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N° 1112

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION (N° 1049) MM. CHRISTIAN JACOB ET BERNARD ACCOYER ET LES MEMBRES DU GROUPE UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE tendant à la création d'une commission d'enquête relative à la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes à Paris, depuis le 16 mai 2012,

PAR M. Philippe GOUJON,

Député.

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INTRODUCTION 5

I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION TENDANT À LA CRÉATION D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LA GESTION DE LA SÉCURITÉ DES MANIFESTATIONS ET RASSEMBLEMENTS EST JURIDIQUEMENT RECEVABLE 7

II. L’OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE TELLE COMMISSION D’ENQUÊTE EST INDISCUTABLE 9

EXAMEN EN COMMISSION 13

TABLEAU COMPARATIF 23

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 25

MESDAMES, MESSIEURS,

À la suite des violentes échauffourées qui ont accompagné le rassemblement des supporters du Paris Saint-Germain (PSG) place du Trocadéro, le lundi 13 mai 2013, plusieurs députés membres du groupe UMP ont exigé la création d’une commission d’enquête pour faire toute la lumière sur le déroulement de ces événements et sur les éventuelles défaillances des acteurs publics et privés dans l’organisation de ce rassemblement.

Faisant usage du droit de tirage que reconnaît aux groupes d’opposition le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale, le groupe UMP a déposé, le 23 mai dernier, une proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête relative « à la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes à Paris, depuis le 16 mai 2012 ».

Si ce sont bien les débordements du Trocadéro qui ont conduit au dépôt de la présente proposition de résolution, ses auteurs ont souhaité étendre le champ des travaux de la commission d’enquête à l’ensemble des manifestations et rassemblements qui ont eu lieu, à Paris, depuis l’investiture du nouveau président de la République le 15 mai dernier. Il s’agit clairement d’inclure ici la gestion des diverses « manif pour tous » qui ont donné lieu à un certain nombre de débordements, mais également, comme l’indique la proposition de résolution, les rassemblements de la Saint-Sylvestre, celui du Front national le 1er mai 2013, ou encore la manifestation organisée par le Front de gauche et le Nouveau parti anticapitaliste le 5 mai dernier.

La présente proposition de résolution fait également suite au dépôt, le 28 mars dernier, d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les décisions préparatoires et le déroulement de la manifestation du 24 mars 2013. M. Jean-Frédéric Poisson et plusieurs de ses collègues avaient alors appelé de leurs vœux la conduite d’investigations poussées sur l’organisation de cette manifestation, en particulier sur le choix de son parcours, le recours à des moyens d’action disproportionnés de la part des forces de l’ordre, l’évaluation préalable du nombre de manifestants et le dimensionnement du dispositif de sécurité par les pouvoirs publics.

En application de l’article 140 du Règlement de l’Assemblée nationale, la commission saisie au fond doit vérifier que les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête sont réunies et se prononcer sur son opportunité. Ni la recevabilité juridique, ni l’opportunité de la création d’une telle commission d’enquête, ne font aujourd’hui de doutes.

I. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION TENDANT À LA CRÉATION D’UNE COMMISSION D’ENQUÊTE SUR LA GESTION DE LA SÉCURITÉ DES MANIFESTATIONS ET RASSEMBLEMENTS EST JURIDIQUEMENT RECEVABLE

La recevabilité juridique d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête s’évalue à l’aune de plusieurs critères définis par les articles 137 à 139 du Règlement de l’Assemblée nationale.

EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Chapitre IV

Commissions d'enquête

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sont déposées sur le bureau de l'Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1  Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête ayant le même objet qu'une mission effectuée dans les conditions prévues à l'article 145-1 ou qu'une commission d'enquête antérieure, avant l'expiration d'un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l'une ou de l'autre.

2  L'irrecevabilité est déclarée par le Président de l'Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l'Assemblée.

Article 139

1  Le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête est notifié par le Président de l'Assemblée au garde des sceaux, ministre de la justice.

2  Si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3  Lorsqu'une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l'Assemblée, saisi par le garde des sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

En premier lieu, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale. En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante, puisque la commission d’enquête doit analyser la façon dont les services publics en charge de la gestion de l’ordre public ont assuré la sécurité des manifestations et rassemblements de personnes qui se sont tenus à Paris depuis le 16 mai 2012. Plusieurs manifestations et rassemblements sont d’ailleurs spécifiquement visés par l’exposé des motifs de cette proposition de résolution.

En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, a eu lieu  une mission d’information ayant fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d’enquête demandés dans le cadre de l’article 145-1 du Règlement ou une commission d’enquête ayant le même objet (1). Or, il est clair que tel n’est pas le cas ici. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

Enfin, en application de l’article 139 du Règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Si des poursuites judiciaires ont effectivement été engagées à l’encontre de personnes responsables de violences en lien avec des manifestations ou rassemblements publics, elles ne font nullement obstacle à la création de cette commission d’enquête, dont l’objet est distinct.

En effet, la commission d’enquête porte sur la gestion globale de la sécurité des manifestations, non sur les faits de violence qui ont donné ou donneront lieu à des poursuites judiciaires. Seules des poursuites mettant en jeu la responsabilité de l’État dans la gestion de la sécurité de ces événements pourraient faire obstacle, au plan juridique, à la création de cette commission d’enquête, du fait de la proximité des objets des investigations judiciaires et parlementaires.

La recevabilité de cette proposition de résolution est ainsi confirmée par la lettre du 3 juin 2013 de Mme Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, à M. Claude Bartolone, qui indique qu’« aucune procédure judiciaire n’est en cours à notre connaissance sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, en l’espèce, le rôle de la préfecture de police de Paris et, plus généralement, les modalités de mise en place du dispositif de sécurité dans la capitale ».

Au vu de ces éléments, il apparaît que la création d’une commission d’enquête sur la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes à Paris depuis le 16 mai 2012 est, sans nul doute, juridiquement recevable.

II. L’OPPORTUNITÉ DE CRÉER UNE TELLE COMMISSION D’ENQUÊTE EST INDISCUTABLE

Les événements du Trocadéro rendent particulièrement nécessaire la création d’une telle commission d’enquête par l’Assemblée nationale. Les violences extrêmes qui ont eu lieu le lundi 13 mai dans la soirée, en marge des festivités organisées par le Paris Saint-Germain, soulèvent de nombreuses questions, auxquelles la mise en œuvre des pouvoirs de contrôle du Parlement aura pour but de répondre.

Tout d’abord, le choix du site du Trocadéro, ouvert, difficile à contrôler pour les forces de sécurité, et stratégiquement situé près de grandes artères parisiennes, fait débat. La préfecture de police rappelle que les organisateurs de l’événement en portent la responsabilité, mais ce sont bien les pouvoirs publics qui autorisent ou non, in fine, les rassemblements de personnes sur la voie publique. Il s’agira donc de faire toute la lumière sur le processus décisionnel, au sein de la préfecture de police, en matière d’autorisation de manifestations ou rassemblements de personnes.

Par ailleurs, certains éléments parus dans la presse laissent supposer que des fonctionnaires de la préfecture de police auraient alerté le préfet sur les risques de débordements et pointé du doigt le caractère insuffisant du dispositif de sécurité envisagé. La commission d’enquête devra donc analyser l’adéquation des effectifs des forces de l’ordre compte tenu des caractéristiques du lieu du rassemblement et de la nature des festivités.

Ensuite, il est loisible de se demander si les risques ont bien été anticipés par les services de la préfecture de police. Et ce d’autant plus que l’histoire mouvementée du Paris Saint-Germain et des « ultras » rendaient prévisibles ces échauffourées. Les interpellations de supporters le dimanche 12 mai au soir ne laissaient d’ailleurs plus place au doute. La commission d’enquête aura donc pour tâche d’évaluer les capacités de prévisions des services de la préfecture de police, en particulier de sa direction du renseignement (DRPP), qui œuvre à Paris et en petite couronne, et des liens que celle-ci entretient avec les services de l’information générale (SDIG) des départements de la grande couronne.

Enfin, en ce qui concerne la gestion de ces individus violents par les forces de l’ordre, il est clair que le dispositif mis en place par la préfecture de police a démontré son inefficacité. En particulier, la chaîne de commandement a, semble-t-il, connu quelques errements, lorsque plusieurs centaines de personnes souhaitant clairement en découdre ont été laissées seules sur la place du Trocadéro, les compagnies républicaines de sécurité (CRS) ayant été déplacées, pendant une vingtaine de minutes, sur l’avenue Kléber.

Cette absence a été tout à fait préjudiciable aux commerçants, aux personnes venues célébrer pacifiquement la victoire du PSG, aux riverains comme aux simples passants. Le mobilier urbain a été détruit, de nombreux cafés et commerces ont été vandalisés, des véhicules ont été attaqués ou brûlés, des citoyens ont été blessés par un assemblage hétéroclite d’ultras du PSG et de « casseurs » opportunistes. Le sentiment d’abandon par les forces de l’ordre qu’ont connu les citoyens parisiens lors de ces événements a également été vivement ressenti par les touristes étrangers dont le bus a été pillé par les mêmes agitateurs, nuisant ainsi gravement à l’image de la France dans le monde.

La commission d’enquête a également vocation à s’interroger sur le dispositif de sécurité mis en place par les organisateurs et, de façon plus générale, sur la préparation de ces festivités en lien avec la préfecture de police. Il est clair que le service de sécurité du PSG a été très rapidement débordé, alors même qu’il a l’habitude de gérer ce type de supporters.

Le but de la commission d’enquête n’est pas d’accabler les services de la préfecture de police, mais bien de faire la lumière sur les responsabilités de chacun dans le déroulement de ces événements.

Au-delà des événements du Trocadéro, potentiellement révélateurs des failles dans le fonctionnement des services de la préfecture de police et du commandement opérationnel des effectifs policiers, la commission d’enquête pourra se pencher opportunément sur le déroulement des différentes manifestations contre le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

Notamment, la manifestation du 24 mars 2013 contre le mariage pour tous a soulevé des points particuliers sur lesquels la commission d’enquête a vocation à s’interroger : d’une part, les négociations entre les services de la préfecture de police et les organisateurs du collectif « Manif pour tous » à propos du parcours de la manifestation, dont l’issue, en « cul-de-sac », au bout de l’avenue de la Grande Armée s’est révélée problématique ; d’autre part, la doctrine d’emploi des moyens d’actions des forces de l’ordre, employés, pour certains, de manière inadaptée, ce jour-là comme lors d’autres « manifs pour tous », et les raisons qui ont conduit les compagnies républicaines de sécurité et les escadrons de gendarmerie à repousser sans ménagement des manifestants a priori pacifiques.

La manifestation du 16 avril 2013 a quant à elle permis de soulever la question de la protection excessive des bâtiments publics, en particulier de l’Assemblée nationale, face à de paisibles manifestants chantant, assis, la Marseillaise. Plusieurs députés ont en effet été bloqués, pendant plusieurs minutes, alors qu’ils tentaient d’accéder à leurs bureaux et déclinaient, naturellement, leur identité et leur statut.

De façon générale, cette commission d’enquête a pour vocation d’étudier la façon dont, depuis le 16 mai 2012, la préfecture de police gère les manifestations et rassemblements de personnes qui se tiennent dans la capitale. Les nombreuses manifestations d’ampleur qui ont eu lieu depuis un an ont fourni un échantillon représentatif des problèmes, parfois non résolus, posés à la préfecture de police, dont le savoir-faire et la réputation en matière de maintien de l’ordre sont pourtant bien établis et servent souvent de référence aux polices étrangères.

Toutes les étapes seront donc analysées : l’autorisation des parcours et la préparation des événements avec leurs organisateurs ; le dimensionnement du dispositif public et privé de sécurité ; la prévision du nombre de manifestants, d’une part, et des risques de débordement, d’autre part ; la chaîne de commandement et les stratégies déployées par les forces de l’ordre ; l’usage de la force à l’encontre de manifestants ou de groupes violents ; enfin, les méthodes de comptage des manifestants qui permettent d’évaluer, a posteriori, les capacités d’anticipation des services de la préfecture de police et l’adéquation du dispositif de maintien de l’ordre. Jusqu’alors peu investi par le Parlement dans ses fonctions de contrôle, ce champ contribue à asseoir la légitimité et l’opportunité de la commission d’enquête qu’il est envisagé de créer.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 5 juin 2013, la Commission examine, sur le rapport de M. Philippe Goujon, la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la gestion de la sécurité des manifestations et rassemblements de personnes à Paris, depuis le 16 mai 2012 (n° 1049).

Après l’exposé de votre rapporteur, une discussion a lieu.

M. Pascal Popelin. À lire la proposition de résolution et à entendre le rapporteur, la vie de l’État aurait commencé le 16 mai 2012, immédiatement après l’entrée en fonction de François Hollande. Ou plutôt, les services de l’État auraient cessé de fonctionner et les autorités chargées de leur organisation auraient perdu toute légitimité après cette entrée en fonction.

Je m’interroge : les événements que vous avez évoqués, notamment ceux de la place du Trocadéro, sont-ils à ce point inédits ? La région-capitale n’a-t-elle jamais connu auparavant de tels débordements, subi les dégradations de casseurs et dû faire face à des manifestants qui s’écartaient des parcours prévus ? Il sera intéressant d’examiner, de ce point de vue, les amendements déposés par le président de la Commission.

Votre question – comment, à Paris et dans tous les territoires placés sous l’autorité du préfet de police, garantit-on à la fois la liberté de manifester, le maintien de l’ordre public et la sécurité des personnes et des biens qui se trouvent sur le parcours des manifestations ? – serait légitime, si vous la posiez dans un cadre plus large, de manière dépassionnée et hors de toute considération politicienne.

M. Guy Geoffroy. Je réagis aux propos de M. Popelin. Depuis le 16 mai 2012, justement, nous entendons dire sans cesse que nous serions entrés dans une ère nouvelle : celle d’une République irréprochable, exemplaire. Tous les problèmes que la France a connus – et dont la dénonciation a permis, moyennant quelques arrangements avec la réalité, à François Hollande de devenir président de la République – seraient désormais, comme par miracle, derrière nous. La France reprendrait le cours de sa vie tranquille, prospère et bénéfique à tous nos concitoyens.

C’est parce que vous assénez ces affirmations depuis le 16 mai 2012 que nous avons jugé opportun, en « miroir », de vérifier ce qu’il en est réellement en matière de gestion de la sécurité lors des manifestations qui se sont déroulées à Paris depuis cette date. La commission d’enquête permettra de valider ou, peut-être, d’invalider ce que vous avancez.

Quant à l’argumentation développée par M. Popelin, qu’on nous resservira probablement lors de l’examen de l’amendement CL 1, elle se retourne contre ses auteurs. Nous aurons, mes collègues et moi, l’occasion de dire ce qu’il convient de penser de vos méthodes : vous allez faire en sorte que l’objet de la commission d’enquête ne corresponde plus aux intentions des auteurs de la résolution – ce qui n’est conforme ni à l’esprit ni à la lettre de notre Règlement – et en préparez ainsi le rejet implicite.

M. Jean-Frédéric Poisson. Les débats sur les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête sont toujours des moments à la fois graves et souriants. Graves en raison de la nature des sujets qui sont portés à notre attention. Il suffit pour s’en convaincre de consulter la liste des propositions de résolution déposées au cours de la présente et de la précédente législature. Souriants car ils revêtent une dimension rhétorique et portent à chaque fois sur le champ de la commission d’enquête, que chacun cherche à élargir ou à restreindre, en fonction de ses intérêts propres. En général, la majorité ne fait rien pour arranger les affaires de l’opposition. Convenons donc que nous sommes dans le théâtre d’ombres habituel et prenons un peu de distance.

Le rapporteur l’a rappelé : j’ai déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur les décisions préparatoires et le déroulement de la manifestation du 24 mars 2013. Bien sûr, je n’ignore pas, contrairement à ce qu’insinue M. Popelin, que d’autres manifestations ont été l’occasion de débordements à Paris dans le passé. M. Goujon, qui a été chargé de la sécurité à Paris, le sait mieux que personne.

Cependant, il existe une différence notable entre les manifestations visées par notre projet de résolution et celles qui se sont déroulées auparavant à Paris : de manière répétée au cours de la période récente, les choix en matière de maintien de l’ordre – qu’ils concernent le lieu des manifestations, le dispositif de sécurité, l’affectation des effectifs ou la doctrine d’emploi – n’ont visiblement pas été adaptés à la situation.

Vous faites probablement référence, monsieur Popelin, aux manifestations contre le contrat première embauche (CPE). Cependant, si des violences physiques se sont bien produites et que des biens matériels ont été détruits lors de ces manifestations, je n’ai pas souvenir que les choix en matière de maintien de l’ordre aient alors été différents de ceux opérés habituellement. En revanche, la gestion des dernières manifestations qui se sont déroulées à Paris, en particulier celles du 24 mars et du 26 mai, n’a pas obéi, sur plusieurs points – définition des trajets, scénario de dispersion des manifestations, doctrine d’emploi –, aux règles habituelles. C’est en tout cas ce que l’on peut déduire, à première vue, du déroulement des événements et ce que confirment les renseignements que j’ai pris au moment où j’ai déposé ma proposition de résolution.

En fin de compte, nous souhaitons savoir pourquoi, depuis le 16 mai 2012 – date d’entrée en fonction non pas du président de la République, mais du Premier ministre –, les forces de l’ordre ont fait évoluer leur doctrine d’emploi et la manière dont ils garantissent la sécurité publique lors des manifestations dans la capitale. C’est ce changement – qui fait partie, comme l’a rappelé M. Geoffroy, d’un ensemble de mesures plus large, dont la mise en œuvre ne va visiblement pas sans difficulté – que nous devons examiner et qui justifie que la commission d’enquête porte précisément sur ces manifestations.

M. Éric Ciotti. Les événements visés par notre proposition de résolution ont revêtu une gravité que nul ne peut contester. Nos concitoyens les ont trouvés déplorables. Ceux qui se sont déroulés, après la victoire du PSG, dès le 12 mai au soir et le 13 mai sur la place du Trocadéro ont constitué un spectacle indigne de notre République.

Il est donc légitime que nous nous interrogions – sereinement, mais avec gravité – sur ce qui a conduit à de tels débordements et, surtout, ce qui a fait que la situation n’a pas été maîtrisée par les services chargés du maintien de l’ordre. Nos questions sont d’autant plus pertinentes qu’elles font suite à des incidents répétés que nul ne peut, là encore, contester.

En septembre 2012, une manifestation de plusieurs centaines de militants salafistes est parvenue jusqu’aux portes de l’ambassade des États-Unis, à quelques centaines de mètres du palais de l’Élysée. Les forces de l’ordre ne l’avaient pas vraiment anticipée et n’ont pas été en mesure de l’endiguer. Elle aurait pu avoir des conséquences très graves.

Les grandes manifestations contre le mariage pour tous, notamment celle du 24 mars dernier avenue de la Grande-Armée, ont été mal gérées. Elles auraient également pu avoir des conséquences très graves, cette fois pour les manifestants, animés pour la plupart de sentiments pacifiques.

Le caractère répétitif de ces incidents nous conduit légitimement à poser des questions. Pourquoi assistons-nous brusquement à de tels débordements et avons-nous le sentiment que nous perdons le contrôle de la situation, alors que le précédent préfet de police a géré chaque année des milliers de manifestations à Paris sans aucun incident notable ? Les outils de renseignement et d’anticipation ont-ils été employés comme il convient ? Les moyens humains, en particulier les forces mobiles, ont-ils été déployés correctement ? Le 13 mai, les forces de l’ordre étaient-elles en nombre suffisant – le préfet de police a cité le chiffre de 800 policiers et gendarmes – lorsque les premiers problèmes sont survenus en milieu d’après-midi ? D’autant qu’ils pouvaient être anticipés : des incidents graves s’étaient déjà produits la veille. Le 13 mai toujours, pourquoi a-t-on procédé à un nombre d’interpellations aussi faible – vingt et une – alors que les débordements étaient d’une rare violence ?

Le Gouvernement se doit d’apporter à la représentation nationale et, à travers elle, aux Français, des réponses sur ces questions très graves. Au regard des amendements que vous avez déposés, monsieur le président, je crois comprendre que telle n’est pourtant pas son intention. L’enjeu est que ces événements ne se reproduisent pas, que l’on ne réédite pas ce fiasco inédit en matière de maintien de l’ordre dans notre capitale, qui met en cause nos institutions et l’image de notre pays à l’étranger. Afin d’améliorer la situation, il aurait été utile que nous interrogions ensemble le Gouvernement sur les raisons d’un tel échec. Vous refusez de le faire. Nous déplorons votre attitude, sans doute dictée par le Gouvernement. Si de tels événements se reproduisent, vous en porterez la responsabilité.

M. Dominique Raimbourg. Premièrement, la gestion de la sécurité lors des manifestations est, à l’évidence, un sujet qui mérite d’être examiné par le Parlement.

Deuxièmement, j’invite nos collègues de l’opposition à faire preuve de davantage d’optimisme : nous souhaitons étendre le champ de la commission d’enquête aux années 2002 à 2012, mais rien ne dit que la gestion des manifestations a été particulièrement défaillante au cours de cette période ! Elle a peut-être été tout à fait satisfaisante ! Vous avez tort d’avoir peur !

Troisièmement, MM. Poisson et Ciotti estiment que le maintien de l’ordre est moins bien assuré parce que les services qui en sont chargés auraient changé leurs méthodes. Il est donc nécessaire que la commission d’enquête remonte plus loin dans le temps pour avoir des éléments de comparaison. Grâce à cette mise en perspective, notre contrôle prendra toute son ampleur.

De plus, l’extension du champ à la période antérieure évitera que d’éventuelles arrière-pensées politiciennes ne viennent polluer les travaux de la commission d’enquête. Si nous analysons avec objectivité la période de 2002 à 2012 et celle de 2012 à aujourd’hui, nous ne manquerons pas d’identifier les éléments qui doivent l’être. C’est aussi de cette manière que nous pourrons définir les éventuelles améliorations à apporter au fonctionnement des services chargés du maintien de l’ordre, comme le souhaite M. Ciotti.

M. le rapporteur. Notre débat le montre : il est nécessaire que nous obtenions des réponses sur la manière dont est assuré le maintien de l’ordre.

S’agissant du champ de la commission d’enquête – je le dis de manière grave et amusée, pour reprendre l’expression de M. Poisson –, nous pourrions remonter à des périodes encore plus anciennes : Paris est connu pour avoir été le théâtre, depuis l’Ancien régime, de nombreux soubresauts révolutionnaires et troubles divers ! Je ne compare pas, bien sûr, les supporters du PSG à des sans-culottes !

Plus sérieusement, une commission d’enquête doit analyser des faits définis de manière suffisamment précise. Or, si nous étendons le champ à la période antérieure, nous serons amenés à évoquer des faits de nature très différente. Pour autant, il n’y a, bien sûr, rien à cacher. C’est pourquoi je fais une contre-proposition : si vous souhaitez, chers collègues de la majorité, élargir l’étude à une période antérieure et à des événements différents de ceux que vise notre proposition de résolution, rien ne vous empêche de créer une mission d’information.

Quant à la commission d’enquête, elle ne présentera plus beaucoup d’intérêt si vous en dénaturez complètement l’objet et si son rapporteur est, en sus, comme vous l’avez décidé, issu de vos rangs. Lorsque le ministre de l’Intérieur avait été interrogé à l’époque des faits, j’avais pourtant cru comprendre qu’il n’était pas hostile à ce que l’opposition fasse usage de son droit de créer une commission d’enquête. Notre proposition de résolution se suffit à elle-même. Elle ne nécessite pas de modifications.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Sous la précédente législature, il est arrivé que la majorité s’arroge le droit de rapporter une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête pourtant déposée par un groupe d’opposition. Ainsi, M. Poisson avait été désigné rapporteur d’une proposition de résolution déposée par le groupe GDR. Sous la présente législature, les propositions de résolution sont rapportées par les groupes qui les ont déposées. Le respect des droits de l’opposition a donc progressé sur ce point. Quant à la composition du bureau des commissions d’enquête dont la création est demandée par un groupe d’opposition et à la fonction de rapporteur au sein d’une telle commission, nous n’avons fait que reprendre une pratique antérieure : le rapporteur appartient à la majorité et le président au groupe d’opposition.

La Commission en vient à l’examen de l’article unique de la proposition de résolution.

La Commission est saisie des amendements CL 2 et CL 1 du président Jean-Jacques Urvoas.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. L’amendement CL 2 vise à prendre en compte un changement dans notre organisation administrative. M. Ciotti l’a relevé à juste titre : la nature des dispositifs mis en place pour gérer les manifestations dépend très largement des renseignements dont disposent les autorités chargées du maintien de l’ordre. Or, depuis un décret de 2009, la préfecture de police de Paris a une compétence de coordination sur toute l’Île-de-France en matière d’information générale. Il serait donc cohérent que les travaux de la commission d’enquête portent non seulement sur Paris au sens strict, mais sur l’Île-de-France dans son ensemble.

L’amendement CL 1, quant à lui, repose sur la même logique : la possibilité, pour la commission d’enquête, de faciliter les comparaisons. Dès lors que l’ambition de ses promoteurs est de jauger l’action de ceux qui travaillent depuis le 16 mai 2012, l’élargissement de la période envisagée permettra de bannir tout esprit partisan en comparant l’action de différents préfets de police de Paris. En partant de 2002, nous pourrons ainsi évaluer celle de Jean-Paul Proust, Pierre Mutz, Michel Gaudin et Bernard Boucault sous la direction respective de Daniel Vaillant, Dominique de Villepin, Michèle Alliot-Marie et Manuel Valls. Il n’est pas question de limiter les possibilités, pour l’opposition, d’user de son droit de tirage mais, au contraire, de faciliter son travail.

M. le rapporteur. Le Règlement, monsieur le président, permettait fort bien la nomination d’un rapporteur issu des rangs de l’opposition.

L’amendement CL 2 est un peu incohérent par rapport au suivant. S’il s’agit, en effet, de tenir compte de la compétence territoriale de la préfecture de police, alors, pour la période antérieure à 2009 – date de la création de la police d’agglomération, laquelle couvre Paris et les trois départements de la petite couronne – il faudrait en toute logique ne s’intéresser qu’à Paris. Or, vous visez indistinctement l’ensemble de l’Île-de-France pour la période allant de 2002 à 2012, ce qui rend le dispositif de la proposition de résolution très imprécis s’agissant des faits et des services que vous visez.

De plus, les manifestations les plus importantes ont lieu dans la capitale, ce qui justifie que la commission d’enquête restreigne son champ aux manifestations parisiennes, même s’il est toujours possible de chercher à savoir si le renseignement a permis d’identifier un certain nombre de meneurs à tel ou tel endroit.

Cet amendement modifie donc de façon substantielle le champ géographique de la commission d’enquête et dénature le droit de tirage reconnu aux groupes de l’opposition.

S’agissant du second amendement, je rappelle que l’objet d’une commission d’enquête n’est pas de faire de l’histoire mais d’établir un certain nombre de faits précis et datés. Si vous voulez faire l’histoire du maintien de l’ordre des origines à nos jours, vous pouvez toujours créer une mission d’information.

Cet amendement dénature de facto la proposition de résolution. En effet, quel est l’intérêt du droit de tirage si le groupe majoritaire peut modifier à sa guise le choix et la portée d’une commission d’enquête ? Seuls des sujets consensuels ne mettant nullement en cause le pouvoir en place, dès lors, pourraient en faire l’objet.

De plus, en élargissant le champ des travaux de la commission, cet amendement aura des conséquences sur la teneur des investigations qui pourront être menées et, partant, sur la qualité du rapport qui sera rendu. Les membres de la commission ne pourront pas approfondir les sujets qui ont conduit au dépôt de la proposition de résolution, d’autant plus que le délai de six mois pour mener à bien les travaux d’une commission d’enquête est impératif.

Par ailleurs, quel intérêt y a-t-il à interroger des personnes qui avaient des responsabilités voilà une dizaine d’années, sauf à considérer qu’elles ont gardé par devers elles l’intégralité de leurs archives ? Je doute que la commission d’enquête puisse en tirer des informations pertinentes. Bien évidemment, il n’est pas question d’occulter quelques recherches que ce soit sur des manifestations antérieures à 2012 mais, en l’occurrence, une mission d’information constituerait un cadre tout à fait adapté.

Cette commission d’enquête doit se pencher sur des faits précis et identifiés. Dès lors que son champ serait aussi élargi et indéterminé que vous le suggérez, cet instrument perdrait toute sa substance et ne présenterait plus tout à fait le même intérêt.

Avis défavorable.

M. Guy Geoffroy. Je note la contradiction qui figure entre l’intitulé de l’amendement CL 2 et l’exposé sommaire. Si le préfet de police est compétent en matière de renseignement sur l’ensemble de l’Île-de-France, il ne l’est pas s’agissant de l’organisation et de l’utilisation des forces de police – hors la police d’agglomération, dont le rapporteur a fort opportunément rappelé le secteur géographique relevant de sa compétence. Élu de Seine-et-Marne, j’atteste que si le renseignement est donc bien placé sous l’autorité du préfet de police, la stratégie policière quant au maintien de l’ordre dépend exclusivement des autorités préfectorales départementales.

S’agissant de l’amendement CL 1, j’ai cru un instant que, fidèle à votre façon de procéder lors de l’examen des projets sur la transparence de la vie publique, vous proposiez de corriger une erreur matérielle. Mais, en fait, après l’ « opération diversion » à laquelle vous vous êtes livrés avec les lois liées au scandale de l’affaire Cahuzac, vous en êtes venus à l’« opération dilution » en dissolvant l’objet clair et précis de cette commission d’enquête dans un ensemble de considérations dont le rapporteur a bien fait de rappeler qu’elles seraient très difficiles à apprécier dans un tel cadre.

En votre qualité de président-rapporteur de la mission dédiée à l’évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement, monsieur le président, vous pourrez témoigner que de nombreux intervenants, y compris des autorités ministérielles qui étaient aux responsabilités entre 2002 et 2012, n’ont pas caché qu’elles éprouvaient quelques difficultés à se souvenir précisément de détails qui auraient pu nourrir utilement notre réflexion. Cela ne prête pas trop à conséquence dans ce cadre-là mais il n’en va pas de même des erreurs voire des malencontreux mensonges par omission qui pourraient survenir dans celui d’une commission d’enquête.

Enfin, monsieur le président, vous avez décidé de faire « mieux qu’avant » et de ne plus y faire référence pour que l’« après » apparaisse dans toute sa gloire. Le 14 décembre 2012, lors de l’examen de la proposition de résolution tendant à créer une commission d’enquête, sur proposition du groupe écologiste, relative aux services de renseignement, vous déclariez : « Contrairement à ce qui a pu se produire au cours de la précédente législature, où des commissions d’enquête demandées au titre du droit de tirage ont pu être repoussées ou voir leur objet tronqué, la majorité a choisi de respecter la mise en œuvre du droit de tirage de l’opposition ou d’un groupe minoritaire. » Vous faites aujourd’hui l’inverse. Pourquoi un tel reniement ?

Avec, je n’en doute pas, le soutien unanime de notre Commission, monsieur le président, je vous invite à soutenir la proposition de résolution déposée au mois de février dernier par le président Accoyer tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée afin de renforcer les droits des groupes d’opposition et groupes minoritaires en matière de création de commissions d’enquête. Le deuxième alinéa de son article 1er dispose ainsi que « les propositions de résolution visées à l’alinéa précédent ne peuvent être amendées en commission qu’à la majorité des trois cinquièmes des membres de ladite commission. »

Dans la logique de votre très lumineuse intervention du 14 décembre, je gage que vous aurez à cœur de ne pas vous contredire, d’inciter les membres de la majorité à faire de même – faute de quoi, ils vous manqueraient – et, enfin, que vous soutiendrez la proposition de résolution du président Accoyer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je m’associe aux propos de M. Guy Geoffroy sur ces deux amendements.

En 2009, et s’agissant de la fameuse commission d’enquête consacrée aux « conséquences sur la santé des salariés des restructurations permanentes, des nouvelles formes d’organisation du travail et méthodes de gestion du personnel à France-Télécom comme dans l’ensemble des secteurs de l’économie nationale », j’ai en effet rapporté devant la commission des Affaires sociales. Je ne crois pas, toutefois, que cet épisode constitue un précédent qui puisse justifier votre pratique.

Vous avez raison de dire qu’en « essuyant les plâtres » du nouveau Règlement de notre Assemblée sur le droit de tirage, il aurait été peut-être possible de procéder autrement. Cela étant, la commission des Affaires sociales a choisi de me nommer rapporteur dans des conditions un peu différentes de celles que nous connaissons, comme en a attesté M. Roland Muzeau, principal promoteur de cette proposition de résolution, avec lequel nous avons d’ailleurs travaillé étroitement.

De plus, sur ma proposition, nous avions alors modifié le titre et le contenu de cette dernière pour une seule raison – je me permets de vous renvoyer au compte rendu n° 14 de la séance du 25 novembre 2009 de la commission des Affaires sociales : nous craignions que la formulation choisie par nos collègues du groupe GDR stigmatise par trop France Télécom et nuise à une entreprise qui n’en avait déjà pas besoin. Il n’était donc pas question pour nous de retreindre le champ d’investigation de nos collègues, ni de le dénaturer et encore moins de les priver de parole. Les amendements que j’avais déposés et qui avaient été adoptés par la commission n’ont en rien altéré la possibilité d’enquêter.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. J’attire votre attention sur le fait que personne ne vous a opposé ce précédent-là.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai procédé à titre préventif.

M. Éric Ciotti. Ce que vous faites est révélateur de la mauvaise santé de notre démocratie. Priver l’opposition d’une liberté essentielle, ce n’est pas bon signe. Cela témoigne de la fébrilité du Gouvernement et de la majorité qui, avec notre Parlement, s’honoreraient pourtant à respecter les droits de l’opposition. Créer une commission d’enquête sans que son objet soit dénaturé compte parmi les pratiques essentielles d’une démocratie moderne et ouverte. Je tiens à le souligner : il est extrêmement grave que, désormais, vous priviez l’opposition d’exercer ce droit fondamental que nous avions introduit.

M. Jean-Pierre Blazy. Je soutiens quant à moi les amendements de M. le président.

J’ai le sentiment, monsieur Ciotti, que vous tenez à dramatiser excessivement la situation en nous prêtant des intentions néfastes pour le Parlement, l’opposition et, finalement, la démocratie et la République.

L’élargissement à l’espace francilien s’impose car, depuis 2009, la compétence territoriale des services placés sous l’autorité du préfet de police a elle-même été élargie. Nous savons que ce dernier doit désormais gérer en Île-de-France des rassemblements de toute nature qui, parfois, suscitent des débordements à l’intérieur ou à l’extérieur des enceintes sportives. Nous condamnons tous, bien entendu, ce qui s’est passé à Paris intra muros suite à la victoire du PSG, place du Trocadéro, le lundi 13 mai 2013.

Formellement, vous cherchez à remettre en cause la politique de sécurité publique du ministre de l’Intérieur et à défaut de pouvoir le faire sur le fond vous avez trouvé là le moyen adéquat. Or votre bilan, s’agissant du maintien de l’ordre, est négatif ! Là est le fond du problème ! Il est donc assez compréhensible que nous essayions de discuter de cette question-là mais en élargissant les perspectives temporelles et spatiales.

M. Pascal Popelin. Vous avez considéré que, « désormais », l’opposition serait privée de son droit de tirage. Quand bien même cela serait vrai – ce que je ne crois pas – le « désormais » est de trop puisque, sous la précédente législature, ce n’était pas « désormais » mais « tout le temps ».

Vous nous avez opposé notre refus, mais tel n’est pas le cas : au contraire, nous enrichissons votre requête.

Vous nous avez également reproché de rendre cette proposition de résolution moins précise alors qu’un changement de date ne change rien.

Vous avez affirmé que le président s’est engagé à ne jamais restreindre le champ d’une proposition de résolution : nous ne restreignons rien, nous élargissons.

Enfin, vos propos liminaires montrent que vous avez déjà avalisé les conclusions supposées de cette commission d’enquête puisque, d’un même mouvement, vous avez posé les questions et vous y avez répondu. Eh bien nous, nous ne partageons pas vos présupposés ! L’amendement CL 1 constituera un excellent moyen de le démontrer.

La Commission adopte successivement les amendements CL 2 et CL 1.

La Commission adopte la proposition de résolution modifiée.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je considère donc que la résolution tend désormais à la création d’une commission d’enquête « relative à la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes en Île-de-France, depuis le 16 mai 2002 ».

M. le rapporteur. C’est consternant ! MM. Blazy et Popelin viennent de contester les droits de l’opposition, ceux-là même que notre groupe a largement contribué à façonner à travers notamment la réforme du Règlement de l’Assemblée nationale issue de la proposition de résolution de M. Accoyer. Vous nous les déniez aujourd’hui en dénaturant profondément le droit de tirage. L’actuel Premier ministre, alors président du groupe socialiste, appelait pourtant en 2010 à ne pas altérer le contenu des propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête et, aujourd’hui, vous faites l’inverse.

Ces deux amendements nous contraignent à retirer notre proposition de résolution, son objet n’ayant désormais plus rien de commun avec celui que nous avions voulu lui donner en faisant usage de notre droit de tirage. Faut-il y voir une volonté de cacher aux Français une vérité à laquelle ils ont droit ? Je l’ignore, mais il n’en reste pas moins que votre attitude est dommageable puisque cette commission aurait peut-être aussi permis de clore des polémiques, ce qui aurait été dans votre intérêt.

Je note, de surcroît, que vous vous êtes aussi octroyés la maîtrise du rapport.

Nous pourrions donc examiner prochainement la très bonne proposition de résolution de M. Accoyer visant à ce que les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête discutées en application de l’article 141 du Règlement ne puissent être amendées en commission qu’à la majorité des trois cinquièmes de ses membres.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je note donc que vous retirez cette résolution de l’inscription à l’ordre du jour puisque telle est la liberté du groupe UMP, ce retrait ne résultant pas mécaniquement du vote de notre Commission.

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TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

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Texte de la proposition de résolution

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Texte adopté par la Commission

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Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes à Paris, depuis le 16 mai 2012.

Proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative à la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes en Île-de-France, depuis le 16 mai 2002.

 

Article unique

Article unique

 

En application des articles 137 et suivants du Règlement de l’Assemblée nationale, il est créé une commission d’enquête de trente membres relative à la gestion de la sécurité lors des manifestations et rassemblements de personnes à Paris, depuis le 16 mai 2012.

… en Île-de-France, depuis le 16 mai 2002.

(amendements CL2 et CL1)

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement CL1 présenté par M. Urvoas

Article unique

Substituer à l'année : « 2012 », l'année : « 2002 ».

Amendement CL2 présenté par M. Urvoas

Article unique

Substituer aux mots: "à Paris", les mots: "en Île-de-France".

© Assemblée nationale

1 () Article 138 du RAN.