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No 917

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 avril 2013

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES (1) SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE de Mme Danielle AUROI et M. Patrick BLOCHE

relative au respect de l’exception culturelle (no 875),

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Danielle AUROI,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE EN MATIÈRE AUDIOVISUELLE, UNE CONSTANTE DES POLITIQUES EUROPÉENNES 9

I. L’EXCLUSION DES SERVICES AUDIOVISUELS DES ACCORDS COMMERCIAUX, UNE CONSTANTE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE EUROPÉENNE 9

A. DE LA PROTECTION DE L’EXCEPTION CULTURELLE À LA DÉFENSE DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE DANS LES ACCORDS COMMERCIAUX 9

1. Les services audiovisuels : une définition substantielle 9

2. De l’exception culturelle à la défense de la diversité culturelle 9

a) De l’exception culturelle… 10

b)…à la protection de la diversité culturelle 10

B. LA CULTURE N’EST PAS UNE MARCHANDISE COMME LES AUTRES 11

1. La protection de la diversité des expressions culturelles : une réhabilitation des aides d’État ? 12

2. De la directive « TV sans frontières » à la directive « Services et Média audiovisuels (SMA) » : l’obligation de diffuser des œuvres européennes 12

II. LA PROTECTION JURIDIQUE DE LA DÉFENSE DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE 13

A. LA CONVENTION DE L’UNESCO, UN INSTRUMENT À CARACTÈRE UNIVERSEL 13

B. LE TRAITÉ DE LISBONNE, UNE INSCRIPTION EXPRESSE DE LA PROTECTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE 13

1. La protection de la diversité des expressions culturelles antérieure au traité de Lisbonne 13

2. La protection de la diversité des expressions culturelles : les novations du traité de Lisbonne, un objectif et un droit de veto 14

DEUXIÈME PARTIE : SAUVEGARDER LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES, UN IMPÉRATIF EN MATIÈRE DE SERVICES AUDIOVISUELS 17

I. L’INCLUSION DES SERVICES AUDIOVISUELS DANS LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE AVEC LES ÉTATS-UNIS, UNE MENACE ENVERS LA PROTECTION DE LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES 17

A. DES GARANTIES INSUFFISANTES DANS LE MANDAT DE LA COMMISSION 17

1. L’insertion de la protection de la diversité culturelle dans le mandat de la Commission européenne, un leurre juridique 17

2. Un large mandat 17

B. L’ENVIRONNEMENT NUMÉRIQUE, UNE MENACE ENVERS LA PROTECTION DE LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES 18

1. Les « nouveaux services » également appelés « services des technologies de l’information et de la communication » 18

2. L’affirmation du principe de neutralité technologique 18

II. LA NÉCESSITÉ D’EXCLURE EXPLICITEMENT LES SERVICES AUDIOVISUELS DU MANDAT DE NÉGOCIATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE DANS L’ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE UNION EUROPÉENNE–ÉTATS-UNIS 19

A. RENFORCER LES GARANTIES : EXCLURE EXPLICITEMENT LES SERVICES AUDIOVISUELS DU MANDAT DE NÉGOCIATION 19

1. Un rapport de force asymétrique en faveur des États-Unis 19

2. Exclure explicitement l’ensemble des services audiovisuels du mandat de négociation 20

B. EXERCER SI NÉCESSAIRE SON DROIT DE VETO 20

1. Rechercher une minorité de blocage 20

2. Si nécessaire, exercer son droit de veto 20

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

ANNEXE : PROPOSITION DE RÉSOLUTION 25

INTRODUCTION

« Pour moi, la culture n’est pas un instrument. Comparable à la science, la culture est un moyen nécessaire à l’épanouissement des personnes. »
José Manuel Barroso 
(2)

Mesdames, Messieurs,

La Commission européenne a adopté le 13 mars 2013 un projet de mandat autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique », qui inclurait, notamment, les services audiovisuels.

Cette extension du mandat de la Commission aux services audiovisuels est contraire au fragile équilibre trouvé lors des négociations commerciales au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui sous l’expression « respect de l’exception culturelle » entérine le fait que la culture n’est pas une marchandise comme les autres. Fragile équilibre, fragile consensus, qui a eu pour effet de ne pas inclure les services audiovisuels dans la libéralisation des échanges lors des négociations commerciales multilatérales.

Si « l’exception culturelle » a aujourd’hui laissé place « au respect de la diversité des expressions culturelles », sa protection se trouve garantie tant par le traité de Lisbonne que par la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005, à laquelle l’Union européenne est partie.

Or c’est bien cette diversité des expressions culturelles que nous entendons faire respecter, sachant que les États-Unis ont refusé de signer et de ratifier cette convention de l’Unesco !

La Commission des Affaires européennes a toujours été particulièrement attentive aux négociations commerciales ainsi qu’aux questions culturelles, à travers notamment l’implication de ses rapporteurs, d’une part Marietta Karamanli et Rudy Salles sur le financement européen du cinéma, et, d’autre part, Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort sur le « juste échange ».

La question posée, à la confluence de ces deux rapports, revêt une importance stratégique et un caractère d’urgence pour le gouvernement, s’agissant de la sauvegarde de la diversité des expressions culturelles, reconnue tant par la France que l’Union européenne. Aussi Patrick Bloche, président de la Commission des Affaires culturelles, et votre rapporteure ont décidé de présenter cette proposition de résolution afin que le gouvernement puisse demander une exclusion explicite des services audiovisuels lors du vote au Conseil affaires générales qui aura lieu le 14 juin 2013, vote qui doit entériner le projet de mandat de négociation de la Commission.

Le caractère d’urgence est d’autant plus prégnant que le vote du 14 juin ne sera qu’un vote formel, les négociations auront déjà commencé en amont. Aussi est-il nécessaire que le gouvernement puisse s’appuyer sur ce projet de résolution pour faire respecter la diversité des expressions culturelles.

Dans l’hypothèse où cette exclusion de principe ne pourrait avoir lieu, il faudrait que le gouvernement fasse valoir le droit de veto qu’il détient, en vertu de l’article 207 paragraphe 4 a) du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour que le respect de la diversité culturelle et linguistique soit préservé.

Les services audiovisuels représentent un secteur crucial pour le commerce américain. Selon les chiffres fournis par l’agence fédérale de promotion des entreprises américaines à travers le monde, Select USA, le secteur de l’industrie du divertissement a généré 95,4 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2010, dont 84% enregistrés par le secteur audiovisuel et 16% par la musique.

Selon la Motion Picture Association of America (MPAA), la production et la distribution de films représentaient près de 2,1 millions d’emplois aux États-Unis en 2010, et cette industrie était l’une des seules à enregistrer une balance commerciale positive. En 2001, le marché international représentait environ 50 % des recettes pour les films américains, et cette part de marché s’est élevée à 69 % en 2011 du fait d’une politique commerciale agressive envers les pays émergents, se traduisant par une baisse des droits de douane et des quotas protégeant leurs marchés nationaux.

En outre, le marché audiovisuel américain s’est largement réorienté vers les nouveaux services offerts par les nouvelles technologies de l’information. Ainsi, selon le cabinet d’analyse Digital Entertainment Group, la distribution de contenu en ligne a augmenté de 28,5 % entre 2011 et 2012 et généré un revenu d’environ 5,13 milliards de dollars.

À cet égard, il importe de rappeler l’attachement au principe de neutralité technologique en vertu duquel la nature du support ne saurait modifier le contenu de l’œuvre.

Ces chiffres démontrent, s’il en était besoin, que si des négociations venaient à s’engager sur la libéralisation du secteur audiovisuel, le rapport de force serait déséquilibré et particulièrement favorable aux États-Unis et conduirait, à terme, à un déclin rapide du secteur audiovisuel européen, au détriment de la préservation de la diversité des expressions culturelles.

Il importe de souligner que la mention expresse dans le mandat de négociation de la Commission de la protection de la diversité culturelle ne saurait suffire à protéger efficacement cette même diversité.

C’est pourquoi, enfin, le respect de la diversité des expressions culturelles ne pourrait être véritablement garanti que si l’ensemble des services audiovisuels était explicitement exclu de cet accord commercial envisagé entre les États- Unis et l’Union européenne.

PREMIÈRE PARTIE : LA PROTECTION DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE EN MATIÈRE AUDIOVISUELLE, UNE CONSTANTE DES POLITIQUES EUROPÉENNES

I. L’EXCLUSION DES SERVICES AUDIOVISUELS DES ACCORDS COMMERCIAUX, UNE CONSTANTE DE LA POLITIQUE COMMERCIALE EUROPÉENNE

L’Union européenne a développé une position traditionnelle de non engagement en matière audiovisuelle, depuis la négociation de l’AGCS (Accord général sur le commerce des services), au sein des accords multilatéraux et a exclu explicitement les services audiovisuels de ses accords commerciaux bilatéraux.

Les industries culturelles représentent 4,5 % du budget de l’Union européenne et emploient environ 8 millions de personnes. Le seul secteur audiovisuel représente un peu plus d’1 million d’emplois.

En 2010, le montant des exportations en matière de services audiovisuels des États-Unis vers l’Union européenne se chiffre à 7,5 milliards de dollars. Ce montant, comparé aux exportations de services audiovisuels de l’Union européenne vers les États-Unis, qui ne s’élève qu’à 1,8 milliard de dollars, met clairement en évidence le rapport de force asymétrique, entre les deux puissances économiques, rapport de force asymétrique qui ne justifie pas l’inclusion des services audiovisuels dans le présent mandat de négociation.

A. De la protection de l’exception culturelle à la défense de la diversité culturelle dans les accords commerciaux

1. Les services audiovisuels : une définition substantielle

Par services audiovisuels on entend l’ensemble des activités (production, distribution, diffusion, exploitation, vente, location) ayant trait au cinéma, à la télévision, à la radio, à la musique et aux jeux vidéo.

2. De l’exception culturelle à la défense de la diversité culturelle

La notion d’exception culturelle reste une notion floue et juridiquement imprécise. Sous ce vocable est née la résistance d’un certain nombre de pays, sous l’égide de la France, à soumettre les secteurs culturels et audiovisuels à une libéralisation des échanges.

Apparue dans le champ sémantique à la fin des négociations de l’Uruguay Round, elle se traduit par la volonté de la France, mais également de l’Union européenne, de ne pas s’engager à libéraliser le secteur culturel, en fait, plus spécifiquement, le secteur audiovisuel.

a) De l’exception culturelle…

Selon Serge Regourd (3) la notion d’exception culturelle peut se définir comme « la volonté de sauvegarder certaines valeurs ou certaines singularités culturelles en s’efforçant de les soustraire aux lois du marché, notamment à celles du commerce international. »

Le terme est clairement apparu dans les débats relatifs à l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) qui se sont conclus, non pas par une exclusion des secteurs audiovisuels et du cinéma du champ des négociations multilatérales, mais par la possibilité pour chaque pays de choisir le degré d’ouverture qu’il souhaitait. La politique constante de l’Union européenne a donc été de ne pas s’engager sur l’ouverture de ce secteur à la libéralisation, ce qui correspond de fait, jusqu’à présent, à une exclusion de principe des services audiovisuels de sa politique commerciale.

Les nouvelles négociations entamées lors du cycle de Doha n’ont pas infléchi la politique commerciale de l’Union européenne sur ce point.

Le Parlement européen, dans ses résolutions du 1er décembre 2005 (4) et du 4 avril 2006 (5), a demandé que des services publics essentiels, comme les services audiovisuels, soient exclus de la libéralisation dans le cadre des négociations de l’accord général sur le commerce des services.

b)…à la protection de la diversité culturelle

Selon Jean Musitelli (6), la première occurrence du terme « diversité culturelle » apparaîtrait lors de la signature par les ministres des affaires étrangères de la déclaration franco-mexicaine sur la diversité culturelle du 12 novembre 1998.

Le terme est alors en concurrence avec celui « d’exemption culturelle » propre aux canadiens, et de « diversité créatrice » fréquemment employé par l’Unesco.

Le terme s’impose dans le vocabulaire juridique avec l’adoption par l’Unesco le 2 novembre 2001, de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle. Sous l’impulsion du président de la République française, en 2002, cette déclaration a acquis une portée juridique en devenant la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui sera adoptée le 20 octobre 2005.

Dans son article 1er, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles affirme qu’elle a pour objectif de « réaffirmer le droit souverain des États de conserver, d’adopter et de mettre en œuvre les politiques et mesures qu’ils jugent appropriées pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles sur leur territoire (7) ».

L’article 4 de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles donne la définition de la diversité culturelle suivante :

« Diversité culturelle » renvoie à la multiplicité des formes par lesquelles les cultures des groupes et des sociétés trouvent leur expression. Ces expressions se transmettent au sein des groupes et des sociétés et entre eux ».

La protection de la diversité des expressions culturelles revient dès lors à considérer que la culture n’est pas une marchandise comme les autres et que les règles usuelles du libre-échange ne peuvent s’y appliquer sans dérogation.

C’est dans cet esprit que le traité de Lisbonne, et, auparavant, le projet de Convention pour une Constitution européenne, y font expressément référence (cf. infra).

B. La culture n’est pas une marchandise comme les autres

Si l’exception culturelle a pu se résumer à l’expression « la culture n’est pas une marchandise comme les autres », le respect de la diversité des expressions culturelles reprend clairement cette assertion. La dimension économique de la culture n’est en rien niée ; elle ne saurait simplement s’y réduire d’où la nécessité d’en protéger les diverses expressions, notamment par un soutien sous forme d’aides publiques, a priori contraire aux seules lois du marché.

En effet, la convention de l’Unesco reconnaît à la fois la dimension économique et symbolique de la culture dans son article 4 de la Convention qui stipule que « la diversité culturelle se manifeste non seulement dans les formes variées à travers lesquelles le patrimoine culturel de l’humanité est exprimé, enrichi et transmis grâce à la variété des expressions culturelles, mais aussi à travers les modes de création artistique, de production, de diffusion, de distribution et de jouissance des expressions culturelles, quels que soient les moyens et les technologies utilisés. »

Il importe dès lors de souligner que la définition de la diversité culturelle donnée par la convention de l’Unesco englobe tant les services audiovisuels dit « traditionnels » que les nouveaux services audiovisuels. Implicitement, mais substantiellement elle reconnaît le principe de neutralité technologique.

1. La protection de la diversité des expressions culturelles : une réhabilitation des aides d’État ?

L’article 5 de la convention réhabilite en un sens le rôle des États, puisqu’ils peuvent « mettre en œuvre leurs politiques culturelles et adopter des mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles », à condition qu’elles soient compatibles avec les dispositions de la convention.

L’article 6 (d) précise également qu’afin de « protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire », ces mesures peuvent inclure « les mesures qui visent à accorder des aides financières publiques. »

À ce titre, la protection de la diversité des expressions culturelles, entendue au sens de la convention de l’Unesco, explique les réticences des États à libéraliser leurs services audiovisuels.

2. De la directive « TV sans frontières » à la directive « Services et Média audiovisuels (SMA) » : l’obligation de diffuser des œuvres européennes

Le principe de la protection de la diversité des expressions culturelles, avant qu’il n’en prenne le nom explicite, se retrouve clairement dans la politique de l’Union européenne.

Dès 1989, la directive « Télévision sans frontières » impose la diffusion d’un quota d’œuvres audiovisuelles européennes afin de préserver la spécificité des expressions culturelles de l’Union européenne, notamment linguistiques.

Dans sa refonte de la directive TV sans frontières, la directive « Service et Médias audiovisuels, dite SMA » (8) donne une définition extensive de la notion de services audiovisuels puisqu’elle prend en compte l’évolution technologique concernant la diffusion des contenus audiovisuels. Elle réaffirme également la même obligation de diffusion des œuvres européennes « dans une proportion majoritaire », dans ses articles 16 et 17.

II. LA PROTECTION JURIDIQUE DE LA DÉFENSE DE LA DIVERSITÉ CULTURELLE

A. La convention de l’Unesco, un instrument à caractère universel

La convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles a été adoptée le 20 octobre 2005 par l’Unesco, lors de sa 33e Conférence générale, par 148 voix pour, 2 voix contre (États-Unis et Israël), et 4 abstentions.

L’ensemble des pays membres de l’Union européenne, ainsi que l’Union européenne, y ont adhéré le 18 décembre 2006. La convention est entrée en vigueur le 18 mars 2007.

Outre leur opposition au moment de l’adoption, jusqu’à ce jour les États-Unis ont refusé d’en être partie. La convention n’a, en effet, pas été signée par les États-Unis.

Ce refus de se lier à un instrument de droit international, protecteur de la diversité des expressions culturelles, n’est-il pas une claire indication de la volonté américaine de mettre à bas le fragile équilibre concernant la protection des services audiovisuels dans les accords de libre-échange ? À tout le moins il ne saurait rassurer les États membres qui se départissent de leur souveraineté au profit de la Commission dans le cadre du mandat de négociation de l’accord de libre-échange, puisque la politique commerciale est depuis le traité de Rome une compétence exclusive de l’Union européenne.

B. Le traité de Lisbonne, une inscription expresse de la protection de la diversité culturelle

Le traité de Lisbonne reprend un certain nombre de dispositions juridiques présentes dans les traités antérieurs. Il accorde néanmoins une importance nouvelle au respect de la diversité culturelle et linguistique, en résonnance avec les stipulations de la convention de l’Unesco, à laquelle l’Union européenne est partie depuis 2006.

1. La protection de la diversité des expressions culturelles antérieure au traité de Lisbonne

L’article 167 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne est la base légale qui donne à l’Union européenne une compétence d’appui dans le domaine des politiques culturelles. La compétence de l’Union en matière de culture a été introduite par le traité de Maastricht (ex. article 151 TCE).

Il importe ainsi de souligner que le paragraphe 1 dispose que « L’Union contribue à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun. »

Le paragraphe 4 rappelle le caractère transversal du respect de la diversité culturelle dans l’ensemble des politiques de l’Union. Ainsi « L’Union tient compte des aspects culturels dans son action au titre d’autres dispositions des traités, afin notamment de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures. »

La Charte des droits fondamentaux adoptée le 7 décembre 2000, à Nice, a une valeur juridique équivalente à celle du traité depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009.

L’article 22 de la Charte des droits fondamentaux dispose que : « L’Union respecte la diversité culturelle, religieuse et linguistique. »

2. La protection de la diversité des expressions culturelles : les novations du traité de Lisbonne, un objectif et un droit de veto

Le traité de Lisbonne insère un certain nombre de dispositions nouvelles qui protègent expressément la diversité culturelle. La plus importante d’entre elles réside dans la possibilité pour un État membre d’exercer un droit de veto si la diversité culturelle est menacée dans les accords commerciaux que l’Union européenne s’apprête à négocier.

L’article 3 du traité sur l’Union européenne présente les objectifs de l’Union, parmi ceux-ci figure la protection de la diversité culturelle. Il dispose, en effet, dans son paragraphe 3 que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen. »

L’article 207 paragraphe 4 a) apporte une novation considérable au titre de la protection de la diversité culturelle. En effet, en offrant la possibilité de déroger au principe d’un vote à la majorité qualifiée au sein du Conseil de l’Union européenne lorsque la diversité culturelle apparaîtrait menacée dans le cadre des accords commerciaux, il offre à chaque État membre la possibilité d’exercer un droit de veto.

Ainsi « le Conseil statue également à l’unanimité pour la négociation et la conclusion d’accords : a) dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels, lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union. »

Jusqu’à présent, cette disposition qui est le résultat d’un compromis entre les rédacteurs du traité, n’a jamais été utilisée. De plus, jusqu’ici l’Union européenne excluait explicitement les services audiovisuels lors de la négociation d’accords bilatéraux, au nom de cette même diversité culturelle. Dans le cadre des négociations multilatérales, sa politique traditionnelle était de ne pas ouvrir le secteur audiovisuel à la libéralisation.

Le traité offre donc la possibilité pour le gouvernement français d’exercer un droit de veto pour le cas où la protection des services audiovisuels ne serait pas avérée dans l’accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Union européenne. C’est ce qui va être démontré.

Qu’il s’agisse de la convention de l’Unesco ou du traité de l’Union européenne, la protection de la diversité culturelle est juridiquement assurée. Aussi le gouvernement ne saurait-il rester en deçà de ses obligations en n’utilisant pas les garanties qui découlent de ses engagements internationaux.

DEUXIÈME PARTIE : SAUVEGARDER LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES, UN IMPÉRATIF EN MATIÈRE DE SERVICES AUDIOVISUELS

I. L’INCLUSION DES SERVICES AUDIOVISUELS DANS LES ACCORDS DE LIBRE-ÉCHANGE AVEC LES ÉTATS-UNIS, UNE MENACE ENVERS LA PROTECTION DE LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES

A. Des garanties insuffisantes dans le mandat de la Commission

1. L’insertion de la protection de la diversité culturelle dans le mandat de la Commission européenne, un leurre juridique

Le projet de mandat de négociation de la Commission tel qu’il a été adopté le 13 mars 2013 indique dans la lettre du texte que l’accord de libre-échange ne sera pas contraire à la protection de la diversité culturelle.

Ainsi « l’accord ne devra contenir aucune disposition risquant de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union, notamment dans le secteur audiovisuel. »

Cette affirmation ne saurait convaincre tant sa rédaction ressemble à un leurre juridique destiné à empêcher un État membre de faire valoir son droit de veto en exigeant un vote à l’unanimité au sein du Conseil. Affirmation platonique, elle ne garantit en rien la protection de la diversité culturelle.

En effet le secteur audiovisuel est un secteur crucial, en matière d’export, pour les États-Unis. L’unique moyen de protéger la diversité des expressions culturelles réside dans le seul fait d’explicitement exclure l’ensemble des services audiovisuels du mandat de négociation de la Commission, tant le rapport de force entre les deux puissances commerciales est asymétrique.

2. Un large mandat

Le mandat de négociation de la Commission est relativement large. Il inclut, outre les services audiovisuels, la propriété intellectuelle et les nouvelles technologies de l’information.

Si la France, ni l’Union européenne ne sont opposées à une négociation dans les secteurs de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies de l’information, cela n’implique en rien de donner un blanc-seing à la Commission. En effet, le droit d’auteur est inclus dans le droit de la propriété intellectuelle, et il ne faudrait pas que le principe d’une juste rémunération des auteurs soit remis en cause du fait de cet accord de libre-échange. Cet aspect ne sera cependant pas traité dans ce rapport.

Par ailleurs, du fait de la diffusion de la majorité des contenus sur les nouveaux supports numériques, cet accord de libre-échange pourrait être également un moyen pour l’Union européenne de faire valoir un juste partage de la valeur ajoutée dans le secteur des nouveaux acteurs du numérique.

B. L’environnement numérique, une menace envers la protection de la diversité des expressions culturelles

1. Les « nouveaux services » également appelés « services des technologies de l’information et de la communication »

Le marché audiovisuel américain s’est largement réorienté vers les nouveaux services offerts par les nouvelles technologies de l’information. Ainsi, selon le cabinet d’analyse Digital Entertainment Group, la distribution de contenu en ligne a augmenté de 28,5 % entre 2011 et 2012 et généré un revenu d’environ 5,13 milliards de dollars.

Outre ces chiffres, plusieurs initiatives américaines ont mis l’accent sur la volonté d’inclure dans les champs des nouvelles technologies les secteurs audiovisuels dits « classiques ». Dit autrement, il s’agit de lever la protection qui recouvre le secteur audiovisuel en mettant en exergue que les services audiovisuels délivrés par le biais des nouvelles technologies seraient d’une autre nature. Ces initiatives ont eu lieu dans le cadre de l’OCDE (exercice IRES) et lors de la rédaction de la charte commune Union européenne/États-Unis des grands principes sur les technologies de l’information et de la communication.

2. L’affirmation du principe de neutralité technologique

La France reste attachée de ce fait à la réaffirmation du principe de la neutralité technologique en vertu duquel la nature du support ne modifie pas le contenu de l'œuvre.

L’Union européenne reconnaît également le principe de la neutralité technologique en ne distinguant pas dans la directive SMA (services médias audiovisuels) les services audiovisuels traditionnels de ceux délivrés par Internet.

En particulier, si le mode de négociation choisi est le mode de négociation usuel aux accords de libre-échange américain à savoir le mode de négociation par listes négatives, ce principe devra être réaffirmé avec force afin de donner une définition large et technologiquement neutre des services audiovisuels.

En effet, les listes négatives impliquent que tout ce qui n’est pas expressément exclu de la liste figurant en annexe de l’accord est, dès lors, libéralisé.

II. LA NÉCESSITÉ D’EXCLURE EXPLICITEMENT LES SERVICES AUDIOVISUELS DU MANDAT DE NÉGOCIATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE DANS L’ACCORD DE LIBRE ÉCHANGE UNION EUROPÉENNE–ÉTATS-UNIS

A. Renforcer les garanties : exclure explicitement les services audiovisuels du mandat de négociation

1. Un rapport de force asymétrique en faveur des États-Unis

Selon les chiffres fournis par l’agence fédérale de promotion des entreprises américaines à travers le monde, Select USA, le secteur de l’industrie du divertissement a généré 95,4 milliards de dollars de chiffres d’affaires en 2010, dont 84 % enregistrés par le secteur audiovisuel et 16 % par la musique.

Selon la Motion Picture Association of America (MPAA), la production et la distribution de films représentaient près de 2,1 millions d’emplois aux États-Unis en 2010, et cette industrie était l’une des seules à enregistrer une balance commerciale positive.

En 2001, le marché international représentait environ 50 % des recettes pour les films américains, et cette part de marché s’est élevée à 69 % en 2011 du fait d’une politique commerciale agressive envers les pays émergents, se traduisant par une baisse des droits de douane et des quotas protégeant les marchés nationaux, en particulier vis-à-vis des pays émergents.

En matière de cinéma, le marché français est l’un des marchés qui résiste le mieux à la pénétration des films américains du fait d’une forte tradition historique et culturelle mais également forte du soutien accordé à l’industrie cinématographique française.

La traduction volontariste, en termes de diffusion de quotas d’œuvres européennes des impératifs de la directive SMA, sur les chaînes de télévision, notamment du service public, est également un facteur explicatif de la bonne résistance française à l’uniformisation linguistique et audiovisuelle en vigueur dans les autres pays européens.

Une libéralisation complète de ce secteur se traduirait nécessairement par un déclin des différentes industries audiovisuelles nationales et serait entièrement contraire aux objectifs du traité de Lisbonne et de la convention de l’Unesco qui protègent la pluralité des expressions culturelles.

2. Exclure explicitement l’ensemble des services audiovisuels du mandat de négociation

La libéralisation de ce secteur ne pourrait avoir pour seule conséquence que l’uniformisation culturelle du fait d’une baisse mécanique des quotas de diffusion d’œuvres européennes, et de la baisse identique des aides publiques. Afin de se garder de ces risques, l’exclusion de l’ensemble des services audiovisuels du mandat de négociation est donc la seule alternative sérieuse pour protéger la diversité des expressions culturelles.

Par services audiovisuels, on entendra une définition large et substantielle. Outre les services audiovisuels traditionnels, les nouveaux supports technologiques seront pris en compte. En effet, la diffusion par Internet est en passe de devenir un enjeu de la négociation. Attaché au principe de la neutralité technologique, le gouvernement devrait faire valoir clairement que le contenu prime sur le support afin que l’inclusion des nouvelles technologies de l’information et de la communication ne soit pas un moyen détourné de libéraliser les services audiovisuels de nouvelle génération amenés à se développer.

B. Exercer si nécessaire son droit de veto

Novation du traité de Lisbonne, les dispositions de l’article 207 § 4 a) n’ont pour l’instant jamais été évoquées. L’absence de consensus sur l’inclusion des services audiovisuels dans le mandat de négociation de la Commission sur le projet de « partenariat transatlantique » pourrait être une première occasion de le faire.

1. Rechercher une minorité de blocage

Le vote au Conseil, le 14 juin 2013, sur l’ensemble du mandat de négociation, devrait se faire à la majorité qualifiée. Le gouvernement pourrait chercher, avant d’exercer son droit de veto, au titre de la protection de la pluralité des expressions culturelles, à trouver des alliés européens pour former une minorité de blocage afin de faire exclure l’ensemble des services audiovisuels du mandat de négociation.

2. Si nécessaire, exercer son droit de veto

Dans la mesure où la Commission ne serait pas encline à exclure explicitement l’ensemble des services audiovisuels de la négociation, le gouvernement devrait dès lors demander à exercer son droit de veto afin de protéger la diversité culturelle, juridiquement garantie par le traité, en demandant un vote à l’unanimité.

Le rapport de force asymétrique en faveur des États-Unis devrait être une preuve suffisamment parlante de l’absence de protection de la diversité culturelle dans un accord qui n’exclurait pas explicitement l’ensemble de secteurs audiovisuels du mandat de négociation.

La Commission européenne devrait prendre en compte le fait que si la représentation nationale ne souhaite pas de l’inclusion des services audiovisuels dans le mandat de négociation, il n’est pas certain, en passant en force, qu’une fois négocié, l’accord sur le « partenariat transatlantique » ne soit pas rejeté par le Parlement européen, qui, outre son approche essentiellement européenne, reflète également les différentes sensibilités nationales.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 9 avril 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

La présidente Danielle Auroi. Nous allons donc examiner la proposition de résolution à laquelle je souhaiterais apporter deux amendements.

Un premier amendement concerne le titre de la proposition. Afin d’éviter un positionnement trop franco-français, je vous propose de remplacer le titre « respect de l’exception culturelle » par « respect de la diversité des expressions culturelles » expression davantage conforme à la sensibilité européenne et à ce que nous souhaitons défendre.

Un second amendement concerne le point 5 de la résolution. Je vous propose, pour plus de clarté, que nous remplacions le segment de phrase « Demande à ce que le gouvernement s’oppose, en utilisant son droit de veto si nécessaire, » par « Demande, pour le cas où la diversité culturelle ne serait pas préservée de manière adéquate, notamment par l’exclusion explicite des services audiovisuels dans le mandat de négociation, à ce que le gouvernement utilise son droit de veto si nécessaire ».

[En réaction à la proposition de la présidente de modifier le titre de la proposition de résolution] :

M. Christophe Caresche. Très bien !

Mme Seybah Dagoma. J’aurais toutefois une question. Pourquoi la proposition de résolution n’aborde-t-elle pas le sujet de la protection des données ?

La présidente Danielle Auroi. Nous avons fait le choix de limiter la proposition de résolution examinée aujourd’hui au champ spécifique de la culture, et en particulier de la protection audiovisuelle, compte tenu de l’urgence signalée par la ministre de la Culture et de la communication. Nous examinerons prochainement une seconde proposition de résolution, plus globale, qui abordera notamment les sujets relatifs à la protection des données et à la politique agricole commune.

La commission a adopté à l’unanimité la proposition de résolution dans le texte ci-après.

ANNEXE :
PROPOSITION DE RÉSOLUTION

(adoptée par la Commission des affaires européennes)

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE RELATIVE AU RESPECT DE LA DIVERSITÉ DES EXPRESSIONS CULTURELLES

Article unique

« L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 22 de la Charte des droits fondamentaux,

Vu l’article 3 du Traité sur l’Union européenne,

Vu les articles 167 et 207, paragraphe 4 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005,

Vu la recommandation du 13 mars 2013 de la Commission européenne au Conseil d’adopter la décision autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique » [COM (2013) 136 final],

Considérant que la Charte des droits fondamentaux précise que « l’Union européenne respecte la diversité culturelle (...) et linguistique »,

Considérant que le Traité de l’Union européenne promeut et défend la diversité culturelle au sein de l’Union européenne, notamment dans le cadre de la négociation d’accords commerciaux entre l’Union européenne et des pays tiers,

Considérant que le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne exige un vote à l’unanimité au sein du Conseil de l’Union européenne pour la négociation et la conclusion d’accords avec un ou des pays tiers « dans le domaine du commerce des services culturels et audiovisuels lorsque ces accords risquent de porter atteinte à la diversité culturelle et linguistique de l’Union »,

Considérant que l’Union européenne est, comme la France, partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005,

Considérant que les États-Unis ont refusé, à l’inverse, d’être partie à la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture du 20 octobre 2005,

Considérant que les biens et services culturels ne sauraient être assimilés à des marchandises comme les autres,

1. Regrette que le vote, lors de la réunion du collège des commissaires du 12 mars 2013, portant sur le projet de mandat de négociation de la Commission concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique », n’ait pas permis de prendre pleinement en compte la protection et la promotion de la diversité culturelle, notamment en excluant explicitement les services culturels et audiovisuels de ce mandat de négociation,

2. Demande, par conséquent, que les services audiovisuels soient expressément exclus du mandat de négociation de la Commission concernant le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis d’Amérique, afin d’assurer la pérennité de l’industrie cinématographique et audiovisuelle européenne, ce notamment dans le monde numérique,

3. Précise son attachement au principe de la neutralité technologique, en vertu duquel la nature du support ne modifie pas le contenu de l’œuvre, et souligne que l’insertion des technologies de l’information et de la communication dans l’accord de libre-échange ne saurait être un moyen de contourner la protection de la diversité culturelle, attachée en particulier aux contenus audiovisuels et cinématographiques,

4. Considère que la mention expresse de la protection de la diversité culturelle dans le texte de la recommandation de décision du Conseil, du 13 mars 2013 autorisant l’ouverture de négociations concernant un accord global sur le commerce et l’investissement, intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, entre l’Union européenne et les États-Unis », ne saurait ni suffire à garantir la protection effective de la diversité culturelle ni à faire obstacle à ce que le Conseil puisse exiger un vote à l’unanimité en son sein afin de garantir le respect de la diversité culturelle,

5. Demande, pour le cas où la diversité culturelle ne serait pas préservée de manière adéquate, notamment par l’exclusion explicite des services audiovisuels dans le mandat de négociation, à ce que le gouvernement utilise son droit de veto si nécessaire, au titre de la protection de la diversité culturelle, en vertu de l’article 207 paragraphe 4 a) du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lors de l’examen par le Conseil de l’Union européenne prévu le 14 juin 2013. »

No 917 - Rapport d'information fait au nom de la Commission des affaires européennes sur la proposition de résolution européenne de Mme Danielle Auroi et M. Patrick Bloche relative au respect de l'exception culturelle (no 875) (Danielle Auroi) (11/04/2013)

Le respect de l'exception culturelle

© Assemblée nationale

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 () “My vision of culture is not culture as an instrument. As science, culture is a way for people’s fulfillment,” a déclaré José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, le 17 septembre 2012 lors d’une table ronde réunissant des artistes, des intellectuels, ainsi que la commissaire en charge de l’éducation et de la jeunesse, Androulla Vassiliou.

3 () Serge Regourd, Exception culturelle, Paris, PUF, « Que sais-je ? »

4 () JO C 285 E du 22.11.2006, p. 126

5 () JO C 293 E du 22.11.2006, p. 155

6 () Jean Musitelli, L’invention de la diversité culturelle, no 1, vol. 51, pp. 512-523, Annuaire français de droit international (2005)

7 () Article premier – Objectifs (f)

8 () Directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 : articles 16 et 17, JOUE du 15 avril 2010