européenne en projet. Votre rapporteure considère qu’il faut régler ce problème de façon à assurer l’efficacité des mesures de résolution au regard des conditions d’application des clauses d’accélération de passif et de résiliation-compensation. Elle estime que les biens, droits et obligations régis par une convention ne peuvent être cédés ou transférés qu’en totalité.

Les prévisions contractuelles des contreparties de l’établissement financier défaillant qui se seront déterminées en considération de l’existence d’un accord de résiliation-compensation et auront généralement ajusté leur « collatéral » au montant du solde potentiel de compensation de cet accord seront donc rétablies. Par conséquent, l’avis des conseils juridiques concernant le régime des accords de résiliation-compensation en droit français sera conforme aux régimes de résolution existant aux États-Unis et prévus par la directive européenne, écartant ainsi le risque de voir les contreparties étrangères se détourner des établissements financiers français.

 Le collège de résolution peut par ailleurs faire intervenir le fonds de garantie des dépôts et de résolution (cf. article 6), à la condition expresse que cette intervention ne provoque pas de contagion des difficultés aux autres adhérents du fonds. Un décret fixe le plafond des contributions qui peuvent être demandées aux adhérents en fonction de leurs exigences prudentielles en matière de fonds propres. En d’autres termes les adhérents du fonds peuvent intervenir pour sauver l’un des leurs à condition que ce secours ne les mettent pas eux aussi en situation de fragilité.

Le fonds peut aussi accepter de prendre à sa charge les actions et parts sociales émises par l’entité soumise à la procédure de résolution.

 Le collège estime les dépréciations sur la base de l’actif et du passif de l’entité (alinéa 30) sans prendre en compte ni les conséquences des mesures de résolution ni un éventuel soutien financier. L’ACPR doit en effet pouvoir estimer les pertes qui ont conduit à l’entrée en résolution.

 Le collège dispose d’importants pouvoirs de modification de la structure capitalistique de l’entité en résolution (alinéas 31 à 34). Il peut ainsi imposer la réduction du capital, l’annulation de titres de capital ou d’éléments de passif, voire la conversion d’éléments de passif et ce afin d’absorber des dépréciations. Ce dispositif organisant la priorité des créanciers est particulièrement encadré et intervient en trois étapes successives :

– il impute tout d’abord les dépréciations sur les actions et sur tous les titres représentatifs d’une fraction de capital social ;

– si des dépréciations demeurent, il les impute sur les titres subordonnés de dernier rang, sur les titres participatifs et sur tous les autres instruments de dernier rang dont le contrat prévoient qu’ils absorbent les pertes en continuité d’exploitation. L’article L. 228-97 du code de commerce prévoit en effet que « l’émission de valeurs mobilières représentatives de créances sur la société émettrice » peut prévoir que leur remboursement n’intervient « qu’après désintéressement des autres créanciers ». Il prévoit par ailleurs la possibilité d’établir un « ordre de priorité des paiements ». Ces opérations prennent la forme d’une réduction du capital desdits titres ou d’une annulation ou d’une conversion de ces titres à hauteur des dépréciations constatées. Sont concernés les actions et parts sociales, les titres participatifs ainsi que les obligations dont le contrat d’émission prévoit de telles conditions ;

– les dépréciations restantes sont alors imputées sur les obligations dont le contrat prévoient qu’elles ne sont remboursées qu’après désintéressement des créanciers privilégiés ou chirographaires, c’est-à-dire les créanciers simples ne disposant d’aucune sûreté particulière autre que le droit de gage général sur le patrimoine de son débiteur. Comme pour les titres précédents, cette dépréciation prend la forme d’une réduction du capital ou d’une annulation ou d’une conversion à hauteur des dépréciations constatées. Elle s’applique de la même manière aux créanciers de même rang, étant entendu que la réduction de principal ou d’encours est calculée dans une « égale mesure » et « proportionnellement » à la valeur de l’obligation.

 Le collège peut également imposer à l’entité soumise à la procédure de résolution d’émettre de nouvelles actions, parts sociales ou tout autre instrument de fonds propres (alinéa 35). Les actions de préférence et les instruments convertibles traditionnels (41) entrent dans le champ de cet alinéa. S’il existe sur le marché des acteurs susceptibles d’être intéressés par une prise de participation dans une entité en voie de résolution, il convient de leur laisser la possibilité d’intervenir. On peut en effet imaginer que certains acteurs se spécialisent dans l’investissement risqué dans des entités en voie de résolution car ils font le pari que l’entité va se redresser et qu’ainsi leur investissement va prendre de la valeur. En effet l’émission de ces titres interviendrait à un cours très inférieur à celui de titres d’entités saines puisqu’il induit un risque fort, la procédure de résolution n’étant pas certaine d’aboutir. Sur un plan économique, plus la crédibilité du plan de résolution sera forte, plus les marchés seront incités à prendre ce risque.

 Le collège peut par ailleurs prendre des mesures relatives à l’activité ou à la trésorerie de l’entité. Il est en mesure d’interdire le paiement de tout ou partie des dettes qui n’auraient pas été converties dans le cadre de l’annulation ou de la conversion d’éléments de passif (cf. supra, alinéa 31).

 Il peut aussi limiter ou interdire temporairement à l’entité en procédure de résolution l’exercice de certaines opérations (alinéa 37). De même, il peut interdire ou limiter la distribution d’un dividende ou d’une rémunération de part sociale, la priorité allant au redressement de l’entité (alinéa 38).

Le collège de supervision de l’ACPR peut lui aussi interdire ou limiter certaines opérations ou le versement de dividendes, conformément aux mesures conservatoires prévues par l’article L. 612-33. Lorsque ces mesures sont précédemment intervenues, le collège de résolution peut seul décider de leur maintien, de leur modification ou de leur fin lorsqu’elles concernent une entité entrée en résolution. Le collège de résolution doit en effet être la seule autorité à traiter des problèmes de résolution, son action ne devant être contrainte par la décision d’une autre instance, même si elle appartient à la même structure.

3.– L’intervention en cas d’urgence

La mise en place des mesures de résolution est soumise à un dialogue permanent entre l’ACPR et l’entité concernée. Le principe du contradictoire est en effet inscrit à l’article L. 612-35 du code monétaire et financier et concerne l’ensemble des mesures prises par l’ACPR en matière de police administrative. Le deuxième alinéa de l’article prévoit une dérogation à ce principe « lorsque des circonstances particulières d’urgence le justifient ». Dès lors, l’Autorité peut « à titre provisoire, ordonner sans procédure contradictoire des mesures conservatoires énumérées aux articles L. 612-33 et L. 612-34 ». Le nouvel article L. 613-31-17 (alinéa 42) institue cette même dérogation pour les mesures de résolution.

L’article L. 2323-2 du code du travail impose à l’employeur de consulter son comité d’entreprise avant le lancement d’une offre publique d’acquisition. Lorsque cette offre porte sur le capital d’une entreprise, l’article L. 2323-25 prévoit que cette information peut n’intervenir que « dans les deux jours ouvrables suivant la publication de l’offre ». La procédure de résolution peut amener l’ACPR à imposer une offre publique d’acquisition. L’entité doit dès lors en informer son comité d’entreprise. Compte tenu des délais, il peut être néanmoins impossible d’assurer cette information au préalable. Le II de l’article L. 613-31-17 prévoit dès lors que l’employeur réunit le comité d’entreprise « dès que possible ».

C.– LE RÉGIME JURIDIQUE APPLICABLE À LA PROCÉDURE DE RÉSOLUTION

1.– La protection du droit de propriété des investisseurs

 Certaines mesures de résolution sont susceptibles de porter atteinte au droit de propriété. Pour respecter les dispositions constitutionnelles et pour éviter que les investisseurs ne renoncent à acheter des titres de peur de perdre leur mise, le projet de loi prévoit que la perte encourue ne saurait être supérieure à celle qu’ils auraient subie si l’entité avait été liquidée selon la procédure prévue par le code de commerce.

 Le prix de cession ou de transfert de tous les instruments de fonds propres, actions ou titres de capital est fixé par l’ACPR sur proposition d’un expert indépendant désigné par le président de la commission des participations et des transferts.

La commission des participations et des transferts

Créée par l’article 3 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 relative aux modalités des privatisations, la commission des participations et des transferts intervient, à titre consultatif, sur saisie du ministre chargé de l’économie, pour déterminer la valeur des entreprises admises aux négociations sur un marché réglementé et dont l’État détient au moins 20 % du capital, lorsqu’elles font l’objet d’une prise de participation ou d’une privatisation. Son évaluation est rendue publique et conduite selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession d’actifs (valeur boursière des titres, valeur des actifs, bénéfices…). Elle donne également un avis public sur les procédures de mise sur le marché ainsi que sur les opérations hors marché, notamment sur le choix de l’acquéreur.

Elle est composée de sept membres nommés par décret en fonction de leur compétence et de leur expérience en matière économique, financière ou juridique. Ils sont astreints au secret professionnel et ont une obligation d’indépendance (incompatibilité de la fonction avec certains mandats de direction) pendant et après la cessation de leurs fonctions.

En cas d’urgence, l’autorité fixe elle-même ce prix. Dans tous les cas la valorisation repose sur les méthodes couramment pratiquées en tenant compte de la valeur boursière des titres, de la valeur des actifs, des bénéfices réalisés, de l’existence de filiales et des perspectives d’activité de l’entité.

2.– La protection des décisions de l’ACPR

L’action de l’ACPR est soumise au contrôle du juge administratif. Pour éviter que la procédure de résolution et tous les actes de l’ACPR ne soient potentiellement annulés, l’article L. 613-31-18 prévoit qu’ils restent valables dès lors que leur remise en cause porterait « atteinte aux intérêts des tiers ». Ce maintien ne saurait cependant s’appliquer si les tiers concernés ont fraudé.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 260 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CF 261 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’étendre le pouvoir de l’ACPR en lui permettant de vérifier la crédibilité du plan préventif de rétablissement et de demander à la banque de le modifier si elle le juge insuffisant. Il serait en effet illogique qu’elle puisse l’examiner mais non le faire rectifier.

L’amendement est adopté.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CF 262 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CF 40 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Nous nous comparons souvent à nos partenaires à propos de ce projet de loi. Le présent amendement reprend la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements de crédit et d’entreprises d’investissement, en précisant qu’« une mesure de résolution ne pourra intervenir qu’à condition qu’elle soit nécessaire dans l’intérêt public, c’est-à-dire que si elle permet d’atteindre, par des moyens proportionnés, un ou plusieurs des objectifs de la résolution […], alors qu’une liquidation de l’établissement ou de l’entreprise mère selon les procédures normales d’insolvabilité ne le permettrait pas dans la même mesure ».

Mme la rapporteure. Le contexte et les critères de déclenchement de la procédure de résolution sont en discussion au niveau européen. Le débat n’est pas clos : plusieurs parlementaires européens que j’ai interrogés à ce sujet dans le cadre des travaux préparatoires à mon rapport me l’ont confirmé. Il serait dès lors prématuré de fixer de manière aussi limitative les conditions de déclenchement de la procédure. Je vous suggère, mon cher collègue, de retirer votre amendement en attendant que le débat européen ait progressé.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CF 263 de la rapporteure.

Puis elle en vient à l’amendement CF 51 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement tend à supprimer le soutien public de la liste des critères définissant un établissement défaillant.

Mme la rapporteure. Il me semble nécessaire de privilégier une acception large de la notion de défaillance. Je vous suggère donc de retirer votre amendement, mon cher collègue.

M. Jean Launay. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

La Commission est saisie de l’amendement CF 177 de M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Je propose d’insérer après l’alinéa 21 un alinéa ainsi rédigé : « III. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution informe le Parlement dès que son collège de résolution apprécie si la personne en cause, prise individuellement ou au sein du groupe auquel elle appartient au sens de l’article L. 511-20 est défaillante et s’il n’existe aucune perspective que cette défaillance puisse être évitée dans un délai raisonnable autrement que par la mise en œuvre d’une mesure de résolution ou, le cas échéant, du programme de rétablissement mentionné à l’article 612-32. Les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent procéder à l’audition de son président. »

Le Parlement peut être informé par simple courrier, mais il doit l’être : c’est une question de principe.

Mme la rapporteure. Il est extraordinairement délicat de rendre publique la défaillance d’un établissement, même par simple courrier. D’autre part, les commissions des finances de l’Assemblée et du Sénat peuvent déjà auditionner le président de l’ACPR.

M. Pascal Cherki. Madame la rapporteure, je parie que, lorsque ce cas se présentera, Les Échos et Le Figaro économie seront prévenus avant le Parlement. L’on reparlera alors de votre réticence. Mais j’accepte de retirer mon amendement.

Mme la rapporteure. Je vous en remercie, monsieur Cherki.

L’amendement est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement rédactionnel CF 268 de la rapporteure, qui fait l’objet d’un sous-amendement CF 306 de la commission des lois.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. Il n’est pas habituel qu’un amendement rédactionnel soit sous-amendé au fond, monsieur le président, mais il s’agit d’intégrer la réécriture résultant de l’amendement CF 268 à un amendement adopté hier par la commission des lois. Nous apportons une précision juridique en ajoutant l’adjectif « proportionné » – que M. le ministre a employé dans d’autres circonstances à propos des paradis fiscaux –, conformément à l’esprit de la future directive européenne dite « résolution ».

Mme la rapporteure. Avis favorable à cet excellent sous-amendement.

La Commission adopte le sous-amendement.

En conséquence, l’amendement CF 293 n’a plus d’objet.

La Commission adopte ensuite l’amendement CF 268 sous-amendé.

La Commission en vient à l’amendement CF 269 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’un amendement quelque peu technique qui vise à assurer l’efficacité des mécanismes de résolution que ce projet de loi introduit en France. À cette fin, il permet à l’ACPR, en vue de mener à bien la procédure de résolution, de suspendre, à titre temporaire, pour une durée maximale allant jusqu’à 17 heures au plus tard le jour ouvré suivant la publication de sa décision, le droit pour une contrepartie de demander la déchéance du terme ou d’exercer les droits de résiliation et de compensation – il s’agit de la technique contractuelle dite de « résiliation-compensation ». L’amendement prévoit également que la suspension des clauses de résiliation-compensation en cas de nomination d’un administrateur provisoire soit réservée au seul cadre d’une procédure de résolution.

M. Christophe Caresche. Cela aurait-il pu concerner le cas du Crédit immobilier de France ?

Mme la rapporteure. Monsieur Caresche, les personnes que j’ai auditionnées m’ont dit et répété que si nous avions eu un tel système de résolution, nous aurions pu éviter de nombreux problèmes dans la période récente.

L’amendement est adopté.

Puis la Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 267, CF 265, CF 264 et CF 266 de la rapporteure.

Elle examine ensuite en discussion commune les amendements CF 303 de la rapporteure et CF 22 de M. Jean Launay.

Mme la rapporteure. Cet amendement de clarification vise à permettre l’imputation des pertes sur les capitaux propres, qui incluent le capital social et les réserves. Dans la rédaction actuelle du projet de loi, une partie du bilan d’actifs des banques n’est en effet pas couvert.

M. Jean Launay. L’idée qui sous-tend mon amendement est que les actionnaires participent en premier lieu aux pertes, s’il y en a.

Mme la rapporteure. Cet amendement serait satisfait par le mien si celui-ci était adopté.

L’amendement CF 303 est adopté.

En conséquence, l’amendement CF 22 tombe.

Puis la Commission examine l’amendement CF 35 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Aux termes de cet amendement, la distribution de dividendes est interdite durant la procédure de résolution.

Mme la rapporteure. Des cas, certainement rares, pourraient se présenter dans lesquels l’ACPR devrait autoriser le versement de dividendes. Nous ne devons pas l’en empêcher. Faisons-lui confiance : elle ne permettra pas que cette possibilité soit utilisée si l’établissement connaît des difficultés majeures. Avis défavorable.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CF 270 de la rapporteure.

Elle en vient ensuite à l’amendement CF 294 de la commission des lois.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. Afin d’accroître l’indépendance de l’expert chargé de proposer le montant de la valorisation que décidera l’ACPR, je propose qu’il soit désigné par un haut magistrat de l’ordre judiciaire : le Premier président de la Cour de cassation.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

La Commission examine ensuite l’amendement CF 295 de la commission des lois.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. Dans le même esprit que mon précédent amendement relatif à la proportionnalité des mesures, celui-ci tend à préciser que la valorisation doit être « juste et réaliste », conformément à la proposition de directive « résolution » dont nous espérons qu’elle sera bientôt adoptée.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

L’amendement CF 29 de M. Jean Launay est retiré.

La Commission en vient à l’amendement CF 296 de la commission des lois.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser qu’il ne pourra être dérogé au principe du contradictoire qu’en cas d’urgence.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

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Après l’article 7

La Commission examine l’amendement CF 49 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Cet amendement poursuit le même objectif que celui que j’ai défendu tout à l’heure au sujet de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil.

L’amendement est retiré.

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Article 8

Mesures de police administrative et garanties apportées à l’administrateur provisoire

Articles L. 517-5, L. 612-2, L. 612-16, L. 613-24 et L. 613-27 du code monétaire et financier

 L’alinéa 2 étend le champ des mesures de police administrative applicables aux compagnies financières. Comme pour les établissements de crédit, l’ACPR doit respecter le principe du contradictoire dès lors qu’elle prend une décision concernant une compagnie financière, y compris lorsqu’il s’agit de mesures de résolution. Cet ajout était indispensable et lié à la nouvelle mission de résolution confiée à l’ACPR qui s’applique largement aux établissements bancaires et aux entreprises d’investissement.

L’alinéa 4 prévoit que les dispositions relatives au traitement des établissements de crédit, des établissements de paiement et des entreprises d’investissement en difficulté, incluant les mesures de résolution, sont applicables aux personnes « ayant reçu d’un organisme pratiquant des opérations d’assurance un mandat de souscription ou de gestion ou souscrivant à un contrat d’assurance de groupe, ou exerçant, à quelque titre que ce soit, une activité d’intermédiation en assurance ou en réassurance », aux personnes qui s’entremettent « directement ou indirectement, entre un organisme [mutualiste…] et une personne qui souhaite adhérer ou adhère à cet organisme » ainsi qu’à « tout intermédiaire en opération de banque et en services de paiement ».

L’alinéa 5 supprime la possibilité offerte de demander l’annulation des décisions du collège de l’ACPR devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois suivant leur notification ou leur publication. Cette précision était superfétatoire puisqu’elle reprenait le droit commun applicable.

 Les alinéas 6 à 14 fixent les règles applicables à l’administrateur provisoire nommé par l’ACPR. L’alinéa 8 prévoit que sa rémunération est fixée par l’ACPR et qu’elle est prise en charge par la personne auprès de laquelle il est désigné.

Les dirigeants d’entreprise concluent avec l’établissement ou l’entreprise qu’ils dirigent un contrat relatif à leur rémunération, leurs indemnités ou les avantages dus ou susceptibles d’être dus en cas de changement ou de cessation de leur fonction. L’alinéa 9 dispose que lorsque l’ACPR nomme un administrateur provisoire, ces stipulations ne peuvent donner lieu à aucun versement et ce pendant toute la durée de la mission de l’administrateur provisoire.

La désignation d’un administrateur provisoire ne saurait être considérée comme un événement de défaut, c’est-à-dire permettant l’application de clauses contractuelles spécifiques comme par exemple l’ouverture d’une procédure de faillite ou de résolution. L’alinéa 10 précise qu’une stipulation qui le prévoirait serait réputée non écrite.

L’article L. 612-34 prévoit que l’ACPR peut proposer que le fonds de garantie des dépôts assure la rémunération de l’administrateur provisoire lorsque la situation laisse craindre à terme une incapacité de l’établissement ou de l’entreprise. L’alinéa 13 étend cette garantie aux frais engagés par l’administrateur provisoire. Par ailleurs, l’alinéa 14 prévoit que le Trésor public avance la rémunération et l’ensemble des frais de l’administrateur provisoire lorsque les fonds de l’entité qu’il est chargé d’administrer ne sont pas suffisants.

 L’ensemble des dispositions garantissant la rémunération et la prise en charge des frais de l’administrateur s’applique également au liquidateur lorsque la situation laisse craindre à terme une incapacité à assurer ces dépenses.

L’administrateur, ou le liquidateur, étant appelé à intervenir dans des situations de crise, il ne semblerait en effet pas légitime qu’il supporte sur sa propre rémunération le risque de défaillance de l’entité.

L’alinéa 17 précise enfin qu’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ne peut être ouverte à l’égard d’un établissement de crédit, d’un établissement de paiement ou d’une entreprise d’investissement qu’après un avis conforme de l’ACPR. L’Autorité étant désormais en charge du processus de résolution, il importe qu’elle ait pu tout faire pour tenter de rétablir la situation de l’entité avant d’envisager une solution juridictionnelle.

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La Commission examine l’amendement CF 34 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. À des fins dissuasives, je propose de supprimer toute rémunération différée du dirigeant d’une banque pour laquelle un administrateur provisoire a été désigné.

Mme la rapporteure. Je l’ai dit, la question de la rémunération doit être traitée de manière globale. Je vous suggère de retirer votre amendement, mon cher collègue.

M. Jean Launay. Je le maintiens.

La Commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF 271, CF 273 et CF 272 de la rapporteure.

La Commission adopte ensuite l’article 8 modifié.

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Chapitre III

Dispositions transitoires

Article 9

Dispositions transitoires

L’alinéa 1er prévoit que les mesures de résolution prévues à l’article 7 ainsi que les dispositions relatives aux garanties offertes à l’administrateur provisoire n’ont pas de portée rétroactive : les contrats souscrits avant l’entrée en vigueur de la présente loi resteront donc soumis à l’ancienne procédure.

L’alinéa 2 dispose quant à lui que les mesures de police administrative prises par le collège de l’Autorité de contrôle prudentiel restent valables après l’entrée en vigueur de la présente loi. Elles ne pourront être renouvelées ou levées que par le collège de supervision de l’ACPR.

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La Commission adopte l’article 9 sans modification.

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Article 10

Mission de la Banque de France en matière de stabilité financière

Le présent article a pour objet de conférer à la Banque de France une mission de surveillance de la stabilité de l’ensemble du système financier, qu’elle devra exercer en lien avec le Conseil de stabilité financière institué par l’article 11 du présent projet de loi. Cette nouvelle tâche vient compléter ses missions fondamentales de mise en œuvre de la politique monétaire (42), de gestion des réserves de change de l’État (43) et de surveillance des systèmes de paiement (44).

● La nouvelle mission proposée par le présent article se comprend d’abord au regard des dispositions de l’article 11 du présent projet de loi.

Celui-ci confère à la Banque de France un rôle de proposition en matière de détermination d’exigences supplémentaires de fonds propres des établissements de crédit et des entreprises d’investissement ainsi que d’encadrement des conditions d’octroi de crédit par les établissements financiers. Pour assumer un tel rôle, la Banque de France devra développer, comme l’indique l’étude d’impact, « un suivi accru de l’émergence de risques systémiques et de l’apparition de bulles sur le prix de certains actifs ». Elle serait donc en charge de la surveillance de l’ensemble du système financier, y compris des marchés financiers sur lesquels peuvent se former des bulles spéculatives.

Le présent article traduit donc cette évolution du rôle de la Banque de France en lui confiant une mission de surveillance macro-prudentielle et de mise en œuvre des décisions du Conseil de stabilité financière.

● La nouvelle mission prévue par le présent article est également liée au rôle tenu par la Banque de France durant la crise financière et aux évolutions de l’architecture de supervision communautaire.

En premier lieu, la Banque de France paraît avoir assuré de fait, durant la crise financière de 2008, la surveillance macro-prudentielle requise par une crise de marché débouchant sur une crise bancaire.

En second lieu, l’évolution de la supervision communautaire du secteur financier tend à conférer à la Banque centrale européenne (BCE) et au système européen des banques centrales une place prépondérante.

D’une part, le conseil européen du risque systémique, en charge de la surveillance macro-prudentielle au niveau communautaire, est composé majoritairement de représentants du Système européen des banques centrales (SEBC) puisqu’il comprend non seulement le président et le vice-président de la BCE mais également tous les gouverneurs de banques centrales nationales.

D’autre part, le projet d’union bancaire en cours de discussion devrait conférer à la BCE la charge d’assurer le respect des exigences prudentielles applicables aux principaux établissements de crédit européens. Une telle évolution aurait donc pour conséquence de renforcer substantiellement la place de la BCE dans le dispositif de surveillance du système financier.

Dans ces conditions, il paraît logique d’étendre les missions de la Banque de France à la surveillance de l’ensemble du système financier, comme le prévoit le présent article.

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La Commission adopte l’article 10 sans modification.

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Article 11

Création du conseil de stabilité financière

Le présent article remplace le conseil de régulation financière et du risque systémique, institué en 2010, par un conseil de stabilité financière aux missions élargies.

La principale évolution consiste à conférer à ce conseil la faculté de déterminer le taux des « coussins contracycliques », prévus par les articles 122 à 130 de la proposition de directive dite « CRD IV » ((44) en cours de discussion au niveau communautaire, et d’agir sur les conditions d’octroi de crédit par les institutions financières en vue de prévenir la formation de bulles spéculatives ou un endettement excessif.

Parce que ses décisions pourraient affecter directement la production de crédit, le conseil de stabilité financière deviendrait non seulement un élément clé du dispositif de stabilité financière mais il aurait également, de fait, un rôle à jouer en matière de régulation conjoncturelle.

Le présent article prévoit, par ailleurs, le régime applicable aux membres de ce conseil en matière de prévention des conflits d’intérêt et de secret professionnel.

I.– L’ACTUEL CONSEIL DE RÉGULATION FINANCIÈRE ET DU RISQUE SYSTÉMIQUE

L’actuel conseil de régulation financière et du risque systémique (COREFRIS) ((45) a succédé, en 2010, au collège des autorités de contrôle des entreprises du secteur financier (CACES) (47).

L’instauration du CACES, en 2001, avait pour objet de faciliter la coopération et la transmission d’informations entre les autorités de régulation qui existaient alors – commission bancaire, commission de contrôle des assurances, commission des opérations de Bourse, conseil des marchés financiers.

L’objectif poursuivi par la loi de 2010 a été de compléter cette fonction de coopération entre organismes de régulation par une mission de surveillance macro-prudentielle. Le COREFRIS a ainsi pour mission d’appréhender les risques pesant sur l’ensemble du système financier quand les autorités de contrôle micro-prudentielles – Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et Autorité des marchés financiers (AMF) – ne disposent que d’une vision partielle du secteur financier.

Cette évolution institutionnelle découle directement de la crise financière de l’automne 2008 et de la faillite de Lehman Brothers, qui a mis en lumière les risques systémiques pouvant menacer l’ensemble du système financier. Elle est à rapprocher de l’instauration, en 2010, au niveau communautaire, du Conseil européen du risque systémique (CERS) instauré (48) sur le fondement des recommandations du rapport de M. Jacques de Larosière (49) et chargé de la surveillance macro-prudentielle au niveau communautaire.

Le conseil de régulation financière et du risque systémique est composé de huit membres (50) :

– du ministre chargé de l’Économie, qui en assume la présidence ;

– du gouverneur de la Banque de France, président de l’Autorité de contrôle prudentiel, et du vice-président de l’ACP ;

– du président de l’Autorité des marchés financiers ;

– du président de l’Autorité des normes comptables ;

– de trois personnalités qualifiées, choisies en raison de leurs compétences dans les domaines monétaire, financier ou économique, nommées par le ministre chargé de l’économie pour une durée de cinq ans (51).

La loi de 2010 a introduit des personnalités qualifiées au sein du COREFRIS. Elle a également conféré au ministre de l’Économie la qualité de membre et de président du conseil.

Outre ses missions de rapprochement des autorités de régulation et d’analyse du risque systémique, le COREFRIS s’est vu confier, par la loi de 2010, un rôle de synthèse des travaux d’élaboration des normes internationales et européennes applicables au secteur financier.

II.– LE FUTUR CONSEIL DE STABILITÉ FINANCIÈRE

Le présent article a pour objet principal d’étendre les missions du COREFRIS, renommé « Conseil de stabilité financière » (CSF), en lui octroyant notamment la faculté de déterminer le taux des « coussins contracycliques », prévus par les articles 122 à 130 de la proposition de directive dite « CRD IV », et d’agir sur les conditions d’octroi de crédit par les institutions financières en vue de prévenir la formation de bulles spéculatives ou un endettement excessif.

À titre subsidiaire, il définit le régime applicable aux membres du conseil en matière de prévention des conflits d’intérêt et de secret professionnel.

Enfin, aux termes de l’alinéa 5, le nombre minimal de réunions du conseil passe de deux à quatre par an, ce qui serait en accord avec la pratique constatée.

Il importe de remarquer que le présent article ne modifie pas la composition du conseil, décrite plus haut. La présence du ministre de l’Économie au sein du conseil est ainsi justifiée, dans l’étude d’impact, par « les interconnexions nombreuses entre les questions de stabilité financière et la politique économique. »

A.– LES NOUVELLES MISSIONS DU CONSEIL

1.– L’octroi de pouvoirs propres

Le principal enjeu lié au présent article réside dans les dispositions prévues aux 4° et 5° de l’article L. 631-2-1 (alinéas 11 et 12).

Les décisions prises par le Conseil de stabilité financière en application de ces dispositions le seraient à l’initiative du gouverneur de la Banque de France, qui pourrait rendre public sa proposition (alinéa 16). Elles pourraient faire l’objet de recours en annulation devant le Conseil d’État (alinéa 17).

a) La fixation d’exigences supplémentaires de fonds propres

Le dispose que, sur proposition du gouverneur de la Banque de France, le CSF peut imposer, aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille (52), des obligations en fonds propres plus contraignantes que les normes de droit commun fixées par le ministre de l’Économie (53). L’objectif poursuivi serait « d’éviter une croissance excessive du crédit ou de prévenir un risque aggravé de déstabilisation du système financier ». Cet article permet ainsi de transposer par anticipation les dispositions de l’article 126 de la proposition de directive mentionnée plus haut, en prévoyant que « l’autorité désignée » en charge de la détermination du taux des coussins contracycliques est le Conseil de stabilité financière.

Les dispositions prévues par la proposition de directive seraient applicables à compter du 1er janvier 2016, une période transitoire étant prévue entre 2016 et 2018.

● L’objectif de ralentissement d’une croissance excessive du crédit a trait à la détermination des « coussins contracycliques » prévus par les articles 126 à 130 de la proposition de directive dite « CRD IV ».

Les « coussins contracycliques » (54) ont pour objet de contraindre les établissements financiers à profiter des périodes de « vache grasse » pour accroître leurs réserves en vue de faire face aux périodes de « vache maigre ». En d’autres termes, les établissements sont incités, en haut de cycle, à renforcer leurs fonds propres pour être en mesure de faire face à la hausse du coût du risque et à la baisse de la rentabilité que l’on peut attendre en bas de cycle.

Une telle pratique poursuit un double objectif.

D’une part, il contribue à prévenir les faillites bancaires en contraignant les établissements financiers à anticiper les ralentissements économiques. Il relève donc du dispositif global de stabilité financière.

D’autre part, il contribue à renforcer le rôle contracyclique de la politique économique en modérant la croissance du crédit en haut de cycle et en créant les conditions propres à éviter un effondrement du crédit en bas de cycle.

Les articles 122 à 130 de la proposition de directive dite « CRD IV » prévoient les modalités de détermination du taux des coussins contracycliques. S’ajoutant au « coussin de conservation » représentant 2,5 % des actifs pondérés par les risques, les coussins contracycliques représenteraient entre 0 % – en bas de cycle – et 2,5 % – en haut de cycle – des actifs pondérés. Ils pourraient, par exception, dépasser le seuil de 2,5 %.

La fixation du taux serait faite par le Conseil de stabilité financière, en lien avec le Conseil européen du risque systémique qui pourrait formuler des recommandations.

En cas de non respect des exigences de fonds propres ainsi définies par le CSF, les établissements de crédit et les entreprises d’investissement concernés seraient soumis à des restrictions concernant notamment la distribution de dividendes et l’attribution de rémunération variable et de prestations de retraite discrétionnaires.

● La fixation d’exigences de fonds propres supplémentaires a également pour objectif de « prévenir un risque aggravé de déstabilisation du système financier ». Ce coussin supplémentaire est le coussin dit « systémique » (55) dont l’objet est d’anticiper une mise à mal du système financier, en renforçant les fonds propres des établissements financiers.

La possibilité de définir de tels coussins a été introduite dans la proposition de directive CRD IV, lors de la négociation au Conseil. La proposition initiale de la Commission européenne se fondait sur le principe d’harmonisation maximale afin d’imposer des règles uniques sur l’ensemble du marché intérieur et d’éviter les distorsions de concurrence. Une telle approche interdisait aux États de prévoir des normes prudentielles plus strictes que celles prévues au niveau communautaire. Pour conserver une certaine flexibilité dans la mise en œuvre de ces normes, le Conseil a décidé de permettre l’introduction de ces coussins supplémentaires dont les modalités de calcul sont laissées à l’appréciation des États.

En dépit de la liberté ainsi laissée aux États, la proposition de directive prévoit un encadrement sur trois points.

En premier lieu, l’objectif du coussin doit être de couvrir un risque qui ne serait pas couvert par le règlement transposant les normes de Bâle 3 et qui pourrait avoir des conséquences négatives sur le système financier ou le financement de l’économie d’un État membre spécifique. À titre d’exemple, le risque lié à une bulle immobilière ne devrait pas pouvoir être couvert par ce coussin, dans la mesure où il existe déjà des outils dans le règlement pour éviter ce risque. On pourrait en revanche penser à un risque lié à une interdépendance trop forte du secteur bancaire à une zone géographique en risque ou à une structure inadéquate du secteur bancaire dans son ensemble.

En deuxième lieu, le niveau maximal du coussin est encadré. Ainsi, au-delà d’une certaine limite définie dans le projet de directive, l’application du coussin ne sera possible qu’après l’accord des autorités européennes – le processus d’approbation différant selon le périmètre d’application et le niveau envisagé du coussin.

Enfin, la révision du coussin par les autorités doit être au minimum biennale.

b) La possibilité d’un encadrement des conditions d’octroi du crédit en cas de risque de bulles spéculatives ou d’endettement excessif

Le du présent article dispose que, sur proposition du Gouverneur de la Banque de France, le Conseil de stabilité financière peut fixer « des conditions d’octroi de crédit par les personnes soumises au contrôle de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (56) ». L’objectif serait de « prévenir l’apparition de mouvements de hausse excessive sur le prix des actifs de toute nature ou d’un endettement excessif des agents économiques ».

En pratique, la Conseil de stabilité financière aurait le pouvoir d’imposer des critères quantitatifs sur les conditions d’octroi, par les établissements de crédit, de prêts individuels, en fonction des caractéristiques des emprunteurs – ce qui écarte la possibilité de mener une politique globale d’encadrement du crédit.

Selon les informations transmises à la Rapporteure, le pouvoir ainsi conféré au CSF aurait vocation à être utilisé « avec parcimonie » et toute décision serait précédée « d’une analyse rigoureuse des coûts et bénéfices liés à leur utilisation, à partir d’une batterie d’indicateurs quantitatifs. »

2.– Les autres missions

Le présent article précise et complète les missions aujourd’hui assumées par le COREFRIS.

En premier lieu, le premier alinéa de l’article L. 631-2-1 (alinéa 7) explicite les objectifs poursuivis par le CSF en reprenant les termes de la recommandation CERS/2011/3 du Conseil européen du risque systémique (57). Il est ainsi précisé que l’objet du CSF est la surveillance du système financier dans son ensemble et que son but doit être la préservation de la stabilité financière et une « contribution soutenable à la croissance économique ».

En second lieu, les 1°, 2° et 7° de l’article L. 631-2-1 (alinéas 8, 9 et 14) reprennent les missions actuelles du COFRERIS.

Le 1° apporte une précision utile tendant à prévoir la possibilité pour l’ACPR et l’AMF de transmettre au conseil des informations couvertes par le secret professionnel. Il tend à accroître les moyens du Conseil de stabilité financière en lui permettant d’accéder à des informations non publiques concernant un ou plusieurs établissements spécifiques.

En troisième lieu, les 3° et 6° de l’article L. 631-2-1 (alinéas 10 et 13) étendent la possibilité d’émettre des avis sur la stabilité financière en France – un tel avis pouvant être rendu public – et d’adresser aux autorités européennes de régulation des recommandations tendant au renforcement des exigences de fonds propres dans les autres États de l’Union – une telle disposition étant prévue par le règlement dit « CRR » (58) en cours de discussion au niveau communautaire.

Enfin, l’alinéa 15 prévoit les principes d’une prise en compte par le CSF des objectifs de stabilité financière en Europe et d’une coopération avec les autres autorités européennes de régulation ainsi qu’avec le CERS.

B.– LA PRÉVENTION DES CONFLITS D’INTÉRÊT ET LE SECRET PROFESSIONNEL

Le présent article insère, dans le code monétaire et financier, un article L. 631-2-3, dont le I prévoit des dispositions tendant à prévenir les conflits d’intérêt et le II a trait au secret professionnel.

● Le I (alinéas 21 à 26) prévoit trois dispositions tendant à la prévention des conflits d’intérêt.

En premier lieu, les personnalités qualifiées membres du Conseil de stabilité financière devraient transmettre au président une déclaration d’intérêt, qui pourrait être consultée par les autres membres du Conseil. Cette déclaration porterait sur les intérêts détenus, les fonctions exercées et les mandats détenus au sein d’une personne morale.

En deuxième lieu, aucun membre du Conseil de stabilité financière ne pourrait délibérer ou participer aux travaux portant sur une situation individuelle dans laquelle il aurait un intérêt direct ou indirect via une personne morale dont il serait salarié, avocat ou conseil.

Enfin, aucun membre du Conseil de stabilité financière ne pourrait être salarié ou mandataire d’une personne soumise au contrôle de l’ACPR ou de l’AMF.

● Dans une rédaction identique à celle de l’article L. 612-17 applicable à l’Autorité de contrôle prudentiel, le II prévoit que le secret professionnel lie, dans les conditions prévues à l’article L. 641-1 du code monétaire et financier, « toute personne qui participe ou a participé à l’accomplissement des missions du conseil de stabilité financière », ce qui concerne non seulement ses membres mais également toute personne aidant le Conseil dans ses travaux. L’article 226-13 du code pénal prévoit que la violation du secret professionnel est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.

Une telle disposition paraît nécessaire dès lors que l’alinéa 8 du présent article prévoit la possibilité de transmission au CSF, par l’ACPR et l’AMF, d’éléments d’information couverts par le secret professionnel.

Par exception, le secret professionnel ne serait pas opposable :

– à l’autorité judiciaire agissant dans le cadre soit d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’égard d’une personne soumise au contrôle des institutions que ses membres représentent, soit d’une procédure pénale ;

– aux juridictions administratives saisies d’un contentieux relatif à l’activité du Conseil de stabilité financière ;

– en cas d’audition par une commission d’enquête dans les conditions prévues au quatrième alinéa du II de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ;

– à la Cour des comptes, dans le cadre des contrôles que la loi lui confie.

Ces exceptions sont identiques à celles prévues pour l’ACPR.

*

* *

La Commission adopte l’amendement de coordination CF 214 de la rapporteure.

Puis elle examine, en discussion commune, les amendements CF 166 de M. Gwenegan Bui, CF 148 de Mme Eva Sas et CF 297 de la commission des lois.

M. Christian Paul. L’amendement CF 166 vise à diversifier, pour ne pas dire hybrider, la composition du futur Conseil de stabilité financière afin d’éviter toute « endogamie ».

Mme Eva Sas. Le Conseil de stabilité financière ne doit pas représenter le seul monde bancaire. Aux termes de l’amendement CF 148, il inclurait donc un député nommé par le président de l’Assemblée nationale et un sénateur nommé par le président du Sénat, ainsi qu’un membre nommé par le président du Conseil économique, social et environnemental, afin que les ONG chères au cœur de Pascal Cherki y soient également représentées.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. Par mon amendement CF 297, je propose que deux des trois personnalités qualifiées qui siégeront au Conseil de stabilité financière soient respectivement nommées par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, la troisième étant désignée par le ministre de l’économie et des finances.

Mme la rapporteure. Ces trois amendements posent la question des rapports qui doivent exister entre le Parlement et le Conseil de stabilité financière. Celui de Mme Sas pose un problème de séparation des pouvoirs car un organe de l’exécutif ne saurait comprendre des membres du Parlement. Quant à l’amendement CF 166, il augmente trop significativement le nombre des membres du Conseil.

Je suis favorable pour ma part à l’amendement CF 297 de la commission des lois qui permet au Parlement d’être présent au sein du Conseil sans remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs.

M. Christian Paul. Je me rallie à cet amendement CF 297.

Mme Eva Sas. Je m’y rallie également.

Les amendements CF 166 et CF 148 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement CF 297.

La Commission examine l’amendement CF 287 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Le présent amendement a pour objet de rééquilibrer la composition du futur Conseil de stabilité financière dans le respect de l’objectif de parité entre les femmes et les hommes. Il renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités de sa mise en œuvre.

Ce sont des symboles comme celui-ci qui font bouger les lignes de manière non contrainte.

M. le président Gilles Carrez. Êtes-vous certaine que les modalités de nomination des membres du CSF éviteront de recourir à la procédure de tirage au sort ?

Mme la rapporteure. Le tirage au sort est utilisé pour d’autres types de nominations. J’ignore s’il sera nécessaire ou non en l’espèce, mais sachez que cette procédure ne comporte aucune difficulté et n’est pas liée à la problématique particulière de la parité dans les instances de pouvoir de notre pays.

M. le ministre. Je suis favorable à cet « objectif » de parité. Conformément à l’amendement que vous venez d’adopter, les trois personnalités qualifiées siégeant au Conseil seront désignées, pour deux d’entre elles, par les présidents des deux assemblées et, pour l’autre, par le ministre de l’économie et des finances. Mais si l’on tient compte des cinq membres présents ès qualités – le ministre lui-même, président ; le gouverneur de la Banque de France, assisté du vice-président ; le président de l’Autorité des marchés financiers et le président de l’Autorité des normes comptables –, il est clair que cette parité ne pourra être atteinte dans l’immédiat. Elle devra donc être obtenue par étapes, mais il est bon qu’elle soit posée comme objectif.

M. le président Gilles Carrez. Ce que nous avions proposé, Christophe Caresche et moi-même, en commission mixte paritaire, mais avec moins de succès…

Mme la rapporteure. Vous oubliez, monsieur le ministre, que parmi les cinq personnes présentes ès qualités, il y a une femme, ce dont je me réjouis tous les jours.

M. le ministre. Certes, mais elle sera peut-être appelée à d’autres fonctions, bientôt.

La Commission adopte l’amendement CF 287.

Mme Eva Sas. Mon amendement CF 149, qui va bientôt être appelé, n’a plus guère d’objet puisque j’y demandais une parité effective. Je soutiens l’amendement de la rapporteure, mais je voudrais être certaine que les termes « respecter l’objectif de parité » excluent tout recul et même que tout renouvellement partiel du Conseil devra aboutir à renforcer la présence des femmes en son sein.

Mme la rapporteure. La parité effective est, on l’a dit, hors de portée en l’état actuel de la composition du Conseil, mais je suis d’accord avec vous : la parité est une affaire de volonté politique et dépend des nominations décidées en conseil des ministres et par le ministre de l’économie et des finances. Une parole forte du ministre en faveur de la parité nous conviendrait parfaitement, à vous comme à moi.

M. le président Gilles Carrez. Le ministre s’est déjà exprimé sur cette question.

Mme Eva Sas. Certes, mais en insistant sur le fait que la parité est un objectif, et non une obligation.

M. le ministre. Je souscris totalement à cet objectif !

La Commission est saisie de l’amendement CF 164 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cet amendement a pour objectif d’augmenter la fréquence des réunions annuelles du Conseil en portant leur nombre de quatre à six.

Mme la rapporteure. Le nombre de quatre réunions correspond à une réunion par trimestre et suffit parfaitement pour apprécier la situation macroéconomique et macroprudentielle. Cela étant, rien n’interdit au Conseil de tenir des réunions ad hoc. Pour ces raisons, je vous invite à retirer votre amendement.

L’amendement CF 164 est retiré.

L’amendement CF 149 de Mme Eva Sas est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 32 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. À l’alinéa 7 de l’article, la surveillance exercée par le Conseil est présentée comme une contribution à la croissance : l’idée est étrange s’agissant d’un organisme dont la mission est de rechercher la « stabilité financière ». En outre, la recherche de la croissance relève du politique. Je propose donc de supprimer cette référence.

Mme la rapporteure. Votre amendement, cher collègue, me donne l’occasion de rappeler les raisons qui justifient la mission attribuée au Conseil de stabilité financière. En 2008, nous avons découvert le problème du risque systémique qui, pour être couplé à un problème d’aléa moral, ne peut comme celui-ci être réglé par un mécanisme de résolution, mais nous avons également découvert que notre capacité à prévoir la crise aurait supposé une analyse macroprudentielle, notamment une analyse de la croissance économique réelle. Si nous considérons rétrospectivement ce qui s’est passé au cours des trimestres précédant l’été 2007, nous constatons de fait que la connaissance de la situation économique réelle globale et de la croissance était un élément clé pour apprécier la stabilité financière : le découplage entre l’évolution du composant M3 de la masse monétaire et la croissance économique était largement suffisant pour attirer l’attention.

Il faut par conséquent donner au Conseil la possibilité d’analyser les indicateurs de la croissance économique réelle si nous voulons que la stabilité financière s’inscrive dans une réalité économique. Je ne peux donc être favorable à votre amendement.

Mme Valérie Rabault. Je souscris entièrement à ce propos. En effet, avant la crise de 2008, un certain nombre d’alertes avaient été lancées, notamment par le FMI, inquiet de l’explosion de la liquidité et du crédit déconnectée de la croissance, mais personne ne s’est penché sur la question. Disposer d’une instance capable de faire la liaison entre des indicateurs macroéconomiques et des indicateurs issus des marchés financiers me paraît indispensable pour détecter la survenue d’une crise.

M. le président Gilles Carrez. Ces arguments très convaincants, monsieur Launay, devraient vous inciter à retirer votre amendement.

L’ amendement CF 32 est retiré.

L’amendement CF 165 de M. Gwenegan Bui est également retiré.

La Commission examine en discussion commune les amendements CF 288 de la rapporteure et CF 150 de M. Éric Alauzet.

Mme la rapporteure. Le Conseil de stabilité financière a pour mission de surveiller la situation macroéconomique en examinant les différents indicateurs permettant d’apprécier la stabilité financière, mais la loi lui donne aussi le pouvoir de fixer des seuils minimaux de fonds propres plus contraignants que les normes résultant des accords de Bâle III ou d’encadrer l’octroi de crédit, ce « sur proposition du Gouverneur de la Banque de France ». Je suggère que le ministre de l’économie, qui a toute compétence pour apprécier les risques macroprudentiels, puisse également être à l’initiative de ces mesures.

Mme Eva Sas. L’amendement CF 150 est défendu.

M. le ministre. Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas très favorable à la proposition de la rapporteure car elle me paraît susceptible de remettre en question le rôle clé que le projet de loi attribue à la Banque de France en matière de politique macroprudentielle. Or, dans la recommandation qu’il a publiée en décembre 2011 sur le mandat macroprudentiel des autorités nationales, le Conseil européen du risque systémique a recommandé que cette responsabilité soit attribuée à la banque centrale en toute indépendance. Le projet de loi s’inscrit dans cette perspective en disposant que le Conseil de stabilité – dont je rappelle qu’il est présidé par le ministre de l’économie et des finances – ne peut recourir à ses pouvoirs juridiquement contraignants que sur proposition du gouverneur de la Banque de France. Je ne voudrais pas laisser croire que nous nous approprierions une responsabilité qui incombe à celui-ci, en allant contre une recommandation de l’Union.

Mme la rapporteure. Je vais donc retirer cet amendement, mais je reste convaincue que cette question ne peut être réglée exclusivement dans le cadre de l’indépendance reconnue à la banque centrale.

M. le ministre. Le ministre de l’économie est partie prenante de cette procédure puisqu’il préside le CSF et prend la décision in fine, sur proposition du gouverneur. Mais il ne peut à la fois être à l’origine et à la conclusion de l’affaire. Cela étant, sur le fond, nous sommes d’accord.

Les amendements CF 288 et CF 150 sont retirés.

La Commission adopte, suivant l’avis favorable de la rapporteure, l’amendement rédactionnel CF 7 de la commission des Affaires économiques.

Puis elle examine l’amendement CF 56 de M. Laurent Baumel. 

M. Laurent Baumel. Cet amendement donne mission au CSF d’évaluer l’impact des dispositions que nous avons votées à l’article 1er et d’établir chaque année un rapport public annuel pour rendre compte de son activité et proposer, le cas échéant, la modification des articles du code monétaire et financier. Si des choses graves se produisaient dans le domaine de la tenue de marché, le Conseil aurait ainsi la faculté d’émettre des recommandations.

Mme la rapporteure. La vérification relève de la responsabilité de l’Autorité de contrôle prudentiel, et non du CSF. Je suggère donc à l’auteur de l’amendement de le retirer.

L’amendement CF 56 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 215 de la rapporteure.

Puis elle examine l’amendement CF 298 de la commission des lois.

Mme Axelle Lemaire. Vous connaissez mon attachement au rôle que joue le Parlement dans le contrôle de l’exécutif. C’est ce qui m’amène à suggérer que le président du CSF – en tant que tel, même s’il est également ministre de l’économie – puisse être entendu sur leur demande par les commissions des finances des deux assemblées.

Mme la rapporteure. Avis favorable, mais je sais que le ministre de l’économie est disposé à être auditionné à tout moment par la Commission des finances !

M. le ministre. Il n’y vient pas assez souvent. Cette disposition est très opportune.

La Commission adopte l’amendement CF 298.

Elle examine ensuite l’amendement CF 289 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Afin d’éviter les conflits d’intérêts, le présent amendement propose de rendre publique la déclaration d’intérêt établie par les membres du CSF.

La Commission adopte l’amendement CF 289.

Puis elle se saisit de l’amendement CF 299 de la commission des lois. 

Mme Axelle Lemaire. Le projet interdit aux membres du Conseil de stabilité l’exercice de certaines fonctions durant leur mandat, mais il ne prévoit aucune incompatibilité a posteriori. Cet amendement vise donc à introduire, comme c’est le cas pour les salariés du secteur financier ainsi que pour les fonctionnaires et agents publics, un délai de viduité de trois ans pendant lequel ils ne pourront travailler au sein d’une organisation qu’ils auraient été chargés de surveiller dans le cadre de leur mission.

La Commission, suivant l’avis favorable de la rapporteure, adopte l’amendement CF 299.

Puis elle examine l’amendement CF 57 de M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Le texte dispose qu’un membre du Conseil ne peut participer à une délibération s’il est susceptible d’être concerné à titre individuel. Je préfère pour ma part qu’il ne puisse être nommé, ce qui préviendra tout conflit d’intérêts.

Mme la rapporteure. Je suis favorable à votre amendement, sous réserve de la correction d’un défaut rédactionnel que je vous propose de traiter ultérieurement.

M. Laurent Baumel. Je représenterai cet amendement au cours de la réunion que nous tiendrons au titre de l’article 88.

L’amendement CF 57 est retiré.

La Commission adopte l’article 11 modifié.

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Après l’article 11

La Commission examine l’amendement CF 122 du rapporteur général, portant article additionnel après l’article 11.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il était difficilement envisageable d’examiner un texte portant sur la régulation des activités bancaires sans évoquer la question des prêts dits toxiques. Il ne s’agit pas de traiter le stock et les situations douloureuses que nous connaissons, mais de prévenir.

Depuis que j’ai déposé cet amendement, on m’a fait remarquer que j’allais peut-être trop loin, des collectivités importantes pouvant avoir besoin de prêts de type particulier. Pour tenir compte de l’objection, je suis prêt, après avoir entendu la rapporteure et le ministre, et si Mme la rapporteure pour avis, cosignataire, en est d’accord, à retirer cette proposition pour en présenter une version corrigée lors de la réunion que nous tiendrons au titre de l’article 88.

Mme Axelle Lemaire, rapporteure pour avis. Ces dispositions s’imposent car bien des collectivités territoriales ont souffert de l’exposition à des risques financiers, mais il ne faudrait pas qu’elles soient perçues comme une menace pour l’accès des plus grandes d’entre elles au crédit. Je pense donc qu’il conviendrait en effet de réfléchir à une autre rédaction d’ici à la séance publique.

Mme la rapporteure. Je suis d’autant plus reconnaissante à Christian Eckert et à Axelle Lemaire d’avoir appelé l’attention de la Commission sur ce sujet que je suis élue d’un département dans lequel se trouve la commune la plus endettée de France, du fait de montages financiers très dangereux. Cela dit, nous devons être très prudents en la matière, le mieux étant l’ennemi du bien. Il ne faudrait pas, en voulant protéger les collectivités locales, prendre le risque de réduire leur accès au crédit.

M. le ministre. Je partage votre sentiment et vous invite à travailler à une nouvelle rédaction de cet amendement en collaboration avec vos collègues sénateurs, directement intéressés par les questions touchant les collectivités locales. Je ne suggère pas que l’Assemblée nationale ne serait pas en mesure de traiter du sujet, mais je souhaite que la disposition que vous voterez invite la majorité sénatoriale à se rassembler sur un texte d’intérêt général.

M. le président Gilles Carrez. La loi de programmation pluriannuelle que nous avons examinée à l’automne dernier comportait un article relatif aux collectivités locales plus endettées que la moyenne. Il conviendrait de se préoccuper de l’articulation de cet article avec le dispositif auquel nous aboutirons ici.

M. le rapporteur général. Nous devrions également nous inspirer du rapport de nos collègues Claude Bartolone et Jean-Pierre Gorges sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux. Cet amendement n’a pas pour objet d’interdire aux collectivités territoriales de souscrire des emprunts venant en substitution des emprunts toxiques, mais de proposer une disposition transitoire.

Il nous faut en outre réfléchir au rôle du contrôle de légalité, qui actuellement ne s’intéresse pas aux contrats passés par les collectivités, considérés comme des contrats de droit privé. Je ne doute pas qu’avant la séance publique ou le passage devant le Sénat, nous aurons trouvé une rédaction plus pertinente.

L’amendement CF 122 est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CF 286 du rapporteur général.

M. le rapporteur général. Cet amendement vise à mettre fin à la possibilité d’opposer le secret bancaire aux commissions d’enquête parlementaires, comme cela s’est produit à deux reprises au moins : la première fois en 1994 au sujet du Crédit lyonnais, la seconde lors des travaux de la commission d’enquête menée par MM. Bartolone et Gorges sur les emprunts toxiques, même si nos collègues sont finalement parvenus à recueillir certaines informations.

Je rappelle que les commissions d’enquête parlementaires sont soumises à une obligation de confidentialité.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. le ministre. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. le président Gilles Carrez. La difficulté à laquelle se heurtait la commission d’enquête sur le Crédit lyonnais ne tenait pas tant au secret bancaire, me semble-t-il, qu’à la possibilité ou non de délier du secret professionnel les personnes que nous auditionnions.

M. le rapporteur général. L’amendement prévoit les deux cas de figure. Dans sa deuxième partie, il permet de délier du secret professionnel les personnes qui seraient amenées à être entendues.

La Commission adopte l’amendement.

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Titre IV

RENFORCEMENT DES POUVOIRS DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS ET DE L’AUTORITÉ DE CONTRÔLE PRUDENTIEL ET DE RÉSOLUTION

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l’autorité des marchés financiers

Article 12

Organisation et pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers

Articles L. 621-2, L. 621-8-4, L. 621-10 à L. 621-12, L. 621-15 et L. 621-18 du code monétaire et financier

L’Autorité des marchés financiers (AMF) est un organisme public indépendant, doté de la personnalité morale et disposant d’une autonomie financière. Créé en 2003 (59), l’AMF fusionne les trois autorités précédemment chargées de la surveillance et du contrôle des acteurs de la place financière française :

– la commission des opérations de bourse (COB) qui était chargée de la surveillance des marchés financiers (agréments, protection des investisseurs…) ;

– le conseil des marchés financiers (CMF) auquel il incombait notamment de se prononcer sur les offres publiques (garanties de cours, franchissements de seuils…) ;

– le conseil de discipline de la gestion financière (CDGF) qui veillait au respect par les acteurs de l’épargne collective de la réglementation en vigueur en matière d’information de l’épargnant et des sanctions afférentes en cas d’infraction.

A.– L’ORGANISATION ET LES MISSIONS ACTUELLES DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

 Afin de répondre à l’exigence de séparation des fonctions de poursuite et de sanction, l’AMF est composée de deux organes collégiaux : le collège et la commission qui a l’exclusivité du pouvoir de sanction. Ils sont assistés dans leurs tâches par les commissions consultatives et le conseil scientifique. Le schéma suivant détaille l’organisation actuelle de l’AMF.

ORGANISATION DE L’AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

Source : www.amf-france.org

Le collège a la tâche d’assurer la surveillance des marchés financiers : à ce titre, il doit prendre les décisions individuelles (agréments, conformité des offres, injonctions…), fixer le règlement général (RGAMF) s’appliquant aux acteurs des marchés financiers, initier, en cas de violation présumée, la procédure de sanctions en ordonnant l’ouverture d’une enquête. Il exerce également les missions propres à tout organe de direction (budget, règlement intérieur…).

La Commission des sanctions a la charge de l’instruction de la procédure de sanction, par l’intermédiaire d’un rapporteur nommé par son président. Elle mène les audiences contradictoires opposant le collège à la personne incriminée. Ses décisions sont soumises aux voies de recours devant la Cour d’appel de Paris ou le Conseil d’État selon la qualité des personnes incriminées. Elle prononce des sanctions qui prennent la forme d’avertissements, de blâmes, d’interdictions d’activité ou d’amendes pouvant aller jusqu’à 100 millions d’euros pour les personnes morales et jusqu’à 15 millions d’euros pour les personnes physiques.

Le Collège a la possibilité de constituer des commissions consultatives destinées à préparer ses réflexions sur des sujets concernant l’évolution des marchés (fonctionnement, information financière, protection de l’épargnant…). Le conseil scientifique travaille à améliorer l’information du régulateur sur les réflexions académiques en cours dans le domaine financier, à identifier les évolutions susceptibles d’avoir un impact sur les champs d’activité de l’AMF et initie les travaux de recherche en lien avec les préoccupations du régulateur.

 La surveillance des marchés financiers comprend deux aspects : la protection des investisseurs et le bon fonctionnement des marchés d’instruments financiers nationaux et européens.

Les sociétés cotées ont l’obligation d’informer le public de leurs activités (résultats, opérations financières) et des produits qu’elles commercialisent (prospectus simplifié, DICI…). L’AMF veille à ce titre à la fiabilité de l’information et à sa bonne diffusion à l’ensemble de la communauté financière. Elle met également à la disposition des particuliers un service de médiation chargé de recevoir les réclamations relatives aux manquements des acteurs des marchés financiers.

En termes de réglementation des opérations et des produits financiers, l’accord de l’AMF doit être obtenu pour la constitution des sociétés de gestion, de SICAV, de fonds communs de placement et des associations professionnelles chargées de la représentation des acteurs financiers.

Quant aux activités réglementées, l’AMF définit les principes d’organisation et de fonctionnement que doivent respecter les entreprises de marché, les chambres de compensation et les professionnels autorisés à fournir des services d’investissement.

Elle procède également à des contrôles et à des enquêtes et peut, en cas d’infraction, prononcer des peines par l’intermédiaire de la commission des sanctions.

B.– LES ÉVOLUTIONS DU PROJET DE LOI

Le présent article comprend quatre parties principales : la première traite de la vacance de la présidence de l’Autorité des marchés financiers (AMF), la deuxième du droit de communication à ses services, la troisième des pouvoirs des enquêteurs et contrôleurs et la quatrième des pouvoirs de sanctions de l’Autorité.

1.– La vacance de la présidence

L’alinéa 3 complète l’article L. 621-2 du code monétaire et financier relatif à la composition de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Il prévoit qu’en cas de vacance ou d’empêchement, le président de l’AMF désigne, après avis du collège, un membre du collège pour assurer la suppléance. Cette disposition est indispensable pour assurer la continuité des missions, étant entendu que le président de l’AMF dispose de prérogatives attachées à sa seule fonction et qu’en son absence elles doivent pouvoir être exercées. Cette situation est récemment apparue problématique lorsque le précédent président de l’AMF a été appelé à d’autres fonctions et qu’il n’a pas été immédiatement remplacé.

2.– Le droit de communication

Les alinéas 4 à 7 complètent quant à eux les dispositions relatives aux pouvoirs de l’AMF afin que l’autorité puisse assurer la veille et la surveillance du marché. À ce titre, elle peut se faire communiquer par les personnes soumises à son contrôle tout document ou information qu’elle juge utile à sa mission de veille ou de surveillance. En effet, comme pour l’ACPR, il apparaît indispensable de renforcer l’action en amont de l’AMF. Outre le renforcement propre des pouvoirs de l’autorité, cette mesure vise aussi à responsabiliser les acteurs qui font l’objet d’un contrôle plus étroit.

3.– Les pouvoirs des enquêteurs et contrôleurs

a) Les pouvoirs d’investigation

 Les alinéas 8 à 10 traitent des pouvoirs des enquêteurs et contrôleurs de l’AMF.

Le texte distingue les droits des contrôleurs de ceux des enquêteurs. Cette différence a pour origine les deux procédures d’investigation héritées d’une part de la Commission des opérations de bourse (COB) qui réalisait des enquêtes, et, d’autre part du Conseil des marchés financiers (CMF) qui réalisait des contrôles. À la création de l’AMF en 2003 (60), par fusion de ces deux institutions, le législateur a choisi de maintenir cette distinction.

Les enquêtes sont décidées par le secrétaire général ; elles sont le plus souvent la conséquence de constatations faites dans le cadre de la surveillance des marchés, du suivi de la vie des sociétés cotées ou de plaintes. Elles peuvent également être engagées à la demande d’autorités étrangères. Elles portent sur un ou plusieurs faits commis par toute personne susceptible de constituer des infractions boursières (opération d’initié, manipulation de cours, diffusion de fausse information, faits de nature à porter atteinte au bon fonctionnement des marchés...).

Les contrôles sont également ouverts par le secrétaire général ; ils ont pour objectif de s’assurer que les professionnels régulés par l’Autorité, ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte, respectent bien leurs obligations professionnelles conformément au code monétaire et financier, au règlement général ou à des règles professionnelles approuvées par l’AMF. Les missions de contrôle concernent les professionnels de marché parmi lesquels plus de 900 prestataires de services d’investissement (sociétés de gestion de portefeuille, entreprises d’investissement et établissements de crédit prestataires de services d’investissement), les infrastructures de marché (NYSE Euronext, Alternext…), les chambres de compensation, le dépositaire central... et environ 4 600 conseillers en investissements financiers ainsi que leurs six associations professionnelles. Ces contrôles sont encadrés par une charte qui informe les personnes contrôlées sur les principes que l’AMF s’engage à respecter mais aussi le comportement qu’il est attendu des personnes sollicitées.

Les services de l’AMF chargés, respectivement, des enquêtes et des contrôles ont été récemment rassemblés au sein d’une même direction pour une plus grande synergie et une plus grande convergence des méthodes de l’ensemble de la filière répressive. Le projet de loi harmonise leurs prérogatives et pratiques.

À ce jour, le code monétaire et financier ne donne qu’aux seuls enquêteurs le pouvoir de se faire communiquer tous les documents nécessaires à l’exercice de leurs missions. Désormais les enquêteurs, comme les contrôleurs, pourront se faire communiquer tous documents, quel qu’en soit le support (alinéa 9). Les enquêteurs peuvent en outre obtenir accès et copie des données conservées et traitées par les opérateurs de télécommunications. Cette dernière disposition s’applique également aux prestataires de télécommunications c’est-à-dire aux « personnes dont l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne » ainsi que « les personnes physiques ou morales qui assurent […] le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature » (61).

Ce droit de communication a été introduit en droit français afin de se conformer à la législation européenne, et en particulier à l’article 10 de la directive 2003/6/CE sur les abus de marché (62). Ce droit de communication spécifique du gendarme boursier vis-à-vis des opérateurs de communication est fondamental pour mener à bien les procédures d’enquêtes dont il a la responsabilité. Il est en particulier essentiel pour faire la preuve d’éventuels délits d’initiés et pour reconstituer le circuit de transmission d’informations privilégiées. Plusieurs types de demandes peuvent être effectués à cet effet : des demandes d’identification ou d’IP ainsi que des demandes de factures détaillées (liste des numéros appelés ou appelants pour une ligne donnée).

 Les enquêteurs et contrôleurs peuvent également convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Ils ont accès à l’ensemble des locaux professionnels et peuvent également recueillir sur place des explications. Un décret en Conseil d’État précisera les conditions de ce recueil.

Selon les informations transmises à la rapporteure, il devrait reprendre le contenu de l’article R. 621-35 du code monétaire et financier actuellement applicable aux seuls enquêteurs. Il permettra ainsi aux enquêteurs et aux contrôleurs de convoquer et entendre toute personne susceptible de leur fournir des informations. Il prévoira que la convocation est adressée à l’intéressé par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, remise en main propre contre récépissé ou acte d’huissier, huit jours au moins avant la date de convocation. Elle devra faire référence à l’ordre de mission nominatif de l’enquêteur ou du contrôleur établi par le secrétaire général ou son délégataire. Elle rappellera à la personne convoquée qu’elle est en droit de se faire assister d’un conseil de son choix. Enfin, le décret précisera que les procès-verbaux établis dans le cadre des enquêtes ou des contrôles énoncent la nature, la date et le lieu des constatations opérées. Ils sont signés par l’enquêteur ou le contrôleur et la personne concernée par les investigations. En cas de refus de celle-ci, mention en est faite au procès-verbal.

 L’alinéa 12 prévoit que, lorsque les personnes ou entités contrôlées par l’AMF fournissent leurs services sur internet, les enquêteurs et contrôleurs peuvent, sans être pénalement responsables, faire usage d’une identité d’emprunt. Un décret en Conseil d’État précise comment ils procèdent alors à leurs constatations. Le développement d’activités financières en ligne impose en effet de donner aux autorités de contrôle les moyens de vérifier que les acteurs respectent effectivement l’ensemble des règles applicables. Cette mission ne saurait se faire par les voies ordinaires de contrôle inadaptées à ces nouveaux modes d’échange.

 Les alinéas 14 à 16 tirent les conséquences, à l’article L. 621-11, relatif à l’assistance d’un conseil, des modifications opérées à l’alinéa 10 en ce qui concerne la possibilité d’entendre une personne ou de procéder sur place à un recueil d’explications.

b) Les visites domiciliaires

Les alinéas 17 à 25 modifient les dispositions relatives à la recherche de certaines infractions, à la possibilité pour les enquêteurs d’effectuer des visites et à procéder à la saisie de documents. Sont concernées les atteintes à la transparence des marchés ainsi que les faits susceptibles d’être qualifiés de délit contre les biens et sanctionnés par la commission des sanctions de l’AMF. L’alinéa 19 soumet ces pratiques à l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention territorialement compétent, le lieu retenu étant celui du local visité. Seul le secrétaire général de l’AMF peut demander au juge une telle autorisation ; il doit dûment la motiver. Conformément au deuxième alinéa de l’article L. 621-12, le juge doit en effet « vérifier que la demande d’autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d’information en possession de l’Autorité de nature à justifier la visite ».

Si plusieurs lieux sont concernés et que les actions doivent y être conduites simultanément, un des juges des libertés et de la détention territorialement compétent peut délivrer une ordonnance valable pour l’ensemble des sites.

L’alinéa 21 précise que lorsque l’opération a lieu en dehors de son ressort, le juge saisi peut se déplacer sur les lieux quelle que soit leur localisation sur le territoire national.

Les alinéas 22 à 25 tirent les conséquences de ces modifications dans les autres alinéas de l’article L. 621-12. Est ainsi compétent pour connaître de ces opérations le premier président de la Cour d’appel dans le ressort de laquelle le juge a autorisé une visite.

4.– La procédure de sanction

Les alinéas 26 à 30 modifient les dispositions relatives à la procédure de sanction par la commission des sanctions de l’AMF.

Actuellement l’article L. 621-15 prévoit qu’un membre du collège « ayant examiné le rapport d’enquête ou de contrôle et pris part à la décision d’ouverture d’une procédure de sanction » est convoqué à l’audience de la commission des sanctions. Or, en pratique, ces dispositions pourraient, à raison du renouvellement régulier des membres du collège, s’avérer délicates voire impossibles à mettre en œuvre dans le cas où une procédure de sanction serait d’une durée particulièrement longue. L’alinéa 27 allège donc la procédure en prévoyant que n’importe quel membre du collège peut assurer cette mission. Il semble en effet qu’en prenant connaissance du dossier, le membre désigné, même s’il n’a pas pris part à la décision initiale de poursuite, dispose de tous les éléments nécessaires pour représenter utilement le collège.

L’alinéa 29 prévoit que les personnes qui refusent de donner aux enquêteurs accès à un document, qui en refusent la copie, qui refusent de fournir une information, qui ne répondent pas à une convocation ou qui refusent l’accès à un local professionnel sont passibles de sanctions et relèvent du champ de compétences de la commission des sanctions de l’AMF. Les contrôleurs ne sont pas concernés par cette mesure puisqu’il n’est question que d’abus de marché, c’est-à-dire le champ de compétence des enquêteurs, et non d’un manquement aux obligations réglementaires, champ de compétence des contrôleurs.

Aujourd’hui, dans le cadre de leur mission de veille et de contrôle, les services de l’AMF disposent des outils juridiques pour demander des informations aux sociétés cotées sur un marché réglementé mais pas aux émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur un système multilatéral de négociation organisé, c’est-à-dire Alternext. L’alinéa 31 complète ainsi l’article L. 621-18 du code monétaire et financier pour étendre le droit de communication de l’AMF aux émetteurs dont les titres sont admis aux négociations sur Alternext.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 167 de M. Gwenegan Bui.

M. Christian Paul. Pour lutter contre la délinquance financière, cet amendement vise à permettre que des équipes d’enquêteurs issus des services de la police, de la gendarmerie ou des douanes soient mises à la disposition de l’AMF.

Mme la rapporteure. Les missions de l’AMF ne l’amènent pas si loin. Je crois que ces actions doivent rester de la compétence de la police, de la gendarmerie ou des douanes. La disposition que vous suggérez me semble d’ailleurs dépasser ce que demande l’AMF.

M. Pascal Cherki. L’Autorité de contrôle prudentiel, comme plusieurs autres institutions, a déjà obligation de saisir Tracfin lorsqu’elle a connaissance de faits qui pourraient relever d’activités de blanchiment ou de financement du terrorisme.

M. le ministre. L’AMF n’est pas compétente en matière de fraude fiscale, de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme. Ces faits relèvent du juge pénal. Lorsque l’AMF détecte de telles infractions, elle est tenue de transmettre sans délai toutes les informations dont elle dispose au parquet financier. Il est préférable de s’en tenir à cette règle.

L’amendement CF 167 est retiré.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 274 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 12 ainsi modifié.

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Article 13

Répression des délits d’initiés et des manipulations de cours

Articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier

L’article L. 465-1 du code monétaire et financier réprime les délits d’initiés commis par les personnes physiques ou morales. L’article L. 465-2 réprime pour sa part le fait d’entraver le fonctionnement régulier d’un marché réglementé. Est par exemple visé le délit de manipulation de cours ou la pratique de la bouilloire qui « consiste à choisir un titre dont le marché est étroit et sensible et à le manipuler rapidement à la hausse en passant de très nombreux ordres d’achat, de manière à persuader les spéculateurs de l’imminence d’une opération sur ce titre pour les conduire à entretenir la hausse. Le manipulateur passe alors des ordres de vente sur les titres acquis antérieurement à découvert et se hâte de restituer les sommes qu’il a ainsi obtenues » (63).

Actuellement seuls les titres émis sur le marché réglementé sont concernés par ces interdictions. Le présent article étend la répression aux cas où une demande d’admission sur un marché réglementé a été déposée ainsi qu’aux titres admis à la négociation sur un système multilatéral de négociation dès lors qu’il se soumet aux dispositions visant à protéger les investisseurs contre les opérations d’initiés, les manipulations de cours ou la diffusion de fausses informations. En France, cette mesure vise principalement à attraire dans le champ de ces infractions les actions accomplies sur le marché Alternext (64).

Cet ajout étend directement le champ des infractions mais, indirectement, il élargit aussi la possibilité offerte à l’AMF de procéder à des visites domiciliaires. L’article L. 621-12 du code monétaire et financier permet en effet aux agents de l’autorité des marchés financiers d’effectuer des visites en tous lieux et de procéder à la saisie de tous documents dès lors qu’ils recherchent une des infractions définies aux articles L. 465-1 et L. 465-2.

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La Commission adopte l’article 13 sans modification.

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Chapitre II

Dispositions relatives à l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution

Article 14

Contrôle de l’ACPR sur les instances dirigeantes des entités soumises
à son contrôle

Articles L. 612-23-1, L. 612-24, L. 612-25, L. 612-33, L. 612-39, L. 511-10-1, L. 532-2-1 et L. 511-47-1 du code monétaire et financier.

1.– Le contrôle des instances dirigeantes des entités soumises à l’ACPR

a) Le contrôle de la nomination des dirigeants

Les alinéas 2 à 7 complètent les pouvoirs de contrôle de l’ACPR sur les instances dirigeantes des entités soumises à son autorité. Le nouvel article L. 612-23-1 dispose que les établissements de crédit et les sociétés intervenant sur les marchés financiers, notamment les entreprises d’investissement, doivent notifier à l’ACPR la nomination et le renouvellement de leurs dirigeants. Les articles L. 511-3 et L. 532-2 prévoient en effet que ces entités sont dirigées effectivement par au moins deux personnes « possédant l’honorabilité nécessaire et l’expérience adéquate » à leurs fonctions. Cette obligation de déclaration s’applique également aux personnes membres de leurs conseils de direction, qu’il s’agisse du conseil d’administration ou du conseil de surveillance.

Il convient de distinguer les critères applicables aux différents dirigeants puisque les dirigeants effectifs sont soumis à des conditions d’honorabilité et d’expérience alors que les administrateurs sont soumis à des conditions d’honorabilité, d’expérience et de compétence.

L’autorité peut s’opposer à ces nominations si elle estime que les personnes ne remplissent pas les conditions requises. La décision n’intervient qu’après que lesdites personnes ont pu répondre aux éventuelles critiques ou interrogations de l’ACPR. Pour autant elle ne délivre pas d’autorisation préalable : le mandat des personnes peut avoir commencé lorsqu’intervient la décision d’opposition. Dans ce cas, un décret en Conseil d’État fixe le délai dans lequel leur mandat s’arrête.

Selon les informations transmises à la rapporteure, le délai serait de deux mois après la notification de la décision d’opposition qui interviendrait à l’issue de la procédure contradictoire.

Par ailleurs les établissements de crédit qui publient leurs résolutions au bulletin des annonces légales obligatoires peuvent saisir l’ACPR avant de procéder à une nomination qu’il s’agisse des dirigeants ou des membres des conseils d’administration ou de surveillance. Cette disposition vise à réduire l’avis de l’ACPR aux seules sociétés cotées.

b) Les conditions d’exercice du contrôle

 Les alinéas 9 à 17 modifient les conditions d’exercice du contrôle par l’ACPR. À ce jour seul le secrétaire général de l’ACP peut convoquer ou entendre une personne. Cette disposition apparaît trop restrictive compte tenu de l’extension des missions de l’ACP, désormais ACPR, à la résolution des crises bancaires. L’alinéa 9 prévoit donc que les pouvoirs du secrétaire général peuvent être exercés par son représentant, c’est-à-dire un membre des services de l’ACPR ayant reçu une délégation du secrétaire général pour agir.

De même le secrétaire général ou son représentant peut intervenir devant une des instances de direction des entités soumises au contrôle de l’ACPR ou convoquer et entendre collectivement les membres de ces organes. Cette disposition permet à l’ACPR d’entretenir un dialogue formel avec les entités qu’il contrôle ; ce pouvoir est particulièrement bienvenu lorsque l’Autorité devra valider le plan préventif de rétablissement ou élaborer son plan de résolution.

 Les alinéas 12 et 13 tirent les conséquences de ces nouveaux pouvoirs en prévoyant que l’ACPR dispose d’un pouvoir d’injonction assorti d’une astreinte aux fins de s’assurer de la communication ou de la notification d’informations. De même, il n’est pas possible de se soustraire à une audition par l’ACPR sauf à accepter de payer l’astreinte.

 L’alinéa 17 prévoit que l’ACPR peut suspendre les dirigeants au cours de leur mandat dès lors qu’elle considère qu’ils ne remplissent plus les critères d’honorabilité, de compétence ou d’expérience et que cela porte un préjudice immédiat à l’entité puisqu’ils ne sont plus en mesure d’en assurer la gestion saine et prudente. Un dirigeant qui serait par exemple condamné pour une fraude sur les marchés financiers pourrait ainsi être suspendu par l’ACPR.

L’alinéa 18 prévoit que la possibilité de suspendre temporairement ou de prononcer la démission d’office de dirigeants s’applique à l’ensemble des personnes dont la nomination est contrôlée par l’ACPR. Les membres des conseils d’administration ou de surveillance entrent donc désormais dans le champ de l’article L. 612-39.

2.– Les qualités requises des membres des conseils d’administration et de surveillance

a) Une triple exigence d’honorabilité, de compétence et d’expérience

Les alinéas 20 à 27 traitent des qualités requises pour être membre des conseils d’administration ou de surveillance, l’article L. 511-10-1 concernant les établissements de crédit et l’article L. 532-2-1 les entreprises d’investissement. Dans les deux cas, les membres des conseils doivent disposer de l’honorabilité, de la compétence et de l’expérience nécessaires.

Si les critères généraux sont les mêmes, ils n’induisent pas une identité des parcours et des formations des membres des différents conseils. Si les banquiers et les financiers doivent occuper une place déterminante, il est également nécessaire que les conseils comprennent par exemple des économistes, des juristes ou des personnes disposant d’une expérience dans la gestion d’entreprises. Cette diversité est un facteur d’enrichissement. Il appartient en revanche aux conseils de s’assurer que les membres désignés pour présider ses comités spécialisés, notamment le comité des risques, disposent effectivement d’une expertise dans ce domaine.

L’appréciation de l’ACPR tient compte de cet enjeu puisqu’elle appréhende la composition des conseils dans leur globalité. Elle tient également compte des formations susceptibles d’être offertes aux membres des conseils. De même, si les personnes ne disposent pas d’une formation académique, leur compétence peut être présumée à raison de l’expérience acquise. L’analyse de la ACPR est donc dynamique et prend en compte les possibilités offertes aux différents membres des conseils.

b) Le remplacement des membres des conseils

 L’ACPR pouvant s’opposer à la nomination de membres du conseil d’administration ou les suspendre au cours de leur mandat, les alinéas 27 à 33 déterminent les conditions de leur remplacement. Ils reprennent dans le code monétaire et financier les dispositions actuellement prévues par le code de commerce en cas de vacance de siège suite à un décès ou à une démission (article L. 225-24). La vacance suite à une décision d’opposition de l’ACPR sera donc traitée selon une procédure de droit commun et sous le contrôle du juge judiciaire.

En pratique, lorsque la suspension ou l’opposition à la nomination d’un membre du conseil d’administration est prononcée par l’ACPR, le conseil peut nommer provisoirement un nouveau membre. Si cette suspension ou cette opposition fait que le nombre de membres est inférieur au minimum légal, les administrateurs restants convoquent dans les meilleurs délais une assemblée générale ordinaire en vue de compléter ledit conseil.

Lorsque la décision de l’ACPR conduit à ce que le nombre des membres du conseil devienne inférieur au minimum statutaire tout en restant supérieur au seuil légal, le conseil procède dans un délai de trois mois à des nominations provisoires.

Dans tous les cas, les nominations provisoires sont soumises à l’ACPR dans les mêmes conditions que les nominations ordinaires. Par ailleurs, ces décisions doivent être ratifiées par l’assemblée générale la plus proche. Si ces choix ne sont pas validés par l’assemblée générale, les actes des conseils n’en sont pas pour autant entachés d’irrégularité.

Si le conseil omet de procéder aux nominations temporaires ou s’il ne convoque pas l’assemblée générale, tout intéressé peut demander à la justice de désigner un mandataire chargé de convoquer l’assemblée afin qu’elle procède à ces nominations ou qu’elle les ratifie. En l’espèce, il appartiendra au juge judiciaire de se prononcer sur cette demande.

 L’alinéa 33 prévoit les conditions de remplacement du président d’un conseil lorsqu’il fait l’objet d’une décision d’opposition de l’ACPR. Dans ce cas le conseil concerné (administration ou surveillance) peut déléguer un de ses membres pour exercer temporairement les fonctions de président. Cette délégation est limitée dans le temps et ne peut pas être renouvelée. Elle fait par ailleurs l’objet d’une notification à l’ACPR, comme s’il s’agissait d’une nomination ordinaire. Elle est à ce titre soumise aux mêmes contrôles.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 305 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à préciser les compétences en matière de contrôle des nominations dans les groupes mutualistes. Ces groupes comportant un grand nombre de structures exécutives, il est proposé de concentrer le dispositif sur les organes les plus opérationnels.

Je précise que l’adoption de cet amendement permettrait de satisfaire l’amendement CF 60 de M. Alain Fauré.

M. le ministre. Avis favorable.

Mme Christine Pires Beaune. Cet amendement concerne-t-il les banques coopératives ?

M. la rapporteure. Oui : ce sont des structures mutualistes.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 183.

M. Pascal Cherki. Par cet amendement, nous proposons que les personnes dont le projet de nomination est notifié à l’ACPR adressent à cette instance une déclaration de conflit d’intérêts selon des modalités et délais définis par décret en Conseil d’État.

Mme la rapporteure. Je discerne mal la logique de l’amendement. Les nominations dont il est question ici se font dans des entités de droit privé...

M. Pascal Cherki. Puisqu’elles sont soumises à l’ACPR, il faut bien vérifier qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts !

Mme la rapporteure. Je ne vois pas comment un banquier pourrait avoir un problème de conflit d’intérêts dans une banque. Peut-être est-ce la formulation de l’amendement qu’il faudrait revoir. Je vous propose que nous la retravaillions ensemble.

M. Pascal Cherki. La déclaration présentera les contrats, les missions ou les liens du candidat afin que l’ACPR puisse apprécier, le cas échéant, s’il existe un conflit d’intérêts qui pourrait nuire à l’exercice de ses fonctions. Dès lors que la nomination dépend d’une autorité publique, cela me paraît normal.

M. le ministre. Il ne faudrait pas tomber dans un système où tout le monde serait suspect de tout. Prenons l’exemple de la nomination d’un dirigeant d’une caisse locale du Crédit agricole, choisi par définition parmi les clients de la banque : est-il vraiment nécessaire que la personne fournisse toutes ces pièces à l’ACPR pour que sa nomination soit entérinée ? Avec ce contrôle généralisé, on risque aussi l’engorgement.

De plus, les conditions de compétence et d’expérience requises pour ces nominations s’apprécient à travers un faisceau d’indices : exercice d’un mandat antérieur, formation, composition globale du conseil d’administration ou de surveillance. Je ne pense pas qu’une déclaration de conflit d’intérêts permette vraiment de contrôler les exigences d’honorabilité, de compétence et d’expérience.

M. Pascal Cherki. Je maintiens mon amendement. Les députés doivent remettre une déclaration de conflit d’intérêts, les banquiers peuvent bien le faire !

La Commission rejette l’amendement.

Elle en vient aux amendements CF 276 et CF 275 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Ces amendements reprennent les amendements CF 9 et CF 10 de la commission des Affaires économiques, qui sont classés un peu plus loin dans la liasse. Je propose à M. Philippe Kemel d’en exposer la teneur.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. L’amendement CF 9 vise à permettre aux agents de l’ACPR de mener leurs activités de contrôle de manière anonyme sur Internet.

Quant à l’amendement CF 10, il autorise ces mêmes agents à enquêter sur les succursales ou filiales situées à l’étranger, ce qu’ils ne peuvent faire aujourd'hui. La disposition donne une base légale à des contrôles sur place effectués au-delà de nos frontières.

Mme la rapporteure. Je vous invite toutefois à adopter les amendements CF 276 et CF 275, qui sont identiques à ceci près qu’ils insèrent ces dispositions à un endroit du texte plus approprié.

La Commission adopte successivement les amendements CF 276 et CF 275.

La Commission adopte ensuite l’amendement de coordination CF 279 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CF 27 de M. Jean Launay.

M. Jean Launay. L’objectif de cet amendement est de renforcer les exigences de compétence à l’égard des administrateurs. La fonction requiert une expérience minimale.

Mme la rapporteure. L’amendement empêche en fait de prendre en compte une formation professionnelle à venir pour apprécier la compétence de la personne dont la nomination est envisagée. Un juriste non spécialiste des marchés financiers, par exemple, n’aurait pas la possibilité de suivre une formation complémentaire. Je ne pense pas que cela soit conforme à ce que nous souhaitons en matière de formation professionnelle et d’évolution des compétences tout au long de la vie. C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement.

L’amendement CF 27 est retiré.

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 277 et CF 278 de la rapporteure.

M. le président Gilles Carrez. Je rappelle que les amendements CF 9 et CF 10 de la commission des Affaires économiques ont été satisfaits par l’adoption des amendements CF 276 et CF 275 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 14 modifié.

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Après l’article 14

La Commission adopte l’amendement de coordination CE 280 de la rapporteure.

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Chapitre III

Supervision des chambres de compensation

Article 15

Supervision des chambres de compensation

Articles L. 141-4, L 440-1 à L. 440-3 et L. 440-7 à L. 440-9 du code monétaire et financier

1.– L’encadrement international des infrastructures de marché

a) Les engagements du G 20

Lors du sommet du G 20 de Pittsburgh en septembre 2009, les chefs d’État ont décidé « de veiller à ce que nos systèmes de régulation des banques et des autres établissements financiers contiennent les excès qui ont conduit à la crise. Là où l’inconscience et l’absence de responsabilité ont entraîné la crise ». Ils ont décidé de ne pas autoriser « un retour aux pratiques bancaires antérieures ». Pour ce faire, ils se sont engagés à agir pour « élever les normes en matière de capitaux, pour mettre en œuvre des normes internationales strictes en matière de rémunérations afin de mettre un terme aux pratiques qui entraînent une prise de risques excessive, pour améliorer le marché de gré à gré des produits dérivés et pour créer des instruments plus puissants ».

En ce qui concerne les marchés de gré à gré de produits dérivés, ils ont décidé que « tous les contrats de produits dérivés de gré à gré normalisés [devraient] être échangés sur des plates-formes d’échanges ou via des plates-formes de négociation électronique selon le cas et compensés par des contreparties centrales d’ici la fin 2012 au plus tard » (65). En d’autres termes, ils ont prévu la création de chambres de compensation sur ces marchés.

Le principal avantage de la compensation réside dans le fait que, se substituant aux contreparties dans leurs obligations vis-à-vis des autres contreparties, la chambre de compensation assume le risque de défaillance de l’une des contreparties. Les chambres de compensation sécurisent ainsi les échanges puisqu’elles supportent les risques de défaillance. Pour autant, ce faisant elles concentrent également les risques, pouvant laisser craindre un risque systémique si elles-mêmes venaient à faire défaut. Elles sont donc soumises à des règles particulièrement contraignantes de façon à toujours être capables d’assumer la défaillance d’un de leurs membres.

b) Le règlement européen EMIR de 2012

Le règlement européen (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, dit règlement EMIR, décline les engagements du G 20.

Il pose le principe d’une obligation de compensation centrale pour l’ensemble des dérivés négociés de gré à gré considérés comme éligibles par l’autorité européenne des marchés financiers (European Securities and Markets Authority). Il met en place un cadre juridique harmonisé au niveau européen destiné à assurer que les chambres de compensation centrale respectent des exigences fortes en termes de capitaux, d’organisation et de règles de conduite. Si la compensation d’un contrat n’est pas possible, le règlement impose le recours à un ensemble de techniques d’atténuation des risques opérationnels et de contreparties.

Publié le 27 juillet 2012, le règlement est entré en vigueur le 16 août 2012.

2.– La déclinaison en droit national

Les stipulations communautaires sont certes directement applicables mais elles nécessitent une adaptation du droit français existant notamment en ce qui concerne les autorités de supervision et d’agrément des chambres de compensation.

a) La définition des chambres de compensation et de leurs activités

 La chambre de compensation constitue la pierre angulaire d’un marché financier centralisé : elle a pour fonction d’intervenir comme contrepartie centrale unique en s’interposant entre acheteurs et vendeurs et en leur garantissant la bonne fin des opérations, évitant ainsi tout risque de défaillance des opérateurs. En d’autres termes, la chambre de compensation est l’acheteur de tous les vendeurs et le vendeur de tous les acheteurs.

Pour ce faire, elle habilite ses adhérents, c’est-à-dire les personnes recevant les ordres de bourse qu’ils transmettent ensuite à la chambre. Elle collecte sur les marchés à terme une couverture de chaque opérateur sous la forme d’un « dépôt de garantie » qui est reconstitué par un « appel de marge » quotidien dans les cas où il est entamé par une fluctuation du marché. Si un opérateur ne peut pas payer un appel de marge, sa position est soldée. Elle assure en outre la gestion administrative et comptable des transactions. Elle peut enfin suspendre temporairement les opérations en cas de variations trop importantes des cours.

Ces mécanismes fonctionnent aujourd’hui sur les marchés d’actions, afin d’en simplifier et d’en sécuriser le règlement et la livraison. Ils ont également cours sur les marchés de dérivés listés ainsi que, plus récemment, sur les marchés de la pension livrée (repo), et pour des contrats d’échange de taux et de crédit (swaps de taux et CDS).

En France, la fonction de chambre de compensation est assurée par LCH.Clearnet SA, société anonyme de droit français, agréée en tant qu’établissement de crédit. Ses règles de fonctionnement font l’objet d’une approbation par l’AMF.

 Les alinéas 7 à 14 adaptent la définition française des chambres de compensation au nouveau cadre communautaire, renvoyant explicitement au règlement EMIR pour la définition de la notion de contreparties centrales. Selon l’article 2 du règlement EMIR, une contrepartie centrale est « une personne morale qui s’interpose entre les contreparties à des contrats négociés sur un ou plusieurs marchés financiers, en devenant l’acheteur vis-à-vis de tout vendeur et le vendeur vis-à-vis de tout acheteur ».

L’alinéa 16 inscrit à l’article L. 440-2 les dispositions figurant actuellement à l’article L. 440-1 qui prévoient que les relations entre les chambres de compensation et leurs adhérents sont de nature contractuelle. Cette disposition avait été introduite par l’article 47 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des activités financières. Il s’agit de rappeler que malgré l’approbation de ces règles de fonctionnement des chambres de compensation par l’AMF, ses relations avec les parties prenantes à des opérations de compensation restent de nature contractuelle. Ces contrats prennent la forme de contrats d’adhésion qui peuvent varier selon le type de produit considéré.

Les dépôts effectués auprès d’une chambre de compensation prennent la forme d’une garantie financière (alinéa 20). Il s’agit d’une notion large visant à englober tout type de sûretés ou de garanties permettant à un ou plusieurs créanciers de suppléer à l’exécution régulière d’une obligation de paiement ou d’en prévenir l’inexécution. En l’espèce il s’agit de mettre en conformité les dispositions relatives aux chambres de compensation avec les nouvelles directives européennes relatives aux contrats de garantie financière (66). Ces deux directives traitent des collatéraux, c’est-à-dire des actifs utilisés pour garantir un risque porté par la contrepartie à laquelle un prêt est consenti. Cet actif a pour vocation de protéger le créancier contre le défaut d’un emprunteur. Ces demandes de garantie sont inhérentes aux métiers de compensateur, c’est-à-dire à la contrepartie centrale.

b) Les autorités de supervision

Si l’ACPR est compétente en matière d’agrément et qu’elle est informée de tout projet d’interopérabilité, elle n’intervient qu’après avoir consulté l’AMF et la Banque de France. L’AMF approuve quant à elle les règles de fonctionnement des chambres de compensation.

 Le projet de loi confirme par ailleurs que les chambres de compensation doivent être agréées comme établissements de crédit par l’ACPR après consultation de l’AMF et de la Banque de France (au titre de sa mission générale de surveillance des systèmes de paiement, de compensation et de règlement et de livraison d’instruments financiers). Cette organisation éprouvée s’est en effet révélée être la plus adaptée pour garantir la robustesse des infrastructures de marché établies sur le territoire national. Toute modification des éléments constitutifs de l’agrément est soumise à autorisation préalable de l’ACPR après consultation de l’AMF et de la Banque de France (alinéa 10).

Le contrôle de l’ACPR, après consultation de l’AMF et de la Banque de France, s’étend également aux décisions relatives aux instances dirigeantes. L’article 31 du règlement prévoit en effet que les chambres de compensation « informent leur autorité compétente de tout changement au niveau de leurs instances dirigeantes et lui fournissent toutes les informations nécessaires » pour qu’elles s’assurent que les dirigeants disposent de « l’honorabilité et [de] l’expérience suffisantes afin de garantir une gestion saine et prudente de la contrepartie centrale ». Il prévoit également que « si la conduite d’un membre du conseil d’administration est susceptible de nuire à la gestion saine et prudente de la contrepartie centrale, l’autorité compétente prend les mesures qui s’imposent ; celles-ci pouvant inclure l’exclusion du membre du conseil d’administration concerné ».

Dans les mêmes conditions, l’ACPR examine les projets d’accord d’interopérabilité (67). Comme le relève le considérant 73 du règlement EMIR, ces accords « sont importants pour renforcer l’intégration du marché de la postnégociation au sein de l’Union, et une réglementation en la matière s’impose. Cependant, comme ils peuvent aussi exposer les contreparties centrales à des risques supplémentaires, ces dernières devraient être agréées aux fins de la compensation ou reconnues au titre du présent règlement, ou agréées au titre d’un régime d’agrément national préexistant, depuis trois ans, pour que les autorités compétentes puissent donner leur approbation à de tels accords d’interopérabilité ».

Les règles de fonctionnement des chambres de compensation sont quant à elles approuvées par l’AMF. Elles sont rédigées en français ou, lorsque le règlement de l’AMF le prévoit, dans une autre langue usuelle en matière financière.

 L’AMF peut également interdire l’accès à une chambre de compensation si elle estime qu’il risque de mettre en péril le « fonctionnement harmonieux et ordonné des marchés ou d’aggraver le risque systémique ». Peuvent être concernées par cette interdiction une entreprise de marché ou toute personne gérant un système multilatéral de négociation. Cette formulation est la reprise exacte des termes du règlement EMIR. L’objectif est de respecter l’équilibre issu de l’offre et la demande, d’éviter les distorsions entre les différents opérateurs, d’éviter toute situation pouvant amener à un risque de déstabilisation du système…

c) Les procédures collectives et les droits des créanciers

Les chambres de compensation limitent les risques systémiques puisqu’elles doivent compenser la plupart des dérivés qui passent par elle. À chaque opération passée, elles exigent une garantie dite « collatérale » (cf. supra). Si un intervenant sur le marché des dérivés venait à être en difficulté financière, il ne faudrait pas qu’un de ses créanciers puisse bloquer le paiement d’un collatéral à la chambre de compensation. L’alinéa 22 évite ce problème en interdisant à un créancier de se prévaloir d’un droit quelconque sur ce dépôt. La chambre de compensation doit en effet pouvoir utiliser le collatéral pour gérer le défaut. Si tel n’était pas le cas, la faillite de l’adhérent compensateur pourrait s’étendre à la chambre de compensation et créer de fortes perturbations du marché de nature systémique.

Les alinéas 25 à 29 concernent les cas d’ouverture d’une procédure collective d’insolvabilité et les cas de défaillance d’un adhérent d’une chambre de compensation. Dans cette situation, la chambre de compensation peut, de plein droit et sans formalité :

– transférer chez un autre adhérent les dépôts effectués par le défaillant ;

– transférer chez un autre adhérent les positions enregistrées pour elle par le défaillant ;

– prendre toutes les mesures prévues par ses règles de fonctionnement pour limiter le risque auquel l’expose la défaillance, y compris en liquidant les actifs et positions du défaillant.

En d’autres termes, les chambres de compensation mettent en place des règles permettant de prévenir les défaillances d’un de leurs adhérents ; en cas de problème, elles doivent pouvoir prendre toutes les mesures nécessaires.

Au terme de ces mesures, si la chambre de compensation constate un excédent, elle le reverse au donneur d’ordres lorsqu’il est connu et sinon à l’adhérent compensateur.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE 281 à CE 285 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 15 ainsi modifié.

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Après l’article 15

La Commission est saisie de l’amendement CF 156 du rapporteur général, portant article additionnel après l’article 15.

M. le rapporteur général. Il s’agit d’autoriser les centres hospitaliers régionaux dont la liste est fixée par décret, dans la limite d’un plafond global d’émissions fixé pour chacun d’entre eux par le même décret, d’avoir recours à des bons de trésorerie. Cet amendement adopté dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale avait finalement été considéré comme un cavalier et « retoqué ». Nous proposons de le reprendre dans ce texte où il trouve parfaitement sa place.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la Commission adopte l’amendement.

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Titre V

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 216 de la rapporteure, tendant à modifier l’intitulé du titre V.

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Article 16

Création de l’organe central des caisses d’assurances
et de réassurances mutuelles agricoles

Le présent article a pour objet de faire de Groupama SA l’organe central des caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles.

Si plusieurs groupes bancaires mutualistes disposent d’un organe central, il n’existe, en l’état du droit, pas d’équivalent en matière d’assurances. Un organisme de cette nature est néanmoins utile en matière de gestion des groupes mutualistes financiers, quel que soit le secteur d’activité.

L’évolution proposée par le présent article fait suite à une demande de l’Autorité de contrôle prudentiel auprès du ministre chargé de l’économie. Elle a pour objectif de renforcer la centralisation du groupe en vue d’en améliorer la gestion. Elle s’inscrit dans le cadre des mesures de redressement adoptées à la suite de la perte de 1,8 milliard d’euros constatée en 2011.

I.– PRÉSENTATION DE GROUPAMA

A.– HISTORIQUE

Les mutuelles agricoles se développent à partir de l’adoption de la loi du 4 juillet 1900. Elles assurent les risques liés à l’activité des agriculteurs – incendie, grêle, mortalité du bétail… À partir des années 1960, compte tenu de la diminution du nombre d’agriculteurs, elles commencent à offrir leurs services à d’autres clients issus du monde rural, en particulier les collectivités locales et les petites entreprises. Cette diversification porte également sur les produits d’assurance proposés, qui couvrent désormais les dommages non agricoles ainsi que l’assurance vie. En 1986, le nom de Groupama est donné à l’ensemble constitué des mutuelles agricoles.

À partir de la fin des années 1990, Groupama définit une stratégie de croissance fondée sur une nouvelle diversification de son activité – notamment vers les activités bancaires et d’investissement qui représentent 1,6 % du chiffre d’affaires du groupe à fin 2011 – et le développement à l’international – Groupama étant présent dans onze pays étrangers et percevant un quart de ses revenus de son activité à l’international.

Comme l’illustre le tableau suivant, les trois quarts du chiffre d’affaires de l’ensemble constitué par les caisses de mutualité agricole, Groupama SA et ses filiales – périmètre des comptes combinés – était généré en France en 2011. Les activités bancaires et financières – services bancaires et activités d’investissement – ne représentaient qu’une part très minoritaire de l’activité. En matière d’assurances, la répartition du chiffre d’affaires dégagé, en France, en 2011, par Groupama SA et ses filiales fait ressortir une part d’environ 60 % pour les assurances de personnes et d’environ 40 % pour les assurances de biens et les responsabilités.

CHIFFRE D’AFFAIRES DES CAISSES D’ASSURANCES MUTUELLES,
DE GROUPAMA SA ET DE SES FILIALES

(en milliards d’euros)

Total CA comptes combinés

17,2

France

12,7

Italie

1,6

Espagne

0,9

Royaume-Uni

0,5

Autres pays

1,3

Activités financières et bancaires

0,3

En 2011, Groupama essuie une perte de 1,8 milliard d’euros en raison notamment de dépréciations sur ses obligations souveraines grecques et sur portefeuille d’actifs financiers. Au-delà de cette lourde perte, le groupe pâtit d’une rentabilité structurellement faible.

Le groupe adopte alors un ensemble de mesures destinées à rétablir sa solvabilité et renforcer sa rentabilité. Les dispositions prévues par le présent article s’inscrivent dans le cadre de ces mesures mises en œuvre en vue de rétablir les équilibres financiers du groupe.

B.– ÉLÉMENTS FINANCIERS

Comme l’illustre le tableau suivant, Groupama a connu au cours des derniers exercices une diminution continue de sa rentabilité et une dégradation marquée de sa structure financière. Au-delà de la lourde perte constatée en 2011, Groupama semble avoir mal maîtrisé la croissance menée dans les années 2000.

La dégradation de la situation financière du groupe s’est traduite par une chute brutale de sa notation par Standard and Poor’s. Passant de A à BBB- entre 2009 et 2011, le groupe n’est plus qu’à un cran du classement en catégorie spéculative.

PRINCIPAUX INDICATEURS FINANCIERS SUR LE CHAMP DES COMPTES COMBINÉS

(en milliards d’euros)

   

2011

2010

2009

Rentabilité

Chiffre d’affaires

17,2

17,6

17,4

 

Résultat opérationnel économique

0,3

0

0,3

 

Résultat net part du Groupe

– 1,8

0,4

0,6

Structure financière

Fonds propres part du Groupe

5,3

7

7,2

 

Total bilan

95,9

100

97,3

 

Marge de solvabilité

107 %

130 %

180 %

 

Notation (S&P)

BBB-

A-

A

Source : Document de référence.

Compte tenu de ses éléments, Groupama a substitué à la stratégie de croissance suivie dans les années 2000 une stratégie de cessions d’actifs, notamment de filiales à l’étranger ou consacrées aux activités d’investissement, de renforcement de sa rentabilité, avec notamment un plan d’économies de 400 millions d’euros, et de consolidation des positions du groupe sur le marché français.

La Caisse des dépôts a également apporté son soutien au groupe, en souscrivant à hauteur de 300 millions d’euros à une émission d’actions de préférence de GAN Eurocourtage, filiale à 100 % de Groupama SA. Cette opération a été réalisée parallèlement au rapprochement d’ICADE, filiale de la Caisse des dépôts, et de Silic, filiale de Groupama.

II.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Dans le cadre des mesures de redressement récemment adoptées, la nécessité d’assurer un plus grand contrôle sur les caisses régionales a été recommandée par l’Autorité de contrôle prudentiel.

Le présent article a pour objet de permettre une telle évolution en faisant de Groupama SA l’organe central des caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles. Les caisses d’assurances formant le réseau de Groupama disposent déjà d’un statut législatif à l’article L. 322-27 du code des assurances. L’intervention du législateur est nécessaire pour le compléter par des dispositions qui instituent l’organe central et définissent les pouvoirs qu’il exercera sur ces caisses.

Comme l’illustre le graphique suivant, Groupama, comme les groupes mutualistes bancaires, présente la particularité d’être organisé en « pyramide inversée ». Détenues par les sociétaires, les caisses locales contrôlent les caisses régionales qui sont propriétaires de Groupama SA. Du fait des liens capitalistiques, Groupama SA est donc une filiale du réseau de caisses régionales.

L’attribution de la qualification d’organe central à Groupama SA aurait pour effet de lui conférer des pouvoirs sur la gestion des caisses régionales et leurs dirigeants. Ces liens d’affiliation auraient pour effet de subordonner chacune des caisses du réseau à l’ensemble de celui-ci, incarné dans l’organe central. Ce rééquilibrage des relations entre réseau et structure de tête doit permettre d’améliorer la gestion du groupe en accroissant la coordination entre caisses et en favorisant la diffusion des meilleures pratiques de gestion.

ORGANISATION DE GROUPAMA

Source : Étude d’impact.

A.– LA DÉFINITION DE L’ORGANE CENTRAL

Le nouvel article L. 322-27-1 du code des assurances définit les caractéristiques de l’organe central de Groupama.

En premier lieu, il est l’organe central des caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles mentionnées à l’article L. 322-27 du code des assurances et aux articles L. 771-1 à L. 771-4 du code rural.

Le dernier alinéa du futur article L. 322-27-1 précise la définition de ces sociétés ou caisses en prévoyant que seules les sociétés ou caisses qui se réassurent, directement ou indirectement, auprès de Groupama SA peuvent bénéficier de cette qualification. Les caisses composant le réseau de Groupama se réassurent déjà auprès de Groupama SA. Cette précision est donc en accord avec la pratique existante et tend à réserver la qualification de société ou caisse d’assurances mutuelles agricoles aux seuls organismes du réseau de Groupama.

En second lieu, l’organe central doit être une société anonyme d’assurance ou de réassurance régie par le code des assurances – sur le fondement des articles L. 321-1 ou L. 321-1-1. Groupama SA, qui est appelé à devenir l’organe central du réseau, répond à un tel critère. Une telle disposition est liée à l’obligation de réassurance des caisses locales auprès de l’organe central et semble logique pour un groupe spécialisé dans le secteur.

En troisième lieu, la majorité des droits de vote de l’organe central doit être détenue conjointement, directement ou indirectement, par les sociétés ou caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles de compétence régionale ou départementale.

Cette disposition est en accord avec l’organisation actuelle de Groupama, décrite plus haut, caractérisée par le fait que les caisses régionales détiennent Groupama SA via des sociétés holding. Elle garantit le contrôle des caisses sur l’organe central qui les coordonne.

Enfin, le présent article prévoit explicitement que la société anonyme Groupama SA est l’organe central du réseau composé par les sociétés ou caisses d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles.

B.– LES MISSIONS ET POUVOIRS DE L’ORGANE CENTRAL

Les missions et les pouvoirs de l’organe central sont définis par le futur article L. 322-27-2 du code monétaire et financier (alinéas 5 à 9).

● Outre un rôle général de garantie de la cohésion et du bon fonctionnement du réseau, les missions de Groupama SA seraient de trois ordres et sont fortement inspirées par celles accordées aux organes centraux de réseaux bancaires mutualistes :

– le contrôle administratif, technique et financier sur l’organisation et la gestion du réseau – selon une rédaction identique à celle applicable à la confédération nationale du crédit mutuel (68) ;

– la fixation des orientations stratégiques du réseau et le respect de ces orientations – une mission de même nature étant assurée par l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires (69) ;

– la garantie de la solvabilité et du respect des engagements de chacun des organismes comme de l’ensemble de groupe – l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires assumant une tâche semblable (70).

Les pouvoirs de l’organe central sur le réseau concerneraient donc la gestion, la stratégie et les finances des caisses ou sociétés d’assurances et de réassurances mutuelles agricoles. Ils sont fortement inspirés des pouvoirs dévolus aux organes centraux de réseaux bancaires mutualistes et, plus particulièrement, de ceux de l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires (BPCE).

En revanche, contrairement à l’organe central de BPCE, Groupama SA ne serait pas chargé d’assurer la représentation des différentes caisses en tant qu’employeurs. Selon les informations transmises à la Rapporteure, un tel choix serait justifié par le fait qu’il « existe des cultures « employeurs » différentes entre les caisses qu’il ne semble pas nécessaire de remettre en cause. » Le présent article ne remet pas non plus en cause le fait que les salariés du groupe puissent relever de deux conventions collectives différentes – agriculture et assurances.

À noter enfin que, selon les informations transmises à la Rapporteure, le projet de décret prévoirait d’accorder à l’organe central la mission de représentation du groupe auprès de l’ACP. Une telle possibilité est notamment ouverte par le dernier alinéa du présent article qui renvoie à un décret en Conseil d’État les modalités d’application des dispositions proposées.

● Pour garantir la mise en œuvre des décisions prises en vertu des pouvoirs mentionnés ci-dessus et selon une rédaction fortement inspirée des dispositions applicables à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires (71), le II du présent article confère à l’organe central un pouvoir d’approbation de la nomination des directeurs généraux des caisses régionales et le III lui accorde la possibilité de révoquer les directeurs généraux ainsi que l’ensemble du conseil d’administration d’un organisme du réseau ne respectant pas la réglementation applicable ou les instructions données par l’organe central (72).

Ce pouvoir de révocation constitue l’élément clé du dispositif, qui conduit à accorder à l’organe central un pouvoir sur le réseau de même nature que celui qu’une société peut exercer sur sa filiale.

Un pouvoir de même nature est accordé, par l’alinéa 8, aux caisses régionales sur les caisses locales. Lorsqu’une caisse locale prend des décisions « portant atteinte à la cohésion et au bon fonctionnement du réseau », la société ou caisse auprès de laquelle elle se réassure – en pratique, la caisse régionale – peut, après avis de l’organe central, procéder à la révocation collective des membres de son conseil d’administration.

Inédite, une telle disposition ne se retrouve pas en matière bancaire. Elle confère un pouvoir non négligeable aux caisses régionales sur les caisses locales, d’autant que la condition d’atteinte à la cohésion et au bon fonctionnement du réseau semble plus vague que celles prévues au III s’agissant des pouvoirs de l’organe central.

*

* *

La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 217 et CF 218 de la rapporteure.

Elle en vient à l’amendement CF 290 du même auteur.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à renforcer les garanties légales quant au caractère mutualiste de Groupama, en disposant que les caisses régionales doivent détenir la majorité absolue du capital social et des droits de vote de l’organe central créé par le projet de loi, et non pas la simple majorité des droits de vote. De la sorte, les évolutions que nous proposons pour Groupama ne pourront en aucun cas remettre en cause son caractère mutualiste.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels CF 219 à CF 221 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 16 modifié.

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Article 17

Plafonnement des frais d’incident et offre de services bancaires
pour la clientèle en situation de fragilité

Insérant un article L. 312-1-3 dans le code monétaire et financier, le présent article prévoit le plafonnement, au bénéfice des personnes « en situation de fragilité », des commissions perçues par les établissements de crédit « à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire ». En pratique, il concerne les commissions d’intervention facturées par la banque dès lors qu’elle accepte une opération de débit sur un compte non provisionné – quelle que soit la nature de l’opération réalisée.

Cet article tend à compléter utilement le dispositif existant de protection des consommateurs contre les tarifications bancaires abusives, qui concerne aujourd’hui les frais facturés en cas de rejet d’opérations sur compte non provisionné – principalement chèques et prélèvements automatiques.

Il prévoit également le principe d’une offre, par les établissements de crédit, de moyens de paiements spécifiques à ces personnes afin de prévenir la perception de commissions excessives par les banques.

I.– LE PLAFONNEMENT DE CERTAINS FRAIS BANCAIRES POUR LES PERSONNES « EN SITUATION DE FRAGILITÉ »

A.– ÉTAT DU DROIT

En l’état du droit, dès lors que l’opération est rejetée par la banque, les frais facturés à un client responsable d’un incident de paiement font l’objet d’un plafonnement applicable à deux types d’incidents différents.

La loi prévoit ainsi le principe d’un plafonnement des frais perçus à l’occasion du rejet d’un chèque pour défaut ou insuffisance de provision (73). Ces frais ne peuvent excéder 30 euros pour les chèques d’un montant inférieur ou égal à 50 euros et sont limités à 50 euros pour les chèques supérieurs à ce seuil. Un chèque présenté au paiement à plusieurs reprises et rejeté fait l’objet d’un incident unique de paiement dans les 30 jours suivant le premier rejet.

La loi prévoit, par ailleurs, un plafonnement des frais bancaires facturés à l’occasion de tout autre incident de paiement (74) – par exemple, un prélèvement sur un compte non provisionné. Les frais sont plafonnés selon la nature et le montant de l’incident et ne peuvent excéder ni le montant réglé ni le seuil de 20 euros.

La banque peut, à l’occasion des frais facturés lors de ces rejets, facturer des commissions d’intervention, qui sont incluses dans le champ des frais bancaires soumis au plafonnement.

Le présent article prévoit donc le principe d’un troisième plafonnement, applicable aux commissions d’intervention facturées à chaque débit opéré sur un compte non provisionné dès lors que la banque accepte l’opération. Les modalités de ce plafonnement seraient précisées par décret.

B.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article pose le principe d’un plafonnement de certains tarifs bancaires, dont les modalités seraient prévues par un décret en Conseil d’État.

Le plafonnement porte sur les « commissions perçues par les établissements de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire ». En pratique, il vise les commissions d’intervention débitées à chaque émission de créance depuis un compte non provisionné quand la banque accepte l’opération. Ces commissions rémunèrent l’analyse de la banque précédant sa décision d’accepter ou de refuser le débit malgré la provision insuffisante. En pratique, une partie des opérations ferait l’objet d’un traitement automatisé, dépourvu d’analyse par la banque.

Perçues à chaque opération, ces commissions, d’un montant moyen de 8 euros par opération, peuvent atteindre un montant cumulé substantiel, compris entre 130 euros et 220 euros par mois selon les banques.

Ce plafonnement bénéficierait uniquement aux personnes « en situation de fragilité » disposant de faibles revenus. Les critères permettant de déterminer les personnes bénéficiant du dispositif, en particulier le seuil de revenu applicable, seraient fixés par décret en Conseil d’État.

Deux raisons peuvent expliquer la solution ainsi proposée par le Gouvernement.

D’une part, du fait de leurs faibles revenus, ces personnes sont les plus susceptibles de pâtir de ces commissions d’intervention, en raison de risques accrus de provision insuffisante et de la part que ces frais peuvent prendre dans leur revenu total.

D’autre part, comme l’indique l’étude d’impact, un plafonnement général aurait pour effet d’amoindrir les revenus tirés par les banques de ces commissions et pourrait les conduire à augmenter, en compensation, d’autres tarifs, ce qui nuirait à l’ensemble des consommateurs.

C.– CONFORMITÉ DU DISPOSITIF À LA CONSTITUTION

Le dispositif proposé semble conforme à la Constitution.

● Le présent article prévoit le principe d’un plafonnement de certains tarifs bancaires.

La liberté de fixation de tarifs est couverte par le principe constitutionnel de liberté d’entreprendre. Toutefois, le législateur peut prévoir des dérogations à ce principe dès lors qu’elles sont justifiées par un motif d’intérêt général suffisant et qu’elles sont proportionnées à l’objectif poursuivi.

La loi prévoit ainsi, comme indiqué plus haut, le principe d’un plafonnement des frais perçus à l’occasion du rejet d’un chèque pour défaut ou insuffisance de provision ou à l’occasion de tout autre incident de paiement.

● Contrairement à ces deux précédents, le présent article prévoit un plafonnement au bénéfice des seules personnes « en situation de fragilité ».

Le principe constitutionnel d’égalité devant la loi ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.

La différence de traitement instaurée par le présent article porte sur les personnes disposant de faibles revenus et pouvant pâtir de commissions d’intervention à répétition du fait même de ces faibles revenus. Le dispositif proposé est donc en cohérence avec l’objectif de protection des consommateurs les plus fragiles face à des tarifications bancaires abusives.

À noter enfin qu’il ne semble pas d’obstacle à ce que le présent article s’applique aux contrats en cours, passés entre les banques et leurs clients pouvant bénéficier de ce dispositif, dès lors qu’il ne paraît pas en modifier l’économie générale.

II.– LE PRINCIPE D’UNE OFFRE DE MOYENS DE PAIEMENT SPÉCIFIQUE AUX PERSONNES DISPOSANT DE FAIBLES REVENUS

Le présent article prévoit également le principe d’une offre, par les banques, de moyens de paiement et de services destinés spécifiquement aux personnes disposant de faibles revenus. Les contours de cette offre seraient déterminés par un décret en Conseil d’État.

L’objectif poursuivi est de prévenir le versement, par ces personnes, de commissions à répétition en raison de provisions insuffisantes sur leur compte.

En pratique, de tels services pourraient comprendre des mécanismes d’alerte sur le niveau du compte, un plafonnement du nombre d’occurrences des commissions d’intervention ou l’absence de chéquier.

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La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements CF 67 rectifié de M. Thomas Thévenoud, CF 168 de M. Christian Paul et CF 61 rectifié de M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. L’amendement CF 67 rectifié tend à supprimer les commissions d’intervention et à intégrer l’ensemble des frais liés à un découvert non autorisé dans le taux de crédit facturé à l’occasion de ce découvert.

L’amendement CF 61 rectifié tend, lui, à supprimer, au deuxième alinéa de l’article 17, la mention « pour les clients en situation de fragilité » de manière à étendre le bénéfice du plafonnement à l’ensemble des particuliers.

Mme la rapporteure. L’amendement CF 67 rectifié représente une modification très importante de l’esprit du texte. Une évaluation de ses conséquences serait la bienvenue.

Par ailleurs, si, s’agissant de l’amendement CF 61 rectifié, je souscris à la démarche, je pense qu’il reste à préciser certains points. Au surplus, la modification proposée rend incompréhensible le paragraphe suivant, qui fait référence par les termes « ces personnes » aux « clients en situation de fragilité » dont vous supprimez la mention. Il n’est donc pas possible de retenir cet amendement en l’état.

M. le président Gilles Carrez. Vous seriez toutefois favorable à l’extension du dispositif à l’ensemble des clients, qu’ils soient ou non en situation de fragilité ?

Mme la rapporteure. Il nous faudra travailler à la rédaction, qui, en l’espèce, est très importante.

M. le ministre. Ces dispositions relatives aux consommateurs et aux frais bancaires sont essentielles. Je puis vous assurer que ce sont celles que les Français retiendront – non que les autres aspects du texte soient mineurs, mais parce qu’ils ont un caractère plus technique.

Alors qu’il n’allait pas de soi de donner à ce texte une telle dimension, je l’ai souhaité personnellement. Dans l’approche politique qui est la nôtre, il faut que la loi se traduise par des progrès concrets : ce que nos concitoyens voient des banques, c’est leur agence, leur conseiller, les crédits qu’ils souscrivent, les frais qu’on leur impute. De ce point de vue, le texte introduit des avancées considérables.

La question des frais bancaires a cristallisé de nombreux débats dans les groupes appartenant à la majorité. Je suis prêt, je le répète, à des avancées par rapport au texte initial. Cela dit, les amendements proposés n’atteignent pas le point d’équilibre qui nous permettrait de trancher de manière sereine et éclairée. Je suggère par conséquent que nous nous donnions un peu de temps et abordions le sujet en séance.

On le sait, les frais prélevés par les banques, notamment en cas de fonctionnement irrégulier des comptes – la commission d’intervention s’élève en moyenne à 8 euros par opération –, peuvent vite atteindre des montants insupportables, surtout pour les populations fragiles : entre 100 et 300 euros par mois.

Le projet de loi initial propose de cibler les mesures sur ces populations fragiles. Mais il faut aussi envisager la question sous l’angle opposé : les frais représentent une part importante des revenus des banques.

Que l’État souhaite limiter le poids de ces frais pour les plus fragiles est une évidence : il n’est pas acceptable que le modèle économique de la banque de détail repose sur la fragilité de nos concitoyens. Au-delà, la puissance publique souhaite empêcher que les commissions d’intervention ne représentent des montants trop importants pouvant peser lourdement dans le budget des ménages, comme le montre un dossier récemment publié par le journal Le Monde.

Cependant, ce dossier souligne aussi que les banques pratiquant les frais les plus bas sont, de loin, les banques en ligne, c'est-à-dire les banques sans agences. À titre d’exemple, la banque de détail du Crédit agricole emploie 98 250 personnes dans 9 150 agences pour 26 millions de clients, soit 1 employé pour 264 clients, tandis que Boursorama, la première banque en ligne, emploie 808 employés pour 380 000 clients, soit 1 employé pour 470 clients, et propose des frais très peu élevés. Sachant que les clients de Boursorama sont généralement aisés, que serait la version low cost ?

Je vous invite donc à la sagesse. Je ne voudrais pas qu’en durcissant à l’excès les conditions, nous poussions les banques à multiplier les rejets pour compenser la diminution de leur résultat. Nous devons réfléchir au modèle bancaire que nous voulons promouvoir.

L’élargissement du plafonnement des commissions d’intervention aux classes populaires et aux classes moyennes me paraît être une bonne piste, même si cela représente plusieurs centaines de millions de revenu en moins pour les banques. Gardons-nous cependant d’un certain purisme qui aurait des conséquences non seulement sur l’emploi mais aussi sur nos concitoyens les plus fragiles : ceux-ci seraient les premières victimes des rejets et des restrictions que les banques pourraient multiplier par manière de représailles. Une mesure radicale comme celle qu’a proposée M. Thévenoud peut avoir des effets pervers dans la vie concrète.

M. le rapporteur général. Je me réjouis de la proposition d’élargir le plafonnement des commissions d’intervention à l’ensemble des populations, d’autant que l’article 17 aurait été difficile à appliquer. Je suis prêt à participer à un travail collectif pour aller plus loin tout en évitant les excès contre lesquels le ministre a mis en garde à juste titre.

M. Jean Launay. Le ministre ayant ouvert la porte à des avancées dès son audition de la semaine dernière, il est bon que nous nous saisissions du sujet pour apporter une solution avant l’examen dans l’hémicycle.

En ma qualité de membre de l’Observatoire national de la présence postale et du Conseil supérieur des services publics des postes et des communications électroniques, je souhaite insister sur la spécificité de la Banque postale. Par rapport aux banques exposées au risque systémique, cet établissement propose des tarifs raisonnables fondés sur les frais de rejet. Du fait de sa mission de service public d’accessibilité bancaire, il s’attache à limiter le coût des incidents de paiement de ses clients. Cela le conduit à procéder à des rejets d’opération lors de la plupart de ces incidents, tout en évitant les forçages – notion qu’il vaudra la peine de regarder de près.

Il faut abaisser les commissions d’intervention, qui ne sont soumises à aucune réglementation et dont ni le cumul, ni le montant, ni le nombre d’occurrences mensuelles ne sont limités. Quant au plafonnement des frais de rejet, il serait pour la Banque postale, bien plus que pour d’autres banques exposées au risque systémique, un risque majeur, ce qui serait paradoxal.

M. Thomas Thévenoud. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir rappelé l’importance de cette partie du projet de loi sur le plan politique comme pour la vie quotidienne de nos concitoyens et d’avoir montré les effets pervers que pourraient avoir des dispositions radicales. Je souhaite que nous prenions des dispositions pour parvenir à une rédaction adéquate avant l’examen du texte en séance publique.

M. Christian Paul. Le texte doit en effet être encore retravaillé au sein du groupe majoritaire et avec le Gouvernement. Il faudra bien quelques jours pour y parvenir avant la date limite de dépôt des amendements en vue de l’examen du texte en séance publique.

Plafonner les commissions d’intervention, qui concernent des opérations réalisées pour l’essentiel au moyen d’une carte bancaire et dont le paiement peut être imposé sans limites tant que ce moyen de paiement n’est pas retiré à son titulaire, est déjà un progrès. Cependant, les excès les plus criants sont liés à l’accumulation de frais de rejet de chèques ou de prélèvements, dont le montant est certes plafonné, mais pas le nombre. Il conviendrait donc de réfléchir à la possibilité de fixer deux plafonds : l’un pour les commissions d’intervention, l’autre pour ces frais de rejet. Dans une période marquée par la dégradation du pouvoir d’achat, par la précarité et par le chômage, le dispositif actuel ne permet pas de parvenir à des solutions satisfaisantes.

Pour parer aux difficultés que rencontre la Banque postale dans ce domaine, il conviendrait de voir comment procèdent les banques de détail qui accueillent déjà des populations défavorisées. On rendrait également grand service aux clients des banques en les informant de l’existence de modalités de paiement alternatives.

M. Laurent Baumel.  Monsieur le ministre, votre choix d’aborder ce point dans votre projet répond à une attente forte des parlementaires du groupe socialiste. Une dynamique s’est créée et il nous faut voir maintenant comment élargir la portée des dispositions qui figurent dans le texte – en étendant le périmètre des personnes concernées ou le champ des opérations soumises à plafonnement. Il nous reste quelques jours pour élaborer les dispositions précises qui nous permettront d’avancer sur le sujet.

M. le président Gilles Carrez. Si je vous comprends bien, toutes ces dispositions sont en gestation et l’on peut s’attendre à ce que, d’ici à l’examen en séance publique, vous proposiez au moins un amendement qui synthétise les suggestions des uns et des autres…

Les amendements CF 67 rectifié, CF 168 et CF 61 rectifié sont retirés.

La Commission adopte l’article 17 sans modification.

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* *

Après l’article 17

La Commission est saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 17, et d’abord des amendements identiques CF 65 rectifié de M. Thomas Thévenoud et CF 169 de M. Christian Paul.

M. Thomas Thévenoud. Le droit au compte doit être renforcé par une véritable obligation faite aux établissements de crédit d’ouvrir un compte de dépôt aux personnes qui en sont dépourvues.

M. Christian Paul. L’amendement CF 169 est défendu.

Mme la rapporteure. En matière de droit au compte bancaire, le projet de loi propose déjà de nombreuses améliorations à la situation existante. En l’état, l’accès aux services bancaires de base est subordonné à la saisine de la Banque de France par la personne désireuse de faire valoir son droit au compte. Deux solutions se présentent à nous. La première est de rester dans le cadre ainsi fixé et à chercher à améliorer l’accès au droit au compte en autorisant, comme le propose le Gouvernement, la saisine de la Banque de France par les départements, par les caisses d’allocations familiales et par les centres communaux d’action sociale (CCAS), qui travaillent au contact des personnes les plus modestes. La deuxième consiste à ne plus subordonner l’accès aux services bancaires de base à un refus de compte. Cette deuxième solution pose toutefois un problème de constitutionnalité, car elle porte atteinte à la liberté contractuelle.

Je vous propose de vous rallier au dispositif proposé par le Gouvernement en retirant vos amendements.

M. le ministre. Cette idée d’un service bancaire universel destiné à remplacer le dispositif du droit au compte risquerait d’aboutir à un dispositif moins contraignant pour les établissements bancaires. En France, où le taux de bancarisation est supérieur à 99 % selon les études du CREDOC, la mobilisation du droit au compte ne concerne heureusement chaque année que quelques dizaines de milliers de personnes, en majorité en grande difficulté sociale et mal informées de ces questions. L’article 21 du projet de loi prévoit donc un dispositif qui permet aux organismes sociaux de faire la démarche auprès de la Banque de France en leur nom.

En la matière, le droit ne peut être opérant que si la Banque de France intervient pour enjoindre à l’établissement d’ouvrir un compte. Le texte du Gouvernement apporte donc une réponse précise à un besoin précis. Pour combattre efficacement l’exclusion bancaire, mieux vaut nous y tenir.

Les amendements CF 65 rectifié et CF 169 sont retirés.

La Commission est alors saisie de l’amendement CF 170 de M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Cet amendement, qui tend à rendre possible une procédure contradictoire avant qu’un établissement bancaire ne décide d’une sanction pouvant entraîner l’interdiction bancaire d’un client, s’inspire de situations concrètes que les associations de consommateurs connaissent bien. Dans certains cas de force majeure, par exemple lorsqu’ils sont absents du territoire français, hospitalisés ou en train de changer d’établissement bancaire, les clients doivent pouvoir bénéficier d’un examen contradictoire de leur dossier avec leur banque. Cette disposition est assortie d’un calendrier très strict, l’entretien devant avoir lieu dans un délai de trois semaines.

Mme la rapporteure. Cet amendement est en partie satisfait par l’article L. 312-1-1 du code monétaire et financier, qui prévoit un délai de préavis de deux mois avant une fermeture de compte à l’initiative de la banque.

M. le ministre. L’intention est déjà largement satisfaite. N’introduisons pas de lourdeurs qui pourraient en outre occasionner de nouveaux frais bancaires pour les clients concernés. Il existe déjà une obligation légale d’information préalable avant refus de paiement d’un chèque et interdiction bancaire. Il ne faut pas pour autant laisser les clients multiplier les impayés susceptibles d’aggraver une situation de surendettement.

La mesure proposée par l’amendement pourrait avoir deux effets pervers : la multiplication des entretiens – qui pourraient se compter chaque année par centaines de milliers, compte tenu du fait que 1,5 million de personnes sont concernées – et la poursuite de l’endettement pendant que les délais courent.

Mieux vaut donc s’en tenir au dispositif proposé par le texte et je vous demande donc de retirer votre amendement. Je demanderai alors au Comité consultatif du secteur financier, qui réunit les établissements de crédit et les associations de consommateurs, de veiller à une information complète des clients.

M. Christian Paul. Le délai fixé dans l’amendement est en fait plus strict que le préavis de deux mois prévu jusqu’ici. En outre, l’obligation qui existe aujourd’hui porte sur l’information et ne prévoit pas d’entretien contradictoire. Un client peut donc faire l’objet d’une sanction bancaire et d’un fichage sans avoir eu la possibilité de faire valoir ses arguments.

Sans doute une part importante des 1,5 million de personnes que vous évoquez règlent-elles rapidement le problème mais, pour quelques dizaines de milliers d’entre eux, l’absence d’examen contradictoire se traduit par des sanctions très brutales.

Je retire cependant mon amendement, mais je souhaite qu’il soit à nouveau examiné et n’exclus pas de le déposer à nouveau pour qu’il soit discuté en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie des amendements CF 123, CF 125, CF 127, CF 126 et CF 124 de M. Guillaume Bachelay, faisant l’objet d’une présentation commune.

M. Guillaume Bachelay. L’amendement CF 123 tend à assurer, dans le texte que nous examinons, la visibilité des mesures destinées aux entreprises – qui sont elles aussi, au même titre que les ménages, des clients des banques. Il crée donc un chapitre intitulé « mesures relatives à la protection et à l’information des entreprises ». Il tend en outre à permettre à celles-ci de mieux connaître les raisons des mesures prises à leur endroit par des établissements bancaires, grâce à la communication de la note qui leur a été attribuée – c’est une information que de nombreux chefs d’entreprise attendent.

L’amendement CF 125 tend à compléter le document par lequel la Banque de France communique chaque trimestre la part et le volume des crédits consentis aux entreprises créées depuis moins de trois ans et aux PME, en y adjoignant des informations sur l’usage des fonds européens destinés au financement des PME françaises. Ces financements étant réalisés en grande partie par le biais de l’intermédiation, il est aujourd’hui malaisé d’en connaître l’emploi.

L’amendement CF 127 vise à mieux appréhender l’accès des PME aux prêts bancaires. Les auditions préparatoires à la création de la Banque publique d’investissement (BPI) ont fait apparaître des divergences d’interprétation entre les banques, qui affirment assumer pleinement leur rôle, et les entreprises qui déclarent qu’elles se heurtent à de grandes difficultés pour avoir accès aux financements.

L’amendement CF 126 tend à assurer une information claire sur l’utilisation de l’épargne réglementée non centralisée en distinguant, dans les données statistiques, les reconductions de crédits et les nouveaux prêts consentis aux PME, lesquelles devraient, je le rappelle, bénéficier pour 75 % de l’augmentation des sommes collectées sur les livrets A et sur les livrets de développement durable et non centralisées par la Caisse des dépôts et consignations.

L’amendement CF 124, qui prolonge le précédent, tend à assurer la transmission trimestrielle à l’ACPR, par les entreprises d’assurance pratiquant les opérations d’assurance-crédit, des informations statistiques sur le montant des encours de crédits clients garantis, en particulier pour les PME. Il s’agit ainsi d’anticiper les blocages que pourrait provoquer la remise en cause de certains risques.

Ces amendements constituent une sorte de « paquet » de mesures destinées aux PME dans le cadre d’une politique visant à réorienter la finance vers l’économie réelle.

Mme la rapporteure. Je ne suis pas opposée sur le fond à ces amendements, mais ce n’est peut-être pas l’abondance de statistiques qui résoudra les problèmes de financement que rencontrent les entreprises.

Pour ce qui concerne l’amendement CF 123, je tiens à souligner que l’attribution de crédits à une entreprise ne saurait dépendre exclusivement d’une note : elle suppose de prendre en compte un contexte plus large, et notamment la connaissance de l’entreprise et de ses liens avec le milieu financier.

J’ai déjà abordé tout à l’heure les questions qui motivent votre amendement CF 127. Le degré de précision des renseignements demandés peut n’être pas conciliable avec les impératifs de secret des affaires entourant les stratégies de financement – par exemple dans des départements où il n’existe qu’une seule banque.

L’amendement CF 126, relatif à la mobilisation des dépôts sur les livrets A, aborde une question complexe sur laquelle je travaille moi-même actuellement dans le cadre d’une mission qui m’a été confiée voici quelques mois. Il nous faut prendre garde à l’usage qui pourrait être fait d’une publicité de l’utilisation de ces fonds. Sur le fond, cependant, ma position est neutre.

Pour ce qui est de votre amendement CF 124, je puis vous assurer, car je connais bien le secteur de l’assurance-crédit, que les entreprises de ce secteur ne disposent elles-mêmes d’aucune évaluation du montant des encours de crédit client garantis – a fortiori pour les PME –, car il s’agit en réalité de droits à tirage, et non d’encours proprement dits.

S’il importe de faciliter le financement des entreprises, je ne suis pas certaine pour autant que l’ensemble de la batterie statistique que vous réclamez soit indispensable.

M. le ministre. Je partage l’avis de la rapporteure.

L’amendement CF 123 me semble acceptable. Il pourrait cependant avoir un effet pervers, car un prêteur pourrait exiger qu’une entreprise lui communique sa note pour consentir un crédit.

L’amendement CF 124 serait également acceptable sous réserve d’une amélioration rédactionnelle avant son examen en séance publique : les informations visées doivent être transmises à la Banque de France, et non pas à l’ACPR.

M. Guillaume Bachelay. J’ai noté, madame la rapporteure, que vous n’avez pas d’opposition de principe à ces amendements et je tiens à vous rassurer : je ne considère nullement que la réalité des entreprises se résumerait à des statistiques.

Au même titre que vous avez évoqué tout à l’heure, monsieur le ministre, la vie quotidienne des Français, mes amendements visent à améliorer la vie quotidienne des entrepreneurs. Je les maintiens donc.

Mme Sandrine Mazetier. La correction rédactionnelle demandée par le ministre figure dans l’amendement CF 109 que nous examinerons tout à l’heure et dont M. Guillaume Bachelay est signataire.

La Commission adopte l’amendement CF 123.

Puis elle rejette successivement les amendements CF 125, CF 127 et CF 126.

M. le président Gilles Carrez. La correction rédactionnelle proposée par M. le ministre à l’amendement CF 124 consiste, je le rappelle, à remplacer les deux occurrences de « l’Autorité de contrôle prudentiel » par « la Banque de France ».

La Commission adopte l’amendement CF 124 rectifié.

Elle examine les amendements CF 104, CF 105, CF 108, CF 109 et CF 106 de Mme Sandrine Mazetier, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

Mme Sandrine Mazetier. Ces amendements concernent les liens entre les très petites entreprises (TPE) et les banques – ou, le plus souvent, puisqu’en moyenne elles en ont 1,2, leur unique banque, dont elles sont alors fortement dépendantes. Alors qu’elles représentent 87 % des PME et 70 % des emplois de celles-ci, les TPE ont des frais financiers s’élevant également en moyenne à 4 % de leur chiffre d’affaires, ce qui n’est pas négligeable.

Les amendements CF 104 et CF 105 proposent de contractualiser les relations entre les professionnels et les établissements bancaires. Toute entreprise étant obligée d’ouvrir un compte en banque, il est par exemple normal que, comme pour un particulier, une convention précise les devoirs des deux parties contractantes et énumère l’ensemble des frais.

L’amendement CF 108 vise à impliquer le partenaire bancaire dans la diffusion de l’information sur les outils publics mis à la disposition des entreprises en difficulté. Plus précisément, il propose que, lorsqu’une banque refuse un crédit à une entreprise, elle lui en donne les raisons dans les 48 heures et lui indique les autres structures, nombreuses, susceptibles de l’aider à surmonter ses difficultés de trésorerie. Les banques étant obligées de signaler les incidents de paiement de leurs clients à la Banque de France, il nous semblerait également normal qu’elles soient obligées de signaler les dispositifs que les pouvoirs publics proposent pour aider les TPE et les PME.

J’ai déjà annoncé que je retirerais l’amendement CF 109. Quant au CF 106, il fait partie du lot des amendements relatifs aux frais bancaires que nous nous proposons de retravailler en vue d’affiner nos propositions.

Mme la rapporteure. Je remercie nos collègues d’avoir travaillé aussi précisément sur l’ensemble des dispositifs concernant les relations entre les TPE et les banques, le Gouvernement et le ministre de l’économie en particulier s’en souciant particulièrement dans le cadre de ce projet.

J’émets un avis favorable à l’adoption des amendements CF 104 et CF 105 sous réserve de modifications rédactionnelles. Je présenterai notamment un sous-amendement à l’amendement CF 105.

En revanche, je suis plus circonspecte quant à l’amendement CF 108, voire défavorable, car il reviendrait à inciter les banques commerciales à se défausser de leurs responsabilités en renvoyant les entreprises aux dispositifs publics de financement.

M. le ministre. De même, avis favorable aux amendements CF 104, sous réserve d’une autre rédaction, et CF 105, sous réserve d’un sous-amendement.

En revanche, je suis plutôt défavorable à l’adoption de l’amendement CF 108, de même que je l’aurais été à celle des amendements CF 109 et CF 106.

M. le président Gilles Carrez. Je vous propose de mettre aux voix les amendements, madame Mazetier, les modifications rédactionnelles pouvant être apportées en séance publique.

Mme Sandrine Mazetier. Très bien.

Je comprends le point de vue de la rapporteure et du ministre s’agissant de l’amendement CF 108 : il serait en effet trop facile, pour les banques, de se débarrasser de dossiers difficiles. Néanmoins, quantité de crédits sont refusés aux dirigeants de TPE sans qu’ils puissent recourir à des dispositifs qu’ils méconnaissent, faute d’avoir eu le temps de lire les argumentaires que nous diffusons à profusion. Il me semble dommageable de les priver de ces solutions, y compris dans les cas où leur dossier aurait presque pu être accepté par la banque. Je retire toutefois cet amendement.

L’amendement CF 108 est retiré, ainsi que les amendements CF 19 et CF 106.

La Commission adopte successivement les amendements CF 104 et CF 105.

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Article 18

Assurance-emprunteur

Le présent article a pour objet d’améliorer l’information des emprunteurs sur le coût des assurances garantissant le remboursement (75) – c’est-à-dire les « assurances-emprunteur » offertes par les « assureurs délégués ».

Il tend également à limiter les frais financiers qu’un emprunteur peut supporter lorsqu’il recourt, pour un prêt immobilier, à un assureur délégué, et non à l’assurance proposée par le prêteur.

Son alinéa 20 prévoit enfin une amélioration des échanges d’information entre le prêteur et l’assureur délégué offrant l’assurance-emprunteur, dont les modalités seraient prévues par un décret en Conseil d’État.

Aux termes du II du présent article, ces dispositions entrent en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi afin de laisser aux professionnels le temps nécessaire pour s’y conformer.

La loi de 2010 portant réforme du crédit à la consommation (76) a permis aux emprunteurs de choisir librement leur assurance-emprunteur en matière de crédit immobilier depuis le 1er septembre 2010 mais elle ne semble pas avoir eu les effets escomptés. Selon certains acteurs du marché, la part de marché des assureurs délégués aurait diminué de 20 %, avant cette loi, à 11,8 % (77) et la part des jeunes emprunteurs – de moins de 40 ans – ayant recours à l’assurance hors banque serait passée de 38 % en 2009 à 31 % en 2011 (78).

Le présent article tend à renforcer l’effectivité de cette évolution en améliorant l’information des consommateurs et en limitant les obstacles au recours aux assurances proposées par les organismes autres que le prêteur.

I.– L’AMÉLIORATION DE L’INFORMATION DES EMPRUNTEURS
EN MATIÈRE D’ASSURANCE-EMPRUNTEUR

Les 1° à 5° du I du présent article ont pour objet d’améliorer l’information fournie aux emprunteurs en matière d’assurance-emprunteur.

Trois types d’information seraient fournis aux emprunteurs.

En premier lieu, le taux annuel effectif de l’assurance (TAEA) serait indiqué de manière à pouvoir être comparé avec le taux annuel effectif global du crédit. Aucun autre taux relatif à l’assurance-emprunteur ne pourrait être indiqué de façon à faciliter cette comparaison. L’alinéa 22 introduit, dans le code monétaire et financier, un article L. 313-2-1 prévoyant que les modalités de calcul du TAEA seraient déterminées par un décret en Conseil d’État.

En second lieu, ces documents indiqueraient le coût total, en euros, de l’assurance sur la durée totale du prêt.

Enfin, ils préciseraient le montant mensuel, en euros, de cette assurance, indiquant s’il se rajoute ou non à l’échéance de remboursement du crédit.

S’agissant des crédits à la consommation (79), l’information ainsi prévue par le présent article devrait être indiquée :

– dans les publicités diffusées par les prêteurs offrant des crédits assortis de telles assurances (nouvel article L. 311-4-1 du code de la consommation ; alinéa 4 du présent article) ;

– dans la fiche de présentation du crédit transmise par le prêteur préalablement à la conclusion du contrat de crédit (nouvelle rédaction du III de l’article L. 311-6 du code de la consommation ; alinéa 9 du présent article) ;

S’agissant des prêts immobiliers (80), cette information serait fournie dans tout document remis à l’emprunteur préalablement à la formulation de l’offre de crédit (nouvel article L. 312-6-1 du code de la consommation ; alinéas 12 à 15 du présent article).

Les dispositions ainsi prévues par le présent article ont donc pour objet d’améliorer l’information des emprunteurs et, en conséquence, pourraient faciliter la comparaison des offres en matière d’assurance-emprunteur.

II.– LA LIMITATION DES « FRAIS DE DÉLÉGATION »
EN MATIÈRE DE PRÊT IMMOBILIER

Modifiant l’article L. 312-9 du code de la consommation, l’alinéa 20 du présent article a pour objet de limiter les « frais de délégation » facturés, par le prêteur octroyant un prêt immobilier, à l’emprunteur choisissant une assurance fournie par un autre organisme – « l’assureur délégué ».

En l’état du droit, le prêteur ne peut modifier le taux du crédit qu’il propose à un emprunteur choisissant une assurance autre que celle qu’il propose. Le dispositif proposé étend cette contrainte aux conditions d’octroi du prêt telles que définies dans l’offre écrite prévue à l’article L. 312-7, qui ne pourraient être modifiées. Par ailleurs, aucun frais supplémentaire ne serait exigible par le prêteur.

Un tel dispositif vise la disparition des frais de délégation abusifs limitant la capacité des emprunteurs à recourir à des assurances moins onéreuses que celles proposées par le prêteur.

Selon les informations recueillies par la Rapporteure, en matière de crédit à la consommation, pour lequel l’assurance emprunteur est facultative, la pratique de frais spécifiques en cas de délégation n’aurait jamais été identifiée comme une pratique de marché. Pour cette raison, l’encadrement de tels frais, prévu par le présent article, est limité aux prêts immobiliers.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 151 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Nous proposons une mesure de transparence consistant à indiquer dans les contrats d’assurance les risques couverts en sus du coût de la police. Prenons garde à ce que la tentation du low cost ne conduise pas à une baisse sournoise des prestations.

Mme la rapporteure. Très bonne idée !

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CF 11 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. J’admets que la rédaction de cet amendement n’est pas satisfaisante en l’état, mais il permettrait à l’emprunteur, dont le contrat d’assurance a été généralement proposé par le prêteur, de changer d’assureur au moins trois mois avant l’échéance de l’annuité du prêt. Le taux débiteur pourrait en outre être ajusté au montant du capital restant dû.

Mme la rapporteure. Ce n’est pas dans le cadre de cette discussion que nous pouvons bouleverser l’équilibre et la logique d’actuarisation des mécanismes d’assurance emprunteur. Je ne nie pas l’intérêt de réfléchir à la possibilité d’une telle renégociation, mais il serait assez imprudent de la proposer sans en mesurer exactement les conséquences : si l’emprunteur peut renégocier, la banque peut quant à elle lui demander de rembourser son prêt.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. Il s’agit d’une renégociation, non du prêt, mais du contrat d’assurance qui accompagne le prêt.

Mme la rapporteure. Certes, mais la renégociation du contrat d’assurance risque d’être suivie d’une demande de remboursement du prêt.

Pour nombre de raisons dont la première tient aux calculs d’actuarisation, je propose que nous prenions le temps de bien réfléchir à toutes ces questions.

M. le président Gilles Carrez. Cela me paraît sage, en effet.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. J’avais déposé cet amendement à la demande d’un certain nombre d’organisations de consommateurs, mais je le retire donc, en attendant de le présenter à nouveau dans quelques jours.

L’amendement CF 11 est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 69 rectifié de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. La loi Lagarde de 2010 permet à un emprunteur de choisir son contrat d’assurance, et donc de ne pas forcément accepter celui que lui propose son banquier. Or il arrive que la banque refuse des contrats pourtant équivalents à ceux dont elle dispose. Je propose donc que, jusqu’à la signature de l’offre de prêt, l’emprunteur soit libre de proposer un nouveau contrat ; si celui-ci couvre les mêmes garanties que celui que proposait la banque, cette dernière ne pourrait le refuser que par une décision motivée, dans un délai de huit jours.

Telle me semble être la seule façon de procéder pour que la loi de 2010 soit vraiment appliquée.

Mme la rapporteure. Cette disposition sera très utile sans pour autant, à la différence de la précédente, bouleverser l’équilibre actuel des risques et de l’actuarisation des mécanismes d’assurance emprunteur. En outre, elle me semble de nature à renforcer la logique qui avait inspiré cette disposition de la loi dite Lagarde.

Enfin, alors que cette dernière avait malheureusement entraîné une réduction de la part de marché des assurances alternatives, je suis persuadée que l’adoption de l’amendement contribuera à inverser la tendance. Avis favorable, par conséquent.

M. le ministre. Ce très bon amendement entre parfaitement dans la logique du projet dans la mesure où, en favorisant la concurrence dans le secteur de l’assurance-crédit, il est de nature à faire baisser le coût des contrats. Sachant que, pour un emprunt de 150 000 euros sur vingt ans, l’assurance peut coûter jusqu’à 11 000 euros, l’économie pourrait atteindre 1 500 ou 2 000 euros.

M. le président Gilles Carrez. Excellent amendement, en effet.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CF 171 de M. Christian Paul et CF 205 de M. Razzy Hammadi, ainsi que les amendements identiques CF 66 rectifié de M. Thomas Thévenoud, CF 172 de M. Christian Paul et CF 206 de M. Razzy Hammadi, pouvant faire l’objet d’une présentation commune.

M. Christian Paul. Je laisse à M. Hammadi le soin de présenter ces amendements.

M. Razzy Hammadi. La notion de « niveau de garantie équivalente » introduite par la loi Lagarde dans le but de consacrer le principe de liberté de choix de l’assurance permet, en fait, au banquier prêteur de refuser abusivement tout contrat d’assurance proposé par l’emprunteur.

La création de niveaux de couverture simplifierait la lecture de la fiche d’information standardisée tout en rendant plus effective cette liberté de choix. En effet, le banquier ne pourra objecter aucun argument à réception d’un contrat d’assurance tiers du même niveau de couverture que le contrat groupe qu’il propose.

Mme la rapporteure. Demande satisfaite par l’adoption de l’amendement CF 151. Avis défavorable.

M. le ministre. Je propose aux auteurs de ces amendements de les retirer, étant entendu que je leur soumettrai une rédaction alternative qui devrait répondre à l’ensemble de leurs préoccupations.

Les amendements CF 171, CF 205, CF 66 rectifié, CF 172 et CF 206 sont retirés.

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 222 de la rapporteure.

Elle examine ensuite l’amendement CF 68 de M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit toujours de faire en sorte que la loi Lagarde soit appliquée.

Après le flux, je m’attaque au stock : cet amendement autorise l’emprunteur à résilier un contrat d’assurance emprunteur et à en proposer un autre. La banque ne pourra refuser ce nouveau contrat dès lors qu’il couvrira les mêmes garanties que le précédent.

Mme la rapporteure. Je tremble à l’idée d’émettre un avis défavorable, mais ce sera pourtant le cas pour les raisons que j’ai opposées à M. Kemel. L’adoption d’un tel amendement risquerait en effet de bouleverser le mécanisme d’assurance emprunteur existant.

M. le président Gilles Carrez. Il me semble que la rapporteure a raison.

M. Pierre-Alain Muet. Je comprends, mais je répète que la logique de la loi Lagarde revenait à autoriser une résiliation « sur le stock » à condition que la banque ne puisse pas quant à elle remettre en cause l’assurance.

Je veux bien retirer cet amendement, mais cette question n’en mérite pas moins réflexion.

M. le ministre. Avec les mêmes scrupules que Mme la rapporteure, je parviens à la même conclusion. La possibilité de résilier l’assurance en cours de prêt pour en souscrire une nouvelle impliquerait une reconfiguration très importante du marché de l’assurance emprunteur dont toutes les conséquences, pour les emprunteurs, n’ont pas été expertisées. Une réflexion approfondie s’imposant pour prévenir tout effet indésirable, je demande le retrait de cet amendement.

M. Pierre-Alain Muet. Je le retire, mais je tenais à soulever le problème.

M. le ministre. Le problème se pose en effet mais, je le répète, nous n’avons pas suffisamment réfléchi à la solution.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte successivement deux amendements de la rapporteure : l’amendement CF 223 corrigeant une erreur matérielle et l’amendement CF 224, rédactionnel.

Elle adopte l’article 18 modifié.

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Article 19

Mesures relatives aux intermédiaires bancaires et financiers

Le présent article prévoit diverses dispositions relatives aux intermédiaires bancaires et financiers.

● Le exclut du régime applicable au démarchage bancaire la diffusion de publicité sur quelque support que ce soit. Les dispositions relatives au démarchage bancaire (81) comprennent notamment des règles relatives aux personnes exerçant cette activité – en matière de responsabilité civile professionnelle, d’enregistrement auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel et de l’Autorité des marchés financiers ou d’incapacités –, à l’information des consommateurs et aux produits pouvant être concernés par cette activité.

L’exclusion du champ de ce régime de la diffusion de documents publicitaires paraît de bon sens. Elle est justifiée par le fait qu’une telle pratique a pour objet d’informer le public sur divers biens et services, et non de recueillir l’accord d’un client sur une opération donnée.

● Le a pour objet d’étendre aux « agents liés » les sanctions disciplinaires pouvant être prononcées contre des personnes exerçant une activité de démarchage bancaire.

Mentionnés à l’article L. 545-1 du code monétaire et financier, les agents liés sont « toute personne physique ou morale qui, sous la responsabilité entière et inconditionnelle d'une seule et unique entreprise d'investissement pour le compte de laquelle elle agit, fait la promotion auprès de clients ou de clients potentiels de services d'investissement et/ou de services auxiliaires, reçoit et transmet les instructions ou les ordres de clients concernant des instruments financiers ou des services d'investissement, place des instruments financiers et/ou fournit à des clients ou à des clients potentiels des conseils sur ces instruments ou services » (82).

La loi de régulation bancaire et financière a ouvert aux agents liés le démarchage bancaire sans toutefois prévoir que les sanctions disciplinaires prévues puissent leur être appliquées. Le présent article répare cet oubli.

● Le a pour objet de préciser les règles applicables aux intermédiaires en opérations bancaires et en services de paiement (IOBSP) dans leur activité de démarchage bancaire.

En l’état du droit, les IOBSP sont soumis, à la fois, à des règles qui leur sont propres et, dans leur activité de démarchage bancaire, aux règles applicables aux personnes exerçant cette activité. Il existe donc un risque d’insécurité juridique, lié à une incertitude quant aux règles à leur appliquer lorsqu’ils exercent cette activité.

Le présent article tend donc à clarifier ces règles en indiquant précisément celles applicables aux IOBSP. L’ensemble des dispositions propres à leur statut resterait applicable lorsqu’ils exercent l’activité de démarchage. Elles seraient complétées par certaines dispositions propres à cette activité, à savoir celles relatives :

– aux produits pouvant faire l’objet de démarchage (art. L. 341-10) ;

– à l’information fournie à la personne démarchée sur les conditions de l’offre qui lui est faite (5° de l’article L. 341-12), le droit de rétractation (6° de cet article) et la loi applicable au contrat (7°) ;

– à l’interdiction, pour le démarcheur, de proposer des produits autres que ceux pour lesquels il a été mandaté (art. L. 341-13) ;

– aux modalités d’exercice du droit de rétractation (art. L. 341-16) ;

– aux sanctions disciplinaires (art. L. 341-17).

Les autres dispositions relatives au démarchage bancaire, qui ne seraient plus applicables aux IOBSP, sont prévues par des dispositions propres à ces acteurs, en particulier les articles R. 519-19 à R. 519-31 du code monétaire et financier, portant règles de bonne conduite des IOBSP.

● Enfin, le corrige une erreur matérielle dans l’ordonnance du 21 janvier 2010 créant l’Autorité de contrôle prudentiel (83).

Cette ordonnance soumet au contrôle de l’ACP :

– les mutuelles et les unions de mutuelles ainsi que les personnes qui s’entremettent avec des mutuelles ou des unions ;

– les intermédiaires en assurance et les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement.

Elle n’a toutefois pas prévu que l’ACP puisse sanctionner ces personnes en cas de non-respect d’une mesure de police administrative, telle que la mise en garde ou la mise en demeure, ou en cas de manquement à des codes de conduite homologués applicables à la profession.

Aux termes du 4°, cette possibilité de sanction dans ces cas précis serait prévue, comme elle l’est, en l’état du droit, s’agissant des entreprises d’assurances ainsi que des établissements de crédit et de la plupart des organismes contrôlés par l’ACP (84).

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La Commission adopte l’article 19 sans modification.

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Article 20

Référentiel de place des organismes de placement collectif
en valeurs mobilières

Le présent article a pour objet l’instauration d’un recensement de l’ensemble des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) français. Ce « référentiel de place » remplacerait les multiples bases de données
– ni exhaustives ni absolument fiables – existantes et permettrait ainsi un meilleur accès à l’information des différentes parties prenantes – souscripteurs, autorités de contrôle, distributeurs... – ainsi qu’une simplification des obligations déclaratives auxquelles sont soumis les OPCVM et les sociétés de gestion.

Le du I du présent article a pour objet la mise en place d’un référentiel de place permettant de recenser l’ensemble des OPCVM, y compris, comme le prévoit le , ceux qui ne sont pas agréés conformément à la directive dite « OPCVM » (85).

Un organisme, regroupant les professions participant à la gestion d’OPCVM et agréé par arrêté du ministre chargé de l’économie, serait chargé de l’enregistrement des OPCVM. Ceux-ci ou les sociétés de gestion qui les gèrent devront lui transmettre une liste d’informations déterminées par arrêté du ministre chargé de l’économie, le cas échéant complétée par l’organisme. Leur enregistrement donnerait lieu au paiement de frais d’inscription annuels permettant le financement de cet organisme.

Ce référencement serait rendu public.

Aux termes du II du présent article, ce référentiel de place serait mis en place à compter du 1er janvier 2015, laissant ainsi le temps nécessaire à la mise en place des circuits d’information nécessaires.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 225 à CF 227 de la rapporteure.

Elle adopte l’article 20 ainsi modifié.

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Article 21

Accessibilité bancaire

Le présent article prévoit plusieurs dispositions de simplification destinées à faciliter la mise en œuvre du droit au compte.

Pour mémoire, le droit au compte repose sur la procédure suivante :

– en cas de refus de compte, la Banque de France est saisie, le plus souvent par l’établissement de crédit ayant refusé l’ouverture du compte ;

– la personne concernée transmet à la Banque de France l’attestation de refus de compte, que l’établissement de crédit doit lui avoir fourni, ainsi qu’un justificatif d’identité et un justificatif de domicile ;

– la Banque de France désigne un établissement de crédit en charge de l’ouverture du compte.

Outre une précision rédactionnelle à l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, le prévoit, en cas de refus d’ouverture de compte, la remise par la banque concernée d’une attestation dont le modèle serait, aux termes du , défini par l’association française des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (AFECEI).

Une telle disposition est prévue aujourd’hui par la charte d’accessibilité bancaire (86) de l’AFECEI mais semble ne pas être systématiquement respectée. L’inscrire dans la loi paraît d’autant plus protecteur des personnes concernées que l’attestation de refus de compte doit être transmise à la Banque de France pour bénéficier du droit au compte.

Le 1° dispose également que, en cas de refus d’ouverture de compte, la Banque de France peut être saisie par le département, la caisse d’allocations familiales ou le centre communal ou intercommunal d’action sociale – la personne concernée et l’établissement lui ayant refusé l’ouverture du compte pouvant seuls, en l’état du droit, saisir la Banque de France afin qu’elle désigne à cette personne un autre établissement pour l’ouverture d’un compte.

Cette disposition tend donc à faciliter l’accès au droit au compte en élargissant la saisine de la Banque de France à des organismes publics en contact avec des personnes en situation de fragilité, qui peuvent craindre de s’engager dans la procédure – ce que semble prouver le fait que seulement 4 % des demandes parvenant à la Banque de France proviennent de personnes physiques.

Les et consistent en des modifications rédactionnelles des trois derniers alinéas de l’article L. 312-1.

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La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 228 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite l’article 21 modifié.

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Article additionnel après l’article 21

La Commission examine l’amendement CF 107 de Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. De même qu’il existe un droit au compte, nous proposons d’instituer un droit au changement de compte afin de permettre aux TPE, dont 80 % n’ont qu’une seule banque, de faire jouer la concurrence et d’être moins confrontées à des refus de crédit, remplacés par des découverts plus au moins autorisés sur lesquels leur établissement bancaire facture des commissions excessives.

Mme la rapporteure. Ce débat a déjà eu lieu. Le choix fait dans ce projet de loi est plutôt de renforcer le droit au compte en faisant intervenir une tierce personne. Je vous suggère de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

La Commission examine l’amendement CF 152 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Cet amendement s’inscrit dans la lignée du précédent. Compte tenu du débat nourri qui a eu lieu tout à l’heure, je le retire et je le défendrai dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

La Commission examine les amendements identiques CF 64 rectifié de M. Thomas Thévenoud, CF 173 de M. Christian Paul et CF 207 de M. Razzy Hammadi.

M. Thomas Thévenoud. Le taux de mobilité bancaire étant dans notre pays beaucoup plus faible qu’ailleurs au sein de l’Union européenne, nous proposons de faciliter une telle mobilité en instaurant un service simple de transfert des opérations vers le nouveau compte inspiré du service de suivi du courrier de La Poste et proposé à un tarif non dissuasif.

M. Christian Paul. Un tel dispositif aurait le mérite d’améliorer la qualité de la concurrence entre les établissements bancaires et d’éviter que les clients ne soient trop captifs de leur banque habituelle.

M. Razzy Hammadi. L’amendement CF 207 est défendu.

Mme la rapporteure. Je souhaite avoir l’avis du Gouvernement sur cet important sujet et sur ces amendements qui présentent un certain nombre de problèmes rédactionnels.

M. le ministre. Pas seulement rédactionnels. Ce dispositif est certes séduisant mais il serait très difficile à appliquer ou, à tout le moins, nous aurions besoin de davantage d’éléments pour apprécier sa faisabilité technique.

Deux ans ont été nécessaires avant que le système britannique, auquel il est fait allusion dans l’exposé des motifs, ait été adopté. Le dispositif néerlandais, également mentionné, ne règle quant à lui que partiellement le problème de la mobilité bancaire : par exemple, il ne comprend pas une redirection automatique des chèques visés afin de réduire les frais d’incidents. En réalité, aucun dispositif étranger ne donne pleinement satisfaction.

Depuis 2005, les banques françaises proposent un service d’aide à la mobilité. Les deux bilans établis par le Comité consultatif du secteur financier en 2010 et 2011 concluent que la mise en place de ce dispositif a été satisfaisante mais qu’il demeure toutefois insuffisamment connu. Les établissements de crédit doivent donc faire des efforts de communication. Comme il fonctionne toutefois plutôt mieux et plus simplement que celui qui est ici proposé, je vous invite à retirer ces amendements.

M. Razzy Hammadi. Ces retraits se justifient-ils seulement par la complexité et le délai de mise en œuvre ?

M. le ministre. Ces arguments, auxquels s’ajoute donc l’existence d’un dispositif insuffisamment connu, ne sont pas mauvais. De plus, le temps de passer d’un système à un autre, nous pourrions nous trouver totalement démunis.

Les amendements CF 64 rectifié, CF 173 et CF 207 sont retirés.

La Commission est saisie des amendements identiques CF 63 rectifié de M. Thomas Thévenoud, CF 175 de M. Christian Paul et CF 209 de M. Razzy Hammadi.

M. Thomas Thévenoud. Les clients doivent être informés du montant et de la dénomination des frais bancaires au minimum quinze jours avant que ceux-ci ne soient prélevés.

M. Christian Paul. L’amendement CF 175 est défendu.

M. Razzy Hammadi. De même l’amendement CF 209.

Mme la rapporteure. Nos collègues se montrent assez ambitieux ! Demander aux banques d’anticiper ainsi la situation d’un compte, c’est beaucoup exiger d’elles ! Avis défavorable.

M. le ministre. Même avis.

M. Razzy Hammadi. Le problème n’est pas d’établir une prévision mais de faire en sorte que les plus fragiles puissent anticiper un prélèvement. Le délai de quinze jours leur permettra en outre d’envisager un recours, de s’informer… La mesure est des plus simples, mais présenterait de grands avantages pour un grand nombre de personnes.

M. le ministre. Nous avons affaire ici à une série d’amendements très techniques, qui ont tous trait à la gestion des comptes bancaires : je ne suis pas sûr que cela relève du domaine de la loi.

En outre, il existe deux catégories de frais bancaires : ceux qui sont récurrents, prélevés tous les mois ou tous les trimestres, comme les cotisations pour les cartes bancaires, et ceux qui résultent d’un incident de paiement. Dans les deux cas, les frais sont dus aux termes de la convention de compte. Une information préalable sur leur prélèvement, via le relevé de compte mensuel, n’aurait de pertinence que pour les frais résultant d’un incident. De surcroît, cela pourrait avoir un effet pervers, dans la mesure où le client n’aurait conscience de sa situation déficitaire qu’à la fin du mois, lors de l’arrivée du relevé, avec le risque qu’elle se soit aggravée sans qu’il s’en aperçoive.

Nous avons tous le même objectif : faire en sorte que les plus fragiles soient mieux protégés. Toutefois, prenons garde à ce que, faute d’une évaluation préalable, nous n’adoptions des mesures qui produiront l’effet inverse. C’est pourquoi je vous suggère de retirer vos amendements.

M. Christian Paul. Monsieur le ministre, nous avons examiné successivement des amendements portant sur le plafonnement des frais bancaires, sur l’examen préalable et contradictoire de la situation des clients, sur leur redirection vers d’autres banques et sur l’information préalable. À chaque fois, vous nous avez incités à la prudence, au motif qu’il s’agissait de sujets complexes, que les mesures envisagées pouvaient avoir des effets pervers et que les phénomènes d’exclusion bancaire n’étaient jamais loin. Si nous comprenons vos scrupules, il reste qu’à un moment, il faut se demander si, oui ou non, nous voulons saisir l’occasion de l’examen de ce projet de loi pour rééquilibrer les relations traditionnellement inégalitaires entre les banques et leurs clients.

Je conçois que, dans le cadre de l’examen en commission, il faille se garder de prendre des mesures prématurées ; toutefois, je souhaiterais que ce chantier si important ne soit pas clos dès ce soir, car rien n’indique que nous aurons l’occasion de le rouvrir dans le courant de la législature. J’appelle donc le Gouvernement à engager un dialogue avec le Parlement, ou tout au moins avec le groupe majoritaire, afin de parvenir à un « paquet » législatif sur ces questions.

M. Laurent Grandguillaume. Il n’y a pas que la question des délais qui se pose, mais aussi celle du montant des frais bancaires. Si nous établissons l’obligation d’une information préalable, il faudra s’interroger sur les voies de recours dont disposeront les consommateurs. Cela mériterait une étude approfondie ; en son absence, il serait imprudent d’adopter ces amendements. Évitons les effets d’annonce et veillons à ce que les mesures que nous adoptons soient applicables !

M. le ministre. Je ne souhaiterais pas, monsieur Paul, que l’on pense qu’il y a d’un côté les défenseurs du statu quo, et de l’autre ceux qui souhaitent agir en faveur du consommateur – et cela d’autant moins que j’ai tenu personnellement à ce que l’on introduise dans le projet de loi des dispositions relatives à la vie quotidienne des consommateurs, alors que rien ne m’y obligeait puisque cela ne faisait pas partie des engagements de campagne.

Un amendement est essentiel : celui qui a pour objet le plafonnement des commissions et des frais bancaires ; les autres n’ont trait qu’aux modalités de gestion. Je suis prêt à chercher avec vous un terrain d’entente, mais il me semble qu’à ce stade, nos réflexions ne sont pas encore abouties ; nous risquons d’adopter des dispositifs qui auront les effets inverses de ceux recherchés. Néanmoins, soyez certains que nous partageons la même préoccupation.

Les avancées de ce soir sur la tenue de marché, sur les paradis fiscaux, sur le trading à haute fréquence et sur le conseil de stabilité financière vont déjà changer bien des choses. Si nous réussissons également à plafonner les frais, nous aurons donné un bel exemple de « coproduction législative » – quoique ce terme ait été quelque peu galvaudé… J’ai pour ma part toujours affirmé qu’il fallait respecter le travail législatif ; ma position n’a jamais été de dire que le Gouvernement décidait et que le Parlement suivait, et j’ai tout de suite fait un certain nombre d’ouvertures. Il s’agit, non pas, comme l’a prétendu Jérôme Chartier, d’un débat entre le Gouvernement, la rapporteure et la majorité, mais d’un travail réalisé ensemble. Cette dernière étape donnera sa coloration à l’ensemble de la loi. Ne nous perdons pas dans les détails techniques !

M. Thomas Thévenoud. J’avais pour ma part déposé plusieurs amendements. On m’a demandé de retravailler celui qui concernait l’assurance emprunteur dans le cadre d’un « paquet » législatif global, et le Gouvernement s’est déclaré favorable à un autre, sur le plafonnement des commissions bancaires, à la condition d’en revoir la rédaction. Il reste trois sujets en suspens : le droit au compte et le service bancaire universel, dont il faut approfondir l’étude ; l’information préalable, que nous venons d’évoquer ; et l’harmonisation de la dénomination des frais et des commissions, que nous allons bientôt examiner.

Je suis d’accord pour que nous travaillions ensemble sur ce texte et sur les autres projets de loi, à venir, relatifs à la protection du consommateur. Si nous avons besoin de temps pour parvenir à la rédaction adéquate, prenons-le, mais je ne voudrais pas qu’à la faveur des avancées obtenues aujourd’hui, on oublie les points demeurés en suspens.

Mme Valérie Rabault. Je suis d’accord avec le ministre : il convient d’être prudent et d’examiner dans le détail les conséquences des mesures préconisées, certaines pouvant s’avérer contraires aux objectifs poursuivis, notamment en matière de plafonnement – puisque, au final, 70 % des chèques sans provision ne sont pas rejetés.

Nous avons réalisé ce soir des avancées importantes, en partie grâce aux analyses pointues de la rapporteure. Même si nous sommes d’accord sur les buts à atteindre, prenons garde à ne pas adopter des mesures potentiellement contre-productives.

Les amendements CF 63 rectifié, CF 175 et CF 209 sont retirés.

La Commission en vient aux amendements identiques CF 62 rectifié de M. Thomas Thévenoud, CF 174 de M. Christian Paul et CF 208 de M. Razzy Hammadi.

M. Thomas Thévenoud. L’amendement CF 62 rectifié, qui vise à établir une dénomination commune des principaux frais et services bancaires, devrait pouvoir être adopté sans difficulté !

Mme la rapporteure. Je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. le ministre. Ces amendements sont déjà satisfaits par plusieurs décisions prises à la suite du rapport Constans-Pauget sur la tarification des services bancaires : 46 termes couvrant 95 % des opérations bancaires font l’objet d’une définition commune par le Comité français d’organisation et de normalisation bancaires, et un bureau de normalisation agréé par l’Association française de normalisation (AFNOR) regroupe les principales formations professionnelles. Une disposition législative sur le sujet me paraîtrait superfétatoire. Laissons respirer la profession !

M. Thomas Thévenoud. Monsieur le ministre, je ne pense pas que l’on asphyxiera le secteur bancaire en demandant une dénomination précise des frais et des services !

M. le ministre. En l’occurrence, ce sont plutôt les services du ministère qui vont être asphyxiés par un travail dont l’utilité est douteuse !

M. le président Gilles Carrez. Le rapporteur général, dans son rapport annuel sur l’application des lois, nous informera si le décret d’application a bien été pris…

La Commission adopte les amendements identiques.

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Article 22

Procédure de surendettement

Le présent article tire les conséquences de deux ans de mise en œuvre de la loi de 2010 portant réforme de la consommation (87), en prévoyant deux évolutions tendant à répondre à certains problèmes rencontrés dans les procédures de surendettement.

● Le b) du tend à l’accélération des procédures de surendettement.

L’article L. 330-1 du code de la consommation prévoit deux modalités de gestion des situations de surendettement :

– lorsque les ressources ou l’actif réalisable du débiteur le permettent, des mesures de traitement peuvent être prescrites devant la commission de surendettement ;

– lorsque la situation du débiteur est « irrémédiablement compromise », c’est-à-dire caractérisée par une impossibilité manifeste de faire face à ses engagements financiers, la commission de surendettement peut recommander un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou saisir le juge d’instance en vue de l’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.

Dans le premier cas, la commission de surendettement doit d’abord entamer une procédure de conciliation en vue de l’établissement d’un plan conventionnel de redressement, adopté par le débiteur et les créanciers (88). En cas d’échec de cette phase de conciliation, la commission peut directement imposer (89) ou recommander (90) diverses mesures.

On constate, en pratique, que les phases de conciliation échouent le plus souvent (91), ce qui conduit la commission de surendettement – ou, le cas échéant, le juge d’instance – à prendre généralement les mêmes décisions que celles qu’elle avait recommandées concernant le plan conventionnel de redressement.

Afin de raccourcir la procédure et de limiter les coûts qui lui sont associés et qui sont supportés par l’État (92), le présent article prévoit que la commission peut :

– imposer directement, sans attendre le résultat de la conciliation, la suspension de l’exigibilité des créances autres qu’alimentaires pour une durée n’excédant pas deux ans (4° de l’article L. 331-7) ;

– proposer les recommandations, prévues aux articles L. 331-7-1 et L. 331-7-2, qu’elle peut faire en cas d’échec de la phase de consultation (93;

– combiner ces recommandations avec les mesures prévues aux 1° à 3° de l’article L. 331-7, à savoir le rééchelonnement, l’imputation des paiements par priorité sur le capital, la réduction du taux d’intérêt (94).

La commission pourrait recourir à une telle voie sous une double condition :

– lorsque la situation du débiteur ne permet pas de prévoir le remboursement de la totalité de ses dettes ;

– et que la mission de conciliation paraît de ce fait manifestement vouée à l’échec – par exemple, dans l’hypothèse où les créanciers refusent tout abandon de créances.

Cette disposition a donc pour objet d’éviter les lenteurs de la procédure de conciliation – qui peut durer entre trois et neuf mois – dès lors qu’il apparaît clairement qu’elle n’aboutira pas. Elle pourrait concerner 10 % des dossiers, soit environ 20 000.

● Le c) du et les et visent à préciser la rédaction de la loi de 2010 portant réforme de la consommation afin de garantir la suppression, qu’elle prévoit, des « intérêts intercalaires ».

Ces intérêts sont les intérêts courus pendant la procédure de surendettement, c’est-à-dire entre le dépôt du dossier et la mise en œuvre des mesures de traitement – plan conventionnel ou mesures imposées ou recommandées, dont le paiement se rajoute à l’ensemble des sommes dues par ailleurs par le débiteur. Cette surcharge pèse donc sur le débiteur alors que la procédure de surendettement est en cours et que sa durée dépend notamment de la réactivité des créanciers. Cette situation est d’autant plus problématique que le débiteur ne peut régler ses dettes tant que la procédure est engagée et que ces intérêts intercalaires ne sont pas pris en compte par la commission de surendettement dans son analyse de la situation financière du débiteur.

La pratique a montré que la suppression de ces intérêts ne peut être systématiquement garantie. En effet, entre la notification, par la commission de surendettement, de sa décision de recevabilité de la demande du débiteur et l’arrêté du passif, il peut s’écouler plusieurs semaines au cours desquelles les créances continuent à produire des intérêts – dits « intercalaires ». Un tel « battement » est dû notamment au délai de 30 jours laissé aux créanciers pour déclarer leurs créances.

Le présent article précise donc que les intérêts intercalaires ne sont plus dus dès la date de recevabilité. Les intérêts seront à nouveau dus à compter de la mise en œuvre des décisions de la commission – ce qui est sans changement par rapport à l’état actuel du droit.

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La Commission est saisie de l’amendement CF 12 de la commission des Affaires économiques.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à simplifier la procédure de sortie du surendettement, en supprimant le réexamen systématique de la situation du débiteur.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements de coordination CF 231 et CF 230 de la rapporteure.

La Commission adopte l’article 22 modifié.

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Article 23

Compte du défunt

Le présent article prévoit plusieurs dispositions relatives au compte bancaire d’une personne défunte. Ces dispositions permettent de clarifier et de simplifier les modalités d’utilisation de ce compte pour le paiement des frais liés au décès de la personne concernée ainsi que les conditions de sa clôture et du versement de son solde.

En l’état du droit, le principe prévu à l’article 1939 du code civil veut que « en cas de mort de la personne qui a fait le dépôt, la chose déposée ne peut être rendue qu’à son héritier ». Il découle de ce principe que le compte bancaire d’un individu est bloqué à son décès.

Par dérogation, le 1° de l’article 784 du code civil dispose que des actes conservatoires, en particulier le paiement, sur le compte du défunt, des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent, peuvent être effectués.

Les conditions d’application de cette exception sont néanmoins problématiques car elles requièrent l’identification des héritiers potentiels et le déclenchement du processus de succession.

Deux problèmes sont ainsi posés, que le présent article vise à résoudre.

D’une part, le paiement des frais d’obsèques est requis dans un délai raccourci – les obsèques devant avoir lieu dans les six jours qui suivent le décès – et ne peut donc attendre le déclenchement de la procédure de succession.

En pratique, les banques autorisent le paiement de ces frais sur le compte bancaire du défunt. Une telle pratique est toutefois dépourvue de base légale.

L’alinéa 2 du présent article a pour objet de légaliser cet usage en permettant le débit sur le compte du défunt des sommes engagées par la personne qui pourvoit aux funérailles, dans la double limite du solde créditeur et d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie.

D’autre part, dans le cas de successions modestes, les héritiers ont généralement recours, pour le paiement des factures les plus urgentes puis la clôture du compte du défunt, au certificat d’hérédité, qui leur permet de mener ces opérations sur la base des dispositions du 1° de l’article 784 du code civil.

Toutefois, la délivrance de ce certificat peut être refusée, ce qui contraint les héritiers à recourir à un notaire pour l’établissement d’un acte de notoriété.

Le présent article (alinéas 3 à 7) prévoit deux dispositifs dont l’objet est d’offrir une solution alternative à cette voie inutilement complexe au regard des enjeux financiers.

En premier lieu, dès lors qu’il déclare qu’il n’existe, à sa connaissance, ni testament ni contrat de mariage, tout successible en ligne directe pourrait débiter du compte du défunt les sommes nécessaires au paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent.

Cette disposition a donc pour objet de faciliter la mise en œuvre de la disposition, prévue au 1° de l’article 784 du code civil, relative aux actes conservatoires.

En second lieu, tout successible en ligne directe, justifiant de sa qualité d’héritier par un acte de naissance, pourrait obtenir la clôture d’un tel compte et le versement des sommes y figurant. Une telle opération serait possible à la double condition qu’il justifie sa qualité d’héritier par un acte de naissance et qu’il remette un document signé par l’ensemble des héritiers attestant que :

– à leur connaissance, il n’existe ni testament ni d’autres héritiers ;

– il n’existe pas de contrat de mariage ;

– ils autorisent le porteur du document à percevoir pour leur compte les sommes ainsi versées.

Cette disposition vise donc à rendre plus aisée la clôture du compte du défunt en substituant au certificat d’hérédité un acte de naissance et une déclaration signée par les héritiers.

Dans les deux cas, le montant des opérations ainsi menées serait plafonné par arrêté du ministre chargé de l’économie de manière à limiter le bénéfice du dispositif aux successions les plus modestes. Selon l’étude d’impact, 130 000 successibles seraient concernés par cette mesure.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 233 à CF 235 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 23 modifié.

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Article 24

Fichier national des incidents de remboursement des crédits
aux particuliers

Le présent article a pour objet de remédier à une incohérence rédactionnelle dans les dispositions législatives applicables en matière de vérification, par une entreprise, de la situation financière du contractant à qui elle accorde des délais ou des avances de paiement.

En l’état du droit, les entreprises (95) qui, dans leur activité professionnelle, consentent à leurs contractants des délais ou avances de paiement ont l’obligation (96) de vérifier la situation financière de ces contractants, ce qui passe par la consultation du fichier national de remboursement des crédits aux particuliers (FICP). Pourtant, la consultation d’un tel fichier est réservée (97) aux établissements de crédit, aux établissements de paiement et aux organismes de micro-crédit.

Le présent article tend à résoudre cette contradiction en supprimant l’obligation, pour les entreprises concernées, de procéder à de telles vérifications.

Une dérogation de même nature existe, en l’état du droit, en faveur des organismes (98) sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et pour des motifs d'ordre social, accordent, sur leurs ressources propres, des prêts à conditions préférentielles à certains de leurs ressortissants.

L’extension de cette dérogation aux entreprises accordant des délais de paiement semble être une solution de bon sens dès lors que la seule alternative serait d’ouvrir l’accès du FICP à l’ensemble de ces entreprises, ce qui poserait des problèmes de confidentialité et de mise en œuvre.

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La Commission adopte l’article 24 sans modification.

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Avant l’article 25

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CF 236 de la rapporteure.

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Article 25

Égalité entre les hommes et les femmes pour les tarifs et prestations
en matière d’assurance

Le présent article a pour objet de mettre la loi en conformité avec une récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), relative à la différenciation, en fonction des sexes, des tarifs et prestations d’assurance.

Dans un arrêt « Test-Achat » du 1er mars 2011, la CJUE a estimé que de telles pratiques ne sont pas conformes au principe de non-discrimination entre hommes et femmes, prévu par les articles 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et qu’aucun nouveau contrat ne devra prévoir des stipulations de cette nature à compter du 21 décembre 2012.

Il n’est pas à exclure que, les femmes représentant généralement un profil de risque moins risqué que les hommes dans plusieurs champs de l’assurance, certains tarifs qui leur sont appliqués puissent augmenter. Il importe néanmoins de remarquer que cette décision n’implique pas de modifier les dispositions législatives (99) prévoyant que « les frais liés à la grossesse et à la maternité n’entraînent pas un traitement moins favorable des femmes en matière de primes et de grossesse » – ces dispositions constituant une dérogation au principe d’égalité, acceptée par la CJUE.

Un arrêté ministériel du 18 décembre 2012 (100) modifie la partie réglementaire du code des assurances afin d’assurer, de manière transitoire, la mise en œuvre de la décision de la CJUE dans les délais qu’elle a imposés. Une telle solution a dû être retenue en raison du fait qu’aucun véhicule législatif n’a pu être mobilisé, jusqu’à présent, pour prévoir cette évolution de la loi.

Cet arrêté demeure toutefois dépourvu de base légale tant que le présent article n’entre pas en vigueur. Les présentes dispositions peuvent donc être assimilées à une forme de validation législative de l’arrêté, justifiée par la nécessité de respecter une décision de justice.

A.– ÉTAT DU DROIT

En l’état du droit, le paragraphe 1 de l’article 5 de la directive 2004/113/CE du Conseil du 13 décembre 2004 mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes dans l’accès à des biens et services et la fourniture de biens et services prévoit que l’utilisation du sexe comme facteur actuariel dans le calcul des primes et prestations n’entraîne pas, pour les assurés, de différences en matière de primes et de prestations. Toutefois, son paragraphe 2 prévoit une dérogation à cette règle en autorisant les États membres à maintenir des différences proportionnelles en matière de primes et de prestations pour les assurés lorsque le sexe est un facteur déterminant dans l’évaluation des risques, sur la base de données actuarielles et statistiques pertinentes et précises.

En application de ces dispositions, l’article L. 111-7 du code des assurances prévoit une dérogation au principe de non-discrimination et une possibilité de différenciation des tarifs et prestations « lorsque des données actuarielles et statistiques pertinentes et précises établissent que le sexe est un facteur déterminant dans l'évaluation du risque d'assurance ». En pratique, cette exception concernerait les contrats automobiles, de prévoyance et d’assurance-vie.

Les articles L. 122-1-1 du code la mutualité et L. 931-3-2 du code de la sécurité sociale prévoient des dispositions similaires s’agissant respectivement des mutuelles et des institutions de prévoyance.

B.– L’ARRÊT DE LA CJUE ET LES LIGNES DIRECTRICES DÉFINIES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

Dans un jugement rendu le 1er mars 2011 (101) dit « Test-Achats », la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a estimé qu’une telle dérogation est contraire à l’objectif d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans le calcul des primes d’assurances et des prestations et qu’elle est, dès lors, incompatible avec les articles 21 – principe de non-discrimination – et 23
– principe d’égalité entre les hommes et les femmes – de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En conséquence, elle a déclaré invalide le paragraphe 2 de l’article 5 de la directive avec effet au 21 décembre 2012, cette date correspondant à la date limite, prévue par la directive, de réexamen des dérogations qu’elle prévoit.

La Commission européenne a publié des lignes directrices (102) pour éclairer les modalités de mise en conformité du droit interne avec le jugement de la CJUE.

Elle indique notamment que la décision de la CJUE s’applique « aux nouveaux contrats », c’est-à-dire dès lors :

– qu’un contrat exigeant l’expression du consentement de toutes les parties est conclu, y compris en cas d’avenant à un contrat existant ;

– et que la dernière expression du consentement d’une partie nécessaire à la conclusion dudit accord intervient à partir du 21 décembre 2012.

Ainsi, la prolongation automatique, par accord tacite, d’un contrat n’entre pas dans le champ des « nouveaux contrats ».

Par ailleurs, la Commission précise que « l’utilisation de facteurs de risque susceptibles d’être corrélés au sexe reste possible, dès lors qu’il s’agit bel et bien de facteurs de risques réels ». De ce fait, il est possible que le recours à de tels critères contribue, notamment en matière d’assurance automobile, à limiter les modifications de tarifs résultant de l’application du principe d’égalité entre les hommes et les femmes.

C.– LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le I du présent article a pour objet de mettre en conformité l’article L. 111-7 du code des assurances avec la décision de la CJUE.

Conformément à l’arrêt de la CJUE, tel qu’éclairé par les lignes directrices de la Commission européenne, le I prévoit que la dérogation au principe d’égalité entre les hommes et les femmes en matière de souscription d’assurances, prévue au troisième alinéa de l’article L. 111-7, ne reste applicable qu’aux contrats conclus et aux adhésions à des contrats d’assurance de groupe effectuées avant le 20 décembre 2011 inclus, ainsi qu’à ces contrats et adhésions renouvelés tacitement après cette date.

Le I dispose, par ailleurs, qu’en cas de modification substantielle, autre qu’une modification dont les modalités sont prévues dans les contrats, réalisée après le 20 décembre 2011, le principe d’égalité entre les hommes et les femmes s’appliquera aux contrats concernés, quand bien même ceux-ci ont été conclus avant le 20 décembre 2011.

Par coordination, les II et III modifient le code de la mutualité et le code de la sécurité sociale pour assurer le respect de ces dispositions par les mutuelles (103) et les institutions de prévoyance (104).

Il importe de noter que ces coordinations suppriment les dispositions encadrant la collecte de données statistiques, par les mutuelles et les institutions de prévoyance, destinées à évaluer le risque par sexe. Selon les informations transmises à la Rapporteure, aucun texte réglementaire n’aurait été adopté pour permettre aux mutuelles et institutions de prévoyance de différencier leurs tarifs et prestations en fonction du sexe. En conséquence, aucune collecte statistique n’a été opérée, ce qui rend superfétatoires les dispositions prévues en la matière.

En revanche, ces dispositions demeurent s’agissant des entreprises d’assurances car elles conserveront un « stock » de contrats fondés sur une différenciation par le sexe – les contrats reconduits tacitement n’appelant pas de modification. Ces entreprises conservent donc le besoin de procéder à cette collecte statistique pour être en mesure d’évaluer correctement le risque.

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La Commission adopte successivement les amendements rédactionnels CF 232, CF 239 et CF 238 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 25 modifié.

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Après l’article 25

La Commission est saisie de l’amendement CF 176 de M. Christian Paul, portant article additionnel après l’article 25.

M. Christian Paul. Malgré l’heure tardive, je souhaiterais engager un nouveau débat, destiné à se poursuivre dans l’hémicycle, sur la responsabilité territoriale des banques. L’esprit de mon amendement est assez proche de celui proposé tout à l’heure par notre collègue Bachelay sur le financement des PME : il s’agit d’assurer la transparence des activités des banques sur les territoires, en leur demandant de produire des données relatives à leur activité de collecte de l’épargne, aux crédits qu’elles dispensent et à la panoplie des services qu’elles mettent en œuvre dans chaque bassin de vie. L’objectif est d’assurer l’égalité des territoires devant l’activité bancaire. Deux régions, la Franche-Comté et l’Île-de-France, se sont d’ores et déjà engagées dans une expérimentation de cet audit des activités bancaires.

Je propose que, d’ici à l’examen en séance publique, nous réfléchissions à cette possibilité, voire que nous envisagions la création d’une mission d’information parlementaire sur le sujet. Il serait bon d’engager au moins un débat sur le principe.

Je précise que cette proposition s’inspire d’expériences étrangères qui ont prouvé leur efficacité ; aux États-Unis notamment, le Community Reinvestment Act de 1977 a permis de réinjecter plusieurs milliards de dollars dans des territoires jusqu’alors tenus éloignés des activités de crédit.

M. le ministre. Voilà qui me paraît de bonne méthode : d’abord poser le problème et lancer le débat, puis créer une mission d’information prenant en considération les résultats des expérimentations, afin de déboucher sur des mesures réalistes. Ne brûlons pas les étapes !

Mme la rapporteure. J’en suis d’accord.

M. Christian Paul. Je prends acte de l’accord du ministre et je retire mon amendement.

L’amendement CF 176 est retiré.

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Article 26

Dispositions relatives à l’outre-mer

Le présent article a pour objet d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de 18 mois à compter de la publication de la loi, des mesures relevant du domaine de la loi permettant d’étendre et d’adapter les dispositions de la présente loi à l’outre-mer – hors départements d’outre-mer pour lesquels ces dispositions s’appliquent directement et sans adaptation.

À titre d’exemple, l’article 21 du présent projet de loi nécessite des mesures de coordination aux articles L. 743-2 (Nouvelle-Calédonie), L. 753-2 (Polynésie) et L. 763-2 (Wallis-et-Futuna) du code monétaire et financier car c’est l’institution d’émission d’outre-mer, et non la Banque de France, qui est en charge, dans ces collectivités, de la mise en œuvre du droit au compte.

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La Commission adopte l’article 26 sans modification.

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Après l’article 26

La Commission est saisie de l’amendement CF 291 de la rapporteure, portant article additionnel après l’article 26.

Mme la rapporteure. Cet amendement tend à ratifier une ordonnance relative au secteur financier, qui vise à transposer deux directives européennes relatives à l’information des investisseurs sur les marchés réglementés.

La Commission adopte l’amendement.

M. Thomas Thévenoud. Monsieur le président, nous avons commencé à siéger à 21 heures pour poursuivre l’examen de ce projet de loi très important. Il est bientôt une 1 heure 30 du matin, et je note que nous n’avons pas vu un seul député de l’opposition au cours de cette réunion.

M. le président Gilles Carrez. On les a vus à télévision !

M. Thomas Thévenoud. En effet, on les a beaucoup vus à la télévision faire de l’obstruction dans un débat en cours depuis maintenant plus de 77 heures et qui, à cette heure tardive, se poursuit ! Je trouve qu’ils auraient pu faire preuve d’un peu plus de respect pour le travail réalisé en commission : hormis vous-même, monsieur le président, aucun d’entre eux n’a daigné assister à la réunion de ce soir ; certains avaient déposé des amendements, mais ils n’ont pas jugé bon de les défendre. Je voudrais que ce soit noté au compte rendu.

M. le président Gilles Carrez. Beaucoup de mes collègues ont manifesté envers le texte du ministre une confiance supérieure à la vôtre – au point de ne pas assister à notre réunion !

M. le ministre. Je crois que nous avons bien travaillé et j’ai confiance dans le vote des députés présents. Mais il est vrai qu’il s’agit d’une situation inédite, et j’espère qu’elle ne se reproduira pas lors du débat en séance plénière. Je ne connais toujours pas la position des groupes d’opposition sur le projet de loi relatif à la création de la Banque publique d’investissement (BPI), puisque, à l’heure du vote, aucun député de l’opposition n’était présent dans l’hémicycle ! S’appliquant à des sujets aussi importants, qui ont trait au financement de notre économie, à nos entreprises et à la vie des consommateurs, cette désinvolture est une marque d’irrespect à l’égard du Gouvernement, de leurs collègues et de tous les Français. S’ils souhaitent manifester leur confiance, que quelques-uns au moins participent au débat et votent !

M. le président Gilles Carrez. Monsieur le ministre, le moment venu, les Français seront seuls juges…

M. le ministre. En l’occurrence, je parle du moment présent, et de la situation de l’économie française qui, pour son redressement, a besoin de notre contribution à tous, majorité comme opposition. De telles réformes financières ne sont pas des bricoles !

La Commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

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ANNEXE 1 : IMPACT DU CANTONNEMENT SUR L’ACTIVITÉ BANCAIRE FRANÇAISE

ANNEXE 2 : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES
PAR LA RAPPORTEURE

Jeudi 17 janvier 2013

Banque de France

– M. Christian NOYER, Gouverneur de la Banque de France

– Mme Lise SIMON, conseillère technique

– Mme Véronique BENSAÏD, conseillère parlementaire auprès du Gouvernement de la Banque de France

Mercredi 23 janvier 2013

– Mme Laurence SCIALOM, économiste

Société Générale

– M. Séverin CABANNES, directeur général délégué

– M. Gilles BRIATTA, secrétaire général adjoint

– M. Éric LITVACK, manager director, Head of regulatory strategy, SGCIB

Jeudi 24 janvier 2013

Déplacement à Francfort

– M. Erkki LIIKANEN, Gouverneur de la Banque centrale finlandaise

Lundi 28 janvier 2013

Roosevelt 2012

– M. Gaël GIRAUD

Cabinet de la ministre déléguée, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

– Mme Delphine PRADY

– M. Daniel AGACINSKI

FFSA

– M. Pierre de VILLENEUVE, président du comité Vie

– M. Gilles COSSIC, directeur des assurances de personnes

– M. Philippe POIGET, directeur des affaires juridiques, fiscales et de la concurrence

– M. Jean-Paul LABORDE, directeur des affaires parlementaires

– M. Viviana MITRACHE, attachée parlementaire

BPCE

– M. François PEROL, président du directoire

– M. Nicolas DUHAMEL, conseiller

Mardi 29 janvier 2013

Sécurimut

– M. Pierre BALSOLLIER, président du directoire

– Mme Isabelle DELANGE, directrice générale

Jeudi 31 janvier 2013

Déplacement à Bruxelles

– M. Olivier GUERSENT, chef du cabinet de M. Michel BARNIER, et M. Bertrand DUMONT, membre du cabinet, commissaire en charge du marché intérieur et des services

– M. Benoît de LA CHAPELLE BIZOT, ministre conseiller pour les affaires financières et monétaires, représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

– M. Demosthenes IOANNOU, représentant de la Banque Centrale européenne à Bruxelles

– M. Robert PRIESTER, directeur général adjoint auprès de la Fédération bancaire européenne

– M. Thierry PHILIPPONNAT, secrétaire général de Finance Watch

Vendredi 1er février 2013

Groupama

– M. Jean-Yves DAGES, président

– M. Thierry MARTEL, directeur général

– Mme Astrid PANOSYAN, secrétaire générale

– M. Marc FOSSEUX, directeur de la fédération nationale

Association assurance emprunteur citoyen

– M. Bernard ESTABLIE, président

– M. Jacques MARTIN, secrétaire général

Croix rouge française

– M. Fabien TOCQUÉ, responsable du microcrédit

– M. Didier PIARD, directeur de l’action sociale

Lundi 4 février 2013

Fédération bancaire française

– M. Jean-Paul CHIFFLET, président

– Mme Arianne OBOLENSKY, directrice

– M. Frédéric OUDÉA, président-directeur général de la Société Générale

– Mme Séverine DE COMPREIGNAC, attachée parlementaire

Association de défense des petits actionnaires

– Mme Colette NEUVILLE

Mardi 5 février 2013

– M. Olivier Berruyer

AMF

– M. Gérard Rameix, président

– M. Benoît de Juvigny, secrétaire général

– Mme Laure Tertrais, conseillère technique législation et régulation

TABLEAU COMPARATIF

Le tableau comparatif et les amendements examinés
par la Commission sont consultables dans la version PDF

http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r0707.pdf

© Assemblée nationale

1 () C.M. Reinhart, K.S.Rogoff, Cette fois, c’est différent, Pearson 2010.

2 () Ce développement s’appuie sur l’analyse de la Banque de France publiée dans Documents et études n° 2.

3 () Document de travail du Conseil d’analyse stratégique, « De l’utilité de l’impôt pour freiner l’effet de levier du hors-bilan des banques », Nicolai, Trannoy, janvier 2013.

4 () Ce développement s’appuie sur l’analyse de la Banque de France publiée dans Documents et études n° 2.

5 () C.M. Reinhart, K.S. Rogoff, Cette fois, c’est différent, Pearson 2010.

6 () En l’espèce, la titrisation a consisté le plus souvent à céder à des investisseurs des créances hypothécaires, sous forme de produits financiers échangeables sur un marché.

7 () Des produits financiers d’une grande complexité, dont le sous-jacent déterminant leur rendement et le risque associé était souvent des créances hypothécaires américaines, sont ainsi mis sur le marché.

8 () Organismes de placement dont l’actif était constitué de produits financiers précédemment décrits plus haut et dont le passif était constitué de fonds apportés par des investisseurs et de dette.

9 () Ces liens financiers, ignorés et pourtant étroits, entre SIV et banques emportent d’importantes conséquences au moment où la défiance envers les produits structurés s’accroît et où les SIV font face à d’importants besoins de liquidité. S’étant engagés à assurer la liquidité de ces SIV ou souhaitant garantir leur réputation et éviter la « faillite » des SIV qu’elles géraient, les banques ont dû alors assurer le financement de ces actifs et sont souvent conduites à les réintégrer à leur bilan. Une telle issue emporte une double conséquence qui met à mal la situation financière des établissements de crédit. D’une part, au bilan, les banques doivent mobiliser de nouveaux financements au moment où les tensions sur le marché interbancaire augmentent. D’autre part, au compte de résultat, la perte de valeur des actifs ainsi repris aux SIV se traduit par d’importantes dépréciations – ces actifs étant comptabilisés à leur valeur de marché. En conséquence, les banques constatent des pertes qui pèsent sur leurs fonds propres et mettent en péril leur solvabilité.

10 () Les normes de solvabilité qui s’appliquent à elles lient en effet leur capacité à prêter au niveau de leurs fonds propres. Dès lors que ceux-ci sont réduits substantiellement par des pertes et que la forte chute du cours des actions des banques rend peu attractive toute augmentation de capital, les banques peuvent avoir tendance à réduire leurs actifs – donc leurs crédits à l’économie – pour rétablir leur solvabilité. Compte tenu de l’impact sur la croissance qu’une telle issue présenterait, il est de bonne politique économique de renforcer le capital des banques avec des capitaux publics pour leur permettre de continuer à jouer leur rôle.

11 () Loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.

12 () Prévue par l’ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance.

13 () Le 2° de l’article 152 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie autorise le Gouvernement à créer la nouvelle institution par ordonnance.

14 () Créé par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE).

15 () Créée par l’ordonnance n° 2009-79 du 22 janvier 2009 créant l'Autorité des normes comptables.

16 () Proposition de règlement du Conseil 2012/0242 confiant à la BCE des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de contrôle prudentiel des établissements de crédit.

17 () Directive 2011/61/UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d'investissement alternatifs.

18 () Directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers et proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs.

19 () Mises en œuvre au niveau communautaire par la directive CRD III.

20 () Directive n° 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II).

21 () Le texte définit la négociation pour compte propre comme l’achat, la vente, ou toute autre acquisition ou détention d’actions, obligations, options, matières premières, dérivés, ou autres instruments financiers pour le compte de l’entreprise elle-même et non pour le compte du client. Sont exclues de cette définition, les activités de tenue de marché, ou toute autre activité destinée à faciliter la relation avec le client, ce qui inclut les activités de couverture des opérations précédemment mentionnées.

22 () Le sponsoring de fonds désigne le fait d’exercer l’activité de commandite, de gérant ou de fiduciaire d’un fonds, de sélectionner ou de contrôler une majorité d’administrateurs, gérants, ou fiduciaires d’un fonds et de partager avec un fonds, à des fins commerciales, promotionnelles ou autre, le même nom.

23 () Le bail-in consiste en une tentative de sauvetage interne par une transformation des dettes en capital.

24 (1) Audition par la commission des finances le 30 janvier 2013.

25 () Audition par la commission des finances le 30 janvier 2013.

26 () Ce tableau a été présenté lors de leur audition par la commission des Finances le 30 janvier 2013.

27 () Article L. 511-1 du code monétaire et financier.

28 () L’alinéa 1er de l’article 5 du projet de loi dispose que l’actuelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP) prend le nom d’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Il sera ici fait mention de l’ACPR sauf lorsqu’il s’agit de renvoyer explicitement aux missions de l’ACP existant antérieurement au projet de loi.

29 () Règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.

30 () Considérant 5 du Règlement n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 instituant une autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission.

31 () Considérant 7 du Règlement n°  1093/2010, op. cit.

32 () établie par le règlement (UE) n° 1094/2010 du Parlement européen et du Conseil XXX.

33 () établie par le règlement (UE) no 1095/2010 du Parlement européen et du Conseil.

34 () Article 18 du règlement n° 1093/2010, op. cit.

35 () Le trading book se définit principalement par rapport aux articles 292 à 303 de l’arrêté du 20 février 2007 relatif aux exigences de fonds propres applicables aux établissements de crédit (Bâle 2). Son article 298 précise que le portefeuille de négociation « est composé des positions sur instruments financiers et produits de base détenues à des fins de négociation ou dans le but de couvrir d’autres éléments du portefeuille de négociation. Ces instruments ne comportent pas de clauses qui restreignent leur négociabilité ou la mise en place de couvertures ».

36 () Règlement n° 99-05 du 9 juillet 1999 relatif à la garantie des dépôts ou autres fonds remboursables reçus par les établissements de crédit ayant leur siège social en France ainsi que dans la Principauté de Monaco.

37 () Source : http://www.garantiedesdepots.fr

38 () Règlement n° 97-02 du 21 février 1997 relatif au contrôle interne des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.

39 () Dans ce cas, l’ACP exerce sa surveillance « sur une base consolidée » au sens de l’article L. 613-20-1 du code monétaire et financier

40 () Antoine Gaudemet, « Suspension de la réalisation des accords de close-out netting conclus par un établissement de crédit ou une entreprise d’investissement en situation de défaillance », in Revue de droit bancaire et financier, janvier-février 2013.

41 () Il s’agit de titres de créance ou de quasi capital dont le contrat d’émission prévoit certaines stipulations spécifiques comme la conversion dans certaines hypothèses.

42 () Article L. 141-1 du code monétaire et financier.

43 () Article L. 141-2 du même code.

44 () Article L. 141-4 du même code.

(44 ) Proposition de directive n° 2011/0203 du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et modifiant la directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d'assurance et des entreprises d'investissement appartenant à un conglomérat financier.

(45 ) Institué par l’article 1er de la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

47 () Prévu par la loi n° 2001-420 du 15 mai 2011 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE).

48 () Par le règlement (UE) n° 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relatif à la surveillance macro-prudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique. Pour mémoire, le CERS dispose uniquement d’un pouvoir de recommandation.

49 () Rapport du 25 février 2009 du groupe de haut niveau présidé par M. de Larosière sur la supervision financière dans l’Union européenne.

50 () Article L. 631-2 du code monétaire et financier.

51 () Ces trois personnalités qualifiées sont aujourd’hui Mme Florence Lustman et MM. Jacques de Larosière et Jean-François Lepetit.

52 () À savoir les personnes définies au 1° et au a) du 2° du A de l’article L. 612-2 du code monétaire et financier (la référence du projet de loi à l’article L. 612-2-1 étant erronée).

53 () Ces normes sont fixées par le ministre sur le fondement du 6° de l’article L. 611-1 du code monétaire et financier.

54 () également appelés « provisionnement dynamique ».

55 () Ce coussin doit être distingué des « coussins pour les établissements systémiques », qui sont définis par le Conseil de stabilité financière (Financial stability board) et qui s’appliquent à une liste limitative d’établissements dont la faillite pourrait remettre en cause la stabilité financière.

56 () à savoir les personnes visées à l’article L. 612-2 du code monétaire et financier (entreprises des secteurs de la banque, des services de paiement, des services d’investissement et de l’assurance).

57 () Recommandation du 22 décembre 2011 concernant le mandat macro-prudentiel des autorités nationales (CERS/2011/3), section 1, recommandation A.

58 () Proposition de règlement n° 2011/0452 du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement.

59 () Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière.

60 () Loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière.

61 () Article 6 de la loi 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

62 () Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché).

63 () Th. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers. Économica, Paris, 2010.

64 () Ouvert depuis le 17 mai 2005, Alternext est un marché boursier destiné aux valeurs moyennes. Il permet aux petites et moyennes entreprises d’accéder à la cotation dans des conditions simplifiées et sécurisées En facilitant l’accès au marché et en simplifiant l’appel à l’épargne, il a pour objectif d’aider les PME à trouver les financements nécessaires à leur développement, tout en garantissant aux investisseurs un bon niveau d’information sur les entreprises cotées.

65 () Sommet de Pittsburgh, déclaration des chefs d’État et de gouvernement, 24-25 septembre 2009, source : http://www.oecd.org/fr/forumpartenariatafrique/documentsdereunion/44365374.pdf

66 () Directive 2002/47/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juin 2002 concernant les contrats de garantie financière et directive 2009/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 modifiant la directive 98/26/CE concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres et la directive 2002/47/CE concernant les contrats de garantie financière, en ce qui concerne les systèmes liés et les créances privées.

67 () L’interopérabilité désigne le fait d’opérer ailleurs que sur son marché initial.

68 () 2 de l’article L. 512-56 du code monétaire et financier.

69 () 1° de l’article L. 512-107 du code monétaire et financier.

70 () 6° de l’article L. 512-107 du code monétaire et financier.

71 () 10° de l’article L. 512-107 et article.

72 () Ces sociétés ou caisses ayant nécessairement un conseil d’administration et un directeur général du fait des dispositions de l’article L. 771-2 du code rural.

73 () Articles L. 131-73, D. 131-25 du code monétaire et financier.

74 () II de l’article L. 133-26 et article D. 133-6 du code monétaire et financier.

75 () En particulier en cas de décès, d’invalidité, d’incapacité et, pour certains contrats, en cas de pertes d’emploi. La souscription d’une assurance emprunteur n’est pas une obligation légale mais elle est presque systématiquement exigée par l’établissement prêteur en matière de prêts immobiliers. En matière de prêts à la consommation, l’assurance emprunteur est facultative et souscrite dans la moitié des cas.

76 () Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

77 () Source : Securimut, citant une étude de juin 2011 du cabinet d’étude IHS.

78 () Source : Observatoire BAO de l’assurance emprunteur (octobre 2011).

79 () qui concernent 23 %, en 2011, des primes versées au titre de l’assurance-emprunteur.

80 () qui concernent 70 % en 2011, des primes versées au titre de l’assurance-emprunteur.

81 () Prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-17 du code monétaire et financier, ces règles sont distinctes des règles de droit commun applicables au démarchage et prévues aux articles L. 121-21 à L. 121-33 du code de la consommation.

82 () 25) du paragraphe 1 de l’article 4 de la directive 2004/39/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les marchés d'instruments financiers, modifiant les directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 93/22/CEE du Conseil.

83 () Ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010.

84 () Article L. 612-39 du code monétaire et financier.

85 () Directive 2009/65/CE du 13 juillet 2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM).

86 () mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 312-1.

87 () Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation.

88 () Article L. 331-6 du code de la consommation.

89 () Article L. 331-7 du même code.

90 () Articles L. 331-7-1 et L. 331-7-2 du même code.

91 () Le nombre de phases de conciliation ayant abouti à un accord ont diminué de 95 426 en 2009 à 73 956 en 2011.

92 () Qui indemnise la Banque de France pour sa gestion de la procédure.

93 () À savoir : recommander un effacement partiel de créances, une réduction des échéances de prêts immobiliers en cas de vente forcée de l’appartement du débiteur et l’adoption par le débiteur de mesures propres à faciliter ou garantir le paiement de ses dettes (articles L. 331-7-1 et L. 331-7-2).

94 () Une telle possibilité est prévue au dernier alinéa du 1° de l’article L. 331-7-1. Sur ce fondement, les mesures prévues au 1° à 3° de l’article L. 331-7 peuvent être prises si elles sont combinées avec les recommandations prévues à l’article L. 331-7-1. La commission de surendettement ne pourra pas, en revanche, prendre ces mesures de manière isolée, sans lien avec ces recommandations.

95 () Visées au 1 du I de l’article L. 511-7 du code monétaire et financier.

96 () En raison de l’effet combiné des dispositions du 4° de l’article L. 311-1 du code de la consommation et de l’article L. 311-9 du même code.

97 () Sur le fondement du deuxième alinéa du I de l’article L. 333-4 du code de la consommation.

98 () Visés au I de l’article L. 511-6 du code monétaire et financier.

99 () Deuxièmes alinéas des articles L. 111-7 du code des assurances, L. 112-1-1 du code de la mutualité et L. 931-3-2 du code de la sécurité sociale.

100 () Arrêté du 18 décembre 2012 relatif à l’égalité entre les hommes et les femmes en assurance (JORF n° 0296 du 20 décembre 2012 page 20091).

101 () Arrêt du 1er mars 2011 dans l’affaire C-236/09.

102 () Lignes directrices sur l’application de la directive 2004/113/CE du Conseil dans le secteur des assurances, à la lumière de l’arrêt de la CJUE dans l’affaire C-236/09 (Test-Achats).

103 () Art. L. 112-1-1 du code de la mutualité.

104 () Art. L. 931-3-2 du code de la sécurité sociale.