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Amendements  sur le projet ou la proposition

N° 1277

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 juillet 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI ORGANIQUE (N° 1113) relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public,

PAR Mme Anne-Yvonne LE DAIN,

Députée.

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INTRODUCTION 5

I. – L’ÉMANCIPATION PROGRESSIVE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC DU POUVOIR EXÉCUTIF : UNE CONQUÊTE MAJEURE DE CES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES 6

A. D’UN CONTRÔLE HISTORIQUEMENT ÉTROIT DU POUVOIR EXÉCUTIF SUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC… 6

B. … À L’ÉMANCIPATION ISSUE DE LA LOI DU 29 JUILLET 1982 SUR LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE 7

II. – GARANTIR L’INDÉPENDANCE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC EN REVENANT SUR LA LOI ORGANIQUE DU 5 MARS 2009 8

A. DE LA NOMINATION PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ISSUE DE LA LOI ORGANIQUE DU 5 MARS 2009… 8

B. … AU RETOUR À LA NOMINATION PAR UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE DE RÉGULATION, LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AUDIOVISUEL (CSA) 10

CONTRIBUTION DE M. DIDIER QUENTIN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE 13

DISCUSSION GÉNÉRALE 15

EXAMEN DES ARTICLES 19

Article 1er (loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France) : Abrogation de la nomination par décret du président de la République des présidents des sociétés nationales de programme 19

Article 2 (tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010) : Abrogation de l’avis public des commissions parlementaires sur la nomination des présidents des sociétés nationales de programme 21

TABLEAU COMPARATIF 23

ANNEXE : NOMINATIONS CONCERNÉES PAR LES AVIS PUBLICS DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 13 DE LA CONSTITUTION 25

MESDAMES, MESSIEURS,

Votre Commission est aujourd’hui saisie, en première lecture, du projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, déposé le 5 juin 2013 sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Ce texte vient compléter le projet de loi ordinaire portant le même intitulé (1), lequel a été renvoyé au fond à la commission des Affaires culturelles de notre assemblée et a pour objet de modifier le mode de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, que sont respectivement France Télévisions, Radio France et France Médias Monde (2).

Ces deux textes visent à revenir sur la procédure de nomination des présidents des sociétés nationales de programme, telle qu’elle est issue de la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 (3). Aux termes de celle-ci, les présidents des sociétés nationales de programme sont nommés, en application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, par décret du président de la République, pris après avis des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée (4).

Or, comme le souligne l’exposé des motifs qui accompagne le présent projet de loi organique, cette procédure « jette un doute sur l’indépendance à l’égard du pouvoir exécutif des personnes qu’il s’agit de désigner » et « n’apparaît pas compatible avec les exigences d’une démocratie moderne ».

Afin de garantir l’indépendance du service public de l’audiovisuel ainsi que le pluralisme des courants de pensée et d’opinion, objectif de valeur constitutionnelle (5), le projet de loi ordinaire restitue au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), autorité administrative indépendance chargée de réguler ce secteur, le soin de désigner, à la majorité de ses membres, les présidents des trois sociétés nationales de programme, permettant ainsi le retour aux règles qui étaient applicables avant l’entrée en vigueur de la loi organique précitée du 5 mars 2009.

Tirant les conséquences de ce nouveau mode de nomination, le présent projet de loi organique abroge, à son article 1er, la loi organique du 5 mars 2009 et supprime, à son article 2, les références aux présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France dans le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Afin de préparer l’examen du présent projet de loi organique, lequel assure la coordination avec les dispositions contenues dans le projet de loi ordinaire, votre rapporteure a sollicité le CSA ainsi que les présidents des trois sociétés nationales de programme, afin de recueillir leur position respective sur cette réforme qui vous est aujourd’hui soumise.

*

* *

I. – L’ÉMANCIPATION PROGRESSIVE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC DU POUVOIR EXÉCUTIF : UNE CONQUÊTE MAJEURE DE CES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES

A. D’UN CONTRÔLE HISTORIQUEMENT ÉTROIT DU POUVOIR EXÉCUTIF SUR L’AUDIOVISUEL PUBLIC…

Historiquement, la direction des sociétés publiques audiovisuelles et de radiodiffusion a été étroitement contrôlée par le pouvoir exécutif.

Ainsi, jusqu’en 1959, la radiodiffusion-télévision française (RTF) était une administration placée sous l’autorité directe, tantôt du président du Conseil, tantôt d’un ministre délégué, et sous la direction d’un directeur général nommé par le Gouvernement.

Sa transformation en établissement public industriel et commercial, par l’ordonnance n° 59-273 du 4 février 1959 relative à la radiodiffusion-télévision française, n’a pas mis un terme à cette autorité hiérarchique. Cet établissement public présentait la particularité de n’avoir pas de conseil d’administration, mais uniquement un directeur général, un directeur général adjoint et d’autres directeurs, tous nommés en Conseil des ministres.

Cinq ans plus tard, si la loi n° 64-621 du 27 juin 1964 portant statut de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), lequel est ainsi venu se substituer à la RTF tout en restant placé sous la tutelle du ministre chargé de l’information, a institué, à son article 2, un conseil d’administration, elle a prévu, à son article 3, une présence majoritaire des représentants de l’État à ce même conseil, composé de « quatorze à vingt-huit membres dont une moitié représente l’État ».

Maintenant une présence majoritaire des représentants de l’État au conseil d’administration de l’ORTF, la loi n° 72-553 du 3 juillet 1972 portant statut de la radiodiffusion-télévision française a concentré les pouvoirs entre les mains du président-directeur général, nommé par décret pris en conseil des ministres et responsable des orientations de l’office, renforçant ainsi l’assujettissement de ce président au pouvoir exécutif.

La loi n° 74-696 du 7 août 1974 relative à la radiodiffusion et à la télévision a, pour sa part, supprimé l’ORTF, mettant ainsi fin à l’unicité de la société en charge de l’audiovisuel. Elle a également modifié la composition des conseils d’administration des différentes sociétés nationales de programme, conseils qui n’étaient alors plus composés en majorité des représentants du Gouvernement, réduits au nombre de deux sur six seulement. Les présidents de ces sociétés étaient par ailleurs nommés pour trois ans, par décret pris en conseil des ministres, parmi les membres du conseil d’administration.

B. … À L’ÉMANCIPATION ISSUE DE LA LOI DU 29 JUILLET 1982 SUR LA COMMUNICATION AUDIOVISUELLE

Il faudra cependant attendre 1982 pour qu’advienne une véritable émancipation de l’audiovisuel public à l’égard du pouvoir exécutif et que soit instaurée une procédure de nomination des présidents des sociétés nationales de programme par une autorité administrative indépendante.

Dans cette perspective, la loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle a institué la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, laquelle était chargée non seulement de nommer des administrateurs dans les conseils d’administration des établissements publics et sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion, mais également de désigner parmi eux les présidents de ces sociétés.

Malgré la transformation de la Haute Autorité en Commission nationale de la communication et des libertés, par la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, puis en Conseil supérieur de l’audiovisuel, par la loi n° 89-25 du 17 janvier 1989 modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les présidents des sociétés nationales de programme ont toujours été désignés depuis lors par l’autorité administrative indépendante en charge du secteur audiovisuel, à la majorité de ses membres.

La loi du 17 janvier 1989 a également permis au Conseil constitutionnel de statuer sur la conformité à la Constitution de ce mode de nomination, considérant qu’il permettait « d’assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 » (6). Le dispositif instauré par le législateur en 1982, conforté en 1986 puis en 1989, est ainsi demeuré strictement inchangé, sur le fond, jusqu’à la réforme de 2009 qui a conduit à confier cette prérogative au pouvoir exécutif, en l’occurrence le président de la République.

II. – GARANTIR L’INDÉPENDANCE DE L’AUDIOVISUEL PUBLIC
EN REVENANT SUR LA LOI ORGANIQUE DU 5 MARS 2009

A. DE LA NOMINATION PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ISSUE DE LA LOI ORGANIQUE DU 5 MARS 2009…

La loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la VRépublique a introduit, à l’article 13 de la Constitution (7), un cinquième et dernier alinéa permettant de soumettre certaines nominations effectuées par le président de la République à un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée et prévoyant qu’en cas d’avis négatif, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions permanentes, la nomination de la personne envisagée ne puisse avoir lieu.

En application de ce dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution, afin de soumettre des propositions de nominations à certains emplois ou fonctions à cette procédure de consultation des commissions parlementaires compétentes, il revenait au législateur organique de prévoir explicitement l’application de cette procédure à ces emplois ou fonctions. Ces dispositions ont été mises en œuvre par deux textes.

D’une part, la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution a fixé la liste des emplois concernés « en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », actuellement au nombre de quarante-sept (voir le tableau figurant en annexe du présent rapport) (8) et a prohibé les délégations de vote lors des scrutins en cause.

D’autre part, la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution a désigné les commissions permanentes compétentes et a encadré la procédure de consultation parlementaire :

—  l’avis des commissions permanentes compétentes est précédé d’une audition de la personne dont la nomination est envisagée ;

—  cette audition est publique, sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale ;

—  cette audition ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public ;

—  à l’issue du vote en commission, le scrutin doit être dépouillé au même moment dans les deux assemblées.

Avant même le vote et l’entrée en vigueur des lois du 23 juillet 2010, la loi organique précitée du 5 mars 2009 a prévu l’application de la nouvelle procédure mentionnée au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution à la désignation des dirigeants des sociétés de télévision et de radio publiques, lesquels sont désormais nommés, pour une durée de cinq ans, par décret du président de la République.

Ce décret est cependant conditionné, tout d’abord, à un avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) (9), puis à un avis – publié au Journal officiel – des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée, commissions qui peuvent s’opposer à la nomination à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

L’article 47-4 de la loi précitée du 30 septembre 1986 précise en outre que les commissions permanentes des assemblées, auxquelles il revient de se prononcer sur les propositions de nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public, sont celles compétentes en matière d’affaires culturelles.

L’article 47-5 de cette même loi dispose enfin que le mandat de ces présidents peut leur être retiré « par décret motivé, après avis conforme, également motivé, du Conseil supérieur de l’audiovisuel, émis à la majorité des membres le composant, et avis public des commissions parlementaires compétentes ». Dans sa décision du 3 mars 2009 (10), le Conseil constitutionnel a toutefois censuré la possibilité, initialement reconnue aux commissions parlementaires compétentes, de s’opposer à la révocation à une majorité des trois cinquièmes, au motif qu’un tel droit de veto n’a été attribué aux commissions parlementaires, par l’article 13 de la Constitution, qu’à l’encontre des décisions de nomination du président de la République et non des décisions de révocation.

Saisi de cette nouvelle procédure de nomination, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision précitée du 3 mars 2009, que la nomination des présidents des sociétés nationales de programme par le président de la République « ne privait pas de garanties légales les exigences constitutionnelles résultant de l’article 11 de la Déclaration de 1789 » (11), en se fondant notamment sur les exigences qui entourent cette procédure, comme l’association des commissions parlementaires et la nécessité de recueillir un avis conforme du CSA.

Depuis 2009, trois dirigeants de l’audiovisuel et de la radiodiffusion publics ont été nommés en application de cette procédure. Il s’agit de M. Jean-Luc Hees, nommé président de Radio France par décret du président de la République du 7 mai 2009, de M. Rémy Pflimlin, nommé président de France Télévisions par décret du président de la République du 22 juillet 2010, et de Mme Marie-Christine Saragosse, nommée présidente de l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF) par décret du président de la République du 5 octobre 2012.

Toutefois, avant de proposer la nomination à ce dernier poste de la directrice générale de TV5 Monde, le président de la République, M. François Hollande, a demandé au CSA, le 31 juillet 2012, de l’éclairer sur le choix de la personnalité qu’il estimait la plus apte à occuper cette fonction et a suivi l’avis du Conseil lequel, réuni en assemblée plénière le 6 septembre 2012, a considéré que Mme Marie-Christine Saragosse paraissait particulièrement apte à exercer la présidence de la société publique.

B. … AU RETOUR À LA NOMINATION PAR UNE AUTORITÉ INDÉPENDANTE DE RÉGULATION, LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’AUDIOVISUEL (CSA)

Si le Conseil constitutionnel s’est prononcé en faveur de la conformité à la Constitution de la nomination des présidents des sociétés publiques audiovisuelles et de radiodiffusion par décret du président de la République, il n’en demeure pas moins, comme le souligne à juste titre l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi organique, qu’« en confiant le pouvoir de nomination des présidents des sociétés nationales de programme au président de la République et en dépit des garanties entourant cette nomination, la loi du 5 mars 2009 a eu pour effet de faire peser, sur ces dirigeants d’entreprise, une présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif » (12).

Le projet de loi organique, dont votre Commission est aujourd’hui saisie, ainsi que le projet de loi ordinaire, renvoyé au fond à la commission des Affaires culturelles, visent à mettre fin à cette présomption, en renforçant les garanties d’indépendance, de transparence et d’objectivité dans la procédure de nomination des présidents des sociétés nationales de programme.

Dans cette perspective, l’article 5 du projet de loi ordinaire réécrit intégralement l’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986, pour prévoir que « les présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France sont nommés pour cinq ans par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la majorité des membres qui le composent ».

La présente réforme permet ainsi de restituer au CSA l’une de ses compétences historiques – compétence qu’il a détenue sans discontinuité entre 1982 et 2009 –, à savoir la nomination et la révocation, à la majorité de ses membres, des présidents des sociétés nationales de programme.

En revenant sur la nomination de ces dirigeants par le pouvoir exécutif et en confiant cette désignation au CSA, le Gouvernement et le législateur entendent renforcer l’indépendance des sociétés publiques de l’audiovisuel et de la radiodiffusion, dans le respect des exigences constitutionnelles.

En effet, de l’aveu de tous, la désignation des présidents des sociétés nationales de programme est une question fondamentale, dans la mesure où l’indépendance de ces sociétés est l’une des garanties essentielles de la liberté de communication, proclamée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (13).

Dans une décision du 27 juillet 2000 (14), le Conseil constitutionnel a ainsi estimé « qu’assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision » revient à « concourir (…) à la mise en œuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 ».

L’existence d’un service public de l’audiovisuel indépendant constitue donc bien une exigence constitutionnelle. Dans cette perspective, le Conseil constitutionnel a reconnu que la procédure de nomination des dirigeants des sociétés nationales de programme devait garantir l’indépendance de ces dernières.

Dans sa décision du 29 juillet 1989 (15), le Conseil a ainsi précisé qu’« afin d’assurer l’indépendance des sociétés nationales de programme chargées de la conception et de la programmation d’émissions de radiodiffusion sonore ou de télévision et de concourir ainsi à la mise en oeuvre de la liberté de communication proclamée par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 dispose que les présidents de ces sociétés sont nommés, pour une durée de trois ans, par une autorité administrative indépendante ».

Dans ces conditions, la nomination des présidents des sociétés nationales de programme par une autorité administrative indépendante – en l’occurrence le CSA – contribuera, comme elle l’a fait par le passé, à lever tout soupçon de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif et ainsi à garantir concrètement, dans le respect des exigences constitutionnelles précitées, l’indépendance des sociétés audiovisuelles et de radiodiffusion publiques.

Tirant les conséquences de ce nouveau mode de nomination, auquel ne peut que souscrire votre rapporteure, le présent projet de loi organique abroge, à son article 1er, la loi organique précitée du 5 mars 2009 et supprime, à son article 2, les références aux présidents de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France dans le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Cependant, comme l’indique l’étude d’impact qui accompagne le présent projet de loi, « l’un des aspects positifs de la réforme de la procédure de nomination issue de la loi organique du 5 mars 2009 précitée a été de permettre aux assemblées parlementaires de rendre un avis sur le projet stratégique des candidats à la présidence des sociétés de l’audiovisuel public » (16).

Afin de conserver le principe d’une association du Parlement et de porter à sa connaissance le projet de la personne nommée, l’article 5 du projet de loi ordinaire prévoit que les présidents nouvellement désignés transmettront au président de chaque assemblée parlementaire et aux commissions permanentes compétentes (17) un rapport d’orientation, dans un délai de deux mois après le début de leur mandat. Les parlementaires conserveront en outre la possibilité, s’ils le souhaitent, d’auditionner, sur la base de ce rapport, les présidents après leur nomination.

Dans le respect de la séparation des pouvoirs, cette procédure permettra de porter à la connaissance du Parlement le projet stratégique du président d’une société nationale de programme nouvellement désigné.

Ainsi, votre rapporteure se félicite que ce renforcement de l’indépendance du secteur de l’audiovisuel public aille de pair avec une association accrue du Parlement dans la mise en œuvre et la protection de la liberté de communication.

CONTRIBUTION DE M. DIDIER QUENTIN, CO-RAPPORTEUR SUR LA MISE EN APPLICATION DE LA LOI ORGANIQUE
qui serait issue de l’adoption définitive du projet de loi organique
(nommé en application de l’article 145-7 du Règlement)

Mes cher(e)s collègues,

Le gouvernement nous propose, une fois de plus, de revenir sur une mesure emblématique du quinquennat précédent.

Ce projet de loi organique, doublé d’un projet de loi ordinaire, arrive en effet, soit trop tôt, soit trop tard.

Trop tard, si l’on songe que cette loi a minima arrive après plus d’un an d’exercice aux responsabilités. Cela fait beaucoup de temps de réflexion pour une petite loi de suppression.

Ou bien trop tôt, si l’on songe que la ministre de la Culture et de la communication nous promet une grande loi sur l’audiovisuel en 2014. Pourquoi ne pas avoir attendu un an de plus ? Le gouvernement semble être en réalité pressé par la perspective de la fin de mandat de M. Jean-Luc Hees en mai 2014 à la tête de Radio France.

Sur le fond, si l’on nous promet une totale indépendance de l’audiovisuel public, comme l’indique le titre du projet de loi organique, il s’agit en réalité d’une illusion, pire d’une mystification ou d’une hypocrisie, certes hommage du vice à la vertu !

En effet, dans le projet de loi ordinaire accompagnant ce projet de loi organique, le Gouvernement nous propose de confier la nomination des présidents de sociétés nationales de programme au collège du CSA.

Or, le président du CSA restera nommé par le président de la République. On peut alors légitimement douter que sa première préoccupation sera de déplaire à celui qui le nomme. Les membres du collège, réduits de 8 à 6 hors présidence, resteront nommés par les présidents des assemblées, mais après un vote conforme aux trois cinquièmes des commissions des Affaires culturelles.

Dans la pratique, ce projet de loi ne déconnecte en rien l’instance qui nomme les présidents des chaînes de l’audiovisuel public du pouvoir politique. La majorité qui veut à tout prix éliminer « le doute » et la « suspicion » qui pèsent sur les présidents des sociétés nationales de programme ne se donne absolument pas les moyens de lutter contre une éventuelle présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif.

En outre, revenir à un mode de nomination confié au CSA n’était pas une évidence, tant il est vrai que pouvoir de nomination et pouvoir de régulation dans un même secteur ne font pas forcément bon ménage. C’est comme si le président de l’ARCEP nommait le PDG d’Orange ! Ce n’est pas parce que le CSA avait ce pouvoir de nomination avant 2009 qu’il était logique d’y revenir, bien au contraire.

Quitte à détricoter les symboles du quinquennat précédent, soyez innovants ! Inspirez-vous de ce qu’il se passe chez nos voisins européens, en Allemagne par exemple, où le président de la ZDF est nommé par un collège indépendant composé de 77 personnalités qualifiées, non rémunérées.

Le mode de nomination actuel avait au moins le mérite de la transparence et de la franchise. Le président de la République assume ses actes et ses actes sont contrôlés par le CSA et le Parlement. En réalité, le Gouvernement et sa majorité ne nous proposent pas plus d’indépendance, mais moins de transparence.

Outre que ce texte ne remplit pas ses promesses, il dessaisit le Parlement de son droit de véto. En effet, si les présidents de Radio France, France Télévisions et de France Medias Monde (ex-AEF) ne sont plus nommés suivant la procédure de l’article 13, logiquement, le Parlement n’a plus le pouvoir de s’opposer aux trois cinquièmes à leur nomination. Or, si la réforme de 2009 était controversée, l’association du Parlement a été reconnue unanimement comme une belle avancée.

Le fait de compenser cette régression par une plus grande implication du Parlement dans la nomination des membres du CSA n’enlève rien au fait que les commissaires aux Affaires culturelles n’ont plus leur mot à dire dans la nomination des présidents de l’audiovisuel public. En conclusion, l’émancipation est illusoire, et le poids tuteur restera très prégnant.

DISCUSSION GÉNÉRALE

Au cours de sa séance du mercredi 17 juillet 2013, la Commission examine, en première lecture, le projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public (n° 1113).

Après l’exposé de la rapporteure, une discussion générale s’engage.

M. Jacques Bompard. Notre débat de ce matin est symptomatique : lorsqu’on légifère sur la liberté, c’est que la liberté n’est plus ! Et ce n’est pas la loi qui rétablira la liberté ; c’est l’exemplarité, à commencer par celle du Gouvernement et du chef de l’État. Or, le traitement réservé aux « veilleurs » me paraît particulièrement inquiétant à cet égard : je suis allé les saluer hier en début d’après-midi, accompagné de mon attaché parlementaire et j’ai appris dans la soirée par téléphone que ce dernier avait été arrêté par la police sous prétexte qu’il manifestait alors qu’il se rendait au bar du coin ! Il a donc fallu que j’intervienne pour le faire relâcher. La dérive à consonance totalitaire à laquelle nous assistons actuellement me paraît tout à fait regrettable et ce n’est pas en légiférant que l’on y changera quelque chose.

Quant à l’indépendance de l’audiovisuel public proprement dite, elle passe avant tout par le choix des journalistes qui sont à 95 % favorables à la gauche selon les sondages réalisés dans les écoles de journalisme ! Par conséquent, s’il convient de rétablir de la démocratie et de la liberté partout, ce n’est hélas pas ce texte qui changera quoi que ce soit à notre situation générale.

M. Patrice Verchère. L’indépendance renvoie à la qualité d’un pouvoir n’étant soumis à aucun autre, libre de toute sujétion. Une telle définition fait apparaître un décalage total entre les allégations du Gouvernement, qui se fait le libérateur des médias publics, et la réalité du texte de ce projet de loi organique qui ne consacre qu’une simple illusion. L’article 13 de la Constitution confie en effet au président de la République le soin de nommer ceux dont la fonction est essentielle à la garantie des droits et des libertés ou à la vie économique et sociale de la nation. Ainsi le système dont vous dénoncez l’arbitraire repose pleinement sur un fondement constitutionnel. Plus encore, ce pouvoir de nomination est encadré dans la mesure où le CSA participe à la prise de décision, tout comme les commissions parlementaires compétentes qui rendent un avis et conservent un droit de veto.

Dès lors, en quoi le transfert de ce pouvoir de nomination au CSA, dont les membres sont nommés par le pouvoir politique, romprait-il le lien entre médias publics et pouvoir politique ? Comment le CSA pourrait-il nommer des responsables dont l’État – qui exerce la tutelle sur ce secteur – ne veut pas ? Admettez que la nomination par le président de la République a le mérite de la clarté. La suppression d’un système direct et efficace au profit de modalités opaques, pour ne pas dire hypocrites, ne peut que renforcer le manque de légitimité du CSA. Reconnaissez donc qu’à l’heure où la transparence est à la mode, ce système tend à brouiller les pistes dans la mesure où les présidents des chaînes nationales sont nommés par le collège du CSA dont le président est lui-même nommé par le président de la République ! N’est-ce pas, dans l’esprit, tout changer pour que rien ne change ?

Enfin, quant à la nomination des présidents des chaînes nationales par l’organe de contrôle des médias, le Gouvernement envisagerait-il dans les prochains mois de modifier dans le même sens certaines procédures de nomination ? Ainsi l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) nommerait-elle le président d’Orange, l’Autorité des marchés financiers (AMF), le directeur de la Banque de France, et la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le président d’EDF. Ne serait-il pas plus raisonnable et plus ambitieux d’opter en faveur de la proposition de notre collègue Franck Riester tendant à créer un Haut Conseil de l’audiovisuel public doté de la personnalité morale ? Une telle solution permettrait à cette autorité de se concentrer pleinement sur sa mission et ce, indépendamment de toute considération partisane.

M. Gilbert Collard. Je ne crois pas qu’un texte puisse décréter l’indépendance d’esprit des hommes : celle-ci est une affaire de vertu personnelle. Et si nous nous apprêtons à examiner un texte de nature à « renforcer l’indépendance de l’audiovisuel », cela signifie qu’à ce jour, d’indépendance il n’y a pas. On peut s’interroger à cet égard sur la fameuse affaire du « mur des cons » et du journaliste qui a été poursuivi sous la pression de syndicats alors qu’il avait fait son métier ! Comment réussir à obtenir le « pluralisme des courants de pensée et d’opinion » mentionné dans ce projet de loi ? À la place où je me trouve, je n’ai guère l’impression qu’un tel pluralisme existe. Nous avons en tout cas un mal fou à nous faire entendre tant domine une opinion conformiste, relevant totalement de la « langue de bois » et faisant le cercueil des démocraties ! On pourra bien adopter tous les textes que l’on voudra, tant que les journalistes auront peur de s’afficher avec des opinions qui ne sont pas dominantes, nous ne serons pas dans une démocratie moderne. Et nous le paierons cher un jour !

Freud écrivait à Stefan Zweig : « Ce qui m’inquiète le plus, c’est l’hypocrisie qui règne à Vienne. ». Quelle hypocrisie dans ce pays ! On se paie de mots, on vote des lois, mais la réalité dément constamment les espérances qu’on veut faire vivre dans ces lois ! Car qui peut affirmer aujourd’hui qu’il existe un pluralisme des opinions ? Lorsque je participe à certaines émissions, j’ai plutôt l’impression de me trouver dans un « western » face à M. Laurent Ruquier armé d’une Winchester – encore qu’à mon avis, il ne sache pas se servir d’une arme, et tant mieux d’ailleurs !

Changer le mode de désignation des présidents des chaînes publiques est une bonne chose, mais cela ne suffit pas. Le pluralisme n’existe pas. Et lorsque l’on n’appartient pas à la majorité, et que l’on est un peu frontalier ou contrebandier, il faut se battre pour faire entendre ses idées.

Mme la rapporteure. Ce texte vise à dépolitiser la désignation des présidents des sociétés publiques audiovisuelles et de radiodiffusion.

Vous semblez considérer que puisqu’il y a un chef et un peuple, nul n’est besoin d’une société intermédiaire entre les deux. Or, nous essayons justement au contraire d’assumer le fait que la démocratie est un construit social – s’étant établi au fil des siècles et des textes, et étant constitué de différents corps et systèmes, situés à différentes échelles – et donc de construire des systèmes intermédiaires. En introduisant dans les textes le concept d’indépendance, nous permettons à la société d’avancer pas à pas pour se doter des outils de sa propre légitimité, et ainsi de faire évoluer un système autocratique mettant en relation un chef et un peuple qui ne peut qu’être soumis aux rebelles. Nous considérons en effet que la flibuste peut progressivement s’organiser et devenir armée du roi.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi organique.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

(loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents
des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge
de l’audiovisuel extérieur de la France)


Abrogation de la nomination par décret du président de la République
des présidents des sociétés nationales de programme

Le présent article entend mettre fin à la nomination des présidents des sociétés nationales de programme, par décret du président de la République, pris après avis conforme du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et après avis public des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.

À cette fin, il abroge la loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France (18).

Cette loi organique est aujourd’hui composée d’un article unique, lequel dispose que « la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est prononcée conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution », c’est-à-dire après avis de la commission permanente compétente de chaque assemblée.

Cet article unique prévoit également que « dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée », la nomination ne pouvant toutefois intervenir qu’après la publication au Journal officiel de l’avis des commissions parlementaires.

*

* *

La Commission examine l’amendement CL 1 de M. Didier Quentin.

M. Didier Quentin. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er par lequel le Gouvernement nous propose, une fois de plus, de revenir sur une mesure du quinquennat précédent. Ce projet de loi organique, doublé d’un projet de loi ordinaire, arrive en effet soit trop tôt, soit trop tard. Trop tard puisqu’il nous est présenté plus d’un an après l’arrivée au pouvoir de la nouvelle majorité – soit un laps de temps de réflexion bien trop long pour une aussi petite loi de suppression. Ou bien trop tôt, au contraire, si l’on songe que la ministre de la Culture et de la communication nous promet une grande loi sur l’audiovisuel public en 2014 : dans de telles conditions, pourquoi ne pas avoir attendu un an supplémentaire pour proposer le présent texte ? Le Gouvernement semble en fait pressé par la perspective de la fin du mandat de M. Jean-Luc Hees en mai 2014 à la tête de Radio France.

Sur le fond, si l’on nous promet une totale indépendance de l’audiovisuel public, comme l’indique d’ailleurs le titre même du projet de loi organique, il s’agit en réalité d’une illusion, ou pis, d’une mystification – et à tout le moins, d’une hypocrisie. Certes, on sait depuis La Rochefoucauld que celle-ci est un hommage du vice à la vertu, mais il y a tromperie sur la marchandise ! En effet, dans le projet de loi ordinaire accompagnant ce projet de loi organique, le Gouvernement propose de confier la nomination des présidents de sociétés nationales de programme au collège du CSA, dont le président restera nommé par le président de la République. Or, on peut douter que le président du CSA veuille absolument déplaire à celui qui l’aura nommé. Quant aux membres de ce collège, ils voient leur nombre réduit de huit à six, hors présidence, et resteront nommés par les présidents des deux assemblées, après un vote conforme aux trois cinquièmes des commissions des Affaires culturelles.

Ainsi, contrairement à ce qu’a affirmé Mme la rapporteure, ce projet de loi organique ne déconnecte en rien l’instance chargée de nommer les présidents des chaînes de l’audiovisuel public du pouvoir politique. On prétend vouloir effacer le doute et la suspicion qui pèsent sur les présidents des sociétés nationales de programme, mais on ne se donne absolument pas les moyens de lutter contre une éventuelle présomption de dépendance à l’égard du pouvoir exécutif.

En outre, revenir à un mode de nomination par le CSA n’était pas une évidence, tant il est vrai que pouvoir de nomination et pouvoir de régulation dans un même secteur ne font pas forcément bon ménage : c’est comme si le président de l’ARCEP nommait le président-directeur général d’Orange ! Et ce n’est pas parce que le CSA disposait de ce pouvoir de nomination avant 2009 qu’il était logique d’y revenir – bien au contraire. Quitte à détricoter les symboles du quinquennat précédent, vous auriez pu être plus innovants et vous inspirer de ce que font nos voisins européens : en Allemagne, par exemple, le président de la ZDF est nommé par un collège indépendant composé de soixante-dix-sept personnalités qualifiées – non rémunérées.

Le mode de nomination actuel a au moins le mérite de la transparence et de la franchise : le président de la République assume ses actes qui sont contrôlés par le CSA et le Parlement. Ce n’est pas davantage d’indépendance que vous nous proposez ; c’est moins de transparence.

Outre que le projet de loi ne tient pas ses promesses, il dessaisit de surcroît le Parlement de son droit de veto. En effet, si les présidents de Radio France, de France Télévisions et de la société de l’audiovisuel extérieur de la France cessent d’être nommés selon la procédure définie à l’article 13 de la Constitution, le Parlement n’aura plus le pouvoir de s’opposer, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des commissions permanentes compétentes, à leur nomination. Or, l’un des aspects positifs de la réforme de 2009 – dont je reconnais qu’elle avait été controversée – résidait dans le fait qu’elle prévoyait l’association du Parlement à la nomination de ces présidents, point alors unanimement reconnu comme une avancée. Le fait de compenser cette régression par une plus grande implication du Parlement dans la nomination des membres du CSA n’enlève rien au fait que les commissions des Affaires culturelles des deux assemblées n’auront plus leur mot à dire dans la nomination des présidents de l’audiovisuel public. Ainsi, ce que vous qualifiez d’émancipation sera pour le moins illusoire et le poids du tuteur restera très prégnant.

C’est pourquoi nous proposons, dans un premier temps, la suppression de l’article 1er.

Mme la rapporteure. Vous omettez le fait que le CSA sera composé de membres nommés par le président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat. De fait, le Parlement sera donc associé à ces nominations.

Le projet de loi ordinaire prévoit en outre que les présidents des sociétés nouvellement désignés devront, dans un délai de deux mois après le début de leur mandat, présenter leur projet stratégique d’orientation au Parlement en toute transparence. C’est donc sur la base de l’indépendance et de l’explicitation que nous nous efforçons de sortir de ce caporalisme entre un chef et son peuple. Nous ne sommes pas dans un travail de censure, ni préalable ni postérieure !

Avis défavorable à cet amendement.

M. Didier Quentin. Cette transparence me semble bien opaque. Quant au paquet, il est entouré de fil rose…

La Commission rejette l’amendement CL 1.

Elle adopte ensuite l’article 1er sans modification.

Article 2

(tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010)


Abrogation de l’avis public des commissions parlementaires
sur la nomination des présidents des sociétés nationales de programme

Le présent article tire les conséquences de la fin de la nomination des présidents des sociétés nationales de programme, par décret du président de la République, pris après avis public des commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.

À cette fin, il modifie le tableau annexé à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution (19), afin de supprimer les mentions qui y incluaient :

—  le président de France Télévisions ;

—  le président de Radio France ;

—  le président de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

En conséquence, les nominations à ces trois fonctions n’entreront plus dans le champ du dispositif introduit, par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

*

* *

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la Commission rejette l’amendement CL 2 de M. Didier Quentin.

Elle adopte ensuite l’article 2 sans modification.

Puis la Commission adopte l’ensemble du projet de loi organique sans modification.

*

* *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public (n° 1277) dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

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Dispositions en vigueur

___

Texte du projet de loi

___

Texte adopté par la Commission

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Projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public

Projet de loi organique relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public

Loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Article 1er

Article 1er

Article unique. – La nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est prononcée conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Dans chaque assemblée parlementaire, la commission permanente compétente se prononce après avoir entendu publiquement la personnalité dont la nomination lui est proposée. La nomination intervient après la publication au Journal officiel de l’avis des commissions parlementaires.

La loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France est abrogée.

(Sans modification)

La présente loi sera exécutée comme loi de l’Etat.

   

Loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution

Article 2

Article 2

Annexe. – 

Institution, organisme, établissement ou entreprise : emploi ou fonction

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

France télévision : président

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Radio France : président

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France : président

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les mentions de France Télévisions, Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France figurant en annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution sont supprimées.

(Sans modification)

ANNEXE : NOMINATIONS CONCERNÉES PAR LES AVIS PUBLICS DES COMMISSIONS PARLEMENTAIRES EN APPLICATION DE L’ARTICLE 13 DE LA CONSTITUTION

Institution, organisme, établissement ou entreprise

Emploi ou fonction

Aéroports de Paris

Président-directeur général

Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur

Président du conseil

Agence de financement des infrastructures de transport de France

Président du conseil d’administration

Agence française de développement

Directeur général

Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie

Président du conseil d’administration

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs

Directeur général

Agence nationale pour la rénovation urbaine

Directeur général

Autorité de la concurrence

Président

Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires

Président

Autorité des marchés financiers

Président

Autorité des normes comptables

Président

Autorité de régulation des activités ferroviaires

Président

Autorité de régulation des communications électroniques et des postes

Président

Autorité de sûreté nucléaire

Président

Banque de France

Gouverneur

Caisse des dépôts et consignations

Directeur général

Centre national d’études spatiales

Président du conseil d’administration

Centre national de la recherche scientifique

Président

Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé

Président

Commissariat à l’énergie atomique

Administrateur général

Commission de régulation de l’énergie

Président du collège

Commission de la sécurité des consommateurs

Président

Commission de la sécurité des consommateurs

Président

Commission nationale du débat public

Président

Commission prévue au dernier alinéa de l’article 25 de la Constitution

Président

Compagnie nationale du Rhône

Président du directoire

Conseil supérieur de l’audiovisuel

Président

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Contrôleur général

Électricité de France

Président-directeur général

La Française des jeux

Président-directeur général

France Télévisions

Président

Haut conseil des biotechnologies

Président

Haute Autorité de santé

Président du collège

Institut national de la recherche agronomique

Président

Institut national de la santé et de la recherche médicale

Président

Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

Directeur général

Institution nationale publique mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail (Pôle emploi)

Directeur général

Météo-France

Président-directeur général

Office français de protection des réfugiés et apatrides

Directeur général

Office national des forêts

Directeur général

Société anonyme BPI-Groupe

Directeur général

La Poste

Président du conseil d’administration

Radio France

Président

Régie autonome des transports parisiens

Président-directeur général

Réseau ferré de France

Président du conseil d’administration

Société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France

Président

Société nationale des chemins de fer français

Président du conseil d’administration

Voies navigables de France

Président du conseil d’administration

Source : annexe à la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

© Assemblée nationale

1 () Projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, n° 1114, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2013.

2 () Le 27 juin 2013, la société de l’audiovisuel extérieur de la France est devenue France Médias Monde.

3 () Loi organique n° 2009-257 du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France.

4 () En l’espèce, les commissions des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.

5 () Conseil constitutionnel, décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative à la liberté de communication :

« 11. Considérant que le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur public que dans celui du secteur privé, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractères différents dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information ; qu’en définitive, l’objectif à réaliser est que les auditeurs et les téléspectateurs qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l’article 11 de la Déclaration de 1789 soient à même d’exercer leur libre choix sans que ni les intérêts privés ni les pouvoirs publics puissent y substituer leurs propres décisions, ni qu’on puisse en faire les objets d’un marché ; »

6 () Conseil constitutionnel, décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérant 6.

7 () Cinquième alinéa de la Constitution du 4 octobre 1958 : « Une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés. »

8 () S’y ajoutent les nominations directement prévues dans la Constitution : Conseil constitutionnel (article 56), Conseil supérieur de la magistrature (article 65) et Défenseur des droits (article 71-1).

9 () Article 47-4 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction issue de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

10 () Conseil constitutionnel, décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, considérant 10.

11 () Ibid.

12 () Cf. étude d’impact, p. 15.

13 () Article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »

14 () Conseil constitutionnel, décision n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

15 () Conseil constitutionnel, décision n° 89-259 DC du 26 juillet 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, considérant 6.

16 () Op. cit., p. 16.

17 () Il s’agit des commissions des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.

18 () Devenue le 27 juin 2013 la société France Médias Monde.

19 () Ce tableau figure en annexe du présent rapport.