Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF
Retour vers le dossier législatif
Amendements  sur le projet ou la proposition


N
° 1283

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 17 juillet 2013.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel (n° 1037)

PAR Mme Clotilde VALTER

Députée

——

Voir les numéros : 1037 et 1270.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : DISSUADER LA FERMETURE DE SITES INDUSTRIELS RENTABLES 9

I. UNE VOLONTÉ POLITIQUE AFFIRMÉE 9

II. CONSTRUIRE UN CADRE JURIDIQUE SPÉCIFIQUE 11

A. COMPLÉTER LES DISPOSITIONS EXISTANTES DU CODE DE COMMERCE. 11

B. COMPLÉTER LA LOI DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI 12

III. CONDUIRE À LEUR TERME LES SOLUTIONS DE REPRISE 13

A. TRAITER LES ÉTABLISSEMENTS D’ENTREPRISES DE PLUS DE 1000 SALARIÉS 13

B. ASSOCIER LES SALARIÉS ET RECOURIR AU JUGE DE COMMERCE EN CAS DE CONFLIT 14

1. La phase de recherche de repreneur. 14

2. La phase juridictionnelle 15

C. SE DONNER TOUS LES MOYENS POUR UNE REPRISE PÉRENNE 17

1. Garantir la recherche effective d’un repreneur 17

2. Renforcer le dialogue social en période de difficulté économique. 18

3. Dissuader les fermetures dès lors que l’activité d’un site industriel peut être maintenue 18

DEUXIÈME PARTIE : FAVORISER LES STRATÉGIES DE LONG TERME 21

I. UN DÉFICIT DE RÉGULATION DANGEREUX POUR LES ENTREPRISES ET LES EMPLOIS 21

A. LE POUVOIR ÉCRASANT DES ACTIONNAIRES DE COURT TERME 21

1. La primauté actionnariale au cœur de la régulation des entreprises. 21

2. Les actionnaires de court terme à l’origine de prises de risque excessives 23

a. Les investisseurs institutionnels : sociétés de placement d’actions, compagnies d’assurance et fonds de pension. 23

b. Les actionnaires activistes : les hedge funds ou fonds de capital investissement 24

3. Le versement de dividendes privilégié à l’investissement 24

B. DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES À DES PRISES DE CONTRÔLE MENAÇANT LEUR INTÉRÊT SOCIAL 26

1. Des OPA nocives pour l’emploi et le développement de notre industrie 26

a. OPA hostiles et OPA rampantes 26

b. Pas d’amélioration de la rentabilité des entreprises 27

c. Des dégâts sociaux et industriels manifestes 28

2. Des entreprises françaises peu protégées contre les prises de contrôle hostiles ou rampantes 32

a. Un contexte économique particulièrement favorable aux prédateurs 32

b. Un droit boursier français qui n’exploite pas les marges de manœuvre laissées par le droit communautaire 35

3. Des dispositifs de protection plus performants hors de l’Union européenne 35

a. Aux États-Unis 35

b. Au Japon 36

c. Au Canada 36

II. VERS UN MODÈLE DE GOUVERNANCE « À LA FRANÇAISE » QUI PROTÈGE RÉELLEMENT L'ENTREPRISE 37

A. UN DIAGNOSTIC ET DES PROPOSITIONS CONVERGENTES 37

B. TROIS MESURES IMMÉDIATES 39

1. Généraliser le droit de vote double au bout de deux ans pour favoriser l’actionnariat de long terme 39

2. Modifier le seuil de déclenchement obligatoire des OPA et abandonner le principe de neutralité des organes de direction pour lutter contre les prises de participation hostiles ou rampantes 39

3. Renforcer le poids de l’intérêt social de l’entreprise 40

C. UN PROCESSUS À POURSUIVRE POUR PROTÉGER LES ENTREPRISES 40

1. Le cas particulier des instruments de contrôle des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques 40

a. L’Union européenne de plus en plus ouverte aux prises de participations étrangères 40

b. Un contexte international de contrôle renforcé des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques. 42

2. Un combat pour protéger les entreprises françaises 45

TRAVAUX DE LA COMMISSION 47

I. DISCUSSION GÉNÉRALE 47

II. EXAMEN DES ARTICLES 61

TITRE IER : OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT 61

Article 1er (articles L. 613-1 à L. 616-2 [nouveaux] du code de commerce) : Création d’une nouvelle procédure visant à prévenir la fermeture des sites industriels rentables. 61

Article additionnel après l’article 1er (article 1er bis [nouveau]) : Abrogation de l’article L. 1233-90-1 du code du travail 104

Article 2 : Affectation de la pénalité 105

TITRE II : MESURE EN FAVEUR DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ PAR LES SALARIÉS 106

Article 3 (article L. 631-13 du code de commerce) : Obligation d’information des salariés lors de la procédure de redressement judiciaire de la possibilité de soumettre une offre de reprise 106

TITRE III : MESURES EN FAVEUR DE L’ACTIONNARIAT DE LONG TERME 107

Article 4 (article L. 433-3 du code monétaire et financier) : Abaissement du seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA de 30 à 25 % 107

Article additionnel après l’article 4 (article 4 bis [nouveau]) (article L. 433-1-2 nouveau du code de commerce) : Introduction d’un seuil de caducité 114

Article additionnel après l’article 4 (article 4 ter [nouveau]) (article L.433-1-2 nouveau du code de commerce) : Renforcement du dispositif anti-« excès de vitesse » 115

Article 5 (article L. 225-123 du code de commerce) : Généralisation des droits de vote double 115

Après l’article 5 121

Article 6 (articles L. 2323-22 et L. 2323-23 du code du travail) : Association des salariés à la procédure d’OPA 122

Article additionnel après l’article 6 (article 7 [nouveau]) (article L. 225-197-1 du code de commerce) : Hausse du seuil d’attribution d’actions gratuites aux salariés 133

Article additionnel après l’article 6 (article 8 [nouveau]) (articles L. 233-32 et L. 233-33 du code de commerce) : Suppression du principe de neutralité des organes de direction lors d’une OPA 134

TITRE IV : MESURES EN FAVEUR DU MAINTIEN DES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES SUR LES SITES QU’ELLES OCCUPENT (division et intitulé nouveaux) 137

Article additionnel après l’article 6 (article 9 [nouveau]) (articles L. 111-3, 123-1-3, 123-2 et 123-13 du code de l’urbanisme) : Maintien des zones à destination industrielle 137

Titre 138

TABLEAU COMPARATIF 139

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 165

La liste des amendements examinés par la commission est disponible sur le site internet de l'Assemblée nationale  (1).

Mesdames, Messieurs,

Fruit d'un long travail parlementaire, engagé en février 2012 par François Hollande et Jean-Marc Ayrault, alors députés, et repris ensuite par François Brottes, Président de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, la présente proposition de loi s'inscrit dans la volonté exprimée par le Président de la République de redressement de notre économie, et plus particulièrement de notre industrie, qui s'est traduite dans l'action du Gouvernement depuis un an.

Ce texte a une portée symbolique extrêmement forte : parce que nombre de nos territoires ont subi des fermetures de sites qui ont été de véritables traumatismes à la fois pour les salariés, les habitants et les élus concernés, à la mesure des 750 000 emplois industriels perdus en dix ans dans notre pays, et parce que la financiarisation de notre économie met en danger nos entreprises, nos salariés, nos territoires et nos filières industrielles.

Il était de notre devoir de réagir à la fois parce que l’État doit être le protecteur des entreprises et des salariés mais aussi et surtout parce que la crise extrêmement profonde que nous traversons depuis 2008 est celle d'un système économique qui après des années de déréglementation et de financiarisation est entré dans une phase de destruction de l'économie réelle, destruction de notre outil industriel, destruction de nos entreprises et de nos emplois. C'est le résultat d'une logique trop exclusivement financière qui conduit à favoriser les intérêts financiers de très court terme et à sacrifier les stratégies de long terme de développement des entreprises et des filières industrielles, de recherche et d'innovation.

Reconquérir l'économie réelle, revenir au primat de l'activité économique notamment industrielle et remettre la finance au service de l'économie, c'est la volonté du Président de la République exprimée de longue date, tout au long de la campagne et depuis son élection. C'est aussi le sens de l'action du Premier ministre qui met en œuvre les réformes structurelles nécessaires :

– pour mettre la finance au service de l'économie avec la loi bancaire qui sépare les activités spéculatives de celles consacrées au financement de l'économie, la création de la BPI au service du développement de nos entreprises notamment des PME et des ETI mais aussi à l'échelon européen avec la construction de l'Union bancaire et la taxe sur les transactions financières ;

– en redonnant au dialogue social toute sa place dans les réformes mais aussi au sein des entreprises avec la loi de sécurisation de l'emploi, qui fait entrer les salariés avec voix délibérative au conseil d'administration des grandes entreprises, qui crée un dialogue annuel avec les représentants des salariés sur les stratégies de l'entreprise et soumet à la négociation des choix stratégiques importants comme la formation professionnelle et les plans de sauvegarde de l'emploi.

Avec cette proposition de loi, il s'agit, de marquer notre volonté d'ouvrir une nouvelle phase pour notre économie, celle du redressement et de la reconquête de l’économie réelle pour à la fois :

– refuser la fatalité des fermetures de sites et marquer notre volonté de reconquête industrielle en favorisant à chaque fois que possible la reprise de sites rentables pour préserver l'activité économique, l'emploi, les savoir-faire et nos territoires ;

– construire un nouveau modèle de gouvernance qui protège les entreprises et les salariés et qui permette de stabiliser leur actionnariat dans la durée au bénéfice de leur intérêt social et de leur stratégie de long terme en les préservant des opérations purement financières. Trois mesures sont proposées à cet effet : la généralisation du droit de vote double, l'abaissement du seuil de déclenchement des OPA et la consultation du comité d'entreprise à l'occasion de ces OPA.

Ce texte constitue une première étape et nous souhaitons qu'il y en ait d'autres. En effet, reconquérir l'économie réelle, c'est bien sûr assurer le primat de l'activité économique sur la finance mais c'est surtout, très concrètement, doter notre pays et l'Union Européenne des dispositifs de protection indispensables pour mieux protéger nos entreprises et nos filières industrielles des prises de contrôle étrangères et des effets dévastateurs du capitalisme financier, à l'instar de nos concurrents d'Amérique du Nord et d'Asie.

Cette proposition de loi a été déposée le 15 mai 2013 par les groupes SRC, Écologiste et RRDP suite à un travail collectif animé par François Brottes. En application de l’article 39 de la Constitution, elle a été soumise à l’examen du Conseil d'État, saisi par le Président de l'Assemblée nationale. Ce fut l'occasion d'un travail très fructueux entre le Conseil d'État, le Président de la Commission des affaires économiques et votre rapporteure, lors des séances de section et d’assemblée générale. Afin d’assurer la meilleure information de l’ensemble des députés souhaitant travailler sur le texte, les Présidents de l’Assemblée nationale et de la Commission des affaires économiques ont décidé que l’avis du Conseil d’État (2) serait mis à la disposition des commissaires préalablement à l’examen du texte en commission.

PREMIÈRE PARTIE DISSUADER LA FERMETURE DE SITES INDUSTRIELS RENTABLES

I. UNE VOLONTÉ POLITIQUE AFFIRMÉE

Le premier volet de la proposition de loi concrétise les intentions exprimées à plusieurs reprises par la majorité et les partenaires sociaux d’encadrer les pratiques de certaines entreprises qui préfèrent la fermeture d’un site rentable à sa survie dans le giron d’une entreprise concurrente.

Dans le contexte de la campagne présidentielle, et alors que l’actualité des fermetures de sites industriels était déjà forte, François Hollande dépose, le 28 février 2012, une proposition de loi (3) permettant de contraindre une entreprise qui souhaiterait fermer un site à le céder à toute entreprise qui ferait une offre de reprise pertinente. Cette proposition de loi n’est pas discutée en tant que telle, mais sous forme d’un amendement déposé dans le cadre du débat parlementaire sur la loi n° 2012-346 du 12 mars 2012 relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l’objet (4). Cet amendement, présenté en séance, est rejeté.

La proposition de loi est ensuite reprise dans l’engagement n° 35 de François Hollande candidat à l’élection présidentielle :

« Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, et nous donnerons aux ouvriers et aux employés qui en sont victimes la possibilité de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise. »

Le sujet est remis sur le métier après l’élection présidentielle, dès la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012. La feuille de route consécutive à cette conférence précise que la négociation sur la sécurisation de l’emploi comprendra un « volet relatif à l’accompagnement des mutations économiques », avec notamment comme objectif « d’encadrer les licenciements manifestement abusifs et les obligations liées à des projets de fermeture de sites rentables ». Le document d’orientation, envoyé par Michel Sapin, ministre du travail, aux partenaires sociaux le 7 septembre 2012, dans le cadre de l’article L. 1 du code du travail, prévoit que la négociation permette « d’apporter une réponse aux situations dans lesquelles une entreprise qui envisage de fermer un site refuserait de considérer favorablement l’offre valable d’un repreneur assurant la pérennité de tout ou partie des emplois. Sur ce point, le Gouvernement entend proposer une modification de la loi et, à défaut d’une intégration dans leur accord, les partenaires sociaux sont invités à faire connaître leur(s) position(s) et proposition(s), en particulier concernant l’articulation avec le reste de la procédure de licenciement économique ».

Fin septembre 2012, au cœur du conflit avec la direction du groupe ArcelorMittal sur le devenir du site de Florange, le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg annonce que la proposition de loi obligeant une entreprise à céder un site qu’elle entend fermer, en cas d’existence d’un repreneur, sera prochainement discutée à l’Assemblée nationale sous la forme d’un projet de loi. Comme celui-ci n’est pas présenté en Conseil des ministres, les partenaires sociaux souhaitent conserver ce thème dans la négociation en cours sur la sécurisation de l’emploi. L’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 traite en partie le sujet en prévoyant dans son article 12 (point 6) un renforcement de l’information du comité d’entreprise sur les offres de reprise :

« Lorsque l’entreprise envisage, indépendamment de tout projet de cession, sa fermeture, celle d’un établissement, d’un site ou d’une filiale, il convient d’envisager la recherche de repreneurs dès l’annonce du projet de fermeture.

Le comité d’entreprise est informé et consulté sur cette recherche. Il peut se faire assister par un expert-comptable de son choix pour analyser le processus de reprise, sa méthodologie et son ciblage, pour apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et pour analyser les projets de reprise.

Lorsqu’un repreneur potentiel formalise son intention de reprise, le comité d’entreprise en est informé, dans le respect de son obligation de discrétion, par le cédant. Il peut émettre un avis sur l’offre de reprise après examen de celle-ci par l’expert qu’il a désigné le cas échéant. »

Ces dispositions sont transposées dans le code du travail par l’article 14 du projet de loi de sécurisation de l’emploi devenu, après le débat parlementaire, l’article 19 de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi. Toutefois, dès le 11 février 2013, sur la base du constat que le résultat de l’ANI était sur ce point en deçà des exigences posées par le document d’orientation, le Président de la République confirme qu’une loi sur la reprise des sites rentables sera examinée par le Parlement avant l’été. C’est dans ce cadre qu’a été présentée le 30 avril, à la veille du 1er mai, la présente proposition de loi.

II. CONSTRUIRE UN CADRE JURIDIQUE SPÉCIFIQUE

A. COMPLÉTER LES DISPOSITIONS EXISTANTES DU CODE DE COMMERCE.

Si l’on excepte les dispositions de la loi de sécurisation de l’emploi, dont on a vu qu’elles constituaient l’une des étapes ayant inspiré la présente proposition de loi, l’objectif de rechercher un repreneur pour maintenir les emplois est loin d’être inconnu du droit français s’agissant des entreprises en procédure collective. Il paraît même, comme le rappelle Philippe Roussel Galle (5), « assez classique pour les faillitistes. En effet, si le plan de continuation est l’issue souhaitée d’une procédure collective, la sauvegarde de l’activité peut se traduire par un plan de cession totale ou partielle, qui peut intervenir en redressement judiciaire ou sous certaines conditions et indirectement en sauvegarde, mais aussi depuis la loi de 2005 en liquidation judiciaire. L’objectif est alors de sauvegarder toute ou partie de l’activité par la recherche d’un repreneur » (6). Dans le même article, Stéphane Vernac estime que l’objectif de maintien de l’activité et des emplois « irrigue le droit des entreprises en difficulté. Depuis la loi du 25 janvier 1985, la protection de l’emploi appartient, avec le maintien de l’activité et l’apurement du passif, à la famille des intérêts juridiquement protégés ».

Nombre de dispositions issues de la loi de 1985 étaient en effet tournées vers la protection de l’emploi : obligation faite à l’administrateur judiciaire, dans le projet de plan de redressement, d’exposer et de justifier le niveau et les perspectives d’emploi ainsi que les conditions sociales envisagées pour la poursuite d’activité ; obligation de rappeler ces éléments dans le jugement qui arrête le plan ; objectif assigné à la cession de l’entreprise en redressement judiciaire d’assurer le maintien d’activités autonomes et des emplois qui y sont attachés ; obligation pour le repreneur de préciser dans son offre « le niveau et les perspectives d’emploi justifiés par l’activité considérée » et directive donnée au juge commissaire, en cas de cession d’une unité de production, de choisir l’offre qui lui paraît la plus sérieuse, mais aussi celle « qui permet dans les meilleures conditions d’assurer durablement l’emploi ». Cet objectif de maintien des emplois a été préservé dans les législations ultérieures : objectif affirmé pour le redressement judiciaire (L. 631-1) ; lorsqu’une liquidation judiciaire ne peut être évitée, le nouveau régime de cession totale ou partielle de l’entreprise assigne pour objectif à cette opération liquidative la protection des emplois, en prescrivant à la juridiction de retenir l’offre qui « permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé » (L. 642-5), le repreneur étant tenu, à cette fin, de préciser dans son offre le niveau et les perspectives d’emploi en rapport avec ses prévisions d’activité (L. 642-2). Cet objectif se concilie toutefois avec un régime de licenciement spécifique(7), qui se caractérise, notamment, par l’existence d’une autorisation judiciaire de licencier.

Mais ces procédures sont différentes puisqu’elles interviennent avec un débiteur, autrement dit une personne physique ou morale en état de cessation de paiements ou qui n’est pas en mesure de surmonter ses difficultés. Dans ce cadre, le repreneur est choisi par le tribunal. En matière de droit commercial, il n’existe à ce jour aucune obligation légale pour les entreprises in bonis de rechercher un repreneur, ni a fortiori aucune procédure formalisée en la matière.

L’ensemble de ces éléments explique le choix d'une codification au sein du livre VI du code de commerce – « Des difficultés des entreprises » –, par l’insertion d’un titre Ier bis situé après le titre Ier relatif aux mesures de prévention des difficultés des entreprises – l’existence d’un projet de fermeture d’établissement signifiant que la phase de prévention des difficultés a d’ores et déjà été dépassée –, mais avant le titre II, portant sur la sauvegarde, qui constitue une procédure collective.

B. COMPLÉTER LA LOI DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI

L’articulation entre les dispositions adoptées dans le cadre de la loi de sécurisation de l’emploi, notamment l’article L. 1233-90-1 du code du travail, et la présente proposition de loi, exige un développement particulier.

L’accord national interprofessionnel (ANI) négocié par les partenaires sociaux a énoncé le principe d’une obligation de recherche de repreneur en cas de fermeture d’un établissement et d’une association étroite du comité d’entreprise aux efforts de recherche de repreneur. Mais, étant lié à la matière sociale, et plus particulièrement aux dispositions relatives aux licenciements collectifs, pour lesquelles il apporte des modifications substantielles – au premier rang desquelles la notion de délai préfixe –, il n’a pas épuisé le sujet, dont la nature est fondamentalement économique.

En premier lieu, il ne prévoit pas de dispositif de sanction distinct des mesures d’homologation du PSE. À l’inverse, la proposition de loi propose une logique économique : la menace d’une sanction pécuniaire importante contraint le chef d’entreprise qui veut fermer un établissement à intégrer dans son calcul les obligations qui sont les siennes, pour qu’il mesure s’il lui est plus favorable de fermer l’établissement ou de faire tous les efforts en vue de le céder à un repreneur.

En deuxième lieu, l’ANI fait de la recherche de repreneur l’une des modalités du plan de sauvegarde de l’emploi. L’article L. 1233-90-1 est inséré dans le chapitre intitulé « Licenciement économique », à la section « Accompagnement social et territorial des procédures de licenciement ». Se pose la question de l’utilité d’une telle recherche si elle est menée alors même que la procédure de licenciement a été lancée ! La proposition de loi prend le parti de la dissociation des deux procédures – même si votre rapporteure présentera en commission des amendements destinés à réconcilier leurs délais respectifs, dans un but de sécurité juridique et de respect des délais préfixés. L’objectif poursuivi est d’inscrire la recherche de repreneur en amont du lancement du PSE : il est en effet inimaginable de discuter des modalités de licenciements de salariés alors même qu’il n’a pas été fait la démonstration que les emplois pouvaient être sauvés sur le site !

En dernier lieu, l’article L. 1233-90-1 et la proposition de loi divergent sur certains éléments de procédure, comme le recours à un expert par le comité d’entreprise ou l’accès à l’information.

III. CONDUIRE À LEUR TERME LES SOLUTIONS DE REPRISE

A. TRAITER LES ÉTABLISSEMENTS D’ENTREPRISES DE PLUS DE 1000 SALARIÉS

Dans la très grande majorité d’entre elles, les PME et les ETI, notamment lorsqu’elles sont mono-établissement, n’ont pas les moyens financiers de fermer un site, qui constitue une grande part de leur actif, sans accepter toute offre de repreneur qui se présenterait. C’est pourquoi la proposition de loi s’applique aux entreprises ou groupes de plus de 1 000 salariés. En pratique, seuls ces derniers effectuent des arbitrages conduisant à privilégier la fermeture d’un site rentable pour améliorer leur performance boursière.

En outre, le seuil de 1 000 salariés correspond à celui d’autres obligations légales, parmi lesquelles l’obligation de revitalisation du bassin d’emploi après un licenciement collectif.

L’obligation de revitalisation du bassin d’emploi après un licenciement collectif

Aux termes de l’article L. 1233-84 du code du travail, les entreprises d’au moins 1 000 salariés, lorsqu’elles mettent en œuvre un licenciement collectif affectant, par son ampleur, l’équilibre du bassin d’emploi dans lequel elles sont implantées, doivent contribuer à la création d’activités et au développement des emplois, ainsi qu’atténuer les effets du licenciement sur les autres entreprises du bassin d’emploi. Cette obligation de revitalisation prend la forme d’une convention entre l’entreprise et l’administration, qui détermine les actions de création d’activités et d’emploi envisagées, ainsi que leurs modalités de financement. Dans le cadre de son obligation de revitalisation, l’entreprise doit verser une contribution dont le montant ne peut être inférieur à deux fois la valeur mensuelle du SMIC par emploi supprimé. L’administration peut, toutefois, fixer un montant inférieur, lorsque l’entreprise se trouve dans l’incapacité d’assumer une telle charge financière. En l’absence de convention ou d’accord collectif en tenant lieu, la contribution est doublée et atteint donc 4 fois le SMIC mensuel par emploi supprimé.

Le champ choisi couvre 15 % des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), mais 30 % des suppressions d’emploi dans le cadre de PSE. En effet, sur 1 390 PSE notifiés à l’administration depuis le 1er janvier 2011, 210 ont été élaborés par des entreprises de plus de 1 000 salariés, et ont menacé 43 500 postes sur un total de 143 000.

Les fermetures d’établissements visées par la proposition de loi sont donc en nombre limité, mais ont des conséquences durables pour les salariés et les territoires.

B. ASSOCIER LES SALARIÉS ET RECOURIR AU JUGE DE COMMERCE EN CAS DE CONFLIT

La procédure prévue par les articles 1 et 2 de la proposition de loi peut se décomposer en deux grandes phases :

– une phase de recherche de repreneur, qui repose sur une obligation de moyens imposée à l’entreprise et une association étroite des institutions représentatives du personnel à l’effort de recherche ;

– une phase juridictionnelle, dont l’objet est de permettre à celles-ci de saisir le juge de commerce pour obtenir la sanction d’entreprises n’ayant pas respecté leurs obligations de recherche de repreneur ou refusant d’accéder à une offre sérieuse.

1. La phase de recherche de repreneur.

La proposition de loi organise une procédure qui permet aux salariés, par la voix du comité d’entreprise – ou, à défaut, des délégués du personnel –, d’être informés à tout moment du déroulement et de l’état d’avancement de la recherche menée par l’employeur et, s’ils le souhaitent, de participer eux-mêmes activement à cette recherche.

Ce choix s’explique par trois raisons essentielles :

– il s’agit d’une demande forte de la part des salariés, ainsi qu’en témoigne le texte de l’accord national interprofessionnel (cf. alinéas 2 et 3 du point 12-6 précité).

– comme le montrent les exemples concrets, sur lesquels nous reviendrons, les salariés, qui connaissent particulièrement bien leur outil de travail, apportent une plus-value indéniable au processus de recherche lorsqu’ils s’y impliquent, pour peu qu’on leur en donne les moyens. Leurs besoins sont précisément identifiés : accéder à l’ensemble de l’information relative à l’entreprise et au processus de recherche, disposer d’un temps suffisant avant le plan de sauvegarde de l’emploi pour mener leurs propres actions, avoir la possibilité de recourir à un expert.

– associer les salariés à la recherche d'un repreneur, très en amont de la mise en œuvre du plan de sauvegarde de l’emploi, est de nature à améliorer considérablement le climat social de la fermeture des sites (cf. infra).

La procédure proposée par les auteurs de la proposition de loi s’inspire directement de ces éléments :

– lorsqu’elle envisage de fermer un établissement, l’entreprise doit en informer préalablement les salariés et l’administration. Cette information, matérialisée par une réunion du comité d’entreprise (CE), lance le processus de recherche de repreneur.

– la recherche d’un repreneur s’organise dans un délai de trois mois. Durant cette période, l’entreprise est tenue de rechercher un repreneur, avec plusieurs obligations identifiées. La proposition de loi donne au comité d’entreprise les moyens de participer activement à cette recherche, soit par le contrôle des efforts fournis par l’employeur, soit par une recherche parallèle complémentaire. Le comité d’entreprise est ainsi informé des offres de reprise reçues par l’employeur et peut recourir à l’assistance d’un expert.

– la période de recherche se clôt différemment selon son issue. Si la recherche s’avère fructueuse, l’employeur présente l’offre du repreneur potentiel devant le comité d’entreprise, qui donne un avis sur celle-ci. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque l’employeur n’a pas reçu d’offre sérieuse ou lorsqu’il ne souhaite accéder à aucune d’entre elles, ce dernier réunit le CE, dans un délai maximal de trois mois, pour lui présenter un rapport récapitulatif.

La solution alternative de la nomination d’un administrateur judiciaire par le juge de commerce n’aurait pas apporté les mêmes garanties.

Lorsqu’ils interviennent dans le cadre des procédures collectives, les administrateurs judiciaires font preuve d’une expérience reconnue en matière de recherche de repreneur et sont tenus d’être impartiaux. Toutefois, placer ces derniers au centre de la procédure aurait conduit à une éviction de fait des salariés et à l’instauration d’un dialogue bilatéral entre le chef d’entreprise et l’administrateur.

2. La phase juridictionnelle

S’il existe déjà des dispositions similaires à la première phase de la procédure dans le droit en vigueur (article L. 1233-90-1 du code du travail, issu de la loi de sécurisation de l’emploi), la seconde phase constitue l’apport décisif de la proposition de loi. Il crée un dispositif de sanction à l’encontre des employeurs qui n’auraient pas respecté leurs obligations de recherche de repreneur ou auraient refusé de céder un établissement pour lequel existent des perspectives sérieuses de reprise.

Deux familles de solutions étaient envisageables, elles-mêmes offrant plusieurs options :

§ Le recours à une sanction administrative, qui pouvait prendre deux formes différentes :

– 1re option : Intégrer les obligations nouvelles de l’entreprise dans les critères d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Le non-respect de ces obligations est contrôlé par l’administration à l’occasion du contrôle global de la validité du PSE et sanctionné par l’impossibilité de procéder au licenciement collectif.

– 2e option : Introduire un contrôle parallèle de l’administration, sanctionné par une amende administrative.

Ces deux solutions n’ont pas été jugées satisfaisantes par les auteurs de la proposition de loi, car :

– si la procédure s’organise principalement autour de la relation entre les salariés et l’employeur, l’autorité administrative est étroitement associée à la recherche de repreneur ; de plus, elle constitue une partie intéressée, compte tenu des impacts importants d’une fermeture de site sur le bassin d’emploi. C’est pourquoi, il semble difficile d’investir l’administration du pouvoir de sanction, dès lors qu’elle ne peut être considérée comme impartiale.

– s’agissant plus particulièrement de la première option, elle établit un lien indissociable entre PSE et recherche de repreneur, ce qui est contraire à la logique de la proposition de loi (cf. infra). En outre, elle a pour conséquence d’accroître les risques juridiques pesant sur le PSE, allant ainsi à l’encontre des orientations poursuivies par la loi de sécurisation de l’emploi.

§ Le recours à un dispositif juridictionnel, sur saisine du comité d’entreprise, donne toutes les garanties d’impartialité à la procédure. Se pose alors la question du choix du juge :

– 3e option : Le juge civil.

– 4e option : Le juge de commerce.

C’est cette dernière option qui a été retenue par les auteurs de la proposition de loi, qui ont suivi les deux arguments suivants :

– il est contradictoire d’investir le juge civil de cette nouvelle mission, dans la mesure où il vient d’être dessaisi de sa compétence en matière de contrôle des licenciements collectifs.

– le juge de commerce a déjà à connaître de la recherche de repreneur dans le cadre des procédures collectives et la proposition de loi s’inspire en partie de dispositions existantes du code de commerce.

Cette 4e option ayant été choisie, sa déclinaison en termes de procédure est simple :

– à l’issue de la première phase de la procédure, le comité d’entreprise peut saisir le tribunal de commerce s’il estime que le dirigeant de l’entreprise n’a pas respecté les obligations qui étaient les siennes pendant cette période.

– le tribunal de commerce, s’il juge que le dirigeant de l’entreprise n’a pas respecté ses obligations de recherche d’un repreneur ou a refusé une offre de reprise sérieuse, peut imposer une sanction pécuniaire à l’entreprise.

C. SE DONNER TOUS LES MOYENS POUR UNE REPRISE PÉRENNE

1. Garantir la recherche effective d’un repreneur

La proposition de loi précise expressément le contenu des obligations à la charge de l’employeur. Ce faisant, elle améliorera significativement la qualité de la recherche menée par les entreprises, sous l’effet d’une double menace :

– celle d’un contrôle du juge sur les actions menées par l’employeur pour chercher un repreneur ; contrairement à la situation actuelle, où le comité d’entreprise et l’administration ne disposent d’aucun moyen juridique pour évaluer le processus de recherche, le juge de commerce aura toutes latitudes possibles pour vérifier la sincérité et la qualité de la recherche. Le dirigeant qui ne joue pas le jeu pourra ainsi être disqualifié officiellement, ce qui nuirait à l’image de marque de son entreprise.

– celle d’une sanction dissuasive, qui, en rétroagissant sur l’ensemble de la procédure, incite l’employeur à mener une recherche approfondie et de qualité.

La proposition de loi remédiera ainsi aux deux situations suivantes :

– lorsque l’entreprise souhaite se désengager très rapidement d’un site industriel, pour des raisons financières de coût d’opportunité ; dans de tels cas, l’objectif de rapidité de la fermeture prend le pas sur celui d’une revente à un bon prix.

– lorsque les efforts de recherche auraient pu aboutir par la mobilisation de tous les acteurs (direction, salariés, État, collectivités territoriales) autour de la survie d’un site. L’exemple de l’usine Bosch de Vénissieux est à cet égard particulièrement éclairant. En décembre 2009, cette usine produisant des pompes diesel semblait promise à une fermeture rapide. Mais elle a pu être maintenue en vie grâce à une reconversion dans le secteur du photovoltaïque. Une telle reconversion n’aurait pu être envisageable sans la mobilisation, pendant un an, de la direction, de l’ensemble des syndicats, d’un expert économique, d’intervenants extérieurs, et des élus locaux.

Ainsi, l’institutionnalisation d’une phase de recherche, à laquelle sont associés les salariés, l’État et d’autres acteurs extérieurs, permet de faire émerger des solutions de reprise innovantes et multiplie les chances de maintien de l’emploi industriel sur le territoire français.

2. Renforcer le dialogue social en période de difficulté économique.

Même lorsqu’aucun repreneur sérieux n’est identifié, la nouvelle procédure aura un effet positif. En effet, dans de très nombreux cas, les négociations du plan de sauvegarde de l’emploi sont particulièrement tendues car l’employeur n’a pas fait la preuve qu’aucune solution de reprise n’était possible. Les salariés, qui, en plus de la perspective terrible de la perte de leur emploi, ont très souvent un lien affectif profond avec le site sur lequel ils travaillent, n’acceptent pas de se lancer dans la discussion des modalités de licenciement alors qu’ils considèrent qu’une solution pourrait être trouvée.

La procédure proposée vise à déminer ces situations difficiles par :

– le déplacement de la phase de recherche de repreneur le plus en amont possible du plan de sauvegarde de l’emploi ;

– l’association étroite des salariés au processus de recherche ;

– l’échange transparent des informations sur la situation de l’entreprise et sur l’état d’avancement de la recherche.

Le recours au juge constitue une garantie supplémentaire : en cas de désaccord, une autorité impartiale vérifiera que l’employeur a bien rempli ses obligations.

Ainsi, la proposition de loi s’inscrit dans le prolongement des orientations de la loi de sécurisation de l’emploi, qui favorise le traitement des difficultés par le dialogue social plutôt que par le conflit ouvert entre la direction et les salariés. À ce titre, elle constitue un élément supplémentaire de renforcement de l’attractivité du droit social français.

3. Dissuader les fermetures dès lors que l’activité d’un site industriel peut être maintenue

La proposition de loi déposée le 28 février 2012, dont François Hollande était premier signataire, prévoyait une expropriation de l’entreprise qui refusait de céder l’un de ses établissements à un repreneur sérieux. Les auteurs de la présente proposition de loi ont fait un choix différent : celui d’une sanction pécuniaire, davantage compatible avec la préservation de la liberté d’établissement.

Les cas d’entreprises qui refuseraient de céder leur site correspondent à une situation bien circonscrite qui nécessite la conjonction de deux éléments :

– l’existence d’un repreneur potentiel ;

– un coût de la fermeture sans revente (égal à la somme du coût des obligations légales en matière sociale et environnementale et de la valeur des actifs non cédés) inférieur au gain économique de la fermeture.

Dans de nombreux cas, seule l’une des deux conditions est remplie :

– condition 1 uniquement : on aboutit à un processus de revente classique.

– condition 2 uniquement : une entreprise souhaite fermer un site dont l’activité concerne un marché en situation de surcapacité ; dans un tel cas, les entreprises concurrentes n’ont aucun intérêt à une reprise, qui menacerait leur activité globale, et il n’y a donc pas de repreneur.

Les cas où les deux conditions sont réunies traduisent en réalité des pratiques anticoncurrentielles : une entreprise, dominante sur un marché, tire un gain économique direct au retrait de capacités de production par la revalorisation de l’ensemble du reste de sa production. Elle n’a donc aucune envie de voir un concurrent racheter le site et est prête à payer très cher pour le fermer.

Ces éléments démontrent que l’utilité de la proposition de loi est avérée à deux titres : la sauvegarde de l’emploi du site menacé et la protection du consommateur.

Dans cette perspective, la sanction pécuniaire introduite se veut dissuasive. En renchérissant le coût de la fermeture d’établissement, l’équation économique du dirigeant est sensiblement modifiée, ce qui peut l’amener à renoncer à la fermeture. Les auteurs de la proposition de loi ont fait le choix de fixer un plafond pour la pénalité correspondant, au maximum, à un doublement du coût moyen du plan de sauvegarde de l’emploi. En effet, le montant des indemnités extralégales de licenciement prévu dans les plans de sauvegarde de l’emploi s’est élevé en moyenne à 27 000 euros par salarié (8). Le salaire minimum interprofessionnel de croissante étant fixé à 1 430,22 euros depuis le 21 décembre 2012, une telle somme représente 18,9 SMIC.

Deux types de stratégies entrant dans le champ de la proposition de loi

Au cours de la phase d’auditions, votre rapporteure a souhaité rencontrer des salariés qui avaient été confrontés à une fermeture de leur établissement alors même qu’une perspective de reprise était possible. Ces échanges ont fait apparaître l’existence de deux types de stratégies différentes amenant une entreprise à préférer la fermeture de l’un de ses établissements à sa cession à un repreneur.

§ Le cas d’une entreprise pesant significativement sur un marché : MREAL

L’entreprise finlandaise MREAL, qui a depuis changé de nom à la suite d’une restructuration pour s’appeler Metsä Board, représente 2,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 3 300 employés dans trois pays européens. Propriétaire du site d’Alizay, dans l’Eure, elle avait décidé de le fermer définitivement en mai 2011 et de licencier les 320 employés qui y travaillaient.

Ces derniers ont réussi à faire la preuve que, contrairement à ce que disaient les comptes, qui faisaient état d’un déficit annuel du site de 10 millions d’euros, celui-ci était rentable. Le déficit comptable ne traduisait pas une réalité économique mais l’existence de plusieurs mécanismes de remontées d’argent vers la maison-mère.

Menant un processus de recherche particulièrement actif et efficace, ils sont parvenus, avec l’appui des collectivités territoriales, à trouver des repreneurs potentiels au site, au premier rang desquels l’entreprise thaïlandaise Double A, qui souhaitait acquérir des capacités de production en Europe pour conquérir ce marché.

La reprise du site par Double A constituait une très mauvaise affaire pour MREAL. L’arrivée d’un concurrent sérieux menaçait ses marges. À l’inverse, la fermeture de l’établissement retirait immédiatement 5 % de la production européenne de papier. L’entreprise MREAL pouvait donc espérer une remontée mécanique du prix de vente de 2 à 3 € la tonne, et, par conséquent, une rentabilisation du coût de la fermeture en une ou deux années. L’ensemble de ces éléments conduisait MREAL à préférer un plan social très cher (62 millions d’euros, soit 193 000 euros par salarié), et l’abandon d’un appareil productif en très bon état (machine la plus performante valorisée à 300 millions d’euros) à la reprise du site d’Alizay par un concurrent.

Si MREAL s’est finalement décidée à céder son site, c’est grâce à la mobilisation des organisations syndicales et sous la pression des élus locaux et nationaux qui, en l’absence de la sanction prévue par la proposition de loi, ont menacé de renchérir significativement les exigences de dépollution et d’allonger les procédures.

§ Le cas d’une entreprise fermant un établissement après en avoir pris ce qui l’intéressait : Pilpa.

Pilpa est une entreprise spécialisée dans les crèmes glacées, située à Carcassonne et employant 124 salariés. Le 1er septembre 2011, elle a été rachetée par le groupe R&R, multinationale de l’agroalimentaire, indirectement détenue par le groupe OAKTREE capital group LLC, fonds de pension américain de 79,5 milliards de dollars d’actif.

Dix mois après le rachat de Pilpa, R&R a annoncé la fermeture du site de Carcassonne et l’enclenchement d’un PSE. Comme dans le cas de MREAL, les salariés, appuyés par un cabinet d’experts, ont fait la preuve que leur site était rentable : il dégageait une marge brute de 27 % et un taux de rentabilité (taux d’EBITDA) de 13 %, supérieur à celui constaté sur l’ensemble des activités du groupe R&R pour l’année 2011.

La fermeture du site de Carcassonne est un élément de la stratégie particulièrement délétère menée par R&R. D’une part, le rachat s’est fait en recourant à l’endettement auprès de l’actionnaire à des taux faramineux, supérieurs à 8 %. D’autre part, R&R, qui était en difficulté économique compte tenu de son mauvais positionnement de marché, a bénéficié de la bonne santé du groupe Pilpa, qui avait progressivement abandonné les produits à faible valeur ajoutée (vrac, cônes) pour développer son offre de produits différenciés. Une fois en possession du fonds de commerce de Pilpa et de ses compétences, R&R avait profité de l’essentiel de ce qu’il pouvait tirer de son rachat et décidait de fermer.

DEUXIÈME PARTIE
FAVORISER LES STRATÉGIES DE LONG TERME

I. UN DÉFICIT DE RÉGULATION DANGEREUX POUR LES ENTREPRISES ET LES EMPLOIS

Ainsi que l’a montré la crise financière, le système économique mondial souffre d’un grave déficit de régulation. L’un des défauts majeurs du système libéral mondialisé est qu’il est construit autour de l’objectif de rémunération des actionnaires dont les perspectives sont essentiellement de court terme.

A. LE POUVOIR ÉCRASANT DES ACTIONNAIRES DE COURT TERME

1. La primauté actionnariale au cœur de la régulation des entreprises.

La théorie de la primauté actionnariale, dérivée de l’idéologie libérale, affirme que l’entreprise doit être gérée dans l’intérêt exclusif de ses actionnaires. Les tenants d’une telle théorie avancent deux arguments :

– le premier argument est la déclinaison du principe qui fonde l’économie de marché : l’objectif d’une firme étant de maximiser son profit et ce dernier étant lui-même la rétribution des porteurs de fonds propres, la primauté actionnariale serait une garantie du fonctionnement optimal des marchés ;

– le second argument invoqué est le plus courant : c’est parce que les actionnaires supportent le risque qu’ils doivent prendre les décisions stratégiques. Cet argument se fonde sur le constat selon lequel leur rémunération est résiduelle, contrairement à celle des salariés et des créanciers, définie ex ante par un contrat.

Cette théorie a transformé à la fois les règles de gestion des entreprises et le droit boursier. La valeur ajoutée économique (economic value added) est désormais le point de référence servant à évaluer les performances de toute entreprise : la rémunération minimale de l’actionnaire doit être supérieure au coût du capital évalué par le marché. De créancier résiduel, l’actionnaire se transforme en créancier protégé par la fixation, en interne, d’un seuil de rentabilité qu’il faut à tout prix dépasser, quelles qu’en soient les conséquences pour l’entreprise.

Quant au droit boursier, il s’est construit autour de deux objectifs :

– garantir le plus de transparence possible aux actionnaires pour leur permettre d’entrer et de se dégager le plus rapidement possible des sociétés dont ils achètent des titres. Ainsi, les règles comptables sont définies pour que la valeur de l’entreprise cotée sur le marché puisse être évaluée à tout moment, dans l’optique d’une vente immédiate ;

– doter les assemblées générales de moyens de contrôle étroit sur les organes de direction. Les OPA (offres publiques d’acquisition) constituent à ce titre un instrument puissant : elles permettent de faire pression sur la direction, menacée en cas de changement d’actionnaire majoritaire, pour la forcer à prendre les décisions souhaitées par les actionnaires et, par définition, les plus rentables pour eux.

A l’inverse, sont refusées toutes les mesures destinées à promouvoir un ancrage des investisseurs sur le long terme, et donc à porter une véritable stratégie de développement de l'entreprise (recherche, innovation, conquête de marchés extérieurs).

Pourtant, la théorie de la primauté actionnariale est fortement contestable. Dans le cas des grandes entreprises, où l’actionnaire et les salariés sont des personnes différentes, si la maximisation du profit peut rester un objectif, car elle traduit la performance économique de l’entreprise, le profit ne doit pas être entendu uniquement comme la rémunération des actionnaires.

En effet, aucune raison suffisante ne justifie que les actionnaires soient privilégiés car le risque qu’ils supportent est en réalité très mesuré. Les pertes qu’ils encourent en cas de faillite sont limitées à leurs apports et, aujourd’hui, la liquidité croissante des marchés boursiers leur confère une capacité de sortie qui n’a jamais été aussi élevée. À l’inverse, le risque encouru par les salariés s’est considérablement accru, du fait du recours croissant aux contrats à durée déterminée et à temps partiel ou à l’intérim.

En conséquence, toutes les parties prenantes de l’entreprise doivent donc être rétribuées à partir du profit comptable, les actionnaires comme les salariés ; le bénéfice réalisé doit aussi être réinvesti pour générer la croissance de demain. Ainsi que le montre la théorie holiste de l’entreprise, introduite par Berle et Means en 1932 et défendue plus récemment par Blair et Stout, la création de valeur dans l’entreprise est un processus collectif qui combine un ensemble de ressources productives spécifiques, sous l’autorité des dirigeants et des administrateurs. La direction doit agir dans l’intérêt de l’entité elle-même (intérêt social) et non dans celui de l’une de ses composantes, ce qui doit se traduire par deux évolutions : octroyer davantage de responsabilités aux dirigeants pour atténuer la pression des actionnaires sur ceux-ci et réintégrer les salariés dans les processus de décision. Une première étape a été franchie avec la loi de sécurisation de l’emploi, qui leur a permis d’être représentés dans les conseils d’administration. La présente proposition de loi propose d’aller plus loin en les associant à la recherche d’un repreneur et en leur octroyant des prérogatives nouvelles dans le cadre des OPA.

2. Les actionnaires de court terme à l’origine de prises de risque excessives

Parallèlement à la constitution d’un corpus de règles mettant l’actionnaire au centre du jeu, le système financier international a connu le développement de structures et d’acteurs dont les horizons d’investissement sont de court voire de très court terme : les investisseurs institutionnels et les activistes.

a. Les investisseurs institutionnels : sociétés de placement d’actions, compagnies d’assurance et fonds de pension.

L’épargne institutionnelle a connu un boom dans les années 1990, notamment dans les pays à retraite par capitalisation (9). Entre 1992 et 2000, les actifs financiers des investisseurs institutionnels sont passés de 133 % à 198 % du PIB aux États-Unis, de 115 % à 227 % au Royaume-Uni et de 133 % à 211 % au Pays-Bas. La France et l’Allemagne ont également connu une telle évolution, atteignant toutefois des niveaux moins élevés : 133 % du PIB français et 81 % du PIB allemand en 2000.

Les investisseurs institutionnels, dotés d’une puissance financière sans précédent, s’inscrivent dans une logique qui les pousse à privilégier le rendement immédiat des titres composant leur portefeuille.

S’agissant des assurances-vie, elles présentent à leur passif les garanties de revenu consenties aux assurés, qui sont des options cachées dont les risques sont portés par les assureurs. Le rendement de leurs actifs doit donc toujours être supérieur au revenu garanti du passif. Dans le cas contraire, les compagnies d’assurance cherchent à prendre plus de risques dans leurs placements pour atteindre le rendement exigé.

L’autre grande catégorie de gestion institutionnelle est celle des sociétés d’investissement, dont les fonds communs de placement font la plus grande part. C’est l’épargnant qui assume les risques sans prendre les décisions d’investissement, la gestion de ces fonds étant déléguée à des gestionnaires d’actifs (banques d’affaires, cabinets de gestion,…). Les rémunérations des gestionnaires sont tirées des commissions que les sociétés de gestion imputent à leurs clients. Plus la taille des fonds sous gestion augmente, plus les commissions sont importantes. Le seul but des gestionnaires est donc d’attirer de l’épargne nouvelle, au détriment de leurs concurrents. Pour cela, ils sont incités à prendre des risques très élevés, sur des périodes de quelques mois, pour éviter à tout prix de « sous-performer » et de perdre leur clientèle. Il s’ensuit un comportement de prise de risque excessive. À cela s’ajoutent des rémunérations très élevées, qui conduisent à une explosion des coûts inefficaces. L’ensemble de ces éléments fait dire à Michel Aglietta (10) que « pour moraliser cette profession et la rendre plus efficace, ses effectifs devraient être réduits de manière drastique. Un petit nombre de fonds de très grande taille à gestion passive avec des commissions fortement réduites devraient exercer un service quasi public pour la grande masse d’épargne ».

La montée en puissance de l’épargne institutionnelle conduit à transférer le pouvoir financier vers des acteurs dont la priorité est le rendement, souvent à court terme, et qui exigent une prise de risque, provoquant ainsi une incontestable déconnexion entre le monde financier et le monde industriel. Au total, le développement du pouvoir des actionnaires produit un effet particulièrement déstabilisant pour les sociétés. Au cours des années 1980 et 1990, les entreprises cotées en bourse ont ainsi connu une plus grande variabilité de leurs résultats et de l’emploi (11).

b. Les actionnaires activistes : les hedge funds ou fonds de capital investissement

Contrairement aux investisseurs institutionnels, leur objectif principal est de peser pour modifier la stratégie des entreprises dans lesquelles ils investissent pour en tirer un profit à court terme. Ils forcent ainsi les décisions des directions, jugées inefficaces ou assoupies, de façon à vendre les actifs dès lors que de bonnes valorisations boursières leur permettent des profits significatifs.

Cette stratégie nécessite de prendre le contrôle des entreprises, par le biais d’OPA hostiles financées par des montages de type LBO (leverage buy out) ou de prises de contrôle rampantes.

3. Le versement de dividendes privilégié à l’investissement

Les règles en vigueur, mises à profit par les investisseurs institutionnels, nuisent à la stabilité de l’entreprise, à la mise en œuvre de stratégies de long terme, au développement international, à la recherche et à l’innovation, comme le montre l’analyse de l’utilisation du bénéfice des entreprises.

L’excédent brut d’exploitation (EBE) des entreprises est redistribué sous trois formes principales : une part va au paiement de l’impôt sur les sociétés, une part sert à payer les intérêts des emprunts contractés dans le passé, une part rémunère directement les propriétaires du capital. La différence entre l’EBE et la somme des redistributions opérées représente l’épargne des entreprises, qui peut soit alimenter la trésorerie, soit autofinancer les investissements nouveaux.

On observe ainsi, sur longue période, une croissance des revenus reversés aux actionnaires. Les entreprises ont fait le choix de se désendetter, ce qui a réduit la charge de leurs intérêts, au profit des versements de dividendes. C’est en termes de flux bruts que les dividendes ont connu l’évolution la plus spectaculaire, mais celle-ci reste encore très importante pour les flux nets, dont la part dans la valeur ajoutée a pratiquement doublé depuis une dizaine d’années. Sur la période récente, cette progression des dividendes a été associée à une baisse de l’autofinancement des investissements (12).

UTILISATION DE L'EXCÉDENT BRUT D’EXPLOITATION
(LE COMPLÉMENT À 100 REPRÉSENTE L'ÉPARGNE)

Source : Insee

La croissance durable de l’entreprise est ainsi sacrifiée au profit du versement rapide d’importants dividendes exceptionnels qui ponctionnent les réserves de trésorerie, sont issus de la cession d’entités liées à un positionnement stratégique de long terme, et sont obtenus au prix du climat social dans l’entreprise.

L’économie réelle est ainsi confrontée à un risque majeur. Alors que, à l’image de la plupart des autres pays européens et sous l’influence dominante du Royaume-Uni, la France s’est progressivement dotée de tous les instruments destinés à protéger les intérêts des actionnaires, les crises financières et les fermetures sans fin de sites industriels, démontrent plus que jamais que les intérêts particuliers des actionnaires vont à l’encontre de ceux des entreprises et de leurs salariés, des territoires et de leurs habitants mais aussi des filières industrielles.

B. DES SOCIÉTÉS FRANÇAISES PARTICULIÈREMENT VULNÉRABLES À DES PRISES DE CONTRÔLE MENAÇANT LEUR INTÉRÊT SOCIAL

1. Des OPA nocives pour l’emploi et le développement de notre industrie

a. OPA hostiles et OPA rampantes

L’offre publique d’achat (OPA) est la procédure par laquelle une personne physique ou morale fait connaître publiquement qu'elle se propose d'acquérir, généralement à un cours supérieur au cours du marché, tout ou partie des titres d'une société admis aux négociations. Contrairement aux offres publiques d’échange, le règlement des actions acquises s’effectue en numéraire.

Le régime juridique applicable à ces opérations est défini aux articles L. 433-1 à L. 433-2 du code monétaire et financier ainsi qu’au titre III du livre II du règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

Une OPA peut être :

– amicale, ou sollicitée, c'est-à-dire lorsque l’initiateur de l’offre s’est accordé avec le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société cible préalablement au dépôt du projet d’offre. Dans ce cas, les deux parties participent au montage et rédigent une note d’information commune.

– hostile, ou non sollicitée, c'est-à-dire lorsque le conseil d’administration ou le conseil de surveillance de la société cible souhaite l’échec de cette offre. Ce dernier tente alors de mettre en œuvre des procédures de défense et rédige une note en réponse.

Bien que minoritaire au capital, un actionnaire peut, en jouant sur un faible taux de participation aux assemblées générales, parvenir à prendre le contrôle de fait d’une entreprise sans pour autant déclencher une OPA. Ainsi un actionnaire peut-il être majoritaire en assemblée générale en détenant bien moins de 30 % du capital et peser de manière déterminante sur la gouvernance de l’entreprise. On parle alors d’OPA « rampante ».

Accor ou la prise de contrôle d’un champion national à moindre coût
par des actionnaires activistes

Le cas de la société Accor illustre parfaitement la stratégie qui peut être mise en œuvre par des actionnaires activistes pour prendre le contrôle d’une entreprise à moindre coût. Deux fonds d’investissement agissant de concert, Colony Capital et Eurazeo, augmentent leur participation au cours de l’année 2009 : ils passent de 23 à 29 % du capital, demeurant délibérément sous le seuil de 33 % au-delà duquel ils ont l’obligation de déclencher une OPA (cf. infra, article 4). Ils obtiennent ensuite la révocation de l’équipe en place : le président et 5 administrateurs sont contraints de partir en février 2009.

Derrière cette « lutte » entre actionnaires se cache une divergence de stratégie. Le groupe Accor comporte alors deux activités : les tickets services, très rentables, et l’hôtellerie, plus en difficulté. Alors que l’équipe en place en 2008 souhaite maintenir les deux activités au sein du groupe, car elle considère qu'elles se complètent, le nouvel actionnaire de référence souhaite au contraire une séparation, pour améliorer le résultat comptable de la branche « tickets services » et obtenir une valorisation boursière pour la branche hôtellerie. Ce choix est, on le voit bien, déterminant pour l'avenir du groupe.

b. Pas d’amélioration de la rentabilité des entreprises

Deux séries d’argument sont mobilisées pour justifier la nécessité de mettre en place un cadre juridique favorable aux OPA.

D’une part, les OPA auraient des vertus économiques. Elles seraient le vecteur privilégié de la réalisation d’économies d’échelle et de synergies, nécessaires pour réduire les coûts, pénétrer de nouveaux marchés, contrôler les filières d’approvisionnement ou maîtriser de nouvelles technologies.

D’autre part, dans la droite ligne de la théorie de la primauté actionnariale, elles seraient un lieu d’exercice de la « démocratie actionnariale ». Une très grande transparence de l’initiateur de l’offre sur les modalités économiques, sociales et financières de l’offre permettrait aux détenteurs de titres d’y répondre favorablement ou non en toute connaissance de cause, en sélectionnant l’option la meilleure pour l’entreprise. De plus, elles constitueraient un moyen de contrôle de l’équipe dirigeante, incitée à bien gérer l’entreprise si elle est constamment sous la menace d’une OPA.

En résumé, les OPA suivraient un processus éclairé dont l’effet serait d’aboutir à la solution la plus efficiente.

Ces arguments sont pourtant, là encore, tout à fait contestables.

Premièrement, les effets économiques d’une OPA sur la performance de l’entreprise ne sont pas démontrés. Selon MM. Jean-Louis Beffa, Leah Langenlach et Jean-Philippe Touffut (13), « un grand nombre d’études empiriques (…) montre que les entreprises acheteuses ne voient pas leurs cours monter au-delà de 2-3 %. Le cours des entreprises achetées augmente en moyenne de 30 % dans une fenêtre de trente jours. Sur un plus long terme, d’une à trois années, la « surperformance » boursière est de -15 %. Dans l’ensemble, les offres publiques n’augmentent pas la productivité des entreprises, ni au niveau microéconomique, ni au niveau macroéconomique. Plus de deux tiers des OPA n’aboutissent qu’à une baisse de la productivité des entreprises et n’augmentent pas le taux tendanciel de croissance ».

Plusieurs phénomènes pourraient expliquer ces mauvais résultats : dans certains cas, les OPA sont lancées par des dirigeants désireux de construire des empires ; dans d’autre cas, au lieu d’une rationalisation de l’appareil productif, on aboutit à une désorganisation en raison d’un manque de préparation de l’opération ; enfin, une prime trop importante payée pour l’acquisition de la société cible peut mener à des difficultés financières par la suite – un phénomène couramment appelé « malédiction du vaincu » ; enfin, n’oublions pas la rémunération des intermédiaires ainsi que celle du management débarqué par le nouvel actionnaire – les célèbres « golden parachutes » – qui, elles sont toujours assurées. Le coût des commissions liées à l’OPA lancée par Axa private Equity et Fosun sur Club Med est, par exemple, de 29 millions d’euros, soit 12 % du coût total de l’opération (14)

Deuxièmement, l’actionnariat des sociétés cotées est de plus en plus divisé, ce qui conduit à douter de l’analyse selon laquelle les actionnaires prendraient des décisions éclairées. Notamment, en raison de leur préférence pour le court terme, les fonds d’investissement adoptent désormais quasi-systématiquement une politique favorable aux OPA et ne mettent en place aucune mesure destinée à leur faire obstacle. Cette situation fait baisser le prix des primes versées par les offreurs et ne permet pas de sélectionner les opérations créatrices de valeur par rapport aux autres. Dans le cadre des OPA comme dans le cas général, les actionnaires ne prennent pas non plus en compte l’intérêt des autres parties prenantes que sont les salariés, les fournisseurs, les territoires, etc. (cf. supra).

Troisièmement, les OPA ne sont pas le seul vecteur possible pour effectuer des rapprochements entre entreprises. Alors que la stratégie choisie par Daimler de prendre le contrôle de Chrysler par une OPA a abouti à une valorisation consolidée de Daimler identique à son niveau d’avant l’opération, la tactique d’alliance, de coopération et d’investissements partagés, menée par exemple par Renault et Nissan, fournit une alternative efficace.

c. Des dégâts sociaux et industriels manifestes

Si les effets économiques des OPA font l’objet de controverses entre spécialistes, l’existence de dégâts sociaux et industriels est en revanche indiscutable, notamment à travers deux phénomènes.

La période post-OPA conduit à l’éviction des salariés les plus précaires car une acquisition fournit très souvent l’occasion d’une restructuration de l’entreprise. Les études réalisées sur données françaises montrent ainsi que si les personnes les plus qualifiées sont intégrées à la nouvelle structure, les jeunes, les femmes, et les personnes moins qualifiées sont forcées de la quitter(15). La période de douze mois suivant l’opération est marquée par une diminution du volume d’emploi (- 3 points de croissance) et un recours massif à l’intérim (+6,1 % de chances de recours à l’intérim par rapport à une situation normale), qui témoigne de la difficulté des entreprises à s’engager sur le moyen terme avec leurs employés(16).

Les OPA représentent également un danger lorsqu’elles se traduisent par un déplacement des centres de décision de l’entreprise. Le rapport d’information sénatorial de MM. Christian Gaudin et Philippe Marini (17) fait le constat de la réalité de la notion de nationalité. L’implantation et l’histoire d’une entreprise en déterminent le fonctionnement : « il ne fait pas de doute que le lien de nationalité qui attache une entreprise à un pays, malgré tous les facteurs contemporains tendant à relativiser ce lien, influence, à des degrés variables selon les cas, les choix de cette entreprise ». L’analyse des exemples d’ArcelorMittal et de Péchiney corrobore cette analyse.

ArcelorMittal et Péchiney ou les effets de la perte de contrôle d’un groupe national sur l’activité économique et l'emploi en France

Les développements qui suivent sont intégralement repris du rapport en date du 10 juillet 2013 au nom de la commission d’enquête chargée d’investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement, dont M. Jean Grellier était le président, M. Alain Bocquet le rapporteur, et votre rapporteure, secrétaire.

ArcelorMittal

La création d’Arcelor, en 2001, par la fusion entre les groupes français Usinor, espagnol Arcelaria et luxembourgeois Arbed exprime une ambition européenne. Cet ensemble représente alors un leader mondial de plus de 100 000 salariés, disposant d’une capacité de production de 44 millions de tonnes d’acier brut par an et d’une présence dans 60 pays.

L’année 2006 s’inscrit dans une période de haute conjoncture pour la sidérurgie, avec une croissance de la demande mondiale d’acier de 5 à 6 % par an. L’entreprise Mittal Steel lance une OPA hostile sur Arcelor – un groupe plus important que lui – pour un montant global de 18,6 milliards d’euros. En France, les pouvoirs publics, les milieux d’affaires et bancaires, sans oublier les autres acteurs de l’industrie sidérurgique européenne, ne manifestent aucune capacité de réaction face à ce qui constitue bien une menace majeure.

Aucune ligne de défense n’a en effet été clairement définie, à l’exception d’une hypothétique alliance recherchée par la direction d’Arcelor avec le groupe russe Severstal dont la seule évocation a suscité la défiance de la presse et la réprobation des marchés. Ce groupe, pourtant devenu un acteur important, est alors perçu comme un conglomérat incertain résultant de privatisations conduites par le gouvernement Eltsine. Le revirement du gouvernement luxembourgeois, initialement hostile à l’OPA, s’explique principalement par ce fait.

Une savante préparation de l’opinion conjuguée à l’influence de grandes banques, y compris françaises aboutit à l’acceptation de l’offre de Mittal Steel transformée en OPA « non hostile » et sensiblement relevée à hauteur de 26,9 milliards d’euros. Il est désormais avéré que la banque américaine Goldman Sachs a joué un rôle déterminant en faveur de cette prise de contrôle. M. Lakshmi Mittal siège d’ailleurs, depuis 2008, au conseil d’administration de Goldman Sachs en qualité d’administrateur « indépendant ».

Sept ans plus tard, ainsi que le remarque M. Pascal Faure dans son rapport (18), le site n’a pas bénéficié de beaucoup d’investissements de transformation ou de croissance : « la stratégie financière de court terme mise en œuvre pour tenter de maintenir le cours de l’action, recourir le moins possible à l’endettement, conserver une notation lui permettant d’emprunter à des taux acceptables fait passer au second plan la stratégie industrielle de long terme et oriente vers une politique d’investissement axée sur les secteurs les plus immédiatement rentables ».

Péchiney

La France est un pays d’aluminium. C’est en France que les process de fabrication de l’aluminium primaire ont été conçus et développés. Le groupe Péchiney, à une époque le premier groupe industriel privé français, conservait alors, en plus du secteur de l’aluminium, d’importantes activités sidérurgiques ou électrométallurgiques comme la transformation et le traitement du cuivre. En 2007, les usines de Dunkerque et de Saint-Jean-de-Maurienne étaient au meilleur niveau de la technologie car Péchiney, en association avec Mc Kinsey venait d’y réaliser des efforts de compétitivité avec la mise en place du programme « TOP » (Total opération performance).

C’est à cette date que la production française d’aluminium primaire est intégrée au groupe Rio Tinto Alcan (RTA), entreprise internationale à vocation davantage minière qu’industrielle, après avoir été acquise, dans un premier temps en 2003, par le seul groupe canadien Alcan, par le biais d’une OPA. Bien que l’actionnariat des salariés et l’autocontrôle aient alors représenté près de 12 % du capital, aucune résistance au rachat n’a pu être organisée à partir de ce socle.

Depuis, l’emploi industriel français dans ce secteur est très menacé. Il y a bien sûr la décision prise par RTA de céder le site de Saint-Jean-de-Maurienne. Mais l’avenir de la recherche industrielle, restée de très haut niveau, est lui aussi en suspens, alors que les brevets « Aluminium Péchiney » sont toujours largement utilisés dans le monde pour la production par électrolyse. En 2012, RTA n’employait plus en France que 1 600 salariés principalement dans ses deux usines de production (Saint-Jean-de Maurienne et Dunkerque) et dans la recherche à Voreppe, après avoir cédé au fonds américain HIG Capital, au cours de cette même année, les sites de Gardanne (Bouches-du-Rhône), de La Bâthie (Savoie) et de Beyrède (Hautes-Pyrénées) qui constituaient l’ancienne activité d’alumines de spécialité de Péchiney.

La décision prise par Rio Tinto Alcan, dès mars 2012, de se séparer de son unité savoyarde pose un problème de viabilité pour ce qu’il est possible de considérer comme un véritable « cluster technologique alpin » tout à fait original. Se trouve notamment posée la question de l’avenir de l’entreprise Carbone Savoie, qui compte quelque 500 salariés, dont la principale implantation est à Notre-Dame-de Briançon dans la vallée de la Tarentaise entre Moûtiers et Albertville. Cette entreprise est l’une des rares à disposer de la capacité de produire des cathodes en carbone et en graphite indispensables à la production d’aluminium. Elle a également deux autres implantations à Vénissieux (Rhône) et Lannemezan (Hautes-Pyrénées). Carbone Savoie a appartenu à Péchiney puis au groupe américain Union Carbide avant d’être intégré au groupe RTA.

Seules certaines des activités de transformation dans des métiers d’aval et de haute technologie semblent sauvegardées au travers de la constitution récente de Constellium. Constellium est un groupe récemment constitué qui a encore des structures complexes ; si son siège social est aux Pays-Bas et sa cotation boursière principale sur la place américaine, le siège opérationnel a néanmoins été maintenu à Paris. La société est principalement contrôlée par un fonds d’investissement américain mais dont RTA et le Fonds stratégique d’investissement (FSI) ont conservé une partie du capital. Pour autant, la présence du FSI au capital est-elle suffisante pour garantir un fort ancrage français aux activités de Constellium ? La question doit retenir l’attention car Constellium, qui avait neuf sites industriels en France, a cédé des usines (Ham dans la Somme et Saint-Florentin dans l’Yonne) à OpenGate Capital, une société américaine de capital-investissement, et projetterait également de se séparer de son site d’Ussel en Corrèze.

En conclusion, si la filière aluminium française produit aujourd’hui à peine 11 % de l’aluminium primaire et recyclé qui sort des usines européennes, et moins de 1 % de l’aluminium primaire produit dans le monde, si elle a perdu 21 % de ses emplois et 23 % de sa production entre 2005 et 2010, c’est en très grande partie du fait du passage des grandes entreprises françaises du secteur sous pavillon étranger.

Il convient toutefois de ne pas oublier la responsabilité écrasante de la Commission européenne qui, en 2000, a refusé une fusion entre Péchiney, Alcan (Canada) et Algroup (Suisse) pour « risque d’abus de position dominante ». Cette décision fondée sur une conception maximaliste du droit de la concurrence a tout simplement fait perdre à l’Europe sa chance de disposer d’un groupe mondial, technologiquement et commercialement dynamique ! Depuis cette décision mortifère, une concentration du secteur de l’aluminium s’est pourtant réalisée au niveau mondial mais au bénéfice de groupes multinationaux tous étrangers à l’Union européenne, sans parler du groupe russe Rusal qui est, en termes de production d’aluminium primaire, le n° 1 du secteur ou encore du norvégien Norsk Hydro qui a pu conforter ses positions sans connaître de pareilles entraves. La production mondiale d’aluminium primaire est désormais concentrée entre quelques très grands groupes internationaux et la Chine, qui aura accru ses capacités de production de quelque 180 % sur la période 2005-2015 pour disposer, à elle seule, de 26,8 millions de tonnes de capacité.

2. Des entreprises françaises peu protégées contre les prises de contrôle hostiles ou rampantes

a. Un contexte économique particulièrement favorable aux prédateurs

La France bénéficie de champions d’envergure internationale, mais une partie d’entre eux, dont le capital est atomisé et la valorisation boursière faible, est devenue particulièrement vulnérable à des prises de participation non sollicitées telles les OPA hostiles ou rampantes.

Tout d’abord, les entreprises françaises sont sous-capitalisées en raison de la faible détention d’action par les acteurs économiques français. La différence ne tient pas à la détention directe, aussi fréquente en France (15 %) qu’aux États-Unis, mais davantage à la détention indirecte, via des fonds de pension (19).

Tableau 1 : Détention d'actions par les ménages

 

Part des ménages détenant des actions (%)

Détention directe

Détention totale

Allemagne

17

 

Italie

7

15

France

15

23

Pays-Bas

15

35

Suède

27

54

Royaume-Uni

27

34

États-Unis

19

48

Source : Conseil d’analyse économique

Alors qu’aux États-Unis les ménages et les sociétés d’assurance et fonds de pension détiennent 90 % du PIB en action, ce chiffre descend à 30 % au sein de la zone euro, et à seulement 12 % en France (20) !

Cette faible détention d’actions explique que la capitalisation boursière des entreprises soit faible : elle représente 70 % du PIB en 2012, contre 120 % aux États-Unis (21).

En outre, les sociétés françaises sont très ouvertes aux capitaux étrangers. On compte une part importante de non-résidents dans la détention d’actions. Après avoir atteint un maximum historique de 46,7 % en 2004, le taux de détention des actions du CAC 40 par des non-résidents était de 43,3 % au 31 décembre 2011(22).

ÉVOLUTION DU TAUX DE DÉTENTION PAR DES NON-RÉSIDENTS
DES ACTIONS FRANÇAISES COTÉES ET DES ACTIONS DU CAC 40

Source : Banque de France.

Ce taux varie selon les entreprises : treize d'entre elles présentent un taux de détention par des non-résidents compris entre 50 % et 75 %. Par exemple, les ciments Lafarge sont détenus à 75 % par des investisseurs étrangers, Michelin et Sanofi à 56 %. À l’extrême inverse, seules quatre d'entre elles ont un taux de détention par les non-résidents inférieur à 25 %.

RÉPARTITION DES SOCIÉTÉS DU CAC 40 EN FONCTION DE LA PART DE CAPITAL DÉTENUE PAR LES NON-RÉSIDENTS

Source : Banque de France.

« La majorité de la détention non résidente en actions du CAC 40 se compose d’investissements de portefeuille au sens de la balance des paiements, c'est-à-dire de détentions représentant moins de 10 % du total des actions de la société considérée » (23), ce qui corrobore le constat selon lequel les sociétés doivent composer avec un actionnariat volatil et peu impliqué dans la stratégie industrielle des entreprises.

Enfin, l’actionnariat des grandes entreprises est de plus en plus dispersé et de moins en moins contrôlé par des investisseurs patrimoniaux garants des intérêts de long terme des entreprises.

En 2007, le rapport d’information sénatorial de MM. Christian Gaudin et Philippe Marini (24), portant sur la notion de centre de décision économique, confiait à un prestataire extérieur la réalisation d’une étude sur la structure de l’actionnariat et le contrôle des sociétés cotées composant l’indice SBF 120 de la bourse de Paris. L’objectif était d’apprécier l’exposition et la vulnérabilité des principales sociétés françaises aux offres publiques d’acquisition au regard de la composition de leur capital.

Il en ressort que l'actionnariat « flottant » (personnes physiques hors fondateurs et investisseurs institutionnels), plus volatil et perméable à une offre jugée suffisamment attractive représente plus de la moitié du capital dans 63 % des entreprises examinées. Si la grande majorité des sociétés est (plus ou moins) difficilement « opéable », un peu moins de la moitié des sociétés du SBF 120 pourraient théoriquement, à court ou à moyen terme, faire l’objet d’une OPA hostile dont les chances de succès seraient réelles. 20 % des sociétés cotées étaient même jugées particulièrement vulnérables à une offre. Parmi celles-ci : Accor, Air Liquide, Saint Gobain, Danone, Dexia, Lafarge, Schneider Electric, Société générale, etc.

Ce constat est toujours d’actualité. Au 31 décembre 2012, 13 sociétés du CAC 40 ne disposaient pas d’actionnaire de référence à plus de 10 % du capital de l’entreprise.

b. Un droit boursier français qui n’exploite pas les marges de manœuvre laissées par le droit communautaire

Lors de la transposition de la directive européenne OPA en 2006, il convient de souligner que la France a délibérément retenu l’interprétation la plus libérale, contrairement à sept États membres – la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne et la Hongrie – qui n’ont pas intégré à leur droit national le principe de neutralité (cf. infra, commentaire de l’article 6), ce qui leur permet de bénéficier d’une meilleure protection contre les OPA hostiles.

3. Des dispositifs de protection plus performants hors de l’Union européenne

Dans de nombreux pays, une grande latitude est laissée aux conseils d’administration des entreprises cibles pour prendre des mesures de défense anti-OPA.

a. Aux États-Unis

Aux États-Unis, le « William act » pose la première pierre de la régulation des offres publiques d’acquisition. Adopté en 1968, il admet que le conseil d’administration puisse prendre en compte dans son jugement des intérêts autres que ceux des actionnaires et laisse aux États la liberté d’encadrer les mesures anti-OPA (25). L’année 1985 marque une étape supplémentaire. Par l’arrêt Unocal, la Cour suprême du Delaware – État dans lequel sont domiciliés la majorité des groupes américains –, décide que le conseil d’administration de la société cible a raison de considérer une offre hostile comme une menace envers l’intérêt social de l’entreprise, ce qui lui confère le droit et même le devoir de s’interposer entre l’initiateur et les actionnaires de la société cible, pour peu qu’il fasse la preuve de l’existence d’une menace et de la proportionnalité des mesures de défense utilisées. Une grande variété de moyens de défense a ainsi prospéré sur le fondement de cette jurisprudence, permettant aux sociétés de résister aux tentatives d’OPA.

Selon MM. Jean-Louis Beffa, Leah Langenlach et Jean-Philippe Touffut (26), l’arsenal de défense contre les offres publiques s’est déployé à travers des systèmes comme le recours aux conseils d’administration à renouvellement échelonné, (classified boards), les plans de droits actionnariaux (pilules empoisonnées ou shareholders rights plans) ou le vote à la « supermajorité ». Sur près de 2000 entreprises américaines étudiées en 2003, le taux de recours à ces trois stratégies différentes est respectivement de 60 %, 55 % et 15 %.

b. Au Japon

Suite à une série d’OPA hostiles, en 2004, touchant des entreprises nationales, s’est imposé un régime juridique japonais très proche de celui du Delaware. Par l’arrêt Nippon Hoso K.K. v. Raibudoa K.K, la Haute Cour de Tokyo considère que les pouvoirs de contrôle du management devaient être préservés lorsque l’offre poursuit un motif abusif, comme la liquidation des actifs de la cible pour rembourser l’endettement de l’initiateur ou pour alimenter le versement de dividendes élevés.

Parallèlement, le ministère de l'économie (le METI) et le ministère de la justice lancent un groupe de travail composé d'experts et de représentants des entreprises, chargé d'évaluer l'opportunité de la mise en œuvre d'une législation anti-OPA. Le rapport du groupe de travail conclut à la possibilité de transposer la plupart des mesures défensives utilisées aux États-Unis et en Europe, sous réserve d'une adaptation au contexte japonais, et étudie en détail l'expérience du Delaware en la matière. Sur la base de ce rapport, les deux ministères publient en 2005 un guide juridique à l'usage des entreprises japonaises fortement inspiré de la jurisprudence Unocal, selon laquelle les mesures de défense prises par les conseils d'administration sont permises, dans la mesure où elles sont raisonnables et défendent l'intérêt social de l'entreprise. Quatre ans après sa publication, 15 % des entreprises japonaises cotées à la bourse de Tokyo ont adopté des plans de défense anti-OPA similaires aux pilules empoisonnées.

c. Au Canada

La décision prise, en mars dernier, par l’Autorité des marchés financiers du Canada de lancer une consultation en vue d’une modification de la réglementation des mesures de défense anti-OPA, fait état d’une réflexion très récente sur la nécessité de renforcer les prérogatives des administrateurs en cas d’OPA en raison de l’évolution du contexte financier. Le document de consultation mis à disposition (27)indique ainsi que : « Dans le contexte réglementaire actuel, les fonds spéculatifs et les autres arbitragistes qui acquièrent des titres de sociétés visées sur le marché se positionnent de manière à influencer fortement le résultat des offres et s’assurer que ces sociétés sont vendues à l’initiateur initial ou à un initiateur subséquent qui offre une contrepartie supérieure. Ces investisseurs acquièrent les titres des sociétés visées dans une perspective de placement à court terme et se soucient peu des intérêts de ces sociétés. De manière générale, ils déposent leurs titres nouvellement acquis dans l’intention d’obtenir le prix le plus élevé possible ou votent contre tout régime de droits tactique adopté par le conseil d’administration des sociétés visées qui pourrait retarder, voire compromettre la réalisation de leurs profits ».

À la suite de ce constat, l’Autorité canadienne des marchés financiers juge ainsi que : « les mesures de défense ne sont pas préjudiciables à l’intérêt public » et souhaite « limiter [l’intervention des autorités publiques] en conséquence, à moins que les porteurs ne se trouvent privés de leur droit d’examiner une offre faite de bonne foi parce que le conseil n’a pas géré adéquatement les conflits d’intérêts des administrateurs ou des dirigeants, et sauf circonstances exceptionnelles où il y a violation manifeste des droits des porteurs ou atteinte au bon fonctionnement des marchés des capitaux ».

Enfin, si les mécanismes de défense anti-OPA ne sont pas développés dans certains pays émergents comme la Russie (28), l’Inde ou encore le Brésil, c’est en raison de leur moindre intérêt compte tenu de la forte présence des actionnaires de référence, souvent familiaux, au capital des sociétés nationales. Toutefois, l’ouverture croissante des marchés de ces pays pousse ces derniers à évoluer, comme au Brésil, où sont progressivement intégrés des dispositifs spécifiques.

II. VERS UN MODÈLE DE GOUVERNANCE « À LA FRANÇAISE » QUI PROTÈGE RÉELLEMENT L'ENTREPRISE

Entre le modèle libéral anglo-saxon que l’Europe lui a imposé et les pratiques développées en Amérique du Nord et en Asie, la France doit, pour défendre ses intérêts, construire un nouveau modèle de gouvernance des entreprises qui la protège des effets dévastateurs du capitalisme financier.

A. UN DIAGNOSTIC ET DES PROPOSITIONS CONVERGENTES

Plusieurs travaux et rapports s’accordent sur la nécessité de favoriser l’actionnariat de long terme et de limiter le pouvoir laissé aux actionnaires sur la stratégie des entreprises. Parmi les recommandations formulées à plusieurs reprises figure la généralisation des droits de vote double pour les entreprises cotées. Ainsi :

– dans le rapport d’information du Sénat, La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation (22 juin 2007) de MM. Christian Gaudin et Philippe Marini : « la nécessaire stabilité de l’actionnariat peut être facilitée par des actions à droit de vote multiple (…) la mission d’information estime que la création de catégories d’action à droit de vote majoré et à dividende réduit doit être réintroduite dans le droit français des sociétés ».

– dans l’ouvrage de M. Jean-Louis Beffa (janvier 2012), La France doit choisir. Les trois pays ayant adopté le modèle « commercial-industriel » protègent les entreprises de tout pouvoir excessif des actionnaires, et en particulier de toute OPA hostile. Mieux, l’actionnariat se satisfait de voir les entreprises se consacrer en priorité au développement industriel à long terme, et non à la rentabilité financière.

– dans le rapport de MM. Louis Schweitzer et Olivier Ferrand (juillet 2012), Investir dans l’avenir, une politique globale de la compétitivité pour la France : « il est urgent de déconnecter la stratégie des entreprises d’une vue excessivement court-termiste de l’intérêt de l’actionnaire, qui décourage les investissements et la R&D fondés sur le long terme. À cet effet, il pourrait être envisagé d’étendre le droit de vote double pour les actionnaires de long terme : il serait appliqué de droit sauf décision contraire de l’assemblée générale des actionnaires ».

– dans le Rapport pour la compétitivité de l’industrie française, de M. Louis Gallois, Commissaire général à l’investissement (novembre 2012) : « Pour investir, les entreprises ont également besoin de visibilité sur l’avenir ; elles ne peuvent être exclusivement soumises aux impératifs – souvent de court terme – des marchés financiers ; en premier lieu, le poids des actionnaires dans les entreprises doit être équilibré, en privilégiant ceux qui jouent le long terme et en donnant la parole aux autres parties prenantes de l’entreprise. Ceci nous conduit à faire les propositions suivantes :

– le droit de vote double serait automatiquement acquis après deux ans de détention des actions, l’Assemblée Générale ne pouvant le remettre en cause qu’à la majorité des 2/3 ;

– le seuil de détention des actions entraînant automatiquement le lancement d’une OPA serait abaissé de 30 à 20 ou 25 % pour lutter contre les prises de contrôle « rampantes » et déstabilisantes ; »

– dans le rapport de la mission d’information sur la transparence de la gouvernance des grandes entreprises (février 2013), de MM. Jean-Michel Clément et Philippe Houillon : « La mission constate avec inquiétude les effets dévastateurs qu’a l’adoption, par les actionnaires, de vues et de comportements de court terme, et insiste sur les enjeux décisifs qu’il y a donc à pérenniser l’actionnariat. » La proposition n° 5 du rapport consiste par ailleurs à : « octroyer un droit de vote double aux actionnaires justifiant détenir leurs titres de capital depuis au moins deux ans, tout en ménageant la possibilité, pour l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires, de s’y opposer par un vote à la majorité des deux tiers ».

– dans le Livre blanc pour la promotion de l’actionnariat individuel et salarié (novembre 2012), Salon de la Bourse et des produits financiers, qui se prononce également en faveur de la généralisation du droit de vote double.

Au travers d'un nouveau modèle de gouvernance à la française, l'objectif est de rechercher le bon équilibre entre l'attractivité indispensable pour assurer le financement de notre économie par l'apport de capitaux notamment étrangers et la protection des investisseurs qui s'engagent dans la durée et, de fait, protègent mieux les entreprises, les salariés, nos territoires et nos filières industrielles.

B. TROIS MESURES IMMÉDIATES

Parmi les dispositifs à mettre en œuvre la proposition de loi en retient trois.

1. Généraliser le droit de vote double au bout de deux ans pour favoriser l’actionnariat de long terme

Cette mesure, présentée en détail dans le commentaire de l’article 5, répond à deux objectifs :

– accroître l’influence des actionnaires « historiques », qui disposent d’un avantage structurel en termes d’information et de décision sur la gestion de la société, et renforcer la capacité de ces actionnaires, au sein des assemblées générales ou du conseil d’administration, à valider ou remettre en cause les orientations de la direction ;

– favoriser la présence d’actionnaires forts, dont l’engagement sur le long terme constitue une garantie de financement pérenne et d’une stratégie créatrice de valeur.

Pour aller au bout de cette logique, on peut envisager, comme cela a été proposé au cours des auditions, d’accorder un droit de vote triple au bout de cinq ans.

2. Modifier le seuil de déclenchement obligatoire des OPA et abandonner le principe de neutralité des organes de direction pour lutter contre les prises de participation hostiles ou rampantes

En adoptant les articles concernés (article 4 et article 8 nouveau), il s’agit de :

– se donner les moyens d’empêcher une entreprise stratégique de partir à l’étranger ou de se fragiliser pour répondre à la demande d’un actionnaire ;

– contrer les fonds d’investissement qui adoptent désormais quasi-systématiquement une politique favorable aux OPA et ne mettent en place aucune mesure destinée à leur faire barrage, en raison du manque d’actionnaires patrimoniaux susceptibles de s’y opposer ;

– lutter contre les OPA destructrices de valeur et dont les conséquences sociales sont dévastatrices.

3. Renforcer le poids de l’intérêt social de l’entreprise

Deux mesures vont dans le sens du renforcement de l’intérêt social de l’entreprise : l’association des salariés à la procédure d’OPA (article 6) et la hausse du seuil d’actions gratuites attribuées aux salariés (article 7 nouveau). Elles génèreront deux effets positifs :

– elles contribueront à valoriser le point de vue des acteurs ayant une véritable connaissance interne de l’entreprise, plutôt que celui d’actionnaires « de passage ».

– elles limiteront l’impact des décisions prises par des acteurs sans risques (les gestionnaires de fonds) et qui ont pourtant d’importantes conséquences sur les acteurs en risque (les salariés).

C. UN PROCESSUS À POURSUIVRE POUR PROTÉGER LES ENTREPRISES

La vulnérabilité de nos entreprises ne se limite pas aux OPA

1. Le cas particulier des instruments de contrôle des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques

a. L’Union européenne de plus en plus ouverte aux prises de participations étrangères

La vulnérabilité des entreprises françaises aux prises de contrôle étrangères est renforcée par un cadre juridique européen trop ouvert. La jurisprudence de la CJUE, marquée par une constance remarquable, a pour effet une libéralisation quasi absolue des investissements sur le territoire de l’Union.

La liberté de circulation des capitaux est garantie par l’article 63 TFUE et concerne aussi bien les États membres que les pays tiers. S’agissant d’une liberté fondamentale des traités, la CJUE exerce un contrôle particulièrement strict du respect de ce principe. Toute exception doit respecter des critères précis :

– elle doit remplir un motif impérieux d’intérêt général ;

– elle doit être proportionnée à l’objectif poursuivi ;

– lorsque les États membres s’appuient sur les seules exceptions prévues par les traités à la liberté de circulation des capitaux, à savoir l’ordre public et la sécurité publique, les critères utilisés doivent être objectifs et précis, de façon à limiter le pouvoir discrétionnaire des États membres.

Confrontés à ces règles très contraignantes, les États membres ont développé des réponses insuffisantes.

En France, la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger a introduit un régime d’autorisation préalable pour les prises de participation étrangères dans les entreprises de certains secteurs stratégiques. L’article L. 151-3 du code monétaire et financier dispose ainsi que :

« - Sont soumis à autorisation préalable du ministre chargé de l'économie les investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l'exercice de l'autorité publique ou relève de l'un des domaines suivants :

a) Activités de nature à porter atteinte à l'ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;

b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives (…)

II. - L'autorisation donnée peut être assortie le cas échéant de conditions visant à assurer que l'investissement projeté ne portera pas atteinte aux intérêts nationaux visés au I. »

La France a été amenée à préciser ces dispositions législatives suite à une décision de la Cour de justice du 14 mars 2000 estimant que le régime général fondé uniquement sur une référence laconique à l’autorité publique, l’ordre public et la sécurité publique est contraire au principe de sécurité juridique. L’article L. 151-3 du code monétaire et financier a donc été complété par le décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l'étranger et portant application de l'article L. 151-3 du code monétaire et financier, codifié à l’article R. 153-2 du code monétaire et financier.

Ce dernier énumère les activités stratégiques entrant dans le champ du régime d’autorisation préalable : les jeux d'argent et de hasard, les activités réglementées de sécurité privée, les biotechnologies utilisées dans la lutte contre le terrorisme, la conception de moyens d'interception et de détection de conversations, les activités de sécurité informatique, les technologies duales, les activités de cryptage, la production d'armements, et les activités exercées par les entreprises ayant conclu un contrat d'études ou de fourniture d'équipements au profit du ministère de la défense.

Trois sociétés françaises du SBF 120, Areva, Safran et Thalès, relèvent avec certitude de ces « secteurs protégés ». Tout investissement d'une personne non résidente dans ces entreprises est donc soumis à une autorisation préalable du ministre chargé de l'économie. Les sociétés Accor, Alcatel et Sanofi-Aventis ne sont sans doute pas intégralement protégées par ce dispositif, compte tenu du caractère relativement marginal de leurs activités relevant desdits secteurs. Une OPA sur ces groupes serait donc sans doute recevable, pour autant qu'elle n'inclut pas les activités considérées comme sensibles.

La portée de ce texte a été limitée par la Commission européenne qui a imposé un champ restreint. Toutefois, il peut être considéré que la menace du recours au décret sur les investissements étrangers a suffi, par exemple, à dissuader l’offre de Danaher sur Ingenico (29) en décembre 2010, même si l’activité d’Ingenico n’entrait pas dans les cadres fixés par le décret.

Pour lutter contre la montée en puissance des fonds souverains, l’Allemagne a adopté la loi AWG du 24 avril 2009 imposant un régime de déclaration obligatoire pour tout investissement extracommunautaire portant atteinte à « l’ordre et à la sécurité publics ».

La loi AWG soumet au contrôle du ministère de l’économie allemand tout investissement direct ou indirect par un investisseur ne faisant pas partie de l’UE et de l’EEE lorsque l’investissement conduirait ledit investisseur à détenir plus de 25 % des droits de votes de la cible allemande. En particulier, une société résidant dans un État membre de l’UE ou de l’EEE peut être soumise au contrôle, si elle est détenue à plus de 25 % par un investisseur étranger et s’il existe un faisceau d’indices permettant raisonnablement de soupçonner que la structure de l’investissement a été choisie dans l’unique but de contourner le contrôle institué par la loi. Le gouvernement allemand dispose d’un droit de veto, car l’investissement pourra être interdit ou soumis à conditions s’il intervient dans une entreprise relevant de l’ordre ou la sécurité publics.

b. Un contexte international de contrôle renforcé des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques.

Alors que la quasi-totalité des États membres de l’Union européenne ont été contraints de limiter leur contrôle sur les investissements étrangers, la plupart des autres pays ont fait le chemin inverse (30) : parmi les pays de l’OCDE, ceux de l’Union européenne occupent désormais les places à l’extrémité de l’échelle d’ouverture aux investissements étrangers, et ce phénomène s’est encore renforcé entre 2006 et 2010.

Évolution de l’indice d’ouverture aux investissements directs à l’étranger entre 2006 et 2010

Source : OCDE

Aux États-Unis, le contrôle des investissements est la mission du CFIUS (Committee on foreign investment in the United States), commission interministérielle américaine dont l’objet est d’assister le Président des États-Unis dans sa mission de surveillance des implications des investissements étrangers sur la sécurité nationale. Créé en 1975, il a pris un rôle croissant avec l’adoption de la législation Exon-Florio, en 1988. Ce texte adopté par le Congrès américain confère au Président des États-Unis l’autorité de bloquer des fusions, acquisitions et OPA de non-résidents étrangers qui menaceraient la sécurité nationale (31).

Saisi d’un dossier d’investissement, le CFIUS prépare un rapport et des recommandations destinés au président pour que ce dernier puisse prendre sa décision. La législation Exon-Florio donne un délai de quatre-vingt-dix jours pour instruire les dossiers, décomposé en trois temps : une période de trente jours consacrée à une première étude du dossier, afin de décider si une enquête doit être engagée ; si tel est le cas, une seconde période de quarante-cinq jours permet de mener à bien cette enquête et de discuter avec l'investisseur ; une période finale de quinze jours pour que le Président des États-Unis annonce sa décision. Cette procédure présente un compromis entre souplesse – notamment par l’ouverture d’une négociation entre l’administration et l’investisseur – et contrainte. Entre 1988 et 2005, plus de 1 570 dossiers d'acquisitions étrangères ont été soumis au CFIUS. Sur ce total, 25 transactions sont passées à la période d'enquête de quarante-cinq jours (32).

Le contrôle américain des acquisitions étrangères s’est récemment accentué par une loi du 26 juillet 2007 qui prévoit notamment (33): l’extension explicite de la notion de sécurité nationale aux opérations portant sur les infrastructures ou des technologies critiques ; la surveillance renforcée des opérations impliquant des entités contrôlées par un État étranger ; la possibilité pour l’administration de réexaminer une opération déjà autorisée si l’investisseur a enfreint l’accord passé avec elle. Pour la première fois depuis 22 ans, le 28 septembre 2012, Barack Obama, sur recommandation du CFIUS, a interdit le rachat par l’entreprise Ralls, domiciliée dans l’État du Delaware mais détenue par le groupe chinois Sany, de quatre entreprises éoliennes américaines de l’Oregon au motif qu’une telle implantation – située à proximité d’un espace aérien soumis à des restrictions en raison de la présence d’une base navale d’entraînement militaire utilisée par des drones et des avions de guerre électronique – constituerait une menace pour la sécurité nationale des États-Unis.

La Chine exerce également un contrôle très strict des investissements étrangers sur le motif de la protection des intérêts stratégiques nationaux. L’ambassade de France en Chine (34) indique que la loi d’août 2006 sur les acquisitions d’entreprises domestiques par des entreprises étrangères impose un mécanisme d’approbation alourdi pour les projets qui se situent dans une « industrie clé », dans un domaine où la sécurité économique nationale peut être menacée, ou qui concernent une marque chinoise renommée. L’absence de définition de ces trois critères permet au gouvernement d’intervenir sur tous les projets qu’il juge sensibles. La nouvelle procédure implique, outre la consultation interministérielle habituelle, un avis de la profession concernée, c'est-à-dire des concurrents directs des investisseurs étrangers. S’agissant des investissements français, cette procédure a été appliquée pour la première fois aux prises de participation majoritaires d’Alstom dans Wuhan Boiler Group et de Seb chez Supor. Dans les deux cas les projets français ont été finalement autorisés, mais après un délai de procédure supérieur à un an.

Au total, non seulement les entreprises françaises sont, pour des raisons structurelles, peu protégées des prises de contrôle étrangères, mais le cadre juridique de l'Union Européenne renforce encore cette fragilité. Les exemples étrangers démontrent qu'il est plus que temps de réagir et de doter tant notre pays que l'Union Européenne des mécanismes de protection indispensables pour protéger notre économie, notre industrie, nos savoir-faire, nos emplois, nos territoires et nos filières industrielles.

2. Un combat pour protéger les entreprises françaises

La présente proposition de loi ne constitue pour nous qu'une première étape. En effet, nos entreprises sont manifestement moins bien protégées que certaines de leurs concurrentes étrangères, américaines, asiatiques et même parfois européennes, notamment dans le domaine de la défense et dans d'autres secteurs considérés comme stratégiques.

De même, certains secteurs industriels, non considérés comme stratégiques comme la sidérurgie et l'aluminium ont été frappés au cours de la décennie écoulée par des OPA hostiles dont les effets se révèlent aujourd'hui dramatiques (Arcelor, Pechiney).

Il nous faut aujourd'hui en tirer les conséquences et il nous appartient donc de réfléchir aux outils dont nous pourrions nous doter à l'avenir. C'est pourquoi nous proposons d'ouvrir, au-delà de la présente proposition de loi, quelques pistes de travail :

– évaluer l’utilisation des actions spécifiques et d’autres dispositifs mis en place en France depuis quelques années par l’État actionnaire pour conserver des marges de manœuvre en matière de stratégie industrielle ;

– examiner les expériences étrangères mises en œuvre en Europe et surtout hors d'Europe, aux États Unis et en Asie ;

– rechercher toute mesure utile, par exemple en allant au bout de l’expertise sur le rôle que peut jouer la BPI à travers le FSI en cas d'OPA étrangère hostile contre une entreprise ou un groupe français qui comme Arcelor, Péchiney ou Danone peut difficilement être qualifié de stratégique au sens où on l'entend habituellement mais qui revêt ce caractère pour notre économie au regard du nombre d'emplois et des filières industrielles concernés.

Nous devons non seulement reconquérir l'économie réelle mais, à travers ce processus, retrouver la maîtrise de la gouvernance et donc de la stratégie des entreprises qui font la force de notre industrie et donc de notre économie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. DISCUSSION GÉNÉRALE

Lors de sa réunion du mercredi 17 juillet 2013, la commission a examiné la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel.

M. le président François Brottes. Notre ordre du jour appelle l’examen de la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel. Je salue la présence parmi nous de notre collègue Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales. Le ministre de l’économie, dont j’ai souhaité la présence, participera à nos travaux à l’issue de la discussion générale.

Le texte sur lequel nous nous penchons tend à nous faire retrouver le chemin de « l’économie réelle » en prenant des dispositions pour lutter contre un capitalisme financier qui blesse nos emplois et nos territoires, parfois avec beaucoup de cynisme. Ainsi de ces groupes qui pratiquent la politique de la terre brûlée plutôt que de laisser un autre entrepreneur relever le défi de porter un nouveau projet industriel sur le site qu’ils abandonnent. Nous pouvons, sur tous les bancs, citer de tels exemples dans nos circonscriptions, et il n’est pas acceptable de baisser les bras. Même lorsqu’un plan de licenciement prévoit une rétribution convenable pour les salariés privés de leur emploi, un licenciement n’a rien de plaisant, et ce n’est pas parce que l’on est licencié avec un peu d’argent que l’on retrouve un emploi – et certains n’en retrouvent jamais.

Dans sa première partie, le texte organise un dispositif faisant obligation aux entreprises qui projettent de fermer un établissement de rechercher un repreneur qui prendra le risque d’entreprendre sur notre territoire quand d’autres décident de s’en aller. Parce que les dispositions envisagées touchent au code du travail et au code de commerce, le président de l’Assemblée nationale a décidé de saisir le Conseil d’État, dont l’avis a, en conséquence, été communiqué à tous les députés. Je tiens à souligner la remarquable qualité des échanges que nous avons eus avec le Conseil d’État, par lequel Mme la rapporteure et moi-même avons été auditionnés. Plusieurs sections du Conseil se sont intéressées au sujet, et notre coopération, chacun étant dans son rôle, a été entière.

Si la proposition de loi ne s’intitule pas « Reprise des sites rentables », ce pour quoi elle est connue, c’est parce qu’elle contient une deuxième partie destinée à éviter les offres publiques d’acquisition (OPA) rampantes ou hostiles, dont l’objectif uniquement spéculatif se traduira, quand le nouvel actionnaire en aura décidé ainsi, par des délocalisations. Notre pays compte de très belles entreprises encore sous-cotées, que les dispositions envisagées protégeront de telles pratiques.

Telles sont les raisons qui ont poussé le groupe socialiste à présenter cette proposition de loi. Mme Clotilde Valter, notre rapporteure, dont je salue le travail acharné pendant de longues semaines, entrera dans le détail du texte.

Mme Clotilde Valter, rapporteure. Cette proposition de loi est le fruit d’un long travail parlementaire, engagé en février 2012 par François Hollande et Jean-Marc Ayrault, alors députés, et repris ensuite autour de François Brottes qui en a été le principal artisan et dont je salue l’implication. Je salue également la présence de notre collègue Jean-Marc Germain, que je remercie de son aide précieuse.

Ce texte s’inscrit dans la perspective, ouverte par le Président de la République, de redressement de notre économie et plus particulièrement de notre industrie, avec l’adoption du Pacte pour la compétitivité, la croissance et l’emploi, la création de la Banque publique d’investissement, l’accord national interprofessionnel et la loi pour la sécurisation du marché du travail.

La proposition a une portée symbolique extrêmement forte car nombre de nos territoires ont subi des fermetures de sites qui ont été autant de traumatismes pour les salariés, les habitants et les élus, à la mesure des 750 000 emplois industriels perdus en dix ans en France.

L’État doit être le protecteur des entreprises et des salariés. Il s’agit, par cette proposition, de marquer notre volonté douvrir une nouvelle phase pour notre économie, celle du redressement et de la reconquête, de deux manières. La première est le redressement productif, qui tend à favoriser, chaque fois que possible, la reprise de sites rentables pour préserver l’activité économique, l’emploi, les savoir-faire et nos territoires. La seconde est la stabilisation de l’actionnariat des entreprises dans la durée, pour privilégier leur intérêt social et leur stratégie de long terme en les préservant des opérations purement financières. Il s’agit d’assurer la primauté de l’économie réelle sur la finance ; de ce point de vue, cette première étape devrait être suivie d’autres.

Nous sommes nombreux ici à avoir été confrontés à des fermetures de sites, drames industriels et humains mais aussi causes d’appauvrissement des territoires et, souvent, de disparitions de savoir-faire industriels. Quand est concerné un site rentable, les salariés, les élus et les habitants font face à l’incompréhensible, à l’absurde, à l’inacceptable. C’est à quoi nous voulons répondre par ce texte, pour garantir la recherche effective d’un repreneur avec la mise au point d’une procédure ad hoc et en instituant un mécanisme dissuasif : la sanction financière prononcée par le tribunal de commerce à l’encontre des entreprises qui refuseraient une offre de reprise sérieuse ne portant pas atteinte à la poursuite de l’activité et de l’emploi du groupe.

Notre préoccupation a été double. D’une part, concilier des principes de valeur constitutionnelle que sont la liberté d’entreprendre, le droit à l’emploi et le droit de propriété ; d’autre part, assurer la cohérence entre cette procédure nouvelle et celle retenue lors de la signature de l’accord national interprofessionnel et qui a été reprise à l’article 19 de la loi sur la sécurisation de l’emploi. Cet article énonce le principe de l’obligation de recherche d’un repreneur en associant le comité d’entreprise à cette recherche et en la complétant avec une procédure spécifique, une sanction – les partenaires sociaux n’ayant pas souhaité aller plus loin lors de la négociation.

Le dispositif se déroule en deux étapes : la recherche d’un repreneur suivie de la vérification et de la sanction. Le schéma joint au dossier de séance montre comment nous l’avons articulé avec la procédure de licenciement collectif.

Pour la recherche d’un repreneur, une obligation de moyens est imposée à l’entreprise. La procédure institutionnalise la phase de recherche, à laquelle sont associés les salariés, l’État et d’autres acteurs extérieurs, tels les élus locaux. La qualité de la recherche en est améliorée, et le diagnostic est partagé par l’ensemble des acteurs. En permettant d’explorer toutes les solutions, y compris la reprise par les salariés, et de faire émerger des solutions de reprise innovantes, la nouvelle procédure multiplie les chances de maintenir l’emploi industriel. D’une durée de trois mois, elle peut commencer avant celle du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Elle s’enclenche devant le comité d’entreprise au plus tard le jour de l’information-consultation en vue du PSE.

Ensuite s’ouvre une phase juridictionnelle de vérification et de sanction. La procédure prévoit le recours au juge en cas de conflit entre l’employeur et les salariés qui peuvent, par le biais du comité d’entreprise, saisir le tribunal de commerce au cas où l’employeur n’aurait pas donné suite à une offre considérée comme sérieuse. Ce dispositif donne une garantie d’impartialité à la procédure. Le contrôle par le juge des actions engagées par l’employeur aux fins de reprise et la perspective d’une sanction financière ont une logique économique : la menace de la sanction contraint l’entreprise à intégrer cette perspective et à conclure avec un repreneur en l’absence de motif susceptible d’être retenu par le tribunal. La procédure dissuade donc les entreprises de fermer des sites quand existent des possibilités de maintenir l’activité.

Nous proposerons de compléter le dispositif par des amendements. Les uns sont techniques. D’autres, de précision, tendent à définir ce qu’est une offre sérieuse, les conditions dans lesquelles une entreprise peut à juste titre refuser la cession, le montant de la pénalité et son affectation. D’autres enfin visent à compléter le texte pour tenir compte des expériences de terrain.

L’impact potentiel du dispositif est important, en raison du champ retenu, celui des entreprises de plus de 1 000 salariés, qui correspond au seuil de l’obligation de revitalisation. Il couvre 15 % des PSE mais 30 % des suppressions d’emplois dans ce cadre ; l’impact est donc fort pour les salariés et les territoires. D’autre part, le dispositif garantit une recherche sérieuse et, surtout, menée à son terme, avec une sanction dissuasive en cas de refus de reprise ; la sanction financière modifie les paramètres de la décision de l’entreprise puisqu’elle peut entraîner un coût double de celui d’un PSE dont le coût moyen est de 27 000 euros, soit 19 SMIC. Par ailleurs, le dispositif fait prévaloir le dialogue social sur le conflit avec un diagnostic partagé et une association étroite des salariés à la recherche.

Le deuxième volet du texte tend à évoluer vers un nouveau modèle de gouvernance des entreprises. Les excès de la finance, avec le déficit de régulation et la priorité donnée à la rémunération des actionnaires et aux décisions de court terme, mettent en danger les entreprises et les salariés. Dans certains cas, les intérêts des actionnaires vont à l’encontre des intérêts de long terme des entreprises, de leurs salariés, de nos territoires et de nos filières industrielles. Une série de rapports et d’ouvrages récents ont souligné cette préoccupation : le rapport d’information du sénateur Christian Gaudin en 2007, l’ouvrage que Jean-Louis Beffa est venu nous présenter en 2012, le rapport de Louis Schweitzer et Olivier Ferrand publié en juillet 2012, le rapport remis par Louis Gallois au Premier ministre en novembre 2012…

Par ce nouveau modèle de gouvernance, nous recherchons le bon équilibre entre une attractivité indispensable pour attirer des capitaux, notamment étrangers, afin de financer notre économie, et la protection des investisseurs qui, lorsqu’ils sengagent dans la durée, protègent mieux les entreprises, les salariés, nos filières industrielles et nos territoires. La situation est particulièrement préoccupante en France où les entreprises sont d’autant plus exposées aux risques d’instabilité que l’actionnariat est trop faible. Il demande à être particulièrement protégé.

Notre texte dit notre volonté de restaurer le primat de l’économie réelle sur la finance, en préservant et en confortant les actionnaires de long terme ou historiques ; en donnant à nos entreprises les moyens de lutter contre les prises de participation hostiles ou rampantes ; en conférant plus de poids aux salariés – et nous déposerons un amendement en ce sens ; en engageant enfin une réflexion sur notre capacité à protéger celles de nos entreprises industrielles dont l’activité est considérée comme stratégique mais dont les faiblesses sont connues, en nous dotant des outils adéquats.

En abaissant à 25 % le seuil de déclenchement obligatoire des OPA pour mettre un terme aux contrôles de fait, le dispositif permet de lutter contre les OPA rampantes. Il généralise aussi le droit de vote double pour les actions inscrites au nominatif au bout de deux ans de détention, donnant ainsi suite aux conclusions du rapport Gallois et au rapport de MM. Jean-Michel Clément et Philippe Houillon établi au nom de la mission d’information de la commission des lois. Enfin, le dispositif associe les salariés aux procédures d’OPA en renforçant les prérogatives du comité d’entreprise : s’il considère l’offre comme hostile, il pourra demander la désignation d’un médiateur.

Nous proposerons une série d’amendements sur cette partie du texte, visant à tenir compte des auditions que nous avons menées.

J’appelle l’attention sur le fait que ce texte ne constitue pour nous qu’une première étape. Nos entreprises sont manifestement moins bien protégées que certaines de leurs concurrentes étrangères, notamment dans le domaine de la défense et dans d’autres secteurs stratégiques. Le rapport rendu par notre collègue Jean Grellier au nom de la commission d’enquête chargée d’investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes montre que certaines OPA hostiles ont eu des effets pour les salariés, les filières et la maîtrise de notre indépendance. Nous devons en tirer les conséquences et réfléchir aux outils dont nous pourrions nous doter à l’avenir. Nous déposerons un amendement en ce sens, en demandant au Gouvernement un rapport d’évaluation du mécanisme d’action spécifique et des autres dispositifs mis en place depuis quelques années pour permettre à l’État d’avoir le contrôle sans être actionnaire majoritaire. C’est un moyen de marquer notre volonté d’aller plus loin.

M. le président François Brottes. Pour l’article 1er, la voie était étroite, et c’est pourquoi nous avons choisi de saisir le Conseil d’État. Il fallait en effet respecter les deux principes constitutionnels que sont le droit de propriété et la liberté d’entreprendre ; c’est ce que nous avons fait.

La parole est pour commencer aux représentants des groupes.

Mme Anne Grommerch. Le groupe UMP considère que vous avez parfaitement résumé l’esprit de cette proposition de loi, madame la rapporteure, en évoquant sa portée symbolique. C’est bien d’un symbole qu’il s’agit. Ce dont nous sommes amenés à parler aujourd’hui, c’est de la « loi Florange » annoncée le 24 février 2012 par M. François Hollande, alors candidat à la présidence de République, en visite sur le site d’ArcelorMittal. L’annonce a été réitérée par M. Arnaud Montebourg le 27 septembre de la même année, qui disait le dépôt du texte imminent. Quelques mois plus tard, les hauts fourneaux de Florange sont éteints et vous nous présentez aujourd’hui une proposition de loi qui, loin de rassurer les entreprises, donne des signaux contradictoires. Elle contredit les mesures en leur faveur annoncées par le Président de la République le 29 avril dernier. Elle nie le principe de la destruction créatrice d’emplois qui fonde pourtant l’économie, et ce n’est pas grâce à cette nouvelle rustine que le Gouvernement stoppera la perte de compétitivité de notre pays. La proposition impose de nouvelles normes et de nouvelles contraintes aux entreprises plutôt que de définir des réformes structurelles. Elle va donc à l’encontre du choc de simplification annoncé, et laisse de nombreuses questions juridiques en suspens.

D’abord, comment définissez-vous un site ? Parle-t-on d’une activité ou d’un établissement ? Comment définir la rentabilité d’un site indépendamment de celle du groupe auquel il appartient ? Par ailleurs, le texte porte atteinte au droit de propriété garanti par la Constitution et la Déclaration des droits de l’homme et, dépossédant de fait l’entrepreneur, collectivise l’outil de travail. De plus, il est prévu pour s’appliquer aux entreprises de plus de 1 000 salariés ; combien sont concernées ? La proposition limite également la liberté d’entreprendre, pourtant protégée.

Outre cela, le texte arrive bien trop tard pour préserver l’avenir des hauts fourneaux mosellans. Pour reprendre les propos tenus par Édouard Martin, délégué CFDT de l’usine ArcelorMittal à Florange, lors de la visite d’Arnaud Montebourg, c’est de « l’enfumage ».

Combien d’emplois auraient été préservés, combien d’entreprises n’auraient pas fermé au cours des douze derniers mois si ce texte avait eu force de loi ? La disparition de la plupart des sites industriels ne fait pas la une des journaux ; il n’empêche que depuis 2012 et l’arrivée au pouvoir de M. François Hollande, 266 usines ont fermé, ce qui représente une augmentation de 42 % par rapport à 2011. De toute évidence, ce texte est plus symbolique qu’efficace. Le titre de la proposition de loi a été modifié, et vous faites désormais allusion à « l’économie réelle ». Mais qu’est-ce que l’économie réelle, sinon les TPE et les PME, sources d’énormément d’emplois et qui sont asphyxiées par l’augmentation des charges et des impôts que vous avez décidée ? Que faites-vous pour les sociétés de moins de dix salariés, qui représentent plus de 90 % de l’ensemble, pendant que vous vous attaquez à quelques entreprises de plus de 1 000 salariés – combien, en fait ?

La seule bonne nouvelle, c’est que cette proposition permettra de sauver la centrale de Fessenheim, un site rentable dont la fermeture entraînerait de nombreuses suppressions d’emplois.

M. le président François Brottes. Vous disposiez d’une minute encore pour développer vos propositions, chère collègue, mais j’ai bien compris que vous n’en aviez pas, ce qui explique que vous n’ayez pas souhaité utiliser l’intégralité de votre temps de parole.

M. Yves Blein. Je le confirme au nom du groupe SRC, madame Grommerch, ce texte est symbolique, à cette précision près qu’il ne s’agit pas d’un symbole éthéré mais d’une proposition de loi pragmatique destinée à agir sur l’économie réelle. C’est ce que reflète son intitulé, élargi pour signifier qu’il s’agit de bien davantage que de la reconversion du seul site de Florange. L’exemple récent du site de Rio Tinto Alcan installé dans la vallée de la Maurienne montre qu’un site perçu à un moment comme inutile pour le développement de l’activité d’un groupe peut être apprécié différemment par un autre et retrouver des perspectives de développement dans un contexte différent. Voilà ce dont nous traitons. Redonner des perspectives à l’économie réelle, c’est renforcer notre outil industriel, dire qu’il a sa place en France aux côtés de l’économie de l’Internet qui est plutôt une économie tertiaire, et que, alors que de nombreux sites industriels ont été fermés ces dernières années, notre avenir passe aussi par l’économie de la fabrication.

Nous avons le devoir de nous assurer que lorsqu’un industriel décide de fermer un site ou de le céder, cela se fait dans les meilleures conditions. Cela suppose l’appréciation de la rentabilité du site considéré, dont j’ai dit qu’elle peut différer selon les approches, et aussi la prise en compte rigoureuse de l’ensemble des coûts industriels, sociaux et environnementaux qui découlent d’une fermeture ou d’une cession. Le texte accorde une place particulière à la situation des salariés, considérés comme partie prenante tout au long du processus. Conformément au principe qui sous-tend l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, ils sont associés à la réflexion sur la poursuite de l’activité de l’entreprise et à la stratégie de reprise du site, même s’ils n’ont pas le dernier mot. C’est un nouveau contrat social.

Dans sa deuxième partie, la proposition s’attache à protéger les entreprises françaises cotées en favorisant la constitution d’un actionnariat d’accompagnement, impliqué dans la stratégie de l’entreprise à moyen et long terme. En donnant une bonification aux actionnaires de long terme, le texte récompense l’investissement dans la durée et dissuade les allers et retours boursiers qui caractérisent la recherche d’un profit immédiat. En abaissant par ailleurs le seuil à partir duquel une OPA est obligatoire, le texte permettra d’identifier plus tôt la volonté de certains investisseurs d’entrer en force au capital d’une entreprise et d’en prendre le contrôle sans en payer le coût.

Telles sont les principales caractéristiques de cette proposition du groupe SRC, pensée pour assurer la continuité de nos sites industriels et pour protéger le capital et la propriété des grandes entreprises françaises.

Mme Michèle Bonneton. Le groupe écologiste soutient cette proposition. Un pas important est franchi, préludant probablement à d’autres qui renforceront la démarche engagée. La désindustrialisation, c’est à la fois une perte d’emplois avec des conséquences sociales terribles, une perte de compétences et un risque réel de perte d’indépendance pour notre pays. Entre 2002 et 2012, malgré la multiplication des niches fiscales et sociales, les gouvernements successifs ont été incapables d’enrayer la perte d’emplois industriels, estimée à 750 000. De 2009 à 2012, mille fermetures d’entreprises ont eu lieu ; elles ne concernaient pas seulement des entreprises en difficulté mais résultaient souvent de la recherche de profit important à très court terme, principalement par des multinationales – c’est ce qu’a mis en évidence la commission d’enquête chargée d’investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes.

Il n’est pas concevable de laisser fermer sans réagir ces entreprises saines, et la proposition de loi ouvre des perspectives intéressantes. Certaines questions demeurent cependant : après un temps de mise en œuvre du texte, ne conviendrait-il pas d’abaisser le seuil – en l’état, le groupe doit compter 1 000 salariés – qui conditionne les obligations décrites ? Ne faudrait-il pas allonger la durée allouée au dirigeant d’entreprise pour chercher un repreneur ?

Nous approuvons le rôle dévolu aux salariés et au comité d’entreprise, l’introduction d’une pénalité potentielle, le fait de compliquer une OPA et l’encouragement à l’actionnariat de long terme. Cette proposition s’inscrit dans la logique de l’action du ministère du redressement productif. Si elle est adoptée, elle la renforcera et contribuera à la réalisation de ses objectifs.

Mme Jeanine Dubié. Ce débat est d’une brûlante actualité. En effet, après le traumatisme dû à la fermeture des hauts-fourneaux de Florange en avril dernier, la situation des sites Rio Tinto Alcan de Saint-Jean de Maurienne et de Castelsarrasin a finalement connu un dénouement heureux samedi, après plusieurs mois d’incertitudes et de tractations. Avec la reprise de ces deux sites industriels par le groupe allemand Trimet, 470 emplois seront sauvés en Savoie, environ 40 postes dans le Tarn-et-Garonne et quelque 2 000 emplois induits seront préservés.

On mesure donc le fort enjeu de cette proposition, qui vise à inscrire dans notre droit l’engagement de campagne n° 35 du Président de la République, dont je rappelle les termes : « Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions, et nous donnerons la possibilité aux salariés de saisir le tribunal de grande instance dans les cas manifestement contraires à l’intérêt de l’entreprise ».

On le sait, la désindustrialisation a durement frappé l’Europe – et dans certains secteurs, plus encore la France. En 30 ans, l’industrie française a perdu plus de 2 millions d’emplois, soit 40 % de ses effectifs. Cette désindustrialisation a des conséquences économiques et sociales graves et nous avons le devoir de chercher des solutions permettant d’améliorer à la fois nos capacités productives et les conditions de travail des salariés.

De plus, l’abandon de notre filière industrielle porterait durablement atteinte à notre indépendance et risquerait de subordonner plus encore la stratégie industrielle de nombreuses entreprises aux marchés. Nous devons lutter contre une tendance lourde de notre système économique – la financiarisation progressive de l’industrie au détriment de l’emploi et des hommes.

L’excellent rapport remis hier par nos collègues Alain Bocquet et Jean Grellier, au nom de la commission d’enquête chargée d’investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes, dresse un état des lieux complet et formule des propositions pour soutenir l’activité d’une filière stratégique pour notre appareil industriel et pour notre économie dans son ensemble.

Si la proposition de loi qui nous est soumise est adoptée, un groupe de plus de 1 000 salariés qui souhaite fermer un site en France devra dorénavant rechercher effectivement un repreneur pendant trois mois, sous peine d’être condamné par le tribunal de commerce à une pénalité d’un montant maximum de 28 000 euros par emploi supprimé. C’est une bonne chose.

L’objectif n’est pas de sanctionner mais bien de dissuader les entreprises d’abandonner des sites industriels rentables. Le groupe RRDP est satisfait que le texte n’ait pas prévu d’obligation de résultat mais instauré une obligation de moyens à caractère fortement dissuasif. Cela évite de faire peser une contrainte insupportable et peut être économiquement inadaptée sur les entreprises tout en faisant qu’il n’y ait pas d’abandon alors que l’outil industriel est en bonne santé. C’est d’autant plus nécessaire que la fermeture d’un site a des conséquences qui vont bien au-delà du seul cadre local, en raison de la destruction des savoir-faire et des techniques et la suppression des emplois induits.

Il ne faut pas stigmatiser les entreprises qui sont le lieu de l’investissement et de la création d’emplois et qui sont donc indispensables à la reprise économique de notre pays, mais le législateur a toute légitimité pour œuvrer au maintien des entreprises rentables sur notre territoire.

Enfin, il est bon de créer les garde-fous destinés à éviter les OPA hostiles lancées par des groupes prédateurs que seules intéressent les performances financières, et de favoriser l’actionnariat stable et de long terme.

Nous abordons donc l’examen de ce texte avec un a priori très positif.

M. André Chassaigne. Le groupe GDR voit en ce texte un baume appliqué pour soulager les douleurs infligées par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui permet de licencier sans entraves. Il ne s’agit ici que de trouver des pistes permettant que les licenciements se fassent dans les meilleures conditions possibles.

J’illustrerai mon propos par l’exemple d’une entreprise de ma circonscription. Elle appartient au groupe Hamelin, propriétaire des marques Oxford, Canson et Bantex, dont l’effectif est de 4 200 personnes. Le chef d’entreprise a attendu le lendemain de la publication du décret précisant les modalités d’application de la loi relative à la sécurisation de l’emploi pour annoncer la fermeture du site, où travaillent 63 salariés. Il considérait que la nouvelle loi lui permettrait de licencier plus facilement, ce qui a été démontré au cours d’une réunion de travail à laquelle j’ai participé. Et c’est ainsi qu’un groupe dont la famille propriétaire figure dans la liste des 500 premières fortunes de France établie par le magazine Challenges – avec un patrimoine de 85 millions d’euros –, un groupe dont le chiffre d’affaires a décuplé en vingt ans pour atteindre 700 millions d’euros, peut supprimer plusieurs sites sans entraves, au seul motif de la recherche d’une meilleure rentabilité.

Il peut le faire d’autant plus facilement qu’en l’absence de comité central d’entreprise, la nouvelle loi prévoit que le plan de sauvegarde de l’emploi ne sera pas applicable au niveau du groupe mais dans chaque entreprise concernée par les restructurations. C’est une aubaine pour les dirigeants, en ce que cela limite à deux mois le délai durant lequel le comité d’entreprise pourra donner un avis, dans la mesure où le nombre de licenciements annoncés est inférieur à 99 sur chaque site.

Par ailleurs, en supprimant la possibilité d’intervention du juge des référés durant la procédure, la loi relative à la sécurisation de l’emploi a désarmé les représentants des salariés en les privant de mesures provisoires et rapides destinées à sauvegarder leurs droits, et restreint à deux mois le délai dans lequel l’expert désigné par le comité d’entreprise peut produire un avis sur la validité du motif économique des licenciements.

Ce cas d’école montre les conséquences désastreuses de la loi de sécurisation de l’emploi que vous avez fait adopter et que notre groupe a combattue avec la dernière énergie.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui ne remet pas en cause les licenciements boursiers – elle les légitime en creux, puisque ses auteurs admettent que l’on ne peut s’y opposer –, mais suggère des mesures d’accompagnement. Certaines auront des effets positifs et nous soutiendrons ce qui va dans le sens de l’intérêt général, le bien public et l’intérêt des salariés. J’observe cependant que, contrairement à ce qui a prévalu pour la loi de sécurisation de l’emploi, qui ne fixe pas ce seuil, le champ des entreprises concernées est très restrictif : seules seront obligées de rechercher un repreneur les entreprises de plus de 50 salariés appartenant à un groupe de plus de 1 000 salariés. L’entreprise auvergnate dont j’ai parlé compte 63 salariés – ils auraient pu être 49 – mais, jusqu’au mois dernier, il y avait aussi 40 intérimaires. Que se passe-t-il quand les intérimaires ne sont pas comptés dans les effectifs ? Par ailleurs, fixer à trois mois le délai dans lequel le dirigeant doit trouver un repreneur est irréaliste : il suffit pour s’en convaincre de se rappeler les difficultés éprouvées dans le cas de Petroplus, alors même que le Gouvernement était à la manœuvre.

Concernant le droit de recours des salariés, quand bien même le tribunal de commerce établirait le manque de loyauté de l’employeur dans sa recherche, il ne pourrait lui infliger qu’une pénalité insignifiante – on image aisément que des dirigeants d’entreprise à la tête d’une fortune de 85 millions d’euros seront pris de panique à l’idée de devoir verser une pénalité équivalente à 20 fois le montant mensuel du SMIC par emploi supprimé ! Plus grave encore, le tribunal de commerce ne pourra pas imposer à l’employeur de faire droit à une offre crédible et sérieuse qu’il aurait repoussée, et les salariés seront, quoi qu’il en soit, licenciés.

Telles sont les limites d’une proposition que nous soutiendrons si elle apporte quelque chose aux salariés. Mais qui a voté la loi de sécurisation de l’emploi ne peut se présenter en sauveur des salariés dont l’emploi est menacé par les fermetures de sites.

Mme la rapporteure Clotilde Valter. J’ai du mal à comprendre l’intervention de Mme Grommerch. Quelle que soit leur sensibilité politique, tous les élus ont été confrontés à des drames industriels et humains. À ce cri, nous répondons par un symbole – je revendique le terme –, car la manière dont les salariés, les élus et tous les habitants d’un territoire ressentent la fermeture d’un site justifie qu’on recherche une solution par tous les moyens. Il ne faut pas se résigner, quand il est possible de maintenir l’activité et de trouver un repreneur.

Au lieu de rester soumis au bon vouloir de l’entreprise, condamnés à l’inaction, faute d’un cadre juridique et d’un diagnostic commun à tous les acteurs du dossier, nous voulons pousser la recherche le plus loin possible, afin de sauvegarder les emplois et les compétences industrielles. L’appréciation cinglante Mme Grommerch est mal venue, car, en protégeant l’activité de nos filières, on préserve également l’intérêt des territoires et celui de notre pays.

Contrairement à ce qui a été dit, le Conseil d’État ne considère pas que le texte aille à l’encontre du droit de propriété. Celui-ci serait menacé si le tribunal forçait l’entrepreneur à céder, mais nous ne sommes pas allés jusque-là.

M. André Chassaigne. Vous laissez tout faire ! Nous en reparlerons dans quelques années.

Mme la rapporteure. Nous restons dans le cadre légal. Quand on veut agir, on ne prend pas le risque de faire voter des dispositions qui peuvent être annulées. C’est pourquoi, sur certains points, j’en conviens, nous sommes restés en retrait.

M. André Chassaigne. Quand on est social-démocrate, on n’est pas révolutionnaire, c’est sûr !

M. le président François Brottes. Les législateurs sont tenus de respecter la Constitution, s’ils veulent que leurs lois soient appliquées.

M. André Chassaigne. À quand la VIRépublique ?

Mme la rapporteure. La VIRépublique n’y changerait rien : le respect du droit de propriété figure dans le préambule de la Déclaration des droits de l’homme de 1789, dont je ne pense pas que vous souhaitiez vous affranchir !

M. André Chassaigne. N’est-ce pas ce que fait M. Montebourg quand il parle de nationalisation ?

Mme la rapporteure. Mme Grommerch m’a demandé pourquoi nous nous intéressions aux entreprises de plus de 1 000 salariés. Les instruments statistiques dont nous disposons ne sont pas très précis. L’INSEE utilise des catégories pour classer les entreprises. Il est difficile de distinguer celles de plus de 1 000 salariés car le seuil de 1 000 salariés n’est pas retenu pour la construction de ces catégories : il est fait référence aux entreprises dont l’effectif comprend 500 à 2 000 employés. En revanche, il faut qu’une entreprise ait 1 000 employés pour qu’il soit possible de mettre en œuvre une convention de revitalisation du territoire. Pour répondre à Mme Bonneton, un amendement supprime le seuil de 50 salariés, dont M. Chassaigne a contesté la pertinence.

Depuis 2011, 143 000 salariés ont été touchés par un plan de sauvegarde de l’emploi, dont 43 500 dans des entreprises de plus de 1 000 salariés qui pourraient être concernés par le texte. Pilpa, D’Aucy, Ethicon ou Camiva auraient pu en bénéficier. Par ailleurs, nous avons reçu les délégués de M-Real et les élus de l’Eure, à propos de la reprise de leur société.

J’aimerais connaître le nom du repreneur potentiel de Fessenheim, puisque, ce matin même, M. Mestrallet nous a rappelé qu’il avait fermé cinq à six sites de ce type.

Je remercie Mme Bonneton et Mme Dubié pour leur intervention.

M. le président François Brottes. Je salue l’arrivée du ministre de l’économie et des finances, et le remercie de sa présence, car il n’est pas tenu d’assister au débat en commission sur une proposition de loi.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je salue le travail que mènent conjointement la commission des affaires économiques et celle des affaires sociales. Si certains de mes collègues ont été légèrement surpris de devoir parler d’OPA et d’actionnariat, bref de rentrer dans le moteur du capitalisme, c’est là que nous trouverons des solutions à la crise de l’emploi et aux difficultés des entreprises. Je remercie le président de l’attention qu’il porte depuis des mois à ce texte très important. Il va de soi que la proposition de loi est symbolique, mais les symboles sont importants en politique, au même titre que la confiance. L’ancienne présidente du MEDEF en convient, même si elle ne soutient pas le texte.

Celui-ci répond à un syndrome, identifié sous le nom de capitalisme financier. En 2008, dans son discours de Toulon, le précédent Président de la République avait dénoncé les patrons voyous, et le fait que la finance prenne le pas sur l’économie. Comme le montre son titre, qui a fait débat, la PPL vise à remettre l’économie réelle au premier plan, car la finance doit être à son service. Depuis le début du quinquennat, plusieurs textes sont allés dans ce sens, tandis qu’à l’échelon européen, nous avançons vers une union bancaire.

Pour réagir à la tyrannie du court terme, nous entendons donner plus de pouvoir aux actionnaires de long terme dans la gouvernance des entreprises. Le ministre des finances prépare une loi qui privilégiera, grâce à des mesures fiscales, l’épargne de long terme. Autant de mesures témoignant de notre volonté d’aller vers ce que Patrick Artus a appelé un capitalisme de projet, par opposition au capitalisme financier, qui a conduit à la crise de 2008.

Dernier fil rouge du texte : nous souhaitons que les entreprises cessent d’être soumises aux actionnaires et aillent dans le sens de la codétermination. Elles doivent être un lieu de rencontre entre des actionnaires qui apportent des moyens, des salariés qui apportent du travail et des territoires qui créent un environnement favorable à la création de richesses. Leurs décisions doivent refléter ces trois points de vue, qui vont dans le sens de l’intérêt général. En créant l’obligation de rechercher un repreneur, nous insistons sur le fait que l’entreprise ne peut effectuer seule un choix dont les conséquences engagent non seulement les actionnaires, auxquels on ne peut pas reprocher de chercher à maximiser leurs profits, mais aussi les salariés et les territoires. Tous doivent réfléchir en commun.

M. Chassaigne a cité le cas d’une entreprise qui a attendu la promulgation de la loi de sécurisation de l’emploi pour fermer un site. J’en connais d’autres qui se sont précipitées pour mettre en place un plan social avant le vote de la proposition de loi.

M. Lionel Tardy. Depuis des mois, nous entendons parler de ce texte, d’abord présenté comme une « proposition de loi sur les sites rentables », que nous appelions entre nous la « PPL Florange ». Nous nous attendions au pire. Nous n’avons pas été déçus. La rapporteure a parlé d’un travail artisanal, à la portée symbolique. Nous la rejoignons sur ce point. Le nombre d’amendements déposés, émanant de la majorité, confirme que le texte mériterait d’être totalement récrit.

Il s’agit d’une pure opération de communication. Aucune étude d’impact n’évalue le nombre d’entreprises potentiellement concernées, bien que la proposition de loi ait hélas vocation à être adoptée, parce qu’elle traduit – très librement – un engagement du candidat François Hollande. L’expression de « site rentable », qui n’avait aucun fondement, a été abandonnée au profit d’un titre élégant mais aussi creux que le célèbre « redressement productif ». L’exposé des motifs donne, lui aussi, dans la poésie. En revanche, en termes de contenu et de légistique, le compte n’y est pas.

Je remercie le président de l’Assemblée nationale d’avoir sollicité l’avis du Conseil d’État et le président de la Commission ne nous l’avoir transmis, dans un souci de transparence. Cet avis, riche d’enseignements, est accablant pour la rédaction proposée, notamment celle de l’article 1er. Il pointe en outre les risques d’inconstitutionnalité et met à nu le postulat sur lequel repose la PPL : lorsqu’un site ferme, c’est forcément de la faute du patron, cet irresponsable qui met tant de mauvaise volonté pour trouver un repreneur et qu’il faut, en conséquence, contraindre et sanctionner. L’élément central du dispositif est en effet la sanction du chef d’entreprise, le reste étant négligé. Nous nous trouvons face à un texte sans vision globale, qui complexifie une procédure et désigne un bouc émissaire, bref qui ne donne aucune perspective à l’économie réelle.

M. le président François Brottes. Merci de ce propos nuancé, mais je connais peu de sites qui aient fermé à l’initiative des salariés ! Je rappelle en outre que les études d’impact, que le Parlement n’a pas toujours les moyens d’effectuer, ne sont pas nécessaires pour une proposition de loi.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Merci de votre accueil, monsieur le président, dans cette commission où j’ai beaucoup de plaisir à travailler avec vous. Mon propos sera bref. Il rappellera pourquoi le Gouvernement approuve le texte, qui lui semble important pour au moins trois raisons.

La proposition de loi parvient à un équilibre intelligent entre la nécessité de la régulation et le besoin de contrecarrer certains abus du marché. Il n’y a pas lieu de parler d’une « loi Florange », mais il est exact qu’on doit trouver des solutions pour éviter que ne se reproduisent certaines situations trop connues.

Les articles concernant les OPA tracent un autre axe fort : la protection de l’économie française face aux capitaux étrangers. J’espère qu’ils feront consensus, même si certains points du texte sont à revoir, car il faut non seulement que notre économie soit préservée, mais qu’elle vive, ce sur quoi j’insisterai, en tant que ministre de l’économie et des finances.

Enfin, le texte favorise l’implication des salariés dans la vie de l’entreprise, à travers les institutions représentatives du personnel.

Le travail est de grande qualité. Le Gouvernement soutiendra des amendements ou formulera des avis, mais il soutient votre démarche.

*

* *

II. EXAMEN DES ARTICLES

La liste des amendements examinés par la commission est disponible sur le site internet de l'Assemblée nationale (35).

TITRE IER
OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR
EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

Article 1er
(articles L. 613-1 à L. 616-2 [nouveaux] du code de commerce)

Création d’une nouvelle procédure visant à prévenir la fermeture
des sites industriels rentables.

Trois enjeux principaux peuvent être distingués : la coordination avec les dispositions récentes de la loi de sécurisation de l’emploi, l’opérationnalité du dispositif et la question de la constitutionnalité de la sanction.

A. LA COORDINATION AVEC LES DISPOSITIONS RÉCENTES DE LA LOI DE SÉCURISATION DE L’EMPLOI.

Au jour du dépôt de la proposition de loi, la loi sur la sécurisation de l’emploi n’était encore qu’au stade du projet de loi, en cours de discussion parlementaire. Il n’y avait donc pas de redondance à proprement parler. Mais tel n’est plus le cas depuis la promulgation au journal officiel le 16 juin dernier de la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Cette question ne peut donc plus être ignorée.

1 La question de la répartition des dispositions sur la recherche de repreneur entre code du travail et code de commerce

L’article L. 1233-90-1 du code du travail et les articles L. 613-1 à L. 614-5 du code de commerce, soit les neuf premiers articles qu’insère l’article 1er, traitent sensiblement des mêmes sujets, avec des rédactions légèrement différentes et plus détaillées dans la proposition de loi. La suite des articles (614-6, 614-7, 615 -1, 615-2, 616-1 et 616-2) insère des dispositions tout à fait nouvelles.

En termes de codification, la proposition de loi fait le choix d’une codification dans le code de commerce qui se justifie par trois arguments forts :

– en termes de philosophie, le texte se veut économique, en contraignant le chef d’entreprise entendant fermer un établissement à intégrer dans son calcul les obligations qui sont les siennes et une éventuelle sanction pécuniaire, pour qu’il mesure s’il lui est plus rentable de fermer l’établissement que de faire tous les efforts en vue de le céder à un repreneur ;

– le rôle majeur que joue le tribunal de commerce dans la procédure justifie en soi l’insertion dans le code de commerce ;

– la logique de recherche de repreneur existe déjà dans le code de commerce.

Toutefois, certains éléments plaident également pour une intégration dans le code du travail :

– l’objectif final de la procédure, qui est d’éviter des licenciements, et donc en quelque sorte de réduire l’ampleur du plan de sauvegarde de l’emploi ; il semble de ce fait impossible de déconnecter totalement la procédure de recherche de repreneur de celle du licenciement collectif, notamment, en cas d’échec de la recherche, lorsqu’elles arrivent à leur conclusion ;

– le rôle déterminant du comité d’entreprise, dont le code « naturel » est le code du travail et qui est à ce stade quasi-absent du code de commerce ;

– les rédactions retenues pour les dispositions de l’article 1er, en tout cas pour toute la première partie, qui sont directement inspirées du code du travail.

C’est pourquoi votre rapporteure souhaite adopter une position conciliant les deux approches c’est-à-dire intégrer le début de la procédure, consacré essentiellement au rôle du comité d’entreprise, dans le code du code travail et la suite de la procédure, consacrée au rôle du tribunal de commerce, dans le code de commerce. Cette répartition permet de répondre à toutes les objections qui viennent d’être soulevées.

Concrètement, la proposition de loi :

– insérerait une section 4 bis (avant la section 5 consacrée au licenciement économique dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire) au sein du chapitre III (licenciement pour motif économique) du titre III (rupture du contrat de travail à durée indéterminée) du livre II de la première partie du code du travail, reprenant les articles L. 613-1 à L. 614-6.

– maintiendrait le reste des dispositions de la proposition de loi dans le code de commerce.

2. L’articulation avec les délais de la procédure de licenciement collectif.

S’agissant de la procédure de licenciement collectif, l’article L. 1233-30 du code du travail tel que modifié par l’article 18 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi prévoit deux avis du comité d’entreprise. Conformément à la logique des délais dits « préfixes », ces deux avis sont rendus « dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté » à :

– deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;

– trois mois lorsque le nombre de licenciements est compris entre cent et deux cent cinquante ;

– quatre mois lorsque le nombre de licenciements est au moins égal à deux cent cinquante.

L’administration dispose ensuite d’un délai :

– de quinze jours pour valider, le cas échéant, un accord collectif sur le plan de sauvegarde de l’emploi.

– de vingt et un jours pour homologuer le document élaboré par l’employeur en l’absence d’accord.

Pour des raisons de sécurité juridique, votre rapporteure propose de faire coïncider les délais de la nouvelle procédure créée avec ceux de la procédure de licenciement collectif :

– Au moment de l’ouverture de la procédure : l’employeur est incité à rechercher un repreneur le plus en amont possible du lancement du plan social mais l’obligation qui lui est imposée est de lancer cette recherche au plus tard à l’ouverture de la procédure de licenciement collectif.

– Au moment de leur clôture, ce qui permet de prendre le nombre d’emplois supprimés par le plan de sauvegarde de l’emploi comme base de calcul de la pénalité attribuée à l’employeur.

– En faisant coïncider les délais de l’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi par l’administration et ceux dans lesquels le tribunal de commerce doit prononcer son jugement sur la pénalité éventuellement imposée à l’employeur.

ARTICULATION DES DÉLAIS DES PROCÉDURES DE LICENCIEMENT COLLECTIF
ET DE RECHERCHE DE REPRENEUR

B UNE DENSITÉ SYMBOLIQUE QUI NE DOIT PAS FAIRE OUBLIER LA NÉCESSITÉ DE L’OPÉRATIONNALITÉ

En période de crise économique, lorsque l’emploi industriel plonge à la suite de nombreux plans sociaux, la fermeture de sites dont on pourrait garantir la pérennité n’est pas acceptable. Le dispositif proposé constitue un signal fort envoyé aux entreprises qui, sous prétexte d’améliorer les dividendes de leurs actionnaires, feraient fi du devenir de leurs salariés.

Toutefois, si l’objectif poursuivi s’énonce facilement, encore faut-il parvenir à construire une procédure qui n’ajoute ni complexité inutile ni difficultés d’interprétation et qui couvre bien les cas visés. Votre rapporteure s’est ainsi attachée, au cours des auditions préparatoires, à rencontrer des praticiens des procédures collectives et des professionnels de la recherche de repreneur, afin de définir quels étaient les prérequis à une opération de recherche de repreneur réussie. Le texte de la proposition de loi, ainsi que les amendements qui seront proposés, sanctuarisent les bonnes pratiques, observées sur un certain nombre de cas particuliers, dans le but de les voir appliquer à tous les cas de fermeture d’établissement.

1. Définition d’un établissement et périmètre des établissements visés – article L. 613-1

Il existe, au préalable, un enjeu portant sur le périmètre des établissements visés.

L’article L. 613-1 (alinéa 8) définit le champ des entreprises sur lesquelles pèse l’obligation de rechercher un repreneur : il s’agit des entreprises mentionnées à l’article L. 1233-71 du code du travail, c’est-à-dire celles soumises à l’obligation de proposer un congé de reclassement, à savoir les entreprises et les établissements d’au moins 1 000 salariés, les entreprises appartenant à des groupes d’au moins 1 000 salariés ou les entreprises ou groupes d’entreprises de dimension communautaire d’au moins 1 000 salariés.

La référence à l’article L. 1233-71 exclut donc du champ de l’obligation les entreprises en redressement ou liquidation judiciaire, qui ne sont pas soumises aux dispositions relatives au congé de reclassement – l’article L. 1233-75 disposant que « les dispositions de la présente sous-section ne sont pas applicables aux entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire ». En revanche, les entreprises en procédure de sauvegarde sont dans le champ de l’obligation de recherche de repreneur (36).

S’agissant de la notion d’établissement, il en existe deux définitions distinctes :

– l’établissement physique (SIRET) ;

– l’établissement distinct au sens des dispositions du code du travail relatives aux institutions représentatives du personnel.

Un établissement distinct au sens des IRP ne correspond pas forcément à un établissement physique (SIRET), qui peut regrouper plusieurs sites, plusieurs locaux. La détermination des établissements distincts au sens des IRP se fait exclusivement en fonction de l’institution à mettre en place. Il s’agit d’une division de l’entreprise pour favoriser un meilleur exercice des missions des représentants syndicaux et des représentants du personnel.

Si la définition d’établissement par le critère physique du SIRET correspond davantage à la réalité économique que la proposition de loi cherche à couvrir, il paraît toutefois préférable de retenir la définition d’établissement posée par le droit du travail. En effet, la première partie de la procédure mise en place s’articule autour de la consultation du comité d’établissement. Retenir la définition SIRET pourrait conduire à impliquer deux comités d’établissement différents, et générer des conflits potentiels.

La loi ne donnant aucune définition de l’établissement distinct, la jurisprudence a dégagé des critères aujourd’hui stabilisés. Il n’existe donc pas d’incertitudes sur la notion d’établissement qui pourraient poser des problèmes d’application de la loi.

La proposition de loi prévoit que seuls sont concernés les établissements employant habituellement au moins cinquante salariés. Votre rapporteure propose de supprimer ce seuil pour deux raisons :

– Une raison de fond : la fermeture d’un établissement de moins de 50 salariés peut avoir un impact important sur un territoire où l'activité économique est fragile. La recherche d’un repreneur doit donc s’appliquer à de tels cas.

– Une raison de forme : ce seuil n’est pas prévu par l’article L. 1233-90-1 du code du travail, inséré par la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, dont la présente proposition de loi constitue un prolongement.

2. Association étroite des salariés au processus de recherche – articles L. 613-1, L. 613-2, L. 614-2 et L. 614-3 et L. 614-6 (nouveaux) du code de commerce

Lorsqu’une entreprise annonce la fermeture d’un site, la pratique montre qu’il peut se développer un « conflit dans le conflit » au sujet de l’accès à l’information. Trois éléments exacerbent l’opposition entre salariés et direction :

– lorsque la direction n’apporte pas de justifications convaincantes à la nécessité d’une fermeture du site et qu’elle apparaît se résoudre à sa fermeture alors que sa viabilité semble possible aux yeux des salariés ;

– lorsque les salariés ne sont pas informés de l’état d’avancement du processus de recherche de repreneur. Notamment, l’employeur peut garder confidentielles l’existence et l’identité de certains repreneurs crédibles, renforçant l’idée que la fermeture pourrait être évitée ;

– lorsque les salariés se voient refuser la communication des données nécessaires à l’élaboration d’une offre de reprise alternative. Dans le droit actuel, rien ne contraint l’employeur à donner accès à la data room à un repreneur potentiel, et le comité d’entreprise ne possède pas de droits spécifiques à ce sujet.

Le texte de la proposition de loi permet de lever ces trois sources d’opposition et de conflit :

– l’article L. 613-1 (alinéa 8) oblige l’employeur à informer les salariés de son intention de fermer un établissement. Au cours de la réunion du comité d’établissement durant laquelle a lieu cette information, il doit justifier la nécessité d’un projet de fermeture par des raisons économiques, financières et techniques (article L. 613-2) ;

– l’article L. 614-2 (alinéa 31) précise que le comité d’entreprise est informé de toutes les offres de reprise et qu’il peut émettre un avis sur celles-ci ;

– l’article L. 614-3 (alinéa 32) donne au comité d’entreprise, lorsqu’il souhaite participer au processus de recherche, les mêmes droits que tout autre repreneur ;

– enfin, l’article L. 614-6 (alinéas 39 à 42) oblige l’employeur à rendre compte de ses actions à la fin de la procédure par la tenue d’une réunion au cours de laquelle est présenté un rapport au comité d’entreprise.

Par ailleurs, dans le cas d’une entreprise multi-établissements, si le comité central d’entreprise demeure investi des prérogatives économiques, les articles L. 613-3 et L. 614-4 (alinéas 14 et 34) prévoient une implication du comité d’établissement. Ces dispositions vont dans le sens de l’intervention de tous les acteurs qui ont un intérêt à la sauvegarde du site.

3. Information de l’autorité administrative et des collectivités territoriales – article L. 613-4 (nouveau) du code de commerce

L’autorité administrative et les collectivités territoriales ont un rôle particulier à jouer lorsqu’une fermeture de site industriel est envisagée.

En premier lieu, l’autorité administrative est chargée de vérifier le bon déroulement de la procédure prévue par la loi. À cet égard, il est nécessaire de l’informer dès le lancement de cette dernière et de lui envoyer l’ensemble des éléments matériels dont elle a besoin pour s’assurer que l’employeur respecte ses obligations.

En second lieu, l’autorité administrative et les collectivités territoriales peuvent apporter leur concours à la recherche de repreneur, par la mobilisation de moyens supplémentaires, financiers et humains.

Enfin, elles jouent parfois un rôle d’intermédiaire et de médiation, entre les salariés et les dirigeants de l’entreprise ou bien entre ces derniers et des repreneurs potentiels.

Par exemple, les collectivités territoriales et la préfecture de l’Eure ont joué un rôle décisif dans le succès obtenu par les salariés de MREAL. Elles ont permis au comité d’entreprise de disposer d’une expertise de qualité grâce à une contribution financière, ont obtenu des concessions de la part de la direction de MREAL et ont servi d’intermédiaire entre cette dernière et le candidat à la reprise, Double A.

En prévoyant l’information de l’autorité administrative au stade de la réunion initiale et la transmission des informations matérielles sur la tenue de cette réunion, l’article L. 613-4 (alinéas 17 et 18), intègre l’ensemble de ces éléments à la procédure.

Pour permettre une mobilisation totale et rapide de l’ensemble des acteurs concernés par la survie du site industriel menacé, votre rapporteure souhaite compléter cet article par :

– l’information du maire par l’employeur ;

– l’information des élus concernés par l’autorité administrative.

4. Publicité de la recherche auprès de potentiels repreneurs, accès de ces derniers aux informations sensibles et examen de leurs offres – article L. 614-1 (nouveau) du code de commerce

Une recherche de repreneur efficace passe par le démarchage de nombreux repreneurs potentiels. L’Agence française pour les investissements internationaux, à qui sont confiées des missions de recherche de repreneur pour des entreprises en difficulté, s’adresse ainsi à 100 à 200 contacts par dossier. Elle réalise des documents de présentation « vendeurs » – les teasers – dont l’objet est de présenter le site, ses atouts, les compétences du personnel de l’établissement, les machines ainsi que les perspectives de marché. Toute entreprise souhaitant céder un site s’adresse à des cabinets spécialisés qui engagent le même type d’action.

À ce titre, la réalisation d’un bilan économique et social, prévue au 1° de l’article L. 614-1 (alinéa 25), ne semble pas adaptée à l’objectif poursuivi, qui est de « vendre » l’établissement à des repreneurs potentiels.

Votre rapporteure propose un amendement qui :

– intègre une obligation de publicité pour l’employeur auprès de repreneurs potentiels ;

– oblige l’employeur à la réalisation d’un document de présentation de l’établissement. Cette formulation se rapproche davantage des pratiques observées dans le cadre d’une recherche de repreneur ;

– précise le contenu du bilan environnemental, qui doit contenir le diagnostic précis de la pollution du site et le coût des mesures de remise en état écologique.

Par ailleurs, les 2° à 4° de l’article L. 614-2 (alinéas 26 à 28) visent à empêcher l’employeur de faire échec à la reprise par des moyens détournés :

– le 2° l’oblige à donner accès aux entreprises candidates à toutes informations qui leur sont nécessaires pour élaborer leur projet de reprise ; il est toutefois prévu une exception lorsque la communication de telles informations porterait atteinte aux intérêts de l’entreprise (informations commerciales, secrets de fabrication, brevets, etc.). Une telle exception est particulièrement nécessaire dans le cas de candidats qui seraient des concurrents directs.

– les 3° et 4° précisent que chaque offre doit faire l’objet d’un examen attentif, de façon à ne laisser passer aucune chance de reprise.

5. Possibilité pour les salariés de recourir à un expert lors de la procédure – article L. 614-4 (nouveau) du code de commerce

Ainsi que l’ont montré les exemples de Pilpa et MREAL, l’accès à une expertise de qualité est un enjeu central pour les salariés. Elle leur permet de :

– remporter la bataille de l’image, en convaincant les acteurs extérieurs (élus locaux, médias, etc.) qu’une solution de reprise est possible ;

– pointer du doigt des informations économiques et financières erronées ou une recherche de repreneur qui serait déficiente de la part de l’employeur ;

– bâtir des plans de reprise alternatifs.

L’article L. 614-4 (alinéas 33) donne au comité d’entreprise le droit de recourir à un expert rémunéré par l’entreprise.

La dénomination d’expert est souvent sujette à débat : doit-on préférer un « expert-comptable », un « expert » ou un « avocat conseil » ? Votre rapporteure considère que la notion d’expert, la plus généraliste, est la mieux à même de répondre aux attentes des salariés dans le plus grand nombre de cas possibles.

Enfin, votre rapporteure propose un amendement qui en précise les missions. La formulation proposée reprend celle de l’article L. 1233-90-1 du code du travail, en la complétant par la possibilité pour l’expert d’assister le comité d’entreprise pour la recherche d’un repreneur et pour l’élaboration de projets de reprise. Cet amendement encadre en outre les délais de sa mission dans les délais généraux de la procédure.

6. Contrôle de la solvabilité du repreneur en cas de reprise – article L. 614-5 (nouveau) du code de commerce

La procédure prévoit à l’article L. 614-5 (alinéa 38) les cas d’une sortie « par le haut » : lorsque l’employeur souhaite donner suite à une offre, il consulte le comité d’entreprise pour lui en présenter les caractéristiques.

Toutefois, il importe de se prémunir du risque des fausses reprises, qui peut intervenir dans deux cas différents :

– lorsque la perspective d’une reprise attire des repreneurs mal intentionnés, qui profitent des difficultés d’une entreprise pour acquérir un site à bas prix sans pour autant disposer de la surface financière nécessaire pour en assurer la pérennité ;

– dans l’hypothèse où l’employeur organiserait une reprise par un faux repreneur, pour échapper à ses obligations.

Votre rapporteure propose d’introduire une protection contre ce type de comportements, en prévoyant que le comité d’entreprise, lorsqu’il est consulté sur l’offre de reprise que l’employeur est sur le point d’accepter, dispose des informations nécessaires pour s’assurer que le repreneur possède toutes les garanties suffisantes pour maintenir l’emploi sur le long terme.

7. Déroulement de la procédure devant le tribunal de commerce – articles L. 614-7 à L. 615-2 (nouveaux) du code de commerce

Au terme de la période de recherche, le comité peut constater que l’employeur n’a pas rempli ses obligations de recherche ou bien qu’il a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime. L’article L. 614-7 (alinéa 43) lui donne le droit de saisir le tribunal de commerce, ce qui lance la procédure de vérification lancée par le juge de commerce.

Votre rapporteure propose deux amendements :

– réduire le délai de saisine à huit jours, de façon à raccourcir les délais de la procédure, dans la logique de la loi de sécurisation de l’emploi ;

– supprimer la référence au président du tribunal de commerce, le tribunal de commerce étant la juridiction la plus adaptée pour statuer sur ce type de requête.

La procédure suivie devant le tribunal, décrite aux articles L. 615-1 et L. 615-2 (alinéas 46 à 48) doit être légère et rapide : examen par le juge de l’ensemble des éléments produits par l’entreprise et les salariés, audition possible de ces derniers et recours à un expert.

Votre rapporteure propose de supprimer plusieurs dispositions qui sont soit déjà prévues par le code de procédure civile, applicable à la procédure suivie par le tribunal de commerce (possibilité d’entendre les salariés et les dirigeants avant de statuer sur l’ouverture de la procédure), soit alourdissent inutilement le processus (nomination d’un juge commissaire).

8. Détermination du montant de la pénalité et affectation de son montant à des actions de revitalisation de l’emploi industriel – article L. 616-1 (nouveau) du code de commerce et article 2 de la proposition de loi.

L’article L. 616-1 (alinéa 51) dispose que le tribunal de commerce peut imposer une pénalité qui ne peut être supérieure à vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum par emploi supprimé.

Deux éléments doivent donc être précisément définis : la notion d’emploi supprimé et celle du salaire minimum.

La notion du « nombre d’emploi supprimé » est bien connue puisqu’elle est utilisée pour fixer le montant de la contribution à la convention de revitalisation (art. L. 1233-84 et suivants). Comme le précise la circulaire de la DGEFP du 12 juillet 2012 relative à la mise en œuvre de l’obligation de revitalisation, « la règle de détermination des emplois supprimés est fixée par l’article D. 1233-43 du code du travail. Ce nombre correspond au nombre de salariés figurant sur la liste transmise à l’autorité administrative compétente en application de l’article L. 1233-47 du code du travail, déduction faite du nombre de salariés dont le reclassement interne est acquis sur le ou les bassins d’emploi affectés par le licenciement collectif au terme de la procédure de consultation prévue aux articles L. 1233-8 et L. 1233-9, ainsi que L. 1233-28 à L. 1233-30. Concrètement, cela correspond au nombre de salariés qu’il est envisagé de licencier à l’issue de la procédure livre II, titre III, à l’exception des salariés qui ont été licenciés mais dont le reclassement interne au sein de l’entreprise ou du groupe est acquis dans le ou les bassins d’emplois affectés (…) Les salariés en CDD, intérimaires et les sous-traitants ne rentrent pas dans l’assiette de calcul de la contribution de revitalisation ».

Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier le texte de la proposition de loi sur ce point.

Votre rapporteure propose en revanche de préciser la notion de salaire minimum, qui peut prêter à ambiguïté dans la mesure où elle peut faire référence au salaire minimum conventionnel ou au salaire minimum légal (salaire minimum interprofessionnel de croissance). C’est cette dernière définition qui doit être retenue.

L’article L. 616-1 n’indique pas la destination de la pénalité. À défaut d’une telle précision, elle a vocation à être versée au budget de l’État.

Toutefois, l’article 2 de la proposition de loi demande au Gouvernement la remise d’un rapport sur les modalités d’affectation de la pénalité aux territoires et filières industrielles concernés par la fermeture de l’établissement. Il précise ainsi que l’intention des auteurs est de former un dispositif cohérent de réindustrialisation par la mobilisation des sommes perçues au titre des pénalités versées par les entreprises qui n’auraient pas rempli leurs obligations de recherche ou refusé de céder un site pour lequel un repreneur avait été identifié.

Rappelons que la création d’un mécanisme budgétaire d’affectation des sommes perçues est strictement encadrée par :

– l’article 40 de la Constitution, qui empêche la création d’un fonds spécifique, considérée comme une charge ;

– le principe d’universalité budgétaire, et notamment la règle de non-affectation des recettes, qui contraint à passer par la création d’un compte d’affectation spéciale en loi de finances dans l’hypothèse où les pénalités ne devraient pas être versées au budget général de l’État.

C’est pourquoi le vecteur de la convention de revitalisation semble le plus adapté.

C. LA QUESTION DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DE LA SANCTION – ARTICLE L. 616-1 (NOUVEAU) DU CODE DE COMMERCE

1. Une évolution significative entre les propositions de loi « présidentielle » et « parlementaire ».

Le texte a évolué de façon significative entre les premières versions du texte, qui se fondaient sur une obligation de céder le site, et la présente proposition de loi, qui repose sur une sanction pécuniaire des entreprises récalcitrantes, et non sur une obligation de cession. Cette évolution est le reflet d’une préoccupation majeure des auteurs de la proposition de loi : concilier le droit, garanti par l’alinéa 5 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, d’obtenir un emploi, et le droit de propriété, qui se fonde sur les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le Conseil d’État considère ainsi dans son avis que : « la question se pose également au regard du droit de propriété, dès lors qu’est sanctionné le refus de céder un établissement. Toutefois, la circonstance, d’une part, que n’est pas prévue une obligation de cession mais une sanction en cas de refus d’une offre de reprise sérieuse, d’autre part, que le dispositif n’a pas d’impact sur le prix de la cession, permettent de considérer que l’atteinte au droit de propriété peut être acceptée ».

Ainsi, s’il n’est pas à exclure que le Conseil constitutionnel se fonde, pour contrôler de telles dispositions, à la fois sur la liberté d’entreprendre et le droit de propriété, c’est bien la préservation de la liberté d’entreprendre, reconnue sur le fondement de l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789, qui constitue l’enjeu principal en matière de constitutionnalité pour le dispositif.

Cette question juridique, qui ne manquera pas de susciter nombre de discussions de doctrine, renvoie en réalité à la recherche d’un équilibre économique : l’obligation de recherche de repreneur doit accroître les chances de maintien de l’emploi sur le territoire français sans infléchir le dynamisme des entreprises qui y sont implantées. L’abandon de la dénomination « licenciements boursiers », contrairement au choix effectué par la proposition de loi déposée le 24 juillet 2012 par le groupe parlementaire Gauche démocrate et républicaine (37), est, à cet égard, particulièrement significatif.

Aux termes de l’article 1er de cette proposition, « est réputé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique prononcé par une entreprise qui a distribué des dividendes au titre du dernier exercice comptable écoulé ». Une telle rédaction ne fait pas la distinction entre deux cas qui imposent pourtant un traitement très différent :

– celui d’une entreprise qui, tout en faisant des bénéfices, est confrontée à de graves difficultés économiques sur un site particulier ; la préservation de la liberté d’entreprendre commande, en l’espèce, de laisser à l’entreprise la possibilité d’adapter son organisation économique en abandonnant une activité déficitaire pour concentrer ses efforts sur les autres segments de son activité ; faire le choix inverse fragiliserait les entreprises situées sur le territoire français par rapport à leurs concurrentes internationales.

– celui d’une entreprise fermant un site qui, bien que rentable, ne l’est pas assez pour offrir les performances financières réclamées par les actionnaires. Est considéré comme rentable un site pour lequel une autre entreprise fait une offre de reprise sérieuse : dans une telle situation, il est incontestable que la préservation de l’emploi aurait pu être assurée, ce qui justifie les obligations et la pénalité imposées à l’entreprise qui refuse de « jouer le jeu ».

2. La nature de la pénalité

Dès lors qu’elle n’est prononcée ni par un juge pénal ni par une autorité administrative, la pénalité prévue à l’article L. 616-1 (alinéa 51) est une amende civile.

Si les amendes civiles ne sont pas définies par un texte général, chacun s’accorde sur le fait qu’elles sont édictées par la loi civile, en opposition à la loi pénale, et prononcées par le juge civil, dont le tribunal de commerce. Elles sont en nombre limité mais couvrent des domaines très variés. L’essentiel de ces amendes sanctionne un manquement procédural, à l’occasion d’un procès civil, lorsque le juge estime que l’action du demandeur a été abusive ou que celui-ci n’en a pris l’initiative que dans le but de retarder la reconnaissance des droits de son adversaire.

Toutefois, il existe au moins une amende civile comparable à celle qui est prévue par la proposition de loi, c’est-à-dire qui ne porte pas sur une dimension procédurale et qui est d’un montant élevé : celle définie par le III de l’article L. 442-6 du code de commerce, dans le chapitre sur les pratiques restrictives de concurrence. Lors de l’action introduite devant la juridiction civile ou commerciale, le ministre chargé de l’économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction « le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 2 millions d’euros. Toutefois, cette amende peut être portée au triple du montant des sommes indûment versées ».

Cette amende a été introduite par l’article 56 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (dite « NRE ») et la possibilité de son triplement par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

Le Conseil constitutionnel, saisi à deux reprises par des questions prioritaires de constitutionnalité, a examiné ces dispositions.

Dans la décision 2010-85 QPC du 13 janvier 2011 établissements Darty et fils, il valide le principe de la sanction sous réserve qu’elle respecte le principe de légalité des délits et des peines (38). Les commentaires aux cahiers précisent que « le Conseil constitutionnel ne s’est jamais prononcé expressément sur cette question, mais il découle logiquement de sa jurisprudence qu’une sanction ayant le caractère d’une punition prononcée par une juridiction civile peut constituer une « sanction ayant le caractère d’une punition » susceptible d’être confrontée au principe constitutionnel de légalité des délits et des peines ». Le Conseil a également jugé que l’amende civile susceptible d’être prononcée par le tribunal de commerce a pour but non de réparer un préjudice, mais de réprimer des pratiques interdites par le législateur ;

Dans la décision 2011-126 QPC du 13 mai 2011 Société Système U Centrale Nationale et autre, il valide la constitutionnalité de cette disposition au regard de la liberté d’entreprendre, en estimant, après son considérant de principe en la matière, « qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a attribué à l’autorité publique un pouvoir d’agir pour faire cesser des pratiques restrictives de concurrence mentionnées au même article, constater la nullité de clauses ou contrats illicites, ordonner le remboursement des paiements indus faits en application des clauses annulées, réparer les dommages qui en ont résulté et prononcer une amende civile contre l’auteur desdites pratiques ; qu’ainsi, il a entendu réprimer ces pratiques, rétablir un équilibre des rapports entre partenaires commerciaux et prévenir la réitération de ces pratiques ; qu’eu égard aux objectifs de préservation de l’ordre public économique qu’il s’est assignés, le législateur a opéré une conciliation entre le principe de la liberté d’entreprendre et l’intérêt général tiré de la nécessité de maintenir un équilibre dans les relations commerciales ; que l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre par les dispositions contestées n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi ».

Au regard de ces deux jurisprudences, le mécanisme choisi pour sanctionner les employeurs n’ayant pas respecté leurs obligations légales, une pénalité prononcée par le juge de commerce, est donc incontestable en droit.

Le principal problème ne vient pas de la nature de la pénalité, pour peu qu’elle soit définie de façon suffisamment précise pour respecter le principe de légalité des délits et des peines, mais de celui de la préservation de la liberté d’entreprendre.

3. Concilier le droit à l’emploi et la liberté d’entreprendre

Le principe d’une sanction en cas de refus de l’entreprise de donner suite à une offre considérée comme sérieuse doit être examiné car elle entraîne une restriction de la latitude laissée à une entreprise qui souhaiterait fermer l’un de ses sites.

Trois éléments incitent votre rapporteure à faire preuve de prudence.

Premièrement, la décision 2001-455 DC du 12 janvier 2002 sur la loi de modernisation sociale, en censurant une définition du licenciement économique qui imposerait trop de contraintes à la liberté d’entreprendre, constitue un précédent qui pourrait aujourd’hui être repris. Les commentaires aux cahiers de cette décision précisent d’ailleurs que « l’atteinte à la liberté d’entreprendre (…) est aussi celle de se désengager d’une entreprise ».

Deuxièmement, le renforcement récent mais très net des exigences du Conseil constitutionnel en matière de liberté d’entreprendre a conduit à trois annulations en moins d’un an sur ce motif.

Troisièmement, la pénalité vient sanctionner une appréciation subjective ou en tout cas difficile à caractériser objectivement, à savoir le refus d’une « offre sérieuse ». Remarquons toutefois que la notion d’« offre sérieuse » figure déjà à l’article L. 642-4 du code de commerce (39) et qu’elle n’est pas moins claire que la notion de « cause réelle et sérieuse » qui est pourtant au fondement de tout le droit du licenciement.

Mais plusieurs arguments vont dans le sens de la constitutionnalité du dispositif.

En premier lieu, l’atteinte à la liberté d’entreprendre se justifie par l’objectif de préservation des emplois, qui se rattache de façon incontestable au droit constitutionnel à l’emploi. La conciliation entre deux droits de même rang conduit le Conseil constitutionnel à n’exercer qu’un contrôle restreint sur l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre, limité à l’erreur manifeste, contrairement, par exemple, au contrôle exercé dans le cas de la décision précitée 2011-126 QPC, qui se fondait sur la conciliation de la liberté d’entreprendre et de l’objectif de préservation de l’ordre public économique.

En deuxième lieu, il y a, malgré une apparente proximité, de nettes différences par rapport aux dispositions ayant conduit à la censure du Conseil constitutionnel sur la loi de modernisation sociale. Le Conseil avait notamment censuré la définition du licenciement économique pour deux motifs absents du présent dispositif : d’une part un « cumul des contraintes » sur la liberté d’entreprendre ; d’autre part, les restrictions apportées en matière de licenciement économique avaient été jugées contre-productives en matière d’emploi, et donc au final desservant l’objectif de protection de l’emploi. En l’espèce, céder un établissement à une entreprise qui formule une offre sérieuse plutôt que de le fermer purement et simplement permettra incontestablement de préserver des emplois.

En troisième lieu, si le principe de la sanction en cas de refus d’offre sérieuse constitue une forme d’atteinte à la liberté d’entreprendre, cette atteinte n’en dénature pas la portée, dès lors que l’entreprise peut toujours fermer son établissement pour peu qu’elle en paye le prix. Tel n’aurait pas été le cas avec une obligation de cession de l’établissement, qui aurait constitué une atteinte radicale, et donc probablement excessive, à la liberté d’entreprendre. Dans le cadre actuel, la liberté d’entreprendre des entreprises de plus de 1 000 salariés est déjà encadrée par des mécanismes dont les répercussions financières peuvent être plus importantes que la pénalité proposée : les entreprises sont notamment soumises à une exigeante obligation de reclassement des salariés, qui porte sur l’ensemble du groupe auquel appartient l’entreprise et qui a été validée par le Conseil constitutionnel.

En dernier lieu, de nombreuses dispositions législatives existent aujourd’hui pour sanctionner, parfois lourdement, les entreprises qui ne respectent pas les « règles du jeu » en adoptant un comportement jugé déviant et perturbateur, que ces règles aient trait au droit de la concurrence, au droit des marchés financiers, au droit de l’environnement ou au droit de la consommation. Ces règles constituent déjà souvent des atteintes à la liberté d’entreprendre, et en ce sens fixer des règles du jeu « social » est conforme au droit existant, pour peu que ces règles ne soient pas excessives.

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le Conseil d’État, dans son avis sur la proposition de loi, considère que la constitutionnalité de la sanction peut être assurée si quatre critères cumulatifs sont respectés :

– réduire les délais et les formalités que devront satisfaire les entreprises, notamment en les articulant davantage avec les procédures existantes de licenciement collectif ;

– caractériser davantage la notion d’« offre sérieuse » pour tenter de l’objectiver ;

– prévoir le cas où l’entreprise peut légitimement refuser une offre, même sérieuse, sans risquer une sanction ;

– prévoir un montant maximum de la sanction qui ne soit pas disproportionné.

Votre rapporteure propose des amendements visant à assurer le respect des trois premiers critères :

– une série d’amendements harmonisant les délais de la procédure de recherche de repreneur avec ceux du licenciement collectif ; l’entreprise est incitée à lancer la recherche de repreneur le plus tôt possible mais l’obligation de recherche est temporellement limitée à la période prévue par la procédure de licenciement collectif ;

– un amendement précisant que la notion d’offre sérieuse s’entend « au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ».

– la possibilité pour l’employeur de s’exonérer du versement de la pénalité lorsqu’il fait la preuve de l’existence d’un motif légitime de refus de cession « à savoir la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise ».

4. La principale question en suspens : la proportionnalité de la peine

Si le principe de la sanction n’est pas en cause, se pose en revanche la question d’une éventuelle modification du quantum de la peine.

Le Conseil d’État se fonde sur deux éléments d’appréciation pour justifier dans son avis l’existence d’un risque d’inconstitutionnalité.

D’une part, le montant mensuel du SMIC étant de 1 430 euros, la sanction peut atteindre 28 600 euros par salarié, soit une sanction maximale de 2,8 millions d’euros pour cent emplois supprimés. Cette sanction s’ajoute à l’obligation de revitalisation, ce qui conduirait à une somme maximale égale à 24 SMIC par emploi supprimé. Ainsi, la question de la proportionnalité se pose d’un point de vue strictement quantitatif.

D’autre part, du point de vue du Conseil d’État, il n’existe aucune jurisprudence permettant de comparer la pénalité créée avec d’autres dispositifs déjà validés par le Conseil constitutionnel. Le montant maximum de cette dernière est cinq fois supérieur à la convention de revitalisation, expressément approuvée dans la décision 2001-455 DC sur la loi de modernisation sociale.

Il souligne, par ailleurs, que l’institution d’une procédure nouvelle ajoute des obligations et formalités aux entreprises concernées, ce qui peut peser dans l’appréciation faite par le Conseil constitutionnel du caractère proportionné de l’atteinte à la liberté d’entreprendre.

Toutefois, il cite des arguments permettant de nuancer cette appréciation.

En premier lieu, le dispositif prévoit lui-même plusieurs tempéraments : il s’agit d’un plafond ; la sanction est prononcée par un juge et peut bien sûr être modulée ; il est explicitement prévu que le montant tienne compte « de la situation de l’entreprise et des efforts engagés pour la recherche d’un repreneur ».

En second lieu, la sanction potentielle est globalement équivalente à la somme que consacre actuellement une entreprise à un plan de sauvegarde de l’emploi. C’est d’ailleurs le principe qui a amené à la fixation du plafond de 20 SMIC (cf. supra).

Votre rapporteure propose également un amendement visant à prendre en compte l’analyse du Conseil d’État selon laquelle la proportionnalité de la pénalité doit être appréciée au regard de l’ensemble de ses obligations financières au moment de la fermeture de l’établissement, incluant la convention de revitalisation. Reprenant une formulation issue de l’article L. 1233-90-1 du code du travail, il dispose que « les actions engagées par l’employeur au titre de l’obligation de recherche d’un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l’entreprise et l’autorité administrative en application des articles L. 1233‑84 et suivants ». Un tel ajout ouvre la possibilité d’un allègement, pour un employeur ayant joué le jeu de la recherche de repreneur, de ses obligations au titre de la revitalisation.

Votre rapporteure souhaite souligner deux points en complément de la réflexion du Conseil d’État.

D’une part, l’analyse du cas de MREAL montre qu’une sanction maximale de 20 SMIC ne représente en rien une peine disproportionnée. L’application de la peine la plus élevée aurait conduit à un montant de 9,2 millions d’euros, qui n’aurait en aucun cas dissuadé MREAL de fermer le site. Rappelons, par comparaison, que l’entreprise avait financé un plan social de 62 millions d’euros, soit 135 SMIC par salarié, et choisi d’abandonner un appareil productif valorisé à 300 millions d’euros pour la machine la plus performante. Il est donc tout à fait clair que le montant de la pénalité n’aurait pas été suffisant pour remplir l’objectif de préservation de l’emploi, dans la mesure où le gain escompté de la diminution des capacités de production européennes était très supérieur au coût de la fermeture.

C’est pourquoi il convient de conserver une échelle des sanctions aussi large que celle prévue dans la proposition de loi initiale si l’on veut disposer de moyens d’action proportionnés. Réduire le quantum de la peine conduirait à priver le dispositif de son effet dissuasif.

D’autre part, le droit de la concurrence prévoit des sanctions pécuniaires significativement plus importantes que celles de la proposition de loi et dont le principe a été validé par le Conseil constitutionnel.

L’article L. 430-8 du code de commerce prévoit que l’Autorité de la concurrence peut attribuer une sanction pouvant aller jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes lorsque les parties d’une opération de concentration n’ont pas exécuté une injonction, une prescription ou un engagement figurant dans sa décision. Le Conseil constitutionnel a considéré que l’atteinte à la liberté d’entreprendre était proportionnée à la poursuite de l’objectif de préservation de l’ordre public économique (2012-280 QPC). Il est important de signaler que, contrairement au droit à l’emploi, l’ordre public économique n’est pas un principe constitutionnel mais un motif d’intérêt général, donc de rang inférieur à la liberté d’entreprendre.

En vertu de l'article L. 464-2 du code de commerce, l'Autorité de la concurrence peut également imposer des sanctions pécuniaires aux organismes et aux entreprises ayant recouru aux pratiques anticoncurrentielles mentionnées aux articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce. Le montant maximum de la sanction est de 10 % du chiffre d'affaires mondial hors taxes du groupe auquel appartient l'entreprise sanctionnée.

La comparaison portant sur le montant des pénalités appliquées a d’autant plus de sens que, comme le montre l’exemple de MREAL, les cas dans lesquels les entreprises sont amenées à refuser une offre de reprise sérieuse sont le plus souvent constitutifs de pratiques anticoncurrentielles (ententes et abus de position dominante).

Les salariés de MREAL avaient ainsi initié une action auprès de parlementaires européens car ils avaient réussi à montrer que la fermeture de l’usine d’Alizay, concomitante à celle d’autres usines du même secteur détenues par des concurrents de MREAL, pouvait caractériser une entente illicite. Mais le « temps » de la fermeture des usines (quelques mois tout au plus) n’est pas celui du contrôle des pratiques anticoncurrentielles (quelques années). Les chances de réussite de leur action avant la fermeture de leur usine étaient nulles.

Les atteintes au droit de la concurrence et le non-respect des obligations légales en matière de recherche de repreneur sont donc liés par nature, ce qui valide le principe d’une comparaison de leurs quanta respectifs.

Par conséquent, on peut considérer que le Conseil constitutionnel a déjà validé des sanctions dont les montants sont très sensiblement supérieurs à ceux prévus par la proposition de loi. Si l’on reprend l’exemple de MREAL, dont le chiffre d’affaires est de 2,1 milliards d’euros, une pénalité de 5 % du chiffre d’affaires aurait correspondu à un montant de 100 millions d’euros, soit plus de 10 fois la pénalité maximale de 20 SMIC par emploi supprimé.

Le Conseil d’État, pour atténuer le risque constitutionnel sur la proportionnalité de la sanction, préconise, en complément du plafond par emploi supprimé, qui est une sorte de plafond « mobile » en théorie sans limite si le nombre d’emplois supprimés est extrêmement important, l’adoption d’un second plafond en pourcentage du chiffre d’affaires de l’entreprise, qui tient compte des capacités financières de l’entreprise. Un plafond de 2 % du chiffre d’affaires serait cohérent avec le taux de marge moyen des entreprises industrielles.

Votre rapporteure soutient l’adoption d’un second plafond en pourcentage du chiffre d’affaires, mais, en raison de l’existence d’un doute sur la valeur du pourcentage à retenir, propose de renvoyer la fixation de celle-ci à un arrêté.

*

* *

La commission est saisie des amendements identiques CE 104 de la rapporteure et CE 110 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit de replacer dans le code du travail les règles d’information et de consultation des représentants du personnel au cours de la procédure de recherche d’un repreneur, actuellement inscrites dans le code du commerce.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est lié à une remarque du Conseil d’État, mais également au choix qu’a fait la commission des affaires sociales de clarifier le code du travail. Sa partie relative aux licenciements collectifs – profondément réformée par la loi sur la sécurisation de l’emploi qui crée la nouvelle procédure d’homologation des licenciements –, comprend des règles générales et des dispositions particulières pour les règlements judiciaires. Nous avons décidé de créer une nouvelle section similaire pour le cas où le projet de licenciement collectif s’accompagne d’une fermeture de site. Le code du travail sera ainsi clairement ordonné, la règle générale étant suivie de deux cas particuliers. Plusieurs dispositions de coordination modifient le code du travail en conséquence.

M. le président François Brottes. Je remercie les rapporteurs d’avoir fait ce travail en commission ; cela permettra à tous les parlementaires de s’exprimer en séance.

La commission adopte les amendements.

Elle étudie l’amendement CE 1 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le Conseil d’État relève une répétition entre l’article 19 de la loi sur la sécurisation de l’emploi, adoptée en mai dernier, et cette proposition de loi. Plutôt que de répéter des dispositions identiques dans deux codes différents, mieux vaut supprimer ces alinéas et ajuster éventuellement le code du travail modifié par la loi sur la sécurisation de l’emploi.

Mme la rapporteure. Défavorable, car les deux dispositifs présentent bel et bien des différences. La présente proposition de loi introduit des sanctions pour les entreprises qui ne rechercheraient pas de repreneur, modifiant ainsi le calcul économique de la fermeture d’un site ; elle inscrit en outre la recherche du repreneur le plus en amont possible du lancement du plan de licenciement. Enfin, certains éléments de procédure – comme le recours à l’expert – sont également spécifiques.

M. le rapporteur pour avis. Nos amendements et le vôtre, monsieur Tardy, se font quelque part écho, puisque nous souhaitons nous appuyer sur les dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi, en les complétant.

M. le président François Brottes. Monsieur Tardy, voulez-vous retirer votre amendement qui semble satisfait ?

M. Lionel Tardy. Non, je m’en tiens aux prescriptions du Conseil d’État. Nous en reparlerons dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE 29 de la rapporteure.

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE 111 de la commission des affaires sociales, CE 46 et CE 47 de la rapporteure, et CE 2 de M. Lionel Tardy.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CE 111 vise à harmoniser la proposition de loi avec la loi sur la sécurisation de l’emploi ; en supprimant le seuil de cinquante salariés pour ne garder que celui de mille, il répond à la crainte qu’avait exprimée M. André Chassaigne. Enclencher la procédure pour toute fermeture de site impliquant au moins dix licenciements sur une période d’un mois permettra d’exclure les fermetures des toutes petites entreprises ou les déplacements d’un commerce d’une rue à l’autre, tout en prenant en compte le cas des établissements qui appartiennent à un groupe dont les effectifs dépassent mille salariés à l’échelle européenne.

Mme la rapporteure. Les amendements CE 46 et CE 47 ont le même objet.

M. le président François Brottes. Nous ne saurions rester inactifs face aux entreprises de quinze ou vingt salariés qui appartiennent à des grands groupes et qui comptent beaucoup dans les territoires.

M. Lionel Tardy. Je propose, par l’amendement CE 2, de corriger un des nombreux flous juridiques de cette proposition de loi. La fermeture d’un établissement ne constitue pas une réalité juridique ; en outre, ce n’est pas la fermeture en soi, mais les licenciements qui l’accompagnent qui posent problème. Il faudrait donc, comme le propose le Conseil d’État, préciser que c’est le projet de licenciement collectif consécutif à une fermeture qui est ici visé.

Les amendements CE 46, CE 47 et CE 2 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE 111.

Puis elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CE 48 de la rapporteure et les amendements rédactionnels identiques CE 50 de la rapporteure et CE 112 de la commission des affaires sociales.

La commission est saisie des amendements identiques CE 49 de la rapporteure et CE 113 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’harmoniser les délais de la procédure de reprise de site et de celle d’information et de consultation sur les projets de licenciements collectifs.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement – qui reprend les souhaits du président de la commission – tend à situer la recherche d’un repreneur en amont du déclenchement de l’éventuel plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), ou au plus tard au même moment.

M. le président François Brottes. Cette proposition de loi cherche à promouvoir le maintien de l’activité économique sur les sites. Avant de se tourner vers un plan social, toutes les énergies et compétences doivent être concentrées sur la reprise, pour en maximiser les chances.

M. Lionel Tardy. Je suis d’accord sur le principe. Mais ne négligeons pas les effets pervers d’une telle mesure. Une société qui souhaite céder son site devra l’annoncer à l’avance ; cette information – qui deviendra fatalement publique – pourra affecter ses relations avec ses clients et fournisseurs. Ainsi, sous la précédente législature, nous avions souhaité ne pas divulguer les privilèges de crédit pour éviter aux chefs d’entreprise concernés d’être marqués au fer rouge aux yeux de l’administration.

M. le président François Brottes. Il n’y aura pas d’effet pervers. Si l’entreprise qui souhaite s’en aller trouve un repreneur, elle n’aura pas besoin de recourir à cette procédure. Et si ce texte devient demain inutile parce que tous les établissements trouvent repreneur, nous en serons tous heureux.

La commission adopte les amendements.

La commission examine, en discussion commune, l’amendement CE 3 de M. Lionel Tardy et les amendements identiques CE 36 de M. Patrice Prat et CE 114 de la commission des affaires sociales.

M. Lionel Tardy. La proposition de loi oblige le dirigeant à informer le comité d’entreprise d’un projet de fermeture ; lorsque le comité d’entreprise n’existe pas, elle propose de passer par les délégués du personnel – non pour les « informer », mais pour « soumettre » le projet à leur avis. Il serait cohérent que dans les deux cas, la loi prévoie la même procédure, à savoir l’obligation d’information.

M. Yves Blein. L’amendement CE 36 s’appuie sur la même argumentation.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un des seuls passages de la proposition de loi qui évoque les délégués du personnel. À toutes les étapes de la procédure, chaque fois que ceux-ci remplacent le comité d’entreprise, c’est à eux qu’en reviennent les prérogatives. Le mot « soumis » nous semble donc préférable.

L’amendement CE 3 est retiré.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte les amendements CE 36 et CE 114.

Puis elle adopte les amendements identiques CE 52 de la rapporteure et CE 115 de la commission des affaires sociales.

Enfin, elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE 51 et CE 61 de la rapporteure.

La commission étudie l’amendement CE 181 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. L’article 3 prévoit qu’en cas de règlement judiciaire, une information spécifique permette aux salariés de déposer une offre de reprise sous forme de société coopérative et participative (SCOP). Cet amendement de M. Cavard, sous-amendé par la commission des affaires sociales, cherche à étendre cette possibilité aux situations où l’on envisage la fermeture d’un site, et où l’on doit donc désormais rechercher un repreneur.

M. le président François Brottes. Il ne s’agit pas de privilégier cette solution, mais de lui permettre d’exister. Les partenaires sociaux souhaitent voir s’exprimer toutes les offres, afin que les salariés ne soient pas acculés à une reprise qui peut dépasser leurs capacités financières. Cet amendement, qui complète l’article 3, reste fidèle à son esprit.

Mme la rapporteure. Favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte les amendements identiques CE 59 de la rapporteure et CE 116 de la commission des affaires sociales.

Enfin, elle adopte successivement l’amendement rédactionnel CE 60 de la rapporteure, les amendements identiques CE 105 de la rapporteure et CE 117 de la commission des affaires sociales, et l’amendement rédactionnel CE 58 de la rapporteure.

La commission étudie les amendements identiques CE 56 de la rapporteure et CE 118 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Afin d’augmenter les chances de reprise, l’administration est saisie du projet de fermeture sans délai et non dans un délai de 15 jours.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte les amendements de conséquence identiques CE 57 de la rapporteure et CE 119 de la commission des affaires sociales.

Elle adopte enfin les amendements identiques CE 55 de la rapporteure et CE 120 de la commission des affaires sociales.

La commission est saisie de l’amendement CE 4 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Censée traduire un engagement de campagne du Président de la République, cette proposition de loi en néglige un autre, relatif au « choc de simplification », manifestement tombé aux oubliettes. On oblige ici un dirigeant qui ferme un établissement à fournir des pièces à l’autorité administrative, comme si cela pouvait changer quelque chose. Cette complexification est inutile ; en outre, selon le Conseil d’État, une telle liste devrait être dressée par décret.

Mme la rapporteure. Défavorable.

M. le rapporteur pour avis. Les documents mentionnés – notamment les procès-verbaux des réunions de convocation – sont importants. En l’absence de ces pièces, aucune sanction n’est par exemple possible envers les entreprises qui ne négocieraient pas l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les exiger a permis de procéder à des mises en demeure et à obtenir que des milliers d’entreprises s’engagent dans les négociations. Le texte reprend en l’occurrence les pièces mentionnées dans la loi à propos des procédures de licenciement collectif. Cette liste n’est donc ni nouvelle ni inutile.

M. le président François Brottes. Le choc de simplification consiste peut-être à se passer d’un décret !

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE 54 de la rapporteure.

Enfin, elle adopte les amendements rédactionnels identiques CE 53 de la rapporteure et CE 121 de la commission des affaires sociales.

La commission examine les amendements identiques CE 122 de la commission des affaires sociales et CE 37 de M. Christophe Léonard.

M. Yves Blein. Cet amendement oblige l’employeur à informer le maire de la commune du projet de fermeture de l’établissement. Les entreprises contribuant au développement des territoires, il est normal que les élus locaux soient tenus au courant.

Mme la rapporteure. Favorable.

M. André Chassaigne. J’aimerais soulever une question importante. L’entreprise Elba, qui fait partie du groupe Hamelin ayant des sites dans plusieurs pays européens, est dépourvue de comité central d’entreprise. En siégeant au comité de groupe, à Bruxelles, le délégué du personnel a appris que plusieurs sites du groupe allaient être supprimés ; mais en vertu de la clause de confidentialité qu’il avait signée, il n’a pas pu alerter les salariés qu’il représentait – position intenable s’il en est – et a dû garder cette information pour lui jusqu’au moment où le chef d’entreprise est venu les en informer. L’exposé des motifs de l’amendement affirme que les élus doivent être informés « le plus en amont possible », mais la clause de confidentialité peut être responsable d’une perte de temps.

M. le rapporteur pour avis. Savoir à quel moment on peut informer les salariés représente en effet une question cruciale, qui se posera de manière encore plus aiguë quand des salariés siégeront au conseil d’administration avec voix délibérative. Les personnes que nous avons auditionnées ont également rapporté avoir appris de façon précoce des projets de fermeture de site. Ils ont alors tenté d’influer sur les décisions – le rôle des administrateurs salariés est à cet égard capital, puisqu’ils informent les administrateurs indépendants de la situation réelle de l’entreprise – puis, estimant que la direction de l’entreprise avait le devoir, sous peine de délit d’entrave, d’informer le comité d’entreprise, ils ont fait pression pour qu’elle le fasse, avec succès. Ce type de réaction peut forcer l’entreprise à procéder à la consultation qu’elle est tenue de faire.

M. André Chassaigne. Souvent, quand un site doit être fermé, le groupe y travaille en amont depuis plusieurs mois. Il était important de revenir sur le seuil des cinquante salariés, car sinon, l’entreprise pouvait diminuer ses effectifs petit à petit, par le biais des départs volontaires négociés, et le chef du groupe, transférer progressivement les machines et la production ailleurs. Prendre en compte cette anticipation permettrait de faciliter la reprise, alors que tolérer ces comportements de goujat, où l’on prépare la fermeture du site dans le silence complet, la rend au contraire difficile.

M. le président François Brottes. Les salariés des entreprises disposent d’un droit d’alerte. S’ils sentent que la stratégie du groupe consiste à vider un site de son activité ou de ses investissements et équipements, ils peuvent – sans que ce soit toujours efficace – en user pour procéder aux vérifications et empêcher la « destruction créatrice ». La nouvelle obligation de chercher un repreneur donne tout son sens à cette phase préalable.

Mme la rapporteure. Je ne peux que le confirmer. C’est pourquoi nous avons prévu, au chapitre IV, que le chef d’entreprise qui ferme un site soit tenu d’en informer les salariés et de lancer la procédure. Le respect de cette clause fera partie des éléments qui seront vérifiés par le tribunal et éventuellement sanctionnés.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Chassaigne, il ne faut pas systématiquement critiquer les entreprises qui cherchent à anticiper la fermeture d’un site si elles le font de manière réfléchie et respectueuse des salariés. La vraie difficulté, c’est que lorsqu’on déclenche un PSE, on ne peut plus procéder aux reclassements internes sans avoir défini l’ordre des licenciements. Or celui-ci tend à privilégier d’abord les salariés les plus fragiles – ayant des charges de famille ou peu qualifiés, dont le reclassement sera difficile – et les compétences essentielles à l’entreprise. Il faut trouver un bon équilibre : si une entreprise qui reclassait tous ceux qui peuvent l’être et redéployait ses carnets de commande pour sauver les autres emplois mériterait d’être félicitée, il faut éviter que cette démarche ne soit utilisée pour contourner les protections définies par la loi en cas de PSE.

Mme Laure de La Raudière. Pourquoi imposer une contrainte administrative supplémentaire aux entreprises, alors que vous envisagez déjà une procédure très lourde et que vous annoncez par ailleurs un choc de simplification ? Il n’est pas nécessaire d’inscrire cette obligation dans la loi : la majorité des entreprises préviennent d’elles-mêmes les élus, à moins que le comité d’entreprise ne s’en charge.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte les amendements identiques CE 106 de la rapporteure et CE 123 de la commission des affaires sociales.

Elle adopte enfin successivement les amendements rédactionnels CE 62 et CE 63 de la rapporteure.

La commission examine en discussion commune les amendements CE 38 de M. Yves Blein et CE 182 de la commission des affaires sociales.

L’amendement CE 38 fait l’objet du sous-amendement CE 90 de M. François Brottes.

M. Yves Blein. Suivant les recommandations du Conseil d’État, il s’agit de préciser l’étendue des obligations de moyen à la charge de l’employeur afin d’assurer le respect du principe de légalité des délits et des peines.

M. le rapporteur pour avis. Dans le même esprit que pour la destination potentielle des terrains après la fermeture d’une activité, les études effectuées dès l’annonce de la fermeture devront comprendre l’évaluation des coûts de dépollution dans les délais les plus brefs possibles. Nous avons voulu conserver les délais souhaités par les partenaires sociaux dans l’accord national interprofessionnel tout en ajoutant une procédure de recherche d’un repreneur. Les informations doivent donc pouvoir s’échanger de manière très rapide, dès qu’elles sont disponibles.

M. le président François Brottes. Je retire le sous-amendement CE 90, satisfait par l’amendement CE 182.

M. Yves Blein. Je retire également l’amendement CE 38.

Mme la rapporteure. Avis favorable à l’amendement CE 182.

Le sous-amendement CE 90 et l’amendement CE 38 sont retirés.

La commission adopte l’amendement CE 182.

Elle adopte ensuite les amendements rédactionnels identiques CE 64 de la rapporteure et CE 124 de la commission des affaires sociales.

Puis la commission examine les amendements identiques CE 65 de la rapporteure et CE 125 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’encadrer les délais dans lesquels l’employeur doit apporter une réponse aux offres afin que celles-ci parviennent au comité d’entreprise avant la fin de la procédure de recherche.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte ensuite les amendements de codification identiques CE 108 de la rapporteure et CE 126 de la commission des affaires sociales.

La commission en vient aux amendements identiques CE 39 de M. Christophe Léonard et CE 127 de la commission des affaires sociales.

M. Yves Blein. Afin de garantir une meilleure information du comité d’entreprise, il est proposé d’introduire un délai maximal de huit jours pour lui transmettre les offres de reprises formalisées.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Mme Laure de La Raudière. Huit jours, est-ce un délai raisonnable au regard du fonctionnement du comité d’entreprise ?

M. le rapporteur pour avis. Le CE n’est pas saisi pour consultation ; il est informé d’une offre que l’entreprise a reçue, éventuellement débarrassée de certains éléments de confidentialité. C’est donc réellement un délai d’information.

La commission adopte les amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE 66 de la rapporteure.

Elle en vient aux amendements identiques CE 68 de la rapporteure et CE 128 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. M. Tardy se réjouira de cette précision très importante qui vise à harmoniser la proposition de loi avec les dispositions de la loi de sécurisation de l’emploi en matière de délais dans le cadre des licenciements collectifs. De trois mois initialement prévus, nous sommes revenus à deux mois pour des effectifs de zéro à 99, à trois mois de 100 à 249 et à quatre mois au-delà de 250.

La procédure peut commencer à tout moment. Un projet de licenciement collectif déclenche une première réunion du CE consacrée au plan de sauvegarde de l’emploi ; durant deux à quatre mois, selon la taille, le contenu en est discuté et amélioré avec l’administration ; au bout des quatre mois, si une offre exprimée n’a pas été acceptée par l’employeur, les salariés ont une semaine pour saisir la justice administrative, qui aura elle-même quatorze jours pour se prononcer. Cet ordonnancement des étapes permet de respecter les délais voulus par les partenaires sociaux – et M. Chassaigne a convenu qu’ils étaient assez longs – tout en fixant une limite pour faire les choses sérieusement. C’est pourquoi nous souhaitons que les informations soient transmises rapidement.

M. André Chassaigne. Je n’ai jamais convenu que les délais étaient suffisants, je les trouve trop courts ! Depuis le début de la réunion, monsieur Germain, vous me faites dire des choses que je n’ai pas dites.

Puisqu’il s’agit d’harmoniser cette proposition de loi avec les textes existants, qu’en sera-t-il de l’obligation de revitalisation pour les groupes de plus de mille salariés qui suppriment des emplois ? La somme, qui s’évalue en nombre d’emplois sauvés, sera-t-elle déduite de l’engagement financier de revitalisation du groupe ou viendra-t-elle en complément ?

M. le rapporteur pour avis. La procédure ne se substitue pas. Dans les conventions de revitalisation, les montants en jeu représentent au minimum deux SMIC par emploi supprimé. Là, on parle de vingt SMIC, donc d’un rapport bien supérieur. Cependant, s’il y a eu décision du tribunal d’appliquer des pénalités, les sommes concernées iront vers le territoire et, c’est une innovation, vers la filière qui pourrait être affectée par les difficultés de l’entreprise. Les dispositifs s’ajoutent donc mais de manière articulée, et les efforts de recherche seront pris en compte dans la convention de revitalisation. Un amendement nous permettra de revenir sur ce sujet.

M. le président François Brottes. Permettez-moi de préciser que le tribunal est saisi par les salariés parce qu’ils considèrent que l’entreprise qui s’en va n’a pas convenablement œuvré pour la reprise. Ils lui demandent de la sanctionner sur la base de ce plafond de vingt SMIC par salarié.

Le tribunal a quatorze jours pour se prononcer sur des questions simples. D’abord, il doit évaluer au regard de la contrainte de moyen prévue par le texte si l’entreprise s’est véritablement donné les moyens de trouver un repreneur. S’il considère qu’elle a tout fait pour ne pas en trouver, il sanctionne. Dans l’hypothèse où l’entreprise ne veut pas céder son site à un repreneur considéré comme viable par le tribunal, il y a aussi sanction. Au nom du droit de propriété, il ne peut pas l’obliger à céder, mais il peut sanctionner son choix de pratiquer la politique de la terre brûlée, de la « destruction créatrice » selon les termes de Mme Grommerch, et des dégâts qui en résultent. Le tribunal peut encore considérer que le repreneur est bidon, comme dans le dossier Kem One où la faillite était organisée derrière. L’absence de solidité du repreneur est assimilable à l’absence de repreneur. Enfin, un quatrième cas de figure, cher à Mme de La Raudière, est que le repreneur peut mettre en danger durablement la vie de l’entreprise qui arrête son activité. Dans cette situation, le tribunal peut ne pas sanctionner.

Bref, ce que l’on demande au tribunal c’est de décider s’il faut sanctionner à hauteur de vingt SMIC par salarié.

M. André Chassaigne. Nous connaissons tous des administrateurs judiciaires qui n’ont pas réussi à trouver de repreneur dans des délais souvent plus longs que deux mois. Il ne faudrait pas que la brièveté de ce délai puisse être invoquée devant la justice pour permettre à l’entreprise qui supprime le site d’être exonérée de toute pénalité. Je suis persuadé que cette argumentation va être utilisée et qu’elle risque de faire jurisprudence, rendant quasiment caduque l’application du texte de loi.

Par ailleurs, selon quels critères va-t-on apprécier si l’entreprise qui vient s’installer sur le site supprimé pourrait constituer un danger pour le groupe qui le quitte ? Une activité de production de même type sera-t-elle considérée comme susceptible de porter un coup commercial ? S’appuiera-t-on sur le fait que l’activité de l’entreprise repreneuse peut contribuer à limiter la marge de rentabilité de l’entreprise d’origine ? Vous savez que ce type d’appréciation est porté même pour les licenciements économiques, y compris d’ailleurs ceux qui ont pour objectif d’augmenter les profits de l’entreprise. On voit cela tous les jours.

Mme Laure de La Raudière. Il est extrêmement important de prendre en compte le fait que le repreneur puisse mettre en danger durablement la vie de l’entreprise. Puisque vous faites obligation au chef d’entreprise de rechercher un repreneur sous peine de sanction, prévoyez au moins que le repreneur ne doit pas porter atteinte à l’entreprise si celle-ci reste en France. Il est fréquent que des groupes de plus de mille personnes procèdent au regroupement de deux ou trois sites parfois implantés dans le même département. Ce qui correspond à une restructuration ne doit pas être traité de façon négative par le tribunal de commerce. Il me paraît essentiel de le préciser dans le texte de loi.

M. le président François Brottes. Les délocalisations à l’extérieur du territoire national sont aussi fréquentes, et notre rôle est d’y répondre.

Mme Laure de La Raudière. Il faut pouvoir prendre en compte juridiquement et de façon extrêmement précise les deux cas. Nous devons permettre la restructuration sereine de sites en France pourvu qu’elle assure la survie des entreprises. Nous devons aussi considérer le faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) dans notre pays : il ne faudrait pas que ces mesures incitent nos groupes à se cantonner à 999 salariés pour ne pas passer une barre signifiant trop de risques pour les entreprises.

Mme la rapporteure. Il ressort des auditions auxquelles nous avons procédé que le délai fixé, harmonisé avec les dispositions de la loi du 14 juin, était suffisant : en trois mois on a, sinon conclu, du moins identifié un repreneur. On nous a même dit que, passé ce délai de trois mois, si on n’a pas trouvé de repreneur, on n’en trouvera plus après.

M. André Chassaigne. M-Real et Continentale Nutrition ont mis beaucoup plus longtemps.

Mme la rapporteure. Pour M-Real, le repreneur avait été connu très rapidement. L’impossibilité de conclure était due à l’incapacité des parties de se parler, ce qui a nécessité l’intervention d’un intermédiaire. Mais le repreneur était identifié.

L’aspect de la concurrence est un vrai sujet. On nous a cité deux exemples de comportement de certains grands groupes. Dans le dossier M-Real, encore, la fermeture du site de l’Eure avait pour objectif la réduction de 5 % de la production européenne de papier, qui devait être suivie d’une augmentation des prix pour le groupe cédant évaluée à plusieurs millions d’euros sur une période relativement longue. Dans le cas de Pilpa, la reprise avait pour seul objectif de récupérer un marché puis de laisser le site livré à ses difficultés. Voilà pourquoi la proposition de loi doit traiter ces situations, tout en donnant au tribunal la possibilité d’acter le refus de céder comme l’expression d’une crainte du chef d’entreprise de ne pas pouvoir assurer la pérennité de son activité et des emplois restant hors site cédé. Cette question est insuffisamment traitée, je le reconnais, et nous devrons y revenir.

M. le rapporteur pour avis. Je rappelle que, pour un site de plus de 250 salariés, le délai pour identifier l’offre sera de 141 jours : quatre mois plus vingt et un jours.

En outre, l’employeur peut allonger de lui-même la procédure. D’ailleurs, les organisations patronales nous ont dit que, vraisemblablement, les employeurs attendraient de connaître la décision du tribunal vis-à-vis d’une offre de reprise avant de boucler leur plan de sauvegarde de l’emploi. Dans les cas qui ont nécessité plus de trois mois, le retard avait été accepté par l’employeur.

Enfin, nous proposerons des définitions sur lesquelles le tribunal pourra s’appuyer pour juger que les offres de reprise sont sérieuses ou que le refus de céder est légitime ou pas. En particulier, nous en avons retenu une qui va sonner doux aux oreilles de M. Chassaigne puisqu’on limite la légitimité d’un refus au cas où l’entreprise serait mise en péril. On ne parle pas d’améliorer les profits ou la rentabilité. Nous sommes donc très exigeants sur les cas où les offres doivent être acceptées.

M. André Chassaigne. Excellent ! Votre conscience de classe évolue.

Mme la rapporteure. M. Chassaigne, s’il le souhaite, peut se référer au tableau qui éclaire et complète les propos de Jean-Marc Germain.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE 67 de la rapporteure et CE 129 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit de reconnaître au comité d’entreprise un rôle actif dans la recherche d’un repreneur, en plus de celui de contrôle des recherches de l’employeur.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques CE 130 de la commission des affaires sociales et CE 40 de M. Christophe Léonard.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de permettre aux salariés et aux experts qui les assisteront de participer à la recherche d’un repreneur.

M. Yves Blein. Même argumentation.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Dans la rédaction actuelle, le comité d’entreprise demande l’information à l’employeur ; dans la rédaction proposée, il y a accès sur demande.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE 70 de la rapporteure et CE 131 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Amendement de correction d’une référence.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques CE 71 de la rapporteure et CE 132 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit de supprimer une redondance avec l’alinéa 28.

La commission adopte ces amendements.

La commission est saisie d’amendements identiques CE 72 de la rapporteure et CE 133 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Cet amendement précise les missions de l’expert nommé par le comité d’entreprise en les complétant par la possibilité pour lui d’assister le comité d’entreprise dans la recherche d’un repreneur et dans l’élaboration d’un projet de reprise. Les délais de mission de l’expert sont encadrés par les délais de la procédure.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit là d’un amendement très important. Nous avons fait le choix de nous reposer sur les salariés pour aider à faire émerger ou pousser le chef d’entreprise à faire émerger des offres. La moindre des choses est qu’ils soient assistés des meilleurs experts pour y parvenir.

La commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE 73 de la rapporteure et CE 134 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Ce qui est valable pour le comité d’entreprise s’applique également au comité d’établissement.

M. le rapporteur pour avis. Cette précision très utile répond à une remarque de M. Chassaigne.

La commission adopte les amendements.

Puis elle en vient aux amendements identiques CE 74 de la rapporteure et CE 135 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. La rédaction actuelle de l’alinéa 35 doit être modifiée pour être applicable si le CE décide de recourir à un expert après sa première réunion.

La commission adopte ces amendements.

Elle adopte ensuite les amendements de codification identiques CE 107 de la rapporteure et CE 136 de la commission des affaires sociales.

Elle adopte également les amendements rédactionnels identiques CE 75 de la rapporteure et CE 137 de la commission des affaires sociales.

La commission est saisie des amendements identiques CE 76 de la rapporteure et CE 138 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Le comité d’entreprise doit pouvoir s’assurer que le repreneur présente toutes les garanties nécessaires pour maintenir l’emploi sur le long terme et pouvoir se prémunir contre le risque de fausse reprise du fait de repreneurs mal intentionnés ou de l’employeur aux fins d’échapper à ses obligations.

La commission adopte ces amendements.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel CE 77 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite les amendements de précision identiques CE 78 de la rapporteure et CE 139 de la commission des affaires sociales.

La commission examine les amendements identiques CE 79 de la rapporteure et CE 140 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit de l’application du tableau qui vous a été distribué.

Elle adopte ces amendements.

Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel CE 80 de la rapporteure.

Elle adopte également les amendements de précision identiques CE 81 de la rapporteure et CE 141 de la commission des affaires sociales.

Elle adopte encore l’amendement rédactionnel CE 82 de la rapporteure.

La commission en vient aux amendements identiques CE 83 de la rapporteure et CE 143 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. J’ai déjà présenté cet amendement en répondant à M. Chassaigne. Les dispositions de la présente loi ne se substituent pas à d’autres mais s’articulent avec elles. Un autre amendement précisera la destination des pénalités qui seront, le cas échéant, prononcées, l’objectif étant la recréation d’emplois dans le bassin d’emploi et le reclassement des salariés.

M. André Chassaigne. Je comprends bien l’amendement mais la convention de revitalisation est contractuelle, donc négociée entre l’entreprise qui supprime des emplois, les services de l’État et la DIRECCTE. Il y a donc concertation sur le contenu de la convention. Il faut être attentif au fait que la convention de revitalisation pourrait prendre en charge les actions engagées par l’employeur qui n’ont pas été contractualisées. Ces actions doivent bien être fondées sur la volonté de revitaliser.

M. le rapporteur pour avis. Pour une entreprise de plus de mille salariés, il y aura bien obligation de signer une convention de revitalisation. Le droit du travail prévoit que l’employeur y met volontairement des moyens, qui doivent être supérieurs à deux fois le SMIC. S’il ne le fait pas, la pénalité est égale à quatre fois l’obligation moyenne par emploi supprimé, l’argent allant au budget de l’État de façon non affectée. Nous proposons, dans ce cadre, avec des pénalités dix fois supérieures, de mettre en place un mécanisme consacrant réellement les sommes au reclassement des salariés et à la recréation d’emplois dans les territoires, et, le cas échéant, à la filière qui serait touchée.

La commission adopte ces amendements.

La commission adopte ensuite les amendements identiques CE 84 de la rapporteure et CE 144 de la commission des affaires sociales.

Puis elle adopte les amendements identiques CE 109 de la rapporteure et CE 142 de la commission des affaires sociales.

La commission en vient à l’examen des amendements identiques CE 85 de la rapporteure et CE 145 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. C’est le schéma désormais célèbre de Clotilde Valter. L’amendement donne sept jours aux représentants des salariés pour saisir le tribunal de commerce le cas échéant s’ils estiment que l’offre aurait dû être acceptée, un autre amendement donnant quatorze jours au tribunal pour se prononcer. Les consultations que nous avons faites auprès du ministère de la justice nous ont montré que ce délai est acceptable.

La commission adopte ces amendements.

Elle adopte ensuite les amendements de coordination identiques CE 86 de la rapporteure et CE 146 de la commission des affaires sociales.

Puis la commission est saisie des amendements identiques CE 147 de la commission des affaires sociales et CE 42 de M. Christophe Léonard.

M. Yves Blein. Il s’agit de bien préciser que c’est le comité d’entreprise qui est sollicité ou, à défaut, les délégués du personnel.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE 87 de la rapporteure et CE 148 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’harmoniser la rédaction en renvoyant au tribunal de commerce plutôt qu’au président de ce tribunal, qui a des pouvoirs propres.

La commission adopte ces amendements.

La commission en vient à l’examen d’amendements en discussion commune, CE 88 de la rapporteure, CE 149 de la commission des affaires sociales, CE 5 et CE 6 de M. Tardy.

Les amendements rédactionnels CE 88 et CE 149 sont identiques.

M. Lionel Tardy. On donne ici au comité d’entreprise la possibilité de saisir le tribunal de commerce en cas de non-respect par le dirigeant de l’entreprise de ses obligations. La formule ressemble fortement à une présomption de culpabilité. Le comité d’entreprise ne peut qu’estimer un tel non-respect des obligations. C’est au juge de décider si tel est bien le cas. À travers ce détail qui n’en est pas un, on voit bien que, dans l’esprit du texte, le patron est forcément fautif.

C’est ce que je proposais de corriger avec l’amendement CE 5. Celui-ci étant satisfait par les amendements identiques en discussion commune, je le retire.

Quant à l’amendement CE 6, il s’appuie sur l’avis fructueux du Conseil d’État qui souligne un problème de cohérence. On veut sanctionner un dirigeant d’entreprise qui n’aurait pas donné suite à une offre de reprise ayant reçu un avis favorable du comité d’entreprise. Or les alinéas précédents ne confèrent pas à cet avis de caractère contraignant ni même obligatoire. Cet amendement propose de remédier à cette incohérence.

Mme la rapporteure. Bien que favorable à cet amendement, je préfère la rédaction que M. Germain et moi-même proposons dans les amendements suivants.

M. le rapporteur pour avis. Comme nous avons introduit dans le code du travail ce qui était dans le code du commerce, notre rédaction fonctionne mieux, mais elle dit exactement la même chose.

L’amendement CE 5 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CE 88 et CE 149

En conséquence, l’amendement CE 6 tombe.

La commission examine les amendements identiques CE 89 de la rapporteure et CE 150 de la commission des affaires.

Mme la rapporteure. Il s’agit des amendements que je viens d’exposer à M. Tardy.

La commission adopte ces amendements.

Elle en vient aux amendements identiques CE 91 de la rapporteure et CE 151 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Puisque la possibilité d’entendre le dirigeant et les salariés au moment de l’ouverture de la procédure existe déjà dans le code de procédure civile, qui est applicable de droit aux tribunaux de commerce, cette précision est inutile.

La commission adopte ces amendements.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE 92 de la rapporteure et CE 152 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. La possibilité de commettre un juge, ouverte dans le cas des procédures de sauvegarde, ne se justifie pas dans le cadre de la procédure de recherche de repreneur.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte également l’amendement de coordination CE 93 de la rapporteure.

Elle adopte ensuite les amendements de cohérence identiques CE 94 de la rapporteure et CE 153 de la commission des affaires sociales.

La commission est saisie de l’amendement CE 7 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’alinéa 47 impose au juge commis par le tribunal de commerce d’être assisté d’un expert dans la procédure de vérification. Inutile de rappeler le caractère indépendant de la justice : le juge est libre de se faire assister d’un expert s’il l’estime utile. Il convient donc de reprendre la formulation habituelle qu’on trouve dans le code de procédure civile et qui s’applique également au tribunal de commerce.

Mme la rapporteure. La rédaction est certainement mal perçue : il ne s’agit en rien d’une injonction. Avis favorable néanmoins.

La commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite les amendements identiques CE 154 de la commission des affaires sociales et CE 41 de M. Yves Blein. 

M. Yves Blein. Il s’agit de préciser ce que revêt le caractère sérieux des offres de reprise, notamment au regard de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement, mais aussi de l’existence d’un motif légitime du refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise.

M. le rapporteur pour avis. Je souhaite souligner l’importance de cet amendement, qui est au cœur de la philosophie du texte. Il s’agit d’accompagner autant que possible les entreprises pour trouver une offre, de les y contraindre – le cas échéant par une pénalité –, tout en évitant les offres susceptibles de mettre leur pérennité en danger. D’où la définition à la fois de ce qu’est une offre sérieuse – une offre qui n’aboutit pas à la fermeture et à la perte par les salariés des protections et droits au reclassement qu’ils auraient eu avec un grand groupe – et de ce que peut être un motif légitime de refus d’une offre, par exemple le souhait de ne pas faire entrer le loup dans la bergerie. Ce n’est pas une question de concurrence mais de risque de péril de l’entreprise elle-même et de tous ses emplois. Il est effectivement très important de préciser au tribunal de commerce qu’il est là pour agir non pas au nom des actionnaires et de leur défense, mais au nom de l’intérêt général de l’entreprise entendue en ce sens.

M. le président François Brottes. Plutôt que contraindre les entreprises à chercher un repreneur, mieux vaudrait les y inciter.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Par ailleurs, je signale à M. Chassaigne que c’est dans cet amendement que l’on retrouve la garantie de la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement comme critères de sérieux de l’offre.

La commission adopte les amendements.

Puis elle examine l’amendement CE 8 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. La sanction prévue pour le chef d’entreprise, jusqu’à vingt fois le SMIC, pose de nombreuses questions d’ordre constitutionnel.

Premièrement, au regard de la liberté d’entreprendre, qui est aussi, comme le rappelle le Conseil d’État, la liberté de ne pas entreprendre. Ici, on cherche clairement à contraindre le dirigeant.

Deuxièmement, au regard de la légalité des délits et des peines. Cette sanction créée pour l’occasion sort de nulle part. Elle fera sans doute mouche dans les médias mais un peu moins en termes de légalité.

Troisièmement, au regard de la proportionnalité des sanctions encourues. À titre d’exemple, pour 100 emplois on arriverait à une sanction de 2,8 millions d’euros, ce qui est beaucoup pour une entreprise en difficulté. Il y avait bien une tentative de faire passer la pilule en précisant que la pénalité doit tenir compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés. Mais, encore une fois, selon le rapport du Conseil d’État, cela ne suffit pas à écarter le risque d’inconstitutionnalité.

Trois questions de constitutionnalité, cela fait beaucoup pour un seul article. Mieux vaudrait y remédier maintenant. Vous ne pourrez pas dire qu’on ne vous a pas prévenus !

Mme la rapporteure. Comme le président Brottes vous l’a expliqué, nous avons eu des séances de travail avec le Conseil d’État, notamment une qui a été très approfondie sur ces points. Je me permets de vous renvoyer aux points 49 à 53 de l’avis du Conseil, qui traitent cette question de constitutionnalité s’agissant notamment de la sanction prévue par la proposition de loi.

Si vous examinez bien l’avis rendu et le texte, vous verrez que nous donnons satisfaction au Conseil d’État à la fois sur l’offre sérieuse, en donnant les motifs qui peuvent conduire le tribunal à reconnaître que c’est à juste titre que le chef d’entreprise refuse de céder, et sur la sanction, pour laquelle nous sommes raisonnables. Ces vingt SMIC représentent à peu près le coût moyen des PSE rapporté au nombre de salariés, qui figure dans un rapport d’évaluation. On arrive à 27 000 euros, ce qui fait 18,9 SMIC, valeur assez proche de vingt, vous en conviendrez. Vous voyez donc que le montant de la sanction inscrit dans le texte n’a pas été tiré au sort.

Pour M-Real, le PSE financé par l’entreprise était de 60 millions d’euros et le gain procuré par la hausse du prix du papier a couvert la somme sur une période relativement courte.

Si on applique la règle du texte à cette même entreprise, il lui en coûterait au maximum 9,2 millions d’euros. Si, en moyenne, la sanction prévue peut doubler le coût du PSE, dans le cas de grands groupes ou de grandes entreprises, à qui l’opération peut profiter, les sommes en cause ne sont pas de nature à les mettre en péril.

Pour compléter l’analyse du cas de M-Real, la cession s’est faite à environ 18 millions d’euros auxquels s’ajoute la vente des matériels – il y avait notamment une machine extraordinairement performante évaluée à 300 millions d’euros.

En somme, les 20 SMIC ne sortent pas du chapeau – c’est la moyenne du coût d’un PSE – et les implications concrètes en sont raisonnables au regard des gains réalisés par l’entreprise ou du coût du PSE. M. Chassaigne risque de trouver que ce n’est pas assez.

M. Lionel Tardy. Vous avez consulté le Conseil d’État qui décelait tout de même un risque d’inconstitutionnalité à cause de la proportionnalité de la sanction. Il proposait d’introduire un second plafond, qui pourrait être un pourcentage du chiffre d’affaires et qui garantirait que la sanction est adaptée aux capacités financières de l’entreprise. Avez-vous abordé le sujet ?

Mme la rapporteure. Le droit de la concurrence comporte déjà des sanctions beaucoup plus significatives. Le projet de loi sur la consommation que notre commission a examiné très récemment en prévoyait certaines qui pouvaient atteindre 10 % du chiffre d’affaires.

Ensuite, nous étudions la possibilité de l’introduction du double plafond et nous examinerons à ce sujet l’amendement CE 191.

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE 8.

Elle adopte ensuite successivement deux amendements rédactionnels, CE 99 et CE 98, de la rapporteure.

La commission examine en discussion commune les amendements CE 9 de M. Lionel Tardy et CE 28 de Mme Laure de La Raudière.

M. Lionel Tardy. La solidité de la sanction s’effondre puisqu’elle est malheureusement subordonnée d’un critère flou, « l’offre sérieuse », qui est trop sujet à interprétation pour fonder une sanction aussi lourde. Une fois encore, la finalité du texte, c’est de faire payer les « méchants patrons », quelles que soient les raisons.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, le deuxième amendement est satisfait par le vote d’un précédent amendement. Quant au sens à donner à l’expression « offre sérieuse », je vous renvoie à la jurisprudence sur les licenciements collectifs qui doivent être justifiés par des « causes réelles et sérieuses ». Le terme existe donc déjà dans notre ordre juridique.

M. le président François Brottes. Si l’on vous suit, il faut supprimer tous les tribunaux de commerce qui ont eux aussi à se prononcer sur le sérieux et la qualité des repreneurs.

Les deux amendements sont retirés.

La commission adopte deux amendements identiques, CE 97 de la rapporteure et CE 155 de la commission des affaires sociales, qui sont de conséquence.

Puis, suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte les amendements identiques, CE 156 de la commission des affaires sociales et CE 43 de M. Christophe Léonard.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte les amendements identiques de précision, CE 157 de la commission des affaires sociales et CE 44 de M. Christophe Léonard.

La commission en vient à l’examen de deux amendements identiques, CE 96 de la rapporteure et CE 158 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Cet amendement précise la notion d’emploi supprimé à partir de laquelle est calculée la pénalité.

La commission adopte les amendements.

Puis, elle examine les amendements identiques CE 95 de la rapporteure et CE 159 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. L’amendement prévoit d’affecter la pénalité à la création d’activités et d’emplois sur le territoire, à la promotion et au développement de la filière de l’établissement qui ferme.

M. le président François Brottes. Il importe de souligner qu’il n’y a pas que les territoires qui sont orphelins, les filières aussi.

Les amendements sont adoptés.

La commission en vient à l’amendement CE 191 de M. François Brottes.

M. le président François Brottes. Pour prendre en compte la remarque du Conseil d’État, nous introduisons un deuxième plafond à la sanction, en fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise, dont le montant est déterminé par arrêté.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle passe ensuite à l’amendement CE 10 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Pour mieux cadrer la notion d’« offre sérieuse », autant s’appuyer sur le Conseil d’État qui propose de préciser les cas où la sanction ne s’applique pas. Il ne faudrait pas que, sous la menace de sanctions, les dirigeants en négligent la stratégie et la pérennité de l’activité.

Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission examine les amendements identiques CE 160 de la commission des affaires sociales et CE 45 de Mme Dominique Chauvel.

Mme Dominique Chauvel. Les entreprises reçoivent parfois des aides publiques, qui relèvent de l’effort collectif consenti pour maintenir et implanter les acteurs économiques dans nos territoires. Dès lors qu’une entreprise décidera de fermer un site rentable, il serait bon que les subventions perçues soient remboursées.

Mme la rapporteure. Avis favorable car les cas sont de plus en plus fréquents.

M. André Chassaigne. Il faudra veiller à ce que les règlements des collectivités prévoient le remboursement sous certaines conditions.

Mme la rapporteure. La loi est supérieure au règlement. Et il arrive que le chef d’entreprise obtempère à la demande de remboursement de la collectivité, voire de l’État, sans que rien ne l’y oblige. C’est le moment de poser le principe dans la loi, quitte à affiner ensuite, dans l’hémicycle.

M. André Chassaigne. Je saisis l’occasion pour attirer l’attention sur le risque de concurrence entre les territoires, certains sites fermant pour s’installer ailleurs avec des aides à la création d’entreprise et d’emploi. L’Association des régions de France en appelle à un code de bonne conduite, pour vérifier que les installations, dûment subventionnées, ne se fassent pas au détriment d’autres collectivités.

M. le président François Brottes. Des amendements ont été déposés sur le texte relatif aux métropoles, autorisant toutes les régions à intervenir auprès des sociétés intervenant dans la création d’entreprises, initiative réservée jusque-là au Grand Paris.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

Elle en vient aux amendements identiques, CE 100 de la rapporteure et CE 161 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’articuler les délais des procédures administrative et judiciaire, de façon que l’administration puisse prendre sa décision une fois que celle de la cession du site aura été prise.

La commission adopte les amendements.

Puis elle examine les amendements identiques CE 101 de la rapporteure et CE 162 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Les amendements visent à préciser la date d’entrée en vigueur du dispositif, fixée au 1er janvier 2014.

Les amendements sont adoptés.

La commission adopte l’article 1er modifié.

*

* *

Article additionnel après l’article 1er
(article 1er bis [nouveau])

Abrogation de l’article L. 1233-90-1 du code du travail

La commission adopte les amendements identiques de codification, CE 102 de Mme la rapporteure et CE 163 de la commission des affaires sociales.

Article 2
Affectation de la pénalité

La commission examine l’amendement CE 11 de M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet article prouve l’absence de vision globale du texte. L’article précédent prévoit une pénalité qui sera parfois lourde – on va d’ailleurs essayer de la limiter –, mais on remet à plus tard les modalités de son affectation, en renvoyant à un rapport du Gouvernement six mois après la promulgation du texte. Autrement dit, pendant ce temps, les pénalités n’auront pas d’affectation. Pourquoi ne pas suivre le Conseil d’État qui propose de faire contribuer les entreprises aux conventions de revitalisation ?

M. le président François Brottes. Je rappelle que, s’agissant d’une proposition de loi, nous devons, faute de moyens, nous passer d’étude d’impact, et respecter l’article 40 qui laisse peu d’initiative au législateur.

Mme la rapporteure. Nous venons de voter une disposition qui affecte les pénalités via le support des conventions de revitalisation, grâce aux amendements CE 95 et 159. Votre amendement est satisfait, monsieur Tardy.

M. le président François Brottes. Nous avions envisagé de créer un fonds, mais nous ne pouvions pas.

M. le rapporteur pour avis. J’ai expliqué à M. Chassaigne qu’il faut une disposition complémentaire en loi de finances.

L’amendement CE 11 est retiré.

La commission examine deux amendements identiques, CE 103 de la rapporteure et CE 164 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Nous demandons un rapport pour faire le bilan du dispositif.

M. le rapporteur pour avis. Le rapport sur la destination des pénalités est devenu inutile. En revanche, il est souhaitable de dresser un bilan global des projets de fermeture de site et de l’issue qu’ils auront eue.

La commission adopte les amendements.

L’article 2 est ainsi rédigé.

TITRE II
MESURE EN FAVEUR DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ PAR LES SALARIÉS

Article 3
(article L. 631-13 du code de commerce)

Obligation d’information des salariés lors de la procédure de redressement judiciaire de la possibilité de soumettre une offre de reprise

Dans un contexte économique très difficile, le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) est en croissance.

Selon l’avis de M. Philippe Kemel, au nom de la Commission des affaires économiques, sur les crédits « Économie, sociale et solidaire » du projet de loi de finances pour 2013, l’ESS représentait 2 350 000 salariés en 2011, soit un emploi privé sur huit et 10 % du nombre total des salariés. Au sein du secteur de l’économie social et solidaire, les établissements à vocation marchande que sont les coopératives emploient 320 000 salariés et réalisent 260 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

Selon des données statistiques convergentes, la croissance des organisations de l’ESS a été plus rapide que celle du reste du secteur privé entre 2006 et 2008. Cette évolution, sensible depuis 2000, s’est prolongée en 2009 et 2010, années marquées par une forte augmentation du chômage.

Ces chiffres montrent que l’ESS constitue une réelle alternative aux sociétés à but lucratif, et qu’il convient à ce titre d’intégrer dans le processus de recherche de repreneur la possibilité d’une reprise par les salariés.

L’article 1er de la proposition de loi prévoit diverses garanties en ce sens :

– une information des salariés du projet de fermeture la plus en amont possible ; à ce titre, votre rapporteure est favorable à l’amendement de la Commission des affaires sociales intégrant une obligation d’information des salariés de la possibilité de déposer une offre de reprise via la constitution d’une société coopérative de production (SCOP) ;

– le recours à un expert, qui peut participer au montage du projet de reprise ;

– l’accès aux informations permettant d’élaborer une offre de reprise, au même titre que tout autre repreneur potentiel.

Votre rapporteure souhaite toutefois souligner que la reprise par les salariés ne bénéficie d’aucune priorité ou d’aucun régime dérogatoire vis-à-vis d’autres offres : il ne s’agirait pas de pousser à la constitution d’une société coopérative, engageant les salariés sur leurs propres deniers, dont la pérennité économique et financière serait fragile.

Le présent article vise à compléter le dispositif par des mesures applicables dans le cas des procédures collectives. Il modifie l’article L. 631-13 du code de commerce, relatif aux procédures de redressement judiciaire, qui dispose que : « dès l'ouverture de la procédure, les tiers sont admis à soumettre à l'administrateur des offres tendant au maintien de l'activité de l'entreprise, par une cession totale ou partielle de celle-ci selon les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV ».

Il est créé une obligation d’information privilégiée des salariés « dès l’ouverture de la procédure ». L’objectif est de susciter puis de favoriser la reprise d’entreprise par les salariés grâce à une information la plus en amont possible. En effet, on constate en pratique que l’un des deux obstacles principaux à la reprise des salariés est le manque de temps pour monter un projet de coopérative.

Le second obstacle, la difficulté à lever des fonds, fera l’objet d’un traitement particulier dans le cadre du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire présenté par M. Benoît Hamon en Conseil des ministres, le 24 juillet 2013.

*

* *

L’article 3 ne fait l’objet d’aucun amendement. Il est adopté sans modification.

TITRE III
MESURES EN FAVEUR DE L’ACTIONNARIAT DE LONG TERME

Article 4
(article L. 433-3 du code monétaire et financier)
Abaissement du seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA de 30 à 25 %

1. Le droit en vigueur

a. À l’origine, une mesure de protection des actionnaires minoritaires.

Le principe du seuil de déclenchement obligatoire d’une offre publique d’acquisition au-delà d’un certain seuil de détention du capital ou des droits de vote d’une société vise à l’origine à mieux protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. En effet, une OPA permet à ces derniers de se retirer du capital d’une société s’ils estiment que le changement de contrôle modifie l’avantage qu’ils tirent de la détention de titres de la société.

L’article L. 433-3 du code monétaire et financier (COMOFI) dispose ainsi que toute personne physique ou morale, agissant seule ou de concert, qui vient à détenir une fraction du capital ou des droits de vote d’une société dont le siège social est établi en France et cotée sur un marché réglementé européen, est tenue d’en informer immédiatement l’Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d’offre publique en vue d’acquérir une quantité déterminée des titres de la société.

À défaut de dépôt d’une offre obligatoire, les titres que l’intéressé détient au-delà de la fraction de capital considérée sont privés du droit de vote. L’AMF peut, sur le fondement de l’article L. 621-14 du COMOFI, saisir en référé le président du TGI de Paris aux fins d’enjoindre aux intéressés de déposer un projet d’offre publique. Les actionnaires minoritaires de la société cible qui s’estiment lésés peuvent également engager un contentieux indemnitaire, très dissuasif, devant le tribunal de commerce.

Le franchissement du seuil a donné lieu à 1 OPA en 2012 (SILIC), 4 en 2011 (Stallergenes, Cofigeo, Orchestra Kazibao, Cybernétix) et 1 en 2010 (Solving Efeso International).

b. Le seuil de déclenchement obligatoire a récemment été abaissé du tiers à 30 %

En 2008, l’Autorité des marchés financiers (AMF) constitue un groupe de place présidé par M. Bernard Field, membre du collège de l’Autorité, qui remet un rapport en octobre 2008. Ce groupe de travail fait le constat selon lequel le seuil du tiers, alors en vigueur, s'avère de plus en plus éloigné de la notion de contrôle de fait qui matérialise une réelle emprise sur la société. En effet, le droit boursier de l'offre obligatoire ne prend en considération que le seuil théorique de la minorité de blocage, comme si la participation aux assemblées générales des sociétés cotées était effectivement de 100 %.

Il est d’abord étudié la possibilité d’introduire dans la loi une définition de la situation de contrôle de fait. Ainsi, tout actionnaire détenant la majorité des droits de vote à plusieurs assemblées générales consécutives serait en situation de contrôle de fait et serait ainsi soumis à l’obligation de déclenchement obligatoire d’une OPA. Bien qu’intellectuellement séduisante, cette solution ne semble pas réalisable pour deux raisons :

– elle impliquerait de faire reposer une obligation sur un actionnaire au titre des comportements d’autres actionnaires, sur lesquels il n’a pas de prise ;

– elle ouvrirait la porte à des comportements de détournement de la règle dans un contexte de conflit entre actionnaires, l’un d’entre eux pouvant décider de ne pas exercer ses droits de vote à une assemblée générale pour forcer un autre à déclencher une OPA.

Le « rapport Field » préconise par conséquent une autre mesure : un abaissement du seuil de déclenchement de l’OPA du tiers à 25 % ou 30 % du capital ou des droits de vote, afin de le rapprocher des situations de contrôle de fait (recommandation n° 19).

Le seuil est finalement abaissé du tiers à 30 % par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.

2. La mesure proposée par la proposition de loi : l’abaissement du seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA à 25 %

Si la loi de 2010 a fait un pas vers la lutte contre les situations de prise de contrôle de fait, elle n’a pas épuisé l’ensemble du sujet. L’objet de l’article 4 de la proposition de loi consiste donc à abaisser à 25 % le seuil prévu au I de l’article L. 433-3 du COMOFI.

a. Impact sur la prévention des prises de contrôle rampantes.

Le quorum est relativement faible dans les assemblées générales des sociétés cotées, et ce d’autant plus que leur actionnariat est dispersé. Ainsi, le rapport Field indique que le quorum moyen en 2008 est de :

– 60 % pour les sociétés ayant un ou plusieurs actionnaires détenant entre 10 et 20 % du capital ;

– 55 % pour les sociétés ayant un ou plusieurs actionnaires détenant entre 20 et 30 % du capital.

Par conséquent, la « puissance de vote effective » d’un actionnaire dont la participation se situe juste en deçà du seuil du tiers est suffisante pour lui permettre de prendre de fait le contrôle absolu d’une société dans pratiquement tous les cas. Avec 25 % du capital ou des droits de vote, cette « puissance de vote effective », lui permet déjà de nommer ou révoquer les membres du conseil d’administration ou de surveillance dans un certain nombre de cas.

La dispersion du capital de nombre de sociétés cotées, le niveau moyen de participation aux assemblées générales et une éventuelle action de concert – comme dans le cas d’Accor – font se multiplier les situations dans lesquelles un actionnaire détenant moins du tiers des droits de vote peut imposer ses vues lors des assemblées générales.

Afin de prévenir les situations de contrôle de fait qui interviennent en deçà du seuil de 30 % et aller jusqu’au bout de la logique défendue dans le cadre de la loi de 2010, il apparaît nécessaire d’abaisser le seuil de déclenchement obligatoire des OPA.

b. Compatibilité avec le droit européen.

Au cours des nombreuses auditions menées, les acteurs de la place ont souvent souligné que le niveau retenu serait le plus bas des autres États membres de l'UE : seule la Croatie a fixé le seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA à 25 %, une majorité ayant retenu le seuil de 30 % en vigueur aujourd’hui.

Source : services de l’Autorité des marchés financiers

Cela ne représente pas pour autant une difficulté juridique au regard de la directive OPA, dont l’article 5 dispose que :

« Lorsqu’une personne physique ou morale détient, à la suite d’une acquisition faite par elle-même ou par des personnes agissant de concert avec elle, des titres d’une société au sens de l’article 1er, paragraphe 1, qui, additionnés à toutes les participations en ces titres qu’elle détient déjà et à celles des personnes agissant de concert avec elle, lui confèrent directement ou indirectement un pourcentage déterminé de droits de vote dans cette société lui donnant le contrôle de cette société, les États membres veillent à ce que cette personne soit obligée de faire une offre en vue de protéger les actionnaires minoritaires de cette société ».

La seule obligation posée est donc la fixation d’un « pourcentage déterminé » de détention du capital ou des droits de vote, dont il revient à chaque État membre de fixer la valeur pour se rapprocher le plus possible de la notion de contrôle de fait.

c. Impact sur l’attractivité des entreprises françaises pour les investisseurs potentiels.

Le second argument souvent mobilisé est l’effet d’une telle mesure sur l’attractivité de ce que les acteurs nomment « la place de Paris », à travers deux effets :

– le « désalignement » à l'égard du seuil de 30 % retenu par le Royaume-Uni et considéré comme « la » référence, pourrait être dissuasif ;

– les investisseurs pourraient être amenés à limiter leur participation à 25 % du capital ou des droits de vote, afin de demeurer en deçà du seuil prévu.

Au total, l’impact global sur l’attractivité est jugé faible car les règles relatives aux seuils de déclenchement des OPA sont un déterminant secondaire des choix d'investissement qui sont davantage réalisés sur la base de la rentabilité des sociétés, de leur secteur d’activité ou de leur périmètre géographique.

D’autres pays de l’OCDE ont fixé le seuil de déclenchement obligatoire à des niveaux égaux, voire inférieurs à 25 % sans dommage : 5 % en Corée du Sud, 20 % en Australie, au Canada, en Nouvelle-Zélande ou en Turquie, 25 % en Israël. Aux États-Unis, il n’y a pas, par principe, de seuil de déclenchement d’une offre obligatoire mais en pratique la grande majorité des sociétés sont dotées de mesures de défense (« poison pills ») activées dès lors qu’un investisseur prend une participation de l’ordre de 10 % à 20 %.

Si l’argument de la comparaison européenne a sa pertinence, n’oublions pas que l’Union européenne, notamment en matière industrielle, a trop souvent tendance à s’enfermer dans des règles, bien moins protectrices qu'ailleurs. Devons-nous vraiment continuer dans cette voie ?

d. Lien avec la généralisation des droits de vote double (article 5)

Octroyer le droit de vote double de droit renchérit les risques de prise de contrôle de fait par des actionnaires activistes. Dans ce contexte, l’abaissement du seuil constitue une mesure complémentaire indispensable à la généralisation des droits de vote double.

3. Mesure alternative : le plafonnement des droits de vote à 20 %

Une mesure alternative consisterait à préférer à l’abaissement du seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA le plafonnement des droits de vote à 20 %, sauf pour l’actionnaire à déposer un projet d’offre sur la totalité du capital.

Proposée par le rapport Field (proposition n° 19), une telle solution comporte plusieurs avantages :

– elle permet de prévenir efficacement les abus d’actionnaires en situation de contrôle de fait dès le seuil de détention de 20 % des droits de vote ou du capital, ce qui rend la mesure efficace même dans les sociétés au capital très dispersé et où la participation aux assemblées générales est faible ;

– les obligations imposées aux acteurs sont bien moins contraignantes car ils peuvent détenir jusqu’à 30 % des droits de vote ou du capital, sans pour autant être obligés de déclencher une OPA. L’AMF n’a pas la possibilité de saisir en référé le président du TGI de Paris aux fins d’enjoindre aux intéressés de déposer un projet d’offre publique ; de même, les actionnaires minoritaires de la société ne peuvent engager de contentieux indemnitaire. Une telle mesure accroît donc leurs marges de manœuvre en matière de gestion de leur portefeuille ;

– en affichage, elle maintient l’alignement vis-à-vis des autres États membres, ce qui permet de ne pas pénaliser l’attractivité de la « place de Paris ».

4. Dispositif transitoire : l’introduction d’une clause de grand-père

À défaut de dispositif transitoire, dès l’entrée en vigueur du nouveau seuil, soit le lendemain de la publication de la loi au JO, tous les actionnaires qui détiennent entre 25 % et 30 % du capital ou des droits de vote d’une société cotée se retrouveraient en infraction faute d’avoir déposé préalablement une OPA. Ils se verraient donc privés automatiquement de leurs droits de vote pour la fraction de détention supérieure à 25 % et menacés d’actions en justice.

Il y a là une atteinte au principe de sécurité juridique, ou, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, une remise en cause de situations légalement acquises non justifiée par un motif d’intérêt général suffisant. Une mesure transitoire est donc indispensable.

Votre rapporteure a envisagé la possibilité d’obliger les personnes qui détiennent entre 25 % et 30 % des actions d’une société, à la date d’entrée en vigueur de la loi, à ramener leur participation au niveau de 25 % dans un certain délai si elles ne veulent pas lancer immédiatement une OPA, avec comme sanction une privation des droits de vote excédentaires. Suivant les recommandations du Conseil d’État, cette option n’a pas été retenue car elle constituerait une quasi-obligation de cession forcée de titres avec la sanction d’une situation qui était parfaitement légale avant la modification du seuil. Certes, la loi non pénale peut être rétroactive, mais il faut un motif d’intérêt général suffisamment caractérisé en contrepoids d’une atteinte au droit de propriété. La notion d'intérêt général « suffisant » indique un contrôle renforcé du Conseil sur les motifs invoqués pour justifier la remise en cause par la loi de situations légalement acquises. En l’espèce, la volonté de limiter les prises de contrôle rampantes justifie pleinement l’intervention du législateur pour l’avenir mais plus difficilement pour le passé.

Il apparaît donc que la solution la plus pertinente soit l’instauration d’une « clause de grand-père » : pour les personnes qui détiennent à une certaine date, seules ou de concert, directement ou indirectement, entre 25 % et 30 % du capital ou des droits de vote d'une société, le seuil de 30 % doit être maintenu sans limitation de durée, tant que leur participation restera comprise entre 25 % et 30 %.

Cette solution avait été choisie lors de l’abaissement du seuil de 33 % à 30 % par la loi du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière (article 92). 37 sociétés ont été concernées par la clause de grand-père, dont 8 sociétés qui avaient jusqu’au 1er février 2012 pour ramener leur participation en dessous de 30 %. Aujourd’hui, 14 sociétés en bénéficient encore.

Une vingtaine d’entreprises du SBF 120 seraient concernées par l’application d’une telle clause suite à l'abaissement du seuil à 25 %.

Outre le respect du principe de sécurité juridique, l’instauration d’une clause de grand-père présente l’avantage de ne pas obliger les actionnaires concernés à modifier leur patrimoine. Une telle clause s’appliquerait à l’État, dont la participation dans Orange, Safran et Thalès, est de l’ordre de 27 %.

Pour autant, il convient d’éviter les comportements de contournement de la nouvelle règle, qui consisteraient à augmenter délibérément son pourcentage de détention jusqu’à 29,9 % juste avant l’entrée en vigueur de la loi en échappant au nouveau seuil de 25 %. Il s’agit de transposer au droit des marchés financiers le même mécanisme « anti-optimisation » que celui bien connu en matière de fiscalité : fixer l’entrée en vigueur d’une mesure anti-abus à la date d’annonce de cette mesure.

Votre rapporteure propose de retenir la date de dépôt de l’amendement introduisant le dispositif transitoire, soit le 17 juillet 2013. La clause de grand-père ainsi calibrée permettrait de préserver les droits acquis sans inciter les comportements d’optimisation. Une clause équivalente avait été mise en place par l’article 92 de la loi bancaire de 2010 : le seuil déclencheur de 30 %, applicable depuis le 1er février 2011, demeure ainsi encore aujourd’hui fixé au tiers du capital ou des droits de vote pour les sociétés qui détenaient, au 1er janvier 2010, directement ou indirectement, entre 30 % et 33,33 % du capital ou des droits de vote.

*

* *

La commission examine l’amendement CE 165 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. Je propose de supprimer l’expression « des trois dixièmes » dans le premier alinéa de l’article L. 233-7 du code du commerce.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte l’amendement CE 165.

Elle étudie les amendements identiques CE 192 rectifié de la rapporteure et CE 166 du rapporteur pour avis.

Mme la rapporteure. L’amendement CE 192 vise à insérer une clause de grand-père, tendant à permettre aux actionnaires détenant entre 25 % et 30 % du capital d’une société cotée à la date de dépôt de rester au seuil qu’ils ont atteint. Il prévoit en outre les modalités d’application du dispositif dans les outre-mer.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CE 166 est défendu.

M. le ministre. Favorable.

La commission adopte les amendements CE 192 rectifié et CE 166.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Article additionnel après l’article 4
(article 4 bis [nouveau])

(article L. 433-1-2 nouveau du code de commerce)
Introduction d’un seuil de caducité

Certains acteurs pourraient contourner le principe du seuil de déclenchement automatique d’une OPA en proposant une prime par action peu attractive.

Cet article complète l’abaissement du seuil de déclenchement obligatoire d’une OPA en introduisant un « seuil de caducité ». Dans l’hypothèse où un acteur lancerait une OPA qui ne récolte pas la moitié du capital et des droits de vote de la société cible, l’offreur serait privé des droits de vote attachés aux actions au-delà du seuil de déclenchement obligatoire, jusqu’à ce qu’il parvienne à obtenir plus de la moitié des titres.

*

* *

La commission en vient aux amendements identiques CE 184 de la rapporteure et CE 167 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il est proposé d’introduire un seuil de caducité si l’initiateur d’une offre publique d’acquisition ne parvient pas à acheter au moins 50 % des parts de l’entreprise.

M. Jean-Marc Germain. Défendu.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte les amendements CE 184 et CE 167.

Article additionnel après l’article 4
(article 4 ter [nouveau])

(article L.433-1-2 nouveau du code de commerce)
Renforcement du dispositif anti-« excès de vitesse »

Le renforcement du dispositif anti-« excès de vitesse » constitue le dernier élément du dispositif visant à prévenir les prises de contrôle rampantes. Il empêche tout actionnaire se situant déjà au-delà du seuil de 25 % de monter trop rapidement au capital d’une société sans devoir déclencher une OPA. Celui-ci devrait ainsi limiter ses acquisitions à 1 % du capital, au lieu de 2 % dans le droit en vigueur.

En pratique, il s’agit de modifier l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, en interdisant toute personne se trouvant au-delà du seuil de déclenchement obligatoire d’augmenter sa détention de capital ou de droits de vote de plus du centième des droits de vote de l’ensemble de la société, au lieu du cinquantième dans le droit actuel.

*

* *

Puis, suivant l’avis favorable du Gouvernement, elle adopte les amendements identiques CE 183 de la rapporteure et CE 168 de la commission des affaires sociales.

Article 5
(article L. 225-123 du code de commerce)
Généralisation des droits de vote double

1. Le droit de vote double existe déjà dans les statuts de la moitié des grandes entreprises françaises

a. Un élément historique du droit des sociétés françaises.

La création d’actions à droit de vote plural date d’une loi du 16 novembre 1903, qui autorisait les sociétés à créer des actions de priorité, qui pouvaient comporter un droit de vote multiple. Ce droit de vote plural permettait à des actionnaires de prendre le contrôle d’une société avec une participation réduite au capital social.

La loi du 13 novembre 1933 a prohibé la création de telles actions, tout en maintenant la faculté de préciser dans les statuts un droit de vote double sous certaines conditions. Cette possibilité perdure jusqu’à ce jour pour toute société anonyme, cotée ou non cotée au travers d’une disposition juridique parfaitement stable depuis maintenant 80 ans.

b. Une pratique autorisée et couramment répandue

L’article L. 225-123 du code de commerce autorise déjà actuellement les statuts d’une société anonyme à prévoir un droit de vote double pour toutes les actions inscrites au nom d’un même titulaire depuis 2 ans au moins.

Soulignons que seules peuvent bénéficier des droits de vote double les actions nominatives, les actions au porteur en étant exclues. Une telle exclusion se justifie par la nécessité d’identifier les actionnaires. Il s’agit certes indirectement d’une mesure défavorable aux actionnaires institutionnels, qui conservent en général leurs titres au porteur, pour avoir la possibilité de les céder plus rapidement, mais elle est en lien avec l’objectif recherché et ne pose donc pas de problème juridique d’atteinte à la libre circulation des capitaux. Par ailleurs, l’inscription au nominatif ne leur est pas refusée : il s’agit d’un choix dicté par leur préférence pour la liquidité de leur portefeuille.

En pratique, parmi les sociétés du CAC 40, 52,5 % des sociétés y ont recours. En prenant en compte l’ensemble des sociétés du CAC 40 et du SBF 120, ce taux est porté à 58 %, et il est encore plus élevé (68 %) pour les sociétés du SBF 250 (40).

2. La proposition de loi généralise les droits de vote doubles

a. L’effet principal : l’inversion de majorité

Le champ d’application des nouvelles dispositions est plus large qu’à l’article 4, qui ne concerne que les sociétés dont le siège social est établi en France et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d’un État membre de l'UE ou partie à l'accord sur l'EEE. Il n’y a pas de restriction portant sur le lieu de cotation : une société comme l’Occitane, cotée à la bourse de Hong-Kong, serait donc aussi concernée. La condition relative au siège social situé en territoire français figure à l’article L. 210-3 du code de commerce.

Le I. de l’article 5 consiste à renverser la logique du droit actuel.

Aux termes du premier alinéa de l’article L. 225-123 du code de commerce en vigueur, il est nécessaire d’obtenir une majorité « positive » des deux tiers d’une assemblée générale pour pouvoir inscrire les droits de vote double au statut d’une société.

La proposition de loi dispose que les droits de vote double sont de droit, et qu’il est nécessaire de rassembler une majorité « négative » des deux tiers d’une assemblée générale pour pouvoir les supprimer (alinéas 2 et 3)

Une telle inversion est de nature à débloquer les situations dans lesquelles la majorité des actionnaires était favorable à l’instauration des droits de vote de double sans parvenir à rassembler la majorité qualifiée requise.

Le II. de l’article 5 (alinéa 5) prévoit un dispositif transitoire : la comptabilisation de la durée nécessaire pour obtenir les droits de vote double débute à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

b. Compatibilité avec le droit européen

Il faut, dans un premier temps, examiner la compatibilité du présent article avec le droit primaire issu des traités. Un certain nombre d’acteurs, au premier rang desquels les investisseurs institutionnels, considèrent que le droit de vote double constitue un frein à la liberté de prise de contrôle des sociétés, du fait de la déconnexion qu’il permet d’opérer entre droit de vote et capital. Or le libre jeu des offres et surenchères en matière d'OPA est une composante du principe de libre circulation des capitaux, ce qui impose de s’interroger sur le respect de ce principe, garanti par l’article 63 du TFUE.

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, les mesures interdites en tant que restrictions aux mouvements de capitaux comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents d’un État membre d’en faire dans d’autres États, que ces investissements visent ou non à acquérir le contrôle de la société cible, c'est-à-dire, selon la Cour, qu’il s’agisse d’investissements directs ou d’investissements de portefeuille.

D’une part, la mesure n’a pas d’effet discriminatoire, dès lors qu’elle ne favorise les investisseurs français ni en droit ni en fait, compte tenu de la forte proportion de non-résidents au capital des entreprises françaises cotées (cf. supra).

D’autre part, elle respecte les deux conditions nécessaires (41) pour qu’une restriction à la libre circulation des capitaux soit jugée compatible avec le droit de l’Union européenne :

– elle est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général : les droits de vote double visent à favoriser un actionnariat stable et à décourager la spéculation de court terme ;

– elle est nécessaire et proportionnée à l’atteinte de l’objectif visé : la restriction instituée est très limitée, puisque tout actionnaire peut bénéficier du droit de vote double après un délai de 2 ans.

L’ensemble de ces éléments conduit le Conseil d’État à effectuer le diagnostic suivant : « La modification proposée, propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint, peut donc raisonnablement être admise.

Pour les mêmes raisons et parce que les actionnaires peuvent s’opposer à l’application de plein droit du droit de vote double, la modification proposée ne porte pas atteinte de manière disproportionnée à la liberté constitutionnelle d’entreprendre afin d’atteindre l’objectif d’intérêt général consistant à favoriser un actionnariat stable de longue durée. La limitation de l’application de plein droit du droit de vote double aux seules sociétés cotées et aux seules actions nominatives correspond à des différences de situation en rapport avec l’objectif d’intérêt général poursuivi et ne crée donc pas de rupture d’égalité devant la loi ».

Signalons en complément de cette analyse qu’aucune disposition de droit dérivé n’interdit le recours aux droits de vote doubles à la française. En réalité, constatant l’hétérogénéité des pratiques au sein de l’UE (cf. infra), la Commission a abandonné l’idée d’imposer le principe « une action, une voix ». C’est pourquoi le droit européen n’encadre que très peu ce type de mécanisme.

c. Impact sur les sociétés françaises

Certaines personnes auditionnées par votre rapporteure ont évoqué la menace d’une perte d’attractivité des entreprises françaises pour les investisseurs internationaux. La généralisation des droits de vote double serait de nature à créer une différenciation peu propice au financement des entreprises. Ce danger semble en réalité limité.

Certes, les acteurs du secteur de la finance défendent le principe « une action, une voix » – « one share, on vote » – en se fondant, d’une part, sur l’argument théorique de l’existence d’une « démocratie actionnariale » et, d’autre part, sur leur besoin de la plus grande lisibilité possible.

Toutefois, il a été démontré, dans une étude réalisée à la demande de la Commission européenne en 2007 (42), que ce principe ne rencontre aucune réalité pratique. La très grande majorité des pays de l’Union européenne sont dotés de mécanismes y dérogeant, les control enhancing mechanisms (CEM). Les seize États membres examinés dans le cadre de cette étude disposent d’entre cinq et onze CEM, prévus soit par la législation nationale soit par les statuts des sociétés.

S’agissant en particulier des droits de vote multiples, ils sont possibles dans 53 % des pays et effectivement utilisés dans 50 % d’entre eux. 80 % des sociétés suédoises l’utilisent, 42 % des sociétés hollandaises, 40 % des sociétés finlandaises, 25 % des sociétés danoises, 20 % des sociétés polonaises, 6 % des sociétés cotées américaines, 5 % des sociétés anglaises et hongroises et 0 % des sociétés irlandaises.

Si le principe des droits de vote multiple est très répandu, c’est sous des formes différentes, un certain nombre de restrictions pouvant être posées :

– le système français fait figure d’exception dans le panorama européen car le droit de vote double y est attaché, sous une condition de durée de détention, à la personne qui les détient, d’où le nom parfois attribué à ce mécanisme d’ « actions de loyauté » ;

– le nombre de droits de vote par action peut être limité à deux (France), dix (Danemark, Hongrie, Suède) ou 1 000 (Japon) ;

– les droits de vote double peuvent être plafonnés à un certain pourcentage de l’ensemble du capital de la société (50 % en Hongrie) ;

– l’impact des droits de vote peut être limité dans certaines configurations de vote en assemblée générale (Danemark, Finlande, Suède).

Enfin, certains États interdisent purement et simplement ce type d’actions. Ainsi en va-t-il de l’Allemagne (depuis 1998), de l’Australie, de l’Autriche, de la Belgique, de la Corée du Sud, de l’Espagne, de l’Estonie, de la Grèce, de l’Italie, du Luxembourg ou de la République tchèque.

Le second effet collatéral de la mesure qui ait été pointé du doigt est le risque, dans les sociétés au capital atomisé, qu’un seul des actionnaires en bénéficie, ce qui lui ouvre la porte à une prise de contrôle rampante. C’est pourquoi l’abaissement du seuil de déclenchement obligatoire des OPA, prévu à l’article 4 de la proposition de loi, est une mesure complémentaire de la généralisation des droits de vote double particulièrement nécessaire.

d. Suppression des alinéas excluant les ressortissants extracommunautaires du bénéfice des droits de vote double.

L’alinéa 3 de l’article L. 225-123 du code de commerce permet de réserver le bénéfice du droit de vote double aux actionnaires de nationalité française et à ceux ressortissant d'un État membre de l’UE ou d'un État partie à l’Espace économique européen (EEE). Cette disposition désuète est en fait la survivance d'une règle introduite dans le cadre des actions à droit de vote multiple après la première guerre mondiale, comme moyen de défense contre le risque de prise de contrôle des sociétés françaises par des investisseurs étrangers qui voulaient profiter de la forte dévaluation du franc. Elle n’est guère utilisée aujourd’hui, d’autant qu’elle peut être facilement contournée par l’interposition d’une holding française ou européenne, ce qui peut expliquer l’absence de contentieux.

Elle pose pourtant problème au regard du principe d’égalité et encourt donc un risque de censure du Conseil constitutionnel. Il s’agit en effet d’une clause de nationalité, pour laquelle il n’existe aucun motif d’intérêt général qui serait suffisant pour la justifier (43).

L’alinéa 4 de l’article 5 de la proposition de loi reprend cette disposition en la rendant de droit dans le cadre du nouveau dispositif qu’elle institue pour les sociétés cotées, toujours avec une possibilité d’opposition statutaire. Il ne fait aucun doute que, saisi de la proposition de loi, le Conseil constitutionnel censurerait à la fois l’alinéa 4 de l’article 5, mais également l’alinéa 3 de l’article L. 225-123 actuellement en vigueur, en application de sa jurisprudence dite « néo-calédonienne » (44).

Votre rapporteure propose donc de supprimer la disposition actuelle plutôt que de la doublonner. En termes de technique rédactionnelle, cela consiste à « écraser » la clause de nationalité actuelle par la nouvelle disposition généralisant le droit de vote double sans introduire de nouvelle clause de nationalité.

*

* *

La commission examine en discussion commune les amendements CE 193 rectifié de la rapporteure et CE 169 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. L’amendement CE 193 rectifié tend à supprimer les alinéas excluant les ressortissants extracommunautaires du bénéfice du droit de vote double. M. Chassaigne sera satisfait sur ce point, puisque nous appliquons les préconisations du Conseil d’État. D’autre part, l’amendement interdit le transfert indirect des droits de vote double.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement CE 169 reprend le texte de la rapporteure à une différence près : il introduit la notion de progressivité des droits de vote, avec l’octroi d’un droit de vote triple au bout de cinq ans. Je le retire, en souhaitant que la discussion sur le sujet se poursuive dans l’hémicycle.

L’amendement CE 169 est retiré.

M. le ministre. Avis favorable à l’amendement CE 193 rectifié.

M. Lionel Tardy. Vous pourrez remercier le Conseil d’État, dont vous reprenez point par point toutes les décisions !

M. le président François Brottes. C’est l’intérêt de le consulter.

La commission adopte l’amendement CE 193 rectifié.

En conséquence, l’article 5 est ainsi rédigé et l’amendement CE 27 de Mme Laure de La Raudière tombe.

Après l’article 5

La commission en vient aux amendements identiques CE 185 de la rapporteure et CE 170 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’utilisation des golden share par l’État actionnaire, pour savoir de quels outils nous pouvons nous doter pour protéger nos entreprises stratégiques.

M. le rapporteur pour avis. Défendu.

M. le président François Brottes. Lorsque nous avons examiné le projet de loi ouvrant la fusion de GDF avec Suez, le Gouvernement affirmait qu’une action spécifique préservait l’entreprise de la dilapidation de ses actifs stratégiques.

M. le ministre. Je comprends votre demande, mais un tel rapport est-il nécessaire ? Je vous suggère de retirer l’amendement, et m’engage à ce que le sujet soit abordé spécifiquement dans le prochain rapport annuel que l’Agence des participations de l’État remettra au Parlement.

M. le président François Brottes. Si l’Agence peut nous fournir des informations avant septembre, c’est-à-dire avant l’examen du texte en séance, son intervention nous sera plus utile qu’un rapport.

M. le ministre. Je m’y engage.

Mme la rapporteure. Je raisonnerais probablement comme le ministre si j’étais à sa place. Lors des auditions, nous nous sommes demandé à plusieurs reprises quels instruments, notamment juridiques, nous permettraient de mieux défendre nos entreprises. Certains États membres de l’Union, ainsi que les États-Unis et le Canada, sans parler des pays asiatiques, possèdent des dispositifs plus efficaces que les nôtres. Ne pouvant en inventer sans une expertise complémentaire, nous pensons qu’un bilan est nécessaire pour ouvrir une discussion prospective. Les représentants de l’APE, que nous avons auditionnés, ont émis des idées intéressantes. L’engagement du ministre porte-t-il sur tous les éléments d’information ?

M. le ministre. Oui.

Mme la rapporteure. Dans ce cas, je retire l’amendement CE 185.

M. le rapporteur pour avis. Et moi l’amendement CE 170.

Les amendements CE 185 et CE 170 sont retirés.

Article 6
(articles L. 2323-22 et L. 2323-23 du code du travail)
Association des salariés à la procédure d’OPA

1. Le droit en vigueur

Les salariés ont très peu de prise sur le déroulement d’une OPA et les droits qui leur sont ouverts consistent essentiellement en un accès privilégié à l’information.

L’article L. 2323-21 du code du travail dispose que le comité d’entreprise est informé de l’offre au moment du dépôt du projet d’offre par l’entreprise cible. Au cours de cette réunion, il peut décider d’entendre l’auteur de l’offre. Cette audition lui donne un accès direct à l’information essentielle que l’initiateur doit fournir dans le cadre de l’offre, à savoir sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société concernée et les répercussions de la mise en œuvre de l’offre sur l’ensemble des intérêts, l’emploi, les sites d’activité et la localisation des centres de décision de cette société.

L’article L. 2323-22 impose à l’auteur de l’offre d’adresser au comité d’entreprise la note d’information mentionnée au IX de l’article L. 621-8 du code monétaire et financier dans les trois jours suivant sa publication. Le contenu de cette dernière, défini par l’article 231-18 du règlement général de l’Autorité des marchés financiers, comprend notamment : le prix proposé, le calendrier prévisionnel de l'offre, les conditions de financement de l'opération et leurs incidences sur les actifs, l'activité et les résultats des sociétés concernées, les intentions de l’initiateur pour une durée couvrant au moins les douze mois à venir relatives à la politique industrielle et financière des sociétés concernées et ses orientations en matière d'emploi. L'initiateur indique notamment, eu égard aux données dont il a connaissance, et en cohérence avec ses intentions sur la politique industrielle et financière de la société, les changements prévisibles en matière de volume et de structure des effectifs.

Ces articles transposent l’article 6 de la directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition qui précise que « dès que l’offre a été rendue publique, les organes d’administration ou de direction de la société visée et de l’offrant informent respectivement les représentants de leur personnel ou, lorsqu’il n’existe pas de tels représentants, le personnel lui-même ».

Enfin, l’article L. 2323-33 dispose que le comité d’entreprise est réuni dans les quinze jours suivant la publication de la note d’information pour examiner cette dernière. À la suite de cette réunion, il peut émettre des observations qui sont transmises à l’initiateur de l’offre. Le comité d’entreprise auditionne l’initiateur de l’offre le cas échéant et peut se faire assister d’un expert. Cet article transpose l’article 9 de la directive OPA, qui précise que « l’organe d’administration ou de direction de la société visée communique [son avis motivé sur l’offre] aux représentants du personnel de la société ou, lorsqu’il n’existe pas de tels représentants, au personnel lui-même. Si l’organe d’administration ou de direction de la société visée reçoit en temps utile un avis distinct des représentants du personnel quant aux répercussions de l’offre sur l’emploi, celui-ci est joint au document ».

PRÉROGATIVES ACCORDÉES AU COMITÉ D'ENTREPRISE DURANT UNE OPA
DANS LE DROIT EN VIGUEUR

Plusieurs éléments tendent à limiter la portée de tels droits :

– la note d’information transmise au CE en vertu de l’article L. 2323-22 est en réalité un document public accessible à tous ;

– lorsqu’il est auditionné par le CE, l’initiateur de l’offre est généralement accompagné de ses nombreux avocats, dont le rôle est de contrôler la teneur de chacun des mots prononcés. Dans un tel contexte, il est difficile pour les salariés d’obtenir des engagements de sa part sur le maintien des sites industriels et de l’emploi ;

– la réunion prévue à l’article L. 2323-23 n’est pas une consultation donnant lieu à avis, mais à de simples « observations ». Ces dernières sont de toute façon sans portée car la réunion ayant lieu dans les quinze jours suivant la publication de la note d’information, elles ne peuvent être intégrées à cette dernière. Ainsi, lorsque les salariés peuvent émettre une position sur l’offre, celle-ci est déjà bouclée.

2. La proposition de loi renforce les prérogatives données au comité d’entreprise en cas d’OPA

a. Le dispositif proposé introduit deux nouveaux droits : la nomination d’un médiateur et la possibilité d’émettre un avis sur le projet d’offre

D’une part, s’il considère l’offre comme hostile, le CE peut demander la nomination d’un médiateur (alinéas 3 à 5). S’agissant du fonctionnement de la procédure de médiation, il est fait un renvoi à la procédure de médiation prévue par le code du travail pour le règlement des conflits collectifs (articles L. 2523-1 à 2523-9). Le médiateur dispose d’un mois pour tenter de résoudre les litiges relatifs « à la politique industrielle et financière et aux plans stratégiques » de l’offreur. Son rapport et sa recommandation sont retranscrits dans la note en réponse – c’est-à-dire la note établie par la direction de l’entreprise cible lorsque celle-ci n’a pas sollicité l’offre – ou la note d’information commune – lorsque la direction considère que l’offre est amicale.

D’autre part, qu’il considère l’offre comme hostile ou amicale, le CE peut toujours entendre l’auteur de l’offre ; il est informé et consulté sur le projet et son avis est reproduit dans la note en réponse ou la note d’information commune (alinéas 6 à 11). La note en réponse, dans le cas d’une offre non sollicitée par l’entreprise cible, ou la note commune, dans le cas d’une offre sollicitée, doit reproduire l’avis du CE : tant que celui-ci ne s’est pas prononcé, l’OPA ne peut être menée à son terme. Sa capacité à retarder l’offre est toutefois strictement limitée, les délais d’avis fixés par l’article L. 2323-3 modifié par la loi de sécurisation de l’emploi étant applicables.

b. Impact du dispositif sur le déroulement des offres

Ces nouvelles prérogatives ne donnent donc pas véritablement au CE un pouvoir d’opposition à une OPA qu’il considère comme hostile.

En revanche, elles obligent l’initiateur de l’offre, sinon à tenir compte, du moins à écouter les remarques des salariés avant de pouvoir lancer l’offre d’acquisition :

– dans le cas d’une offre sollicitée, l’avis du comité d’entreprise doit être prononcé avant la publication de la note d’information, de façon à être intégré à celle-ci ;

– dans le cas d’une offre non sollicitée, l’avis du comité d’entreprise est émis avant la réunion du conseil d’administration ou du conseil de surveillance de la société cible et intégré à la note en réponse.

PRÉROGATIVES DU COMITÉ D'ENTREPRISE DURANT UNE OPA SELON LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI (CAS D'UNE OFFRE SOLLICITÉE)

闒粀闀粀

PRÉROGATIVES DU COMITÉ D'ENTREPRISE DURANT UNE OPA SELON LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI (CAS D'UNE OFFRE NON SOLLICITÉE)

闒粀闀粀

Votre rapporteure propose toutefois de limiter la possibilité de saisine du médiateur aux seuls cas d’offres non sollicitées. Une telle modification accroît l'importance de la saisine du médiateur dans les cas où il sera saisi, la direction et les salariés ayant tous deux considéré l'offre comme hostile. Il s'agira d'un front commun contre l'initiateur de l'offre, destiné à protéger les intérêts économiques et l'emploi de l'entreprise.

Cela nécessite toutefois d’informer au préalable le comité d’entreprise de la société cible de l’avis du conseil d’administration ou du conseil de surveillance sur l’offre, au moment de l’information prévue à l’article L. 2323-21.

c. Compatibilité avec le droit européen

Le droit des OPA étant très différent entre les États membres, la Commission européenne a renoncé à définir un cadre très strict. La directive 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition est ainsi assez souple pour accepter de nombreuses configurations, s’agissant de l’information des représentants du personnel en cas d’OPA.

Le considérant 23 de la directive précise notamment que « sans préjudice des dispositions de la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d’initiés et les manipulations de marché (abus de marché), les États membres peuvent à tout moment appliquer ou introduire des dispositions nationales relatives à l’information et à la consultation des représentants des travailleurs de l’offrant avant le lancement de l’offre ».

L’article 14, consacré à l’information et consultation des représentants du personnel dispose par ailleurs que « la présente directive ne porte pas préjudice aux règles relatives à l’information et à la consultation des représentants du personnel de l’offrant et de la société visée ainsi que, si les États membres le prévoient, à la cogestion avec ce personnel, régies par les dispositions nationales pertinentes, et notamment celles arrêtées en application des directives 94/45/CE, 98/59/CE, 2001/86/CE et 2002/14/CE ».

Au vu de ces éléments, l’élargissement des compétences du comité d’entreprise durant la procédure d’OPA apparaît comme tout à fait compatible avec le droit communautaire.

On notera que dans d’autres pays, comme les Pays-Bas, le comité d’entreprise dispose pour se faire entendre d’outils spécifiques, en l’espèce un droit de veto suspensif sur l’avis devant être rendu sur l’OPA par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance, ainsi que la faculté de saisir la Chambre des entreprises de la Cour d’appel d’Amsterdam en cas de différend.

Enfin, signalons que la Commission européenne, dans son rapport sur l’application de la directive 2004/25/CE concernant les offres publiques d'acquisition (45), a émis la volonté de faire évoluer le droit des OPA vers une protection accrue de l’intérêt des salariés : « enfin, les représentants du personnel ont indiqué qu'ils ne sont pas satisfaits de la manière dont la directive protège les droits des salariés en cas d’acquisition, en particulier en ce qui concerne le risque de changements des conditions de travail et des emplois disponibles. La Commission poursuivra son dialogue avec les représentants du personnel en vue de recenser les possibilités d'améliorations pour l'avenir. Elle mènera également une enquête approfondie sur l'expérience acquise dans la pratique avec les dispositions de la directive qui exigent la divulgation des intentions de l'offrant en ce qui concerne la poursuite de l'activité de la société et ses conditions d’emploi et de l'avis de l'organe d'administration ou de direction de la société visée sur ce point, ainsi que la publication d’informations concernant le financement de l'offre et l'identité de l'offrant ».

La seule contrainte porte sur les délais de la procédure. L’article 7 de la directive OPA dispose en effet que « les États membres prévoient que la période d’acceptation de l’offre ne peut être ni inférieure à deux semaines ni supérieure à dix semaines à compter de la date de publication du document d’offre (… ) ». De tels délais seront respectés par les deux procédures introduites par la proposition de loi.

D’une part, la procédure de médiation ne peut durer plus d’un mois et dix jours, en application de la section II du chapitre III du titre II du livre V du code du travail ; en effet, cette dernière prévoit un délai d’un mois pour la médiation, qui ne peut être prorogé qu’avec l’accord des deux parties, puis de huit jours pour que les parties puissent notifier leur désaccord, et de deux jours afin que le médiateur remette son rapport et sa recommandation au ministre chargé du travail.

D’autre part, la nouvelle procédure de consultation issue de la re-rédaction de l’article L. 2323-23 entre dans le champ de l’article L. 2323-3 modifié par l’article 8 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui prévoit le principe d’un délai d’avis du comité d’entreprise fixé par accord entre l’employeur et les salariés ou, à défaut, par voie réglementaire.

*

* *

La commission examine l’amendement CE 196 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Nous souhaitons que, lors du dépôt de l’offre, le comité de l’entreprise cible soit informé de l’avis de ses dirigeants sur l’OPA, c’est-à-dire s’il s’agit d’une offre qui a été sollicitée ou non. Il doit disposer de cette information pour savoir s’il demande à auditionner l’initiateur de l’OPA.

M. le ministre. Pas d’objection.

La commission adopte l’amendement CE 196.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure et du ministre, elle adopte l’amendement CE 171 de la commission des affaires sociales, qui est rédactionnel.

Elle en vient à l’amendement CE 197 de la rapporteure.

Mme la rapporteure. Dans le prolongement de l’amendement précédent, l’amendement vise à restreindre la possibilité de saisine du médiateur aux seuls cas où l’offre n’a pas été sollicitée par la direction de l’entreprise cible.

M. le ministre. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement CE 197.

Elle en vient à l’amendement CE 172 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de permettre la nomination du médiateur sans que le comité d’entreprise ait au préalable entendu l’auteur de l’offre.

Mme la rapporteure. Je suis au regret d’émettre un avis défavorable, pour des raisons qui agréeront à M. Chassaigne. La commission des affaires sociales reprend une recommandation du Conseil d’État, qui n’est pas conforme à l’esprit du texte. Celui-ci précise que le comité d’entreprise ne peut demander la nomination d’un médiateur que s’il a décidé au préalable d’entendre l’initiateur de l’offre. En effet, le lancement d’une médiation ne peut s’entendre que s’il a été fait le constat préalable de l’échec de la discussion, lors de l’audition. Or la recommandation du Conseil d’État vise à élargir le droit à la nomination, y compris lorsque le CE n’a pas souhaité entendre l’initiateur, ce qui va à l’encontre de cette logique.

M. le ministre. Même avis que la rapporteure.

M. le rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.

L’amendement CE 172 est retiré.

La commission aborde l’amendement CE 173 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. Rédactionnel.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. La modification proposée vise à suivre un avis du Conseil d’État, qui ne va pas dans le sens du texte. Ce dernier précise que la consultation du comité d’entreprise a lieu avant la publication de la note d’information pour que l’avis du comité y soit intégré, alors que cet amendement replace la consultation après la publication de la note d’information.

M. le ministre. Même avis.

M. le rapporteur pour avis. Je retire l’amendement.

L’amendement CE 173 est retiré.

La commission est saisie de l’amendement CE 174 de la commission des affaires sociales.

M. le rapporteur pour avis. Rédactionnel. L’amendement est sans lien avec le précédent.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. le ministre. Avis défavorable. L’amendement, qui porte sur les modalités de consultation du comité d’entreprise, n’est pas seulement rédactionnel. La procédure, qui s’inscrit dans la chronologie de l’OPA, ne peut être identifiée à une information-consultation, au sens où l’emploie le droit du travail.

En s’engageant dans cette voie, on conférerait aux entreprises un quasi-droit de veto sur l’OPA. Celui-ci aurait un dissuasif sur les investisseurs, puisque la cession des titres est un élément essentiel de valorisation. À terme, la mesure affaiblirait les entreprises françaises, que nous souhaitons conforter.

J’ai d’ailleurs quelques doutes sur la constitutionnalité de la mesure, qui pourrait porter atteinte au droit de propriété.

Je vous engage par conséquent à retirer l’amendement.

Le texte ne fera date que s’il protège les salariés sans paralyser la vie des entreprises. C’est un équilibre difficile à trouver.

M. le président François Brottes. Je rappelle que le dispositif vise seulement les OPA hostiles.

M. le ministre. Certes, mais nous devons procéder à certaines vérifications avant que le texte arrive en séance. La constitutionnalité, l’équilibre ou le caractère hostile ou non d’une OPA sont des questions sérieuses, sur lesquelles je vous propose de retravailler.

Mme la rapporteure. J’espère que nous poursuivrons notre réflexion sur le sujet.

L’amendement CE 174 est retiré.

La commission aborde les amendements identiques CE 186 de la rapporteure et CE 175 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. En cas de modification de l’avis du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, le comité d’entreprise doit être consulté de nouveau, pour que l’avis intégré dans la note d’information commune porte sur le projet définitif.

M. le rapporteur pour avis. Défendu.

M. le ministre. Même analyse que précédemment. Je suggère, ainsi que le ministre du travail, que nous réservions le sujet pour le réexaminer.

Mme la rapporteure. Je retire l’amendement CE 186, par cohérence.

M. le rapporteur pour avis. Je retire l’amendement CE 175.

Les amendements CE 186 et CE 175 sont retirés.

M. André Chassaigne. Je ne comprends pas la position du ministre. En quoi ces amendements rédactionnels portent-ils atteinte au libre développement de nos entreprises ?

M. le ministre. Je ne refuse jamais un amendement rédactionnel, mais la portée de ceux-ci est plus vaste. Je ne suis pas opposé à une implication du comité d’entreprise, à condition que nous prévoyions une procédure ad hoc et un délai qui ne soit pas celui de la procédure d’information-consultation.

M. André Chassaigne. Vous semblez penser que les amendements apportent un durcissement, alors qu’ils ajoutent seulement l’expression « le cas échéant ».

M. le ministre. J’entends bien qu’ils sont rédactionnels, mais l’information-consultation est une procédure juridique. Nous ne devons pas employer ces termes sans avoir vérifié leur sens dans le droit du travail.

M. André Chassaigne. C’est donc la rédaction du texte de loi qui pose problème, et non celle des amendements.

M. le président François Brottes. Dès lors qu’ils sont retirés, nous en restons au texte proposé, de sorte que la capacité du comité d’entreprise à intervenir à ce moment de la procédure n’est pas remise en cause. Un temps de réflexion complémentaire peut encore intervenir, notamment pour préciser les modalités de consultation du comité d’entreprise. À ce stade de la réflexion, je suggère à la rapporteure et au rapporteur pour avis de retirer les amendements qui portent sur le sujet.

M. le rapporteur pour avis. L’obligation d’informer et de consulter le comité d’entreprise doit être rendue compatible, en matière de délais et de confidentialité, avec les procédures d’OPA. La médiation doit amener les auteurs de l’offre à exprimer leurs engagements concernant le maintien de l’emploi. Enfin, il faut ensuite pouvoir vérifier que ces engagements ont été tenus. Voilà les objectifs que visaient nos amendements communs et que nous souhaitons maintenir à l’esprit.

Mme la rapporteure. En effet, malgré le retrait de nos amendements, nous persistons et signons dans notre intention commune. Nous poursuivrons le travail avec le ministre des finances, que je tiens à remercier.

Mme Anne Grommerch. Le déroulement des débats – devant les réserves du ministre, des amendements adoptés en commission des affaires sociales sont retirés en commission des affaires économiques – révèle le manque de concertation entre les parlementaires et le Gouvernement. Devant ce flou, peut-être serait-il plus prudent de reporter l’analyse des amendements à la rentrée ? Décaler l’étude du texte vous laisserait le temps de vous mettre d’accord.

M. le président François Brottes. Madame Grommerch, dois-je vous rappeler que bien des propositions de loi que votre majorité avait déposées sous la précédente législature avaient fait l’objet de désaccords techniques entre les rapporteurs et le Gouvernement, qui n’était d’ailleurs pas toujours présent aux débats ? Il s’agit des aléas de la vie parlementaire, et puisque – à la différence de l’ancienne majorité – nous prenons de réelles initiatives, sans nous contenter d’exécuter des ordres, les divergences entre l’exécutif et le Parlement n’ont rien d’étonnant. Le travail en commission permet un vote exploratoire avant le vote final, qui est seul légitime ; constatant un désaccord non sur le fond, mais sur la formulation, nous faisons le choix de procéder à une analyse complémentaire d’ici à l’examen en séance.

M. Alain Suguenot. Les désaccords qui ont pu exister par le passé ne portaient pas sur les mêmes enjeux. En l’occurrence, le souci ne vient pas tant des amendements refusés, que du texte lui-même – que la commission des affaires sociales avait pourtant jugé parfait –, dont certains articles, de l’avis même du ministre, risquent de poser un problème de constitutionnalité.

M. le président François Brottes. La commission des affaires sociales a été très surprise d’étudier un texte portant sur les OPA. Saisie au fond, notre commission a au contraire l’habitude de ces questions ; il est donc normal que la décision finale lui revienne.

M. Lionel Tardy. J’aurais souhaité davantage de concertation en amont. Les nouveaux amendements devront être déposés avant vendredi soir, et il est fort à parier que le travail sera à nouveau bâclé. Il n’est pas normal de nous imposer des scènes surréalistes où le ministre discute pendant un quart d’heure avec la rapporteure.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, nous réunirons-nous à nouveau pour travailler ces amendements ? Ou bien les découvrirons-nous directement dans l’hémicycle, sans les avoir discutés et adoptés en commission ? C’est faire peu de cas du long travail d’auditions réalisé par la rapporteure, que traduisent les amendements présentés aujourd’hui. Cette méthode regrettable peut d’ailleurs justifier un renvoi du texte en commission. C’est d’autant plus grave que, la procédure du temps législatif programmé devenant une habitude, nous risquons de devoir en débattre dans la précipitation. Monsieur le président, je vous sais très attaché au travail en commission, et ne doute pas de votre volonté de nous laisser réexaminer ces amendements sereinement, et non dans la foire d’empoigne de l’hémicycle.

M. le président François Brottes. Même si la conférence des présidents est souveraine en cette matière, je ne crois pas que le temps programmé soit en l’occurrence prévu. Pour ma part, je m’engage à ce que la réunion de la commission pour examen des amendements déposés au titre de l’article 88 nous offre le temps d’une véritable discussion.

M. le ministre. La nature du débat parlementaire autorise les désaccords. Si, comme le voudrait l’opposition, le rapporteur et le président se mettaient par avance d’accord sur tout – la majorité n’ayant plus qu’à voter et l’opposition à contester –, le travail avancerait très vite ; mais vos travaux ne serviraient alors à rien. Dans le cas présent, malgré la concertation préalable, il reste quelques points sur lesquels nous pouvons échanger. MM. Tardy et Suguenot souhaitent visiblement dépouiller le Parlement de toute utilité ; messieurs, soyez démocrates !

M. le président François Brottes. Depuis un an – et il s’agit d’un changement –, le Parlement peut prendre davantage d’initiatives, et donc se confronter plus souvent avec le Gouvernement, l’accord final permettant ensuite à la majorité de conduire le navire dans la sérénité.

M. le ministre. MM. Potier et Chassaigne peuvent témoigner que je peux engager de vrais débats avec les députés, y compris en séance. Je suis ouvert à la discussion, mais je souhaite, pour cette proposition de loi, qu’on trouve les bons termes. Le rôle des comités d’entreprise doit être davantage souligné.

M. le président François Brottes. Il s’agit d’une question de terminologie et non d’une opposition de fond.

Les amendements CE 187 de la rapporteure, CE 176 de la commission des affaires sociales, CE 189 de la rapporteure et CE 177 de la commission des affaires sociales sont retirés.

La commission adopte l’article 6 modifié.

Article additionnel après l’article 6
(article 7 [nouveau])

(article L. 225-197-1 du code de commerce)
Hausse du seuil d’attribution d’actions gratuites aux salariés

Seules sept grandes entreprises françaises comptent au moins 10 % d’actionnaires salariés : Air France-KLM, Bouygues, Iliad, Eiffage, Groupe Steria, Nexity et Safran (46).

La mesure proposée vise à développer la distribution d’actions gratuites au personnel salarié pour les deux raisons suivantes :

– dans le prolongement de la loi de sécurisation de l’emploi, qui introduit la représentation des salariés au conseil d’administration, une telle mesure permet d’impliquer les salariés dans la gestion courante de l’entreprise ;

– elle contribue également à créer, de facto, un actionnaire de référence stable, qui appuie toute stratégie de long terme et sert de protection en cas de tentative de prise de contrôle hostile.

Votre rapporteure soutient ainsi l’adoption d’un amendement visant à élever le plafond de distribution d’actions gratuites de 10 % à 30 %, à la condition toutefois que la distribution concerne l’ensemble du personnel salarié de l’entreprise. Cette dernière précision est importante pour éviter qu’une telle mesure ne légitime la distribution de fortes rémunérations aux seuls dirigeants.

*

* *

La commission est saisie des amendements identiques CE 188 de la rapporteure et CE 178 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. Il s’agit de porter le seuil d’attribution d’actions gratuites à 30 % lorsque ces actions sont distribuées à l’ensemble des salariés.

M. le rapporteur pour avis. Même argumentation.

M. le ministre. Je m’en remets à la sagesse de l’Assemblée.

La commission adopte les amendements.

Article additionnel après l’article 6
(article 8 [nouveau])

(articles L. 233-32 et L. 233-33 du code de commerce)
Suppression du principe de neutralité des organes de direction lors d’une OPA

1. Le droit en vigueur

a. La directive OPA

Ainsi que l’énonce Viviane de Beaufort (47), « la directive relative aux OPA est directement inspirée de l’idée selon laquelle le devoir premier des dirigeants est de créer de la valeur pour les actionnaires. Cette conception a des conséquences lors d’une OPA : le texte interdit aux dirigeants de protéger un « intérêt de la société » divergent de celui des actionnaires et refuse les mesures de défense postérieures à l’offre ».

L’article 9 de la directive OPA de 2004 énonce le principe de neutralité des organes de direction : ces derniers doivent obtenir une autorisation préalable de l’assemblée générale des actionnaires avant d’entreprendre toute mesure susceptible de faire échouer l’offre, à l’exception de la recherche d’autres offres. Directement inspirée du principe 7 du City code anglais, cette limitation traduit la théorie prônant la vertu disciplinaire des OPA vis-à-vis des équipes dirigeantes.

Toutefois, la Commission européenne n’est pas parvenue à imposer ce principe aux États membres. Elle avait échoué une première fois en 2001, lorsque le Parlement européen avait rejeté la proposition de directive de droit des sociétés sur les offres publiques, notamment en raison de son article 9, selon lequel la direction ne pouvait s’imposer à une prise de contrôle au nom de l’intérêt social ou de l’intérêt de l’entreprise. Un second projet de directive est soumis au Parlement, laissant l’article 9 inchangé. Après de longues négociations, ce projet est adopté le 16 décembre 2003, assorti de nombreux amendements rendant optionnelle l’application du principe de neutralité.

Ainsi, l’article 12 prévoit que les États membres puissent ne pas imposer ce principe dans le cas des sociétés cotées (« opt-out »), pour peu qu’ils laissent à ces sociétés la possibilité de l’appliquer. Ils peuvent également prévoir l’application d’une « clause de réciprocité », c'est-à-dire une exception au principe de neutralité dans le cas où l’entreprise initiatrice n’applique pas elle-même ce principe.

Les clauses d’optionalité ont déplacé les débats dans les cadres nationaux, les choix de transposition ayant pris des formes différentes selon les États membres.

b. La transposition en droit français

La transposition des dispositions de la directive OPA s’est effectuée par la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d’acquisition.

La France a fait le choix de l’application du principe de neutralité (« opt-in ») et de la clause de réciprocité. En cas d’offre publique, les organes de direction ont besoin :

– d’une autorisation « à chaud » pour toutes les mesures de protection lorsque la société initiatrice applique le principe de neutralité (article L. 233-32 du code de commerce) ;

– d’une autorisation « à froid », donnée par l’assemblée générale des actionnaires moins de 18 mois avant l’offre, pour mettre en œuvre des mesures de protection envers une société qui n’applique pas le principe de neutralité des organes de direction (article L. 233-33 du code de commerce).

Parce qu’elle a fait le choix d’inscrire la neutralité des organes de direction comme régime de droit commun, la transposition effectuée n’a pas utilisé l’ensemble des marges de manœuvre permises par la directive. Une telle position s’explique par le doute émis par le législateur de 2006 sur l’utilité des mesures de défense anti-OPA. Le rapport de M. Philippe Marini au nom de la Commission des finances du Sénat sur le projet de loi relatif aux offres publiques d’acquisition considère ainsi qu’ « il convient néanmoins de relativiser l'efficacité et la fréquence de telles mesures, qui peuvent n'être qu'un moyen de retarder l'échéance. Les défenses statutaires peuvent ainsi être levées dès lors que l'initiateur a atteint le seuil des deux tiers du capital, requis pour modifier les statuts, et il peut se révéler difficile de convaincre les actionnaires de résister à une offre comportant une prime attractive et un réel projet stratégique. La meilleure défense consiste finalement en une augmentation régulière du cours de bourse : elle conduit à un coût d'acquisition élevé pour un offrant potentiel, vient sanctionner une gestion performante, et contribue à la fidélisation de l'actionnariat. Les meilleures défenses se construisent dans la durée, plutôt qu'à la hâte une fois l'offre initiée, et le temps constitue à cet égard le meilleur actif d'une cible potentielle ».

1. La modification proposée : l’abandon du principe de neutralité (« opt-out »)

a. L’inversion du cadre actuel

La modification proposée par votre rapporteure consiste, à l’image de ce qui est proposé pour les droits de vote double, à ne plus faire de la neutralité des organes de direction la règle mais l’exception. Si les sociétés peuvent prévoir la neutralité du conseil d’administration ou du directoire dans leur statut – faculté qui est de toute façon garantie par la directive OPA –, ce retour à la neutralité nécessite un vote d’une assemblée générale :

– les organes de direction peuvent prendre toutes mesures de protection « à chaud », sauf décision contraire de l’assemblée générale des actionnaires « à froid » prévoyant dans les statuts de la société une autorisation préalable de l’assemblée générale pour toute mesure de protection « à chaud » ;

– les statuts peuvent également prévoir que l’autorisation préalable de l’assemblée générale pour toute mesure de protection « à chaud » ne s’applique pas si la société offreuse ne respecte pas le principe de neutralité.

b. Intérêt de l’abandon du principe de neutralité

Votre rapporteure considère que les mesures de protection anti-OPA sont particulièrement utiles et que l’argumentaire développé par M. Philippe Marini en 2006 ne prend pas suffisamment en compte deux éléments pourtant centraux :

– la faible valorisation des entreprises françaises est un problème auquel il ne pourra être remédié à court terme ; d’ici là, faut-il prendre le risque d’une perte de contrôle sur des entreprises stratégiques, lorsque l’on sait que tout retour en arrière est impossible ?

– mener une stratégie industrielle vertueuse de long terme ne prémunit en rien des OPA hostiles, d’une part parce que les entreprises prometteuses, qui innovent avec succès, sont plus souvent la cible d'une prise de contrôle que les autres (48) ; d’autre part car le cours de bourse n’est pas un indicateur fiable de la solidité d’une entreprise.

c. Compatibilité avec le droit communautaire

L’option proposée est parfaitement compatible avec le droit communautaire, dans la mesure où l’article 12 de la directive OPA laisse la possibilité de ne pas appliquer le principe de neutralité. C’est le choix qui a été fait par la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne et la Hongrie.

*

* *

Elle examine, en discussion commune, les amendements CE 194 de la rapporteure et CE 179 de la commission des affaires sociales.

Mme la rapporteure. En transposant, en 2006, les dispositions de la directive OPA, le Gouvernement de l’époque avait choisi d’appliquer le principe de neutralité avec clause de réciprocité. Il s’agit aujourd’hui d’opter pour un dispositif plus protecteur comme certains de nos partenaires européens et d’inverser ce principe pour permettre aux organes de direction d’intervenir en cas d’OPA hostile.

M. le rapporteur pour avis. En effet, en transposant la directive OPA de manière très libérale, nous avions privé les conseils d’administration de quasiment toute possibilité de lutter contre les OPA hostiles. Cet amendement cherche à nous rapprocher plutôt du modèle allemand ou canadien qui leur permet de développer toute une gamme d’outils – droit de vote maximum, émission d’actions à bas prix pour diluer le capital – pour échapper aux OPA hostiles.

Mme la rapporteure. Je propose de retenir l’amendement CE 194 qui ne modifie pas le régime applicable aux bons d’offre, pour lesquels il est nécessaire de maintenir l’autorisation préalable d’une assemblée générale extraordinaire actuellement en vigueur.

M. le ministre. Malgré quelques réserves sur la rédaction – qui pourra être amendée en séance –, je suis en accord avec les explications apportées et m’en remets à nouveau à la sagesse de l’Assemblée.

L’amendement CE 179 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE 194.

TITRE IV
MESURES EN FAVEUR DU MAINTIEN DES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES SUR LES SITES QU’ELLES OCCUPENT
(division et intitulé nouveaux)

Article additionnel après l’article 6
(article 9 [nouveau])

(articles L. 111-3, 123-1-3, 123-2 et 123-13 du code de l’urbanisme)
Maintien des zones à destination industrielle

La commission étudie les amendements identiques CE 190 de la rapporteure et CE 180 de la commission des affaires sociales.

M. Yves Blein. L’amendement CE 190 vise à s’assurer du maintien de l’activité industrielle sur ses sites industriels.

M. le rapporteur pour avis. Les collègues qui avaient affronté, dans leur circonscription, la fermeture de sites industriels et qui s’étaient battus pour trouver des repreneurs ont souligné en audition la nécessité de pouvoir s’appuyer sur les outils d’urbanisme. En effet, les fermetures de sites sont parfois liées à des spéculations immobilières, les entreprises ayant l’intention de vendre le terrain pour y faire construire des logements. Cet amendement affirme la vocation a priori industrielle des sites, seul le maire pouvant décider d’une destination différente. Tout comme les coûts de dépollution, cette disposition incitera à poursuivre l’activité ou à accepter une offre de reprise.

Mme Anne Grommerch. Pourquoi cet amendement – qui concerne le code de l’urbanisme – est-il présenté dans le cadre de cette proposition de loi, alors que le projet de loi sur le logement – où il serait plus adapté – sera étudié la semaine prochaine ?

M. le président François Brottes. Une loi comme celle-ci est forcément transversale par rapport aux différentes codifications.

Mme la rapporteure. En effet, ces amendements visent à empêcher, lors de la fermeture d’un site industriel, de changer la destination du terrain. Les élus qui ont été confrontés à cette situation ont souligné l’importance de cette mesure.

M. le ministre. Sagesse.

La commission adopte les amendements.

Titre

Elle passe à l’examen de l’amendement CE 195 de M. François Brottes.

M. le président François Brottes. Nous proposons de simplifier le titre de ce texte. Il s’agirait d’une « proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle ».

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

La proposition de loi est ainsi intitulée.

Puis la commission adopte l’ensemble de la proposition de loi, modifiée.

En conséquence, la Commission des affaires économiques vous demande d’adopter la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle dans le texte figurant dans le document joint au présent rapport.

TABLEAU COMPARATIF

___

Dispositions en vigueur

___

Texte de la proposition de loi

___

Texte adopté par la commission

___

 

Proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel

Proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle

(amendement CE 195)

 

TITRE 1ER

TITRE 1ER

 

OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

Code du travail

Article 1er

Article 1er

Première partie : Les relations individuelles de travail.

Livre II : Le contrat de travail.

Titre III : Rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Chapitre III : Licenciement pour motif économique

Section 1 : Cause réelle et sérieuse

Section 2 : Entretien préalable

Section 3 : Notification de licenciement

Section 4 : Conseiller du salarié

Après le titre Ier du livre VI du code de commerce, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :

I. – Après la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail, est insérée une section 4 bis ainsi rédigée :

 

« TITRE IER BIS

« SECTION 4 BIS

 

« DE LA RECHERCHE D’UN REPRENEUR

« OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

 

« CHAPITRE IER

« SOUS-SECTION 1

 

« De l’information des salariés et de l’autorité administrative de l’intention de fermer un établissement

« Information des salariés et de l’autorité administrative de l’intention de fermer un établissement

 

« Section 1

« Paragraphe 1


(amendements CE 104 et 110)

 

« Information des salariés

« Information des salariés

 

« Art. L. 613-1. – Lorsqu’il envisage la fermeture d’un établissement employant habituellement au moins cinquante salariés, le dirigeant de l’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-71 du code du travail en informe le comité d’entreprise dans les conditions prévues par la présente section.

« Art. L. 1233-57-9. – Lorsqu’elle envisage la fermeture d’un établissement qui aurait pour conséquence un projet de licenciement collectif, l’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-71 réunit et informe le comité d’entreprise, au plus tard à l’ouverture de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30.

(amendements CE 104 et 110, 29, 111, 48, 50 et 112, 49 et 113)

 

« Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise et qu’un procès-verbal de carence a été transmis à l’inspecteur du travail, le projet de fermeture est soumis à l’avis des délégués du personnel.

« Lorsqu’il n’existe pas de comité d’entreprise et qu’un procès-verbal de carence a été transmis à l’inspecteur du travail, le projet de fermeture est soumis aux délégués du personnel.

(amendements CE 36 et 114)

 

« Art. L. 613-2. – Le dirigeant de l’entreprise adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion prévue à l’article L. 613-1, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement.

« Art. L. 1233-57-10. – L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la réunion prévue à l’article L. 1233-57-9, tous renseignements utiles sur le projet de fermeture de l’établissement.

(amendements CE 104 et 110, 51, 52 et 115)

 

« Il indique notamment :

Alinéa sans modification

 

« 1° Les raisons économiques, financières ou techniques du projet de fermeture ;

Alinéa sans modification

 

« 2° Les mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour trouver un repreneur.

« 2° Les actions qu’il envisage d’engager pour trouver un repreneur ;

(amendement CE 61)

   

« 3° (nouveau) Les possibilités des salariés de déposer une offre de reprise, des différents modèles de reprise qui sont possibles, notamment des sociétés prévues par la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production, ainsi que du droit des représentants du personnel de recourir à l’expert prévu à l’article L. 1233-57-17.

(amendement CE 181)

 

« Art. L. 613-3. – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, le dirigeant de l’entreprise consulte le comité central et les comités d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, les comités d’établissement tiennent leur réunion après la réunion du comité central d’entreprise tenue en application de l’article L. 613-1.

« Art. L. 1233-57-11. – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, l’employeur consulte le comité central et les comités d’établissement intéressés dès lors que les mesures envisagées excèdent le pouvoir des chefs d’établissement concernés ou portent sur plusieurs établissements simultanément. Dans ce cas, les comités d’établissement tiennent leur réunion après la réunion du comité central d’entreprise tenue en application de l’article L. 1233-57-9.

(amendements CE 104 et 110, 59 et 116, 60)

 

« Section 2

« Paragraphe 2

 

« Information de l’autorité administrative

« Information de l’autorité administrative et des collectivités territoriales

(amendements CE 105 et 117)

 

« Art. L. 613-4. – Le dirigeant de l’entreprise notifie à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement employant habituellement au moins cinquante salariés dans un délai de quinze jours suivant la réunion prévue à l’article L. 613-1.

« Art. L. 1233-57-12. – L’employeur notifie sans délai à l’autorité administrative tout projet de fermeture d’un établissement mentionné à l’article L. 1233-57-9.

(amendements CE 105 et 117, 58, 56 et 118, 57 et 119, 53 et 121)

 

« L’ensemble des informations mentionnées à l’article L. 613-2 est communiqué simultanément à l’autorité administrative. Le dirigeant de l’entreprise lui adresse également le procès-verbal de la réunion mentionnée à l’article L. 613-1, ainsi que tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion prévue à l’article L. 613-1.

« L’ensemble des informations mentionnées à l’article L. 1233-57-10 est communiqué simultanément à l’autorité administrative. L’employeur lui adresse également le procès-verbal de la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-9, ainsi que tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion.

(amendements CE 55 et 120, 54, 53 et 121)

 

« Lorsque le projet de fermeture donne lieu à consultation du comité central d’entreprise, l’autorité administrative du siège de l’entreprise est informée de cette consultation.

Art. L. 1233-57-13. – L’employeur informe le maire de la commune du projet de fermeture de l’établissement. Dès que ce projet lui a été notifié, l’autorité administrative en informe les élus locaux concernés.

(amendements CE 37 et 122)

 

« CHAPITRE II

« SOUS-SECTION 2

 

« De la recherche d’un repreneur

« Recherche d’un repreneur

 

« Section 1

« Paragraphe 1

 

« Des obligations à la charge du dirigeant de l’entreprise

« Obligations à la charge de l’employeur

(amendements CE 106 et 123)

 

« Art. L. 614-1. – Le dirigeant de l’entreprise ayant informé le comité d’entreprise du projet de fermer un établissement recherche un repreneur. Il est tenu :

« Art. L. 1233-57-14. – L’employeur ayant informé le comité d’entreprise du projet de fermeture d’un établissement recherche un repreneur. Il est tenu :

(amendements CE 106 et 123, 62, 63)

 

« 1° De réaliser le bilan économique, social et environnemental mentionné à l’article L. 623-1 pour ce qui concerne l’établissement ;

« 1 A (nouveau) D’informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder l’établissement ;

« 1 B (nouveau) De réaliser sans délai un document de présentation de l’établissement destiné aux repreneurs potentiels ;

« 1° (nouveau) De réaliser, le cas échéant, le bilan environnemental mentionné à l’article L. 623-1 du code de commerce, ce bilan devant établir un diagnostic précis des pollutions dues à l’activité de l’établissement et présenter les solutions de dépollution envisageables ainsi que leur coût ;

(amendement CE 182)

 

« 2° De communiquer toute information nécessaire aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement, exceptées celles dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l’ensemble de son activité ;

« 2° De donner accès à toutes informations nécessaires aux entreprises candidates à la reprise de l’établissement, exceptées celles dont la communication serait de nature à porter atteinte aux intérêts de l’entreprise ou mettrait en péril la poursuite de l’ensemble de son activité ;

(amendements CE 64 et 124)

 

« 3° D’examiner les offres de reprise qu’il reçoit ;

Alinéa sans modification

 

« 4° D’apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues.

« 4° D’apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues, dans les délais prévus à l’article L. 1233-30.

(amendements CE 65 et 125)

 

« Section 2

« Paragraphe 2

(amendements CE 108 et 126)

 

« Du rôle du comité d’entreprise

« Rôle du comité d’entreprise

(amendements CE 108 et 126)

 

« Art. L. 614-2. – Le comité d’entreprise est informé des offres de reprise formalisées. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles. Le comité d’entreprise peut émettre un avis et formuler des propositions.

« Art. L. 1233-57-15. – Il est informé des offres de reprise formalisées au plus tard huit jours après leur réception. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles. Il peut émettre un avis, dans les délais prévus à l’article L. 1233-30, participer à la recherche d’un repreneur et formuler des propositions.

(amendements CE 108 et 126, 66, 39 et 127, 68 et 128, 67 et 129)

 

« Art. L. 614-3. – S’il souhaite participer à la recherche d’un repreneur, le comité d’entreprise demande au dirigeant de l’entreprise la communication des informations mentionnées au 2° de l’article L. 614-1. Le dirigeant doit examiner et apporter une réponse motivée à toute offre de reprise transmise par le comité d’entreprise.

« Art. L. 1233-57-16. – Si le comité d’entreprise souhaite participer à la recherche d’un repreneur, l’employeur lui donne accès, à sa demande, aux informations mentionnées aux 2° à 4° de l’article L. 1233-57-13.

(amendements CE 108 et 126, 40 et 130, 70 et 131, 71 et 132)

 

« Art. L. 614-4. – Le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert rémunéré par l’entreprise.

« Art. L. 1233-57-17. – Le comité d’entreprise peut recourir à l’assistance d’un expert rémunéré par l’entreprise.

(amendements CE 108 et 126)

« Cet expert a pour mission d’analyser le processus de recherche d’un repreneur, sa méthodologie et son champ, d’apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels, d’étudier les offres de reprise et d’apporter son concours à la recherche d’un repreneur par le comité d’entreprise et à l’élaboration de projets de reprise.

« L’expert présente son rapport dans les délais prévus à l’article L. 1233-30.

(amendements CE 72 et 133)

 

« Dans les entreprises mentionnées à l’article L. 613-3, les établissements intéressés peuvent participer à la recherche d’un repreneur et formuler des propositions.

« Art. L. 1233-57-18 (nouveau). – Dans les entreprises dotées d’un comité central d’entreprise, les comités d’établissement jouissent des attributions confiées au comité d’entreprise en application des articles L. 1233-57-15 à L. 1233-57-17, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20, dans la limite des pouvoirs confiés aux chefs de ces établissements.

(amendements CE 73 et 134)

 

« Lorsque le comité d’entreprise recourt à l’assistance d’un expert, le dirigeant de l’entreprise le mentionne dans la notification du projet de fermeture d’établissement faite à l’autorité administrative.

« Lorsque le comité d’entreprise recourt à l’assistance d’un expert, l’employeur en informe sans délai l’autorité administrative.

(amendements CE 74 et 135)

 

« Section 3

« Paragraphe 3

(amendements CE 107 et 136)

 

« Clôture de la période de recherche

« Clôture de la période de recherche

 

« Art. L. 614-5. – Le dirigeant de l’entreprise saisit le comité d’entreprise de toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite. Le comité émet un avis sur cette offre.

« Art. L. 1233-57-19. – L’employeur consulte le comité d’entreprise sur toute offre de reprise à laquelle il souhaite donner suite et indique les raisons qui le conduisent à accepter cette offre, notamment au regard de la capacité de l’auteur de l’offre à assurer la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement. Le comité d’entreprise émet un avis sur cette offre dans un délai fixé en application de l’article L. 2323-3.

(amendements CE 107 et 136, 75 et 137, 76 et 138, 77, 78 et 139)

 

« Art. L. 614-6. – À l’issue d’un délai maximum de trois mois à compter de la réunion prévue à l’article L. 613-1, si aucune offre de reprise n’a été reçue ou si le dirigeant de l’entreprise n’a souhaité donner suite à aucune des offres, le dirigeant présente un rapport au comité d’entreprise et le communique à l’autorité administrative. Ce rapport indique 

« Art. L. 1233-57-20. – Avant la fin de la procédure d’information et de consultation prévue à l’article L. 1233-30, si aucune offre de reprise n’a été reçue ou si l’employeur n’a souhaité donner suite à aucune des offres, celui-ci réunit le comité d’entreprise et lui présente un rapport, qui est communiqué à l’autorité administrative. Ce rapport indique :

(amendements CE 107 et 136, 79 et 140, 80, 81 et 141)

 

« 1° Les mesures qui ont été mises en œuvre pour rechercher un repreneur ;

« 1° Les actions engagées pour rechercher un repreneur ;

(amendement CE 82)

 

« 2° Les offres de reprise qui ont été reçues ainsi que leurs caractéristiques ;

Alinéa sans modification

 

« 3° Les raisons qui l’ont conduit, le cas échéant, à refuser la cession de l’établissement.

Alinéa sans modification

   

« Art. L. 1233-57-21 (nouveau). – Les actions engagées par l’employeur au titre de l’obligation de recherche d’un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l’entreprise et l’autorité administrative en application des articles L. 1233-84 et suivants.

(amendements CE 83 et 143)

   

« Sous-section 3

   

« Dispositions d’application

   

« Art. L. 1233-57-22 (nouveau). – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente section. »


(amendements CE 84 et 144)

Code du commerce

Livre VI : Des difficultés des entreprises.

Titre Ier : De la prévention des difficultés des entreprises.

 

II (nouveau). – Après le titre Ier du livre VI du code de commerce, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :

   

« TITRE IER BIS

   

« DE LA RECHERCHE D’UN REPRENEUR

   

« CHAPITRE IER

   

« De la saisine du tribunal de commerce

(amendements CE 109 et 142)

 

« Art. L. 614-7. – Dans un délai de quinze jours à compter de la réunion au cours de laquelle est présenté le rapport mentionné à l’article L. 614-6, le comité d’entreprise peut saisir le président du tribunal de commerce en cas de non-respect par le dirigeant de l’entreprise des obligations mentionnées aux articles L. 614-1, L. 614-3, L. 614-5 et L. 614-6 ou de refus de donner suite à une offre ayant reçu un avis favorable du comité d’entreprise.

« Art. L. 613-1. – Dans un délai de sept jours à compter de la réunion mentionnée à l’article L. 1233-57-9 du code du travail, le comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel peuvent saisir le tribunal de commerce s’ils estiment que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du même code ou qu’elle a refusé de donner suite à une offre qu’ils considèrent comme sérieuse.

(amendements CE 109 et 142, 85 et 145, 86 et 146, 42 et 147, 87 et 148, 88 et 149, 89 et 150)

 

« CHAPITRE III

« CHAPITRE II

(amendements CE 109 et 142)

 

« De la procédure de vérification du tribunal de commerce

« De la procédure de vérification du tribunal de commerce

 

« Art. L. 615-1. – Saisi dans les conditions mentionnées à l’article L. 614-7, le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé en chambre du conseil le dirigeant de l’entreprise et les représentants du comité d’entreprise. Il entend toute personne dont l’audition lui paraît utile.

« Art. L. 614-1. – Saisi dans les conditions mentionnées à l’article L. 613-1, le tribunal statue sur l’ouverture de la procédure.

(amendements CE 109 et 142, 91 et 151)

 

« Le tribunal peut, avant de statuer, commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ainsi que sur les mesures de recherche de repreneur mises en œuvre par le dirigeant de l’entreprise. Ce juge peut faire application des dispositions prévues à l’article L. 623-2. Il se fait assister de tout expert de son choix.

« Le tribunal peut recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l’entreprise ainsi que sur les actions engagées par l’employeur pour trouver un repreneur. Il peut se faire assister de tout expert de son choix.

(amendements CE 92 et 152, 93, 94 et 153, 7)

 

« Art. L. 615-2. – Après avoir en-tendu ou dûment appelé le dirigeant de l’entreprise et les représentants du co-mité d’entreprise, le tribunal examine la conformité de la recherche aux obli-gations prévues aux articles L. 614-1, L. 614-3 et L. 614-5, le caractère sérieux des offres de reprise et les motifs de refus de cession.

« Art. L. 614-2. – Après avoir entendu ou dûment appelé le dirigeant de l’entreprise et les représentants du comité d’entreprise, le tribunal examine :

« 1° La conformité de la recherche aux obligations prévues aux articles L. 1233-57-14 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 du code du travail ;

« 2° Le caractère sérieux des offres de reprise, au regard notamment de la capacité de leur auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ;

« 3° L’existence d’un motif légitime de refus de cession, à savoir la mise en péril de la poursuite de l’ensemble de l’activité de l’entreprise.

(amendements CE 109 et 142, 41 et 154)

 

« CHAPITRE IV

« CHAPITRE III

(amendements CE 109 et 142)

 

« Des sanctions en cas de non-respect des obligations de recherche de repreneur

« Des sanctions en cas de non-respect des obligations de recherche d’un repreneur

 

« Art. L. 616-1. – Lorsque le tri-bunal de commerce a jugé, en application du chapitre III du présent titre, que le dirigeant de l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées à l’article L. 614-1 ou qu’il a refusé une offre de reprise sérieuse, le tribunal de commerce peut imposer le versement d’une pénalité qui ne peut être supérieure à vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum par emploi supprimé. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés pour la recherche d’un repreneur.

« Art. L. 615-1. – Lorsque le tribunal de commerce a jugé, en application du chapitre II du présent titre, que l’entreprise n’a pas respecté les obligations mentionnées au 1° de l’article L. 614-2 ou qu’elle a refusé une offre de reprise sérieuse sans motif légitime de refus, il peut imposer le versement d’une pénalité qui peut atteindre vingt fois la valeur mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance par emploi supprimé dans le cadre du licenciement collectif consécutif à la fermeture de l’établissement. Le montant de la pénalité tient compte de la situation de l’entreprise et des efforts engagés pour la recherche d’un repreneur. Il est affecté aux dispositifs en faveur de la création d’activités et d’emplois sur le territoire concerné par la fermeture de l’établissement, prévus dans le cadre de la convention de revitalisation conclue par l’entreprise, ainsi qu’à des mesures de promotion et de développement de la filière industrielle à laquelle cette dernière est rattachée. Le ministre chargé de l’économie définit par arrêté un plafond applicable au montant de la pénalité, exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires de l’entreprise. Le tribunal de commerce peut enjoindre à l’entreprise de rembourser tout ou partie des aides financières publiques qui lui ont été versées au titre de l’établissement concerné par le projet de fermeture.

(amendements CE 109 et 142, 99, 97 et 155, 98, 43 et 156, 44 et 157, 96 et 158, 95 et 159, 191, 45 et 160)

   

« Le tribunal statue dans un délai de quatorze jours. La décision administrative d’homologation du document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4 du code du travail ne peut intervenir avant le prononcé du jugement.

(amendements CE 100 et 161)

 

« Art. L. 616-2. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent titre. »

« Art. L. 615-2. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent titre. »

(amendements CE 109 et 142)

Codes du travail et du commerce

 

III (nouveau). – Les dispositions du code du travail et du code de commerce, dans leur rédaction issue du présent article, sont applicables aux procédures de licenciement collectif engagées à compter du 1er janvier 2014.

Code du travail

Première partie : Les relations individuelles de travail.

Livre II : Le contrat de travail.

Titre III : Rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Chapitre III : Licenciement pour motif économique

Section 4 : Conseiller du salarié

Sous-section 2 : Procédure de consultation des représentants du personnel

Paragraphe 1 : Réunions des représentants du personnel.

Art. L. 1233-30. – I.-Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur :

1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-15 ;

2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi.

Les éléments mentionnés au 2° du présent I qui font l'objet de l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 ne sont pas soumis à la consultation du comité d'entreprise prévue au présent article.

Le comité d'entreprise tient au moins deux réunions espacées d'au moins quinze jours.

[…]

 

Pour l’application du premier alinéa du présent III, une procédure de licenciement collectif est réputée engagée à compter de la date d’envoi de la convocation à la première réunion du comité d’entreprise mentionnée à l’article L. 1233-30 du code du travail.

(amendements CE 101 et 162)

   

Article 1er bis (nouveau)

Section 6 : Accompagnement social et territorial des procédures de licenciement

Art. L. 1233-90-1. – Lorsqu'elle envisage un projet de licenciement collectif ayant pour conséquence la fermeture d'un établissement, l'entreprise mentionnée à l'article L. 1233-71 recherche un repreneur et en informe le comité d'entreprise dès l'ouverture de la procédure d'information et de consultation prévue à l'article L. 1233-30.

Le comité d'entreprise peut recourir à l'assistance de l'expert-comptable désigné, le cas échéant, en application de l'article L. 1233-34 pour analyser le processus de recherche d'un repreneur, sa méthodologie et son champ, pour apprécier les informations mises à la disposition des repreneurs potentiels et pour analyser les projets de reprise.

Le comité d'entreprise est informé des offres de reprise formalisées. Les informations qui lui sont communiquées à ce titre sont réputées confidentielles. Le comité d'entreprise peut émettre un avis et formuler des propositions.

Cet avis est rendu dans les délais prévus à l'article L. 1233-30.

Les actions engagées par l'employeur au titre de l'obligation de recherche d'un repreneur sont prises en compte dans la convention de revitalisation conclue entre l'entreprise et l'autorité administrative en application des articles L. 1233-84 et suivants.

 

L’article L. 1233-90-1 du code du travail est abrogé.

(amendements CE 102 et 163)

 

Article 2

Article 2

 

Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport précisant les modalités d’affectation de la pénalité mentionnée à l’article L. 616-1 du code de commerce aux territoires et aux filières concernés.

Dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant un bilan de la mise en œuvre de l’obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement prévue à la section 4 bis du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail et au titre Ier bis du livre VI du code de commerce, en précisant les améliorations qui peuvent être apportées au dispositif.

(amendements CE 103 et 164)

 

TITRE II

TITRE II

 

MESURE EN FAVEUR DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ
PAR LES SALARIÉS

MESURE EN FAVEUR DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ
PAR LES SALARIÉS

Code du commerce

Livre VI : Des difficultés des entreprises.

Titre III : Du redressement judiciaire.

Chapitre Ier : De l'ouverture et du déroulement du redressement judiciaire.

Article 3

Article 3

Art. L. 631-13. – Dès l’ouverture de la procédure, les tiers sont admis à soumettre à l’administrateur des offres tendant au maintien de l’activité de l’entreprise, par une cession totale ou partielle de celle-ci selon les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre IV.

L’article L. 631-13 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

 

« L’administrateur informe les représentants du comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou le représentant des salariés, de la possibilité qu’ont les salariés de soumettre une ou plusieurs offres. »

Alinéa sans modification

 

TITRE III

TITRE III

 

MESURES EN FAVEUR DE L’ACTIONNARIAT
DE LONG TERME

MESURES EN FAVEUR DE L’ACTIONNARIAT
DE LONG TERME

 

Article 4

Article 4

Livre II : Des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique.

Titre III : Dispositions communes aux diverses sociétés commerciales.

Chapitre III : Des filiales, des participations et des sociétés contrôlées.

Section 2 : Des notifications et des informations

Art. L. 233-7. – I. – Lorsque les actions d'une société ayant son siège sur le territoire de la République sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou sur un marché d'instruments financiers admettant aux négociations des actions pouvant être inscrites en compte chez un intermédiaire mentionné à l'article L. 211-3 du code monétaire et financier, toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert qui vient à posséder un nombre d'actions représentant plus du vingtième, du dixième, des trois vingtièmes, du cinquième, du quart, des trois dixièmes, du tiers, de la moitié, des deux tiers, des dix-huit vingtièmes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d'actions ou de droits de vote qu'elle possède.

 

(nouveau). – Au premier alinéa de l’article L. 233-7 du code de commerce, les mots : « des trois dixièmes » sont supprimés.

(amendement CE 165)

Code monétaire et financier

Le premier alinéa de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

Alinéa sans modification

Art. L. 433-3. – I. – Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale, actionnaire d'une société dont le siège social est établi en France, et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, venant à détenir, directement ou indirectement, plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote, ou détenant, directement ou indirectement, un nombre compris entre trois dixièmes et la moitié du capital ou des droits de vote et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmente sa détention en capital ou en droits de vote d'au moins un cinquantième du capital ou des droits de vote de la société, est tenue d'en informer immédiatement l'Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée des titres de la société. A défaut d'avoir procédé à ce dépôt, les titres détenus par cette personne au-delà des trois dixièmes ou au-delà de sa détention augmentée de la fraction d'un cinquantième susmentionnée du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote. […]

1° À la première et à la seconde phrase, les mots : « des trois dixièmes » sont remplacés par les mots : « d’un quart » ;

1° Aux première et seconde phrases, les mots : « des trois dixièmes » sont remplacés par les mots : « du quart » ;

2° À la première phrase, les mots : « trois dixièmes » sont remplacés par les mots : « un quart ».

2° À la première phrase, la seconde occurrence des mots : « trois dixièmes » est remplacée par les mots : « le quart ».

(amendements CE 166 et 192 (Rect))

   

III (nouveau). – Pour l’application du premier alinéa du I de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, le seuil des trois dixièmes du capital ou des droits de vote se substitue au seuil du quart pour toute personne, agissant seule ou de concert au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, qui détient, directement ou indirectement, au 17 juillet 2013, une participation comprise entre le quart et les trois dixièmes du capital ou des droits de vote d’une société mentionnée au I de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, tant que cette participation demeure comprise entre ces deux seuils et dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers.

IV (nouveau). – Le III du présent article et l’article L. 433-3 du code monétaire et financier dans sa rédaction issue du II du présent article sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

L’article L. 233-7 du code de commerce dans sa rédaction issue du I est applicable dans les îles Wallis et Futuna.

(nouveau). – Le présent article entre en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.

(amendements CE 166 et 192 rect)

   

Article 4 bis (nouveau)

Art. L. 433-1-1. – Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe également les conditions dans lesquelles, lorsque plus de trois mois se sont écoulés depuis le dépôt d'un projet d'offre publique sur les titres d'une société, l'Autorité peut fixer, après avoir préalablement demandé aux parties de présenter leurs observations, une date de clôture définitive de toutes les offres publiques portant sur les titres de ladite société.

 

Après l’article L. 433-1-1 du code monétaire et financier, il est inséré un article L. 433-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 433-1-2. – I. – Lorsqu’à la clôture d’une offre publique mentionnée à la présente section 1 ou à la section 2 du présent chapitre, la personne ayant déposé le projet d’offre ne détient pas seule ou de concert, au sens de l’article L. 233-10 du code de commerce, un nombre d’actions représentant une fraction du capital ou des droits de vote supérieure à la moitié, l’offre est caduque de plein droit. Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers fixe les conditions et cas d’application du présent I.

« II. – Lorsqu’une offre mentionnée à la section 2 du présent chapitre est devenue caduque en application du I, la personne ayant déposé le projet d’offre est privée, pour toute assemblée d’actionnaires qui se tiendrait jusqu’à ce qu’elle détienne le nombre d’actions mentionné au même I, des droits de vote attachés aux actions qu’elle détient dans la société pour la fraction excédant :

« 1° Soit le seuil du quart du capital ou des droits de vote, dans le cas où le projet d’offre a été déposé par une personne qui a franchi, directement ou indirectement, le seuil des trois dixièmes du capital ou des droits de vote ;

« 2° Soit le nombre d’actions qu’elle détenait préalablement au dépôt du projet d’offre, augmenté d’un centième du capital ou des droits de vote de la société, dans le cas où le projet d’offre a été déposé par une personne détenant, directement ou indirectement, un nombre compris entre le quart et la moitié du capital ou des droits de vote et qui, en moins de douze mois consécutifs, a augmenté sa détention en capital ou en droits de vote d’au moins un centième du capital ou des droits de vote de la société.

« III. – La personne mentionnée au I de l’article L. 433-3 dont l’offre est devenue caduque en application du I du présent article ne peut augmenter sa détention en capital ou en droits de vote à moins d’en informer l’Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d’offre publique en vue d’acquérir une quantité déterminée des titres de la société. À défaut d’avoir procédé à ce dépôt, les titres détenus par cette personne au-delà de sa détention initiale du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote. »

(amendements CE 167 et 184)

   

Article 4 ter (nouveau)

Art. L. 433-3. – I. – Le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles toute personne physique ou morale, actionnaire d'une société dont le siège social est établi en France, et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un État membre de l'Union européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, agissant seule ou de concert au sens de l'article L. 233-10 du code de commerce, venant à détenir, directement ou indirectement, plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote, ou détenant, directement ou indirectement, un nombre compris entre trois dixièmes et la moitié du capital ou des droits de vote et qui, en moins de douze mois consécutifs, augmente sa détention en capital ou en droits de vote d'au moins un cinquantième du capital ou des droits de vote de la société, est tenue d'en informer immédiatement l'Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée des titres de la société. A défaut d'avoir procédé à ce dépôt, les titres détenus par cette personne au-delà des trois dixièmes ou au-delà de sa détention augmentée de la fraction d'un cinquantième susmentionnée du capital ou des droits de vote sont privés du droit de vote. […]

 

Aux première et seconde phrases du premier alinéa du I de l’article L. 433-3 du code monétaire et financier, le mot : « cinquantième » est remplacé par le mot : « centième ».

(amendements CE 167 et 184)

Code de commerce

Article 5

Article 5

Art. L. 225-123. – Un droit de vote double de celui conféré aux autres actions, eu égard à la quotité de capital social qu'elles représentent, peut être attribué, par les statuts ou une assemblée générale extraordinaire ultérieure, à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il sera justifié d'une inscription nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire.

En outre, en cas d'augmentation du capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission, le droit de vote double peut être conféré, dès leur émission, aux actions nominatives attribuées gratuitement à un actionnaire à raison d'actions anciennes pour lesquelles il bénéficie de ce droit.

Le droit de vote prévu aux premier et deuxième alinéas ci-dessus peut être réservé aux actionnaires de nationalité française et à ceux ressortissant d'un État membre de la Communauté européenne ou d'un État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

I. – L’article L. 225-123 du code de commerce est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« II. – Dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, sauf clause contraire des statuts, un droit de vote double de celui conféré aux autres actions, eu égard à la quotité de capital social qu’elles représentent, est attribué à toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative, depuis deux ans au moins, au nom du même actionnaire.

« En cas d’augmentation du capital par augmentation de réserves, bénéfices ou prime d’émission, le droit de vote double peut être conféré, dès leur émission, aux actions nominatives attribuées gratuitement à un actionnaire à raison d’actions anciennes pour lesquelles il bénéficie de ce droit.

« Sauf clause contraire des statuts, le droit de vote prévu aux quatrième et avant-dernier alinéas du présent article est réservé aux actionnaires de nationalité française et à ceux ressortissants de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen. »

II. – Pour l’application des qua-trième à dernier alinéas de l’article L. 225-123 du code de commerce, la comptabilisation de la durée de l’inscription nominative débute à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.

I. – Le dernier alinéa de l’article L. 225-123 du code de commerce est ainsi rédigé :

« Dans les sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, les droits de vote double prévus au premier alinéa sont de droit, sauf clause contraire des statuts ou opposition d’une assemblée générale extraordinaire ultérieure, pour toutes les actions entièrement libérées pour lesquelles il est justifié d’une inscription nominative depuis deux ans au nom du même actionnaire. Il en est de même pour le droit de vote double conféré dès leur émission aux actions nominatives attribuées gratuitement en application du deuxième alinéa. »

Art. L. 225-124. – Toute action convertie au porteur ou transférée en propriété perd le droit de vote double attribué en application de l'article L. 225-123. Néanmoins, le transfert par suite de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux ou de donation entre vifs au profit d'un conjoint ou d'un parent au degré successible ne fait pas perdre le droit acquis et n'interrompt pas le délai mentionné au premier alinéa de l'article L. 225-123. Il en est de même, sauf stipulation contraire des statuts de la société ayant attribué le droit de vote double, en cas de transfert par suite d'une fusion ou d'une scission d'une société actionnaire.

La fusion ou la scission de la société est sans effet sur le droit de vote double qui peut être exercé au sein de la ou des sociétés bénéficiaires, si les statuts de celles-ci l'ont institué.

 

I bis (nouveau). – L’article L. 225-124 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « transférée », sont insérés les mots : «, directement ou indirecte-ment, » ;

b) À la deuxième phrase, la référence : « au premier alinéa » est remplacée par les références : « aux premier et dernier alinéas » ;

c) À la dernière phrase, les mots : « de la société ayant attribué le droit de vote double » sont supprimés ;

2° À la fin du second alinéa, les mots : « les statuts de celles-ci l’ont institué » sont remplacés par les mots : « celles-ci en bénéficient ».

II. – Pour l’application du dernier alinéa de l'article L. 225-123 du code de commerce dans sa rédaction résultant du I du présent article, la comptabilisation de la durée de l’inscription nominative débute à compter de la date de l’entrée en vigueur de la présente loi pour les actions des sociétés qui n’ont pas usé de la faculté prévue au premier alinéa du même l’article L. 225-123.

III (nouveau). – Le II du présent article et les articles L. 225-123 et L. 225-124 du code de commerce dans leur rédaction résultant des I et I bis sont applicables dans les îles Wallis et Futuna.

(amendement CE 193 rect.)

Code du travail

Article 6

Article 6

 

Le code du travail est ainsi modifié :

Alinéa sans modification

Art. L. 2323-21. – Lors du dépôt d'une offre publique d'acquisition, l'employeur de l'entreprise sur laquelle porte l'offre et l'employeur qui est l'auteur de cette offre réunissent immédiatement leur comité d'entreprise respectif pour l'en informer.

L'employeur auteur de l'offre réunit le comité d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 2323-25.

[…]

 

1° A (nouveau) Le deuxième alinéa de l’article L. 2323-21 est complété par les mots : « et lui indique si l’offre a été sollicitée ou non » ;

(amendement CE 196)

 

1° L’article L. 2323-22 est ainsi rédigé :

1° Après l’article L. 2323-22, il est inséré un article L. 2323-22-1 ainsi rédigé :

Art. L. 2323-22. – L’auteur de l’offre adresse au comité de l'entreprise qui en fait l'objet, dans les trois jours suivant sa publication, la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du code monétaire et financier.

« Art. L. 2323-22. – Si le comité d’entreprise se prononce sur le caractère hostile de l’offre, il peut demander à l’autorité administrative la désignation d’un médiateur choisi sur la liste de personnalités mentionnées à l’article L. 2523-2. La demande est formulée à l’issue de l’audition de l’auteur de l’offre prévue au dernier alinéa de l’article L. 2323-21.

« Art. L. 2323-22-1. – Si l’employeur a indiqué que l’offre n’était pas sollicitée et si le comité d’entreprise se prononce sur le caractère hostile de l’offre, il peut demander à l’autorité administrative la désignation d’un médiateur, choisi sur la liste de personnalités mentionnées à l’article L. 2523-2. La demande est formulée à l’issue de l’audition de l’auteur de l’offre prévue au dernier alinéa de l’article L. 2323-21.

(amendements CE 171, 197)

 

« Le médiateur se prononce sur les points en litige soulevés par le comité d’entreprise qui sont relatifs à la politique industrielle et financière et aux plans stratégiques que l’auteur de l’offre envisage d’appliquer à la société objet de l’offre ainsi qu’aux répercussions de leur mise en œuvre sur l’ensemble des intérêts, l’emploi, les sites d’activité et la localisation des centres de décision de cette dernière société.

Alinéa sans modification

 

« La procédure de médiation prévue à la section II du chapitre III du titre II du livre V est applicable. Toutefois, les recommandations et rap-ports du médiateur sont immédiatement rendus publics et sont reproduits dans la note en réponse établie par la société faisant l’objet de l’offre, ou, s’il y a lieu, dans la note d’information commune établie par l’initiateur et la société faisant l’objet de l’offre. » ;

Alinéa sans modification

 

2° L’article L. 2323-23 est ainsi modifié :

Alinéa sans modification

 

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

Art. L. 2323-23. – Dans les quinze jours suivant la publication de la note d'information et avant la date de convocation de l'assemblée générale réunie en application de l'article L. 233-32 du code de commerce, le comité d'entreprise de l'entreprise faisant l'objet de l'offre est réuni pour procéder à son examen et, le cas échéant, à l'audition de son auteur.

Si le comité d'entreprise a décidé d'auditionner l'auteur de l'offre, la date de la réunion est communiquée à ce dernier au moins trois jours à l'avance.

Lors de la réunion, l'auteur de l'offre peut se faire assister des personnes de son choix. Il présente au comité d'entreprise sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société concernée et les répercussions de la mise en œuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de cette société.

« Préalablement à l’avis motivé rendu par le conseil d’administration ou le conseil de surveillance sur l’intérêt de l’offre et sur les conséquences de celle-ci pour la société visée, ses actionnaires et ses salariés, et avant la date de convocation de l’assemblée générale réunie en application de l’article L. 233-32 du code de commerce, le comité d’entreprise de l’entreprise faisant l’objet de l’offre est informé et consulté sur le projet d’offre. Il peut procéder à l’audition de son auteur. » ;

Alinéa sans modification

L'auteur de l'offre prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise. Ce dernier peut se faire assister préalablement et lors de la réunion d'un expert de son choix dans les conditions prévue à l'article L. 2325-41.

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « des observations éventuellement formulées », sont remplacés par les mots : « de l’avis émis » ;

Alinéa sans modification

 

c) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

Alinéa sans modification

 

« L’avis du comité d’entreprise est reproduit dans la note en réponse établie par la société faisant l’objet de l’offre, ou, s’il y a lieu, dans la note d’information commune établie par l’initiateur et la société faisant l’objet de l’offre. »

Alinéa sans modification

Code du commerce

 

Article 7 (nouveau)

Livre II : Des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique

Titre II : Dispositions particulières aux diverses sociétés commerciales

Chapitre V : Des sociétés anonymes

Section 4 : Des modifications du capital social et de l’actionnariat des salariés

Sous-section 2 : De la souscription et de l’achat d’actions par les salariés

Paragraphe 3 : Des attributions d’actions gratuites

Art. L. 225-197-1

I.-L'assemblée générale extraordinaire, sur le rapport du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, et sur le rapport spécial des commissaires aux comptes, peut autoriser le conseil d'administration ou le directoire à procéder, au profit des membres du personnel salarié de la société ou de certaines catégories d'entre eux, à une attribution gratuite d'actions existantes ou à émettre.

L'assemblée générale extra-ordinaire fixe le pourcentage maximal du capital social pouvant être attribué dans les conditions définies au premier alinéa. Le nombre total des actions attribuées gratuitement ne peut excéder 10 % du capital social à la date de la décision de leur attribution par le conseil d'administration ou le directoire. Dans les sociétés dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation et ne dépassant pas, à la clôture d'un exercice social, les seuils définissant les petites et moyennes entreprises prévus à l'article 2 de l'annexe à la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises, les statuts peuvent prévoir un pourcentage plus élevé, qui ne peut toutefois excéder 15 % du capital social à la date de la décision d'attribution des actions par le conseil d'administration ou le directoire.

 

Le deuxième alinéa du I de l’article L. 225-197-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Après la deuxième phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Ce pourcentage est porté à 30 % lorsque l’attribution d’actions gratuites bénéficie à l’ensemble des membres du personnel salarié de la société. » ;

2° À la dernière phrase, après le mot : « prévoir », sont insérés les mots : «, dans le cas d’attributions gratuites d’actions à certaines catégories des membres du personnel salarié de la société uniquement, ».

(amendements CE 178 et 188)

Code du commerce

 

Article 8 (nouveau)

Livre II : Des sociétés commerciales et des groupements d’intérêt économique

Titre III : Dispositions communes aux diverses sociétés commerciales

Chapitre III : Des filiales, des participations et des sociétés contrôlées

Section 5 : Des offres publiques d’acquisitions

Art. L. 233-32.

I. - Pendant la période d'offre publique visant une société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d'administration, le conseil de surveillance, à l'exception de leur pouvoir de nomination, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doivent obtenir l'approbation préalable de l'assemblée générale pour prendre toute mesure dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres.

III. - Toute délégation d'une mesure dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l'offre, hormis la recherche d'autres offres, accordée par l'assemblée générale avant la période d'offres, est suspendue en période d'offre publique.

Toute décision du conseil d'administration, du conseil de surveillance, du directoire, du directeur général ou de l'un des directeurs généraux délégués, prise avant la période d'offre, qui n'est pas totalement ou partiellement mise en œuvre, qui ne s'inscrit pas dans le cours normal des activités de la société et dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l'offre doit faire l'objet d'une approbation ou d'une confirmation par l'assemblée générale.

Art. L. 233-33.

Les dispositions de l'article L. 233-32 ne sont pas applicables lorsque la société fait l'objet d'une ou plusieurs offres publiques engagées par des entités, agissant seules ou de concert au sens de l'article L. 233-10, dont l'une au moins n'applique pas ces dispositions ou des mesures équivalentes ou qui sont respectivement contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités dont l'une au moins n'applique pas ces dispositions ou des mesures équivalentes. Toutefois, les dispositions de l'article L. 233-32 s'appliquent si les seules entités qui n'appliquent pas les dispositions de cet article ou des mesures équivalentes ou qui sont contrôlées, au sens du II ou du III de l'article L. 233-16, par des entités qui n'appliquent pas ces dispositions ou des mesures équivalentes, agissent de concert, au sens de l'article L. 233-10, avec la société faisant l'objet de l'offre. Toute contestation portant sur l'équivalence des mesures fait l'objet d'une décision de l'Autorité des marchés financiers.

Dans le cas où le premier alinéa s'applique, toute mesure prise par le conseil d'administration, le conseil de surveillance, le directoire, le directeur général ou l'un des directeurs généraux délégués de la société visée doit avoir été expressément autorisée pour l'hypothèse d'une offre publique par l'assemblée générale dans les dix-huit mois précédant le jour du dépôt de l'offre. L'autorisation peut notamment porter sur l'émission par le conseil d'administration ou le directoire des bons visés au II de l'article L. 233-32 ; dans ce cas, l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires statue dans les conditions de quorum et de majorité prévues à l'article L. 225-98.

 

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 233-32 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « d’administration », la fin du I est ainsi rédigée :

« ou le directoire, après autorisation du conseil de surveillance de la société visée, peut prendre toutes décisions dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre, sous réserve des pouvoirs expressément attribués aux assemblées d’actionnaires et dans la limite de l’objet social. » ;

b) Le second alinéa du III est supprimé ;

2° L’article L. 233-33 est ainsi rédigé :

« Art. L. 233-33. – Les statuts d’une société dont des actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé peuvent prévoir qu’en période d’offre publique, les mesures prévues aux I et II de l’article L. 233-32 doivent être autorisées préalablement par l’assemblée générale et que toute délégation d’une mesure dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre, hormis la recherche d’autres offres, accordée par l’assemblée générale avant la période d’offres, est suspendue en période d’offre publique. Cette autorisation peut être requise pour toute offre ou uniquement lorsque l’offre est engagée par une société dont le conseil d’administration ou le directoire, après autorisation du conseil de surveillance, peut prendre toutes décisions dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer une offre dont elle est l’objet sans autorisation préalable de l’assemblée générale. »

(amendement CE 194)

   

TITRE IV

   

MESURES EN FAVEUR DU MAINTIEN DES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES SUR LES SITES QU’ELLES OCCUPENT

(Division et intitulé nouveaux)

Code de l’urbanisme

 

Article 9 (nouveau)

Livre I : Règles générales d’aménagement et d’urbanisme

Titre I : Règles générales d’utilisation du sol

Chapitre I : Règles générales de l’urbanisme

Art. L. 111-3.

La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié.

Peut également être autorisée, sauf dispositions contraires des documents d'urbanisme et sous réserve des dispositions de l'article L. 421-5, la restauration d'un bâtiment dont il reste l'essentiel des murs porteurs lorsque son intérêt architectural ou patrimonial en justifie le maintien et sous réserve de respecter les principales caractéristiques de ce bâtiment.

Titre II : Prévisions et règles d’urbanisme

Chapitre III : Plans locaux d’urbanisme

Art. L. 123-1-3.

Le projet d'aménagement et de développement durables définit les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques.

Le projet d'aménagement et de développement durables arrête les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune.

Il fixe des objectifs de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain.

Art. L. 123-2.

Dans les zones urbaines ou à urbaniser, le plan local d'urbanisme peut instituer des servitudes consistant :

a) À interdire, sous réserve d'une justification particulière, dans un périmètre qu'il délimite et pour une durée au plus de cinq ans dans l'attente de l'approbation par la commune d'un projet d'aménagement global, les constructions ou installations d'une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement ; les travaux ayant pour objet l'adaptation, le changement de destination, la réfection ou l'extension limitée des constructions existantes sont toutefois autorisés ;

b) À réserver des emplacements en vue de la réalisation, dans le respect des objectifs de mixité sociale, de programmes de logements qu'il définit ;

c) À indiquer la localisation prévue et les caractéristiques des voies et ouvrages publics, ainsi que les installations d'intérêt général et les espaces verts à créer ou à modifier, en délimitant les terrains qui peuvent être concernés par ces équipements ;

d) Abrogé.

Art. L. 123-13

I.-Le plan local d'urbanisme fait l'objet d'une révision lorsque l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l'article L. 123-6, la commune envisage :

1° Soit de changer les orientations définies par le projet d'aménagement et de développement durables ;

2° Soit de réduire un espace boisé classé, une zone agricole ou une zone naturelle et forestière ;

3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d'une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance.

La révision est prescrite par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou du conseil municipal.

 

Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° L’article L. 111-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sur les îlots fonciers construits de plus de deux mille mètres carrés, supportant un ou des bâtiments à destination industrielle, sont seuls autorisés les nouvelles constructions, les extensions et les aménagements exclusivement destinés à la poursuite, au maintien et, éventuellement, à la requalification des activités industrielles. » ;

2° Après le deuxième alinéa de l’article L. 123-1-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Il tient compte des implantations industrielles existantes, fixe les modalités de leur dévelop-pement et arrête les objectifs de développement des activités indus-trielles. » ;

3° L’article L. 123-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les espaces et secteurs comprenant des installations indus-trielles et les espaces et secteurs destinés à accueillir des installations industrielles sont en zone d’urbanisation future. Ils ne sont ouverts à l’urbanisation que pour la seule destination industrielle des aménagements et constructions. » ;

4° Après le 3° du I de l’article 123-13, il est inséré un 4° ainsi rédigé :

« 4° Soit de permettre le changement de destination d’une zone où existent des installations industrielles. »

(amendements CE 180 et 190)

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

ADAM (Association de défense des actionnaires minoritaires)

Mme Colette Neuville, présidente

Agence des participations de l’État

Mme Astrid Milsan, directrice des participations

Agence française pour les investissements internationaux (AFII)

M. David Appia, président

Association française des entreprises privées (AFEP)

M. François Soulmagnon, directeur général

Mme Stéphanie Robert, directrice

Mme Odile de Brosses, directrice des affaires juridiques

M. Pierre-Aimery Clarke de Dromantin, directeur des affaires sociales

Autorité des marchés financiers

M. Benoît de Juvigny, secrétaire général

Mme Martine Charbonnier, secrétaire générale adjointe de la direction des émetteurs et de la direction des affaires comptables

M. Bertrand Durupt, directeur de la division des offres publiques à la direction des émetteurs

CE Pilpa

M. Rachid Ait-Ouakli, délégué syndical CGT

M. Christophe Barbier, secrétaire du CE

M. Didier Clanet, salarié

M. Christophe Montsarrat, salarié

CFE-CGC

M. Alain Giffard, secrétaire national au secteur Économie

M. Kevin Gaillardet

CFDT

Mme Isabelle Martin, responsable du suivi des politiques industrielles

Mme Anne-Florence Quintin, secrétaire confédérale en charge des relations avec le Parlement

CFTC

M. Francis Orosco, président fédéral de la CMTE

M. Pierre Rubeck

CGT

M. Mohamed Oussedik, membre du bureau confédéral

M. Nasser Mansouri Guilani

Chambre de commerce et d’industrie Région Paris-Île de France

Mme Cécile André-Leruste élue de la CCI de Région Paris-Île de France

M. Vincent Malassigne, chargé d'études

Mme Véronique Etienne-Martin, conseiller parlementaire, responsable du département Affaires publiques et valorisation des études

Conférence générale des juges consulaires de France

M. Jean-Bertrand Drummen, président de la conférence générale des juges consulaires de France

Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires

M. Marc Sénéchal, président

M. Xavier Huertas, vice-président

M. Alexandre de Montesquiou

Conseil national des tribunaux de commerce

M. Jean-Gabriel Bois, vice-président

M. Yves Lelièvre, président du tribunal de commerce de Nanterre et membre

Mme Sabrina Lalaoui, secrétaire générale

M. Jean-Claude Seugé, président honoraire du Tribunal de commerce de Versailles et président de la commission procédure du CNTC

Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle

Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale

M. Pierre Ramain, sous-directeur des mutations de l'emploi et du développement de l'activité

Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers

M. Vincent Guitton, chef de service

M. Lejeune, sous-directeur du droit des régulations économiques

Direction générale du travail

M. Jean-Henri Pyronnet, sous-directeur adjoint des relations individuelles et collectives de travail

Mme Elise Texier, chef du bureau des relations individuelles du travail

Direction générale du Trésor

M. Sébastien Raspiller

Force ouvrière

M. Pascal Pavageau, responsable secteur économique

M. Philippe Guimard

Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC)

Me Éric Étienne-Martin, président

M. Dominique Mélès, secrétaire général

Mme Dominique Dardel, chargée des relations institutionnelles

MEDEF

M. Michel Guilbaud, directeur général

M. Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques

Mme Isabelle Trémeau, directrice adjointe à la direction Droit de l’entreprise

Proxinvest

M. Pierre-Henri Leroy, président

Syndicats MReal

M. Éric Lardeur, délégué syndical CFE-CGC

M. Thierry Philippot, délégué syndical CGT

Personnalités qualifiées

M. Jean-Louis Beffa, président d’honneur de Saint-Gobain

Me Christophe Clerc, avocat, cabinet Pinsent Masons

Me William Feugère, avocat, membre du Conseil national des Barreaux, président de la commission droit et entreprise, ancien membre du Conseil de l'Ordre, président national des avocats conseils d'entreprises (ACE)

M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement

M. Louis Schweitzer, président d’honneur de Renault

Me Jean-Marie Valentin, avocat, cabinet Sekri Valentin Zerrouk

© Assemblée nationale

1 () http://recherche2.assemblee-nationale.fr/amendements/resultats.jsp?NUM_INIT=1037&LEGISLATURE=14&ORGANE=Affaires%20économiques

2 () Avis n°387.632, au rapport de M. Marchand-Arvier pour la section sociale et de M. Jean-Luc Matt pour la section des finances

3 () Proposition de loi « tendant à garantir la poursuite de l’activité des établissements viables notamment lorsqu’ils sont laissés à l’abandon par leur exploitant », présentée par François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Alain Rousset, Aurélie Filippetti, Jérôme Cahuzac, Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, Alain Vidalies, Michel Liebgott, François Loncle, François Brottes, George Pau-Langevin, Gérard Charasse, Christian Hutin et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (1) et apparentés (2), n° 4412, 28 février 2012.

4 () Dite loi « Pétroplus », en référence à l’entreprise visée par ce texte, et particulièrement sa raffinerie de Petit-Couronne (Seine-Maritime).

5 () Philippe Roussel Galle, Stéphane Vernac, « Sites et établissements : maintenir plutôt que fermer ? », Revue de droit du travail 2013, p. 233 et suivantes.

6 () Philippe Roussel Galle in article précité.

7 () Régime de licenciement qui a été récemment examiné en partie par le Conseil constitutionnel (décision n° 2013-299 QPC du 28 mars 2013, Mme Maïtena V).

8 () Source : étude d’impact du projet de loi de sécurisation de l’emploi.

9 () Dérives du capitalisme financier, Michel Aglietta et Antoine Rébérioux, bibliothèque Albin Michel économie, septembre 2004

10 () Ibid.

11 () Financiarisation de l’économie : Partage de la valeur ajoutée ou partage du risque ?, David Thesmar, Mathias Thoenig

12 () Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France, rapport au Président de la République, Jean-Philippe Cotis, Directeur général de l’Insee, mai 2009

13 () Comment interpréter la directive O.P.A ?, Jean-Louis Beffa, Leah Langenlach et Jean-Philippe Touffut, septembre 2003, Prisme n°1.

14 () Le Monde, 18 juillet 2013.

15 () Should employment authorities worry about mergers and acquisitions? David N. Margolis, IZA Discussion Papers, No. 1994, mars 2006.

16 () Conséquences des fusions-acquisitions sur la gestion de la main-d’oeuvre : une analyse empirique sur les données françaises pour la vague de la fin des années 1990, Matthieu Bunel, Richard Duhautois, Lucie Gonzalez, documents d'études DARES, n° 133, janvier 2008.

17 () La bataille des centres de décision : promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation, Christian Gaudin et Philippe Marini, Sénat, rapport d’information n° 347, 22 juin 2007.

18 () La filière acier en France et l’avenir du site de Florange, Pascal Faure, vice-président du CGEIET, rapport remis au Ministre du redressement productif, 27 juillet 2012

19 () Épargner à long terme et maîtriser les risques financiers, Réflexions sur l’épargne financière des ménages français, Olivier Garnier et David Thesmar, Conseil d'analyse économique, mai 2009

20 () Christian Gaudin et Philippe Marini, Sénat, ibid.

21 () Données Banque mondiale : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/CM.MKT.LCAP.GD.ZS

22 () La détention par les non-résidents des actions des sociétés françaises du CAC 40 à fin 2011, Julien Le Roux, Bulletin de la Banque de France, n°189, 3ème trimestre 2012.

23 () Ibid.

24 () Ibid.

25 () The evolution of hostile takeover regimes in developed and emerging markets: an analytical framework, John Armour, Jack B. Jacobs, Curtis J. Milhaupt, 2011

26 () Comment interpréter la directive O.P.A ?, Jean-Louis Beffa, Leah Langenlach et Jean-Philippe Touffut, septembre 2003, Prisme n°1.

27 () Un regard différent sur l’intervention des autorités en valeurs mobilières dans les mesures de défense, document de consultation, Autorité des marchés financiers, 14 mars 2013.

28 () Corporate takeover in Russia, a comparative analysis of the present Russian market for corporate control, directed and identifying possibilities for improvement, Olga Sergeeva, juin 2009.

29 () Entreprise leader mondial des paiements électroniques, dont l’actionnaire principal est Safran à 30%

30 () OECD’S FDI restrictiveness index : 2010 update, Blanka Kalinova, Angel Palerm et Stephen Thomsen, OECD working papers on international investment No. 2010/3, juin 2010.

31 () The Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS), James K. Jackson, Congressional research service, June 12, 2013

32 () Interview de Gay Sills, présidente du CIFUS, mercredi 12 octobre 2005, La Tribune

33 () En finir avec la mondialisation déloyale ! La réciprocité des efforts, la convergence des règles et l’équité des pratiques, conditions d’une relation commerciale plus équilibrée entre l’Union européenne et ses partenaires,Yvon JACOB, ambassadeur de l’Industrie, Serge GUILLON, contrôleur général économique et financier, rapport remis au ministre des affaires étrangères et au ministre de l'économie, janvier 2012.

34 () Le défi de l’investissement français en Chine, 25 janvier 2011, livre blanc réalisé par les missions économiques de Chine, les conseillers du Commerce Extérieur et la Chambre de commerce française en Chine.

35 () http://recherche2.assemblee-nationale.fr/amendements/resultats.jsp?NUM_INIT=1037&LEGISLATURE=14&ORGANE=Affaires%20économiques

36 () Cette analyse est confirmée par la circulaire DGEFP du 12 juillet 2012 relative à la mise en œuvre de l’obligation de revitalisation instituée à l’article L. 1233-84 du code du travail, obligation de revitalisation qui a le même champ d’application que pour l’obligation de congé de reclassement.

37 () Proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers, présentée par André Chassaigne, François Asensi, Bruno Nestor Azerot, Huguette Bello, Alain Bocquet, Marie-George Buffet, Jean-Jacques Candelier, Patrice Carvalho, Gaby Charroux, Marc Dolez, Jacqueline Fraysse, Alfred Marie-Jeanne, Jean-Philippe Nilor, Nicolas Sansu et Gabriel Serville, n° 116, 24 juillet 2012.

38 () « Considérant que, conformément à l’article 34 de la Constitution, le législateur détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; que, compte tenu des objectifs qu’il s’assigne en matière d’ordre public dans l’équilibre des rapports entre partenaires commerciaux, il lui est loisible d’assortir la violation de certaines obligations d’une amende civile à la condition de respecter les exigences des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789 au rang desquelles figure le principe de légalité des délits et des peines qui lui impose d’énoncer en des termes suffisamment clairs et précis la prescription dont il sanctionne le manquement ».

39 () « Le liquidateur ou l’administrateur lorsqu’il en a été désigné donne au tribunal tous éléments permettant de vérifier le caractère sérieux de l’offre. »

40 () Panorama des pratiques de gouvernance des sociétés cotées françaises, édition 2012, Ernst & Young

41 () Exposées dans 3 arrêts du 4 juin 2002 (Commission c/ France, Portugal et Belgique), confirmés récemment dans 3 affaires Commission c/Portugal (8 juillet 2010, aff. C-171/08 ; 11 novembre 2010, aff. C-543/08 ; 10 novembre 2011, aff. C-212/09) de la Cour de justice des Communautés européennes, devenue Cour de justice de l’Union européenne.

42 () Report on the Proportionality Principle in the European Union, Institut européen de la gouvernance d’entreprise (ECGI), la société Institutional Shareholder Service Europe et le cabinet d'avocats Sherman & Sterling LLP.

43 () Pour un exemple de censure sur le même motif, voir par exemple la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010.

44 () Décision n° 85-187 DC du 25 janvier 1985 sur la loi relative à l'état d'urgence en Nouvelle-Calédonie : « la régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée peut être utilement contestée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ».

45 () Rapport de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, sur l’application de la directive 2004/25/CE concernant les offres publiques d'acquisition, 28 juin 2012

46 () Christian Gaudin, Philippe Marini, Sénat, ibid.

47 () Gouvernance d’entreprise en Europe, Viviane de Beaufort, 2006, Economica

48 () The effect of takeover activity on corporate research and development, in Corporate Takeovers: Causes and Consequences, Hall, B.H., University of Chicago Press, Chicago, 1988